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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 25 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 24 octobre 2002


SOMMAIRE
nPRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DÉFENSE ET SGDN (suite)

Réponses de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, aux questions de : MM. Eric Diard, Daniel Mach, Georges Siffredi, Mme Patricia Adam, MM. Jean-Claude Viollet, Jean Michel, Hervé Morin, François Rochebloine, Jacques Myard, Étienne Pinte, François Cornut-Gentille, Yves Fromion, Jean-Louis Léonard.

Défense
Article 38 «...»

Amendement n° 49 de la commission des finances : MM. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances ; Guy Teissier, président de la commission de la défense ; Mme la ministre, MM. Michel Voisin, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances ; Yves Fromion. - Rejet.
Amendement n° 50 de la commission des finances : MM. le rapporteur spécial, le président de la commission de la défense, François Rochebloine. - Retrait.
Adoption de l'article 38.

Article 39 «...»
Titre V «...»

Amendement n° 51 de la commission des finances : MM. le rapporteur spécial, Daniel Garrigue, Mme la ministre. - Retrait.
Adoption du titre V.

Titre VI. - Adoption «...»

Adoption de l'article 39.

SERVICES DU PREMIER MINISTRE
II. - Secrétariat général de la défense nationale
ÉTAT B
Titre III. - Adoption «...»
ÉTAT C
Titre V. - Adoption «...»
Après l'article 63 «...»

Amendement n° 80 du Gouvernement : Mme la ministre, MM. le président de la commission de la défense, le rapporteur spécial. - Adoption.
Amendement n° 52 de la commission des finances : MM. le rapporteur spécial, le président de la commission de la défense, Mme la ministre. - Adoption.
Mme la ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»
ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS
Aviation civile

M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, rapporteur spécial de la commission des finances, pour l'équipement et les transports terrestres.
M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'équipement et les transports terrestres et fluviaux.
M. Michel Vaxès, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la mer.
M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la mer.
M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les transports aériens.
Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, pour les transports aériens.
M.
Michel Bouvard,
Mme
Odile Saugues,
MM.
Maurice Leroy,
Gilbert Biessy,
Yves Deniaud,
Michel Destot.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures quinze.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2003
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

DÉFENSE ET SGDN (suite)

    M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du ministère de la défense, ainsi que de ceux inscrits aux services du Premier ministre concernant le secrétariat général de la défense nationale.
    Nous en arrivons aux questions.
    Nous commençons par le groupe UMP.
    La parole est à M. Eric Diard.
    M. Eric Diard. « Nous ne devons pas conserver l'armée de nos habitudes, mais construire l'armée de nos besoins », disait le général de Gaulle.
    M. Jean-Claude Viollet. Très bien !
    M. Eric Diard. Cette armée de nos besoins est celle de la professionnalisation, celle qui dispose des moyens de se projeter et d'être opérationnelle très rapidement sur différents territoires.
    Madame la ministre de la défense, nous nous réjouissons du retour en force de la volonté politique, une volonté affichée par le Président de la République et que vous concrétisez dans ce budget. Force est de constater que notre outil de défense et l'équipement de nos armées ont été délaissés pendant ces cinq dernières années et que, malheureusement, aucune des trois armes n'y a échappé.
    Ainsi, la situation des hélicoptères de transport des forces françaises n'est guère satisfaisante. En effet, les appareils ont un taux de disponibilité - environ 60 % - très insuffisant au regard des objectifs fixés. Cela est dû au vieillissement des hélicoptères, à leur utilisation intensive, ainsi qu'aux problèmes importants rencontrés dans l'approvisionnement en pièces de rechange.
    Je suis député de la douzième circonscription des Bouches-du-Rhône où se trouve Eurocopter, qui est l'exemple même d'une coopération industrielle européenne réussie.
    L'hélicoptère est aujourd'hui de plus en plus sollicité dans les crises actuelles, notamment dans les fonctions de soutien logistique, pour le recueil de renseignements, les missions de transport tactique des unités d'infanterie, ainsi que pour des missions d'évacuation sanitaire.
    La remise en condition opérationnelle des Puma et des Cougar et l'acquisition de NH90, tant dans la marine que dans l'armée de terre, constituent un enjeu stratégique pour l'avenir de notre défense.
    Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que l'effort engagé dans l'industrie aéronautique aujourd'hui sera suffisant pour assurer le maintien opérationnel de nos armées et garantir ainsi la crédibilité de notre défense, qui a tant fait défaut ces cinq dernières années ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit des sommes importantes à la fois pour la rénovation des Puma et des Cougar - ne serait-ce que pour nous permettre de faire le lien avec l'arrivée des nouveaux appareils - et pour la poursuite du programme de NH90. Vous aurez noté que 140 millions d'euros de crédits de paiement y sont destinés.
    Les crédits prévus en autorisations de programme sont considérables également, essentiellement pour le Tigre : 197 millions d'euros. Je ne parlerai pas des commandes d'avions puisque vous avez centré votre interrogation sur les hélicoptères.
    Ce niveau de crédits devrait nous permettre d'accomplir nos missions actuelles avec le matériel existant, y compris rénové, en attendant que nous disposions des nouveaux programmes.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Mach.
    M. Daniel Mach. La lutte contre l'insécurité, qu'il s'agisse de celle des personnes et des biens ou de l'insécurité routière, est placée au rang de priorité par le Gouvernement et par notre majorité, et je m'en félicite. Nous nous sommes mis à pied d'oeuvre sans tarder et l'adoption, madame la ministre, dès cet été, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure trouve toute sa traduction financière dans votre budget.
    Les futures communautés de brigade, pierre angulaire de la réforme, permettront de mieux répartir les forces de gendarmerie sur l'ensemble du territoire et surtout là où il y en a le plus besoin. La population et les élus locaux des communes situées aux abords de la ville de Perpignan attendent beaucoup de la mise en oeuvre de cette réforme. Nous sommes, en effet, confrontés à plusieurs problèmes : une explosion démographique dans ces zones périurbaines de plus de 20 % en 10 ans ; le déplacement vers ces secteurs des faits de délinquance et la recrudescence de cette délinquance, avec une hausse de près de 10 %, résultat, je le précise, du premier semestre 2002.
    Le département des Pyrénées-Orientales est classé entre la cinquième et la dixième place pour la délinquance constatée, et les résultats sont identiques en zone de police.
    La particularité géographique du département des Pyrénées-Orientales doit également être prise en compte. C'est un point de passage privilégié pour l'immigration irrégulière, pour les trafics de drogue et de stupéfiants et pour différents autres trafics ; et c'est aussi un point de passage routier incontournable vers l'Espagne.
    Pour assurer les nombreuses missions qui leur sont confiées, des effectifs de gendarmes supplémentaires s'avèrent nécessaires afin de lutter efficacement contre la criminalité et les infractions routières.
    C'est pourquoi je souhaiterais connaître, madame la ministre, le nombre de postes de gendarmes que vous envisagez de créer dans la compagnie de Perpignan, car les effectifs proposés aujourd'hui sont insuffisants face aux besoins réels du groupement de gendarmerie, qui compte sur l'attribution de six majors, sept adjudants-chefs, quinze maréchaux des logis-chefs et quarante et un gendarmes.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mach.
    M. Daniel Mach. Enfin, la commune de Pollestres, en position stratégique puisque limitrophe de Perpignan et traversée par l'autoroute et la RN 9 conduisant directement en Espagne, a engagé, dès 2001, une démarche pour accueillir une brigade de gendarmerie, maillon indispensable qui manque au schéma départemental.
    Convaincu - et j'en termine, monsieur le président - de l'efficacité des initiatives du Gouvernement pour rétablir la sécurité dans notre pays, et dans le prolongement de votre projet, je vous propose, madame le ministre, de faire de ma circonscription un territoire-test pour l'expérimentation d'une communauté de brigades. (Sourires.) Y seriez-vous favorable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. Bien sûr !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, les Français nous ont adressé aux mois d'avril et de juin un message fort sur leurs exigences en matière de renforcement de la sécurité dans leur vie quotidienne, sous toutes ses formes, y compris, comme vous l'avez dit, la sécurité routière.
    Il est vrai que la situation du département des Pyrénées-Orientales est à cet égard préoccupante par le niveau des fais constatés. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aux gendarmes du département, qui font un énorme travail, puisque la moyenne annuelle des faits constatés, par militaire professionnel, sur l'ensemble du département, est de cinquante-neuf alors qu'elle est de trente-six au plan national. Cela signifie deux choses : d'une part, qu'il y a de très nombreux faits - et c'est ce que vous soulignez à juste titre - et, d'autre part, que les gendarmes font leur travail du mieux qu'ils le peuvent, et le font plutôt bien.
    Le groupement de gendarmerie départementale des Pyrénées-Orientales couvre 98 % du territoire du département et prend en charge environ 73 % de la population, en fonction de la répartition des compétences entre la gendarmerie et la police. Il va faire l'objet d'une attention particulière. Rappelons que les effectifs se sont étoffés depuis 1998 avec la création ou la réorganisation de plusieurs unités.
    Le dispositif actuel devrait être très prochainement complété par des unités dont la création est aujourd'hui en cours d'étude ou de réalisation, et qu'une unité spécifique est prévue à Perpignan.
    En ce qui concerne la ville de Pollestres, nous n'avons dans l'immédiat aucun projet dans les cartons, mais le renforcement des effectifs du groupement est envisageable dans les années à venir, et cela pourrait effectivement concerner ce secteur particulièrement sensible.
    Quant à faire de votre circonscription, monsieur le député, une circonscription-test, pourquoi pas ? Je crains simplement d'être amenée à faire un très grand nombre de tests dans cette assemblée. (Rires.) Laissons l'hypothèse ouverte.
    M. le président. C'est probable !
    La parole est à M. Georges Siffredi.
    M. Georges Siffredi. Le 27 juillet 2000, la déclaration de Farnborough, signée par sept ministres européens de la défense, entérinait la décision commune de réaliser l'avion de transport militaire Airbus A400M. La France et l'Allemagne avaient estimé, à cette même époque, lors du conseil franco-allemand de défense et de sécurité, leurs besoins respectifs à 50 et 73 appareils. Depuis, l'Italie, qui devait acquérir 16 avions, a quitté le programme en octobre 2001, et l'Allemagne a fait naître des inquiétudes sur son attitude quant à la poursuite du programme A400M. Les Allemands sembleraient éprouver des difficultés sérieuses à financer l'achat des 73 A400M, et pourraient réduire sensiblement leur commande. Ils risquent d'être suivis par les Britanniques. Quant au Portugal, il pourrait également renoncer à acheter les trois appareils envisagés.
    D'ores et déjà, il semble clair que les délais de mise en service de l'avion de transport militaire européen s'allongent : le calendrier, qui prévoyait la livraison des trois premiers A400M en 2008, a déjà pris un an de retard.
    Madame la ministre, pouvez-vous faire le point sur ce dossier et nous indiquer la position de la France quant à l'acquisition des cinquante A400M, en fonction de l'évolution de la situation avec nos partenaires ?
    Pouvez-vous également nous préciser les implications financières liées à la livraison différée de cet avion indispensable au déploiement de nos forces armées et les conséquences de cette affaire sur les projets européens de défense ?
    M. Jacques Myard. Très bonne question !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, j'ai en effet rapidement évoqué tout à l'heure le problème de l'A400M. Vous avez très bien rappelé les faits : lorsque ce programme a été défini, un accord a spécifié le nombre d'appareils et le niveau du coût correspondant. L'industriel concerné a fixé un coût sur une base de 180 appareils. Aujourd'hui, nous en sommes à une commande théorique de 193, avec, effectivement, un certain nombre d'incertitudes.
    En ce qui concerne la France, elle a entièrement rempli ses obligations à l'égard de ses partenaires, c'est-à-dire que la commande a été déposée auprès de l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, et que nous restons sur cette commande.
    Il y a eu des inquiétudes liées à la position de l'Allemagne ainsi qu'à deux retraits. Les Portugais, qui avaient commandé trois appareils, ont fait savoir, il y a plusieurs mois déjà, qu'ils se désengageaient. Les Italiens se sont également désengagés. Il reste donc essentiellement trois partenaires européens : le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Le Royaume-Uni, c'est vrai, conditionne sa commande au fait que les Allemands confirment la leur. Le chancelier Schröder, à l'occasion du sommet franco-allemand de Schwerin du 30 juillet dernier, avait confirmé l'engagement de l'Allemagne pour soixante-treize appareils. Entre-temps sont survenus un certain nombre d'événements, y compris l'annonce d'un déficit budgétaire allemand considérable. Comme je vous le disais, j'ai invité hier soir à dîner mon homologue allemand et nous avons évoqué tous les sujets, dont celui-ci. Il m'a confirmé de manière très ferme que l'Allemagne restait partie prenante de ce programme en envisageant éventuellement de réduire sa commande. Finalement, ce qu'il me demandait, c'est quelle était la réduction maximale qui serait possible. Je lui ai donc confirmé qu'il fallait que nous restions dans l'épure initialement fixée, notamment sur le plan financier, par l'industriel, ce qui veut dire qu'il ne faut pas que l'on descende au-dessous de 180 appareils. Les Portugais s'étant déjà retirés, cela laisse une marge de manoeuvre d'une dizaine d'appareils. Ce que m'a dit mon collègue allemand, c'est qu'il avait déjà les financements pour une partie de la commande et qu'il devait repasser au Bundestag, vraisemblablement au mois de février, pour obtenir le supplément qui lui permettrait soit d'atteindre le chiffre initialement prévu, soit de s'en approcher.
    La deuxième partie de votre question, monsieur le député, portait sur l'impact éventuel du retard. Si celui-ci est de quelques semaines, cela ne changera rien. En tout état de cause, ce que nous allons essayer d'obtenir, c'est qu'il puisse y avoir un engagement qui nous permette de passer la commande, comme prévu, pour la fin de l'année, puisque telle était la date limite qui avait été envisagée. Le complément, le cas échéant, interviendrait au tout début de l'année 2003.
    M. le président. Nous passons aux questions du groupe socialiste.
    La parole est à Mme Patricia Adam.
    Mme Patricia Adam. Madame la ministre, en 2001, dans leur rapport d'information sur l'entretien de la flotte - un rapport d'une grande qualité, d'ailleurs -, MM. Cova et Kerdraon évoquaient la nécessité de renforcer les sites de maintenance en envisageant le transfert progressif des sous-marins nucléaires de Toulon à Brest. La création des branches d'activité de la DCN, conjuguée avec la mise en place du service de soutien à la flotte, dessine une réorganisation organique, mais aussi géographique des structures de maintenance des matériels, afin qu'elles soient cohérentes avec celles des installations de la marine. A terme, ils proposaient deux pôles de maintenance intégrés qui devaient ainsi émerger, l'un à Toulon pour le groupe aéronaval et la flotte de surface de la région maritime méditerranéenne, l'autre à Brest pour la flotte sous-marine des SNLE et la flotte de surface de la région maritime atlantique.
    Compte tenu de ces éléments, l'état-major de la marine avait informé la représentation nationale qu'il était favorable à une remontée des SNA à Brest, d'autant qu'en 2006 le Charles-de-Gaulle entrera en IPER - indisponibilité périodique pour entretien et réparations - à Toulon, ce qui mobilisera une grande partie des infrastructures et des personnels de ce site. DCN Toulon ne sera donc pas en mesure, d'après les éléments qui étaient fournis, d'assumer une IPER du SNA en supplément.
    Les auteurs du rapport relevaient que trois à quatre années étaient nécessaires afin de préparer ce transfert, car il fallait - et il faut toujours - bien évidemment tenir compte du problème des équipages et des familles et ne pas les laisser dans l'expectative s'agissant d'une décision de cette importance.
    Le rapport d'information préconisait ainsi la création d'une cellule d'accompagnement chargée de traiter les cas individuels et familiaux lors du transfert, l'augmentation du parc de logements mis à la disposition de la marine pour la partie brestoise et une prospection des possibilités de réinsertion des conjoints sur le bassin de Brest.
    Par ailleurs, il est également indispensable de réaliser des investissements sur le site de Brest, pour permettre l'adaptation et la mise à niveau des infrastructures, ce qui suppose bien entendu d'entreprendre des travaux, lesquels sont susceptibles de durer quelques années.
    Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous préciser si le budget de la défense pour 2003 contient les orientations nécessaires à la réalisation de ce transfert à un horizon 2006 ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Madame la députée, ce dossier a effectivement fait l'objet d'un rapport mais je dois dire qu'à mon arrivée au ministère, je l'ai encore trouvé ouvert : les décisions n'avaient pas été prises.
    Comme vous l'avez souligné, quatre éléments sont à prendre en compte.
    Le premier est la logique technique d'une répartition. Sur ce point, je crois que tout le monde est à peu près d'accord, sous réserve d'un certain nombre de vérifications. En la matière, on peut considérer que la décision est pratiquement prise.
    Le deuxième élément a trait à l'aménagement du territoire et il se jumelle d'ailleurs avec le troisième, qui est celui du calendrier. A vrai dire, toute la difficulté consiste à bien gérer les dates de transfert par rapport aux dates d'arrivée d'autres plans de charge, notamment à Toulon. Aujourd'hui, nous n'avons pas les éléments nécessaires pour affiner le calendrier. Nous ne pouvons parler, pour l'instant, qu'en termes d'années et non pas en termes de semaines.
    S'ajoute à cela le temps nécessaire à la préparation du travail. Un peu de retard a été pris, on me dit d'ailleurs qu'il est tout à fait rattrapable.
    Enfin, il y a l'accompagnement des personnels, lesquels attendent essentiellement d'être fixés sur ce qui va se passer. Nous ne pouvons pas affiner avec précision la réponse qu'ils attendent concernant les dates définitives de ce transfert et la répartition du travail. Mais nous serons en mesure de le faire dans les prochains mois.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
    M. Jean-Claude Viollet. Madame la ministre, le maintien en condition opérationnelle des matériels est une des priorités du projet de loi de programmation militaire que nous examinerons très prochainement. Il est donc naturel que la remise à niveau de leur disponibilité fasse l'objet d'un effort particulier dès ce projet de budget de la défense pour 2003, qui en sera la première annuité.
    Ce faisant, vous avez pointé un certain nombre des difficultés constatées dans la précédente loi de programmation 1997-2002 : insuffisance des crédits d'entretien ; vieillissement des parcs ; usure accélérée des matériels en opérations extérieures ; consommation prématurée des stocks de rechange ; application de normes techniques renforcées et plus contraignantes ; carences dans l'organisation de la maintenance.
    Vous avez, pour remédier à ces difficultés, fixé un certain nombre d'objectifs s'inscrivant dans un plan d'action à long terme, accompagné d'un contrôle de gestion, avec des indicateurs de suivi.
    Une question me semble toutefois demeurer ouverte : la prise en compte de l'entretien des matériels lors de leur conception même, afin d'en garantir, au meilleur coût global, l'opérationnalité que l'on est en droit d'attendre, eu égard à l'effort important consenti par la nation tout entière pour la sécurité de ses citoyens et le respect de nos engagements internationaux.
    Dans ce sens, pourriez-vous, par exemple, d'ores et déjà informer la représentation nationale du montant précis des dépenses engagées, sur un exercice budgétaire, pour le maintien en condition opérationnelle de matériels lourds tels qu'un char Leclerc, un avion Rafale ou encore le porte-avions Charles-de-Gaulle ?
    Au-delà, vous engageriez-vous à informer cette même représentation nationale des prévisions de coût pour le maintien en condition opérationnelle de matériels à venir, tels, par exemple, le VBCI, le véhicule blindé de combat d'infanterie, l'hélicoptère NH90 ou encore la frégate Horizon ?
    Rapportées au coût d'investissement initial et à leur durée de vie programmée, ces prévisions de coût devraient, à mon avis - mais c'est aussi le sens d'une des propositions du rapport d'information sur l'entretien des matériels présenté hier à notre commission de la défense nationale et des forces armées par notre collègue Gilbert Meyer  - être un des critères de choix pour ces matériels et faire l'ojbet d'une contractualisation sur le long terme entre l'Etat et les constructeurs, privilégiant l'approche globale en coût de possession par rapport au seul coût d'acquisition, avec une obligation de résultat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Charles Cova. Très bonne question !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, la réflexion qui sous-tend votre question est, je crois, assez largement partagée sur ces bancs mais aussi par moi-même, puisque lors de mon premier contact avec les principaux industriels de la défense, c'est l'un des points que j'ai soulevés.
    Il serait bon, d'une façon générale, pour l'Etat et la représentation nationale, d'avoir plus de certitude sur le prix de revient global du matériel. Le prix de construction devrait inclure l'engagement de l'industriel d'assurer et d'assumer la totalité de l'entretien, ce qui serait peut-être également une façon de le faire veiller à la résistance et à la bonne conformité des pièces. Votre réflexion va donc tout à fait dans le sens de celle que nous avons. Encore faut-il que les difficultés à prévoir ces coûts supplémentaires ne conduisent pas l'industriel à majorer le prix d'achat, comme l'ont montré certaines expériences passées.
    Vous m'avez interrogée sur le coût d'entretien de quelques matériels. Pour le char Leclerc, le coût est de 200 000 euros par an et par char. Pour le porte-avions Charles-de-Gaulle, il est d'environ de 45 millions d'euros par an en moyenne, cette moyenne incluant évidemment les très longues périodes d'arrêt et de révision profonde. Pour le Rafale, le coût est d'environ 3 millions d'euros par an et par Rafale.
    S'agissant du VBCI, le programme n'est pas suffisamment avancé pour que je puisse vous donner des chiffres. En revanche, concernant l'Horizon et le NH 90, je pourrai vous faire parvenir des indications.
    M. le président. La parole est à M. Jean Michel.
    M. Jean Michel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les différents intervenants dans le cadre de notre débat budgétaire.
    Permettez-moi, madame la ministre, d'appeler modestement l'attention de nos collègues, nouveaux et anciens - dont, pour certains, les propos m'ont paru excessifs -, sur la réalité du budget de la défense à travers les dernières années.
    Notre collègue Boucheron, lors de la discussion de la loi de finances pour 1998, en sa qualité de rapporteur spécial, indiquait déjà que la loi de programmation militaire 1997-2002, à peine votée en 1995, avait fait l'objet, lors du vote du budget 1997, d'annulations de crédits supérieures à 10 % du montant. Le même phénomène, disait-il, s'était déjà produit en 1995, avec un écart entre le montant de la loi de programmation et le montant exécuté - écoutez-bien - de plus de 20 milliards de francs de l'époque. Du jamais vu ! En réalité, soulignait-il, depuis 1994, nous disposons d'un volume réel de crédits d'équipement dans le budget de la défense qui est de l'ordre de 80 milliards.
    En ma qualité de rapporteur des titres V et VI au cours de la dernière législature, j'atteste que le montant consacré aux investissements s'est situé chaque année - et je parle sous le contrôle de certains de mes collègues de la majorité actuelle - à hauteur de 82 milliards de francs, avec un taux d'exécution annuel très élévé, ce qui avait été souligné sur tous les bancs, puisqu'il s'élevait à plus de 90 %.
    La loi de programmation 1997-2202 a été la première qui ait été menée jusqu'à son terme, alors que nous avons eu à faire face à la professionnalisation - comme cela a été rappelé ce matin -, décidée par le Président de la République, au coût des OPEX, les opérations extérieures,...
    M. Michel Voisin. Mais c'est le cas chaque année !
    M. Jean Michel. ... qui se sont élevées à environ 3 milliards, ainsi qu'à l'obligation d'éponger d'importantes charges qui avaient été reportées sur les exercices 1997 et suivants, comme le déclarait à l'époque notre collègue Arthur Paecht.
    Madame la ministre je veux croire à la sincérité de votre budget. Mais je suis d'ores et déjà inquiet. J'espère que ce budget n'est pas qu'une virtualité financière. Pourquoi ?
    Le 1er août dernier, dans le cadre du collectif d'été, vous avez rallongé de 100 millions d'euros la ligne 55-21, intitulée « Entretien programmé des matériels ». Or, par décret du 12 août, c'est-à-dire moins de quinze jours après, Bercy a décidé de geler et d'annuler 6,4 milliards d'euros du budget 2002 et, en ce qui concerne le budget de la défense, 99 millions d'euros au titre de la ligne 55-21. Ces crédits ne sont donc plus disponibles. Cela veut dire que le collectif d'été ne serait qu'un trompe-l'oeil : plus 100 millions d'euros le 1er août, moins 99 millions d'euros le 12 août.
    M. le président. Concluez, monsieur Michel.
    M. Jean Michel. J'en viens à ma question, monsieur le président, et j'en termine.
    Madame la ministre, pouvez-vous certifier qu'en définitive il n'y aura aucun gel des crédits de la ligne 55-21, « Entretien programmé des matériels », que, dans le contexte actuel, il n'y aura, au titre du budget 2002, aucune annulation ou report des crédits sur 2003 et que le taux d'exécution des budgets 2002 et 2003 sera égal ou supérieur à ceux des budgets des années précédentes ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Je voudrais d'abord remercier M. Jean Michel de ses félicitations. Car, si j'ai bien compris, il me félicite d'avoir obtenu que, dès ma première année d'entrée en fonction, le budget corresponde effectivement aux engagements de la loi de programmation. Les crédits pour 2003 correpondent en effet - et sont même un peu supérieurs - à ce qui était prévu, ce qui n'avait pas été le cas avec un bon nombre de mes prédécesseurs. Je vous remercie, donc, de vos félicitations, monsieur Michel.
    En ce qui concerne le collectif d'août, vous avez parlé d'un décret. Permettez-moi de vous faire remarquer qu'il ne s'agit pas d'un décret mais d'une lettre, ce qui fait une différence considérable quant à son poids et à son efficacité juridiques.
    M. Yves Fromion. Eh oui ! Et c'est un professeur de droit qui vous parle, monsieur Michel !
    Mme la ministre de la défense. Ce que je peux vous dire aussi, c'est que s'il y a eu, sur tous les budgets, comme chaque année, et comme sous tous les gouvernements, un gel dit « républicain », anticipant, en quelque sorte, une éventuelle non-consommation de crédits en fin d'années, j'ai obtenu du Premier ministre, ce qui paraissait logique, que, au fur et à mesure des besoins du ministère de la défense, les crédits gelés seraient dégelés, de façon à nous permettre de remplir entièrement nos obligations, et notamment en ce qui concerne l'entretien.
    Aujourd'hui, nous sommes sur une courbe de consommation de ces crédits d'entretien qui nous fait penser que nous devrions avoir quasiment tout consommé en fin d'année, ce qui répond très largement à votre question pour cette année.
    Pour ce qui est de l'avenir, les propos de M. Lambert - qu'il n'a pas réitérés ce matin, parce qu'il parlait d'un autre sujet - laissent penser qu'il y aura toujours d'éventuels gels ou reports sur des crédits non consommés, mais c'est à moi qu'il appartient de faire en sorte que les crédits qui sont mis à notre disposition par la nation et par votre vote soient utilisés au mieux, c'est-à-dire, avant tout, consommés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous passons aux questions du groupe UDF.
    La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. Madame la ministre, ma question concerne l'évolution des crédits de la gendarmerie. J'ai pu constater dans mon département, l'Eure - et François Rochebloine avec qui j'évoquais le sujet m'indiquait que la situation était identique dans la Loire -, que le corps des gendarmes est encore confronté à de véritables difficultés. Ainsi, trop souvent, des automobiles sont laissées au parc, faute de crédits pour les réparer, des brigades fonctionnent en sous-effectif - dans l'Eure, quatre-vingts postes ne sont pas pourvus, soit plus de 10 % des effectifs -, tandis que d'autres manquent de choses aussi simples que de rames de papier ou de cartouches d'encre. Bref, les crédits de la gendarmerie ont besoin d'un grand coup de pouce pour que celle-ci soit en mesure d'assurer ses missions.
    Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de constater, pour des dossiers qui concernaient ma circonscription, que, lorsque les collectivités locales décident de rénover ou de construire de nouvelles brigades, les subventions accordées par le ministère sont loin d'assurer l'équilibre financier de l'opération.
    M. François Rochebloine. Absolument !
    M. Hervé Morin. Aussi les collectivités locales sont-elles obligées de mettre la main à la poche pour que nos gendarmes et leurs familles bénéficient de conditions de vie convenables.
    J'ajoute - et ce n'est pas une nouveauté - que les logements des brigades de gendarmerie, qui appartiennent au ministère de la défense, donc au domaine public, sont souvent dans un état tel que les conditions de vie des gendarmes y sont détestables. Je ne suis pas certain que les organismes de logements sociaux accepteraient de louer des logements tels que ceux qui sont affectés à nos gendarmes.
    Madame la ministre, quels efforts importants comptez-vous faire pour que les gendarmes aient les moyens d'exercer leur mission...
    M. Jacques Myard. Ça dépend de vous !
    M. Hervé Morin. ... et bénéficient de conditions de vie dignes de leurs obligations ?
    M. François Rochebloine. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que, depuis plusieurs années, les crédits de la gendarmerie sont grandement insuffisants. Nous avons donc décidé de remédier à cette situation, et je vous ai indiqué ce matin les moyens que nous allons mettre à la disposition de la gendarmerie. Bien entendu, compte tenu de la situation, il ne faut pas non plus s'attendre à des améliorations du jour au lendemain. Aujourd'hui, nous exécutons le budget de 2002, mais, même abondé par le collectif de cet été, tout n'est pas possible. Je vous dirai même que tout ne sera pas possible en 2003, puisque ce n'est que lors de l'exécution de la loi de programmation militaire que nous pourrons effectuer des remises à niveau.
    Pour autant, nous faisons des efforts importants, ainsi que je vous l'ai dit ce matin, notamment en matière de véhicules. Pour en avoir parlé avec des gendarmes, je sais que l'une de leurs préoccupations est de se retrouver bloqués par un véhicule qui tombe en panne ou dans l'incapacité de poursuivre des délinquants dont le véhicule roule à soixante kilomètres à l'heure plus vite que le leur. Une telle situation porte atteinte à leur dignité et à leur fonction. Par conséquent, pour des raisons d'efficacité, mais aussi d'honneur, il était essentiel de se donner les moyens d'éviter que cela ne se produise : c'est ce à quoi tend la loi des finances pour 2003. Ainsi, je vous rappelle que, pour 2003, nous avons prévu l'achat de 3 000 véhicules, trois hélicoptères et 42 000 gilets pare-balles.
    S'agissant du problème plus spécifique des unités-logements de gendarmerie, il est vrai qu'aujourd'hui on trouve de tout dans les gendarmeries. Selon les femmes de gendarme avec qui j'en ai parlé - j'ai évoqué la question avec elles car les femmes sont particulièrement sensibles au problème du logement de leur famille -...
    M. François Rochebloine. Les hommes aussi !
    Mme la ministre de la défense. Bien entendu.
    Selon les femmes de gendarme, disais-je, certains logements sont très agréables, certains petits ensembles très bien conçus. En revanche, il existe des casernes - et j'en ai vues - dans un état lamentable, à la limite de l'insécurité...
    M. François Rochebloine. Tout à fait !
    Mme la ministre de la défense. ... étant donné que des parties de toit ou de balcon s'effondrent. Par conséquent, un effort très important doit être entrepris dans ce domaine.
    Je vous ai indiqué ce matin que mon budget prévoit la création de 1 500 unités-logements de gendarmerie. Là encore, l'amélioration de la situation se fera selon un plan étalé sur plusieurs années, mais je pense que nous allons pouvoir faire avancer les choses.
    Je sais, notamment pour avoir été moi aussi maire, que les collectivités locales - les municipalités mais aussi les conseils généraux - font des efforts importants en la matière. Il est exact que le décret de 1993, qui fixe les modalités de financement et les répartitions, constitue un élément contraignant. Aussi, nous essayons de faire sauter un certain nombre de blocages résultant de ce décret, afin d'aider davantage les municipalités dans l'effort qu'elles consentent pour donner à nos gendarmes des conditions de vie non seulement dignes et agréables, mais qui leur permettent aussi de faire dans les meilleurs conditions possible leur métier, qui, je le rappelle, est difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
    M. François Rochebloine. D'abord, je tiens à indiquer que je partage pleinement les propos d'Hervé Morin. Il est exact que certains gendarmes vivent dans des conditions absolument inacceptables.
    La discussion du budget de la défense pour 2003 se déroule dans un contexte très particulier, puisqu'elle précède de quelques semaines celle de la nouvelle loi de programmation militaire, laquelle prévoit globalement une augmentation des crédits d'équipement, ce qui constitue, de ce point de vue, une rupture avec les politiques précédentes.
    Pour autant, je ne vous cacherai pas mes fortes inquiétudes quant à l'avenir du secteur de l'armement terrestre.
    M. Michel Voisin. Et voilà !
    M. François Rochebloine. Le budget pour 2003 constitue la première annuité de la loi de programmation militaire et, à ce titre, il doit traduire des choix stratégiques majeurs dont les incidences ne doivent pas être sous-estimées, tant au plan industriel qu'économique et social.
    Si le contexte géopolitique tel qu'il résulte de la chute du mur de Berlin ne peut être ignoré, il n'en reste pas moins que cette politique se traduit concrètement par un désengagement de l'Etat à l'égard du secteur des industries de l'armement terrestre.
    Ainsi, pour GIAT Industries, le PSES, c'est-à-dire le plan stratégique, économique et social, arrive à son terme à la fin de cette année, sans pour autant avoir rétabli l'équilibre financier, et ce malgré une diminution importante des effectifs. Je rappelle que, alors que le groupe comptait 18 000 personnes il y a une quinzaine d'années, il n'en compte plus que 6 700 aujourd'hui. Des rumeurs circulent selon lesquelles le prochain plan risquerait de ramener ce nombre à moins de 3 000.
    Il est un fait que « l'Etat-client », en raison de sa politique de commandes, place aujourd'hui le groupe dans une situation particulièrement délicate.
    J'en veux pour preuve deux exemples. Le premier concerne la commande ferme de cinquante-quatre VBCI et de onze VPC, commande qui enregistre d'ores et déjà des retards dus à de nombreuses incertitudes sur le projet lui-même. Pour différentes raisons non imputables à GIAT Industries, cette commande, importante pour l'avenir du groupe, je dirai même pour sa survie, va se solder par des pertes, puisque des provisions ont déjà été engagées par la direction.
    Le second exemple concerne le MCO, c'est-à-dire le maintien en condition opérationnel. Pourquoi ce programme n'est-il pas confié aux concepteurs, problème que j'ai déjà évoqué dans un passé récent avec vos prédécesseurs à propos du NTI3 ?
    La baisse programmée du plan de charges de GIAT Industries, présentée comme inexorable, et les échecs des quelques tentatives de redéploiement de l'outil industriel ont conduit, dans la durée, à une véritable perte de savoir-faire et à une réduction des capacités du groupe.
    Ce constat connu m'amène donc à formuler trois questions.
    En l'absence d'une véritable politique européenne de défense, la France va-t-elle renoncer à conserver un secteur de l'armement terrestre digne de ce nom et prendre ainsi le risque d'accroître une dépendance étroite à l'égard de fournisseurs étrangers dont les intérêts nationaux ne convergent pas toujours avec les nôtres ?
    M. Jacques Myard. Européen, mais pas trop ! (Sourires.)
    M. François Rochebloine. Deuxièmement, mettra-t-on un terme aux incertitudes actuelles en ce qui concerne les commandes en cours, tant au niveau du VBCI que du programme MCO ?
    On annonce des chiffres de commandes élevés - 550 VBCI et 150 VBC - mais, à ce jour, ainsi que je l'ai déjà indiqué seules, soixante-cinq commandes fermes ont été passées.
    Enfin,...
    M. le président. C'est votre troisième question, monsieur Rochebloine !
    M. Yves Fromion. Il a été très bref !
    M. Jean Michel. Pour trois questions, oui !
    M. François Rochebloine. J'en termine, monsieur le président.
    Enfin, dans la perspective probable de la mise en oeuvre d'un nouveau plan de restructuration du groupe GIAT Industries, qui semble inévitable, j'ai bien noté, madame la ministre, que vous avez indiqué ce matin que vous recevrez au préalable les élus des sites concernés, parlementaires et maires, lesquels sont confrontés au quotidien aux préoccupations des salariés et des populations de bassins d'emplois déjà durement éprouvés. Je sais que vous êtes particulièrement attentive à cette question et vous en remercie.
    M. le président. Madame la ministre, vous avez la parole pour répondre à trois questions !
    M. François Rochebloine. Nous sommes petits, il ne faut pas nous écraser !
    Mme la ministre de la défense. Si j'ai bien compris votre incitation, monsieur le président, je vais tenter d'y répondre brièvement.
    La France va-t-elle renoncer à avoir une politique d'armement terrestre ? Non, bien entendu.
    Cependant, il est probable qu'elle devra agir de plus en plus - mais cela ne peut que vous plaire, monsieur le député - dans un cadre européen...
    M. François Rochebloine. Tout à fait !
    Mme la ministre de la défense. ... et avec des adossements européens.
    Il est vrai que, s'agissant des programmes actuels, les perspectives de plan de charges de GIAT sont en forte baisse. La production des chars Leclerc pour les Emirats arabes unis touche à sa fin et le contrat de vente de chars Leclerc à l'Arabie est, c'est le moins que l'on puisse dire, extrêmement incertain puisqu'il traîne depuis dix ans.
    En ce qui concerne le VBCI, il y a eu effectivement des retards et de nombreux problèmes. Je ne chercherai pas à établir, aujourd'hui et ici, les responsabilités. En tout cas, je peux dire que, à ce jour, nous avons à peu près défini le programme, et que la livraison devrait avoir lieu à partir de 2007, ce qui devrait permettre d'avancer un peu et, peut-être, de trouver de nouveaux marchés.
    S'agissant du MCO, je pense que le développement de cette activité est une chance pour GIAT et qu'elle devra faire l'objet d'une orientation à confirmer. Cependant, ne nous faisons aucune illusion, cette activité ne compensera pas l'effrondrement de l'activité blindée, même si elle devrait permettre d'utiliser l'expertise et l'excellence de la technicité de cette entreprise.
    Toute ces questions devront être étudiées dans les prochaines semaines, pour essayer d'offrir des perspectives à GIAT et pour lui éviter qu'un énième plan ne se traduise que par des suppressions d'emplois et un fragilisation du personnel. Je souhaite que tout cela se fasse en totale concertation avec tout le monde et dans un esprit d'ouverture. Bien entendu, ainsi que je l'ai indiqué ce matin, nous informerons les personnels, les syndicats et les élus, et nous aurons des discussions avec eux. J'en ai pris l'engagement car je crois que c'est aussi de cette façon qu'il convient de travailler.
    M. François Rochebloine. Très bien !
    M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe UMP.
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Madame le ministre, la professionnalisation de nos forces est faite. Vous leur donnez, grâce à votre budget, les moyens d'agir. Cependant, vous le savez, la défense de la France va bien au-delà d'un corps de bataille. Elle passe aussi par la défense en profondeur du territoire, c'est-à-dire ce que l'on appelle la défense opérationnelle du territoire. Or, malheureusement, celle-ci n'est pas aujourd'hui en grande forme.
    M. Charles Cova. C'est un doux euphémisme !
    M. Jacques Myard. Les missions de la DOT sont assurées par la police nationale et par la gendarmerie, soit au total 200 000 hommes. J'ignore combien sont syndiqués mais sans doute un certain nombre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est loin d'être négligeable, mais nous savons très bien que, en cas de crise, ce sera insuffisant.
    Aussi, il nous faut sans doute - et même certainement - créer dans chaque département des unités décentralisées de volontaires, organisées comme le corps de la protection civile, c'est-à-dire un corps de professionnels épaulés par des volontaires. Et pour ne rien vous cacher, je pense que ces volontaires pourraient être rattachés à la gendarmerie, corps d'élite s'il en est, et placés, en temps de paix, de l'autorité du préfet et de son délégué militaire départemental.
    Cette garde nationale, car je souhaite lui donner un nom, aurait, dans mon esprit, une triple mission : premièrement, assurer le quadrillage du territoire pour la protection des points sensibles - nous en avons tous dans nos communes ; deuxièmement, constituer une réserve facilement disponible pour le corps de bataille ; troisièmement, servir de force d'appoint en cas de catastrophe naturelle.
    Aussi, ma question est simple : êtes-vous prête, madame la ministre, à étudier comment pourrait être organisée une telle force, par exemple en lançant une expérimentation dans un ou deux départements ?
    M. le président. Madame la ministre, êtes-vous prête ? (Sourires.)
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, il est vrai que la suppression du service national a entraîné nombre de transformations : elle a conduit certes à la professionnalisation des armées, avec l'effort que cela a impliqué, mais elle a aussi modifié la sensibilisation de nos concitoyens aux problèmes de défense.
    Nous sommes donc amenés aujourd'hui à réfléchir sur la façon de sensibiliser les Français à la question à la défense du territoire et à l'ensemble des problèmes de défense, et à les amener à s'engager.
    La question que vous évoquez rejoint un peu celle concernant les réserves. C'est un véritable sujet, qui a fait l'objet de rapports parlementaires, notamment de la part du président de la commission de la défense. C'est donc un sujet qui intéresse nombre d'entre vous. Il doit être abordé à la fois sous l'angle de la réserve et sous celui de la Journée citoyenne, sur laquelle il convient de réfléchir car de nombreux points sont à revoir.
    M. François Rochebloine. Oui !
    M. Jacques Myard. En effet !
    M. Charles Cova. Il faut rétablir les « trois jours » !
    Mme la ministre de la défense. Je souhaite donc que, à partir du mois de janvier, car, comme je vous l'ai dit à propos des réserves, il faut tout de même prendre un minimum de temps, nous menions une réflexion en commun sur toutes les façons - et je pense qu'elles sont extrêmement diverses - de sensibiliser nos concitoyens à ces questions, de leur offrir un cadre régulier d'accueil et d'exercice.
    Vous proposez l'appellation de « garde nationale »...
    M. Jacques Myard. C'est une évidence !
    Mme la ministre de la défense. ... il faudra y réfléchir. Je ne doute pas que des agences de communication seront ravies de se pencher sur cette question, d'autant que certaines ont beaucoup d'imagination. (Sourires.)
    M. Jean Michel. Pourquoi pas la « Garde bleue » ? (Sourires.)
    Mme la ministre de la défense. Je ne vous le fais pas dire !
    M. le président. Ça, c'était de la provocation ! (Sourires.)
    Mme la ministre de la défense. Pour moi, l'essentiel n'est pas de trouver un nom de baptême, mais d'assurer la conception d'un beau bébé. En tout cas, je ne vous dirai pas que nous devons en faire un en commun, car ce serait mal interprété ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Madame la ministre, je reviens sur la situation de GIAT Industries, dont le siège se trouve sur le territoire de ma ville. Je vais donc compléter la question de François Rochebloine.
    A la fin de l'année, ce sont 4 000 emplois qui auront été supprimés depuis quatre ans, et trois sites sur douze qui auront été fermés. Malheureusement,...
    M. François Rochebloine. Malheureusement, en effet !
    M. Etienne Pinte. ... cela n'aura pas suffi à sauver GIAT Industries. Par conséquent, l'Etat sera obligé, d'ici à la fin de l'année, de réinjecter 300 millions d'euros pour recapitaliser pour la énième fois l'entreprise. Au reste, la direction générale vous a adressé un nouveau plan social.
    Bien sûr, l'Etat ne peut et ne pourra pas tout faire. C'est pourquoi j'ai signé, en 1996, un accord de coopération avec GIAT Industries pour aider l'entreprise : ainsi, chaque fois qu'un certain nombre de postes sont supprimés, nous regardons si les profils de ceux qui perdent leur emploi correspondent à ceux des postes pour lesquels nos communes, le département, voire la région, recrutent.
    La vente de 150 chars à l'Arabie Saoudite semble hypothétique...
    M. François Rochebloine. Faut pas rêver !
    M. Etienne Pinte. ... et la construction du fameux véhicule blindé de combat d'infanterie est retardée - les spécificités de celui-ci n'auraient, paraît-il, pas encore été totalement validées par l'état-major.
    M. François Rochebloine. Absolument !
    M. Etienne Pinte. Et quand bien même vous nous rassureriez sur ces points, cela ne serait pas suffisant pour résoudre totalement les difficultés de GIAT Industries.
    Dans ces conditions, madame la ministre, comment envisagez-vous le devenir de notre industrie d'armement terrestre en général, et de GIAT Industries en particulier ? La filialisation de certaines activités ne serait-elle pas l'une des solutions à retenir pour sortir GIAT Industries de ses difficultés ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur Pinte, le GIAT a connu plusieurs plans successifs qui ont, les uns après les autres, surestimé les perspectives économiques et, dans un certain nombre de cas, sous-estimé les charges restant dans l'entreprise. Et je ne parlerai pas d'un certain nombre d'orientations et de diversifications qui n'ont pas donné, loin de là, les résultats attendus.
    Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des difficultés : le plan de charge traditionnel s'effondre et, si le VBCI est pratiquement déterminé - une maquette supplémentaire reste à faire - et le MCO ouvre des perspectives, des mesures doivent être prises.
    Je me réjouis que des accords du type de celui que vous avez évoqué entre les collectivités territoriales et GIAT permettent d'aider un certain nombre de personnels à trouver des débouchés qui soient compatibles avec leurs compétences et donc valorisants.
    Quant au reste et notamment à la stratégie industrielle, vous comprendrez que je ne puisse vous répondre. Vous connaissez les règles sur l'entrave et vous comprendrez qu'en conséquence je ne veuille pas mettre à mal des opérations que nous allons devoir faire en disant dès à présent des choses qui n'ont pas à être dites publiquement.
    M. le président. La parole est à M. François Cornut-Gentille.
    M. François Cornut-Gentille. Madame la ministre, sur tous les bancs, chacun s'est réjoui de la hausse des crédits d'équipements et a insisté sur la nécessité de pérenniser l'effort. Dans cette perspective, pouvez-vous nous préciser votre stratégie ?
    J'aimerais aussi que vous confirmiez l'hypothèse intéressante que vous avez évoquée ce matin et qui permettrait de relâcher un peu la pression due à la volonté d'économies budgétaires : il s'agirait de reporter les crédits d'équipement du budget national au niveau européen. Cette hypothèse est-elle crédible ? A quel terme pensez-vous qu'elle puisse se concrétiser ? Sur un plan plus général, quelle est votre perception du sujet ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, pérenniser l'effort, tel est bien l'objet de la loi de programmation militaire, qui doit à la fois dessiner des perspectives très claires et fixer des échéances. La loi est en quelque sorte « datée » : elle prévoit des annuités de crédits de paiement. Cela permet à la représentation nationale de vérifier, année après année, que les crédits sont bien inscrits lors du budget annuel et, à la fin de l'exercice, qu'ils ont été réellement consommés.
    C'est au ministre de faire, au cours de l'année, les exercices sportifs nécessaires pour obtenir que son budget ne soit pas amputé au gré des gels et autres opérations traditionnelles. Au demeurant, les fonctions ministérielles que j'ai exercées par le passé m'ont habituée tant au marathon qu'au saut d'obstacles, voire, dans certains cas, aux sports de combat. (Sourires.)
    Le problème que vous avez évoqué ne se pose pas trop en ce qui concerne la France. Il réside beaucoup dans l'attitude de certains de nos partenaires européens, qui tirent prétexte du pacte de stabilité pour annoncer qu'ils ne feront pas l'effort nécessaire.
    Ce que je vous ai indiqué ce matin résulte de la réflexion commune non seulement de ministres de la défense, mais également de chefs d'Etat et de gouvernement sur le sujet. La défense de nos pays européens, notamment face à la montée du risque terroriste, que nous ne pouvons pas, je le répète, sous-estimer, implique un effort particulier, au-delà même de la volonté de construction européenne. Un certain nombre de pays y sont prêts alors que d'autres sont beaucoup plus réticents, tels que l'Espagne, qui l'a d'ailleurs fait savoir. Mais une majorité de pays ont aujourd'hui une attitude favorable.
    Le sujet sera vraisemblablement évoqué à l'occasion d'un prochain sommet européen. Sera-ce celui de Bruxelles ? C'est possible.
    Il a déjà été évoqué à plusieurs reprises sur un plan bilatéral et il devrait l'être lors d'une réunion globale.
    M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe socialiste.
    La parole est à Mme Patricia Adam, pour poser une seconde question.
    Mme Patricia Adam. Madame la ministre, à partir du 1er janvier 2003 ou peu de temps après, DCN doit devenir une entreprise nationale détenue à 100 % par l'Etat. C'est une importante évolution pour cet établissement.
    Je tiens à cette occasion à saluer les efforts des personnels de DCN qui, depuis plusieurs années, ont vécu les profondes mutations qu'a connues l'industrie navale militaire de notre pays.
    Il serait légitime qu'à l'occasion de la présente discussion budgétaire nous puissions répondre à leurs préoccupations.
    En effet, ces personnels voient les crédits d'équipement augmenter dans le budget de 2003, ainsi que dans le cadre de la loi de programmation militaire avec la commande du second porte-avions. Toutefois, ils affichent une certaine inquiétude quant à l'avenir de la future entreprise nationale, d'autant que la perspective du second porte-avions, au coeur du savoir-faire de DCN, implique de la part du Gouvernement de préciser quelles seront les relations entre la France et la Grande-Bretagne en vue de la concrétisation d'une véritable politique européenne de la défense que nous souhaitons tous, favorisant l'avenir et la compétitivité de nos armées, mais aussi de nos entreprises.
    La principale préoccupation touche au contenu du contrat d'entreprise Etat-DCN. En effet, la loi a prévu le principe d'un contrat pluriannuel pour la période 2003-2008, lequel doit fixer, d'une part, les relations financières de DCN avec l'Etat et, d'autre part, les objectifs économiques et sociaux assignés à celle-ci en contrepartie d'une garantie d'activité et d'investissements ainsi que du recrutement nécessaire à la bonne exécution des budgets.
    Le contenu du plan industriel est donc très attendu puisqu'il permettra à l'entreprise nationale d'avoir une visibilité suffisante pour atteindre ses objectifs d'efficacité industrielle et de réaliser sa mutation. Ces éléments sont essentiels pour l'adhésion des personnels au projet d'entreprise.
    Si les orientations budgétaires suscitent certains espoirs pour ce qui est des équipements de la marine, des inquiétudes réelles et légitimes ne manquent pas, malgré tout, de s'exprimer.
    Dans ces conditions, madame la ministre, êtes-vous en mesure de rassurer les personnels de DCN sur le contenu du plan et sur les points qui sont l'objet de leurs préoccupations ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Madame le député, l'inquiétude des personnels de DCN est tout à fait compréhensible : quand on change de statut, quand on a connu des baisses de plan de charge, on se demande de quoi sera fait l'avenir. Il est dans notre rôle à tous de leur redonner confiance, et pas dans l'abstrait car DCN est, dans sa nouvelle formule, une entreprise dans laquelle on peut avoir confiance.
    La loi de programmation militaire et, au-delà, les prévisions de développement des activités maritimes font que les compétences de DCN ouvrent de véritables perspectives d'avenir. C'est sur ce plan qu'il importe d'intervenir.
    Il faut bien voir que le changement de statut aidera aussi les personnels à valoriser leur savoir-faire et permettra à leur entreprise de se développer. Jusqu'à présent, les contraintes d'une structure administrative qui n'est certainement pas adéquate pour entrer dans un système concurrentiel pénalisaient d'une certaine façon les personnels et la production de DCN.
    Je crois d'autant plus au succès qu'il y a quelque trois semaines j'ai rencontré un millier de cadres de DCN qui s'étaient rendus à un séminaire près de Paris. J'ai discuté avec eux et j'ai senti qu'ils étaient extrêmement motivés et qu'ils croyaient en leur entreprise.
    Nous devons maintenant finaliser le changement de statut. Cela se fera au cours des prochaines semaines. Pour aider à ce passage dans un monde concurrentiel auquel, à mon avis, DCN a tout à gagner, l'Etat a décidé, pour assurer la jonction, d'assurer la continuation du plan de charge « en sifflet », si je puis dire.
    Par conséquent, nous pouvons être confiants et rassurer les personnels de DCN qui doivent aussi l'être, d'autant que le nouveau statut leur permettra de nouer des coopérations et des collaborations avec d'autres chantiers navals, européens en particulier. Ils ont déjà l'habitude de travailler avec la société Izard, avec laquelle un certain nombre de commandes ont été honorées, mais je vois se dessiner d'autres opportunités.
    Même si elle a été dure, la transformation de DCN débouchera - on peut le penser - sur quelque chose de positif pour les personnels.
    M. le président. Nous en arrivons à la dernière question du groupe socialiste.
    La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
    M. Jean-Claude Viollet. Madame la ministre, la SNPE ayant décidé de mettre fin aux activités de production de son établissement d'Angoulême, en Charente, en juin 2003, le problème de la réutilisation de ce site de 180 hectares, inclus dans un ensemble plus vaste de 275 hectares en plein coeur de l'agglomération se pose naturellement.
    Or toute réflexion dans ce sens suppose au préalable une réponse à la question de la dépollution du site. Cette opération impliquant directement l'Etat, votre ministère devrait aujourd'hui être en possession des résultats de l'ensemble des études préalables menées par la SNPE pour les différents travaux de dépollution, en surface comme en sous-sol.
    Si tel est le cas, pourriez-vous nous éclairer sur les intentions précises de l'Etat, sachant que leurs implications financières intéressent bien évidemment le projet de budget de 2003 de la défense dont nous débattons aujourd'hui, mais aussi les budgets à venir ?
    Je vous remercie par avance de votre réponse, qui est attendue tant par les élus et la population de l'agglomération du Grand-Angoulême que par les salariés des établissements SNPE et CELERG, qui sont prêts à mettre leurs compétences et leur savoir-faire au service de la dépollution du site, ce qui permettrait à l'Etat de faire montre d'une certaine exemplarité dans le traitement de ce dossier difficile de restructuration de défense, du triple point de vue économique, social et environnemental.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur Viollet, le site d'Angoulême a subi deux types de pollution : une pollution pyrotechnique, d'une part, et une pollution chimique, de l'autre.
    Des études ont été réalisées. Mes services les ont examinées depuis l'été. Aujourd'hui, nous pouvons dire que tout ce qui concerne la pollution pyrotechnique est bien cerné et que les travaux pourront commencer rapidement, sous réserve de quelques compléments d'études. Quant à la pollution chimique, elle exige des études plus poussées. Ce dont nous disposons aujourd'hui est insuffisant pour déterminer ce qu'il y a à faire et sur quelle superficie.
    La décision de principe concernant les premiers travaux sera prise avant la fin de l'année et la loi de finances, si vous la votez (Sourires), prévoit des crédits de paiement à cet effet : 6,7 millions d'euros exactement, ce qui n'est pas une petite somme.
    M. le président. Nous en revenons au groupe UMP.
    La parole est à M. Yves Fromion, pour deux minutes...
    M. Yves Fromion. Vous êtes rude, monsieur le président !
    M. le président. Je vous connais, monsieur Fromion ! (Sourires.)
    M. Yves Fromion. Avant de poser ma question, je voudrais faire une petite observation.
    Je ne comprends pas très bien pourquoi certains de nos collègues de l'opposition essaient d'opposer les armées de la République à l'école de la République.
    Trop souvent, on entend, notamment sur leurs bancs, que la hausse des crédits budgétaires se ferait au détriment de l'école de la République. Or, et je suis désolé d'avoir à vous le rappeler, mes chers collègues, l'armée de la République et l'école de la République méritent la même considération. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    On ne saurait opposer l'une à l'autre !
    M. Philippe Folliot. Très juste !
    M. Yves Fromion. Si les hussards de la IIIe République étaient parmis nous, ils s'empresseraient de vous faire la leçon et de vous rappeler que la République est une et indivisible. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je suppose que vous vouliez poser une question, monsieur Fromion ? (Sourires.)
    M. Yves Fromion. Ayant dit cela, je pense avoir exposé l'alpha et l'oméga de mon propos. Je vais maintenant en venir au delta.
    M. le président. Très bien !
    M. Yves Fromion. Si l'alpha et l'oméga ne constituent pas l'ensemble d'une politique gouvernementale, il n'en reste pas moins que le delta fait la différence : il fait la différence entre les pays qui ont décidé d'avoir encore une ambition, et ceux qui n'en ont plus.
    M. Jacques Myard. Très juste !
    M. Yves Fromion. Madame la ministre, toute la difficulté à laquelle nous sommes confrontés réside, nombre d'orateurs l'ont dit avant moi, dans le devenir de nos industries de défense. Pourquoi ? On a évoqué l'aspect purement industriel de la politique industrielle en matière de défense. Mais cette politique n'a pas seulement un aspect industriel : elle fait partie intégrante de la politique de défense, notamment chez nous parce que nous disposons d'une force de dissuasion nucléaire. La dissuasion nucléaire n'a aucune valeur si elle ne s'inscrit pas dans un contexte global qui comprend à la fois des forces conventionnelles et un dispositif industriel.
    Ceux qui pensent qu'on pourrait faire l'économie d'un outil industriel militaire reconnu et efficace se trompent car la crédibilité d'une défense tient à l'ensemble de ses composantes.
    Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit s'agissant de GIAT ou d'autres entreprises. On pourrait aussi évoquer les industries spatiales, qui sont dans une situation très difficile, notamment celles qui sont chargées de la fabrication des satellites.
    Je souhaiterais par conséquent que vous nous assuriez que le Gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour que nos industries de défense, tous secteurs confondus, fassent l'objet d'une attention toute particulière.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, la loi de programmation militaire en elle-même constitue déjà un élément de réponse important.
    M. Paul Quilès. Nous n'en avons pas discuté !
    Mme la ministre de la défense. Nous en avons discuté un peu en commission, monsieur Quilès, mais nous en rediscuterons ici. Ainsi que je l'ai dit ce matin, j'avais pour ma part regretté que la logique de la discussion budétaire nous impose cet ordre. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai tenu à aller devant les commissions de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat avant même que le budget ne soit discuté, pour exposer le projet de loi de programmation militaire. Il est vrai que je ne me suis adressée qu'aux membres de ces commissions.
    D'abord, la loi de programmation militaire dans son ampleur, que j'ai rappelée ce matin pour donner le contexte de la loi de finances pour 2003, est en soi l'affirmation que le Gouvernement porte un intérêt tout particulier à l'industrie de défense. Ensuite, il faut prendre en considération la déclinaison de ses différents éléments.
    Ce que nous faisons pour DCN et le soutien que nous essayons d'apporter à nos entreprises, notamment quand elles essaient d'exporter - le salon Euronaval en est un bel exemple - illustrent la considération que nous portons à nos industries de défense et à leurs personnels, dont les compétences et la qualité sont partout reconnues dans le monde entier. Je suis très heureuse de constater que nos industries de défense sont capables de vendre leurs produits dans le monde entier car ce n'est pas le seul marché national qui pourrait suffire à leur ouvrir des perspectives.
    C'est en se tournant résolument vers l'extérieur que nos entreprises pourront marquer leur excellence et s'assurer des perspectives d'avenir. Cette ouverture extérieure est d'abord européenne. D'ailleurs, nos entreprises collaborent de plus en plus avec des entreprises européennes, qu'il s'agisse des satellites, de l'aéronautique ou de la haute technologie. Dans tous les domaines, des accords nombreux sont signés au niveau industriel comme au niveau commercial. Cela nous donne la force nécessaire et la puissance suffisante pour exporter dans le monde entier, sachant que nous sommes confrontés à forte concurrence avec les Américains qui pèsent toujours beaucoup dans la négociation des contrats.
    C'est la raison pour laquelle, au regard de la dimension économique de nos industries de défense et de leur dimension sociale par les emplois qu'elles créent, nous insistons pour souligner toutes les qualités et les capacités qui sont les leurs.
    M. le président. La parole est à M. Georges Siffredi.
    M. Georges Siffredi. Madame la ministre, il y a quelques jours, vous avez effectué un voyage important aux Etats-Unis qui a fait l'objet d'une large couverture médiatique dont il est ressorti une impression de tension entre l'administration américaine et le gouvernement français, en raison notamment de l'attitude de la France à l'égard de la volonté des Etats-Unis de conduire une guerre préventive en Irak. Or, en tant que ministre de la défense, vous avez pu vous prévaloir auprès de notre allié américain d'un effort considérable de notre pays à travers une loi de programmation ambitieuse, en rupture avec les années précédentes, qui se traduit concrètement par un accroissement significatif des crédits de défense dès l'année 2003.
    Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quel accueil vous ont réservé les autorités américaines et comment est apprécié, chez notre allié d'outre-Atlantique, l'accroissement des crédits consacrés à notre défense ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, je pensais que ce voyage serait un voyage difficile, comme cela arrive parfois. En fait, j'ai reçu un accueil très chaleureux, avec des marques d'attention particulières que j'ai beaucoup appréciées et qui, par-delà ma personne, s'adressaient à la France.
    De ce voyage, je retire deux impressions.
    La première c'est que, contrairement à l'image que nous avons ici et qui est souvent véhiculée par les médias nationaux ou internationaux, l'opinion politique américaine n'est pas si monolithique. J'ai trouvé des interlocuteurs - les principaux responsables des affaires étrangères et de la défense - qui, pour une bonne part, se posent sur l'Irak les mêmes questions que celles que nous nous posons. Ils comprennent notre position et admettent que la France a une sorte d'expertise sur les pays arabes qui constitue pour eux un élément important de connaissance et d'appréciation.
    La deuxième impression que je retire de voyage, c'est que la France a retrouvé de sa crédibilité aux Etats-Unis. Un élément essentiel de cette crédibilité, c'est l'effort en matière de défense nationale. Visiblement, aux Etats-Unis, mais sans doute aussi dans d'autres pays, un pays existe pour autant qu'il sait assumer sa propre défense et qu'il est capable d'assurer la défense de ses valeurs dans le monde. Un autre élément de crédibilité, c'est la capacité de la France de faire des analyses et des propositions qui, même si elles ne vont pas toujours dans le sens des Etats-Unis, recueillent l'assentiment d'un grand nombre de pays dans le monde. Je tiens à saluer ici l'action menée par notre diplomatie en cette période délicate, qui, de toute évidence, n'est pas ressentie par les Américains comme une agression ou un manque de solidarité mais simplement comme l'expression d'une position différente.
    D'une façon générale, et c'est un sentiment qui est partagé par un bon nombre des Français que j'ai rencontrés là-bas, nous ne sommes pas aujourd'hui dans une période de tension entre la France et les Etats-Unis. Au contraire, les liens n'ont jamais été aussi resserrés. Cela est probablement lié aux gestes qu'a faits le Président Chirac après le 11 septembre mais également à ce qui s'est passé en Côte-d'Ivoire. J'ai été remerciée par de nombreuses personnes de l'action que la France a menée pour récupérer les élèves américains aux alentours de Bouaké.
    Tout cela crée un contexte extrêmement chaleureux entre les deux pays où, finalement, avoir des divergences d'analyse ou d'appréciation n'est pas ressenti comme une agression mais simplement comme l'expression d'un allié qui est un véritable allié parce qu'il sait exister par lui-même.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.
    M. Jean-Louis Léonard. Madame la ministre, je serai un peu moins géopolitique que mes illustres collègues mais sans doute plus pragmatique en vous parlant de gendarmerie maritime.
    Il a été beaucoup question de gendarmerie et de matériel. Mais la gendarmerie maritime est restée le parent pauvre de la défense. Or ses missions sont multiples : missions de police en mer, avec la marine nationale, de douanes, de police judiciaire, de police administrative, éventuellement de défense opérationnelle, de police militaire, ou de sécurité des eaux territoriales.
    Or, qu'il s'agisse de problèmes tel celui que nous avons rencontré avec l'Erika, ou d'incidents passés plus inaperçus, la gendarmerie maritime est extrêmement sollicitée. Pourtant, ses moyens sont extrêmement réduits, voire quelques fois inexistants.
    Pour ma circonscription, c'est-à-dire la grande zone de Rochefort, le territoire couvert va du sud des Sables-d'Olonne jusqu'à Arcachon sans oublier, bien entendu, les mission fluviales la Gironde et sur la Charente. Mais la brigade, composée de huit hommes, ne dispose pour surveiller cet immense territoire que d'une petite vedette de dix mètres, qui plus est en panne depuis quatre mois faute d'un moteur adapté à ces missions. Ce bateau conçu pour être utilisé 100 heures par an au total navigue plus de 1 000 heures, il doit donc être remplacé par une vedette de vingt mètres. Mais ce qui a surtout marqué les esprits, c'est que si cette vedette en panne n'a pas été réparée, c'est que l'organisation en matière de matériel est telle que le devis transmis il y a plus de quatre mois n'a jamais été renvoyé. Cela mériterait que les mesures que vous préconisez soient prises.
    Cette situation regrettable me conduit, madame la ministre, à vous poser deux questions, l'une principale, l'autre accessoire.
    D'abord, quelle va être votre politique vis-à-vis de la gendarmerie maritime, qui, bien au-delà des mots « gendarmerie » et « maritime », est responsable de toute la sécurité des espaces maritimes aussi bien en matière de transit que d'accès à nos côtes, et tout le monde sait ce que cela recouvre ?
    En matière de matériel, ensuite, comment ces vedettes de vingt mètres ont-elles été programmées, quel est leur calendrier de livraison et, surtout, selon quels critères de choix seront-elles affectées à telle ou telle brigade.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Monsieur le député, en matière de gendarmerie maritime et de sémaphores, nous allons vers un renforcement pour des raisons que vous avez évoquées implicitement et que je dirai très clairement : nous estimons que ce dispositif, qui concerne directement l'accès aux côtes, est un élément de prévention contre le terrorisme et également un élément de lutte contre l'immigration clandestine ou certains trafics. La gendarmerie maritime a un grand rôle à jouer et elle fait, à ce titre, l'objet d'une attention toute particulière qui se traduit par des engagements financiers et des mesures destinées à lui donner les moyens nécessaires.
    S'agissant de l'affectation du matériel, il existe toute une série de critères, qui vont des plans de charge au plans de renouvellement pluriannuels, en passant par la prise en compte de la densification des risques d'infractions. Pour ce qui concerne le point précis du calendrier de livraison des vedettes, je ne peux pas vous répondre maintenant mais je le ferai par écrit. J'ai bien noté les longueurs des circuits administratifs que vous dénoncez, elles sont effectivement intolérables et je peux vous assurer que des actions seront menées dans le cadre de l'amélioration de la gestion du ministère dont je vous ai parlé ce matin.
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.
    Je vous remercie, madame la ministre, chers collègues, car, dans cet exercice difficile de questions, nous avons à quelques minutes près respecté le temps qui nous était imparti.
    J'appelle les crédits du ministère de la défense ouverts aux articles 38 et 39.

Article 38

    M. le président. « Art. 38. - I. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2003, au titre des mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 53 899 708 euros applicables au titre III « Moyens des armes et services ».
    « II. - Pour 2003, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III « Moyens des armes et services » s'élèvent au total à la somme de 767 871 426 euros. »
    M. d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la défense, a présenté un amendement, n° 49, ainsi rédigé :
    « Réduire de 1 530 000 euros les crédits ouverts au paragraphe II de l'article 38. »
    La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la défense. Cet amendement concerne les services de communication du ministère de la défense : les structures qui ont un service propre, le service central de la Délégation à l'information et à la communication et l'Etablissement cinématographique et photographique des armées, qui est un établissement public. L'ensemble des moyens représente pas moins de 78 millions d'euros, près de 500 millions de francs, et, au total, 1 240 personnes sont prévues pour 2003, dont 392 pour l'ECPA, et 240 pour la DICOD elle-même.
    La question que nous nous posons, c'est : pour faire quoi ? Il est vrai que la plupart des actions sont très utiles, mais la multiplication des publications et des revues, à peu près dans tous les domaines, nous semble excessive. Aussi nous paraît-il nécessaire de revoir la politique de communication, sinon dans ses objectifs du moins dans ses moyens.
    L'augmentation de 19 % des crédits de la DICOD proposés dans le présent budget a semblé considérable à la commission des finances. Elle a donc proposé de les maintenir à leur niveau de 2002, ce à quoi correspond la réduction de crédits de 1,53 million d'euros. Je pense que si la DICOD ou d'autres services ont des actions supplémentaires à mener, ils pourront le faire grâce à des redéploiements des services votés.
    M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées. M. le rapporteur nous explique qu'il faudrait faire des économies sur le budget de la communication. Or, si l'objectif d'une mutualisation des moyens de communication de la défense dispensés à la DICOD et aux états-majors peut sans doute être approuvé, l'amendement risque d'aller à l'encontre même de son objectif : il réduit en effet des crédits qui correspondent à l'idée d'une politique unique de communication.
    De plus, je trouve cet amendement parfaitement inopportun parce que la DICOD a déjà fait des efforts importants de restructuration et de stabilisation de ses effectifs.
    En outre, au moment où notre armée se professionnalise, où, comme on le dit dans le jargon quotidien, le lien armée-nation doit être renforcé, les armées ont plus que jamais à faire connaître leur savoir-faire et à montrer au reste de la nation la palette des métiers à proposer aux jeunes hommes et aux jeunes femmes de ce pays.
    M. Yves Fromion. Elle doit recruter !
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Nous avons besoin de milliers de réservistes. Si l'on diminue les crédits de la communication, comment, pourrons-nous, dans les lycées, dans les écoles, dans les classes préparatoires, convaincre les jeunes gens de ce pays de servir dans l'armée de réserve ?
    Je suis par conséquent défavorable à cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de la défense. Je peux comprendre que les chiffres paraissent considérables. Mais, monsieur d'Aubert, ces crédits supplémentaires correspondent à deux actions précises que je souhaite mener au cours de l'année à venir.
    La première action est un grand plan de communication en faveur des réserves. Certains se sont étonnés tout à l'heure de ne pas voir d'augmentation correspondant à la ligne « réserves ». Et j'ai répondu que si aucune mesure particulière n'était prévue, c'est que je souhaitais que nous définissions ensemble des mesures reprenant complètement ce qui est fait aujourd'hui pour les réserves. Il n'empêche que, dans l'année qui vient, il faudra faire quelque chose. Nous allons probablement mettre deux ou trois mois avant de fixer les mesures ; ensuite, nous devrons pouvoir communiquer.
    La deuxième action est la mise en place, au cours de l'année 2003, d'une journée armée-nation, correspondant à la nécessité de renforcer la prise en considération d'un esprit de défense dans l'ensemble de la nation. Et pour cela, il me faut des crédits.
    Alors, vous me direz que l'on aurait toujours pu utiliser les crédits existants. Mais, monsieur le député, je vous répondrai très simplement que depuis six mois que je suis arrivée, je n'ai pas eu le temps de me pencher sur les problèmes internes. Il existe effectivement de nombreuses publications. Je ne peux dire lesquelles sont indispensables et lesquelles ne le sont pas. Il y a peut-être des regroupements à opérer et, par conséquent, des économies à réaliser. Mais, vous le savez très bien, compte tenu de la sensibilité des personnels, il est nécessaire de les associer. Cela ne se fait pas en l'espace de quelques semaines. Il faut d'abord leur faire prendre conscience de l'intérêt qu'il peut y avoir à procéder à de tels regroupements.
    Monsieur le député, je partage votre souci d'efficacité des deniers publics et je peux vous proposer de maintenir le montant actuel des crédits qui me permettra de monter rapidement les deux opérations de communication que je viens d'évoquer. Nous pourrons ensuite mettre à profit les mois à venir pour engager ensemble une vraie concertation. Je serai d'ailleurs, quant à moi, tout à fait prête à ce qu'une étude spécifique soit menée en liaison avec la commission de la défense et la commission de finances. Nous ferons ainsi un travail sérieux qui nous permettra de disposer d'un budget totalement calibré pour 2004.
    M. François Rochebloine. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Michel Voisin, pour répondre à la commission.
    M. Michel Voisin. Je comprends les préoccupations du rapporteur spécial. Toutefois, j'ai bien expliqué ce matin, au nom du groupe UMP, qu'il fallait développer la communication en direction de nos concitoyens, pour leur parler non seulement du lien armée-nation, mais aussi de toute la place qu'occupe la défense dans notre vie quotidienne. Je ne peux donc que faire mienne l'intervention du président de la commission de la défense en indiquant que notre groupe rejette cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Mes chers collègues, si vous estimez qu'il n'y a aucune économie possible dans aucun budget, qu'il n'y a aucun gaspillage, y compris au ministère de la défense, qu'il n'y a aucun signe, même symbolique, à donner pour préparer le budget pour 2004, alors, en effet, il ne faut pas voter cet amendement.
    Mais si vous estimez, au contraire, qu'il nous faut rechercher dans tous les ministères les efforts de productivité, alors, je vous demande de soutenir cette proposition. Sinon, nous ne ferons rien ! Et je suis de ceux qui pensent que de nombreux services publics, y compris à la défense, sont produits à 110 euros alors qu'ils pourraient l'être à 100 euros. Si nous n'allons pas dans cette direction, je vous donne rendez-vous en 2004 pour constater que nous n'aurons aucunement amélioré la productivité du secteur public.
    M. Yves Fromion. Contre l'amendement, monsieur le président !
    M. le président. Il y a déjà eu un orateur contre, monsieur Fromion.
    M. Yves Fromion. Je serai très bref.
    S'il est un grand corps de l'Etat qui, depuis quelques années, a fait la démonstration éclatante de sa capacité à se remettre en cause, à faire des économies, à se remobiliser, à obéir aux instructions du Parlement et des autorités politiques, ce sont bien les armées ! Alors, venir leur demander de réduire leurs crédits alimentaires, comme on va le faire dans un instant, c'est inacceptable ! Veut-on priver les militaires de goûter ? (Sourires.)
    Vraiment, ces amendements doivent être retirés pour respecter la dignité de l'Assemblée nationale !
    M. le président. Monsieur Fromion, je ne vous demande pas de porter un jugement de valeur sur la dignité des propositions de la commission !
    Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. d'Aubert, rapporteur spécial, a présenté un amendement, n° 50, ainsi rédigé :
    « Réduire de 10 000 000 euros les crédits ouverts au paragraphe II de l'article 38. »
    La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. Cet amendement, monsieur Fromion, concerne les crédits d'alimentation. (Sourires.) Il part d'une philosophie toute simple, à savoir qu'il est possible, sans porter atteinte ni au moral, ni à l'intégrité, ni à l'efficacité des armées, de faire quelques économies sur la gestion d'un ministère.
    M. Yves Fromion. Fromage ou dessert ! (Sourires.)
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. M. Alain Richard, votre prédécesseur, madame la ministre, avait annoncé, le 28 février 2002, sur la base aérienne 125 d'Istres, une harmonisation du régime des repas de service, c'est-à-dire ceux qui répondent à une nécessité de service, généralement au déjeuner. Dans l'armée de l'air, les militaires présents sur une base aérienne ne paient pas leur déjeuner. On estime la proportion à seulement 40 % dans l'armée de terre. Les marins, eux, ne sont nourris gratuitement qu'à bord de leur bâtiment.
    Il semblerait que, depuis le 28 février, une harmonisation de fait s'opère entre les armées sur la question des repas de service, bien souvent sans réelle base réglementaire.
    Sur le plan budgétaire, je précise que les crédits d'alimentation pour l'ensemble des armées progressent du fait de la non-reconduction d'une mesure d'économie opérée sur le compte de commerce des subsistances militaires, d'un montant de 16 millions d'euros. La réduction proposée, qui porte sur 10 millions d'euros, s'imputerait sur les crédits de l'armée de l'air, qui s'élèveraient alors à plus de 53 millions d'euros.
    J'ai parfaitement conscience que les bases aériennes sont situées hors des zones urbaines et que les militaires sont contraints d'y déjeuner.
    M. Charles Cova. Il faut construire des « Mac Do » dans chaque base !
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. Mais je ferai deux observations. D'une part, si les militaires de l'armée de l'air déjeunaient ailleurs, ils paieraient leur repas. D'autre part, l'amendement de la commission des finances n'a pas pour objet la fermeture des cantines ni la suppression de la restauration dans les bases aériennes, mais simplement, ce qui me paraît de bonne gestion, de limiter le nombre de repas de service, sans pour autant affamer ni l'armée de l'air ni les autres armées.
    M. le président. Après la communication, l'alimentation.
    La parole est à M. le président de la commission de la défense.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Monsieur le rapporteur spécial, les aviateurs ne se nourrissent pas que de nourritures spirituelles ; ils ont également besoin de nourritures terrestres ! Et cet amendement ne tient pas compte des spécificités de service de l'armée de l'air. Vous avez fait allusion aux marins qui ne paient pas leurs repas lorsqu'ils sont embarqués. Il en est de même pour les aviateurs lorsqu'ils sont en mission, et Dieu sait qu'ils ont été souvent mis à contribution ces derniers mois et ces dernières années. C'est dans cet esprit que les personnels intéressés, travaillant loin de leur domicile ou en mission, ont droit à la gratuité des repas.
    Il ne me semble pas opportun d'aligner de manière systématique les crédits d'alimentation de l'armée de l'air sur ceux des autres armées, car chaque armée a un mode de fonctionnement spécifique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. Je précise que l'amendement ne concerne absolument pas les aviateurs en mission. Je me propose de le retirer (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Yves Fromion. Bravo ! On avait rationné les heures de vol, on n'allait pas rationner les repas !
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. ... mais je souhaite tout de même faire observer que si l'on veut réformer l'Etat et le fonctionnement des grands services publics, il faut procéder tantôt à petits pas, tantôt par de grandes réformes. Or, apparemment, même cette proposition, qui faisait plutôt partie des petits pas, est difficile à faire accepter.
    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
    M. François Rochebloine. Pour ma part, je regrette que l'amendement ait été retiré, car il tendait à rétablir une certaine équité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je ne vois pas pourquoi certains bénéficieraient du double de repas gratuits.
    M. le président. Monsieur Rochebloine, ne relançons pas le débat.
    L'amendement n° 50 est retiré.
    Je mets aux voix l'article 38.
    (L'article 38 est adopté.)

Article 39

    M. le président. « Art. 39. - I. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2003, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :
                                               «
Titre V "Equipement

14 960 809 000 EUR

«
Titre VI "Subventions d'investissement accordées par l'Etat

339 080 000 EUR

            « Total

15 299 889 000 EUR

    « II. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2003, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :
                                              «
Titre V "Equipement

2 052 505 000 EUR

«
Titre VI "Subventions d'investissement accordées par l'Etat

308 003 000 EUR

            « Total

2 360 508 000 EUR

. »
    M. d'Aubert, rapporteur spécial, et M. Garrigue ont présenté un amendement, n° 51, ainsi rédigé :
    « Réduire de 100 000 euros les crédits ouverts au paragraphe II de l'article 39. »
    Votre tâche est difficile, monsieur d'Aubert. Voilà encore un amendement de « petits pas ».
    M. Jacques Myard. Il se prend pour Kissinger ! (Sourires.)
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. Je laisse à M. Garrigue le soin de présenter lui-même son amendement.
    M. Yves Fromion. Notre collègue a dû avoir un moment d'égarement !
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Madame la ministre, mon amendement, qui a été repris par la commission des finances, a pour objet de poser la question de la politique immobilière de l'Etat,...
    M. Jacques Myard. Vaste programme !
    M. Daniel Garrigue. ... à propos de la réalisation des actifs immobiliers du ministère de la défense. Cette politique de ventes, organisée de façon systématique par l'un de vos prédécesseurs, André Giraud, avait pour objet d'alimenter le titre V, c'est-à-dire la programmation militaire. Le principe est excellent, et on comprend que le ministère de la défense essaie, comme les autres, de développer sa propre stratégie immobilière.
    Toutefois, sur le terrain, on se trouve face à des situations totalement incohérentes puisque chaque administration mène sa propre politique dans tel département ou telle ville. Ainsi, le ministère de l'intérieur demande au maire de lui céder un terrain ou un immeuble gratuitement tandis que le ministère de la justice ou celui de la défense veut lui vendre au prix fort des implantations dont il ne sait plus que faire.
    Vous me direz qu'il y a des tentatives pour essayer de concilier les positions des différents ministères. Mais je vous assure qu'au niveau local - peut-être en avez-vous vous-même fait l'expérience - le maire se trouve souvent confronté à des dossiers inextricables compte tenu de l'attitude des diverses administrations. Il y a quelques années, des propositions très intelligentes avaient été faites en ce domaine, visant à regrouper toute la politique immobilière de l'Etat sous l'égide d'une agence foncière unique, qui aurait été placée auprès du Premier ministre, une caisse de compensation permettant à chaque ministère de retrouver ensuite les rétributions qui lui reviennent légitimement. Cette réorganisation aurait surtout permis que les problèmes immobiliers soient traités près du terrain, sous l'autorité des préfets, en réunissant tous les acteurs intéressés autour d'une même table. Aujourd'hui, au contraire, non seulement on ne travaille pas ensemble, mais en plus la MRAI, Mission par la réalisation des actifs immobiliers, se lance, pour la réalisation de tel actif, dans des études extrêment coûteuses et qui, localement, n'apportent rigoureusement rien.
    C'est précisément pour remédier à cette situation qu'il faut unifier la politique immobilière des administrations. Cela irait dans le sens de la réforme de l'Etat à laquelle nous sommes attachés. Au moment où l'on parle de décentralisation, je crois nécessaire d'accomplir parallèlement un effort de déconcentration, afin de rendre aux préfets, notamment en ce domaine, des compétences qui leur permettraient de discuter efficacement avec les collectivités.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de la défense. Il est vrai que la restructuration du ministère implique de nombreuses réaffectations immobilières. Depuis 1997 ont ainsi été prises 551 mesures de restructuration, qui ont affecté plus de 340 emprises immobilières. Je ferai deux observations à cet égard.
    D'une part, la MRAI exerce sa mission de réalisation des actifs en fonction de prix qui sont fixés, non pas par elle, et encore moins par mon ministère, mais par le ministère des finances.
    D'autre part, elle agit sur le terrain en liaison très étroite avec les services du préfet et des collectivités locales. C'est son rôle, sa mission, que je ne manquerai pas de lui rappeler, en insistant sur la nécessité de coller le plus possible au terrain et de ne pas multiplier les complications. Je vous propose donc, monsieur Garrigue, de retirer votre amendement.
    M. le président. Accéderez-vous à la demande de Mme la ministre, monsieur Garrigue ?
    M. Yves Fromion. Mais oui !
    M. le président. Monsieur Fromion, vous n'avez pas la parole.
    M. Daniel Garrigue. Madame la ministre, si la commission des finances en est d'accord, je veux bien retirer mon amendement, dont l'objet principal était de poser le problème. Mais, honnêtement, je ne peux pas me contenter de votre réponse, qui consiste à dire que la MRAI travaille efficacement et dans l'intérêt général. Si rien n'est entrepris, dans l'année qui vient, pour donner de la cohérence à la politique immobilière de l'Etat et pour assurer aux préfets une délégation des différents ministères leur confiant la responsabilité de cette politique sur le terrain, je reviendrai avec de nouveaux amendements l'an prochain.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. Daniel Garrigue. Et si la commission des finances m'apporte toujours son soutien, ces amendements, je ne les retirerai pas !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. La MRAI existe déjà depuis quatre ou cinq ans et elle a obtenu des résultats indéniables. Mais, pour ce qui est de l'efficacité de sa politique foncière ou immobilière, il y a sûrement à redire. Il serait bon de créer une mission d'information à ce sujet. Néanmoins, puisque l'auteur le souhaite, la commission des finances retire l'amendement.
    M. le président. L'amendement n° 51 est retiré.
    Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V, ouverts à l'article 39.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI, ouverts à l'article 39.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 39.
    (L'article 39 est adopté.)

SERVICES DU PREMIER MINISTRE
II. - Secrétariat général de la défense nationale

    M. le président. J'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne « Services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale ».

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : 3 587 719 euros. »

ÉTAT C

Répartitions des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 9 495 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 4 747 000 euros. »
    Je mets aux voix le titre III.
    (Le titre III est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)
    M. le président. En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant deux amendements tendant à insérer un article additionnel après l'article 63.

Après l'article 63

    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 80, ainsi rédigé :
    « Après l'article 63. insérer l'intitulé et l'article suivants :
    « Défense
    « La loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975, modifiant la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires et édictant des dispositions concernant les militaires de carrière ou servant en vertu d'un contrat, est ainsi modifiée :
    « 1° à la fin du dernier alinéa de l'article 5, l'année "2002 est remplacée par l'année "2008 ;
    « 2° à la fin du dernier alinéa de l'article 6, l'année "2002 est remplacée par l'année "2008 ;
    « 3° dans le premier alinéa de l'article 7, l'année "2002 est remplacée par l'année "2008. »
    La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Cet amendement vise simplement à proroger une mesure existante.
    Afin de garantir une pyramide des âges adaptée à l'activité opérationnelle des armées, certaines mesures d'incitation au départ des officiers et des sous-officiers doivent être applicables sur la période 2003-2008.
    Ces mesures arrivent à échéance le 31 décembre 2002. L'article 5 du projet de loi de programmation militaire 2003-2008 prévoit leur prorogation, mais la promulgation de ladite loi avant le 1er janvier 2003 est incertaine, puisque nous risquons d'en débattre au Sénat après cette date.
    Afin d'assurer la légalité des actes administratifs pris entre le 1er janvier 2003 et la date de promulgation de la loi de programmation militaire, il est demandé de proroger les articles 5, 6 et 7 de la loi du 30 octobre 1975 jusqu'au 31 décembre 2008.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission de la défense ?
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. Avis favorable également. Je voudrais cependant souligner que cet amendement a un coût. La mesure, en année pleine, est revenue à 3,63 millions d'euros en 2002 et on décide de la proroger au lieu d'y mettre un terme. Mais il est vrai qu'elle se justifie parfaitement sur le fond.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. d'Aubert, rapporteur spécial, a présenté un amendement, n° 52, ainsi rédigé :
    « Après l'article 63, insérer l'intitulé et l'article suivants :
    « Défense
    « L'article 95 de la loi de finances pour 1980 (n° 80-30 du 18 janvier 1980) est abrogé. »
    La parole est à M. le rapporteur spécial.
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. Je dirai que c'est un amendement de « nettoyage » de texte. Les rapports du Gouvernement que nous appelons les « jaunes » procèdent toujours de la meilleure intention et sont censés améliorer notre information sur tel ou tel sujet.
    En l'occurrence, le « jaune » institué par l'article 95 de la loi de finances pour 1980 a pour objet de récapituler les crédits civils qui concourent à la défense de la nation. Si le sujet est intéressant, le contenu est malheureusement assez décevant. Pas un seul chapitre n'est identifié et l'utilité de ce document nous paraît pour le moins limitée, d'autant qu'il va devenir rapidement caduc avec l'entrée en vigueur de la nouvelle présentation budgétaire.
    Donc à partir de 2005, il n'aura plus de sens. Alors, dans un souci de simplification, je n'ose pas dire d'économie, encore que cela fasse faire quelques économies de papier (Sourires)...
    M. Jacques Myard. Et de fonctionnaires !
    M. François d'Aubert, rapporteur spécial. ... nous proposons de supprimer ce document, qui n'est sûrement pas le produit vedette de la communication du ministère de la défense.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense. La commission de la défense, a émis un avis favorable sur cet amendement, qui va dans le sens de la simplification administrative.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de la défense. M. le rapporteur spécial a tout à fait raison. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de la défense. Je tiens à remercier le président de la commission des finances, les rapporteurs, le président de la commission de la défense et tous les orateurs. La discussion a été particulièrement riche et a porté sur des problèmes très concrets - et la défense, ce sont aussi des problèmes très concrets. Les hommes et les femmes qui servent notre pays y verront un signe très positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la défense ainsi que de ceux inscrits aux services du Premier ministre concernant le secrétariat général de la défense nationale.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)
    M. le président. La séance est reprise.

ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS
Aviation civile

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer concernant l'équipement et les transports ainsi que du budget annexe de l'aviation civile.
    La parole est à M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'équipement et les transports terrestres.
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour l'équipement et les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, monsieur le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, mes chers collègues, le budget de l'équipement et des transports terrestres, c'est d'abord un budget important : 12,3 milliards d'euros pour 2003 contre 12 milliards en 2002. Apparemment, les crédits sont en légère augmentation, encore qu'avec la pratique des gels et des dégels, les comparaisons se révèlent délicates. Tel était déjà le cas les années antérieures.
    Le ministère de l'équipement et des transports terrestres, c'est aussi une administration solide : quelque 100 000 agents avec 2 500 emplois non pourvus fin 2002 et une baisse annoncée de 750 postes, qui, évidemment, ne se verra guère dans cet ensemble de 2 500 emplois non pourvus. La Cour des comptes, il y a quelques années, avait formulé des observations assez sévères sur les conditions de gestion des personnels du ministère. Bon nombre de ces observations ont trouvé leur réponse mais d'autres, tout aussi nombreuses, sont restées sans suite. Ce ministère couvre également un secteur économique fort et organisé : près de 3 millions de salariés, de très grandes entreprises publiques ou privées et un réseau de PME également très organisé. Surtout, il compte des clients, des usagers sur tout le territoire et nos concitoyens se sentent concernés par toutes les questions que nous allons aborder, autoroutes, routes nationales, chemins de fer, voies navigables...
    Au total, c'est une industrie lourde, qui compte pour tous les Français. Mais aujourd'hui, une industrie lourde ne peut survivre que si elle est adaptée à la demande, ou plus exactement aux demandes, dans toute leur diversité. Tel doit être l'objet d'une politique de l'équipement et des transports terrestres. Quelle politique, quelles marges, quelle évolution le Gouvernement nous propose-t-il ? La manoeuvre est nécessairement lente, compte tenu des contraintes, du contexte communautaire, des nombreuses programmations pluriannuelles que connaît ce domaine, mais aussi, très normalement, de l'autonomie des acteurs privés et publics.
    La manoeuvre risque toutefois d'être d'autant plus lente qu'on se fierait à une sorte de déterminisme physique, au sein duquel des choix s'imposeraient, en fonction, certes, d'indicateurs souvent bien établis, mais qui ne peuvent à eux seuls définir une politique.
    Les choix, ces dernières années, ont été nombreux, les décisions très nombreuses et les engagements financiers innombrables. Ce budget en est le résultat : c'est le passé que nous assumons. Il faut commencer à résoudre les problèmes laissés en suspens. La situation budgétaire était incohérente, financièrement intenable, économiquement inefficace, environnementalement douloureuse. Monsieur le ministre, vous le savez, il faut bouger, ce qui suppose à la fois, une volonté de mouvement et une capacité de mouvement.
    La volonté de mouvement, tout d'abord. Le secteur de l'équipement et des transports terrestres, nous l'avons dit, est lourd, très lourd à tous égards. Prenons l'exemple de la SNCF. La dette de l'ensemble du système ferroviaire - SNCF, RFF - approche les 40 milliards d'euros. Chacun connaît la fragilité actuelle de la SNCF, nos compatriotes y sont tous sensibles. Mais en est-elle consciente, elle ? Il y a quelques années, d'autres grandes sociétés nationales du secteur des transports, telle Air France - Charles de Courson m'autorisera cet exemple -, ont été confrontées à de pareilles lourdeurs. Simplement, leur direction, leur personnel ont su, à un moment, qu'elles étaient mortelles. La SNCF sait-elle qu'elle est mortelle ?
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'équipement et les transports terrestres et fluviaux. Bonne question !
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Le jour où la SNCF aura compris cela, alors cette entreprise d'un secteur industriel lourd - ce dont on ne lui fait pas reproche -, cette entreprise glorieuse par ses réalisations, saura s'adapter aux nécessités d'aujourd'hui. Cette entreprise lourde et fragile doit bouger aussi, parce qu'elle doit tenir compte de l'évolution du contexte européen et des mutations qui s'opèrent. J'ai été atterré de constater combien la réforme de mars 2003, qui prévoit l'ouverture des sillons ferroviaires dans le domaine du fret, était peu préparée - c'est peu dire ! - par l'opérateur concerné au premier chef, RFF. Alors qu'en mars 2003 le contexte va évoluer de manière fondamentale et qu'il importe aujourd'hui de savoir quelles mesures vont être engagées pour favoriser la prospection de nouvelles clientèles, on constate que pas grand-chose, pour ne pas dire rien, n'a encore été fait. Cette situation n'est pas acceptable, car elle met en péril l'avenir de RFF, voire, s'il fallait encore un argument, celui de la SNCF, qui n'aura pas rencontré en 2003 la concurrence qui pourrait la stimuler.
    La SNCF elle-même s'en inquiète, d'autant que l'on peut entendre et lire partout que le contexte va changer, surtout au début de l'année 2003, et qu'une grande révolution arrive. Mais que va-t-il se passer le 15 mars 2003 ? Rien !
    La mutation européenne concerne une autre entreprise, la RATP, qui sera aussi confrontée à un choix stratégique. A ce propos, j'ai compris que le transport par bus hors du centre de Paris, était pour elle, un enjeu particulièrement significatif. Or c'est justement le secteur d'activité qui sera le plus concerné par le challenge de l'ouverture à la concurrence.
    Pour ce secteur lourd mais fragile, pour ce secteur en mutation, rappelons aussi que les exigences environnementales sont bien plus fortes qu'avant. Ainsi, la construction de nouvelles infrastructures n'est pas toujours bien acceptée, tout simplement parce qu'elle soulève des difficultés environnementales souvent très sévères. Permettez à un élu de la vallée du Rhône de le souligner.
    Et puis, il faut bien prendre en considération les contraintes budgétaires et financières, que j'ai déjà évoquées. A cet égard, votre budget traduit d'excellentes inflexions au regard du bilan difficile des années antérieures, manifestant une claire volonté de passer de politiques virtuelles à des politiques réelles.
    En ce qui concerne la sécurité routière, par exemple, le nombre des contrôles, dont vous soulignez, à juste titre, avec le Premier ministre et le Président de la République, qu'ils constituent un enjeu essentiel, a diminué de 20 % en 2001 tout simplement par ce qu'ils n'étaient, jusqu'à présent, pour les forces qui en ont la charge, qu'une variable d'ajustement. De même, 30 % des bornes d'arrêt d'urgence sur le réseau des routes nationales ne fonctionnent pas, ce qui est pour le moins curieux. Il faudra rapidement rétablir la situation, dans le cadre d'une politique d'exploitation de la route plus exigeante.
    On peut également classer dans le domaine du virtuel des contrats de plan gonflés, en ce qu'ils dépassent très largement les capacités d'engagement de l'Etat et prévoient des autorisations de programme assez surréalistes. Comment l'Etat, comment les préfets de région, monsieur le ministre, ont-ils pu, au moment de l'élaboration de ces contrats de plan Etat-région, signer des engagements que, manifestement, l'Etat allait être incapable de tenir au cours des sept années d'exécution ? Nous le constatons au fil du temps.
    M. Michel Bouvard. Bonne question !
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Non seulement les autorisations de programme étaient gonflées, mais l'exécution a souvent été gelée, jusqu'à aboutir à des diminutions de 40 % au cours d'une année. En quelque sorte, plus on aura annoncé, moins il aura été fait. Dans ce domaine, vos prédécesseurs, monsieur le ministre, auront été experts. Nous attendons évidemment mieux de vous.
    Politique virtuelle aussi pour ce qui concerne la multimodalité, comme en témoigne l'ouverture du capital d'ASF. Elle a rapporté 1,8 milliard d'euros à l'Etat, dont l'essentiel devait bénéficier aux politiques d'intermodalité et de multimodalité.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. Or, si 300 millions d'euros ont financé la liaison Perpignan-Figueras, 1,5 milliard d'euros ont été utilisés pour des réalisations auxquelles ils n'étaient pas initialement destinées. Cela appelle tout de même quelques observations.
    M. Michel Bouvard. Absolument !
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. En la matière, monsieur le ministre, nous comptons sur la volonté de changement que vous avez d'ores et déjà manifestée et nous vous encourageons à persévérer.
    Cependant, à toute volonté doit correspondre une capacité de mouvement, une capacité de mobilisation, car toute politique doit pouvoir s'appuyer sur des outils, afin d'accompagner les secteurs d'activité dont nous parlons aujourd'hui. Pour cela, il faut aussi une administration plus efficace. En la matière, des réformes sont déjà engagées avec, par exemple, dès 2003, une globalisation des crédits pour vos services en région Nord - Pas-de-Calais, dans le cadre de la préparation à la mise en oeuvre des nouvelles dispositions relatives aux lois de finances.
    Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour rationaliser l'organisation de votre administration. Certes, elle est riche de nombreux organismes de consultation et de concertation, mais, bien plus souvent que dans d'autres départements ministériels, ces derniers s'appuient sur leur administrations propres. Nous n'en voyons pas la nécessité et il y a manifestement là matière à économies.
    Au-delà, peut-on se contenter d'une réduction de 750 postes dans votre ministère alors que les vacances d'emplois sont au nombre de 2 500 en cette fin d'année ?
    En même temps, la gestion des personnels doit porter attention au problème d'attractivité de certaines fonctions. Ainsi que cela a été relevé la semaine dernière en commission, nous sommes nombreux à constater, sur le terrain, les difficultés de recrutement auxquelles vous êtes confronté, en particulier pour attirer des candidats aux fonctions d'encadrement de terrain. Il est donc évident qu'une meilleure maîtrise du nombre doit être assurée afin que l'on puisse donner davantage satisfaction à ceux de vos personnels qui le méritent. L'accroissement de l'efficacité d'une administration passe aussi par un plus grand degré de décentralisation.
    Les DDE connaissent depuis déjà plusieurs années les effets de la décentralisation dans leurs relations avec les conseils généraux et dans le partage des tâches qu'elles assument. Tout cela est aujourd'hui extrêmement compliqué, car les textes se sont ajoutés les uns aux autres sans pour autant clarifier la situation. Il faudra incontestablement aller plus loin, malgré certaines objections qui me semblent pour le moins curieuses. J'ai ainsi entendu affirmer, au cours des auditions que, si les DDE évoluaient dans leur organisation et si l'activité de terrain devenait principalement départementale - ce qui correspondrait à la réalité des missions assumées -, il serait plus difficile de mobiliser les agents en cas de catastrophes naturelles ou d'événements tels que ceux qui se sont malheureusement produits au début du mois de septembre dans le Sud-Est.
    Au nom de quoi peut-on imaginer qu'un fonctionnaire territorial serait moins conscient de l'urgence du moment, moins disponible, moins motivé à servir ses concitoyens qu'un fonctionnaire de l'Etat ? Lors des récents événements, ces derniers ont été très motivés et très efficaces. Qu'ils en soient vivement remerciés. Mais les fonctionnaires territoriaux, dans leurs domaines de compétences, l'ont été tout autant et je suis persuadé qu'ils le seraient demain dans des fonctions nouvelles qui leur seraient confiées. Agiter le chiffon rouge de la sécurité civile pour démontrer que tout progrès de décentralisation est impossible est faire injure à la fois au bon sens et aux hommes.
    Cela étant, si l'on veut bouger en utilisant à plein ses capacités, il faut que l'Etat sache où il veut aller, d'abord, l'Etat actionnaire dans sa relation avec la SNCF.
    Pour le fret, un rapport sera présenté dans quelques semaines par le sénateur Haenel. Il importera alors de passer du rapport à l'action. Ces travaux éclaireront sûrement d'un jour nouveau certaines questions, mais nous avons déjà quelques idées en la matière, en particulier quant à l'opportunité de régionaliser ou de filialiser.
    L'organisation interne fondée sur l'autonomie qu'a choisie la SNCF a manifestement échoué. Il ne suffit donc pas de constater qu'il existe une plus grande autonomie entre le fret et l'activité voyageurs au sein de la SNCF pour régler une situation aujourd'hui catastrophique. Elle a en effet perdu quarante points de parts de marché en quarante ans, ce qui n'est pas rien. Si les réformes d'organisation de ces derniers mois ou de ces dernières années avaient suffi, cela se saurait. Tel n'a pas été le cas. Il faut donc aller au-delà.
    Au regard de la question de la défaisance, le patrimoine immobilier de la SNCF n'est pas toujours très bien connu ni très bien inventorié. En la matière, elle est, en tout cas, d'une très grande timidité.
    On peut également s'interroger sur sa stratégie de groupe, car le moins que l'on puisse dire est que l'entreprise, très honorable au demeurant en ce qu'elle assure un service public indispensable, n'est pas très diserte sur sa dimension de groupe. En sa qualité d'actionnaire, l'Etat doit contraindre la SNCF à expliquer sa stratégie de groupe et à convaincre de la validité de ses options.
    Certes, d'autres entreprises ferroviaires à l'étranger sont propriétaires de groupes de transport, y compris dans le domaine du transport routier, certaines ont même fait récemment des acquisitions dans ce domaine. Pour autant, je ne crois pas que cela suffise à prouver que le champ d'activités actuel du groupe SNCF est justifié. En tout cas, la preuve est à faire. Nous pouvons être convaincus mais, aujourd'hui, nous n'avons pas d'éléments suffisamment précis pour l'être.
    Dans le secteur des voies navigables, nous avons un potentiel à concrétiser, d'autant que des améliorations sensibles ont été constatées sur le marché au cours des dernières années. A l'évidence, Voies navigables de France a su démontrer son efficacité. L'Etat doit donc l'aider à développer ses potentialités.
    Pour que l'Etat choisisse mieux ses objectifs, monsieur le ministre, vous avez décidé, il y a quelques semaines, la mise en oeuvre d'un audit avec l'Inspection générale des Ponts et chaussées et l'Inspection générale des finances. Il constituera une étape intéressante, puis, après le débat parlementaire que vous nous annoncez, viendront les choix. Il faudra alors que l'Etat s'engage à bon escient et respecte ses engagements.
    Il conviendra aussi d'encourager, de stimuler l'imagination, tout particulièrement sur le plan financier. Nous avons en effet le sentiment que, après les difficultés du tunnel sous la Manche, l'imagination financière dans le domaine des infrastructures et des transports est un peu en panne.
    En ce qui concerne la réalisation et l'exploitation de la liaison Lyon-Turin, demain ou après-demain,...
    M. Michel Bouvard. Demain ! (Sourires).
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial. ... on aurait pu imaginer que le dossier serait plus avancé aujourd'hui, mais cette remarque vaut aussi pour d'autres choix d'infrastructures. Dans ce domaine, la volonté doit être accompagnée d'un partenariat.
    S'agissant de la sécurité routière, il serait judicieux de faire partager la priorité que vous affichez au plus grand nombre possible de nos concitoyens et je propose, par exemple, que l'Etat consacre solennellement et explicitement l'ensemble du produit des amendes aux actions de sécurité routière. Si, aujourd'hui, une partie de ce produit est alloué aux collectivités locales, la partie qui reste à l'Etat n'a pas de base légale bien précise. Ainsi, depuis vingt ans, l'Etat a accumulé 10 milliards d'euros dont il n'est pas un propriétaire bien certain. Cette situation juridique et financière mérite d'être clarifiée, d'autant que l'enjeu n'est pas modeste.
    Une bonne solution serait que l'Etat et les collectivités locales perçoivent des parts équilibrées du produit des amendes, mais que celles-ci soient destinées aux actions de sécurité routière, sauf à ancrer chez nos concitoyens la conviction que l'augmentation des constats d'infraction, que l'accroissement des pénalités, que la « sévérisation » et la systématisation des sanctions seraient uniquement destinées à remplir les caisses de l'Etat.
    Le partenariat avec les collectivités locales pour passer d'une contractualisation virtuelle à une contractualisation réelle est par définition nécessaire dans l'intermodalité et dans la multimodalité. L'ouverture budgétaire que vous opérez pour aider différents acteurs à mener des actions dans ces domaines est, à cet égard, tout à fait bienvenue.
    L'intermodalité et la multimodalité figurent tant dans vos projets que dans les observations formulées par la représentation nationale dans la préparation de ce débat. Elles sont donc au coeur de notre attente, et cela correspond aussi à une demande forte de la société. En la matière, le Gouvernement a fait un choix lucide et nous nous en félicitons. N'oublions pas cependant que l'on en parle depuis longtemps. Il en a même été souvent question, mais l'action n'a pas toujours suivi le discours. Monsieur le ministre, action !
    L'objectif est important. La direction est juste. La route est difficile. Le départ est pris. Bonne conduite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'équipement et les transports terrestres et fluviaux.
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'équipement et les transports terrestres et fluviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à travers ses actions d'intervention et son rôle déterminant dans l'investissement public, le budget du ministère de l'équipement et des transports est l'un des moteurs de la croissance et de l'emploi pour les secteurs du bâtiment, des travaux publics et des transports.
    Le projet de budget pour 2003 traduit la volonté du Gouvernement de conduire des politiques volontaristes en faveur d'une meilleure desserte du territoire et de transports publics performants, avec le souci de développer et de moderniser les infrastructures, tout cela malgré un contexte économique incertain et des contraintes sévères de maîtrise de la dépense publique.
    Ce projet de budget se devait de surmonter des exigences contradictoires : à enveloppe budgétaire quasi constante, il s'agit de parvenir à réduire certains postes budgétaires pour dégager des moyens, financer les actions prioritaires, tout en soutenant des secteurs d'activités économiques déjà fragilisés par la dépression économique.
    Il convient de garder à l'esprit le poids considérable des secteurs des travaux publics et des transports dans l'économie nationale, tout particulièrement en termes d'emplois : 1 100 000 personnes travaillent dans les transports ; 1 600 000 personnes travaillent dans la branche du BTP.
    Il faut aussi savoir que l'activité des transports est très sensible au rythme de la croissance économique. Ainsi, la production de cette branche d'activité, après avoir connu une progression de 5 % par an de 1998 à 2000, s'est stabilisée en 2001.
    Le secteur du BTP s'est maintenu, lui, à un haut niveau d'activité, après deux années de très forte croissance en 1999 et 2000, notamment grâce à la baisse du taux de TVA appliqué aux travaux d'entretien dans les logements.
    Pour les travaux publics, la conjoncture a été moins favorable, mais le démarrage des contrats de plan, même si leur exécution a pris du retard, a permis de soutenir l'activité.
    En raison du ralentissement de la croissance et des incertitudes sur la situation internationale, les perspectives d'activité pour 2003 demeurent incertaines. C'est pourquoi votre rapporteur se félicite que ce projet de budget puisse préserver les investissements productifs et parvienne ainsi à soutenir l'activité du BTP.
    Ce projet de budget pour 2003, moteur de la croissance, est aussi un budget de transition, à plusieurs titres.
    Le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin a été confronté, en arrivant au pouvoir, à une situation des comptes publics plus dégradée que prévu. Le ministère du budget a donc décidé de procéder, dès le 12 août 2002, à un gel important de crédits, portant aussi bien sur les dépenses d'intervention que sur les dépenses d'investissement, alors même qu'une décision de même nature avait été prise en février 2002 par le précédent gouvernement.
    Cette première mesure de gel continue à produire ses effets, puisque seuls les crédits gelés relatifs aux dépenses d'intervention, sont à nouveau disponibles, ceux concernant les investissements restant suspendus.
    J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez éclairer la représentation nationale sur l'avancée des arbitrages ministériels en cours qui doivent arrêter définitivement la nature des dépenses qui seront suspendues, voire annulées d'ici à la fin de l'année. Nous craignons en effet que des investissements routiers soient remis en cause, plus particulièrement ceux contractualisés dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
    Nous nous interrogeons également sur le devenir des subventions aux transports combinés. Feront-elles l'objet d'une annulation pure et simple, ces crédits ne pouvant être utilisés en 2003 pour des raisons juridiques ?
    Rappelons qu'en mars 2000 la Commission européenne a fait savoir au Gouvernement français qu'elle considérait comme contraire au droit de la concurrence l'aide versée par l'Etat français à la SNCF au titre du transport combiné. Elle a indiqué que ce régime de subventionnement devait évoluer pour que les aides soient désormais versées directement aux chargeurs ayant recours au transport combiné, et non plus à la SNCF.
    Même si la France a notifié, le 18 septembre dernier, à la Commission européenne un nouveau système d'aides de l'Etat à l'exploitation de services de transport combiné de marchandises, il n'en reste pas moins regrettable qu'il ne soit pas possible de reporter sur 2003 les crédits d'intervention prévus pour 2002, malgré l'intention affichée du nouveau gouvernement d'engager des actions concrètes pour promouvoir le ferroutage et l'intermodalité dans toutes ses composantes.
    Si, d'aventure, cette décision de gel des crédits d'août 2002 conduisait à une annulation pure et simple des crédits en cause, la présentation du budget pour 2003 s'en trouverait, bien sûr, largement bouleversée : les comparaisons d'un budget à l'autre ne devraient plus se faire sur une base 100 en 2002, mais sur une base de dépenses réduites de 35 % !
    Nous sommes bien saisis d'un budget de transition et nous attendons, comme la commission des finances, les conclusions de l'audit sur les grands projets d'infrastructures. Celui-ci permettra de remettre à plat l'ensemble des projets annoncés par le précédent gouvernement, mais dont les mécanismes de financement n'avaient pas été définis.
    Le premier objectif de cet audit n'est pas de stopper l'investissement, mais bien de nous permettre de disposer d'une méthodologie pour apprécier l'intérêt socio-économique de chaque projet, pour évaluer les montants financiers nécessaires et rechercher de nouveaux mécanismes de financement, et pour s'assurer de la pérennité des ressources pérennes et affectées au financement des grandes infrastructures.
    Nous saluons cette démarche. A la fin de l'année, la DATAR sera consultée pour que les critères de développement durable et de desserte équilibrée du territoire soient pris en compte. Un travail de réflexion interministérielle sera ensuite conduit. Enfin, le Parlement sera amené à débattre et à arrêter, au printemps 2003, les priorités de la nation pour les cinq années qui viennent.
    Ce budget 2003 est également un budget de transition dans la mesure où votre ministère va se retrouver au coeur du grand projet de décentralisation, dont les débats sont ouverts aujourd'hui dans notre pays. Cela concerne tant les routes nationales que l'ensemble des transports, la région étant déjà reconnue comme chef de file pour l'organisation des transports ferroviaires. Il est vrai que les réformes relatives à la décentralisation risquent de modifier sensiblement l'organisation même du ministère, qui, avec ses directions départementales de l'équipement, dispose de services techniques très performants pour assurer un service public difficile et exigeant : l'entretien et la rénovation du réseau routier. Services publics de proximité par excellence, les DDE devront à terme évoluer, une fois arrêtées les réflexions en cours sur une nouvelle répartition des rôles dans la gestion des routes nationales.
    Il est clair aussi que si les routes nationales devaient être transférées aux départements, il ne semble pas souhaitable que la gestion d'une route nationale dépende de contraintes financières et organisationnelles relevant d'autorités multiples. Le réseau des routes nationales françaises doit garder une cohérence nationale et un niveau d'entretien similaire sur tout le territoire. A ce propos, monsieur le ministre, comment entendez-vous mettre en oeuvre le droit d'option offert aux agents des DDE placés sous l'autorité fonctionnelle des présidents des conseils généraux, ouvert par la loi dite de démocratie de proximité ?
    Toujours à propos de la décentralisation, le ministère de l'équipement et des transports peut tirer fierté de la réussite de la régionalisation des TER, qui consacre le rôle de la région comme collectivité chef de file pour l'organisation des transports ferroviaires.
    Si ce rôle de la région est confirmé par les futures lois de décentralisation, il sera sans doute nécessaire de revoir le financement de ce transfert de compétences.
    Certains considèrent déjà que la régionalisation des TER ne pourra pas être financée très longtemps par le seul mécanisme de la dotation globale de décentralisation. Il faudra bien envisager, un jour ou l'autre, de donner aux collectivités territoriales une part d'impôt dont l'évolution serait plus dynamique que celle de la DGD.
    Concernant le transport fluvial qu'évoquait mon prédécesseur, j'aimerais exprimer un voeu : celui de voir ce mode de transport mis à sa juste place. Il a été trop longtemps négligé, alors qu'il offre de réelles potentialités pour développer une politique intermodale et tirer profit de notre façade maritime. M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer pourra-t-il confirmer à la représentation nationale les assurances qui auraient été données à VNF d'une dotation majorée pour l'année 2004 ?
    Pourriez-vous enfin, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des précisions sur les deux fonds pour l'intermodalité, créés par la loi du 3 janvier 2002 sur la sécurité des infrastructures de transport ? Vous avez déjà apporté quelques assurances à notre commission. Nous aimerions être sûrs que ces deux fonds pourront effectivement bénéficier des ressources qui leur ont été affectées afin de pouvoir rapidement mener à bien des actions concrètes en faveur de l'intermodalité.
    Moteur de la croissance et de l'emploi, votre budget, dans l'attente de grandes réformes en matière de décentralisation, marque une volonté : celle d'un Etat plus volontaire en matière d'investissement public, plus efficace dans la qualité du service rendu aux usagers, d'un Etat soucieux de donner enfin un contenu à l'intermodalité. C'est pourquoi nous proposons à notre assemblée d'adopter les crédits que vous nous proposez pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la mer.
    M. Michel Vaxès, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la mer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit de doter le budget de la mer de 1 033 millions d'euros contre 1 021 millions d'euros en 2002, ce qui représente une hausse apparente de 1,16 %.
    En fait, hors établissement national des invalides de la marine et hors personnel, les dotations prévues sont en baisse de 2,79 % par rapport à 2002. Ainsi, en dépit des augmentations, les marges de manoeuvre du budget de la mer sont en réalités amoindries. De plus, ces marges de manoeuvre ont déjà été réduites au cours de l'exercice 2002, puisqu'il a été procédé le 12 août 2002 à des gels de crédits dont les effets sont difficilement supportés par l'administration de la mer. Ces gels de crédits ont rendu problématique le règlement de factures afférentes à des prestations déjà effectuées et remettent en cause près de 40 % des actions programmées au deuxième semestre, notamment dans le domaine de l'équipement des établissements d'enseignement maritime. Cette situation est difficilement acceptable.
    Le nombre de créations d'emplois, pour l'ensemble du ministère, s'établit à vingt-cinq. Il résume à lui seul la modestie d'un budget qui concerne pourtant 5 000 kilomètres de côtes dans un pays dont la vocation maritime mériterait d'être beaucoup mieux prise en compte par le budget de la nation.
    Les crédits de paiement des dépenses en capital sont en augmentation de 14 %. En revanche, les autorisations de programme, qui ont déjà chuté en 2002, devraient enregistrer une baisse importante de 16,65 % en 2003. Principalement, liée à la fin du programme « Port 2000 » au Havre, cette diminution reste insuffisamment compensée par l'augmentation des autorisations de programme destinées à la modernisation des ports et à la lutte contre les pollutions accidentelles. Il n'y a donc pas, à mon sens, de préparation suffisante des investissements futurs.
    Parmi les priorités affichées du projet de loi de finances pour 2003 se trouve la sécurité maritime, dont les moyens d'investissement augmenteront en 2003 de 8 % en autorisation de programme et de 14 % en crédits de paiement. Toutefois, les investissements consacrés à l'entretien du système de signalisation maritime seront tout au plus stabilisés, dans une période où cela ne semble guère souhaitable. Le plan de modernisation des phares et balises, lancé en 1998, se caractérise pour 2003 par des autorisations de programme de 11,57 millions d'euros. Il est donc en léger recul par rapport à 2002.
    En outre, le dispositif de contrôle et de surveillance en mer devrait être renforcé. Le réseau des unités littorales des affaires maritimes, qui assure la surveillance en zone côtière à l'échelon départemental, nécessitera d'ici à 2006 la création de neuf unités nouvelles et de quatre-vingt-onze emplois, dont une petite partie est prévue dans le projet de budget pour 2003 - quinze emplois et deux unités. Je crains qu'à ce rythme l'objectif pour 2006 ne soit pas atteint.
    L'objectif affiché par le ministère est le contrôle de 25 % des navires étrangers faisant escale dans les ports français. Dans cette perspective, vous prévoyez de créer quatre emplois d'inspecteur supplémentaires une évolution qu'il convient de comparer aux seize créations d'emploi en loi de finances initiale pour 2001 et aux trente-quatre créations d'emploi en loi de finances initiale pour 2002.
    J'ajoute que les emplois créés en loi de finances ne sont pas tous nécessairement pourvus : sur les seize postes créés en 2001, quinze ont été recrutés, mais seulement vingt des trente-quatre emplois prévus en loi de finances initiale pour 2002 ont effectivement été pourvus. Le doublement des effectifs prescrit par le comité interministériel de la mer du 28 février 2000 n'est donc pas réalisé. Au demeurant, quand bien même il le serait, je doute qu'il permette de réaliser l'objectif de 25 % de contrôle réellement effectué. Il faudrait être beaucoup plus audacieux dans ce domaine. Le naufrage, la nuit dernière, d'un vracquier panaméen au large de la pointe de Penmarch, dans le Finistère, en illustre, une fois de plus, l'urgence.
    L'amélioration de la sécurité maritime passe également par une modernisation des centres régionaux opérationnels de sauvetage et de surveillance. Un programme d'investissement global, d'un montant de 36,4 millions d'euros, a déjà été établi en ce sens. Une tranche de 6,3 millions d'euros est inscrite en autorisations de programme dans le projet de loi de finances pour 2003. Mais les crédits de paiement pour 2003 sont en baisse de 34,4 %. On peut dès lors s'interroger sur l'opportunité de parler de priorité lorsque les moyens d'investissement sont aussi clairement réduits.
    En ce qui concerne la sécurité et la modernisation portuaires, le projet de loi de finances pour 2003 propose la création de sept postes d'officiers de port et officiers de port adjoints, conformément aux décisions du comité interministériel de la mer de février 2000. Toutefois, il ne lève pas les incertitudes liées à l'évolution du statut des ports, dans le cadre de la décentralisation, une évolution qui pourrait voir l'Etat réduire sa voilure, en laissant peut-être à d'autres la charge de la sécurité dans les ports. Bien évidemment, cela n'est pas fait pour nous rassurer.
    A propos de modernisation, monsieur le ministre, je regrette que l'effort d'investissement, justifié, entrepris pour le port du Havre ne trouve pas de prolongement aussi conséquent dans d'autres ports français, notamment ceux de la façade méditerranéenne. Le port autonome de Marseille, par exemple, souffre, vous le savez, d'une sévère concurrence et mériterait d'être fortement soutenu dans ses efforts de modernisation.
    Dans le domaine de la sécurité, il faut aussi nous interroger sur les conséquences de la transposition, souhaitée par l'Europe, de la directive sur l'accès au marché des services portuaires. Certe, la France a obtenu une dérogation afin que le pilotage puisse continuer à être assuré par un prestataire unique, mais le monopole doit être justifié par des raisons de sécurité et il est à craindre que celles-ci ne soient pas toujours acceptées par Bruxelles. Je crois, pour ma part, que la France devrait, précisément pour des raisons de sécurité, parler d'une voix forte pour que le lamanage et le remorquage puissent bénéficier des mêmes conditions.
    Le soutien à la formation maritime, autre priorité du budget, se concrétise par la création de dix emplois d'enseignants dans les lycées maritimes et aquacoles et par une augmentation apparente de 44 % des subventions à l'enseignement maritime. Pour être précis, les dix emplois créés résultent de la transformation de quatre emplois de contrôleur des affaires maritimes et de six emplois de syndic des gens de mer. Quant à l'augmentation des crédits, elle provient en fait en grande partie de la création d'un article spécifique destiné à assurer la reprise des activités de l'AGEMA, association gérant jusqu'alors la formation maritime, par les services de l'Etat. Cette reprise est d'ailleurs plus que compensée par une baisse de 1,35 million d'euros des interventions publiques concernant l'enseignement maritime secondaire. Au total, les crédits destinés à l'enseignement maritime secondaire ont donc baissé ; c'est d'autant plus regrettable que, dans le même temps, la dotation affectée aux établissements d'enseignement privé agréés est en augmentation de 13 %. Je n'en conteste pas la nécessité, mais il n'est ni normal ni efficace que l'enseignement public en pâtisse. Par contre, la subvention de fonctionnement des écoles nationales de la marine marchande enregistre une progression de 17,7 %. Nous nous en félicitons, mais nous regrettons d'autant plus que l'enseignement secondaire n'ait pas bénéficié des mêmes progressions.
    La protection du littoral voit ses moyens évoluer de manière différenciée. Si les autorisations de programme sont en augmentation de 55 %, principalement pour financer le rétablissement du caractère maritime de la baie du Mont-Saint-Michel, les crédits de paiement destinés à financer les subventions d'investissement de l'Etat pour la protection du littoral sont en baisse de 16,38 % alors que, de son côté, l'investissement prévu pour la lutte contre la pollution accidentelle augmente de 42 % en crédits de paiement. On a donc du mal à voir la cohérence qui sous-tend le budget dans ce domaine.
    Le soutien à la flotte de commerce se caractérisera en 2003 par une progression des crédits de 3,8 %. A terme, le nouveau dispositif fiscal de la taxe au tonnage annoncé par le Gouvernement permettra aux armateurs d'être imposés en fonction du tonnage de leur navire. Cette mesure coûtera environ 7 millions d'euros à l'Etat, sans aucune contrepartie pour l'instant. Nous pouvons donc nous inquiéter des conséquences sociales de l'introduction de cette nouvelle taxe dont les effets néfastes ont déjà été soulignés en Grande-Bretagne. Par ailleurs, la promotion du cabotage, autre priorité du ministère, ne bénéficie que du crédit dérisoire de 1 million d'euros.
    Alors que les avantages consentis aux armateurs sont nombreux, en matière sociale, en revanche, le projet de loi de finances pour 2003 se limite à financer certaines mesures minimes, comme le dispositif de cessation anticipée d'activité - analogue à celui prévu en faveur des travailleurs victimes de l'amiante. La loi de finances pour 2002 permet en effet de mettre à la retraite les marins atteints par ces maladies professionnelles. Le financement des mesures en faveur de l'emploi déjà existantes continue dans le même temps à se dégrader : seul le nombre des contrats de qualification conclus en 2002 augmente, alors que le nombre des contrats initiative-emploi chute de près de 37 % et le nombre des bénéficiaires d'aides à l'embauche baisse de 10 %. Enfin, le projet de loi de finances pour 2003 ne fait que reconduire la mesure d'aide d'urgence de 300 000 euros destinée à soutenir les associations et à effectuer des avances sur salaires au bénéfice des marins abandonnés dans les ports français, en attendant la mise en place d'un système d'assurances international en discussion à l'Organisation maritime internationale. Cette aide est clairement insuffisante pour faire face aux drames humains liés à de telles situations.
    Malgré les réserves que je viens d'exprimer, la commission des finances a adopté ces crédits contre l'avis de votre rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    La parole est à M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la mer.
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la mer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, avant d'entrer dans le vif du sujet, l'examen du budget de la mer et des transports maritimes, je voudrais rapidement, pour éclairer le débat, mettre l'accent sur trois points qui me paraissent fondamentaux.
    Premièrement, d'autres l'ont dit avant moi, il s'agit d'un budget de transition. Intervenant après les élections législatives de juin, il ne dispose, comme l'ensemble du budget de la nation, que de marges de manoeuvre très restreintes puisque nos finances publiques ne sont pas en très bon état, c'est le moins qu'on puisse dire.
    Il n'en reste pas moins que ce budget constitue une première étape dans la mise en place d'une véritable politique de la filière maritime. Or une politique en faveur de la mer ne peut se concevoir que dans la stabilité et dans la durée. C'est la double condition de sa lisibilité. Et sous l'impulsion de Gilles de Robien et de Dominique Bussereau, nous avons l'ambition pendant ces cinq années de mettre enfin en place une vraie politique de la mer en France.
    Deuxième réflexion, la mondialisation s'impose à nous. Le développement constant des échanges entre les nations, donnée fondamentale, passe prioritairement par la croissance du transport maritime, puisque celui-ci, du fait de la modicité de son coût, représente 90 % des échanges mondiaux. Autrement dit, le développement de notre action en faveur de la mer est une des conditions essentielles de la participation de la France à la croissance des échanges mondiaux et, partant, à la croissance mondiale. La France n'ayant pas jusqu'à présent de politique maritime, il est vital pour son avenir économique, pour l'avenir de l'emploi, qu'elle développe dans ce domaine comme dans d'autres, une véritable politique. Oublier ce constat capital, ce serait passer à côté des réalités fondamentales de notre économie.
    Troisième réflexion, et non la moindre : grâce à ses départements et territoires d'outre-mer et à la règle des 200 miles nautiques, la France se retrouve à disposer d'une zone maritime de 11 millions de kilomètres carrés...
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis. En effet !
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis. ... ce qui fait d'elle, on l'oublie souvent, la troisième nation du monde par la surface maritime, avec toutes les responsabilités que cela implique ; d'où la nécessité de mettre en place une véritable stratégie pour développer notre filière maritime.
    Ces quelques réflexions éclairent d'un jour intéressant la lecture que nous pouvons avoir du projet de loi de finances pour 2003. Celui-ci marque, pour la mer, une évolution positive puisque les moyens d'engagement de programmes sont en augmentation de 4,5 % en 2003 par rapport à 2002, avec 1 044 millions d'euros à comparer aux 1 037 millions d'euros de l'an passé ; c'est là une croissance significative dont, messieurs les ministres, je tiens à vous remercier et vous féliciter.
    Ce budget s'articule autour de trois priorités : renforcer la sécurité de nos ports maritimes et la sécurité de nos infrastructures portuaires en les développant, renforcer la compétitivité de notre flotte de commerce et assurer les moyens de son développement ; protéger et mieux mettre en valeur notre littoral. Je les reprendrai rapidement pour m'arrêter à l'essentiel.
    Renforcer la sécurité maritime : un des moyens fondamentaux, on l'a déjà dit, consiste à renforcer le contrôle sur les navires étrangers. C'est une des meilleures façons de s'assurer du niveau de qualité des navires qui transitent sur nos côtes et qui s'arrêtent dans nos ports. L'objectif était de doubler les effectifs d'inspecteurs. En créant quatre nouvaux emplois, le budget pour 2003 complète les efforts déjà entrepris en 2001 et 2002. Nous disposerons donc, dès le début de l'année 2004, des cinquante-quatre emplois supplémentaires dont la création avait été décidée voilà deux dans. Ce dispositif sera complété par l'appel à de jeunes retraités de la marine, initiative prise par Gilles de Robien et Dominique Bussereau et que je salue. Ces gens qui ont bourlingué sur tous les océans, savent ce qu'est un navire, savent ce que c'est que la mer. Nos moyens de contrôle de la sécurité des navires ne peuvent qu'en être améliorés, d'autant que, parallèlement, la mise au meilleur niveau technologique des CROSS fait l'objet d'un effort particulier et que des moyens supplémentaires ont été inscrits pour la modernisation des phares et balises et pour les unités littorales des affaires maritimes. Deux unités et un second patrouilleur sont inscrits sur les crédits de 2003. Voilà des moyens supplémentaires de surveillance, de contrôle et d'intervention en matière de sécurité maritime.
    Pour assurer la sécurité portuaire et moderniser nos ports, trente postes supplémentaires d'officiers de ports auront été créés en trois ans, dans la continuité des efforts engagés avant que le présent gouvernement ne soit aux affaires.
    Il est clair que les équipements portuaires, par leur modernité et leur efficacité, contribuent aussi à la sécurité. Je voudrais les rappeler rapidement.
    Il y a d'abord, bien entendu, Port 2000 : port en eau profonde, largement ouvert sur le large, avec des profondeurs d'eau qui permettent aux navires de rentrer en toute sécurité à toute heure du jour ou de la nuit, avec des moyens ultramodernes de surveillance. Voilà un investissement qui offrira de grandes performances sur les plans économique et stratégique pour toute la façade Manche de notre pays, mais également sur le plan de la sécurité de l'entrée et de la sortie des navires.
    En outre, seront également réalisés sur le budget 2003 le prolongement du quai des Flandres à Dunkerque pour l'accueil de marchandises diverses ; à Fos-sur-Mer - puisqu'on nous a reproché tout à l'heure d'oublier Marseille ! -, des travaux de dragage et d'approfondissement du terminal à conteneurs ; l'allongement d'un quai à Toulon ; et un terminal de croisières à Ajaccio sera commencé.
    C'est dire que le budget 2003 consacre des moyens concrets à améliorer la sécurité de la navigation et son contrôle. Quant aux investissements portuaires, ils montrent que nous dotons nos ports de moyens modernes pour mieux capter le trafic, en assurer la fluidité et ainsi accroître la sécurité de nos côtes.
    Je pense, comme d'autres sans doute ici, que des ports sans raccordement à leur « hinterland », à leur zone de chalandise terrestre, sont des ports qui risquent, à terme, d'être vides.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est vrai !
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis. En matière de desserte terrestre, nous avons pris du retard, notamment pour les liaisons ferrées. De fait, depuis vingt ans, la SNCF n'avait pas de véritable politique commerciale. Il faut créer des équipements. Je dois reconnaître que RFF a pris conscience de la nécessité de compléter notre réseau de voies ferrées pour le fret et qu'il investit : il est grand temps. Là aussi, nous avions du retard, il fallait le combler.
    A cet égard, le rapport Haenel-Gerbaud est très attendu. Nous devons savoir rapidement quels choix stratégiques opérer, puisque ces investissements ferrés coûtent très cher, dans le cadre d'un développement et d'un aménagement du territoire bien compris : il faut que la France se mette à l'heure de la vraie compétition, par l'aménagement de ses ports mais aussi leur raccordement aux zones de chalandise qui se situent de plus en plus vers le centre et l'est de l'Europe.
    Concernant la compétitivité de notre flotte, il est un point particulièrement important dans le budget 2003, c'est le remplacement du régime de remboursement de la taxe professionnelle par un dégrèvement automatique. Pour les armateurs, avancer la taxe professionnelle qui leur serait remboursée plus tard constituait, en effet, un handicap.
    Pour ce qui est des charges sociales « non ENIM », messieurs les ministres, je me permets d'attirer votre attention sur le fait que le remboursement est bien prévu dans le projet de loi de finances 2003, mais qu'il est décalé d'une année. Les entreprises en sont fort marries. Si un effort pouvait être consenti sur ce point, sinon dans le projet de loi de finances, du moins d'ici à la fin de l'année, non seulement nous répondrions à leur attente, mais nous ferions en sorte que la parole de l'Etat soit respectée - ce à quoi, je le sais, vous êtes très attachés, même si les engagements ont été pris par vos prédécesseurs et si les moyens manquent en raison de leur imprévoyance.
    Enfin, deux dispositifs sont essentiels pour l'avenir de notre flotte.
    D'abord, le GIE fiscal instauré en 1998 est maintenu. Il faudrait l'étendre pour que les pétroliers puissent en bénéficier aussi, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Il convient donc de nouer le dialogue avec le réseau bancaire. Si nous voulons que ces navires, qui présentent des risques, soient plus modernes d'année en année, il faut aider les armateurs à investir.
    M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis. Je terminerai sur quelque chose qui me paraît essentiel : la taxe au tonnage.
    Dans la compétition internationale, la filière maritime a un champ sans limite, ni frontière et 70 % des armements mondiaux bénéficient de cette disposition fiscale qui est une taxe fixe. Pour l'armateur investisseur, c'est une mesure qui leur assure la lisibilité quand ils investissent. Elle nous met à armes égales, je l'ai dit, avec l'ensemble des armateurs mondiaux, puisque 70 % en bénéficient.
    J'ai entendu dire sur certains bancs que cette mesure constituait un cadeau aux armateurs. Pas du tout ! C'est une mesure de grande politique économique, qui résulte des observations précédentes, et que justifie la situation catastrophique de notre filière maritime.
    Il y a vingt-cinq ans, notre marine, qui comptait 900 navires, était la quatrième du monde. Aujourd'hui, elle n'est plus que la vingt-huitième, avec 207 navires battant pavillon français et pavillon Kerguelen. Il y avait 40 000 marins, il n'y en a plus que 8 500.
    Il est donc urgent de prendre une mesure tonifiante. Je ne suis pas contre le fait qu'on encadre cette mesure avec un objectif clair, et je pense qu'il faut en parler. Cet objectif est double : développer le nombre de navires sous pavillon national et augmenter le nombre de marins français. Il est contenu dans le texte. Je le répète, il s'agit d'un geste de politique économique, une politique tournée vers l'avenir. Cette mesure n'est qu'une étape, il en faudra d'autres. En tout cas, elle est très attendue par les armateurs. Elle a été promue par le Président de la République lui-même.
    Il est l'heure d'agir. Je crois que nombre d'élus sur tous les bancs pourraient approuver tant le dispositif que ses conséquences, qu'il faut sûrement encadrer.
    M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis. Le dernier point concerne la protection du littoral. On en a déjà parlé mais, monsieur le président, je crois nécessaire de rappeler certaines vérités.
    M. le président. Ce n'est pas une raison pour dépasser votre de temps de parole !
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis. La politique maritime de la France consiste dans le développement de sa filière maritime et de ses ports, mais elle suppose aussi une réflexion sur la construction navale, sur l'outre-mer, sur l'équilibre de notre littoral ainsi que sur la pêche.
    Le chantier est ouvert. Ce budget pour 2003, que je trouve bon et que je vous demande, chers collègues, d'adopter, est une étape vers une vraie définition d'une politique maritime en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens.
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les transports aériens. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si l'on additionne le 1,5 milliard du budget annexe de l'aviation civile, les 70 millions d'euros du FIATA, les 300 millions de crédits de paiement pour les programmes aéronautiques et les 186 millions consacrés à la météorologie, ce sont au total plus de 2 milliards d'euros qui seront consacrés en 2003 aux transports aériens.
    Si le budget qui nous est présenté traduit globalement une volonté politique équilibrée, je voudrais évoquer certains problèmes et exprimer quelques incertitudes, tant sur le projet de budget lui-même que sur le contexte dans lequel évolue le secteur des transports aériens.
    Je voudrais dans un premier temps attirer votre attention sur trois problèmes concernant votre budget :
    Tout d'abord, la fragilité des hypothèses retenues pour les recettes du budget annexe. Dans votre projet, le produit de la taxe de l'aviation civile baisse de 3,8 %. Dans la mesure où les tarifs unitaires de la taxe seront maintenus à leurs niveaux de 2002 - d'après les informations que m'ont données vos services -, la diminution du produit attendu de la taxe affectée au budget annexe, 224 millions d'euros, tient compte des baisses du trafic 2001-2002.
    Toutefois, ce produit est-il bien évalué ? On observe que l'estimation des recettes inscrites en loi de finances initiale pour 2002 était de 233 millions d'euros, alors que les estimations actuelles tablent sur une recette d'environ 205 millions d'euros, voire moins ! Ainsi, pour passer de 205 millions, qui seront les réalisations en 2002, à 224 millions en 2003, il faudrait une hausse de trafic de 9 %.
    D'autre part, les redevances de navigation aérienne progressent de 6,7 % dans le projet de loi de finances ; le produit attendu est de 1 129 millions d'euros. Mais là encore, une incertitude pèse sur les choix qui seront opérés, dans la mesure où les taux définitifs de ces redevances ne seront fixés que fin octobre 2002.
    Quels sont donc les taux prévisionnels d'augmentation de ces redevances ? Je crois savoir que ces taux ont été débattus au sein d'Eurocontrol, et que certains pays européens s'orientent vers des augmentations de 10 %, voire 20 % par rapport à 2002. Qu'en est-il de la France ?
    Je voudrais ensuite m'attarder sur un problème qui suscite beaucoup de discussions : le coût croissant des mesures de sûreté. Dans un contexte de pression fiscale déjà très forte sur le transport aérien, il me semble que l'explosion des coûts de la sûreté après le 11 septembre 2001 est excessive. Elle ne donne que l'illusion que les usagers sont mieux protégés. Or, je crois fermement qu'il faut mettre fin au culte du « faire croire », pour repenser l'ensemble du financement de ces mesures. Et ce, pour deux raisons.
    D'abord, parce que le rapport coût-efficacité des mesures permet d'émettre des doutes sur la validité des moyens de renforcement de la sûreté. Les mesures dites « de sûreté » sont très coûteuses. Nous sommes passés de 115,8 millions d'euros en 2000 à 320 millions d'euros en 2002. Et l'année prochaine, nous serons à 440 millions d'euros, soit un quadruplement en trois ans, sans compter les petites mesures dites « de sécurité », dont le coût est de 94 millions d'euros et n'augmente que faiblement.
    Pour les seules mesures de sûreté, elles se répartissent entre l'Etat, pour 35 millions d'euros, financés grâce au FIATA, alimenté lui-même par une taxe d'aviation civile, et les aéroports, pour 285 millions d'euros en 2002, financés surtout grâce à la taxe d'aéroport, et un peu par le chapitre VI du FIATA et quelques subventions des collectivités locales ou dotations exceptionnelles de l'Etat.
    Or la preuve a été apportée, même par des journalistes, qu'il était possible de déjouer les systèmes de sécurité. On ne garantit pas l'étanchéité absolue des dispositifs !
    Quelle a été jusqu'ici l'efficacité des mesures nouvelles ? On n'a trouvé que des objets métalliques standards, un poignard de collection et quelques petits appareils utilisés par les femmes pour se couper les ongles. Est-ce qu'un terroriste déterminé sera empêché de contourner ces dispositifs ? Ne serait-il pas plus efficace, et plus logique, de renforcer les moyens du ministère de l'intérieur dans la surveillance du territoire et la lutte contre le terrorisme ?
    Sinon, jusqu'où ira-t-on ? Si l'on choisit de contrôler 100 % des bagages de soute - à la fin 2002, on est déjà à plus de 60 % -, pourquoi ne pas aller jusqu'à développer la fouille systématique par palpation des passagers ? On en est déjà à 40 % !
    Et quels en seraient les résultats ? L'accumulation des normes de sûreté handicape le secteur du transport aérien, davantage qu'elle ne garantit la sûreté aéroportuaire. Il faut fixer des seuils au-delà desquels il n'est pas raisonnable de renforcer le dispositif normatif. Certes, on renforce les mesures pour rassurer les usagers, mais attention aux effets d'annonce ! Il ne faut pas susciter des exigences irréalistes, et donc créer des normes inaccessibles.
    Il est surtout très important que cette politique soit négociée au niveau international. En l'absence d'accord et notamment de décision européenne sur les modes de financement appropriés, les instruments de la politique française continueront de manquer de pertinence.
    Je peux vous donner un exemple : à quoi sert-il de contrôler 100 % des bagages de soute si les autres pays ne le font pas pour tous les passagers en transit ? En outre, il ne faut pas faire plus que nos voisins et concurrents. Une politique d'anticipation du durcissement des normes, qui est jusqu'à présent la position de la France, ainsi que de la Grande-Bretagne - mais à cause du terrorisme irlandais -, n'est pas la bonne politique dans un monde hyperconcurrentiel.
    Bref, l'augmentation sans fin des dépenses n'est pas la bonne stratégie face à la spécificité des menaces : il faut qu'une réflexion de fond s'engage sur la logique et le sens du durcissement croissant des contraintes de sûreté, qui pèseront in fine sur les passagers et le coût du transport aérien.
    C'est pourquoi je défendrai, au nom de la commission, au moment de l'examen de l'article 71 rattaché, un amendement de la commission des finances, sur l'augmentation de la taxe d'aéroport, qui vise à poser la question de l'efficacité de la dépense publique.
    Enfin, quelles mesures entendez-vous prendre pour adapter le budget annexe à la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ? D'après les informations que m'ont fournies vos services, des réflexions internes sont en cours à la direction générale de l'aviation civile. Où en êtes-vous ? Comment associerez-vous les parlementaires à ces évolutions ?
    Par ailleurs, croyez-vous opportun de remplacer le budget annexe par une structure de type établissement public ou agence de l'aviation civile ?
    Dans une deuxième partie, je voudrais très rapidement évoquer, à côté de ces incertitudes sur le budget à proprement parler, quelques-unes de mes interrogations sur le secteur des transports aériens.
    La première a trait à la nécessaire privatisation d'Air France, annoncée, et actuellement reportée. Quel est, aujourd'hui, le calendrier envisagé ? Il est bien entendu très important que le Parlement se prononce sur les conditions d'évolution du statut d'une entreprise aussi emblématique.
    Je voudrais également vous interroger sur l'avenir incertain de la compagnie Air Lib et sur le problème du gel des slots à Orly. Je suis préoccupé par les dettes accumulées par Air Lib, au titre de l'utilisation des services des aéroports de Paris par ses appareils, qui s'ajoutent aux dettes accumulées au titre de l'utilisation des appareils par AOM-Air Liberté.
    Selon mes dernières informations, les dettes totales auprès d'ADP, Aéroports de Paris, s'élèvent à 31,6 millions d'euros, et il semble qu'ADP ait été tenu de provisionner à 100 % les sommes dues par Air Lib. Je rappelle que le prêt de l'Etat de 30,5 millions d'euros, qui arrivait à échéance le 9 juillet 2002, a été renouvelé pour quatre mois supplémentaires, soit jusqu'au 9 novembre 2002. Parallèlement, un moratoire a été accordé à Air Lib. Quelles sont aujourd'hui, messieurs les ministres, vos intentions concernant les dettes d'Air Lib, et surtout l'avenir de la compagnie ?
    Par ailleurs, je m'interroge sur la persistance des distorsions de concurrence, qui handicapent le développement des compagnies low-cost. La Commission européenne s'est d'ailleurs saisie du problème. Je pense bien sûr au gel des slots d'Air Lib à Orly, qui est symptomatique de la persistance des comportements par trop protectionnistes de la France. Il faut rappeler, mes chers collègues, qu'actuellement les low-cost assurent à peu près 6 % du trafic passagers, et que, selon tous les observateurs, on atteindra 20 %, et peut-être un peu plus, dans les trois à quatre ans qui viennent.
    Ne soyons pas de ceux qui craignent la concurrence. Je crois que les compagnies low cost doivent bénéficier de conditions normales de mise en concurrence, pour le plus grand bien de nos concitoyens.
    Quelles solutions l'Etat compte-t-il mettre en oeuvre pour régler le problème du coût des assurances après le 11 septembre 2001 ? D'après les informations que j'ai recueillies, les attentats du 11 septembre pourraient coûter jusqu'à 54 milliards de dollars, faisant de l'événement le sinistre le plus coûteux qu'ait eu à assumer l'industrie mondiale de l'assurance. Quel est l'état d'avancement des projets de coordination internationale en ce domaine ? Qu'en est-il des chances de réussite des projets Global time et Eurotime ? Il ne faudrait pas en arriver à une situation que l'on connaît déjà dans le domaine médical où le refus d'assurance des assureurs entraîne l'arrêt de certaines activités.
    Pour terminer, je dirai quelques mots sur l'effort de recherche dans le secteur aéronautique. Cet effort est-il suffisant par rapport à nos grands concurrents américains ? A l'échelle de l'Europe, les montants investis sont moindres qu'aux Etats-Unis. On peut estimer l'effort américain pour la recherche et développement à 50 milliards de dollars, contre moins de 10 milliards de dollars pour l'ensemble de l'Europe, soit un rapport de un à cinq. Cette situation comporte un risque fort de perte de compétitivité pour les Européens. Pour une entreprise comme EADS, le gap technologique pourrait, à terme, effacer l'avantage de compétitivité qu'elle détient actuellement sur Boeing, il est vrai partiellement grâce à la baisse de l'euro par rapport au dollar. Mais, pour un effort de recherche global du même ordre de grandeur, à peu près 10 % du chiffre d'affaires, le taux de recherche et développement à la charge d'EADS est d'environ 10 % contre 3 % pour Boeing. Il apparaît donc que, chez Boeing, la recherche est supportée pour une très large part par les crédits militaires Boeing à 40 % de son chiffre d'affaires dans le secteur militaire, alors que ce chiffre n'est que de 20 % pour EADS.
    Dernier point : la concurrence des autres modes de transport, et notamment celle du TGV. Est-ce une concurrence loyale ? Si les transports aériens sont handicapés par une lourde fiscalité, d'autres modes de transport paraissent bénéficier d'un avantage comparatif bien plus fort. En particulier, le rail ! Beaucoup estiment que certaines lignes TGV ne sont pas rentables sans l'aide de l'Etat, voire des collectivités locales, voire de l'Union européenne. D'autant qu'il faut également prendre en considération la subvention de l'Etat à la caisse de retraite de la SNCF. On ne peut donc que regretter l'inégalité de traitement entre les transports ferroviaire et aérien. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'assurer un minimum d'égalité entre les modes de transport concurrents.
    Or, si le budget de l'Etat assure l'infrastructure et l'entretien ferroviaire via Réseau ferré de France, ainsi que le réseau routier national, il revient, en dehors de la construction des aéroports, aux compagnies aériennes et aux passagers d'assurer l'entretien des infrastructures et les dépenses de sécurité.
    En conclusion, messieurs les ministres, voilà les principaux points sur lesquels notre commission souhaiterait que vous lui apportiez quelques précisions. La commission des finances est favorable à l'adoption des crédits des transports aériens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les transports aériens.
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les transports aériens. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget annexe de l'aviation civile est établi pour 2003 à 1426,5 millions d'euros, soit une augmentation globale de 5,6 %. Il convient toutefois de souligner que les crédits de paiement, c'est-à-dire les investissements, connaissent une baisse de 0,2 %.
    Alimenté par le produit des redevances de navigation aérienne acquittées par les compagnies et par la taxe de l'aviation civile supportée par les passagers, le budget de l'aviation civile est étroitement dépendant de l'activité économique de ce secteur. Un constat s'impose : les événements terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont considérablement perturbé le secteur aérien mondial, déjà fragilisé par le ralentissement de la croissance de l'économie américaine. Nous devons rappeler ici le dépôt de bilan de la compagnie Midway, les suppressions massives d'emplois à American Airlines, sans oublier US Airways, qui s'est placée sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites, ainsi que la disparition de Swissair et du transporteur belge Sabena, ou encore les spectaculaires déficits d'exploitation de Lufthansa ou de British Airways. Et les premiers résultats de l'année 2002 ne font pas état, malheureusement, d'une reprise dans le transport aérien, quelle que soit l'échelle géographique examinée.
    C'est pourquoi je regrette qu'une subvention d'équilibre du budget général n'ait pas été, à titre exceptionnel, accordée au budget annexe de l'aviation civile, ce qui aurait permis d'augmenter l'enveloppe affectée aux investissements, notamment de sûreté, sans peser sur les résultats des compagnies.
    Le projet de budget pour 2003 prévoit donc un produit de 1 128,8 millions d'euros pour les redevances de navigation aérienne, soit une augmentation de 6,7 % par rapport aux recettes évaluées pour 2002.
    Mais si chacun reste convaincu que le transport aérien renouera, à brève ou moyenne échéance, avec la croissance, il nous faut - et l'actualité nous le rappelle, avec l'attentat meurtrier de Bali mais aussi les risques de conflit armé en Irak - rester extrêmement prudents. Dans ce contexte, je crains que les prévisions retenues ne soient quelque peu optimistes. J'espère me tromper.
    Les tarifs de la taxe de l'aviation civile sont maintenus à leur niveau de 2002.
    L'ensemble des dépenses de fonctionnement se voit doté d'une enveloppe accrue de 3,5 %, soit un montant de 1 376,3 millions d'euros.
    Je pense que cette augmentation reste insuffisante. En effet, alors que le projet de budget pour 2002 avait été préparé avant les événements du 11 septembre 2001, ce qui pouvait éclairer certains choix, votre projet de budget pouvait et devait prendre toute la mesure de ces événements. Le Gouvernement ne peut plus laisser peser la charge du renforcement de la sûreté aérienne sur les compagnies et les gestionnaires d'aéroport, alors que la sûreté est une des missions régaliennes de l'Etat.
    A propos des dépenses d'investissements, je ne ferai que quelques remarques, pour regretter, d'une part, le montant bien faible des crédits consacrés aux études et recherches en 2003 - 10 millions d'euros - et, d'autre part, la baisse sensible des autorisations des investissements concernant le contrôle technique.
    L'ensemble des dépenses du FIATA, le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, sera en baisse en 2003 de plus de 30 % par rapport à l'exercice précédent, tandis que les autorisations de programme et les crédits de paiement voient leurs enveloppes réduites de moitié. Cela me paraît d'autant moins compréhensible que, depuis le 1er janvier 2000, le FIATA a pris en charge les dépenses directes de l'Etat en matière de sûreté. Il y a là, vous en conviendrez, un choix tout à fait étonnant de la part d'un gouvernement qui prétend faire de la sécurité la priorité des priorités. Dois-je vous rappeler que, dans le cadre du budget pour 2002, les crédits affectés au FIATA avaient enregistré une croissance de 52 % ?
    Enfin, les crédits affectés à la construction aéronautique civile qui ont pour ambition d'aider les entreprises du secteur à se développer et à maîtriser les technologies du futur par le biais de soutiens financiers aux programmes de recherche des industriels connaîtront une augmentation de 12 % pour les crédits de paiement, mais une baisse de 20 % pour les autorisations de programme.
    Je veux aussi souligner que ce projet de budget ne peut être déconnecté d'annonces gouvernementales majeures, comme la remise en cause du troisième aéroport international, pour des raisons géopolitiques évidentes, ou encore l'annonce, pour des raisons strictement idéologiques, de la privatisation d'Air France.
    M. Maurice Leroy. Mais non ! L'idéologie n'a rien à voir dans cette affaire !
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis. Certes, sur ce second dossier, le Gouvernement a quelque peu corrigé le tir, et la précipitation estivale n'est plus de mise... à l'heure où nous nous exprimons ! On peut néanmoins regretter que le ministre de l'économie et des finances n'ait pas observé de plus près l'état du transport aérien dans le monde avant de lancer cette proposition, sans la moindre concertation avec les personnels et leurs représentants.
    Au cours de l'exercice 2001-2002, Air France a, en effet, mieux résisté que la plupart de ses concurrentes à la crise générale du transport aérien. La politique mise en oeuvre après le 11 septembre, le plan d'adaptation conjoncturelle, les atouts de la compagnie que sont le hub de Roissy - Charles-de-Gaulle, l'alliance SkyTeam et un réseau équilibré, ont permis au groupe Air France de dégager un résultat net positif. Au sein de l'association des compagnies européennes, la part de marché d'Air France sur les routes internationales a progressé de 1,5 point par rapport à l'année précédente, pour atteindre 16,9 %.
    Par ailleurs, l'alliance SkyTeam poursuit son développement, avec l'entrée d'Alitalia en juillet 2001 aux côtés d'Air France, de Delta Airlines, de Korean Air, d'Aeromexico et de CSA. Et après avoir accordé en janvier 2002 l'immunité antitrust aux compagnies de l'alliance sur les liaisons transatlantiques, les Etats-Unis viennent de faire de même sur les liaisons transpacifiques en juin dernier. Grâce à ces immunités antitrust, les compagnies de SkyTeam peuvent enfin coordonner leurs programmes et leurs conditions commerciales sur ces liaisons.
    Malgré ces réussites indéniables, chacun a en mémoire les variations extrêmement brutales du cours de l'action Air France, celles, non moins spectaculaires, des prix du pétrole et les surcoûts en matière d'assurances. Au cours de l'exercice 2001-2002, le coût des assurances pour le groupe Air France a atteint 85 millions d'euros, contre 40 millions un an auparavant. L'augmentation des assurances a représenté à elle seule 19 % de la marge d'exploitation dégagée par l'entreprise !
    On le voit donc, l'heure ne doit pas être celle des choix dogmatiques, mais bien celle d'un soutien sans faille à une compagnie qui traverse une zone de turbulences inédite.
    Je dirai également un mot de la remise en cause du site de Chaulnes par le Gouvernement.
    Sans évoquer ici la démarche de la mission parlementaire chargée de mener de nouvelles réflexions sur la politique aéroportuaire et sur la construction d'un troisième aéroport international, je veux ici rendre hommage à l'énorme travail conduit par la mission DUCSAI, la Démarche d'utilité concertée pour un site aéroportuaire international : 300 heures de débat, douze réunions publiques décentralisées, à Orléans, Lyon, Châlons-en-Champagne et Amiens.
    Cette méthode de concertation publique, initiée par le précédent gouvernement et saluée par tous, y compris par M. le maire d'Amiens au cours de la réunion qui s'est tenue dans sa ville le 22 juin 2001, répond incontestablement à la volonté exprimée par nos concitoyens de participer plus étroitement aux décisions qui marquent notre territoire et notre vie quotidienne. A l'heure où, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous cherchons à enrayer la désaffection envers les politiques et à répondre au déficit civique, je regrette que cette expérience sans précédent, même si l'on peut bien sûr la critiquer, n'ait pas été traitée avec plus de considération.
    M. Maurice Leroy. Il ne faut pas exagérer !
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis. Monsieur le ministre, le transport aérien, très vulnérable aujourd'hui, ne devrait pas être soumis à des aléas politiques, et les premières annonces gouvernementales, loin de conforter ce secteur en crise, ont été ressenties comme des provocations, à tout le moins comme des maladresses.
    M. Maurice Leroy. Mais non !
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis. Pour l'ensemble de ces raisons, j'ai proposé à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de repousser les crédits du budget annexe de l'aviation civile tels qu'ils nous étaient présentés. Je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que la commission a néanmoins approuvé ces crédits.
    M. le président. Nous abordons la discussion.
    Si cette discussion pouvait prendre fin avant la fin de cette séance, je crois que cela conviendrait à beaucoup. Mais cela ne dépend pas que de moi.
    La parole est à M. Michel Bouvard, premier orateur inscrit.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en intervenant au nom du groupe UMP sur ce premier budget de l'équipement, des transports et de l'aviation civile de la nouvelle législature, budget qui, en progression de 0,66 %, s'élève à 10,7 milliards d'euros malgré un contexte difficile, je ne peux faire abstraction de la période des cinq ans écoulés qui pèse sur les choix et les engagements actuels. En m'efforçant à l'objectivité, je pourrais affirmer que, si les objectifs du précédent ministre étaient souvent satisfaisants quant aux annonces - rééquilibrage entre modes de transport, sécurité routière, maritime, aérienne -, la pratique budgétaire, elle, n'était pas toujours, loin s'en faut, en accord avec ces annonces, et aboutissait à un budget souvent virtuel, échappant en grande partie à un réel contrôle parlementaire. Je voudrais vous en donner quelques exemples avant d'en venir à l'examen du projet de budget pour 2003 et de vous interroger, messieurs les ministres, sur les orientations politiques et budgétaires de la législature.
    S'agissant de la période écoulée, je veux souligner trois pratiques à propos desquelles on peut dire qu'il est urgent de s'inscrire dans une démarche de rupture.
    La première, qui ne remonte d'ailleurs pas au seul gouvernement précédent, est relative à la gestion des personnels. Constatant que les emplois totaux excédaient les emplois budgétaires - certes, l'année de référence de l'étude, comme le souligne le rapporteur spécial, fait que, depuis, un certain nombre de correctifs ont été mis en oeuvre -, la Cour des comptes a souhaité que la gestion des postes soit plus transparente, aussi bien au regard des postes budgétaires créés que dans la gestion des vacances de postes trop souvent observées sur le terrain dans les subdivisions de l'équipement, comme dans le service des parcs, dans les bureaux d'études - ce que nous constatons dans nos propres circonscriptions. Cette mauvaise gestion contribue à une baisse de qualité de service préjudiciable à l'activité économique comme aux citoyens.
    L'objectif affiché, messieurs les ministres, de réduire de 750 les 2 500 emplois vacants constatés à ce jour, pour les ramener à 1 750 à la fin de 2003, nous paraît encore loin de ce qui est souhaitable et permet de relativiser le discours que tient l'opposition depuis quelques jours sur la réduction des effectifs budgétaires.
    A cet égard, nous mettons beaucoup d'espoir dans la mise en oeuvre, au sein de votre ministère, des dispositions de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Nous souhaitons que cela se traduise par un véritable contrôle du Parlement, compte tenu de l'incidence de la politique du ministère sur le terrain.
    Deuxième pratique contestable : celle des engagements irréguliers en matière d'investissements, allant au-delà de l'autorisation budgétaire en ce qui concerne les dépenses futures. La Cour des comptes, toujours elle, estime que ces engagements, excusez du peu, se classent en deux catégories : les engagements fermes de l'Etat sans crédits et les engagements potentiels au-delà des autorisations de programme, par dénaturation de la notion d'autorisation de programme. Est notamment dénoncée la pratique des APP, les autorisations de programme prévisionnelles, relatives aux routes, représentant dans ce seul secteur deux tiers des avances dans le périmètre des budgets civils de l'Etat, en augmentation régulière depuis quatre ans, pour aboutir, pour les avances sur fonds de concours, à l'équivalent de deux  années et demie de fonds de concours du titre V pour le secteur routier.
    Troisième pratique avec laquelle il convient de rompre : celle du laisser-aller sur la dette, et singulièrement sur la dette ferroviaire, dont le volume, comme l'a souligné en son temps et à juste titre le Conseil supérieur du service public ferroviaire, est passé, pour le paquet RFF-SNCF-services auxiliaires de la dette, de 35,448 milliards d'euros au 31 décembre 1997 à 39,922 milliards d'euros au 31 décembre 2001, ce qui dément le discours sur le désendettement du système ferroviaire et pose clairement le problème du financement des infrastructures pour l'avenir. J'y reviendrai.
    S'agissant des orientations de ce budget 2003, nous souscrivons volontiers, messieurs les ministres, à la réorientation de celui-ci en direction de l'investissement et à l'amplification des moyens consacrés à la sécurité, pour l'ensemble des modes de transport. L'investissement public, dans une période où l'investissement privé ralentit, est aussi un moteur de croissance, nous ne pouvons l'oublier.
    M. Yves Deniaud. Très bien !
    M. Michel Bouvard. Les crédits d'investissements routiers s'établissent à 621 millions d'euros pour l'entretien et la réhabilitation du patrimoine, un patrimoine dont la Cour des comptes avait rappelé, tout comme le Conseil général des ponts et chaussées, l'état de dégradation.
    L'effort engagé à partir de 1997 à l'initiative de Bernard Pons, et qui s'est accru depuis 2000, se poursuit notamment pour les ouvrages d'art et la mise en sécurité des tunnels, passant de 87,66 millions d'euros à 89,57 millions. Les crédits de paiement du domaine routier consacrés aux nouveaux investissements progressent fortement, permettant notamment d'atteindre 52 % des objectifs du contrat de plan à la fin de l'année 2003.
    Dans le domaine ferroviaire, les investissements progressent de 9 % en autorisations de programme pour assurer les engagements pris, entre autres, pour la construction du TGV Est. La contribution de l'Etat au financement des infrastructures et à la charge de la dette ferroviaire devrait s'établir à 2,3 milliards d'euros.
    Les budgets consacrés à la sécurité routière, à la sécurité maritime, à la sécurité des aéroports et du transport aérien sont en progression. Nous soutenons ces orientations.
    Seul regret de notre groupe face à ce budget également marqué par la décision de transférer vers le budget de l'intérieur les crédits de la régionalisation des services voyageurs - décision dont Bernard Pons avait eu l'initiative : la faiblesse des crédits en faveur du transport combiné, dont tout le monde souligne régulièrement l'utilité. Ces crédits, qui avaient connu une forte réduction au cours des derniers exercices, ont été gelés en totalité en 2002 sur le chapitre 45-41. De plus, l'enveloppe de 35 millions d'euros prévue pour 2003 devrait être répartie entre la SNCF et les autres opérateurs.
    Dans ce contexte, nous serons très attentifs à la politique menée au titre du fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports, et du fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le massif alpin.
    A ce point, messieurs les ministres, j'en viens aux interrogations de notre groupe pour l'avenir. Nous avons la conviction profonde que notre pays, par sa place en Europe, voit son développement en grande partie conditionné par la qualité des équipements qu'il saura mettre en oeuvre en matière d'infrastructures de transport. Il s'agit là, au même titre que la politique fiscale, d'un élément très fort de l'attractivité du territoire.
    Ces équipements dans le secteur des transports collectifs, à Paris comme en province, conditionnent aussi la qualité de vie de nos concitoyens, en leur offrant des déplacements plus rapides, mieux adaptés en termes d'itinéraires, et plus sûrs. Cela dit, nous savons que les moyens d'investissements sont limités par le poids de la dette de l'Etat et de ses charges de fonctionnement, qui se sont accrues régulièrement au cours de la dernière législature.
    Vous avez annoncé un audit - il est en cours - sur le financement des infrastructures, et un débat au Parlement pour le printemps, tirant en cela les conséquences de ce que j'indiquais tout à l'heure, par exemple, sur la pratique des autorisations de programme prévisionnelles. Nous attendons, messieurs les ministres, que cet audit soit audacieux dans les recherches de financement. Le gouvernement précédent, que nous avions à plusieurs reprises sollicité dans ce sens, avait repoussé l'idée de faire appel aux ressources de la Caisse des dépôts et consignations, prétextant qu'une telle mesure risquerait de déséquilibrer le financement du logement social. Je pense toujours que cette voie ne doit pas être rejetée pour ce qui est du financement d'infrastructures amortissables à long terme.
    Nous souhaiterions également connaître vos intentions quant au devenir du système autoroutier. L'ouverture du capital d'Autoroutes du Sud de la France, décidée en catastrophe par le gouvernement Jospin pour compenser ses déboires concernant la poule aux oeufs d'or que devaient être les licences UMTS, pose le problème du devenir des participations de l'Etat dans les sociétés dont la prolongation des concessions, négociée avec Bruxelles, a permis d'améliorer la profitabilité. Il est évident que l'ouverture du capital ou la privatisation de nouvelles sociétés assécherait la manne des dividendes. Quelles sont vos intentions à ce sujet ? Nous ne pouvons, comme l'a fait le gouvernement précédent, miser sur les deux tableaux : annoncer des dividendes tous les ans et, en même temps, réaliser une partie des actifs.
    Je vais vous donner lecture de l'engagement pris ici même, le mercredi 31 octobre 2001, en séance publique, par le ministre des transports de l'époque d'affecter un tiers du capital vendu d'ASF aux projets ferroviaires dans les Alpes et les Pyrénées. M. Gayssot disait ceci : « Je puis vous annoncer que cinq milliards serviront à l'intermodalité et qu'une partie financera le ferroutage en Rhône-Alpes. Mais nous ne nous contentons pas de cela. Les investissements que nous allons pouvoir réaliser à partir des dividendes obtenus sur les autoroutes, c'est chaque année que nous pourrons les financer. » Cinq mois plus tard, dans une lettre adressée à Laurent Fabius le 8 avril 2002, le même Jean-Claude Gayssot constatait que 300 millions d'euros seulement avaient été affectés à la politique intermodale et qu'il manquait 450 millions d'euros par rapport aux engagements pris par le Gouvernement.
    Vous comprendrez donc que, tout en vous faisant confiance, nous souhaitions savoir quelle est l'option du Gouvernement : réaliser des opérations en capital sur le domaine autoroutier - pour l'affecter peut-être au désendettement du système ferroviaire - ou continuer à alimenter la politique en faveur de l'intermodalité à partir des dividendes des sociétés d'autoroutes. L'une de ces deux options devra être choisie. Nous souhaitons savoir laquelle le sera.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. Michel Bouvard. Enfin, s'agissant des infrastructures d'intérêt européen - la liaison Lyon-Turin ou la ligne Montpellier-Figueras, à laquelle le Livre blanc de l'Union européenne a décidé de relever de 10 % à 20 % la contribution du budget communautaire -, n'est-il pas nécessaire d'engager avec l'Union européenne une négociation visant à obtenir des participations différenciées en fonction des différents projets ? Nous pourrions très bien envisager des participations autour de 15 % pour certains projets amortissables sur une durée plus courte, et au-delà de 20 % pour d'autres.
    Avant d'achever mon intervention, je souhaite, monsieur le ministre, vous rappeler l'attente des populations alpines - françaises comme italiennes - sur le rééquilibrage des flux de poids lourds, mais aussi sur le strict respect du calendrier pour la réalisation de l'ouvrage Lyon-Turin - sous son double aspect, voyageurs et marchandises -, conformément à l'engagement du Président de la République et au traité ratifié ici même en février dernier, et récemment par le Parlement italien.
    Nous sommes notamment en attente de la concrétisation du protocole d'intention signé par la totalité des collectivités locales de Rhône-Alpes sur le financement de la première tranche.
    M. Michel Destot. Absolument !
    M. Michel Bouvard. Nous souhaitons que ce budget marque le retour de la sincérité budgétaire,...
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. Hervé Mariton. Enfin !
    M. Michel Bouvard. ... et de l'efficacité de la politique des transports. Au nom de l'Union pour la majorité présidentielle, je vous invite, mes chers collègues, à soutenir ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole et à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de budget, le premier que vous nous soumettez, peut présenter, à première vue, les signes d'une certaine stabilité.
    Je ne m'appesantirai pas sur la diminution des crédits consacrés aux transports terrestres et à la sécurité routière. Elle s'explique en grande partie par le fait que la dotation aux transports de voyageurs à courte distance, correspondant aux subventions aux transports ferroviaires régionaux allouées aux régions depuis le 1er janvier 2002, est désormais budgétisée par le ministère de l'intérieur. Toutefois, M. Sarkozy se garde bien de rappeler ce transfert de dotation, qui, pourtant, participe grandement à l'augmentation du budget de son ministère et à son spectaculaire effet d'affichage !
    Au-delà de son apparente stabilité globale, ce projet de budget traduit certains choix politiques sur lesquels je voudrais insister.
    J'examinerai d'abord la politique de l'emploi.
    Le Gouvernement précédent avait stabilisé les effectifs du ministère de l'équipement, et une légère croissance s'était même esquissée en fin de législature. Vous mettez fin à cette orientation. Ce n'est pas vraiment une surprise. Ce qui est plus étonnant, en revanche, c'est de constater que la plupart des emplois budgétaires supprimés concernent les services déconcentrés.
    Je note par ailleurs que les moyens de fonctionnement des DDE baisseront de 3,8 %. C'est là un vrai sujet d'inquiétude, surtout à une période où le Gouvernement dit se préoccuper de l'avenir de nos régions et de nos départements. Ce désengagement de l'Etat ne sera pas sans conséquences sur la qualité du service, et vous ne pourrez pas me persuader du contraire.
    Vous supprimez également vingt et un postes de contrôleurs des transports terrestres. C'est là un choix tout à fait étonnant ! Tous les professionnels du transport, et du transport routier en particulier, nous disent en effet, qu'il faut lutter contre le dumping social qui menace nos entreprises et qui participe à l'insécurité routière. Vous le savez, le non-respect des temps de pause est une cause non négligeable des accidents provoqués par les poids lourds. Aussi, je ne crois pas que la suppression de ces postes soit compatible avec la volonté louable du Gouvernement de lutter contre la violence routière.
    Enfin, vous avez particulièrement insisté sur les efforts entrepris en direction des services du permis de conduire, puisque vous envisagez de créer soixante-douze postes d'inspecteurs de troisième classe.
    J'aurais pu saluer cet effort, d'autant plus sincèrement que nous avons constaté en 2001 une augmentation importante du nombre des candidats aux examens du « groupe lourd » - plus 8 % - et du « groupe motocyclettes » - plus 5 %. Toutefois, vous omettez de préciser que votre projet de budget prévoit la suppression de soixante et un postes d'inspecteurs toutes classes confondues. On peut dès lors se demander si le transfert aux DDE de la gestion des inspecteurs du permis de conduire, décidé au vu de l'expérimentation menée dans quinze départements du 1er octobre 2000 au 31 décembre 2001, s'opérera dans les meilleurs conditions possible.
    Je souhaite maintenant dire quelques mots sur les transports collectifs.
    Permettez-moi de saluer tout d'abord l'augmentation de plus de 6 % des crédits en faveur des transports collectifs en Ile-de-France, ce qui est conforme aux engagements contractualisés de l'Etat.
    En revanche, je tiens à relayer l'inquiétude de très nombreux élus locaux, qui redoutent les conséquences de la chute brutale des investissements de l'Etat dans les plans de déplacements urbains et dans les actions d'amélioration des transports collectifs. Les seuls crédits de paiement enregistreront en 2003 une baisse de 27,9 %, qui n'est nullement compensée par l'augmentation des subventions pour la réalisation de quatre projets d'infrastructures de transports collectifs en site propre !
    Cette remise en cause du financement des PDU ne manquera pas de pénaliser lourdement les initiatives mises en oeuvre par les élus locaux pour diminuer la place de la voiture en ville et pour favoriser l'émergence d'une nouvelle culture des déplacements.
    Pourtant, les exemples de Grenoble, Nantes ou Strasbourg montrent clairement que dix ou quinze ans de travail constant sont nécessaires pour obtenir des résultats probants. Je citerai également, pour mémoire, le plan de déplacements urbains de l'agglomération clermontoise qui a retenu une programmation des principaux aménagements jusqu'en 2012.
    J'espère que ce débat budgétaire vous permettra, monsieur le ministre, de nous préciser comment cette réduction massive de crédits se traduira concrètement pour les quarante-trois PDU déjà approuvés, les six autres en phase de validation et les onze en cours d'élaboration.
    En tout état de cause, nous aurions sans doute aimé que les grands discours prononcés à Johannesburg sur la lutte contre l'effet de serre soient entendus aussi à Bercy et que ne soit pas remis en cause un dispositif essentiel, défini par la loi sur l'air, que vous avez votée, et conforté par la loi SRU, que nous avons voulue !
    Je souhaite également monsieur le ministre, que le débat budgétaire permette au Gouvernement de nous expliquer ses choix en matière d'infrastructures.
    Je citerai deux exemples qui ont attisé ma curiosité.
    Le premier concerne la baisse de 25 millions d'euros de la contribution aux charges d'infrastructures ferroviaires versée à RFF au titre de « l'optimisation de la gestion ». Nous aimerions en savoir davantage, car le flou de la formule cache peut-être des intentions inavouées.
    M. François Rochebloine. Ah !
    Mme Odile Saugues. Le second concerne le transport fluvial, à propos duquel je dois vous avouer ma totale incompréhension. Seule une lecture attentive du dossier d'information que vous nous avez fait parvenir permet de trouver une allusion au tourisme fluvial et à l'état du réseau. Mais on comprend mieux ce silence à la lecture du budget. En effet, la baisse de la subvention versée à Voies navigables de France pour la restauration des voies navigables, notamment dans le cadre des contrats de plan, atteint 26,2 %...
    Pourtant, vos déclarations avaient fait naître un espoir certain. En effet, lors de votre déplacement à Chalon-sur-Saône, le 30 septembre dernier, vous avez réaffirmé « l'importance de la voie d'eau pour développer une offre alternative des transports », et, lors de l'inauguration des nouvelles installations multimodales sur le port de Gennevilliers, vous avez déclaré à propos du transport fluvial : « J'étais croyant, il me reste à devenir pratiquant. »
    M. Michel Bouvard. Vous a-t-il donné sa bénédiction ? (Sourires.)
    Mme Odile Saugues. Pour rester dans ce registre, je vous dirai que, comme saint Thomas, le groupe socialiste croit à ce qu'il voit. Or, en la matière, vous ne nous donnez pas grand-chose à voir !
    M. Maurice Leroy. Saint Thomas, réveille-toi !
    M. le président. Monsieur Leroy, je vous en prie.
    M. François-Michel Gonnot. Pendant cinq ans, on n'a pas non plus vu grand-chose !
    Mme Odile Saugues. En fait, la baisse de la contribution versée à RFF et celle de la subvention octroyée à VNF me conduisent à croire que le Gouvernement, qui a commandité un audit sur les infrastructures pour la fin de l'année, n'a pas attendu ses conclusions pour faire ses choix. Dans le projet de budget, tout semble indiquer que les jeux sont déjà faits !
    M. Michel Bouvard. Lisez le rapport de la Cour des comptes !
    Mme Odile Saugues. Enfin, je ne dirai qu'un mot du budget de l'aviation civile, en y associant mes collègues socialistes et communistes du Puy-de-Dôme. A l'heure où s'engage une grand débat sur la décentralisation dans notre pays, nous nous interrogeons sur la contribution du transport aérien au développement de nos régions, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire en commission.
    En effet, il résulte de l'interprétation de règles communautaires que les lignes transitant par un hub ne sont pas éligibles au FIATA. Or ces plates-formes sont essentielles pour nos régions, et vous savez combien je suis préoccupée par le devenir du hub de Clermont-Ferrand. L'été dernier, plusieurs lignes jugées peu rentables ont été supprimées ; d'autres sont en sursis.
    Par ailleurs, vous maintenez les perspectives de privatisation d'Air France. Or elles risquent de se traduire par une remise en cause plus forte encore des lignes commercialement moins intéressantes.
    Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour éviter la mise en oeuvre du déménagement du territoire amorcé par les pratiques commerciales de certaines compagnies aériennes ? Ne faut-il pas revoir les critères d'éligibilité au FIATA ?
    M. Michel Bouvard. C'est une bonne idée !
    Mme Odile Saugues. Enfin, la diminution de moitié des dépenses d'investissements de ce fonds pour 2003 ne risque-t-elle pas d'entraver la volonté des collectivités territoriales et le développement de nos régions ?
    Monsieur le ministre, monsieur le sécrétaire d'Etat, pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Rochebloine. C'est dommage !
    M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy.
    M. Maurice Leroy. Monsieur le ministre, vous comprendrez que c'est avec une satisfaction certaine que le groupe UDF salue l'action que vous avez entreprise depuis que vous êtes à la tête du ministère de l'équipement et des transports. Vous avez pris les dossiers à bras-le-corps avec la détermination, le sérieux et la sérénité que nous vous connaissons.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. Maurice Leroy. L'Assemblée nationale regrette simplement d'avoir perdu le président du club des tintinophiles, mais nous sommes persuadés que vous en créerez un au Gouvernement. (Sourires.)
    M. François-Michel Gonnot. Tintin y survivra !
    M. Maurice Leroy. En matière de sécurité routière, on est enfin sorti de l'incantation et des effets de manche pathétiques.
    Sur les grands projets d'équipement, vous avez su rassembler autour de vous les grands acteurs pour conduire des actions plus concertées et plus rationnelles.
    Par votre langage simple et clair, vous donnez un nouvel élan à ce ministère : le groupe de l'UDF s'en félicite et s'en réjouit. Vous le savez, vous pouvez compter sur notre soutien.
    La sécurité routière est à juste titre l'un des trois grands chantiers du Président de la République. Songez, mes chers collègues, que 8 000 morts par an, c'est trois fois le nombre des victimes du 11-Septembre ! Un tel sujet ne peut pas être traité avec désinvolture, en se demandant si oui ou non le cannabis est mauvais au volant, si oui ou non les contraventions doivent être amnistiées. Nous avons bien compris, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une politique de sécurité routière crédible pour les prochaines années passe, avant toute nouvelle mesure, par la nécessité de faire respecter les règles existantes, et toutes les règles existantes.
    L'amélioration de la chaîne qui va du contrôle à la sanction est de ce point de vue un objectif incontournable, mais c'est un projet complexe en raison de la multiplicité des questions à traiter et du nombre des intervenants en cause.
    Pour vaincre ces obstacles, des moyens humains et financiers sont d'abord nécessaires : le budget que vous proposez, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'Etat, permettra d'aller plus loin grâce, d'une part, à l'augmentation de 20 % des crédits consacrés à la sécurité routière et, d'autre part, à la création de soixante-douze emplois d'inspecteurs du permis de conduire, ce qui permettra d'améliorer considérablement les conditions de passage de cet examen.
    Toutefois, il faut également inventer des procédures nouvelles et plus efficaces. A cet égard, j'ai noté qu'un récent décret étendait les pouvoirs des adjoints de sécurité et des policiers municipaux, pour les habiliter à verbaliser un certain nombre d'infractions au code de la route. Ce décret, attendu depuis un an, permettra de développer un contrôle préventif et répressif au plus près du terrain, avec, je pense, une plus grande efficacité, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
    Dans le cadre du vaste débat lancé par le Gouvernement pour engager le processus de décentralisation auquel notre groupe, vous le savez, est très attaché, ne pourrait-on pas, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'Etat, envisager de doter les départements de pouvoirs propres dans un domaine où ils auraient une légitimité indiscutable, étant donné que - chiffre terrible - 75 % des victimes de la route sont des victimes locales : piétons ou occupants d'un véhicule immatriculé dans le département ?
    C'est pourquoi je crois que des conseils départementaux de prévention pourraient, en liaison avec les conférences départementales de sécurité, engager des diagnostics approfondis, par exemple en mettant en place un système de mesure et de suivi des principaux paramètres de l'accidentologie dans le département.
    D'autres mesures urgentes pourraient suivre visant à encadrer les premières années de conduite, à assurer la prévention auprès des conducteurs âgés, ou encore à accélérer la mise en oeuvre de la sécurité des infrastructures, comme vous avez d'ailleurs commencé à le faire en augmentant les crédits consacrés à l'entretien et à la réhabilitation de notre patrimoine routier.
    La lutte contre l'insécurité routière, pour être efficace, doit mobiliser l'ensemble des composantes de la nation. Je pense qu'une telle proposition ne pourrait que favoriser le seul objectif qui vaille : celui de lutter contre l'inacceptable et son cortège de 8 000 morts et de milliers de vies et de familles brisées chaque année.
    M. Patrice Martin-Lalande. Tout à fait !
    M. Maurice Leroy. Je voudrais utiliser le peu de temps qu'il me reste pour saluer, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'Etat, les efforts budgétaires que vous consacrez aux investissements dans le domaine des infrastructures. La poursuite de ces investissements est indispensable à un aménagement équilibré de notre territoire,...
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    M. Maurice Leroy. ... en plaine comme en zone de montagne.
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    M. Maurice Leroy. Mais c'est aussi un devoir que nous avons à l'égard de nos partenaires européens du fait de la situation géographique de notre pays.
    Les réponses que vous avez apportées aux questions des parlementaires montrent que les dividendes autoroutiers ont servi notamment - et Michel Bouvard l'a très bien dit - à financer la subvention d'équilibre nécessaire à la concession de l'A 28 entre Rouen et Alençon.
    M. Yves Deniaud. Très bien !
    M. Maurice Leroy. A l'heure de l'audit sur les infrastructures que vous avez lancé, cela me conduit à m'interroger sur le lien entre financement des infrastructures et revenus tirés de la possession par l'Etat des sociétés d'autoroutes. Pourriez-vous apporter à la représentation nationale quelques précisions à ce sujet ?
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Leroy !
    M. Maurice Leroy. Je conclus, monsieur le président.
    Le groupe UDF s'inquiète des résultats catastrophiques du fret de la SNCF, qui est en recul de 1,3 % au premier semestre de cette année par rapport à la même période de l'an passé, alors que la direction du fret de la SNCF avait programmé une hausse de plus de 3 %. Nous sommes très loin du mot d'ordre lancé par M. Gayssot d'un doublement du fret en dix ans !
    La question du fret se pose également dans le contexte européen avec l'ouverture à la concurrence de l'ensemble des trafics de fret telle qu'elle est proposée par la Commission européenne dans son projet de deuxième « paquet ferroviaire ».
    Dans ce contexte, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'Etat aux transports, comment envisagez-vous l'avenir du fret ferroviaire ?
    Dans ce domaine du transport de marchandises, vous avez affiché une volonté politique claire en faisant du développement durable le fil directeur de vos initiatives. Nous souhaiterions donc savoir concrètement quelles sont les mesures que vous allez prendre pour développer les modes de transport non polluants.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. Maurice Leroy. Enfin, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, la RN 10 entre Chartres et Tours connaît un trafic très dense et toujours plus important de poids lourds. Sans adaptation de cette route, cette situation ne manquera pas de créer une grave insécurité routière dans les trois départements concernés. Que compte faire le Gouvernement pour faire avancer sérieusement ce dossier ?
    M. François-Michel Gonnot. Le maximum !
    M. le président. Monsieur Leroy, concluez !
    M. Maurice Leroy. En conclusion, monsieur le ministre, le groupe UDF vous félicite d'avoir su, en cette période de fortes contraintes budgétaires, proposer un budget en hausse pour le ministère de « la qualité de la vie », comme vous l'avez vous-même qualifié. Les Français vous en sauront gré et le groupe UDF, toujours attentif à leurs préoccupations et à leurs attentes, vous apporte son soutien total et votera sans hésitation votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy.
    M. Gilbert Biessy. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget que nous allons examiner revêt un caractère primordial pour l'emploi, pour la cohésion sociale, pour l'aménagement quotidien du territoire, c'est-à-dire, en fin de compte, pour la qualité de vie de nos concitoyens.
    Nous avons donc noté avec intérêt, monsieur le ministre, que vous en preniez la mesure en affichant vos priorités : sécurité, développement durable, cohésion sociale et soutien à l'activité économique.
    S'agissant de la sécurité routière, les premiers mois du nouveau gouvernement ont été marqués par des déclarations spectaculaires...
    M. Maurice Leroy. Et très bien faites !
    M. Gilbert Biessy. ... de la part de l'exécutif, qui s'est assigné une obligation de moyens et une obligation de résultats.
    En matière d'obligation de moyens, rappelons tout de même que ces crédits représentent moins de 0,5 % du budget de votre ministère. Je ne vous le reproche pas, monsieur le ministre, mais il convient de ramener les choses à leur justes proportions.
    M. François-Michel Gonnot. C'était pareil avec Gayssot !
    M. Gilbert Biessy. Ces crédits progressent de 19 % en moyens de paiement et de 10,4 % en moyens d'engagement, ce dont nous nous félicitons.
    Pour ce qui est de l'obligation de résultats, nous savons comme vous, que, pour améliorer la sécurité routière, vous allez devoir affronter des lobbies très puissants. Nous ne nous livrons à aucun procès d'intention. Nous vous souhaitons bon courage (Rires) et serons juges de la sincérité de votre engagement. Rendez-vous l'année prochaine, monsieur le ministre.
    M. Maurice Leroy. A l'année prochaine !
    M. Gilbert Biessy. Cela dit, les autres volets de votre budget suscitent chez nous nombre de motifs d'inquiétude.
    Le premier de nos motifs d'inquiétude concerne l'emploi. Renouant avec une ancienne tradition, que votre prédécesseur, Jean-Claude Gayssot, avait, avec courage, interrompue,...
    M. Charles de Courson. « Courage » est de trop !
    M. Gilbert Biessy. ... vous supprimez près de 800 emplois fonctionnels du ministère. A laquelle de vos priorités reliez-vous cette mesure, monsieur le ministre ? Au développement durable, au soutien à l'activité économique ou à la cohésion sociale ?
    M. Maurice Leroy. Aux trois, mon général !
    M. Gilbert Biessy. Nous ne pouvons pas vous suivre sur ce terrain.
    Vous indiquez dans le document de présentation de votre budget que les gouvernements précédents ont supprimé près de 10 000 emplois. C'est exact, à l'exception du dernier gouvernement. Cependant, vous ne pouvez prétendre que cela se soit fait sans dégradation du service.
    Demandez ce qu'ils en pensent à vos amis des zones de montagne et du secteur rural, eux qui réclament depuis des années une augmentation des moyens des subdivisions de l'équipement car ils constatent une dégradation des opérations d'entretien et de déneigement.
    M. Michel Bouvard. Les postes existent, mais ils sont vacants !
    M. Gilbert Biessy. Mes oreilles résonnent encore de l'intervention qu'a faite l'an dernier Michel Bouvard pour souligner le manque de moyens et de personnel pour l'entretien dans sa circonscription de la Maurienne.
    M. Michel Bouvard. C'est exact !
    M. Daniel Paul. Et pan sur le bec !
    M. Maurice Leroy. Il faut vous recentrer, monsieur Biessy !
    M. Gilbert Biessy. Le soutien à l'activité économique, monsieur le ministre, n'est pas seulement affaire de voiries nouvelles, comme votre document semble le suggérer. Dans nos régions de montagne, où l'activité touristique joue un rôle structurant, cette évidence est encore plus criante.
    Nous allons au devant de grandes difficultés.
    Deuxième motif d'inquiétude : les investissements.
    Le développement durable, que vous appelez de vos voeux, suppose la mise en place d'une politique axée sur le long terme. Or le budget semble de ce point de vue en total décalage avec les propos tenus car ce sont pratiquement toutes les lignes d'autorisations de programme qui sont en baisse : moins 1 % pour le titre V, concernant les investissements de l'Etat ; moins 7 % pour le titre VI, concernant les subventions d'investissement.
    On peut s'interroger sur le fait que le Gouvernement spécule sur son projet de décentralisation en comptant sur les collectivités territoriales pour engager les programmes que lui-même n'aura pas voulu assumer.
    En tout état de cause, les effets de ces réductions sur l'activité économique seraient gravissimes, particulièrement pour le bâtiment et les travaux publics. Ils ne se verront pas cette année, mais ils obèrent l'avenir : si vous maintenez cette politique, un grave creux de vague économique est à attendre à moyen terme.
    Puisque nous en sommes aux programmations, permettez-moi, monsieur le ministre, d'évoquer plusieurs questions qui nous semblent engager l'avenir et sur lesquelles nous aimerions entendre la parole du Gouvernement.
    Première question : les autorisations de programme.
    Votre document prévoit à plusieurs reprises de calculer l'évolution non pas à partir des chiffres de l'an dernier, mais à partir de la moyenne des cinq dernières années. Evidemment, on transforme ainsi les évolutions négatives en évolutions positives. Mais je n'imagine pas que ce soit le but recherché. Un tel stratagème ne montrerait guère de considération pour la représentation nationale et n'honorerait pas ceux qui l'utiliseraient.
    M. Maurice Leroy. Surtout que cela ne s'est jamais fait ! (Sourires.)
    M. Gilbert Biessy. Permettez-moi une requête, monsieur le ministre : à l'avenir, êtes-vous disposé à faire comme tout le monde en présentant un tableau normal des autorisations de programmes, ce qui nous épargnerait le risque d'une erreur de calcul ?
    Deuxième question : les crédits de paiement.
    Les crédits de paiement sont en augmentation et le tableau qui les récapitule est plus facile à lire que celui des autorisations de programme, ceci expliquant peut-être cela. Nous ne pouvons honnêtement que nous en réjouir. Il est toutefois une interrogation portant sur le phénomène croissant des crédits gelés. Nous aimerions avoir des précisions à ce sujet.
    Vous pouvez autant que vous voulez augmenter les crédits de la main droite si vous, ou plus exactement votre collègue des finances, les gelez de la main gauche. Mais alors nos délibérations ne servent à rien.
    C'est pourquoi nous aimerions savoir si, dans le prolongement des déclarations vindicatives de M. Mer et des déclarations que je qualifie de courageuses de M. Prodi, le Gouvernement s'engagera à dégeler les crédits, même si notre déficit doit en souffrir au regard de la religion européenne du pacte de stabilité.
    M. Maurice Leroy. Ce n'est pas une religion !
    M. Gilbert Biessy. Troisième question : la réalisation du contrat de plan.
    Les inquiétudes que nous avons formulées nous incitent à solliciter votre engagement sur la réalisation dans les délais du contrat de plan Etat-région. Les opérations inscrites à ce contrat seront-elles financées et achevées dans les temps, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2006 ?
    Ma dernière question, pour être régionale, n'en est pas moins primordiale : elle porte sur le projet urbain de la troisième ligne de tramway à Grenoble.
    M. Charles de Courson. Un tramway nommé Désir ! (Sourires.)
    M. Gilbert Biessy. Le ministre précédent, Jean-Claude Gayssot, s'est engagé à financer.
    M. Maurice Leroy. Tout va bien, alors !
    M. Gilbert Biessy. Nous le verrons tout à l'heure !
    M. Gayssot, disais-je, s'est engagé à financer simultanément les deux branches de la ligne C et C', ce qui s'avère très important pour notre projet urbain sur Saint-Martin-d'Hères, retenu dans un GPV concernant l'agglomération grenobloise. Ma question sera simple : reprenez-vous et respecterez-vous cet engagement ?
    Au total, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget proposé suscite trop d'inquiétudes et trop d'interrogations pour que nous puissions le voter en l'état, évidemment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Deniaud.
    M. Yves Deniaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi de finances pour 2003 marque une rupture claire avec les précédentes par la volonté, démontrée dans les chiffres, de relancer l'investissement. Quand je dis que cette volonté est démontrée dans les chiffres, je veux évidemment parler non des autorisations de programme, mais des crédits de paiement.
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Yves Deniaud. Nous avons observé pendant cinq ans de telles distorsions entre l'évolution des autorisations de programme et la réalité des crédits de paiement, constamment en baisse, même après la disparition du FITTVN, que cette remarque s'imposait.
    En matière d'équipement et de transports, il y avait urgence à augmenter l'investissement car c'est un secteur qui, depuis cinq ans et en dépit de la croissance, est particulièrement sinistré car il a été complètement laissé de côté alors que les finances publiques connaissaient une hausse débridée.
    Gauche plurielle et écologie intégriste obligent, c'est le secteur routier et autoroutier qui a le plus souffert...
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. Yves Deniaud. ... et c'est à lui que je consacrerai mon intervention.
    Messieurs les ministres, je tiens à souligner les axes éminemment positifs de votre ligne de conduite.
    J'insisterai d'abord sur votre action déterminée pour la sécurité routière, dans le cadre de laquelle vous placez au premier plan les infrastructures. Sur les autoroutes et les deux fois deux voies, la mortalité est divisée par plus de quatre, avec un taux d'insécurité de 0,41 pour 100 millions de kilomètres parcourus, contre 1,79 pour les une ou deux voies ordinaires. C'est une évidence que les croisades vertes voulaient nous faire oublier.
    Je relèverai ensuite avec intérêt votre volonté d'« homogénéiser les niveaux d'équipement afin d'assurer une desserte équitable de l'ensemble des régions et d'atténuer les situations d'enclavement des zones du territoire largement à l'écart des réseaux rapides ». Si j'y suis particulièrement sensible, c'est parce que le territoire dont je suis l'élu est, pour une partie notable, dans ce cas. Le sud de la Basse-Normandie est en effet reconnu par toutes les études prospectives, notamment celles de la DATAR, comme un exemple d'enclavement menant au déclin économique et démographique. Seule une action déterminée pour la modernisation de l'axe Paris-Brest par les routes nationales 12 et 176 permettra d'inverser le destin. Nous nous y emploierons.
    Il est vrai que, durant les dernières années, la politique suivie était celle, pardonnez-moi l'expression, du chien crevé au fil de l'eau : on essayait de courir après l'augmentation des trafics sans chercher à aménager le territoire pour enrayer la croissance trop forte de certaines agglomérations urbaines et essayer de mieux répartir les activités et la population sur le territoire.
    Autre point très positif : l'examen approfondi à la faveur d'un audit de tous les grands projets et de leur financement plus ou moins assuré, souvent plutôt moins que plus.
    J'ajouterai qu'en liaison avec votre collègue chargé de l'aménagement du territoire, il serait bon de substituer au galimatias indigeste des schémas de services collectifs, une programmation claire et lisible de l'aménagement du territoire et des grands équipements que celui-ci exige. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Point n'est besoin de refaire une énième fois les études : elles existent. L'affirmation d'une véritable volonté créatrice suffira à en extraire l'essentiel. En incidente, je vous conseillerai également de revenir à un langage intelligible, l'idiome abscons - la décence seule m'interdit de faire sauter le préfixe (Sourires) - utilisé au fil de centaines de pages ne servant qu'à dissimuler la vacuité du fond. Par exemple, « le polycentrisme maillé reliant les territoires anthropisés » pourrait à mon avis être avantageusement traduit en français. (Rires.)
    M. Michel Bouvard. M. Deniaud a raison !
    M. Yves Deniaud. En dépit de ces éléments très positifs, je suis au regret de manifester une préoccupation concernant le volet routier des contrats de plan Etat-régions, dont les crédits de paiement sont ramenés de 714 millions d'euros à 670 millions d'euros. J'imagine qu'il y a des reports compte tenu d'une sous-utilisation des crédits dans le passé, mais il s'agit là de fâcheuses habitudes avec lesquelles il faudrait rompre. Ces crédits, et c'est pour cela que j'y attache autant de prix, sont les plus intéressants pour l'activité économique du pays car ils sont le levier de la participation, très supérieur en montant d'ailleurs, des régions et des départements, sans même parler de leur impact d'aménagement.
    Les contrats de plan sont cette fois-ci étalés sur sept ans. Il serait inexcusable que le taux d'exécution finale ne soit pas, sinon de 100 %, du moins très supérieur à celui du plan précédent. A ceux qui formulaient tout à l'heure des reproches, je rappellerai que ce taux n'a été que de 80 %. Faire mieux ne nous placerait pas à un niveau extraordinaire.
    Je souhaite ardemment que nous soyons fidèles à notre tradition du respect des engagements de l'Etat, même quand ils ont été pris par d'autres,...
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Yves Deniaud. ... lorsque nous sommes au pouvoir. Ce respect de la parole, il me paraît nécessaire de l'assurer en ce qui concerne tant les délais que les montants. On entend ça et là que, lors du rendez-vous d'actualisation de juin 2003, à mi-contrat, les chiffres de l'Etat seront considérés en euros courants, alors que les contrats ont été signés en euros constants. Cela serait une mauvaise excuse pour que les crédits d'opérations retardées pour des raisons techniques, ce qui est parfaitement compréhensible, ne soient pas réutilisés, reconvertis pour d'autres priorités nouvellement apparues, ou majorés.
    Je me permettrai de faire une dernière suggestion.
    Il est impératif de raccourcir les délais de réalisation des infrastructures en refondant et en simplifiant les procédures préalables, qui sont incontestablement la source de retards considérables. En particulier, toutes - je dis bien : toutes - les études et enquêtes devraient être réalisées avant la déclaration d'utilité publique, notamment pour la loi sur l'eau, afin qu'une fois la DUP prise, la décision soit définitivement et immédiatement applicable.
    L'amélioration des crédits d'investissement, la volonté d'équiper équitablement le territoire, le respect des engagements concernant les délais et les montants financiers, la simplification et le raccourcissement des procédures, qui génèrent d'ailleurs des économies, sont les voies dans lesquelles nous souhaitons voir l'Etat s'engager. C'est ce que vous faites, messieurs les ministres, et c'est pourquoi nous vous soutiendrons de grand coeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Destot, qui sera le dernier orateur de cette séance.
    M. Michel Destot. Je limiterai mon propos aux transports collectifs de province, Odile Saugues ayant très bien dit ce qu'il fallait dire globalement de ce budget. J'exprimerai aussi mon accord avec Michel Bouvard sur l'intermodalité et sur le TGV Lyon-Turin, ainsi qu'avec Gilbert Biessy s'agissant de la troisième ligne de tramway de Grenoble.
    Les autorisations de programme concernant les aides aux investissements pour les transports en commun en site propre, hors Ile-de-France, restent dans le projet de loi de finances pour 2003 au niveau de celles du budget de 2002, à hauteur de 114 millions d'euros, ce qui est notoirement insuffisant pour couvrir les besoins de subventions évalués à 180 millions d'euros si l'on en croit ce qui nous revient des collectivités locales. Et que l'on ne me dise pas que c'est la même somme que l'année précédente car on sait très bien que les années 2003, 2004, 2005 seront des années d'appel de crédits d'investissement beaucoup plus forts, alors que les années 2001 et 2002 concernaient essentiellement les études et les avant-projets.
    Il existe un décalage entre la volonté exprimée et les moyens qui seront alloués, ce qui pénalisera le processus d'adaptation des réseaux aux attentes de nos concitoyens, qui, au final, seront les perdants.
    La situation est encore plus critique pour ce qui concerne les plans de déplacements urbains. On observe une baisse drastique puisque les autorisations de programme passent de 80 millions d'euros en 2002 à 23 millions d'euros, dont, monsieur le secrétaire d'Etat Bussereau, 10 millions d'euros supplémentaires pour l'Ile-de-France, inclus dans le contrat de plan Etat-région. Il s'agit en tout état de cause d'une baisse très sensible qui met d'une certaine façon en cause la loi sur l'air et la loi SRU, avec des conséquences fâcheuses pour l'ensemble de nos collectivités.
    Il est faux de croire que l'essentiel des dépenses liées aux PDU est derrière nous. Les autorités organisatrices ont inscrit dans leurs PDU des projets sur plusieurs années qu'il leur faut maintenant financer. C'est toute la politique d'amélioration des transports collectifs urbains autres que les métros et tramways, d'intermodalité, d'amélioration des dessertes ferrées urbaines et péri-urbaines, d'aides aux transports routiers départementaux et régionaux qui est ainsi remise en cause.
    Ainsi, l'Etat n'aura plus les moyens d'aider suffisamment les autorités organisatrices pour développer l'intermodalité avec les systèmes d'information des usagers ; pour mettre en place des équipements assurant la sécurité des usagers ; pour acquérir du matériel roulant propre et accessible aux personnes à mobilité réduite ou pour mettre en place des transports à la demande ou spécifiques à l'usage des personnes handicapées ; pour développer des systèmes de tram-train et pour aménager, dans le cadre des contrats d'agglomération ou de pays, les espaces publics extérieurs.
    Ces baisses de crédits, ce sont clairement les agglomérations qui n'ont pas la taille ni les moyens nécessaires pour se doter de métros ou de tramways qui les subiront le plus durement. C'est un bien mauvais signe alors que viennent de s'ouvrir les assises locales sur la décentralisation et sur la solidarité envers les territoires les plus fragiles et les moins bien dotés financièrement.
    Cela atteint aussi la crédibilité des discours tenus, y compris au plus haut niveau, sur la volonté de notre pays de lutter contre les gaz à effet de serre. Lors du sondage que nous avions réalisé l'an dernier au titre du GART, pour notre congrès de Bordeaux, deux tiers des actifs utilisant leur voiture pour se rendre à leur travail indiquaient qu'ils seraient prêts à modifier leur comportement si la qualité de l'offre en transports collectifs était améliorée en termes de fréquence, d'amplitude de service et de confort, et si des solutions innovantes et adaptées aux différents types de territoire étaient trouvées. Or c'est dans le péri-urbain et dans les agglomérations de plus petite taille que la qualité de l'offre en transports collectifs doit principalement s'améliorer. Les PDU essayaient d'apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens, mais vous baissez les crédits destinés aux collectivités qui s'y étaient engagées.
    Lutte contre l'insécurité routière, implication de la France dans la limitation des émissions de gaz à effet de serre, accessibilité de la ville aux personnes à mobilité réduite, sûreté dans les transports collectifs, solidarité envers les territoires les plus fragiles et les moins bien dotés financièrement : nous avons entendu le Gouvernement en parler abondamment ces derniers temps.
    A l'aune du budget des transports collectifs, et notamment du chapitre 63-43, nous ne pouvons malheureusement que douter de la volonté de transformer les paroles en actes, à moins, monsieur le ministre, que vous ne vous décidiez à reconduire, en tout cas sur ce point, voire à augmenter - on peut toujours rêver ! - les crédits à hauteur de ce qu'ils étaient dans la loi de finances pour 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230) :
    Equipement et transports ; budget annexe de l'aviation civile ; article 71 ; ligne 38 de l'état E (suite) :
    Equipement et transports terrestres :
    M. Hervé Mariton, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 20 du rapport n° 256) ;
    Mer :
    M. Michel Vaxès, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 22 du rapport n° 256) ;
    M. Jean-Yves Besselat, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome X de l'avis n° 258) ;
    Transports aériens :
    M. Charles de Courson, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 24 du rapport n° 256) ;
    Mme Odile Saugues, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XII de l'avis n° 258) ;
    Equipement, transports terrestres et fluviaux :
    M. François-Michel Gonnot, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XIII de l'avis n° 258).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT