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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 18 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 17 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Rappel au règlement «...».
MM. Augustin Bonrepaux, le président.
2.  Loi de finances pour 2000 (première partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 33 «...»
Prélèvement au titre du budget
des Communautés européennes

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères.
M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne.
MM. Jean-Claude Sandrier, René André, Jérôme Lambert, Charles de Courson, Jacques Myard.
Mme la ministre.
Adoption de l'article 33.

Suspension et reprise de la séance «...»
Article 3 (suite) «...»

Amendement n° 240 de M. Bonrepaux, MM. Gérard Bapt, le rapporteur général, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; François Goulard, Augustin Bonrepaux, Charles de Courson. - Rejet par scrutin.
Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 «...»

MM. Didier Migaud, Augustin Bonrepaux, Xavier Bertrand, Jean-Pierre Brard, Gérard Bapt, Michel Bouvard.
Amendements de suppression n°s 1 de M. Brard et 219 de M. Bonrepaux : MM. Jean-Pierre Brard, Didier Migaud, le rapporteur général, le ministre, Marc Laffineur, Jean-Claude Sandrier, Augustin Bonrepaux. - Rejet par scrutin.
MM. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances ; le président.
Amendements n°s 242 corrigé de M. Migaud, 318 rectifié de M. Méhaignerie, 147 de M. de Courson, 166 de M. Albertini et 2 de M. Brard : MM. Didier Migaud, le président de la commission, Charles de Courson. - Retrait de l'amendement n° 147.
MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur général, le ministre, Augustin Bonrepaux. - Rejet de l'amendement n° 242 corrigé ; adoption de l'amendement n° 318 rectifié ; les amendements n°s 166 et 2 n'ont plus d'objet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

RAPPEL AU RÈGLEMENT

    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je souhaite élever une protestation contre la façon dont, ce matin, l'opposition a été traitée par la présidence. Nous voulions cinq minutes de suspension, il nous a été accordé deux minutes ! Il ne nous a donc pas été possible de réunir le groupe socialiste. Un peu plus tard, la suspension de séance nous a été carrément refusée. C'est la première fois que je vois cela ! Il y a un règlement tout de même et si la présidence commence à ne pas le respecter, je ne pense pas que nous puissions délibérer dans de bonne conditions.
    D'autre part, mais ce matin encore, j'ai demandé au Gouvernement de nous donner des informations sur les moyens mis à disposition de l'éducation nationale. Nous sommes en train d'examiner les recettes. Le ministre de l'économie nous a expliqué qu'elles sont suffisantes pour faire fonctionner l'éducation nationale. A regarder le détail, nous constatons que des postes de surveillants et de personnels ATOS sont supprimés, que les emplois-jeunes sont remis en cause, si bien que nous nous demandons comment fonctionnera l'éducation nationale l'année prochaine ! Nous savons également que la croissance ne sera pas celle qui est prévue. Ce matin encore, des informations inquiétantes nous laissent penser qu'elle n'atteindra même pas 2 %. Bien que les crédits budgétaires ne soient pas suffisants, on nous répète cependant que les services fonctionneront dans les mêmes conditions qu'auparavant. Nous avons beau demander des explications, on ne nous en donne pas. Cela ne me paraît pas convenable au moment où nous examinons le budget de notre pays.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux vous faites un double rappel au règlement. Ce matin, je crois savoir qu'il y en a eu trois. Le dernier, dont je suis persuadé que mon collègue Rudy Salles a tenu largement compte, portait sur la durée de la suspension de séance. En fait, vous avez obtenu satisfaction à deux reprises.
    Quant au second point que vous venez d'évoquer, il s'inscrirait davantage dans le cadre des questions d'actualité que dans celui de l'article 58, alinéa 3, de notre règlement. Je vous propose d'en parler à mon collègue Rudy Salles. Pour le moment, nous allons passer à l'examen de l'ordre du jour.

2

LOI DE FINANCES POUR 2003

PREMIÈRE PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. En accord avec le Gouvernement, nous allons examiner, dans les conditions arrêtées par la conférence des présidents, l'article 33 relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes.

Article 33
Prélèvement au titre du budget
des Communautés européennes

    M. le président. « Art. 2. - Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes est évalué pour l'exercice 2003 à 15,8 milliards d'euros. »
    La parole est à Mme la ministre délégure aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir qui, comme vous le savez, a des conséquences sur le budget global de l'Etat par l'intermédiaire du prélèvemet européen. Celui-ci représente près de 6,3 % de nos recettes fiscales nettes, ce qui n'est pas négligeable.
    Je suis heureuse d'être présente à l'Assemblée nationale car notre débat d'aujourd'hui est fort utile pour l'orientation de notre politique européenne. Le rendez-vous prend, cette année, un relief tout à fait particulier à un moment où, avec la Convention et surtout l'élargissement, c'est-à-dire l'accueil de dix nouveaux partenaires européens dès 2004, l'Union européenne est en passe de franchir une étape historique.
    Je voudrais tout particulièrement remercier M. Balladur, président de la commission des affaires étrangères, M. Carrez, rapporteur général de la commission des finances, M. Dumont, son rapporteur spécial, et M. Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères,...
    M. Gérard Bapt. Quelle entrée en matière !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... ainsi que M. Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne car les nombreux et fructueux échanges que nous avons déjà eus ont permis de préparer ce débat d'une manière très constructive.
    Commençons par la toile de fond du prélèvement que vous devez voter, le budget communautaire. Le projet de budget communautaire - celui, donc, de l'ensemble de l'Union - s'établit pour 2003 à 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement, soit une augmentation de 0,9 % seulement, et à 97 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2002. Ce total qui représente - et le chiffre n'est à l'évidence pas considérable - 1,01 % du PNB communautaire, s'inscrit dans le cadre des perspectives financières arrêtées par le Conseil européen de Berlin en mars 1999. En tenant compte de l'inflation communautaire, les dépenses devraient enregistrer en 2003, en volume, un léger recul grâce au souci de maîtrise qui caractérise cette année les débats budgétaires dans l'ensemble de l'Europe.
    Ne nous trompons pas, néanmoins, sur le sens de cette évolution : le budget communautaire a doublé au cours de la dernière décennie. Les perspectives financières définies en 1999 au Conseil européen de Berlin prévoyaient une hausse moins rapide, mais significative, de 16 % en termes réels du plafond des crédits sur la période 2000-2006. A partir de 2004, en raison de l'élargissement, le budget connaîtra une nouvelle croissance tout à fait justifiée.
    L'évolution prévue en 2003 constitue donc une pause dans un processus de croissance à long terme de la dépense communautaire, que nous devrons, malgré les augmentations prévisibles, continuer à maîtriser. En cette année de transition, il était donc important de trouver un bon équilibre entre le financement des politiques communautaires, d'une part, et un souci de rigueur en prévision des échéances à venir, qui est commun à tous nos partenaires européens, d'autre part. C'est ce qui ressort largement du projet de budget adopté par le Conseil.
    Ce projet de budget prévoit globalement une progression de 1,3 % des dépenses agricoles qui permettra notamment de financer la dernière étape de la réforme de la PAC de 1999, puisqu'elle comprend une hausse des aides directes dans le secteur bovin, ainsi que la réforme du secteur ovin et caprin de 2001. Les dépenses de développement rural - que l'on appelle « le deuxième pilier » - progressent de 2,2 %, donc plus vite que les dépenses de marché, conformément à nos préoccupations en la matière. L'agriculture absorbera, en 2003, 45 % des dépenses communautaires, ce qui représente une stabilisation des dépenses.
    La rubrique 2 du budget communautaire, consacrée aux aides régionales et à la politique structurelle, enregistre quant à elle une hausse modérée de 0,4 % en crédits d'engagement, conforme, encore une fois, au profil décidé au Conseil européen de Berlin. Cette rubrique représente, toujours avec plus d'un tiers des dépenses - 34,1 % -, le deuxième poste du budget de l'Union après celui de la PAC. Comme vous le savez, une nouvelle programmation et de nouvelles règles de gestion des engagements des fonds structurels ont été mises en place en l'an 2000. Ces nouveaux programmes témoignent toujours, il faut l'admettre, d'une sous-exécution, imputable à la fois à un échéancier trop optimiste et surtout à des lourdeurs administratives.
    Le gouvernement français, cela a été annoncé par mon collègue Delevoye, a adopté en juillet dernier une série de réformes concernant les fonds structurels de manière à en dynamiser la gestion avec, notamment, une expérimentation de gestion décentralisée menée par la région Alsace. Nous espérons en voir très prochainement les effets bénéfiques.
    Les autres politiques internes regroupées traditionnellement dans la rubrique 3 du budget communautaire sont dotées de sommes inférieures : 6,7 milliards d'euros, soit un peu plus de 6 % du budget total.
    Au sein de cet ensemble, et cela mérite d'être souligné car l'enjeu est extrêmement important pour l'Europe, les dépenses de recherche et de développement technologique confirment leur prédominance. Les crédits du sixième programme-cadre de recherche et de développement représentent en effet plus des deux tiers de la dotation de la rubrique, ce dont il faut se féliciter, car le programme-cadre de recherche pour 2003-2006 pourra enfin démarrer après deux années de négociations très difficiles avec le Parlement européen, dans le cadre de la codécision. Le compromis a néanmoins été obtenu, il faut le souligner, au prix d'un moratoire sur les recherches sur les cellules-souches embryonnaires humaines, dans l'attente d'un débat et d'une analyse éthiques approfondis au niveau communautaire.
    Les actions extérieures de l'Union européenne, figurant sous la rubrique 4, recevront en crédits d'engagement 4,9 milliards d'euros, en augmentation de 1,9 % par rapport au budget 2002.
    Trois actions - la poursuite du programme de reconstruction de l'Afghanistan, le Fonds global pour la santé, et en troisième lieu l'aide humanitaire - bénéficient d'une dotation nettement renforcée. Le Conseil a souhaité disposer d'une marge significative sous le plafond de la rubrique - 80 millions d'euros - afin de répondre efficacement à d'éventuelles crises internationales en 2003.
    Il faut noter enfin que le Conseil a adopté cette année le schéma de financement des opérations militaires qui seront éventuellement conduites dans le cadre de la politique de sécurité et de défense - une action qui, comme vous le savez, revêt une très grande importance pour le gouvernement français. Il a défini de façon plus précise les coûts communs qui seront répartis au sein de l'Union en fonction de la richesse des Etats membres et les coûts individuels qui resteront à la charge de chaque Etat.
    La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives qui représentent seulement 5,4 % du budget communautaire, un pourcentage évidemment sans commune mesure avec les charges administratives supportées par les Etats. Face au risque de croissance non maîtrisée de ces dépenses, et malgré la demande des institutions communautaires de voir leur dotation augmenter de façon importante, le Conseil a retenu une approche plus rigoureuse, en accord cette fois-ci avec le Parlement européen : la hausse des dépenses administratives a donc été limitée à 3,6 %, les institutions européennes étant davantage incitées à préparer l'élargissement par un redéploiement de leurs moyens plutôt que par leur augmentation.
    La dernière rubrique du budget regroupe les aides dites de préadhésion, dotées en crédits d'engagement d'un peu plus de trois milliards d'euros. Elles sont destinées respectivement à favoriser l'émergence d'une économie de marché viable dans les pays candidats avec le programme PHARE, à les aider à développer leurs infrastructures avec le programme ISPA, et à moderniser leur agriculture dans le cadre du programme SAPARD. Dans cette rubrique, comme dans celle dédiée d'ailleurs aux fonds structurels, le Conseil a proposé de réduire légèrement les crédits de paiement cette année eu égard à la sous-consommation observée ces dernières années. Cette décision ne remet pas en cause, je m'empresse de le dire, le fonctionnement de ces programmes auxquels nous attachons la plus grande importance car ils sont essentiels au renforcement des liens de coopération que l'Europe élargie devra tisser avec ses futurs membres.
    Il faut se féliciter de la capacité de réaction financière de l'Union européenne face à des événements imprévus comme les inondations tragiques qu'ont connues plusieurs pays d'Europe centrale, comme nous-mêmes. Les fonds structurels et les crédits de préadhésion ont en effet pu, grâce à une gestion souple, être très rapidement réorientés afin de reconstruire sans délai les zones sinistrées. La France elle-même pourra, si elle le souhaite, obtenir une telle mesure pour remédier aux dommages très importants causés par les inondations dans le Gard.
    L'ampleur du phénomène a en outre suscité une réflexion nouvelle sur la mise en place, ou plutôt le rétablissement, d'un fonds européen spécifique qui serait en principe doté de 1 milliard d'euros et dont les modalités sont actuellement débattues. Il faut surtout souligner à ce stade que la solidarité européenne a pu jouer à plein en faveur non seulement des Etats membres, l'Allemagne notamment qui a subi des dommages à hauteur de 25 milliards d'euros, mais aussi des pays candidats, en particulier la République tchèque.
    Telles sont, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes du projet du budget communautaire, un budget encore limité puisqu'il représente à peine 1 % du PNB des pays de l'Union européenne. Ce chiffre, pour certains, témoigne d'un manque d'ambition dans la construction européenne. En tout état de cause, ce budget illustre la situation des politiques communes qui sont encore cantonnées et montre bien, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, qu'il est encore laissé une très large place aux compétences nationales.
    Comment évolue dans ce contexte notre contribution française, celle qui est aujourd'hui soumise à votre approbation ? Elle est évaluée pour 2003 à 15,8 milliards d'euros. Par rapport à la loi de finances initiale 2002, le montant proposé est en réduction de 6,3 % mais il est en fait en hausse de 8 % par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. Ces évolutions divergentes tiennent aux incertitudes sur les soldes excédentaires.
    La part de la contribution française dans le financement du budget communautaire est estimée à 17,3 % en 2003, notre pays restant le deuxième contributeur. L'essentiel de ce prélèvement, comme vous le savez, nous revient, la France étant le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire, après l'Espagne.
    La France reste un contributeur net pour un montant de 2,7 milliards d'euros en 2001, montant somme toute modeste - 0,2 % seulement du PIB national.
    M. Jacques Myard. L'Europe nous coûte cher !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Il me paraît plus significatif de souligner devant vous les conséquences pour la France de la décision dite « ressources propres », issue du Conseil européen de Berlin, et mise en oeuvre au 1er janvier 2002. En vertu de cette décision, la France finance désormais près du tiers de la correction dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984, sous le terme de « chèque britannique ». Quatre de nos partenaires ont en effet obtenu à Berlin de ne plus financer qu'un quart de leur part de cette contribution au seul profit du gouvernement britannique.
    M. Jacques Myard. C'est scandaleux !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Pour 2003, la France supporte donc une majoration de près de 400 millions d'euros...
    M. Jacques Myard. Et même inadmissible !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... sur un coût total pour notre pays de 1,5 milliard d'euros. La charge est évidemment très lourde compte tenu de son peu de justification.
    M. René André. Très bien !
    M. Jacques Myard. C.Q.F.D. !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Depuis le « chèque britannique » de 1984, les mécanismes visant à rééquilibrer le financement du budget communautaire - au détriment, pour l'essentiel, des bénéficiaires de la PAC et des fonds structurels - se sont superposés, diminuant d'autant, ce qu'on ne peut que regretter, la lisibilité des contributions au budget communautaire. Alors même que l'Europe va accomplir le plus grand pas de son histoire depuis le Traité de Rome, le système touche à ses limites. La France devra fortement le faire valoir dans les débats sur les ressources et les dépenses communautaires qui seront menés jusqu'en 2006 pour arrêter le paquet financier 2007 - 2013. Nous entendons bien que toutes ces questions, y compris celle du chèque britannique, soient clairement reposées.
    M. Jacques Myard et M. René André. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ce tour d'horizon budgétaire me conduit à aborder les deux grands thèmes d'actualité de la construction européenne : l'élargissement et l'approfondissement, c'est-à-dire la réforme institutionnelle, de l'Europe.
    S'agissant de l'élargissement, quel en est tout d'abord le calendrier ?
    La Commission a adopté le 9 octobre ses « rapports de progrès » et a qualifié pour l'adhésion en 2004 dix pays : Chypre, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie, sans dissimuler d'ailleurs les efforts qui leur restent à consentir d'ici à leur entrée dans l'Union. La Commission a par ailleurs reconnu les progrès de la Bulgarie et de la Roumanie et pris note de la volonté de ces deux pays d'adhérer à l'Union dès 2007. Enfin, elle a reconnu « les nets progrès de la Turquie » vers le respect des critères politiques de Copenhague, en lien avec les récentes réformes législatives adoptées par ce pays, notamment une loi du 3 novembre dernier abolissant, dans tous les cas, la peine de mort. La Commission a cependant jugé ces progrès encore insuffisants,...
    M. François Loncle. C'est le moins que l'on puisse dire !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... et ne propose donc pas de date d'ouverture des négociations d'adhésion avec ce pays. Je ne vous cache pas que le problème de nos relations avec la Turquie dans le cadre de ce processus sera posé lors du sommet de Copenhague.
    Le Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre devrait maintenant adopter une position commune de l'Union européenne sur le paquet financier qui sera la base de départ de la négociation finale avec les dix pays candidats. Ces négociations, je l'indiquais tout à l'heure, se concluront lors du Conseil européen de Copenhague en décembre qui permettra la ratification d'un traité unique d'adhésion en 2003 et l'entrée dans l'Union des dix nouveaux membres dès 2004. L'idée est de permettre aux électeurs de ces pays de participer aux élections au Parlement européen de juin 2004.
    Deux chapitres de la négociation avec ces pays restent encore ouverts : l'agriculture et les dispositions financières et budgétaires. Nous soutenons la proposition de la Commission d'accorder progressivement - de 25 % en 2004 à 100 % en 2013 - le bénéfice des aides directes agricoles aux agriculteurs des futurs Etats membres. Il eût été impensable pour nous de tenir ces pays à l'écart du bénéfice de la PAC.
    Toutefois, et nous le soulignons très fermement à chaque Conseil européen, la PAC ne saurait être l'otage de l'élargissement ; la présidence danoise partage du reste totalement notre point de vue à cet égard.
    M. René André et M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Par ailleurs, nous maintenons que le paquet financier proposé par la Commission pour financer l'élargissement, pour ce qui touche aux fonds structurels, devra tenir exactement compte des réelles capacités d'absorption des pays candidats : il serait inutile de voir trop large si les fonds ne peuvent pas être finalement absorbés dans les temps.
    Des difficultés, je ne vous le cache pas, peuvent encore perturber le scénario de l'élargissement. Sans parler de la chute hier même du gouvernement néerlandais, on peut penser aux inquiétudes que suscite le référendum irlandais du 19 octobre...
    M. Jacques Myard. Mais non, c'est très bien, au contraire !
    M. René André. Allons !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... encore que, pour ma part, je pense qu'il faut avoir pleine confiance dans le peuple irlandais...
    M. Jacques Myard. Vive l'Irlande libre !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... qui a largement profité, si l'on peut dire, de son intégration au sein de l'Union européenne. Un refus de ratifier le traité de Nice ouvrirait une période de très grande incertitude. Il en est de même pour l'évolution des négociations en vue de la réunification de l'île de Chypre. Nous continuons à espérer qu'un règlement politique pourra intervenir avant le sommet de Copenhague. Même si ce n'est pas une condition préalable à l'adhésion de Chypre, ce serait à l'évidence hautement souhaitable.
    Il y a enfin, je l'évoquais à l'instant, la question de nos relations avec la Turquie dont la vocation européenne a été affirmée. Dans le contexte international que nous vivons, c'est là un sujet majeur qui sera posé à l'Union européenne au sommet de Copenhague.
    Je voudrais indiquer par ailleurs que la France a beaucoup insisté, et avec succès, au cours de la négociation sur le contrôle du strict respect des engagements souscrits par les pays candidats au titre de l'acquis communautaire, notamment dans les domaines de la sécurité sanitaire, de la lutte contre l'immigration clandestine et de la lutte contre la criminalité transfrontières.
    Nous avons insisté pour que le dispositif dit de monitorage soit pleinement efficace. Ce monitorage, au demeurant, ne disparaîtra pas au moment de l'adhésion, bien au contraire, dans la mesure où les nouveaux membres participeront pleinement aux mécanismes européens de régulation et de contrôle devenus, rappelons-le, les plus rigoureux du monde, notamment dans le domaine, éminemment sensible en Europe, de la sécurité alimentaire.
    De surcroît, le Traité devrait prévoir un certain nombre de clauses de sauvegarde permettant, par exemple, à tout Etat membre, actuel ou futur, de demander à la Commission, pendant une période de deux ans à compter de l'adhésion, de prendre des mesures en cas de difficultés sérieuses dans un secteur particulier de son économie ; ou encore à la Commission, pendant une même période, de prendre des mesures en cas de rupture ou de menace de rupture dans le fonctionnement du marché intérieur, en particulier pour ce qui touche à la sécurité alimentaire.
    Que l'on ne s'y méprenne pas. Quand bien même certaines ambiguïtés auraient pesé sur l'interprétation de nos demandes en matière de contrôle du respect de l'acquis communautaire, les demandes de la France n'expriment aucune réserve, aucune méfiance particulière à l'égard du processus d'adhésion et de l'élargissement de l'Europe. La France a parfaitement conscience des progrès considérables réalisés par les futurs membres de l'Union, et ce dans un temps relativement bref, à peine plus d'une décennie. Notre insistance sur certaines précautions tient simplement à notre volonté, pour le bien de nos concitoyens comme de celui de tous les citoyens européens, de non seulement réaliser cet élargissement, mais encore de le réussir pleinement. L'élargissement, c'est le grand projet, et c'est précisement parce que nous voulons le porter que nous nous montrons aussi exigeants. Et pour répondre au scepticisme parfois manifesté dans certains médias, je veux affirmer ici que si des futurs membres rencontrent des difficultés dans la mise en oeuvre de l'acquis communautaire, comme il nous arrive parfois d'en éprouver nous-mêmes dans l'application du droit communautaire et de nos engagements, la France sera à leurs côtés pour les aider à les surmonter.
    M. René André. Très bien !
    M. Jacques Myard. Nous vous approuvons !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. L'important, chacun en est conscient ici, est que l'élargissement ne se ramène pas à une question comptable : c'est un investissement pour notre pays et pour l'Europe, un investissement à long terme pour la sécurité et la prospérité mais aussi, dans le contexte actuel, pour la défense de nos valeurs communes.
    Face à un tel enjeu, l'Europe et en particulier la France ne doivent pas hésiter. Cet élargissement ne doit ni remettre ni même fragiliser cinquante ans de construction européenne. Il donne au contraire tout son sens au projet européen : construire sur un continent déchiré par la guerre, encore hier dans les Balkans, une communauté garantissant à ses membres non seulement la prospérité et un minimum de solidarité, mais aussi la sécurité. Voilà le grand projet d'aujourd'hui.
    Ce grand projet a un corollaire : la rénovation des institutions européennes, pour les rendre à la fois plus efficaces et plus compréhensibles, je dirai plus lisibles par les concitoyens, C'est à cela que s'attelle la convention présidée par le président Giscard d'Estaing, qui doit, ainsi que vous le savez, présenter des propositions en vue d'une future constitution européenne.
    M. Jacques Myard. Mouais !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Quid de la convention sur l'avenir de l'Europe ? Ses travaux ont conclu la phase dite d'écoute, d'audition des groupes d'intérêt et des différentes parties prenantes à la construction européenne. La convention, désormais engagée dans la phase d'études et de propositions, travaille dans le cadre de groupes de travail sectoriels et analyse également les propositions des conventionnels. J'ai le plaisir de saluer ici l'un d'eux en la personne du président Lequiller.
    Dans quelques mois ou quelques semaines viendra la phase d'élaboration des propositions finales de la convention. Le président Giscard d'Estaing a d'ores et déjà indiqué qu'il présenterait prochainement un « canevas » de traité constitutionnel avant le Conseil européen de Bruxelles, fin octobre. Ce premier schéma sera progressivement complété à partir du résultat des groupes de travail constitués au sein de la convention.
    Je souhaite évoquer avec vous brièvement les principales propositions actuellement défendues par le Gouvernement français. Contrairement à ce qui est parfois avancé, la France n'est nullement en retard pour élaborer ses propositions nous sommes du reste, ainsi que vous le savez, en étroite liaison avec nos partenaires, tout particulièrement allemands, pour élaborer des contributions communes.
    M. Marc Laffineur. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Tout d'abord, nous nous sommes prononcés très clairement en faveur de l'adoption d'un texte à portée constitutionnelle que, pour résumer, on désigne sous le vocable de « Constitution européenne » - autrement dit, d'un texte ambitieux. Il s'agit d'adopter une Constitution qui intègre la charte des droits fondamentaux des citoyens européens, un texte lisible et qui surtout ait vocation à durer.
    M. Jacques Myard. Ça...
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Les dispositions de ce texte - ou plutôt de ce traité constitutionnel -...
    M. Jacques Myard. Je préfère !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... devraient comporter deux parties, dont la deuxième, moins fondamentale que la première, donnerait lieu - selon nos souhaits - un mode de ratification simplifié, qui se rapprocherait, en quelque sorte, du mode de révision des véritables constitutions nationales.
    Deuxième axe fort des propositions de la France : la consolidation de ce qu'on appelle parfois le « triangle institutionnel » - le Conseil européen, la Commission et le Parlement européen -, qui fait l'originalité de l'équilibre des institutions de l'Union européenne. On pourrait imaginer certes d'autres modèles que celui qui s'est mis en place progressivement - et même parfois spontanément, s'agissant du Conseil européen - depuis près de cinquante ans. Mais ce serait, croyons-nous, une erreur que d'effacer d'un coup de plume le fruit d'un acquis institutionnel qui a eu l'avantage de créer un véritable esprit communautaire. Si nous voulions en faire table rase, il faudrait alors mettre en place un véritable gouvernement européen, créer une manière de super-Etat que même les pays qui se réclament du fédéralisme ne sont en fait pas prêts à accepter, tout au moins aujourd'hui.
    M. Charles de Courson. Mais un jour !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Notre modèle est simple : nous souhaitons renforcer la lisibilité, améliorer l'efficacité des institutions européennes, de toutes les institutions, afin que leur poids politique soit à la mesure des enjeux de la période actuelle.
    Nous souhaitons d'abord renforcer le Conseil européen en lui donnant tout à la fois plus de visibilité et plus de cohérence dans l'action, d'où la proposition que je développerai dans quelques instants de la désignation d'un président, assisté d'un ministre des affaires étrangères de l'Europe.
    M. Jacques Myard. Moi, moi, moi ! (Sourires.)
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l'Union européenne. Surtout pas !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous souhaitons aussi renforcer la Commission dans les matières communautaires en préservant ses prérogatives et en consolidant sa capacité à proposer l'Europe de demain, c'est-à-dire sa capacité d'anticipation sur les évolutions de la construction européenne.
    M. Jacques Myard. Ah, ah !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous souhaitons enfin renforcer le caractère démocratique de l'Union en accroissant le pouvoir de codécision au Parlement européen, en améliorant l'association, voire l'implication des parlements nationaux dans la construction communautaire et enfin, c'est l'objet de la charte, en posant des droits mieux garantis pour les citoyens, ceux des actuels Etats membres comme ceux des futurs membres de l'Europe.
    Le Conseil européen doit être, selon nous, l'acteur clé sur la scène internationale en matière de politique étrangère. C'est dans ce but que le Président de la République a proposé de le doter d'un président à temps plein, élu, éventuellement à la majorité qualifiée, et pour une durée suffisamment longue afin de garantir une certaine continuité. Il devrait présider, pensons-nous, le Conseil des affaires générales, qu'il recentrerait sur ses fonctions transversales. Il aurait à ses côtés un ministre des affaires étrangères qui réunirait entre ses mains les fonctions actuelles du Haut Représentant pour la PESC et du commissaire chargé des relations extérieures, ce qui serait un gage de coordination indispensable entre deux actions de plus en plus étroitement liées.
    M. Jacques Myard. Pour mieux les paralyser !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le ministre des affaires étrangères présiderait le Conseil des relations extérieures.
    Reste encore à travailler sur un sujet très délicat : celui de l'articulation entre le Conseil européen, son président et son ministre des affaires étrangères, et la Commission européenne dans la mesure où celle-ci ne peut répondre aux schémas nationaux de séparation des pouvoirs. Elle est pourtant essentielle à la réalisation des objectifs politiques de l'Union européenne.
    Nous insistons aussi, et c'est un des axes de notre réflexion sur l'articulation entre les institutions, sur la nécessité de garantir aux objectifs politiques de l'Union des moyens appropriés, notamment budgétaires.
    A nos yeux, et je dois dire que notre position trouve un écho chez la plupart de nos partenaires européens, il est également fondamental d'avancer dans un des domaines qui sensibilisent particulièrement les opinions publiques : la construction d'un espace de sécurité, de liberté et de justice. Il faut doter aujourd'hui l'Europe de mécanismes capables d'éviter que les frontières entravent l'action des seuls policiers et des juges alors que les criminels peuvent, eux, circuler à leur aise, sans crainte d'être poursuivis d'un pays à l'autre.
    M. Jacques Myard. A qui la faute ?
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Il est temps également, et c'est précisément le but de la discussion en cours sur les directives « droit d'asile », de doter l'Europe d'une politique commune en matière d'immigration.
    Il faut aussi progresser sur un autre terrain, celui de la gouvernance économique. Cela suppose de dépasser le simple cadre de la gestion économique et financière pour mieux prendre en compte des objectifs sociaux de l'Union et des différents pays qui la composent.
    Pour aller dans le sens d'une plus grande harmonisation des politiques économiques, la France continue de demander avec insistance que soit appliqué le vote à la majorité à certaines questions fiscales. C'est très important pour nous si nous voulons éviter les délocalisations injustifiées. Ces convergences fiscales devraient concerner en priorité la fiscalité de l'épargne et, éventuellement, celle de l'entreprise. Bien évidemment, nous sommes favorables aussi, en tant que membres de l'Eurogroupe, au renforcement des mécanismes institutionnels de ce groupe. Enfin, il est temps d'améliorer la représentation externe de l'Europe dans les institutions économiques et financières internationales.
    Pour conclure, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, une Europe réunifiée suppose des institutions rénovées. Un problème demeure, qui aurait dû être posé en premier lieu, c'est de savoir comment on pourrait mieux associer nos concitoyens au projet d'Europe élargie qui s'inscrit dans l'évolution démocratique de l'Union. Les Français, selon certains sondages, seraient parmi les plus réservés à l'égard de l'élargissement. Réservés ? On peut se poser la question, qui d'ailleurs se pose à peu près dans tous les pays membres.
    M. René André. Ils n'ont pas été informés !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Ils sont, en tout cas, insuffisamment sensibilisés à la question et incomplètement informés. Voilà la réalité !
    Alors, comment faire comprendre à nos concitoyens la portée du projet de la réunification de l'Europe ? C'est un devoir qui nous incombe à tous, nous responsables politiques, et c'est urgent. A cet égard je crois qu'on peut être optimiste car les jeunes de notre pays, comme ceux des autres, d'ailleurs, manifestent tant d'élans de solidarité ! Chaque jour de nouvelles menaces pèsent sur nous et nous obligent à renforcer notre cohésion nationale, ce qui passe par un renforcement de l'Union européenne, de sa stabilité et de sa sécurité. Nous devons mieux expliquer aux Français ce que ce sont les enjeux exacts de l'Europe élargie.
    C'est dans ce but que, en liaison avec le Premier ministre, je suis en train de définir les thèmes et les modalités d'une large campagne d'information et de communication dans les régions de France, campagne que le Premier ministre lancera lui-même au mois de novembre.
    M. Jacques Myard. Plus on parle de l'Europe, plus on en dégoûte le peuple !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous nous appuierons essentiellement sur les initiatives locales, car c'est d'elles - avec l'appui que nous apporteront les élus locaux - que naîtra l'enthousiasme que mérite la construction de la nouvelle Europe.
    C'est dans cette optique que j'ai souhaité, au cours de mes déplacements dans les pays candidats, mais également dans les pays membres, associer des élus, parlementaires nationaux ou européens, pour que nous puissions, de concert, faire entendre la voix de la France à nos partenaires ou futurs partenaires. Cette volonté de transparence et d'association du Parlement à la conduite de la politique européenne du Gouvernement, répond à un souci de démocratisation du débat européen. Elle est fort appréciée de tous nos interlocuteurs. D'où l'importance également de mon dialogue avec la délégation à l'Union européenne, et du vote d'aujourd'hui sur la contribution française au budget de l'Union, qui permet de réaffirmer notre engagement européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'effort financier consenti par la France en faveur des communautés européennes s'est considérablement accru depuis une dizaine d'années.
    M. Jacques Myard. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le prélèvement sur recettes a doublé depuis 1990. Il devrait atteindre 15,8 milliards d'euros en 2003, soit 6,3 % des recettes fiscales nettes du budget général, que nous examinons actuellement. Ce montant dépasse de 8 % l'évaluation révisée pour 2002, et marque donc un ressaut, après deux années durant lesquelles le prélèvement est resté stable.
    L'ampleur de cette progression ne tient pas à une brutale augmentation des dépenses de l'Union européenne en 2003.
    M. Jacques Myard. Gabegie !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le projet de budget communautaire adopté par le Conseil, le 19 juillet dernier, ne prévoit en effet qu'une hausse modérée de 0,9 % des crédits pour engagements, et de 1,4 % des crédits pour paiements par rapport à 2002.
    Cette forte croissance du prélèvement doit en fait être attribuée à la conjonction de deux phénomènes : d'une part, le faible niveau d'exécution du budget 2001, d'autre part, la nouvelle décision sur les ressources propres, à la suite du Conseil européen de Berlin.
    Le niveau d'exécution du budget communautaire en 2001 s'est révélé particulièrement faible. Le solde excédentaire de l'exercice, qui s'est traduit par un moindre appel aux contributions nationales en 2002, a atteint le montant historique de 15 milliards d'euros. Dès lors que les résultats d'exécution du budget communautaire, connus à ce jour, suggèrent que le solde excédentaire pour 2002 devrait être ramené, heureusement, à 8 milliards d'euros, il devient nécessaire de relever l'évaluation pour 2003.
    Quels sont les facteurs de progression ? Du côté des dépenses, l'augmentation et la répartition des crédits du budget communautaire pour 2003, telles qu'elles ont été déterminées par le Conseil lors de l'adoption du projet de budget en juillet dernier, répondent aux objectifs de modération, indispensables pour permettre à l'Union de faire face aux défis auxquels elle est confrontée à court terme, au premier rang desquels l'élargissement. Notre assemblée l'a rappelé dans la résolution adoptée à l'occasion de l'examen de l'avant-projet de budget cet été.
    Le Conseil européen a ainsi ramené à 1,4 % la progression globale des crédits pour paiements, alors que la Commission proposait une hausse de 2,7 %. Cette rigueur est équitablement répartie selon les grands champs d'action des Communautés.
    En ce qui concerne, d'abord, les dépenses agricoles, qui représentent, je le rappelle, 46 % du budget communautaire, le Conseil a veillé à augmenter substantiellement la marge sous le plafond des perspectives financières, de façon à permettre à l'Union de faire face à une éventuelle crise agricole de grande ampleur en 2003. De même, le Conseil s'est attaché à ce que les crédits pour paiements, qui progressent de 1,3 % par rapport à 2002, soient affectés au financement de trois priorités : la dernière étape de la réforme de la PAC, avec la hausse des aides directes dans le secteur bovin, l'application de la réforme du secteur ovin et caprin décidée en 2001, enfin, le soutien aux secteurs touchés par la contraction des exportations, en particulier le secteur céréalier.
    Ces priorités traduisent bien la nécessité de consolider la réforme de la politique agricole commune définie à Berlin en 1999 avant toute remise en cause de ses fondements et de ses principes.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Par ailleurs, les crédits des actions internes et ceux des actions externes restent stables par rapport à 2002. Pour les premiers, le Conseil a tenté de remédier aux saupoudrages traditionnels en définissant des priorités claires, en particulier l'innovation avec le programme « Europe de la connaissance ».
    En ce qui concerne les dépenses extérieures, le Conseil a veillé à ménager une marge sous le plafond des perspectives financières, susceptible de préserver les moyens de répondre à d'éventuelles crises internationales en 2003. La plus forte augmentation dans cette rubrique concerne les crédits affectés au programme de reconstruction de l'Afghanistan, qui progressent de 81 millions d'euros.
    L'essentiel des débats porte cependant sur les dépenses administratives. La Commission avait proposé une hausse des crédits de 5,2 %, afin de préparer l'élargissement. Dans la résolution adoptée cet été, l'Assemblée nationale avait rappelé qu'« un effort de maîtrise des dépenses administratives contribuerait au succès de l'élargissement ». Le Conseil, conscient de cette nécessité, s'est appliqué à maintenir la progression des dépenses administratives dans la limite du plafond des perspectives pluriannuelles, soit 3,5 %.
    Enfin, concernant les dépenses consacrées aux fonds structurels et aux aides de préadhésion, il est un point sur lequel l'Assemblée avait, également dans la résolution de cet été, émis des inquiétudes légitimes : ces dépenses souffrent d'une sous-consommation chronique. Les taux d'exécution de ces deux rubriques ont été respectivement de 71 % et 65 % en 2001. C'est pourquoi, on l'a vu, le budget communautaire dégage un solde excédentaire considérable, les crédits pour paiements étant fixés à des niveaux très supérieurs au rythme constaté de consommation des crédits. Bien entendu, les crédits non consommés sont restitués aux Etats membres sous la forme d'un moindre appel aux contributions nationales. C'est ce qui s'est passé en 2002. Mais cela témoigne de problèmes structurels inquiétants.
    M. Jacques Myard. Il a raison !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. D'autre part, la réalisation des engagements passés à la suite de ces retards dans la consommation des crédits grève lourdement le budget communautaire. Le « reste à liquider », le fameux RAL, est ainsi évalué à 16,7 milliards d'euros pour la programmation antérieure à 1999 et à 33 milliards d'euros fin 2001 pour la programmation 2000-2006. Le Conseil a su à cet égard ramener à 2,8 % la progression des crédits pour paiements des fonds structurels en 2003 et réduire de 1,5 % le montant des crédits pour paiements des aides de préadhésion.
    Mais surtout, des mesures plus structurelles ont été adoptées. Ainsi, à partir du 31 décembre 2002, seront annulés d'office les engagements n'ayant pas fait l'objet d'une demande de paiement recevable auprès de la Commission, à l'issue de la deuxième année suivant celle de l'engagement. Mais il faut constater que la faiblesse des engagements au titre des fonds structurels tient souvent et principalement à l'extrême lourdeur de leur procédure de gestion. Saluons donc les efforts du Gouvernement, matérialisés par les circulaires du Premier ministre des 15 juillet et 9 août 2002, qui visent à la simplifier.
    Au total, le projet de budget adopté par le Conseil tire les enseignements de la gestion passée et prend en compte les nécessités du futur.
    La deuxième cause de progression du prélèvement sur recettes tient aux conséquences, pour la France, de la nouvelle décision sur les ressources propres des communautés du 19 septembre 2000.
    Cette décision, entrée en vigueur le 1er mars 2002, accroît, dans le financement du budget communautaire, la part de la ressource PNB qui représente désormais environ 60 % des ressources, au détriment de la ressource TVA, dont le taux d'appel maximal est ramené de 1 % en 2001 à 0,5 % à partir de 2004.
    Par ailleurs, la nouvelle décision « ressources propres » réduit les participations de l'Allemagne, de l'Autriche, des Pays-Bas et de la Suède au financement de la « correction » britannique, qui était évoquée tout à l'heure par Mme la ministre.
    Au total, cette décision aboutit à augmenter la contribution relative de la France au budget communautaire. Selon l'ancien système, la France aurait financé environ 16,8 % du budget pour 2003 ; avec le nouveau système, la part de sa contribution atteint 17,3 %. Elle est ainsi le deuxième contributeur du budget communautaire en 2003, avec 16,8 milliards d'euros. Mais rappelons que l'Allemagne, premier contributeur, acquittera 22 milliards d'euros.
    Et il ne faut pas oublier que, parallèlement, la France demeure l'un des principaux bénéficiaires des dépenses communautaires. Elle a occupé en 2000 la première position, recevant 15,4 % des dépenses européennes, loin devant l'Allemagne qui a reçu 12,8 %, ou le Royaume-Uni qui a reçu 10 %. Les crédits dépensés en France au titre du FEOGA - garantie ont atteint 7,5 milliards d'euros en 2000, et les crédits au titre des fonds structurels 2,5 milliards d'euros.
    Il faut, par conséquent, savoir dépasser une approche en termes de solde budgétaire, qui se focalise sur la différence entre les paiements acquittés par la France et les dépenses effectuées par l'Union européenne sur le territoire national. C'est le fameux « I want my money back ».
    M. Jacques Myard. Thatcher !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La France est l'un des premiers contributeurs nets, c'est vrai. Mais cela ne permet pas de mesurer les bénéfices que notre pays retire de son appartenance aux communautés, qui, ne serait-ce que d'un point de vue économique - qui lui-même est très réducteur -, dépassent très largement les seules dépenses communautaires effectuées sur son sol.
    Sous le bénéfice de ces quelques remarques, la commission des finances a adopté l'article 33, et je vous demande, chers collègues, d'émettre le même vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis une dizaine d'années, le Gouvernement présente, dans un article spécifique de la première partie de la loi de finances, le montant prélevé sur les recettes de l'Etat qui correspond à la contribution de notre pays au budget des communautés européennes.
    Rappelons que le budget de l'Union est présenté par principe en équilibre et qu'il est intégralement financé par des ressources propres.
    Le budget communautaire répond, d'autre part, à un souci de rigueur et à la volonté de maîtriser strictement l'évolution des dépenses.
    Lors du sommet de Berlin, en1999, le Conseil européen a défini les perspectives financières pour la période 2002-2006 et décidé de plafonner le montant total des ressources du budget européen à 1,27 % du PNB des Etats membres de l'Union. Cette limitation du montant du budget de l'Union, d'autres orateurs l'ont relevé avant moi, se double, en pratique, d'une sous-consommation importante des crédits observée au cours des exercices 2001 et 2002, lors desquels les actions structurelles et les aides de pré-adhésion ont enregistré un taux de consommation particulièrement bas, de l'ordre de 60 à 70 %.
    Tel qu'il nous est présenté dans le projet de loi de finances pour 2003, le prélèvement communautaire - c'est-à-dire la participation de la France - est évalué à 15,8 milliards d'euros, en progression de 8 % par rapport à l'évaluation révisée pour 2002, qui était de 14,6 milliards d'euros.
    La contribution de la France représenterait, sur la base de cette évaluation, 1,01 % du PNB communautaire et 17,3 % du budget de l'Europe, ce qui placerait effectivement notre pays au deuxième rang des Etats contributeurs, derrière l'Allemagne, qui, elle, participe à hauteur de 23 %. S'agissant de la contribution nette, en 2000, la France figurait au quatrième rang, derrière l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas.
    Le prélèvement communautaire pour 2003 provient, pour plus de la moitié, de notre ressource PNB, 8,7 milliards d'euros, et, pour plus d'un quart, 4 milliards d'euros de la ressource TVA.
    En application du nouveau système de ressources propres entré en vigueur en 2002, la part relative de la ressource TVA devrait continuer de diminuer au profit de la ressource PNB, ce qui aboutira, en 2003, à une augmentation de la part de contribution française au budget communautaire de 0,5 %.
    Un total de 15,8 milliards d'euros, voilà donc aujourd'hui le coût estimé de notre contribution à l'Union européenne pour financer la PAC, les actions structurelles, mais aussi les politiques internes, telles celles de la recherche ou de l'éducation, et les actions extérieures au rang desquelles figure la PESC, les aides à la pré-adhésion, et les dépenses administratives et de fonctionnement des institutions communautaires.
    En 2004, l'Europe va s'élargir à dix nouveaux Etats membres représentant une population d'environ 80 millions d'habitants, qui espèrent - là est tout le problème, pour eux comme pour nous - pouvoir bénéficier, en entrant dans l'Union, des mécanismes communautaires qui leur permettront d'améliorer rapidement leur situation économique et financière.
    A l'heure actuelle, en dépit de tous les efforts réalisés par ces pays depuis près de dix ans, leur niveau de développement économique reste encore très en retrait par rapport au niveau de richesse des Quinze.
    Si le PIB par habitant de la République de Chypre équivaut à celui de la Grèce, ou si celui de la Slovénie représente par habitant 69 % du PIB moyen des pays de l'Union européenne, globalement la richesse produite par habitant dans les dix pays candidats représente 40 % du montant de la richesse produite par habitant dans l'Union européenne actuelle. Avec respectivement 7 700 euros et 8 700 euros de PIB par habitant, la Lettonie et la Lituanie n'atteignent même pas ce pourcentage.
    A terme, l'application des mécanismes communautaires actuels aboutirait, dans une Europe élargie à vingt-cinq membres, à un alourdissement de la contribution des quinze Etats membres actuels, pour deux raisons : d'abord la différence de niveau entre le PNB des Quinze et le PNB des dix candidats ; et ensuite, il faut le dire, l'importance du secteur agricole dans l'économie de ces dix candidats.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Eh oui !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Les Quinze, qui se sont engagés dans une politique de maîtrise rigoureuse des dépenses de l'Union, et qui connaissent désormais des taux de croissance modestes, ne disposent que d'une faible marge de manoeuvre, et c'est ce qui fait toute la difficulté de l'exercice auquel nous sommes confrontés désormais. Il nous faudra donc tout à la fois opérer des choix et nous préparer à reconsidérer, en tout cas à étudier, certains principes.
    Ainsi, par exemple, en application du nouveau système de ressources propres, la contribution relative de la France augmentera dans les prochaines années alors que nous continuons de financer ce qu'il est convenu d'appeler commodément le chèque britannique.
    Rappelons que le Royaume-Uni a demandé l'application d'une correction pour le calcul de sa contribution financière. Depuis 1984, les Britanniques ont obtenu le remboursement des deux tiers de leur contribution nette - puisqu'ils sont contributeurs nets. Ce remboursement est financé par les autres Etats membres, et tout particulièrement par la France depuis que quatre Etats, l'Allemagne, l'Autriche, la Suède et les Pays-Bas, ont obtenu au Conseil européen de Berlin une baisse de leur contribution au chèque britannique.
    Pour l'année 2003, la France financera la correction britannique à hauteur de 30 %, soit 1,5 milliard d'euros. Cette situation ne saurait, à mes yeux, se maintenir dans une Europe élargie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Par ailleurs, si la sous-consommation des crédits et l'existence d'un solde budgétaire positif de 15 milliards d'euros en 2001 peuvent signifier une croissance maîtrisée des dépenses communautaires, elles conduisent néanmoins à s'interroger sur l'efficacité de certains mécanismes d'aides. Souvent ces aides ne sont pas ou ne peuvent pas être attribuées en raison des difficultés rencontrées par certains élus pour en obtenir le bénéfice au profit de leurs projets.
    Des améliorations peuvent donc être obtenues, mais à terme, mes chers collègues, nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion sur l'ensemble des actions que l'Union européenne pourra financer dans une Europe élargie.
    M. Jacques Myard. Ni d'une réflexion sur ce qu'elle doit faire !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il ne s'agit pas, bien entendu, de suggérerr aujourd'hui des positions définitives, mais d'avoir, dès à présent, conscience que le niveau actuel de notre prélèvement communautaire et, plus généralement, celui du budget de l'Union, posent le problème de la politique agricole commune étendue aux vingt-cinq pays et celui de leur accès aux fonds structurels.
    M. Jacques Myard. Eh oui !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Une fois l'élargissement réalisé - car, pour nous, comme le Gouvernement l'a toujours déclaré, et à juste titre, aucun lien ne doit être préalablement établi entre l'élargissement, d'une part, et la réforme de la PAC ou celle des fonds structurels, d'autre part -, nous ne pourrons nous dispenser d'une réflexion générale sur l'Europe que nous voulons construire à vingt-cinq, peut-être un jour à trente.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Jérôme Lambert. Il faudra bien en parler !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Cet élargissement fait naître des inquiétudes au sein des opinions publiques. Le référendum sur la ratification du traité de Nice, qui aura lieu en Irlande dans 48 heures, et auquel il va de soi que, comme vous, madame la ministre, nous souhaitons une réponse positive,...
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Nous le souhaitons tous, sauf M. Myard !
    M. Jacques Myard. En effet !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. ... nous montre quelle est cette inquiétude.
    Il nous faut réaffirmer toute l'importance historique et politique de la construction de ce nouvel espace de paix, de stabilité et de sécurité que constitue l'Europe. Face à la montée de certains égoïsmes, l'élargissement ne peut se réduire à un simple calcul économique,...
    M. René André. Très bien !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. ... même si cela doit nous amener à réfléchir sur les choix que nous devrons faire, car il ne sera pas possible de transposer intégralement - en tout cas sur le long terme - entre vingt-cinq membres l'ensemble des mécanismes applicables entre quinze membres.
    M. Jacques Myard. Eh oui !
    M. Edouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères. Il faut nous préparer à y réfléchir et à en discuter. L'élargissement constitue une nécessité morale et politique à laquelle nous adhérons pleinement. Soyons cependant conscients qu'il faudra un jour débattre de ses conséquences sur tous les plans.
    C'est avec ces observations, mes chers collègues, que je vous suggère, au nom de la commission des affaires étrangères, d'adopter l'article 33 qui nous est présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, chers collègues rapporteurs, mes chers collègues, dans son dernier rapport annuel, la Cour des Comptes européenne souligne, comme chaque année, quelques erreurs substantielles, des manquements et des lourdeurs qui mettent en cause les Etats dans leur suivi de la gestion et dans la complexification des procédures. La France est sur ce terrain particulièrement visée. Elle serait même dernière de la classe, car elle impose un passage systématique des dossiers par le niveau central parisien, qui ajoute - ou qui a ajouté - aux critères européens les siens propres. A cela, on peut également ajouter les strates supplémentaires de l'espace régional. L'effet est désastreux sur l'efficacité des politiques et allonge par ailleurs les délais de paiement. Du reste, votre rapporteur spécial a relevé que la Cour insistait sur la nécessaire mise en place des systèmes de contrôle afin que soient assurés le respect des réglementations communautaires et une bonne gestion budgétaire.
    Souvent, aux yeux des ayants droit français, l'Europe est synonyme de lourdeur et de retard. Or, ces défauts relèvent plus souvent de notre propre responsabilité que de celle de l'Union.
    Cela dit, en ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l'Union, on constate que les fraudes et les irrégularités communiquées ou constatées diminuent en raison des procédures nouvelles, le nombre des cas signalés est ainsi passé de 6 782 à 7 782 et leur coût financier de 1 285 millions d'euros à 730 millions d'euros. C'est une avancée qu'il faut saluer. Néanmoins, il faudra aller au-delà de ces chiffres, madame le ministre, et la commission des finances souhaite avoir de plus amples informations qui lui permettent de faire des comparaisons avec ce qui se passe dans les autres pays de l'espace européen.
    Les membres de votre commission des finances, de l'économie générale et du Plan se sont interrogés sur la nature et l'efficacité des dispositifs, sur la manière dont les vérifications sont menées. Ils se sont également inquiétés du taux de consommation des fonds structurels et vous demandent, madame la ministre, de fournir, région par région, et par état, le niveau des paiements. En outre, ils veulent être informés des règles de cumul, tant des aides communautaires que des aides nationales, ainsi que des conséquences du plafonnement des aides - et des taux fixés - sur les choix des participations des diverses collectivités.
    Quant aux sanctions financières prises à la suite des contrôles, de quelle manière peut-on améliorer l'efficacité de l'instruction des dossiers, afin d'éviter les fraudes, ou la non-consommation des crédits, comme cela a été souligné par la plupart des orateurs qui m'ont précédé ?
    Avant l'élargissement, il semble nécessaire de clarifier et d'appliquer des règles identiques sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. C'est ainsi qu'est posée la question de la création, ou non, d'un impôt européen.
    Pour 2003, la France participera à hauteur de 15,8 milliards d'euros au budget de l'Union européenne, lequel devrait atteindre un total de 97 milliards en crédits de paiement. Le prélèvement prévu à l'article 33 du projet de loi de finances initiale pour 2003 est en recul de 6,5 % par rapport aux 16,9 milliards d'euros inscrits au PLFI de 2002, mais supérieur aux 14,6 milliards d'euros estimés lors du vote de la loi de finances rectificative, qui deviendront 13,9 milliards après la restitution liée au coût des frais de perception.
    Les écarts entre prévision et exécution évoluent chaque année en fonction du solde de l'année précédente, solde lié à la surestimation des besoins, à une sous-consommation des crédits, comme je l'ai déjà souligné, et à une surestimation des recettes. Le cadre financier établi en 1999, à Berlin, a défini de nouvelles règles pour les ressources propres, qui se sont substituées aux contributions étatiques. C'est ainsi que les crédits de paiement représenteront, en 2003, 1,01 % du PNB communautaire, et financeront la montée en puissance des actions structurelles - c'est du moins l'espoir qu'on peut avoir -, les aides de préadhésion et, évidemment, la politique agricole commune. Le montant des dépenses restera néanmoins en deçà des plafonds autorisés.
    La France restera en 2003 un contributeur net, à hauteur de 17,7 %, pour un solde moyen annuel de 1,5 milliard d'euros. Mais remarquons qu'en 2000, du fait de la sous-exécution budgétaire, le solde était de 2,4 milliards d'euros et pourrait atteindre pour 2001 - mais un chiffre différent a été annoncé tout à l'heure - 3,14 milliards d'euros. Ce constat nous conduit à poser la question de la capacité de l'Union à développer et à mettre en place des actions dynamiques, efficaces et innovantes. Il illustre en tout cas les effets de la lourdeur des procédures cumulées de l'Union et, en ce qui nous concerne, de la France.
    La part réservée à l'agriculture est en augmentation de 1,3 %, à hauteur de 44,83 milliards d'euros. Quant à la politique agricole commune, elle représentera un effort de 40,1 milliards, et le développement rural, en évolution de 2,2 %, un effort de 4,7 milliards d'euros.
    S'agissant de la politique agricole commune, la France semble s'opposer actuellement à une réflexion à mi-parcours. Cette position peut fragiliser notre capacité à faire prendre en compte pour l'avenir les besoins de nos agriculteurs. Elle risque de radicaliser l'attitude de nos partenaires sur la question des dépenses agricoles. C'est tout particulièrement le cas en ce qui concerne les quotas laitiers - mais j'ai entendu M. le président de la commission des finances émettre un avis un peu plus prudent que le « non », qui a été prononcé, me semble-t-il, il y a quelques semaines. Parlant devant des spécialistes des quotas laitiers, on écrit ou on récrit l'histoire comme on peut. Que ce soit en 1984 ou en 1986, rares étaient ceux qui défendaient les quotas laitiers. Et si l'illustre ministre de l'agriculture de l'époque était là, nous aurions pu engager le dialogue. Aujourd'hui ce sont les enfants des mêmes producteurs de lait, voires eux-mêmes, qui viennent voir les parlementaires en demandant, en exigeant d'eux la défense de ces quotas. Que deviendront-ils si l'on ne s'inscrit pas aujourd'hui dans une dynamique de dialogue, si on ne met pas en place les moyens d'anticiper des échéances qui, de toute façon, peuvent être dramatiques ? Je regrette que l'on soit en train de présenter l'Europe sous l'aspect d'un père Fouettard. Pourtant décriés à leur origine, les quotas sont aujourd'hui considérés comme vitaux par nos producteurs. Demain, dans une Union élargie, qu'en sera-t-il de notre capacité de négociation ?
    Surdotées financièrement, les actions culturelles peinent à trouver leur rythme de croisière. De ce fait, cette ligne budgétaire a été réduite de 525 millions d'euros.
    La création d'un fonds de solidarité devrait permettre à l'Union européenne d'intervenir en cas de catastrophe majeure, naturelle ou environnementale, puisque les catastrophes dites technologiques ont été écartées a priori de ce fonds. Les aides seraient d'un montant de 500 millions d'euros en 2002 et pourraient passer à 1 milliard d'euros dès 2003, mais avec des critères assez sévères pour éviter les éventuels dérapages. Les critères d'éligibilité sont encore en cours de discussion.
    Les politiques internes bénéficieront d'engagements en progression de 1,8 %, mais les crédits de paiement seront en diminution de 0,7 %. La priorité semble porter sur la recherche et les réseaux transeuropéens.
    Pour les actions extérieures, les crédits réservés au développement sont en diminution. La part du FED est passée de 90 % en 1990 à 75 % en 2003. On pourrait peut-être dire que les pays les moins avancés sont moins aidés. Simplement, des choix stratégiques, politiques ont été faits, de sorte que l'assistance technique pour la zone des Balkans et pour les pays méditerranéens concentre 34 % des crédits, par ailleurs en diminution de 11 millions d'euros. Cette évolution inquiétante pourrait même être dangereuse. De plus, il devient urgent, pour être efficace, de coordonner les aides européennes et les aides nationales.
    L'administration, quant à elle, est dotée de crédits en hausse de 277 millions d'euros, pour préparer l'élargissement afin de répondre aux besoins en personnel de traduction et de couvrir les travaux y afférents.
    Les aides à la pré-adhésion sont pratiquement constantes et en cohérence avec le rythme des consommations constatées, mais très en retrait par rapport aux estimations initiales, le taux d'exécution moyen des programmes de pré-adhésion ayant été de seulement 61 % en 2001.
    Pour terminer, le reste à liquider s'élève à 15 milliards d'euros en 2001.
    La commission des finances, de l'économie générale et du Plan a unanimement donné, madame le ministre, un avis favorable au montant du prélèvement 2003, mais en l'assortissant d'une observation que je vous soumets. Constatant le rythme de consommation particulièrement lent des fonds structurels communautaires, qui risque d'entraîner une procédure de dégagement - et rien ne prouve aujourd'hui, quoi qu'en disent certains, que cette procédure de dégagement d'office au 31 décembre 2003 ne jouera pas -, la commission des finances souhaite que des mesures soient rapidement prises pour augmenter leur consommation de manière significative afin d'éviter que l'enveloppe de fonds structurels destinés à la France se trouve réduite dans des proportions importantes. Et j'ajoute que tout ce qui a été dit cet après-midi sur la difficulté de mettre en force et d'utiliser les crédits liés à ces fonds structurels est particulièrement vrai pour les territoires et départements d'outre-mer, où la situation devient dramatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
    M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Madame le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, le Conseil de l'Union européenne a adopté, en première lecture, le 19 juillet 2002, le projet de budget communautaire pour 2003 établi à 99,5 milliards d'euros en crédits d'engagement et 97 milliards d'euros en crédits de paiement.
    L'établissement de ce projet de budget a fait l'objet d'un relatif consensus des institutions européennes. La Commission européenne avait proposé, dans son avant-projet, une croissance dynamique des lignes budgétaires pour les actions structurelles et les politiques internes ; elle n'a pas été suivie par le Conseil. La dissension la plus marquante, semble-t-il, est intervenue sur le financement de la préparation de l'élargissement, vu par le biais des dépenses de personnel. La Commission avait demandé des recrutements pour faire face aux missions nouvelles liées aux futures adhésions, ce qui lui a été refusé par le Conseil ; à raison d'ailleurs, car plus de 700 postes avaient été créés les deux années précédentes.
    Notre assemblée a adopté, le 25 juillet dernier, une résolution sur l'avant-projet de budget des Communautés pour 2003 dans laquelle elle a exprimé le souhait que la diminution des marges sous le plafond des perspectives financières soit consacrée à l'amélioration des politiques communes. Or il n'y a pas eu diminution des marges, mais, au contraire, augmentation de celles-ci dans la rubrique agricole, dans celle des politiques internes et celle des actions extérieures.
    L'augmentation de la marge de la rubrique agricole se comprend, si l'on considère qu'un montant important, de près de deux milliards d'euros, n'a pas été utilisé. Mais la stagnation des politiques internes est inquiétante. Des projets existent, notamment dans le domaine des réseaux de transport et d'énergie transeuropéens en direction des pays candidats : n'y a-t-il pas lieu de les doter plus efficacement ? Le budget communautaire ne pourrait-il pas peser davantage sur la politique de plus en plus essentielle des transports, surtout lorsque l'on sait que les infrastructures des pays qui vont nous rejoindre présentent des lacunes importantes ?
    Face à ces besoins, dont je n'ai mentionné que quelques aspects, il serait souhaitable que l'Union européenne puisse promouvoir de nouvelles actions permettant d'éviter la stagnation des dépenses et la croissance de la marge disponible.
    En ce qui concerne les actions structurelles, je note que le Conseil a diminué de plus de 500 millions d'euros la dotation en crédits de paiement de la rubrique 2. Cette diminution est la conséquence du très mauvais rythme de consommation des crédits de paiement depuis l'année 2000.
    Cette sous-consommation est un phénomène consternant pour les élus. A cet égard, plusieurs membres de la commission des affaires étrangères ont évoqué lors de votre audition, madame la ministre, les difficultés qu'ils rencontrent pour inscrire un projet dans le cadre de la programmation européenne. Le Gouvernement à pris un certain nombre de mesures le 15 juillet dernier et de nouvelles procédures sont expérimentées, ce dont je vous félicite.
    L'autre domaine dans lequel des retards de consommation de crédits sont à déplorer est celui des actions extérieures de la Communauté. Au vu des difficultés que j'ai mentionnées, l'on ne saurait critiquer les pays tiers bénéficiaires de programmes pour les retards dans la consommation des crédits.
    La consommation des aides de pré-adhésion connaît aussi des retards par rapport aux prévisions. Le problème est ici un peu différent dans la mesure où les gouvernements des pays bénéficiaires ont dû créer leurs propres circuits de gestion de l'aide. Ces circuits étant à présent en place, on peut espérer une amélioration de la capacité d'absorption des aides.
    En ce qui concerne la contribution française au budget communautaire, elle s'élève à 15,8 milliards d'euros, soit une hausse de 8 % par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. La France est au quatrième rang des contributeurs net pour l'année 2002, mais elle est toujours le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire.
    Si la situation de notre pays est donc encore favorable, nous savons cependant que la mise en oeuvre progressive du nouveau système de ressources propres adopté en 2000 et les dépenses liées à l'élargissement pèseront sur la contribution française dans les prochaines années.
    En 2003 s'ouvrira la réflexion sur la nouvelle réforme des ressources propres : notre pays doit y prendre part avec détermination pour contribuer à établir un système plus équitable et plus lisible que le système actuel, qui devient inadapté à l'élargissement. Il me paraîtrait ainsi particulièrement contestable de pérenniser la correction britannique, qui date de 1984, alors que la situation britannique a beaucoup évolué et que l'on s'apprête à intégrer au sein de l'Union des pays dont le revenu intérieur brut est faible, et qui devraient théoriquement participer au financement de cette correction.
    D'autres évolutions devront aussi s'effectuer inéluctablement, en particulier en ce qui concerne la PAC et son financement, évolutions auxquelles notre pays devra se préparer.
    C'est pourquoi nous devons engager une réflexion sur ces questions, afin d'être une force de proposition, et non de blocage.
    M. Jérôme Lambert. Très bien !
    M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Cette réflexion devra inclure l'évolution de la politique agricole après 2006 et le rôle de redistribution que l'on veut lui attribuer, ainsi que les nouvelles priorités en ce qui concerne le développement régional de l'Union élargie. Elle devra, à mon sens, inclure l'hypothèse d'une progression du budget communautaire, si l'on veut conserver à celui-ci son rôle d'outil de cohésion économique et sociale dans l'Union européenne.
    Au-delà des observations que je viens de formuler à propos de problèmes datant déjà de plusieurs annnées et qui impliquent des solutions adaptées, le budget que vous nous présentez, madame la ministre, est un bon budget.
    M. Jacques Myard. Oh !
    M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires étrangères a été particulièrement attentive à l'augmentation des crédits de la politique extérieure et de sécurité commune et aux efforts entrepris par le Gouvernement pour préparer l'élargissement.
    En effet, le Conseil a augmenté préventivement la dotation de la PESC, la portant à 47 millions d'euros, alors que, jusqu'à présent, ce sont 30 millions d'euros qui sont consommés chaque année. Une partie de cette rubrique financera la première opération civile de gestion des crises dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense : il s'agit de la mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine, qui doit assurer la relève du groupe international de police des Nations unies à partir du 1er janvier 2003.
    Les interrogations que j'ai soulevées à propos de l'avenir du budget communautaire s'imposent à tous, au moment où les négociations sur l'élargissement deviennent plus aiguës s'agissant de la question du paquet financier, c'est-à-dire du financement de cet élargissement.
    A cet égard, les Etats membres devront, avant le conseil européen de Copenhague, répondre à des questions très difficiles. Quel système d'aides directes aux agriculteurs des nouveaux Etats membres mettre en place ? Comment éviter que ces Etats ne soient contributeurs nets au budget dès leur adhésion, ce que ni leur gouvernement, ni leurs citoyens ne sont encore prêts à accepter ?
    Mais ces questions, qui trouveront une solution, ne doivent pas occulter le fait que l'élargissement, auquel la Commission a donné le 9 octobre son feu vert, représente une chance historique pour le continent européen. A cet égard, je m'associe aux efforts faits par le Gouvernement pour informer nos concitoyens et convaincre ceux d'entre eux qui, si l'on en croit les sondages, restent inquiets.
    Faut-il rappeler que l'intégration économique a commencé il y a dix ans, avec la signature des accords de partenariat et d'association grâce auxquels le libre-échange des produits industriels est déjà effectif ? Les entreprises françaises se sont depuis très bien implantées dans les pays candidats, à partir desquels elles gagnent de nouveaux marchés dans la CEI ou même en Asie. La France est devenue l'un des premiers investisseurs dans ces pays : ainsi, en Slovénie, pays où je me suis rendu récemment, Renault est devenu le premier employeur. Ce n'est qu'un exemple de cette nouvelle réalité.
    Le Gouvernement est, à juste titre, favorable à une compensation financière pendant les premières années de l'élargissement. Mais celui-ci comporte d'autres obstacles que les Quinze, notamment la France, devront être prêts à surmonter à partir de 2006. C'est pourquoi il faut s'y préparer avant cette date.
    Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères a, à l'unanimité, émis un avis favorable à l'adoption de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2003 et vous demande, mes chers collègues, de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur le prélèvement effectué sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des communautés européennes, que nous avons maintenant depuis dix ans, permet d'aborder les aspects financiers comme les choix politiques qui l'induisent. C'est ce que je tenterai de faire dans mon propos.
    Sur le plan budgétaire, on cherche trop souvent, pour mieux critiquer l'Europe, à surévaluer son coût. En fait, il s'agit de 100 milliards d'euros pour 380 millions d'habitants, soit 263 euros seulement par habitant.
    En 2003, l'effort financier de la France s'élèvera à 15,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 8 %, chiffre qui doit être comparé à celui de la hausse de 1,4 % des crédits de paiement pour le budget de l'Union.
    Cette situation paradoxale fait suite à l'accord de Berlin de 1999. Ainsi que vous l'avez souligné, madame la ministre, les nouvelles modalités qui ont été retenues allègent le fardeau de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche et de la Suède, et pèsent davantage sur la France.
    Toutefois, si la France est contributeur net, elle reste le premier pays bénéficiaire des dépenses agricoles, qui représentent environ la moitié du budget communautaire, et le deuxième destinataire des dépenses globales de l'Union, derrière l'Espagne.
    Suite à cet accord, l'Allemagne améliore sa position en pourcentage du PNB mais reste le premier contributeur devant la France.
    Le Royaume-Uni est devenu bénéficiaire net, pour la première fois depuis 1984, avec une progression exceptionnelle de la correction britannique décidée à Berlin : 7,3 milliards d'euros en 2001 contre 3,4 en 2000.
    Même s'il est sans doute maladroit de l'envisager aujourd'hui, alors que Tony Blair évoque la possibilité de l'entrée de la Grande-Bretagne dans l'euro ainsi que l'organisation d'un éventuel référendum l'année prochaine, je suis d'accord avec vous, madame la ministre, pour dire que cette correction britannique devra un jour être rediscutée.
    M. René André. Le plus tôt sera le mieux !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. En ce qui concerne les dépenses, le projet qui nous est présenté apparaît, en dépit de quelques lacunes, rigoureux et équilibré.
    M. Jacques Myard. Bof ! Quelle rigueur ?
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Monsieur le président, serait-il possible de parler sans être interrompu ?
    M. le président. Monsieur Myard, je vous rappelle que vous allez intervenir dans quelques instants durant cinq minutes. De plus, je vous invite à éviter les onomatopées.
    M. Jacques Myard. Comme je ne suis inscrit que pour cinq minutes, je rétablis l'équilibre !
    M. le président. Là, il ne s'agit que d'interjections, monsieur Myard.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Et ce qui compte, c'est la qualité, monsieur Myard, et non la quantité ! (Sourires.)
    M. le président. Poursuivez, monsieur Lequiller.
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Comme notre délégation en avait exprimé le souhait le 9 juillet denier, le Conseil a renforcé la marge sous le plafond des dépenses agricoles, pour faire face à une éventuelle crise dans ce secteur.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Sur ce sujet, et suite aux propositions du commissaire Fischler, la délégation a réaffirmé son soutien aux fondements de la PAC et à l'Agenda 2000.
    M. Jacques Myard. Bravo !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Soyons clairs : sur le fond, ces propositions méritent notre examen, mais la forme est inacceptable. Il n'est pas acceptable que M. Fischler ait indiqué, lors d'une réunion conjointe de la commission des affaires économiques et de la délégation, qu'il ne s'estimait pas tenu par le calendrier fixé par le Conseil européen de Berlin.
    M. Jacques Myard. La Commission au pas !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. C'est là une interprétation de l'indépendance de la Commission qui, selon nous, est fausse.
    M. Jacques Myard. Très juste !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. S'agissant de la réforme de la politique commune de la pêche, la Commission a proposé un financement supplémentaire de 32 millions d'euros pour la destruction des navires de pêche. La délégation a décidé de maintenir la réserve sur cette lettre rectificative au budget pour deux raisons : d'abord, une raison de fond, car ce projet ignore la fonction socio-économique de la pêche ; ensuite, une raison de forme, car le conseil « pêche » étant fixé au 27 novembre, nous souhaitons disposer d'ici là du rapport d'information de notre collègue Didier Quentin.
    En revanche, on impute à tort à Bruxelles - c'est souvent pratique - les retards dans l'exécution des fonds structurels en France. On sait pourtant que les règles communautaires sont les mêmes pour tous les Etats membres.
    Sur les 16 milliards d'euros mis à disposition de la France pour la période 2000-2006, seuls 15 % de ces crédits sont actuellement programmés, contre 30 % en Espagne et 60 % en Allemagne.
    M. Marc Laffineur. Il faut le dire aux préfets !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Je salue donc les décision qu'a pris le gouvernement Raffarin pour stimuler les projets d'accès aux fonds structurels européens, simplifier les procédures administratives et faire en sorte que les collectivités locales soient plus directement saisies, décisions que Jean-Paul Delevoye viendra exposer la semaine prochaine devant la délégation.
    Je présenterai maintenant une remarque sur la politique extérieure et de sécurité commune. Pour que cette politique existe, il faut une volonté commune ; or elle manque cruellement, et je suis le premier à le regretter.
    M. Jacques Myard. Pas moi !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Mais il faut aussi des moyens ; or ceux-ci sont insignifiants et les procédures trop longues.
    Ainsi, la dotation de 60 millions d'euros supplémentaires qui devait être allouée à l'Afghanistan en 2003 pour sa recontruction est encore incertaine.
    De même, il est préjudiciable à l'image de l'Europe que le Parlement européen n'ait toujours pas donné son accord pour dégager les 12 millions d'euros nécessaires à la mise en place de la mission de police en Bosnie.
    Dans le domaine des catastrophes naturelles, notamment des inondations survenues en Allemagne, en Europe centrale ou chez nous, en France, les discussions traînent encore sur la création d'un fonds « catastrophes naturelles », qui doit être doté d'un milliard d'euros.
    Ces faits donnent raison à MM. Solana, Nielson et de Boissieu qui nous expliquaient, lundi dernier à Bruxelles, qu'il était nécessaire de simplifier les procédures et de dégager des moyens sérieux pour que la PESC puisse être efficace.
    Ce projet de budget est aussi le dernier avant l'élargissement.
    Après cinquante ans de communisme à l'Est, avec ses millions de victimes, après cinq ans de séparation des peuples à la suite des accords de Yalta, la France, pays des droits de l'homme, se doit de plaider en faveur des pays qui souhaitent être accueillis dans l'Union.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. L'élargissement s'inscrit clairement dans le même esprit que celui qui a prévalu pour la réconciliation franco-allemande voulue par les pères fondateurs, celui de la paix.
    Je regrette que certains responsables portent atteinte à l'image de la France en faisant preuve de frilosité, voire de réticence sur le sujet. Il faut cesser d'encourager les égoïsmes et d'agiter les peurs.
    M. Pierre Hériaud. Très bien !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Le coût de l'élargissement est faible au regard de l'enjeu historique. Le président Prodi a d'ailleurs indiqué que l'élargissement n'implique pas une augmentation du plafond des ressources de l'Union de 1,27 % du PIB, lesquelles ne sont d'ailleurs pas encore utilisées totalement.
    Je suis tout à fait d'accord avec le président de la commission des affaires étrangères quand il indique que des choix devront être faits, que des décisions devront être prises, et que, pour l'instant, le budget le permet.
    Je tiens à souligner que, le plus souvent, les accords internationaux déjà passés par la Communauté avec ces pays profitent plus à nos exportations qu'aux leurs.
    Enfin, je considère qu'on a fait suffisamment attendre ces pays, tandis qu'ils engageaient des réformes courageuses à un rythme impressionnant, pour qu'on ne leur ferme pas la porte.
    M. Jacques Myard. Vive la Petite Entente !
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. On ne passe pas en un éclair de la dictature à la liberté économique et politique. Aujourd'hui, ces pays, grâce à leurs efforts, sont en mesure, dans de nombreux domaines, d'appliquer la législation communautaire.
    Il faut se réjouir que la Commission européenne vienne de recommander l'achèvement des négociations pour la fin de l'année 2002. Certes, les harmonisations devront, pour nombre d'entre elles, être réglées avant, alors que d'autres se poursuivront en 2003, mais l'échéance de 2004 sera respectée.
    Dans ce contexte, un éventuel « non » irlandais au traité de Nice serait évidemment très grave. Ce serait un très mauvais signe adressé à ces pays qui, encore une fois, ont permis à l'Europe de ne plus être divisée.
    Enfin, l'Europe vit également des heures historiques avec la Convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing et dont l'activité est d'ailleurs insuffisamment commentée dans le pays. Représentant, avec Jacques Floch, l'Assemblée nationale à cette Convention, je peux attester, comme vous l'avez fait, madame la ministre, que ses travaux avancent de façon très concrète et que les groupes de travail dégagent des lignes de force claires.
    Les groupes de travail mis en place avant l'été rendent leurs premières conclusions, qui sont parfois très positives. La Convention dégage des quasi-consensus, des majorités très fortes, sur le principe d'une Constitution, sur la personnalité juridique unique de l'Union, sur l'intégration de la Charte dans la future Constitution et sur le contrôle du principe de subsidiarité.
    Par ailleurs, l'idée de créer un poste de Président du Conseil européen, lancée par le Président Jacques Chirac en mars dernier à Strasbourg, est aujourd'hui reprise par l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, mais aussi, récemment, par le chancelier allemand, nouvellement réélu.
    Il est urgent de donner aujourd'hui un « visage » à l'Europe, pour accroître sa légitimité et sa crédibilité tant vis-à-vis des citoyens européens que du reste du monde.
    La désignation par le Conseil européen d'un ministre des affaires étrangères de l'Union, placé auprès du Président de l'Europe et présidant le conseil des ministres des affaires étrangères, permettra également de donner une influence supplémentaire à l'Union européenne dans le monde.
    Parallèlement, comme dans tout système politique démocratique - et nous sommes tous attachés au triangle institutionnel -, le Parlement européen devra être renforcé dans sa double fonction de législation et de contrôle, notamment en matière budgétaire où il ne joue actuellement qu'un rôle secondaire. Et, bien entendu, il faudra étendre la codécision aux matières communautaires.
    Il convient également de réfléchir à une meilleure association des parlements nationaux à la construction européenne. Un congrès des peuples d'Europe, réunissant des représentants des parlements nationaux et du Parlement européen, pourrait dans l'avenir participer à la désignation du Président de l'Europe et débattre chaque année des grandes orientations de l'Union de façon à mieux associer les parlementaires nationaux à la construction de l'Europe.
    Mes chers collègues, avec l'élargissement et avec l'élaboration d'une Constitution, l'Europe aborde une phase déterminante de son histoire. Elle va devoir faire face à plusieurs échéances importantes : référendum irlandais du 19 octobre, ratification des traités d'élargissement, référendum britannique éventuel sur l'euro, élections au Parlement européen, négociations commerciales internationales, définition des nouvelles perspectives financières 2007-2013, débat sur les politiques agricole et régionale. Bref, les échéances européennes sont multiples et capitales.
    Elles méritent que, dans cet hémicycle, au Parlement comme dans le pays, on parle beaucoup plus de l'Europe. Je sais, madame la ministre, votre souci en la matière et les initiatives que vous allez prendre.
    L'Europe a fait des avancées spectaculaires, la dernière étant celle de la mise en place de l'euro, mais elle les a souvent faites sans le citoyen européen. Si l'on veut qu'elle soit mieux comprise, il faut qu'au sortir de la Convention, l'Europe se fasse pour et avec le citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je vais maintenant donner la parole aux porte-parole des groupes.
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s - communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'augmentation du montant de la contribution de la France au budget européen semblait être un acquis, une question de principe qui marquait le fort engagement politique de la France dans la construction européenne.
    Or force est de constater que le montant de la participation de la France au budget européen pour 2003 accusera, contrairement à ce que j'ai entendu, une baisse substantielle de 1 milliard d'euros, soit une diminution de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
    Quelle est la véritable signification politique d'un tel revirement, que vous tentez d'ailleurs de cacher, alors que, dans le même temps la France est parmi les principaux bénéficiaires des dépenses de l'Union européenne et que l'élargissement risque de nécessiter une forte mobilisation de moyens ?
    Ces simples chiffres ne symbolisent-ils pas une conception réductrice de la France dans l'Europe et une remise en cause de l'ambition du projet européen ? Surtout, n'ouvrent-ils pas la porte à une baisse des soutiens européens dont bénéficie la France aujourd'hui, notamment pour les régions et les départements qui souffrent de difficultés économiques importantes ?
    Le budget européen pour 2003 s'avère somme toute assez conformiste, mais il n'est surtout pas susceptible d'insuffler un nouvel élan à l'Europe, d'autant que rien n'est fait pour affranchir celle-ci d'un intégrisme libéral et financier qui handicape son développement et creuse les inégalités.
    Le conformisme budgétaire apparaît à travers la première place confirmée des dépenses destinées au secteur agricole. L'importance de ces dépenses se trouve d'autant plus justifiée que les Etats-Unis ont décidé d'augmenter massivement les subventions destinées à leurs agriculteurs. En empruntant cette voie, on ne peut faire l'économie d'une réflexion sur la PAC. Le choix n'a toujours pas été fait entre une libéralisation du système et le maintien du système actuel de subventions. N'est-il pas temps de redéfinir de nouveaux principes directeurs pour la production agricole européenne afin que celle-ci s'inscrive plus fortement dans la logique du développement durable et du respect de l'environnement, avec des prix rémunérateurs et non dans le cadre d'une libéralisation dont les champions en la matière, les Etats-Unis, nous donnent un si magistral contre-exemple ?
    Par ailleurs, la discipline budgétaire, sur le plan national comme sur le plan européen, est devenue une sorte de dogme idéologique. La conception de l'interventionnisme public s'en ressent : l'intérêt général national et européen se réduit en effet de plus en plus à un strict minimum.
    Ainsi, dans sa présentation de l'avant-projet de budget pour 2003, la Commission européenne a mis en avant trois priorités : la préparation de l'élargissement, la consolidation d'une ère de stabilité économique et politique, le développement de la cohésion économique et sociale. Le moins que l'on puisse dire au vu des dépenses indiquées au budget européen, c'est que l'Europe ne s'est pas donné les moyens de ses prétentions. L'Union européenne doit en effet prendre la mesure des problèmes auxquels elle est déjà confrontée : une récession économique grandissante, une situation internationale lourde, notamment du fait de l'attitude des Etats-Unis, un élargissement à l'Est qui risque de modifier certains équilibres au sein de l'Union européenne, la nécessité d'accroître les aides alimentaires et humanitaires, et de renforcer les coopérations nationales indispensables à l'équilibre politique, économique et social du monde et de l'Europe.
    Alors que la France et l'Europe sont au coeur d'une crise économique et sociale qui est en fait celle d'une mondialisation dominée par l'intégrisme des marchés financiers, lequel ne cesse de prendre de l'ampleur, le projet de budget européen ne fait apparaître nulle trace d'une politique de relance digne de ce nom, qui supposerait de favoriser la consommation et de mobiliser l'argent stérilisé, gaspillé par le monde de la finance.
    Autrement dit, il faudra tôt ou tard imaginer d'autres sources de financement qui participent d'une plus grande justice. La mise en place de la taxe Tobin fait partie de ces mesures, comme l'extension de l'impôt sur la fortune ou encore la taxation des activités financières.
    La question de la pertinence du pacte de stabilité est posée. Le recul de la Commission européenne sur cette question et les difficultés de la France et de l'Allemagne à respecter leurs engagements en la matière posent le problème de l'opportunité et de la crédibilité des limitations strictes des déficits budgétaires. Il ne s'agit pas de faire plus de déficit, mais de refuser des critères de convergence qui riment avec toujours plus de marchés financiers, mais avec toujours moins pour le service public. Sur le plan européen, cette conception doit se traduire par un effort de redéploiement dans le domaine des grandes infrastructures, telles que les transports, les grands réseaux ou la recherche. Il est temps de lancer une politique européenne de grands travaux qui prenne en compte les lacunes latentes de certaines zones géographiques en matière d'infrastructures. Et cela d'autant que l'effort en faveur des réseaux transeuropéens reste largement en deçà de ce qu'il devrait être au regard des besoins réels.
    Pas un signe, pas un mot sur l'idée d'un emprunt consacré au développement de l'emploi et à l'amélioration de la justice sociale au niveau européen, en dépit des effets d'annonce de la Commission en ce domaine.
    Enfin, l'Union européenne doit, pour compter dans le monde, se doter d'une politique de sécurité qui soit autonome, apte à jouer un rôle qui ne soit pas calqué sur les intérêts des Etats-Unis et qui lui permette, notamment au Moyen-Orient, de jouer un rôle dynamique pour la paix !
    Peut-on dire, par ailleurs, que ce budget soit à la hauteur de l'enjeu que recèle l'élargissement historique de la Communauté européenne ? Autrement dit, prépare-t-on au mieux l'adhésion des pays candidats à l'Union ?
    On ne peut qu'être stupéfait par la baisse des aides accordées aux pays candidats au titre de la préadhésion, même s'il s'agit en l'occurrence d'une baisse des crédits pour paiements. Cette baisse de 1,5 % est injustifiée et injuste compte tenu des difficultés que rencontrent ces pays pour respecter notamment les critères économiques fixés par la Commission selon une grille d'analyse foncièrement libérale.
    Dans cette perspective, la garantie d'un accès aux droits économiques et sociaux pour les ressortissants des pays sur la voie de l'adhésion est primordiale si l'on souhaite éviter la constitution d'une citoyenneté européenne « à deux vitesses » et des citoyens européens de « seconde classe », exclus du « modèle social européen ».
    Bien que le nouvel agenda social adopté au sommet européen de Nice appelle à moderniser le modèle social européen et à renforcer la dimension sociale dans le processus d'élargissement, le risque d'une « Europe des citoyens à géométrie variable » demeure et devrait susciter une prise de conscience à l'aube de l'échéance cruciale de la conférence intergouvernementale de 2004.
    Dans le même temps, nous devons rester attentifs à ce que l'adhésion des pays candidats ne bouleverse pas certains équilibres existants, notamment en matière de répartition de fonds structurels et de subventions agricoles. Je pense en l'occurrence à nos agriculteurs et à nos régions dont le développement économique demeure fragile et mérite encore un soutien qui pourra s'avérer décisif à long terme.
    Pour faire simple, je dirai qu'il ne faudrait pas que, sous le prétexte de « tirer » par le haut certains pays - qui en ont d'ailleurs bien besoin -, on « tire » par le bas une grande partie des autres.
    Compte tenu de l'ensemble des arguments que je viens de développer, le groupe des député-e-s communistes et républicains ne peut, en toute logique, voter cette contribution de la France au budget européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. René André, pour le groupe UMP.
    M. René André. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget communautaire pour 2003 est rigoureux et équilibré.
    La première place est, bien sûr, toujours accordée à l'agriculture, qui représente 45 % des dépenses communautaires. Il est à noter que le budget prévoit une diminution des besoins du marché du secteur de la viande bovine et une diminution des dépenses vétérinaires. La Commission envisage donc une amélioration dans le secteur de la viande bovine et l'achèvement en 2002 des remboursements aux Etats membres liés à l'épizootie de fièvre aphteuse. Nous ne pouvons tous que souhaiter qu'elle soit dans le vrai. Je la trouve personnellement un peu optimiste. J'ai proposé à la délégation pour l'Union européenne que des crédits suffisants soient affectés au fonds d'urgence vétérinaire et à la lutte contre les nouveaux foyers d'épizootie.
    S'agissant du lait et des produits laitiers, les crédits proposés par la Commission tiennent compte de la dégradation intervenue à l'automne 2001 tant sur le marché interne que sur le marché externe. Néanmoins, le budget ne semble pas intégrer l'ampleur de l'actuelle dépression du marché : il est construit sur l'hypothèse très optimiste - trop optimiste à mes yeux - d'une reprise en 2003.
    Même si le budget n'intègre pas la réforme de la politique agricole commune, je souhaite profiter de l'occasion pour dire que le moment serait extrêmement mal choisi pour remettre en cause les fondements de cette politique. Les Etats-Unis ont décidé d'augmenter les subventions à leur secteur agricole dans des proportions jamais vues depuis des décennies. On voit donc mal les ministres de l'agriculture des Quinze accepter des coupes dans les recettes de leurs agriculteurs si cela devait les rendre moins compétitifs sur les marchés mondiaux.
    Que l'on ne se trompe pas : les agriculteurs français et la France ne sont pas du tout opposés à un examen, à une réévaluation de la politique agricole commune le moment venu et conformément aux accords intervenus à Berlin en 1999. A cet égard, il convient simplement de respecter les engagements qui ont été pris.
    Les crédits pour paiements des fonds structurels progresseront très sensiblement. La majeure partie sera allouée aux nouveaux programmes. Les paiements relatifs aux engagements restant à liquider pour la période antérieure jusqu'en 1999 induisent une nette augmentation par rapport à 2002 car à la fin mars 2003 expirera le délai fixé pour l'envoi des dernières demandes de paiement à la Commission concernant la période de programmation antérieure.
    Quant au fonds de cohésion, seuls 70 % des crédits pour paiements ont été consommés en 2001, contre 60 % en 1999 et 57 % en 2000.
    Nous nous réjouissons que votre gouvernement, madame, ait pris à bras-le-corps le dossier de la faible exécution des fonds structurels et ait mis en place une réforme visant à simplifier les procédures et à décentraliser la gestion des fonds. L'objectif est de multiplier par deux la consommation des crédits d'ici à 2003.
    Un mot sur la PESC, dont les crédits demeurent bien entendu trop faibles.
    La marge disponible de 60 millions d'euros sera peut-être insuffisante au regard des besoins qui pourraient naître - ils ne manqueront pas de naître - en Palestine ou en Afghanistan où, nos citoyens ont tendance à l'oublier, l'Union joue un rôle majeur. Ces crédits seront également insuffisants compte tenu de la nécessité de maintenir un haut niveau d'assistance en Europe du Sud-Est, dans les Balkans, et de mettre sur pied une force de police absolument indispensable en Bosnie.
    Les aides sont donc principalement centrées sur la gestion des crises.
    Globalement, il apparaît que les moyens prévus en 1999 par l'accord de Berlin sont de plus en plus insuffisants pour permettre à l'Union de jouer en tant que telle un rôle de premier plan sur la scène internationale, et cela eu égard à l'ambition que nous, Français, avons pour l'Union. Voilà qui doit absolument nous interpeller car il y a une contradiction entre ce que nous souhaitons être le rôle de l'Union et les moyens dont elle dispose.
    S'agissant des dépenses administratives, les institutions européennes auraient besoin de 3 900 postes supplémentaires sur cinq ans, soit 13 % de plus par rapport au niveau actuel, notamment dans les services linguistiques. L'exécutif communautaire cherche donc à obtenir les moyens nécessaires pour anticiper au mieux l'échéance de 2004, date à laquelle dix nouveaux Etats membres pourraient rejoindre l'Union, ce qui portera à vingt et un au lieu de onze aujourd'hui le nombre des langues officielles. Il faudra faire en sorte que les actes d'adhésion, les textes de droit primaire qui y sont annexés et l'acquis communautaire soient traduits, les travaux de traduction devant commencer pendant l'été 2002 et durer dix-huit mois.
    Ces demandes ont toutefois été à l'origine de divergences entre les institutions et, au stade actuel de la procédure budgétaire, la préparation à l'élargissement doit, pour l'essentiel, être effectuée par un redéploiement des personnels.
    La lutte contre la fraude au budget communautaire marque un progrès sensible.
    En 2001, le rapport sur la protection des intérêts financiers de l'Union faisait apparaître des fraudes d'un montant de 687 millions d'euros alors qu'en 2000, je le rappelle, il atteignait 2 milliards d'euros. Si l'OLAF et la Commission ont enregistré d'importants succès, par exemple dans la lutte contre le trafic illicite de produits à base de beurre, les importations illégales de bananes ou la contrebande de cigarettes, beaucoup d'efforts restent à entreprendre en coopération étroite avec les Etats membres. Il y va de la crédibilité de l'Union européenne.
    Dans ces conditions, la création d'un ministère public européen compétent en matière de protection des intérêts financiers semble à beaucoup hautement souhaitable. Il convient en effet d'éviter tout ce qui peut apparaître comme des détournements, des vols ou des attitudes totalement irrégulières. (Sourires.)
    La compétence de ce procureur européen pourrait englober, au-delà de la protection des intérêts financiers, les infractions relevant de la criminalité contre l'Europe, comme la contrefaçon de l'euro ou la contrefaçon des produits et des marques, sujet sur lequel nous autres Français devons être particulièrement vigilants, puisqu'il concerne essentiellement des produits de luxe, insuffisamment protégés au dire de nos industriels.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Ce sont des produits et des industries à haute valeur ajoutée et créateurs d'emplois !
    M. René André. Ce souci de transparence doit également s'appliquer aux recettes budgétaires de l'Union. De véritables ressources propres européennes seraient de nature à créer un lien plus direct et plus transparent entre les citoyens et le budget de l'Union européenne.
    Le principe du consentement à l'impôt est un des fondements de la démocratie. Or, à l'heure actuelle, ce que l'on nomme habituellement les « ressources propres » de l'Union européenne n'en sont pas réellement : il s'agit pour l'essentiel des contributions des Etats membres. Ces contributions ne sont pas du reste toujours très équitables. Un jour viendra, et le plus vite sera le mieux, où le tabou de la correction britannique devra être levé.
    M. Pierre Lequiller, président de la délégation. Tout à fait !
    M. René André. Arraché par Mme Thatcher en 1984, ce privilège anachronique n'a plus aujourd'hui, à mes yeux en tout cas, aucune raison d'être.
    De véritables ressources propres européennes seraient, je le répète, de nature à créer un lien plus direct et plus transparent entre les citoyens et le budget communautaire.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Peut-être faut-il créer un impôt européen ?
    M. René André. Elles s'accompagneraient du nécessaire renforcement de la légitimité démocratique des institutions communautaires, notamment du Parlement européen.
    Des ressources propres garantiraient un meilleur respect du principe de subsidiarité, dans la mesure où l'autonomie financière de chaque niveau de décision est une condition nécessaire pour que le principe de subsidiarité devienne effectif.
    L'instauration d'un ou de plusieurs impôts perçus directement sur les citoyens au profit de l'Europe conduirait ceux-ci à s'interroger sur le coût et l'efficacité de l'Union européenne et à exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement lors des élections européennes. Ce serait un bon moyen de faire réellement participer nos citoyens à la construction européenne.
    Cette réforme ne pourrait réussir que si le niveau de pression fiscale dans les Etats membres était harmonisé et si le prélèvement perçu sur les citoyens restait globalement identique. Si de nouvelles ressources fiscales, versées directement par les citoyens à l'Union européenne, se traduisaient par une réduction correspondante de la ressource PNB actuellement payée par les Etats membres, la réduction de cette ressource devrait permettre aux Etats d'imposer une charge fiscale nationale plus faible.
    Le système à étudier doit donc tendre à une substitution d'impôts dans un souci de clarté et de transparence et non pas, j'insiste sur ce point, à la création d'une charge fiscale supplémentaire pour les citoyens. Il reviendra à la Convention d'y réfléchir, afin de doter l'Union du xxie siècle d'un financement démocratique et véritablement européen.
    J'en viens à ma conclusion.
    Si ce budget n'est pas un budget d'attente, il s'inscrit pleinement dans la perspective de l'élargissement de l'Union. A cet égard, comment ne pas regretter - d'autres l'ont à juste titre déploré avant moi - le manque d'information dont ont été victimes nos concitoyens sur l'élargissement ?
    Comment, dès lors, ne pas soutenir la volonté du président de l'Assemblée nationale de faire en sorte que nos travaux soient plus en phase avec la construction européenne ? Comment ne pas saluer non plus, madame la ministre, l'initiative que vous avez évoquée tout à l'heure d'aller au-devant des Françaises et des Français pour leur expliquer les tenants et les aboutissants de l'élargissement, ses enjeux et le formidable espoir qu'il représente non seulement pour des peuples qui ont été séparés de nous, mais également pour l'ensemble des peuples de l'Union européenne ? Le président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, M. Lequiller, et les membres de cette délégation relaieront, j'en suis sûr, votre initiative afin que nos concitoyens soient parfaitement informés du nouvel élan donné à la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste.
    M. Jérôme Lambert. Ce débat sur le prélèvement au profit de l'Union européenne nous permet un premier échange en séance sur la politique européenne, ses enjeux et ses problèmes actuels.
    Le prélèvement à la charge de la France résultant d'une obligation d'Etat prévue par l'article 199 du traité de Rome et de décisions entérinées par notre pays, il est difficile d'envisager d'en remettre en cause aujourd'hui le fondement et ses conséquences budgétaires. Nous pouvons cependant souhaiter que, dans un souci de clarté et de responsabilité, la fiscalité européenne soit directement perçue par les institutions européennes, sous la responsabilité du Parlement européen. Les citoyens européens y seraient ainsi directement associés, comme le sont les citoyens français pour la fiscalité de leur pays.
    Sans doute devons-nous aussi, toujours dans un souci de clarté, informer précisément nos concitoyens de l'usage qui est fait de ce prélèvement. Nous pouvons malheureusement tous constater à toute occasion que les Français ne sont absolument pas au fait du fonctionnement budgétaire de l'Union et qu'ils ne le sont pas davantage du fonctionnement des institutions européennes dans leur ensemble et des politiques conduites par l'Union. Cela peut être l'une des nombreuses explications du sentiment de défiance que nous mesurons malheureusement, jusqu'à l'égard de l'idée même d'Union européenne. Qui ne connaît pas se méfie et parfois s'oppose. Mais qui connaît peut s'interroger, car le fonctionnement du système des institutions européennes est critiquable par bien des aspects et devrait évoluer pour répondre aux attentes de nos concitoyens et aux enjeux réels ou à ceux qu'ils perçoivent. Les Français ne demandent sans doute pas moins d'Europe, mais mieux d'Europe.
    M. Jacques Myard. Très bien ! Belle formule.
    M. Jérôme Lambert. Quelles sont ces attentes et ces enjeux ? Les Français apprécient, et c'est bien normal, que l'on puisse vivre en paix en Europe occidentale. Ils mesurent cependant que cet espace de paix se situe dans un monde où les tensions sont parfois extrêmes et que nous risquons d'en supporter les conséquences. Aussi devons-nous pouvoir intervenir bien plus efficacement sur l'environnement mondial. Or les Français voient bien que l'Europe n'est pas en mesure de peser sur les décisions internationales,...
    M. François Loncle. Hélas !
    M. Jérôme Lambert. ... y compris à nos portes, et même quand un Etat membre peut être directement impliqué, comme nous le rappelle l'exemple de l'îlot espagnol revendiqué par le Maroc, sans parler de crises bien plus graves, au Kosovo, dans les Balkans et au Moyen-Orient. Cela revient à penser que l'Europe ne répond pas aux attentes de ses citoyens dans un domaine pourtant essentiel dont peut dépendre la paix du monde.
    Etre citoyen européen est assurément une situation privilégiée par rapport au reste du monde. La richesse de nos cultures, de nos patrimoines, la puissance de nos industries et de notre commerce, la formation de nos citoyens, les libertés dont nous jouissons et les protections que nous avons conquises font de nous des peuples, somme toute, privilégiés ! Cependant, en Europe aussi les différences s'accroissent entre les catégories de la population, le chômage atteint des niveaux inquiétants et ce constat provoque, à juste titre, des tensions et des rejets de tout un système. Sur ces questions-là aussi des politiques doivent être conduites pour que chacun soit bénéficiaire d'un espace économique puissant. Ayons conscience des tensions et des rejets qui résultent de la situation que nous connaissons. Inquiétons-nous en ! La construction de notre union européenne doit être à la mesure des enjeux auxquels nous sommes confrontés.
    L'Union européenne doit refuser d'être une simple zone de libre-échange. Elle doit équilibrer son développement et affirmer un modèle social de croissance et d'emploi harmonieux dans le projet de constitution européenne en préparation. A tous ceux auxquels la référence sociale poserait quelques problèmes - et je crains qu'il n'y en ait - je rappellerai simplement l'article 1er de notre propre Constitution, que nous devrions mieux respecter : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Pourquoi n'en serait-il pas de même pour l'Europe unie ? En tout cas les autorités françaises, respectueuses des principes et des textes fondamentaux de notre république, devraient toujours s'inspirer de ces principes dans les discussions internationales et européennes. Il devrait notamment en être ainsi lors des négociations relatives à l'élargissement de l'Union.
    Cet élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale s'inscrit dans la logique de la construction de notre espace, dans l'intérêt des peuples européens, autour de la volonté de paix, de stabilité et de prospérité qui avait conduit François Mitterrand à engager la France et l'Europe dans cette voie lors du sommet de Copenhague en 1993. Il convient donc de réussir cet élargissement, mais certaines conditions préalables doivent pour cela être réunies et nous pouvons mesurer, à cet égard, la portée des efforts consentis actuellement par les pays candidats à l'Union. Nous devons aussi fixer les règles qui permettront à ces pays une intégration progressive dans la totalité des politiques communes. Pour cela, les pays actuellement membres de l'Union doivent aussi apporter des réponses aux questions qui se posent à propos de l'élargissement. Celle de la politique agricole commune et de son élargissement aux nouveaux entrants n'est pas des moindres.
    Actuellement, les autorités de notre pays affirment leur volonté de ne rien remettre en cause avant 2006. Mais cela doit-il rassurer le monde rural ? Malheureusement je ne le crois pas. En effet, si le terme de 2006 existe bel et bien, l'élargissement est, quant à lui, prévu pour 2004 et le refus de négocier pour préparer l'avenir agricole de l'Union n'offre aucune solution, aucune lisibilité. Entendons-nous bien, il s'agit aujourd'hui non pas de changer notre politique agricole, mais de préparer des évolutions inévitables, et de faire en sorte, dès maintenant, que celles-ci permettent le maintien d'une production de qualité sur l'ensemble de nos territoires ruraux. Attendre uniquement pour discuter et préparer l'avenir est dangereux, car la position de la France ne peut être comprise ni par nos partenaires ni d'ailleurs par les agriculteurs eux-mêmes, qui refuseront, à juste titre, d'être sacrifiés en 2006 si rien n'est négocié d'ici là.
    Bien entendu, le problème de l'usage des fonds structurels est aussi posé. Il est regrettable de constater, d'ores et déjà, que nous allons devoir certainement rendre à l'Union une partie de ces fonds destinés au développement de nos zones sensibles, faute d'avoir su les utiliser. Mais à qui la faute ? Là aussi, c'est sans doute de notre côté qu'il faut chercher les réponses avant d'accuser l'Europe !
    M. Pierre Lequiller. Tout à fait !
    M. Jérôme Lambert. La question des institutions européennes est aussi une des conditions nécessaires à la réussite de l'élargissement. La Convention européenne se consacre actuellement à cette tâche. Notre parlement, je tiens à le souligner, dans le cadre du travail accompli par la délégation de notre assemblée, est pleinement informé et associé aux travaux de la Convention par le biais de ses représentants, Pierre Lequiller et Jacques Floch.
    M. François Loncle. La délégation ; pas le Parlement !
    M. Jérôme Lambert. Le groupe socialiste considère que ces travaux doivent nécessairement déboucher sur une constitution européenne définissant un fonctionnement efficace, d'essence fédérale, de l'Union élargie. L'Union ne peut plus être paralysée par la règle de l'unanimité. Le vote à la majorité qualifiée doit donc devenir la règle pour toutes les prises de décision.
    Il faudra aussi faciliter l'accès aux « coopérations renforcées » pour les Etats qui souhaitent mieux travailler ensemble dans certains domaines. Vous avez évoqué, madame la ministre, l'idée d'un président européen présidant le Conseil européen, mais a-t-on déjà réfléchi à l'articulation de ses pouvoirs avec ceux de la Commission, en particulier avec les attributions de son président ? La réunion d'un congrès des peuples d'Europe est aussi évoquée dans certaines instances. Vous ne nous avez pas indiqué quelle était la position du Gouvernement sur cette importante question.
    Je dois aujourd'hui vous faire part de l'inquiétude que nous ressentons quant à l'aboutissement de toutes ces discussions. La volonté des membres de la Convention n'est pas en cause, mais le comportement des Etats, en particulier celui de notre pays, doit nous interpeller. Nous ressentons aujourd'hui les tensions qui sont apparues entre la France et ses partenaires de l'Union après les positions unilatérales qu'elle a imposées, en particulier en matière économique et budgétaire. Nous devons nous interroger sur les conséquences, à court et moyen termes, d'un tel comportement vis-à-vis des autres membres de l'Union. Aurons-nous dorénavant, pour les futures et proches décisions, des marges de manoeuvre à proposer à nos partenaires, alors que nous semblons tout vouloir leur imposer ? Ce comportement ne provoquera-t-il pas un rejet des actuelles et futures demandes de la France qui nécessitent l'unanimité du Conseil ?
    Il en est ainsi de la demande de baisse de la TVA sur la restauration et sur les produits culturels. Madame la ministre, nous savons que vous vous préoccupez de ces questions, mais votre dernier communiqué à propos de la TVA sur la restauration, qui rappelle in fine, la nécessaire unanimité des membres de l'Union, laisse clairement entendre que la tâche ne sera pas facile. D'ailleurs, cela avait déjà été le cas pour le gouvernement précédent, qui n'avait pourtant pas multiplié les provocations à l'égard de l'Union comme le gouvernement actuel semble le faire aujourd'hui. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La réforme espérée et promise de la directive Oiseaux adoptée en 1979 sous le gouvernement de Raymond Barre risque de se heurter aux mêmes problèmes. Mais, là encore, plutôt que d'accuser l'Europe, ne devrions-nous pas plutôt nous interroger sur la façon dont le gouvernement actuel considère nos partenaires de l'Union ?
    Je voulais aussi vous interroger, madame la ministre, à l'occasion de ce débat, sur les évolutions espérées de la directive Natura 2000. Cette dernière avait été largement critiquée par les représentants de l'opposition, au moins sur le terrain, mais il ne semble pas que le Gouvernement souhaite son évolution. Pouvez-vous nous indiquer s'il entend donner suite aux critiques passées ou si celles-ci ne relevaient que d'une volonté polémique à caractère électoral sans suite aujourd'hui ?
    Nous aurons, c'est à craindre, les mêmes difficultés quand nous allons devoir renégocier le maintien de la baisse de TVA sur les travaux immobiliers, qui est pourtant si bénéfique à ce secteur,...
    M. Jacques Myard. Vive la liberté fiscale !
    M. Jérôme Lambert. ... au point qu'il éprouve de grandes difficultés dans le recrutement de main-d'oeuvre, difficultés qui seront malheureusement accrues par la récente loi qui organise la suppression effective des 35 heures au détriment de certains secteurs, les rendant encore moins attractifs pour les salariés.
    Sur toutes ces questions, et sur tous les points de vue exprimés par notre pays, seront-nous dorénavant écoutés et pourrons-nous tout obtenir de nos partenaires ? J'en doute malheureusement, tant la politique que nous menons et les positions que nous affirmons me semblent maladroites et provocatrices. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démoratie française.)
    Voilà des petites et grandes questions, mais l'Europe est souvent perçue ainsi et nous devons nous efforcer d'apporter des réponses à l'ensemble des interrogations de nos concitoyens. Les enjeux sont vitaux pour l'avenir de nos nations, cela, nous en sommes tous convaincus quelles que soient les voies que nous suivons. A l'heure de la mondialisation avons-nous le choix d'une autre construction ? Nos alliés pour faire avancer dans le monde des conceptions humanistes face aux dangers du tout-économique, ne sont-ils pas d'abord en Europe ? Même si nous divergeons sur certains points, de même nature que ceux qui font nos différences sur le plan national, nous ne rejetons pour autant pas la nation.
    Nous devons nous retrouver dans une volonté de bâtir une Union européenne plus proche de tous les citoyens français et européens. Le groupe socialiste restera fidèle à sa conception d'une Europe des citoyens, d'une Europe modèle social, d'une Europe des libertés et de la justice, d'une Europe qui marquera l'évolution du monde.
    M. François Loncle. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, en 2003, la France consacrera 15,8 milliards d'euros au budget communautaire, soit 6,3 % des recettes fiscales nettes. Le budget communautaire représente donc un enjeu important pour les finances publiques nationales.
    La France est aujourd'hui le deuxième bénéficiaire du budget communautaire. C'est finalement logique, compte tenu du fait qu'elle occupe, côté recettes, la deuxième position en tant que contributeur, avec 17 % du prélèvement communautaire.
    Cette année, le montant du prélèvement communautaire diminue de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale 2002, mais il est en hausse de 8 % par rapport à la prévision d'exécution du prélèvement sur recettes pour 2002. Cette hausse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'explique surtout par la croissance que connaît le budget communautaire, une progression de 1,4 % par rapport au budget initial pour 2002. Nous attirons l'attention de tous sur la nécessité d'une modération budgétaire dans une période marquée par la nécessité d'un retour à l'équilibre des budgets nationaux. Par exemple, nous nous félicitions que, ainsi que l'avaient demandé plusieurs parlementaires français, il ait été décidé d'effectuer la préparation des institutions à l'élargissement pour l'essentiel par un redéploiement du personnel et non par des embauches trop nombreuses.
    Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que les crédits du budget communautaire ont connu une forte sous-consommation en 2000 comme en 2001. Il ne faut pas s'en réjouir, car a priori cela profite à court terme aux Etats dans la mesure où ces économies se font sur les fonds structurels et l'enveloppe agricole, en particulier le FEOGA Garantie. La sous-consommation des fonds structurels est un mal européen, ces fonds constituant les deux tiers des dépenses non consommées, mais la situation est particulièrement mauvaise en France, comme l'ont expliqué plusieurs de nos collègues. Dans nombre de régions françaises, les élus locaux se heurtent à une extrême complexité lorsqu'ils montent des projets cohérents et intéressants. Ils attendent les versements pendant plus d'une dizaine de mois en moyenne, malgré le soutien des autorités au niveau tant national qu'européen. En attendant, les banques préfinancent au détriment des collectivité locales. Ces retards de paiement sont scandaleux. Ils découragent l'ardeur des élus et leur ferveur européenne.
    Dans certains pays comme l'Espagne, les procédures semblent plus efficaces et les fonds sont davantage consommés. Il s'agit en fait d'un problème plus général, celui de la réforme de l'Etat. L'UDF attend avec impatience que le Gouvernement s'en saisisse rapidement et efficacement. Nous défendons ardemment le choix d'une décentralisation en profondeur et nous attendons le Gouvernement sur cette question. C'est un sujet dont nous aurons bientôt l'occasion de discuter, le conseil des ministres venant d'adopter un projet de loi de réforme constitutionnel à cet égard. Nous attendons en particulier le résultat de l'expérimentation qui sera menée en Alsace pour résorber cette sous-exécution.
    Cette année entre en vigueur la nouvelle décision relative au système des ressources propres. Cet aménagement des modalités de calcul des contributions des Etats membres se traduit par une hausse du taux de contribution de la France, essentiellement due au renchérissement de notre participation au financement de la correction budgétaire dont bénéficie le Royaume-Uni. Tous sont d'accord pour affirmer le caractère irritant du « chèque britannique », qui remonte à 1984. En 2002, la France a versé 1,7 milliard d'euros pour prendre en charge une partie de la contribution britannique, pendant que d'autres pays obtenaient une ristourne. Nous demandons que cette situation soit prise en considération lors des futures négociations sur la PAC, qui ne devraient pas intervenir avant 2007. On peut constater que le Royaume-Uni ne figure pas parmi les pays européens les plus déshérités.
    Il nous faut penser à l'avenir. A partir de 2004, l'élargissement de l'Union alimentera une croissance plus vive de la dépense communautaire, de sorte que la contribution française s'accroîtra, puisque des pays dont le niveau de vie est inférieur au nôtre nous rejoindront. L'élargissement entraînera de nouveaux besoins et de nouvelles demandes de la part de l'administration européenne. Il nous faudra donc être particulièrement vigilants pour éviter tout dérapage. Les nouveaux membres contribueront au budget communautaire, et la facture à payer devra être divisée entre vingt-cinq pays. A ce sujet, l'UDF souhaite avoir des informations sur la planification budgétaire établie pour les années à venir à partir de l'élargissement. L'UDF est pourtant convaincue que l'on ne peut mesurer les conséquences de celui-ci à la seule aune budgétaire.
    L'UDF approuve les grandes lignes du projet de budget pour 2003, en particulier le fait que la PAC figure toujours au premier rang des dépenses communautaires et que le budget consacré à la solidarité extérieure de l'Union ait été maintenu. Nous, qui avons été parmi les premiers à soutenir Massoud, nous nous félicitons que des crédits supplémentaires aient été débloqués par l'Union européenne pour l'Afghanistan.
    Enfin, il faut saluer la réaction européenne devant les inondations, laquelle témoigne du souci de mobiliser les financements inutilisés : face aux événements tragiques qu'ont connus plusieurs pays d'Europe centrale, les fonds structurels et les crédits de préadhésion ont été réorientés très rapidement pour reconstruire les zones sinitrées. La France pourrait, de même, faire jouer ces mécanismes après les inondations qui ont frappé le département du Gard.
    Au-delà de ces considérations techniques qui nous poussent à voter en faveur de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2003, il demeure, madame la ministre, que ce débat sur le prélèvement européen est l'occasion, pour l'UDF, de vous interroger sur l'une des grandes questions de la construction européenne. Je veux parler de l'autonomie et de la masse du budget communautaire : 96 milliards d'euros, c'est le montant du projet de budget pour 2003. Pour information et comparaison, je rappelle que le Congrès américain a voté hier soir le budget de la défense pour 2003 à hauteur de 355 milliards de dollars.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Attention Saddam !
    M. Charles de Courson. 96 milliards d'euros, le total du budget communautaire, 355 milliards de dollars, le budget de la défense américain. Tout est dit.
    Il n'y aura pas de grande avancée de l'Union tant que le Parlement européen ne sera pas un vrai parlement,...
    M. Jacques Myard. Tout à fait !
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Ça, c'est vrai !
    M. Charles de Courson. ... c'est-à-dire une chambre qui vote et lève l'impôt. Il n'y aura pas de grande avancée de l'Union tant que le budget communautaire ne disposera pas d'une ressource propre effective, d'un impôt communautaire contrôlé par les institutions communautaires et qui ne dépendent pas du seul bon vouloir des Etats membres.
    M. Jacques Myard. Mais pour quoi faire ?
    M. Charles de Courson. Cet impôt, compte tenu de la très grande diversité des structures des fiscalités nationales, ne saurait être qu'une cotisation additionnelle à la TVA, seul impôt harmonisé dans son assiette et encadré dans ses taux au sein de l'Union.
    Madame la ministre, le message que vous transmet aujourd'hui le groupe UDF est le suivant : il faut donner aux institutions européennes les moyens de leurs ambitions, en faisant du budget communautaire un budget autonome et suffisamment doté pour qu'elles puissent, en liaison avec le conseil, mettre en oeuvre les grandes réformes indispensables à la poursuite de la construction européenne.
    Dans notre esprit, il ne s'agit pas de créer un nouvel échelon de fiscalité, de nouvelles lourdeurs ; chacun sait bien quelles lourdeurs administratives la gestion du budget communautaire entraîne déjà aujourd'hui. Il ne s'agit pas de créer un super Etat. Il s'agit simplement de comprendre que la vocation fédérale de l'Union européenne nécessite l'existence d'institutions responsables et comptables devant les citoyens de l'Union. Et pour mettre en oeuvre les grandes politiques communautaires - politique étrangère, politique de défense commune, politique agricole, espace judiciaire, etc. - il faut un budget digne de ce nom.
    M. Jacques Myard. La fuite en avant !
    M. Charles de Courson. Nous constatons que les Français s'intéressent trop peu à l'Europe et qu'ils sont les plus réservés parmi les citoyens des Quinze à l'égard de l'élargissement. C'est regrettable, car l'Europe constitue la grande affaire de demain.
    M. Jacques Myard. D'hier !
    M. Charles de Courson. Elle doit constituer le principal centre d'intérêt des jeunes générations.
    Telle est notre conception de l'Europe, une Europe démocratique qui donne toute sa place au contrôle exercé par le Parlement et au droit de regard des citoyens, mais aussi une Europe de la proximité où, conformément au principe de subsidiarité, des échelons locaux détiennent le maximum de responsabilité et de liberté d'initiative.
    L'UDF ne cesse d'oeuvrer pour renforcer l'identité européenne, pour contribuer à la naissance d'un véritable esprit de citoyen européen. Et vive l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Merci, monsieur de Courson, d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ceux qui en douteraient, je m'exprime en mon nom personnel et non pas au nom de la pensée unique qui règne sur ces bancs. (Sourires.)
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Très bien !
    M. Jacques Myard. Madame la ministre, j'admire votre courage. Vous défendez un mauvais budget européen, qui n'est pas le vôtre et qui est à l'image de l'actuelle construction européenne, en devenir d'échec.
    M. Pierre Hellier. Oh !
    M. Jacques Myard. Ce budget pourrait être aisément résumé par une simple phrase : « Je suis le budget de l'Union européenne. J'ai la prétention de vouloir tout faire et de le faire mal. »
    Tout cela ne serait pas si grave si le budget de l'Union européenne était resté modeste. Mais ce n'est plus le cas ; il a doublé ces dix dernières années. Aujourd'hui, avec 99,5 milliards d'euros, il représente plus du tiers du budget de l'Etat. C'est dire que ce n'est pas une « bagatelle ». La participation française s'établit à 17,3 % du budget de l'Union, ce qui représente 6,3 % de nos recettes fiscales. Ces chiffres montrent l'importance de ce budget en termes quantitatifs. De surcroît, comme l'a souligné le rapporteur général du budget, la France est contributeur net à hauteur de 2,4 milliards d'euros, ce qui devrait tempérer le zèle d'un certain nombre de nos collègues.
    Au-delà de l'analyse des masses globales, celui qui fait l'effort d'essayer de comprendre le budget de l'Union européenne est vite dérouté par l'absence de transparence et par la complexité des mécanismes qui préside à son élaboration. Une chatte anglaise, madame, ne retrouve pas ses petits dans le calcul de la correction britannique. Mais ce qui est certain, c'est qu'elle nous coûte cher : une moyenne annuelle d'environ 800 millions d'euros, avec un pic à 1,7 milliard d'euros en 2001 - véritable insulte à la solidarité européenne.
    On constate même, selon les documents budgétaires du Gouvernement, que le montant du prélèvement sur recettes tend à être surestimé en raison du sur-calibrage des crédits de paiement et parce que le budget de l'Union européenne enregistre une sous-exécution massive. Tout cela a été dénoncé par d'autres orateurs.
    Il serait difficile qu'il en soit autrement, car lorsqu'on analyse les masses du budget communautaire, on comprend aisément les raisons de ce dysfonctionnement : il est structurel.
    En dehors des actions de préadhésion et de l'administration, quatre grandes masses méritent l'attention : l'agriculture avec la PAC, les fonds structurels, les politiques internes, les actions extérieures.
    En dehors de la politique agricole commune, qui est la seule politique commune d'organisation du marché, et qui répond fondamentalement à l'objectif du traité de Rome, les autres actions sont caractérisées par la dispersion et viennent surtout se surajouter aux actions des Etats à travers des procédures de plus en plus complexes et paralysantes. La devise actuelle de l'Union est bien : « Je me mêle de tout. »
    Pour ne prendre que le cas des fonds structurels, il me paraît franchement aberrant d'aller puiser dans nos poches de l'argent pour le faire monter à Bruxelles, pour le faire redescendre au niveau des trottoirs de Salonique ou des piscines de nos communes, en complément des actions et subventions des Etats.
    Même si la France n'a que 8 % de retour sur les fonds structurels, je ne suis pas contre la solidarité européenne entre Etats européens, pour mettre à niveau certains Etats en retard de développement. Mais ce que je conteste, madame, et ce qui peut être amélioré, c'est la méthode des fonds structurels, dont l'objectif essentiel semble être de nourrir une technocratie eurocratique dont l'imagination fertile en matière de procédure justifie son existence au détriment de l'efficacité.
    On peut atteindre les mêmes objectifs, voire les décupler, par le biais de protocoles financiers proposés à des Etats, à charge pour eux utiliser correctement les avances ou les prêts qu'on pourrait leur consentir. On ferait ainsi des économies substantielles et on serait bien plus efficace.
    Quant aux actions extérieures, non seulement elles se caractérisent par un total éparpillement, selon les documents budgétaires du Gouvernement, mais trop souvent, avec notre propre argent, nous travaillons pour nos concurrents étrangers ! Or que vous le vouliez ou non, la France a des intérêts économiques, politiques, par exemple en Europe de l'Est, qui ne sont ni ceux de l'Allemagne, ni ceux de l'Angleterre, ni non plus ceux des Américains, qui ont bénéficié des fonds européens. Comprenne qui pourra...
    Mais au-delà de ce budget de l'Union, qui illustre les contradictions européennes, je souhaite aborder le dogmatisme économique et financier de la Commission et de la Banque centrale européenne, à propos duquel, malheureusement, bien peu d'orateurs se sont prononcés. Il est clair que leur action conjuguée nous mène dans le mur en termes de croissance. La réalité économique inflige toujours des démentis cinglants aux ayatollahs du dogmatisme, surtout quand ils sont des monétaristes attardés ou des comptables bornés. L'histoire économique et financière française l'a amplement démontré, par exemple avec la théorie du franc fort. L'Europe se fourvoie dans la même impasse.
    Quelle est la valeur d'un pacte de stabilité, notion comptable qui joue aujourd'hui contre la croissance ? Quelle est la valeur d'une politique monétaire de la Banque centrale européenne qui renchérit les investissements, au nom d'une mythique inflation, par des taux prohibitifs ? Quelle est la valeur de ces dogmes, si décalés par rapport à la réalité et qui n'apportent que la division entre les Etats européens ?
    Il est urgent de s'en délier, notamment en imposant à la Banque centrale européenne de conduire une politique qui intègre la croissance. Sinon, très rapidement ces ayatollahs adeptes du monétarisme et d'une pseudo-orthodoxie comptable casseront la croissance des économies européennes, mais, bien davantage, finiront de détourner les peuples européens de la construction européenne, qui reste pour moi, madame le ministre, une grande ambition, à la condition de ne pas faire n'importe quoi.
    Je formule donc le souhait que l'Europe réussisse son élargissement - et à ce titre, j'approuve votre politique. Mais cela devra la conduire à s'amaigrir pour s'en tenir à l'essentiel, afin de sceller, de l'Atlantique à l'Oural, un pacte des nations. A défaut, elle périra.
    M. Pierre Hellier. Il n'y a pas d'applaudissements ?
    Mme Muriel Marland-Militello. Ah non alors !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier tous les intervenants pour la qualité de leurs propos et pour la pertinence des questions qu'ils ont posées au Gouvernement.
    Permettez-moi de revenir sur certaines questions essentielles qui intéressent tant le budget proprement dit que les questions institutionnelles sur l'avenir de l'Europe.
    Je suis d'accord avec les observations de MM. Carrez, Dumont, Lequiller et André sur l'ensemble du budget. Il faut être clair : la contribution nette de la France au budget communautaire ne mesure pas tous les bénéfices que nous tirons de l'Union européenne, de sa dynamique économique, sociale et, demain, de plus en plus, politique. Le chiffre en a été avancé par M. Lequiller, les dépenses de l'Union sont faibles par habitant : 263 euros.
    M. Jacques Myard. C'est trop !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Rien ne vous a été caché, monsieur Sandrier : le budget est en diminution par rapport à la loi de finances précédente pour 2002, mais il augmente par rapport à son exécution en raison de l'excessive sous-consommation des crédits.
    Le budget européen ne peut servir à la relance, car comme je vous le rappelle, même si cela peut être considéré comme regrettable, le degré d'intégration de l'Union ne lui permet pas d'envisager un endettement. Une telle problématique serait tout à fait différente de celle dans laquelle nous nous situons aujourd'hui.
    M. François Loncle. Quelle ambition !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur Myard, vous avez déploré le caractère « fourre-tout » voire inutile du budget,...
    M. Jacques Myard. Pas du budget, mais de certaines actions !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ..., les circuits de financement et le saupoudrage des crédits, en dehors des financements de la politique agricole commune et de ceux incombant aux fonds structurels.
    Il s'agit d'un effet d'optique. En effet, le budget communautaire, certains d'ailleurs le regrettent, n'est pas comparable au budget d'un Etat. C'est essentiellement un budget d'intervention et non de gestion. Par exemple les dépenses administratives ne représentent pas plus de 5 % du budget communautaire en France, les moyens des services en absorbent la moitié. Autre différence : le service de la dette est le premier poste de dépenses du budget français.
    M. Jacques Myard. Ah !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Or il n'y a pas de service de la dette, par définition, dans le budget communautaire. Comme l'a indiqué tout à l'heure le rapporteur pour avis Roland Blum, ce budget doit être en équilibre.
    Du fait de l'absence de ces grands postes de dépense, on peut avoir l'impression d'un saupoudrage, mais il existe néanmoins des politiques communes, dont on débat d'ailleurs aujourd'hui. Cela dit, la volonté politique des Etats, n'est pas, pour l'instant, d'augmenter sensiblement le champ des actions de l'Union ou de construire des politiques communes dont les crédits pourraient rejoindre les crédits actuellement consentis pour la PAC ou pour le développement régional.
    Sous-consommation, mauvaise gestion des fonds structurels : le constat est unanime. Le Gouvernement se joint à cette unanimité tout en déplorant que la France soit au dernier rang des pays de l'Union européenne s'agissant de la juste consommation, en temps utile, des crédits des fonds structurels. Ceci a été souligné par M. le rapporteur général, M. Carrez, ainsi que par M. le président de la commission des affaires étrangères, M. Balladur et MM. Dumont, de Courson, Blum, Lequiller, André et Lambert. M. Myard l'a rappelé également.
    Oui, il y a un problème français de sous-consommation des fonds structurels européens. Nous ne sommes pas les seuls, car cette sous-exécution est constatée dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Elle peut d'ailleurs s'expliquer par un certain nombre de facteurs ; d'abord, un démarrage très lent de la programmation pour 2000-2006, comparable à celui observé dans la période précédente, mais qui s'explique par la nécessité de mettre en place de nouvelles règles en matière de fonds structurels ; ensuite, l'héritage des difficultés de clôture des programmes antérieurs 1994-1999 ; enfin, des échéanciers de paiement bien trop optimistes.
    Tel est le tableau de la situation dans l'Union. Mais il est encore plus sombre s'agissant de notre pays. C'est pourquoi le Gouvernement français est fermement décidé à faire en sorte que les mesures décidées en juillet 2002 améliorent sensiblement les conditions de gestion des fonds structurels dans notre pays. Il s'agit de mesures de simplification de procédures et d'appui à la mise en place des projets éligibles au plan communautaire. Grâce à elles, nous n'aurons que peu à souffrir de la règle du dégagement d'office, et nous espérons que leur efficacité pourra être appréciée à courte échéance.
    En réponse à la demande formulée par M. Dumont, je m'engage à fournir un état de consommation des fonds structurels, non seulement Etat par Etat, mais également région par région de France, avec, si possible, des indicateurs chiffrés et des rubriques suffisamment explicites pour apprécier les difficultés qui se posent dans les différentes régions.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Si possible !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Autre sujet important pour nous et pour l'Europe : la politique agricole commune à laquelle nombre d'entre vous se sont référés, en particulier MM. Dumont, Sandrier, André et Lambert. La réforme de la PAC est d'actualité, puisque la Commission a fait des propositions pour la revue à mi-parcours. Il est par ailleurs nécessaire de clore le chapitre agricole, dans le cadre de la fin des négociations en vue de l'accession de nos dix nouveaux partenaires européens.
    La réforme de la PAC, selon le gouvernement français, ne peut être envisagée que dans le cadre d'une négociation globale concernant l'ensemble des dépenses et l'ensemble des recettes de l'Union, y compris la question des fonds structurels et ce qu'on appelle couramment le « chèque britannique ».
    Pour le reste et pour le moment, nous insistons fortement sur la nécessité de respecter le calendrier de Berlin, qui constitue un véritable contrat entre les Etats de l'Union et les agriculteurs européens. Ce contrat, vous le savez, court jusqu'en 2006 et nous estimons que, si des négociations doivent être ouvertes en leur temps, il faut à tout prix éviter la collision des calendriers de l'élargissement et de la réforme de la politique agricole commune.
    Cette dernière, il ne faut pas hésiter à le rappeler, est une politique fondatrice de l'Europe. C'est grâce à la politique agricole commune, après celle du charbon et de l'acier, qu'a pu se mettre en place une véritable solidarité européenne et se développer une action économique commune. Cette politique est encore bénéfique à l'ensemble de l'Europe. Elle a permis le maintien et le rayonnement d'une agriculture proprement européenne et nous estimons que, dans ses fondements, elle ne doit pas être mise en cause. (M. René André et M. Jacques Myard applaudissent.) Elle ne doit pas même être réformée dans la précipitation.
    Au moment où les Etats-Unis, à l'issue de l'adoption de leur farm act, il y a quelque mois, augmentent très sensiblement leurs aides aux agriculteurs,...
    M. Charles de Courson. De 75 % !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... il faut que l'Europe défende sa propre agriculture et en maîtrise le développement.
    M. Pierre Hellier. Absolument !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous ne sommes d'ailleurs pas isolés dans cette position puisque, comme vous le savez, dix Etats membres se sont déclarés opposés au découplage des aides directes à la production tel qu'il est proposé par la Commission dans le cadre de sa revue à mi-parcours de la politique agricole commune. Selon nous, une telle réforme serait non seulement par trop radicale, mais son opportunité économique et sociale est très sujette à caution et aucune évaluation de ses conséquences ne nous a été présentée.
    En ce qui concerne les quotas laitiers, le conseil de l'agriculture des 14 et 15 octobre derniers a débattu de la question, là encore sur la base des options qui ont été présentées par la Commission. A ce stade très préliminaire du débat, une majorité des Etats membres s'est prononcée pour le maintien du système actuel jusqu'à la date prévue, c'est-à-dire jusqu'à 2008. La même majorité s'est en outre montrée très réservée sur l'opportunité d'envisager dès à présent une réforme après cette date. Soyez assurés qu'en tout état de cause, le Gouvernement défendra les intérêts de la production laitière dans ces débats, pour que nous puissions maîtriser cette production, non seulement dans le cadre français, mais aussi dans le respect des intérêts de l'agriculture européenne.
    M. Jacques Myard et M. René André. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Venons-en à ce qu'on appelle la lutte contre la fraude communautaire, évoquée notamment par M. André. En réalité, d'après les indications qui nous sont données, il s'agit, plus souvent que de fraudes, d'irrégularités dans la gestion des crédits communautaires, affectant les procédures administratives ou comptables. Il faut dire - rendons à César ce qui est à César - que les Etats membres ont, là encore, leur part de responsabilité. Je rappelle, en effet, en réponse à M. Myard, que 80 % des dépenses communautaires sont gérées au niveau des Etats. Il est vrai, néanmoins, que les institutions européennes, et au premier chef la Commission, doivent également consentir des efforts. La Commission a accompli des progrès non négligeables, grâce à sa Cour des comptes et à l'Office de lutte antifraude. Le plan d'action 2001-2003 proposé par la Commission pour renforcer les moyens de la lutte contre la fraude communautaire a notre plein soutien, et les orientations de ce plan doivent être poursuivies avec pragmatisme, pour une meilleure efficacité, et indépendamment des perspectives plus lointaines de création d'un procureur européen. Il faut donc faire des efforts sans délai, quelles que soient les ambitions que nous puissions avoir à plus long terme.
    J'en viens maintenant au procureur européen. Le mandat d'arrêt européen va bientôt être mis en place dans l'ensemble des pays de l'Union. L'affaire Patrick Henry, comme d'autres, en démontre l'utilité. Mais il aura fallu attendre les évènements du 11 septembre pour que cette procédure puisse enfin voir le jour.
    Nous souhaitons maintenant compléter les moyens qui permettent de développer la lutte contre la criminalité organisée, la traite d'êtres humains, le terrorisme et tous autres crimes de caractère transfrontières au plan européen. Les instruments existants ne permettent encore qu'une coopération opérationnelle entre nos pays en matière d'entraide judiciaire pénale, ce qui est la fonction des magistrats de liaison dans les différents pays de l'Union, ainsi que la fonction d'Eurojust, et il faut sans doute aller plus loin. La création d'un procureur européen représenterait à cet égard une avancée institutionnelle importante.
    Certes, notre réflexion n'est pas achevée sur cette question, même si nous avons le sentiment que le procureur européen pourrait être un outil très utile pour une meilleure efficacité de la lutte contre le crime transfrontières au plan européen. Mais, selon nous, le procureur européen ne saurait être institué pour répondre aux seuls impératifs de la lutte contre la fraude aux intérêts communautaires, comme la Commission le propose. Nous réfléchissons, en liaison étroite avec nos partenaires allemands, pour voir dans quelle mesure nous pourrions faire évoluer Eurojust vers un véritable ministère public européen, en élargissant son champ d'action à des domaines essentiels pour la sécurité et la liberté des citoyens européens, lorsqu'une criminalité particulièrement grave et attentatoire aux intérêts de nos nations et de nos peuples est en cause : criminalité organisée, terrorisme, traite des êtres humains, blanchiment d'argent. Il est possible que nous rédigions une contribution commune avec certains de nos partenaires dans le cadre de la convention sur ces sujets.
    Je voudrais maintenant donner quelques précisions sur les dossiers techniques que vous avez évoqués, avant d'aborder en conclusion les questions d'ordre plus institutionnel.
    En ce qui concerne les baisses de TVA dans le secteur de la restauration et sur les disques, sujet notamment évoqué par M. Lambert, je puis vous confirmer qu'il s'agit d'un engagement ferme du Gouvernement.
    M. Jacques Myard. Il faut le concrétiser !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. J'ai été chargée par le Premier ministre de négocier avec la Commission et avec nos partenaires européens en vue de les convaincre de la nécessité de faire bénéficier la France d'une dérogation pour qu'elle puisse réduire son taux de TVA sur la restauration.
    M. Jacques Myard. Liberté fiscale !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous mettons, je dois vous le dire, toutes les chances de notre côté. Je puis également vous dire que la Commission nous suit et que le commissaire Bolkestein s'est déclaré tout à fait convaincu par l'argumentation de notre pays.
    M. Didier Migaud. Cela ne suffit pas !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous avons une fenêtre d'opportunité puisque, dès l'année prochaine, la directive TVA va être rediscutée et modifiée. A cette occasion nous souhaitons vivement convaincre nos partenaires pour qu'ils acceptent notre demande de réduction du taux de TVA sur les disques et sur la restauration.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Pas au détriment du bâtiment, tout de même !
    M. René André. Le taux réduit est indispensable pour la restauration et pour le bâtiment !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Non, pas au détriment du bâtiment. En ce qui concerne la TVA au taux réduit sur les travaux immobiliers, je puis pleinement rassurer M. Dumont, puisque la Commission vient de nous annoncer qu'elle acceptait le prolongement pour un an de la dérogation déjà accordée à la France. Bien entendu, c'est une négociation que nous poursuivrons dans le cadre de la révision globale de la directive TVA qui interviendra l'année prochaine.
    M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial. Très bien !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Le problème de l'élargissement de l'Union et de l'évolution à moyen terme du budget européen, avec la question irritante - vous-mêmes l'avez souligné - du chèque britannique, a été évoqué, je crois, par tous les orateurs. En ce qui concerne l'élargissement, nous avons toute la marge nécessaire, d'ici à 2006, pour accueillir les pays candidats. Les dépenses actuelles de l'Union sont fixées à 1 % du PNB, soit largement au-dessous du plafond des ressources propres, qui est de 1,27 % puis de 1,24 % du PNB communautaire jusqu'en 2006.
    A compter du 1er janvier 2007, il faudra remettre à plat toutes les dépenses et toutes les ressources sans exception. Les mécanismes de type chèque britannique - prix payé, à l'époque de la négociation de 1984, pour le maintien d'une politique agricole commune ambitieuse - sont source de complexité et d'inefficacité, à telle enseigne qu'on s'interroge aujourd'hui sur leur justification.
    Nous devons donc à l'avenir, dans le cadre de ce qui sera décidé après 2006, concilier deux exigences. La première, il faut être clair, c'est la solidarité vis-à-vis de nos nouveaux partenaires. La seconde, c'est la maîtrise du budget de l'Union. Mais la solidarité représente le prix à payer pour notre sécurité commune en Europe, qui est, beaucoup parmi vous l'ont indiqué, l'un des grands enjeux de l'élargissement. Cette solidarité devra jouer sans restriction, vu le retard de développement de certains pays, souligné notamment par M. Balladur. Mais, ne l'oublions pas, les pays candidats nous rattrapent. Ils ont une croissance forte, qui sera en moyenne de 4,1 % pour l'année 2003. Ce nouveau marché domestique de l'Europe élargie, loin de signifier un recul de la croissance et de la prospérité du continent, est au contraire notre chance à tous.
    M. Jacques Myard. C'est plutôt la fuite en avant !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. L'impôt européen été mentionné par MM. Lambert, de Courson et André. Je n'avais pas prévu initialement que la question serait évoquée, mais vous avez eu raison, messieurs les députés, de la poser.
    Nous devons dès maintenant réfléchir à l'avenir des ressources du budget communautaire, et, si je puis dire, à la création d'un lien fort entre l'Union politique, mais aussi économique, et le citoyen. La démocratie, c'est le consentement à l'impôt, et la démocratie européenne exige maintenant que les citoyens adhèrent à l'idée d'une solidarité européenne. Un impôt européen devrait toutefois, vous l'avez dit, se substituer aux prélèvements actuels, en l'absence de compétence nouvelle de l'Union, ou bien les compléter : le débat est ouvert.
    Ce dossier devra être étudié, d'ici à 2006, dans le cadre de la remise à plat des ressources propres à l'Union. Compte tenu des questions que vous avez posées, nous y prêterons la plus grande attention, je puis vous l'assurer.
    La dimension sociale de l'Europe a été abordée par M. Sandrier et M. Lambert. L'agenda social, vous le savez est depuis longtemps, depuis toujours, une priorité de la politique française. Ses résultats, d'ores et déjà, sont loin d'être négligeables, par exemple, en matière de droits des travailleurs ou d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, question à laquelle je suis évidemment très sensible.
    M. Jean-Claude Sandrier. Et le travail de nuit des femmes ?
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Cet agenda était une priorité de la présidence française en 2000, et nos deux représentants à la Convention ont récemment demandé que soit ouvert, dans le cadre de celle-ci, un large débat sur l'Europe sociale, qui n'était pas prévu initialement. Nous espérons aussi, comme je l'ai récemment indiqué à mes interlocuteurs grecs lors d'un déplacement à Athènes, que la présidence grecque de l'Union européenne, qui doit débuter en janvier prochain, en fera un axe clé de son action, dans le prolongement du processus de Lisbonne sur l'Europe de la compétitivité et de la connaissance. Cette démarche, à notre sens, rejoint en effet les préoccupations de l'Europe sociale. Notre engagement à cet égard, comme vous pouvez le constater, est donc sans faille.
    Sur les réformes institutionnelles, enfin, j'ai relevé dans vos interventions plusieurs thèmes que je n'avais pas abordés, comme la création d'un Congrès, les coopérations renforcées ou encore l'accroissement des moyens de la politique étrangère et de sécurité commune.
    La proposition de créer un Congrès des peuples ou des parlementaires nationaux et européens a été évoquée par M. Lequiller et M. Lambert. Je puis vous indiquer que le gouvernement français regarde cette proposition avec beaucoup d'intérêt. Nous pensons qu'une telle institution pourrait être un lieu de débat annuel sur l'état de l'Union et pourrait aussi utilement participer à la procédure de révision et de ratification de la seconde partie du traité constitutionnel, de manière à éviter les blocages qui tiennent au système actuel de ratification Etat par Etat. Mais, j'y insiste, cette procédure de révision allégée ne jouerait bien entendu que pour la seconde partie, non fondamentale, de la Constitution de l'Europe.
    En ce qui concerne les coopérations renforcées, vous n'ignorez pas le soutien constant que la France a apporté à cette idée. A Nice, nous avons même obtenu qu'elle soit retenue et appliquée aussi bien à certaines politiques économiques qu'aux questions de politique étrangère et de sécurité commune, à l'exclusion de la politique en matière de sécurité et de défense. Nous avons également un peu assoupli les conditions qui permettent d'y avoir recours. Nous restons donc très favorables aux coopérations renforcées. Nous pensons qu'elles favorisent les avancées de l'Europe en impliquant plus particulièrement certains Etats membres dans la construction de politiques ou dans la mise en oeuvre d'actions nouvelles.
    S'agissant de la politique étrangère et de sécurité commune, l'un des grands enjeux du siècle présent, MM. de Courson, André et Lequiller ont souligné, à juste titre, que l'amélioration de son fonctionnement ne dépendait pas uniquement du renforcement des structures européennes. Nous pensons qu'il faut également améliorer la possibilité de consentir à la PESC les moyens de ses objectifs politiques. Une politique étrangère ne peut en effet être ambitieuse que si elle dispose en temps utile des moyens suffisants pour mettre en oeuvre les objectifs définis. Il faut donc travailler, et notre réflexion est assez avancée à cet égard, sur la façon d'abonder la politique étrangère et de sécurité commune des moyens budgétaires qui lui sont nécessaires.
    C'est le prix de la cohérence vis-à-vis de l'extérieur. La proposition du Président de la République va aussi dans ce sens, qui vise à instituer au niveau européen un ministre des affaires étrangères doté non seulement de compétences étendues mais également des moyens de les assumer pleinement.
    Enfin, à propos de la communication sur l'Europe, thème commun aux interventions des différents orateurs, oui, nous pensons qu'il y a une attente de la part des Français, et qu'elle n'a pas été totalement satisfaite. C'est pourquoi nous projetons de lancer très rapidement une campagne d'information et de communication dans les différentes régions de France à laquelle je serais heureuse que vous nous aidiez en y participant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article n° 33.
    (L'article 33 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Nous en revenons à la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003.
    Ce matin, l'Assemblée s'est arrêtée à l'amendement n° 240 à l'article 3.

Article 3 (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'amendement n° 240 présenté par MM. Bonrepaux, Migaud, Idiart, Claeys, Bapt, Mme Lignières-Cassou et les membres du groupe socialiste.
    « Compléter l'article 3 par les trois paragraphes suivants :
    « I. - A la première phrase du 1° du A du II, le taux de "4,4 % est remplacé par le taux de "6,6 % et au deuxième alinéa du 1° du A du II, le taux de "11 % est remplacé par le taux de "16,5 %.
    « II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.
    « III. - La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Gérard Bapt pour défendre l'amendement n° 240.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le président, fidèles à notre logique, nous répétons que la situation économique actuelle exigeait, non pas des cadeaux fiscaux pour les ménages les plus aisés, mais des efforts pour soutenir par la consommation l'activité économique. La consommation repose sur un supplément de pouvoir d'achat donné aux classes les plus populaires et, on le sait, il se retrouve immédiatement dans les circuits économiques. C'est ce qu'il y a de plus efficace.
    Voilà pourquoi notre amendement ne fait que reprendre la troisième étape prévue dans le plan triennal d'allégement des impôts concernant la prime pour l'emploi, à savoir une augmentation de 50 % la dernière année. Globalement, le coût pour les finances publiques ne serait pas supérieur au cadeau fiscal que vous avez fait avec l'abattement forfaitaire de 5 % sur l'impôt sur le revenu dû au titre de 2002.
    J'ai été étonné d'entendre ce matin M. Auberger critiquer sur le fond cette prime pour l'emploi au motif, notamment, que, dans sa complexité, elle prenait en compte les charges de famille.
    La prime pour l'emploi est effectivement majorée en fonction des enfants à charge. Or, c'est précisément parce que la composition de la famille n'était pas prise en compte dans l'abattement de CSG que nous avions décidé en faveur des ménages les plus modestes, que le Conseil constitutionnel, saisi par l'opposition de l'époque - notamment par M. Auberger, dont je regrette l'absence -, a censuré cette disposition. Pour répondre à cette critique, le Gouvernement, et nous l'avions suivi, avait donc introduit la notion de charge de famille dans le calcul de la prime pour l'emploi. C'est donc une curieuse façon d'appréhender le problème que de critiquer aujourd'hui ce que l'on réclamait il y a deux ans.
    Enfin, nous persévérons dans notre logique en rappelant qu'une personne au SMIC à plein temps, par exemple, et sans enfant à charge - je reste en francs par souci d'harmonie des formes -, qui percevait une prime pour l'emploi de 2 000 francs en 2001, devait percevoir 3 500 francs en 2002, et 5 000 francs en 2003.
    Je souligne à ce stade que l'opposition que nous représentons a toute légitimité pour le faire. Un de nos collègues nous a expliqué hier, en rappelant notamment le premier tour de l'élection présidentielle, que nous ne serions plus fondés à présenter nos idées mais uniquement à observer en spectateurs les succès politiques du nouveau gouvernement dans les cinq prochaines années. Le résultat du premier tour de l'élection présidentielle fut, certes, baroque...
    M. Charles de Courson. Baroque, vous avez dit baroque ?
    M. Gérard Bapt. ... mais, par rapport au premier tour de l'élection présidentielle de 1995, monsieur de Courson, les candidats de la gauche plurielle ont perdu 1,5 million de voix, alors que ceux de la droite parlementaire en ont perdu, eux, 4 millions. Ce n'est donc pas avec les 19 % obtenus au premier tour par le candidat Jacques Chirac que l'on pourrait aujourd'hui nous dénier le droit de parler (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. le président. Laissez terminer M. Bapt !
    M. Gérard Bapt. ... au nom d'une fraction extrêmement notable de notre pays, et dans l'intérêt général de notre économie qui exige à la fois soutien à la croissance, justice fiscale et réduction des inégalités.
    Voilà pourquoi, monsieur le président, nous soumettons au vote de l'assemblée et à l'argumentation de M. le rapporteur général et de M. le ministre ce qui eut été notre volonté si nous avions pu la mettre en oeuvre.
    M. le président. Avant de demander l'avis de la commission et du Gouvernement, j'informe l'Assemblée que sur le vote de l'amendement n° 240 il y aura un scrutin public à la demande du groupe socialiste.
    Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 240 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission a rejeté cet amendement. Je ne reviens pas sur le débat de fond, nous en avons amplement discuté ce matin.
    M. Augustin Bonrepaux. Non, ce n'est pas vrai !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour résumer, la commission estime que le dispositif proposé par le Gouvernement comporte une amélioration certaine de la prime pour l'emploi, en particulier en direction des travailleurs à temps partiel. J'ajouterai seulement deux précisions que je n'ai pas eu l'occasion de donner ce matin. Premièrement, il faut savoir qu'un tiers des bénéficiaires de la prime pour l'emploi - on devrait en compter un peu plus de huit millions en 2003 - travaillent à temps partiel et bénéficieront par voie de conséquence de la majoration de prime.
    Deuxièmement, les 280 millions d'euros supplémentaires prévus par le Gouvernement en 2003, en plus des 2,24 milliards d'euros inscrits en 2002, se répartissent de la façon suivante : 100 millions d'euros au titre de la revalorisation à hauteur de 1,7 % du barème de la PPE, 130 millions d'euros pour augmenter la prime des travailleurs à temps partiel, 50 millions d'euros pour aller au-delà de l'indexation du barème. Le dispositif de PPE en 2003 est ainsi, on le voit bien, substantiellement amélioré par rapport à 2002.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est un sujet sur lequel il nous est sans doute impossible de partager le même avis. Pour le Gouvernement la prime pour l'emploi vise, je le répète, au retour à l'emploi, au retour à l'activité. C'est son seul et unique objectif...
    M. Augustin Bonrepaux. Eh oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Dès lors, et toute autre préoccupation viendrait à en brouiller le sens.
    Toutefois, comme le rapporteur général vient de le souligner, sa configuration initiale n'incitait pas au retour à l'emploi pour les personnes qui travaillent à temps partiel, d'où la correction que nous avons opérée. En toute logique, il m'est impossible d'émettre un avis favorable à cet amendement. Je ne peux qu'inviter l'Assemblée à le rejeter, à moins qu'il ne soit retiré.
    M. le président. La parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Contre l'amendement. Je ne reviens pas sur l'arithmétique électorale de M. Bapt : « Si nous avions été au pouvoir, nous aurions augmenté la prime pour l'emploi... » L'argument est facile, mais modérément convaincant.
    Le Gouvernement a fort bien fait de remanier la PPE, notamment pour les salariés à temps partiel ; reste que ce dispositif est perfectible. Si les salariés, et particulièrement les plus modestes, voyaient directement l'amélioration qu'il en résulte sur leur feuille de paie, ce serait certainement préférable. Le Gouvernement devrait, me semble-t-il, travailler dans cette direction. Le problème est celui des salaires et particulièrement des bas salaires. Il tient au poids des charges et des prélèvements. Il existe probablement d'autres techniques qui, à coût équivalent, permettraient à tous les salariés de voir apparaître plus concrètement le fruit de leur travail sur leur feuille de paie. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour une très courte intervention. Je rappelle que nous avons d'ores et déjà annoncé le scrutin public.
    M. Augustin Bonrepaux. Le sujet est suffisamment important pour que nous prenions le temps d'en discuter !
    M. le président. J'ai bien compris, mais deux de vos collègues souhaitent également intervenir.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur Goulard, je suis tout à fait d'accord pour la perfectibilité et la simplicité encore faut-il y mettre les moyens. Or la simplicité, monsieur Goulard, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'était quand même la réduction de CSG que nous avions proposée !
    M. François Goulard. A ceci près que c'est inconstitutionnel !
    M. Augustin Bonrepaux. Et c'est bien vous qui avez déposé un recours au Conseil constitutionnel ! C'est bien vous qui l'avez fait supprimer !
    M. François Goulard. Et alors ?
    M. Augustin Bonrepaux. Or c'était une mesure simple, et qui précisément apparaissait sur la feuille de paie ! Il faut encourager le retour à l'emploi, dites-vous, monsieur le ministre. Croyez-vous que votre indexation de misère y encouragera ?
    Soulignons pour commencer l'inégalité de traitement que réserve votre budget. D'un côté, les huit millions de travailleurs bénéficiaires de la prime pour l'emploi recevront 280 millions de francs - autrement dit des broutilles en comparaison des plusieurs milliards que représentent l'ensemble de vos mesures - de l'autre, un contribuable célibataire dont le revenu annuel imposable atteint 150 000 francs, aura droit, toutes réductions cumulées, à une déduction de près de 6 000 euros, soit environ 37 000 francs. Pour un couple marié avec un revenu de 300 000 euros, c'est-à-dire 2 millions de francs, le cumul atteindra 60 000 francs ! C'est cela que vous appelez la réduction des inégalités ? C'est cela, la justice fiscale ?
    Rappelons ensuite que notre amendement va dans le sens de l'intérêt du pays, particulièrement aujourd'hui alors que la croissance est en panne. Ce matin encore, on nous annonçait que le taux n'atteindrait pas les 2 %. Dans un tel contexte, répartir les crédits sur 8 millions de travailleurs bénéficiaires de la prime pour l'emploi serait plus efficace : car ils ne vont pas épargner, eux, ils vont consommer et par conséquent soutenir la croissance. Notre amendement va donc dans le sens de la défense de la croissance et de l'emploi - votre priorité, me semblait-il, monsieur le ministre...
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Cette discussion me paraît bien triste. Pourquoi ? Nous sommes tous d'accord sur une chose : il faut encourager le travail. Notre discussion ne porte donc pas sur l'objectif, mais sur les modalités.
    Monsieur Bonrepaux, vous aviez initialement choisi de jouer sur la CSG. Ce n'est pas nous qui avons annulé cette disposition, mais le Conseil constitutionnel. Et votre erreur, je l'ai toujours dit, c'est d'avoir utilisé un autre impôt, puisque vous avez retrouvé les mêmes problèmes qu'avec la CSG.
    Vous avez tous accepté de participer au groupe de travail ; je crois pour ma part qu'il faut remplacer la PPE par un système de franchise de cotisations sociales qui a deux grands avantages.
    Le premier, c'est que le lien est immédiat.
    M. Augustin Bonrepaux. Quel lien ?
    M. Charles de Courson. Par une franchise compensée !
    Le second, c'est que c'est beaucoup plus simple !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous croyez ? C'est cela, la simplicité ?
    M. Charles de Courson. Mais bien sûr ! Voilà, je crois, la voie de la sagesse.
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Je renonce à la parole, monsieur le président !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je mets aux voix l'amendement n° 240 présenté par M. Bonrepaux.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   63
Nombre de suffrages exprimés   63
Majorité absolue   32
Pour l'adoption   15
Contre   48

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Jean-Pierre Brard. On progresse !
    M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 29.
    (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - Au troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, la somme de : "6 900 EUR est remplacée par la somme de : "10 000 EUR. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, je n'ai pas souhaité m'exprimer à nouveau sur la prime pour l'emploi, Augustin Bonrepaux et Gérard Bapt s'en sont chargés. Cela dit, la réunion de la commission des finances que nous avons tenue en fin de matinée n'a rien apporté de nouveau : le problème reste entier quant à l'interprétation de l'article 40 défendue par le président de la commission des finances et l'imputation de la prime pour l'emploi dans le projet de budget. Il a été convenu de mettre en place un groupe de travail. Nous sommes tout à fait d'accord pour y participer et travailler ensemble sur le sujet ; encore devons-nous les uns et les autres rester cohérents avec la définition que chacun de nous donne de la prime pour l'emploi.
    Je reviens à l'article 4. Si nous souhaitons sa suppression, monsieur le ministre, c'est parce que nous estimons que la mesure prévue est particulièrement ciblée, injuste et de surcroît inefficace au regard de l'objectif de créations d'emploi que vous affichez.
    Tout d'abord, elle laisse de côté - et je remercie le rapporteur général de l'avoir précisé dans son rapport - les 600 000 foyers qui ont déclaré des dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile et qui ne sont pas imposables. En effet, comme le précise le rapport général sur les 2,2 millions - en gros - de foyers qui déclarent employer un salarié à domicile, seulement 1,5 million bénéficient de la réduction d'impôt. Les 600 000 foyers restants sont par définition exclus du bénéfice de votre mesure. Une formule du type crédit d'impôt, voire réduction ou suppression des charges sociales aurait été plus efficace pour inciter à la création d'emplois.
    Votre dispositif est au surplus trop ciblé sur un petit nombre de foyers. Déjà en 1998, lorsque nous avons adopté la modification qui nous a fait passer du mécanisme proposé par Nicolas Sarkozy au dispositif de Martine Aubry, nous nous étions aperçus que seulement 69 000 foyers étaient concernés, c'est-à-dire les plus aisés. La proportion doit cette fois-ci être pratiquement la même et le nombre de bénéficiaires particulièrement restreint.
    Lors de nos débats de 1994, un de vos prédécesseurs, reconnaissait en réponse à M. Gilbert Gantier que, effectivement, le dispositif proposé pouvait pratiquement équivaloir à une nouvelle réduction pour la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu.
    « Le Gouvernement, disait-il, partage le sentiment du rapporteur général, à l'époque Philippe Auberger. J'ajoute, monsieur Gantier, qu'en accroissant l'avantage fiscal accordé à la création d'emplois familiaux, nous arrivons au même résultat. » Autrement dit, au même effet que la réduction de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, défendue par Gilbert Gantier.
    Nous contestons cet avantage excessif. Autant nous étions d'accord pour une incitation, dispositif dont Martine Aubry a été à l'origine, autant nous ne saurions accepter un tel privilège fiscal dont lers conséquences sur l'emploi seront au surplus inexistantes dans la mesure où il s'appliquera sur les revenus 2002, provoquant un effet d'aubaine parfaitement inadmissible.
    Là encore, je me réfère à nos débats de 1994, lorsque Philippe Auberger avait suggéré de l'appliquer de manière anticipée par rapport à ce que prévoyait le Gouvernement. Ce à quoi le ministre du budget de l'époque, Nicolas Sarkozy, a répondu de manière très sensée : « La mesure n'est pas faite pour avoir un effet d'aubaine. Si nous acceptons d'anticiper son entrée en vigueur dans une proportion calculée pro rata temporis, nous créerions un effet d'aubaine monumental. Pourquoi ? parce que les emplois concernés ont d'ores et déjà été créés. Nous récompenserons donc cette création d'emploi par un avantage fiscal extrêmement important. » Avantage fiscal très important, effet d'aubaine « monumental », pour reprendre son expression : vous comprendrez donc que, pour ces deux seules raisons, sans oublier les 600 000 foyers exclus du bénéfice de cette mesure, nous estimons que votre proposition n'a strictement rien à voir avec la justice fiscale. Tout au contraire, elle est particulièrement choquante. C'est pourquoi, monsieur le président, nous proposerons tout à l'heure de la supprimer.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais revenir sur l'effet de vos mesures fiscales dans le passé. Vous prétendiez qu'elles devaient soutenir la croissance. Je vous laisse le soin d'examiner ce qu'il en a été : elles n'ont eu aucun effet. Dès lors, pourquoi aller plus loin et pourquoi consentir cette année, d'abord 1 % de baisse d'impôt supplémentaire, ensuite ce cadeau ? Pour les privilégiés, c'est comme on dirait fromage et dessert !
    M. Jean-Pierre Brard. Avec le cholestérol en prime !
    M. Augustin Bonrepaux. J'ai expliqué combien le cumul de ces déductions était excessif, et même exorbitant pour les plus hauts revenus. Pour un revenu annuel imposable de 150 000 euros, c'est-à-dire 1 million de francs, le cadeau fiscal atteint 37 000 francs. J'aimerais bien savoir combien, monsieur le ministre, combien de contribuables auront droit à ce cadeau fiscal de 37 000 francs par tête. Et que dire des revenus qui atteignent 2 millions de francs, autrement dit 300 000 euros ! Le cadeau atteindra 60 000 francs. Combien seront-ils à en bénéficier ? Tout cela, les statistiques devraient permettre de le savoir, de même que le nombre de familles bénéficiant de la déduction totale.
    Vous dites qu'il faut cesser de tromper les gens, que 1,5 million de familles devraient en bénéficier. Mais, monsieur le ministre, je vous pose la question : combien vont bénéficier de la déduction totale ? Certaines familles qui touchent le SMIC, ou un salaire très modeste, emploient des salariés à domicile. Celles-là ont bien sûr une déduction. Mais ce ne sont pas elles qui seraient concernées par votre supplément, ce sont les autres, et elles ne sont pas 1,5 million !
    Ces chiffres que je vous demande, monsieur le ministre, il est important que l'opinion publique les connaisse. Elle pourra comparer : on accorde aux uns une déduction fiscale globale de 37 000 ou 60 000 francs pour l'année, mais aux autres ? M. le rappporteur général ne cesse de répéter : « Mais voyez donc ! Nous faisons quelque chose pour la prime pour l'emploi, pour les travailleurs qui n'ont rien ». A ceci près que pour ceux-là, en tout et pour tout, c'est 100 millions d'euros à diviser par 5 millions de travailleurs. Car les services de M. le ministre ont été incapables de faire la soustraction tout à l'heure : si 3,2 millions de travailleurs bénéficieront de l'augmentation au titre du temps partiel, ils sont plus de 8 millions à toucher la prime pour l'emploi. Ce sont bien 5 millions qui devront se partager une augmentation de 100 millions, soit 20 euros par tête...
    Alors comparez ! Au cours de ce budget vous donnez 20 euros en moyenne à chacun des 5 millions de travailleurs qui perçoivent la prime pour l'emploi ; pour les autres, c'est de l'ordre de 30 000 à 40 000 francs. Voilà votre conception de la justice !
    Nous avons, en commission, proposé un amendement pour que tout le monde puisse bénéficier de la réduction pour emploi à domicile. En effet, parmi nos concitoyens qui ne sont pas imposables, il y en a 600 000 qui emploient un salarié à domicile, pas à temps complet, bien sûr, car ils n'en n'ont pas les moyens, mais à temps partiel. Pour ceux-là, il n'y a rien ! Nous avons donc suggéré de transformer pour eux la déduction en crédit d'impôt. Je ne sais pourquoi M. le président de la commission des finances nous a opposé l'article 40. Notre amendement ne pourra donc pas être débattu en séance.
    En tout cas, nous démontrons bien que votre dispositif, et l'ensemble des mesures fiscales de ce budget, sont destinées davantage à accorder des cadeaux fiscaux aux privilégiés qu'à soutenir l'emploi et à lutter contre les inégalités.
    Nos amendements auront donc pour objectif de supprimer ce dispositif. Grâce à notre insistance, nous avons obtenu que l'avantage ne soit pas rétroactif en quelque sorte : pourquoi donner un cadeau supplémentaire pour des recrutements déjà effectués ?
    Pour le reste, si aucune amélioration n'y est apportée, ce dispositif constituera une inégalité flagrante au détriment de toutes les catégories les plus modestes. C'est un scandale !
    M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand.
    M. Xavier Bertrand. La caricature est un art plus difficile qu'il n'y paraît : à force de grossir le trait, on en oublie l'essentiel.
    En l'occurrence, on ne saurait réduire l'article 4 à la seule mesure d'ordre fiscal qu'il comporte. Il s'agit aussi, comme pour d'autres mesures pragmatiques de ce budget, d'une mesure en faveur de l'emploi.
    Peut-on juger du poids de ce secteur d'activité à la seule aune du nombre de familles concernées ? On y compte près de 2 millions d'employeurs, un million de salariés. Ce sont 5 milliards d'euros de salaires et 470 millions d'heures déclarées. C'est dire qu'il mérite mieux qu'une caricature !
    Voilà un secteur d'activité qui cherche à être reconnu à sa juste valeur et qui souhaite des interventions publiques stabilisées et qui lui soient vraiment favorables. Il faut en finir avec les errements du passé. De gros efforts de revalorisation sont nécessaires : à peu près 10 000 personnes par an bénéficient d'une formation.
    La réduction d'impôt qui figure à l'article 4 renvoie à bien autre chose, et d'abord à un phénomène social : près de 63 % des deux millions d'employeurs de ce secteur et 90 % des salariés sont des femmes. Vous aurez du mal à les convaincre de ce dont vous nous avez abreuvés. Les femmes de ce pays veulent travailler et concilier vie privée et vie professionnelle. Or leur métier n'est pas toujours compatible avec les modes de garde collectifs, lesquels sont du reste insuffisants.
    Alors, il faut raison garder, ne serait-ce qu'au regard de ce phénomène.
    Mais, avant tout, il s'agit d'une mesure pour l'emploi.
    M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !
    M. Xavier Bertrand. Ce secteur souffre d'une pénurie de main-d'oeuvre, due en particulier au manque de revalorisation. Toutes les associations qui interviennent dans ce domaine souhaitent, grâce à cette mesure, revaloriser et développer l'emploi.
    Notre objectif n'est pas seulement d'ordre fiscal : nous cherchons bien, par ce biais, à développer l'emploi.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas une mesure sociale ! Choisissez-en une autre !
    M. Xavier Bertrand. Les employeurs et les fédérations proposent d'autres initiatives allant en ce sens, notamment la mise en place dans les ANPE d'une cellule « emplois familiaux ».
    La présente disposition fiscale permettra à la fois d'augmenter le nombre d'emplois mais aussi le nombre d'heures de travail des salariés. Pour nous, ce recul de la précarité s'accompagnera forcément d'un recul du travail clandestin. C'est très important.
    Enfin, elle anticipe sur l'explosion prévisible, dans les années qui viennent, des services de proximité et des services à la personne. Il y a là un véritable gisement d'emplois, et d'emplois pérennes. Car il s'agira d'aider les personnes âgées ou handicapées, de s'occuper des tâches ménagères bien sûr, mais aussi des enfants, et pas seulement de garder les tout-petits - j'en ai parlé tout à l'heure -, mais aussi de ramener de l'école les plus grands, ce qui n'est pas sans poser des problèmes.
    Je crois avoir montré que l'article 4 se justifie pleinement parce que, au-delà de la seule réduction d'impôt, nous y voyons, nous, sans oeillères et sans idéologie, avant tout un article pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre-Brard. Quand on est aveugle, on n'a pas besoin d'oeillères, monsieur Bertrand ! (Sourires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est une réponse un peu légère à une intervention aussi excellente et aussi argumentée !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous noyez le poisson, monsieur Bertrand, et que le rapporteur général vienne à la rescousse - ce dont vous avez bien besoin - ne change rien au fond de l'affaire.
    M. Bertho Audifax. Quel prétentieux !
    M. Jean-Pierre Brard. Où avez-vous trouvé vos associations monsieur Bertrand ? Dans le VIIe, le VIIIe, le XVIe arrondissement ? Chez moi, je n'en ai pas reçu de telles !
    Examinez bien le contenu de l'article 4 du projet de loi : c'est de contribuables fortunés que vous allez améliorer l'avantage, dans une proportion qui est loin d'être marginale. A moins que vous ne nous démontriez le contraire, ce sont quelques dizaines de milliers de contribuables qui vont bénéficier de la mesure en question. Si je précise ce chiffre, c'est pour que vous ne puissiez plus vous cacher derrière les vocables que vous utilisez d'habitude : « les familles », « les ménages ». Il est vrai qu'il n'est pas interdit, même aux plus riches, d'avoir des enfants ! (Rires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ils en ont le droit !
    M. François Goulard. C'est tout juste !
    M. le président. Laissez M. Brard s'exprimer !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie, monsieur le président. Je reconnais là votre sentiment d'équité et la manifestation de la solidarité « séquanodionysienne » !
    M. le président. N'en rajoutez pas, je vais perdre des amis ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous auriez intérêt à en perdre certains, vous y gagneriez mon estime ! (Rires.)
    M. le président. Poursuivez, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. En réalité, vous faites un cadeau à des gens qui n'en ont pas besoin puisque, sauf exceptions rarissimes, et alors que vous avez refusé le coup de pouce que nous demandions pour le SMIC, vous allez ainsi accorder un avantage pour financer des emplois qui existent déjà et qui sont déjà rémunérés. C'est donc un cadeau idéologique que vous faites ! L'argent va à l'argent, bien sûr. Vous faites financer, par l'impôt, du personnel de maison. Ça vous gêne qu'on le dise. Ce ne sont donc pas des mesures qui traduisent une politique familiale. Vous avez recours à ce vocabulaire pour dissimuler la réalité de vos objectifs.
    Je ne vous cache pas, chers collègues de la majorité, qu'à force de vous entendre - mais ce n'est pas la première fois, nous en avions pris l'habitude de 1993 à 1997 - on se demande : « Quelle est, diable, leur motivation ? »
    M. Daniel Mach. L'emploi !
    M. Jean-Pierre Brard. Sont-ce des nantis ? Je conviens que, si vous les représentez, la plupart du temps, vous n'en êtes pas. La rémunération d'un député ne peut être mise en balance avec les privilèges de ceux qui dirigent les grandes multinationales, par exemple.
    M. Michel Bouvard. Merci de le rappeler !
    M. Jean-Pierre Brard. Seriez-vous alors au service des nantis ? Ceux que, autrefois, on aurait appelé des « laquais ».
    M. Charles de Courson. Des valets ? Alors là !
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà quelqu'un qui sait mieux que moi de quoi il est question ! n'est-ce pas, monsieur de Courson ?
    Non, sauf exception, on ne peut pas dire cela non plus. Je dis « sauf exception », car ceux qui participaient à l'audition de Jean-François Mattei, lors de la réunion commune de la commission des finances et de la commission de la production - et M. Méhaignerie était présent - ont entendu l'un de nos collègues s'exprimer au nom du lobby pharmaceutique. Les porte-voix des lobbies sont une tradition dans cette assemblée. Ceux-là pourraient effectivement être comptés au nombre des valets. Mais ils sont peu nombreux.
    En réalité, vous êtes complément imprégnés d'une idéologie qui vous met au service des privilégiés. Mais il faut reconnaître que la plupart d'entre vous ont néanmoins une qualité : l'habileté. Il faut bien admettre, monsieur le ministre, qu'au Gouvernement, un certain nombre, dont vous êtes, et c'est tout à votre honneur, sont fort habiles. Tous ne le sont pas d'ailleurs et vous en connaissez comme moi, mais je n'aurai pas la cruauté de citer leur nom.
    M. Charles de Courson. Pas d'insinuation, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Certains vous sont très proches, monsieur le ministre !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. D'ailleurs, M. le président les avait identifiés comme moi, et il ne croit pas à vos signes de dénégation.
    M. François Goulard. Et si l'on revenait au débat ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Goulard, je comprends bien que vous souhaitiez qu'on ne discute pas de votre politique...
    M. François Goulard. Mais si justement, ne parlez pas d'autre chose !
    M. Jean-Pierre Brard. ... et que vous ne vouliez pas qu'on souligne à quel point vous êtes au service des privilégiés.
    Je terminerai mon propos, si vous voulez bien ne pas m'interrompre. En réalité, votre habileté consiste à essayer de faire prendre des vessies pour des lanternes, et à faire croire à nos concitoyens que vous prenez des mesures dans l'intérêt du plus grand nombre, alors qu'elles ne bénéficient qu'à des gens qui n'en ont pas besoin.
    C'est bien la preuve que votre politique, contrairement au vocabulaire que vous utilisez, n'est pas inspirée par le pragmatisme, mais par l'idéologie la plus réactionnaire, la plus à droite qu'on ait connue depuis longtemps.
    M. Charles de Courson. Le mot est lâché !
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Nous voudrions d'abord, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez précisément le nombre de familles concernées.
    M. François Goulard. J'ai déjà entendu ça quelque part !
    M. Gérard Bapt. Cette précision, qui vous a été réclamée par M. Migaud et M. Bonrepaux, je pense qu'elle est due à l'ensemble de la représentation nationale.
    Nous savons que, lorsque cette mesure a été instituée, elle concernait 69 000 familles. Mais aujourd'hui, combien sont concernées ? Sans doute moins de 100 000 ; mais 600 000 familles bénéficiant déjà par ailleurs d'une réduction d'impôt pour l'emploi à domicile ne profiteront pas cette mesure.
    Par ailleurs, elle me semble illogique à deux points de vue, y compris dans le discours du Gouvernement.
    D'abord, ce serait une mesure pour l'emploi. Mais si c'était le cas, il faudrait déjà qu'elle concerne l'ensemble des familles qui emploient des salariés à domicile pour les inciter, soit à augmenter les plages de travail des salariés concernés, soit à en embaucher davantage. Au-delà, cette mesure pourrait aussi concerner des familles qui, à l'heure actuelle, n'emploient pas de salariés à domicile, ou du moins ne les déclarent pas, car elles n'y ont aucun intérêt, n'étant pas imposables. Seul un crédit d'impôt pourrait les inciter à le faire. Donc, si vous vouliez véritablement consacrer 74 millions d'euros à l'emploi, il fallait affecter cette somme à la création d'un crédit d'impôt.
    Le second élément qui me paraît totalement illogique dans votre discours, c'est celui qu'a exposé M. Albertini en commission des finances, lorsqu'il a proposé un amendement tendant à ce que les personnes non imposables paient un impôt minimal, symbolique, le but recherché étant de créer un lien entre tous les contribuables, même non imposables, et l'Etat, à travers l'impôt. Or, avec vos mesures, vous faites l'inverse, puisque le rapport nous apprend qu'un couple marié de deux actifs, avec deux enfants à charge, qui déclarerait 60 000 euros et qui devrait donc, en 2003, acquitter 4 279 euros d'impôt sur le revenu, s'il a un salarié à domicile à temps plein, payé au SMIC, pourrait réduire sa cotisation de 5 000 euros, c'est-à-dire qu'il ne paierait plus du tout d'impôt sur le revenu, même pas la contribution symbolique de 5 euros réclamée par M. Albertini. Quant au célibataire qui déclarerait 23 000 euros de revenu imposable, s'il emploie un salarié dans les mêmes conditions, lui non plus ne paiera plus du tout d'impôt.
    Outre que cette mesure nous choque sur le plan de la justice fiscale, elle nous semble totalement antiéconomique s'agissant de son effet sur l'emploi, et totalement illogique compte tenu du discours général que vous nous tenez sur le rapport du contribuable à l'Etat et à la solidarité d'ensemble, selon laquelle chacun des citoyens doit contribuer à mesure de ses facultés.
    Vous auriez le temps, monsieur le ministre, d'ici à la deuxième lecture, de nous proposer un autre système qui bénéficierait à l'emploi et serait plus respectueux de la justice fiscale, à savoir un crédit d'impôt.
    M. Charles de Courson. Que ne l'avez-vous fait !
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Je veux bien qu'on ait en permanence la justice fiscale à la bouche et qu'on dénonce les cadeaux faits à des privilégiés.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est cela, vous avez bien compris, monsieur Bouvard !
    M. Michel Bouvard. Je n'oublie pas qu'ici, une autre majorité a, en son temps, refusé des amendements que j'avais déposés pour signifier que l'exonération de la vignette ne devait pas forcément concerner les propriétaires de Rolls-Royce ou de véhicules de grosse cylindrée qui payaient, dans le conseil général où je suis vice-président aux finances, 15 000 francs à l'époque, alors que dans le même temps, les propriétaires de véhicules de plus de cinq ans et de moins de quatre chevaux ne retiraient de cette mesure qu'un bénéfice de 120 francs !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est juste !
    M. Michel Bouvard. Pouvez-vous nous donner des leçons, alors que vous avez décidé d'instaurer une allocation personnalisée d'autonomie pour toutes les personnes, quel que soit leur niveau de ressources - cela a été évoqué hier - avec pour résultat d'accroître les actifs successoraux de certaines ?
    Faisons montre les uns et les autres d'un peu de pudeur dans ces affaires !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez toujours été un peu gauchiste ! Voilà pourquoi vous avez eu des ennuis avec vos amis !
    M. Michel Bouvard. Je voudrais, reprenant certains des propos exprimés avec intelligence par Xavier Bertrand, me placer de deux points de vues.
    D'abord, celui du salarié. Si, comme cela a été dit, moins de 100 000 familles sont concernées, il y a tout de même autant de salariés qui le sont, soit plusieurs dizaines de milliers, qui peuvent en attendre un peu moins de précarité dans leur emploi, par un allongement de la durée de leur travail.
    Je vous renvoie au débat que nous avons eu quand la majorité précédente a décidé d'abaisser le seuil. Je me souviens avoir reçu à l'époque des lettres de l'IRCEM, Institution de retraite complémentaire des employés de maison, l'organisme qui collecte la part qui ne relève pas de l'URSSAF sur ces emplois. Ses responsables qui sont des administratifs, des techniciens, et non pas des politiques comme nous, qui n'ont donc pas de vision partisane des choses, disaient qu'il y avait un risque de diminution d'activité pour certains salariés. Et c'est effectivement ce qui s'est passé.
    M. Charles de Courson. Et un risque de travail au noir !
    M. Michel Bouvard. Là, nous pouvons espérer consolider la durée d'activité. Nous pouvons espérer aussi favoriser une revalorisation des feuilles de paie, améliorer par conséquent la situation de ces salariés et donc revaloriser un métier dans lequel, mes chers collègues, nous savons que la demande de main-d'oeuvre n'est pas satisfaite. C'est notamment le cas dans tout le secteur de l'accompagnement des personnes âgées.
    Et ce constat, nous le faisons tous. Y en a-t-il un seul parmi nous qui n'ait jamais reçu dans sa permanence des familles venues lui expliquer qu'elles ont des grands-parents âgés, qui sont dans une situation non de grande dépendance mais de semi-dépendance, et qu'on ne trouve personne pour leur donner un coup de main, pour faire le ménage ou leur donner des soins ? La revalorisation de ces emplois - parce qu'il s'agit aussi de cela - est donc nécessaire.
    Et puis, comme notre collègue Xavier Bertrand l'a fort bien dit, il y a des gens qui, parce qu'il n'y a pas de système de garderie adapté à leur situation, ont besoin d'avoir recours à des personnes à domicile. C'est le cas notamment dans un secteur que je connais très bien : celui du tourisme d'hiver. Pour ceux qui travaillent dans ce secteur, et il y en a un certain nombre dans ma circonscription, le problème est réel - de même que pour ceux qui travaillent dans le tourisme littoral. Les communes ne vont pas investir dans des équipements tels que les crèches et les haltes-garderies pour trois ou quatre mois par an.
    Si des couples occupés à travailler du matin très tôt jusqu'au soir très tard peuvent trouver des solutions intelligentes pour garder leurs enfants, cela va dans le bon sens, et notamment dans le sens de la liberté de travailler pour les femmes qui veulent faire ce choix alors qu'elles ont des enfants en bas âge. C'est aussi un aspect à ne pas négliger.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais pour cela, les dispositions actuelles suffisent.
    M. Michel Bouvard. Pour ne pas être trop long, j'ajouterai seulement que je me réjouis de l'amendement à l'article 4 déposé par Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez. Il limite opportunément l'effet d'aubaine que l'on peut reprocher à cet article dans sa rédaction initiale. L'amendement n° 318 rectifié permet de bien recaler les choses, afin que cette mesure ait bien les effets que nous en attendons : à partir du 1er novembre prochain, les gens seront incités à embaucher ou à améliorer la rémunération de ceux qu'ils emploient et le plafond prévu par le Gouvernement s'appliquera, quant à lui, à partir du 1er janvier.
    Eviter les effets d'aubaine qui peuvent être choquants, chers collègues de l'opposition, c'est aussi une préoccupation des députés de l'Union pour la majorité présidentielle. Ceux-ci sont également soucieux, dans une période qui n'est pas facile, et où la ressource de l'Etat est rare, de concentrer l'argent public sur les mesures qui peuvent avoir au contraire un effet de levier.
    M. le président. Avant d'appeler les amendements identiques n°s 1 et 219, j'informe l'Assemblée que, sur le vote de ces amendements, il y aura un scrutin public à la demande du groupe socialiste.
    Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Je suis saisi, donc, de deux amendements identiques, n°s 1 et 219.
    L'amendement n° 1 est présenté par MM. Brard, Sandrier, Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 219 par MM. Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiard, Bapt, Claeys, Bourguignon, Mme Lignières-Cassou, M. Dumont, Mme Guinchard-Kunstler et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 4 ».
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 1.
    M. Jean-Pierre Brard. Faut-il que vous ayez du mal à défendre vos thèses, monsieur Bertrand, pour que tant de nos éminents collègues viennent à votre rescousse ! Michel Bouvard, qu'on a connu plus inspiré dans ses propos, mésestime le fait que les dispositions actuelles répondent tout à fait aux besoins de ses électrices enthousiastes qui travaillent dans le secteur d'activité dont il parlait. Il n'y a pas besoin d'en faire plus. En outre, vous le savez comme nous, monsieur Bouvard, ces personnes ne sont pas celles qui bénéficieront de la disposition nouvelle proposée dans l'article 4.
    Cette mesure de relèvement du plafond des dépenses éligibles à la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile est tout à fait symbolique de l'attention permanente que manifeste la majorité actuelle à l'égard des contribuables nantis. Pour tenter de dissimuler cette caractéristique, vous parlez, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, de « soutien aux familles », comme s'il existait un point commun entre les familles qui habitent les beaux quartiers et celles qui vivent dans nos banlieues ou les lointains villages. Vous vous gardez bien de faire des distinctions selon que leur niveau de vie leur permet ou non de se payer le confort, pour ne pas dire le luxe, d'un ou plusieurs employés à domicile.
    Un smicard qui vous écouterait d'une oreille un peu distraite pourrait croire, pour peu qu'il soit chargé de famille, qu'il va bénéficier de votre sollicitude envers les familles en général ! Cela fait partie de vos habituelles manipulations du langage...
    M. Yves Censi. C'est un expert qui parle !
    M. Jean-Pierre Brard. ... destinées à gommer dans le discours, mais dans le discours seulement, les différences sociales, que vous ne souhaitez pas réduire, et que vous accentuez.
    De bénéfice pour les smicards, il n'y en aura bien sûr aucun. Car la mesure est par nature ciblée et va bénéficier à ceux qui n'en ont nul besoin, si ce n'est pour financer leur domesticité aux fraix du contribuable.
    M. Michel Vaxès. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l'amendement n° 219.
    M. Didier Migaud. Nous ne sommes pas du tout convaincus par les arguments qu'avancent nos collègues de la majorité. Je voudrais d'ailleurs leur faire observer que le rapporteur général fait lui-même apparaître dans son rapport que la réduction de l'avantage fiscal, en 1998, n'a eu aucune conséquence sur la progression des effectifs. Selon ses estimations, il y avait en 1997 494 000 salariés dans les services domestiques. En 1998, ils étaient 517 000, puis 539 000 en 1999. Je m'arrête là dans cette énumération, mais on voit bien qu'il y a une augmentation constante.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais la durée du travail a diminué, cher collègue.
    M. Didier Migaud. Il y a une augmentation constante. Je ne pense donc pas que l'argument selon lequel cette mesure irait dans le sens du soutien à l'emploi soit un bon argument.
    De plus, si tel était bien le but de cette mesure, il faudrait l'étendre à la totalité des employeurs concernés.
    M. Augustin Bonrepaux. Bien sûr !
    M. Didier Migaud. Vous l'avez dit vous-même, les employeurs concernés sont au nombre de 2,2 millions de foyers. Or, seuls profitent de la réduction d'impôt 1,7 million d'entre eux.
    M. Michel Bouvard. Ce n'est pas négligeable !
    M. Didier Migaud. Plusieurs centaines de milliers de familles ne bénéficient donc pas de ce dispositif. Et parmi ces 1,7 million de familles qui bénéficient de la réduction d'impôt, seules quelques dizaines de milliers pourront profiter de la réduction supplémentaire que vous proposez. Nous sommes tout à fait favorables à des mesures d'incitation à la création d'emplois, mais, si c'est aussi ce que vous souhaitez, il faut adopter une disposition qui concerne non pas quelques dizaines de milliers de familles, mais les 2,2 millions de foyers qui emploient des salariés à domicile, lesquels méritent d'être pris en considération.
    Votre mesure aura pour conséquence de rendre non imposables des contribuables qui ont tout à fait les moyens d'acquitter un impôt sur le revenu. On se trouvera même parfois dans la situation paradoxale où l'employeur ne paiera plus d'impôt sur le revenu alors que son employé, peut-être dans le cadre d'un foyer fiscal, lui, le paiera !
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. Gérard Bapt. Ah, ce serait bien, ça !
    M. Didier Migaud. C'est cela que vous appelez la justice fiscale ? Non, monsieur Bouvard, cette mesure est contraire à la justice fiscale, et c'est pourquoi je suis étonné de ne pas vous retrouver à nos côtés pour vous y opposer.
    M. Gérard Bapt. Vous nous décevez, monsieur Bouvard !
    M. Didier Migaud. Car vous nous aviez habitués à être du côté de la justice fiscale en vous opposant à des mesures qui la bafouaient.
    La disposition proposée dans cet article 4 continuera à avoir un effet d'aubaine, même si l'amendement dont vous avez parlé viendra le corriger. Et on ne peut pas dire qu'elle aura pour caractéristique première de privilégier l'emploi. D'ailleurs, Nicolas Sarkozy avait eu, en 1994, un élan de sincérité...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous l'aimez beaucoup, décidément !
    M. Didier Migaud. ... quand il avait reconnu que la mesure en question avait essentiellement pour vocation de réduire l'impôt sur le revenu des foyers qui se situaient dans la tranche supérieure. La vocation première de cet article, elle est bien là. Et c'est pourquoi nous proposons sa suppression.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces deux amendements de suppression. Nous estimons que la mesure proposée par le Gouvernement est excellente.
    Tout d'abord, le soutien fiscal aux emplois à domicile est une politique ancienne, et c'est une politique éprouvée, dont on peut mesurer aujourd'hui les résultats. Je rappelle qu'elle a été mise en oeuvre par la loi de finances rectificative de 1991...
    M. Didier Migaud. Nous l'assumons !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et qu'elle n'a jamais été remise en cause depuis dix ans, même si le plafond a varié - à la hausse en 1996, à la baisse en 1998.
    M. Didier Migaud. Admettez que cela a son importance !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pourquoi cette mesure fiscale, qui relève en réalité de la politique de l'emploi, comme l'a si bien dit tout à l'heure Xavier Bertrand, n'a-t-elle pas été remise en cause ?
    Tout simplement parce qu'elle a donné des résultats très positifs. Deux chiffres suffisent pour le montrer. Le premier : il y a, en 2002, 556 000 salariés à domicile. Et encore, dans ces 556 000 ne sont pas comptés ceux qui sont mis à disposition par des intermédiaires, par exemple des associations.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce chiffre montre à quel point l'emploi salarié à domicile s'est développé.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais nous sommes d'accord. Qui a dit le contraire ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Deuxième chiffre : 1 540 000 foyers bénéficient de la réduction fiscale. Mais, comme vous l'avez dit, monsieur Migaud, 2,2 millions ont des salariés à domicile.
    M. Didier Migaud. Nous sommes bien d'accord !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette politique a parfaitement réussi, à ceci près que, quand on observe l'évolution du nombre des employés depuis deux ans, on constate un fléchissement.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est normal, Messier est au chômage. (Sourires.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 2001, ils étaient 564 000, et ils ne sont plus que 556 000 en 2002.
    M. Didier Migaud. Mais l'année 2002 n'est pas finie ! Comment avez-vous pu les dénombrer en 2002 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'essoufflement de cette politique est très probablement lié à la question du plafond. C'est pourquoi, du point de vue de l'emploi - et nous sommes, avec cet article, au coeur de la politique de l'emploi -, hausser le plafond comme nous le propose le Gouvernement est une excellente mesure. La différence entre 6 900 euros et 10 000 euros, c'est ce qui correspond à un emploi à mi-temps, charges incluses.
    L'évolution de la société qui a été rappelée tout à l'heure par Xavier Bertrand et Michel Bouvard montre bien que, tant pour la garde des enfants que pour les services aux personnes âgées partiellement dépendantes, les besoins sont immenses. Nous en avons tous des témoignages dans nos circonscriptions. Dans celle dont je suis l'élu, qui est située à proximité de Paris - et à l'est de Paris -, 80 % des enfants inscrits en maternelle et en primaire déjeunent à la cantine. Pourquoi ? Parce que leurs parents travaillent tous les deux et ont, si on inclut les temps de transport, des horaires très lourds. Ces parents sont obligés d'avoir des salariés à domicile. Souvent, ils se regroupent pour partager le coût de la garde. Rendre possible la création d'emplois à mi-temps en relevant le plafond de 6 900 à 10 000 euros, cela correspond bien à des besoins sociaux avérés. A cet égard, j'ai été frappé par la convergence entre les témoignages d'un élu de l'Aisne, d'un élu de Haute-Savoie et de l'élu du Val-de-Marne que je suis. Même à Montreuil, mon cher collègue Brard, je suis sûr que vous observez les mêmes phénomènes.
    M. Jean-Pierre Brard. Mes lunettes ne sont pas aussi performantes que les vôtres !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En fait, la vraie question, comme notre collègue Michel Bouvard l'a très bien dit il y a un instant, c'est celle de la date de la mesure. Car, je le répète, il s'agit d'abord de favoriser l'emploi, c'est-à-dire la création d'emplois ou - et cela semble vous avoir échappé, chers collègues de l'opposition - l'augmentation de la durée du travail dans le cadre de ces contrats d'emplois à domicile.
    Au sein de la commission des finances nous estimons et, je crois pouvoir le dire, de façon unanime, que dans la mesure où ce dispositif concerne l'emploi, il doit être incitatif et non pas rétroactif. Or pour être incitatif, il doit prendre effet immédiatement. C'est pourquoi le président de la commission des finances a proposé un amendement tendant à ce que cette mesure prenne effet à partir du 1er novembre 2002.
    Je pense que ce dispositif aura deux conséquences sur l'emploi. Dans les deux mois qui viennent, c'est vrai, il n'y aura probablement pas de créations de nouveaux emplois.
    M. Augustin Bonrepaux. Alors quand ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais il y aura très certainement une extension de la durée du travail dans le cadre des emplois existants.
    Et en 2003, la mesure prendra pleinement effet. Au printemps, les Français constateront que leur déclaration de revenus 2002 en porte déjà la trace. Or, vous savez comment sont nos compatriotes : pour croire, ils sont un peu comme saint Thomas, il faut qu'ils voient, qu'ils touchent.
    M. Michel Bouvard. Et ils ont raison !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est pourquoi je suis sûr que la mesure prendra pleinement effet en 2003.
    Par ailleurs, monsieur Migaud, le chiffre des familles actuellement plafonnées est, c'est exact, inférieur à 100 000 : il est de 70 000 (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais ce chiffre ne veut strictement rien dire. Vous, vous avez une vision complètement statique des choses.
    M. Pierre Hellier. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les enquêtes montrent que des dizaines de milliers de familles sont juste au-dessous de ce seuil, et je ne parle même pas de la fraction de travail qui se fait au noir parce que ce qui est déclaré est en deçà du seuil. Ce sont des dizaines de milliers de familles qui vont soit augmenter...
    M. Didier Migaud. Voilà l'aveu : 70 000 familles sur 2,2 millions. Et vous appelez cela une mesure pour l'emploi !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ecoutez-moi bien, cher collègue Migaud, ce sont des dizaines de milliers de familles qui vont soit augmenter la durée du travail dans le cadre des contrats existants, soit - et je peux témoigner que c'est ce qui se passera dans ma circonscription - vont procéder à de nouvelles embauches dans le cadre de ces mi-temps dont je parlais à l'instant.
    C'est donc une excellente mesure pour l'emploi, monsieur le ministre,...
    M. Pierre Hellier. Excellente !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et que nous souhaitons vraiment voir adoptée. Et parce que c'est une mesure pour l'emploi, nous demandons qu'elle prenne effet toute de suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le débat a été large et je dois reconnaître que je partage tous les points de vue qui ont été exprimés par les représentants de la majorité. Je serai donc bref.
    Les objectifs de l'action publique manquent trop souvent de clarté. Mais là, l'objectif du Gouvernement est clair : c'est l'emploi, en particulier dans les secteurs où la demande est forte. Et c'est le cas du secteur des services aux familles, que ce soit pour la garde des enfants à domicile ou pour le maintien à domicile des personnes âgées. C'est un secteur qui permet, par le biais de la voie associative, d'offrir des emplois à des personnes qui en sont privées.
    M. Patrice Martin-Lalande. Bien sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En outre, offrir un emploi à une personne qui en cherche un, c'est lui donner la chance de se réaliser. Et cet argument permet de relativiser la tentative de diabolisation à laquelle certains se livrent à propos de cette mesure fiscale. Permettre à une personne dépourvue de qualification - cette qualification, elle va l'acquérir précisément en exerçant son métier de service - de trouver un emploi constitue notre premier devoir. N'ayons donc aucune hésitation !
    M. Gérard Bapt. Nous sommes d'accord !
    M. Didier Migaud. Là n'est pas le problème !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De surcroît, les emplois publics seraient-ils les seuls à être des emplois nobles dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mesdames, messieurs les députés, soyons fiers de vivre dans un pays qui incite tous ceux qui en ont les moyens à créer des emplois, et n'éprouvons pas de regret d'accorder une réduction d'impôt pour cela !
    M. Pierre Hellier. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que le seul moyen de résoudre le problème de l'emploi consiste à créer des emplois publics. Cela a été fait et cela a été un échec !
    M. Charles de Courson. Un échec patent !
    M. Didier Migaud. Deux millions de créations d'emploi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La politique qui vous est proposée est une politique responsable. Elle remplit de très nobles objectifs : offrir des emplois ; répondre aux besoins des familles, à la fois pour la garde d'enfant et le maintien à domicile de personnes âgées ; donner une solvabilité grâce à la réduction d'impôt.
    En conséquence, le Gouvernement demande le rejet de ces deux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. L'article 4 et les deux amendements ayant déjà fait l'objet de longs développements, je me bornerai à ajouter quelques mots.
    D'abord, on ne peut pas donner plus à une personne qui n'a pas de travail que de lui en donner un, car cela lui permet de retrouver sa dignité.
    M. Didier Migaud. Nous sommes bien d'accord ! Là n'est pas le problème !
    M. Marc Laffineur. Par conséquent, toutes les mesures qui vont dans ce sens doivent être soutenues, et c'est d'ailleurs ce que vient de dire M. le ministre.
    Ensuite, nous voyons tous dans nos circonscriptions ou dans nos mairies, si nous sommes maires, des personnes âgées en grande difficulté qui sont placées devant le choix suivant : soit prendre une personne à domicile - mais encore faut-il en avoir les moyens - soit aller dans une maison de retraite à leur corps défendant. Eh bien, nous devons être fiers de leur donner la possibilité de choisir et de leur permettre de prendre quelqu'un à domicile pour rester chez elles.
    M. Patrice Martin-Lalande. Sur le plan humain, c'est tout de même mieux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. De surcroît, le maintien à domicile coûte beaucoup moins cher à la collectivité, en particulier aux conseils généraux,...
    M. Pierre Hellier. Bien sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... que les maisons de retraite où le service offert aux personnes âgées n'est pas forcément celui qui leur convient le mieux. Nous devons donc offrir à chacun la possibilité de rester chez lui.
    Il en va de même pour les familles qui ont des enfants. Elles doivent pouvoir, elles aussi, choisir de prendre une personne à domicile pour garder leurs enfants. Au reste, cela ne représente qu'un travail à mi-temps, dont le coût n'est pas faramineux. Et, là aussi, cela coûte moins cher pour les collectivités qu'un enfant soit gardé au domicile de ses parents que placé en crèche : le montant des subventions accordées aux crèches par les collectivités est bien supérieur à celui des aides allouées aux familles.
    Je ne vois pas au nom de quel principe on pourrait refuser d'accorder une telle aide, d'autant que tout le monde est gagnant...
    M. Gérard Bapt. Ceux qui reçoivent le crédit d'impôt !
    M. Marc Laffineur. ... d'un bout à l'autre de la chaîne.
    Enfin, je soutiens l'amendement n° 318 rectifié de Gilles Carrez et Pierre Méhaignerie qui tend, puisque le but de la mesure est de créer des emplois, à faire en sorte que celle-ci ne s'applique qu'à partir du 1er janvier 2003 afin qu'il n'y ait par un effet d'aubaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour une très courte intervention.
    M. Jean-Claude Sandrier. Notre rapporteur général, qui a été passionné, voire presque convaincant, a déplacé le débat en élargissant le problème à celui de l'emploi.
    S'agissant de la garde des enfants, que se passe-t-il ? D'abord, la mère bénéficie d'un congé maternité ; ensuite, il est possible d'obtenir un congé parental ; enfin, l'enfant va à l'école. La garde des enfants peut se faire soit à la crèche soit au domicile. Toutefois, j'indique à M. Laffineur que les emplois à domicile ne l'empêcheront pas d'être obligé de construire des crèches.
    M. Marc Laffineur. Il faut les deux ! Il faut laisser le choix !
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Jean-Claude Sandrier. Mon argument est imparable parce que tout le monde ne peut pas avoir des emplois à domicile.
    En général, après le congé parental, les parents ont recours aux aides maternelles. Que voulez-vous faire ? Priver d'emploi un certain nombre d'aides maternelles ?
    M. François Goulard. Mais non !
    M. Jean-Claude Sandrier. Mais si ! Le système peut avoir cette conséquence : s'il fonctionne, il y aura forcément des aides maternelles en moins, car on leur prendra leur travail.
    M. Marc Laffineur. Il y a vraiment un abîme entre nous !
    M. Jean-Claude Sandrier. Par conséquent, il faut établir un équilibre. Mais je pense que vous allez pouvoir me répondre sur ce point, monsieur le ministre.
    En ce qui concerne les personnes âgées, certain semblent avoir oublié la mise en oeuvre d'APA, même si on entend beaucoup les présidents des conseils généraux évoquer cette question. J'ajoute que l'APA est accordée en fonction des revenus.
    M. Michel Bouvard. Non ! On ne peut même pas la refuser à une personne qui est assujettie à l'ISF !
    M. Jean-Claude Sandrier. Or on sait d'ores et déjà dans les départements - en tout cas, c'est le cas dans le mien - que la mise en oeuvre de l'APA a contribué à la création d'emplois. Cela permet aux personnes âgées, auxquelles nous sommes tous particulièrement attachés et dont la situation nous préoccupent, de bénéficier tout au long d'une journée ou une partie de celle-ci de l'aide de personnes à domicile.
    En fait, le chiffre qu'a cité le rapporteur général montre que très peu de familles seront concernées par la mesure proposée, et encore ne s'agira-t-il que des familles les plus riches. Comme le disait mon ami M. Jean-Pierre Brard, l'article 4 ne concerne exclusivement que les familles riches, que vous allez fournir en domestiques !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Nos collègues de la majorité auront des difficultés à faire prendre ce cadeau fiscal pour une mesure en faveur de l'emploi.
    Je voudrais d'abord rappeler, comme l'a fait Didier Migaud, qu'en 1996, c'est-à-dire à une époque où s'appliquait la déduction maximale mise en oeuvre par M. Sarkozy, il y avait 467 000 emplois domestiques et que, en 2002, il y en a 556 000, soit 100 000 de plus, et ce après que nous eussions limité la déduction fiscale. C'est donc la preuve que vous allez octroyer un cadeau fiscal !
    Ensuite, je dirai à Michel Bouvard qu'il ne faut tout de même pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes. En effet, comment peut-il dire que les saisonniers et les personnels qui travaillent dans les stations de sport d'hiver pourront, grâce à l'augmentation de la déduction fiscale pour l'emploi d'un salarié à domicile, avoir recours à ce type de service ?
    M. Michel Bouvard. Non, je n'ai pas dit cela !
    M. Augustin Bonrepaux. Si vous pensez aux touristes, vous oubliez que ceux-ci ne restent pas dans la station toute l'année : ils n'emploieront donc une personne que quinze jours. Nous, nous préférons...
    M. François Goulard. Les chômeurs publics !
    M. Augustin Bonrepaux. ... un emploi stable à un emploi précaire. Heureusement que les collectivités - et certainement davantage dans les Alpes que dans les Pyrénées - ont créé des haltes-garderies et des crèches. L'exemple que vous avez cité n'est donc pas très bon.
    En troisième lieu, le rapport de notre rapporteur général est plus instructif que ses explications : il a fini par avouer - mais il lui a fallu du temps - que sur les 2,2 millions de personnes déclarant l'emploi d'un salarié à domicile, seuls, 1,5 million de foyers bénéficient de la déduction fiscale, ce qui veut dire que 600 000 personnes n'en profitent pas.
    Si vous êtes si attachés que ça aux emplois à domicile, pourquoi n'avez-vous pas proposé une mesure permettant d'inciter à leur création ? En fait, celle qui est proposée ne concerne que 70 000 familles...
    M. Marc Laffineur. 70 000 emplois !
    M. Augustin Bonrepaux. ... c'est-à-dire celles qui bénéficieront de la déduction maximale : 70 000 familles sur 2,2 millions concernées !
    M. Michel Bouvard. 70 000 salariés !
    M. Augustin Bonrepaux. Dans ces conditions, comment pouvez-vous encore dire que c'est une mesure en faveur de l'emploi ?
    Les chiffres cités dans le rapport de notre rapporteur général montrent bien - vous pouvez d'ailleurs les consulter - qu'il s'agit effectivement d'un cadeau fiscal !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je mets aux voix les amendements identiques n°s 1 et 219.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant étté couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   65
Nombre de suffrages exprimés   65
Majorité absolue   33
Pour l'adoption   15
Contre   50

    (L'Assemblée nationale n'a pas adopté.)
    M. Michel Bouvard. Comment peut-il y avoir quinze voix contre ? Les députés de l'opposition ne sont que six en séance !
    M. Charles de Courson. Ce sont des tricheurs récidivistes !
    M. le président. Je vais lever la séance (Exclamations sur divers bancs).
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Monsieur le président, un instant...
    M. le président. Vous avez la parole.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le ministre des finances et moi-même pensons qu'il vaut mieux ne pas interrompre maintenant le débat. Si chacun fait preuve de rigueur dans l'expression, un quart d'heure devrait suffire pour en finir avec ce problème.
    M. le président. Je demande donc à tous ceux qui vont défendre des amendements avant la levée de la séance de faire un effort de concision, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.
    Je suis saisi de cinq amendements pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 242 corrigé, présenté par MM. Migaud, Bonrepaux, Emmanuelli, Idiart, Mmes Guinchard-Kunstler et Lignières-Cassou, MM. Claeys, Bourguignon, Viollet, Bapt et les membres du groupe socialiste est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 4 :
    « La première phrase du troisième alinéa de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est complétée par les mots : "et de 10 000 euros pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2003. »
    L'amendement n° 318 rectifié, présenté par M. Méhaignerie et M. Carrez, est ainsi rédigé :
    « A la fin de l'article 4, substituer à la somme : "10 000 euros les mots : "7 400 euros et de 10 000 euros pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 2003. »
    L'amendement n° 147, présenté par MM. de Courson, Perruchot et Maurice Leroy et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés, est ainsi libellé :
    « I. - Après les mots : "par la somme de, rédiger ainsi la fin de l'article 4 : "14 000 euros.
    « II. - Cette mesure s'applique à partir de l'imposition de 2004 sur les revenus de l'année 2003.
    « III. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 166, présenté par M. Albertini, est ainsi rédigé :
    « A la fin de l'article 4, substituer au nombre : "10 000 le nombre : "8 000. »
    L'amendement n° 2, présenté par MM. Brard, Sandrier, Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « A la fin de l'article 4, substituer à la somme : "10 000 euros la somme : "7 000 euros. »
    La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l'amendement n° 242 corrigé.
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, comme je l'ai dit hier, l'emploi est une préoccupation commune, quelle que soit la place où l'on siège dans cet hémicycle. Par conséquent, on ne peut pas tourner en dérision ou sous-estimer les résultats qu'a pu obtenir le précédent gouvernement en matière de lutte pour l'emploi et contre le chômage.
    Par ailleurs, vous caricaturez nos positions en disant que la gauche n'est que pour les emplois publics. Certes, nous avons pris un certain nombre de mesures concernant l'emploi public, mais nous nous sommes également efforcés d'inciter à la création d'emplois privés. Sincèrement, je souhaite au gouvernement que vous représentez qu'il crée au moins autant d'emplois dans le secteur privé que nous, nous en avons créés ces cinq dernières années. Cela permettra de faire reculer le chômage.
    Par conséquent, ne nous envoyons pas de tels arguments à la figure en matière d'emploi.
    Monsieur Carrez, je vous le dis avec beaucoup d'amitié, mais vouloir faire apparaître un fléchissement en 2002 du nombre des emplois dans les services domestiques me paraît quelque peu osé. En effet, vous comparez une année qui n'est pas encore terminée - l'année 2002 - avec une année pleine - l'année 2001 - pour démontrer qu'il y a un fléchissement dans le nombre des créations d'emplois. C'est tout de même la première fois que je vois cela dans un rapport ! Je sais bien que la commission des finances est à la pointe des informations, mais tout de même !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agit du 1er janvier, cher collègue !
    M. Didier Migaud. Quoi qu'il en soit, la rigueur devrait inciter à ne pas utiliser des chiffres concernant une année qui n'est pas encore achevée.
    Si vous voulez vraiment proposer une mesure pour l'emploi, monsieur le ministre, pourquoi ne prenez-vous pas une mesure qui concernerait les 2,2 millions de familles employeurs ? Dans ce cas là, nous pourrions vous suivre. Mais, en fait, la mesure que vous proposez ne concerne que 70 000 familles. Donc, sa vocation première n'est pas la création d'emplois. L'effet d'aubaine risque même d'être beaucoup plus important que vous ne le pensez. Par conséquent, nous renouvelons notre opposition à cette mesure, car nous ne pensons pas que l'emploi en constitue la finalité première.
    En ce qui concerne l'amendement n° 242 corrigé, il tend à corriger l'effet d'aubaine que générera la mesure proposée. La commission propose, elle aussi, de corriger cet effet, mais nous estimons que la correction est insuffisante. Bref, à défaut de pouvoir supprimer l'article 4 dont nous pensons qu'il ne devrait pas exister, nous proposons que la disposition qu'il prévoit ne puisse pas s'appliquer avant le 1er janvier 2003.
    M. le président. La parole est à M. Méhaignerie, pour soutenir l'amendement n° 318 rectifié.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Michel Bouvard et Gilles Carrez ont très bien souligné que cette mesure, favorable à l'emploi, ne doit pas générer en même temps un effet d'aubaine. Donc l'application de cette mesure à compter du 1er janvier 2003 nous apparaît un bon choix pour inciter à la création d'emplois. Telle est la raison qui justifie cet amendement.
    Je voudrais ajouter que, au-delà de la création d'emplois, cette déduction fiscale vise à lutter contre le travail au noir, à faciliter la reconnaissance du statut des personnels concernés et à résoudre le problème de plus en plus crucial du nombre des places en crèche ou en maison de retraite.
    Il faut savoir que le coût de la garde d'un enfant à domicile s'élève aujourd'hui, déduction faite de l'AGED et la réduction d'impôt, à 1050 euros par mois. Or la mesure proposée ramènera ce coût à 900 euros par mois. Quant à la garde en crèche, qui coûte très cher à la collectivité, elle représente, pour le même ménage, un coût de 450 à 600 euros.
    Le coût du personnel à domicile est donc nettement plus élevé qu'en crèche. Si Vincent Chamaret était présent, il vous démontrerait qu'il y a là une économie collective dans la mesure où le coût collectif d'investissement est considérable pour les collectivités.
    J'ajouterai un mot : la mesure conduit à 60 millions d'euros d'économies. Nous avons quelques idées sur leur utilisation. Je rappelle que nous sommes extrêmement sensibles aux problèmes du logement - je pense notamment à l'ANAH. Nous y reviendrons lors de nos débats ultérieurs.
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 147.
    M. Charles de Courson. Le groupe UDF a déposé un amendement fixant le montant du plafond annuel des dépenses ouvrant droit à la réduction d'impôt à 14 000 euros. Cet amendement vise à rappeler à la gauche que, si elle n'avait pas pris des mesures d'abaissement du plafond, nous en serions aujourd'hui à 14 000 euros.
    Notre débat est ésotérique car nos collègues socialistes ont en commission voté un amendement prévoyant un plafond de 8 000 euros - il s'agit de l'amendement n° 166. Cela signifie qu'ils sont d'accord pour relever le plafond.
    Notre discussion doit donc porter sur le niveau du relèvement.
    Après avoir dit cela, je retire l'amendement n° 147, tout en vous disant, chers collègues socialistes, que vous êtes tout à fait déraisonnables !
    M. Didier Migaud. Ah bon ?
    M. Charles de Courson. Vous avez en commission voté l'amendement de M. Albertini.
    M. Didier Migaud. Pas du tout !
    M. Charles de Courson. Ecoutez, j'étais à côté de vous et j'ai bien vu !
    M. le président. L'amendement n° 147 est retiré.
    L'amendement n° 166 est-il défendu ?
    M. Charles de Courson. Je viens de le défendre, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 2.
    M. Jean-Pierre Brard. Tout a été dit ou presque, encore que l'on pourrait parler longtemps sur le sujet. (Sourires.)
    A défaut de supprimer l'article 4, nous proposons d'en réduire la portée à la fois pour ménager les finances publiques et pour éviter au Gouvernement d'opérer des gels de crédits d'un montant équivalant au geste important qui est fait en direction des familles visées par cet article.
    Ce sentiment doit être assez partagé puisque M. Albertini a déposé un amendement qui est fort proche du nôtre. Cela prouve qu'au-delà des clivages on peut se retrouver dès lors qu'on s'entend sur l'essentiel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 242 corrigé, 318 rectifié, 166 et 2 ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission des finances a émis un avis défavorable à l'amendement n° 242 corrigé, alors même qu'il allait dans le sens souhaité par la majorité de ladite commission.
    M. Didier Migaud. C'est vous qui, par la suite, êtes allé dans notre sens !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a également rejeté l'amendement n° 2 de M. Brard.
    Quant à l'amendement n° 318 rectifié de M. Méhaignerie, elle l'a accepté parce qu'il correspond parfaitement à l'idée que nous nous faisons de la mesure.
    M. Michel Bouvard. Très juste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, il s'agit d'abord d'une mesure pour l'emploi avant d'être une mesure fiscale.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements en discussion ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Comme nous sommes promis la brièveté, je serai bref.
    Le Gouvernement est défavorable aux quatre amendements. Je voudrais donner une explication particulière à M. le président Méhaignerie et à M. Gilles Carrez, quitte à les décevoir.
    Le Gouvernement souhaite que l'objectif de la mesure, le soutien à la création d'emplois, soit clair et ne souffre aucune ambiguïté. Il se souvient qu'en 1998, lorsqu'on a fait l'inverse de ce qui est aujourd'hui proposé en diminuant de 50 % la réduction d'impôt, un certain nombre de redevables, qui ont un grand respect pour ceux qui travaillent à leurs côtés, ont maintenu le nombre d'heures de travail prévues par le contrat qui les liait à leur employé. Dieu merci, la relation entre le salarié et l'employeur va bien au-delà du contrat de travail. Si nous voulons que les Français se sentent appelés à créer des emplois familiaux, il faut supprimer toute ambiguïté.
    C'est la raison pour laquelle, monsieur le président Méhaignerie, monsieur le rapporteur général, c'est avec une conviction très sincère et très profonde que je suis condamné à émettre un avis défavorable. Je vous demande de ne pas le prendre mal.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour une très courte intervention.
    M. Augustin Bonrepaux. Je serai très bref, monsieur le président.
    Je remercie M. Méhaignerie de nous avoir entendus et d'avoir reconnu l'effet d'aubaine insupportable du dispositif. Une correction est apportée, mais l'effet demeure et s'aggrave. Considérons le cas de deux familles ayant le même besoin d'un emploi à domicile mais ne disposant pas des mêmes moyens. Eh bien ! l'une d'entre elles pourra voir sa déduction fiscale doublée. C'est cela qui est insupportable !
    Vous n'allez pas créer 70 000 emplois supplémentaires, parce que les emplois existent déjà. Vous allez peut-être augmenter le temps de travail de quelques-uns. Quoi qu'il en soit, cette mesure fiscale de 74 millions représente, pour chacune des familles concernées, 1 000 euros, à rapprocher des 20 euros que vous accordez aux travailleurs bénéficiaires de la prime pour l'emploi. Là est le scandale !
    Non, la mesure proposée n'est pas une mesure pour l'emploi : c'est un cadeau fiscal, et un cadeau fiscal particulièrement anormal !
    M. le président. Après toutes ces explications, nous allons passer aux votes.
    M. Michel Bouvard. Oui, votons !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 318 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, les amendements n°s 166 et 2 n'ont plus d'objet.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique :
    Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230) :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du jeudi 17 octobre 2002
SCRUTIN (n° 28)


sur l'amendement n° 240 de M. Bonrepaux à l'article 3 du projet de loi de finances pour 2003 (maintien de l'application du dispositif de prime pour l'emploi en 2003)

Nombre de votants

63


Nombre de suffrages exprimés

63


Majorité absolue

32


Pour l'adoption

15


Contre

48

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe de l'Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 44 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Eric Raoult (président de séance)
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 9 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (19).

SCRUTIN (n° 29)


sur l'amendement n° 1 de M. Brard et l'amendement n° 219 de M. Bonrepaux tendant à supprimer l'article 4 du projet de loi de finances pour 2003

Nombre de votants

65


Nombre de suffrages exprimés

65


Majorité absolue

33


Pour l'adoption

15


Contre

50

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe de l'Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Pour : 3. - Mme Marie-Anne Montchamp, MM. Alfred Trassy-Paillogues et René-Paul Victoria.
    Contre : 46 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Eric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (19).

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    Mme Marie-Anne Montchamp, MM. Alfred Trassy-Paillogues et René-Paul Victoria, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».