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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 17 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 16 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

GRÈVE DANS L'ÉDUCATION NATIONALE «...»

MM. Manuel Valls, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

APPLICATION DE LA LOI SRU «...»

MM. Gilles Artigues, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

IRAK «...»

MM. Maxime Gremetz, Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.

DÉCENTRALISATION «...»

MM. Robert Lecou, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

ISLAM «...»

MM. Jacques Myard, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

MÉDECINS SPÉCIALISTES «...»

MM. Philippe Vitel, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

REDÉPLOIEMENTS DANS LA POLICE ET LA GENDARMERIE «...»

MM. Marcel Dehoux, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure, et des libertés locales.

SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE «...»

MM. Eric Woerth, Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.

ABATTAGE DES BOVINS EN CAS D'ESB «...»

MM. Dominique Richard, Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

DÉCENTRALISATION ET SOLIDARITÉ «...»

MM. Victorin Lurel, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.

EXPLOITATION PÉTROLIÈRE
AU LARGE DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON «...»

M. Gérard Grignon, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

ORGANISATION DU MONDE SPORTIF «...»

MM. Sébastien Huyghe, Jean-François Lamour, ministre des sports.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

2.  Loi de finances pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Jean-Pierre Brard,
Marc Laffineur,
Didier Migaud,
Charles de Courson.
Clôture de la discussion générale.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Michel Vaxès, le ministre délégué au budget, Mme Marie-Anne Montchamp, MM. Didier Migaud, Charles de Courson, Jean-Pierre Brard. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion du projet de loi de finances à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. Le séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

GRÈVE DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

    M. le président. La parole est à M. Manuel Valls.
    M. Manuel Valls. Ma question s'adresse au ministre de l'éducation nationale.
    Demain, un mouvement sans doute puissant et, dans tous les cas, unitaire, des enseignants, des agents d'entretien, des chefs d'établissement, des parents d'élèves et des étudiants...
    M. Lucien Degauchy. Manipulés par qui ?
    M. Manuel Valls. ... aura lieu pour protester contre la diminution du budget de l'éducation nationale. C'est un fait sans précédent, quelques semaines après la rentrée, qui révèle une préoccupation profonde et une angoisse réelle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe pour la démocratie française).
    Les députés socialistes sont totalement solidaires de ce mouvement (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) car il veut d'abord défendre l'école républicaine.
    M. Jean Marsaudon. Il fallait la défendre avant !
    M. Manuel Valls. Pour vos prédécesseurs, monsieur le ministre, l'éducation était une priorité incontournable. Vous tournez le dos à cette conception.
    En effet, 31 700 emplois ne seront pas au rendez-vous de la rentrée prochaine, dont 20 000 contrats d'aides éducateurs et 5 600 postes de surveillants. Votre réponse hier à ce sujet n'était pas à la hauteur de l'inquiétude qui existe dans les établissements scolaires.
    Jack Lang (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) avait décidé, dans le cadre d'un plan pluriannuel, la création de 5 000 postes de professeurs dans le secondaire avec pour objectif principal d'arracher les jeunes à l'échec scolaire.
    Ces postes, monsieur le ministre, ne verront pas le jour. Vous ne respectez pas la parole de l'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le Gouvernement montre toute son incohérence. On ne peut pas, d'un côté, affirmer qu'on lutte contre la violence et l'échec scolaire, objectif que nous partageons, et, de l'autre, amputer lourdement les crédits pédagogiques et supprimer des postes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française), ce qui ne permettra pas de donner les moyens à la jeunesse de notre pays d'être formée et d'être prête ainsi à affronter la vie.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
    M. Manuel Valls. Vos choix pour l'université et ceux du Gouvernement dans le domaine de la recherche confirment bien que vous ne préparez pas l'avenir. (« La question ! La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur le ministre, d'un côté, vous vous attribuez la paternité des réformes engagées par vos prédécesseurs (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), auxquelles vous avez parfois contribué. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Un peu de calme, chers collègues, M. Valls va poser sa question ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Manuel Valls. Je pense à la lutte contre l'illettrisme et aux nouveaux programmes des écoles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Par ailleurs, vous saccagez les réformes engagées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Valls, posez votre question !
    M. Manuel Valls. Les grévistes et les manifestants sont préoccupés par le devenir de notre système éducatif. Ils doutent de votre volonté de mobiliser les moyens (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. le président. Monsieur Valls, vous avez dépassé votre temps de parole !
    M. Manuel Valls. ... nécessaires au succès de sa mission.
    Monsieur le ministre, que comptez-vous leur répondre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Oui, monsieur le député, l'école doit rester une priorité de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. Elle ne l'est pas !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Oui, l'école est la priorité de la nation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et, monsieur le député, vous ne pouvez pas prétendre que le budget de l'éducation nationale soit un budget d'abandon !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. L'an prochain, il augmentera de 2,2 %... (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)...
    M. Albert Facon. Vous ne créez pas d'emplois !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... et nous créerons 1 000 postes dans le premier degré. Vous n'en aviez, quant à vous, prévu que 800, alors que nous avons besoin de lutter contre l'illettrisme ! Pourquoi n'avez-vous rien fait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    L'an prochain, nous dépenserons 133 millions d'euros pour améliorer les conditions de travail du personnel, ce qui représente une hausse de 40 % par rapport au budget de l'année précédente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Et combien de suppressions de postes ?
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. L'an prochain, nous affecterons 14 millions d'euros au dispositif relais, pour lutter contre la violence scolaire, problème que vous avez laissé, en l'état ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il suffit de regarder les chiffres : depuis dix ans, le recrutement des personnels est en ascension constante (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), alors que le nombre d'élèves est en diminution ! Depuis dix ans, les résultats de l'école stagnent !
    M. Alain Marsaud. Bravo ! Très bien !
    M. Albert Facon. Merci pour les enseignants !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il faut passer d'une logique d'affichage de moyens à une logique d'objectifs et de résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    C'est pourquoi, monsieur le député, alors que le gouvernement précédent a, tour à tour, culpabilisé et anesthésié les professeurs (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), avec eux, nous allons faire un audit de nos vrais besoins (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et fixer les objectifs ! Cela vaut mieux que des effets de manche et l'agitation politicienne ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Application de la loi SRU

    M. le président. La parole à M. Gilles Artigues, pour le groupe UDF.
    M. Gilles Artigues. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, et elle concerne l'article 55 de la loi SRU, solidarité et renouvellement urbain, qui, comme vous le savez, impose à nos communes d'offrir, sur leur territoire, 20 % de logements sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous avons grandement apprécié, bien sûr, le principe de mixité sociale qui sous-tendait cette mesure, mais nous nous apercevons que ce dispositif présente, dans bien des domaines, de nombreux dysfonctionnements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Au départ, certes, l'idée était plutôt bonne et en tout cas généreuse, mais la gauche l'a complètement dévoyée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Oui, mesdames et messieurs de l'opposition, nous nous en sommes bien rendu compte : des choses scandaleuses ont été faites avec l'argent du contribuable.
    Monsieur le ministre, nous souhaiterions donc savoir, très précisément, ce que vous entendez faire pour modifier ce dispositif. De nombreux maires parmi lesquels des députés de tous bords, présents dans cet hémicycle, sont inquiets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de Union pour la démocratie française de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Allez-vous, à la différence de votre prédécesseur, qui a préféré l'idéologie au pragmatisme, faire confiance, dans ce domaine, aux élus locaux ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'article 55 de la loi SRU, qui a suscité de longs débats et parfois même un peu de polémique, énonçait un principe simple : celui de la mixité sociale. Sur ce principe, vous l'avez dit, monsieur le député, nous pouvons tous, sur tous les bancs de cette Assemblée, nous retrouver parce qu'il s'agit d'un principe tout simplement républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'essentiel est de trouver le chemin pour y parvenir. Or, force est de constater que la voie de la coercition n'a pas donné les résultats escomptés.
    C'est pourquoi je travaille, avec des parlementaires, à un texte qui vous sera soumis d'ici à la fin de l'année. Ce texte d'origine parlementaire posera le principe de la contractualisation des communes avec l'Etat. Les communes qui ne voudraient pas passer contrat seront soumises à l'article 55 mais, à mon avis, il n'y en aura pas. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Celles qui accepteront recevront les moyens de construire des logements sociaux et d'assurer cette mixité sociale.
    Ainsi, à la contrainte, nous préférons le contrat et à la coercition, les incitations. Et, de toute façon, nous faisons confiance aux élus locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

IRAK

    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mes chers collègues, laissez M. Gremetz s'exprimer tranquillement.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le Premier ministre, après la guerre du Golfe et onze ans d'embargo, l'Irak est le théâtre d'une tragédie humaine. Un million d'Irakiens, dont 500 000 enfants, y ont perdu la vie.
    M. Yves Fromion. Dites-le à Saddam !
    M. Maxime Gremetz. Or, malgré les innombrables appels lancés par la communauté internationale, le président des Etats-Unis, avec l'assentiment du Congrès, tient un discours guerrier qui fait résonner à travers le monde un bruit de bottes de plus en plus assourdissant.
    Selon les dernières informations, la mobilisation militaire des Etats-Unis en vue de ce qu'ils qualifient, sans vergogne, de guerre préventive est intense. Mais quelles sont les réelles motivations du Président Bush ? Est-il nécessaire de rappeler que l'Irak est le second pays producteur de pétrole de la région ? Est-il besoin également de préciser que les Etats-Unis cherchent à se libérer de leur dépendance énergétique vis-à-vis de l'Arabie Saoudite ?
    Un député du groupe Union pour la démocratie française. Et bla-bla-bla !
    M. Maxime Gremetz. C'est en effet en vue de satisfaire leurs intérêts économiques et géopolitiques que les Etats-Unis comptent attaquer l'Irak et s'y installer durablement. C'est ce que montre un document officiel prévoyant l'instauration d'un gouvernement militaire américain. Cette stratégie foncièrement impérialiste est fondée sur la démonstration de force, sur l'unilatéralisme et l'hégémonisme. La position officielle de l'Irak tendant à accepter de coopérer totalement avec l'ONU, qui se traduit par l'acceptation d'un retour sans condition des inspecteurs en désarmement de l'ONU, montre qu'une alternative à la guerre est possible. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Elle va arriver !
    M. Maxime Gremetz. La France, monsieur le ministre, doit se montrer digne de sa stature internationale en confirmant au Conseil de sécurité de l'ONU, qui va se réunir cette semaine, le refus de se prêter aux objectifs de l'administration américaine, contraires aux intérêts de tous les peuples et de la paix. Elle doit prendre ses responsabilités. (« La question ! La question ! », sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ma question est simple et précise : en cas de proposition de résolution des Etats-Unis, tendant à leur reconnaître un mandat international légitimant une intervention militaire en Irak, la France est-elle prête à utiliser son droit de veto au Conseil de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
    M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le député, notre objectif est le désarmement de l'Irak...
    M. Gérard Bapt. Cela ne sert à rien !
    M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. ... et ceci conformément aux résolutions du Conseil de sécurité. Cela passe, dans un premier temps, par le retour des inspecteurs en Irak dès que possible. L'Irak l'a accepté : il faut prendre Bagdad au mot.
    Dans ce contexte, une nouvelle résolution du Conseil de sécurité n'est pas nécessaire juridiquement, mais elle pourrait, en confirmant la détermination de la communauté internationale et son unité, adresser un signal politique fort à l'Irak.
    Une nouvelle résolution pourrait également préciser les moyens de remplacer l'efficacité des inspections. A cet égard, la France fait pleinement confiance au président de la commission de contrôle et de vérification de l'ONU, M. Blix, et au directeur exécutif de l'AEIA - l'Agence internationale de l'énergie atomique.
    En cas de manquements graves de l'Irak à ses obligations, c'est au Conseil de sécurité qu'il appartient d'en tirer les conséquences et de décider, par une nouvelle résolution, des mesures à prendre. Nous n'excluons à cet égard aucune option. Tel est l'esprit de l'approche en deux temps que la France préconise.
    La France rejette toute idée d'action préventive ou d'automatisme dans le déclenchement du recours à la force.
    Au-delà du cas de l'Irak, il y va de l'ordre international et des principes fondamentaux sur lesquels il repose depuis plus de cinquante ans, c'est-à-dire la primauté du droit et le multilatéralisme.
    La France ne transigera pas sur ces principes et n'acceptera pas, au Conseil de sécurité, un texte qui irait à leur encontre.
    C'est cette approche que nous défendrons encore aujourd'hui lors du débat public au Conseil de sécurité.
    M. Yves Fromion et M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. C'est par la négociation que nous souhaitons arriver à ce résultat. En brandissant son veto dès maintenant, la France se lierait les mains et réduirait les chances de parvenir à un consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle). Il nous appartiendra, le moment venu, de déterminer ce que sera le vote de la France en fonction de l'issue des négociations qui se poursuivent actuellement. A ce stade, il serait prématuré d'en dire plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).

DÉCENTRALISATION

    M. le président. La parole est à M. Robert Lecou, pour le groupe de l'UMP.
    M. Robert Lecou. Monsieur le Premier ministre, proximité et simplification sont des qualités, dont vous avez voulu faire les axes de votre manière de gouverner. Ce matin, vous présentiez le projet de décentralisation en Conseil des ministres. (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste).
    Je voudrais connaître votre point de vue sur cet ambitieux projet qui, précisément, doit favoriser proximité et simplification.
    Nos institutions publiques, si nombreuses et si présentes dans la vie des Français, leur semblent souvent très éloignées. Leur empilage, de la commune jusqu'à l'Europe, ...
    M. Jean Glavany. C'est ce qu'on appelle une question spontanée !
    M. Robert Lecou. ... rend difficile de cerner leurs compétences. Les acteurs politiques, économiques et culturels, bref l'ensemble des acteurs, ainsi que les citoyens, ont du mal à s'y retrouver.
    Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous faire part de votre volonté...
    Un député du groupe socialiste. Il le peut !
    M. Robert Lecou. ... et préciser à la représentation nationale dans quelle mesure votre projet va établir de nouvelles relations entre l'Etat et les différentes collectivités locales, tant au niveau de la répartition des compétences, de l'attribution des ressources propres,...
    M. Gérard Bapt. Parlons-en !
    M. Robert Lecou. ... que du renforcement des contrôles locaux ? Quel équilibre visez-vous, monsieur le Premier ministre, entre l'approfondissement de la démocratie locale, les exigences de l'unité nationale et la nécessaire avancée de l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Monsieur le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il est vrai qu'au début des années 80 les lois Deferre et Mauroy ont donné un nouvel élan territorial à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Ne soyez pas surpris quand vous rencontrez des adversaires du sectarisme ! (Exclamations sur les mêmes bancs. - Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Mais depuis, le centralisme, la bureaucratie, les lourdeurs et les lenteurs ont porté atteinte à l'initiative, à l'énergie des territoires et finalement, cette France centralisée a été particulièrement inégale pour ses territoires et illisible pour ses citoyens.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le Premier ministre. Nous nous souvenons de ce mois de mai : une France contestée dans son impuissance et un besoin de moderniser la République, de la rendre plus active et plus proche de la vie quotidienne des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Voilà pourquoi nous avons engagé une démarche de modernisation profonde de nos institutions républicaines, qui commence par une loi constitutionnelle, dont vous allez débattre. Ce projet de loi constitutionnelle vous donnera, nous donnera, cinq grands leviers de changement.
    D'abord, le principe de subsidiarité, c'est-à-dire le principe de proximité pour faire des transferts nouveaux, aux communes, aux départements, aux régions... des transferts de compétences ! (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).
    Deuxièmement, le droit à l'expérimentation et troisièmement, pour l'Etat, le devoir de péréquation.
    M. Jean-Marc Ayrault. Comment ?
    M. le premier ministre. Quatrièmement, le respect de l'autonomie financière et, cinquièmement, l'appel aux citoyens, par le référendum, par le droit de pétition...
    Mme Martine David. Démagogie !
    M. le Premier ministre. ... pour les placer au coeur même de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Au-delà de ce texte constitutionnel, de notre règle commune, nous allons engager dans le pays un grand débat. Des assises régionales des libertés locales vont permettre à chacun de s'exprimer et de faire remonter du terrain toutes les initiatives et tous les projets.
    Ensemble, nous pourrons ensuite construire une loi organique, qui définira les transferts de compétences et les premières expérimentations, et cela dès le printemps prochain.
    Voilà comment on peut faire vivre la République des proximités. Voilà comment on peut donner aujourd'hui à la vie quotidienne des Français plus de chaleur et plus d'efficacité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

ISLAM

    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe UMP.
    M. Jacques Myard. Monsieur le Premier ministre, la question que je m'apprête à poser au ministre de l'intérieur concerne tous les Français et, bien sûr, le Gouvernement.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, l'islam est aujourd'hui la deuxième religion de France. Selon certaines statistiques, il y aurait entre quatre et cinq millions de musulmans en France. C'est le résultat de l'immigration de ces quarantes dernières années, et même au-delà.
    Nos concitoyens s'interrogent cependant sur la place de l'islam dans notre société et notre république, et leurs interrogations sont légitimes. Ils constatent malheureusement, en effet, que, trop souvent, un phénomène d'intégrisme prend le pas sur les forces de la tolérance dans cette religion.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Faux !
    M. Maxime Gremetz. Et Mgr Lefebvre ?
    M. Jacques Myard. Ils se demandent si cette religion est compatible avec le principe de laïcité qui gouverne notre république. Ils se demandent si des puissances étrangères ne manipulent pas parfois certains groupes de fidèles.
    Vous venez de prendre un certain nombre d'initiatives pour tenter d'organiser ces fidèles en France. Quels principes guident votre action et celle du Gouvernement ? Quel objectif poursuivez-vous ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est exact, monsieur le député, l'islam est la deuxième religion de France, et il n'est guère d'enjeu plus important que réfléchir et travailler sur l'intégration de la communauté musulmane de France et sur sa place dans la République.
    Comme mes prédécesseurs à ce poste, j'essaie de donner à l'islam une représentation nationale qui lui permette de s'exprimer et de trouver sa place à la table de la République, mais il doit s'agir d'un islam de France et non un islam en France, (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Comment y arriver ? La communauté musulmane de France doit pouvoir désigner librement ses représentants, et c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu remettre en cause le principe de l'élection auquel ont droit nos compatriotes musulmans comme tous les autres, mais elle doit aussi être représentée dans sa diversité. Il faut que tous y participent, et je pense notamment aux femmes musulmanes qui doivent trouver toute leur place dans l'organisation du culte musulman. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Emmanuelli. Pour les catholiques aussi, cela n'a pas été facile !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour cela, chacun conviendra que l'élection ne peut pas suffire. C'est pourquoi je suis revenu sur ce qui avait été promis : l'élection à 100 % ne permettait pas la représentation de la diversité de la communauté musulmane de France.
    M. Yves Fromion. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Troisième principe, aucune puissance étrangère, fût-elle amie de la France, ne doit s'occuper de l'organisation de la communauté musulmane de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C'est déjà assez compliqué pour qu'on laisse la République s'en occuper.
    Dernier point : la laïcité. C'est une question très importante. Sans doute est-ce un sujet de débat et je souhaiterais que nous l'ayons plus fortement.
    La laïcité, de notre point de vue, ce n'est pas la négation du fait religieux, c'est la reconnaissance pour chacun de nos compatriotes de vivre sa foi et de la transmettre à ses enfants dans des conditions d'égalité parfaite entre toute les religions de nos compatriotes. (Appplaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

MÉDECINS SPÉCIALISTES

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, les portes des cabinets des médecins resteront fermées aujourd'hui. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ce mouvement traduit l'exaspération et le découragement des professionnels de santé qui demandent depuis fort longtemps à être écoutés et compris.
    Leurs conditions d'exercice sont de plus en plus difficiles. Les causes de ces difficultés sont multiples : absence de réévaluation de la valeur de l'acte médical depuis sept ans, absence de négociation conventionnelle depuis cinq ans,...
    M. Yves Fromion. Eh oui !
    M. Philippe Vitel. ... augmentation permanente des charges et des taxations,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Philippe Vitel. ... maintien d'un statut social et fiscal du praticien libéral empirique,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Philippe Vitel. ... problème de démographie médicale en raison de la réduction du nombre de spécialistes en formation,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Philippe Vitel. ... judiciarisation croissante, désengagement des compagnies assurant les praticiens en responsabilité professionnelle,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Philippe Vitel. ... rapports difficiles avec les caisses d'assurance maladie.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Philippe Vitel. Vous en conviendrez, cela fait beaucoup !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Philippe Vitel. Tout cela est préjudiciable à la qualité des soins et remet aujourd'hui en cause l'existence même des plateaux techniques libéraux et la possibilité pour les Françaises et les Français de consulter des médecins libéraux de proximité.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
    M. Philippe Vitel. Vos premières mesures, telles que la médicalisation de l'ONDAM, la suppression des lettres-clé flottantes et la suppression des comités régionaux médicaux, véritables tribunaux d'exception de la maîtrise comptable, vont dans le bons sens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
    M. Philippe Vitel. Les négociations conventionnelles ont repris. L'augmentation du numerus clausus, bien que timide, est elle aussi un signe fort en direction du corps médical.
    Aujourd'hui, la balle est dans votre camp, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Concluez, mon cher collègue.
    M. Philippe Vitel. La profession attend beaucoup de vous et la confiance semble revenue dans un dialogue de nouveau établi. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour répondre aux inquiétudes que formulent aujourd'hui les médecins spécialistes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Oui, monsieur le député, les médecins spécialistes sont exaspérés et désemparés, et je les comprends. (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste).
    Oui, il est normal qu'ils souhaitent être mieux reconnus, qu'ils ne supportent plus les cadences actuelles et veuillent aussi profiter de l'amélioration de la qualité de vie.
    En quelques mois, nous avons revalorisé l'acte des pédiatres, bien spécifique, nous avons rétabli les avantages sociaux des spécialistes qui n'étaient plus conventionnés, ce qui représente 70 millions d'euros, et nous avons rétabli le dialogue, condition essentielle. Dans les jours qui viennent, le Gouvernement proposera une solution pour l'assurance au regard de la responsabilité civile médicale. Quant au numerus clausus, une augmentation de 400 places me paraît raisonnable. Il n'est pas bon d'avoir des changements brutaux en accordéon. Par ailleurs, j'attends pour le mois de novembre les conclusions d'une mission sur la démographie médicale.
    Le temps du dialogue est revenu ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française). Il appartient aux professionnels et aux caisses d'élaborer ensemble une nouvelle convention médicale avant le 1er janvier. Cette convention devrait être bâtie sur le modèle de l'accord du 5 juin où chacun s'engage de façon équitable. C'est cela la responsabilité partagée !
    Monsieur le député, notre système de santé a besoin de confiance, de dialogue, ...
    M. Maxime Gremetz. Et d'argent !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... responsabilité partagée. C'est la voie que nous avons choisie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).

REDÉPLOIEMENTS DANS
LA POLICE ET LA GENDARMERIE

    M. le président. La parole est à M. Marcel Dehoux, pour le groupe socialiste.
    M. Marcel Dehoux. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense ou à M. le ministre de l'intérieur puisqu'ils ont cosigné une circulaire en date du 26 septembre adressée aux préfets, qui décide un redéploiement, c'est-à-dire des suppressions de commissariats et de casernes de gendarmerie. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    M. Pascal Terrasse. Scandaleux !
    M. Marcel Dehoux. Si l'on peut étudier une évolution de la répartition des zones de compétence entre la police et la gendarmerie, on ne peut accepter la méthode autoritaire et sans concertation avec les élus locaux que vous imposez à la hussarde.
    Plusieurs députés du parti socialiste. Tout à fait !
    M. Marcel Dehoux. Rappelez-vous, mes chers collègues, en 1998, le rapport Hyest-Carraz !
    M. Jean Leonetti. Vous n'avez rien fait alors que vous l'aviez promis.
    M. Marcel Dehoux. Sur les bancs de cet hémicycle, des élus s'étaient insurgés et le Gouvernement avait compris qu'il fallait convaincre et non contraindre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard et M. Philippe Briand. Vous n'avez rien fait.
    M. Marcel Dehoux. Aujourd'hui, dites-vous, les élus locaux seront informés des propositions que les préfets auront arrêtées. C'est bien le moins ! Dans le Nord, par exemple, six commissariats seront rayés de la carte sans concertation préalable avec les parlementaires qui siègent sur ces bancs.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ce n'est qu'une proposition !
    M. Marcel Dehoux. Madame et monsieur les ministres signataires de cette circulaire, votre méthode est aux antipodes de celle que prône M. le Premier ministre et que M. de Robien entend mettre en oeuvre.
    M. Jérôme Lambert. C'est une grosse bêtise.
    M. Marcel Dehoux. Allez-vous continuer à ignorer les élus locaux ou revenir à une concertation en amont des décisions ?
    Dans le premier cas, vous porterez la triste et entière responsabilité d'être en cet automne 2002 à l'origine de la fermeture unilatérale des commissariats et des gendarmeries de province ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour cette question importante, monsieur le député, je suis guidé par un double objectif : faire mien l'excellent objectif de Lionel Jospin en 1998, qui a été le premier à enclencher une réflexion sur le redéploiement, et m'éloigner en tous points de la méthode qui a été retenue à l'époque et qui a conduit à un échec complet. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Les données du problème sont simples. Et cela nous concerne tous.
    Le déploiement et la répartition entre la police et la gendarmerie remonte à 1941. Qui, sur les bancs de cette assemblée, pourrait prétendre avec quelque chance d'être entendu par la population que la répartition de la délinquance n'a pas changé depuis 1941 et qu'il faut graver dans le marbre ce qui a été organisé il y a plus de soixante ans ?
    Comment va-t-on faire ?
    Pourquoi avez-vous échoué ? Pour deux raisons dont j'ai choisi de m'éloigner.
    La première, c'est que M. Jospin, imprudemment, avait décidé qu'il y aurait un schéma national. Vous savez, les schémas nationaux rédigés dans un bureau parisien par des gens qui savent tout et qui considèrent que tous les lieux de la France doivent se ressembler, en niant la part de son histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il n'y a pas de schéma national. Il n'y en aura aucun.
    Notre méthode est aux antipodes. Le 15 novembre, après consultation dans chaque département, je rencontrerai tous les élus locaux.
    Il y a une deuxième différence et elle est de taille. En 1998, vous avez échoué parce qu'on a menti aux Français en leur présentant une réforme qui n'était en fait destinée qu'à une seule chose : masquer la réduction des effectifs dans la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) La réforme qu'au nom du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin je porte, je l'accompagne de 13 000 créations d'emplois. C'est une différence considérable !
    J'ai un dernier message pour vous. J'ai le plus grand respect pour les organisations syndicales, elles sont fort utiles au dialogue social, mais je vous annonce une nouvelle très simple. Désormais, il n'y a plus de cogestion au ministère de l'intérieur. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et tant que je serai ministre de l'intérieur, ce n'est pas une organisation syndicale, engagée par ailleurs dans la défense d'intérêts corporatistes respectables, qui décidera où seront les forces de police et de gendarmerie !
    M. François Hollande. Le dialogue social !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous en discuterons avec les élus, pas avec les organisations syndicales. (Vifs applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE

    M. le président. La parole est à M. Eric Woerth, pour le groupe UMP.
    M. Eric Woerth. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
    Les Français en ont assez des complications administratives. Une administration compliquée est une administration qui ne fait pas confiance à ses usagers. C'est aussi une administration qui s'éloigne. C'est en fin de compte, un Etat qui contrôle plus qu'il n'administre et impulse. Aussi, c'est pour rétablir le lien de confiance entre l'Etat et les Français que le Président de la République et le Premier ministre ont fait de la réforme de l'Etat une priorité.
    La simplification administrative est l'un des aspects fondamentaux de cette réforme. Les Français l'appellent de leurs voeux. Il faut alléger les contraintes qui pèsent sur eux, quotidiennement, dans toutes leurs relations avec l'administration.
    C'est dans cet esprit que Jean-Paul Delevoye et vous-même m'avez adressé ainsi qu'à tous mes collègues un courrier. Vous nous demandez de vous signaler les dysfonctionnements et les lenteurs dans le fonctionnement des administrations ainsi que les incohérences dans la gestion des dossiers dont nous avons pu être saisis dans nos circonscriptions. Vous nous invitez aussi à faire des propositions de simplification.
    Votre initiative est excellente. Pour être efficace, en effet, la réforme suppose que soit engagée une large concertation avec tous les acteurs concernés, c'est-à-dire avec l'ensemble des élus, et je pense aux maires tout particulièrement, et avec les usagers.
    Parce que, dans la majorité, nous sommes des femmes et des hommes de dialogue (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Jean-Jack Queyranne. Cela se voit !
    M. Eric Woerth. ... j'ai répercuté votre courrier aux quatre-vingts maires de ma circonscription dans l'Oise, et nous en parlerons.
    Ma question est simple. Comment, monsieur le secrétaire d'Etat, envisagez-vous de gérer le flux d'informations qui ne manqueront pas de venir vers vous ? Quelle méthode allez-vous adopter pour aborder cet immense chantier de la simplification ? Enfin, plus généralement, dans quelle perspective et dans quel calendrier vous inscrivez-vous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le député, vous avez raison de dire que la simplification doit être au coeur de la réforme de l'Etat. Nous avons en France trop de lois et de règlements, de contrôles, et les procédures sont beaucoup trop lourdes. Pour donner une idée de l'ampleur de la tâche, je rappelle que près de 8 000 lois et près de 40 000 décrets et règlements sont en vigueur.
    M. Jérôme Lambert. Supprimez les ministres !

    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. C'est un gaspillage d'énergie et de moyens pour l'Etat, cela affaiblit l'autorité de la loi, ce à quoi nous devrions tous être sensibles dans cette assemblée, et c'est un empoisonnement quotidien pour nos concitoyens.
    Le Premier ministre a parfaitement résumé cela en disant que la vie des Français est devenue beaucoup trop compliquée et que l'Etat n'a pas peu contribué à cette évolution.
    Le mal ne cesse d'ailleurs de s'aggraver. Je rappelle qu'au cours de la législature précédente, le nombre de textes publiés a augmenté de plus d'un tiers chaque année. Le Premier ministre a donc demandé à l'ensemble du Gouvernement d'entamer une simplification radicale.
    M. Jean-Pierre Brard. Radicale de droite !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il faut d'abord éviter d'aggraver le mal. Jean-Pierre Raffarin a donné des instructions très fermes pour que les lois qui vous seront présentées soient claires et que l'on s'assure, avant de les voter, qu'elles seront appliquées sur le terrain. Mais il faut aussi simplifier et alléger.
    M. François Lamy. En commençant par le discours !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Pour cela, avec Jean-Paul Delevoye, nous avons écrit à tous les parlementaires pour leur demander leur concours. Les élus sont, en effet, les meilleurs représentants des usagers. C'est vous qui êtes sur le terrain, c'est vous qui pouvez vous faire l'avocat du bon sens.
    M. Marcel Dehoux. Dites-le au ministre de l'intérieur !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Nous avons d'ailleurs déjà de nombreuses contributions très intéressantes.
    M. le président. Merci de votre réponse...
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Le Premier ministre fera une synthèse des contributions des ministres et des parlementaires et, dès le début de l'année prochaine, une loi d'habilitation sera votée, permettant de simplifier par ordonnances. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ABATTAGE DES BOVINS EN CAS D'ESB

    M. le président. La parole est à M. Dominique Richard, pour le groupe UMP.
    M. Dominique Richard. Ma question s'adresse à M. le minsitre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Le 28 septembre 1997, la France mettait en place l'abattage systématique des troupeaux au sein desquels un cas d'ESB avait été constaté. Depuis cette date, 689 cas ont été établis, et l'abattage total aura coûté en moyenne plus de 100 millions d'euros par an. Le 21 septembre 2000, le comité scientifique directeur de l'Union européenne, puis, le 19 juin 2001, le conseil des ministres de l'agriculture recommandaient de limiter l'abattage aux cohortes de naissance de la bête malade. L'Allemagne, l'Italie, le Portugal, l'Espagne et les Pays-Bas ont depuis lors mis en place cette directive et les viandes produites dans ces pays sont d'ores et déjà sur nos marchés. Après un premier avis favorable de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, le Gouvernement mettait en place en février dernier l'abattage sélectif préservant les animaux nés après le 1er janvier 2002.
    Vendredi dernier, 10 octobre, l'AFSSA rendait public un nouveau rapport qui concluait à la possibilité de mettre en place l'abattage « des seules cohortes du cas, sans diminuer le niveau de sécurité pour le consommateur ». Dès cet avis connu, vous avez engagé une concertation avec les associations de consommateurs, puis les professionnels.
    Monsieur le ministre, compte tenu de ces consultations et des conclusions de l'AFSSA, le Gouvernement envisage-t-il de prendre rapidement les dispositions permettant de limiter l'abattage aux seules cohortes des bêtes touchées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, il y a quelques années, en effet, a été mis en place l'abattage systématique des troupeaux. Depuis cette date, un certain nombre de progrès sont intervenus avec, notamment, la généralisation des tests de dépistage. Cet abattage systématique désespère les paysans et trouble les citoyens. Mais, en matière de sécurité sanitaire et alimentaire, la santé publique doit être bien évidemment la mesure de toute chose. C'est la raison pour laquelle, sur ces questions-là, nous procédons en trois étapes.
    La première étape est celle de l'expertise indépendante. Et l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments nous a rendu la semaine dernière un avis qui conclut à la possibilité de passer à l'abattage de la seule cohorte de la bête malade sans risque accru pour le consommateur.
    La deuxième étape est celle de la concertation. Celle-ci a commencé il y a quelques jours avec les associations de consommateurs et les professionnels du secteur.
    Vient, enfin, le temps de la décision. Et je puis vous annoncer, monsieur le député, que je signerai très bientôt l'arrêté qui permettra de passer à l'abattage de la seule cohorte de la bête malade.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉCENTRALISATION ET SOLIDARITÉ

    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste.
    M. Victorin Lurel. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous venons d'entendre M. le Premier ministre affirmer, ici, dans cette enceinte, sa volonté de conduire un projet « ambitieux » en matière de décentralisation. Mais cela commence bien mal ! Le budget 2003 sera très dur pour les collectivités locales, et donc pour les Français.
    La dotation globale de fonctionnement augmente moins vite que l'inflation,...
    M. François Goulard. Ce n'est pas vrai !
    M. Victorin Lurel. ... le fonds de péréquation baisse, dramatiquement, de 18 %. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale ne demeurent stables que grâce à des tours de passe-passe budgétaires, la dotation intercommunalité connaît une baisse importante pour de nombreuses communautés (Exclamations sur les mêmes bancs), la dotation de compensation de la taxe professionnelle est elle aussi en baisse de 5,16 %.
    Mme Ségolène Royal. Eh oui !
    M. Victorin Lurel. A cela s'ajoutent l'augmentation pour trois ans, et sans concertation aucune, des cotisations patronales des collectivités territoriales à la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la baisse de budgets pourtant fondamentaux pour les collectivités locales, comme celui du logement, de la ville, mais également la baisse importante des contrats aidés, ainsi que la suppression des emplois-jeunes, suppression particulièrement dramatique pour les jeunes, notamment dans l'outre-mer.
    M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
    M. le président. Elle va arriver.
    M. Victorin Lurel. Jacques Chirac, dans son discours de Troyes, affirmait : « La solidarité nationale devra continuer de s'exercer entre les territoires, à travers une équation financière entre les collectivités locales. »
    M. Roland Chassain. La question !
    M. Victorin Lurel. Mais de quelle équation financière s'agit-il ? Celle qui tire les territoires vers le bas, en les laissant assumer seuls les compétences dont l'Etat se déleste ! Celle qui préfère baisser les impôts nationaux pour les plus riches, et provoque une hausse spectaculaire des impôts locaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) L'équation financière qui est proposée, c'est en vérité la baisse des ressources, les charges nouvelles, l'accroissement massif des inégalités, la hausse des impôts locaux, et la décentralisation des déficits.
    M. Philippe Briand. La question !
    M. le président. Monsieur Briand, laissez parler votre collègue.
    M. Victorin Lurel. Ma question est donc simple : comment comptez-vous faire pour que l'Etat assure ses missions et garantisse l'égalité entre les citoyens et entre les territoires ?
    M. le président. Merci, cher collègue.
    M. Victorin Lurel. En un mot, comment comptez-vous faire pour que la décentralisation soit républicaine et solidaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et entre du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Lurel, je vous le dis sans passion, vos chiffres sont inexacts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Ségolène Royal. Ce sont les chiffres officiels !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. L'augmentation de la dotation globale de fonctionnement est très nettement supérieure à l'inflation, puisqu'elle sera de 2,3 % alors que l'inflation se situera entre 1,2 % et 1,5 % suivant les estimations.
    Quant au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, il ne baisse pas de 18 %. Mais je ne vous en veux pas, la tuyauterie des finances locales est suffisamment compliquée pour qu'on s'y perde. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. C'est vous qui dites ça ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Sans doute, monsieur Lurel, voulez-vous parler de la dotation de majoration du fonds national de péréquation, ce qui n'est pas le fonds lui-même. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. C'est le résultat qui compte !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. J'y viens, si du moins vous me laissez une petite chance de m'exprimer. En réalité, même cette dotation de majoration ne baissera pas, car l'année dernière elle avait fait l'objet d'un abondement exceptionnel par le gouvernement Jospin (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) et la commission des finances de l'Assemblée nationale a proposé de reconduire purement et simplement cette mesure. Par conséquent, le fonds national de péréquation sera stable.
    Il en est de même, si vous me le permettez, pour ce qui concerne la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale. Le Gouvernement fait la même chose que le gouvernement Jospin précédemment. (Exclamations sur les même bancs.)
    M. Augustin Bonrepaux. Ça, ce n'est pas vrai !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce qui était vérité avec M. Jospin ne devient pas erreur avec M. Raffarin.
    De même, en ce qui concerne la CNRACL, la politique du Gouvernement consiste à atteindre un parfait équilibre entre l'effort des employeurs, celui des collectivités locales et celui de l'Etat. Or, nous avons hérité d'un déficit de la CNRACL, qu'il faut bien combler d'une manière ou d'une autre.
    Voyez-vous, monsieur le député, la décentralisation est une chose trop sérieuse pour qu'elle fasse l'objet de vaines polémiques, comme celles auxquelles on se livre trop souvent. Le Premier ministre vous a dit tout à l'heure avec beaucoup de loyauté et d'honnêteté intellectuelle...
    M. le président. Monsieur le ministre...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... que la décentralisation décidée par Gaston Defferre a été une bonne chose.
    M. Alain Néri. Vous ne l'aviez pas votée !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Oui, nous avons voté contre et nous avons eu tort,...
    M. le président. Monsieur le ministre, vous avez répondu. Ne nous lançons pas dans une polémique.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... comme vous avez eu tort de voter contre la décentralisation proposée par le général de Gaulle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

EXPLOITATION PÉTROLIÈRE
AU LARGE DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

    M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon, pour le groupe UMP.
    M. Gérard Grignon. Ma question concerne les ministres chargés des affaires étrangères, de l'outre-mer et de l'industrie. Depuis 1987, dans le Nord-Ouest atlantique, les sociétés pétrolières nord-américaines exploitent le gisement Hibernia et, depuis 2000, le gisement gazier de l'île des Sables à l'entrée du golfe du Saint-Laurent. Les ressources du seul gisement Hibernia sont estimées à plus de 50 % de la totalité des ressources exploitables de l'Europe du Nord, et plusieurs plates-formes doivent suivre, pour atteindre à terme un total de quinze sites exploitables.
    L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon est situé en plein coeur de ces ressources en hydrocarbures et Exxon Mobil possède le permis de recherche exclusive en zone économique française.
    Les gisements, mesdames et messieurs les ministres, sont évidemment transfrontaliers et exigent que soient déterminées dans le cadre de traités dits d'unitisation les délimitations, les modalités d'exploitation et les retombées économiques et financières sur les deux pays, et évidemment sur Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Cela fait l'objet de discussions bilatérales entre la France et le Canada depuis déjà deux ans, sans que notre pays obtienne de résultat probant, significatif. Le dossier semble bloqué depuis le début de l'année 2002. Le silence est de rigueur et, pendant ce temps, le Canada avance et les sociétés pétrolières nord-américaines se servent.
    M. Yves Fromion. Très juste !
    M. Gérard Grignon. En fait, jusqu'à présent, la France n'a mis à contribution ni les moyens, ni les expériences, ni les compétences techniques nécessaires, dans ce domaine si particulier de l'exploitation des hydrocarbures offshore, pour négocier avec efficacité et sur un pied d'égalité avec les Canadiens.
    Ma question est donc la suivante, mesdames et messieurs les ministres : pouvez-vous faire le point sur ce dossier et surtout nous dire si le Gouvernement a conscience de l'importance des enjeux...
    M. Gérard Bapt. Non !
    M. Gérard Grignon. ... et, en conséquence, la volonté de mettre en place les moyens matériels et humains indispensables au service d'une véritable stratégie pour la défense de ses intérêts dans cette partie du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, vous venez d'évoquer un dossier qui est d'une très grande importance pour l'avenir de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, car il est fortement porteur d'espoir pour son développement économique. Je vous rassure : nous avons pris pleinement conscience de l'importance de ses enjeux, notamment au regard de la place de la France dans l'Atlantique-Nord.
    De quoi s'agit-il ? Nous avons, c'est vrai, des perspectives très sérieuses d'exploitation d'hydrocarbures dans la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon, laquelle est enclavée dans les eaux canadiennes. Cette situation implique de mener avec les Canadiens des négociations difficiles sur deux points fondamentaux qui sont, d'une part, la répartition des retombées économiques de cette future exploitation et, d'autre part, l'organisation de l'avitaillement des futures plates-formes pétrolières.
    Cette négociation, que nous aborderons sans complexes et avec une très forte détermination, nous n'avons pas l'intention de la mener en position d'infériorité ni de faire des concessions qui ne correspondraient pas aux intérêts de l'archipel. Nous n'adopterons pas des positions qui ont été prises par le passé, notamment en 1992, lors de la délimitation fort regrettable de la frontière maritime entre la France et le Canada.
    Monsieur le député, je peux vous assurer que je ne ménagerai pas ma peine, et que je déploierai toute mon énergie pour régler ce dossier, comme nous avons réglé en 1994, avec Dominique Perben, le conflit de la pêche avec le Canada qui a mis fin à vingt ans de frottements entre nos deux pays après avoir fait peser sur l'ensemble de l'archipel une atmosphère de désespoir.
    Dès le mois de décembre prochain, nous aurons une négociation avec le Canada sur ce dossier des hydrocarbures. Nous la préparons activement et à l'occasion de ma prochaine venue à Saint-Pierre-et-Miquelon fin novembre, j'organiserai avec vous et l'ensemble des élus de l'archipel une concertation pour que, ensemble, nous définissions la stratégie la plus efficace à adopter dans nos relations avec le Canada sur cet important dossier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

ORGANISATION DU MONDE SPORTIF

    M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe UMP.
    M. Sébastien Huyghe. Ma question s'adresse à M. le ministre des sports.
    La spécificité du modèle français en matière d'organisation du monde sportif traverse une crise qui menace ses fondements. L'unité sportive entre amateurs et professionnels est remise en cause par certains acteurs majeurs du sport. C'est cette situation, monsieur le ministre, que vous avez trouvée à votre prise de fonction. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) En sport aussi, les cinq dernières années ont été caractérisées par une absence de dialogue. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Alors que, durant cette période, l'appareil législatif s'est considérablement développé, les responsables sportifs n'ont pas toujours été suffisamment associés et consultés. Cette écoute défaillante de l'Etat a conduit aux tensions comme celles qui marquent actuellement le monde du footbal et celui du rugby, où les représentants du monde amateur s'opposent aux professionnels. Si, par exemple, le vote du budget de la Fédération française de football, la semaine dernière, a permis de désamorcer la crise, il ne l'a cependant pas résolue.
    Monsieur le ministre, quelle est votre analyse de cette situation, qui risque de remettre en cause le mode d'organisation du sport qui a permis à notre pays de se distinguer dans de nombreuses disciplines, comme en volley-ball encore ce week-end ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre des sports.
    M. Jean-François Lamour, ministre des sports. La situation du sport français est paradoxale.
    D'une part, il rencontre des succès. Vous avez rappelé, monsieur le député, celui de l'équipe de France de volley-ball, qui a remporté une médaille de bronze aux championnats du monde en Argentine, mais on pourrait aussi évoquer la finale de coupe Davis qui nous attend à Bercy dans quelques semaines. Il faut également rappeler que 14 millions de pratiquants évoluent dans les clubs sportifs, ce qui montre le dynamisme du sport dans notre pays.
    Mais, d'autre part, les fédérations rencontrent de plus en plus de difficultés pour organiser le sport et faire en sorte qu'il puisse se développer dans les meilleures conditions. Cela est très certainement dû à un environnement économique et international de plus en plus compliqué, mais je pense que cela est aussi dû, en effet, monsieur le député, à la distension des liens entre le monde amateur et le monde professionnel, comme si on voulait entretenir entre eux une opposition.
    En matière de sport, notre pays a vécu ces dernières années à un rythme législatif soutenu : loi sur le sport, loi contre le dopage, loi sur le sport professionnel. Ce cadre législatif est indispensable, mais force est de constater qu'il ne suffit pas. Il était temps de renouer le dialogue, la concertation avec l'ensemble des acteurs du mouvement sportif français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Il était temps que vous arriviez ! Tout cela va s'éclaircir !
    M. le ministre des sports. Effectivement !
    C'est dans cet esprit, et selon le souhait du Président de la République et du Premier ministre, que j'ai mis en place - en partenariat étroit, cette fois-ci, avec le mouvement sportif - les états généraux du sport qui, pendant trois mois, réuniront l'ensemble des partenaires et devront déboucher sur un certain nombre de mesures, et de mesures immédiatement applicables.
    Par exemple, en matière de formation, je vous rappelle que 50 000 diplômés homologués fédéraux ne pourront plus exercer début janvier si l'on ne fait rien. Je vous rappelle également que le Fonds national de développement du sport, qui est maintenant un outil incontournable pour le mouvement sportif, disparaîtra fin 2004 si nous ne faisons rien. Enfin, dans le cadre de l'articulation et de la clarification des compétences, il faut instaurer de nouvelles relations entre les collectivités locales, le mouvement sportif et l'Etat.
    Mais mon principal objectif, dans ces états généraux, c'est de préserver un modèle qui est somme toute assez original en Europe et dans le monde, un modèle qui détermine ce partenariat entre les différents interlocuteurs, je l'ai rappelé à l'instant, mais qui, surtout, donne un rôle central aux fédérations. C'est en leur sein et uniquement en leur sein que nous pourrons réaffirmer l'unité du mouvement sportif, et surtout les principes de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCES POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion générale.
    Dans la suite de cette discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Je lui rappelle qu'il dispose de quinze minutes.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, je me permets d'abord de vous faire remarquer que la gauche est majoritaire dans cet hémicycle,...
    M. Michel Bouvard. Non !
    M. Jean-Pierre Brard. ... ce qui prouve à quel point la majorité actuelle se sent concernée par ce débat.
    M. Charles de Courson. Et l'opposition, alors ?
    M. Jean-Pierre Brard. La discussion du projet de loi de finances pour 2003, que nous entamons cette semaine, devait, à l'origine, se présenter sous le signe de la reprise économique et de la croissance retrouvée, sous lequel s'était placé le Président de la République le 14 juillet dernier, comme sous une bonne étoile.
    Le Président de la République ne déclarait-il pas : « Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y aura une poursuite de l'allégement de l'impôt sur le revenu, si c'est cela que voulez savoir. » Et celui-ci de préciser : « Quand je parle de baisse des impôts et des charges, je ne suis pas en train d'affirmer un credo politique ou idéologique. C'est une mesure de sauvegarde, c'est vital. Ce n'est pas un choix politique. C'est une survie, c'est un choix de survie. Si nous ne le faisons pas, alors, nous continuerons à nous enfoncer par rapport à nos voisins et, donc, à augmenter notre chômage et notre pauvreté ».
    Enfin, à un journaliste qui lui demandait : « Est-ce que cela peut vouloir dire qu'en 2004 les Français peuvent s'attendre à un peu de rigueur ? », il répondait : « Je ne pense pas du tout, compte tenu de ce que je viens de vous dire des perspectives de croissance, que la rigueur soit à l'ordre du jour. »
    Aujourd'hui, seulement trois mois plus tard, les déclarations optimistes ont fait place, pour le moins, à un flottement quant aux orientations de la politique budgétaire et économique. Le Président de la République a certes reparlé, lundi dernier, de la réduction des impôts, mais, monsieur le ministre délégué au budget, vous vous êtes empressé, intervenant avec raison et faisant preuve de précaution, de préciser que cette annonce était conditionnée à une croissance de 3 %, ce que nous ne sommes pas prêts de revoir, comme vous le savez.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ne vous réjouissez pas trop vite !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne m'en réjouis pas, d'autant que ce serait aux dépens de l'intérêt de notre pays !
    Je ne fais que constater les contradictions du Gouvernement, lesquelles sont évoquées dans un article paru dans Le Parisien de ce matin. Ce journal, qui n'est pas de gauche, mais qui bat plutôt à l'unisson avec vous...
    M. Charles de Courson. Serait-ce une critique ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... a publié, monsieur Charles-Amédée du Buisson de Courson, une sorte de florilège de ce que les uns et les autres ont déclaré.
    Monsieur Mer, vous avez dit ici même - le Journal officiel en fait foi : « A partir de 2004 nous continuerons à aller vers la voie de la discipline et de la rigueur », contredisant ainsi le Président de la République, ce qui prouve d'ailleurs que vous n'êtes pas un esprit aligné. (Sourires.)
    Alors que le Président de la République a précisé que « la baisse des impôts et des charges sera méthodiquement poursuivie au cours des prochaines années », M. Lambert, quant à lui, a déclaré hier dans Les Echos que « les baisses d'impôts seront appliquées en totalité dès lors que la croissance sera de 3 % », ajoutant sur France 3 que « le taux de croissance n'a finalement pas autant d'importance qu'on veut bien le dire sur les recettes fiscales ». Vous savez bien, monsieur le ministre délégué au budget, que, quand on a peur d'avoir de la température, le plus efficace - et d'ailleurs cela contribue à l'équilibre financier des régimes sociaux - consiste à casser le thermomètre plutôt qu'à prendre des médicaments. (Sourires.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a également déclaré hier : « La cible est claire : c'est l'équilibre budgétaire au plus tard en fin de législature », soit en 2007. Je ne sais pas si, pour vous, monsieur le ministre, c'est clair, mais il m'étonnerait que cela le soit pour nos concitoyens.
    Les promesses qui ont été faites, et en particulier celles du Président de la République, sont à éclipses. Il est vrai que ce dernier est l'auteur de la fameuse formule selon laquelle les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.
    M. Jean-Yves Chamard. Mais non, ce n'est pas lui !
    M. Michel Bouvard. Je pensais que c'était Mitterrand !
    M. Marc Laffineur. Ou Georges Marchais !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, pas du tout, vous ne connaissez pas vos classiques, monsieur Laffineur. Mais cela ne m'étonne pas de vous.
    M. Jean-Yves Chamard. L'auteur de la formule en question est Charles Pasqua !
    M. Jean-Pierre Brard. D'ores et déjà, les budgets pour 2003 de certains ministères sont ponctionnés - je pense, par exemple, aux crédits concernant la recherche, la culture, l'éducation ou l'emploi -, mais surtout le terme de « rigueur », qui, il y a seulement trois mois, était banni au plus haut niveau de l'Etat, a fait son apparition dans votre langage, monsieur le ministre.
    Les contribuables et les consommateurs, qui, faut-il le rappeler, paient tous des impôts indirects, peuvent légitimement s'interroger et s'inquiéter devant les revirements et la cacophonie qui caractérisent le discours du Gouvernement. Au reste, curieusement, quand vous évoquez la baisse des impôts, vous ne parlez jamais de celle des impôts indirects comme la TVA, que paient pourtant tous les consommateurs, quels que soient leurs revenus : ainsi, M. Messier ne paie pas plus d'impôts sur sa baguette de pain que Mme Dupont qui n'a pour seul revenu que le RMI !
    Les Français, encore incrédules, bien que déjà échaudés en 1995, voient à nouveau se profiler le tournant de la rigueur, de triste mémoire.
    Bien entendu, vous invoquez à votre décharge les difficultés de la situation économique. Mais vos choix politiques, loin de combattre ou de contenir la dégradation des finances et de l'emploi, ne font que l'aggraver. Tel est le problème. Les mesures que vous proposez dans cette loi de finances, loin d'être de nature à redynamiser la croissance, ne pourront que générer gâchis et injustices en enracinant plus profondément le mal dont souffrent l'économie et la société françaises.
    Les réductions de l'impôt sur le revenu, par exemple, ciblées, quoi que vous en disiez, sur les contribuables les plus riches, ne favoriseront aucunement la demande, mais nourriront ce que vous appelez par antiphrase « l'épargne » - comme si vous pensiez au livret A - et les placements spéculatifs. Ce choix est à la fois injuste et contre-productif, alors qu'une réduction de la TVA permettrait de soutenir la consommation populaire, précisément à un moment où l'augmentation du chômage et la baisse du moral des Français, dont vous êtes largement responsables, risquent de mettre très vite en panne le seul moteur de la croissance qui tienne encore aujourd'hui : la consommation des ménages.
    On ne peut que déplorer également les cadeaux fiscaux accordés aux entreprises sans contrepartie, alors que l'actualité des derniers mois confirme que les marges de manoeuvre financières supplémentaires dont ont pu bénéficier les grands groupes au cours des dernières années ont surtout permis de financer des opérations - notamment d'acquisition de filiales à l'international - qui se sont révélées hasardeuses, coûteuses, voire ruineuses et, qui plus est, meurtrières pour l'emploi.
    M. Michel Bouvard. Vous voulez parler d'EDF ?
    M. Jean-Pierre Brard. Chacun pense à M. Bon ou à M. Messier.
    M. Michel Bouvard. Ou à M. Roussely ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bouvard, vous avez certainement des ambitions pour remplacer M. Roussely, mais dites-moi, la dette d'EDF est-elle comparable à celle de France Télécom ? Y a-t-il eu à EDF des manipulations comparables à celles dont M. Messier s'est rendu coupable en tansférant l'endettement et les déficits de Vivendi Universal sur Vivendi Environnement, pour les « siphonner » dans les canalisations de l'eau que boivent les contribuables ? Je suis sûr que les turpitudes de M. Messier ont fait des victimes jusques et y compris dans la vallée de la Maurienne.
    Les nouveaux avantages fiscaux que vous accordez aux entreprises, à hauteur de 3 milliards d'euros, ne vont donc pas relancer la croissance. En effet, ce dont ont besoin les entreprises pour se développer, monsieur Francis Mer, ce n'est pas de cadeaux financiers. A ce propos, je me rappelle avoir un jour entendu un fabricant de chaussures déclarer sur France Info : « Moi, je n'ai pas besoin de leur prime pour l'emploi : j'ai besoin de gens qui m'achètent mes chaussures ! » Pour comprendre un raisonnement aussi simple, il n'est pas nécessaire d'avoir usé ses fonds de culotte sur les bancs de l'ENA mais, si l'on s'en inspirait davantage, on répondrait mieux aux demandes des chefs d'entreprise et on favoriserait l'emploi plus que vous ne le faites avec des mesures qui, au contraire, vont l'appauvrir.
    Il ne sert à rien de prendre des dizaines de mesures pour créer des entreprises à 1 euro l'entreprise si celles-ci n'ont pas de clients. Or, en ciblant vos mesures d'allégement fiscal en direction des ménages aisés, vous ne stimulez pas la consommation car les besoins de ces ménages sont déjà, et vous le savez bien, monsieur Laffineur, largement satisfaits. C'est vers les foyers modestes qu'il faudrait orienter l'allégement de la fiscalité car ces foyers ont, eux, des besoins de consommation non satisfaits et ils sont en attente de pouvoir d'achat pour y répondre.
    Savez-vous, messieurs les ministres, ce que font les foyers modestes dès qu'ils ont un peu plus d'argent ? Eh bien, au risque de vous décevoir, ils n'achètent pas des actions, ils ne boursicotent pas, mais ils mettent leurs familles un peu plus à l'aise et, par ricochet, ils font tourner nos entreprises.
    En vous obstinant à avantager financièrement les ménages aisés et à consentir des cadeaux sans contrepartie, vous allez freiner davantage la croisssance, qui est déjà fort poussive. Et ce n'est pas moi qui le dis, messieurs les ministres, mais c'est l'Observatoire français des conjonctures économiques, qui ne me semble pas être un nid de la subversion internationale. Selon ses calculs, l'impulsion budgétaire découlant du programme pluriannuel de finances publiques serait négative sur la période 2004-2006, amputant l'activité de 0,5 point de PIB par an. Vous allez ainsi, après maintes tergiversations il est vrai, passer sous les fourches caudines de la Commission de Bruxelles, accrochée au pacte de stabilité et au dogme de l'équilibre budgétaire, alors que la conjoncture dégradée appelle à l'évidence une grande souplesse en matière de déficits publics.
    Cela conduit dans l'impasse et à des contradictions insurmontables, sinon à faire payer l'addition aux contribuables modestes de notre pays.
    Dans la perspective du retour à la rigueur, les collectivités locales ont de quoi être méfiantes lorsque le Gouvernement présente une réforme de grande ampleur au nom de la décentralisation.
    Les transferts de compétences nouvelles aux collectivités locales, non accompagnés de ressources insuffisantes pour y faire face, constitueraient un subterfuge intolérable pour échapper aux problèmes financiers de l'Etat. Cette échappatoire décrédibiliserait dramatiquement la nouvelle étape décentralisatrice dont le pays a besoin aujourd'hui.
    Votre politique en matière d'effectifs de la fonction publique, telle qu'elle apparaît dans votre budget, est incompréhensible et elle est essentiellement idéologique.
    Dans son intervention du 14 juillet, le Président de la République s'est fait le chantre de la baisse des prélèvements obligatoires dont le poids serait la cause de tous nos maux. De fait, après la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu décidée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2002, le projet pour 2003 prévoit dans le même esprit une nouvelle baisse de 1 %, l'augmentation de la réduction d'impôt pour les salariés à domicile et le doublement de l'abattement sur les donations de grands-parents à petits-enfants, en plus des 3 milliards d'euros de cadeaux aux entreprises.
    Mais la semaine dernière, à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires qui a eu lieu dans cet hémicycle, votre zèle à baisser ces derniers a semblé un peu moins vif. C'est que vous êtes confronté à la quadrature du cercle : vous prétendez à la fois réduire les impôts et les cotisations sociales, stabiliser les déficits publics et augmenter les budgets de la défense, de la police et les crédits nécessaires à la construction de nouvelles prisons. Face à ces contradictions et après avoir mis fin cet été à la TIPP flottante et augmenté ainsi le prélèvement fiscal sur les automobilistes, vous allez ponctionner énergiquement le portefeuille des fumeurs, en prévoyant une hausse de 15 % des taxes sur le tabac.
    Il est cependant un thème, ou plutôt une obsession, à laquelle vous vous cramponnez : l'amélioration de l'attractivité de la France pour les grands investisseurs et les hauts revenus. J'ai cité l'autre jour des chiffres qui prouvent que ce que vous affirmez pour des raisons de propagande n'est pas exact.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Hélas !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais pour satisfaire votre marotte, vous êtes prêts à tous les dumpings fiscaux, et d'abord à laminer, sinon à liquider, l'impôt de solidarité sur la fortune, qui est pour vous, comme pour le MEDEF, un véritable cauchemar. Il est vrai que la recherce effrénée de la rentabilité maximale et de l'optimatisation des profits l'emporte sur l'intérêt général et sur le patriotisme économique chez les gros possédants, les golden boys et les autres adeptes du libre marché, dont les intérêts vous sont chers.
    Il est pourtant, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, des Français qui ne partagent pas cette mentalité de « coblençards » sans vergogne, et qui sont fiers de poursuivre leur activité en France, tout en contribuant, pour leur part, à la solidarité nationale. Ce sont des hommes et des femmes qui ont du talent, des compétences, mais qui n'oublient pas ce qu'ils doivent à la collectivité nationale qui leur a dispensé,...
    M. le président. Monsieur Brard...
    M. Jean-Pierre Brard. ... monsieur le président, dans le cadre du service public, auquel vous êtes vous aussi très attaché, l'instruction, les soins médicaux et leur a permis d'accéder à la culture et aux études supérieures. Ce sont aujourd'hui ces services publics essentiels pour l'avenir de la jeunesse et du pays qui seront frappés dans leurs budgets en 2003.
    Le dogmatisme idéologique de votre politique financière et économique vous fait un devoir de donner des gages à vos amis du MEDEF et aux possédants, au détriment de l'emploi et de la croissance. Dans le même temps, vous multipliez les dépenses d'armement et de sécurité dans le cadre de coûteuses lois de programmation qui obèrent l'avenir. Mais les effets d'annonce et les mesures chocs dans le domaine de la répression tous azimuts épuiseront vite leur potentiel d'illusions, et nos concitoyens constateront alors qu'ils auront été perdants sur tous les tableaux. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pourtant, messieurs les ministres, vous avez des gisements. Vous êtes assis sur des filons...
    M. le président. Monsieur Brard, ne rebondissez pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne rebondis pas ! C'est juste avant de descendre ! (Rires.)
    M. le président. Soit !
    M. Jean-Pierre Brard. Je disais donc, messieurs les ministres, que vous avez des filons non seulement dans la poche des possédants mais aussi dans la poche des possédants qui sont des voleurs et qui fraudent. Mais dans votre budget, il n'y a aucune disposition qui aille dans ce sens. J'ajoute que, bizarrement, des instructions judiciaires se poursuivent alors que vous ne prenez aucune mesure contre ceux qui en sont l'objet. Et je ne parle pas seulement des dirigeants de la Société générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Marc Laffineur, qui dispose de vingt minutes.
    M. Marc Laffineur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après le débat sur les prélèvements obligatoires, nous commençons l'examen d'un budget dont le Gouvernement ne peut que se féliciter.
    Il s'agit d'un budget de rupture.
    De rupture d'abord parce que nous n'avons pas la même conception de l'homme...
    M. Jean-Pierre Brard. Avec vous, c'est l'homme à genoux !
    M. Marc Laffineur. ... ni la même conception de l'Etat que le précédent gouvernement.
    M. le président. Monsieur Brard, vous n'avez pas été interrompu. Alors, laissez votre collègue s'exprimer.
    Poursuivez, monsieur Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Pour nous, l'Etat doit mettre en place l'environnement qui permette à l'homme de trouver son épanouissement.
    La tâche n'était pourtant pas facile. Elle était ardue d'abord parce que vous avez eu peu de temps - quelques mois - pour élaborer ce budget et, ensuite, parce que vous étiez confronté à un contexte économique difficile et à une conjoncture internationale marquée par une grande incertitude : le scandale d'Enron, dont c'est aujourd'hui l'anniversaire, les problèmes de la bulle Internet et des télécoms et, maintenant, le conflit avec l'Irak, qui accroît les incertitudes et qui fait qu'il est très difficile d'imaginer ce que seront l'année prochaine les problèmes économiques.
    Votre tâche était aussi ardue parce que le gouvernement de Lionel Jospin ne vous a pas facilité la tâche en nous léguant un héritage douloureux. Alors qu'il aurait pu profiter d'une croissance que l'on peut qualifier de forte pendant cinq ans, soit 2,8 % en moyenne,...
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Marc Laffineur. ... il laisse une dette en augmentation de 3 000 euros par habitant...
    M. Michel Bouvard. Et voilà !
    M. Marc Laffineur. ... et nous a donné une place de mauvais élève européen en matière de déficit : 44,78 milliards d'euros à la fin du mois d'août 2002, contre 37 milliards en août 2001 et 41 en 1997. Cinq ans de croissance et une augmentation du déficit !
    Le taux des prélèvements obligatoires reste élevé. La baisse de ces prélèvements n'a pas été à l'ordre du jour du précédent gouvernement puisque leur taux était de 43,7 % en 1997 et de 45 % en 2001.
    M. Didier Migaud. Tout cela est faux !
    M. Marc Laffineur. Il est vrai que ce taux a toujours connu une tendance générale à la hausse, notamment entre 1981 et 1985, du fait de l'augmentation des dépenses sociales et du problème des retraites, qu'il faudra bien aborder avec le Premier ministre le plus rapidement possible.
    Les dépenses de santé peuvent aussi participer à la hausse des prélèvements obligatoires puisqu'elles ont représenté, hors dotations hospitalières, 4,7 % du PIB en 1981 mais plus de 5 % en 2001. Pourtant, dans quel état se trouve actuellement notre système de santé ? Dans quel état sont nos hôpitaux après la loi sur les 35 heures ?
    La décentralisation a également participé à l'augmentation des prélèvements obligatoires...
    M. Didier Migaud. Cela risque de s'aggraver !
    M. Marc Laffineur. ... car les collectivités locales n'ont pas toujours bénéficié de la compensation nécessaire. C'est pourquoi l'on peut se féliciter de la façon dont le Premier ministre aborde le problème de la décentralisation, voulant faire en sorte que les collectivités locales puissent, à la faveur d'une péréquation, faire face à leurs nouvelles compétences.
    M. Didier Migaud. Nous verrons !
    M. Marc Laffineur. En 2002, avec la diminution de l'impôt sur le revenu, le taux des prélèvements obligatoires va certainement baisser.
    M. Didier Migaud. Certainement !
    M. Marc Laffineur. Cette décrue devrait se poursuivre en 2003.
    Malgré toujours plus de prélèvements, plus de dépenses, plus de déficit, plus de dettes et une croissance forte,...
    M. Didier Migaud. Quelle caricature !
    M. Marc Laffineur. ... les missions régaliennes de l'Etat n'ont pas été garanties par le précédent gouvernement : l'insécurité n'a jamais été aussi forte et les moyens alloués à la défense ont été négligés, ce qui nous oblige à augmenter de façon substantielle les crédits sur ces postes.
    Le Gouvernement doit de plus assumer le poids des mesures qui ont été prises mais qui n'étaient pas financées ou qui ont freiné le pouvoir d'achat des bas salaires - les 35 heures - ou encore de celles qui ont participé à l'accroissement des charges fiscales des collectivités locales telles que l'aide personnalisée à l'autonomie et la loi sur les services départementaux d'incendie et de secours.
    Ce budget tient cependant les promesses faites par le Président de la République. Les engagements pris sont surtout tenus en ce qui concerne la baisse nécessaire des dépenses publiques. Cette baisse, tant préconisée par votre prédécesseur, monsieur Mer, n'a jamais été réalisée.
    Il s'agit donc d'un budget de rupture.
    Rupture dans la méthode d'abord.
    Le dernier budget du gouvernement Jospin était fondé sur des objectifs de déficit dépassés de 50 %. Nous souhaitons rompre avec cette politique d'affichage. Les dépenses sont, comme les recettes, évaluées de façon que l'exécution soit la plus proche possible de la prévision.
    M. Didier Migaud. Nous verrons cela l'année prochaine !
    M. Marc Laffineur. Ce budget rompt également avec la pratique de l'opacité des comptes publics. Il faut dire la vérité aux Français.
    M. Didier Migaud. Commencez dans votre camp !
    M. Marc Laffineur. N'oublions pas qu'il s'agit de leur argent. Le budget s'inscrit donc dans une démarche de transparence et de recherche de résultat.
    Rupture aussi dans la gestion des grands équilibres.
    Ce budget est en effet l'un des premiers pas vers la tenue d'une politique budgétaire cohérente autour des objectifs suivants : présenter aux Français des comptes publics et les redresser ; présenter un budget en faveur des ménages sans négliger les entreprises et l'emploi, qui sont une des priorités, tout en portant un coup d'arrêt au déficit ; commencer la simplification administrative, sur laquelle je me permettrai d'insister car il y a là une source d'économies fantastiques, aussi bien pour l'Etat que pour les collectivités locales, et d'améliorations de la vie quotidienne des Français.
    Les grandes dépenses sont ainsi destinées à financer les priorités du Gouvernement : redonner du sens à la valeur du travail, encourager l'initiative et les forces vives de notre économie et, surtout, préparer l'avenir pour la reprise des investissements, notamment en instaurant un pacte de confiance avec les Français, mais aussi en respectant nos engagements européens.
    M. Didier Migaud. C'est la méthode Coué !
    M. Marc Laffineur. Examinons d'abord le volet « recettes ».
    Les mesures fiscales reflètent de façon concrète et palpable ces aspirations. Afin de soutenir les familles, alléger les charges pesant sur les ménages, le projet de loi de finances pérennise la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu votée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 en intégrant l'allégement dans le barème de l'impôt, ce qui l'amplifie et qui porte la baisse générale à 6 %, pour un coût supplémentaire de 557 millions d'euros. Cette mesure, qui concerne tous les Français payant l'impôt sur le revenu, soit 17 millions de foyers, devrait aider à relancer la consommation.
    Le Gouvernement a décidé aussi d'augmenter la prime pour l'emploi, afin de lui rendre son sens premier de soutien aux ménages les plus modestes, objectif dévoyé dans la mise en oeuvre de la mesure par le gouvernement de Lionel Jospin. Ses seuils sont actualisés et son barème est revalorisé pour les salariés exerçant à temps partiel. Cette mesure concerne 2,7 millions de personnes et représente 180 millions d'euros. Je considère cependant, messieurs les ministres, que l'avenir de la valeur du travail n'est pas dans le versement d'allocations. Peut-être faudrait-il trouver le moyen d'augmenter les salaires plutôt que de verser une allocation telle que la prime pour l'emploi.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la première chose sensée que j'aie entendue !
    M. Marc Laffineur. Pour la dignité de l'homme, cela me semble beaucoup mieux.
    M. Jean-Pierre Brard. En effet !
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Marc Laffineur. Cette mesure s'accompagne de la nécessaire revalorisation des SMIC en trois ans, d'une augmentation de 15 % pour les plus faibles et de trois mesures plus spécifiques en faveur des familles.
    La revalorisation de la réduction d'impôt pour emploi à domicile vise à encourager l'embauche de salariés pour la garde d'enfants et à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées. Cette mesure est la bienvenue, afin de stopper les effets pervers de l'APA mise en place par le gouvernement précédent et qui pèse si lourdement sur les finances des conseils généraux. Le plafond des dépenses prises en compte est porté de 6 900 à 10 000 euros.
    Afin d'encourager les transmissions anticipées du patrimoine, le budget prévoit la hausse de l'abattement sur les donations consenties par les grands-parents à leurs petits enfants. Actuellement fixé à 15 000 euros tous les dix ans, il est porté à 30 000 euros. Cette mesure familiale vise à renforcer la solidarité entre les générations.
    Enfin, le plafond du quotient familial de la décote est maintenu à son niveau actuel.
    Afin de renforcer l'attractivité du territoire et relancer la compétitivité des entreprises, mise à mal par une conjoncture peu favorable cette année et, surtout, par des charges beaucoup trop lourdes, le Gouvernement a fait des choix significatifs, bien que partiels. En témoigne déjà la réduction des taux de l'impôt sur le revenu, qui nous rapproche de la moyenne européenne. Cette réduction était effectivement essentielle si l'on veut attirer les entreprises étrangères.
    Monsieur le ministre, nous n'avons pas déposé d'amendement destiné à renforcer cette attractivité. Mais nous voudrions que vous vous engagiez à prendre des mesures en ce sens. En effet, 93 % des dirigeants de grandes entreprises considèrent que le poids des prélèvements est le principal handicap de la France. Et 84 % d'entre eux considèrent que l'environnement juridique et social de notre pays est trop complexe et opaque. Il faudra donc prendre des mesures globales concernant les rapatriés, simplifier la pratique administrative pour attirer les investissements étrangers et maintenir les sièges sociaux en France. Il n'est pas indifférent de noter que le numéro un mondial du travail temporaire a son siège en Suisse et que son principal actionnaire, français, vit désormais à Londres.
    M. Michel Bouvard. Dexia aussi !
    M. Marc Laffineur. Les salles de marchés londoniennes sont pleines de Français. Je croix qu'il faudra un jour aborder la question de l'impôt sur la fortune, qui est un handicap pour l'attractivité de notre territoire.
    Vous avez aussi prévu d'alléger la taxe professionnelle des professions libérales et des travailleurs indépendants qui étaient de fait les grands oubliés du précédent gouvernement ; car il faut encourager l'esprit d'entreprise et la responsabilisation des dirigeants.
    L'exonération de cotisations patronales, associée au nouveau contrat « jeunes en entreprise » et destinée à soutenir l'emploi, s'ajoute à ces mesures. Au total, 1 milliard d'euros d'allégements de charges vont bénéficier, en priorité aux PME. Les contrats « jeunes en entreprise » constituent là encore une rupture par rapport à ce qui existait. Nous nous occupons des jeunes qui ont le moins de qualification, c'est-à-dire le plus de mal à trouver un emploi.
    En matière de dépenses, le Gouvernement a annoncé ses priorités, que nous partageons, bien évidemment.
    S'agissant de la sécurité intérieure, les moyens affectés à la police nationale progressent de 5,7 % et 1 900 emplois seront créés en 2003 ; les missions de défense et de sécurité civile du ministère de l'intérieur sont garanties et progressent de 28,5 %. Une enveloppe de 300 millions d'euros permettra de résorber l'arriéré des loyers de gendarmerie laissé par le précédent gouvernement. Enfin, 1 200 postes de gendarme seront créés.
    Toutes les dotations du budget de la justice ont été augmentées, en plus des moyens mis en oeuvre dans le cadre de la loi de programmation pour la période 2003-2007 : la création de 10 000 emplois, 1,75 milliard d'euros de programme et 3,65 milliards d'euros pour les dépenses ordinaires et les crédits d'équipement. Le budget prévoit 2 000 autres créations d'emploi. Celles-ci permettront de renforcer la protection judiciaire de la jeunesse, l'administration pénitentiaire et l'aide aux victimes et de participer à la modernisation générale de la justice.
    Le budget de la défense est en hausse par rapport à 2002. C'était plus que nécessaire, quand on connaît l'état de nos armées : un nombre considérable d'hélicoptères ne pouvait pas voler et de nombreux matériels étaient hors d'état de marche. La décision de construire un nouveau porte-avions est une bonne chose. Car un pays se doit d'avoir deux porte-avions pour être sûr de pouvoir en faire naviguer un en permanence.
    Le Gouvernement a également décidé d'accroître l'autonomie des collectivités locales. En tant que maire, je m'en réjouis. Ce budget s'inscrit donc dans une logique décentralisatrice. Il prévoit des mesures destinées à favoriser, notamment, la création d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Rapporteur spécial du budget des collectivités locales, j'aurai l'occasion, lors de son examen, de soumettre un certain nombre de propositions pour aller plus loin dans la simplification de la fiscalité locale, ce qui, messieurs les ministres, représente à mes yeux un grand chantier.
    L'assouplissement du lien existant entre les taux de la taxe professionnelle et ceux des autres impôts locaux est une bonne chose. Les collectivités locales pourront désormais augmenter - elles peuvent bien entendu le diminuer - le taux de TP au-delà du taux de la taxe d'habitation, dans la limite d'une fois et demie l'augmentation du taux de la taxe d'habitation ou, si elle est moins élevée, du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières, le Parlement examinant à un rythme annuel l'efficacité du dispositif. Nous ne souhaitons pas aller plus loin, messieurs les ministres, dans ce processus de déliaison.
    En outre, le projet de loi de finances propose de faire entrer France Télécom dans le droit commun en matière de taxe foncière et de taxe professionnelle à partir du 1er janvier 2003. Il s'agit d'un engagement fort du Gouvernement, qui répond à une mesure préconisée par les élus locaux.
    La simplification de l'impôt et des relations avec l'administration fiscale s'inscrit dans une même logique de proximité avec le contribuable. Notre système fiscal est d'autant plus lourd que les entreprises sont petites, et nombreuses sont celles qui, chaque année, disparaissent aussi vite qu'elles ont été créées. Afin d'encourager la création d'entreprises et de donner un peu de souffle à un million de ces sociétés, le budget prévoit la suppression des acomptes de TVA, de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle, et la simplification des obligations déclaratives.
    Enfin, le Gouvernement a affirmé sa volonté de préserver l'environnement et d'encourager les investissements contribuant au développement durable en proposant la prolongation, pour trois ans, de crédits d'impôts expirant au 31 décembre 2002 - par exemple, celui en faveur de l'acquisition ou de la location de véhicules se déplaçant à l'aide d'énergies nouvelles ou peu polluantes.
    En matière d'aide publique au développement, nous observons une rupture. Depuis cinq ans, cette aide avait considérablement diminué.
    M. Michel Bouvard. C'est exact !
    M. Marc Laffineur. C'était une erreur primordiale.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Marc Laffineur. Je me réjouis donc de l'augmentation de 24 % des crédits des affaires étrangères et de la mise à disposition de 996 millions d'euros sur le poste économie, finances et industrie pour l'aide publique au développement.
    Les premiers permettront le financement de dons aux pays les plus pauvres à travers l'Agence française de développement, la mise en oeuvre de contrats de désendettement développement pour un montant de 91 millions d'euros, le financement des programmes du Fonds de solidarité prioritaire pour 112 millions d'euros.
    Les seconds garantissent la participation de la France au financement des banques et de fonds multilatéraux de développement, comme le Fonds mondial de luttre contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
    Ils permettent de nous investir également dans la mise en oeuvre de mesures bilatérales d'annulation et d'allégement de la dette - 235 millions d'euros - afin de lutter contre la pauvreté. Une des fautes majeures que l'on pouvait reprocher au précédent gouvernement était bien d'avoir laissé « tomber » tous les pays en voie de développement,...
    M. Didier Migaud. N'est-ce pas excessif ?
    M. Marc Laffineur. ... et, notamment, de s'être dégagés de l'Afrique, alors que nous avons des liens extrêmement étroits avec les pays de ce continent.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Marc Laffineur. Alors, nous n'avons certainement pas de leçon à recevoir de ce côté !
    M. Didier Migaud. N'en donnez pas vous-même !
    M. Marc Laffineur. En conclusion, vous avez un bon budget, messieurs les ministres. Pour baisser la dépense publique, il faut sortir de la culture de la dépense. De toutes façons, vous le savez bien, et je crois qu'il faut en convaincre toutes les structures de l'Etat, un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente. Vous aurez toujours les députés de l'UMP pour vous aider à diminuer la dépense publique.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Et ceux de l'UDF !
    M. Marc Laffineur. Malgré tout, ce budget permet d'engager la maîtrise des dépenses, de compléter la réforme à venir sur la décentralisation, qui devra permettre également de diminuer la dépense publique. Pour préparer la réforme des retraites, il n'y aura pas de diminution de la dépense publique mais, du moins, une diminution de l'augmentation de la dépense ; c'est la raison pour laquelle il faut se dépêcher de la mener à bien. Enfin, ce budget ouvre de grands chantiers, comme celui de la santé ou celui de la simplification administrative, sur lequel je tiens à insister, messieurs les ministres. Là aussi, nous avons beaucoup à faire, partout dans notre pays.
    Votre budget répond donc aux promesses faites : il va dynamiser l'emploi.
    M. Augustin Bonrepaux. Alors ça !
    M. Marc Laffineur. ... freiner la dépense publique et donner un coup d'arrêt au déficit. Bien entendu, l'ensemble du groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Didier Migaud, qui dispose de vingt minutes.
    M. Didier Migaud. Messieurs les ministres, nous sommes quelques-uns à considérer que votre projet de loi de finances pour 2003 est socialement injuste, économiquement inefficace et dangereusement virtuel.
    Socialement injuste, car les nouvelles mesures fiscales sont toutes ciblées sur quelques dizaines de milliers de familles, dont beaucoup seront dispensées du paiement de l'impôt sur le revenu grâce, notamment, au relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile.
    Economiquement inefficace, car rien n'est fait pour soutenir la croissance et l'emploi. Le pouvoir d'achat des ménages modestes est amputé par les hausses des tarifs publics, les prix des carburants et du fioul domestique. Les interventions en faveur de l'emploi ne sont plus prioritaires, de même que les dépenses d'avenir et d'investissement en matière de recherche, d'éducation ou d'infrastructure. Et la consommation, moteur jusqu'ici de la croissance, risque de se gripper.
    Dangereusement virtuel, enfin, car construit sur des prévisions de croissance irréalistes. Et vous ne devez pas, au fond de vous-mêmes, messieurs les ministres, les considérer comme crédibles.
    La copie budgétaire du Gouvernement est donc clairement à contresens et à contre-emploi : prévisions de croissance improbables, absence de soutien à la consommation et à la croissance, non-respect des engagements européens en matière de réduction du déficit. Elle risque incontestablement d'être mal notée non seulement par nos partenaires européens, mais surtout par nos concitoyens, à qui l'on promet déjà la rigueur.
    Je veux avant tout ici tordre le cou à un certain nombre de contrevérités que vous nous assenez depuis quelques mois. Je viens encore d'en entendre de la part de notre collègue Laffineur.
    Nous contestons d'abord votre présentation partiale de « l'héritage ». Non seulement vous noircissez la situation dont vous héritez mais, en plus, vous avez pris la responsabilité d'aggraver le déficit budgétaire cet été en prenant des mesures qui ont alourdi celui-ci de 0,4 point de PIB. En effet, le jeu des stabilisateurs automatiques devait conduire à un déficit de 2,2 %, ce qui était certes plus important que celui qui était prévu. Mais si vous considériez déjà un tel déficit comme important, pourquoi l'avoir creusé à 2,6 % ? Nous avons eu l'occasion de le démontrer la semaine dernière à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires. Nous voyons bien l'intérêt d'agir ainsi pour l'actuel Gouvernement, mais son intérêt ne se confond pas, malheureusement, avec celui de la France et des Français.
    Nous contestons également vigoureusement votre appréciation partiale des performances économiques de la France entre 1997 et 2002. Ce que vous dites n'est pas nouveau, vous l'avez repris tout au long de la campagne électorale. Mais un mensonge répété ne devient pas, du fait de sa répétition, une vérité.
    Maintenant, certains d'entre vous, comme M. Laffineur ont l'air sincère. Mais s'ils sont de bonne foi, ils ne pourront pas rester insensibles aux données objectives que je voudrais rappeler à la représentation nationale et aux Français.
    Vous dites : « Au cours des dernières années, la France a bénéficié d'une croissance mondiale exceptionnelle. Porté pendant quatre années par la conjoncture mondiale, le gouvernement Jospin n'a pas suffisamment préparé l'avenir. » Vous ajoutez que « nous sommes passés au douzième rang de la richesse par habitant en Europe ». C'est une contrevérité ! Je vais vous le prouver, à partir de statistiques objectives et de plusieurs graphiques établis sur la base de documents officiels que je tiens à votre disposition.
    La croissance mondiale a été plus porteuse sous les gouvernements Balladur et Juppé que sous le gouvernement Jospin. Un graphique montre qu'elle a progressé de 3,2 % par an entre 1993 et 1997 et de seulement 2,7 % par an entre 1997 et 2002.
    La demande mondiale a été également plus dynamique sous les gouvernements Balladur et Juppé que sous le gouvernement Jospin : 8,3 % par an de 1993 à 1997 et 5,9 % par an de 1997 à 2002.
    Dans le même temps, monsieur Laffineur, la croissance française a été, sous le gouvernement Jospin, deux fois plus forte que par le passé et nettement supérieure à celle de la zone euro, effaçant pour partie le décrochage des années Balladur et Juppé. De 1993 à 1997, la croissance de la zone euro a été de 2,1 % et celle de la France de seulement 1,5 %.
    M. Marc Laffineur. Et les déficits ?
    M. Didier Migaud. A l'inverse, entre 1997 et 2002, la croissance française a été de 3 %, supérieure à celle de la zone euro, qui était de 2,4 % seulement.
    Ces chiffres sont incontestables, ils proviennent de l'INSEE ou de l'OCDE et prennent encore plus de relief lorsqu'on compare la croissance française avec celle de ses grands voisins que sont l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni : aucun de nos voisins n'a connu d'accélération de la croissance entre 1997 et 2002.
    S'agissant de la richesse par habitant, vous citez une étude d'Eurostat qui fait apparaître que la France est passée de la quatrième à la douzième place en Europe, mais sans jamais montrer le graphique qui l'illustre. Or, ce graphique démontre de façon indéniable que le décrochage s'est produit sous les gouvernements Balladur et Juppé ! Là encore, je tiens ce document à votre disposition. L'étude est contestable sur certains points, mais elle montre bien que ce décrochage s'est produit quand vous étiez aux affaires.
    Sur la compétitivité et l'attractivité de la France, quel est, là encore, l'intérêt pour le pays de noircir la situation ? Oui - je l'ai dit et écrit moi-même - telle ou telle mesure pourrait apparaître comme améliorant encore notre attractivité. Mais la vérité est de reconnaître que la compétitivité de la France s'est améliorée entre 1997 et 2002, et que les flux d'investissements étrangers dans notre pays ont augmenté trois fois plus vite sous le gouvernement Jospin que sous les gouvernements Balladur et Juppé.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Pas en termes d'emplois !
    M. Didier Migaud. Je vous mets de nouveau au défi, mes chers collègues, de me prouver le contraire. Un récent article paru dans Le Revenu, revue qui n'est pas connue pour sa complaisance à l'égard de la gauche, a fait état d'une étude de l'OCDE qui montre que la France, classée septième pays d'accueil en 2000 pour les investissements étrangers, a amélioré son classement et figurait à la quatrième place en 2001, juste derrière les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, mais devant l'Allemagne, l'Espagne, l'Irlande ou le Japon. Cette étude démontre une fois de plus que vous affirmez des contrevérités.
    M. Marc Laffineur. Lisez le rapport Charzat !
    M. Didier Migaud. Ces affirmations sont contredites par la vérité des chiffres et des études objectives. Je pourrais d'ailleurs tenir le même raisonnement sur beaucoup de sujets : à propos du pouvoir d'achat, qui a bien plus progressé sous le gouvernement Jospin que sous les gouvernements Balladur et Juppé, à propos également de la consommation, de l'investissement et, bien sûr, de l'emploi. Hier soir, vous tourniez en dérision les résultats du gouvernement précédent : moins 900 000 chômeurs. Nous verrons bien quels résultats vous obtiendrez mais, malheureusement, la direction que vous prenez ne semble pas la bonne.
    Je pourrais aussi parler de l'activité, ou encore de l'endettement puisque M. Laffineur m'y invitait. Voici un nouveau graphique qui illustre combien le constat peut être terrible pour la droite. Vous le voyez : la dette a augmenté de 15 points sous les gouvernements Balladur et Juppé...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. C'était l'héritage de 1993 !
    M. Didier Migaud. ... et elle commence à baisser sous le gouvernement de Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. Marc Laffineur. Quelle mauvaise foi !
    M. Michel Bouvard. Il faut vraiment des talents de prestidigitateur pour faire baisser la dette sous Jospin !
    M. Didier Migaud. Un mensonge répété ne fait pas une vérité. Vous avez appelé, messieurs les ministres, à un débat serein et qui soit le plus honnête possible. La moindre des choses serait que vous évitiez vous-mêmes d'énoncer des contrevérités.
    Aujourd'hui, la situation est délicate, nous le reconnaissons volontiers,...
    M. Charles de Courson. Quand même !
    M. Didier Migaud. ... mais nous divergeons rapidement, car, au lieu de soutenir la croissance, vous avez pris des décisions qui ont aggravé le déficit et vous avez gaspillé des marges de manoeuvre qui, il est vrai, étaient particulièrement étroites.
    Vous nous présentez un projet de budget que nous considérons comme virtuel, injuste et inefficace.
    Vous construisez votre projet sur des bases irréalistes et, surtout, vous prenez des mesures à contre-emploi qui ne viendront malheureusement soutenir ni l'emploi ni la consommation.
    Votre projet est virtuel, car les prévisions économiques qui le fondent sont complètement déconnectées de la réalité économique.
    M. Charles de Courson. Tandis que Fabius, fin 2001...
    M. Didier Migaud. Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Mer, pas un seul conjoncturiste ne prévoit une croissance aussi forte en 2003 pour la France. Le MEDEF, qui s'est exprimé hier, s'estimerait heureux avec 2 % et, mezza voce, de nombreux experts ne cachent pas leur pessimisme et leur inquiétude. Cette prévision de croissance, vous-mêmes la jugez irréaliste, messieurs les ministres, ainsi que les responsables des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui ont émis, chacun à sa façon, des doutes et des interrogations.
    Ce jugement, vous l'avez confirmé, monsieur Lambert, en annonçant dès hier un plan de régulation budgétaire. Même si vous n'en précisez pas l'ampleur, l'annonce de ce plan nous laisse penser que l'autorisation que vous sollicitez maintenant du Parlement sera dénaturée dès le mois de janvier. Cela équivaut à la mise en place d'un plan de rigueur, pour ne pas dire d'austérité, dès le début de l'année prochaine.
    Ce procédé est choquant, du point de vue tant de la sincérité de la loi de finances que de la transparence. Je sais que nous avons beaucoup travaillé ensemble pour faire en sorte que la sincérité et la transparence puissent progresser, mais vous n'agissez pas concrètement dans ce sens et vous devriez nous dire dès aujourd'hui quelle sera l'ampleur de votre plan de régulation. La représentation nationale a le droit et le devoir d'être informée sur ce point.
    Le budget qui sera exécuté l'année prochaine n'est pas celui qui est soumis à notre examen. Nous avons entendu hier plusieurs ministres interpellés par des députés de l'opposition nous expliquer que, vraisemblablement, il y aurait des collectifs budgétaires pour corriger certaines réductions de crédits. M. Fillon nous a annoncé qu'il proposerait par ce moyen de nouveaux CES. Quant à M. Ferry, ministre de l'éducation nationale, s'il a reconnu que l'on avait supprimé des emplois de surveillants, il nous a garanti que, dès l'année prochaine, il nous ferait à cet égard de nouvelles propositions. Fort bien, mais où va-t-il trouver l'argent à partir du moment où les emplois auront été supprimés ?
    Plusieurs ministres nous annonçent donc des dépenses supplémentaires mais, moins d'une heure après, M. le ministre délégué au budget, et je pense qu'il a vraisemblablement raison, vient les contredire en nous expliquant qu'un montant significatif de crédits votés seront soumis à une régulation budgétaire dès le mois de janvier. Ou est la cohérence de la politique que vous défendez ?
    Ce projet virtuel est également injuste, car les baisses d'impôts qu'il contient sont ciblées sur quelques dizaines de milliers de foyers aisés, dont un grand nombre seront d'ailleurs purement et simplement dispensés du paiement de l'impôt sur le revenu grâce au relèvement du plafond de la réduction d'impôt pour emploi à domicile. Au contraire, les millions de ménages qui ne bénéficient pas de ces mesures voient leur pouvoir d'achat amputé par les hausses des tarifs publics, des carburants et du fioul domestique. Loin d'être ménagés par le Gouvernement, les contribuables les plus modestes vont payer en 2003 plus d'impôt sur le revenu avec le barème fixé par le gouvernement Raffarin que si la troisième année du plan Jospin-Fabius s'était appliquée. C'est bien la preuve que vos nouvelles mesures ne sont pas faites pour eux, mais sont très ciblées sur quelques dizaines de milliers de foyers aisés.
    Alors qu'ils auraient dû bénéficier d'une augmentation de près de 50 % de leur prime pour l'emploi en 2003, pour un coût budgétaire de 1,3 milliard d'euros, les ménages modestes salariés à plein temps ne vont bénéficier d'aucune augmentation, le Premier ministre ayant préféré consacrer cette somme à la baisse ciblée de l'impôt sur le revenu de nos concitoyens les plus aisés.
    Cette injustice, doublée d'inefficacité sur le plan économique parce que la consommation ne sera pas soutenue, se retrouve pleinement dans la mesure phare de votre projet : le relèvement à 10 000 euros du plafond de la réduction de l'impôt sur le revenu pour emploi à domicile. Cette mesure, elle aussi, est en effet ciblée sur quelques dizaines de milliers de foyers aisés. Car si 1,5 million de foyers bénéficient de cette réduction d'impôt, 69 000 seulement réduisaient leur cotisation d'impôt de plus de 22 500 francs en 1996.
    On aimerait d'ailleurs connaître le chiffre actualisé, car cette information ne figure ni dans le dossier présenté par le Gouvernement, ni dans le rapport général, alors qu'il figurait dans le dernier rapport général ayant traité de cette question. Je dois d'ailleurs regretter, monsieur Carrez, qu'aucun exemple nouveau ne figure dans votre rapport, puisque le seul exemple chiffré de l'impact de cette mesure est la reprise d'un tableau présenté par le Gouvernement dans son dossier de presse. C'est un peu court pour apprécier la portée de cette mesure et son impact sur les foyers selon la structure de leurs revenus. Cela montre la gêne du Gouvernement et de la commission des finances.
    Nous ne savons donc toujours pas combien de foyers vont bénéficier du relèvement du plafond de dépenses à 10 000 euros et Augustin Bonrepaux a rappelé hier qu'il est très important que nous puissions obtenir ce chiffre. Nous connaissons cependant quelques aspects intéressants de cette mesure.
    D'abord, elle laisse de côté les 600 000 foyers qui ont déclaré des dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile, mais qui ne sont pas imposables et ne seront donc pas concernés par ce relèvement.
    Ensuite, la mesure est rétroactive puisqu'elle s'applique à l'imposition des revenus perçus en 2002, et non en 2003, et elle constitue incontestablement un effet d'aubaine, que la majorité a d'ailleurs volontiers reconnu durant les débats en commission.
    Même en 1994, quand Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, avait porté cette réduction d'impôt de 22 500 à 45 000 francs, il n'avait pas osé l'appliquer avec un effet rétroactif.
    M. Jean-Pierre Brard. Reviens, Sarkozy !
    M. Didier Migaud. En effet, selon ses propres dires, « la mesure n'est pas faite pour avoir un effet d'aubaine. Si nous acceptons d'anticiper son entrée en vigueur, (...) nous créerons un effet d'aubaine monumental. Pourquoi ? Parce que les emplois concernés ont d'ores et déjà été créés. Nous récompenserons donc cette création d'emplois par un avantage fiscal extrêmement important ». Ce n'est pas moi qui parle, c'est Nicolas Sarkozy lui-même en 1994. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Prenez-en de la graine !
    M. Didier Migaud. Deux éléments sont à retenir dans ses propos : l'avantage est important et il constitue un effet d'aubaine monumental. Voilà pourtant ce que vous nous proposez de faire !
    Injuste, cette mesure ciblée l'est aussi parce qu'elle revient en fait à diminuer considérablement les taux du barème, quand ce n'est pas à annuler purement et simplement la cotisation d'impôt. En pratique, elle va dispenser du paiement de l'impôt des foyers disposant de revenus très confortables, en contradiction avec votre propre discours, monsieur le président de la commission des finances, ...
    M. Gérard Bapt. Exactement !
    M. Jean-Pierre Brard. Avalez votre chapeau, monsieur le président !
    M. Didier Migaud. ... car vous nous expliquez souvent que chaque citoyen doit contribuer au financement des charges communes en nous reprochant d'avoir sorti du paiement de l'impôt sur le revenu trop de contribuables. Mais il s'agissait pour nous de personnes disposant de revenus modestes. Vous, vous en faites sortir les ménages les plus aisés.
    La mesure est habile, messieurs les ministres, car elle vous dispense de diminuer plus fortement le taux de la tranche supérieure du barème. « En accroissant l'avantage fiscal accordé à la création d'emplois familiaux, nous arrivons au même résultat. (...) On ne peut plus dire, grâce à la mesure d'emploi familial, que le taux marginal pèsera de la même façon, puisque les familles pourront déduire 50 % d'une dépense plafonnée. » Là encore, je cite Nicolas Sarkozy, ...
    M. Pierre-Christophe Baguet. Vous n'avez décidement que lui pour référence !
    M. Didier Migaud. ... répondant à un amendement de Gilbert Gantier qui visait à diminuer le taux de la tranche supérieure du barème.
    M. Jean-Pierre Brard. Pour les duchesses du XVIe !
    M. Didier Migaud. Gilbert Gantier était d'ailleurs tellement convaincu que cette mesure était plus intéressante que la diminution du taux, qu'il a fini par retirer son amendement.
    M. Gérard Bapt. Toujours avisé, M. Gantier !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Créer des emplois, c'est noble !
    M. Didier Migaud. Virtuel et injuste, votre projet de budget est enfin inefficace car il opère des choix dans la dépense qui sacrifient l'emploi et les investissements d'avenir que sont en particulier la recherche, l'éducation et les infrastructures.
    Bien évidemment, un bon budget n'est pas un budget qui augmente.
    M. Marc Laffineur. Vous n'avez pourtant fait que ça pendant cinq ans !
    M. Didier Migaud. D'ailleurs, je pense que vous allez en tirer la leçon pour le budget de la défense : ce n'est pas parce qu'il augmente que c'est un bon budget.
    M. Marc Laffineur. Il faut bien faire marcher le matériel !
    M. Didier Migaud. Vous voilà encore pris dans vos contradictions !
    En ce qui nous concerne, nous ne pouvons accepter de voter un texte caractérisé par une telle injustice, par une inefficacité qui devrait malheureusement se confirmer et par une virtualité contraire à l'esprit de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.
    Ce projet de budget va inéluctablement conduire la France dans le mur. L'aveuglement de nos collègues de droite est à cet égard pathétique. Ils vont sans doute voter ce projet, mais on ne sait pas si c'est parce qu'ils sont sincères ...
    M. Jean-Pierre Brard. Sûrement pas !
    M. Didier Migaud. ... et enfermés dans leurs certitudes, ou bien si c'est parce que la discipline rigoureuse de l'UMP les contraint à se comporter en bons petits soldats sans états d'âme. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Marc Laffineur. Quand on voit dans quel état est le PS !
    M. le président. Monsieur Migaud, ne provoquez pas M. Laffineur et allez vers votre conclusion !
    M. Didier Migaud. Je constate d'ailleurs que, rarement dans le passé, aussi peu d'amendements ont été adoptés par la commission des finances, ...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est parce que le Gouvernement est meilleur !
    M. Didier Migaud. ... comme si tout était verrouillé par la France d'en haut, par Matignon ou par l'Elysée.
    En tout cas, messieurs les ministres, il ne fait désormais aucun doute, et cela nous attriste, que la crédibilité du Gouvernement sur le plan économique et budgétaire est sérieusement entamée, tant à l'intérieur que le sur le plan européen. Quant aux promesses du candidat Jacques Chirac, seuls ceux qui déposent encore leurs souliers devant l'âtre de la cheminée, le 24 décembre au soir, y croient encore.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Nous ne pouvons donc qu'être opposés à votre projet. Nous savons que vous avez la majorité pour le faire adopter. Mais nous vous donnons rendez-vous en 2003 et en 2004.
    M. Marc Laffineur. Et même en 2005 et 2006 !
    M. Didier Migaud. Nous aurons alors tous les éléments sur l'exécution de ce budget, et il sera très intéressant de relire vos propos en les confrontant à la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Pour le groupe UDF, la parole est à M. Charles de Courson, qui dispose également de vingt minutes.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation budgétaire dans laquelle se trouve notre pays est très difficile, du fait notamment, mais pas exclusivement, du lourd héritage légué par nos prédécesseurs.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très lourd !
    M. Charles de Courson. La majorité se doit d'affronter ces dures réalités et, pour cela, il lui faut faire quatre choses.
    La première, c'est de revenir à une présentation du budget conforme aux grands principes du droit budgétaire : l'unité, l'universalité et la non-contraction des recettes et des dépenses. Certains observateurs de la vie parlementaire estiment que le vote du budget serait devenu un exercice virtuel. M. Migaud a d'ailleurs repris ce propos avec une belle imprudence, puisque lui-même affirmait, l'année dernière, que la croissance serait de 2,5 % en 2002, alors qu'on sait aujourd'hui qu'elle n'excédera pas 1 %.
    M. Gérard Bapt. C'est à front renversé !
    M. Marc Laffineur. Il était sûrement sincère...
    M. Charles de Courson. Cependant, cette assertion dénonçant la virtualité de l'exercice n'est pas tout à fait fausse, même si elle est excessive. D'année en année, nous votons des autorisations de dépenses et des prévisions de recettes dont la progression affichée cache respectivement une augmentation bien plus forte et une évolution nettement moins satisfaisante, le niveau effectif constaté en loi de règlement accusant des dépenses plus élevées et des recettes inférieures. En outre, nous raisonnons sur la base d'une hypothèse de croissance qui peut être démentie quinze jours plus tard.
    Notre constitution financière, composée des deux lois organiques, n'est pas toujours appliquée. Et c'est à nous, parlementaires, qu'il revient en premier lieu de veiller au respect des grands principes budgétaires qui garantissent aux citoyens le contrôle de l'usage de leurs deniers. Or, d'année en année, on s'est éloigné de ces grands principes.
    Nos prédécesseurs n'ont cessé de bafouer le principe d'unité, en multipliant les débudgétisations qui masquent l'augmentation réelle des dépenses. Au hit-parade des débudgétisations, le grand gagnant, c'est le FOREC, avec 16,6 milliards d'euros en 2003.
    M. Marc Laffineur. Eh oui !
    M. Charles de Courson. Je souhaiterais aussi rappeler l'utilisation anormale de certains comptes spéciaux du Trésor, que j'avais dénoncée il y a un an dans cet hémicycle, en particulier les recettes non fiscales inscrites sur le compte d'affectation des produits des cessions de titres, parts et droits des sociétés, qui passaient de 3,8 à 5,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 50 % en plein marasme économique, et qui allaient être utilisées pour financer un certain nombre de dotations en capital dissimulant des subventions d'exploitation.
    Les charges du FOREC passeront effectivement de 15,6 milliards cette année à 16,6 milliards en 2003. Mais, à la différence de ses deux prédécesseurs, le ministre délégué au budget s'est engagé à supprimer le FOREC en 2004...
    M. Pierre Albertini. A juste titre !
    M. Charles de Courson. ... et à le réintégrer dans le budget de l'Etat. Cette mesure mettra un terme à la situation ubuesque que nous a léguée le fameux accord entre Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn, destiné à dissimuler le coût des 35 heures et à faire croire aux Français que les dépenses du budget de l'Etat étaient tenues. Je tiens donc à vous féliciter, monsieur le ministre délégué au budget, pour cette initiative qui sera un premier pas salutaire vers le respect du principe d'unité et d'universalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais il nous reste encore beaucoup à faire. Quid de la CADES ? Quid des variations erratiques des recettes non fiscales, dont je parlais à l'instant ? En 2003, les recettes du compte d'affectation des produits des cessions de titres, parts et droits des sociétés passeront de 5,4 à 8 milliards d'euros. Je souhaiterais savoir ce qui justifie une telle hausse, et quelle sera son utilisation.
    J'ai déposé au nom du groupe UDF un amendement visant à rebudgétiser les 1,735 milliard d'euros de la prime pour l'emploi qui n'ont pas à figurer dans le budget en tant que dégrèvements fiscaux. En effet, la PPE concerne, pour l'essentiel, des personnes non imposables et, pour ces dernières, il s'agit bien d'une dépense que traduit, d'ailleurs, l'intitulé « prime pour l'emploi ». Je suis un peu étonné de l'attitude de la gauche qui, en commission, a approuvé cette analyse, alors que vous n'aviez tenu aucun compte, monsieur Migaud, des critiques de l'opposition concernant le traitement de la PPE lorsque vous étiez rapporteur général.
    M. Pierre Albertini. Il se bonifie !
    M. Charles de Courson. Mais à tout pécheur miséricorde ! Je me félicite que vous soyez revenu dans le droit chemin.
    M. Jean-Pierre Brard. Amen !
    M. Charles de Courson. Je souhaite ainsi encourager les ministres à aller plus vite et plus loin dans la réforme de nos pratiques comptables, d'autant que cette mesure n'a aucune incidence sur le solde du budget.
    Quant aux principes d'universalité et de non-contraction des recettes et des dépenses, comment pourraient-ils avoir un sens alors que notre présentation budgétaire multiplie les contractions ? Pensons d'abord aux prélèvements sur recettes concernant les collectivités locales, qui passent de 34,7 milliards à 36,4 milliards d'euros en 2003. Ainsi que la Cour des comptes l'a fait observer à de nombreuses reprises, ces montants sont des dépenses : il faut donc les faire apparaître comme telles. Il en est de même du prélèvement au profit de l'Union européenne qui, lui, passe de 16,98 à 15,8 milliards. On nous oppose le refus de restreindre à la liberté d'amendement des parlementaires. Mais cet argument ne concerne pas le prélèvement européen. Ne conviendrait-il pas en fait de reconnaître explicitement ce pouvoir aux parlementaires au lieu de contourner les règles fondamentales d'un exercice budgétaire démocratique ?
    M. Jean-Yves Chamard. Très bien !
    M. Charles de Courson. Le principe d'universalité est également mis à mal par l'existence de dégrèvements et de remboursements au profit d'impôts revenant à des personnes autres que l'Etat, pour l'essentiel des collectivités locales, qui devraient au contraire être comptabilisés en dépenses. Entre 2002 et 2003, ils passeront de 10 milliards à 10,1 milliards. Faible progression, me direz-vous, mais le montant des recettes et des dépenses du budget de l'Etat, lui, est directement affecté.
    Le principe d'annualité est lui aussi remis en question par l'existence de reports souvent trop importants. Nos collègues de gauche n'ont eu de cesse de dénoncer les reports de 6,4 milliards d'euros de 2002 à 2003, annoncés par le ministre cet été et détaillés dans les lettres qui nous ont été transmises. Je leur rappelle que ces reports sont inférieurs à ceux qui ont été effectués de 2001 à 2002 - environ 15 milliards d'euros dans la loi du règlement votée par l'actuelle opposition et sur laquelle l'actuelle majorité s'était abstenue - afin de masquer la dégradation de la situation des finances publiques. En tout état de cause, nous devons réfléchir ensemble avec le Gouvernement, à un suivi continu et démocratique du devenir des crédits que nous votons en fin d'année pour que l'exercice budgétaire ait un vrai contenu.
    Enfin, quelques mots sur l'atteinte au principe de sincérité. J'ai eu l'occasion, lors de la discussion de la loi de règlement et de l'audition de MM. les ministres, d'évoquer les multiples structures d'endettement créées depuis des années pour financer des activités déficitaires, ou plus exactement dissimuler les dettes : EPFR et CDR, c'est-à-dire la structure de cantonnement du Crédit lyonnais, Réseau ferré de France, Charbonnages de France. Il en est de même du besoin de recapitalisation de France Télécom, estimé à quinze milliards, dont neuf à la charge de l'Etat, actionnaire majoritaire de l'entreprise. Une cartographie des dettes accumulées dans ces structures doit être établie dans les plus brefs délais.
    L'ordre de grandeur est le suivant, mes chers collègues : 8 milliards pour l'EPFR, 24 milliards pour RFF, plus de 3 milliards pour Charbonnages de France. Je souhaite que le débat sur les retraites soit l'occasion de dresser un bilan des engagements de l'Etat en matière de retraites à l'égard des fonctionnaires de l'Etat, et pour chacun des quelque vingt régimes spéciaux de retraite.
    Au total, je me suis livré à un calcul pour vous montrer l'incidence du non-respect des grands principes budgétaires sur la mesure de la croissance des dépenses du budget général de l'Etat. Officiellement, l'examen du budget montre que la progression des dépenses affichées est de 1,7 % en valeur, puisqu'il passe de 268,9 milliards en 2002 à 273,7 milliards en 2003, soit 4,8 milliards de plus. En réalité, toutefois, il faut partir, non de la loi de finances initiale pour 2002 corrigée des sous-évaluations récurrentes réalisées par le précédent gouvernement - 2,9 milliards d'euros, monsieur Migaud, je vous le rappelle -...
    M. Hervé Novelli. Rappel cruel !
    M. Charles de Courson. ... mais, hélas ! de la loi de finances telle qu'elle était à hauteur de 266 milliards d'euros. Ce qui nous donne donc déjà une augmentation de 7,7 milliards.
    Si l'on ajoute à cette somme les dégrèvements relatifs aux collectivités locales - 0,1 milliard seulement - et surtout les prélèvements sur recettes - 1,7 milliard - et si l'on tient compte de plus de la baisse - heureusement ! - du prélèvement communautaire de 1,1 milliard et de l'augmentation des dépenses du FOREC, qui progressent de un milliard d'euros, on arrive à un total de 12,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,4 %. C'est un peu moins que la croissance du PIB en valeur, qui est de 4 %, mais c'est le double de ce qui apparaît à la lecture du budget.
    Quant à l'évolution des recettes nettes fiscales et non fiscales, elle est officiellement en baisse de 1,8 % en valeur. Si l'on rebudgétise toutefois l'ensemble de ces recettes, on n'obtient qu'une légère baisse de 0,2 point.
    Autant dire que si nous voulons sensibiliser les Français à la réalité de la situation des finances publiques, il faut faire un véritable effort de pédagogie. En fait, il faut revenir aux grands principes budgétaires de base.
    Deuxième thème, les hypothèses économiques sont incertaines. Elles l'ont toujours été, me direz-vous. Certes. Mais cette année elles le sont beaucoup plus que par le passé.
    M. Jean-Yves Chamard. Pas plus que l'an dernier tout de même !
    M. Charles de Courson. Il s'agit de rendre ce projet de budget adaptable à l'évolution économique, de façon à respecter nos engagements européens dans le cadre du pacte de croissance et de stabilité. Loin de moi l'idée de critiquer l'hypothèse de croissance retenue par ce budget. Bien fou serait celui qui prendrait des paris sur le niveau de la croissance l'an prochain ! Je pense, messieurs les ministres, que vous avez retenu l'hypothèse qui à la mi-septembre, date de bouclage du budget, vous semblait la plus réaliste. Et je sais que vous avez eu de nombreux débats pour savoir quel taux retenir. En tout état de cause, vous vous êtes engagés à nous fournir en continu toutes les informations sur l'évolution de la situation économique, et à réguler les dépenses de manière réactive et transparente, et je vous en félicite. Vos prédécesseurs n'ont pas eu tant d'égards pour la représentation nationale et pour les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. En revanche nous demandons, à l'UDF, un budget ajustable. Nous souhaitons que le Gouvernement nous indique d'ores et déjà, dans le cadre de ce débat, les mesures de régulation qu'il prendrait dans l'hypothèse d'un fléchissement de la conjoncture déclenché par exemple par une intervention américaine en Irak. Comme Platon, je dirai qu'est sage celui qui dit : « Je sais que je ne sais pas », mais j'ajouterai, comme Aristote, qu'« est prudent celui qui anticipe de quoi demain sera fait ».
    M. Jean-Pierre Brard. Platon, Aristote et de Courson, ça fait une sacrée trilogie ? (Sourires.)
    M. Charles de Courson. Je suis sûr, messieurs les ministres que vous avez déjà réfléchi à cela et que vous serez à même de nous donner satisfaction.
    Je dis cela non pas par amour de la rigueur budgétaire...
    M. François Goulard. Ce n'est pas de l'amour, c'est de la passion ! (Sourires.)
    M. Charles de Courson. ... je ne suis pas « l'ayatollah budgétaire » que certains se plaisent à dépeindre (Sourires), mais parce que, comme mon collègue Nicolas Perruchot a eu l'occasion de le souligner, la semaine dernière, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, je suis persuadé que le déficit budgétaire, l'excès des prélèvements obligatoires lié à l'excès des dépenses publiques et la progression de la dette sont les pires prédateurs de l'emploi et de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je n'appelle pas à l'austérité ou à la rigueur : j'appelle, au nom de mon groupe, à la responsabilité. Etre responsable, c'est dire qu'il n'est pas prévu de diminuer le déficit public dans le budget, qui restera donc à 2,6 %, alors que l'hypothèse de croissance de 2,5 % se situe légèrement au-dessus du taux de croissance de longue période de la France qui était de 2,25 %. Etre responsable, c'est dire que le retour à l'équilibre des finances publiques en 2007 implique une réduction de 0,7 % par an du déficit chaque année, ce qui revient à faire dix milliards d'euros par an d'économies ou encore à baisser les dépenses publiques, toutes choses égales par ailleurs, de 1,3 % par an.
    M. Hervé Morin. Cela va être dur !
    M. Charles de Courson. Ce n'est pas impossible mais c'est très difficile. Le groupe UDF mesure à quel point il va falloir du courage à la majorité pour dire aux Français la vérité sur la situation des finances publiques,...
    M. Alain Néri. Il vaudrait mieux la leur dire tout de suite !
    M. Charles de Courson. ... et sur les mesures qu'il nous faudra prendre pour revenir à l'équilibre budgétaire.
    Plus généralement, le groupe UDF, conformément à son engagement européen, estime qu'il faut tout faire pour que la France ne soit pas considérée comme un mauvais élève de la classe européenne. Or si la croissance chutait de 2,5 à 1,5, mécaniquement, nos déficits publics approcheraient les 3 %.
    Troisième axe, le projet de loi de finances doit mieux prendre en compte les inquiétudes de certaines catégories sociales. Je voudrais tout d'abord évoquer le problème de la liberté de fixation du taux des impôts locaux par les collectivités locales. Le Gouvernement va dans le bon sens en permettant une certaine liberté en la matière. Cependant, la mesure est critiquable comme toutes ces vingt mesures qui ont également été prises en ce que les collectivités ayant des taux très bas de taxe professionnelle et haut de taxe d'habitation ne pourront pas réajuster. La solution est simple, messieurs les ministres : il faut aller vers la totale liberté de fixation des taux sous le contrôle des contribuables et électeurs.
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Très juste !
    M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
    M. Charles de Courson. Liberté et responsabilité, tels sont les deux fondements d'une politique sérieuse à l'égard des collectivités territoriales. Si vous ne nous concédez pas cette liberté aujourd'hui, j'espère que vous le ferez à l'occasion de la loi constitutionnelle sur la décentralisation.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est déjà la capitulation ! C'est Canossa !
    M. Charles de Courson. En deuxième lieu, il convient de s'intéresser aux épargnants qui ont subi des pertes importantes dans la valeur de leur patrimoine de valeurs mobilières. Le projet de budget ne prévoyant aucune mesure spécifique, la commission des finances a adopté un amendement proposé par l'UDF visant à permettre la déduction des moins-values des actions des sociétés ayant déposé le bilan dès la date du dépôt et non, comme actuellement, à celle de la liquidation ou du règlement définitif. Une mesure d'encouragement à l'épargne sous forme d'assurance vie à forte composante en actions permettrait aussi de sécuriser l'épargne en l'engageant dans un investissement à long terme et de préparer des futurs fonds de pension sur les retraites.
    En troisième lieu, il convient d'encourager les salariés modestes. A cet égard, le Gouvernement a entendu le groupe UDF puisque, dès le vote du collectif en juillet, nous avions défendu la thèse qu'il fallait consacrer autant d'argent aux classes moyennes et supérieures via la baisse de l'impôt sur le revenu qu'aux couches modestes et aux salariés modestes sous forme d'amélioration de la PPE et surtout de relèvement des bas salaires sans accroître le coût pour les entreprises et donc en réduisant les cotisations sociales.
    M. Alain Néri. Et par un coup de pouce au SMIC !
    M. Marc Laffineur. N'est-ce pas ce que l'on est en train de faire ?
    M. Charles de Courson. Cela représente 3,3 milliards d'euros entre le collectif et la loi de finances initiale pour les couches moyennes et supérieures, et près de 3 milliards pour les salariés modestes à travers la PPE et surtout le texte sur l'assouplissement des 35 heures.
    Enfin, il convient d'encourager les familles. Plusieurs mesures proposées par le Gouvernement vont dans le bon sens, notamment celle visant à relever à 10 000 euros le plafond pour emploi familial. Rappelons-le, sans les réductions opérées par la gauche, le plafond serait aujourd'hui de 14 000 euros.
    En la matière de logement, le groupe UDF soutient l'amendement de Pierre Méhaignerie qui vise à élargir aux ascendants et descendants le dispositif Besson. Il souhaiterait toutefois que des mesures de relance du logement soient prises, car la pénurie se développe, notamment dans les grandes agglomérations.
    Enfin, quatrième et dernier point, le groupe UDF souhaite que la maîtrise des finances publiques passe par la mise en oeuvre de quatre grandes réformes. La gauche a fait la démonstration par l'absurde que l'on ne pouvait faire baisser durablement le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale sans engager les grandes réformes. L'absence de réforme explique la dérive.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Charles de Courson. La première grande réforme est celle des retraites. Même en limitant à l'inflation, soit 1,5 %, la revalorisation des retraites, la masse des retraites des régimes de base s'accroîtra de 3,6 % en 2003. En effet, la dégradation du rapport démographique entre actifs et inactifs explique 2,1 % de hausse. Le poids des retraites dans la richesse nationale augmente donc dès que la croissance en volume du PIB tombe en dessous de 2,1 %. Ce taux va progresser fortement dès 2005, année à partir de laquelle les générations nombreuses nées en 1945 vont commencer à prendre leur retraite. Cette réforme est urgente. Le Gouvernement s'est précisément engagé à l'entamer en février 2003 par une concertation avec les partenaires sociaux suivie du vote d'un projet de loi en juin 2003. Le groupe UDF souhaite que cette réforme, trop longtemps différée, s'articule autour de quatre idées.
    Première idée : il faut assurer l'égalité entre tous les salariés, qu'ils appartiennent au secteur privé ou au secteur public.
    M. Hervé Morin. Très bien !
    M. Charles de Courson. Le débat sur le prélèvement supplémentaire effectué via la compensation interrégimes illustre l'extrême sensibilité de nos compatriotes à la question de l'avenir des retraites et son attachement au principe d'égalité.
    Deuxième idée, il importe d'assurer la justice sociale en tenant compte de la durée de vie professionnelle et de la pénibilité du travail. L'espérance de vie d'un manoeuvre est de sept ans inférieure à celle d'un cadre supérieur ou d'un instituteur. Il faut le dire et le rappeler.
    Troisième idée, il convient de compléter les régimes par répartition par des systèmes de fonds de pension à la française en reprenant la loi Thomas...
    M. Jean-Pierre Brard. Quel entêtement !
    M. Charles de Courson. ... et d'autres propositions de la majorité. C'est indispensable économiquement et socialement car il n'y a aucune raison, chers collègues de gauche, de limiter au seul secteur public le bénéfice des fonds de pension.
    Quatrième idée, il faut donner plus de liberté à nos concitoyens dans le choix de la date de départ à la retraite tout en modulant le montant de leur retraite en fonction de la durée de leur carrière.
    La deuxième grande réforme est celle de l'assurance maladie. On ne peut continuer à accepter que l'écart ne cesse de se creuser entre l'augmentation prévue de l'ONDAM et celle qui est constatée. L'idée du Gouvernement est d'expérimenter, en matière hospitalière, une tarification en fonction de l'activité et des pathologies soignées. Cependant, il faudra plusieurs années pour mettre en place un système de régulation. Il conviendrait aussi d'aller dans le sens de la responsabilité des patients et des acteurs de santé. Encourager le développement de l'assurance complémentaire collective et individuelle par un crédit-impôt sur les cotisations d'assurances complémentaires irait dans le bon sens. Il en est de même de l'idée de régionaliser la gestion des enveloppes financières.
    La troisième réforme est celle de la décentralisation. Cette réforme, le Gouvernement va l'engager et nous nous en félicitons. Cependant, il conviendra de transférer concomitamment un impôt moderne, localisable, stable et dont le taux sera fixé par les assemblées intéressées locales. Les travaux effectués par le comité des finances locales montrent que la seule solution est de confier aux grandes collectivités locale - départements et régions - la possibilité de fixer un taux additionnel sur l'assiette de la CSG. Il y aura alors un lien étroit entre le corps électoral et celui des contribuables. Il s'agira d'une vraie autonomie fiscale locale corrigée par un système de péréquation significatif. C'est ainsi que nous mettrons en place la démocratie locale et l'autonomie financière des collectivités territoriales.
    M. Nicolas Perruchot. Très bien !
    M. Charles de Courson. La dernière réforme est celle de la réforme de l'Etat, qu'il faut engager autour de trois idées simples.
    Première idée, il convient d'augmenter la productivité des administrations, en ayant davantage recours à l'informatique et à tous les moyens d'automatisation pour simplifier la vie des citoyens et réduire les coûts de gestion.
    Deuxième idée, il importe de redéployer les moyens en réduisant la taille des administrations centrales, en assurant une meilleure répartition des effectifs sur le territoire national et en déconcentrant les pouvoirs de l'Etat.
    Troisième idée, il faut prévoir un intéressement des fonctionnaires en termes de carrière et de primes. Il faut les impliquer dans l'amélioration du fonctionnement des services publics en donnant une plus grande souplesse dans la gestion des primes et des avancements.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. Enfin, la nouvelle loi organique devrait favoriser l'efficacité à travers des indicateurs de performance permettant de mesurer l'efficacité de l'action publique.
    M. Hervé Morin. Tout à fait !
    M. Charles de Courson. Comme vous le constatez, mes chers collègues, le travail à accomplir pour assurer la maîtrise des finances publiques est considérable. Il faut d'abord des documents budgétaires respectant les grands principes du droit budgétaire. Il faut ensuite une gestion budgétaire qui s'adapte à la conjoncture et qui nous permette de respecter nos engagements européens. Il faut par ailleurs une attention soutenue aux familles, aux salariés modestes, aux épargnants et aux collectivités locales. Il faut enfin l'engagement que les quatre grandes réformes portant sur les retraites, la décentralisation, l'assurance-maladie et l'Etat seront menées à bien. C'est dans ce cadre que le groupe UDF apportera son soutien à ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de succéder à Charles de Courson qui vient de nous exposer un plan de travail tout à fait conforme à ce que nous avons l'intention de faire.
    Il est clair que le budget est un acte important dans la vie de notre pays, mais ce n'est pas le seul. Si le budget a un horizon annuel, il s'agit, avec les mesures qui viennent d'être évoquées, comme d'ailleurs de nombreuses autres qui ont été présentées dans la discussion, de regarder l'avenir tout en tenant compte du passé et en essayant, année après année, de créer les conditions qui permettront aux Français de bénéficier du niveau de vie le meilleur possible.
    M. Jean-Pierre Brard. Tout cela est très dialectique, monsieur le ministre !
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui, le débat que nous avons eu a été très riche et j'ai appris beaucoup de choses personnellement, ce qui est normal dans la mesure où je n'ai pas l'expérience de la plupart d'entre vous.
    M. Patrice Martin-Lalande. Vous en avez d'autres !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est vrai aussi que nous avons entendu de nombreuses critiques émanant de l'opposition, ce qui est normal puisque c'est son rôle.
    M. Alain Néri. Normal et justifié.
    M. Jean-Pierre Brard. D'autant que c'est critiquable !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais au-delà de ces critiques relatives à la sincérité, à la rigueur, à la justice ou à l'efficacité, je dois avouer que j'ai été quelque peu déçu car je n'ai pas entendu de véritable proposition alternative. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine Lignières-Cassou. Vous avez mal écouté !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En outre, j'ai eu le sentiment que, au sein même de l'opposition, il y avait des visions différentes de ce qu'il fallait faire, car j'ai entendu des reproches contradictoires. En effet, alors que certains, tel M. Bonrepaux, nous accusent d'affaiblir la France au niveau européen en ne réduisant pas assez vite le déficit, d'autres, comme M. Dray ou M. Brard, nous reprochent a contrario de nous plier au prétendu dogme libéral du pacte de stabilité. Il faudrait savoir ! Soit nous sommes trop rigoureux, soit nous ne le sommes pas assez. En définitive, j'en ai tiré la conclusion que nous étions dans le juste milieu.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. Jean-Pierre Brard. Banal !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Puisque j'ai également entendu parler de rigueur, laissez-moi vous dire que, dans mon esprit, il s'agit de la nécessité d'être rigoureux, au sens de responsable, terme employé par M. de Courson.
    Il nous appartient, aux uns et aux autres, de bâtir notre avenir dans un environnement difficile, incertain, en assumant les responsabilités que nous avons à l'égard tant du présent que du futur. Je n'hésite pas à affirmer que l'ambition de ce gouvernement est d'être un gouvernement responsable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pur la démocratie française.)
    M. Méhaignerie nous a rappelé cette nécessité en soulignant qu'il fallait éviter tout comportement laxiste. Comme tous les membres du Gouvernement, je n'ai aucune difficulté pour l'approuver : ce n'est pas à coups de laxisme, à coups de déficits, à coups de non-financement d'opérations projetées dans le futur que nous bâtirons le devenir de notre pays.
    M. Charles de Courson. Très juste !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai aussi été très étonné de l'importance accordée aux hypothèses de croissance, comme si le budget de notre pays était totalement accroché à un chiffre plutôt qu'à un autre en la matière.
    A ce propos, je tiens d'abord à préciser, s'il en était besoin, que les hypothèses de croissance sur lesquelles nous avons bâti notre budget, nous y croyons !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est rassurant ! (Rires.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est tout à fait rassurant !
    Je peux vous rassurer encore davantage en répétant, car je l'ai déjà dit, que ces hypothèses ne sont pas significativement différentes de celles émises par de grands instituts internationaux, et elles sont même inférieures à celles retenues par plusieurs pays européens.
    Plus fondamentalement, il serait intéressant de nous rappeler quelles conséquences et de quelle importance une hypothèse de croissance peut avoir sur les recettes d'un budget. Tel est, en effet, le sens de la relation à établir entre la croissance économique - bien sûr toujours souhaitable pour le bien-être et le développement de n'importe quel pays, donc du nôtre - et le budget de ce pays.
    Soyons donc clairs : tout le monde est censé savoir dans cet hémicycle que la croissance est fonction des investissements, des exportations, des importations, de la consommation ; et que les conséquences en termes de recettes ne sont pas les mêmes selon que l'évolution concerne l'un ou l'autre de ces éléments. Ainsi, une augmentation de la consommation des ménages génère des recettes de TVA. En revanche, une progression des exportations des entreprises françaises, si elle est favorable à la croissance, ne procure pas beaucoup de TVA ; elle a donc peu de conséquences sur les recettes fiscales.
    Je trouve donc un peu curieux qu'il y ait eu autant d'excitation sur un sujet, certes difficile - la croissance en 2003 - tant les conditions économiques sont incertaines, sans que personne ne mette en avant les inévitables relations entre cette croissance et le volume des recettes prévues dans notre budget.
    M. Didier Migaud. C'est bien le problème !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'élément principal qui nous a conduits à établir les recettes qui figurent dans ce budget est notre forte confiance dans la consommation des ménages.
    M. Didier Migaud. Vous ne faites pourtant rien pour la favoriser !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Or regardez la réalité : alors que nous avions retenu une hypothèse, volontairement raisonnable, d'augmentation du pouvoir d'achat des ménages en 2002 de 2,1 %,...
    M. Jean-Pierre Brard. A Neuilly !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie... nous avons eu la fantastique surprise de voir l'INSEE estimer qu'il allait s'agir de 2,9 %.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais où ?
    Mme Muguette Jacquaint. Ils se réfèrent à l'INSEE quand ça les arrange !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ces conditions, il convient de faire en sorte que les consommateurs français aient plutôt envie de dépenser ce supplément de pouvoir d'achat, ce qui permettra de générer des recettes de TVA et de TIPP qui conforteront nos hypothèses de recettes, au lieu de l'épargner. Nous devons donc instaurer des conditions telles que la confiance des ménages dans la politique du Gouvernement soit aussi élevée que possible. C'est ce que nous essayons de faire.
    M. Alain Néri. On verra à l'usage !
    M. Gérard Bapt. C'est mal parti !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toujours en ce qui concerne la croissance, nous pouvons aussi imaginer qu'un important choc externe se produise. Nul ne peut exclure cette hypothèse, surtout dans les circonstances actuelles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Personne ne saurait contester que, en ce cas, nous devrons tous ensemble prendre les mesures qui s'imposent pour tirer les conséquences d'un événement extérieur qui n'est absolument pas sous notre contrôle. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Si ! Utilisez le droit de veto !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je veux également remercier chaleureusement la majorité, non seulement pour le soutien qu'elle nous apporte, mais aussi pour tous les commentaires, toutes les pistes de réflexion et d'approfondissement qu'elle nous a permis de découvrir ou dans lequelles elle nous a encouragés à aller.
    M. Jean-Pierre Brard. Flagornerie !
    M. François Goulard. Non, entre nous, c'est sincère !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous savons tous que la situation dont nous avons hérité était faite de déficits, de multiplicité des SMIC. A ce propos, je ne vois pas comment certains pourraient considérer que le fait d'avoir eu le courage d'unifier les SMIC par le haut serait une démonstration de comportement injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous avons également hérité du non-financement des 35 heures et des emplois-jeunes, des problèmes liés à l'APA, des conséquences de l'augmentation continue des effectifs de la fonction publique, sans beaucoup d'effets pour les citoyens, et de celles de la réduction des investissements publics que nous avons essayé de compenser aussi rapidement que possible. Il nous appartient donc d'assumer ces tâches, puisque nous sommes au pouvoir, mais il ne nous est pas interdit de souligner que ces difficultés ne sont pas totalement de la responsabilité du gouvernement actuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).
    Je dois aussi souligner, en remerciant Gilles Carrez de l'avoir fait dans son intervention, qu'il n'est pas question d'affirmer que nous allons raser gratis.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça, il faut le reconnaître !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ainsi, dans notre évaluation des recettes, nous avons joué la sincérité et la prudence, en retenant des taux d'élasticité dont la plupart sont inférieurs à 1, ce qui n'avait pas été le cas dans le passé.
    M. Patrice Martin-Lalande. Eh oui !
    M. Jean-Pierre Brard. Attention aux estafilades !
    Mme Muguette Jacquaint. Ce budget, c'est le saut à l'élastique !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Beaucoup d'entre vous ont jugé que notre projet de budget était équilibré. Certes, un budget est toujours un équilibre entre des contraintes multiples, notamment entre la nécessité d'encourager l'offre et celle de soutenir la demande. C'est ce que nous avons tenté de faire, le moins mal possible, en essayant de soutenir la confiance, et le pouvoir d'achat, avec des baisses d'impôts, et des baisses de charges,...
    M. Alain Néri. Toujours pour les mêmes !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... en essayant de mettre un terme à la dérive des déficits, sans briser la croissance ; en rétablissant les crédits d'investissement qui avaient été largement érodés pendant cinq y compris dans le secteur de la défense et, bien sûr, en commençant à nous engager dans la nécessaire maîtrise des dépenses de l'Etat, en particulier dans le domaine des effectifs.
    Nous n'avons bien entendu pas l'ambition de prétendre que nous avons tout fait. Nous ne sommes qu'en 2003, et nous avons devant nous une législature complète.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vous qui le dites !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En tout cas, nous sommes convaincus que le cap que nous avons affiché est le bon, et, rassurez-vous, nous avons l'intention de nous y tenir.
    Mme Muguette Jacquaint. D'autres l'ont dit avant !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les baisses d'impôt seront poursuivies. C'est d'ailleurs parce qu'elles s'inscrivent dans la durée qu'elles seront efficaces. Il faut que les Français soient conscients du fait que ces mesures sont pérennes afin qu'elles se traduisent par des changements de comportement.
    M. Alain Néri. M. Lambert est-il du même avis que vous ?
    M. le président. Monsieur Néri !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Plusieurs intervenants ont exprimé la préoccupation légitime que la baisse des impôts soit annulée par des hausses symétriques sur le plan local, éventuellement provoquées par une réforme de l'Etat. A cet égard, je veux vous dire ma conviction, notre conviction, que cette réforme de l'Etat vers la décentralisation, moyen majeur pour améliorer son efficacité, ne signifie pas, ni dans notre esprit ni, je l'espère, dans le vôtre, qu'il s'agit simplement de transférer des charges vers les collectivités territoriales.
    Le système administratif doit évoluer pour se rapprocher de l'usager, du contribuable, de la collectivité locale. C'est en effet dans ce rapprochement, en utilisant les techniques d'aujourd'hui ou de demain, et non plus celle d'hier, que nous trouverons ensemble les conditions pour améliorer la qualité des missions de service public, qu'elles relèvent de l'Etat ou des collectivités territoriales, tout en faisant en sorte qu'elles soient mieux assurées et à des coûts plus faibles.
    Cela fait partie des notions de base de management de tout système collectif. Or l'Etat, comme toute collectivité territoriale, est un système collectif qui peut être managé afin d'améliorer ses performances au service de l'usager. Telle est notre intention au niveau de l'Etat et nous essayerons de vous y aider dans les collectivités dont vous êtes issus.
    Vous avez également été nombreux à souhaiter que l'Etat, dans le cadre de ses responsabilités, gère mieux les entreprises publiques. J'admets évidemment que le problème est patent, pour les raisons que vous pouvez imaginer.
    M. Jean-Pierre Brard. On les imagine trop bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous sommes tout à fait prêts à venir présenter, dans les prochaines semaines, aux commissions compétentes, la situation économique et financière de ces entreprises. De même, lorsque la réflexion qui va démarrer sur les relations entre l'Etat actionnaire et ces entreprises aura été menée à bien, je serai tout disposé à vous présenter les moyens avec lesquels nous essayerons de faire mieux qu'auparavant en la matière.
    M. Yves Deniaud. Ce ne sera pas difficile !
    M. François Guillaume. Surtout par rapport à ce qu'ils ont fait !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai également été heureux de constater que certains avaient remarqué, que dans ce budget, nous avions pensé aux autres, c'est-à-dire au Sud.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, nous avons décidé d'accroître, certes modestement, notre effort d'aide au développement.
    M. François Guillaume. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est en effet clair que l'image de notre pays ne peut pas être restaurée si nous ne montrons pas une certaine générosité vis-à-vis des autres (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Appuyé sur mes propres convictions, je vous indique que cet effort devra être poursuivi. Il s'agit de démontrer que la France veut continuer à avoir une influence dans le monde, autour de quelques valeurs que nous partageons, bien sûr, avec d'autres pays, mais dont nous sommes souvent à l'origine.
    Mesdames, messieurs, vous avez compris que nous avons de l'ambition. Nous avons certes beaucoup de travail à faire, mais nous allons utiliser des méthodes qui vont probablement nous permettre de régler progressivement tous les problèmes («Oh! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    M. Jean-Pierre Brard. Quelle ambition !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... qu'il s'agisse des retraites, de la décentralisation ou de la santé. Ce sont les vrais problèmes de nos pays.
    M. Michel Pajon. Et l'emploi ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les budgets sont les outils idoines pour instaurer en temps réel, c'est-à-dire l'année, le moins mauvais compromis possible face à des contraintes diverses et nombreuses, en mettant en oeuvre différentes stratégies. Nous tenons à bâtir ces compromis en totale transparence avec vous. Nous gérerons donc l'année budgétaire en accord avec vous, et nous bâtirons, budget après budget, le devenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française..)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je comptais tout à l'heure sur mes doigts, ce qui a été remarqué par certains d'entre vous.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est normal, pour un ministre du budget, de compter sur ses doigts. (Sourires.)
    M. François Goulard. M. Brard est insupportable !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cela m'a permis de constater qu'il s'agissait du onzième débat budgétaire auquel j'avais la chance de participer, pas dans cette assemblée malheureusement. Je tiens surtout à vous dire que c'est sans doute celui au cours duquel j'ai d'ores et déjà le plus appris.
    M. Jean-Pierre Brard. Cela ne m'étonne pas !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai trouvé la discussion d'une très grande qualité, d'une très grande richesse.
    D'une manière très spontanée, je veux également souligner ce qui m'a le plus frappé : jamais je n'ai entendu autant d'insistance sur la nécessité de maîtriser et de réduire la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Albertini. C'est le plus difficile !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est le plus difficile et c'est la clé de tout.
    Il est facile de prévoir des baisses de prélèvements. Il est facile de proclamer qu'il faut réduire les déficits. En revanche, baisser la dépense commande beaucoup de courage, exige un sens élevé de la responsabilité. Je voulais donc vous dire sans flagornerie que j'ai rencontré ici ces qualités.
    M. Jean-Yves Chamard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai un peu hésité sur la manière de conduire cette intervention : soit répondre individuellement à chacun d'entre vous, soit regrouper les sujets, tous très importants, que vous avez évoqués. J'ai choisi la seconde solution et j'espère que vous ne m'en voudrez pas.
    Tout d'abord, mesdames, messieurs les députés, maîtriser la dépense est le seul moyen de faire face à la situation que nous avons trouvée.
    M. François Goulard. Absolument !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le rapporteur général, dans la présentation remarquable qu'il a effectuée, a évoqué les problèmes auxquels le Gouvernement était confronté. En effet - et ceux d'entre vous qui ont participé au débat sur la loi de règlement la semaine dernière l'avaient déjà relevé : la gestion 2001 portait en germes toutes les difficultés que nous rencontrons en 2002 et celles que nous devrons affronter en 2003.
    M. Michel Bouvard Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le rapporteur général l'a remarquablement expliqué.
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est loin d'être la seule raison !
    M. Didier Migaud. Et le ralentissement économique ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. A cet égard, nous avons eu raison de retenir l'hypothèse la moins optimiste de l'audit en élaborant le collectif voté au mois de juillet. Les rentrées fiscales de ces derniers mois confirment amplement la pertinence de ce choix.
    La situation de 2002 n'a d'ailleurs rien à voir avec celle qui prévaudra en 2003. Même l'opposition n'arrive pas à établir un parallèle entre les deux.
    Pour 2002, il y eu une sous-évaluation systématique des dépenses et une surévaluation systématique des recettes.
    M. Didier Migaud. Mais non !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En 2003, nous aurons certes à faire face à des incertitudes sur le taux de croissance - plusieurs orateurs l'ont souligné -, mais chacun doit mesurer qu'en matière d'estimation des recettes et des dépenses, un souci de sincérité marque nos propositions budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Alain Néri. On en reparlera !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De nombreux intervenants ont relevé les contraintes qui pèsent sur notre action. Je veux néanmoins les citer parce que les témoignages qu'ils ont apportés nous ont été précieux : MM. Folliot, Goulard, Deniaud, Vannson, Descamps, Giscard d'Estaing, Estrosi, Remiller et Landrain ont pointé tous les facteurs de dérive issus de la politique du précédent gouvernement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Cet après-midi encore, Marc Laffineur les a rappelés en détail.
    Vous connaissez donc ces facteurs, mesdames, messieurs les députés, mais je crois utile de les rappeler, afin que chacun sache précisément quelles sont les erreurs qu'il ne faut plus commettre.
    Le premier est le financement des 35 heures, qui nous prive de plus de 10 milliards d'euros de recettes fiscales.
    M. Hervé Novelli. C'est criminel !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il faut également citer les créations d'emplois publics opérées lors de la précédente législature, car elles ont contribué à rigidifier la dépense. La dette et la fonction publique représentent ainsi aujourd'hui 58 % des dépenses de l'Etat.
    M. Michel Bouvard. Voilà !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ajoute l'augmentation non financée - sur laquelle vous avez été nombreux à revenir - de diverses prestations sociales, qu'il s'agisse de l'aide médicale d'Etat, de la CMU, de l'APA...
    M. Michel Bouvard et M. Jean-Yves Chamard. Eh oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire... du BAPSA...
    M. Charles de Courson. Eh oui, et je l'avais dit !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... à propos duquel Jean-Pierre Decool a souligné l'effort de solidarité consenti par l'Etat.
    Nous n'avions donc pas d'autre choix pour faire face à la situation que nous avons trouvée. Et notre volonté d'accompagner la baisse de niveau des prélèvements par une réduction de la dépense est le gage d'une diminution sincère et durable.
    M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La réduction des dépenses est le meilleur moyen de réaliser l'intégralité de notre programme de baisse des prélèvements obligatoires. Cet engagement a été pris devant les Français, qui demandent l'allégement des prélèvements obligatoires, parce qu'ils ne veulent plus être les contribuables les plus maltraités d'Europe.
    M. Hervé Novelli. Ils ont raison !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est qu'en maîtrisant et en réduisant la dépense que nous parviendrons à leur garantir une baisse des prélèvements durable.
    M. Michel Pajon. Oui, mais à quel prix !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est également le moyen de financer nos priorités. Car, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, je me tournerai vers vous dans un instant,...
    M. Jean-Pierre Brard. Enfin ! on existe !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... c'est le moyen de financer les priorités dont vous vous êtes trop peu souciés. La sécurité était la première préoccupation des Français, il y a encore quatre mois.
    M. Jean-Yves Chamard. Tout à fait !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et l'emploi ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Tout n'est pas réglé, bien sûr, mais, en quatre mois, le Gouvernement a su répondre aux premières préoccupations des Français.
    La justice en faisait partie également ; des solutions sont en oeuvre. La défense aussi. Autant de priorités qui devaient être financées.
    M. Jean-Louis Dumont. Ils sont aux ordres ! au garde-à-vous !
    M. Jean-Paul Bacquet. Et le porte-avions, est-il financé ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons également besoin de réduire la dépense publique pour parvenir, à la fin de la législature, à l'équilibre budgétaire, seul à même de nous permettre de pérenniser nos baisses d'impôts.
    Le président Méhaignerie a bien voulu, comme le rapporteur général, évoquer prioritairement ce thème. Il a dit que contrôler la dépense, c'est le contraire du laxisme. Je fais mienne, s'il me le permet, cette formule. Plus de contrôle des dépenses, c'est plus de marges de manoeuvre pour les dépenses d'avenir, a-t-il ajouté, notamment pour l'investissement. Il a tout à fait raison et c'est bien là la démarche du Gouvernement. D'autres orateurs ont bien voulu le souligner, MM. Folliot et Bouvard notamment.
    Vous avez été nombreux à ouvrir des pistes très intéressantes en faveur de la maîtrises des dépenses, et je voudrais retenir des formules qui m'ont bien plu.
    Hervé de Charette a dit qu'il fallait « gagner la bataille de la dépense publique », François Goulard qu'il fallait « se garder du keynésianisme de paresse ». Voilà de belles expressions !
    M. Jean-Pierre Brard. Ah oui ! Mais intellectuellement nulles !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Elles résument bien en tout cas ce que le Gouvernement pense.
    Parmi les solutions qui nous ont été proposées, Philippe Auberger a insisté sur la nécessité de nous assurer que la situation des grandes entreprises publiques ne compromette pas nos finances. J'apporte une réponse à ce propos à la question qu'il a posée sur France Télécom. Le Gouvernement veillera à ce que l'opération de financement par l'Etat ait un caractère strictement patrimonial. Son cantonnement par rapport aux comptes de l'Etat passera sans doute par la création d'une structure juridique spécifique.
    François Guillaume a, lui aussi, évoqué les difficultés du secteur public. Son analyse, à propos de la dette de l'Etat, était exceptionnelle. Elle est totalement partagée par le Gouvernement. Le niveau atteint par la dette - Didier Migaud est sans doute un des rares Français à penser qu'elle a diminué ces dernières années (Sourires) - est tel qu'il obère les chances d'avenir de notre pays.
    M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il faut, en effet, que nous nous penchions sur la question afin de parvenir à une réduction substantielle dans les meilleurs délais.
    M. Jean-Pierre Brard. Pourtant, M. Guillaume aime les subventions publiques quand elles vont à l'agriculture !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Brard, ne vous inquiétez pas, votre tour viendra !
    M. Jean-Pierre Brard. J'espère bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Philippe Folliot nous a invités à maîtriser les dépenses de fonction publique par l'application de la LOLF. Michel Bouvard et Nicolas Perruchot ont également insisté sur ce point. Nous avons l'intention d'associer la représentation nationale, les commissions des finances en particulier, à la mise en oeuvre de la loi organique.
    Jean-Yves Chamard a développé une analyse extrêmement pertinente sur les indicateurs de contrôle de la dépense publique - fort de son expérience de rapporteur spécial des crédits de l'éducation, ainsi que de son expérience de gestionnaire local. Manifestement, il a approfondi en très peu de mois sa connaissance de ces questions d'éducation dont il n'était pas spécialiste quand il siégeait précédemment dans cette assemblée. C'est, en effet, un budget extrêmement consommateur de crédits et sur lequel, à mon avis, les marges de progrès sont nombreuses.
    Marc Laffineur a raison d'insister sur la nécessité de rompre avec les pratiques d'affichage et d'opacité. C'est le but poursuivi par le Gouvernement et cela se ressent dans ce budget.
    Georges Tron a proposé de nombreuses pistes qui passent par l'amélioration de la gestion des ressources humaines dans le secteur public et par une meilleure connaissance des pratiques dans le domaine de la fonction publique, en France comme à l'étranger. Je crois, en effet, que nous avons tout intérêt à faire - j'espère que le mot n'est pas déplacé dans cette assemblée - un peu de benchmarking dans d'autres pays (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Michel Bouvard. Nos voisins l'ont fait ! Même les Italiens !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... pour y examiner comment la fonction publique y est gérée. Ne pensons pas détenir la vérité en la matière. Nous pouvons apprendre chez les autres et nous pouvons, en effet, progresser et faire bénéficier nos compatriotes de nos progrès.
    J'en viens au troisième point. La question de la dépense publique divise très nettement les députés de la majorité et ceux de l'opposition. Je n'en fais d'ailleurs pas reproche à l'opposition, car je pense que c'est la noblesse de notre mission que de faire apparaître de manière claire les différences entre les sensibilités politiques.
    M. Jean-Pierre Brard. Au moins, nous sommes d'accord sur ce point !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Brard, vous pouvez compter sur moi pour faire en sorte que nos électeurs ne nous confondent pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous pouvez être tranquille ! (Rires.)
    M. le président. Monsieur le ministre, évitez d'interpeller M. Brard !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, nous sommes nés dans le même département ! (Sourires.)
    Nous avons écouté avec beaucoup d'attention les orateurs des groupes socialiste et communiste, et, s'agissant de la dépense, leurs points de vue sont très différents de ceux de la majorité.
    Julien Dray a déclaré : « Notre pays ne doit pas avoir la baisse des déficits pour priorité » ; Alain Claeys : « Le Gouvernement diminue les aides aux emplois aidés dans le secteur public » et Éric Besson : « Le Gouvernement détruit l'emploi public ». Jean-Claude Sandrier et Gérard Bapt, quant à eux, ont longuement évoqué la dépense publique.
    Comme d'habitude, tous les budgets qui baissent ont été montrés du doigt.
    M. François Goulard. Triste réflexe !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. A toutes ces interventions, je réponds clairement : le déficit, c'est l'impôt de demain. C'est aujourd'hui une entrave à la dépense utile,...
    M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi ne le réduisez-vous pas ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... à la dépense qui prépare l'avenir et notamment à la dépense d'investissement.
    Monsieur Bonrepaux, le Gouvernement préfère l'emploi pérenne en entreprise plutôt que l'emploi public temporaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Comme l'ont rappelé ce matin Jean-Yves Chamard et cet après-midi Marc Laffineur, un bon budget n'est pas un budget qui augmente. La démonstration de M. Chamard sur ce point était tout à fait éclairante.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est la distribution des bons points !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Un discours a tranché, celui de Jean-Pierre Balligand. J'ai de l'estime pour lui, mais je l'ai trouvé pessimiste, trop pessimiste.
    M. Jean-Pierre Balligand. J'espère l'être trop !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je l'invite à réfléchir sur le risque qu'il y a à développer trop systématiquement des idées pessimistes.
    Selon vous, monsieur Balligand, le budget ne répondrait pas à la gravité de la situation mondiale. Vous avez invité, en quelque sorte, l'Assemblée à s'inquiéter davantage.
    S'agissant de la Caisse des dépôts - nous avons siégé ensemble à la commission de surveillance -, nous prélèverons moins en 2003 qu'en 2002 - 550 millions d'euros en moins.
    M. Jean-Pierre Balligand. Là n'est pas le problème ! C'est sur les résultats !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai bien compris, monsieur Ballingand ! J'ai siégé sous votre présidence, je me souviens bien du sujet.
    Nous ne prélevons que sur la seule réserve d'intérêt compensateur, qui, en tout état de cause, est acquise à l'Etat. Et le Gouvernement vient enfin de nommer une mission sur l'épargne réglementée ; le point sera fait sur l'ensemble des questions.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Enfin, notons le mot d'Alain Rodet pour qui l'institut de conjoncture le plus sollicité actuellement serait l'institut Coué ! Je le rassure : cet organisme a fermé ses portes en mai 2002 ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le débat sur la dépense publique est aussi celui sur le pilotage de cette dépense et cela me permet de répondre, respectueusement et cordialement, à Didier Migaud que nos désaccords - inévitables - n'affecteront pas le fruit du travail qui a été mené l'année dernière en commun. Cela dit, la régulation budgétaire a été abondamment pratiquée par le précédent gouvernement, et je n'ai pas souvenir, d'ailleurs, qu'il l'ait critiquée. Nous serons conduits, comme tous les gouvernements, à mettre en oeuvre des mesures de maîtrise des dépenses, en exécution.
    Mais il y a, cher Didier Migaud, deux énormes différences : nous, nous le disons dès maintenant, d'emblée, avec franchise, au moment de la discussion budgétaire et, comme je vous l'ai dit avant la discussion générale, nous le ferons tôt dans l'année, afin de ne pas perturber les gestionnaires et de conserver toute son efficacité à la dépense.
    Plus fondamentalement, l'exécution de notre budget sera, je vous l'affirme, réelle et transparente, et en aucun cas virtuelle ni opaque, comme elle l'a été par le passé.
    Ce qui importe par-dessus tout dans un budget, c'est le montant global des dépenses. C'est ce chiffre, voté par le Parlement, que nous souhaitons préserver.
    Plusieurs orateurs de la majorité ont bien voulu nous créditer d'avoir fait un budget sincère et crédible.
    M. Didier Migaud. Ils sont bien bons !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je veux les en remercier, qu'il s'agisse d'Eric Woerth, de Xavier Bertrand ou de Marc Laffineur. Nous estimons, comme eux, avoir trouvé les bons équilibres, dans la conjoncture difficile qui est la nôtre.
    La crédibilité de notre action en faveur de la maîtrise des dépenses, et donc de la baisse des prélèvements et des déficits, résultera, je le rappelle, d'une nouvelle procédure d'élaboration du budget qui garantira un véritable effort d'économies structurelles.
    Enfin, nombre d'entre vous ont émis la crainte que le vaste mouvement de décentralisation qui s'engage soit l'occasion d'une hausse des impôts locaux. La crainte d'un transfert de la dépense n'est-elle pas plus forte que la crainte de ne pas savoir suffisamment réduire la dépense ?
    Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est attentif à vos préoccupations. Cette deuxième vague de décentralisation ne doit pas aboutir à un transfert de charges sans transfert des ressources correspondantes. Ce qui signifie que les moyens matériels et humains correspondant à l'exercice actuel de ces missions doivent pouvoir être transférés corrélativement. A défaut, en effet, le risque d'augmentation des impôts locaux serait trop grand, et ce ne serait pas un progrès.
    M. Augustin Bonrepaux. Les moyens actuels ? On a bien entendu ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Bonrepaux, pour ce qui concerne les collectivités locales, je vais essayer de vous répondre le plus complètement possible, pour vous rassurer.
    Malgré la conjoncture budgétaire difficile que vous nous avez malheureusement laissée, je suis obligé de vous le rappeler, le contrat de croissance et de solidarité avec les collectivités locales est maintenu et renouvelé. Au moment où s'amorce un nouveau processus de décentralisation, cela doit vous rassurer. Pour le présent Gouvernement, l'autonomie fiscale des collectivités locales n'est pas un slogan : il l'inscrit dans ses actes.
    Aussi vous sera-t-il proposé d'assouplir le lien entre les taux des quatre taxes locales. Il s'agit d'une vraie révolution car, depuis vingt-deux ans, le pouvoir de voter les taux n'en était pas un. Nous voulons marquer notre confiance dans les élus locaux. J'ai bien entendu l'appel de Charles de Courson. C'est un sujet qui fera, je crois, l'objet de nombreux débats. Pour éviter que certains, très minoritaires, je le sais, n'abusent de cette liberté toute neuve, le Gouvernement a pensé plus sage d'avancer par étapes. Notre texte marque, à nos yeux, un équilibre auquel nous sommes très attachés.
    S'agissant de la fiscalité locale, je rappelle que celle de France Télécom est enfin banalisée. Cela avait été promis depuis bien longtemps et toujours différé. Au-delà, le Gouvernement prendra à bras-le-corps deux problèmes essentiels : il sera soucieux, d'une part, de faire en sorte que décentralisation et réforme de l'Etat aillent de pair,...
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et cela fait écho à ce qu'ont dit, à juste titre, MM. Goulard, Estrosi, de Roux et Landrain ; d'autre part, d'éviter de créer pour des collectivités locales des obligations qui les empêcheraient de pratiquer une gestion autonome. Le vrai enjeu, là encore, c'est la liberté, pour moins de dépenses et moins de charges, car, comme l'a dit Hervé Mariton, il faut que la décentralisation soit vigilante sur la dépense et sur l'impôt.
    Toutes ces solutions en faveur de la maîtrise de la dépense crédibilisent l'action du Gouvernement en matière fiscale.
    J'en viens aux questions fiscales, précisément. La politique de baisse des prélèvements obligatoires vise à donner un signal clair et à créer les conditions d'une croissance forte et durable sur un territoire qui doit devenir de plus en plus attractif pour l'emploi et pour l'esprit d'initiative. Au fond, les raisons qui me conduisent à faire ce choix sont au nombre de trois.
    D'abord, je le disais tout à l'heure, le niveau de nos prélèvements obligatoires est trop élevé par rapport à la moyenne de nos voisins et concurrents européens.
    Ensuite, l'évolution de la conjoncture économique et les incertitudes, qui ont été beaucoup évoquées à cette tribune, justifient davantage encore l'effort de réduction des charges pesant sur les entreprises et sur les ménages. Il s'agit là d'un point sur lequel notre stratégie diffère très clairement de celle du précédent gouvernement : au lieu de réagir aux difficultés de la conjoncture par une augmentation des prélèvements et de la dépense, nous choisissons de mettre la France en ordre de bataille en laissant davantage de marges de manoeuvre à ses entreprises et en améliorant le pouvoir d'achat des ménages.
    Enfin, au-delà du court terme, qui pourrait, de bonne foi, nous reprocher d'avoir restitué aux Français une partie du fruit de leur travail qui a tant été mis à contribution ces cinq dernières années ?
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant de la baisse de l'impôt sur le revenu, mesdames et messieurs les députés, l'allégement de 6 % a été qualifié par certains d'entre vous d'inéquitable et d'injuste. Appréhender l'équité d'une baisse de l'impôt sur le revenu sous le seul angle du montant de l'allègement résulte d'un raisonnement par nature biaisé. En effet, c'est méconnaître la très forte concentration de l'impôt sur le revenu en France. Sur ce point, la comparaison avec les pays étrangers est édifiante.
    M. Michel Bouvard. Voyez le rapport Charzat !
    M. Jean-Pierre Brard. Notre système est meilleur !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais j'observe que les auteurs des critiques ne prennent pas la peine de faire cet effort de comparaison.
    Contrairement au gouvernement précédent, qui a accru la progressivité de l'impôt sur le revenu, nous la maintenons inchangée, et tous les taux du barème sont réduits de 6 %. Le débat sur l'équité de cette mesure a été tranché par les Français eux-mêmes : ils ont clairement fait le choix d'une politique résolument favorable à l'emploi, à la croissance, et à l'initiative.
    Le Gouvernement met en oeuvre, comme il s'y est engagé, des réformes qui ont été voulues par les Français.
    M. Didier Migaud. Vous interprétez mal leurs désirs !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Plusieurs orateurs ont critiqué la faiblesse de l'augmentation en matière de prime pour l'emploi.
    M. Didier Migaud. Encore heureux !
    M. Gérard Bapt. Ils ont eu raison !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. D'abord, nous avons maintenu la prime pour l'emploi, parce que c'est un instrument qui, bien qu'ayant des défauts, permet d'inciter au travail et d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés faiblement rémunérés.
    M. Gérard Bapt. Il fallait l'augmenter alors !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour 2003, nous avons voulu concentrer notre action sur les travailleurs à temps partiel...
    M. Augustin Bonrepaux. Et les autres alors ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et la mesure est loin d'être négligeable.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La prime pour l'emploi, je vous l'ai dit, pour un salarié à mi-temps rémunéré au SMIC...
    M. Michel Bouvard. Il y a beaucoup de travailleurs à temps partiel dans nos régions de montagne !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... augmente de 50 %.
    M. Augustin Bonrepaux. Et c'est ainsi qu'on prétend encourager le travail !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous ne renonçons pas pour autant à réformer ce dispositif complexe, qui manque totalement de lisibilité. J'ai bien noté sur ce point l'appel de Philippe Auberger en faveur de la suppression du décalage entre la reprise d'un emploi et le versement de la prime.
    J'en viens à un sujet qui a été abondamment traité, celui de la réduction d'impôts pour emploi à domicile.
    On lui fait deux principales critiques : il s'agirait d'un cadeau,...
    M. Gérard Bapt. C'est tout à fait vrai !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et cela créerait un effet d'aubaine.
    M. Didier Migaud. Sarkozy le dit !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant du cadeau,...
    M. Augustin Bonrepaux. Si la situation est difficile, faut-il faire des cadeaux ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... regardez les chiffres, ils sont supérieurs à ce que j'imaginais moi-même : 2,15 millions de foyers déclarent des dépenses liées à un emploi à domicile, près de 600 000 emplois sont concernés.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez des mesures nouvelles ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour nous, il n'y pas de hiérarchie entre un emploi créé par une entreprise et un emploi créé par un particulier. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. Changez de système !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Dans les deux cas, la création d'un emploi est préférable au maintien d'une situation d'assistance.
    Mme Christine Boutin. Absolument !
    M. Jean-Pierre Brard. Pour les bourgeois de Neuilly ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Est-il normal qu'un emploi créé par une entreprise bénéficie d'allégements de charges sociales, alors qu'un emploi privé supporterait intégralement toute les charges ?
    Mme Christine Boutin. C'est le principe d'égalité !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne créez rien !
    M. Didier Migaud. Changez le système ! Supprimez les charges ! Ce serait plus juste !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous avons fait le choix du travail, de l'emploi,...
    M. Jean-Pierre Brard. Du personnel de maison pour les bourgeois de Neuilly !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... nous le traduisons dans la politique que nous proposons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Christine Boutin. Il a raison !
    M. Jean-Pierre Brard. Ils emploient déjà des personnes, les bourgeois ! Vous les subventionnez, Mme Boutin le sait bien !
    M. le président. Mes chers collègues, écoutez le ministre, qui achève son intervention !
    M. Jean-Pierre Brard. Il dit de telles énormités !
    M. Augustin Bonrepaux. On ne peut pas le laisser dire n'importe quoi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai bientôt fini, monsieur le président, mais je voudrais répondre à tout le monde.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez répondu inéquitablement !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Plusieurs d'entre vous ont parlé d'effet d'aubaine. C'est Didier Migaud, je crois, qui s'est converti au sarkozysme,...
    M. Gérard Bapt. Fiscal !
    M. Didier Migaud. Je n'ai fait que le citer !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... en nous lisant un nombre considérable de déclarations de Nicolas Sarkozy. Ce n'est pas du tout une critique, monsieur Migaud, je vous invite même à persévérer. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Didier Migaud. Je fais le tri !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais vous avez totalement oublié que, en 1995, Nicolas Sarkozy, au nom du Gouvernement, avait proposé un avantage multiplié par 3,4.
    M. Didier Migaud. Non ! Par 2 !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il est compréhensible que la mesure ait été réservée en dépenses engagées à compter du 1er janvier de l'année suivante.
    Notre démarche ne relève pas de la même logique. Nous ne rétablissons que partiellement la réduction d'impôt, qui a été divisée par deux par le précédent gouvernement en 1998. Nous corrigeons par cette mesure une décision de nos prédécesseurs qui était particulièrement défavorable aux familles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-es communistes et républicains), et qui a incité au travail dissimulé.
    Mme Christine Boutin. Les familles vous remercient, monsieur le ministre.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont pas les familles, ce sont les bourgeois !
    M. Augustin Bonrepaux. De quelles familles parlez-vous ?
    M. Gérard Bapt. Ce sont 70 000 familles tout au plus !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est pour financer les bonnes à tout faire !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous en discuterons lors de l'examen des articles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    J'en viens à l'ISF.
    M. Jean-Pierre Brard. Reprenons le dialogue, mais transparent, pas travesti !
    M. le président. Mes chers collègues, écoutons la fin de l'intervention du ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Est-ce qu'un orateur parmi vous a eu le sentiment que je l'interpellais pendant qu'il parlait ?
    M. Jean-Pierre Brard. Non, justement, vous n'avez pas contribué au dialogue constructif ! (Sourires.)
    Mme Christine Boutin. Ne soyez pas sectaire, monsieur Brard !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai pris des notes et j'essaie de répondre à vos préoccupations.
    J'en viens à l'ISF, qui était l'une d'entre elles.
    Nous avons fait des choix en raison des marges limitées qui nous ont été laissées... Il n'y avait même pas de marge du tout !
    M. Didier Migaud. Vous les avez gaspillées !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement a donné la priorité à l'allégement des prélèvements sur le travail pour favoriser l'initiative et l'emploi : allégement de 10 % de l'impôt sur le revenu, allégement de la taxe professionnelle. L'ensemble de nos moyens budgétaires ont été consacrés à ces mesures.
    Pour autant, en vous écoutant, le Gouvernement a clairement perçu l'importance que vous attachez tous à la fiscalité du patrimoine face à la nécessité impérieuse de restaurer l'attractivité de notre territoire.
    M. Jean-Pierre Brard. Nous y voilà !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement va s'atteler très vite à cette tâche.
    Mme Christine Boutin. C'est très important !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Dans le cadre du projet de loi présenté par Renaud Dutreil sur la création d'entreprise et dans le cadre d'une concertation très large qui sera engagée dans le début de l'année 2003, la représentation nationale, et en particulier votre commission des finances, y sera associée. Nous comptons naturellement mettre à profit tous les travaux qui ont été menés jusqu'alors -, je pense au rapport Charzat, dont vous avez peut-être entendu parler, et au rapport de M. Badré, au Sénat.
    M. Michel Pajon. On vous voit venir !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'essaie d'être complet.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas parce que certains ont commis des erreurs qu'il faut les reproduire !
    M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, je respecte trop la représentation nationale pour ne pas l'écouter.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est gentil !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'en viens aux simplifications.
    M. Deniaud trouve nécessaire de simplifier les prélèvements obligatoires, il a raison. Nos compatriotes trouvent les prélèvements obligatoires trop lourds dans notre pays mais ils les trouvent aussi beaucoup trop compliqués, et c'est ce qui, à mon avis, nuit en partie à l'attractivité de notre territoire, car un impôt lourd rebute le contribuable mais un impôt compliqué crée une insécurité juridique et fiscale qui est pire encore. Alléger l'impôt, le rendre supportable par le citoyen ne signifie pas limiter ou alléger le niveau du prélèvement, mais simplifier les modalités déclaratives, les formalités liées au paiement, tout comme la doctrine d'application de l'impôt ne doit pas être une doctrine anti-économique comme elle l'est parfois.
    Cet objectif est l'un des axes majeurs de la réforme de l'Etat, une préoccupation essentielle du Premier ministre et du Gouvernement tout entier. Nous voulons tout simplement simplifier la vie quotidienne des Français. Le projet de loi de finances pour 2003 comporte des mesures concrètes qui vont dans ce sens : simplification des impôts professionnels pour plus d'un million de petites entreprises ; suppression d'une taxe à faible rendement. Nous allons continuer dans cette voie, soyez-en assurés.
    Non, monsieur Migaud, et j'espère apaiser vos inquiétudes, nous n'avons pas alourdi le déficit. Nous avons simplement constaté son alourdissement en collectif de l'été. Entre 1993 et 1997, le gouvernement d'alors a divisé les déficits par deux, ils sont passés de 6 % à 3 %. Entre 1997 et 2002, le gouvernement que vous souteniez n'a diminué le déficit que de 0,6 point de PIB. Les belles années de croissance n'ont pas été consacrées à la réduction du déficit.
    M. Alain Joyandet. C'est incontestable.
    M. Didier Migaud. Il y a eu deux ans de ralentissement économique.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Sur la régulation, je vous ai répondu tout à l'heure.
    Monsieur de Courson, notre détermination à supprimer le FOREC est totale, je vous le confirme.
    M. Charles de Courson. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant des recettes fiscales, vous êtes l'un des meilleurs experts de cette assemblée, et il ne vous a pas échappé que nous les avons diminuées de 4 milliards d'euros, ce qui est tout de même une somme considérable.
    S'agissant, enfin, de la prime pour l'emploi, j'ai presque une supplique à vous présenter. Attention à ne pas rendre le dispositif encore plus complexe. Il l'est déjà beaucoup. Si nous la transformons pour partie en dépenses, nous aurons alors deux régimes, et je pense que ce sera encore plus complexe. Soyons prudents !
    Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vous prie de m'excuser d'avoir été un peu long - (« Non ! » sur divers bancs), ...
    Mme Christine Boutin. Pas du tout ! C'est très important !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... mais je voulais faire écho à ce que j'ai entendu depuis hier, durant ces heures consacrées au budget du pays, à la dépense publique, qui, pour moi, est l'usage qui est fait des prélèvements effectués sur les Français.
    Respecter le fruit du travail des hommes, c'est la grandeur de la politique, la grandeur de la représentation nationale, et c'est la grandeur du Gouvernement de le faire à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).
    M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, je demande à mes collègues de la commission des finances de se réunir immédiatement après le vote sur la motion de renvoi en commission de M. Vaxès. Comme nous avons un nombre d'amendements non négligeable à examiner, je souhaiterais que la séance ne reprenne qu'à vingt et une heures trente.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, il se trouve sans doute de nombreuses raisons pour justifier un examen plus approfondi de l'un des actes les plus essentiels de l'exécutif national, c'est-à-dire l'expression de son ambition politique par les moyens budgétaires qu'il se donne.
    Il suffirait pour cela de revenir sur la crédibilité de l'hypothèse de 2,5 % de croissance du produit intérieur brut choisie par le Gouvernement, sur laquelle repose le projet de loi de finances pour 2003. Cette question a déjà été évoquée, notamment lors de la discussion du rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et sur leur évolution. Elle a été excellemment rappelée hier, et aujourd'hui encore par nos amis Jean-Claude Sandrier et Jean-Pierre Brard. Je dois avouer que, comme eux, je ne suis toujours pas convaincu par les réponses des ministres.
    Le sujet n'est pas anodin, ni au regard de l'équilibre général du projet de loi de finances, ni au regard du rôle du Parlement dans une discussion budgétaire qui reposerait sur des hypothèses auxquelles plus personne ne croit.
    Si, en 2003, comme le prévoit l'Institut national de la statistique et des études économiques sur des bases convaincantes, la croissance n'était pas au rendez-vous des espoirs de votre gouvernement, alors non seulement la question du financement des baisses d'impôt et des allégements de charges deviendrait incontournable, mais le débat parlementaire sur le texte actuel n'aurait que peu de sens, au vu des mesures correctives qui seraient devenues inévitables.
    Pour éluder cette question, pourtant prégnante, vous voudriez nous faire croire que l'ambition proclamée de votre projet de loi et les dispositions que vous envisagez de prendre soutiendraient vos hypothèses de croissance. Cet argument ne résistera pas longtemps à l'épreuve des faits. Je ne citerai pour m'en expliquer que les quelques contre-exemples qui me viennent le plus spontanément à l'esprit.
    L'objectif d'une relance par une politique de l'offre sans contenu d'emploi, sans dépenses de formation, de recherche-développement appuyées sur une relance sélective du crédit pour des investissements créateur d'emplois, mais exclusivement fondée sur la baisse des prélèvements et des coûts est plus qu'aléatoire. Elle est même dangereuse dans le contexte d'incertitude actuel.
    Par ailleurs, les allégements de charges devront bien être au final financés. Il est aujourd'hui clair pour tous que vous projetez de le faire par une diminution des dépenses publiques. Notre collègue Goulard s'en défendait ce matin, mais en parlant de la conjoncture. C'est en quelque sorte un hommage conjoncturel du vice à la vertu, qui confirme que la dépense publique participe efficacement au dynamisme de l'activité économique, mais fiscaux ce levier, vous n'en voulez pas.
    Enfin, les cadeaux fiscaux essentiellement dirigés vers les hauts revenus n'auront que peu d'effet sur la consommation et donc sur la croissance. Ils viendront plutôt alimenter l'épargne et l'accumulation financière comme le suggère le rapport économique social et financier en annexe du projet de loi de finances pour 2003.
    Ce rapport, s'il envisage une impulsion possible de la baisse des prélèvements sur la croissance, souligne aussi que cela supposerait que la réduction d'impôt profite de manière uniforme à l'ensemble des ménages. Dans les faits, la formule que vous avez retenue bénéficiera davantage aux ménages les plus imposés, c'est-à-dire à ceux dont le taux d'épargne est en moyenne le plus élevé. C'est sans doute ce que vous souhaitez. Ce faisant, non seulement vous faites le choix de l'injustice fiscale, mais vous vous condamnez à l'inefficacité économique.
    J'en viens au rôle essentiel des finances publiques pour affirmer que les orientations budgétaires du Gouvernement ne rempliront correctement aucune des trois missions qui lui incombent : assurer une bonne gestion au regard de l'intérêt général, des biens et des services publics, non seulement les services régaliens tels que la police, la justice ou la défense, mais aussi ceux qui préparent l'avenir comme l'éducation, la culture, la recherche ou la formation professionnelle ; garantir la redistribution des richesses avec l'objectif qu'elles concourent à la réduction des inégalités ; enfin, réguler l'activité économique pour soutenir la croissance.
    La bonne gestion des biens et services publics, garante de l'intérêt général et du principe d'égalité entre les citoyens, ne peut être assurée par des intérêts privés, et les privatisations que vous préparez seront à cet égard contre-productives. La bonne gestion des services publics dépasse largement le cadre des strictes fonctions régaliennes. Les Français l'ont bien compris quand, par un sondage du CSA paru le 30 septembre 2002, ils plébiscitaient à 65 % leurs services publics en tête desquels ils placent EDF, que le Gouvernement veut brader aux appétits des milieux financiers. Ils apprécient aussi à 82 % le travail et les compétences des agents du service public, dont on voudrait pourtant nous faire croire qu'ils ne seraient attachés qu'à leur statut de privilégiés, lorsqu'ils manifestent en fait pour défendre notre patrimoine industriel national.
    La loi de l'argent et du profit a un coût environnemental et social. Les grandes entreprises privées, principalement les multinationales, refusent de le prendre en compte, mais il finit toujours par être payé par les populations. Que valent, en effet, des milliers d'emplois et le développement d'un territoire face à un objectif de rentabilité financière, quelquefois purement spéculatif ? Que valent les équilibres biologiques face aux impératifs de la concurrence industrielle ? Que valent la sécurité des biens et la santé des personnes face aux objectifs du profit au plus court terme ?
    Quand les difficultés économiques et la hausse du chômage s'accélèrent, que des vagues de plans sociaux et des milliers de licenciements sont programmés, qu'un ralentissement mondial de la croissance est constaté, qu'une crise financière ébranle les marchés boursiers internationaux, que la menace d'une nouvelle guerre contre l'Irak ranime les tensions communautaires et le danger terroriste, avec les répercussions que l'on imagine sur l'ensemble des économies, alors oui, quand l'horizon s'assombrit à ce point, la préservation et le développement du principe de solidarité sont le seul véritable choix de survie pour la nation.
    Les actes de violence quotidiens, en France et dans le monde, se nourrissent de la précarité, de l'injustice, des difficultés qui s'accumulent jusqu'à la rupture. Ils se nourrissent de l'impossibilité pour une partie grandissante de la jeunesse de se construire un avenir. Ils se nourrissent de l'aggravation des inégalités, qui alimentent les comportements de rejet du modèle social proposé.
    Des services publics de qualité, accessibles à tous, sont alors plus indispensables que jamais pour assurer la cohésion sociale, la tranquillité publique et la paix. Il y a plus d'un siècle, Victor Hugo offrait déjà d'ouvrir des écoles pour fermer des prisons. Vous restez sourds à cet appel de la raison. Nous le faisons nôtre, en vous disant que vous mettez en péril les équilibres de notre pacte républicain et que vous compromettez l'avenir même de notre modèle de société.
    Ainsi, plutôt que d'améliorer les dispositifs de justice sociale permettant à chacun de se soigner, de se former, de se loger, de travailler, et, finalement, de s'intégrer utilement dans la société, votre budget multipliera les situations d'exclusion en aggravant la précarité et les difficultés des ménages les plus modestes. Vous nourrissez ainsi malgré vous l'insécurité que, par ailleurs, vous voulez combattre par les seules mesures de répression.
    Oui, nous le réaffirmons avec conviction, les services publics sont la seule garantie de l'égalité, de la qualité sans considération exclusive de rentabilité, de la sécurité de notre approvisionnement et de nos installations énergétiques, d'un système de santé qui est le plus performant au monde, la seule façon de garantir que les trains arrivent à l'heure, que l'électricité et l'eau soient fournis dans chaque foyer à un prix abordable, en somme, la seule façon de garantir que l'on prend en compte l'intérêt général par l'expression de la solidarité nationale.
    A l'inverse, le financement des cadeaux fiscaux réservés aux catégories les plus aisées, le financement par l'Etat, et donc par tous les Français, des allégements de charges, autrement dit la réduction de la contribution des entreprises à la solidarité nationale et la négation de la fonction citoyenne, qu'elles devraient pourtant volontairement assurer, conduira à une sévère baisse des moyens et des emplois affectés au service public, ce qui, à l'évidence, touchera encore plus durement ses principaux utilisateurs, et particulièrement les familles les plus modestes : moins 3 412 postes pour l'enseignement scolaire ; moins 1 361 postes pour l'économie ; moins 31,6 milliards d'euros pour le budget des affaires sociales ; moins 2,4 milliards d'euros - l'équivalent de la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu - pour le budget de la culture.
    Ainsi, avec le maintien des déficits publics et les risques qu'une croissance insuffisante ne permette de les équilibrer, le pire est encore à venir. D'ailleurs, avec le retour du déficit de la sécurité sociale, vous envisagez déjà la réduction des services rendus, et sans doute envisagerez-vous demain la hausse des cotisations, qui pèsera plus encore sur les revenus du travail. On sait déjà qui en seront les victimes. Vous le niez, mais la vie tranchera, et montrera, hélas ! que votre gouvernement aura manqué à sa mission essentielle, celle de répondre à l'attente de nos concitoyens. Les véritables conséquences de vos choix ne sont malheureusement pas difficiles à imaginer : la privatisation des entreprises publiques, mais aussi des régimes sociaux, avec la mise en place de fonds de pension, dont évidemment vous ne parlez plus, - baîllonnés que vous êtes par quelques faillites emblématiques ces temps-ci et par un effondrement boursier généralisé. Quant à la réduction à la portion congrue du système de santé publique, vous n'y avez sûrement pas renoncé.
    Cette aggravation de la précarité des populations les plus fragiles renforcera le désespoir de ceux qui n'ont plus rien à perdre, pour qui la vie même ne compte plus, parce qu'ils ne se retrouvent plus dans une société profondement inégalitaire. Avec le budget que vous nous proposez, nous avançons dans l'histoire à reculons.
    Concernant l'urgente exigence de réduction des inégalités, je veux revenir sur vos choix en matière de prélèvements obligatoires, outils puissants de la redistribution des richesses. Vous faites de leur baisse une priorité nationale. Le Président de la République lui-même l'a présentée comme « un choix de survie pour la nation ».
    Cette affirmation est éloignée des préoccupations, parfois vitales, des Français. Evidemment, elle l'est déjà pour les 50 % d'entre eux dont les revenus sont si faibles qu'ils ne justifient pas l'impôt. Mais elle l'est aussi pour les petits et moyens contribuables, qui savent apprécier les avantages qu'ils retirent de la solidarité nationale rapportés à ce que leur coûtent réellement leurs services publics et leur système de protection sociale uniques au monde.
    J'ajoute qu'un examen plus sérieux des comparaisons internationales en matière de prélèvements obligatoires aurait probablement conduit le chef de l'Etat à des conclusions différentes, voire opposées. Il a déclaré dans son allocution du 14 juillet dernier, en intronisant sa nouvelle majorité : « Nous avons en France un triste record, il nous coûte cher : le record des charges, des impôts qui pèsent sur les travailleurs, sur les cadres, sur les entreprises et qui sont plus élevés que partout ailleurs en Europe. » Mais il faut cesser de nous présenter les baisses d'impôts comme un élément vital de la compétitivité française. La France n'a pas de retard à rattraper dans ce domaine.
    En effet, bien que les comparaisons internationales connaissent des limites, liées essentiellement aux différences de couverture sociale, la France ne détient pas le record du taux de prélèvements obligatoires. Selon l'OCDE, la Suède - qu'on a déjà citée, entre autres pays - l'a dépassée de six points en 1999. Mais il y a plus, et ces données-là, on ne les rappelle pas : dans une comparaison qui associe l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le taux de prélèvement est inférieur de trois points, en pourcentage du PIB, à la moyenne européenne, et de deux poins à la moyenne des pays de l'OCDE.
    En outre, la part de ces impôts dans les prélèvements obligatoires est inférieure de plus de dix points à la part moyenne dans l'Union, et inférieure de douze points à la part moyenne dans les pays de l'OCDE. Et pourtant, ces prélèvements, qui participent à la redistribution des richesses, par le partage de la valeur ajoutée, sont les principaux facteurs de la justice sociale et de la croissance économique. Leur réduction transfère, toutes choses égales par ailleurs, la charge contributive sur les ménages ayant les revenus les plus faibles. Adossée à un taux de croissance plus faible que prévu, la baisse du revenu disponible, aggravée par la réduction de la progressivité, créera des difficultés supplémentaires aux Françaises et aux Français et accentuera les inégalités au lieu de les lisser.
    Mais rien n'y fait, c'est encore à ceux qui ont le moins besoin de solidarité que le Gouvernement destine l'essentiel de ses faveurs fiscales, et c'est aux catégories modestes qu'il réserve la diminution des services publics rendus. Vos choix pénaliseront essentiellement celles et ceux de nos concitoyens qui attendent le plus des services publics.
    En effet, pour l'essentiel, qui place ses enfants à la crèche ? Qui n'a d'autre choix que d'utiliser les structures publiques pour prendre en charge des parents dépendants ? Qui n'a recours qu'à l'école publique laïque pour l'éducation de ses enfants ? Qui ne peut s'adresser qu'à l'hôpital public pour être soigné ? Qui, sinon, d'abord, les plus modestes de nos concitoyens ? Et ce sont ceux-là mêmes qui, paradoxalement, devraient payer la lourde facture de vos choix budgétaires ! Pourtant, le principe constitutionnel selon lequel chacun doit contribuer aux dépenses communes à raison de ses facultés aurait dû vous conduire, au contraire des mesures proposées, à faire en sorte que s'affirme mieux la fonction citoyenne de l'entreprise. C'est ce que nous défendrons par nos amendements.
    Vous ne vous êtes pas risqué, cette fois, à augmenter la TVA, mais votre décision de baisser uniformément l'impôt sur le revenu aura des effets tout aussi puissants sur la redistribution. Alors que la TVA grève de 1 % le budget des smicards et seulement de 1 0/00 celui des milliardaires, la baisse de l'impôt sur le revenu augmente de 0 % le budget des smicards et de 5 % la ristourne aux plus hauts revenus. Les deux tiers de l'enveloppe des réductions uniformes de l'impôt sur le revenu reviendront à 10 % de la population. Le taux supérieur sur les plus hauts revenus a été ramené, quant à lui, sous la barre des 50 %, alors qu'il était de plus de 58 % au début des années 90.
    J'ajoute que les effets des inégalités s'amplifieront dans le temps, car les catégories les plus aisées sont également celles qui ont le plus les moyens d'épargner leurs revenus disponibles, ce qui aggravera encore les inégalités par effet d'accumulation.
    De la même manière, les baisses de prélèvement sur le facteur travail se feront, dans le partage de la valeur ajoutée, en faveur des revenus du capital au détriment des revenus du travail, c'est-à-dire au détriment de la grande majorité des foyers, ceux qui vivent essentiellement de leurs salaires et de leurs traitements.
    En ce qui concerne les mesures destinées aux entreprises, les allégements de charges sur les bas salaires et les exonérations des contrats-jeunes sans dispositif d'accompagnement favorisant la formation vont tirer vers le bas le niveau des qualifications et des salaires, tandis qu'ils augmenteront en réalité, et sans contrepartie, la rentabilité et donc la rémunération du capital.
    Plus pour les riches, moins pour les pauvres, c'est le sens des mesures du projet de loi de finances que vous nous proposez...
    M. Patrice Martin-Lalande. Quelle caricature !
    M. Michel Vaxès. ... en ignorant superbement vos devoirs envers la nation tout entière.
    Je n'ai même pas évoqué vos projets de suppression concernant l'impôt de solidarité sur la fortune, verrue fiscale insupportable pour les privilégiés, dont les nouvelles 200 familles sont pourtant largement préservées, puisque le patrimoine professionnel s'en trouve exonéré.
    Enfin, la mission de régulation économique, qui devrait concourir au soutien de la croissance, est plus que compromise par la politique de l'offre mise en oeuvre à travers la baisse des prélèvements et des coûts. J'ajoute que le transfert des charges collectives sur des impôts non progressifs portant sur des assiettes telles que la consommation, pour la TVA, la production, pour la taxe professionnelle, ou les revenus du travail, pour les cotisations sociales, ce transfert, donc, ne pourra avoir que des effets négatifs sur le pouvoir d'achat et la croissance.
    Non, vraiment, les mesures envisagées ne vont pas dans le sens de la justice sociale, ni de l'amélioration du pouvoir d'achat des Français. Pourtant, l'efficacité économique des mesures d'équité sociale est clairement démontrée. La consommation est le facteur dominant de la croissance. Les ménages les plus modestes y consacrent l'essentiel de leurs revenus disponibles, ainsi que tout surplus potentiel. Les catégories plus aisées, pour leur part, reporteront sur l'épargne et l'accumulation financière tout nouvel accroissement de leur richesse, d'autant plus certainement que rien n'est fait pour corriger la sous-imposition des revenus financiers.
    Le pari que prend aujourd'hui le Gouvernement me paraît fort risqué au regard du prix qu'il faudra payer. Les effets positifs d'une politique de réduction des prélèvements et des coûts tablant sur une relance de la production sont encore plus improbables dans un contexte économique incertain, où les perspectives de consommation des ménages sont compromises par la baisse de leur pouvoir d'achat et l'aggravation de la précarité.
    Comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis, où le nombre de personnes au-dessous du seuil de pauvreté est passé de 12 % à 15 % entre 1979 et 1992, les mesures envisagées par le Gouvernement vont créer une nouvelle catégorie de « travailleurs pauvres », sous-payés, sous-qualifiés, sous-formés, sous-employés. Et il n'y a qu'à regarder outre-Manche pour voir où ces orientations ont conduit le peuple britannique.
    Car les entreprises, tout intéréssées qu'elles sont à améliorer leur rentabilité en employant des travailleurs à moindre coût, garderont évidemment présents à l'esprit leurs impératifs économiques, sinon purement financiers. Elles ne créeront d'emplois que dans la perspective que leur rentabilité soit assurée par l'existence de débouchés solvables pour leurs produits. C'est pourquoi on peut une nouvelle fois affirmer que les besoins des populations ne pourront être durablement ignorés, car ils sont au centre de la dynamique économique.
    La privatisation des services publics, que vous voudriez rendre inéluctable par la nécessité de financer les choix politiques actuels, est aujourd'hui compromise par la chute des indices boursiers, à moins que l'on ne brade le patrimoine national - comme il fut question, en son temps, de céder Thomson au franc symbolique -, ce qui de toute façon ne réglerait pas le problème du financement de la baisse des recettes fiscales.
    Au lieu de vous engager dans une politique contracyclique de relance par la demande, par le soutien de la consommation et, plus généralement, par l'augmentation des dépenses pour les hommes, seule à même de dynamiser la croissance, vous allez faillir à votre mission de régulation économique en faisant délibérément des choix qui rendront inéluctables les actions correctives ultérieures, c'est-à-dire, pour parler clair, la rigueur budgétaire. Le mot a été lâché par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, probablement dans un moment d'assoupissement de sa vigilance, mais il sera excusé car nous comprenons bien combien il faut faire d'efforts pour s'attacher en permanence à ne pas dire ce que l'on pense.
    M. Jean-Pierre Brard. Ni ce que l'on fait !
    M. Michel Vaxès. Les mesures unilatérales de réduction des coûts sont à l'économie ce que les mesures exclusivement répressives sont à la déviance des comportements : elles sont très dangereuses à terme. Leurs effets seront l'aggravation de tous les facteurs de précarité, la baisse de la fiscalité redistributive, les bas salaires, les emplois peu qualifiés, le temps partiel. Ainsi, vous hypothéquerez durablement la dynamique économique.
    C'est l'évidence, ce projet de loi de finances n'assurera aucune des fonctions budgétaires essentielles. Ainsi, non seulement la baisse du taux de prélèvements, dont vous attendez qu'elle relance la dynamique économique, repose sur les hypothèses contestées, qui mettent en péril les équilibres économiques et présagent des mesures ultérieures de relèvement de certains prélèvements - notamment sociaux et locaux - et de coupes drastiques dans les dépenses publiques, mais la réduction sélective de la fiscalité contribuera à accentuer les inégalités et la précarité en privilégiant la rémunération du capital au détriment des besoins des hommes, et donc de la croissance.
    C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission, afin qu'au terme d'un examen plus approfondi soient trouvés les moyens de répondre aux attentes fortes de la majorité de la population française, attentes, qui, en l'état actuel de votre projet de loi, sont totalement ignorées. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Vaxès, de ne pas avoir utilisé tout le temps dont vous disposiez.
    M. Michel Vaxès. J'ai tenu compte des attentes du président de la commission.
    M. André Schneider. C'est bien le meilleur aspect de ce discours !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, pour faire ce que M. Vaxès a lui-même voulu faire, c'est-à-dire respecter l'Assemblée et ne pas alourdir ses travaux, je voudrais lui dire que je respecte tout à fait les points de vue qui sont les siens - et qui ne sont pas ceux du Gouvernement - mais que ce serait vraiment trop insister que de rappeler les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut pas être en accord avec ses remarques. Ces raisons me conduisent à demander à l'Assemblée de bien vouloir rejeter cette motion de renvoi en commission.
    M. André Schneider. Très bien ! C'est la voix du bon sens !
    M. le président. Dans les explications de vote sur la situation de renvoi en commission, la parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour le groupe UMP.
    Mme Marie-Anne Montchamp. Le Gouvernement a fait du projet de loi de finances son premier sujet dès le mois de juillet 2002. C'est ce premier sujet qui a conduit les membres de la commission des finances à se mettre à la tâche en commission.
    Dans un premier temps, à partir des conclusions de l'audit des finances publiques de MM. Bonnet et Nasse, il a fallu se pencher sur les artifices budgétaires qui ont rendu illisible le budget de l'Etat et ont dégradé, pour certaines des options - assez tristement célèbres d'ailleurs -, le déficit des comptes publics. Je ne m'étendrai pas sur l'APA, le FOREC, ou encore les 35 heures.
    Dans un deuxième temps, un travail assidu en commission a p ermis l'examen de quelque 150 amendements. Grâce à de nombreuses auditions de ministres concernés par le projet de loi de finances, nous avons pu travailler sur ce projet de budget dans l'ensemble de ses aspects.
    Le Gouvernement nous propose d'adopter un budget rénové dans sa méthode, réaliste et loyal envers les Français.
    Un budget rénové dans la méthode, car il passe d'une pratique d'affichage à une exigence de sincérité et de résultat, rapprochant systématiquement la dépense des prévisions. Dans cet esprit, d'ailleurs, il faut se féliciter que la procédure budgétaire prenne désormais en compte une perspective pluriannuelle, avec notamment le compte rendu d'exécution qui nous sera présenté à la fin du premier semestre, ainsi que nous l'a annoncé M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Didier Migaud. Mais ce n'est que l'application de la loi !
    Mme Marie-Anne Montchamp. Un budget réaliste, car il met un terme à la dérive des déficits. Le pragmatisme prend le pas sur l'idéologie.
    Un budget loyal, enfin, car il propose un pacte de confiance aux Français par sa transparence et ses grands objectifs. Loyal en particulier dans les priorités du Gouvernement, avec la restauration de l'autorité de l'Etat, une meilleure efficacité de la dépense publique, le soutien à la dynamique économique et à l'emploi par l'abaissement du coût du travail, la hausse du pouvoir d'achat des ménages.
    Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP ne votera pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Schneider. Enfin des paroles sensées !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.
    M. Didier Migaud. Je voudrais tout d'abord redire ce que j'ai pu dire tout à l'heure lors de la discussion générale, et notamment sur l'endettement et le déficit.
    Monsieur le ministre, nous avons l'habitude de débattre avec courtoisie, et je suis persuadé que cette habitude prévaudra quelles que soient nos oppositions. Mais vraiment, je crois qu'il ne faut pas utiliser de mauvais arguments et tenter de travestir la vérité en noircissant à la fois la situation de notre pays et le bilan du gouvernement précédent.
    S'agissant du déficit, vous résumez la situation en expliquant que vous l'aviez baissé de 6 % à 3 % du PIB entre 1993 et 1997. Vous avez le droit de le dire, mais ce n'est pas tout à fait vrai.
    M. Charles de Courson. Si !
    M. Didier Migaud. J'en veux pour preuve le fait que le Président de la République ait éprouvé le besoin de dissoudre l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est qu'il pensait, justement, qu'il n'était pas en mesure de tenir l'objectif de 3 %. Je vous renvoie à la lettre écrite par M. Alain Juppé à l'issue des élections législatives, où cela est formellement reconnu.
    De plus, il faut avoir l'honnêteté de préciser que ce chiffre qui approchait les 3 % sans toutefois les atteindre intégrait ce que l'on appelait la soulte de France Télécom, laquelle permettait de fausser quelque peu la réalité.
    M. Jean-Yves Chamard. Ce n'est pas faux !
    M. Didier Migaud. Je vous ferai observer que le gouvernement précédent, en ce qui concerne la réduction des déficits, avait aussi consenti des efforts importants, mais tout en privilégiant des dépenses - dépenses maîtrisées - correspondant à ses priorités, dont la première était l'emploi, avec les résultats qui ont pu être obtenus en matière de recul du chômage. Nous étions parvenus à un déficit de 1,4 % du PIB, c'est-à-dire que nous avions, nous aussi, réduit le déficit de plus de moitié à la fin de l'année 2000 et au début de l'année 2001.
    J'ajoute que lorsque vous raisonnez sur la situation d'aujourd'hui, vous faites l'impasse sur le ralentissement de l'économie mondiale, qui a eu des conséquences dans tous les pays du monde, y compris en France, même si elles se sont avérées moindres que dans beaucoup d'autres pays.
    Lorsque je dis que vous avez aggravé le déficit, c'est un fait objectif. Le déficit aurait pu s'élever à 2,2 % du PIB, mais ce n'est pas le cas en raison notamment de deux mesures volontaristes que vous avez prises. Vous avez voulu appliquer une réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu. C'est tout à fait votre droit et cela correspond à vos engagements, mais cela représente 0,2 point de PIB.
    M. Alain Claeys. C'est exact !
    M. Didier Migaud. Vous avez également ouvert, pour environ 0,2 point de PIB, certaines dépenses supplémentaires.
    M. François Goulard. Mais ô combien nécessaires !
    M. Didier Migaud. Non, elles n'étaient pas nécessaires, puisque vous les avez gelées onze jours plus tard ! Certes, on peut chipoter en disant qu'il ne s'agissait pas tout à fait des mêmes lignes budgétaires, mais vous aviez la possibilité, monsieur le ministre, de faire les corrections qui s'imposaient au sein même de l'enveloppe.
    Bref, ce sont donc 0,4 point de PIB qui vous sont directement imputables, c'est une réalité objective. On peut être en désaccord sur un certain nombre de choses, mais je ne pense pas que l'on puisse contester ces chiffres.
    M. Michel Vaxès nous propose avec raison de renvoyer le texte en commission. En effet, tout ce que nous avons dit depuis le début de l'examen de ce projet de budget atteste de la virtualité de celui-ci et devrait vous conduire, mes chers collègues, à accepter le renvoi en commission afin de réviser la copie qui est soumise à notre examen. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'ai entendu vos observations, mes chers collègues de la majorité, et je considère absolument normal que vous manifestiez autant d'enthousiasme à soutenir le gouvernement.
    M. François Goulard. C'est normal, parce que c'est un bon Gouvernement !
    M. Didier Migaud. Toutefois, vos propos me paraissent bien optimistes. J'espère que la réalité ne vous démentira pas trop vite.
    M. Jean-Yves Chamard. Vous parlez d'or !
    M. Didier Migaud. Nous nous sommes donné rendez-vous en 2003 et en 2004. Je pense, malheureusement, que nous aurons alors l'occasion de constater que l'exécution du budget de 2003 sera très sensiblement éloignée du projet de budget initial. D'où l'intérêt, monsieur le ministre, de renvoyer votre copie en commission pour que nous puissions la travailler à nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. L'intérêt de cette motion de procédure, c'est de montrer l'incohérence totale qui prévaut au sein, d'une part, du parti socialiste et, d'autre part, entre le parti communiste et le parti socialiste.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais c'est le pluralisme ! Vous, vous êtes des godillots !
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Charles de Courson. Le parti communiste est antieuropéen, considère que plus on dépense mieux c'est et qu'il faut taxer tout le monde. Bref, il s'inscrit dans la logique d'un parti qui a épuisé son utilité historique.
    M. Jean-Pierre Brard. Comme les aristocrates !
    M. Charles de Courson. Nous, monsieur Brard, nous tenons plus longtemps que vous ! Vous, vous finirez, comme le disait l'Internationale (il s'agit de l'Internationale à la grande époque, dans les poubelles de l'Histoire.
    M. le président. Monsieur de Courson, ne provoquez pas M. Brard !
    M. Charles de Courson. Ce qui est plus grave, c'est l'attitude de nos collègues socialistes. Ce n'est pas moi qui ai inventé ce qu'avait déclaré M. Fabius à la fin de l'année 2001.
    Il nous avait dit que, en 2002, le déficit public serait de 1,4 % du PIB ; or il s'est élevé à 2,6 % de celui-ci.
    Je vous donne acte, monsieur Migaud, que l'abattement de 5 % représente 0,2 point de PIB et que 2,6 moins 0,2, ça fait 2,4. Il n'en reste pas moins que l'écart entre les prévisions budgétaires et l'exécution du budget est d'un point, soit une dérive considérable.
    Vous ajoutez que les crédits que nous avons ouverts représentent également 0,2 % de PIB. Mais si nous les avons ouverts, monsieur Migaud, c'est parce que les sous-dotations de certaines lignes nous ont obligés à la faire. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ne m'obligez pas à en reprendre la liste.
    Par ailleurs, monsieur Migaud, la situation économique française et la situation économique internationale s'imposent à tous les gouvernements. Il n'y a que la gauche pour croire encore que l'on fixe le taux de croissance.
    M. Didier Migaud. Nous n'avons jamais dit cela !
    M. Charles de Courson. Faites preuve d'un peu de modestie et manifestez un peu de respect envers les réalités économiques.
    M. Alain Néri. Dites-le au gouvernement actuel !
    M. Charles de Courson. Aussi, je vais vous poser une question, monsieur Migaud, à laquelle ni vous ni vos amis n'avez jamais répondu : qu'auriez-vous fait si, par malheur pour notre pays, notre peuple vous avait renouvelé sa confiance ? Vous êtes bien incapable de répondre à cette question.
    M. Didier Migaud. Ne vous inquiétez pas !
    M. Charles de Courson. Pourquoi êtes-vous incapable d'y répondre ? Tout simplement parce que vous ne pouvez pas dire que vous auriez augmenté les recettes pour essayer de réduire le déficit ni que vous auriez diminué les dépenses puisque vous nous expliquez que celles du budget que nous allons voter sont insuffisantes. Vous êtes en pleine contradiction.
    La vérité, c'est que le parti socialiste est à la dérive entre son aile gauche qui fait du gauchisme, qui retombe dans la « maladie infantile du communisme » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et son aile modérée qui n'arrive pas à se faire entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentiable.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez de ce que vous ne connaissez pas !
    M. le président. Pour le groupe communiste, la parole est à M. Jean-Pierre Brard - qui ne doit pas se croire obligé de répondre à M. de Courson. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. M. de Courson a dans ses gènes l'élégance des aristocrates...
    M. André Schneider. Vous, vous êtes sans gêne !
    M. Jean-Pierre Brard. ... à l'égard des roturiers dès lors qu'il s'adresse à eux.
    Mais on ne changera pas M. de Courson...
    M. Jean-Yves Chamard. Il faut le garder comme il est !
    M. Jean-Pierre Brard. ... ou plutôt M. Charles-Amédée du Buisson de Courson...
    M. Charles de Courson. Pas de racisme, camarade !
    M. Jean-Pierre Brard. ... qui a raccouci son nom comme nos ancêtres ont raccourci certains aristocrates ! (Rires et exclamations sur divers bancs.)
    Monsieur le ministre, cessez de faire dire aux Français ce qu'ils n'ont jamais dit. Au mois de mai, nos compatriotes ont voté contre Le Pen,...
    M. André Schneider. Ils ont voté pour nous !
    M. Patrice Martin-Lalande. En tout cas, ils n'ont voté ni pour Hue ni pour Jospin !
    M. Jean-Pierre Brard. ... ils ne vous ont pas donné un blanc-seing. La plupart de ceux qui arrivés ici au mois de juin sont montés sur le porte-bagages du Président de la République en se gardant bien d'indiquer pour quoi ils voulaient se faire élire. Ils ont simplement dit : « Votez pour nous, nous sommes les candidats du Président de la République ».
    D'ailleurs, monsieur le ministre, si vous en doutez, regardez les résultats des élections partielles, ils vous montrent que les Français ne sont pas anesthésiés.
    M. Charles de Courson. Nous vous avons battus, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Bien entendu, vous ne pouvez pas dire ce que vous faites, à part quelques-uns d'entre vous. Que M. Sarkozy, M. Goasguen ou M. Gantier défendent les privilègiés dans leurs circonscriptions respectives, c'est normal ; s'ils ne le faisaient pas, ils seraient battus. Mais pensez-vous que M. Bouvard, ici présent, que M. Gest, M. Méhaignerie, M. Carrez, M. de Courson, par exemple, vont dire aux smicards de leurs circonscriptions...
    M. Jean-Yves Chamard. Ils pourront leur dire que le SMIC va augmenter de 11,5 % !
    M. Jean-Pierre Brard. ... que, grâce à vos propositions, les gens de Neuilly qui ont déjà du personnel de maison (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) pourront se faire rembourser une partie de ce que cela leur coûte grâce à la TVA que les plus pauvres paient sur leur baguette de pain ?
    M. Yves Deniaud. C'est lamentable ! Vous oubliez les emplois qu'une telle déduction a permis de créer !
    M. François Goulard. Cela concerne 2 millions de travailleurs !
    M. Jean-Pierre Brard. Evidemment, ils n'oseront pas le dire, et c'est là que se trouve la perversion de votre propos, monsieur le ministre.
    Les journalistes peuvent se livrer à un travail tout à fait intéressant sur la sémantique de votre vocabulaire...
    M. André Schneider. Vous allez bientôt pouvoir remplacer Raymond Devos.
    M. Jean-Pierre Brard. ... et sur la manière dont vous videz les mots de leur sens, un peu comme le dentiste dévitalise une dent !
    M. André Schneider. Vous, vous êtes un arracheur de dents !
    M. Jean-Pierre Brard. En apparence, la dent est toujours là, mais elle est morte.
    M. Michel Bouvard. Comme le parti communiste ! (Rires sur de nombreux bancs.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est ce que vous faites avec les valeurs de la République.
    M. André Schneider. On croit rêver !
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a lieu de renvoyer le texte en commission. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. de Courson nous a indiqué tout à l'heure à la tribune qu'il était pour le relèvement des bas salaires.
    M. Charles de Courson. Pour la hausse du SMIC !
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà une conversion récente qui mérite d'être traduite dans les actes. Or le projet de loi de finances ne prévoit aucune disposition allant en ce sens. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'an dernier, vous nous seriniez que le taux de croissance était très important. Or, cette année, M. Francis Mer vient nous dire à la tribune que le taux de croissance n'est, après tout, pas si important que cela, parce que les hypothèses valent ce qu'elles valent, et qu'on ignore tout de l'évolution des exportations ou de la consommation. Vous voyez bien qu'il y a matière à travailler.
    Je voudrais, monsieur le ministre, signaler un autre de vos abus de langage. Vous nous parlez toujours des ménages...
    M. François Goulard. Les électeurs ont fait le ménage à gauche !
    M. Jean-Pierre Brard. ... en mélangeant derrière ce vocable imprécis les pauvres et les riches. En réalité, vous essayez d'attirer à vous les vraies couches moyennes, celles qui vont bénéficier de quelques dizaines d'euros de réduction d'impôts,...
    M. André Schneider. Nous avons été élus dans les quartiers populaires !
    M. Jean-Pierre Brard. ... voire de quelques centaines d'euros dans certains cas. Mais, comme contrepartie, vous allez tailler dans les services publics. Ces mêmes contribuables, et les autres avec eux, devront payer plus pour la santé, pour l'éducation et pour les retraites. C'est un marché de dupes !
    Il y a lieu de renvoyer le texte en commission, puisque M. Francis Mer a dit tout à l'heure, ce qui a été pour moi une révélation, un peu comme si j'avais été à Lourdes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. André Schneider. Elle est lourde, celle-là !
    M. le président. Quittons le domaine des révélations, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, pour être tout à fait sincère avec vous, je pense que je n'en suis pas encore arrivé au stade de la conversion dans la mesure où je n'ai toujours pas compris les propos des représentants du Gouvernement, tant j'ai l'impression que ce qu'ils disent n'est pas en adéquation avec la réalité.
    M. Francis Mer nous a annoncé à la tribune - vous l'avez tous entendu comme moi - que le budget était équilibré. Or, il m'avait semblé comprendre qu'il y avait un déficit. Pour éclaircir ce mystère, il y a lieu de renvoyer le texte en commission. (Sourires.)
    M. Alain Néri. Très bien !
    M. Jean-Pierre Brard. Quant à vous, monsieur Alain Lambert, vous avez cité, disais-je, Jean-Yves Chamard...
    M. Jean-Yves Chamard. Bonne référence !
    M. le président. Monsieur Brard, venez-en à votre conclusion.
    M. Jean-Yves Le Déaut. C'est intéressant, monsieur le président.
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais conclure, monsieur le président, et pourtant mon intervention pourrait durer longtemps ! (Sourires.)
    M. Jean-Yves Chamard. Dommage que vous n'ayez pas été là ce matin !
    M. Jean-Pierre Brard. Quant à vous, monsieur Lambert, vous avez cité, disais-je, M. Jean-Yves Chamard selon lequel « il y a des marges de progrès sur le budget de l'éducation nationale ». Si l'on décode en français vulgaire, cela signifie que vous allez tailler dans le budget de l'éducation nationale.
    M. Yves Deniaud. Il faut dégraisser le mammouth !
    M. Jean-Pierre Brard. Les enseignants ont donc raison de descendre dans la rue, demain, pour défendre notre éducation nationale.
    M. le président. Monsieur Brard, concluez !
    M. Jean-Pierre Brard. Pour terminer, monsieur le président, je me permets de recommander à M. le ministre de parler dans la langue vulgaire, qui est celle des roturiers chers au coeur de M. de Courson (Sourires) ,...
    M. André Schneider. Lui, au moins, on le comprend !
    M. Jean-Pierre Brard. ... et surtout je le renvoie à l'excellent ouvrage de M. Thomas Piketty qui démontre à quel point la progressivité de l'impôt, qui est l'une des bases de notre République, a été altérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique.
    Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230) :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT