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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MARDI 29 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du lundi 28 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet : Mme Muguette Jacquaint, MM. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles ; Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ; Jacques Barrot, Claude Evin, Jean-Luc Préel, Maxime Gremetz. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance «...»
DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

M.
Bernard Accoyer,
Mme
Elisabeth Guigou,
M.
Jean-Luc Préel,
Mme
Jacqueline Fraysse.

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

MM.
Pierre Morange,
Jean Le Garrec,
Jean-Claude Lemoine,
Maxime Gremetz.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2003

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 (n°s 250, 330).

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, après avoir lu attentivement ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et écouté studieusement vos différentes déclarations, je suis profondément convaincue que le texte que vous nous présentez ne correspond ni à la situation que nous vivons aujourd'hui ni aux attentes de nos concitoyens.
    C'est un « budget de transition », dites-vous ! Mais pour quoi faire ? A-t-il pour objectif de répondre aux besoins ou de poursuivre une logique comptable dont tout le monde dénonce la faillite ? Au nom de mes collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains, je vais m'appliquer à démontrer que votre projet de loi ne peut faire l'objet d'une discussion en l'état devant la représentation nationale.
    Lorsque la France, en 1945, a créé la sécurité sociale, elle a fait un geste novateur et ambitieux qui restera dans l'histoire du siècle précédent comme une avancée sociale de tout premier ordre. En conséquence, monsieur le ministre, il convient de la préserver plus que de la contester. Pourtant, au-delà des déclarations rassurantes en sa faveur et autres effets d'annonce, nous observons que, quels que soient les gouvernements, de crises en plans de redressement, les difficultés se sont accumulées d'année en année, pour aboutir à un système de protection sociale qui, sur certains aspects, fonctionne à deux vitesses. Les inégalités devant l'accès aux soins se sont accrues. Les professionnels sont de plus en plus désabusés. Quant aux établissements de soins, ils ont de moins en moins de moyens. Et ce ne sont pas les bonnes intentions purement déclaratives figurant dans l'annexe au projet de loi qui changeront quelque chose ! Il faut bel et bien des dispositions concrètes.
    Notre système est à bout de souffle non pas, comme vous l'avez affirmé par le passé, monsieur le ministre, parce qu'il est lui-même dépassé, mais parce que la tentation est de plus en plus grande de le livrer au secteur marchand, de le faire reposer sur la rentabilité comme pour n'importe quel autre produit. La santé n'est pas un domaine comme les autres. Elle touche la vie des gens, la naissance, la maladie, la douleur, voire la mort. Or les recettes ont été dénaturées. Au nom de la construction européenne, les moyens nécessaires n'ont pas été accordés pour corseter les dépenses publiques et limiter les prélèvements. C'était le sésame pour le passage à l'euro.
    Cette situation est aussi l'oeuvre du plan Juppé, caractérisé aujourd'hui par un échec cuisant. La vision comptable, médicalisée ou encore financière de notre protection sociale et de notre système de santé a abouti au paysage sanitaire et social que nous connaissons aujourd'hui. Tout le monde doit en convenir. En cas de doute, parlez-en, comme nous l'avons fait la semaine dernière, avec les médecins, les infirmières, les aides-soignants, les directeurs d'hôpitaux, les usagers. Tous vous diront, avec plus ou moins de réserve, où nous en sommes aujourd'hui : dans une situation très préoccupante, voire explosive.
    Non seulement votre projet de loi n'apporte pas de réponse d'ensemble, mais il ouvre des portes dangereuses. Le système, qui existe depuis soixante ans, doit perdurer dans sa philosophie, celle de la solidarité, du droit pour tous à une protection sociale de qualité et aux soins, celle de la garantie collective et universelle. De ce point de vue, le dérapage des dépenses de santé traduit davantage une insuffisance de recettes et la nécessité de mieux couvrir les besoins que des dépenses inconsidérées. Personne ne peut nier le besoin de vérifier la pertinence des dépenses publiques et de limiter celles qui peuvent l'être, mais cela doit être fait sans porter atteinte à l'accès de tous aux soins. Il faut donc rompre avec la logique fallacieuse qui consiste, avec plus ou moins de nuance, de suppositoires en piqûres de choc, à agir dans le seul but de limiter ou de maîtriser les dépenses au détriment des besoins. A nos yeux, rien ne justifie que la protection sociale soit enfermée dans un budget trop restreint, car les dépenses de santé augmentent et elles continueront à augmenter. Comment pourrait-il en être autrement ? La médecine progresse, les soins sont de mieux en mieux dispensés et la prise en charge de la douleur, comme du confort, sont des notions désormais admises, à juste titre. Quant à l'allongement de l'espérance de vie, c'est une réalité dont il faudrait plutôt se réjouir. Les plus de soixante-cinq ans représentent aujourd'hui 16 % de la population. Est-ce autre chose qu'un progrès humain ?
    Il ne faut pas briser ces évolutions, ces améliorations. Il faut se poser les bonnes questions, monsieur le ministre. Or votre projet souffre d'une véritable défaillance. Interrogeons-nous sur les causes de la situation que les malades et les professionnels connaissent actuellement, sur les moyens à débloquer ! On pourrait, par exemple, comprendre la baisse du taux de remboursement des médicaments ayant un générique. Pourquoi pas ? Mais est-ce le remboursement qui est en cause ou le prix du médicament en pharmacie, décidé par les laboratoires ?
    Reste la question essentielle : la part des dépenses de santé est-elle suffisante ? la déconnexion partielle entre le financement de la sécurité sociale et les richesses produites par les entreprises illustre clairement le caractère avant tout idéologique de la baisse des charges et des exonérations en tout genre, source des maux de notre système. Contrairement à vous, monsieur le ministre, il ne nous semble pas impossible d'augmenter les recettes de la protection sociale, bien au contraire. Toutes ces questions sont malheureusement occultées par votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, et c'est fâcheux. Aucune réponse n'y est apportée.
    En défendant cette motion de procédure, nous voulons démontrer que ce texte ne peut être discuté tant il est loin de répondre aux problématiques contemporaines. Malgré quelques signaux réconfortants comme le fait que l'on se soigne mieux en France, nous sommes sur une mauvaise pente depuis plus de dix ans et nous n'avons eu de cesse de le dénoncer. Cette situation critique justifierait des initiatives et des mesures fortes que vous ne prenez pas. Nous avons besoin d'un financement nouveau au service d'une protection sociale moderne, ambitieuse et rénovée.
    Si l'état de santé de la population est globalement positif, comme le note la Cour des comptes, ce bilan doit toutefois être relativisé au vu de certaines données. Des insuffisances vous échappent manifestement. L'espérance de vie des Français est désormais l'une des plus longues au monde - soixante-quinze ans et demi pour les hommes, quatre-vingt-trois ans pour les femmes - mais cela recouvre une réalité relativement hétérogène. En effet, l'espérance de vie connaît une variation de trois à quatre ans selon les régions et l'on constate une surmortalité importante avant soixante-cinq ans, particulièrement marquée chez les hommes jeunes.
    Pour améliorer la situation, il faut s'en prendre directement aux causes les plus fréquentes de décès. Les maladies cardio-vasculaires, les tumeurs et les morts violentes sont à l'origine des trois quarts des décès. Or, nous manquons de cardiologues, d'ORL, d'obstétriciens et autres spécialistes pour améliorer les soins et la prévention. Pourtant, la plupart du temps, ces maladies mortelles sont évitables, ce qui devrait inciter à intervenir. Mais, là encore, peu de choses sont prévues à l'horizon 2003, pour ne pas dire rien !
    Une autre préoccupation mérite l'attention des pouvoirs publics : la mortalité précoce chez les jeunes. Peu élevée chez les moins de un an, elle est surtout due aux accidents et aux suicides, d'où la nécessité de renforcer la prévention, l'accompagnement et l'écoute. Or, les infirmières scolaires disparaissent et le nombre d'assistantes sociales, de psychologues et de psychiatres diminue.
    M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général. Depuis déjà des années !
    Mme Muguette Jacquaint. Par ailleurs, de nouveaux problèmes de santé se développent : asthme, allergies et surpoids. Quelles réponses y apportez-vous concrètement ? Chez l'adulte, si l'état de santé est plutôt bon, le plus grand problème reste celui des soins dentaires.
    M. Yves Bur, rapporteur. Là-dessus au moins, je suis d'accord avec vous !
    Mme Muguette Jacquaint. Ils sont parmi les plus coûteux et le tri se fait malheureusement en fonction du niveau social : ceux qui ont les moyens peuvent y recourir, les autres non.
    M. Yves Bur, rapporteur. Cela fait cinq ans que cela dure !
    Mme Muguette Jacquaint. Il faut donc améliorer les remboursements. Or, dans votre projet de loi, vous ne parlez que de « déremboursement », de « responsabilisation » des assurés sociaux ! J'y reviendrai, car cette question mérite que l'on s'y attarde.
    M. Yves Bur, rapporteur. Tout à fait !
    Mme Muguette Jacquaint. Si l'on est plutôt bien soigné en France, grâce à un outil qui a fait ses preuves et à l'aide des professionnels de santé, les disparités dans l'accès aux soins subsistent, malgré toutes les mesures de rigueur budgétaire engagées depuis plusieurs années. Les disparités sociales significatives qui existent s'agissant tant de l'état de santé que du recours aux soins ne peuvent être tolérées plus longtemps.
    L'espérance de vie varie en fonction du milieu social et du sexe. Une étude réalisée sur la période allant de 1982 à 1996 montre ainsi que l'espérance de vie des hommes de trente-cinq ans est supérieure de six ans et demi pour les cadres et professions libérales à ce qu'elle est pour les ouvriers - trois ans et demi de différence pour les femmes. L'enquête décennale santé de 1991 souligne que cet écart entre milieux sociaux est plus important encore si l'on prend en compte les années de vie passées en incapacité. Les personnes appartenant au groupe le moins favorisé, celui des ouvriers, non seulement vivent moins longtemps, mais passent plus d'années en état d'incapacité. Cela pose clairement la question de la santé au travail. Mais là encore, j'attends vos propositions, monsieur le ministre.
    Dès l'enfance, on note dans les milieux sociaux défavorisés des différences importantes en matière de santé et de recours aux soins. Je pense à la surcharge pondérale et aux troubles de langage qui ne sont pas suffisamment dépistés chez ces enfants. Monsieur le ministre, que faites-vous pour remédier à cette situation ? Votre projet de loi ne contient aucune mesure pour faciliter l'accès de tous à des soins de qualité et pour éviter que le niveau social soit un handicap. Cette dérive est liée au dévoiement de notre système de protection social originel. Son ouverture progressive et plus ou moins dissimulée au secteur marchand n'a fait qu'empirer les choses. Les récentes déclarations des mutuelles sur le médicament sont à cet égard très préoccupantes. Nous serons extrêmement vigilants, car la santé n'est pas une marchandise ! Je le répète, monsieur le ministre, car je vous sais sensible. Il faut prendre ces problèmes à bras-le-corps. Or vous ne le faites pas, puisque vous vous apprêtez à poursuivre la baisse des remboursements des médicaments et que vous laissez aux laboratoires le soin de fixer librement les prix des molécules nouvelles, en particulier des plus innovantes.
    Vous n'envisagez pas de remonter le plafond de la CMU. Certains examens médicaux continueront donc à ne pas être pris en charge. L'attitude du MEDEF et des assurances en la matière ne fera qu'amplifier la situation.
    Vos déclarations nous inquiètent au plus haut point, monsieur le ministre. Vous dites « vouloir étudier le champ de compétences de l'assurance de base et de l'assurance supplémentaire afin d'évaluer la place de la solidarité nationale ». En clair, il s'agit de distinguer tout ce qui peut relever de la sécurité sociale pour tous de ce qui devrait être mis à la charge du privé. Cela revient à vouloir que les gens qui ont les moyens se paient des assurances privées, les autres voyant leur accès aux soins réduits a minima. Drôle de conception d'une République moderne ! Nous n'y adhérons pas. Apparaît en filigrane la mise en place d'un « panier » de soins limités, défendu notamment par le patronat.
    Nous sommes désolés, monsieur le ministre, ce n'est pas notre vision d'un système moderne de santé et de protection sociale, dans la mesure où il n'assure pas l'égalité de tous devant les soins et les structures et où il ne met pas un terme aux disparités que je viens de décrire, aussi criantes que cruelles. Est-ce le message que vous voulez adresser aux précaires ? La précarité demeure un facteur de risque, comme le montre l'exemple du suivi de la grossesse. Les femmes vivant dans des situations fragiles sont 15,5 % à avoir bénéficié de moins de sept visites prénatales, norme fixée par la réglementation, contre 8 % pour les autres ; elles sont plus souvent hospitalisées : 24 % contre 21 % ; leurs enfants sont plus souvent prématurés : 7,5 % contre 5,7 %, ou de faible poids : 8,1 % contre 6,4 %. J'ajoute que le taux d'enfants ayant nécessité une hospitalisation particulière ou transférée est également plus élevé pour ce groupe de femmes : 9,8 % contre 7,4 %. Aller vers un régime assuranciel ou solidaire a minima serait catastrophique pour ces personnes déjà en difficulté.
    Prenons un autre exemple, celui du dentaire. Une politique d'austérité en matière de soins et de prise en charge accentuerait ce que nous observons déjà, mauvais état dentaire et faible niveau socio-économique étant si souvent associés. Une étude sur le recours aux soins des personnes en situation de précarité montre en effet que précarité et problèmes dentaires sont fortement combinés, et cela d'autant plus que les personnes concernées sont plus âgées. Dans 60 % des cas, l'absence de soins est due à des raisons financières. On ne peut tolérer de tels constats. Mais, là encore, quelles mesures proposez-vous ?
    Il en est de même s'agissant des grands problèmes de santé publique. Par exemple, si la couverture vaccinale des enfants continue de s'améliorer, beaucoup d'insuffisances persistent. La couverture vaccinale des enfants de deux ans est inégale pour le BCG, insuffisante pour le ROR, car cette dernière est recommandée et non pas obligatoire. La vaccination des adultes est mal connue et également insuffisante, notamment pour ceux d'âge élevé.
    Concernant les nouvelles pathologies, on observe que la prise en charge de l'asthme ne correspond pas aux besoins réels. Alors que des traitements efficaces existent, ils semblent insuffisamment prescrits. La gravité de l'asthme serait sous-évaluée chez 12 % des individus et la maladie sous-traitée dans 16 % des cas. Une mauvaise observance des traitements serait également en cause, les traitements de fond souvent négligés par les patients et leurs familles mal informées.
    A cela s'ajoutent de nouvelles problématiques qu'il convient de mieux appréhender, comme le comportement alimentaire. A six ans, 14 % des enfants présentent une surcharge pondérale et 4 % une obésité.
    M. Jean Bardet, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance maladie et les accidents du travail. La faute au hamburger !
    Mme Muguette Jacquaint. En vingt ans, la proportion d'enfants de cinq à douze ans qui en sont atteints est passée de 5 à 15 %. Si rien n'est fait, les problèmes de santé liés à une alimentation trop riche, à un mode de vie sédentaire pourraient encore s'aggraver, à l'image de ce que l'on observe aux Etats-Unis. Ils entraînent à brève échéance une augmentation de la pression artérielle, un excès de cholestérol et du diabète, préparant le terrain des maladies cardio-vasculaires qui, à l'âge adulte, sont la première cause de mortalité.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Certes, les Nord-Coréens sont moins gros !
    Mme Muguette Jacquaint. Quelles mesures, avec vos collègues du Gouvernement - je pense au ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et au ministre délégué à la famille -, peuvent être prises pour sensibiliser les parents à ces questions ?
    Je tiens maintenant à dénoncer une réelle lacune de ce projet de loi. Concernant les comportements sexuels, des mesures et des politiques encourageantes ont été engagées, mais il faut rester vigilant et accorder les moyens nécessaires à la prévention. En effet, si on observe une diminution du multipartenariat, source de risques de MST, on observe aussi un relâchement des comportements de protection.
    Deux comportements à risque sont par ailleurs prépondérants en termes de mortalité et de santé publique : l'alcoolisme et le tabagisme, qui exigent des réponses de fond sans faux-fuyants. Il est de fait établi de longue date que la plus grande part de la mortalité prématurée et une part considérable de la morbidité leur sont directement ou indirectement liées. Or les actions de prévention restent insuffisamment développées dans notre pays. Plus de 35 000 décès par an sont attribués à la consommation d'alcool !
    Une enquête réalisée en 2000 auprès des médecins généralistes libéraux et des établissements de santé révèle qu'environ un cinquième de l'activité du système de soins concerne des patients présentant un risque d'alcoolisation excessive. La prévention doit donc être une priorité, d'autant que ce fléau touche de très jeunes patients. Or les représentations positives de l'alcool semblent rester prépondérantes. Et si certains risques encourus sont bien connus, d'autres semblent moins bien appréciés, comme les risques de cancer et les difficultés sociales liées à l'abus d'alcool.
    La consommation de tabac, quant à elle, est un autre facteur de risque majeur, à l'origine d'un grand nombre de pathologies comme les cancers du poumon ou du larynx, les cancers des voies aérodigestives supérieures et les maladies cardio-vasculaires. On estime qu'elle est responsable de 60 000 décès par an, soit de plus d'un décès sur neuf. En outre, les deux tiers de ces décès peuvent être considérés comme prématurés. A dix-huit ans, quatre jeunes sur dix fument régulièrement.
    Il faut donc poursuivre la prévention et freiner la consommation de tabac. En 2000, les ventes ont diminué de 1,4 % par rapport à 1999. La hausse des prix n'y est pas pour rien. Mais je formulerai une critique, que nous sommes beaucoup à partager : si l'on peut concevoir d'augmenter les taxes pour freiner la consommation et donc décourager de fumer, le bénéfice de ces taxes doit aller à la santé publique.
    M. Yves Bur, rapporteur. Tout à fait d'accord !
    Mme Muguette Jacquaint. Or, une part infime de ces taxes est destinée à l'assurance maladie et à la prévention.
    M. Yves Bur, rapporteur. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait l'an dernier ?
    Mme Muguette Jacquaint. Je l'avais aussi proposé l'an dernier !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je peux en témoigner.
    Mme Muguette Jacquaint. L'essentiel des recettes des taxes est destiné à financer les réformes d'exonération de charges patronales. C'est inadmissible ! Nous ne pouvons concevoir que les fumeurs financent ces allégements dont vous savez tout le mal que nous pensons. Nous déposerons d'ailleurs plusieurs amendements à ce propos.
    Parallèlement, la proportion des personnes souhaitant arrêter de fumer a augmenté au cours des huit dernières années. Quelle chance leur donnons-nous ? Sur l'ensemble de l'année 2000, un peu plus d'un million de personnes ont débuté un traitement de substitution nicotinique, une telle augmentation étant probablement liée à la mise en vente libre des substituts. Le remboursement des substituts les plus efficaces serait un progrès dans la lutte qui nous anime tous contre le tabac. Monsieur le ministre, je n'ai rien vu de tel dans votre projet. Aussi, nous vous proposons de l'y inscrire.
    Enfin, les problèmes de consommation de drogues illicites, de santé mentale et de souffrance psychique doivent être mieux appréhendés. Le recours aux soins pour troubles de la santé mentale est en constante augmentation. La dépression est le trouble le plus fréquent et peut être considérée comme une maladie de notre époque ; le suicide est la deuxième cause de décès des jeunes de quinze à trente-quatre ans, après les accidents de la circulation. A cela s'ajoutent des problèmes de comportement et de santé mentale dont l'importance est difficile à apprécier chez les jeunes enfants, les pré-adolescents et les adolescents. La sous-estimation de la pathologie mentale ne peut plus durer. Là encore, même constat : vous n'annoncez rien de concret à l'horizon 2003.
    Restent les grandes pathologies, qui doivent faire l'objet d'un effort soutenu. Vous annoncez des mesures contre le cancer, ce dont nous nous félicitons. Mais quid des maladies cardio-vasculaires, de l'hépatite C dont le dépistage devrait être developpé, du sida ? A ce propos, pouvez-vous nous dire où en est l'engagement de l'Etat de donner 150 millions d'euros à un fonds international de lutte contre le sida ? Les ministères tergiversent, et pendant ce temps-là l'épidémie continue à faire ses ravages : 10 000 morts par jour !
    Je pense aussi aux pathologies liées au vieillissement. Par exemple, l'ostéodensitométrie, examen radiologique recommandé à un certain âge pour agir contre l'ostéroporose, n'est pas remboursé, alors que son coût est élevé. Puisqu'il est nécessaire et important en termes de prévention, pourquoi ne pas en assurer la prise en charge ? Nous vous le demandons.
    Monsieur le ministre, certaines de vos déclarations, tout comme les dispositions de votre projet de loi, n'apportent aucune réponse concrète à ces problèmes. De telles lacunes justifient indubitablement l'adoption de cette question préalable.
    Pour répondre aux défis de santé publique et aux insuffisances que je viens d'énumérer, pour continuer à améliorer l'état de santé général de la population de notre pays, il convient de résoudre la question de la démographie des professionnels de santé qui se pose avec une forte acuité. Les nouvelles générations de professionnels de santé sont moins nombreuses qu'auparavant. On note un vieillissement de presque toutes les professions de santé. Alors que les personnes de moins de 35 ans étaient majoritaires - 52,5 % - en 1983, elles ne représenteraient plus que 29 % de l'ensemble des effectifs en 2001. Cela pose la question du renouvellement, mais aussi de l'évolution de la démographie médicale. En l'espace de quarante ans, le nombre de médecins par habitant a plus que triplé. Toutefois, les différentes politiques du numerus clausus et de la durée de formation vont conduire à la diminution de leurs effectifs ; lorsque les générations nombreuses de médecins des années 70 parviendront à l'âge de la retraite, à partir de 2007, le nombre de nouveaux médecins sera inférieur au nombre de départs.
    Si les comportements de cessation d'activité constatés aujourd'hui se maintiennent, indépendamment de la valeur du numerus clausus, le nombre de médecins devrait encore rester stable quelques années - autour de 196 000 - avant de décroître - 189 800 - en 2010. et en supposant le numerus clausus à 4 700 étudiants par an, les effectifs médicaux devraient diminuer pour atteindre 158 000 début 2020. On se retrouverait à cette date dans la situation du début des années 80, avec environ 250 médecins pour 100 000 habitants. Je ne pense pas que ce soit un progrès.
    Toujours dans la même hypothèse, le nombre de médecins pourrait continuer à diminuer après 2020 pour se stabiliser autour de 135 000 à partir de 2030.
    Un numerus clausus porté à 7 000 dès 2003 entraînerait une baisse du nombre des médecins jusqu'en 2025 et le ramènerait à un niveau comparable à celui d'aujourd'hui. Un numerus clausus élevé, à 8 000 en 2003, n'éviterait pas une baisse de la densité médicale jusqu'en 2025. Mais le maintenir à ce niveau, tout au long de la période, amènerait en 2050 cette densité à des niveaux plus élevés qu'aujourd'hui. Monsieur le ministre, quelle est votre vision en la matière ?
    Si la démographie des spécialistes est en augmentation, les évolutions sont très différentes d'une spécialité à l'autre. Ainsi, les effectifs d'ophtalmologues ou d'ORL n'ont augmenté que de 2 à 3 %. Le nombre d'anesthésistes-réanimateurs a même légèrement diminué depuis 1990. Celui des gynécologues-obstétriciens a chuté de 3 % et celui des stomatologues de 24 % depuis la même date. Or les besoins sont constants, voire supérieurs. Là encore, monsieur le ministre, quelles sont vos réponses ?
    A cela s'ajoute le facteur aggravant des inégalités géographiques qui, même si elles se sont légèrement atténuées, restent marquées. Quelles réponses apporterez-vous, monsieur le ministre, à cette situation qui, à terme, va poser de réels problèmes ? Il faut s'en préoccuper dès maintenant.
    On déplore, dans le milieu hospitalier, un manque cruel de personnel. Cette pénurie est la conséquence de choix politiques fondés sur le dogme suivant : la réduction de l'offre entraînera mathématiquement la réduction des dépenses. Dans ce cadre, des dizaines d'écoles d'infirmières, pour ne citer qu'elles, ont été fermées et le numerus clausus des études médicales a été bloqué depuis plus de dix ans.
    Dans le contexte que je viens de décrire, le manque de moyens a souvent servi de prétexte à la fermeture de services. La situation est donc grave pour la population, en terme d'accès aux soins dans de nombreux secteurs, et la qualité des soins en pâtit.
    M. Yves Bur, rapporteur. Vous vous en rendez compte au bout de cinq ans !
    Mme Muguette Jacquaint. Par ailleurs, différentes mesures de réduction du temps de travail sont actuellement inapplicables, du fait de l'absence de professionnels disponibles. Pour les infirmières, le déficit actuel de postes non pourvus dans les hôpitaux est chiffré à environ 15 000. 18 000 diplômés ou plus, en supposant un taux de réussite à 100 % au diplôme d'Etat, arriveront sur le marché, alors que près de 24 000 de leurs collègues partiront en retraite.
    Par ailleurs, la pyramide des âges s'annonce particulièrement défavorable dans les années à venir et l'augmentation des quotas - 26 000 places dans les IFSI - ne permettra pas de combler les départs. En 2005, 36 000 départs sont prévus, secteurs public et privé confondus, pour 26 000 diplômés. Au total, sans compter les recrutements induits par la RTT, le déficit jusqu'en 2005 est donc déjà de près de 35 000 professionnels.
    Il est donc urgent d'augmenter fortement les quotas dans les écoles, ce qui implique la réouverture de celles qui ont été fermées et le recrutement de formateurs. Nous avons déposé des amendements en ce sens, afin de revaloriser la profession, de mettre en oeuvre les moyens de formation nécessaires et d'inciter les jeunes à s'orienter vers la profession d'infirmière.
    Nous espérons être entendus sur ce point, monsieur le ministre, car ce n'est pas en rappelant des professionnels à la retraite dans des conditions nébuleuses - et sous quel contrôle ? - que vous réglerez le problème. C'est une vision un peu courte d'une situation qui appelle des mesures d'urgence.
    Une des priorités de santé publique, actuellement en France, est d'augmenter massivement le nombre de professionnels en formation, toutes catégories confondues. Les divers mouvements sociaux - hôpitaux, cliniques, médecins libéraux... - sont le reflet de l'aggravation des conditions de travail. Une des clés est l'arrivée de nouveaux professionnels de santé sur le terrain. Il s'agit d'un enjeu majeur, car la dégradation du système de soins dans ce cadre de pénurie ouvre plus grande encore la porte d'un système de soins à plusieurs niveaux, avec la mise en place de réseaux privés offrant un accès privilégié à ceux qui pourront y adhérer, moyennant une cotisation et selon des critères marchands.
    Cela me conduit tout naturellement à évoquer le cas inquiétant de l'hôpital.
    La pénurie de médecins et d'infirmières, la mise en place de la réduction du temps de travail avec peu ou pas de moyens supplémentaires compromettent les conditions d'accueil et pèsent sur les conditions de travail, faisant le terreau de ceux qui veulent remettre en cause le service public hospitalier. S'y ajoute l'odieuse attitude des assureurs, qui refusent de prendre en charge les risques liés à la loi sur le droit des malades.
    Regardons de plus près ce qui se passe à l'hôpital. C'est dramatique. Il faut rompre avec l'insuffisance des moyens budgétaires. Ce n'est un secret pour personne : chaque année, il est nécessaire de revoir les budgets à la hausse tant les situations sont tendues. Et vous commettez la même erreur cette année, monsieur le ministre, en prévoyant un ONDAM, certes revalorisé, mais bien loin des attentes.
    M. Bernard Accoyer. Vous n'avez pas dû lire le texte, ni écouter le ministre !
    Mme Muguette Jacquaint. Compte tenu de ce qui se passe à l'hôpital de Saint-Denis et dans combien d'autres, nous sommes, tout comme vous naguère, fondés à nous interroger sur l'intérêt de fixer chaque année un ONDAM qui a vocation à être dépassé. Vous-même posiez la question en ces termes : « Quels sont d'ailleurs les éléments qui permettent de proposer tel ou tel taux de croissance des dépenses de santé ? » Et vous déploriez que l'ONDAM ne repose sur aucune justification sanitaire.
    Alors, pourquoi poursuivre ? D'autant que la Fédération hospitalière de France vous a alerté sur l'insuffisance de votre prévision, l'estimant, pour sa part, à 6,1 % au minimum pour seulement reconduire l'existant, ce qui n'est pas brillant. Il faut donc revaloriser sensiblement l'ONDAM pour qu'il corresponde réellement à la nécessité. Vous nous épargneriez ainsi un nouveau constat d'échec au printemps et feriez l'économie d'un collectif budgétaire social.
    Depuis plusieurs années, l'hôpital est sur le devant de la scène du fait de ses difficultés de fonctionnement. La situation s'est encore aggravée cet été dans de nombreux établissements. Nous avons été très proches de la rupture. Seul l'engagement des personnels a permis d'éviter la catastrophe, mais l'état de fatigue est tel que cette tension ne pourra durer encore très longtemps.
    Monsieur le ministre, nous ne pouvons plus reculer. Nous vous demandons solennellement de donner à l'hôpital les moyens de son fonctionnement, sinon les difficultés vont perdurer ou s'aggraver.
    On le voit déjà dans certains secteurs, comme les urgences, dont la situation est très dégradée. Les urgences restent la porte d'entrée à l'hôpital dans de nombreux cas. Plus de douze millions de personnes s'y présentent annuellement, avec une progression importante ces dernières années.
    Certains critiquent, non sans facilité, l'attitude irresponsable de gens qui se présenteraient aux urgences pour le moindre petit « bobo ». Faut-il s'en étonner, et est-ce anormal ? D'une part, la plupart des cas graves n'arrivent plus directement aux urgences, mais sont pris en charge par le SAMU. C'est un service dont la qualité est mondialement reconnue, mais sa mise en place a masqué, ces vingt dernières années, la dégradation des urgences hospitalières, ignorée jusqu'à une période récente, tant par les autorités sanitaires que par les médecins.
    Il faut savoir que, dans de nombreux établissements, les médecins chargés de ce travail difficile sont généralement des internes, toujours en formation, ou des médecins étrangers sous-payés et travaillant bien souvent au-delà d'horaires raisonnables. Je rappelle que des engagements ont été pris pour leur intégration statutaire selon des critères précis. Comptez-vous les tenir ?
    Les conditions d'exercice sont épouvantables. Forte augmentation du nombre d'entrées, locaux vétustes, personnels épuisés, médecins et paramédicaux en nombre insuffisant et, pour certains, dépourvus de statut, manque de lits pour l'hospitalisation : tel est le triste tableau que nous pouvons dresser, au moment où l'on supprime deux cents services d'urgence, public et privé confondus. Quelle dramatique incohérence !
    En outre, les médecins généralistes, on le comprend aisément, ne sont plus disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et la pénibilité de leurs conditions d'exercice, surtout en milieu urbain sensible, n'améliore pas les choses. L'hôpital, en revanche, reste le lieu ouvert en permanence, où chacun peut être accueilli, quels que soient ses origines et ses moyens, et qui dispose de l'ensemble des structures d'examen nécessaires.
    Nous devons être fiers de notre service public hospitalier ; nous devons le défendre, plutôt que l'affaiblir. Il doit garder son image de disponibilité et de qualité. Nous y veillerons et nous défendrons cette philosophie du service public.
    Il apparaît donc bien normal que tout un chacun préfère venir aux urgences même pour faire soigner ses « bobos ». Il s'évite ainsi une consultation chez un médecin, souvent au-delà de ses moyens. Souvent aussi, le généraliste doit prescrire une radio ou un examen de sang, qu'il faut effectuer dans un autre lieu, avant de revenir le voir pour la mise en route d'un traitement approprié, alors qu'à l'hôpital les soins sont plus rapides et mieux coordonnés. Ajoutons enfin que l'hôpital reste souvent le dernier recours pour les personnes les plus en détresse.
    Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, les gens continueront à venir nombreux à l'hôpital car l'urgence est, avant tout, une détresse ressentie par le malade, avant de pouvoir être classée en « bobo » ou en urgence vitale. De plus, même s'il faut éviter certains abus, qui restent globalement très marginaux, le rôle de l'hôpital, depuis toujours, est d'accueillir les malades et c'est à l'hôpital de s'adapter aux besoins des malades plutôt que le contraire.
    C'est pourquoi nous ne pouvons accepter l'hémorragie des fermetures de lits : plus de 100 000 depuis la fin des années 80 ; 10 000 fermetures pour la seule année 2001, et ce malgré l'apparition de signaux d'alerte. La diminution s'est poursuivie au même rythme ces cinq dernières années.
    Des évolutions étaient bien évidemment nécessaires pour prendre en compte les progrès de la médecine et les nouvelles missions de l'hôpital. Cependant, les objectifs initiaux ne s'appuyaient pas sur une politique réfléchie de santé publique mais n'avaient été fixés que pour freiner l'évolution des dépenses de santé en réduisant l'offre de soins.
    Pour les maternités, par exemple, les restrictions obtenues vont bien au-delà des espérances les plus optimistes, car même les plus zélés s'inquiètent des tensions induites au niveau local et le spectre de la situation anglaise commence à pointer son nez.
    Parmi les exemples les plus significatifs, on peut citer celui de la Seine-Saint-Denis, l'un des départements où la natalité est la plus élevée. Le nombre de naissances y est stable depuis dix ans, et pourtant, sur la même période, plus d'un tiers des lits de maternité ont été fermés : on est passé de 1 335 lits en 1975 à 779 en 1996, et les fermetures se poursuivent alors même que la natalité reprend depuis trois ans.
    Il faut stopper - je le dis fermement et avec conviction - l'étranglement des hôpitaux. Le système du budget global instauré au début des années 80 a établi un contrôle des dépenses a priori qui ne prend pas en compte l'évolution des dépenses hospitalières. Ainsi, un directeur d'hôpital s'est vu récemment obligé de refuser une greffe cardiaque parce que son budget « greffe » était épuisé. Heureusement, une solution a été trouvée mais, pour les problèmes moins médiatiques et plus quotidiens, l'ensemble des hôpitaux n'arrivent plus à équilibrer leur budget.
    En ce qui concerne les investissements, la situation est encore plus dramatique : à force de reporter les travaux, les bâtiments vieillissent ; le matériel arrive, dans certains cas, à bout de souffle. Le retard est tel, monsieur le ministre, que vous avez été obligé de reconnaître l'urgence d'un plan de rattrapage. Mais face à ce constat, la première réponse que vous apportez n'est que de 300 millions d'euros. On est loin, malheureusement, des 7 milliards promis par le Président de la République ! Sur cinq ans, certes, mais dès aujourd'hui, vous accusez un retard.
    A ces crédits doit s'ajouter un financement obscur d'un milliard d'euros qui pourrait provenir du privé, à l'instar des propositions du Gouvernement pour les prisons. Nous émettons les plus grandes réserves sur ce projet, car le danger existe d'une remise en cause du service public hospitalier, lequel reviendrait alors aux mains de financeurs privés qui n'abandonneront pas leur vision mercantile. Nous ne saurions prendre le risque d'une telle déviance.
    Nous préférons opter pour d'autres mesures, comme la suppression de la taxe sur les salaires et de la TVA sur la restauration des locaux, taxes iniques qui asphyxient toujours un peu plus les hôpitaux qu'elles grèvent de 5 milliards d'euros par an, soit 10 % de leur budget si on y ajoute les 763 millions d'euros de surcompensation de la CNRACL.
    Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à donner le feu vert pour supprimer ces prélèvements ? Cette proposition que nous avions faite en loi de finances a été rejetée pour des motifs lapidaires et évasifs. Etes-vous disposé à la reprendre et à convaincre le ministre des finances de son bien-fondé pour la seconde lecture du projet de budget ?
    Je ne reviens pas sur le sort des personnels, qui subissent les conséquences de cette asphyxie budgétaire. Il faut proposer une véritable alternative à cette spirale infernale en commençant par l'arrêt de toute fermeture de structure de soins. La fermeture des petits hôpitaux de proximité a été une erreur, que chacun doit reconnaître. Ils permettaient en particulier d'accueillir les petites urgences. Leur disparition a entraîné un engorgement des gros hôpitaux, qui doivent prendre en charge un surcroît de malades. On en arrive ainsi à parler de la création de maisons médicales pour accueillir les urgences en soirée ou le week-end.
    M. Bernard Accoyer. Cela n'a rien à voir !
    Mme Muguette Jacquaint. Il faut réévaluer les besoins par bassin de vie, département et région, stopper toute fermeture avant d'avoir vérifié que les besoins sont effectivement couverts. Il importe que la population soit associée à cette réflexion et ne soit plus mise devant le fait accompli, comme c'est le cas aujourd'hui. Par ailleurs, de nouveaux besoins apparaissent et deviennent de plus en plus pressants, notamment pour les personnes âgées, en raison du vieillissement de la population ; ils doivent être pris en compte.
    Nous proposons un plan d'urgence pour la formation des professionnels de santé. Car, je l'ai dit, il ne suffira pas de disposer de locaux et de lits pour accueillir les malades, le recrutement de personnel qualifié en nombre suffisant est aussi absolument nécessaire. C'est pourquoi nous vous demandons d'augmenter les quotas dans les écoles professionnelles de santé. On estime que 40 000 places par an doivent être ouvertes dans les écoles d'infirmières, et 9 000 dans les facultés de médecine. Je n'oublie pas les aides-soignantes, dont la pénurie est tout aussi criante. Sur les 173 000 aides-soignantes qui travaillent à l'hôpital public en 2001, 20 % atteindront l'âge de la retraite dans les cinq ans. Pour elles, le taux de croissance de l'emploi est de 5,3 % dans le privé non lucratif et, selon la DRASS, 1 270 places supplémentaires auraient dû être créées en Ile-de-France pour couvrir les besoins. Là encore, on ne trouve pas ou peu de réponses satisfaisantes dans le projet de budget.
    Le renforcement de la formation doit s'accompagner d'un effort pour améliorer l'attractivité des professions de santé. Il conviendrait de revaloriser la politique salariale en augmentant les rémunérations et en prévoyant des primes de recrutement et d'installation. Il serait également nécessaire de mettre en place des aides au logement, d'organiser une gestion des carrières avec des parcours qualifiants permettant la validation des acquis, de développer la promotion professionnelle. Toutes ces mesures doivent être encouragées immédiatement. Nous serons vigilants sur les engagements que vous prendrez dans ces divers domaines.
    Notre détermination, monsieur le ministre, n'a pas faibli : il faut mettre un terme à cette vision comptable des dépenses de santé et ne pas avoir peur d'y consacrer les moyens nécessaires. Ce sont des dépenses utiles auxquelles les Français sont attachés.
    Mais cet impératif, votre projet de loi ne le prend pas suffisamment en compte, voire pas du tout sous certains aspects. J'en veux pour preuve la campagne de stigmatisation des professionnels de santé, qui seraient coupables de trop prescrire, et des assurés sociaux, accusés d'être irresponsables et de trop consommer.
    C'est plus facile que de développer une véritable politique de prévention s'attaquant aux causes de la consommation médicamenteuse, c'est-à-dire aux conditions de vie et de travail qui conduisent tant de gens à prendre, par exemple, des psychotropes ou des somnifères. Plus facile aussi que de revoir la politique du médicament, qui se distingue plus par son opacité que par sa transparence, que de remettre en cause la toute-puissance des laboratoires tout au long de la chaîne de décision, depuis l'expert qui se prononce sur l'autorisation de mise sur le marché jusqu'au consommateur assailli de publicité, en passant par les médecins sous l'influence de ces labos, par visiteurs médicaux interposés. Plus facile, enfin, et surtout, que de rechercher de nouveaux moyens de financement garantissant le maintien et le développement d'une protection sociale solidaire.
    Car c'est bien la nécessité d'un financement nouveau qui s'impose. C'est pour nous une exigence incontournable. Contrairement à vous, nous ne nous contentons pas d'acter un déficit et de tout faire pour le stabiliser. L'évolution à contresens de ce financement, c'est-à-dire la dénaturation de ses ressources, conduit à son insuffisance. Notre position est claire, nous voulons que les recettes augmentent et viennent de là où les richesses sont créées : de l'entreprise, et donc des cotisations.
    Or que constate-t-on ? En 1990, les ressources provenaient à 70,8 % des cotisations et à 2,8 % des impôts et taxes.
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    Mme Muguette Jacquaint. En 2001, la tendance n'est plus du tout la même puisque les cotisations ne représentent plus que 56,7 % des ressources, tandis que les impôts et taxes atteignent 16,7 %, soit une progression de 14 points.
    Le manque de ressources provient d'une augmentation des besoins de dépense, d'où la nécessité évidente de prévoir plus de recettes, et non moins de dépenses. C'est toute la logique qui nous oppose. Il faut chercher de nouveaux financements mieux adaptés aux réalités.
    M. Maxime Gremetz. Très bien ! C'est le contraire du malthusianisme !
    Mme Muguette Jacquaint. Mais nous ne pouvons pas accepter que la part des impôts et des taxes finance à ce point la protection sociale. C'est injuste.
    Désormais, ces impôts et taxes affectés représentent un cinquième des ressources hors transferts de la protection sociale. Cette forte hausse est liée à la modification des circuits de financement des exonérations de cotisations prévue dans le cadre du FOREC auquel nous nous opposons. Car, si nous sommes pour la réduction du temps de travail, nous sommes contre la manière dont elle est financée, incarnée par le FOREC.
    M. Bernard Accoyer, M. Jacques Barrot et M. Ghislain Bray. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Ils ont gardé l'usine à gaz ; ils vont être asphyxiés !
    Mme Muguette Jacquaint. Jusqu'en 1999, les compensations d'exonérations de charges étaient exclusivement le fait de l'Etat et étaient retracées sous forme de transfert aux régimes de sécurité sociale. Avec le FOREC, les compensations sont essentiellement financées par des recettes fiscales spécifiques, qui s'élevaient, en 2001, à 13,7 milliards d'euros. Pour des dépenses du FOREC, donc des exonérations, la même année, de 14,4 milliards d'euros au lieu de 11,1 milliards en 2000, soit une progression de 25,2 %. De ce fait, la part des impôts et taxes affectés au financement de la protection sociale dans le PIB passe de 5,1 % en 1999, à 5,7 % en 2000 et à 6 % en 2001.
    Ainsi, les cotisations ont vu leur part relative diminuer de plus de 8 points depuis 1995 au profit des impôts. On peut noter dès lors qu'en 1990 les cotisations représentaient 79,5 % des ressources hors transferts, contre 66,5 % aujourd'hui. Quant aux impôts et taxes, leur part, qui était de 3,1 % en 1990, est aujourd'hui de 19,6 %.
    En contrepartie de l'affectation de nouveaux impôts, l'Etat a réduit d'autant ses contributions aux régimes de sécurité sociale.
    M. Yves Bur, rapporteur. Eh oui !
    Mme Muguette Jacquaint. L'évolution des cotisations et de leur place dans le financement de la protection sociale est fortement dépendante de celle de la masse salariale. Au cours des dix dernières années, elle a également reflété la volonté de réduire le coût du travail pour certaines catégories d'emplois ; je pense aux exonérations de charges sur les bas salaires.
    Le déficit de la sécurité sociale a également été aggravé par la course effrénée aux exonérations de charges. Rien qu'en 2000 la part des cotisations dues par les employeurs a été réduite de 0,4 point en raison de la très forte progression des exonérations de charges, compensées et non compensées, soit plus de 5,3 milliards d'euros. Aussi, sur l'ensemble de la période 1995-2000, le montant des exonérations compensées a été multiplié par 2,7, atteignant en fin de période 13 milliards d'euros.
    En 2001, le montant des exonérations non compensées au régime général s'élevait à 2,2 milliards d'euros. Depuis 1994, ce montant a augmenté de 29 %. Pour compenser cela, le financement public, donc les impôts, ont fortement progressé : 30,8 % en 2001.
    Pour revenir aux impôts et taxes, le principal repose, depuis 2000, sur les droits sur les tabacs. Une fraction de ces derniers est affectée au FOREC pour un montant de 6,4 milliards d'euros en 2000, puis de 7 milliards d'euros en 2001, pour financer les compensations d'exonérations.
    M. Bernard Accoyer. Oh !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous vous inscrivez dans cette logique...
    M. Jacques Barrot. Non !
    Mme Muguette Jacquaint. ... car la part de ces droits de consommation sur les tabacs sera majorée de 300 millions. Cela est inacceptable alors qu'il y a tant de besoins du côté de la prévention ou des substituts nicotiniques.
    A cette logique d'allégements de charges patronales, qui n'a pas, ou peu, porté ses fruits sur l'emploi, qui constitue pour le grand patronat un vrai cadeau, sans contrepartie, et qui met en péril l'équilibre du financement de la sécurité sociale, la satisfaction des besoins et le fonctionnement des hôpitaux, nous opposons une autre logique : la bonification de crédits et la modulation des cotisations, le tout associé à une taxation des revenus financiers.
    Concernant la première proposition, ce nouveau financement vise un double objectif : d'une part, l'extinction progressive des dispositifs d'allégement des cotisations sociales patronales sur les bas salaires engagés par la loi quinquennale d'Edouard Balladur, poursuivie avec la ristourne Juppé et la loi dite « Aubry 2 » sur les 35 heures ; d'autre part, la promotion, à l'occasion d'une réduction du temps de travail, d'un nouveau dispositif d'incitation par un allégement des charges financières accordé en contrepartie d'une création effective d'emplois et de la formation à de nouveaux emplois plus qualifiés. Les négociations d'entreprise permettront de choisir entre ces deux types d'allégement alternatifs, limités dans le temps à l'intérieur de l'enveloppe budgétaire totale.
    Au-delà de son efficacité pour l'emploi et pour les fonds publics, ce dispositif favoriserait la relance de la croissance ainsi qu'une économie de fonds publics, contrairement aux dispositifs d'exonération dégressive de charges sociales patronales, qui poussent à la généralisation des bas salaires, à une baisse des cotisations sociales patronales, dont on a pu mesurer l'inefficacité pour l'emploi et la formation et les effets contre-productifs pour les salaires et les comptes de la sécurité sociale. Ce dispositif n'inciterait pas à la déflation salariale et favoriserait une relance de la demande des ménages, un des piliers de la croissance, et bien sûr de l'emploi.
    La relance de l'investissement serait également enclenchée grâce aux bonifications sélectives de crédits pour l'investissement ou la formation. Cela contribuerait à réamorcer la demande des entreprises, aujourd'hui en panne.
    Cette proposition favoriserait aussi les conditions de l'offre des entreprises : par la modernisation des équipements induits par les investissements et par l'utilisation efficace avec la promotion de la formation incitée par ce mécanisme financier.
    L'adoption d'un tel amendement permettrait de commencer à modifier le système d'incitation de l'Etat et l'orientation du crédit des banques dans un sens plus favorable à l'emploi et à la formation. Etes-vous sensible à une telle proposition ? Etes-vous prêts à engager une étude et envisager son application ?
    Concernant la modulation de la cotisation, une refonte du financement, en prise sur le développement de l'emploi, de la croissance, des ressources humaines - formation, salaires, promotion des salariés - est indispensable...
    M. Maxime Gremetz. Ils n'en veulent pas !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Gremetz, laissez donc parler Mme Jacquaint !
    M. Maxime Gremetz. Ils ne veulent pas toucher au capital !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Bettencourt ! (Sourires.)
    Mme Muguette Jacquaint. ... pour assurer de façon pérenne de nouvelles ressources pour la protection sociale. Il s'agit de remettre en cause la fuite en avant dans les exonérations de cotisations patronales, liées à la hausse des prélèvements sur les ménages, que je viens d'examiner.
    Les exonérations de cotisations patronales tendent à tirer vers le bas l'ensemble des salaires et à déresponsabiliser les entreprises en retirant à la sécurité sociale des moyens de financement importants : 13 milliards d'euros en 2001.
    Il importe, au contraire, de développer le principe d'une articulation entre le financement de la protection sociale et l'entreprise, lieu de création des richesses. Cela implique de réformer l'assiette des cotisations patronales...
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    Mme Muguette Jacquaint. ... dont la répartition actuelle est telle que plus une entreprise embauche et accroît les salaires, plus elle paie de cotisations, alors qu'une entreprise qui licencie, comprimant ainsi la part des salaires dans la valeur ajoutée, et fuyant vers les placements financiers, en paie de moins en moins. Ainsi, la part des charges sociales dans la valeur ajoutée des entreprises à fort coefficient de main-d'oeuvre, notamment le BTP, représente plus du double de celle des institutions financières, des banques et des compagnies d'assurance.
    Il s'agit donc bien de corriger les effets pervers de l'assiette actuelle, l'objectif étant, vous l'aurez compris, de lier le financement de la protection sociale à la croissance réelle, à l'emploi, au développement des salaires et de la formation, afin de garantir des ressources suffisantes pour faire face à la montée des besoins nouveaux. On pourrait alors moduler le taux de cotisation en fonction d'un rapport masse salariale - valeur ajoutée, de telle sorte que les entreprises qui limitent les salaires et licencient soient assujetties à des taux plus lourds. Inversement, celles qui développent les emplois, les salaires, la formation, seraient assujetties à des taux plus bas, le but étant précisément d'inciter au développement de la croissance réelle, de l'emploi et des salaires, et de dissuader de recourir aux licenciements et à la recherche de profits financiers, ce que l'on fait aujourd'hui avec les plans sociaux.
    Enfin, notre proposition vise aussi à taxer les revenus financiers des grandes entreprises qui échappent à toute contribution sociale. Si les revenus financiers des particuliers sont mis à contribution, ceux des entreprises restent un tabou. Cela doit cesser, surtout quand on observe les richesses qui se brûlent les ailes selon les aléas de la Bourse. Et qui en paie encore les frais ? Les salariés licenciés, les chômeurs et les emplois précaires, à qui l'on n'offre aucun espoir de retrouver un travail correctement rémunéré et stable, et à qui l'on demande toujours plus d'effort contributif.
    Nous voulons inverser la tendance et remettre chacun devant ses responsabilités. Le prélèvement que nous proposons ne frapperait donc que les entreprises qui préfèrent les placements financiers aux investissements productifs. Cette proposition est à double détente : elle rapporterait beaucoup d'argent à la sécurité sociale - près de 4 milliards d'euros - tout en soutenant l'investissement et l'emploi, ce qui permettrait d'apporter une bouffée d'oxygène supplémentaire certaine à nos hôpitaux, par exemple, mais pas seulement.
    L'absence de mesures nouvelles en termes de recettes conduira indéniablement à une nouvelle restriction des dépenses injustifiable au regard de la réalité. Prenez bien la mesure de la situation de notre système de santé, sinon vous continuerez, comme vous le faites, à jouer sur des variables d'ajustement. Ce n'est pas raisonnable. Nous ne pouvons pas non plus accepter que la politique du médicament devienne une simple variable d'ajustement. Toujours présentée, monsieur le ministre, comme une transition, l'une des mesures phares de votre projet de loi vise à réduire le déficit de la sécurité sociale sur le dos du médicament. En trois ans, vous comptez supprimer le remboursement de 835 médicaments mis à l'index au prétexte que leur service médical rendu est insuffisant. Quant aux médicaments de marque disposant d'un équivalent générique, ils ne seront plus remboursés que sur la base du prix générique.
    Il faut cesser une certaine hypocrisie : ces décisions feront peser tout le poids des économies sur les assurés car les médicaments visés ne sont pas retirés du circuit. Il est plus que probable que nombre de médecins continueront, de leur propre chef ou à la demande du patient, à les prescrire si bien que le résultat est d'ores et déjà prévisible : une aggravation des inégalités devant l'accès aux soins qui, qu'on le veuille ou non, passe encore largement par l'accès au médicament.
    Ces mesures s'inscrivent dans le droit-fil des précédents déremboursements : les produits stigmatisés au moyen de la fameuse vignette bleue, au motif qu'ils n'apporteraient que du confort et qui, pourtant, continuent d'apparaître sur les ordonnances. Les médecins le savent mieux que personne : s'il est destiné avant tout à guérir, un médicament présente aussi bien souvent l'avantage de soulager.
    Les pouvoirs publics l'admettent d'ailleurs implicitement puisqu'ils ont choisi de ne pas remettre en cause l'autorisation de mise sur le marché des produits concernés. Or, si telle ou telle molécule ne justifie plus son efficacité thérapeutique, pourquoi continuer à la vendre sous le label « médicament » et laisser les laboratoires la commercialiser à grands renforts de publicité ? Monsieur le ministre, soit un médicament est efficace et il doit être remboursé obligatoirement, soit il a un effet thérapeutique insuffisant ou nul, et il doit être retiré du circuit. Nous présenterons un amendement en ce sens.
    Il faut aussi mettre fin à la dérive des prix. A cet égard, nous défendons, depuis quelque temps déjà, une proposition fondée sur le constat manifeste du dysfonctionnement de la politique du médicament. En effet, certains médicaments considérés comme très utiles, par exemple un médicament visant les dysfonctionnements érectiles dont le remboursement a pourtant été conseillé sous certaines conditions par le Comité consultatif national d'éthique, un médicament de substitution tabagique à base de chlorhydrate de bupropion, un médicament amaigrissant destiné aux personnes obèses ou encore la pilule dite de troisième génération, n'ont pas été ou ne sont actuellement pas remboursés car, soit la demande n'en est pas faite, soit parce que le Gouvernement ne les inscrit pas sur la liste des médicaments remboursables.
    Dès lors, certains laboratoires ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché évitent de déposer des demandes en vue du remboursement par les régimes d'assurance maladie, ce qui leur permet de soustraire certains médicaments à service médical rendu important, des procédures de fixation des prix. En ce cas, le prix est alors libre. Il est même souvent trop élevé pour les personnes en difficulté ou disposant de faibles revenus.
    C'est ici que commence la médecine à deux vitesses, évolution néfaste de notre système de santé que nous condamnons fortement. Pourquoi certains auraient accès à des soins du seul fait de leurs revenus ? Nous répétons que l'accès aux soins ne doit souffrir d'aucune condition, qu'elle concerne les revenus ou le niveau social. Ce doit être un droit pour tous.
    L'amendement que nous proposons vise à rendre obligatoire le dépôt d'une demande d'inscription sur la liste des médicaments remboursables pour les produits ayant obtenu une AMM. Cette procédure évitera que des médicaments à service médical rendu passent à côté de l'impérieuse nécessité médicale et thérapeutique d'être remboursés aux assurés sociaux. A cet égard, le Gouvernement doit jouer tout son rôle pour donner rapidement son aval à l'inscription du produit sur la liste des médicaments remboursables. C'est une question de santé publique qui doit être prise en compte avec sérieux en dehors de toute vision mercantile.
    Oui au générique, oui à un meilleur développement de ces produits, oui à la recherche et à l'innovation en matière de médicaments, à condition que soit préservé un même accès pour tous les malades. Mais non au médicament comme support de correction du budget de la sécurité sociale et comme instrument de recherche du profit sans déontologie.
    Encore une fois, votre projet de loi ignore qu'il n'y a pas d'issue possible sans nouveau financement. Cela est vrai pour les besoins et pour les établissements de santé, comme pour les mesures concernent les autres branches.
    S'agissant des retraites, mon ami Maxime Gremetz interviendra plus longuement sur cet enjeu. Permettez-moi simplement de rappeler ici certains principes.
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas la peine d'en parler si M. Gremetz doit le faire !
    Mme Muguette Jacquaint. L'avenir de notre système de retraite constitue un enjeu fondamental pour notre société. Il s'agit de savoir si nous voulons maintenir et consolider un système reposant sur la solidarité entre les générations ou si nous voulons développer l'individualisme par la capitalisation et les fonds de pension qui seraient, nous dit-on, remis en cause, mais j'en doute.
    Les parlementaires communistes ont choisi la première voie. En effet, nous sommes de ceux qui pensent que notre système par répartition est juste et qu'il a atteint ses objectifs, même s'il faut le consolider et renforcer son financement. Nous entendons assurer la pérennité de nos régimes par répartition dans la concertation et dans le souci de l'équité entre les générations, sans remettre en cause les régimes spéciaux.
    Nous ne pouvons être favorables à l'allongement de la durée de cotisation que réclame le MEDEF. Ce serait un recul de civilisation. Du reste, les Françaises et les Français n'en veulent pas davantage, bien au contraire : ils souhaitent, à raison, voir abaisser l'âge du départ en retraite. Nous avons déposé à ce sujet un amendement visant à accorder le droit à la retraite sitôt les quarante années de cotisations validées, sans attendre l'âge de soixante ans.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Repoussé par la précédente majorité !
    Mme Muguette Jacquaint. Le recours à la capitalisation et aux fonds de pension n'est pas davantage une solution. Je note d'ailleurs que les partisans des fonds de pension s'alarment des dangers qui guettent les régimes spéciaux si on ne les aligne pas sur le privé, alors que les régimes publics ont eu recours à une forme de fonds de pension... Quoi qu'il en soit, c'est un fait que la capitalisation met en péril les salariés. Sans oublier le rôle néfaste que jouent les fonds de pension sur l'investissement productif et sur la création d'emplois.
    Enfin, nous jugeons utile que le Gouvernement poursuive la concertation avec les partenaires sociaux. Il faut écouter et entendre : c'est à cette condition que la concertation est efficace. Or, à voir leurs réactions récentes, la situation actuelle ne semble guère les satisfaire à cet égard.
    Soucieux de défendre l'avenir de notre système de retraite, nous contribuerons au débat en défendant nos propositions : indexation des pensions de retraite sur les salaires, calcul sur les dix meilleures années, ouverture du droit à la retraite dès trente-sept années et demie de cotisation et à l'âge de cinquante-cinq ans pour les salariés ayant occupé des travaux pénibles. En outre, il faudrait pendre en compte les années d'apprentissage, voire les années d'études universitaires.
    Le système par répartition est le plus juste car il repose sur le travail des générations actuelles et à venir. On nous parle d'une catastrophe en 2040...
    M. Bernard Accoyer. Bien avant même !
    Mme Muguette Jacquaint. Mais c'est dès maintenant qu'il faut revoir le financement des retraites et taxer les revenus financiers des entreprises en prévoyant, comme je l'ai dit tout à l'heure, une modulation.
    S'agissant de la branche famille, votre projet souffre d'un manque cruel de mesures ambitieuses. Certes, vous créez une allocation pour les familles de trois enfants quand le dernier atteint l'âge de vingt ans. Pour le reste, tout est renvoyé à la conférence sur la famille. Pourtant, des dispositions attendues pouvaient être prises dès maintenant en nous appuyant sur l'excédent de la branche : les allocations dès le premier enfant, la question du nombre de place dans les crèches, de la garde des jeunes enfants, l'autonomie des jeunes - cette question n'est même pas abordée, ne serait-ce que dans l'annexe -, l'indexation des pensions sur l'évolution des salaires. Quelles sont vos propositions en la matière ?
    Certaines associations familiales regrettent tout comme nous que le Gouvernement, compte tenu de la marge budgétaire de la branche famille, ait consacré si peu de moyens pour aider les familles dans leur rôle éducatif alors qu'il n'a pas lésiné sur les mesures répressives qui les frapperont directement. Elles déplorent également, et nous ne pouvons que partager leur analyse, que la réduction d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile ne s'adresse qu'à une seule catégorie de population, plutôt aisée. Seules les familles ayant des revenus supérieurs à 5 000 euros mensuels, utilisant, avec ou sans réduction, des emplois à domicile, pourront bénéficier pleinement de cette mesure. Si les familles populaires font rarement appel à des emplois à domicile, ce n'est pas par choix, mais faute de moyens financiers. Elles auraient apprécié un encouragement de la part du Gouvernement, qui leur aurait permis d'exercer librement leur choix.
    S'agissant de la branche accident du travail-maladies professionnelles, enfin, nous émettons de sérieuses réserves sur l'achèvement de la séparation des branches, dans la continuité des ordonnances de 1967 et de la loi Veil.
    Les administrateurs de la branche maladie seront désignés par les partenaires sociaux, ce qui permettra au MEDEF de revenir, au nom de la règle du strict paritarisme dont on connaît les corollaires, synonymes de nouvelles amputations de droits pour les salariés, alors que, dans le même temps, il joue la politique de la chaise vide au conseil d'administration de la CNAM.
    En outre, le rapport annexé prévoit la stabilisation du taux de cotisation pour les accidents du travail et maladies professionnelles, alors que les accidents et les maladies augmentent et que la sous-déclaration est officiellement reconnue. Une fois de plus, la prévention des risques professionnels et, plus encore, l'indemnisation des victimes, pâtiront de cette décision au moment même où tout confirme la nécessité d'une meilleure réparation des préjudices.
    Nous avons rencontré les associations sur ce point et sommes convenus de présenter leurs amendements visant à améliorer l'indemnisation. Nous souhaitons que leur voix soit entendue.
    Après la création du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le rapport du professeur Masse sur la réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles, celui de la Cour des comptes sur la gestion de la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » et les niveaux d'indemnisation, ou encore celui de M. Yahiel, le moment est venu de réformer le système d'indemnisation des victimes du travail dans le sens d'une réparation intégrale de tous les préjudices subis. Ajoutons que la récente jurisprudence de la Cour de cassation, du 28 février 2002, pourrait aboutir à la systématisation des condamnations des employeurs pour faute inexcusable, contraints par voie de conséquence à une réparation quasi intégrale. Sur tous ces points, monsieur le ministre, nous attendons, comme les associations, des engagements clairs de votre part.
    Toutes les situations que je viens de décrire, toutes les propositions que je viens de formuler et que nous tenons à voir discuter, doivent trouver une issue dans un cadre démocratique rénové.
    Il convient tout d'abord de condamner l'attitude du MEDEF qui, en annonçant son départ des conseils, entend faire pression sur les organisations syndicales et sur le Gouvernement pour imposer ses propres conditions. Sans doute attend-il le moment le plus propice, celui où s'ouvriraient des brèches permettant à sa logique assurantielle de prendre une place plus importante dans le domaine de la protection sociale.
    Cette concertation sur le devenir de la sécurité sociale, sur ce qu'il est nécessaire de revoir ou de transformer, nous la demandons depuis longtemps. Mais nous n'imaginons pas qu'elle puisse se faire sur les bases voulues par le MEDEF. Une véritable concertation s'impose pour sortir de la crise que connaît la sécurité sociale.
    Pour sortir de crise, encore faut-il bien identifier ses causes réelles. Nous croyons, pour notre part, qu'elle est en grande partie due à la logique de la politique comptable qui remonte au début des années quatre-vingt-dix et a pris toute son ampleur avec les ordonnances Juppé de 1996.
    Cette logique a exacerbé les tensions et fait naître des situations de conflit de tous ordres, notamment entre la sécurité sociale et l'Etat. Elle a mis en lumière les limites d'une gestion paritaire qui faisait la part belle au patronat.
    Cette crise appelle donc à une clarification de la conception de la sécurité sociale, de ses objectifs, de ses missions, de son financement. Elle conduit à se pencher sur les modalités de sa gestion et la nature des rapports liant la sécurité sociale et l'Etat.
    L'évolution de notre système de sécurité sociale s'est faite sur des bases professionnelles, montrant par là même que l'universalité des droits n'était pas incompatible avec l'existence, profondément ancrée dans l'histoire et la culture de notre pays, de régimes professionnels différenciés et maîtrisés par les intéressés eux-mêmes.
    Soucieux de préserver l'originalité de notre système, nous nous prononçons résolument pour une sécurité sociale fondée sur la solidarité et l'égalité des droits des assurés sociaux. Nous considérons que la sécurité sociale doit être davantage en phase avec l'évolution des besoins, qu'elle doit encore mieux faciliter l'accès de tous à des soins de qualité, mieux couvrir les besoins en matière de retraite, de vieillissement, de handicap, de politique familiale. Nous nous plaçons donc dans une perspective de véritable progrès social, encore à construire. Bref, nous voulons une sécurité sociale plus solidaire, fondée sur l'égalité des droits et gérée démocratiquement.
    Or le champ du social souffre d'un grave déficit démocratique. Qu'il s'agisse de l'action sanitaire et sociale ou de la protection sociale au sens strict, l'évolution a été marquée par une remise en cause progressive des conditions du débat, de l'expression et de l'intervention des salariés, des usagers, des personnels concernés. Les assurés sociaux ont été mis à l'écart des orientations et des choix qui déterminent, au niveau local comme au niveau national, leur couverture sociale et sa gestion.
    Toutes les conditions permettant aux assurés sociaux de se réapproprier la sécurité sociale doivent être réunies. Ainsi en est-il des formes à trouver pour insuffler plus de démocratie participative afin que tous puissent s'exprimer sur les grands choix et sur les priorités à retenir en matière de protection sociale ; du retour à l'élection qui leur permettrait de choisir leurs représentants, parmi des candidats proposés par les organisations syndicales ; de l'attribution de droits et de moyens à même de permettre aux administrateurs de réellement assurer leur mandat ; de la nécessité enfin de revoir la composition des conseils d'administration, la place et la représentativité des organisations représentant les employeurs. Les administrateurs salariés doivent redevenir majoritaires.
    Telles sont les principales remarques, monsieur le ministre, que nous souhaitions mettre en avant ; nous aurons l'occasion de les compléter à l'occasion de l'examen des articles et en défendant nos amendements, pour autant que le débat se poursuive ; car dans l'immédiat, mes chers collègues, et pour toutes les raisons que je viens de vous exposer, je vous demande d'adopter notre question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Après avoir attentivement écouté l'analyse de Mme Jacquaint, j'en retire un jugement plutôt positif sur bien des aspects...
    Mme Muguette Jacquaint. C'est que vous ne m'avez pas bien écoutée, alors !
    M. Claude Evin. Démago !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... et je comprends parfaitement que, l'an dernier, elle ait refusé, avec son groupe, de voter le projet de loi de financement pour 2002.
    M. Jean Glavany. Ça, c'est vraiment politicien ! Ce n'est pas à la hauteur des débats !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Si vous me le permettez, monsieur Glavany, j'ai tout de même le droit de reconnaître le bien-fondé des arguments de Mme Jacquaint, en dehors du discours rituel, classique, sur l'entreprise, l'exonération des cotisations patronales ou la taxation des grandes entreprises... On n'a pas parlé de Mme Bettencourt, monsieur Gremetz, mais cela pourra venir par la suite !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Eh oui, M. Brard n'est pas là !
    M. le président. Monsieur le président, n'interpellez pas M. Gremetz. Avec lui on ne sait jamais comment cela se termine ! (Sourires.)
    M. Jean Glavany. Très bien !
    M. René Couanau. Excellente présidence ! C'est l'expérience qui parle !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous avez, Mme Jacquaint, rappelé à juste titre - même si nous ne sommes évidemment pas d'accord sur tout - la longue et triste histoire du déremboursement des médicaments, de la fermeture de nombre de structures de soins, même si, sur ce point, votre discours contredit la position que vous avez prise à l'encontre des maisons médicales d'urgence qui, pour un bon nombre de praticiens et de patients, représentent un réel progrès. Mais exception faite de ces incohérences et du sempiternel discours : « Plus de recettes pour plus de dépenses », je ne peux qu'approuver ce que vous avez dit de notre système de protection sociale dont vous avez salué la création et, par le fait, son créateur, le général de Gaulle...
    M. Maxime Gremetz. N'oubliez pas Ambroise Croizat !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Avec d'autres, monsieur Gremetz, j'en conviens,
    ... de la dégradation de notre système de soins, de l'indispensable égal accès à des soins de qualité égale pour tous,...
    M. Yves Bur, rapporteur. Nous en sommes loin !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... ou encore de la démographie médicale et du numerus clausus, fruit, on le sait, des analyses de certains technocrates au sein de l'assurance maladie - et aussi peut-être de certains syndicats médicaux.
    De même, c'est à raison que vous appelez non à stigmatiser les médecins qui prescrivent trop ou les malades qui consomment trop, mais à les convaincre par le dialogue d'aller dans le bon sens. Et vous avez encore raison lorsque vous parlez de la réduction du temps de travail à l'hôpital : vous n'appréciez pas la manière dont elle est appliquée...
    Mme Muguette Jacquaint. J'apprécie la réduction du temps de travail !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. En effet, mais pas la manière dont elle est appliquée. Je vous ai écoutée attentivement, en prenant des notes... Sur l'industrie pharmaceutique, nous ne sommes pas tout à fait d'accord ; mais pour avoir coordonné le premier essai de médicament destiné au traitement des dysfonctions sexuelles,...
    M. Claude Evin. Comme cobaye ? (Rires.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... je ne peux que regretter, comme vous, que le Zyban ne soit pas remboursé chez nous alors qu'il l'est dans d'autres pays, comme les Etats-Unis dont on dit beaucoup de mal, pour des indications précises, notamment chez les patients ayant subi une intervention, les diabétiques et bien d'autres. Sur ce sujet précis, nous nous rejoignons à 80 %...
    Mme Muguette Jacquaint. Vous allez adopter 80 % de mes amendements alors !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais ce que je n'arrive pas à comprendre, madame Jacquaint, c'est que vous ayez posé cette question préalable.
    M. le président. J'ai eu peur, monsieur le président : j'ai cru un moment que, à titre personnel, vous alliez la voter !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Non, vous voyez, monsieur le président ! Et dire que vous m'avez fait des remarques désagréables ce matin !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Avant que le vote ait lieu, qui décidera de la poursuite de la discussion, je voudrais répondre aux intervenants, tout au moins à quelques-uns. Sur le problème de la famille abordé par Mme Clergeau et le président Dubernard, c'est Christian Jacob qui répondra, à la fin de la discussion générale. De même pour la question de Denis Jacquat, à qui François Fillon ou un de ses ministres délégués apportera la réponse.
    Monsieur Bur, j'ai évidemment beaucoup apprécié votre intervention. Vous soulignez l'augmentation croissante de l'écart entre le produit intérieur brut et l'ONDAM, et je ne peux qu'être d'accord avec vous. C'est bien pour cela que nous avons besoin d'une réforme ; c'est pour cela aussi, semble-t-il, que le Parlement doit voir son rôle accru dans l'accomplissement des politiques de santé.
    Monsieur Bardet, vous avez vous aussi raison : l'ONDAM doit être davantage médicalisé. Remarquons que cette année marque à cet égard, me semble-t-il, un progrès. Mais il faut faire mieux, beaucoup mieux, j'en suis bien d'accord.
    Monsieur Goulard, vous avez évoqué l'inclusion de la CADES dans le champ de financement en insistant à juste titre sur la spécificité de chaque branche. Tout aussi justifiée, votre préoccupation sur le coût, mais également le manque à gagner que représente la réduction de temps de travail. Vous avez également appelé notre attention sur l'accroissement considérable des indemnités journalières : une action de contrôle a été engagée sur ce poste spécifique, car une augmentation de 16 % des indemnités journalières doit évidemment faire l'objet d'un contrôle précis et minutieux.
    Enfin, monsieur Claude Evin, je voudrais vous remercier du ton mesuré que vous avez employé. Vous savez, il est vrai, la difficulté de la tâche qui consiste à conduire une politique de santé associée à une politique de sécurité sociale. Néanmoins, je me suis demandé tout au long de votre intervention si vous n'étiez pas en permanence à la recherche d'un équilibre. Car si vous revendiquez à juste titre la création du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, du CHAPAC qui l'accompagne, de l'ONIAM et l'instauration de la RTT des hôpitaux, vous vous êtes bien gardé de dire que vous ne les aviez pas financés.
    M. Dominique Tian. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ceux qui vous ont suivi, ayant approuvé le principe du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), ayant le devoir de vous suivre sur l'ONIAM, quand bien même ils n'ont pas voté ce choix d'indemnisation pour l'aléa thérapeutique, se feront un devoir d'assumer la continuité de l'Etat. En tout cas, il n'est pas question pour nous aujourd'hui de revenir sur la décision, prise par le gouvernement précédent, d'indemniser l'aléa thérapeutique.
    M. Yves Bur et M. Bernard Accoyer. Eh oui !
    M. Dominique Tian. Comme d'habitude !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Reste que rien de cela n'avait été provisionné : 70 millions d'euros... Vous comprendrez sans doute mieux comment le déficit a pu effectivement se mesurer entre le mois de juin et le mois de septembre.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas déjà dépensé, ça ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ne vous inquiétez pas, je vais revenir sur tout cela dans le détail.
    Vous vous êtes interrogé sur le fait que j'invoquais la responsabilité. Ce n'est pas une notion nouvelle, avez-vous dit, en rappelant que les ministres Jacques Barrot et Simone Veil l'avaient déjà invoquée. C'est vrai. Mais ces tentatives ne s'étaient pas traduites dans la durée. Aujourd'hui, après avoir en quelque sorte validé cette notion de responsabilité, vous me reprochez de m'engager dans une politique où la responsabilité concernerait les assurés sociaux et eux seuls. Permettez-moi de vous dire, monsieur le député, que, parmi les quatre partenaires que sont l'Etat, les gestionnaires, les professionnels de santé et les patients, la responsabilisation vis-à-vis des patients était justement ce par où péchait votre politique. Car on voyait bien la responsabilisation de l'Etat - nous y avons insisté, j'y reviendrai -, en matière de santé publique notamment...
    M. Pascal Terrasse. Maintenant, ce sont les usagers qui vont payer !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... on voyait bien la responsabilisation des gestionnaires, au travers de la convention ; on voyait bien la responsabilisation des professionnels - j'en dirai un mot - ; quant à celle des patients, il n'y avait pas grand-chose !
    M. Yves Bur, rapporteur. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous vous arc-boutez sur les génériques et sur le coût de la visite. Permettez-moi de vous dire - mais à vrai dire, vous le savez aussi bien que moi - que ceux pour lesquels la visite est justifiée n'auront rien à payer, et que la solidarité n'a pas à payer quand une famille fait le choix d'appeler un médecin à domicile alors qu'elle aurait pu elle-même se déplacer. Cela responsabilise les patients, mais sans nuire le moins du monde à la qualité des soins. Quant aux génériques, je vous répondrai - mais cela aussi, vous le savez - que, quand on n'a pas beaucoup d'argent, il faut l'utiliser au mieux. On ne voit pas en quoi ce serait nuire à la qualité des soins que de rembourser une même molécule tout aussi efficace que le médicament princeps, au prix le plus bas. Je peux prendre l'engagement formel devant vous que ceux qui prendront des génériques ne seront pas plus mal soignés : ils seront soignés tout à fait comme les autres.
    M. Maxime Gremetz. Pourquoi laissez-vous les autres, alors ? Je ne comprends pas !
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Cela s'appelle la liberté, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. La liberté pour les riches d'avoir les médicaments princeps et la liberté pour les pauvres d'avoir les génériques ! C'est cela que vous appelez la liberté ?
    M. le président. Monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Je pose une question, monsieur le président.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Gremetz, je connais votre tactique. Mais il ne faut pas vous en faire : vos propos figureront au Journal officiel et, par conséquent chacun saura que vous avez participé au débat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Allons, mes chers collègues !
    M. Jean Glavany. Entre nous, vous êtes capable de mieux que cela, monsieur le ministre !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il y a un peu d'antiparlementarisme dans vos propos, monsieur le ministre !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Au fond, monsieur Evin, vous avez fait comme si le citoyen devait être irresponsable. Ce n'est pas du tout mon point de vue. Vous avez tort de prétendre que le forfait générique est une marque de défiance envers les médecins qui s'étaient engagés à prescrire des génériques. Vous avez tort, car le princeps n'a aucun intérêt - et l'industrie pharmaceutique le sait très bien - à s'aligner sur le générique. Le princeps est intéressé par le marché à l'exportation : il restera naturellement au prix d'exportation. Nous avons là une règle du marché parfaitement établie. Croyez bien que j'ai pris contact avec les génériqueurs et avec l'industrie pharmaceutique, laquelle a parfaitement compris notre démarche.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ils disent l'inverse !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Pas du tout !
    J'ajoute qu'il n'y a là aucun recul de la solidarité et aucune atteinte à la liberté des gens au regard de la solidarité.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Bravo !
    M. Yves Bur, rapporteur. Bien sûr ! Il faut en finir avec les vieilles lunes !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous avez voulu rapprocher la notion d'« espace de liberté tarifaire » du secteur II, en me faisant porter la responsabilité d'un choix. Or vous savez très bien que ce n'est pas au ministre ni au Parlement de faire le choix de la politique conventionnelle. Le concept d'espace de liberté tarifaire sera ou ne sera pas retenu au terme de la discussion qui doit avoir lieu entre les professionnels de santé et les organismes de sécurité sociale.
    M. Jean-Marie Le Guen. Alors pourquoi parlez-vous de fenêtre de liberté ? Car c'est vous qui en parlez, monsieur le ministre !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Cela dit, je vous confirme que je suis toujours opposé à la généralisation du secteur II. J'estime que, quand toute l'activité d'un médecin est au secteur II, il peut y avoir une atteinte à l'égalité d'accès aux soins, et ce n'est pas du tout cela que je souhaite. D'ailleurs, je vous ferai remarquer qu'au cours de la dernière législature, on a vu disparaître, par je ne sais quel tour de passe-passe, l'obligation qui était faite aux médecins qui étaient au secteur II de dispenser 30 % de leurs actes au tarif conventionnel. C'est quand même un peu étrange ! Pour ma part, que les choses soient claires, je ne souhaite pas étendre le secteur II en l'état.
    Les médecins auront un an pour faire leurs preuves sur la prescription de génériques. Car en tout état de cause, le forfait générique n'entrera en vigueur, s'il est voté, que le 1er juillet prochain. Par ailleurs, la responsabilité des médecins sera engagée au travers de la formation médicale continue et de l'évaluation. C'est toujours la stratégie que nous avons choisie, celle du donant-donant, du gagnant-gagnant.
    S'agissant de l'ONDAM, vous m'avez un peu brocardé pour avoir prétendu que celui qui a été fixé dans ce projet de loi était le premier à l'avoir été de façon réaliste. Je n'ai pas voulu, monsieur Evin, d'un calcul budgétaire. Car sinon, l'objectif d'augmentation aurait tourné autour de 4 % ou 4,2 %. J'ai voulu tenir compte du fait qu'il avait été fixé à 3,8 % l'année dernière et que l'augmentation réelle a été de 6,8 %, soit un écart de trois points.
    M. Claude Evin. Ce sera plus que ça !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. J'ai pensé qu'il était bon que l'on fasse un saut pour inverser la tendance, et que, d'un autre côté, par les économies qui vous sont proposées dans le cadre de ce PLFSS,...
    M. Jean-Marie Le Guen. Où ça ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... il appartenait aux hôpitaux, aux médecins de faire l'autre moitié du chemin.
    M. Jean-Marie Le Guen. Quelles économies ? Et de combien ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous le verrez au fur et à mesure, monsieur Le Guen. Vous n'allez pas me faire croire que vous n'avez pas lu le texte - mais attention, je vais finir par le penser.
    M. Jean-Marie Le Guen. J'ai lu des discours ! Je n'ai pas lu de chiffres !
    M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Comment réguler les choses ? Vous avez émis quelques doutes, monsieur Evin, sur la tarification à l'activité. Mais cela ne doit pas m'empêcher de rendre hommage au gouvernement précédent, qui avait confié à M. Marrot un rapport sur le sujet, car il pensait que c'était une bonne piste. Très sincèrement, nous avons suffisamment de divergences politiques pour qu'il soit nécessaire de nous opposer systématiquement sur des stratégies que vous avez évoquées, et que nous évoquons après vous, parce qu'elles pourraient être de bon sens. C'est ce que je fais sur les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant - je rappelle que c'était une initiative que Mme Aubry avait prise en 1998. De même, la tarification à l'activité est un argument que vous mettiez en avant.
    M. Jacques Barrot. Absolument !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le rapport de M. Bernard Marrot nous permet d'affirmer qu'il n'est plus temps d'attendre 2005 : il faut d'ores et déjà agir. C'est pourquoi le passage à l'expérimentation de fait se fera dès 2003, et j'espère qu'une généralisation sera possible en 2004.
    Mais ne caricaturez pas mes propos en disant que je souhaiterais qu'en 2004 l'hôpital de Marseille s'aligne sur celui de Nantes et qu'on verra bien si l'alignement se fait vers le haut et vers le bas. Ça, c'est une méthode totalitaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Eh oui !
    M. Jean Glavany. C'est une curieuse conception du totalitarisme ! On voit bien qu'il ne l'a pas connu !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ce n'est pas du tout cela que je veux faire. Je veux simplement montrer à ceux qui gèrent moins bien qu'il y en a d'autres qui gèrent mieux. Nous essaierons de les accompagner pour faire en sorte qu'à côté des bonnes pratiques médicales, il y ait de bonnes pratiques de gestion. C'est cela le but que nous poursuivons.
    M. Pascal Terrasse. C'est-à-dire des pratiques libérales, bien sûr !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il n'y aura donc rien de brutal. Mais qu'il me soit permis de penser qu'il y a des hôpitaux qui sont mieux dirigés que d'autres, qu'il y a des conseils d'administration qui sont plus efficaces que d'autres.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. C'est vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Sans vouloir montrer du doigt tel ou tel - les rapports d'audit resteront d'ailleurs confidentiels -, nous avons le devoir d'obtenir la meilleure gestion possible pour le même résultat.
    Et puis, monsieur Evin, vous m'avez taquiné sur la CADES. Faire appel à la CADES, m'avez-vous dit, n'est pas forcément une bonne méthode.
    M. Dominique Tian. Ah !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Permettez-moi de vous rappeler que le gouvernement socialiste avait pris deux mesures : la reprise par la CADES de 87 milliards de francs, soit 13,2 milliards d'euros de dettes du régime général...
    M. Jacques Barrot. Exact !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... et l'allongement de la durée de vie de la CADES, et donc de la perception du CRDS, pendant cinq ans.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Eh oui !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous avez repoussé la date d'échéance de janvier 2009 à janvier 2014. Nous, nous utilisons la CADES sans allongement de sa durée de vie et sans modification de la perception.
    M. Jacques Barrot. Tout à fait !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous faisons donc un bon usage de la CADES.
    M. Pascal Terrasse. Grâce à qui ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Auparavant, probablement l'aviez-vous utilisée de manière circonstantielle.
    Vous avez voulu, monsieur Evin, souligner ce qui n'était pas dans mon intervention. Je soulignerai, à mon tour, ce qui n'était pas dans la vôtre. Permettez-moi de vous dire, mais je vous le dis avec toute l'amitié que je vous porte, que vous êtes un enfant gâté : vous êtes un enfant gâté de la croissance !
    M. Jean Glavany. Il ne faut pas la casser, la croissance ! Elle est trop précieuse !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Car pendant cinq ans, vous avez vu un certain nombre d'excédents se produire. Ce que vous n'avez pas dit dans votre intervention, c'est qu'il y avait en juin un déficit estimé de 2,4 milliards et que les détournements de recettes de la sécurité sociale pour financer la réduction du temps de travail s'élevaient à 2,6 milliards. Ce qui veut dire que le déficit était exclusivement dû au détournement des recettes, sans lequel il y aurait même eu un excédent. En juin, donc, la commission des comptes de la sécurité sociale s'est réunie et a estimé le déficit. Vous y étiez. Et vous étiez à nouveau là - car vous êtes assidu - en septembre : vous avez donc constaté comme moi que le déficit estimé s'était creusé de 900 millions d'euros. Vous avez eu raison de le souligner, même si vous n'avez pas précisé que, en juin, on n'avait pas tenu compte, dans l'estimation du déficit, du fait que j'ai assumé la continuité de l'Etat et que j'ai voulu ainsi honorer tous les engagements signés par le précédent gouvernement au regard de toute une série de professions paramédicales, biologistes et autres, pour un montant de 400 millions d'euros.
    M. Jean Glavany. Vous ne pouvez pas faire cela éternellement. Il y a un moment où cette musique va s'arrêter d'elle-même ! Assumez un peu !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. J'assume, mais cela ne m'empêche pas de vous rappeler quelques chiffres. Ils peuvent vous contrarier, mais croyez bien que ce n'est pas mon but. J'essaie de faire des additions simples.
    Après les 400 millions d'euros, donc, il y a eu pendant l'été une diminution de 0,2 % de la masse salariale, soit un manque à gagner de 300 millions d'euros. Quant à l'augmentation de la consultation des généralistes, elle représente 230 millions d'euros, et devrait en principe être financée par l'augmentation de la prescription de génériques.
    M. Jean Glavany. Il faudrait que vous commenciez par ne pas casser la croissance !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. L'évolution entre juin et septembre n'a donc rien d'étonnant. J'aurais pu ajouter les 70 millions d'euros de l'ONIAM, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ou encore les 70 millions d'euros pour le FIVA, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
    Enfin, vous m'avez reproché l'absence de réformes de structure. Et dans ce PLFSS.
    Mme Muguette Jacquaint. Ça, c'est sûr !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il me semble qu'elles se dessinent. Mais je voudrais quand même vous faire part d'une réflexion simple. Il est plus facile de réformer quand on a de l'argent, quand on a des excédents, que de réformer quand on a une difficulté économique momentanée. Et là, voyez-vous, j'aurai du mal à accepter la moindre critique sur des réformes qui ne viendraient pas suffisamment vite. A chaque fois que vous me ferez une critique de ce type, je vous renverrai à l'interrogation suivante : pourquoi les réformes dont vous parlez n'ont-elles pas été faites pendant les périodes d'excédents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Venant des enfants du plan Juppé, c'est un peu fort !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je voudrais également rappeler à votre assemblée la structure globale de l'assurance maladie. D'une part, l'hôpital représente 50 %, et l'ambulatoire, 50 %. D'autre part, le remboursement des prestations des professionnels de santé représente la moitié des remboursements, celui des médicaments représente l'autre moitié. C'est extrêmement simple.
    Qu'ai-je entendu pendant près de deux heures ? Qu'il ne fallait pas diminuer le remboursement des médicaments. C'est normal. Qu'il faut payer le personnel et s'engager dans le respect de l'ARTT. C'est normal, le personnel, c'est 70 % du budget hospitalier. Alors, moi, je ne vois pas très bien où vous voulez en venir. S'il faut, en outre, accompagner l'hôpital dans une rénovation, dans un investissement et dans le recrutement de personnels, comme cela a été dit par le précédent gouvernement - et nous honorerons ses engagements dans le cadre de la continuité de l'Etat -, il faudra que vous m'expliquiez comment vous faites pour faire tout cela.
    M. Pascal Terrasse. On réforme les cotisations sociales et on soutient la croissance !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Bien entendu. Nous allons y revenir.
    M. Yves Bur, rapporteur. Les y-a-qu'à sont de retour !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il ne me semble pas nécessaire, monsieur Evin, de dramatiser la situation : elle est suffisamment difficile comme cela.
    M. Jean Glavany. Avec votre politique, elle ne va pas s'améliorer !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Quant à mes intentions, sur lesquelles vous vous interrogez, elles sont extrêmement claires. Je l'ai dit tout à l'heure et je le redis pour ceux qui n'étaient pas là, il était de mon devoir - et celui qui préside cette séance sait les conversations que j'ai eues avec lui sur ce sujet -, il était de mon devoir, quand j'étais dans l'opposition, d'évoquer des solutions alternatives. Je n'ai aujourd'hui aucun scrupule...
    Mme Ségolène Royal. Ça...
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... à dire que j'ai, depuis, réfléchi à certains sujets et que j'ai constaté qu'en Suisse, qu'aux Pays-Bas, la concurrence n'a pas donné les résultats escomptés. Il me semble aujourd'hui, effectivement, que ce n'est pas la voie à suivre. Je le dis très clairement, mon objectif et l'objectif de ce gouvernement est de sauver ce système de sécurité sociale solidaire qui constitue notre héritage depuis 1946.
    Cela dit, s'il y a un consensus social, vous voyez bien qu'il y a des difficultés. Ces difficultés, Mme Muguette Jacquaint a essayé de les analyser les unes après les autres. Madame Jacquaint, je dois d'abord vous remercier.
    Mme Ségolène Royal. Attention ! C'est le baiser qui tue !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je dois d'abord vous remercier pour votre inventaire : vous semblez avoir fait le procès du précédent gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Car je ne vois pas comment, même en six mois, j'aurais pu assumer la responsabilité d'un hôpital détérioré, d'une démographie médicale catastrophique et d'urgences à la dérive. C'est en effet le tableau apocalyptique que vous nous avez dressé.
    Mme Muguette Jacquaint. Le plan Juppé est passé par là !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je ne vais pas y revenir dans le détail, pour ne pas être trop long, mais je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que vous avez fait tout à l'heure une intervention commune à la discussion du PLFSS et à celle du PLF. Car vous avez, tout au long de votre question préalable, allègrement confondu ce qui relève de l'Etat et de la santé publique et ce qui relève de l'assurance maladie !
    Vous m'avez parlé de prévention, de santé publique, de dépistage. Sans chercher malice, je vous fais remarquer que vous avez vous-même montré l'ambiguïté qui existe entre les tâches qui reviennent à l'Etat et celles qui reviennent à l'assurance maladie. On finit par ne plus savoir qui fait quoi. C'est ce que je vais essayer de vous préciser.
    Oui, madame Jacquaint, je suis persuadé que l'assurance maladie est responsable de tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à des soins-ambulatoires ou hospitaliers. En revanche, il me semble qu'il est de la responsabilité de l'Etat d'entreprendre une politique de santé publique. Vous m'avez parlé de nutrition, de sexualité et de toute une série de problèmes que nous aborderons dans la loi de programmation quinquennale sur la santé publique. Vous avez raison de dire que notre pays est en retard de ce point de vue. Mais ce n'est pas l'objet du texte que nous discutons aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je ne répondrai pas dans le détail à votre intervention, même si je l'ai suivie attentivement, en notant point par point tout ce que vous avez souligné.
    Vous avez fait état de vos interrogations sur le régime obligatoire et le régime complémentaire, en vous demandant comment on pouvait fixer la limite entre l'un et l'autre.
    Et puis, je ne peux résister à la tentation de revenir sur ce médicament que vous avez cité, un médicament qui dope les fonctions érectiles. (« Ah ! » sur de nombreux bancs.)
    Mme Ségolène Royal. L'Assemblée se réveille !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Eh bien, permettez-moi de vous dire que si la solidarité nationale doit assurer le remboursement des soins liés à des troubles de l'érection dans certaines pathologies cardiovasculaires ou diabétiques, on est fondé à s'interroger sur le point de savoir si elle devrait également intervenir à l'occasion de toutes les baisses de forme et de tous les manques de tonus.
    M. Jean Glavany. On est admiratif devant la capacité du ministre à élever le débat...
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous sommes là très exactement au coeur du problème, même si je l'expose de façon un peu imagée. Cela vous montre bien que la solidarité doit s'exprimer dans certains cas, et que, dans d'autres cas, il revient naturellement à la personne d'assumer sa vie et ses choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je pourrais vous parler de la démographie médicale. Je voudrais cependant, car je vois que le temps passe, et je ne veux pas accaparer la tribune, vous parler de l'hôpital, auquel il faut rendre hommage. Vous avez eu raison d'évoquer ses difficultés, madame Jacquaint. A ceux qui pensent que je suis avant tout attentif à la libéralisation, à la privatisation, je voudrais dire combien je suis fier d'avoir servi le service public, l'hôpital public pendant trente ans, sans activité privée.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. J'ai l'intention de remettre le secteur public à la hauteur de la tâche et des devoirs qui sont les siens. Aujourd'hui, il est dans la difficulté. Nous avons tout à faire pour le relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais ne croyez pas que nous ne prêterons attention qu'à l'hôpital public.
    Mme Muguette Jacquaint. Je n'ai pas dit cela !
    M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'assurance vieillesse. Hôpital public, hôpital privé, même combat !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il se fait dans l'hospitalisation privée des choses merveilleuses, parfois tout aussi efficaces et moins chères que dans l'hôpital public. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur, rapporteur. La France a besoin des deux secteurs !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je souhaite que les deux secteurs, public et privé, travaillent ensemble dans l'intérêt des populations. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est tout le sens de la régionalisation et de la fongibilité des enveloppes. Telle est l'ambition qui guidera ce gouvernement dans les mois et les années qui viennent.
    Oui, je voudrais le faire, avec vous tous, sans dogmatisme, sans idéologie,...
    M. Jean-Marie Le Guen. Assumez votre orientation politique !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... en reconnaissant le bien-fondé de certaines initiatives prises par l'ancienne majorité et en reprenant les points qui nous paraissent bons. « Quand c'est bon, nous gardons, et quand c'est mauvais, nous enlevons », dit le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Quel philosophe !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Eh bien, nous faisons le choix de garder un certain nombre de choses.
    Cela dit, personne ne peut prétendre aujourd'hui que notre système de santé est au mieux de sa forme, que les professionnels de santé, qu'ils exercent dans les hôpitaux ou qu'ils pratiquent la médecine de ville, sont heureux !
    M. Yves Bur, rapporteur. Cela se saurait !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. J'ai senti poindre dans votre intervention, madame Jacquaint, une sorte d'inquiétude portant sur le risque de création de files d'attente, sur celui d'une installation d'une médecine à deux vitesses.
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas qu'un risque, c'est une réalité !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame Jacquaint, c'est quand il y a une pénurie qu'apparaît la médecine à deux vitesses, que s'ouvre la porte aux circuits préférentiels, avec les copains bien placés ou avec les dessous de table. Cela, je n'en veux pas. Je veux la même médecine pour tout le monde, la même médecine de qualité pour tout le monde. La meilleure façon de la garantir, c'est que notre système redevienne cohérent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.
    La parole est à M. Jacques Barrot, pour le groupe de l'UMP.
    M. Jacques Barrot. Madame Jacquaint, si l'on prend vraiment au sérieux votre réquisitoire...
    Mme Muguette Jacquaint. J'espère bien !
    M. Jacques Barrot. ... - et c'est le cas -, on ne doit pas voter la question préalable, car elle tend à démontrer qu'il y a urgence à agir.
    Mme Muguette Jacquaint. Oh ! là ! là !
    M. Jacques Barrot. Et sur ce point, vous avez raison : il y a urgence, car notre système d'assurance maladie, notre système de soins comporte aujourd'hui des risques majeurs de dégradation.
    Cela dit, vous avez réveillé en nous notre nostalgie. Nostalgie car les cinq années écoulées ont été gâchées. (Sourires.)
    Mme Muguette Jacquaint. J'ai parlé d'une décennie !
    M. Jacques Barrot. En effet, qu'a-t-on fait durant cette période de l'assurance maladie, laquelle apparaissait la plupart du temps sans pilote - je dis bien sans pilote ?
    Monsieur le ministre, votre tâche sera rude, qu'il s'agisse des programmes de soins coordonnés - une expérience que M. Evin connaît bien et dont le financement n'a pas été prévu -, de combler le retard pris en matière d'imagerie médicale ou de faire face aux problèmes posés par l'arrivée brutale des 35 heures dans les hôpitaux et qui, faute d'avoir été organisée, a plongé ceux-ci dans de graves difficultés. Il faut savoir aussi que, dans une période où les ressources de la sécurité sociale n'ont jamais été aussi abondantes, la dépense a progressé de 10 milliards d'euros. Enfin, nous avons entendu ce qu'a dit Mme Jacquaint sur les déficiences de notre système de protection sociale et de santé.
    Monsieur le ministre, nous ne voterons pas la question préalable, car il faut se retrousser les manches, car il faut travailler, et vous avez commencé à le faire. Je vais donner quatre raisons pour lesquelles nous voterons contre cette motion de procédure avec beaucoup de détermination.
    Premièrement, vous revenez à l'esprit de la loi de financement de la sécurité sociale. On peut dire ce que l'on veut des ordonnances, mais elles contenaient certaines dispositions majeures, comme celle prévoyant la discussion chaque année d'une loi de financement de la sécurité sociale.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est sûr !
    Vous choisissez un ONDAM qui, enfin, se rapproche de la vérité, tout en étant volontaire. Et surtout, vous prenez un engagement auquel nous sommes sensibles : celui de revenir, si besoin est, devant l'Assemblée proposer un projet de loi rectificative.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ça ne saurait tarder !
    M. Pascal Terrasse. Avec quelles ressources ?
    M. Jacques Barrot. C'était ça, l'esprit des ordonnances. Et c'est ce que nous avons réclamé durant cinq ans, chaque fois que nous avons senti un dérapage se produire en cours d'année. C'est seulement à ce prix que nous pourrons responsabiliser le pays et lui donner, en quelque sorte, conscience de la nécessité de préserver la sécurité sociale. Vous avez pris le parti de la vérité et de la responsabilité : nous vous en donnons acte et nous vous en remercions.
    Deuxièmement, vous mettez la sécurité sociale à l'abri des pillages du budget qui, pour financer les 35 heures, a monté une sorte d'alambic destiné à distiller les déficits : j'ai désigné le FOREC. Ainsi, vous avez prévu de rembourser à la sécurité sociale la perte de ressources liée aux baisses de cotisations, de rembourser également la moitié de la dette de l'Etat à son égard et de réaffecter une large partie du produit des droits sur le tabac à l'assurance maladie, car c'était bien à cela qu'était destinée leur augmentation - Claude Evin ne me démentira pas sur ce point. Merci pour tous ceux qui aiment la sécurité sociale, vous lui restituez ses recettes.
    Troisièmement, vous amorcez une politique d'assurance maladie au plein sens du terme. Vous relancez une vie conventionnelle active.
    Pour la médecine de ville, vous avez recentré à juste titre le service médical de la sécurité sociale sur le contrôle de la qualité du soin et des bonnes pratiques. A l'hôpital, vous engagez la modernisation en affectant 300 millions à l'investissement et vous ouvrez le chantier de la tarification à la pathologie. En ce qui concerne la politique du médicament, vous vous efforcez d'optimiser une politique du générique que nous avons tous approuvée dans cette assemblée mais qu'il faut maintenant lancer sur une grande échelle ; nous aurons l'occasion, au cours de la discussion, d'insister pour que cette politique du médicament soit, elle aussi, menée dans un cadre conventionnel avec les entreprises, afin d'être efficace et de durer.
    Quatrièmement, enfin, vous avez le courage de lancer des chantiers de fond. Alain Coulomb s'est attelé à la « médicalisation » de l'ONDAM, tandis que Jean-François Chadelat conduit une réflexion sur le financement de la sécurité sociale et la gouvernance du système de soins. Merci d'ouvrir ces chantiers, car ce sont ceux qui nous permettront d'avancer.
    Je me réjouis que la discussion sur un nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale s'engage. A cette occasion, nous pourrons également évoquer des problèmes aussi graves que ceux de la vieillesse avec M. Jacob, qui est là,...
    M. Pascal Terrasse. En matière de vieillesse, c'est le vide total !
    M. Jacques Barrot. ... ou ceux de la famille.
    Mme Ségolène Royal. Il faut tendre l'oreille pour entendre parler de la famille.
    M. Jacques Barrot. Pour ma part, j'insisterai un peu sur les accidents du travail, au sujet desquels s'engage une réflexion prospective. N'oublions pas que se pose le problème de l'indemnisation complète des accidents du travail.
    En terminant, je dirai simplement que nous sommes très attachés à la solidarité. Mais, dans les sociétés modernes, les solidarités ne peuvent résister, ne peuvent se consolider que si l'on ne perd jamais de vue que tous ceux qui peuvent exercer une part de responsabilité, y compris les assurés sociaux, doivent l'exercer. Ce n'est pas rendre service à la sécurité sociale que de ne jamais se tourner vers les assurés sociaux et de ne pas leur demander d'être responsables dans leur pratique quotidienne. En effet, les gaspillages et les abus de ceux qui ne sont pas confrontés à ces risques pèsent lourdement sur les soins apportés aux grands malades. Si nous voulons conforter la solidarité, il ne faut donc jamais perdre de vue la responsabilité personnelle de chacun.
    Monsieur le ministre, nous vous remercions pour l'ensemble de votre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Evin, pour le groupe socialiste.
    M. Claude Evin. Monsieur le ministre, vous avez, en commençant votre propos, salué le ton mesuré que j'avais employé en défendant ce matin l'exception d'irrecevabilité. Je pense en effet qu'on peut avoir sur ces sujets difficiles un ton permettant l'échange, mais pour autant, vous conviendrez que, en tant que membre de l'opposition, je puisse être ferme sur le fond. Je le dis très clairement : je ne suis pas d'accord sur la politique que vous conduisez.
    Sur quoi porte le débat essentiel ? En tout cas, pas uniquement sur ce projet de loi, il porte aussi sur la gestion que vous avez eue de la sécurité sociale et de l'organisation du système de santé au cours des six derniers mois.
    Il est un fait qu'il y a une tendance naturelle à l'augmentation des dépenses. A cet égard, je ne comprends pas l'argument de M. Barrot qui reproche à la majorité précédente une progression de la dépense de dix milliards alors que l'opposition d'alors nous accusait de ne pas accorder suffisamment de moyens au système de santé et que c'est notamment dans le domaine de l'assurance maladie que la dépense a particulièrement progressé.
    Il est vrai qu'au cours des cinq dernières années, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie a progressé chaque année. Toutefois, aucun de ceux qui plaident ici pour une maîtrise de l'évolution des dépenses - et c'est notre cas - n'a jamais prétendu qu'il fallait diminuer les dépenses de santé.
    M. Jacques Barrot. Il faut les optimiser ?
    M. Claude Evin. En revanche, nous avons toujours dit qu'il fallait en maîtriser l'évolution, car nous sommes particulièrement attachés à un système fondé sur la solidarité nationale. Et si nous voulons maîtriser l'évolution des dépenses de santé, ce n'est a priori pas pour faire des économies, mais pour affecter ces dépenses là où elles sont le plus nécessaires.
    Vous nous annoncez, monsieur le ministre, des mesures d'économies en ce qui concerne l'ONDAM. Je les cherche encore. Où sont-elles ? Nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion de l'examen des articles.
    Telle que vous la présentez, l'évolution des dépenses retrace un déficit moins important que celui qui avait été annoncé. Soit, mais vous êtes parvenu à ce résultat grâce à des recettes nouvelles que vous avez trouvé en puisant dans les caisses de la CADES - et on peut s'interroger sur l'utilité de cet organisme - et en augmentant la taxe sur le tabac, augmentation avec laquelle on ne peut qu'être d'accord en termes de santé publique.
    Certes, en apportant des recettes supplémentaires à l'assurance maladie, vous réduisez bien le déficit, mais vous ne réglez en rien le problème de fond ! D'où notre désaccord, à l'exception de quelques mesures concernant le médicament.
    Ainsi, s'agissant de la clause de sauvegarde, vous poursuivez dans la même voie que celle que nous avions empreintée. Toutefois, votre position ne manque pas de saveur, étant donné que aviez critiqué ce dispositif lorsque vous étiez dans l'opposition. C'est avec un certain amusement que nous vous voyons l'utiliser aujourd'hui. Les laboratoires pharmaceutiques apprécieront votre cohérence, mais c'est votre problème.
    Cela dit, à part l'article concernant la clause de sauvegarde et celui relatif à la taxe sur la publicité, qui visent les laboratoires pharmaceutiques, le projet de loi que vous nous présentez comme l'ensemble des mesures que vous avez mise en oeuvre ou que vous avez incité à mettre en oeuvre depuis six mois reposent essentiellement sur les assurés sociaux.
    C'est le cas pour le générique. Je rappelle que nous sommes favorables au développement du générique. C'est d'ailleurs nous qui avons introduit la prescription en DCI dans la loi et qui avons autorisé les pharmaciens à substituer des génériques aux médicaments prescrits quand c'était nécessaire - et depuis quelques mois on observe une progression des génériques dans les prescriptions. Toutefois, vos décisions et vos propositions, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles, conduisent ni plus ni moins à pénaliser l'assuré social à qui le médecin ne prescrira pas de générique et auquel le pharmacien ne fournira pas un produit générique au lieu d'un princeps.
    Certes, dans l'hypothèse théorique dans laquelle vous vous placez, avec un prescripteur qui se conforme aux recommandations en prescrivant des génériques ou avec un pharmacien qui, comme il y est autorisé, substitue, il n'y a pas de difficulté. Mais admettez que ce n'est pas ce qui se passe aujourd'hui dans la majorité des cas. Malheureusement, et on peut le regretter, il y a encore beaucoup de travail à faire auprès des prescripteurs. Si bien que, en cas de carence - et c'est le cas aujourd'hui -, c'est l'assuré social qui, in fine, paiera. Il s'en rendra compte quand il recevra les remboursements de sa caisse d'assurance maladie, qui seront inférieurs à ceux qu'il pouvait espérer. C'est cette réalité que nous dénonçons.
    Vous, vous vous placez sur un plan théorique en parlant de responsabilisation des assurés sociaux. Bien entendu, nous aussi nous sommes pour la responsabilisation des personnes, car, comme je l'ai indiqué ce matin, nous croyons en l'homme. Cependant, vous savez aussi bien que moi que, en matière de prescription médicale, il y a une asymétrie d'information entre celui qui prescrit, c'est-à-dire le médecin, et l'assuré social, c'est-à-dire le malade, qui, lui, vient demander un remède pour traiter les symptômes qu'il ressent mais qui n'a aucune connaissance, aucune information sur ce qui serait bon pour lui. Devant cette asymétrie d'information, il est bien évident que de parler de responsabilisation des malades, des assurés sociaux, n'a pas grand sens.
    M. le président. Monsieur Evin, concluez.
    M. Claude Evin. Je conclus, monsieur le président.
    Compte tenu de l'évolution non maîtrisée des dépenses au cours de l'année 2003, compte tenu de cet appel à une responsabilisation, qui ne peut donner tout ses effets tant que les mesures que nous avons mises en place n'ont pas, elles, donné les leurs, nous considérons que nous voyons se dessiner un autre système de sécurité sociale.
    Vous nous dites être attaché à un système de solidarité, monsieur le ministre, et je n'ai pas de raison particulière de contester vos propos. De toute façon, je ne pense pas que vous pourrez afficher une politique de privatisation. En revanche, je dénonce le processus de privatisation insidieuse dans lequel vous êtes rentré du fait d'une évolution non maîtrisée des dépenses en 2003 et de la mise en place progressive d'une prise en charge des dépenses par les assurés sociaux. C'est cela que nous condamnons et c'est pour cette raison que nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Luc Préel. Bien entendu, le groupe UDF ne votera pas la question préalable défendue par Mme Jacquaint. Notre collègue a dépeint une situation apocalyptique, notamment de notre système de santé, en pointant des difficultés, il est vrai, bien réelles.
    M. Yves Bur, rapporteur. Après cinq ans de socialisme !
    M. Jean-Luc Préel. Mais la situation actuelle nous a été léguée par la majorité plurielle à laquelle elle participait, pendant, je le rappelle, une pleine période de croissance.
    Il est vrai que les problèmes de la retraite par répartition n'ont pas été réglés, alors que nous souhaitons, bien entendu, la conforter, et que des progrès sont nécessaires pour développer une réelle politique familiale.
    Il est vrai qu'en matière de santé les dépenses croissent plus vite que le PIB, ce que Claude Le Pen et l'actuel président de séance trouvent normal, estimant que la santé est un bien supérieur. Toutefois, cela pose un problème de financement.
    Il est vrai que les hôpitaux connaissent des problèmes d'investissement et de fonctionnement avec des reports de charges. Je vous remercie d'ailleurs, monsieur le ministre, d'envisager rapidement le passage à une tarification à l'activité, qui devrait permettre, nous l'espérons tous, de résoudre les difficultés de fonctionnement.
    Madame Jacquaint, j'ai été très intéressé par vos réflexions sur la TVA et sur la taxe sur les salaires qui sont récupérées par l'Etat. Là aussi, il y a un réel problème.
    Vous avez eu raison de mettre l'accent sur les difficultés de l'organisation des urgences et de la permanence des soins.
    Vous avez également eu raison de dénoncer les problèmes de démographie médicale avec les spécialités sinistrées : chacun sait que lorsqu'il n'y a plus d'anesthésiste, il n'y a plus de service d'urgences, plus de service de chirurgie ou d'obstétrique, et donc des difficultés réelles.
    Toutefois, tous ces problèmes existent aujourd'hui car rien, ou si peu, a été fait ces dernières années pour y remédier.
    Nous sommes tous ici attachés à permettre l'accès de tous à des soins de qualité. Par conséquent, il est urgent de débattre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'approuver des mesures qui permettront d'améliorer notre système de soins, et de faire confiance au Gouvernement qui s'est engagé à présenter une loi de programmation de santé publique, à aider l'investissement, à présenter, en cas de nécessité, une loi de financement rectificative et surtout à préparer pour ces prochains mois une nouvelle gouvernance de notre système de santé, qui en a bien besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et apparentés.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous semblez croire, je n'ai pas besoin de vous interrompre pour montrer que je suis là. Je suis déjà intervenu deux fois et je le ferai une troisième fois ce soir dans la discussion générale.
    M. le président. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Moi, c'est le coeur qui parle et quand vous affirmez qu'il est juste que certains puissent acheter des princeps alors que d'autres doivent se contenter de génériques qui ont les mêmes qualités, je vous dis que je ne comprends pas. Si un générique vaut autant qu'un princeps, pourquoi ne supprime-t-on pas les princeps ? Je ne suis pas un spécialiste, mais j'aimerais qu'on m'explique. Les princeps seraient réservés aux étrangers, dites-vous ; et les Français n'auraient droit qu'aux génériques ?
    M. Yves Bur, rapporteur. Quelle confusion !
    M. Maxime Gremetz. En matière de justice, on peut mieux faire, je crois. Mais ce n'est qu'un détail.
    Ce qui me gêne plus, c'est que, alors que vous affirmez un fort attachement au service public de la santé, dont je ne doute pas...
    M. Yves Bur, rapporteur. Cela vous trouble !
    M. Maxime Gremetz. ... la situation est réellement préoccupante, comme vient de le dire Mme Jacquaint.
    Il ne s'agit pas pour nous de savoir à qui la faute.
    M. Yves Bur, rapporteur. Cela vous gêne, c'est sûr !
    M. Maxime Gremetz. Pas du tout, nous avons voté contre la précédente loi de financement de la sécurité sociale.
    La question pour nous est de savoir si, oui ou non, la situation dans les hôpitaux est explosive sur les plans humain, financier et de la sécurité des malades ? Malheureusement, la réponse est oui, le climat est toujours explosif.
    Quant à la qualité des soins apportés aujourd'hui, n'êtes-vous pas autant préoccupés que moi par le fait que des parents ne peuvent pas payer des lunettes ou des soins dentaires à leurs enfants ? Non, le problème n'est pas de trouver le responsable de cette réalité, c'est d'y remédier.
    Vous dites être très attaché au service public, à l'hôpital public.
    M. Yves Bur, rapporteur. Vous ne pouvez pas en douter !
    M. Maxime Gremetz. Je n'en doute pas. Mais j'en vois certains dans ce pays, ils ne s'en cachent d'ailleurs pas, qui veulent modifier la sécurité sociale. Le MEDEF, par exemple...
    M. Guy Geoffroy. Ah !
    M. Yves Bur, rapporteur. Ça faisait longtemps.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et Mme Bettencourt ? (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Ce sont des déclarations que vous pouvez lire, chers collègues.
    Le MEDEF dit, par exemple, qu'il veut bien continuer à cotiser pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, mais plus pour la santé en général parce que ce n'est pas à l'entreprise d'accomplir ce devoir de solidarité. N'est-ce pas une façon de remettre en cause les fondements même de la sécurité sociale telle qu'elle existe aujourd'hui dans ce pays ? Je ne vous impute pas ce que dit le MEDEF, je vous alerte sur le souhait de certains de changer les choses.
    Quant aux problèmes de financement, ce n'est certainement pas en les abordant, comme vous le faites, Mme Jacquaint l'a montré, par le petit bout de la lorgnette, en cherchant à faire quelques économies par-ci, quelques investissements par-là, qu'on les règlera.
    Les exonérations considérables de cotisations patronales auxquelles on continue de procéder au nom de l'emploi, alors que cela ne crée pas d'emplois, représentent autant de recettes en moins pour la sécurité sociale. Et si le chômage continue d'augmenter au même rythme qu'aujourd'hui, ce seront autant de dépenses en plus et de recettes en moins pour la sécurité sociale.
    M. Pascal Terrasse. 0,2 % par an !
    M. Maxime Gremetz. Savez-vous ce qu'un point de moins de salaire représente en moins pour la sécurité sociale ?
    On ne peut pas considérer les problèmes de santé indépendamment de tout ce contexte.
    Mes chers collègues, je croyais que vous étiez conséquents comme moi. Vous n'avez cessé de répéter, des nuits entières, que le FOREC était une vraie usine à gaz. Pourtant, quand nous proposons, par un amendement, d'instituer un financement prévoyant des prélèvements sur les revenus financiers, et d'affecter ces sommes directement à la sécurité sociale - donc de supprimer le FOREC - vous ne voulez pas nous suivre.
    Quand on voit que le FOREC reçoit 8,4 milliards d'euros de droits sur les tabacs, 2,7 milliards d'euros de droits sur l'alcool, mais seulement 0,8 milliard au titre de la cotisation sur les bénéfices des sociétés...
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. ... et que, dans le même temps, il prend en charge 14,4 milliards d'euros d'exonération de cotisations patronales, on peut s'interroger. Est-ce avec de tels outils que l'on espère assurer l'avenir de la sécurité sociale et soigner convenablement les Français ? Je crois qu'on est mal partis - mais nous aurons l'occasion d'en reparler.
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)
    M. Jean Glavany. Ils sont sectaires !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bernard Accoyer.
    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'heure d'examiner les recettes et l'équilibre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, force est de reconnaître que l'histoire se répète. Car s'agissant de la situation financière de la sécurité sociale laissée par la gauche, les mêmes causes créent les mêmes effets.
    Ainsi, dix ans après que la gauche a plongé la sécurité sociale, par négligence et facilité, dans une situation critique, le gouvernement Jospin et sa majorité composite ont à nouveau placé les régimes sociaux dans une situation délicate à laquelle le Gouvernement doit aujourd'hui faire face.
    La croissance forte des années 1997 à 2001 avait versé dans les caisses de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale des sommes importantes - plusieurs dizaines de milliards d'euros - que la gauche n'a pas utilisées pour préparer l'avenir. Au contraire, elle en a profité pour s'abstenir de réformer structurellement la sécurité sociale et, plus grave, pour mettre en place des mesures non financées en détournant les recettes sociales de la nation : cinq ans ont été ainsi gaspillés.
    Cette attitude que l'opposition de l'époque - la droite et le centre - a dénoncée avec force est particulièrement dommageable. Il y a eu pendant ces cinq années comme un renoncement à regarder les réalités et surtout à préparer l'avenir. Aucune réforme consolidante structurelle de la protection sociale, aucune modernisation, aucune clarification n'ont été conduites. Au contraire, des mesures décalées par rapport aux réalités, démagogiques et trompeuses, car apportant de fausses avancées, ont été promulguées, jamais financées sérieusement et, lorsqu'elles l'ont été, très partiellement, cela a toujours été sur le dos de la sécurité sociale en opérant des détournements mal cachés par la confusion organisée des financements. Alors qu'il fallait seulement dire aux Français la vérité sur l'état et l'avenir de leur protection sociale - assurance maladie, retraites, vieillissement -, on les a endormis avec des mesures comme les 35 heures.
    Le réveil est douloureux. Seule la vérité sur la situation peut conduire vers un avenir sécurisant. C'est bien cette intention de clarification, de sincérité et de réalisme qui caractérise le PLFSS pour 2003. Il annonce et amorce des réformes qui seront mises en application progressivement, après réflexion et concertation avec les partenaires sociaux, ce qui en fait un projet de loi de financement de transition.
    Malgré une forte croissance de 3 %, avec des années où la masse salariale a augmenté de 6,5 %, jamais, durant toute la législature qui a soutenu le gouvernement Jospin, la branche maladie n'a été à l'équilibre. En 2002, le déficit du régime général sera de 3,3 millards d'euros, alors que le gouvernement Jospin affirmait il y a un an que l'excédent de ce régime serait de 1,1 milliard d'euros.
    Quant à la seule branche maladie, son déficit atteindra 8,2 milliards d'euros.
    Depuis 1998, l'ONDAM a été constamment déplacé pour une somme cumulée de 12,8 milliards d'euros, la marge d'erreur annuelle étant de 50 % à 80 %. Pour autant, aucune amélioration des performances de notre système de soins n'a été opérée, aucune politique de l'assurance maladie n'a été conduite. Le conseil d'administration de la CNAM a été contourné. La vie conventionnelle a été délibérément abandonnée. Le dialogue avec les partenaires sociaux a été négligé, leur avis ignoré, notamment lorsqu'il a été décidé de faire financer les 35 heures par la sécurité sociale, ce qui a mis fin à cinquante années de paritarisme.
    Aucune politique cohérente du médicament n'a été conduite. Quant à l'hospitalisation publique ou privée, son fonctionnement a été très gravement compromis par l'application générale, bien qu'impossible, des 35 heures ! S'il est un domaine où le temps de travail global ne peut être réduit sans baisser la qualité ou la quantité des soins, c'est bien celui des professions de santé. Or le manque de professionnels disponibles sur le marché du travail rendait impossible de ne pas réduire, avec le temps de travail, le temps passé au service et au chevet des malades. Malgré les moyens financiers importants mobilisés - 1 milliard d'euros en 2002 pour le seul hôpital public -, la réduction du temps de travail dans l'hospitalisation restera l'une des plus graves erreurs, l'un des plus mauvais coups portés à notre système de soins.
    Pourtant, le problème posé était à la portée d'un élève de CE 2 : sachant que les besoins de soins hospitaliers augmentent, qu'il manque déjà 20 000 infirmières et plusieurs milliers de médecins dans les hôpitaux, sachant en outre qu'il n'y en a pas sur le marché du travail, peut-on réduire le temps de travail des professionnels de santé hospitaliers de 11,34 % sans diminuer l'offre ou la qualité des soins ? La réponse étant évidente, on peut hélas légitimement en déduire soit que le gouvernement précédent n'attachait pas grande importance au fonctionnement de l'hospitalisation, soit qu'il était inconscient de ses responsabilités dans ce domaine pourtant essentiel.
    L'affaire du financement des 35 heures par les finances sociales aura été un autre mauvais coup porté à l'assurance maladie. Le gouvernement Jospin a pu croire, et essayer de faire croire, qu'il avait trouvé la pierre philosophale contre le chômage : la réduction du temps de travail générale et obligatoire. Le choix d'une telle politique pour l'emploi était certes discutable. Cela dit, malgré notre superbe isolement international, c'était concevable venant d'esprits utopistes et théoriciens. Mais vouloir faire supporter la plus grande partie du coût de cette politique par les finances sociales, cela aura été particulièrement dommageable.
    Bien sûr, le raisonnement était le suivant : avec la réduction du temps de travail, le chômage diminuera, donc il y aura plus de cotisations. Mais ce raisonnement était doublement fallacieux, d'une part, parce que les cotisations supplémentaires attendues ne compensaient pas le coût de la mesure, même selon les hypothèses les plus optimistes ; d'autre part, parce que la réduction du temps de travail a eu des effets dévastateurs sur le maintien et la création d'emplois sur le territoire national.
    La méthode choisie par la gauche a été celle de la confusion. Prétextant qu'elle voulait réformer les cotisations patronales, ce qu'elle n'a pas fait, elle a créé le FOREC à seule fin d'y attirer subrepticement les recettes sociales qu'elle ne pouvait décemment pas détourner vers le budget de l'Etat au vu et au su de tout le monde. C'est ainsi que sont nées les fameuses tuyauteries infernales du financement de la sécurité sociale, où plus personne ne pouvait se reconnaître et qu'il vous faudra supprimer, monsieur le ministre, dans un but de clarification et d'honnêteté. Ce projet de loi amorce ce mouvement.
    Parmi les autres mesures non financées, il faut rappeler la CMU, dont l'opposition ici même dénonça, en son temps, le caractère dangereux pour l'universalité des régimes obligatoires puisqu'elle distingue deux catégories d'assurés sociaux. Ses effets de seuil, son coût surtout et l'augmentation annuelle de celui-ci confirment que la solution alors proposée par l'opposition, celle d'une aide dégressive pour contracter une complémentaire, était la bonne solution. Elle avait pour défaut d'être moins spectaculaire et moins démagogue. Oui, mais elle aurait mieux répondu aux besoins, évité les dérapages et sauvegardé l'universalité de la sécurité sociale.
    Le fonds de financement de l'APA, comme l'APA elle-même, transmise aux départements qu'elle écrase de charges nouvelles et insupportables, ne disposent même pas d'un financement préétabli. Mais il nous faut revenir sur la situation du FOREC, car malgré les stratagèmes opaques utilisés par Mme Aubry, celui-ci aura largement contribué à mettre en déficit le fonds de solidarité vieillesse. Alors que ce fonds de solidarité était doté de financements légitimes et pérennes, les tuyauteries placées sur ses ressources pour les détourner et son siphonage l'ont proprement asséché et mis dans le rouge puisqu'il connaît cette année un déficit de plus de un milliard d'euros.
    Pour autant, le FOREC reste en attente d'une créance de 2,4 milliards d'euros datant de l'époque où Mme Aubry voulait faire financer les 35 heures par les ASSEDIC. Devant la réaction très hostile des partenaires sociaux, elle dut reculer et annonça que le Gouvernement compenserait ce manque à gagner, ce qu'il ne fit jamais. Pis, dans le dernier PLFSS, le ministre de la solidarité de l'époque, Mme Guigou,...
    Mme Elisabeth Guigou. « La » ministre !
    M. Bernard Accoyer. ... a essayé de faire annuler la créance. Heureusement, le Conseil constitutionnel censura cette disposition. Voilà pourquoi il est prévu, à l'article 5, que la CADES comble cette année la moitié de cette dette.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes un homme du passé, monsieur Accoyer !
    M. Bernard Accoyer. La polémique soulevée par la gauche à propos de cet article n'a donc pas de légitimité. Je dirai même qu'elle est particulièrement déplacée.
    Parmi les mesures non financées par le gouvenement précédent, il en est une qui vient souligner la gravité du renoncement jospinien à garantir, par la réforme, l'avenir de la retraite par répartition. Suivant la même méthode que pour le financement des 35 heures, c'est-à-dire la confusion, il fut créé, pour masquer ce renoncement, un fonds dit fonds de réserve de la retraite par répartition. Sensé atteindre 152 milliards d'euros de réserve en 2020 et ainsi permettre de répondre au problème du financement de nos retraites, celui-ci devait recevoir essentiellement les excédents du FSV, que la gauche a mis dans le rouge, les excédents de la CNAV, que la gauche a utilisés pour combler le déficit de la branche maladie et qui vont se tarir dans deux ans, et le produit de la vente des licences UMTS qui n'ont pas été vendues, faute d'acheteur. D'ailleurs, cette spéculation déraisonnable a contribué à l'éclatement très dommageable de la bulle des technologies et industries de télécommunication.
    M. Jean-Marie Le Guen. Il faut le faire ! Mêler les télécommunications à la sécurité sociale ! Vous me faites rire !
    M. Bernard Accoyer. Si bien que le fonds de réserve de la retraite par répartition n'atteindra jamais, et de très loin, les sommes annoncées. D'ailleurs, même avec 152 milliards d'euros, en l'absence de réformes, il n'aurait constitué qu'un fonds de lissage pour deux années au plus.
    Le PLFSS pour 2003 qui nous est proposé aujourd'hui tourne le dos à ces méthodes d'un autre âge, à l'opacité, à l'imprécision et à la confusion qui ont prévalu pendant cinq ans pour les finances sociales. Même si en trois mois le Gouvernement ne peut proposer qu'une inflexion déjà forte en attendant des réformes plus profondes, c'est bien le réalisme et la transparence qui prévalent désormais.
    Ainsi en est-il des hypothèses retenues pour bâtir le projet de loi de financement de la sécurité sociale, réalistes, mais susceptibles d'être revues par une loi de financement rectificative si le besoin s'en faisait sentir en cours d'exercice, ce que le précédent gouvernement n'a jamais fait, montrant ainsi le peu de cas qu'il faisait du Parlement.
    L'objectif national des dépenses d'assurance maladie, calculé en appliquant aux dépenses réelles de 2002 un taux de croissance de 5,3 %, s'élève à 123 milliards d'euros. C'est le plus important jamais proposé au Parlement. Il apparaît réaliste et fondé sur le constat de l'évolution des besoins. Il n'a pas été choisi en fonction de la conjoncture. D'ailleurs, la sincérité de son évaluation conduit à prévoir, pour 2003, un déficit du régime général de 3,9 milliards d'euros.
    Cet ONDAM a conduit les conseils d'administration des caisses à émettre un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sa transparence a permis, pour la première fois, que l'article 1er, relatif au rapport annexé, déterminant les orientations en matière de santé, de politique familiale et de retraites, soit examiné et voté avant les autres articles, c'est-à-dire à sa place, ce que le précédent gouvernement avait constamment refusé pendant cinq ans, démontrant ainsi avec une constance à souligner que ses prévisions de dépense n'étaient fondées ni sur un raisonnement sanitaire ni même sur ses déclarations d'intention.
    L'ONDAM et les recettes ont des contenus cohérents, comme le prévoit la loi constitutionnelle de 1996. Il est heureux que l'ONDAM soit enfin médicalisé et suivi analytiquement, tandis que les recettes s'appuieront davantage sur une logique de prévention sanitaire. Ainsi en est-il de la hausse des droits de consommation sur les tabacs et de la modification de l'affectation de cette taxe longuement détournée vers le FOREC par Mme Aubry. Elle sera désormais affectée plus largement et en toute légitimité, par l'article 3 de ce projet, à la Caisse nationale d'assurance maladie. Ces mesures sur le tabac, encore améliorées par l'excellent travail de la commission des affaires sociales, sont judicieuses, puisque nul ne peut contester que le tabac provoque des ravages sanitaires de plus en plus graves et de plus en plus précoces.
    A l'article 6, la modification des dépenses de promotion des laboratoires pharmaceutiques peut probablement être encore affinée et améliorée, tout en ménageant l'industrie pharmaceutique et l'avenir de la presse médicale, déjà sérieusement fragilisée. Nous examinerons un amendement en ce sens. En effet, la presse médicale est non seulement le meilleur moyen d'information et d'alerte du corps médical, mais aussi le principal support du maintien et de la mise à jour des connaissances du corps médical. A ce double titre, il convient de lui rendre hommage et de la sauvegarder.
    S'agissant de la branche famille et de l'attente de la mise en place d'une nouvelle allocation, malgré l'importante avancée que constituent la prolongation d'un an de la durée du versement des allocations familiales et la majoration pour enfant prise en charge en partie par la CNAF, la branche sera encore bénéficiaire en 2003.
    Tout à l'heure, un orateur de l'opposition a critiqué la politique familiale du Gouvernement. Qu'il me soit permis de rappeler ici que la législature précédente aura été celle de la diminution drastique de l'AGED, de la réduction importante des déductions d'impôt pour garde d'enfant, de la mise sous condition de ressources des allocations familiales et de la réduction, drastique également, du quotient familial.
    Quant à la politique que vous entendez conduire, monsieur le ministre, elle aura pour priorité de favoriser la famille, nous l'avons compris.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous vous servez de la politique familiale pour mener une politique fiscale en faveur des plus favorisés !
    M. Bernard Accoyer. Quand on parle de protection sociale, on pense au renouvellement des générations, donc au financement de la solidarité entre les générations.
    Si, en 2001, nous avions critiqué la prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales de la majoration de pension pour enfant alors que la croissance était là, la situation financière actuelle de la sécurité sociale, à laquelle se trouve confronté le Gouvernement, justifie que l'on prenne aujourd'hui une telle mesure. Au demeurant, elle est transparente et permettra à l'avenir de sanctuariser cette majoration quand s'ouvriront les négociations sur l'indispensable réforme de notre système de retraite par répartition. Ce système, plus encore que les autres dispositifs sociaux, a besoin du renouvellement des générations, qui est le but de la politique familiale proposée par le Gouvernement et dans laquelle la CNAF tiendra toute sa place.
    Enfin, s'agissant de la branche vieillesse, la revalorisation de 1,5 % des pensions laisse attendre encore pour 2003 un excédent de la branche. Malheureusement, cette situation ne durera pas et il est heureux pour les Français, qu'ils soient retraités, futurs retraités ou encore jeunes, que le Gouvernement ait décidé de résoudre le lourd problème de l'avenir des retraites dès le début de l'année prochaine. Quelle n'a pas été ma surprise d'entendre protester à la suite d'une correction objective des règles de la compensation nationale fondée sur la situation actuelle certes inégalitaire, mais qui l'est restée à cause de ceux-là mêmes qui protestent. Je veux espérer que leur protestation témoigne qu'ils sont enfin décidés à faire prévaloir, pour les retraites comme pour le reste, le principe d'égalité qui fait partie de la devise de notre République.
    Faut-il rappeler que pendant toute la législature précédente, après les conclusions du fameux rapport Charpin commandé par le Premier ministre, une fois toutes les données connues, le précédent gouvernement n'a fait que légitimer son inaction, qui était en réalité un recul politique. Le Premier ministre n'hésita pas à commander à M. Teulade, alors suppléant de M. Hollande, ancien ministre socialiste des affaires sociales, un rapport qui recommandait évidemment de ne rien faire. On sait maintenant ce que le conseil d'orientation des retraites - COR -, créé par M. Jospin lui-même, a dit de ce rapport, qui était en réalité une vaste escroquerie. Il est donc malheureux que cinq ans aient été gaspillés pour l'avenir de nos retraites. C'est probablement la plus grave dérobade du précédent gouvernement. Nul doute qu'il faudra aborder le problème de l'avenir des retraites non seulement avec plus de courage, mais surtout avec plus d'objectivité, afin de faire prévaloir de façon consensuelle l'égalité pour tous nos concitoyens.
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais plus tard ! Dans un an !
    M. Bernard Accoyer. L'équilibre du régime général attendu pour 2003 s'établit donc avec un déficit prévisionnel de 3,9 milliards d'euros dû au seul déficit de la branche maladie.
    M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !
    M. Bernard Accoyer. Par rapport à 2002, c'est une augmentation de 600 millions d'euros due à la situation laissée par le gouvernement précédent, au ralentissement de la croissance, aux mesures non financées et à la hausse tendancielle des dépenses d'assurance maladie dont le ralentissement ne peut dépendre que du rétablissement du dialogue et de la confiance avec tous les professionnels concernés, ainsi que d'une politique conventionnelle fondée sur le respect de chacun, le réalisme et la transparence. C'est ce que vous avez commencé à faire, monsieur le ministre, et nous devons nous en réjouir.
    Tous les acteurs du régime général, des régimes complémentaires, les praticiens, les établissements et les patients sont seuls et ensemble porteurs d'un avenir. En tout état de cause, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2003, bien que de transition, est particulièrement réaliste et sincère. Il initie une évolution de notre sécurité sociale où prévaudront les objectifs partagés de santé publique, d'accès à des soins de qualité pour tous, d'une vraie politique familiale et de retraites enfin consolidées. Les députés du groupe UMP soutiennent activement la politique de protection sociale juste et généreuse que traduit ce PLFSS. Donc, bien sûr, ils voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou.
    Mme Elisabeth Guigou. Me souvenant de vos critiques de l'an dernier, monsieur le ministre, c'est avec une réelle curiosité que j'ai lu votre premier PLFSS. Je m'attendais à ce que vous mettiez un point d'honneur à ne pas donner prise aux critiques que vous formuliez à l'égard du gouvernement Jospin, que vous soyez particulièrement attentif à la clarté des comptes, à leur sincérité, à l'ambition des objectifs comme des moyens : quelle affreuse déception ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Votre premier PLFSS réussit un tour de force : être à la fois insincère, vide d'ambitions et de mesures concrètes et inquiétant pour l'avenir.
    M. Pascal Terrasse. Ça, c'est sûr.
    M. Yves Bur, rapporteur. Quel culot !
    Mme Elisabeth Guigou. Votre projet de budget est donc insincère, monsieur Mattei. Vous vous abritez derrière l'héritage.
    M. Yves Bur, rapporteur. Et il est lourd !
    M. Pascal Terrasse. Rappelez-vous 1997 !
    Mme Elisabeth Guigou. Mais vous le faites avec une certaine mauvaise foi et avec un art non moins certain de la dissimulation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Quel héritage nous avons-nous laissé ? Certes, le retour au déficit du régime général pour 2002 ne vous est pas, pour l'essentiel, imputable.
    M. Ghislain Bray. Quand même !
    Mme Elisabeth Guigou. Il résulte du ralentissement de la croissance qui pèse sur la masse salariale, et donc sur le niveau des cotisations sociales. Mais vous n'avez rien fait pour améliorer la situation, au contraire. Votre politique économique et sociale accentue le ralentissement de la croissance, aggrave le chômage, ce qui diminue cette année et diminuera plus encore, l'an prochain, les cotisations sociales.
    Pour contrecarrer le ralentissement de la croissance, il eût fallu stimuler la consommation, seul moteur de l'activité aujourd'hui. Et ce n'est pas en diminuant les impôts des plus favorisés que l'on augmentera la consommation. Votre politique de l'emploi va aggraver le chômage, avec l'arrêt du passage aux 35 heures, avec l'arrêt des emplois-jeunes, avec trois fois moins de contrats emploi-solidarité dans le projet de budget 2003 que dans le projet de budget 2002. C'est ainsi, en effet, que M. Fillon a budgété 80 000 CES dans le projet de loi de finances pour 2003, contre les 260 000 que nous avions budgétés dans le projet de loi de finances initiale pour 2002 - sans compter les 80 000 que nous avons ensuite ajoutés, pour faire précisément face à la dégradation de la conjoncture.
    Et ce ne sont pas les contrats jeunes qui vont compenser, car, en période de faible activité, les chefs d'entreprise n'embauchent pas, quels que soient les allègements de cotisations sociales. La baisse des cotisations sociales pésera aussi bien sur l'assurance maladie que sur les autres composantes du régime général, sur la branche accidents du travail comme sur la branche famille ou sur la branche vieillesse.
    Voilà pour les recettes ! Pour les dépenses, tout en constatant le niveau élevé des dépenses d'assurance maladie, certes supérieures depuis des années à l'ONDAM, vous chargez la barque avec la nouvelle augmentation de la rémunération des médecins de ville, sans exiger d'eux de contrepartie conséquente. Le surcoût en est de 900 millions d'euros, deux fois plus que les augmentations que nous avions accordées pour 2002 aux médecins, aux kinésithérapeutes et aux infirmières.
    Bien sûr, vous faites porter l'entière responsabilité des comptes 2002 au gouvernement Jospin et, emporté par votre élan, vous comparez les prévisions 2003 « aux pires années du régime général, en 1992-1993 ». Vous me permettrez de rétablir la vérité historique, tel qu'elle est d'ailleurs décrite dans le dernier rapport de la commission des comptes - à la page 14. La pire période n'a pas été celle de 1992-1993 - sous-entendu l'héritage du précédent gouvernement de gauche mais bien celle de 1995, année noire où le déficit du régime général a atteint plus de 10 milliards d'euros, soit trois fois et demie de plus que ce qui est prévu pour 2002, dont 6 milliards pour la seule assurance maladie.
    M. Pascal Terrasse. Voilà la vraie vérité !
    Mme Elisabeth Guigou. Heureusement, quoi que vous en disiez, nous serons loin de ces tristes records : très loin en 2002, et loin encore en 2003. Même si le retour au déficit du régime général ne vous est pas entièrement imputable, reconnaissez au moins que depuis 1999 on avait renoué avec les excédents ; l'excédent cumulé avait atteint 2,7 milliards d'euros dont 1,1 milliard pour la seule année 2001 et le déficit de l'assurance maladie a été divisé par quatre entre 1996 et 2002.
    Vous chargez la barque 2002, mais cela ne vous conduit pas à formuler des prévisions réalistes pour 2003. Vous savez bien que nous serons loin des 2,5 % de croissance prévus comme des 4,1 % pour la masse salariale. Et pourtant, vous ne prévoyez que deux ressources supplémentaires, dont l'une est aléatoire - le milliard d'euros attendu d'une hausse de 15 % des recettes fiscales sur le tabac ne sera effectif que si les entreprises productrices ne se livrent pas à une guerre des prix - et l'autre transitoire - le remboursement, pour 1,1 milliard d'euros par la CADES - de la moitié de la dette relative aux insuffisances de compensation des allègements de charges en 2000.
    Je mentionnerai, pour clore ces remarques sur le manque de sincérité de vos comptes, le prélèvement subreptice de 850 millions d'euros sur la branche vieillesse du régime général et donc sur le fonds de réserve des retraites, j'y reviendrai.
    Ce PLFSS ne clarifie rien du tout. Il est par ailleurs vide de mesures concrètes.
    Il est attentiste et pénalise les assurés ; pour l'assurance maladie, en particulier, vous faites peser tout l'effort sur ces derniers.
    Vous mettez en avant votre politique du médicament. Je ne peux que vous féliciter de poursuivre l'effort engagé par Martine Aubry et que j'ai moi-même poursuivi pour inciter les acteurs du système de santé à un meilleur usage des médicaments. L'objectif n'est donc pas en cause mais la méthode si ! Car pour les génériques, vous demandez tout aux assurés et rien aux professionnels de santé. Les assurés ne seront remboursés que sur la base des génériques. Mais que se passera-t-il si le médecin n'a pas prescrit de génériques et si le pharmacien n'en a pas proposé ? C'est le patient qui sera pénalisé. Le flou sur ce sujet est inacceptable. Il faut mettre au point des mécanismes pour responsabiliser les médecins et les pharmaciens au même titre que les patients. Claude Evin vous l'a demandé tout à l'heure. Nous avons donc besoin de précisions.
    S'agissant des médicaments à service médical rendu insuffisant, vous vous dites prudent. Comme vous avez raison ! Car « service médical rendu insuffisant » ne signifie pas médicament inutile, comme on le dit parfois. En effet, l'appréciation du service médical d'un médicament est plus large que la question de son efficacité thérapeutique et porte, plus globalement, sur sa place dans la stratégie thérapeutique, sur la gravité de l'affection à laquelle il est destiné et sur son intérêt pour la santé publique. Les mesures de déremboursement de ces médicaments auront des effets négatifs importants. Ce sont les patients, une fois de plus, qui seront pénalisés et, d'abord, les plus défavorisés d'entre eux. Sans oublier un risque de substitution à ces molécules par des traitements plus onéreux, mais pas nécessairement adaptés.
    Pour moi, la seule méthode valable est la méthode contractuelle, qui peut permettre de préserver les équilibres si complexes et si fragiles de notre système de soins. Il était nécessaire de la redéfinir avec les professionnels de santé. Il faudra sans doute la repenser avec l'industrie. Pourquoi ne pas avoir, par exemple, des espaces de liberté plus importants sur les prix, notamment pour les innovations thérapeutiques, mais en échange d'engagements précis en matière d'évaluation de santé publique ou de quantités de médicaments ?
    Votre PLFSS pour 2003 ne prévoit pas de mesures d'amélioration des remboursements : ni relèvement du plafond de la CMU, ni poursuite du mouvement que nous avons engagé pour améliorer le remboursement des soins dentaires, des lunettes, des appareils auditifs.
    Tout l'effort pèse sur les assurés et donc proportionnellement sur les plus modestes. Rien n'est demandé en contrepartie aux professionnels, alors même que la loi du 6 mars 2002, que nous avons fait voter, supprime les lettres clés flottantes et crée un nouveau système conventionnel entre les professionnels et les caisses. Vous revendiquez la modestie, monsieur le ministre. Alors, ayez au moins l'élégance de faire référence à cette loi qui a supprimé la maîtrise comptable. Mais laissons de côté l'élégance : le plus grave est que vous ne donnez aucun moyen nouveau aux acteurs pour améliorer la politique conventionnelle. Vous vous privez ainsi d'outils de maîtrise de la dépense par une véritable responsabilisation des professionnels de santé.
    Pour l'hôpital, qu'allez-vous faire au juste ? Nous y avons consacré 3,8 milliards d'euros entre 1998 et 2002. Vous prévoyez dans votre texte 300 millions d'euros pour 2003. Ce n'est pas ainsi que vous maintiendrez l'effort antérieur. Vous nous avez parlé tout à l'heure, oralement, d'1 milliard d'euros ; mais où prendrez-vous les 700 millions manquants ?

    Allez-vous, monsieur le ministre, contrôler l'utilisation des fonds des cliniques privées qui ont pris l'engagement de rattraper les salaires du secteur public pour leurs infirmières, en contrepartie des financements supplémentaires accordés en 2002 ? Allez-vous utiliser l'observatoire tripartite que nous avons créé pour y voir enfin clair dans les comptes des cliniques privées et nous assurer que les fonds publics servent à améliorer les salaires des personnels infirmiers et non à gonfler les dividendes des actionnaires ?
    Quels moyens accorderez-vous à la prévention ? Nous avions multiplié par sept entre 1997 et 2002 le financement des programmes de prévention, portant ceux-ci à 115 millions d'euros. Il n'y a rien là-dessus dans le PLFSS. Vous renvoyez cette question à la future loi quinquennale de juin prochain, mais c'est un an de perdu ! Que ferez-vous, dans l'intervalle, des plans de santé publique contre les maladies chroniques : le sida, l'hépatite C, les maladies orphelines, la maladie d'Alzheimer ? Que ferez-vous pour la santé des personnes âgées et pour la coordination gériatrique ? Pas un mot sur la santé mentale, domaine dans lequel notre pays a encore beaucoup à faire !
    Je n'insiste pas sur les familles : Marie-Françoise Clergeau a dit nettement ce qu'il fallait en dire tout à l'heure, et j'imagine que plusieurs orateurs et oratrices de notre groupe y reviendront. Mais une seule mesure, tout de même ! Il faudra attendre la prochaine conférence de la famille, en juin prochain. Là encore, c'est un an de perdu. M. Dubernard vient de proclamer avec grandiloquence son amour pour la famille et de prétendre que la gauche ne l'aimait pas...
    M. Jean-Pierre Blazy. Vieille rengaine !
    Mme Elisabeth Guigou. ... en des termes qui frisaient le ridicule. On peut toujours faire des proclamations, monsieur Dubernard. Mais où sont les preuves de cet amour que votre majorité est supposée éprouver pour la famille ? Nulle part !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est une façon de voir les choses !
    Mme Elisabeth Guigou. Concernant les accidentés du travail, ce PLFSS poursuit la politique d'indemnisation de l'amiante que nous avons initiée. Très bien ! M. Fillon nous a annoncé son intention de travailler à la réforme indispensable de la réparation des accidents du travail, conformément aux conclusions des rapports Masse et Yahiel, dans le sens d'une réparation intégrale. Très bien ! Mais avec quel calendrier ? Là encore, c'est le flou !
    En revanche, il y a une mesure très précise : la désignation des administrateurs de la branche accidents du travail par les partenaires sociaux. Non que je sois hostile au retour du MEDEF, mais pourquoi là seulement ? Parce qu'il pourra peser sur le relèvement des cotisations ? Pourquoi ne pas prévoir une représentation des associations de victimes ? Voilà qui serait une garantie pour une réforme ambitieuse de la réparation des accidents du travail.
    En ce qui concerne la vieillesse, enfin, je veux exprimer trois sujets d'inquiétude. Le premier est l'insuffisante revalorisation des pensions : 1,5 %, cela correspond tout juste à l'inflation, à la condition que celle-ci ne dérape pas. Vous n'accordez pas un coup de pouce, contrairement à ce que nous avions fait les années précédentes.
    Le deuxième est le report à 2006 du délai de signature des conventions tripartites sur la nouvelle tarification des établissements d'accueil pour personnes âgées, sans que soient prévus des moyens supplémentaires en attendant cette signature. C'est inquiétant.
    Enfin, le troisième sujet d'inquiétude est l'absence d'engagement concret sur la consolidation des régimes de retraites par répartition et la dotation du fonds de réserve des retraites. M. Fillon nous a dit qu'il comptait doter le fonds de 16,6 milliards d'euros en 2003, mais rien n'est prévu dans le projet. Je rappelle que nous l'avions nous-même doté de 12,5 milliards d'euros fin 2002, soit 5 milliards d'euros de plus qu'en 2001. Vous augmentez les ressources du FRR de 4 milliards d'euros en 2003, soit d'un milliard d'euros de moins que l'an dernier. Dans ces conditions, ne nous étonnons pas que l'on puisse s'inquiéter de la possibilité réelle de doter le fonds de réserve de 150 milliards d'euros en 2020.
    La réforme des retraites, que vous jugiez si urgente au printemps dernier, est renvoyée à juin 2003 ! Pourquoi n'avoir pas ouvert les négociations avec les partenaires sociaux dès votre arrivée ? Tout est prêt pour cela. Mais vous avez jugé plus urgent de vous attaquer aux 35 heures et aux emplois-jeunes.
    M. Pascal Terrasse. Eh oui ! Politique de la revanche !
    Mme Elisabeth Guigou. A moins que ce délai supplémentaire ne vienne de l'incapacité où vous êtes de définir une position ? La semaine dernière, en effet, nous entendions que le Gouvernement avait renoncé à rétablir les fonds de pension mais, cet après-midi, une dépêche de l'AFP nous apprenait que M. Copé démentait cette déclaration.
    M. Jean-Pierre Blazy. Une fois de plus !
    M. Pascal Terrasse. Que de cafouillages !
    Mme Elisabeth Guigou. Evidemment, si vous en êtes là, il faudra du temps avant de commencer à ouvrir les discussions...
    Entre des recettes incertaines et des dépenses condamnées à dériver au fil de l'eau, notre système de protection sociale risque d'être confronté, l'an prochain, à des besoins de financements importants. Faute d'ambition, pris par les contraintes sur les finances publiques que votre gouvernement feint d'ignorer, vous débutez la législature par une baisse de la couverture sociale des Français. Je crains qu'en l'absence de mesures de maîtrise des dépenses, vous n'ayez à programmer, en plus, une hausse des prélèvements sociaux. Décidément, ce projet de loi contient des risques non négligeables de déclin de la protection sociale des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Merci d'avoir respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Jean-Luc Préel, qui va en faire autant.
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003. C'est le moment où le Parlement doit se prononcer sur la politique sociale du pays, définir les objectifs, les priorités et se donner les moyens de les financer.
    Monsieur le ministre, vous avez présenté ce texte comme un texte de transition en attendant les réformes prévues pour 2003. L'UDF a la volonté d'aider le Gouvernement à réussir cet exercice difficile en tenant un langage de vérité, à tenir les promesses, à regagner la confiance des professionnels et à préparer l'avenir.
    Le contexte est délicat en raison du ralentissement économique et d'un héritage lourd. La cigale Jospin a dilapidé les fruits de la croissance sans engager les réformes indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pascal Terrasse. Et vous avez plombé la croissance !
    M. Jean-Luc Préel. Le « papy-boom » est à nos portes et la réforme de nos régimes de retraite n'a pas été engagée. La politique familiale s'est transformée en politique sociale, les excédents de la branche on été ponctionnés. Quant à la santé, tous les secteurs connaissent une crise profonde.
    Le Gouvernement table sur des recettes de 327 milliards d'euros grâce à une croissance de 2,5 % et une augmentation de la masse salariale de 4,1 %.
    M. Pascal Terrasse. On verra l'année prochaine...
    M. Jean-Luc Préel. Ces recettes paraissent optimistes aujourd'hui, mais l'UDF souhaite avec vous qu'elles se réalisent.
    Vous proposez une augmentation des taxes sur le tabac pour 1 milliard d'euros, dont 70 % seraient affectés à l'assurance maladie. Nous l'approuvons tout en espérant une diminution de la consommation de cette drogue, qui conduit à 60 000 décès par an.
    Vous maintenez le FOREC tout en promettant sa réforme. Nous avons dénoncé avec virulence, avec nos collègues du RPR et de DL, ce « machin », cette usine à gaz détournant de leur objet les taxes sur l'alcool et le tabac pour financer les 35 heures ; la CNAM ne perçoit d'ailleurs que 15 % des 10 milliards de taxes sur le tabac. Je souhaite sa suppression et pour le démontrer, l'UDF déposera des amendements en ce sens.
    Le Gouvernement a promis de financer la totalité des exonérations de cotisations qu'il décide, engagement que je salue. Je rappelle que certaines exonérations antérieures à 1994, environ 11 % de celles-ci, ne sont toujours pas financées ; il conviendrait de les intégrer à cette réforme. Cette juste modification améliorerait l'équilibre du budget social du pays qui en a besoin.
    L'UDF est par ailleurs très attachée à la retraite par répartition.
    M. Gaëtan Gorce. Ah bon ?
    M. Jean-Luc Préel. Mais tout le monde sait qu'à partir de 2005 le « papy-boom » posera des problèmes considérables, notamment pour les régimes spéciaux. Le gouvernement socialiste hélas ! n'a pas profité du départ à la retraite des classes creuses et de la croissance pour poursuivre la réforme entamée courageusement par M. Edouard Balladur et Mme Simone Veil. Nous sommes aujourd'hui au pied du mur.
    Le projet prévoit une revalorisation de 1,5 % correspondant au maintien strict du pouvoir d'achat mais aussi un prélèvement de 830 millions d'euros sur le budget de la CNAVTS au titre de la compensation démographique. L'UDF ne juge pas ce prélèvement très opportun !
    Le Gouvernement s'est engagé à proposer une réforme de nos régimes de retraite au printemps 2003, après une large concertation. L'UDF rappelle qu'elle est très attachée au principe de la répartition, qu'il faut conforter en allant vers une plus grande responsabilisation des partenaires sociaux et vers une réelle équité. Il faudrait par exemple donner une réelle autonomie à la CNAVTS en permettant aux partenaires de définir les prestations en fonction des cotisations ou vice-versa, et créer une caisse de retraite des fonctionnaires gérée paritairement.
    Nous souhaitons également permettre à tous les salariés de compléter leur retraite en leur donnant accès, par exemple, à la PREFON dont seuls les fonctionnaires bénéficient aujourd'hui et autoriser enfin une retraite à la carte.
    Je n'ai pas vu dans ce projet, monsieur le ministre, de mesures concernant les conjoints survivants dont les demandes sont bien connues et justes : elles portent sur la révision des règles d'attribution de l'assurance veuvage largement excédentaire - seuls 27 % de la cotisation spécifique est utilisée -, le cumul droits propres-pension de réversion et le problème des polypensionnés. Au nom de l'UDF, je déposerai des amendements qui, je l'espère, obtiendrons de votre part, monsieur le ministre, un accueil favorable.
    Dans quelques instants, mon ami Jean-Christophe Baguet centrera son intervention sur la famille. Les mesures de simplification des prestations et la garde unique seront proposées après la réunion de la conférence de la famille en 2003. Nous saluons la mesure nouvelle concernant l'aîné des familles de trois enfants atteignant vingt ans.
    Nous nous étions vigoureusement opposés l'année dernière avec MM. Accoyer, Morange et Goulard, au « hold-up » effectué sur l'excédent de la branche famille pour financer la majoration pour enfant de la pension de retraite. Et nous dénonçons logiquement le maintien de ce prélèvement en 2003. Son taux est même aggravé à 60 %. Ce qui était néfaste en 2002 l'est toujours en 2003 ! En politique, il faut un minimum de cohérence entre les principes, les discours et les faits. C'est pourquoi l'UDF déposera un amendement de suppression de l'article 41, afin de faire respecter l'autonomie des branches et de profiter de l'excédent de la branche famille pour développer une réelle politique familiale.
    La santé correspond à un « bien supérieur », monsieur le ministre, et ses dépenses sont appelées à augmenter.
    Notre système de soins, vous le dites souvent, est l'objet d'un véritable paradoxe : reconnu par l'OMS comme le meilleur du monde, avec une grande liberté de choix et sans connaître de files d'attente comme dans d'autres pays, il est cependant au bord de l'explosion.
    Vous avez hérité d'une situation très difficile. Avec l'UDF, je regrette que vous n'ayez pas demandé un audit afin d'en dresser le bilan, de prévoir les mesures nécessaires pour repartir sur des bases saines et d'évaluer leur coût. Les choses auraient été plus claires.
    Je veux cependant saluer les mesures annoncées, celles déjà contenues dans ce projet et les promesses qui ont permis de désamorcer les situations les plus critiques : je pense à la revalorisation de la consultation et de la visite pour les généralistes, à la suppression des lettres-clés flottantes et des comités médicaux régionaux, à la fixation d'un ONDAM plus réaliste, à la mise en oeuvre d'un plan d'investissement hospitalier, ainsi qu'aux engagements que vous avez pris pour une loi de santé publique, pour une loi de financement rectificative et, enfin, pour la mise en oeuvre d'une tarification à l'activité.
    Ce n'est pas rien ! Mais le chemin est encore long, car tous les secteurs sont en crise et les mentalités des professionnels ont changé ; force est d'en tenir compte.
    L'hôpital est confronté à deux problèmes majeurs.
    D'une part, les établissements dont l'activité augmente sont asphyxiés par le budget global : 40 % ont des reports de charges de 3 à 5 %. Cette politique de gribouille ne peut pas être poursuivie. Comptez-vous, monsieur le ministre, leur donner les moyens financiers de soigner correctement la population qui leur fait confiance et de prendre en compte le coût des nouvelles molécules, en particulier pour les cancers, dont les protocoles connaissent une explosion en termes de coût ?
    D'autre part, les hôpitaux subissent des retards dans l'investissement en raison, notamment, des insuffisances budgétaires. Vous proposez 300 millions d'euros qui pourraient conduire à un milliard d'euros de travaux. Mais il convient de considérer la capacité des établissements à s'autofinancer et à faire face aux annuités d'emprunt. La Fédération hospitalière de France a demandé une revalorisation de l'enveloppe de 6,1 % pour la seule reconduction de l'existant. Cette augmentation ne sera sans doute pas accordée. Comment, dès lors, financer les annuités d'emprunt ? Il faut savoir que l'Etat récupère toujours la TVA, c'est-à-dire, que sur 1 milliard d'euros de travaux, 200 millions retourneront dans ses caisses. Son effort final est donc modeste. Ne pourriez-vous pas, monsieur le ministre, obtenir 300 millions d'euros nets ?
    Les hôpitaux sont confrontés à d'autres difficultés, comme l'accueil des urgences, avec un afflux toujours plus important de patients, ce qui pose des problèmes de capacité d'accueil, de personnel et d'organisation. Je pense également à la démographie médicale, avec des spécialités sinistrées. Cette difficulté est aggravée par l'application inconsidérée des 35 heures...
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est faux. Elle préexistait !
    M. Jean-Luc Préel. ... par la mise en place du repos compensateur, principe tout nouveau,...
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous oubliez que c'est vous qui l'avez accepté à Bruxelles en 1994 ! Ça ne descend pas du ciel !
    M. Jean-Luc Préel. ... et par l'intégration de la garde dans le temps de travail.
    Comment dès lors assurer la continuité des soins ? Ne comptez-vous pas réformer le statut des praticiens hospitaliers ? Pour prendre en compte les responsabilités effectives qu'ils exercent et la pénibilité de leur travail, n'avez-vous pas l'intention de mettre en place des contrats plutôt que d'en rester à un statut unique ? Il restera à redéfinir le rôle du conseil d'administration des établissements pour aller, comme le demande l'UDF, vers plus d'autonomie et donc plus de responsabilité.
    Les établissements privés connaissent aussi de sérieux problèmes. Ils sont confrontés, pour beaucoup, à des difficultés financières et à une pénurie de personnel aggravée par le différentiel de rémunération par rapport au public. Surtout, les praticiens qui y exercent redoutent, comme tous les spécialistes, de ne plus pouvoir s'assurer en 2003, ou alors avec des surprimes considérables. Monsieur le ministre, vous vous préoccupez de ce problème et espérez une solution acceptable pour tous. Nous la souhaitons avec vous.
    Dans le secteur ambulatoire, la crise est aussi très profonde. Les praticiens sont désabusés et lassés ; ils n'acceptent plus d'être désignés comme boucs émissaires. Vous avez renoué le dialogue pour rétablir la confiance, ce qui n'avait pas été le cas les années précédentes. A juste titre, car aucune réforme ne se fera sans, et a fortiori contre les professionnels. Vous avez déjà entendu les généralistes. Qu'allez-vous proposer aux spécialistes, dont les rémunérations sont bloquées depuis sept ans, mais aussi aux infirmières, notamment pour l'acte de soins infirmiers et les frais de déplacement ? Ces améliorations sont-elles prévues dans l'ONDAM ?
    A l'UDF, nous sommes très attachés à la création d'ordres pour les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues et les infirmières. Comptez-vous les mettre en place ? Vous nous préciserez certainement vos intentions à l'occasion de l'examen de nos amendements.
    Vous nous proposez un ONDAM plus réaliste que les années précédentes, avec une augmentation de 5,3 %. Pourriez-vous nous indiquer la répartition des enveloppes selon les divers secteurs, ce qui nous éviterait d'attendre, comme certaines années, qu'elle soit publiée dans un quotidien du soir ?
    Selon quels critères seront définies les enveloppes régionales ? Allez-vous poursuivre et accélérer la correction des inégalités ?
    Le projet prévoit pour l'assurance maladie un déficit de 6 milliards d'euros en 2002 et de 8 milliards d'euros en 2003, qui pourrait être supérieur si la croissance est moins forte que prévue et si les dépenses, notamment de médicaments, sont supérieures. Comment sera financé ce déficit ?
    Surtout, l'ONDAM, s'il est plus réaliste, n'a pas encore été médicalisé. Et j'en viens ainsi à la question de la gouvernance de notre système de santé, qui sera notre grande préoccupation pour 2003. Car nous souhaitons une nouvelle gouvernance.
    Certes, il est nécessaire de renforcer le dialogue social et le paritarisme dans leur domaine de compétence, c'est-à-dire pour ce qui est lié au travail et financé par des cotisations salariales et patronales : chômage, accidents du travail et retraites. Mais la santé ? Elle commence à la naissance, voire avant les PMA, va jusqu'à la mort et n'a donc aucun lien avec le travail, tout le monde en convient. Déjà, le financement n'est plus assis sur les cotisations salariales, mais sur la CSG qui pèse sur l'ensemble des revenus. Nous sommes donc en droit de nous poser la question de la légitimité du paritarisme dans le domaine de la santé.
    A l'UDF, nous sommes tout comme vous, monsieur le ministre, opposés aussi bien à la privatisation qu'à l'étatisation. Force est pourtant de constater que celle-ci est quasiment achevée sans réel contrôle démocratique. Nous souhaitons que l'Etat soit responsable de la santé publique et de l'équité, mais que nous nous engagions avec volontarisme vers une réelle régionalisation, pour rendre chacun acteur et responsable du système de santé, et pour permettre une politique de santé de proximité prenant en compte les besoins. Grâce aux travaux de conseils régionaux de santé élus par collèges, le Gouvernement pourrait présenter au printemps une loi pour définir les priorités de santé et leur financement serait voté à l'automne. Nous aurions ainsi un ONDAM médicalisé partant des besoins, réparti ensuite entre les régions selon des critères objectifs.
    Enfin, monsieur le ministre, il convient d'aller vers une réelle maîtrise médicalisée des dépenses de santé. Vous avez supprimé la maîtrise comptable qui ne fonctionnait pas, à laquelle tout le monde était opposé, et vous avez opté pour la maîtrise médicalisée. Mais pour l'obtenir, encore faut-il s'en donner les moyens avec un codage des actes et des pathologies enfin effectif, avec le recueil des données par un organisme indépendant, tel l'INSEE de la santé, qui ne puisse être contesté ni par l'assurance maladie ni par les professionnels, et avec le développement de bonnes pratiques médicales et du bon usage du médicament. A défaut, je crains fort que nous ne puissions pas avoir demain de critères permettant d'assurer une réelle maîtrise médicalisée.
    Monsieur le ministre, dans la tâche difficile qui est la vôtre, vous pouvez compter sur l'UDF pour vous aider à regagner la confiance des professionnels et à préparer l'avenir afin d'assurer à tous des soins de qualité.
    Il nous faut tenir nos promesses et aller vers une société de responsabilisation. En 2003, vous nous annoncez de grandes réformes sur les retraites, la famille et la santé. Nous devrons faire preuve d'écoute et de dialogue, puis de volonté et de persuasion. Rien n'est plus exaltant que de permettre à notre société de résoudre ses problèmes en trouvant des solutions pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens. Bon courage, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, s'il est agréable d'entendre un discours plutôt réaliste sur l'inéluctabilité de l'accroissement des dépenses de santé, liée à l'allongement de l'espérance de vie et aux progrès de la médecine, il est préoccupant, en revanche, de constater dans le concret du texte qui nous est proposé pour le financement de la sécurité sociale en 2003 l'absence de mesures significatives permettant de commencer à surmonter les difficultés actuelles.
    Vous dites à juste titre qu'il n'y a pas assez de recettes. C'est ce qu'avec mes collègues du groupe communiste nous n'avons cessé de répéter. Une analyse que tout confirme puisque les innombrables mesures de restriction mises en oeuvre depuis des années n'ont jamais permis d'équilibrer les comptes. Lorsque l'équilibre a été atteint, c'est parce que l'emploi reprenait. Par contre, ces mesures ont sévèrement pénalisé notre système de soins et nos hôpitaux, et elles ont abouti à une grave pénurie de médecins et de personnels soignants.
    Le diagnostic est donc clair : il est normal que les dépenses de santé augmentent ; le budget de la sécurité sociale souffre non d'un excès de dépenses, même s'il convient effectivement de gérer les dépenses avec rigueur, mais d'une insuffisance de recettes.
    Face à cette situation, deux approches sont possibles : ou bien on considère que notre société ne peut pas financer ces dépenses qualifiées d'excessives, ou bien on considère qu'on a les moyens de le faire, que c'est un problème de choix politique dans un pays où les progrès scientifiques n'ont pas seulement permis d'améliorer les soins, mais aussi et surtout d'augmenter considérablement la richesse nationale. Le choix est donc bien là. Nul ne peut l'éluder ou s'y soustraire. Quelle répartition de cette richesse nationale ? Au service de qui et de quelles priorités ?
    Je conçois la difficulté de l'exercice pour un ministre à la fois médecin hospitalier, humaniste - ce dont je ne doute pas - et membre d'un gouvernement dont toutes les mesures budgétaires visent à favoriser les allègements fiscaux pour les plus aisés et à réduire les moyens publics, en un mot, d'un gouvernement défenseur du libéralisme, dont les effets se font de plus en plus cruels, notamment avec la mondialisation, pour tous les peuples du monde et, bien entendu, pour le nôtre aussi, puisque l'on ose demander aux plus modestes de renoncer à certains soins, ce qui est un terrible et inacceptable recul pour un pays comme la France.
    C'est sans doute cette dualité qui explique ce nouveau ton et ce nouveau vocabulaire, qui nous sont indiscutablement plus agréables à l'oreille, mais aussi l'absence totale de mesures susceptibles de traduire ou de commencer à traduire ce changement en actes, ce qui est préoccupant.
    Ainsi, sur le financement de la protection sociale, pas de modifications significatives, pas même de débat ni de perspective ouverte ! Après avoir annoncé l'insuffisance des recettes, vous ne proposez rien pour corriger cette anomalie qui est pourtant le fond du problème et vous continuez à fixer une enveloppe que tout le monde sait insuffisante. Je me permets donc de la qualifier de « comptable » puisqu'elle augmente de 5,6 % alors qu'en 2002 les dépenses ont progressé de plus de 7 %. Vous nous proposez un budget prévisionnel insuffisant, suivi d'un budget rectifié au printemps en cas de dépassement ou d'écart trop important. C'est sans doute une amélioration comptable, et je ne la conteste pas. Mais cela n'améliorera pas les ressources.
    Les cotisations employeurs sont toujours calculées sur le même mode, assises uniquement sur les salaires. Ainsi, pour la même quantité de richesses créées, une entreprise paiera d'autant moins de cotisations qu'elle a moins de salariés et que les salaires sont plus bas.
    M. Maxime Gremetz. Très juste !
    Mme Jacqueline Fraysse. Si nous pouvons être d'accord pour considérer, comme vous le déclarez vous-même, que « la masse salariale doit toujours constituer la majorité des revenus de la sécurité sociale », il reste que l'actuel mode de calcul a des effets pervers pour l'emploi. C'est pourquoi nous proposons de le réformer en introduisant une modulation en fonction de la valeur ajoutée et de la masse salariale, qui permettrait de consolider à la fois le financement de la sécurité sociale et l'emploi. Le rapport Chadelat, commandé par Alain Juppé et publié en 1998, évoquait cette piste. Serait-il devenu tabou de dire que l'entreprise doit être au coeur de la solidarité nationale ?
    Nous formulons d'autres propositions, en particulier celle de faire cotiser l'ensemble des revenus à la sécurité sociale. Contrairement à ce que vous avez déclaré mardi dernier à la télévision, le système n'est pas juste, car tous les revenus ne cotisent pas. Par exemple, les revenus des placements financiers des entreprises sont totalement exonérés. Pourquoi ne sont-ils assujettis à aucune cotisation ? Rien ne le justifie. Au contraire, c'est un encouragement à la spéculation financière stérile, et dangereuse de surcroît pour notre économie.
    Les exonérations de cotisations sont de plus largement accordées aux employeurs : 120 milliards de francs, que la loi Fillon accroît encore de 5 milliards d'euros, c'est-à-dire de plus de 30 milliards de francs, sans contrepartie, ce qui aggrave la situation, tandis que l'emploi continue de se dégrader. Ainsi, vous exonérez toujours davantage les entreprises privées, mais vous continuez de refuser aux hôpitaux l'exonération de la taxe sur les salaires qu'ils versent à l'Etat et qui vient largement amputer leur budget.
    Vous ajoutez dans ce projet une mesure parfaitement injuste : l'élargissement des missions de la CADES. Le plan Juppé imposait déjà une cotisation supplémentaire pour faire rembourser par les salariés, les retraités et les chômeurs le « trou » de la sécurité sociale. Aujourd'hui, la situation de cette caisse permettrait de diminuer le taux de la cotisation ou d'avancer sa suppression. Vous ne faites ni l'un ni l'autre et utilisez l'argent des salariés pour financer les exonérations de cotisations que vous accordez aux patrons. C'est un comble !
    Vous augmentez la taxe sur les tabacs, dont la hausse de prix aurait un effet dissasif sur la consommation. Permettez-moi, monsieur le ministre, deux observations sur ce point. D'une part, personne ne peut croire sérieusement que l'on financera la sécurité sociale avec des mesures de ce type et je ne pense pas que vous le croyiez vous-même. D'autre part, il faut distinguer ce qui est du domaine de la santé publique et ce qui est du domaine du financement de la sécurité sociale. Si l'on veut améliorer la lutte contre le tabagisme, il y a des mesures à prendre, par exemple le remboursement des patchs, qui sont si onéreux pour les patients.
    Quant au FOREC, il reste en place pour financer les exonérations de cotisations patronales, alors qu'il est évident, je l'ai dit, que ces exonérations n'ont pas eu d'incidence positive sur l'emploi et sont assez catastrophiques pour la protection sociale.
    Ainsi, faute de mesures significatives pour accroître, de manière durable et juste, le financement de la sécurité sociale, on ne peut s'étonner, bien sûr, de ne trouver aucune mesure forte pour répondre aux attentes de chacune des branches.
    A propos de la branche maladie, un mot d'abord sur le médicament.
    La baisse du taux de remboursement des médicaments disposant d'un équivalent générique pénalisera bon nombre d'assurés qui, bien sûr, n'ont pas le choix de la prescription. Puisqu'on laisse sur le marché le princeps, les malades, sauf si les médecins sont très disciplinés, ce qui n'est pas sûr, devront acquitter la différence.
    Si l'on veut encourager la production de génériques, c'est le laboratoire qu'il faut contraindre à baisser ses prix, dès lors que le brevet est arrivé à expiration et que le coût de la recherche a été largement amorti.
    Le déremboursement de centaines de médicaments dont le service médical rendu est jugé insuffisant soulève une question de fond : pourquoi restent-ils sur le marché ? En toute rigueur, un médicament inefficace ou dépassé, voire dangereux dans certains cas, devrait être non pas déremboursé, mais retiré du marché. Je trouve donc cette mesure incohérente et préoccupante.
    Quant à l'autorisation, pour les laboratoires, de fixer librement le prix des médicaments innovants pendant six mois ou plus, jusqu'à l'aboutissement des négociations, on peut imaginer et surtout craindre les conséquences de cette mesure pour les hôpitaux, premiers utilisateurs, dont le budget pharmacie est déjà très insuffisant. Vous le savez, puisque vous avez décidé à juste titre d'augmenter ce budget. Mais, dans ces conditions, cette mesure risque de se traduire pour l'hôpital par une opération blanche ou une situation aggravée, et pour les laboratoires, par une opération juteuse, au moment même où vous acceptez la fermeture du centre de recherche Aventis à Romainville.
    Concernant les personnels, la situation est de plus en plus préoccupante. Vous déclarez que vous n'êtes pas magicien et ne sauriez embaucher des médecins et infirmières qui n'existent pas. Certes, nous pouvons vous en donner acte. Mais où sont, dans ce texte, les mesures d'urgence en matière de formation pour commencer à inverser la situation actuelle le plus rapidement possible ? Le timide relèvement du numerus clausus permettra à 5 100 jeunes d'entamer une formation médicale, alors que le Conseil de l'ordre estime qu'il en aurait fallu 7 000 pour répondre aux besoins actuels et remplacer les départs à la retraite.
    Quant aux infirmières, face à la pénurie, des mesures financières audacieuses devraient être prises pour favoriser leur formation en plus grand nombre. Il ne suffira pas de payer des heures supplémentaires et de rappeler les personnels en retraite pour faire face aux besoins dont chacun sait qu'ils vont s'accentuer puisque, pour 2010, les départs en retraite sont chiffrés à 28 000. Ils sont de 15 000 en 2002.
    Enfin, concernant les relations hôpitaux-cliniques, vous proposez une réforme en vue de rapprocher les modes de tarification. Pourquoi pas ?
    Il est incontestable que la situation actuelle pose problème, ne serait-ce que parce que le privé fonctionne au prix de journée et au paiement à l'acte, alors que le public fonctionne avec un budget global, véritable outil de son asphyxie financière.
    La tarification à la pathologie, mise en expérimentation, n'a pas fait l'unanimité. Vous proposez une tarification à l'activité. Nous souhaiterions davantage de précisions. De quoi s'agit-il ? L'ensemble des missions de l'hôpital public sera-t-il pris en compte ? Comment l'activité sera-t-elle évaluée ? Si les mêmes outils d'évaluation, basés sur des groupes de malades homogènes, restent en place, nous craignons une standardisation, voire un tri des malades.
    La répartition de l'activité chirurgicale entre le public et le privé à but lucratif est déjà très déséquilibrée. Quelles mesures proposez-vous pour empêcher la disparition de certaines activités dans le public, qui, lui, a pour mission d'accueillir tout le monde ?
    Concernant les autres branches, le manque de moyens ne permet pas de progrès sensibles, sauf un, concernant la branche famille : le versement d'une allocation forfaitaire pour compenser la diminution des allocations familiales, quand l'aîné d'une famille de trois enfants atteint sa vingtième année.
    En ce qui concerne les retraites, vous proposez une revalorisation de 1,5 %, donc inférieure à l'évolution des prix estimée à 2,2 % ce qui aggravera encore la situation des retraités les plus modestes. Pour le reste, le quasi-silence du texte sur les retraités et les retraites ne nous éclaire pas sur les intentions du Gouvernement quant à cette branche.
    Nous avons pu lire dans la presse que vous renonceriez pour le moment aux fonds de pension. Il faut dire qu'après l'affaire Enron, le contexte est à la prudence. Mais on sent bien les débats sous-jacents.
    On peut lire également que vous envisagez d'allonger la durée de cotisation des fonctionnaires et agents des entreprises publiques, en commençant par les salariés d'EDF-GDF, qui est en voie de privatisation. Ce nivellement par le bas, motivé par des choix financiers et une volonté de privatisation, tournant le dos à ceux auxquels conduiraient de vrais choix d'une protection sociale moderne et développée, est très contestée. Vous n'avez sans doute pas oublié qu'il a été à l'origine du puissant mouvement social de 1995. Je souhaiterais que vous nous donniez des éclaircissements sur ce point.
    Enfin, en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles, nous sommes vivement préoccupés - nous ne sommes pas les seuls -, tant par les insuffisances de ce texte que par les mesures qui y figurent, qui ne vont pas dans le bon sens. Nous avons d'ailleurs déposé des amendements, à la demande de la fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés. Ces amendements tendent à une meilleure reconnaissance, une meilleure réparation et une meilleure prévention des accidents du travail et maladies professionnelles.
    Je veux croire que chacun ici se souviendra que tous les groupes ont exprimé leur accord pour aboutir à la réparation intégrale, ce qui devrait les conduire à adopter ces amendements. On peut toutefois s'inquiéter qu'une fois de plus, rien ne soit proposé pour tendre vers cette réparation intégrale, d'autant que le rapport ne l'évoque que comme une possibilité.
    Plus grave encore, vous décidez de stabiliser le taux de cotisation, alors qu'en poursuivant le reversement des excédents de la branche accidents du travail et maladies professionnelles vers l'assurance maladie, vous reconnaissez la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Cette mesure est d'autant plus choquante que le nombre d'accidents du travail augmente, ce qui devrait conduire à accroître les cotisations. Mais, bien évidemment, on ne peut pas satisfaire à la fois les accidentés du travail et le MEDEF. Il faut avoir le courage de choisir !
    Vous le voyez, monsieur le ministre, non seulement ce texte ne nous donne pratiquement aucun sujet de satisfaction, mais il soulève bien des sujets d'inquiétude pour la suite. En effet, vous constatez le déficit, mais ne faites rien.
    Vous parlez de budget de transition. Faut-il comprendre que vous avez décidé de laisser filer la situation pour mieux nous expliquer, dans quelque temps, que la sécurité sociale est dépassée et qu'il faut accepter un recul de la solidarité en réduisant le périmètre de l'assurance maladie obligatoire ? Cela laisserait ainsi plus de place à la part de l'assurance complémentaire, voire à l'assurance privée, couvrant les dépenses élégamment qualififiées de « laissées aux usagers ».
    Vous le voyez, ce budget préoccupe au plus haut point le groupe des député-e-s communistes et républicains tant pour le présent que pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

    (Mme Paulette Guinchard-Kunstler remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morange.
    M. Pierre Morange. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté aujourd'hui intervient à un moment crucial pour l'avenir de la santé des Français. Malheureusement, ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement de droite se retrouve dans la situation de devoir affronter un contexte budgétaire difficile et un déséquilibre très inquiétant des comptes de l'assurance maladie.
    Certes, on le sait, toutes les études internationales affirment encore que notre système de santé demeure l'un des plus performants au monde. La France a pu, par le passé, grâce à l'effort et à la passion des femmes et des hommes qui se sont engagés à soigner leurs concitoyens, répondre aux premières menaces pesant sur la santé publique.
    Mais chacun sait désormais que notre système de santé doit faire face à des défis d'une ampleur sans précédent. Ces défis, nous les connaissons tous. Les dépenses de santé dans les pays développés vont croître en raison de l'allongement de la durée de vie, du coût des nouveaux traitements, de la prise en charge de maladies chroniques et d'un désir sans cesse croissant de bien-être.
    Or nous allons devoir faire face à ces défis sans avoir pu nous préparer dans de bonnes conditions. En effet, faut-il encore rappeler - je crois que oui - que le précédent gouvernement n'a pas voulu s'engager dans des réformes de fond pourtant cruciales à un moment où il bénéficiait d'un contexte économique international extrêmement favorable ? Jean-François Mattei, notre ministre de la santé, a la lourde tâche d'engager ces réformes de fond pour que la France puisse continuer de donner à tous les Français la chance d'être très bien soignés tout en garantissant aux professionnels de santé la possibilité d'exercer leur art dans les meilleures conditions.
    Le précédent gouvernement avait fait les mauvais choix dont le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin doit aujourd'hui assumer les conséquences.
    M. Yves Bur, rapporteur. Tout à fait !
    M. Pierre Morange. Le premier de ces mauvais choix pour la santé des Français a été de persister dans une approche strictement comptable de la maîtrise des dépenses de la médecine de ville, bien que cette méthode ait montré très rapidement ses limites.
    Le second mauvais choix a été d'imposer la réduction du temps de travail à l'hôpital sans prendre en compte les conséquences de cette décision sur la vie des équipes médicales.
    Que dire, enfin, de l'absence d'objectif sanitaire et de décision face à l'inquiétante évolution de la démographie médicale ?
    C'est pourquoi le PLFSS qui nous est présenté est un document de rupture. Certes, il ne peut être qu'un outil de transition puisqu'il sera suivi, dans les prochains mois, par une ambitieuse loi de programmation. Mais il n'en demeure pas moins qu'il permet de s'engager sur une nouvelle approche de la politique de santé en France, fondée sur le choix de la vérité, de la confiance en la responsabilité des acteurs de santé et sur une approche pragmatique et réaliste de la santé des Français.
    La première rupture avec le passé consiste sans aucun doute à avoir fait le choix de la sincérité des comptes. La situation financière de l'assurance maladie est très préoccupante. Le déficit a continué à se creuser au cours des dernières années, mais cette évolution a été cachée en raison de l'excédent résultant de la très bonne conjoncture économique de ces dernières années. Aujourd'hui, avec la diminution des cotisations sociales résultant du net ralentissement économique, le déficit de la branche maladie devrait atteindre 6,1 milliards d'euros en 2002, selon les prévisions de la commission des comptes.
    Cependant, minorer le déficit prévisionnel ne constitue en aucun cas un moyen de lutter contre les déficits, tant il est vrai que casser le thermomètre n'a jamais fait baisser la fièvre.
    C'est pourquoi Jean-François Mattei a fait le choix de la vérité en engageant la mise en oeuvre de la médicalisation de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie.
    En vous fondant sur des outils permettant l'élaboration d'un ONDAM réaliste, vous avez, monsieur le ministre, pris le parti de la sincérité. Il s'agit d'un premier pas, dans l'attente de la mise en place d'autres outils nécessaires à l'analyse des besoins de santé, telle la tarification à l'activité, dont l'expérimentation est prévue dans les hôpitaux dès cette année.
    La progression de l'ONDAM, fixé à 5,3 % en 2003, apparaît donc réaliste. Cet objectif intègre le rythme actuel de croissance des dépenses d'assurance maladie de 7,2 %, tout en prenant en compte les différentes actions de responsabilité des acteurs du système de santé. Il permet de surcroît un correctif budgétaire sanitaire si la nécessité s'en ressent, et ce au sein de comptes sociaux en voie de clarification grâce à votre action.
    Car la seconde rupture majeure du PLFSS qui nous est présenté correspond à la démarche engagée afin de rétablir la confiance avec les professionnels de santé, notamment dans le soin ambulatoire, mais aussi au sein du monde hospitalier.
    Le début de l'année 2002 a été en effet le témoin d'épisodes particulièrement surprenants. Voir les gendarmes faire face aux policiers dans la rue n'était déjà pas banal. Mais réussir à obtenir qu'une grande partie des médecins libéraux suive un mouvement de grève n'était sans doute pas le moindre des exploits du précédent gouvernement !
    Les causes de ce mouvement engagé par les praticiens libéraux étaient multiples. Au-delà de la revendication pécuniaire, ce mouvement trouvait pour origine la défiance dont ils étaient victimes depuis la mise en place de politiques de régulation comptable des dépenses de l'assurance maladie.
    Nous devons donc remercier le Gouvernement pour avoir, dans ce domaine comme dans d'autres, choisi la voie du pragmatisme et de la concertation, et permis à notre système de santé de retrouver la sérénité.
    Vous avez aussi choisi, monsieur le ministre, de faire confiance aux professionnels de santé. Ce choix se traduit tout d'abord par des majorations tarifaires, l'abandon des lettres-clés flottantes et des comités régionaux médicaux, qui ont fait la preuve de leur inefficacité, mais aussi et surtout de leur injustice.
    Votre choix est donc celui d'une confiance réciproque à l'égard des professions de santé. Chacun doit désormais être associé à la maîtrise médicalisée.
    Après avoir été considérés comme de mauvais élèves qu'il convenait de punir dès qu'ils dépassaient la ligne blanche, sans prendre en compte la spécificité de chaque cas, les praticiens sont désormais associés à votre démarche dans le cadre d'un dialogue avec les caisses. L'objectif est donc clairement affiché : il s'agit de signer de nouvelles conventions d'ici à la fin de l'année afin de respecter les objectifs d'un ONDAM, dont il convient de rappeler qu'il est calculé sur la base d'éléments réalistes.
    L'engagement sans équivoque d'une confiance mutuelle se traduit également par la réforme du service du contrôle médical de l'assurance maladie. Les médecins conseils qui le composent seront désormais chargés d'une triple mission d'information, d'accompagnement et de promotion du bon usage des soins.
    Dans le même esprit, le fonds d'aide à la qualité des soins de ville voit ses missions étendues au financement d'actions d'évaluation des pratiques.
    La philosophie de ces deux mesures est ambitieuse et s'inscrit là encore dans le respect des professionnels de santé.
    La prise en compte de la situation dramatique de la démographie médicale est une autre concrétisation du changement de politique de santé. Le PLFSS que vous nous présentez, monsieur le ministre, rompt enfin avec la croyance totalement erronée selon laquelle la réduction du nombre de praticiens permettrait de limiter la progression des dépenses de santé.
    M. Jean-Pierre Blazy. Qui en a été responsable ?
    M. Pierre Morange. Quant aux responsabilités, nous sommes d'accord, mais nous avons eu le courage de revoir nos conceptions, alors que vous vous êtes bornés à suivre la même philosophie au cours des cinq dernières années.
    M. Jean-Pierre Blazy. Pas du tout !
    M. Pierre Morange. Dans cet esprit, la fin du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité a été avancée au 1er juillet 2003. Par ailleurs, le budget de l'enseignement supérieur sera marqué par une progression de 8,5 % du numerus clausus des étudiants en médecine. Enfin, le PLFSS prévoit une incitation à la reprise d'activité à temps partiel pour les médecins et les infirmières libérales en retraite.
    Les mots clés de ce PLFSS dont donc sincérité et confiance. Cette approche courageuse se traduit plus particulièrement dans trois domaines particuliers.
    Tout d'abord, le PLFSS fonde enfin une ambitieuse politique de prévention. Certes, il serait injuste de ne pas reconnaître les actions menées par le passé dans ce domaine. Cependant, force est de constater que notre système de santé demeure essentiellement porté vers le curatif et néglige trop souvent l'approche préventive.
    C'est pourquoi il convient ici de saluer le choix des trois chantiers ouverts par le Président de la République, lors de son allocution du 14 juillet. Pour la première fois, des problèmatiques de santé publique figurent au premier rang des préoccupations de l'Etat.
    C'est tout d'abord le cas de la lutte contre les accidents de la route, dont on n'évoque pas assez les conséquences en termes de santé publique. Aussi, le projet de loi visant à lutter contre le cannabis au volant se devait-il d'être approuvé à l'unanimité, alors même que l'on estime que cette drogue est présente dans plus de 15 % des accidents de la circulation.
    La volonté de faire de la lutte contre le cancer une priorité est également l'un des signes majeurs de la politique de prévention qui va être développée. Vous le savez, plus de la moitié des cancers trouvent leur origine dans des facteurs sur lesquels il nous est possible d'agir préventivement. La lutte contre le tabagisme figure, à ce titre, comme l'un des principaux axes de ce combat. C'est dans cet esprit que doit être comprise la hausse des droits sur le tabac. Le prix élevé des paquets doit représenter une barrière pour les jeunes consommateurs, mais aussi constituer un motif d'arrêt pour les fumeurs plus âgés.
    Nous devons, bien évidemment, réorienter fondamentalement cette politique de santé publique en faveur de la prévention, disais-je. Le projet de loi quinquennale en santé publique en définira les lignes directrices. A ce titre, la commission soutient pleinement l'amendement présenté par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales visant à créer un office parlementaire d'évaluation des politiques de santé qui permettra notamment de doter la représentation nationale d'un outil opérationnel de contôle des politiques, notamment de prévention et de santé publique, et qui rejoint votre préoccupation, je le sais, monsieur le ministre.
    Ensuite, le PLFSS engage un courageux plan médicament.
    Chacun le sait, la consommation de médicaments en France est très importante. Elle se situe à un niveau plus élevé que chez nos principaux voisins, et continue de croître à un rythme fort élevé, plus de 10 % en 2000.
    Par ailleurs, nous savons que nous devons faire face à l'arrivée de nouvelles molécules coûteuses, puisqu'elles doivent intégrer les coûts de la recherche, mais aussi à un accroissement de la durée des traitements afin de soigner des pathologies chroniques et en raison de l'allongement de la durée de la vie. C'est pourquoi nous devons, là encore, saluer les actions engagées par le Gouvernement dans le cadre de ce PLFSS.
    Le premier volet de votre action, monsieur le ministre, vise à accroître la part des médicaments génériques dans les prescriptions. L'outil qui nous est présenté, le forfait de remboursement pour les médicaments appartenant à un groupe générique, semble être le seul capable de changer durablement les habitudes. Il conjugue bonne gestion et responsabilisation des patients puisqu'ils demeureront libres de conserver leurs médicaments princeps sans que la collectivité en supporte le surcoût lié à la marque.
    Le second volet de votre action dans ce domaine qui fait l'objet d'un moindre intérêt médiatique représente également une source d'économies importantes pour la collectivité sans pour autant remettre en cause la qualité des soins prodigués aux patients. Il s'agit d'améliorer les procédures d'achat de médicaments à l'hôpital, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.
    Enfin, vous avez choisi d'engager une vaste réflexion sur le service médical rendu des médicaments. Cette tâche se devait d'être engagée afin de prendre en compte l'apparition de nouveaux traitements.
    Nous nous félicitons que cette mesure soit mise en oeuvre sur une période de trois ans, afin de permettre aux patients et aux médecins de modifier leur comportement, et qu'une réforme de la fiscalité spécifique pesant sur les laboratoires pharmaceutiques permette à ces derniers de s'adapter au nouveau contexte et engager une nouvelle réflexion sur la prise en charge assurantielle.
    Enfin, le PLFSS intègre les premières mesures de l'ambitieux plan « hôpital 2007 ». Notre système hospitalier français, qui a longtemps constitué une source de fierté pour notre pays, traverse malheureusement aujourd'hui une crise sans précédent. Il est vrai qu'en plus des difficultés structurelles, auxquelles nous aurions dû apporter des réponses dans tous les cas de figure - je pense notamment à la pénurie de praticiens - les structures hospitalières, publiques et privées, doivent faire face à la mise en place d'une réduction du temps de travail qui n'avait pas été anticipée tant au niveau financier qu'en termes de ressources humaines.
    Mais plus rien ne devrait nous surprendre de la part de nos opposants qui ont souvent la tentation de créer des droits nouveaux sans en mesurer les conséquences, plutôt que de traiter les problèmes au fond. Cette démarche présente l'avantage théorique de se donner le bon rôle, mais les promoteurs de telles actions se font généralement rattraper par la réalité. La mise en oeuvre des 35 heures à l'hôpital figurera sans aucun doute dans quelque temps au titre des décisions publiques les plus irrationnelles que l'on puisse imaginer.
    S'il ne s'agissait pas de la santé des Français, nous pourrions en sourire. Malheureusement, c'est bien d'elle qu'on s'est joué pour prouver que l'on pouvait étendre dans le public une mesure empreinte d'idéologie qui n'avait déjà pas obtenu les résultats escomptés dans les entreprises privées. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, a reconnu les faits.
    Or, dans le même temps, rien n'a été entrepris pour lutter contre le vieillissement du parc immobilier des hôpitaux et des équipements techniques, ou encore pour offrir des solutions aux services d'urgence dépassés par les nouveaux modes de consommation médicale de certains patients.
    C'est pourquoi nous devons, là encore, vous remercier, monsieur le ministre, d'adopter une attitude pragmatique et courageuse. Vous avez tout d'abord annoncé le lancement d'un plan quinquennal d'investissement en 2003. Mais cet effort d'investissement serait insuffisant s'il ne s'accompagnait pas d'une réflexion relative à l'organisation interne des établissements de santé, qui reviendra à la mission d'audit et d'expertise créée par le PLFSS.
    Par ailleurs, nous sommes particulièrement heureux de constater que le texte que nous examinons permettra d'expérimenter, dans les établissements qui en seront volontaires, le principe de la tarification à l'activité. Cette démarche, qui devra être généralisée dès 2004, permet en effet de responsabiliser les acteurs et de réaliser des comparaisons entre les différentes structures, tout en prenant en compte les missions spécifiques dévolues aux hôpitaux publics.
    Pour conclure, la rupture est flagrante avec le passé dans tous les domaines. Nous ne pouvons que vous féliciter, monsieur le ministre, d'avoir réussi non seulement à redonner confiance aux personnels de santé de ce pays en si peu de mois, en leur montrant clairement les seules voies qu'il sera possible de suivre à l'avenir, mais aussi à ouvrir les portes permettant de préparer l'avenir.
    Chacun peut le constater, les engagements qui ont été pris sont tenus. Et dans ce contexte particulièrement difficile, nous ne pouvons que vous adresser nos félicitations, monsieur le ministre, pour avoir su engager de telles modifications.
    C'est pourquoi les députés UMP soutiennent avec enthousiasme le PLFSS que vous soumettez à notre examen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, c'est là un débat passionné que nous allons poursuivre ; cela fait cinq ans que nous l'avons engagé. J'eusse préféré que nos places fussent inversées ; mais ainsi va la démocratie... (Sourires.)
    Une petite remarque au préalable. Vous êtes un enfant gâté de la croissance, avez-vous dit à Claude Evin. Nous avons certes bénéficié de cette croissance, mais nous avons su l'épauler. Est ensuite arrivé le retournement de croissance : vous-même disiez, dès le 24 octobre 2001, que le risque était certain. Le problème, c'est que vous n'avez pas pris les mesures qui auraient permis d'y faire face : politique budgétaire, politique de l'emploi. Mais c'est un autre débat...
    M. Jean Bardet, rapporteur. Eh oui !
    M. Jean Le Garrec. ... que je ne reprendrai pas aujourd'hui, même s'il est à l'évidence lié aux discussions en cours.
     J'ai lu avec beaucoup d'attention vos déclarations lors du débat sur la loi de finances 2002. C'est très intéressant : dans l'opposition, on dit parfois les choses avec une bien plus grande part de vérité. Vous aviez eu d'ailleurs, à cette occasion, des mots agréables à mon égard : et, croyez-moi, je vous les retourne volontiers. Mais aussi une petite vacherie...
    M. Yves Bur, rapporteur. Pas possible !
    M. Jean Le Garrec. C'est normal, c'est la loi du genre. A vous entendre, la foi me rendait aveugle. Cela m'a un peu troublé. En effet, si j'en crois les Evangiles de saint Marc et de saint Jean, c'est précisément la foi qui rend la vue à l'aveugle !
    M. Jean-Pierre Blazy. Saint Jean Le Garrec... (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. Mais nous pourrons reprendre ce débat en d'autres lieux et en d'autres temps.
    Mme la présidente. M. Le Garrec a beaucoup plus de connaissances qu'on ne croit... (Sourires.)
    M. Jean Le Garrec. Reste, monsieur le ministre, je le reconnais volontiers, qu'il y a une continuité républicaine dans l'action, au demeurant, et je crois que c'est heureux, parfaitement normale : ainsi vous mettez en place le financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en annonçant son barème définitif - pour très bientôt, je l'espère. Ce faisant, vous poursuivez la voie que nous avions tracée et c'est très bien.
    Il en est de même lorsque nous nous rejoignons sur la nécessité de mettre en place des modes de financement qui ne soient pas simplement liés à l'acte, notamment pour les maisons d'urgence médicale. Je vous avais personnellement posé la question.
    Autrement dit, sur bien des points, vous poursuivez la politique que nous avions engagée. Ainsi en est-il de la prévention : ma région, vous le savez, est la seule à avoir inscrit dans son contrat de plan une politique d'accompagnement de la prévention. Autant de domaines dans lesquels on peut relever une réelle continuité de l'action.
    Sur le fond aussi, nous avons des points d'accord. Vous avez dit dans votre intervention que deux visions du système de santé avaient échoué : la vision étatique, comme en Grande-Bretagne, comme la vision purement libérale, à l'exemple des Etats-Unis. Voilà déjà un socle sur lequel nous pouvons engager un débat et poser nos différences.
    Notre système, avez-vous dit, est extrêmement complexe et je suis bien de votre avis. J'irai même plus loin : pour ceux qui s'intéressent comme moi à l'analyse des systèmes de gestion des grandes structures, il est en théorie quasiment ingérable. Et pourtant, il est géré !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Au fil de l'eau...
    M. Jean Le Garrec. Je me laisserai même aller à dire que notre système est, sinon le meilleur - je n'aime pas ce côté « cocorico » -, mais certainement le moins mauvais. En tout cas, pas à bout de souffle : c'est là une expression que je n'accepte pas. Reste qu'il suppose, pour résister, une définition très précise des responsabilités. Or, pour l'instant, celles-ci se confondent, faute d'être parfaitement délimitées.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ça c'est vrai !
    M. Jean Le Garrec. Il n'est qu'à voir du côté de l'Etat : c'est lui qui est le garant des politiques publiques de santé, mais c'est vers lui qu'on se retourne systématiquement chaque fois que quelque chose cloche. Je n'ai jamais vu une corporation médicale, ou paramédicale, faire ses démonstrations de force ailleurs que rue de Grenelle. Jamais devant la CNAM !
    M. Yves Bur, rapporteur. Il faut que cela change !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, et M. Jean Bardet, rapporteur. Il faudra leur indiquer où est l'avenue de Ségur !
    M. Jean Le Garrec. Cela prouve bien l'état de confusion. Et c'est précisément sur ce point que porteront mes premières remarques.
    Le paritarisme tout d'abord : il faut le réactiver. Mais cela pose un problème fondamental, celui de la représentativité. Tout compte fait, nous sommes dans une situation paradoxale : les dernières élections à la sécurité sociale remontent à 1983, sous l'autorité du gouvernement de Pierre Mauroy, que je soutenais activement. C'est absolument anormal. Nous n'en avons jamais plus organisé, c'est une erreur, je le reconnais.
    M. Yves Bur, rapporteur. C'est bien de le reconnaître !
    M. Jean Le Garrec. Qui peut dès lors assumer quelque responsabilité que ce soit, y compris vis-à-vis des professions et des citoyens, sans pouvoir exiger de la moindre représentativité ?
    M. Maxime Gremetz. Parfaitement ! On le propose tous les ans, mais on ne nous écoute pas !
    M. Jean Le Garrec. Cela vaut pour les organisations syndicales, mais aussi pour le MEDEF. Ce n'est pas mon style d'en rajouter, mais réintégrer le MEDEF, comme le propose votre article 38, dans la commission des accidents du travail sans poser le problème général de la représentation du MEDEF à la CNAM m'apparaît largement excessif. D'autant, et vous le savez fort bien, que c'est probablement un des sujets dans lesquels les réalités du travail sont le moins prises en compte... Je comprends très bien que le MEDEF ait tout intérêt à se mettre au sein de son sujet. Mais pourquoi ne pas avoir saisi cette occasion pour lui demander clairement s'il entendait participer de nouveau à la gestion paritaire de la CNAM ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Cela a été fait !
    M. Jean Le Garrec. Cela a été fait et il vous a répondu non... Au moins les choses sont claires ! Cela prouve bien que le MEDEF cherche d'autres objectifs que le maintien du paritarisme. Je m'en doutais, je le savais même, mais vous venez de me le confirmer. Et c'est grave. Cela montre bien que quelque chose ne marche pas, ou que sur un pied, et qu'il faut le prendre en compte. C'est un point fondamental, un des points clés.
    Venons-en à la responsabilité des professions de santé. J'ai beaucoup de respect, vous le savez, pour les médecins. Leur rôle est difficile et ils vivent dans une contradiction qu'il nous faut reconnaître, mais qu'eux aussi doivent assumer. Ayons le courage du langage. Les médecins sont souvent des professionnels de grande qualité, confrontés à l'exercice du métier le plus dificile qui soit, puisque c'est celui qui touche le plus près à notre condition humaine : la vie, la douleur, les angoisses, la mort. Pour cela, je les respecte profondément. Mais en même temps, et c'est là le paradoxe de ce mot « libéral », disons-le clairement et discutons-en avec eux, les médecins sont ordonnateurs de dépenses publiques. C'est là une véritable contradiction qu'il leur faut assumer. C'est la seule profession libérale que je connaisse dont le financement soit assuré par la collectivité publique.
    Ce problème-là, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas le laisser de côté. C'est probablement, avec le paritarisme, la clé du fonctionnement du système. Vous-même, dans votre intervention, avez pointé du doigt cette difficulté. Il en est de même du développement excessif des indemnités journalières, que vous avez évoqué.
    Or cette contradiction n'est pas totalement assumée par les médecins. D'une certaine manière, elle les gêne, elle peut être en contradiction avec leur déontologie. C'est pourtant la réalité. J'ose même dire, pour en avoir souvent discuté avec eux, que si ce problème n'est pas posé, c'est le système dans son ensemble qui un jour ou l'autre sera remis en question, un système auquel les médecins sont pourtant fondatementalement attachés.
    Comment surmonter cette contradiction, comment l'assumer complètement ? Cette question, il faut la leur poser. Faute de quoi, le dialogue restera extrêmement difficile. Je peux en témoigner pour avoir assisté au Grenelle de la santé en tant que président de la commission des affaires sociales et avoir entendu avant même que le ministre ne prenne la parole, cinquante-six interventions différentes : force est de reconnaître - j'emploie les mots à dessein, il n'a du reste rien de choquant, que les professions de santé comme les professions paramédicales ont des formes d'expression très corporatistes. Comment, dès lors, trouver le bon cheminement ? Cette question, monsieur le ministre, nous avons eu le souci de la prendre en compte.
    Après l'échec du plan Juppé...
    M. Yves Bur, rapporteur. Echec partiel !
    M. Jean Le Garrec. ... nous avons voulu nous y employer. Je me souviens de missions que j'avais confiées à des membres de la commission des affaires sociales ; par exemple la mission Evin, dans laquelle tout le monde était représenté et qui avait présenté dix propositions. Je me souviens de nos débats ici même, comme du texte que nous avons fait adopter en février 2002 dont les cosignataires étaient Jean-Marc Ayrault, Claude Evin et moi-même. Il a été promulgué en mars... Trop tard, je vous l'accorde, mais promulgué tout de même.
    Or ce texte, précisément, définissait un nouveau cadre conventionnel. Vous le connaissez, j'en suis sûr. Il posait, entre autres, le principe de la création d'un accord-cadre applicable à l'ensemble des professions exerçant en ville : dispositions transversales, relations avec les caisses, mesures de renforcement de la qualité et de la coordination des soins, promotion des engagements collectifs et individuels par profession.
    Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu'on puisse appeler à une nouvelle gouvernance sans s'appuyer sur cette approche qui définit finalement tout un ensemble de relations complexes en posant la question des devoirs et celle des droits ou, si vous préférez l'inverse, la question des droits et celle des devoirs. Démarche incontestablement difficile, mais je ne vois pas d'autre approche, tant qu'on ne m'en aura pas trouvé une, capable de surmonter cette contradiction.
    Je plaide volontiers coupable : nous avons trop tardé à mettre au point cet ensemble. Mais vous pourriez au moins, monsieur le ministre, nous rendre hommage pour l'avoir fait en reconnaissant que c'est là-dessus que vous comptez vous appuyer pour aller plus loin. Cela lèverait beaucoup d'ambiguïtés - j'en relèverai une tout à l'heure - et nous permettrait d'avancer un peu. C'est aussi cela, la nouvelle gouvernance.
    Autre point essentiel : celui de la maîtrise. Là encore, nous nous heurtons à une contradiction. Il est clair que la santé est un bien premier. D'où une demande naturellement en augmentation, et par voie de conséquence une dépense croissante en biens de santé. C'est un phénomène social, mais également économique : ne parle-t-on pas souvent d'économie de la santé ? Dès lors, bien évidemment, le problème se pose : quelle part de ressources la collectivité nationale est-elle capable de consacrer dans cette démarche de préservation de ce bien premier qu'est la santé ? Encore faut-il, avez-vous dit vous-même, que le taux de croissance soit supportable par nos concitoyens. Le problème est bien cadré. Ajoutons, et sur ce point aussi je partage votre avis, qu'une croissance non maîtrisée des moyens n'est pas pour autant garante d'une amélioration des politiques de santé.
    N'ayons donc pas peur d'employer le mot comptable. Il n'est pas choquant. Il y a une commission des comptes, une loi de financement  - cela aussi, ce sont des comptes. Si l'on ne compte pas, monsieur le ministre, il y a toujours au bout de la course quelqu'un qui paie. Et c'est en général le plus fragile, celui qui n'en a pas les moyens. D'où les politiques menées par nombre de gouvernements, où tantôt l'on augmentait le taux de cotisation, tantôt l'on diminuait le taux de remboursement, et parfois l'un et l'autre en même temps...
    A cet égard, monsieur le ministre, Claude Evin l'a évoqué, j'y reviens en quelque mots, votre approche concernant le remboursement des visites, justifiées ou pas, ou le remboursement à hauteur du générique si le princeps a été prescrit par le médecin, m'apparaît totalement déséquilibrée. Parce qu'en définitive, c'est au patient que vous faites supporter le problème, alors que l'autorité fondamentale, en termes d'éducation, de conviction, d'influence sur le malade, c'est bien le médecin qui la détient.
    Ce problème-là aussi doit être posé. Ayons le courage de parler nettement, monsieur le ministre. Le débat en sera plus facile et les choses n'en iront que mieux.
    Dernière remarque, sur les inégalités. Sujet extrêmement important, car il pose le problème du rôle de l'hôpital et de son évolution. Nous avions réussi, vous le savez, à mettre en place une péréquation sur trois régions : Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Poitou-Charentes, la région du Premier ministre. Je lui ai posé la question de l'évolution de cette péréquation. Je sais qu'il vous a transmis le dossier. La réponse ne peut être que parfaitement claire, car elle met en jeu l'autorité de la puissance publique et de l'Etat. En cinq ans, grâce à ce système de rééquilibrage, nous avons sensiblement amélioré l'offre de soins pour des citoyens qui, pour de multiples raisons, se retrouvaient victimes d'inégalités en matière de santé parfois très criantes. Cette politique, il faut la poursuivre.
    Cela m'amène parfois à m'interroger sur les méthodes de gestion des CHU. Le mode de fonctionnement de ces énormes machines, si complexes, qui comptent des milliers de salariés est-il à la hauteur des problèmes posés ? Certains économistes de santé considèrent d'ailleurs, à raison me semble-t-il, que l'application des 35 heures oblige à réexaminer le fonctionnement de ces grands systèmes, à regarder en détail comment ils sont articulés. Car on ne pourra pas faire l'économie de ce problème d'articulation.
    De la même façon, monsieur le ministre, on ne pourra pas éviter la réflexion sur la carte sanitaire et sur la démographie médicale. On sait que l'offre est insuffisante dans certaines régions et surabondante dans d'autres. Là encore, la solution passe par une véritable démarche de responsabilité et un langage de vérité, y compris, et tout particulièrement, du côté des professions médicales.
    Nouvelle gouvernance, maîtrise, inégalités : voilà, pour schématiser, les trois problèmes qui sont au coeur de nos débats, ceux où nous pouvons avoir des divergences ; et si nous sommes capables de les dépasser, ce sera tant mieux.
    En 2000, à l'occasion du PLF 2001, vous avez parlé d'une « profonde antinomie entre le prétendu statut des professions libérales et les contraintes de l'Etat. Il n'est pas sain qu'il soit prisonnier d'un monopole qui impose des règles d'exercice ». Cette déclaration m'inquiète beaucoup, monsieur le ministre. Je ne crois pas, et vous pas davantage, que la sécurité sociale soit un monopole : c'est une création collective. Dès lors, il revient à l'Etat d'imposer des règles d'exercice si l'on veut faire en sorte que cet acquis historique, extraordinaire soit protégé. Cette question est probablement au coeur de notre débat. J'espère que cette phrase, que j'ai relue attentivement, ne restera qu'une phrase de circonstance. Encore faut-il que, sur ce point, nous nous fassions bien comprendre afin que le débat soit mené comme il doit l'être en démocratie, entre majorité et opposition, et que les citoyens aient pleinement conscience des enjeux dont nous débattons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.
    M. Maxime Gremetz. Ah non ! C'est mon tour. (M. Maxime Gremetz monte à la tribune.)
    M. Yves Bur, rapporteur. Voilà M. Gremetz qui monte à l'assaut de la tribune ! (Sourires.)
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, j'ai une liste très précise, et...
    M. Maxime Gremetz. Excusez-moi, madame la présidente, mais il y a des choses que je n'accepte pas.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, il faut faire les choses dans les formes. Je vais donc demander à M. Lemoine, qui était inscrit avant vous, s'il accepte que vous parliez avant lui.
    M. Maxime Gremetz. Mais de toute façon, c'était à moi de parler !
    M. Jean-Claude Lemoine. J'accepte, madame la présidente.
    Mme la présidente. Merci, monsieur Lemoine.
    La parole est donc à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Arrêtez avec ça, madame la présidente. Il y a des choses qui ne se font pas, et ça me met en colère, c'est tout.
    Monsieur Lemoine, venez parler. Moi, vous savez, je suis gentil. (M. Maxime Gremetz descend de la tribune.)
    M. Jean-Claude Lemoine. Mais je viens d'accepter de parler après vous !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.
    M. Maxime Gremetz. On ne me fera pas le coup deux fois ! C'était pour vous montrer ce qui peut se passer quand on veut arranger les affaires comme ça, madame la présidente !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, nous en reparlerons et je vous expliquerai tout. Vous avez la parole, monsieur Lemoine.
    M. Jean-Claude Lemoine. Je suis désolé de cet incident, madame la présidente, mais j'aurais volontiers accepté de céder la place à M. Gremetz.
    Mme la présidente. J'ai bien noté, monsieur Lemoine. Vous avez la parole.
    M. Jean-Claude Lemoine. Monsieur le ministre, vous vous êtes livré à un exercice bien difficile en nous présentant le projet de loi de financement d'une sécurité sociale bien mal en point. Un exercice difficile à cause du déficit énorme enregistré. Un exercice difficile, aussi, à cause de nombreux dysfonctionnements, d'ailleurs soulignés par la Cour des comptes. Exercice difficile, enfin, parce que notre système de sécurité sociale est parmi les plus généreux du monde et que la santé coûte et coûtera de plus en plus cher, les Français vivant, et c'est heureux, de plus en plus longtemps et devant bénéficier des progrès de la science, qui sont évidemment onéreux.
    Si, pour reprendre votre expression, la santé n'a pas de prix, elle a un coût. Et si nous voulons que les Français continuent de bénéficier de l'un des meilleurs systèmes de santé au monde, il faut s'attaquer aux évidentes difficultés qui sont apparues depuis longtemps et remédier aux trop nombreux dysfonctionnements.
    Le PFLSS pour 2003 marque un tournant décisif, puisqu'il précède la loi de programmation quinquennale de santé publique, laquelle permettra de clarifier le rôle de chacun des acteurs et de bien distinguer entre les dépenses de soins qui dépendent de la solidarité nationale - donc de la sécurité sociale -, celles qui doivent être financées au titre de la santé publique, et celles qui doivent rester à la charge des citoyens. C'est sur ce point particulier que je souhaite m'exprimer.
    Pour éviter les dérives que l'on a pu constater en ce domaine, et pour réussir la réforme indispensable que vous nous présenterez dans quelques mois, le premier impératif, me semble-t-il, est de rétablir la confiance de tous les professionnels de santé et de les faire participer à ce grand chantier, de les responsabiliser. Compte tenu des malaises existants et des nombreux conflits passés, la tâche est difficile. Vous l'avez entamée et vous êtes en passe de l'accomplir. La suppression du système des lettres-clés flottantes ainsi que celle des comités régionaux médicaux ont été fort bien accueillies par les professionnels et sont hautement justifiées. Mais il faut aussi que soit reconnus, au travers de justes rémunérations, leur professionnalisme, la pénibilité de leur travail et la lourde responsabilité qu'ils assument. A cet égard, les actions que vous avez entreprises vont dans le bon sens, mais vous savez qu'elles sont encore insuffisantes pour attirer - et même pour conserver - des médecins et des personnels paramédicaux en nombre suffisant.
    Nous connaissons tous leur insuffisance en nombre, dans le secteur public comme dans le secteur libéral. Par exemple, dans mon seul département - qui est un petit département -, cinquante généralistes sont partis en préretraite ou en retraite sans avoir de successeur. Une clinique chirurgicale et une maternité ont fermé leurs portes faute de praticiens. Conséquence : l'hôpital local est engorgé et manque lui aussi de professionnels. Pour remédier à ce problème, vous avez pris, monsieur le ministre, deux mesures fort utiles, en supprimant le mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité des médecins et en permettant à leurs bénéficiaires comme aux retraités d'avoir une activité, ce qui soulagera leurs confrères actuellement incapables de trouver des remplaçants. Vous avez également augmenté le numerus clausus, ce qui, malheureusement, ne produira des effets que dans dix à quinze ans.
    En attendant, au travers d'une légère modification des études médicales, et pour répondre à l'insuffisance de l'offre de soins, ne serait-il pas possible que les étudiants qui sont en fin d'études fassent obligatoirement - ce qui leur serait profitable - un stage auprès de praticiens responsables, et ce dans les mêmes conditions que celles où s'effectue aujourd'hui un remplacement ? En augmentant l'offre de soins dans le secteur libéral, des économies substantielles seraient faites, évitant des hospitalisations ou le recours aux services d'urgence.
    Et d'ailleurs, le numerus clausus est-il aujourd'hui justifié ? Quand on voit que certains de nos jeunes sont empêchés d'exercer le métier qu'ils ont choisi, non à cause de connaissances insuffisantes mais parce que le nombre de places est limité, alors que dans le même temps, nous sollicitons des jeunes étrangers pour tenir des services hospitaliers, il est permis de se poser la question. Il n'a jamais été prouvé qu'une diminution de praticiens engendrait des économies. On pourrait même, je crois, prouver le contraire.
    Le deuxième impératif que j'évoquais à l'instant est de responsabiliser les citoyens. Une dernière enquête prouve que ceux-ci y sont prêts. Vous avez commencé de vous atteler à cette tâche, monsieur le ministre, on le voit à travers l'article 3, l'article 4 et surtout l'article 17. Mais je crois qu'il reste encore beaucoup d'économies à faire. La sécurité sociale n'a pas vocation à - et ne peut plus - rembourser tout et n'importe quoi au titre de la solidarité nationale.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Jean-Claude Lemoine. La solidarité nationale ne consiste pas à rembourser les risques volontairement pris par les citoyens ni leurs choix de luxe dans des soins pour convenance personnelle.
    M. Yves Bur, rapporteur. C'est vrai.
    M. Jean-Claude Lemoine. Parlons d'abord des soins pour convenance personnelle. Est-il normal que la sécurité sociale rembourse, au tarif des spécialistes, des professeurs agrégés, des actes qui ne justifient pas leur intervention ? Par exemple, une consultation pour la contraception, des visites systématiques - et remboursées à 100 % - des nouveaux-nés ne peuvent-elles pas être assurées par un généraliste ? Pour moi, si. Si tel n'était pas le cas, il faudrait supprimer la médecine générale ! Chacun a le choix de son praticien, et il doit continuer d'en être ainsi. Mais il convient d'instaurer un remboursement plancher pour de tels actes.
    De même, il est normal qu'un citoyen, pour un quelconque symptôme, s'auto-prescrive des examens radiographiques onéreux alors qu'une simple consultation aurait suffi à régler le problème ? Chaque remboursement d'examen radiologique doit être conditionné, me semble-t-il, à une prescription médicale. Là aussi, je crois qu'il y a des économies à faire, des économies qui seraient, de plus, profitables au patient. On sait, par exemple, qu'une endoscopie ou un cliché d'estomac, qui sont des clichés normaux, peuvent rassurer un patient dont les douleurs gastriques sont d'origine coronarienne. A coup sûr, ces quelques exemples pourraient être multipliés. Responsabiliser les citoyens, ce que vous avez commencé de faire, monsieur le ministre, sera la source d'énormes économies.
    En ce qui concerne les risques volontaires et choisis, la frontière, bien sûr, est difficile à tracer. Certes, le tabac - vous nous en parlez souvent, monsieur le ministre - et l'alcool, quand ils sont abusivement consommés, sont extrêmement nocifs. Mais dans ces cas-là, la responsabilité exacte du patient est bien difficile à établir. Il n'en est pas de même pour d'autres risques. Je pense par exemple à certaines pratiques sportives. Escalade, rallye auto, trial, ski alpin, ski nautique, alpinisme, parapente et beaucoup d'autres activités sportives et de loisir sont sources de traumatismes variés, qui vont de la simple fracture à l'invalidité totale et définitive, en passant par des amputations, des accidents nécessitant le recours à des appareillages, ou des séances de rééducation. Ces soins, sauf le cas d'une mise en cause de tiers, sont financés au titre de la solidarité nationale.
    Est-ce normal ? Je ne le crois pas. Dans ces circonstances, l'individu soit s'assurer lui-même. C'est possible, et c'est accessible à tous : s'assurer pour une semaine aux sports d'hiver, par exemple, doit coûter le prix d'un paquet de cigarettes, même avant l'augmentation, ou si l'on préfère, le prix de deux apéritifs. Il y a là, me semble-t-il, des sources d'économie non négligeables.
    Beaucoup d'autres économies sont possibles, tout en améliorant la qualité des soins, ce qui nécessite les réformes amorcées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    L'hôpital, nous le savons, engloutit une part importante du budget de la santé. La « tarification à la pathologie » - je l'appelle ainsi - que vous voulez mettre en place modifiera la destination des lits et aura une influence bénéfique sur les dépenses. Mais à lire les observations de la Cour des comptes sur de nombreux dysfonctionnements existants, on ne peut que s'interroger sur la gestion de certains établissements. Je pense que ces dysfonctionnements n'existent pas, ou beaucoup moins, dans les hôpitaux militaires. Pourquoi ? Leur gestion est assurée par des directeurs qui ont reçu, comme dans les hôpitaux civils, des formations adaptées et de qualité, mais surtout, ces directeurs sont aussi des médecins. Est-ce la raison qui explique le manque ou l'insuffisance de projets d'établissement de nos hôpitaux publics ? Je pose simplement la question.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. C'est une bonne question !
    M. Jean-Claude Lemoine. De même, autant le temps plein hospitalier mis en place par le professeur Debré a amélioré sans conteste la qualité des soins, autant sa généralisation dans presque tous les hôpitaux me paraît excessive, onéreuse et inapplicable.
    Elle est excessive, parce que vingt lits occupés en moyenne dans un service hospitalier ne me paraissent pas justifier la présence de deux ou trois praticiens à temps plein - le cas peut se rencontrer. Deux ou trois temps partiels, avec ou sans un temps plein, seraient suffisants.
    Elle est onéreuse parce que, pardonnez-moi cette évidence, trois temps pleins coûtent plus cher que trois temps partiels.
    Elle est inapplicable, enfin, parce que nous manquons de médecins. Et faire participer les médecins de ville à la bonne marche de l'hôpital facilitera la complémentarité entre les systèmes privé et public.
    Dans votre projet de loi, monsieur le ministre, nous trouvons également une mesure nouvelle qui doit engendrer des économies sensibles dans les dépenses pharmaceutiques. Là encore, d'autres économies notables pourraient être faites, par exemple en instituant la délivrance de médicaments à l'unité, en vrac, comme cela se fait dans beaucoup d'autres pays. On constate trop souvent des conditionnements inadaptés aux prescriptions, qui entraînent un gâchis important.
    Voilà, monsieur le ministre, quelques réflexions d'un ancien praticien qui votera avec enthousiasme votre projet de loi et qui attend beaucoup des réformes que vous allez mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, monsieur le ministre,...
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. L'heure est grave !
    M. Maxime Gremetz. ... je dispose donc de cinq minutes pour évoquer une réforme dont on dit qu'elle va être engagée, je veux parler de la réforme des retraites. On en parle depuis très longtemps. Il existe un conseil d'orientation des retraites. J'ai participé à nombre de ses travaux. Je veux donc faire quelques remarques à ce sujet.
    D'abord, les jours se suivent et ne se ressemblent pas,...
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. C'est vrai.
    M. Maxime Gremetz. ... puisque, après avoir entendu dire, du côté de Matignon, que le Gouvernement aurait abandonné l'idée de fonds de pension, voilà qu'on entend M. Copé qui déclare cet après-midi que ce projet, inscrit dans le programme politique de la majorité, n'est absolument pas abandonné. Simplement, il n'y a pas, pour l'instant, de calendrier fixé, et il est un peu prématuré d'avancer une date pour sa mise en oeuvre. Hier, on l'abandonnait. Aujourd'hui, on le maintient. Qui dit la vérité ?
    Quoi qu'il en soit, je suis persuadé que, comme le Gouvernement et le Président de la République l'ont dit, vous vous orientez vers la mise en place des fonds de pension. La seule chose, c'est que c'est un peu délicat de le faire en ce moment. L'opinion publique et les salariés français ont pu mesurer que ces fonds de pension, qu'on leur présentait comme un eldorado, se sont écroulés comme un château de cartes avec l'affaire Enron et beaucoup d'autres affaires. Il faut donc, sans doute, « se presser d'attendre » : ce doit être cela, la philosophie qui a été choisie. Mais cela ne veut pas dire que le projet a été abandonné.
    Notre conviction profonde, et l'expérience internationale le montre, c'est que les fonds de pension sont incompatibles, contrairement à ce que l'on affirme, avec la retraite par répartition.
    M. François Goulard, rapporteur pour avis. Ah bon ?
    M. Yves Bur, rapporteur. Et la PREFON, c'est quoi ?
    M. Maxime Gremetz. Car les fonds de pension minent le système de la répartition et le remettent en cause.
    M. Yves Bur, rapporteur. Est-ce que la PREFON mine le système de pension des fonctionnaires ?
    M. Maxime Gremetz. La PREFON, c'est un système très particulier, très limité. Cela n'a rien à voir avec un grand régime de retraite à l'échelle nationale.
    En quels termes se pose le problème des retraites ? D'abord, nous souhaitons un grand débat national, car le choix d'un système de retraites pour les salariés mais aussi pour tous les Français, c'est un choix de société. Et comme pour tout choix de société, on devrait présenter les enjeux nationaux - tous les enjeux nationaux - dans leur diversité. Et le peuple français doit pouvoir être consulté sur une question comme celle-ci, c'est-à-dire qu'il faut un référendum.
    M. Yves Bur, rapporteur. Vous aviez cinq ans pour le faire, ce débat de société !
    M. Maxime Gremetz. On parle beaucoup de décentralisation, de consultation, de concertation.
    M. Yves Bur, rapporteur. Mais oui. Vous serez servi !
    M. Maxime Gremetz. Alors justement, sur ce problème, je crois vraiment qu'on devrait consulter les Françaises et les Français.
    On a beaucoup insisté sur le fait que notre démographie posait un problème énorme pour notre système de retraite. Non ! Regardons les choses telles qu'elles sont. Le Conseil d'orientation des retraites a beaucoup étudié cette question : il n'y a pas de problème démographique...
    M. Dominique Tian. Ce n'est pas possible de dire des choses pareilles !
    M. Maxime Gremetz. ... insurmontable ! Je dis bien : il n'y a pas de problème démographique insurmontable.
    M. Yves Bur, rapporteur. Cela n'empêche pas qu'il faut une réforme !
    M. Maxime Gremetz. Il faut une réforme, oui, mais pas comme certains l'entendent. Il y en a qui réduisent la réforme à une seule chose : reculer l'âge de la retraite. Il me semble qu'à Barcelone certains se sont mis d'accord pour dire qu'il fallait reculer l'âge légal de la retraite, jusqu'à soixante-trois ans s'il le faut !
    M. Yves Bur, rapporteur. Oui, tout à fait. C'est M. Jospin qui avait signé cela, je crois.
    M. Maxime Gremetz. M. Jospin et M. Chirac.
    Mme la présidente. Monsieur Bur, laissez parler M. Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Non, madame la présidente, M. Bur éprouve le besoin de préciser, et il a raison. C'est nécessaire de préciser les choses.
    Mais il y a une autre idée que certains ont en tête quand ils parlent de « réforme » : augmenter le nombre des annuités de cotisation. Avec M. Balladur, on était passé de trente-sept annuités et demie à quarante annuités. Personne n'a remis cela en cause, malgré la volonté qui était la nôtre. Et aujourd'hui, on nous propose d'augmenter encore la durée de cotisation. On nous dit que sans cela, ce sera la baisse des prestations. Vous connaissez le discours de la pensée unique dans ce domaine. C'est ce qu'on entend partout, sauf chez nous.
    M. Yves Bur, rapporteur. Oui, les communistes ont la recette, eux !
    M. Maxime Gremetz. Nous pensons, monsieur le ministre, qu'on devrait, premièrement, affirmer l'égalité. Mais une égalité par le haut. C'est-à-dire qu'il faut en revenir à une durée de cotisation de trente-sept annuités et demie pour tous les salariés, qu'ils soient du privé ou du public.
    Deuxièmement, certains ont voulu s'attaquer aux régimes spéciaux. Je leur souhaite beaucoup de plaisir.
    M. Yves Bur, rapporteur. Des menaces ?
    M. Ghislain Bray. Oui. C'est Max la Menace !
    M. Maxime Gremetz. Je vous le dis très tranquillement, dans le contexte politique où nous sommes, à ceux qui veulent s'attaquer aux régimes spéciaux. Je comprends pourquoi ils se disent : « On va gagner un peu de temps ». Mais il faut qu'ils sachent que cela ne se passera pas comme ça ! Parce que ces régimes sont le produit de l'histoire, ils ont été construits par les salariés eux-mêmes dans des conditions tout à fait particulières. Ils ne laisseront pas remettre en cause ces régimes spéciaux et ils ont tout à fait raison.
    Troisièmement, il faut assurer une pension digne. Je dois vous dire qu'à ce propos, je ne comprends pas que l'on puisse dire, comme vous l'avez dit ce matin, que les pensionnés, les retraités ont suffisamment de pouvoir d'achat aujourd'hui. Je rappelle que le pouvoir d'achat des retraités, ces dernières années, a baissé de 12 %. Et c'est le chiffre officiel. Oh, vous pouvez dire non de la tête, mais je vous montrerai les chiffres : je les ai ici, et je pourrai vous les faire voir dans le détail. Et ce que vous proposez, c'est une augmentation très faible des pensions de retraite. Très faible, c'est le moins que l'on puisse dire, puisqu'elle est inférieure à l'inflation. Ce sera donc une nouvelle perte de pouvoir d'achat. Il y a des retraités riches, et même très riches, mais il y a aussi quelques millions de retraités très pauvres, vous le savez comme moi.
    M. Dominique Tian. Parmi les agriculteurs, par exemple.
    M. Maxime Gremetz. Il faut réfléchir à tout cela. En tout cas, en ce qui nous concerne, c'est dans cet esprit que nous entendons participer au nécessaire débat national sur les retraites, en souhaitant que tout soit mis à plat, afin que nos concitoyens puissent mesurer les enjeux auxquels nous sommes tous confrontés et que nous puissions faire le choix qui s'impose et qui est un choix de société.
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, n° 250 :
    MM. Yves Bur, Jean Bardet, Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Denis Jacquat, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tomes I à V du rapport n° 330) ;
    M. François Goulard, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 327).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT