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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 6 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 5 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Décisions du Conseil constitutionnel sur des requêtes en contestation d'opérations électorales «...».
2.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
MM.
Daniel Paul,
Jacques Domergue,
Pierre Cohen,
Jean Dionis du Séjour,
Jean-Yves Le Déaut,
Christian Philip,
Claude Birraux.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Réponses de Mme la ministre aux questions de : MM. Daniel Paul et Claude Birraux.

JEUNESSE, ÉDUCATION NATIONALE ET RECHERCHE
III. - Recherche et nouvelles technologies
ÉTAT B
Titre III «...»

Amendement n° 110 de M. Cohen : MM. Pierre Cohen, le rapporteur spécial, Mme la ministre, MM. Claude Gatignol, rapporteur pour avis ; Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis ; Jean-Yves Le Déaut, Daniel Paul. - Rejet.
Adoption du titre III.

Titre IV. - Adoption «...»
ÉTAT C
Titres V et VI. - Adoptions «...»

Renvoi de la suite de la discussion budgétaire à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de trois décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.
    Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

2

LOI DE FINANCES POUR 2003
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

RECHERCHE ET NOUVELLES TECHNOLOGIES

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche concernant la recherche et les nouvelles technologies.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, mes chers collègues, les grands pays, les puissances qui comptent, ont tous sans exception une politique de la recherche forte, moteur essentiel d'une économie puissante, la moins tributaire possible des brevets étrangers et donc de leurs royalties, et condition indispensable à l'exercice de la souveraineté, ne serait-ce, à titre d'exemple, que dans le domaine militaire. Sur ce constat, nous nous accordons tous - tout au moins, je l'espère.
    Par conséquent, dans une société moderne, le rôle de l'Etat est primordial, pour impulser une politique de la recherche à même de répondre aux enjeux qu'implique une politique nationale, civile et militaire, puissante et indépendante. Cela dit, dorénavant, une telle politique s'inscrit plus dans un contexte européen que dans un cadre strictement national.
    La poursuite d'un tel objectif exige des efforts financiers et budgétaires importants : la plupart des grands pays les évaluent à environ 3 % du PIB. Du reste, un certain nombre de pays d'Amérique du Nord, d'Asie et d'Europe atteignent ce chiffre.
    La méthode utilisée par ces pays pour y parvenir est simple : elle conjugue étroitement et harmonieusement les efforts de la puissance publique et ceux des entreprises, ce partenariat ne recoupant pas obligatoirement le secteur de la recherche fondamentale par rapport à celui de la recherche appliquée.
    Par rapport à ses concurrents, notre pays se distingue, et pas forcément en bien. En effet, au-delà même du clivage droite-gauche qui prévaut par exemple dans notre assemblée, notre recherche semble soumise à une certaine idéologie : elle n'est idéalisée, voire idolâtrée, que dans la mesure où elle est publique et où elle rassemble de gigantesques bataillons de fonctionnaires chercheurs, manoeuvrant sous la bannière de quelques grandes institutions - oserais-je parler de « machins, » comme on disait autrefois, ou de « mammouths, » comme on l'a dit plus récemment - qui, au demeurant, ont tendance à se jalouser les unes les autres et à empiéter sur le secteur occupé par leur voisin au prétexte de transversalité et d'interdisciplinarité.
    Non, l'efficacité de la recherche d'un pays ne se mesure pas uniquement au nombre des fonctionnaires qu'elle occupe, lesquels sont souvent enserrés dans le carcan stérile de leur statut et potentiellement démotivés. Rester enfermé dans un tel cadre, n'attendre de résultats que de l'augmentation - assez chiche d'ailleurs - des crédits budgétaires, serait persévérer dans l'erreur.
    Certes, les crédits publics doivent augmenter, mais il faut avoir pour préoccupation essentielle de dépenser mieux plutôt que de dépenser toujours plus. Pour cela, il faut s'orienter davantage vers des thématiques de recherche, plutôt que rechercher à assurer, comme cela a été le cas les années précédentes, la survie de corporatismes institutionnels.
    Le volume du budget civil de recherche et de développement de notre pays est sensiblement équivalent à ceux des pays qui nous sont comparables. En revanche, là où il existe une différence considérable entre notre pays et les grandes puissances scientifiques, c'est dans la contribution qu'apportent les entreprises : bien que dépassant les dépenses de l'administration, celles des entreprises de notre pays restent très inférieures à ce qu'elles sont ailleurs. De plus, l'effort des entreprises reste concentré sur des grands groupes : les 100 entreprises les plus importantes réalisent 67 % des activités de recherche et développement et représentent 58 % des effectifs totaux de la recherche. En outre, la recherche ne concerne qu'un petit nombre de secteurs d'activité : construction aéronautique et spatiale, automobile, pharmacie, chimie, équipements de communication.
    Un tel constat, riche de sens, doit nous inciter à conduire une politique moderne et à visée prospective en matière de recherche. Faisons ce qui réussit ailleurs, valorisons mieux, dynamisons nos grandes institutions de recherche - les mammouths doivent redevenir des pur-sang - et menons une vraie politique incitative de la recherche dans les entreprises, faute de quoi notre déclin, déjà perceptible, sera alors irréversible.
    Au vu de ces considérations, quels commentaires peut-on formuler sur la politique budgétaire proposée ?
    Incontestablement, ce projet de budget s'inscrit dans le cadre d'un effort de recherche scientifique et de développement technologique destiné à préparer notre avenir.
    Les efforts entrepris permettent de garantir la capacité d'innovation et le dynamisme de notre économie, mais également la cohésion et le développement de notre société. Ils doivent permettre le rayonnement de la France et de l'Europe dans un contexte de concurrence accrue. Cela peut apparaître comme une pétition de principe convenue.
    M. Daniel Paul. Oui !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Ce n'est malheureusement pas tout à fait le cas, car des idéologies obscurantistes, des dogmes, que l'on pouvait croire définitivement abandonnés, semblent ressurgir et bénéficient de soutiens. Cela ne concerne encore, pour l'instant, que certaines communautés, mais, si cette tendance devait perdurer, l'appui étonnant des pouvoirs publics dans divers pays ne pourrait que faire courir un risque certain à la recherche et à la connaissance. Même dans notre pays, nous ne sommes pas à l'abri, puisqu'il y a peu, un titre universitaire a été accordé pour un travail de recherche sur l'astrologie, travail dont l'intérêt n'échappera à personne !
    En Europe, pour l'essentiel, nous continuons de raisonner sainement. L'objectif fixé par le Conseil européen de Barcelone de porter la dépense intérieure de recherche et de développement à 3 % du PIB à l'horizon 2010 est louable. Il a été réaffirmé par le Président de la République ainsi que par le Premier ministre lors de son discours de politique générale prononcé devant l'Assemblée le 3 juillet 2002. C'est là la perspective qui doit être la nôtre.
    Synthèse de cet objectif et de l'impératif de maîtrise des dépenses publiques dans un contexte économique hésitant, le budget de la recherche et des nouvelles technologies mobilisera, en 2003, 6 130,6 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une diminution de 1,3 % par rapport à 2002, et 2 359,5 millions d'euros en autorisations de programme, soit une hausse de 4,1 % par rapport à 2002.
    Le projet de budget civil de la recherche et de développement pour 2003, qui regroupe l'ensemble des contributions des différents ministères à la politique en faveur de la recherche et du développement, s'élève à 8 845,9 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une hausse apparente de 1,4 % par rapport à 2002, mais en fait une diminution de 1,35 % à périmètre constant. Le montant des autorisations de programme est, en revanche, en hausse de 1,2 % et atteint 3 880,9 millions d'euros. L'augmentation du montant des autorisations de programme doit être saluée, car elle garantit une progression des investissements. L'évolution des dépenses ordinaires, mais surtout des crédits de paiement, tient compte de l'importance des crédits non consommés dans les établissements publics et les fonds d'intervention, estimés à environ 720 millions d'euros, qui devraient être disponibles pour ces organismes et instances en 2003.
    Dans ce cadre budgétaire, la priorité est donnée à la création d'un environnement favorable à la recherche. Sont ainsi privilégiés l'emploi des ingénieurs et des techniciens, l'aide à la recherche publique et le soutien aux applications économiques de la recherche. Mais, surtout, l'objectif est d'assouplir les procédures applicables dans le domaine de la recherche tant en matière de recrutement, avec la mise en place d'un système d'accueil de postdoctorants en universités et en établissements publics à caractère scientifique et technique, qu'en matière de gestion, avec la volonté de lever un certain nombre de freins réglementaires.
    Les futures orientations de la politique en faveur de la recherche et des nouvelles technologies devraient favoriser l'essaimage ainsi que le partenariat entre la recherche publique et la recherche privée. Un plan destiné à engager des réformes d'envergure en matière de recherche et d'innovation devrait ainsi être présenté avant la fin de l'année par la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies avec le ministère de l'industrie. Ce plan, dont nous espérons qu'il sera présenté rapidement à notre assemblée, devrait imprimer une volonté politique forte du Gouvernement de répondre aux défis de la société moderne et de voir la politique de recherche de la nation rejoindre celle des meilleurs pays étrangers en la matière.
    La dépense intérieure de recherche et de développement, estimée à 32 milliards d'euros en 2001 et à 31 milliards en 2000, correspond à environ 2,20 % du PIB. Nous nous situons, il faut le reconnaître, encore assez loin de l'objectif de 3 %.
    M. Pierre Cohen. C'est vrai !
    M. Daniel Paul. C'est un aveu !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Afin d'atteindre cet objectif, il faudrait, en prenant pour hypothèse une croissance du PIB de 2 % en volume et un taux d'inflation de 2 % par an, que la dépense intérieure de recherche et de développement progresse de 5,6 % en volume entre 2002 et 2010, ce qui est tout à fait possible.
    M. Daniel Paul. Des promesses !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Je pense qu'elles seront tenues, mon cher collègue !
    Pour cela, il faut augmenter les efforts de recherche à la fois dans les structures publiques et dans le domaine privé.
    Dans le domaine public, cela concerne les administrations publiques, la recherche universitaire et les institutions sans but lucratif.
    Les administrations publiques sont dotées de façon importante, puisqu'elles bénéficient globalement, année par année, d'un engagement de près de 10 milliards d'euros, dont 9,5 milliards de subventions de l'Etat : il s'agit de subventions directes et de différents crédits considérés comme ressources propres. La recherche dans les administrations publiques concerne les établissements publics à caractère scientifique et technique, les EPST, et les établissements publics industriels et commerciaux, les EPIC.
    S'agissant de la recherche universitaire, les financements concernent pour une large part le budget de l'enseignement supérieur, qui comprend les salaires et les charges sociales des enseignants-chercheurs, ainsi que les crédits affectés aux rémunérations des personnels techniques et les moyens des laboratoires de l'enseignement supérieur.
    Dans ce cadre, il convient de souligner la signature des contrats de plan entre l'Etat et les régions, qui permettent une meilleure articulation entre les services.
    Avec une dépense de plus de 3,9 milliards d'euros, l'activité de recherche dans l'enseignement supérieur représente plus d'un tiers de la recherche publique civile.
    Les institutions sans but lucratif, qui jouent souvent un rôle incitatif et essentiel dans des domaines particulièrement pointus, bénéficient d'environ 440 millions d'euros.
    La contribution financière des entreprises représente, en exécution, près de 60 % du total du financement. Toutefois, cette dépense importante est encore inférieure à ce que l'on constate dans d'autres pays comme le Japon, où elle représente 73 %, ou les Etats-Unis, où elle représente 69 %.
    Commenter le budget civil de recherche et de développement pour 2003 implique d'abord de se pencher sur l'utilisation qui a été faite des crédits au cours des années 2001 et 2002. Force est de reconnaître que, pour 2001, l'exercice est délicat, car la gestion des crédits de ladite année a comporté des annulations et des transferts. Pour 2002, les choses ont été plus simples : les reports ont été d'environ 100 millions d'euros et le gel des crédits sensiblement du même ordre. Nous avons donc là des bases, même si nous ne disposons pas encore de tous les chiffres pour l'exécution de l'exercice 2002.
    Un point est frappant : l'insuffisante consommation des crédits. Plusieurs raisons ont été invoquées, mais force est de reconnaître que, dans les EPST, en particulier, elle ne dépasse pas les 80 %, et que, s'agissant des gros équipements, les dotations sont consommées à hauteur de 42 %.
    Par conséquent, pour ne pas voir perdurer une telle situation, des mesures appropriées s'imposent.
    En ce qui concerne le projet de BCRD pour 2003, je dirai d'abord qu'il est sincère et clair. Les changements de périmètre et les modifications de nomenclature qu'il opère faciliteront les comparaisons à l'avenir.
    Nous connaissons tous les grandes lignes de ce projet de budget. Les crédits du titre III sont en progression de 16,28 millions d'euros - cela concerne notamment les mesures statutaires - et les crédits d'intervention sont en hausse de 50 millions d'euros. Sur le titre VI, les autorisations de programme progressent de 4 %, pour atteindre 2,358 milliards d'euros. Cela traduit la volonté de régler la question des reports non utilisés et implique un certain nombre de mesures, dont certaines ont déjà été prises par le gouvernement précédent pour l'exécution des lois de finances de 2001 et de 2002. Il reste néanmoins des insuffisances nettes, qu'il va falloir corriger très rapidement.
    Les priorités apparaissent très clairement au travers de la politique menée en matière d'emploi. Certes, les effectifs ne changent pratiquement pas, à l'exception de quelques modifications qualitatives, mais on constate surtout la volonté d'inscrire la politique de carrière des personnels dans une durée plus longue : trente ans au lieu de dix ans.
    S'agissant des moyens financiers, on note une augmentation des crédits alloués, d'une part, au Fonds national de la science, ce qui permettra de redéployer de façon plus efficace les grandes institutions de recherche, et, d'autre part, au Fonds pour la recherche technologique, afin que les entreprises puissent participer de façon plus étendue à la recherche nationale.
    A cet égard, il convient de souligner le rôle important joué par les mesures fiscales destinées à aider les entreprises à réaliser des investissements en recherche et développement, qu'il s'agisse de la modification du crédit d'impôt ou de l'article 56 de la loi de finances pour 2003, qui prévoit de ne plus prendre en compte dans la base de la taxe professionnelle les immobilisations relevant du champ du crédit d'impôt recherche.
    Je rappelle le soutien significatif apporté aux grands programmes industriels et stratégiques, notamment dans le domaine de la politique spatiale. Ainsi, la dotation allouée à l'Agence spatiale nationale devrait lui permettre de répondre à ses engagements nationaux et de faire face à l'essentiel de ses contributions au plan européen.
    Ces commentaires brefs, complétés par les données du rapport de la commission des finances, permettent d'éclairer ce budget de transition, que je qualifierais de courageux, de lucide et de responsable. Il prépare sur des bases solides les fondations d'une grande politique de la recherche pour notre pays et il conjugue efficacement, à court terme et en les potentialisant, les contributions respectives des administrations et des entreprises.
    Ainsi - c'est cela qui compte et les chercheurs le savent bien -, les crédits à consommer en 2003 seront supérieurs à ceux des années précédentes, et ce pour les administrations publiques. Toute agitation n'y changera rien.
    En outre, cette loi de finances, qui sera complétée à très court terme par la loi sur l'innovation, contribuera à booster la recherche des entreprises, malencontreusement bridée ces dernières années dans notre pays, et, de fait, distancée par celle des pays étrangers.
    Ce projet de budget marie pour le meilleur la recherche publique et la recherche des entreprises, redonne aux jeunes l'espoir d'accéder facilement à des carrières dans une recherche qui ne sera plus arbitrairement segmentée, voire opposée, facilite toutes les symbioses et redonne à notre recherche, en définissant pour elle un grand dessein, de l'enthousiasme - enthousiasme que vous représentez déjà si bien, madame la ministre, par ce que vous êtes et par ce que vous symbolisez dans la communauté scientifique.
    Dans de telles conditions, nous ne pouvons qu'approuver ce projet de budget, qui est celui de la refondation nécessaire. De la même manière, nous vous appuyons d'ores et déjà pour le prochain budget, qui sera celui de l'envol de la recherche.
    Mes chers collègues, la commission des finances a approuvé, sur proposition du rapporteur, le projet de budget civil pour la recherche et le développement pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la recherche.
    M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la recherche. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, une politique en matière de recherche et de technologie se construit dans la durée, avec des objectifs clairs, capables de mobiliser tous les acteurs concernés, et au-delà tous les citoyens, autour du moteur essentiel qu'est pour une société le progrès des connaissances et leur transfert à l'économie. C'est donc dans la durée qu'il nous faudra évaluer la réalisation des objectifs que se fixe aujourd'hui le Gouvernement, le budget 2003 étant en fait un budget de transition.
    Quels en sont les objectifs ?
    Le plus fort d'entre eux est évidemment l'engagement du Président de la République de porter à 3 % d'ici à 2010 la part du PIB consacrée à la recherche, alors qu'elle est aujourd'hui de 2,2 %. Cet objectif ne pourra être atteint que grâce à un sérieux effort de tous les secteurs de la recherche qui doivent se mobiliser pour être plus efficaces et plus réactifs face aux besoins de la société. Mais il faudra aussi, madame la ministre, donner un coup d'accélérateur aux dépenses publiques pour soutenir les priorités du Gouvernement et maintenir notre potentiel de chercheurs à un niveau d'excellence.
    En second lieu, des priorités scientifiques ont été définies, en phase avec les attentes de nos concitoyens, qui devront aussi guider nos choix. Ce sont principalement les sciences du vivant, la sécurité alimentaire, la sécurité des transports, la sécurité routière, les STIC, les sciences et technologies de l'information et de la communication, l'environnement.
    C'est à la lumière de ces perspectives ambitieuses qu'il faut examiner le projet de budget pour 2003 et s'interroger sur les mesures à prendre pour faire évoluer notre système de recherche.
    Les choix budgétaires pour 2003 sont réalistes et privilégient les dépenses d'avenir.
    Le projet de budget civil de recherche et de développement qui nous est soumis est construit sur une utilisation effective des crédits. C'est une grande innovation. Je ne reviendrai pas en détail sur tous les chiffres cités par mon prédécesseur, je n'en rappellerai que les principaux.
    Les dépenses ordinaires et les crédits de paiement augmentent de 1,4 % tandis que les dépenses ordinaires et les autorisations de programme croissent de 3,9 %.
    Cela n'est possible qu'en mobilisant toutes les ressources disponibles, notamment les crédits non consommés, estimés à 720 millions d'euros. Cette démarche nouvelle est essentielle pour dynamiser l'argent public et responsabiliser les acteurs de la recherche. Mais elle a deux corollaires : lever les freins, tous les freins qui s'opposent à une utilisation des crédits votés et assurer un suivi régulier de l'emploi de ces crédits pour éventuellement réagir et si possible en communiquer les résultats au Parlement.
    Pour 2003, les crédits inscrits au fascicule « Recherche et nouvelles technologies » enregistrent une baisse de DO + CP de 1,3 % et une augmentation de DO + AP de 2,3 %. Ces crédits financent pour une part les dépenses de fonctionnement des organismes de recherche, principalement les salaires, pour une autre part, beaucoup plus faible, les deux fonds d'intervention du ministère et ses actions d'incitation.
    Si les crédits alloués au titre des organismes de recherche sont en recul de 2 %, ce qui correspond pour l'essentiel à des mesures d'ajustement liées à la sous-consommation de certains crédits, la forte progression, plus de 5 % des crédits d'intervention du ministère et notamment de l'enveloppe programmatique du FNS, Fonds national de la science, et du FRT, Fonds de la recherche technologique, est l'assurance que des incitations fortes pour l'avenir seront décidées en conformité avec vos engagements.
    Le FRT, dont les AP sont en croissance de 29 %, favorise principalement le partenariat entre les recherches publique et privée. A ce sujet, pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles sont les grandes lignes du projet de loi sur l'innovation et l'incitation à la recherche privée qui est en préparation, et dans quels délais il sera soumis au Parlement ?
    Le FNS, dont les AP augmentent de 42 %, doit assurer les grands équilibres entre les disciplines, notamment en soutenant la recherche fondamentale, et permettre aux jeunes chercheurs les plus brillants de faire aboutir leurs travaux. Pour ce qui est des organismes, le manque de temps ne me permet pas de détailler chaque dotation examinée dans mon rapport, aussi je n'en citerai que quelques-uns :
    L'INRIA, l'Institut national de recherche en informatique et automatique, voit ses moyens augmenter. Il bénéficie de la création de 12 postes de chercheurs et de 27 postes d'ITA, ingénieurs, techniciens administratifs. Sa subvention en DO progresse de 8,2 % tandis que celle en CP croît de 12,2 %, ce qui confirme la priorité que vous donnez aux STIC.
    Quant au CNRS, Centre national de la recherche scientifique, il doit accélérer ses efforts pour développer ses ressources propres, ce qu'il a déjà commencé à faire, avec succès. Il a ainsi amorcé la décroissance de la part salariale de son budget, ce qui permet un redéploiement de ses dépenses ordinaires vers le soutien de base aux équipes. Comme cela était souhaité depuis longtemps, un redéploiement des effectifs vers les ITA est entrepris : 45 emplois d'ITA sont créés et 137 emplois de chercheur sont supprimés.
    M. Christian Paul. Quand même, vous le reconnaissez.
    M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis. Ces suppressions sont partiellement compensées par l'arrivée de plus de 200 post-doctorants, qui font très plaisir à la direction générale du CNRS. C'est dans ce contexte et dans ces perspectives d'évolution qu'il faut appréhender les mesures proposées pour le budget 2003 du CNRS.
    On notera avec satisfaction qu'à l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, seront créés, en 2003, 23 emplois d'ingénieurs et techniciens supplémentaires. La capacité d'engagement de cet établissement est ainsi préservée.
    Quelques mots sur la recherche universitaire qui est en nette progression : les DO augmentent de 58,6 %, pour intégrer principalement les primes d'encadrement doctorales, tandis que les AP progressent de 14 %, ces crédits étant destinés pour la plupart aux laboratoires.
    Nous nous félicitons aussi de la création de 420 postes de maîtres de conférences et de professeurs des universités qui devrait compenser en partie la suppression de 150 emplois dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST.
    Ce budget comporte des mesures importantes pour l'avenir.
    Tout d'abord, il convient d'observer que l'intérêt que nous attachons aux grands programmes industriels et aéronautiques est pris en compte, avec une augmentation de 13 % des sommes allouées aux programmes de l'aéronautique civile.
    De même, les programmes spatiaux nationaux du CNES, le Centre national d'études spatiales, devraient être augmentés d'environ 18 millions d'euros pour atteindre 338 millions d'euros. Toutefois, nous attendons très vite des engagements forts de l'Etat et de l'Europe dans le domaine spatial, pour pérenniser cette industrie qui doit affronter de grosses difficultés.
    Parmi les mesures nouvelles fortes pour assurer l'avenir de notre recherche, je citerai celles en faveur des jeunes chercheurs dont les conditions de travail et l'intégration professionnelle doivent faire l'objet de toute notre attention.
    D'abord, la revalorisation des allocations de recherche.
    Le projet de budget maintient un flux de 4 000 allocations de recherche en revalorisant à nouveau, comme l'année passée, leur montant de 5,5 %. Cette mesure porte la rémunération mensuelle brute pour les doctorants à 1 250 euros en moyenne, pendant trois ans.
    Mais il faut aller plus loin dans le soutien apporté aux doctorants et surtout harmoniser leurs situations qui ne sont bien souvent que le fruit du hasard. C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaite vous poser plusieurs questions sur ce sujet, en espérant que des solutions rapides pourront être apportées : comment mieux aider les doctorants à préparer pendant leur thèse leur insertion professionnelle future ? Comment développer et diversifier le monitorat, qui procure des ressources supplémentaires aux jeunes doctorants ? Pourquoi ne pas rendre automatique la revalorisation de l'allocation de recherche en l'indexant sur le point de la fonction publique ? Comptez-vous harmoniser les taux des bourses des doctorants et améliorer la situation des boursiers d'associations dont le niveau des bourses est très faible ? Peut-on envisager de n'autoriser qu'à titre exceptionnel l'inscription en thèse sans financement, et assurer une même protection sociale à tous les doctorants, notamment pour ceux qui bénéficient d'aides d'associations caritatives ?
    Deuxième mesure en faveur des jeunes, l'accueil des post-doctorants.
    La procédure d'accueil des post-doctorants permet à des entreprises, à des EPIC, établissements publics à caractère industriel et commercial, et désormais à tous les organismes de recherche et aux universités, de recruter pour un an ou dix-huit mois maximum un jeune docteur qui mènera un projet de recherche soutenu par un laboratoire public et dont la rémunération mensuelle s'élèvera à environ 2 050 euros. Cette mesure vise aussi à rendre le territoire français plus attractif aux yeux des meilleurs étudiants étrangers et à limiter la fuite des cerveaux. Le montant global consacré à cette mesure sera de 10 millions d'euros pour environ 400 postes qui pourront être pourvus tout au long de l'année.
    Enfin, l'accroissement des conventions industrielles de formation par la recherche, les CIFRE.
    Le dispositif des CIFRE prévoit l'embauche d'un doctorant par une entreprise pendant la durée de sa thèse. La convention est passée pour trois ans au cours desquels l'entreprise reçoit une subvention annuelle forfaitaire de 14 635 euros correspondant à une rémunération annuelle de 20 145 euros minimum du chercheur. En 2003, le nombre de conventions passera de 800 à 860 et cette orientation devrait être accentuée dans l'avenir puisque l'on sait que 90 % des thésards bénéficiaires d'une telle convention trouvent un emploi dans les entreprises après l'obtention de leur doctorat.
    Je voudrais maintenant examiner quelques pistes et faire quelques propositions pour faire évoluer l'ensemble de la recherche française et lui permettre de franchir le cap annoncé.
    L'évolution de notre système de recherche passe par une diversification des sources de financement et une amélioration de la gestion notamment des ressources humaines.
    Premièrement, diversifier les sources de financement est nécessaire car nous savons tous que l'argent public ne suffira pas pour atteindre l'objectif des 3 % de PIB en 2010.
    Il faut accélérer la participation des entreprises à l'effort de recherche et diversifier les secteurs de l'industrie et des services qui investissent dans ce domaine. En effet, moins de 200 entreprises réalisent à elles seules les trois quarts de l'effort de recherche privée en France.
    Il faut inciter les organismes et les universités à accroître leurs ressources en multipliant les relations contractuelles avec les entreprises sur des programmes de recherche innovants. Je souhaiterais savoir, madame la ministre, quelles mesures vous envisagez de mettre en oeuvre, afin de favoriser cette démarche.
    Les organismes de recherche et les universités doivent également être incités, au niveau régional, à participer plus activement à la création d'entreprises par les chercheurs en améliorant si nécessaire les dispositifs prévus par la loi de 1999 sur l'innovation et la recherche.
    Ces actions nécessitent une meilleure organisation de la valorisation dans les établissements et la mise en place, en leur sein, de véritables services d'activités industrielles et commerciales, les SAIC.
    D'autres pistes, développées dans mon rapport, visent à dynamiser les crédits publics. Il s'agit de rendre plus transparents les résultats d'évaluation de la recherche, de déconcentrer au maximum les niveaux de décisions et de simplifier encore les procédures d'achat des unités de recherche afin de réduire les délais d'engagement des dépenses.
    Sur ce dernier point, je voudrais reformuler une question écrite que je vous ai adressée, madame la ministre, concernant l'adaptation du code des marchés publics aux unités de recherche. Malgré des améliorations substantielles dues à l'action passée, les centres de recherche, notamment les laboratoires universitaires, rencontrent toujours des difficultés pour l'achat de petits matériels et de produits. En effet, au sein des universités, seul le président a la qualité de personne responsable des marchés et il ne peut conférer cette qualité à un directeur de laboratoire, ce qui freine considérablement la réalisation des opérations d'achats. Une nouvelle modification législative semble nécessaire et je souhaiterais, madame la ministre, connaître vos intentions à ce sujet ?
    Par ailleurs, il est à noter que la nouvelle nomenclature n'est pas adaptée au secteur de la chimie, comme elle semble l'être pour la biologie.
    Enfin, un effort particulier reste à faire pour inciter et aider les équipes françaises à mieux s'investir dans l'espace européen de recherche et à tirer un meilleur parti des actions développées dans le cadre des programmes communautaires de recherche et de développement.
    Deuxièmement, il convient d'améliorer la gestion des ressources humaines. Madame la ministre, quelles évolutions peut-on raisonnablement envisager concernant le statut des personnels de la recherche afin de réduire sa rigidité, sa complexité et de faire évoluer les rémunérations en fonction de la nature des travaux accomplis ?
    L'emploi scientifique est en effet au coeur de toute politique de recherche, de développement et de soutien à l'innovation. La ressource essentielle pour entreprendre toute action dans ces domaines repose sur la qualité, le nombre et la motivation des femmes et des hommes qui ont fait le choix de ce beau métier. A ce titre, on ne peut que se féliciter des engagements clairs de recrutements sur le très long terme pris par le Gouvernement.
    Outre qu'il était arrivé bien tard, le plan décennal du précédent gouvernement n'était pas à la hauteur du problème. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La solution retenue aujourd'hui lisse sur un intervalle de temps correspondant à la durée moyenne d'activité d'un chercheur dans un laboratoire public, soit trente-trois ans, le rythme de renouvellement annuel des effectifs, calé une fois pour toutes à 3 %. Ce rythme apporte une grande visibilité à l'évolution du métier de chercheur ; il assure sans à-coup le remplacement des départs à la retraite et des départs volontaires et garantit le maintien du potentiel actuel des chercheurs.
    En conclusion, je dirai que nous sommes en présence d'un projet de budget qui s'inscrit dans un plan d'ensemble de long terme et qui, de manière volontariste, s'efforce de mobiliser tous les acteurs publics et privés concernés. Il prépare l'avenir sur des bases saines avec l'objectif de donner les moyens à notre pays de se positionner le mieux possible dans une économie fondée sur l'information, la connaissance et l'innovation.
    Cependant, nous ressentons tous la nécessité d'impulser un élan nouveau à cette activité structurante pour tout le pays, de susciter des vocations en grand nombre pour les métiers de la recherche et d'alléger le fonctionnement de certaines structures et de certains organismes. C'est pourquoi je considère, madame la ministre, qu'il est temps d'organiser le plus rapidement possible un vaste débat au Parlement, que je réclame depuis des années, sur les enjeux, les objectifs, les moyens, voire les limites, de la recherche et du progrès de la connaissance dans notre pays. Ce devrait être un premier pas vers le retour de la confiance de nos concitoyens dans le progrès et la science.
    Pour toutes ces raisons, j'invite notre assemblée à suivre l'avis favorable qui a été rendu par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Merci, monsieur Lasbordes, d'avoir respecté scrupuleusement votre temps de parole.
    La parole est à M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la recherche et la technologie.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la recherche et la technologie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget civil de recherche et de développement pour 2003 s'inscrit dans la volonté du Président de la République et du Gouvernement de redonner à la recherche, fondamentale et appliquée, la place qui doit être la sienne, dans une économie mondialisée, où la maîtrise des technologies avancées joue un rôle essentiel. Les enjeux scientifiques, technologiques, économiques et sociaux de la recherche sont en effet considérables. Les choix politiques d'aujourd'hui conditionnent donc la position économique qu'occuperont, demain, les pays qui auront su nettement amplifier leur effort de recherche et, par conséquent, mobiliser des moyens financiers et humains importants.
    L'objectif, aussi bien national qu'européen, de consacrer 3 % du PIB en 2010 aux activités de recherche suppose une croissance forte de l'effort de financement tant public que privé, la part actuelle se situant en dessous de 2,2 % du PIB. Il est à porter au crédit du Gouvernement de proposer au Parlement un plan pluriannuel de développement des activités de recherche aussi bien en termes budgétaires qu'en termes d'effectifs.
    En effet, si les crédits du BCRD sont stables pour 2003, le report de l'intégralité des crédits antérieurs non consommés permet de faire croître les moyens réellement disponibles de 5 %, taux qui s'inscrit bien dans la progression nécessaire pour atteindre l'objectif fixé.
    La recherche publique devrait ainsi disposer l'année prochaine d'une enveloppe de plus de 9,5 milliards d'euros. Il appartiendra, bien sûr, au Parlement de vous appuyer, madame la ministre, en s'assurant de la bonne réalisation de ces reports. Soyez assurée que nous y veillerons !
    Je regrette que le précédent gouvernement n'ait pas utilisé les années de forte croissance du PIB et l'embellie économique de la fin des années 90 pour développer, parallèlement, les dépenses publiques de recherche. Il faut effectivement constater que seule la loi de finances pour 2002 montrait une volonté de rattrapage des retards passés, mais ce fut une simple volonté d'affichage hélas ! puisque les crédits ont été très rapidement bloqués. Il est donc important de souligner que le budget pour 2003 amorce une reprise des financements et assure une transition positive vers une nouvelle politique, dynamique, en matière d'innovation et de croissance, renforçant la place de la France dans la société de la connaissance. C'est un budget vérité.
    C'est dans ce cadre qu'il convient de replacer les dotations stabilisées du ministère de la recherche et la place que devrait prendre le sixième programme européen de recherche et de développement. Il appartient à la France de mieux participer à l'élaboration d'une vision européenne de la recherche et d'impulser, comme elle le fit au début des années 60 pour les programmes spatiaux ou aéronautiques, de grandes orientations qui restent encore peu perceptibles. La recherche européenne manque vraiment, en effet, de signaux forts malgré quelques décisions récentes. La présence française à Bruxelles subit, quant à elle, l'absence de directives précises sur ces questions. Nous comptons, madame, sur votre action pour y remédier.
    L'Europe, à l'initiative de la France, doit se donner de grandes orientations en matière de sciences du vivant et de biotechnologies pour aller vers les thérapies géniques qui représentent tant d'espoirs pour certains types de maladies. Elle doit aussi évidemment s'interroger sur les énergies du futur, la place du nucléaire, les réacteurs des troisième et quatrième générations, la gestion des produits issus de la fission des combustibles nucléaires, mais aussi contribuer à la recherche sur le rôle de l'hydrogène, alors que la première pile à combustible entièrement française vient d'être produite par la jeune société Hélion. Pouvons-nous compter sur votre soutien dans ces domaines ? Et sur votre attention aux propositions de l'Office parlementaire des choix scientifiques ?
    L'attrait des jeunes pour la recherche doit être stimulé. L'évolution de la situation démographique de la recherche montre clairement qu'il va être rapidement nécessaire de pouvoir disposer d'un grand nombre de jeunes ingénieurs, techniciens et chercheurs sur une longue durée. Pour cela, l'orientation des études scientifiques doit être réexaminée dès le secondaire et la curiosité pour les sciences doit être sollicitée dès le primaire. Quant à la place spécifique des sciences exactes, elle doit être réévaluée. Rappelons à cet égard que le plan pluriannuel décennal de gestion prévisionnelle des effectifs scientifiques adopté par le précédent gouvernement, initiative qui mérite d'être saluée, portait sur une période trop courte. C'est en effet sur la durée d'activité moyenne d'un chercheur, une trentaine d'années, que doit se fonder une politique de recrutement et de réorientation de l'intérêt de la jeunesse pour la recherche.
    Il est également satisfaisant de constater que l'effort en faveur de l'amélioration du statut des jeunes chercheurs, doctorants et post-doctorants, est nettement amplifié en 2003. A cet égard, il faut insister sur l'importance de la revalorisation des allocations de recherche qui, combinée au monitorat, engage les doctorants dans des activités de recherche et d'enseignement. Et nous savons combien ceux-ci y sont sensibles. En outre, le recrutement du quatre cents chercheurs post-doctorants, se fait dans des conditions claires, rompant avec les pratiques administratives antérieures. Ces dispositifs doivent permettre à ces bâtisseurs de l'avenir de connaître des conditions d'études dignes de leurs responsabilités et de susciter des vocations à la hauteur des besoins de la France innovante.
    De même pourrait-on rassurer les directeurs de laboratoire - ils ont parfois besoin d'être rassurés - par la mise en place de comptes épargne-équipement utilisables pour financer de nouvelles installations et dans lesquels ils pourraient assurément puiser.
    Cette volonté de rendre sa séduction à la science se traduit également par une croissance significative des moyens consacrés au développement de la culture scientifique, alors que le succès de la Fête de la science confirme l'intérêt de nos compatriotes pour ces questions. Mais cela paraît insuffisant. Envisagez-vous des mesures particulières ?
    Enfin, pierre angulaire de l'ensemble d'une politique de redéploiement de la recherche, l'amélioration de l'articulation entre la recherche publique et la recherche privée doit être une priorité. Il faut cesser d'opposer recherche publique et recherche privée, recherche fondamentale et recherche appliquée.
    Les faiblesses du dispositif français de recherche sont connues, en ce qui concerne les dépôts de brevets, par exemple. Il n'en reste pas moins que la valorisation insuffisante des résultats de la recherche publique reste préoccupante. Cette situation est largement due au cloisonnement de celle-ci comme au statut des établissements publics à caractère scientifique et technologique, lequel apparaît de moins en moins adapté aux rythmes et au dynamisme que demande l'évolution économique.
    Une telle situation implique un renforcement important de la place du secteur privé dans le dispositif national de recherche. Or, pour cela, un développement significatif des mesures incitatives est indispensable. Un tel développement suppose une nouvelle loi sur l'innovation qui amplifierait tout en les simplifiant et en les rationalisant les textes antérieurs.
    Vous avez annoncé, madame la ministre, la présentation avec votre collègue de l'industrie, d'un projet dans ce sens et je m'en réjouis. Quand pouvons-nous espérer en connaître les divers points ?
    Je pense vraiment qu'il faut considérer le principe de l'ensemble recherche - innovation-croissance-emploi-le « carré magique » - pour permettre la réussite de l'alchimie complexe où la découverte du chercheur est relayée en relais par le dynamisme du chef d'entreprise et se trouve pleinement valorisée.
    La recherche intéresse les PME du point de vue du transfert de technologie. Il faut donc simplifier les procédures et favoriser les financements nécessaires.
    Tout cela devrait être l'occasion de se demander s'il ne serait pas opportun de développer un véritable système de fondations, à l'instar de ce qui se pratique dans les pays anglo-saxons.
    Le système actuel, articulé autour de fondations nationales reconnues d'utilité publique, ne s'adapte qu'imparfaitement au développement d'initiatives décentralisées. Il me semble préférable d'envisager la création de fondations agréées disposant d'un statut juridique souple et d'un cadre fiscal motivant, accessibles à différents types de mécénats, tant nationaux qu'internationaux, et pouvant se spécialiser dans les activités de recherche, scientifiques ou techniques, fondamentales ou appliquées. Ces fondations pourraient également s'appuyer sur l'expertise reconnue et demandée de nos établissements publics de science et de technologie, dont j'ai plaisir à souligner les très hautes compétences.
    Ainsi, l'objectif d'un financement, réalisé aux deux tiers par les entreprises, d'un effort national de recherche représentant 3 % du PIB en 2010, pourra être atteint dans de bonnes contitions.
    L'apport de la science à des questions aussi brûlantes que le génie génétique, la bioéthique ou la génomique, les énergies du futur, véritables enjeux de société pour demain, suppose une très large réflexion, qui doit dépasser la confiscation médiatique souvant opérée avec ce type de sujet.
    Tocqueville, notre illustre ancêtre sur ces bancs, et mon prédécesseur direct puisqu'il a été député de la Manche, a écrit -  j'aime à le rappeler - : « Je ne peux m'empêcher de craindre que les hommes n'arrivent à ce point de regarder toute théorie nouvelle comme un péril, toute innovation comme un trouble fâcheux. »
    C'était vers 1840 !
    Le fâcheux retour de l'obscurantisme, dont M. Cabal a parlé, doit nous conduire à insister sur ces constatations. Or il n'y a pas d'évidence naturelle dans ces domaines : pour dépasser les peurs, proposer des réponses, la recherche, les chercheurs, les scientifiques peuvent nous apporter les éclairages nécessaires à nos prises de décisions politiques. A nous, ensuite, de promouvoir et de faire partager au plus grand nombre le résultat de ces recherches pour jeter enfin les bases d'une véritable culture scientifique dans notre pays. Notre histoire comporte en effet de très nombreux exemples d'applications de la science au service de l'homme, venues de grands scientifiques humanistes.
    En conclusion, je me dois de souligner que, si le projet de budget de la recherche et du développement pour 2003 ne pouvait être qu'un budget de transition, il permettra cependant à la France de maintenir sa place, tant européenne que mondiale, dans le domaine de la recherche.
    Je vous demande donc, mes chers collègues, de suivre l'avis favorable donné par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire à l'adoption des crédits de la recherche et des nouvelles technologies pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Madame la ministre, votre projet de budget civil de la recherche et du développement technologique s'inscrit dans la ligne des budgets non prioritaires en 2003. Il est en baisse de 1,35 % à périmètre constant et votre tentative de camoufler cette baisse en évoquant des reports de crédits, hypothétiques pour une grande part, ne trompe personne.
    Pause technique ou déclin ? Année de vaches maigres ou tournant vers une autre politique de recherche ? Une lecture plus approfondie du projet de budget permet de répondre à ces questions. J'en tirerai quelques exemples, que je pourrais multiplier, montrant le sens préoccupant que vous donnez à la politique de recherche de notre pays.
    Les diminutions budgétaires portent principalement sur le soutien aux laboratoires. Les autorisations de programme sont stagnantes dans les établissements et la baisse des crédits de paiement - 6 % - est importante dans la recherche universitaire, mais elle l'est surtout dans les établissements publics puisqu'elle atteint 17,3 % pour le CNRS, 13 % pour l'INRA et 9 % pour l'INSERM. Si la régression est moins importante à l'IFREMER - souffrez qu'un député d'une région côtière en parle - elle n'en aura pas moins un effet négatif sur l'utilisation de la flotte gérée par cet institut au service de la communauté océanographique.
    La perspective pluriannuelle, en particulier en matière d'emploi, tellement nécessaire à la recherche, est absente du projet. Le plan décennal pour l'emploi scientifique 2001-2010, qui découle pourtant d'un engagement de l'Etat, est abandonné. Instauré l'année dernière, il permettait d'anticiper dès à présent les départs à la retraite massifs des années 2005-2010, de rajeunir l'appareil de recherche publique et d'offrir des emplois stables ainsi que des perspectives de carrières aux jeunes chercheurs, évitant la préoccupante fuite des cerveaux.
    En outre, cent cinquante suppressions de postes de chercheur, fait sans précédent dans la recherche française, sont programmées dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique, le CNRS étant taxé lourdement d'une baisse de cent trente-sept postes.
    A ces suppressions de postes s'ajoute une précarisation accrue puisque vous développez le recrutement de contractuels.
    Sur tous ces points, le monde de la recherche exprime son inquiétude sous les formes les plus diverses. Il demande une amélioration du budget.
    Les organisations syndicales de la recherche publique se prononcent pour le rejet de votre projet de budget de 2003, pour des créations d'emplois d'ITA et de chercheurs de tous niveaux et, enfin, pour l'augmentation sensible des moyens financiers d'Etat en faveur des établissements de recherche publique.
    Un appel des scientifiques réunit une large diversité de personnes qui contribuent à tous les niveaux, jusqu'au plus haut, au développement de la recherche française. On y trouve les noms les plus prestigieux de notre recherche.
    Voici ce que dit le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie dans son avis sur le budget de la recherche de 2003 : « Le projet de budget 2003 semble donc marquer un déclin de l'intérêt porté par la nation à la science. [...] Il tient à manifester son inquiétude devant les choix qui sont faits. Pour le CSRT, les crises budgétaires passées concernant le financement de la recherche en France indiquent clairement qu'un retard n'est jamais rattrapé. »
    Pour nous, ce projet de budget de 2003 n'est donc pas un accident de parcours ou celui d'une année de vaches maigres, mais un tournant, le premier signe que nous sommes en train de changer de politique de recherche, en particulier publique.
    Nous pensons que d'autres orientations sont nécessaires pour assurer l'avenir et le développement de la recherche et pour faire de celle-ci une véritable priorité nationale. Elles peuvent se concrétiser dès la loi de finances pour 2003, en particulier pour ce qui concerne la recherche publique, par des augmentations de postes, de crédits ainsi que par la reprise du plan décennal de relance de l'emploi scientifique.
    Car ce coup d'arrêt brutal du rattrapage, que nous avions trouvé insuffisant les années précédentes, donne une pâle image du retard réel par rapport aux besoins de la recherche. Chacun s'accorde à dire, ici et ailleurs, que l'effort de recherche-développement devrait atteindre 3 % du PIB. Ces 3 % sont approchés ou dépassés dans le monde par le Japon et les Etats-Unis et, en Europe, par la Suède et la Norvège. D'autres pays nous devancent.
    Nous avons demandé nous-mêmes, et depuis longtemps, que l'on atteigne à court terme ces 3 % du PIB. Mais nous posons en même temps la question : pour quels objectifs ?
    En effet, les Etats-Unis ont été capables de faire de la recherche une priorité nationale. Ils ont développé à un très haut niveau, et avec l'argent de l'Etat, la recherche fondamentale, mais aussi ses applications et leur développement. Ils ont sélectionné certains domaines liés aux enjeux de puissance, de compétition et de domination.
    Nous avons d'autres ambitions : nous souhaitons atteindre les 3 % du PIB rapidement, mais que l'on atteigne ces 3 % en développant la recherche publique, et, en parallèle, celle du privé, ou que, sur un fond de stagnation ou de régression des moyens de l'Etat pour la recherche publique et de réduction imposée aux grands organismes publics, on mise sur la recherche privée et les apports des régions, ne sont pas pour nous deux voies équivalentes. Nous privilégions la première.
    En effet, le privé comme le public peuvent faire à la fois de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée ou de la recherche-développement. Mais, en examinant les deux logiques propres à la recherche, on comprend l'importance vitale, pour un pays, d'un service developpé de la recherche.
    La recherche a d'abord un développement qui lui est propre, lorsque, à partir des résultats, les chercheurs explorent les nouveaux domaines de connaissance de tous types. Les chercheurs ont donc besoin d'une grande liberté et de pluralisme dans les démarches et dans les méthodes, ce qui exige de soustraire la variété indéfinie des sujets aux critères très réducteurs de la rentabilité financière. Pour nous, les services publics sont les plus à même d'offrir ces conditions de développement et de relations avec l'enseignement et la culture.
    C'est tout aussi vrai lorsqu'une autre logique du développement de la recherche entre en jeu, celle de la réponse à des besoins sociaux ou économiques. Il y a évidemment interférence avec des choix fondamentaux de politique économique et sociale. Le service public doit pouvoir conserver, là aussi, son indépendance, sa liberté propre, tout en assurant son développement vital avec des crédits d'Etat.
    Enfin, l'enseignement supérieur et la recherche constituent à mes yeux des leviers de transformation sociale qui prennent en compte l'utilité de la recherche pour l'avenir de la planète, le caractère durable et fiable de son développement et la réduction des inégalités à l'intérieur d'une nation et entre nations, vers une société dont le partage et la maîtrise des savoirs sont les éléments fondamentaux.
    Ces objectifs ambitieux demandent et justifient autant, sinon plus, de moyens pour la recherche, que les objectifs de puissance et de domination.
    Les 3 % du PIB sont donc, même si tout le monde ne met pas les mêmes contenus dans les objectifs de la recherche, de plus en plus reconnus. Atteindre ces 3 % en 2010 est d'ailleurs conforme à ce qu'avait promis M. Chirac candidat à l'élection présidentielle et à ce qu'a annoncé le Gouvernement. Cet objectif reprenait celui que s'étaient donné les chefs d'Etat européens au sommet de Lisbonne en mars 2002, pour que l'Europe rattrape une partie de son retard sur le Japon et les Etats-Unis. Or, compte tenu de l'inflation, pour réussir à passer de 2,2 % du PIB en 2002 à 3 % en 2010, le budget devrait croître chaque année de 7 % par an. Avec une baisse de 1,3 % en 2003, nous sommes très loin du compte.
    Le 3 juillet dernier, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, plaidait pour « une France créative [...] qui mise sur l'innovation », promettant de faire les efforts nécessaires pour atteindre cet objectif et annonçant même que « la dynamique de l'intelligence est nécessaire à la mobilisation de notre pays », et « qu'un budget comme celui de la recherche ne sera pas en baisse en 2003 ».
    Vous-même, madame la ministre, lors de votre présentation à la presse du BCRD de 2003, vous avez indiqué que « les programmes de développement initiés dans les prochaines années conditionneraient pour longtemps le mode et le niveau de vie de nos concitoyens, mais aussi le rayonnement de la France, en Europe et dans le monde » avec l'enjeu de « construire une société de l'intelligence, une France de la connaissance qui soit aussi une France de la croissance et du progrès ». Qui ne pourrait souscrire à cela ? Mais que doit-on en penser ?
    Vous souhaitez pallier l'indigence de votre budget par un appel pressant aux entreprises, d'une part, et aux régions, d'autre part. Du côté des entreprises, le pari est risqué. J'évoquais, lors de votre audition en commission, l'exemple d'Aventis qui se désengage de plusieurs domaines de recherche, jugés par elle non stratégiques en termes de rentabilité financière, ce qui a pour conséquence de menacer certains sites de démantèlement.
    Comment le Gouvernement entend-il être à l'offensive en préservant et en encourageant les compétences et le savoir-faire des entreprises solides dans ce secteur ? Comment compte-t-il développer les capacités de réponses aux besoins de santé en France et en Europe ? Plutôt que de fermer ou de démanteler des sites de recherche, ne serait-il pas souhaitable d'aider à la construction de coopérations durables entres les laboratoires de recherche publics et privés ?
    Nous pensons que la recherche privée doit jouer en France tout son rôle. Mais l'une des conditions de son développement est précisément l'existence de services publics forts. Sinon, les entreprises, y compris les entreprises françaises, s'implanteront ailleurs. Devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un industriel rappelait, à propos du dossier « Soleil », les raisons pour lesquelles une grande entreprise décidera d'implanter ou non ses laboratoires de recherche en France : « Elle recherchera un environnement intellectuel favorable, celui que peut fournir une recherche publique forte. »
    Il faudrait aussi mettre en oeuvre une politique plus incitative pour que de nombreuses entreprises s'engagent dans la recherche. L'une des mesures que nous avons proposées consiste à créer un impôt progressif libératoire dont seraient exonérées les entreprises qui feraient chaque année la démonstration d'un investissement en recherche et développement ou d'embauches en CDI de docteurs nouvellement formés.
    Il demeure que, même en faisant abstraction de tout cela, ce qui est difficile, il faudrait, pour vous permettre de combler le trou qui est en train de se creuser entre vos moyens et les besoins, que les entreprises accroissent plus leurs efforts d'ici à 2010 qu'elles ne l'ont fait depuis quinze ans.
    Quant à votre proposition d'appel aux régions, elle suscite aussi nos inquiétudes. Ce n'est pas d'aujourd'hui que les collectivités locales apportent des financements à la recherche en favorisant des laboratoires implantés sur leurs territoires. C'est le cas des régions, quelquefois des départements, et parfois même de grandes villes. Ce volontarisme vise à nourrir, à accompagner leur propre développement, à favoriser l'innovation, à aider les PME et les PMI souvent éloignées du monde de la recherche.
    Des contrats de plan ont intégré, comme d'autres dispositifs, ce souci des régions. Mais s'appuyer sur ce volontarisme qui s'ajoute à l'effort national pour demander aux régions de pallier les carences de l'Etat, c'est faire un pas que nous refusons de faire.
    Le débat sur la décentralisation est lancé. Il est loin d'être tranché et vous savez que nous souhaitons, pour notre part, que le peuple tranche par référendum. D'autant que vous confirmez toutes nos craintes en intégrant dans vos calculs les régions et les entreprises, pour atteindre l'objectif de 3 % du PIB en 2010. C'est bien l'affaiblissement de l'Etat et des structures de recherche dont il a été doté au fil des années que vous consacrez, dans un domaine que tout le monde s'accorde, y compris vous-même, à définir comme stratégique.
    Votre budget n'est pas seulement insuffisant pour 2003. Ses orientations sont dangereuses pour l'avenir car elles s'inscrivent tout à fait dans cette réduction durable des moyens de l'Etat. C'est bien ce qu'ont senti les milliers de personnels de la recherche, qui s'inquiètent et protestent.
    Parce que votre budget est insuffisant, parce qu'il est contraire aux intérêts de notre pays, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue.
    M. Jacques Domergue. Madame la ministre, le budget pour 2003 de la recherche est un budget de transition : il a pour vocation de réorienter la politique de recherche en France en mettant l'accent sur les moyens à mettre en oeuvre pour sensibiliser les jeunes au métier de chercheur, simplifier le fonctionnement et la productivité des organismes de recherche, réorienter les secteurs de la recherche vers les nouvelles technologies de l'information, les biotechnologies, l'aéronautique et bien d'autres, en un mot vers les disciplines d'avenir au détriment des secteurs du passé.
    La volonté affichée du Président de la République et de vous-même de revaloriser le budget de la recherche pour qu'il atteigne 3 % du PIB en 2010 contraste avec la réduction sensible de 1,3 % des crédits inscrits au fascicule budgétaire « recherche et nouvelles technologies » concernant l'année 2003.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !
    M. Jacques Domergue. Des explications s'imposent afin de définir clairement la politique volontariste que vous souhaitez mettre en place.
    Quel est le constat ?
    Tous les crédits de la recherche ne sont pas utilisés. Il y a des freins organisationnels et institutionnels qu'il faut lever pour augmenter la meilleure disponibilité des crédits alloués.
    Les vocations pour la recherche sont peu nombreuses. Les nombreux départs à la retraite d'ici à 2010 inquiètent les responsables des différents organismes de recherche et les universités. Ils justifient les réorganisations et les incitations que vous souhaitez mettre en place. Les postes seront disponibles, mais les motivations risquent de ne pas être au rendez-vous.
    Comment motiver la jeunesse pour les carrières scientifiques et éviter ce que les Anglo-Saxons appellent le brain drain vers l'étranger et les grandes écoles ? La politique du résultat est encore trop absente du mode de fonctionnement des équipes de recherche. Il faut la développer.
    Les entreprises sont encore insuffisamment impliquées, alors que c'est leur intérêt ; nous devons les y inciter davantage par des mesures fiscales adaptées. On recherche toujours plus de crédits, mais nos équipes de recherche ont toujours autant de difficultés à accéder aux crédits européens. Autant dire, madame la ministre, que nous sommes au coeur même des contradictions ; votre souhait est de faire évoluer la recherche en France pour lui permettre d'atteindre le plus vite possible un bon niveau de compétitivité face à l'étranger.
    Qu'en est-il des affectations budgétaires ? Le financement des organismes de recherche est en réduction de 2 %. Il est compensé par l'augmentation de 5,66 % des crédits d'intervention du ministère au travers du Fonds national de la science et du Fonds de la recherche technologique. Mais les capacités d'engagement de la dépense pour l'avenir, c'est-à-dire les autorisations de programme, sont maintenues au niveau de 2002. La recherche universitaire est en augmentation de 3,73 % et les passerelles avec les EPST sont encouragées.
    Quelles sont les orientations fortes de votre budget ? Premièrement, vous souhaitez rassurer les organismes de recherche sur les intentions du ministère. Une analyse sommaire du budget laisserait penser que le BCRD est réduit de 1,3 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cohen. C'est le contraire ?
    M. Jacques Domergue. En fait, les autorisations de programme sont en augmentation de 1,2 % et des réorientations budgétaires sont clairement annoncées vers la santé, qu'il s'agisse de la virologie, de la cancérologie, de la génomique, vers les biotechnologies, vers la sécurité alimentaire, les transports, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, la protection de l'environnement.
    Deuxièmement, vous souhaitez rendre plus utilisables les crédits de la recherche. Sur 2002, 720 millions d'euros de crédits n'ont pas été consommés. Leur réintégration permettra de mettre à disposition, pour l'année 2003, 9,5 milliards d'euros disponibles, soit une augmentation de 5,3 %.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Tout à fait !
    M. Jacques Domergue. Les dispositions que vous mettez en oeuvre visent à mettre un coup d'arrêt à la sous-consommation des crédits, véritable mal endémique. Aujourd'hui, madame la ministre, mieux vaut favoriser l'utilisation des crédits alloués que de rajouter des crédits supplémentaires.
    Comment assouplir les procédures budgétaires ? D'abord, en simplifiant les procédures administratives qui limitent les équipes insuffisamment structurées ; ensuite, en calant l'année recherche sur l'annualitée budgétaire ; enfin, en modifiant le code des marchés, dont les procédures sont longues et dissuasives. Comme les EPST, les universités doivent bénéficier d'un assouplissement du code des marchés publics permettant au président de déléguer sa signature aux responsables des unités de recherche pour toute commande de crédits, notamment inférieure à 90 000 euros. Mais il faudra aller plus loin. Aujourd'hui, un président d'université qui décide d'un projet de construction ou de réhabilitation de locaux universitaires n'a aucune chance de le voir aboutir avant la fin de son mandat. Comment motiver des présidents d'université avec la durée des procédures ?
    Troisièmement, et c'est particulièrement important, il convient de gérer la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques, tout particulièrement pour le métier de chercheur. C'est la priorité des priorités. Le chercheur, en France, est dévalorisé. Pour redorer son image, il faut une revalorisation salariale et statutaire. Le fonctionnariat du chercheur n'est pas compatible avec une politique du résultat. Comme le suggère Christian Bréchot, le président de l'INSERM, où travaillent plus de 2 000 chercheurs, il est indispensable de contractualiser une part de la rémunération des chercheurs et de repenser les structures juridiques pour dynamiser le système.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. C'est une bonne méthode !
    M. Jacques Domergue. Faire évoluer le statut des chercheurs est une condition indispensable pour rétablir l'attractivité de la recherche en France.
    Les redéploiements doivent être encouragés au profit des orientations définies en préambule. La suppression de 150 postes de chercheurs sera compensée par la création de 100 emplois d'ingénieurs et de techniciens pour renforcer les plateaux techniques, en partenariat avec l'INSERM, le CNRS ou IRD.
    La création de 420 postes de maîtres de conférence des universités et de professeurs des universités offrira des débouchés aux jeunes chercheurs. La revalorisation des allocations recherche de 5,5 % pour 4 000 doctorants est également une bonne mesure. La création de 400 postes de « post-doctorants » à 2 150 euros bruts pour les EPST et les EPIC, en partenariat avec les universités ou les entreprises, est une première en France, équivalente à ce que les pays à forte attractivité ont mis en place.
    Quatrièmement, il faut inciter les entreprises à développer la recherche. Depuis 1995, la contribution des entreprises dépasse celle des administrations. Pourtant, le volume de recherche développement consenti par les entreprises n'augmente pas : moins de 200 entreprises effectuent les trois quarts de l'effort de recherche privée. Il faut inciter les PME à investir dans la recherche et renforcer les partenariats avec les entreprises et les organismes de recherche des universités.
    Pour cela, il faut des incitations fiscales fortes. Le crédit d'impôt est à reconduire car il est favorable aux PME ; il doit même être amplifié. L'exonération de la taxe professionnelle des investissements affectés à la recherche est à mettre en place. Enfin, l'augmentation des contrats industriels de formation pour la recherche, les CIFR, permet à des doctorants de mettre un pied dans l'entreprise, 90 % d'entre eux débouchant vers de vrais emplois ; c'est vers cette voie qu'il faut s'engager.
    Cinquièmement, il faut que les équipes françaises investissent davantage l'Europe et les crédits européens. Sur le cinquième BCRD de 2,5 milliards d'euros, la France n'a tiré profit que de 15 % des crédits. Les raisons sont connues : des procédures complexes, des structures insuffisamment adaptées, un lobbying national insuffisant au niveau de l'Europe, des régions insuffisamment impliquées, autant de causes à combattre.
    Enfin, il faut viser à une transparence du résultat et s'engager vers une politique d'évaluation. Les parlementaires sont démunis pour évaluer l'impact de la politique de recherche qui a été votée. Aucun indicateur d'efficacité, aucun indice d'impact sur le tissu économique et social, n'est aujourd'hui disponible : il faut y remédier.
    Madame la ministre, la recherche, comme d'autres secteurs, vit une période de mutation, que nous devons savoir accompagner : plus d'autonomie pour les universités, plus de souplesse dans les statuts, une régionalisation de la recherche, passage obligatoire de la décentralisation, et en même temps plus d'internationalisation aux plans européen et mondial : tels sont les enjeux. Nous devons aider les organismes de recherche à relever les défis du troisième millénaire.
    Un pays qui n'investit pas dans la recherche est un pays sans avenir. Parce que vous avez démontré, par les réorientations budgétaires, votre volonté de donner un nouvel élan à la recherche, madame la ministre, le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle votera le budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Madame le ministre, mes chers collègues, comment qualifier un gouvernement qui privilégie la police et la défense au détriment de l'éducation, de la culture et de la recherche ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Sécuritaire ? Votre gouvernement le revendique. A contre-courant de l'histoire et sans ambition pour le positionnement de la France dans le concert des nations développées ? Assurément, vous ne serez pas au rendez-vous et ne pourrez tenir des défis et des enjeux de ce début de siècle, malgré les effets d'annonces auxquels le Président de la République et le Premier ministre se complaisent.
    Non seulement ce budget est en trompe l'oeil, mais, bien plus, il est catastrophique pour la recherche française. Plus de cinq mille signatures en témoignent. Des prix Nobel, des académiciens, la plupart des directeurs de laboratoire, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, les médias, y compris ceux qui soutiennent généralement votre gouvernement, l'ont unanimement critiqué et ont tiré la sonnette d'alarme. Pourquoi un tel tollé ?
    Sur la base de jeux d'écritures qui reposent sur des artifices budgétaires, mais qu'il est aisé de démasquer, vous laissez croire que la croissance est toujours au rendez-vous. Votre affichage de croissance de 5 % n'est que le simple fait de reports de crédits dits non consommés. Cela présente, de toute façon, un réel danger. Soit, comme l'affirment la plupart des responsables de laboratoire, votre analyse est fausse ; la plupart des projets ayant un caractère pluriannuel et reposant sur des financements croisés, en 2003, la réalisation de certains d'entre eux sera inévitablement bloquée. Soit il existe quelques marges pour cette année blanche, mais les risques sont là : quoi qu'il se passe, il faudra que la croissance soit extrêmement forte en 2004 pour retrouver les mêmes niveaux.
    Ce budget, madame la ministre, est en contradiction avec l'objectif affiché d'atteindre 3 % du PIB en 2010.
    Vous dites miser sur une progression de la recherche privée, en particulier dans les entreprises. Vous affichez pour elle un objectif de 2 % du PIB, sur les 3 % souhaités, soit 66 % des efforts de recherche, alors qu'ils n'en sont actuellement qu'à 56 %. Pour l'atteindre, il faudrait que les entreprises développent, dans les huit années qui restent, autant que ces quinze dernières années. Or chacun sait qu'il y a cette année non seulement une pause, mais même une petite récession au niveau des budgets de recherche dans les entreprises. Une telle hypothèse est donc remise en question d'autant que ce budget ne propose aucune initiative nouvelle susceptible de créer une dynamique dans le secteur des entreprises ; je crains que ce ne soit plutôt l'inverse.
    Vous vous inscrivez dans la continuité de ces deux dernières années, mais avec un budget en diminution de 1,3 % : cela impliquerait, pour l'année prochaine, une augmentation de 10 %. Or tout le monde a dit qu'il fallait maintenir une moyenne de 5 à 6 % d'augmentation jusqu'à 2010. Et ce ne sera pas le budget militaire qui confortera l'effort public de recherche.
    Quelles propositions, madame la ministre, allez-vous nous avancer ? Pensez-vous sérieusement mener à bien l'objectif d'atteindre 3 % du PIB d'ici 2010 ?
    La situation est aggravée par l'abandon d'une politique menée sous le précédent gouvernement avec Roger-Gérard Schwartzenberg : que je félicite. Nous avions mis trois années à construire cette politique, fondée sur l'indispensable plan pluriannuel de l'emploi scientifique - priorité du rapport que Jean-Yves Le Déaut et moi-même avions remis à Lionel Jospin.
    D'aucuns connaissent la situation. Comme dans l'éducation et la santé, de très nombreux chercheurs, ingénieurs et techniciens vont prendre leur retraite à partir de 2005 et jusqu'en 2010-2012. Tous ceux qui évoluent dans le monde de la recherche savent qu'il ne s'agit pas simplement de remplacer un salarié par un autre, mais de l'aider - cet autre - après de longues années d'études à s'intégrer dans un champ de connaissances, atteindre un niveau international et inscrire son travail dans la durée.
    Non seulement vous n'êtes pas en situation de préparer cette période, mais vous supprimez 150 postes, dont 137 au CNRS, même si vous créez, ce dont je vous félicite, 100 postes d'ITA. Et si le CNRS est la principale victime - et après avoir entendu Christian Cabal, je comprends pourquoi -, aucun autre organisme n'est épargné. L'INRIA, notamment, a subi une remise en cause de son plan de développement sur quatre ans.
    Nous sommes confrontés aux prémices d'une mutation idéologique de la politique de la recherche, d'autant que pour seul substitut à toutes ces baisses vous créez 400 postes de CDD en post-doc.
    Est-ce la politique de la recherche de ce Gouvernement que de mettre à mal notre spécificité, alors que les emplois statutaires - n'en déplaise à Christian Cabal - ont fait de la France un leader en mathématiques, dans des secteurs comme le nucléaire, la chimie, le spatial, que vous connaissez bien, les sciences du vivant et bien d'autres disciplines ? Au moment où nous rencontrons des difficultés à attirer les étudiants vers les études scientifiques et encore plus à les motiver pour la recherche, pensez-vous que des perspectives de postes précaires dits « chair à paillasse » - c'est ainsi que les doctorants en parlent - sont de nature à capter la nouvelle génération ?
    Enfin, je reprendrai une des critiques du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie qui qualifie ces orientations budgétaires de purement comptables, sans souffle, sans priorités, sans orientations.
    Vous parlez de ce budget comme étant la traduction d'une politique de projet plutôt que de domaines. Quel sens a cette affirmation, qui masque à peine le manque de priorités dans votre politique ?
    Quels sont les projets que vous soutenez ? Sur quoi pourront s'appuyer les équipes de recherche pour obtenir l'aval de votre politique ? Quels critères devront rassembler les laboratoires pour se situer dans votre axe ?
    Rien dans ce budget n'apporte de réponses aux interrogations de la communauté scientifique, d'autant que, si vous diminuez sensiblement les aides aux laboratoires, vous augmentez parallèlement le fonds national de la science et le fonds de la recherche technologique. Nous soutenons ces fonds, mais à condition de préserver l'équilibre. Je vous mets en garde de ne pas trop privilégier une recherche uniquement pilotée sur des coups politiques ou des soucis de mode. Il serait opportun, avant de s'engager dans cette voie, de réaliser une véritable évaluation scientifique et technique des recherches et des travaux conduits par ces fonds.
    La France entend-elle se positionner dans l'espace européen avec une politique à contre-courant des efforts fournis par des pays comme les Etats-Unis, le Japon, mais aussi la plupart des pays européens ?
    Je suis navré de constater que chaque gouvernement de droite reproduit toujours le même scénario.
    M. André Schneider. Et la gauche ?
    M. Pierre Cohen. Je prends note néanmoins - je m'en félicite - que les incitations à l'innovation, amplifiées avec la loi sur l'innovation, sont poursuivies : maintien des réseaux de recherche et d'innovation technologique, des centres nationaux de recherche technologique, des fonds d'amorçage et des incubateurs.
    En ce qui concerne la culture scientifique et technique, mise à part l'aide apportée à la Cité des sciences et de l'industrie, l'essentiel relève de l'effet d'annonce : pas de budget supplémentaire, pas d'incitations, pas de véritable politique, alors que nous réclamons tout cela depuis des années. Force est de constater que nous n'avons pas eu beaucoup plus de succès les années précédentes.
    Nous avons pourtant la responsabilité et l'obligation d'éduquer nos concitoyens pour appréhender des phénomènes et des enjeux qui nécessitent des débats et des choix éclairés.
    Bien sûr, de nombreux dispositifs se développent : centres culturels scientifiques, techniques et industriels, expositions, cafés des sciences, associations, centres régionaux à thème, vulgarisation du travail des laboratoires, émissions de télévision spécialisée. Mais tout cela reste insuffisant.
    Nous n'avons pas su instaurer le même niveau de développement que dans le secteur de la culture. Pour faire face à ce déficit, nous pourrions créer un véritable service public qui s'enracinerait en amont au niveau de l'éducation nationale et qui se prolongerait avec, par exemple, des maisons des sciences sur tout le territoire, en nous appuyant sur les universités et les laboratoires. Ce projet pourrait faire l'objet d'un débat lors de la prochaine discussion dans le cadre de la loi sur la décentralisation et s'inscrire dans les contrats de plan Etat-région.
    Je voudrais, madame la ministre, terminer par un sujet que vous connaissez bien : la politique spatiale.
    Vous avez décidé de diminuer le budget du CNES à un moment où toute la profession est en plein désarroi. Ne me répondez pas, comme l'a fait récemment Nicole Fontaine, que cette évolution est le résultat des politiques menées au cours des années précédentes. Vous savez que la situation est plus grave qu'il n'y paraît. Nous devons mener une politique spatiale ambitieuse et affranchie du joug libéral de votre gouvernement.
    Madame la ministre, ce budget doit être l'occasion d'afficher une forte volonté de développement, d'affirmer nos compétences dans le secteur de l'observation de la Terre en lançant le programme Pléiade, mais aussi de poursuivre les programmes engagés comme la télécommunication avec Syracuse 3 B, tout en continuant à jouer notre rôle de leader sur le plan européen et en cessant d'hésiter sur le programme Galiléo. Il en est de même pour le projet GMES, qui devient à la fois politique et stratégique pour le devenir de l'humanité.
    Quelle est votre stratégie avec une industrie spatiale à deux têtes : EADS et Alcatel, avec son train de licenciements ? Quel devenir pour notre agence dans une Europe qui ne cesse de se chercher ? Enfin, quel avenir pour notre lanceur Ariane au regard de difficultés qu'il rencontre ?
    Pouvez-vous convaincre votre gouvernement que l'espace doit être une priorité, que c'est un secteur stratégique, socialement utile et que seuls les moyens publics peuvent permettre à la fois de préparer l'avenir, de maintenir les emplois nécessaires pour faire avancer la recherche et développer des compétences technologiques ?
    Quoi qu'il arrive en 2003, en utilisant des artifices budgétaires vous risquez de créer de nombreux dysfonctionnements et de devoir ensuite réagir vite et fort. Madame la ministre, avec la communauté scientifique, nous resterons vigilants.
    Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. Madame la ministre, compte tenu de l'engagement présidentiel de consacrer 3 % du PIB à la recherche à l'horizon 2010, nous attendions que le BCRD 2003 constitue une première étape de cette entreprise. Or, il diminue de 1,3 % par rapport à l'an dernier, et les reports de crédits ne sauraient masquer l'essentiel de notre constat : la recherche a été une des variables d'ajustement de la loi de finances pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La faiblesse des moyens consacrés à la recherche est certainement une des raisons du déclin de la France, qui ne consacre plus que 2,1 % de son PIB à la recherche développement, contre 2,4 % en 1994. Les derniers chiffres de l'OCDE montrent clairement qu'elle est en perte de vitesse par rapport à ses concurrents étrangers.
    Madame la ministre, votre budget n'est pourtant pas dépourvu d'initiatives intéressantes. Nous saluons votre décision de permettre aux grands organismes de recherche d'accueillir 400 post-doctorants en plus. Nous saluons aussi l'augmentation substantielle des fonds du FNS et du FRT.
    Voilà pourquoi et en accord avec les priorités générales du Gouvernement, qui sont celles de la justice, de la sécurité et de l'effort militaire, le groupe UDF votera ce budget.
    M. Jean-Yves Le Déaut. C'est le grand écart !
    M. Pierre Cohen. Ce budget est mauvais, mais on le vote !
    M. Jean Dionis du Séjour. Au terme de ce constat rapide, l'UDF réaffirme pourtant, avec force, que l'objectif de 3 % du PIB consacré à la recherche doit être atteint le plus rapidement.
    Au-delà, d'ailleurs, de l'effort budgétaire souhaitable, et en accord avec son propre projet politique européen, territorial et libéral, l'UDF tient à prendre position sur la structure des dépenses de recherche.
    Premièrement, il convient d'accélérer la construction de l'Europe de la recherche grâce à deux propositions : l'augmentation du PCRD, et la création d'un véritable espace de recherche européen.
    En effet, dans le domaine de la science plus que dans tout autre, l'avenir de la France, et vous le savez personnellement, passe par l'Europe. Pour rivaliser avec la concurrence américaine ou asiatique, nous devons unir nos efforts au sein de la Communauté. C'est pourquoi il nous faut accélérer la construction de l'Europe de la recherche avec, dans un premier temps, une augmentation réelle des contributions nationales au PCRD.
    Mais il faut aller plus loin encore en rendant concrète l'idée de doter l'Europe d'un équivalent de l'United States National Science Foundation américaine, car nous avons véritablement besoin d'un espace de recherche indépendant pour fusionner les énergies fragmentées au sein des Quinze. Des fonds seraient consacrés à des grands programmes que mèneraient ensemble les organismes de recherche publics ou privés de chaque Etat membre.
    Deuxième priorité pour nous, faire des universités et des collectivités locales les acteurs du financement de la recherche. Au coeur même de ses territoires, la France doit, pour promouvoir l'effort de recherche menée par ses universités, leur accorder plus de confiance, comme il est d'ailleurs d'usage dans les autres grands pays de recherche, en leur permettant d'élaborer de manière autonome leur propre stratégie scientifique. Les universités doivent donc pouvoir librement définir leur politique de recherche, créer des liens avec leurs homologues étrangères, recruter des « têtes chercheuses ». Tout en gardant la qualité de notre système de recherche, il est nécessaire d'opérer un rééquilibrage entre les grands organismes nationaux et les universités afin que ces dernières soient enfin en situation de responsabilité.
    Troisième axe majeur, améliorer l'évaluation de la dépense publique de la recherche. Les structures d'évaluation sont peu adaptées aux enjeux actuels. Elles doivent être repensées en profondeur pour privilégier des logiques d'efficacité et de résultat. Aujourd'hui, la qualité de la recherche d'un pays se mesure au regard de sa capacité à faire bénéficier la croissance des fruits de la science. L'évaluation de notre recherche doit faire une place beaucoup plus importante à l'expertise des chercheurs étrangers et des ingénieurs du secteur privé. Les critères de promotion des chercheurs doivent désormais être établis au regard des résultats de leurs travaux.
    Quatrième piste, augmenter et défiscaliser l'effort de recherche du secteur privé. Promouvoir la recherche, c'est aussi renforcer l'attractivité de notre territoire en attirant les investissements étrangers. Les mesures que vous annoncez, madame la ministre, sont bonnes ; il nous semble pourtant qu'elles sont trop timorées. La France ne peut concrétiser sa bonne compétitivité en termes de formation et de structure en raison d'un système fiscal encore archaïque et dissuasif ; c'est pourquoi une réforme urgente du crédit d'impôt recherche s'impose. Il s'agira d'exclure des dépenses imposables tout investissement privé ayant un objectif de recherche-développement mené en collaboration avec les universités et les organismes de recherche, et de créer un régime de fondation adapté à la gestion de leurs financements.
    Cinquième axe, mettre en oeuvre budgétairement la priorité donnée à la lutte contre le cancer. Le Président de la République l'a d'ailleurs clairement rappelé lors de son allocution du 14 juillet 2002 : « c'est ensuite le cancer, [...], c'est un véritable drame national qui exige un effort considérable, un effort de recherche, un effort de prévention et de dépistage, un effort de traitement, . Et cela, c'est aussi une grande ambition que nous devoir avoir ».
    Le manque de transparence des crédits affectés au FNS en matière de cancérologie tranche singulièrement avec la clarté de ces engagements. Notre question est donc très simple : quelle est leur traduction budgétaire pour 2003 ?
    Attachons-nous maintenant aux mesures en faveur des nouvelles technologies contenues dans votre budget. Le BCRD pour 2003 ne fait pas apparaître clairement les efforts entrepris dans ce domaine. Là encore, une certaine absence d'ambition est le handicap dont souffre ce budget. Les nouvelles technologies méritent une identification beaucoup plus transparente et une revalorisation plus franche.
    En ce qui concerne les télécommunications, le Gouvernement s'est engagé en 2001, lors du CIADT de Limoges, à permettre, en 2005, l'accès à bas prix aux prestations en haut débit sur l'ensemble du territoire. Où en est-on à la fin de 2002 ? Seulement 880 000 Français en bénéficient, en majorité des urbains. Quels efforts budgétaires vont être entrepris pour combler le retard français ?
    Le secteur des télécommunications est sinistré, mais il reste porteur d'avenir. Il nécessite donc un accompagnement concret de l'Etat. Or, dans ce secteur, la donne a changé. France Télécom était le moteur du développement des télécommunications en France. Durablement pénalisé par le poids de sa dette, il occupera nécessairement un rôle plus modeste dans les années à venir. Mais le développement du haut débit sur l'ensemble du territoire ne peut pas attendre.
    Nous vous faisons donc une proposition, qui peut d'ailleurs s'inscrire dans les réflexions en cours sur les futures lois de décentralisation : confier aux régions françaises les réseaux de desserte, actuellement propriété de France Télécom. Nous souhaitons qu'un vaste débat soit consacré à cette idée.
    Ainsi, les régions deviendraient propriétaires des réseaux locaux de France Télécom et des SEM, auxquelles pourraient être associés les conseils généraux, en assureraient la gestion, les louant aux différents opérateurs afin de favoriser l'émergence d'une véritable concurrence. Les investissements seraient assurés dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. La fourniture du haut débit pourrait être incluse dans le service universel des télécommunications.
    Chaque opérateur bénéficierait d'un égal accès aux infrastructures haut débit une fois celle-ci rapatriées dans le giron du service public, assurant ainsi une régulation plus efficace. J'ajoute que ce serait pour l'Etat une manière utile de recapitaliser France Télécom.
    Enfin, d'une manière plus générale, l'UDF s'inquiète de voir la science perdre le pouvoir de fascination et d'attraction qu'elle a longtemps exercé en France, notamment sur les jeunes générations. Les inscriptions pour l'année universitaire 2002-2003 sont à cet égard révélatrices. Nous vous donnons d'ailleurs acte, madame le ministre, d'avoir été l'une des premières à appeler sur ce point l'attention des pouvoirs publics.
    Madame la ministre, avec la représentation nationale et tous les acteurs publics, nous devons, ensemble réenchanter la science et la recherche aux yeux de notre jeunesse. La France ne restera une nation prospère au xxie siècle que si elle maintient la recherche scientifique dans les premières places. Cela passe par l'adhésion de notre jeunesse à la culture scientifique moderne, qui doit être l'un des objectifs majeurs de toute politique publique en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déault.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la recherche pour 2003 est décevant. Il n'est, à notre sens, pas sincère, en trompe-l'oeil. La baisse effective des crédits - 1,3 % - est maquillée en une augmentation de 5,3 % par de véritables tours de passe-passe : changements de périmètre budgétaire ou transferts d'une année budgétaire sur l'autre.
    D'ailleurs, quand 5 000 chercheurs, plusieurs prix Nobel, plusieurs directeurs scientifiques de grands organismes de recherche et de très nombreux doyens et présidents d'université signent une pétition qui circule par mail dans tous les laboratoires, cela traduit une rupture profonde entre la France et ses chercheurs.
    Je ne vous incrimine pas, madame la ministre, puisque vous venez d'arriver à ce poste. Néanmoins, j'ai tendance à penser qu'aujourd'hui, et depuis plusieurs années, on ne donne pas une véritable priorité à la recherche en France. Si l'on se penche sur les causes de cette situation, on s'aperçoit que Bercy, qui tient les cordons de la bourse, a fait preuve de beaucoup d'imagination pour compliquer le code des marchés publics dans les universités - notre collègue Lasbordes l'a noté tout à l'heure. Dans les organismes de recherche, c'est encore Bercy qui occasionne des retards dans l'exécution budgétaire, et c'est Bercy, toujours, qui traque ce que l'on appelle pudiquement les « crédits non consommés ».
    La méthode consistant à transférer, sur le budget 2003, 720 millions d'euros de ces crédits est peu orthodoxe, car elle opère une confusion entre le budget affiché et le budget exécuté. Il convient de décortiquer cette trouvaille budgétaire, car elle prouve que les services du ministère de la recherche et de Bercy sont passés maîtres dans l'art du bricolage. Evoquer l'existence d'un report de 720 millions d'euros, dont 400 viendraient des EPST, est une contrevérité. En 2002, le montant des crédits d'Etat non consommés s'élèvera à moins de 1 %, car chacun sait que les crédits engagés en novembre et décembre ne sont payés que l'année suivante.
    Le manque de sincérité est flagrant dans un discours qui désigne par le terme de « crédits publics » non seulement les subventions de l'Etat, mais aussi les ressources propres des organismes, qu'il s'agisse de fonds européens, de fonds privés ou provenant des collectivités locales.
    Au CNRS, par exemple, si on exclut les salaires, les ressources propres devraient représenter en 2002 54 % des moyens des unités. En 2001, ces crédits provenaient pour 22 % des entreprises, pour 36 % de contrats gérés par des administrations publiques centrales, pour 36 % d'organismes communautaires et pour 6 % de collectivités locales et d'autres organismes.
    L'Etat veut s'approprier ces crédits en considérant que le financement privé d'un laboratoire peut se muer en ressources publiques dès lors qu'il est géré par un organisme de recherche ou par une université. Et cela - quand on est parlementaire, on doit le dire de manière très forte -, ce n'est pas une méthode de gouvernement !
    J'accuse ici publiquement Bercy, qui aurait mieux fait de s'attaquer en priorité aux lourdeurs administratives en déconcentrant les crédits, en effectuant des contrôles de dépenses a posteriori, en réduisant les délais de recrutement des personnels, en développant la contractualisation sur plusieurs années et en simplifant le code des marchés publics.
    M. Pierre Cohen. Très juste !
    M. Jean-Yves Le Déaut. La France est aujourd'hui dirigée par le ministère des finances, et on ne peut pas être heureux dans une discussion budgétaire si on voit celui-ci rogner sur la recherche, c'est-à-dire l'avenir du pays.
    Ce qui m'apparaît le plus inquiétant, c'est que le Gouvernement n'hésitera pas à renouveler cette opération l'an prochain. Nous le savons, les prévisions de croissance pour 2003 ont été gonflées, et de nouveaux arbitrages budgétaires devront avoir lieu au cours de l'année. Et ce sont des crédits comme ceux du ministère de la recherche qui seront sacrifiés.
    Ce budget est décevant car il est en contradiction avec les promesses du Président de la République, mon collègue de l'UDF l'a dit à l'instant. Avec ce budget, les espoirs des chercheurs se sont évaporés, ils ont fait « pschitt » pour reprendre l'expression du Président.
    Le plan de recrutement pluriannuel, mis en place par Roger-Gérard Schwartzenberg ici présent, est abandonné. La suppression de 150 postes de chercheurs, dont 137 au CNRS, constitue un acte sans précédent dans l'histoire de la recherche française : on en chercherait vainement un équivalent dans tous les budgets précédents. Et si je suis d'accord avec vous, madame la ministre, pour mettre « dans le même pot » les emplois universitaires d'enseignant-chercheur et ceux de chercheur, il n'en reste pas moins que tous ces postes sont à l'étiage. Dans le rapport intitulé « Priorités à la recherche », que Pierre Cohen et moi-même avions remis au Premier ministre, nous avions prévenu qu'il fallait anticiper sur les départs à la retraite massifs et procéder à l'avance à des recrutements, faute de quoi nous nous dirigerions vers une réduction mécanique du nombre de postes de chercheurs.
    Or ce n'est pas avec des postes de post-doctorants à 2 000 euros par mois, forcément précaires, que l'on va attirer les jeunes vers la recherche. Ils ne peuvent être considérés comme une compensation des emplois supprimés. Nous voudrions que vous nous indiquiez si ce dispositif est ou non pérenne, quelles seront les priorités retenues pour l'attribution de ces postes et si des emplois seront créés à l'issue de ces « post-doc ». Dans le cas contraire, leurs titulaires se retrouveront dans une véritable impasse.
    Le Gouvernement, je le dis avec solennité, n'a pas compris que tout retard dans le développement technologique aura des répercussions immédiates sur notre économie. Les mines du XXIe siècle seront des mines de matière grise. Nous ne préparons pas l'avenir, nous le bradons. Observons, les grands pays industrialisés ! Aux Etats-Unis, depuis cinq ans, de l'administration de M. Clinton à celle de M. Bush, le budget du National Institutes of Health a augmenté d'un peu moins de 4 milliards de dollars par an. Dans le seul domaine de la santé, l'augmentation des crédits est aux Etats-Unis deux fois supérieure à tout ce que nous consacrons chaque année aux sciences de la vie. Comment, dans ces conditions, lutter d'égal à égal avec les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ?
    Pour M. Cabal, nous n'avons pas besoin de crédits supplémentaires, mais de dépenser mieux. C'est un discours que l'on tient quand on a un mauvais budget ! Il faut, certes, dépenser mieux, mais avec des crédits. Nous n'avons pas besoin de plus de chercheurs, nous dit-on. Mais les Etats-Unis en comptent huit pour mille habitants, contre six pour mille en France. Nous partons donc avec un handicap. Ce n'est pas avec de tels chiffres que nous pourrons faire de la lutte contre le cancer une priorité, ainsi que l'a demandé le Président de la République.
    Je terminerai en évoquant deux points sur lesquels je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous donniez des explications.
    Le premier concerne la décentralisation, dont on parle beaucoup. Quel est votre sentiment sur la décentralisation de la recherche ? A cet égard, les déclarations de certains présidents de région ont de quoi inquiéter. Si une telle évolution peut aisément être envisagée pour des politiques de soutien à l'innovation ou de transferts de technologie, les régions étant déjà compétentes en matière de développement économique, il n'en est pas de même de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui nécessitent un traitement commun et, en tout état de cause, une articulation étroite. L'enseignement supérieur, plus que toute autre étape de la formation intellectuelle, se nourrit des dernières avancées de la connaissance scientifique.
    Le parti socialiste est partisan d'une plus grande autonomie de fonctionnement des établissements et d'une implication accrue des régions dans le cadre d'une contractualisation. Mais il n'a guère confiance dans la volonté de décentralisation et de contractualisation d'un gouvernement qui, par l'intermédiaire du ministère des finances, exerce avec fermeté sa tutelle sur le fonctionnement des établissements.
    Le deuxième point, le volet européen, a été abordé par plusieurs de mes collègues. Il est primordial.
    Le sommet de Barcelone a décidé de consacrer 3 % du PIB européen à la recherche et au développement. Pour y parvenir, il faut se concentrer sur trois priorités :
    D'abord, il convient d'assurer la création d'une Europe de la connaissance qui permette à la fois de comprendre le monde où nous vivons et de former les jeunes générations, qui doivent intégrer les connaissances scientifiques dans leur bagage intellectuel.
    Ensuite, il importe de bâtir une économie de la connaissance destinée à rendre l'Europe compétitive et à développer une recherche à dimension européenne dans le domaine de la santé, des transports, de la ville, et de l'immigration et sur de nombreux problèmes de société.
    Enfin, l'espace européen de la recherche et de l'enseignement supérieur doit être solidaire. Sans nier la nécessité de soutenir l'excellence scientifique, nous devons éviter que ne se creuse, en matière de recherche, l'écart entre les pays de l'Ouest européen et les candidats à l'intégration, ou entre les pays développés et ceux du Sud. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une recherche qui, conduite uniquement dans les pays développés, oublie les graves problèmes auxquels sont confrontés nombre de pays du Sud, comme le paludisme, contre lequel des moyens insuffisants sont consacrés.
    Dans certains domaines toutefois, tels que la pharmacie et les biotechnologies, des entreprises européennes, comme Aventis, investissent fortement en recherche et développement aux USA. L'Europe a du mal à soutenir rapidement les secteurs en émergence : nanotechnologies, biotechnologies, recherches liées aux technologies de l'information. L'Europe n'est pas encore un marché commun de la recherche et de l'enseignement supérieur, en particulier pour l'emploi des scientifiques, et de moins en moins de scientifiques étrangers viennent dans nos laboratoires européens.
    Un espace existe, et nous aimerions connaître votre position, madame la ministre, sur la création d'un Conseil européen de la recherche dont il a récemment été question à Copenhague ; il conviendrait, notamment, de préciser le rôle des universités, d'autant que la France a une organisation particulière dans laquelle coexistent grandes écoles, universités et établissements de recherche. Ce conseil aurait pour mission d'offrir des bourses post-doctorat de haut niveau, de financer l'accès à des infrastructures de recherche nationales mais ayant une dimension européenne, de faciliter la coordination de programmes nationaux en sciences de base.
    Il faudrait sans doute, dans un premier temps, renforcer la coopération franco-allemande. Je souhaiterais connaître votre sentiment à ce sujet.
    La question du financement étant primordiale, il serait indispensable que la future Constitution européenne - cela montrerait au moins que la recherche est une priorité - fasse référence à la nécessité de consacrer des moyens institutionnels et financiers à la réalisation d'une Europe de la connaissance dans le cadre d'une politique commune de la recherche et de l'enseignement supérieur.
    Madame la ministre, de fantastiques enjeux nous attendent. Malheureusement, je ne pense pas que le budget pour 2003 permettra de les relever. Cependant, nous serons, demain, à vos côtés pour défendre la recherche scientifique si le Gouvernement appréhende mieux ces enjeux.
    Aujourd'hui, je ne peux que tirer la sonnette d'alarme en constatant que, pour créer des postes dans la police, dans les prisons ou dans l'armée, on ponctionne les budgets de la culture, de l'éducation nationale, de la recherche ou de l'équipement.
    C'est pour ces raisons que le groupe socialiste - mon collègue Pierre Cohen l'a déjà dit - votera contre le budget de la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Philip.
    M. Christian Philip. Madame la ministre, en écoutant certains des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune - le dernier en particulier -, je me disais que je n'avais sans doute pas pu su lire le budget que vous nous présentez. Pourtant, je croyais, modestement, avoir quelque compétence en la matière.
    J'ai donc entendu que ce budget serait factice, sans ambitions et sans priorités. Certes, comme tant d'autres et chaque année, il a subi un certain nombre de contraintes. Certes, les rigidités imposées par le ministère des finances peuvent parfois paraître un peu lourdes et abusives. Néanmoins, madame la ministre, vous nous proposez une politique volontariste et des priorités. Je peux ainsi souligner un réel effort en faveur des jeunes diplômés et du fonds national de la science, ainsi que l'action volontariste en matière de recherche universitaire.
    Par ailleurs, je n'estime pas fondée l'assertion selon laquelle l'affirmation du désir de dépenser mieux tend à cacher un mauvais budget. Il me semble au contraire indispensable de s'engager dans cette démarche, car le saupoudrage fréquemment opéré ces dernières années où certaines mesures ne concernant que telle ou telle catégorie de personnel, pour des raisons qu'on peut comprendre mais qui ne relèvent pas de l'intérêt général, ne constituaient pas une politique de recherche.
    Puisque j'ai aussi entendu parler « d'artifices », je tiens à rappeler - car je n'ai pas été convaincu par les arguments contraires - que les budgets précédents n'ont pas été exécutés tels qu'ils avaient été présentés. Les reproches d'effet d'affichage ou d'effet d'annonce sont bien plus justifiés à leur égard.
    Ces observations initiales m'amènent à vous poser une première question : quelles actions allez-vous engager pour évaluer les dépenses sur lesquelles des économies peuvent et doivent être faites, de manière à réorienter progressivement ces crédits vers les domaines prioritaires ? Il est vrai que les procédures sont souvent complexes. Toutefois, il faut avoir le courage de reconnaître que, au-delà de ces procédures, des économies doivent être réalisées dans plusieurs secteurs.
    Par ailleurs il est évident que la recherche publique est une priorité. Malgré tout, l'effort de recherche d'un Etat ne saurait être à la hauteur des besoins, si la recherche publique n'est pas accompagnée d'une recherche forte dans nos entreprises.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Tout à fait exact !
    M. Christian Philip. Parmi les projets envisagés par Mme la ministre de l'industrie dans son budget pour 2003, celui qui tend à inciter les entreprises à accroître leurs efforts d'innovation a une importance particulière. Cela induit ma deuxième question : comment coordonnerez-vous votre action avec ce projet ? Comment votre propre budget peut-il inciter le secteur industriel à accroître les budgets de recherche souvent insuffisants, notamment dans le domaine de la recherche fondamentale ?
    Je veux enfin me placer sur le plan européen, car ce n'est pas manquer d'ambition que d'affirmer que la France ne peut rivaliser seule avec les Etats-Unis. Nous devons donc inscrire notre politique de recherche dans un cadre européen. Or, au-delà des crédits dont elle bénéficie dans le PCRD, il est inquiétant de constater que notre pays conduit moins de projets que l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Quelles initiatives peut-on prendre pour renverser cette tendance ?
    D'ailleurs, une récente communication de la Commission - L'espace européen de la recherche : un nouvel élan - propose de renforcer les mécanismes de coordination des politiques nationales de recherche. Comment vous situez-vous par rapport à cette perspective européenne ?
    L'Union européenne, elle-même, ne devrait-elle pas être un thème davantage prioritaire de recherche pour nous, par exemple sur le plan juridique et économique ? Dans ces secteurs, la France dispose d'équipes de recherche moins importantes que celles mises en place par ses principaux partenaires. Nos équipes, peu aidées sur le plan national, dépendent très largement des subventions de la Commission. Elles travaillent donc essentiellement sur des thèmes définis par cette dernière.
    Pourtant la France n'aurait-elle pas intérêt à développer des recherches sur les évolutions de la politique agricole commune, sur les fonds structurels, sur les institutions de l'Union européenne, tous thèmes d'actualité ? Votre ministère, madame la ministre, ne pourrait-il lancer un programme incitatif en ce sens, auprès des universités et des organismes de recherche ? L'Europe en elle-même, au-delà des programmes qu'elle initie, mérite cette ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Birraux.
    M. Claude Birraux. Madame la ministre, la présentation de votre premier budget ne laisse indifférents ni les chercheurs ni la représentation nationale. Que n'avons-nous pas déjà entendu, y compris dans cet hémicycle ? Le schéma est simple : la droite sacrifie la recherche, la gauche la défend. J'ai trop d'expérience dans cette maison pour me laisser impressionner par ce discours.
    La gauche aime surtout la recherche lorsqu'elle n'est pas au pouvoir. Vous retrouverez au Journal officiel les déclarations de M. Allègre à cette tribune disant que la recherche n'était pas la priorité du gouvernement Jospin et qu'elle ne deviendrait prioritaire que lorsqu'elle aura été réformée. La priorité du gouvernement précédent a d'ailleurs été de réformer M. Allègre d'abord. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    J'invite mes collègues à comparer objectivement les budgets affichés dans le passé, sous un gouvernement de gauche, et les budgets exécutés après régulations budgétaires.
    C'est sous la plume de M. Fossey, secrétaire général du syndicat national des chercheurs scientifiques-FSU, qu'une appréciation plus nuancée, mais alarmante, est portée. Il a relevé que, au cours de la décennie 1991-2000, les dépenses de recherche et développement n'ont été accrues en volume que de 0,7 % en France contre 3,6 % aux Etats-Unis, 2 % dans l'Union européenne, 1,4 % au Japon et en Allemagne. La situation est encore plus inquiétante pour les années 1997-2000, période de reprise économique où la gauche était au pouvoir.
    Entre 1991 et 2000 la part française des dépenses de recherche et développement dans l'Union européenne a baissé de 21 % à 19 %. Le même auteur note, dans le numéro d'octobre de sa revue, que la majorité des soixante propositions du rapport Cohen-Le Déaut n'a pas été mise en oeuvre. C'est dire si la tâche qui vous attend est immense et c'est dire si, après ce budget, que l'on peut considérer comme une pause, il faudra de la détermination pour tenir les engagements du Président de la République : 3 % du PNB pour la recherche en 2010.
    Nous connaissons votre détermination et nous avons apprécié la transparence qui préside à votre action. Nous attendons avec grand intérêt vos propositions pour une nouvelle loi sur l'innovation. En effet, si la loi Allègre a fait sauter quelques verrous archaïques entre la recherche et l'entreprise, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et je me demande s'il ne faudrait pas évaluer d'abord les verrous qui demeurent avant de se lancer dans une nouvelle loi.
    Le carcan administratif est toujours rigide. Bercy a repris d'une main ce qu'il avait concédé à Claude Allègre de l'autre. Les moyens affichés jusqu'à ce jour ne sont pas à la hauteur des objectifs. Ainsi, le premier appel d'offres à concourir pour des projets de recherche sur des fonds d'amorçage nationaux n'était doté que de 200 millions de francs, soit ce que consacre l'université catholique de Louvain à elle seule et chaque année à des fonds d'amorçage.
    Des verrous psychologiques, réglementaires, financiers, fiscaux sont à lever si vous voulez éviter la fuite des cerveaux et valoriser en France l'expérience acquise par de jeunes chercheurs à l'étranger. Il serait paradoxal que la valorisation de l'expérience soit ouverte pour tous les travailleurs et refusée aux chercheurs reconnus, expérimentés, qui seraient priés de repasser les concours comme des débutants.
    Mobiliser le privé pour augmenter sa part de financement de la recherche ne se fera pas, comme en 1982, en fixant le pourcentage dans la loi. Un assouplissement des règles régissant les fondations me paraît une piste intéressante. Par ailleurs n'oublions pas que le rapport de notre collègue député de Paris, M. Charzat, a ouvert des voies nouvelles que le gouvernement Jospin n'a pas voulu suivre, mais que je vous invite fortement à explorer.
    J'en viens à des problèmes plus sectoriels.
    En ce qui concerne d'abord la nécessaire harmonisation avec l'Union européenne, comment jouer la synergie et la complémentarité ? Pour la recherche française, cela doit nous conduire à nous demander comment passer d'une logique par thème à une logique de projet.
    A cet égard le secteur de l'espace doit faire l'objet d'une déclinaison particulière. En effet, la concurrence se fait plus rude et il importe de ne pas disperser les efforts de recherche et développement en la matière. D'ailleurs, j'ai beaucoup de mal à voir la cohérence d'ensemble, car il me semble que la recherche-développement est trop dispersée entre les pays. Quelles propositions comptez-vous faire dans ce domaine, car l'inquiétude des chercheurs grandit ? Quels sont la situation et l'avenir du CNES ?
    Il me semble aussi que nous ne savons pas jouer, comme les Américains, avec les crédits de recherche militaire qui diffusent vers le civil sans que le libéralisme affiché s'en trouve le moins du monde gêné.
    M. Pierre Cohen. Eh oui !
    M. Claude Birraux. Les crédits de l'ADEME baissent, mais il faut souligner qu'ils avaient été gonflés sans justification, pour des effets d'annonce, ce qui avait entraîné des sous-consommations chroniques. Ses crédits pour 2003 permettront-ils de faire face à la demande ?
    Par ailleurs, dans un rapport pour l'Office des choix scientifiques que j'ai rédigé voilà un an avec Jean-Yves Le Déaut sur les possibilités techniques et technologiques des énergies nouvelles et renouvelables, nous avions préconisé une relance de la recherche sur le solaire et les biocarburants, coordonnée par votre ministère avec l'ADEME comme bras séculier. Quelle suite entendez-vous donner à ces propositions et quels moyens y seront-ils consacrés ?
    Enfin, le budget de l'IRSN est inscrit à votre ministère. Néanmoins la structuration de cet institut dépend de plusieurs de vos collègues. Or, sauf information de dernière minute, le conseil d'administration n'est toujours pas constitué. J'en serais même le seul membre, nommé par l'office parlementaire des choix scientifiques, et il ne compte qu'un administrateur provisoire. Assumer tout seul des choix qui engagent l'avenir n'est pas raisonnable quelles que soient les qualités - et il n'en manque pas - de ce dernier.
    La création de l'IRSN - fusion de l'IPSN et de l'OPRI - a reçu le soutien de tous les groupes politiques. A cet égard, il n'est pas exagéré de préciser que son périmètre d'intervention et les tutelles organisées doivent beaucoup à l'engagement de Robert Galley et de moi-même. Il ne serait pas tolérable que, pour d'éventuels combats d'arrière-garde, on entravât son fonctionnement normal. Vous pouvez transmettre ce message à vos collègues concernés, en particulier au ministre de la santé.
    Pour conclure, je dirai simplement que vous pouvez compter sur notre soutien pour ce projet de budget, comme l'a rappelé notre collègue Jacques Domergue, ainsi que notre soutien encore plus fort et plus résolu pour faire de notre pays le moteur de la recherche et de l'innovation en Europe dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je souhaite en premier lieu adresser mes remerciements les plus chaleureux aux trois rapporteurs, MM. Christian Cabal, Pierre Lasbordes et Claude Gatignol, qui ont su, d'une manière remarquable, dégager, derrière l'aridité des chiffres du projet de budget civil de la recherche et des nouvelles technologies pour 2003, les lignes de force d'un projet dont je vais rappeler les principaux axes dans quelques instants.
    Je remercie également tous les orateurs qui se sont exprimés, pour la qualité de leurs interventions. Il est très important pour le Gouvernement, tout particulièrement pour Luc Ferry et moi-même qui sommes en charge de la recherche, que des débats sur la politique nationale de la recherche et développement se tiennent de manière régulière dans cette assemblée. Les observations formulées constitueront d'ailleurs autant d'éléments de notre réflexion.
    Le Gouvernement a une grande ambition pour la recherche et l'innovation technologique dans notre pays, lesquelles s'imposent désormais - aujourd'hui encore plus qu'hier sans doute - comme des éléments incontournables de la préparation maîtrisée de notre avenir. Ainsi que vous l'avez souligné, monsieur Paul, les programmes déjà initiés et ceux qui le seront dans les prochaines années vont, pour longtemps, conditionner tant le mode et le niveau de vie de nos concitoyens que le rayonnement de la France en Europe et dans le monde. C'est dans la ligne de cette réflexion que nous souhaitons proposer à nos concitoyens ce nouvel élan en faveur de la recherche et du développement technologique.
    L'enjeu est évidemment de taille, puisqu'il s'agit de construire une société de l'intelligence, en faisant le pari de la matière grise. Il faut une France de la connaissance si nous voulons qu'elle soit aussi, comme chacun le souhaite, une France de la croissance et d'un progrès partagé et compris.
    Pour cela, nous devons être ambitieux, libérer la créativité, encourager l'excellence, favoriser l'innovation afin de replacer la science et la connaissance, comme des richesses, au coeur de notre société et au service des aspirations ambitieuses de nos concitoyens. C'est dans cet esprit que je souhaite présenter les lignes de force de notre politique, dont ce projet de budget pour 2003 est la première expression.
    Ce budget, comme beaucoup d'entre vous l'ont souligné, correspond à une phase transitoire, entre un état antérieur qui n'a pas permis de relever de façon satisfaisante le défi international qui nous était lancé, et l'élan puissant auquel le Gouvernement veut inviter notre pays, dans une stratégie à long terme qui doit être menée tout au long de la législature.
    Notre première orientation est le soutien résolu à l'excellence en recherche fondamentale. En effet, la recherche fondamentale est certes une mission de service public, mais elle est aussi le socle de tout l'édifice de la recherche et développement, terreau dont vont naître les inventions, les innovations les plus marquantes, les progrès cognitifs enthousiasmants, les ruptures conceptuelles ou expérimentales, car il faut sans cesse repousser les frontières de l'ignorance. Toutes ces avancées seront porteuses de cette compréhension plus fine, plus riche, non seulement de nous-mêmes, mais aussi des sociétés passées, présentes et à venir, ainsi que du monde matériel qui nous entoure et dans lequel nous sommes obligatoirement impliqués et invités à participer.
    C'est ce choix qui a imposé que les autorisations de programme des universités et des grandes écoles comme celles des organismes nationaux à caractère scientifique et technologique progressent en volume - l'augmentation est de 4,5 % pour certaines - ou soient maintenues.
    C'est dans cet axe également que l'on peut placer l'augmentation significative du fonds national de la science : la croissance de 42 % des AP témoigne d'une volonté de soutien à la recherche fondamentale, aux programmes en émergence et à ceux menés en partenariat par plusieurs établissements publics.
    La deuxième orientation de notre politique de recherche est le soutien à la recherche technologique ou, selon une expression consacrée, à une recherche plus appliquée, c'est-à-dire aux applications de la recherche précédemment citée.
    Il est important de veiller à l'équilibre de ces deux composantes, parce qu'après les démonstrations expérimentales, originales, en laboratoire, les démonstrations théoriques et les interprétations nouvelles, vient nécessairement la recherche d'application de ces avancées en vue d'élaborer des objets et des procédés nouveaux répondant à des objectifs précis de performance, de propriétés améliorées et de services, pour faire face aux enjeux de société qui se présentent à nous dans les domaines de la santé, de la sécurité, du développement durable et de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication qui révolutionnent notre société.
    Cette politique de soutien à l'innovation se manifeste dans le projet de budget par le maintien des moyens existants, comme pour le CEA, ou la légère croissance de ceux-ci, comme vous l'avez souligné, monsieur Paul, pour l'IFREMER, le BRGM, le CIRAD et différents autres EPIC.
    Le Gouvernement, sensible à la nécessité de donner une impulsion nouvelle à la recherche et à l'innovation, présentera avant la fin de l'année 2002 un plan de relance de l'innovation. Vous avez été nombreux à le réclamer : les rapporteurs, et notamment M. Cabal, M. Philip et M. Birraux. Le ministre de la recherche y travaille activement, en liaison avec le ministère chargé de l'industrie. Il prévoit un certain nombre de mesures spécifiques que je ne développerai pas maintenant mais qui vous seront présentées après que le projet aura été soumis au conseil des ministres, en décembre. Sachez que beaucoup des propositions que vous avez évoquées font l'objet actuellement d'une réflexion et d'une analyse, et que beaucoup d'entre elles vous seront soumises pour avis.
    La troisième orientation de notre politique de recherche est un soutien volontariste aux opérations de transfert et de valorisation des résultats de la recherche, dans le cadre de la synergie impulsée entre le public et les entreprises. L'ANVAR est pour nous un instrument déterminant de la conduite de cette politique, et ses moyens ont été maintenus au même niveau qu'en 2002.
    Vous avez évoqué des éléments importants pour les synergies mises en place par les gouvernements précédents. Nous comptons les poursuivre après les avoir évaluées dans la justesse de la réalisation des projets. Les trente et un incubateurs créés depuis 1999, et dont les contrats venaient à échéance, ont été perennisés et nous sommes en train de faire un bilan de la loi sur l'innovation et la recherche de 1999 qui a déjà permis d'apporter une impulsion tout à fait nouvelle.
    Le soutien renouvelé de l'Etat dans ce domaine, l'augmentation des AP du FRT de 29 % témoignent de notre volonté de favoriser fortement ces synergies ainsi que la création d'entreprises innovantes avec tout ce que cela comporte d'incitations fiscales et autres et la valorisation de la propriété intellectuelle acquise. Nous demandons aux EPST, aux universités et aux EPIC d'être particulièrement actifs dans ce domaine. La mise en place des SAIC est une illustration de cette volonté que, par exemple, M. Lasbordes souhaitait voir se concrétiser.
    M. Cohen et M. Birraux ont évoqué le soutien aux grands programmes industriels spatiaux. Vous savez à quel point ce thème me touche. Dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai perçu toute l'acuité de la situation compte tenu des nouveaux défis à relever et de la situation concurrentielle actuelle. Celle-ci n'est pas nouvelle. Elle s'installe depuis de nombreuses années, mais elle est devenue plus aiguë, d'autant plus qu'elle s'intègre dans un contexte politique particulier, que plusieurs d'entre vous ont évoqué, celui de la mobilisation européenne au service des grands projets : s'appuyant sur une concentration de nos forces, de nos compétences et - pourquoi pas ? - de nos industries, celle-ci vise la réalisation d'objectifs ambitieux.
    Le CNES, cette maison vieille de quarante ans, a permis à notre industrie spatiale française et européenne d'occuper l'un des tout premiers rangs dans le monde. Bien évidemment, nous sommes résolus à ne pas rater les nouveaux défis qui s'offrent à nous. Le CNES devra sans doute s'adapter et revoir sa dimension scientifique et technique, la précision de ses compétences, son positionnement dans la conduite de projets dans le cadre européen. Il devra également établir de nouveaux partenariats et renforcer les anciens.
    Cela nécessite une réflexion d'ampleur. Nous nous y attachons de façon très active parce que asseoir dès maintenant, grâce à une industrie française et des structures françaises fortes, notre positionnement dans l'Europe nous donnera la possibilité d'afficher nos ambitions européennes et de nous donner les moyens de pousser nos iniatives.
    Vous avez évoqué des axes potentiels facilitateurs de certaines de nos décisions au niveau européen. L'axe franco-allemand en est un. Nous envisagerons ces possibilités dans notre réflexion, qui sera menée en concertation avec la maison et ses forces vives tout en intégrant une vision extérieure.
    J'en viens à la problématique des programmes spatiaux et aéronautiques. La poursuite des développements en cours concernant l'A 380 est prévue dans le budget. Une petite pause sera marquée dans la mise en place des nouveaux programmes. Il fallait bien en effet choisir des priorités et définir des enjeux.
    En ce qui concerne les interactions public-privé, le projet de fondation de recherche, que plusieurs d'entre vous ont évoqué, sera examiné dans le cadre du plan sur l'innovation qui sera présenté au conseil des ministres.
    La quatrième orientation de notre politique, après les synergies dont je viens de parler, est le développement d'une coopération scientifique et technique internationale, ciblée et active.
    Comme pour MM. Christian Philip, Gatignol etDionis du Séjour, l'ambition du Gouvernement est de donner à la France un rôle moteur dans la construction effective de l'espace européen de la recherche et de l'innovation. Nous comptons mener une politique dynamique. Chaque fois que cela sera possible, des collaborations particulières seront développées au sein des agences européennes et dans le cadre de projets extra-communautaires réalisés en concertation avec nos partenaires. L'accroissement de 2,9 % de la dotation aux grands programmes internationaux illustre cette volonté. Vous avez mentionné le nouveau PCRD. Nous invitons les laboratoires, les centres de recherche et les industries à y participer activement et de faciliter au sein de ces nouveaux outils que sont les réseaux d'excellence le montage de projets intégrés en les soutenant financièrement et techniquement, en complément de ce que les collectivités territoriales ont déjà décidé ou sont sur le point de faire. C'est ainsi que l'on pourra associer de façon décisive la France à la construction de l'Europe de la science et de la connaissance.
    Cette construction devra sans doute être renforcée par une réflexion commune sur la cohérence d'une politique de recherche véritablement européenne. Beaucoup d'entre vous, dont MM. Le Déaut, Dionis du Séjour et Birraux, ont souligné l'importance d'une telle réflexion. Le Parlement pourrait y être associé, ainsi que les instances scientifiques. Elle aurait pour but de répondre aux questions suivantes : Quelle est cette politique de recherche commune que nous cherchons à mettre en oeuvre ? Que peut apporter un conseil européen de la recherche ? Comment faire progresser cette idée afin qu'elle prenne corps dans un avenir proche, condition indispensable si nous voulons que l'Europe rayonne dans le monde ?
    D'autres pays non européens, dont les intérêts rejoignent les nôtres, doivent également faire partie de nos préoccupations de politique de coopération. Il s'agit, à partir d'objectifs prioritaires, de définir des programmes scientifiques et de s'assurer de l'excellence de leur mise en oeuvre. Nous ne devons pas hésiter à effectuer des rapprochements avec leurs meilleurs laboratoires et leurs jeunes les plus brillants. Mon récent voyage en Chine m'a tout à fait convaincue de l'intérêt de rapprocher nos deux grands pays. D'autres pays présentent aussi un grand intérêt dans cette optique de partage de la connaissance et de la recherche que vous avez évoquée précédemment. Je ne saurais ici tous les citer. Les pays africains, les pays sud-américains et tous les pays en voie de développement, en général, appellent un traitement particulier sur cette voie du progrès économique et social. Tous ces projets, nous les organisons en concertation avec les ministères des affaires étrangères et de la coopération, car la science a aussi vocation au partage et à l'utilisation des connaissances pour le bien-être de l'humanité.
    Cinquième orientation : apporter un soutien prioritaire sur des objectifs et des secteurs choisis, en fonction de leur impact prévisible à plus ou moins court terme, sur le plan du développement économique et de la politique publique. Je citerai, en premier lieu, la santé humaine et la cancérologie. Comme vous le savez, monsieur Dionis du Séjour, nous avons mis en place avec le ministère de la santé une commission pour définir quelques orientations prioritaires sur les grands choix de cette politique et la réorganisation éventuelle des structures qui peuvent permettre de la gérer. En fonction des résultats de cette commission, nous pourrons vous proposer les actions et les budgets nécessaires à la mise en place de celle-ci.
    La santé humaine recouvre, outre la lutte contre le cancer, celles contre la virologie signalée par M. Le Déaut, contre le développement des maladies infectieuses et contre les maladies neurodégénératives qui se développent du fait du vieillissement de la population que nous devons aborder avec optimisme et volonté grâce aux neurosciences. La génomique fonctionnelle, la télémédecine, la découverte de nouveaux médicaments, la recherche en biotechnologie végétale et animale nous apporteront beaucoup d'éléments de réponse pour faire face à ces nouveaux enjeux.
    Vous avez évoqué la sécurité alimentaire et la qualité des productions agricoles. Elles dépendent bien sûr des connaissances scientifiques du moment. Dans la thématique du développement durable, la recherche a déjà joué un grand rôle d'information et elle jouera à l'avenir un grand rôle de coordination des actions en réunissant des informations sur les effets de l'activité humaine sur l'environnement, les risques technologiques, la sécurité industrielle, les différents modes de production et de consommation d'énergie que beaucoup d'entre vous ont soulignés et, au-delà, en procédant au suivi de la biodiversité et à la recherche, toujours dans un objectif de coopération avec les pays du Sud, d'actions de partage et de responsabilité.
    Nous avons parlé du spatial et de l'aéronautique. Le routier et le ferroviaire sont bien entendu également associés.
    Les sciences et technologies de l'information et de la communication sont, bien sûr, tout à fait importantes dans le domaine de la recherche comme dans ceux de l'informatique et des télécommunications. Vous avez souligné, monsieur Dionis du Séjour, la nécessité de donner une impulsion à la microélectronique et aux nanotechnologies, où la France a des potentiels et des compétences tout à fait exceptionnels, et de promouvoir l'usage et l'accès aux nouvelles technologies. En ce qui concerne les connexions internet haut débit, beaucoup de choses sont en train d'évoluer. Cela fait actuellement l'objet d'une réflexion. Il est d'ailleurs dans nos intentions de proposer au Parlement un débat sur les grandes orientations de la politique concernant les technologies de l'information et de la communication.
    M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Il importe en effet de s'interroger non seulement sur les technologies, mais également sur leurs usages et sur l'implication des collectivités territoriales dans les choix. La représentation nationale peut nous aider à prendre les bonnes décisions.
    Monsieur Gatignol, la technologie des piles à combustible que vous avez évoquée parmi d'autres énergies du futur apparaît comme un convertisseur d'énergie très intéressant tant au plan de l'efficacité énergétique qu'à celui des performances environnementales que nous situions tout à l'heure dans un concept de durabilité. Sachez que le ministère de la recherche y consacre un effort considérable, en particulier avec le réseau de recherche et d'innovation technologiques sur les piles à combustible. Ces projets exemplaires, qui doivent faire l'objet d'une évaluation régulière, sont menés en coopération par l'industrie et la recherche publique et sont, comme vous l'avez souligné, très intéressants pour la préparation du futur.
    Je ne voudrais pas oublier de citer, parmi les grandes priorités qui me tiennent à coeur, les humanités et les sciences sociales. Cela me permet de rebondir sur un commentaire de M. Philip. Je partage sa préoccupation de voir la France développer de manière prioritaire les recherches juridiques, économiques et sociales sur la politique européenne. Mais les sciences humaines et sociales doivent également aborder d'autres thèmes très importants pour notre réflexion : la compréhension de notre passé, l'utilisation de toutes les ressources de notre intelligence au lieu de nous borner à une projection dans l'avenir.
    Cela me conduit tout naturellement à la sixième grande orientation de notre politique de recherche : la diffusion de la culture scientifique et technique. Il importe de replacer la recherche au centre des débats de société. Tout sera mis en oeuvre pour aider l'ensemble de nos concitoyens à prendre conscience des enjeux de la science. Ceux-ci sont encore trop peu lisibles dans la détermination de ses objectifs et l'exploitation de ses résultats.
    Il faut redonner aux jeunes le goût de la recherche. Je suis à cet égard particulièrement heureuse de voir de nombreux jeunes dans les tribunes : ils sont peut-être venus témoigner de leur intérêt pour la science et, pourquoi pas, de leur désir de s'engager plus tard dans ces carrières pleines de passion que sont les carrières scientifiques.
    Je voudrais pouvoir réinstaller le savoir dans l'ordre du désirable à la fois pour tous ces jeunes mais également pour tout un chacun et en faire un échange plus qu'une simple transmission de connaissances et de savoir. Bien sûr, ce sont les plus jeunes qui sont les plus importants dans cette diffusion. Mais pas seulement. Il faut développer des échanges constructifs qui prennent à la fois en compte les attentes individuelles et les enjeux de société pour aboutir à une pédagogie de la science sous des formes variées et étendues à tous les âges et à tous les acteurs. Il faut que nous soyons aussi fiers de nos succès scientifiques que nous le sommes de nos succès sportifs et que nous « portions haut » cette ambition de la science. Cela se traduit notamment dans le budget par un effort budgétaire en faveur de la Cité des sciences et de l'industrie. Mais bien d'autres réflexions et bien d'autres mesures vous seront proposées.
    Monsieur Domergue, la généralisation d'une culture de l'évaluation permettra d'avoir de façon transparente et indépendante un suivi qui nous éclairera sur la pertinence des moyens attribués et l'efficacité de la mise en oeuvre des projets par rapport à des priorités thématiques préalablement formulées.
    MM. Lasbordes et Domergue ont appelé mon attention sur l'importance non seulement de cette évaluation mais aussi d'une certaine flexibilité dans l'utilisation des moyens disponibles. Nous souhaitons bien évidemment introduire cette flexibilité. Comme vous le savez, j'ai demandé aux organismes de recherche et d'université d'identifier les freins, les obstacles qu'ils rencontrent dans leur gestion au quotidien et dans la planification annuelle ou pluriannuelle de leurs engagements partenariaux afin que nous puissions, dans une responsabilité partagée, lever un maximum de ceux-ci. Je pense en particulier à la question des marchés publics sur laquelle vous avez attiré notre attention.
    Au-delà des six grandes orientations que j'ai énumérées, le projet de budget exprime plusieurs directions pour la gestion des moyens de la recherche.
    La première est de faire en sorte que nos établissements publics dépensent mieux les crédits qui leur sont alloués. Il s'agit d'accroître l'efficacité de la ressource disponible. Nous sommes tous convaincus que des progrès peuvent être accomplis. Nous ferons tout pour les rendre optimums. Nous proposons une responsabilisation accrue des responsables des établissements de façon à ce que, grâce à la levée des freins et des obstacles administratifs, ils soient plus réactifs et agissent pour le mieux dans l'intérêt de leurs programmes, de leurs chercheurs et de leur maison.
    La deuxième direction est d'accroître, dans une perspective à long terme, le volume des moyens réellement disponibles.
    Le Président de la République a, à l'unisson de tous les pays de l'Union européenne, fixé à notre pays l'objectif ambitieux de porter les dépenses intérieures de recherche et de développement à 3 % du PIB. Elles s'établissent actuellement à un peu moins de 2,2 %. L'effort à produire est donc tout à fait considérable. Il doit être continu et s'inscrire dans le cadre d'un plan pluriannuel. En commençant dès maintenant, nous avons quelques années pour y parvenir.
    Cet objectif a été repris par le Premier ministre dans son discours de politique générale. C'est donc un engagement fort pour la présente législature. Il nécessite une large mobilisation. Sont concernés, aux côtés du ministère chargé de la recherche, tous les acteurs directs de la recherche publique ou privée, tous ceux qui contribuent, en partenariat, à la définition des orientations, à leur financement et à la diffusion des résultats : les collectivités territoriales, et notamment les régions, l'Union européenne, les entreprises innovantes, quelle que soit leur taille, ainsi que tous les acteurs qui travaillent en synergie avec la défense. Nous menons actuellement une réflexion en ce sens pour utiliser tous les partenariats et toutes les coopérations possibles afin, non pas d'affaiblir l'Etat, comme le disait M. Paul, mais au contraire de mobiliser tout notre potentiel pour atteindre cet objectif ambitieux, qui doit permettre à notre territoire de retrouver son attractivité. L'effort public seul n'y suffira pas ; il faudra l'effort de tous. La part de la recherche privée, actuellement de 54 %, devrait pouvoir atteindre 56 %, sachant que l'objectif à terme est d'aboutir à une participation de 66 %. Selon les hypothèses retenues et le taux de croissance du PIB relevé en 2003, un taux de croissance situé entre 2,2 % et 4,1 % devrait nous permettre de parvenir à un budget en équilibre. Le Gouvernement a donc retenu pour cette année une hypothèse médiane, c'est-à-dire un taux de croissance de 3 % pour la part publique et de 3,5 % pour la part privée, ce qui devrait, si nos prévisions de croissance du PIB pour 2003 se vérifient, se traduire par des dépenses en augmentation de 5,3 % si l'on prend en compte les modifications du périmètre de notre budget civil de recherche-développement visant à une restitution plus fidèle de la réalité de l'engagement de l'Etat, l'inclusion du financement de l'Institut français du pétrole, les primes d'encadrement doctoral ou encore le montant des rémunérations des chercheurs du CEMAGREF.
    Les crédits nouveaux s'élèveraient donc à 8 846 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, auquels s'ajouteront les crédits non consommés en 2002 dans les établissements publics ; tout porte à croire, à la lecture des bilans financiers des organismes concernés, que ces reports seront d'une réelle ampleur. Ils étaient en passe de devenir des reports structurels ; il devenait urgent de ne plus laisser s'accumuler des trésoreries dormantes en mettant en oeuvre de meilleures pratiques de gestion de l'argent public, en d'autres termes - et cela vaut pour le ministère en charge de la recherche comme pour l'ensemble de l'Etat - de passer d'une logique d'affichage à une logique de résultat.
    Dans cet esprit de responsabilité partagée, toutes les suggestions visant à mieux gérer l'argent public sont les bienvenues. Les mesures sur lesquelles M. Le Déaut a insisté apparaissent tout à fait intéressantes à cet égard ; elles font aussi partie de notre réflexion. De même pour le compte-épargne équipement, évoqué par M. Gatignol, qui me paraît de nature à améliorer la gestion de ces crédits en termes de souplesse d'utilisation et de transparence.
    Si donc on y ajoute les crédits non consommés, les moyens disponibles pour nos organismes de recherche devraient donc marquer une croissance de 5,3 % alors même que les crédits nouveaux, je le reconnais, enregistrent à périmètre constant un repli de 1,3 %, justifié par l'ampleur des crédits non consommés dont je viens de faire état.
    Mais, au-delà des moyens financiers, il ne saurait y avoir, vous le savez, de recherche de qualité sans des femmes et des hommes compétents et motivés, capables d'élaborer des programmes et de les réaliser. Une attention toute particulière doit donc être portée à la politique de l'emploi scientifique. C'est précisément dans ce but que nous nous attachons à développer une politique d'attractivité, notamment vis-à-vis des jeunes scientifiques, porteurs de projets ambitieux, et à leur garantir une saine gestion de leur carrière, sans oublier les chercheurs déjà en place qui, parfois, aspirent à davantage de liberté, à davantage de possibilités pour exprimer les multiples facettes de leur talent, à une meilleure reconnaissance grâce à une évaluation qui leur permette d'être plus flexibles et plus mobiles.
    Notre souci de mieux attirer les jeunes, les rapporteurs en ont longuement fait état, se traduit par le maintien d'un flux de 4 000 allocations de recherche dont le montant sera revalorisé de 5,5 %. Ce processus de revalorisation, qui vise à améliorer la reconnaissance des compétences et des activités de recherche, mais également l'acquisition des connaissances, avait déjà été engagé par M. Schwartzenberg. Il est essentiel de le poursuivre afin de montrer à nos jeunes chercheurs que nous entendons reconnaître leur engagement et leurs compétences.
    Il en va de même de l'accès à une formation de qualité. M. Lasbordes a appelé notre attention sur la nécessité d'harmoniser le financement des thèses afin de corriger les distorsions observées selon les sources, et sur l'absence de protection sociale des doctorants, parfaitement inadmissible, surtout pour les étudiants qui bénéficient d'aides d'associations caritatives. Nous avons mis en place un groupe de travail avec des associations de doctorants pour définir les conditions de cette harmonisation. Cette réflexion devrait aboutir rapidement.
    Vous avez également insisté sur la possibilité désormais ouverte pour la première fois en France, suivant l'exemple des grands pays scientifiques, de recruter non seulement dans les PME et les EPIC, mais aussi dans les EPST, en partenariat avec les universités et les entreprises, 400 jeunes chercheurs post-doctorants d'origine française ou étrangère dans toutes les disciplines, à tout moment de l'année, sur des contrats à durée déterminée de dix-huit mois maximum, rémunérés sur la base d'un montant de 2 150 euros brut par mois. Cette mesure est de nature à accompagner la mise en oeuvre concrète de projets ambitieux, scientifiques ou professionnels, portés tant par ces jeunes chercheurs que par les institutions partenaires. Cela supposera évidemment de la part de ces dernières une forte implication pour garantir la pleine réussite et l'insertion de ces jeunes docteurs. L'attractivité de notre territoire devrait y gagner, qu'il s'agisse d'y favoriser le retour des intelligences françaises ou d'y attirer les étudiants étrangers les plus brillants.
    L'augmentation du nombre des bourses CIFRE - soixante bourses supplémentaires - participe de ce souci d'améliorer la synergie entre public et privé. Vous avez vous-même rappelé, monsieur Lasbordes, que plus de 90 % de ces boursiers CIFRE trouvent un emploi dans les entreprises ; c'est dire à quel point ce genre de mesure est profitable, tant pour la carrière du jeune concerné que pour l'entreprise qui tire bénéfice de sa créativité.
    Sur le plan quantitatif, au-delà de cette reconnaissance à l'égard de ces jeunes qui s'engagent dans la recherche, nous avons tenu à privilégier l'amélioration de l'environnement administratif et technique des chercheurs en créant cent emplois d'ITA de haut niveau dans les EPST, complété dans les universités et les grandes écoles par la création de 700 IATOS. Ainsi que nous le recommandaient la plupart des organismes et universités concernés, le but est de libérer les chercheurs des tâches techniques afin qu'ils puissent donner la pleine mesure de leur créativité, se maintenir au meilleur niveau dans la compétition scientifique internationale et gérer des projets lourds grâce à un accompagnement renforcé.
    Cette politique volontariste globale d'amélioration de l'efficacité de notre dispositif de recherche, à plus forte raison dans un contexte de réduction du déficit budgétaire, tant au niveau national qu'européen, a évidemment une contrepartie : la réduction de 150 emplois de chercheurs des EPST. Remarquons toutefois que cette réduction représente moins de 0,9 % des effectifs et n'affecte en rien les possibilités d'accueil des jeunes chercheurs hautement diplômés dont je parlais à l'instant, dans la mesure où elle est pleinement compensée par la croissance des effectifs dans l'enseignement supérieur, les 420 emplois de professeurs et maîtres de conférences dans les universités et les grandes écoles, sans oublier la possibilité désormais ouverte de recruter les 400 jeunes post-doctorants que j'évoquais plus haut.
    J'ajoute que cette réduction reste compatible avec le maintien d'un taux de renouvellement de recrutement des chercheurs statutaires supérieur à 3 % dans la majorité des établissements - CNRS, INRA, INRIA, IRD, LCPC - et n'affecte pas les taux naturels de renouvellement des autres établissements - INSERM, CEMAGREF, INRETS et INED. Le renouvellement régulier des effectifs est à la base d'une politique de l'emploi à long terme, pas seulement pour les dix prochaines années, tout en permettant les nécessaires lissages et la prise en compte des fluctuations dont nous sommes tout à fait conscients, liées aux départs en retraite dans les années qui viennent.
    Dix années, c'est une période trop courte, M. Lasbordes et bien d'autres l'ont signalé, d'autant que les tranches d'âge appelées à partir à la retraite durant ce temps correspondent à des effectifs nettement plus élevés que la moyenne. Ainsi, plus de 450 personnes devraient quitter le CNRS cette année alors que la moyenne des départs devrait être inférieure à 290 dans les dix années suivantes. On ne saurait donc juger à cette seule aune pour établir une projection à long terme sur les quelque trente ans qui correspondent à la durée d'activité d'un chercheur à partir de son recrutement.
    Il faudra bien sûr veiller à lisser les flux pour donner de la confiance, de la visibilité, des perspectives aux jeunes qui s'engagent dans les métiers de la recherche. D'où la nécessité d'un plan pluriannuel de l'emploi scientifique, mais que nous entendons reprendre sur des bases nouvelles.
    Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, ce budget de la recherche et de la technologie pour 2003 est un projet vérité qui privilégie l'exécution. Il s'inscrit dans un plan d'ensemble à long terme pour préparer l'avenir sur des bases saines dans la perspective d'une progression très sensible des moyens financiers que l'ensemble du pays entend et doit consacrer à sa recherche, à sa capacité d'innover au cours des huit prochaines années.
    Année particulière, 2003 est une année de transition dans la mesure où elle permet de consommer des crédits non utilisés pour obtenir le taux de croissance souhaité. Mais, nous en sommes tout aussi conscients que vous, pour 2004 et les années suivantes, la croissance du BCRD en loi de finances initiale par rapport à la dépense de l'année précédente devra fortement reprendre - un large débat sur l'effort national de recherche, mais vu sous l'angle d'une politique plus sectorielle, sera à cet égard sans doute souhaitable - pour soutenir nos ambitions et répondre à ces enjeux d'excellence, mais également de compétitivité. C'est donc bien à un nouvel élan durable de notre effort de recherche et développement que vous êtes conviés. Je souhaite que, par votre vote favorable, vous marquiez votre adhésion à cette ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en venons aux questions.
    La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Daniel Paul. Madame la ministre, au-delà des difficultés relatives au budget 2003, mon inquiétude porte plus particulièrement sur son manque de volontarisme à l'égard du développement de la culture scientifique et technique - vous avez commencé à aborder cette question lors de votre intervention.
    La recherche scientifique a en effet une finalité culturelle et sociale. Elle correspond à un besoin du citoyen, celui de connaître et de comprendre les enjeux de plus en plus complexes du monde et de la société dans lesquels il vit.
    L'accès à la connaissance scientifique et technique participe à l'épanouissement personnel et professionnel de nos concitoyens. Cet accès est de nature à faciliter leur participation active aux choix de société. Ainsi, à travers la démocratisation de l'accès à la connaissance, c'est la démocratisation de la vie publique qui est susceptible de s'affirmer.
    Les demandes exprimées par les citoyens en matière de recherche sont toujours plus nombreuses et diversifiées. Répondre à cette soif de connaissance relève de l'intérêt général et constitue une mission essentielle pour l'Etat. Elle suppose, dans tous les cas, un effort budgétaire accru, en particulier dans la recherche publique sur laquelle repose pour l'essentiel le développement et la transmission des connaissances.
    La connaissance scientifique et technique fait partie intégrante de la culture de tout un chacun. Dès lors, compte tenu des enjeux qu'elle recèle, l'activité scientifique ne doit pas être l'affaire d'une minorité, d'une élite quelle qu'elle soit. Et ce d'autant que l'exclusion de la connaissance rime le plus souvent avec l'exclusion sociale et la consolidation du fossé culturel existant entre les citoyens de notre pays.
    A défaut d'une prise de conscience des pouvoirs publics sur de tels enjeux, les craintes et angoisses qui habitent nos concitoyens face aux développements ou interrogations auxquelles est encore confrontée la science ne pourront que se renforcer.
    Or la stagnation des crédits de soutien direct aux actions de diffusion scientifique et technique à un niveau de 8,7 millions d'euros est loin d'être à la hauteur des besoins. C'est un signe qui ne trompe pas sur le manque d'ambition du Gouvernement en la matière.
    Dès lors, madame la ministre, comment comptez-vous marquer l'engagement de l'Etat pour l'émergence de la société du xxie siècle, à savoir une société de la connaissance partagée ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, je vous remercie de me donner l'occasion de revenir sur le thème de la culture scientifique et technique qui, vous le savez, me tient particulièrement à coeur.
    Cette culture scientifique et technique, tout au moins ce qui touche aux composantes scientifiques et techniques de la culture, représente, à bien des titres, une priorité forte de mon action. Parce qu'il nous faut répondre aux peurs de nos concitoyens face aux évolutions scientifiques et techniques - on l'a vu à propos des OGM notamment, parce qu'il nous faut lutter contre la désaffection des jeunes vis-à-vis de certaines études scientifiques, parce qu'il faut enfin assurer à l'ensemble de nos concitoyens un bagage de connaissances suffisant pour participer aux nouveaux défis et aux nouvelles réflexions. C'est donc, vous l'avez compris, un enjeu essentiel, qui doit bien sûr pouvoir compter sur un soutien financier suffisant.
    Il s'agit d'abord d'appuyer efficacement toutes les actions de diffusion de la culture scientifique et technique entreprise au niveau national. D'où la présence, dans ce budget, d'actions spécifiques originales comme la fête de l'Internet : on a vu à quel point les technologies de l'information et de la communication jouaient un rôle important dans l'appropriation par tout un chacun des acquis de la science. Ce projet sera financé dès 2002 à hauteur de 30 000 euros. Ces nouvelles technologies sont en effet un extraordinaire vecteur pour la diffusion des connaissances dont nous devons nous attacher à renforcer la cohérence.
    Mais la diffusion de la culture scientifique et technique ne s'arrête évidemment pas à ce seul aspect de transmission des connaissances. Elle fait partie de la mission même de nos organismes de recherche dans les établissements d'enseignement supérieur, laquelle doit viser à la diffusion la plus large, la plus interactive possible. Cet aspect doit être réaffirmé avec force, notamment dans le cadre des discussions contractuelles ou des débats en cours sur l'évaluation de la carrière du chercheur. Cela suppose notamment de réfléchir à la manière la plus adaptée de prendre en compte l'activité des chercheurs, qui, inlassablement et de manière souvent fort brillante, s'investissent au service de la société, même si celle-ci a parfois du mal à le reconnaître.
    La diffusion de la culture scientifique et technique doit impérativement gagner en lisibilité. Bon nombre d'actions ont déjà été réalisées dans ce sens, mais d'une manière par trop éparpillée, sans cohérence d'ensemble ni indicateurs permettant un repérage global. C'est une des tâches à laquelle nous nous attellerons.
    Il faut aussi que cette culture scientifique, au-delà de la dimension nationale de la réflexion et de l'enjeu, porte le symbole d'un effort de recherche au plus près des intérêts de nos concitoyens, dans la proximité, dans les régions. On ne peut à cet égard que citer l'exemple de la région dont vous êtes, monsieur Paul, un des élus, puisque la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle y a été inscrite au contrat de plan avec une participation prévue de plus de 750 000 euros pour l'Etat, soit plus de 100 000 euros par an sur le budget recherche. L'objectif est double : favoriser une meilleure compréhension des évolutions technologiques, mais surtout diffuser cette culture auprès du public et également des entreprises. Un centre de culture scientifique, technique et industrielle a déjà été mis en place pour répondre, à juste titre, à l'exigence de coordination, avec notamment la très belle opération « Odyssée 21 » réalisée l'année dernière.
    De telles initiatives sont importantes, car elles sont menées de façon fédérative, associant différents partenaires, les universités, les muséums d'histoire naturelle - à commencer par celui du Havre -, les centres de ressources informatiques. Ainsi se met en place un réseau de culture scientifique et technique concernant toute une région. Avec M. le ministre de la culture, nous avons demandé à la Cité des sciences et de l'industrie de participer à l'animation de tels réseaux territoriaux pour que ces actions soient diffusées au plus près des gens et intégrées dans un cadre européen. La fête de la science a son rôle à jouer dans cette dynamique : nous travaillons d'ailleurs à l'organisation d'une semaine de la science européenne dès 2003.
    Bien sûr, il est de notre devoir d'aller plus loin, mais nous devons veiller à harmoniser les différentes initiatives existantes. Ainsi, je suis particulièrement attentive aux recommandations qu'a récemment formulées la commission sénatoriale, présidée par le sénateur Pierre Laffitte, sur ces actions, leur coordination et les innovations que l'on pourrait y apporter. Je présenterai moi-même, d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, une communication en conseil des ministres concernant la culture scientifique et technique.
    Parmi les pistes à explorer, il faut compter la sensibilisation des enfants, dès leur plus jeune âge, aux découvertes scientifiques. Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale, et moi-même souhaitons développer l'apprentissage des savoirs scientifiques sous toutes ses formes et dans leur grande diversité, que ce soit à l'école ou hors de l'école.
    Il convient donc de mobiliser tous les acteurs - scientifiques, dirigeants d'association, responsables de collectivités territoriales, enseignants, médiateurs de l'information, journalistes - pour réussir à combler ensemble ce qui pourrait se transformer en fossé éloignant de plus en plus nos concitoyens d'avancées scientifiques qu'ils ont parfois tendance à refuser, même lorsqu'ils les considèrent du point de vue du progrès et du bien-être. Il ne faut pas que des lacunes de culture génèrent des appréhensions ou des conduites ambivalentes, pour les plus jeunes en particulier.
    Nous devons sans doute apprendre à partager cette nouvelle forme de richesse que sont la science et la connaissance. Nous devons resituer la science dans sa demande d'utilité, de proximité, mais aussi de rêve. Il nous faut donc la réintégrer dans un champ culturel à maîtriser par des valeurs morales partagées. La science et la recherche doivent permettre d'alimenter notre responsabilité, qu'elle soit individuelle ou collective. A l'évidence, elles sont une des clés de la citoyenneté. C'est pourquoi je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous assurer de l'intérêt tout particulier que nous portons à cette culture de la science.
    M. le président. La parole est à M. Claude Birraux.
    M. Claude Birraux. Madame la ministre, la recherche scientifique et technologique met en oeuvre un nombre croissant de très grands équipements dont le coût unitaire est de plus en plus élevé. Afin de faciliter l'analyse et la décision sur les investissements lourds correspondants, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a montré, dans un rapport rédigé par Christian Cuvilliez, député communiste, et René Trégouët, sénateur RPR, qu'il faut distinguer trois catégories : d'une part, les très grands équipements de percée thématique, comme les accélérateurs de particules, les satellites et les sondes spatiales ; d'autre part, les très grands équipements de service à la recherche, utilisés par de nombreux chercheurs appartenant à des disciplines différentes, comme les synchrotrons, et, enfin, les très grands équipements de service à la société, correspondant à de grands programmes, comme les tokamaks pour l'étude de la fusion, ou les satellites de météorologie ou de positionnement.
    Mes questions, madame la ministre, porteront sur ces trois grandes catégories d'équipement.
    Quelles sont les mesures prises aux plans national et international pour assurer le financement du LHC - le grand collisionneur de hadrons du CERN - en dépit des retards probables des travaux et des dépassements de budget inévitables pour des installations de haute technologie de ce type ? En effet, entre le devis estimatif de la construction du LHC et le résultat de l'appel d'offres, il y a un surcoût de 850 millions de francs suisses.
    L'an dernier, les positions abruptes de notre représentant au comité des finances du CERN avaient fait craindre un désintérêt de la France pour l'organisation. Je crois même savoir qu'il avait menacé de quitter l'organisation - mais je sens que je suis en train de me faire un ami fidèle. (Sourires.)
    Deuxièmement, la construction du synchrotron Soleil se déroule-t-elle conformément aux attentes des entreprises et des organismes de recherche étrangers ? Ont-ils pris des participations dans la société civile, comme cela a été annoncé ?
    Enfin, quelle est la position du Gouvernement vis-à-vis d'une éventuelle candidature de la France pour l'accueil à Cadarache du tokamak de nouvelle génération ITER-FEAT ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Le CERN est une institution de coopération européenne ouverte à des partenariats internationaux extérieurs, tels que les Etats-Unis, et dont la qualité des travaux scientifiques et technologiques font, depuis sa création, la légitime fierté de l'Europe, et tout particulièrement de la France qui y participe activement, puisque l'équipement principal du CERN est implanté pour partie sur notre territoire et pour partie en Suisse. Il est exact que le conseil du CERN a identifié en 2001 des difficultés de gestion du projet, en termes de délais et de budget, sur un projet décidé en 1995 et qui doit, selon le calendrier initial, être opérationnel en 2007. Un comité d'audit externe composé de neuf membres issus de huit pays différents a été mandaté sous la présidence de M. Robert Aymar, éminent scientifique français formé au CEA, directeur du projet international ITER. M. Aymar est la personnalité pressentie pour devenir directeur général du CERN dans un an. Ce comité a rendu son rapport en juin 2002 et n'a pas identifié de risques techniques qui empêcheraient le LHC d'atteindre les performances attendues.
    Il a constaté l'augmentation du coût du projet par rapport à la budgétisation initiale de 18 %. Cette augmentation concerne essentiellement la construction des éléments magnétiques et cryogéniques et le génie civil. Dans ce dernier cas, des difficultés techniques inattendues ont été rencontrées. Une partie résulte aussi des surcoûts de fonctionnement du CERN lui-même.
    Ce rapport identifie ces problèmes comme résultant, pour partie, de sérieuses faiblesses dans le management et le suivi financier des opérations de la part du CERN.
    Il recommande donc la mise en place de procédures de contrôle des coûts et une organisation rénovée, conduisant à des mesures d'austérité dans les activités non liées au LHC, notamment la fermeture dès 2004 de l'accélérateur SPS, sans attendre le fonctionnement du LHC. Il recommande également un redéploiement de personnel au détriment de recrutements nouveaux qui avaient pu être envisagés. Il recommande de développer les coopérations avec les laboratoires partenaires afin de réduire les coûts autant que possible. Il propose enfin que le CERN soit autorisé à emprunter pendant les deux prochaines années, ou que les Etats versent par anticipation leur contribution au projet, comme l'a fait la Suisse.
    Le projet de BCRD 2003 traduit nos efforts au profit du CERN, puisqu'une mesure de 2 millions d'euros est inscrite et sera reconduite l'an prochain pour concrétiser cet engagement pris par la France il y a plusieurs années.
    La France apprécie les conclusions de ce rapport, qui, dans l'ensemble, a été très bien perçu par toutes les délégations. Elle se félicite que le président du comité, M. Aymar, soit celui qui sera invité à mettre en oeuvre ces recommandations en tant que directeur général du CERN, et que ce soit le premier Français depuis plus de trente ans, après Bernard Gregory, à accéder à cette fonction. A ce stade, et contrairement à d'autres grands partenaires, elle n'envisage pas d'apporter des compléments financiers par rapport au projet initial ; en effet, à l'époque où elle décida de participer au projet LHC, elle avait souligné qu'elle ne tolérerait aucun dérapage budgétaire. Elle regrette que, au cours des cinq dernières années, le conseil du CERN n'ait pas été assez vigilant pour éviter ces dérapages.
    En ce qui concerne le synchrotron Soleil, sa construction sur le plateau de Saclay se déroule conformément aux prévisions. Vous savez que des difficultés sont survenues au cours de l'été, lorsque la commune d'implantation des équipements a refusé d'accorder le permis de construire, dans une logique de négociation globale avec l'Etat de demandes incluant des questions tout à fait étrangères à Soleil. Mais, grâce à la mobilisation des services déconcentrés de l'Etat et du ministère de la recherche, les difficultés sont actuellement résolues, et le permis de construire est accordé depuis quelques semaines.
    Une autre difficulté est ensuite intervenue, quand les premiers travaux de terrassement ont mis en évidence des vestiges archéologiques de l'époque gallo-romaine. Cette question est également résolue, dans le respect des dispositions de préservation prévues par la loi.
    Le synchrotron fournira ses faisceaux de lumière aux utilisateurs de Soleil au printemps 2006. La phase de construction a commencé en janvier 2002 après une année de reprise de l'avant-projet détaillé et la mise en place de la société « Synchrotron Soleil », qui va construire, puis exploiter l'installation. Cette construction durera quatre ans. Les projets scientifiques d'utilisation des onze premières lignes de lumière ont été validés en juin 2002 par le conseil d'administration de Soleil. Ces onze installations expérimentales seront disponibles à l'automne 2005. La société civile responsable de la construction est bien en place et le budget est actuellement tenu.
    Aucune entreprise, aucun organisme de recherche étranger n'a actuellement pris de participation dans la société civile Soleil. Les scientifiques espagnols ont pris des contacts, mais, pour l'instant, sans aucune formalisation institutionnelle. Le CNRS et le CEA sont les deux membres de la société Soleil. La région Ile-de-France et le conseil général de l'Essonne, qui contribuent à l'essentiel de l'investissement de construction, sont associés au travers d'un comité de suivi. Au cours de 2002, la région Centre a également décidé de collaborer en soutenant la construction de trois installations expérimentales intéressant particulièrement les communautés scientifiques locales. En ce qui concerne les collaborations étrangères, des accords-cadres ont été signés au niveau gouvernemental avec la Suisse et l'Espagne. Les modalités concrètes d'une participation restent en discussion.
    En ce qui concerne le projet ITER-FEAT, à la suite d'une concertation interministérielle, j'ai, au nom du gouvernement français, transmis à la Commission européenne le dossier technique de qualification du site de Cadarache susceptible d'accueillir le tokamak, composante majeure du projet ITER. Il servira de base à l'examen technique du site que la commission internationale conduira sur place au mois de décembre.
    Comme vous le savez, ce projet de très grande envergure rassemble aujourd'hui l'Union européenne, le Japon, le Canada et la Russie, et les Etats-Unis ont manifesté leur intention de s'y associer de nouveau. Le coût, pour la seule construction des équipements, est de 4,570 milliards d'euros, répartis sur une période de dix ans environ. Puis, pendant vingt ans, 240 millions d'euros seront nécessaires à l'exploitation scientifique. Enfin, 430 millions d'euros seront affectés au démantèlement qui suivra.
    Ces coûts importants seront supportés par l'ensemble des partenaires, sans que la répartition entre le pays hôte et les autres pays soit, à ce stade, définitivement arrêtée. Plusieurs points restent à préciser : premièrement, les aspects financiers et la répartition entre les partenaires internationaux, les partenaires européens, l'Etat, les collectivités ; deuxièmement, les aspects touchant à la sécurité : même si un avis de principe, favorable, a été donné par l'instance de sécurité, certaines questions doivent être approfondies ; troisièmement, les retombées sociales et économiques du projet sur le pays d'accueil.
    Un travail interministériel est en cours sur ces questions. Il devrait permettre, à l'issue des évaluations techniques, des vérifications de sécurité et des discussions avec nos partenaires sur les modalités de financement, de prendre une position sur le dépôt d'une candidature formelle de Cadarache.
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Jeunesse, éducation nationale et recherche :
    « III. - Recherche et nouvelles technologies ».

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : 16 282 850 euros ;
    « Titre IV : 34 795 011 euros. »

ÉTAT C

Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 1 220 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 610 000 euros. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

    « Autorisations de programme : 2 358 310 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 1 874 448 000 euros. »
    MM. Cohen, Le Déaut et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 110, ainsi rédigé :
    « Sur le titre III de l'état B, majorer les crédits de 5 037 436 euros. »
    La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Madame la ministre, à vous entendre, tout va bien,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Tout va mieux !
    M. Pierre Cohen. ... et vous auriez, avec ce budget, réussi à créer un nouvel élan.
    Dès lors, je ne comprends pas l'inquiétude de nos prix Nobel, de nos académiciens, des responsables de nos laboratoires, de plus de 5 000 scientifiques et de la plupart des journaux qui s'occupent des questions de recherche. Peut-être nous faudra-t-il quand même, en nous appuyant sur votre propos d'aujourd'hui, analyser plus finement vos propositions, cas il nous paraît impossible, avec votre budget de cette année, de satisfaire une ambition sur laquelle tout le monde s'accorde, celle d'atteindre 3 % du PIB en 2010.
    Certes, vous avez l'air convaincue, et votre intervention nous l'a prouvé encore une fois. Mais soit vous avez l'assurance que le budget 2004 connaîtra une progression sans précédent, soit ce discours ne tiendra pas plus d'un an.
    Quoi qu'il en soit, l'amendement présenté par le groupe socialiste vise à réparer une grave erreur de votre budget et à souligner la responsabilité que vous prenez en ne poursuivant pas le plan pluriannuel mise en oeuvre par le précédent gouvernement. Ce plan pluriannuel entendait corriger certains vieux mythes qui montrent la France comme un pays où il y aurait trop de chercheurs, trop d'argent pour la recherche. L'intervention de Jean-Yves Le Déaut l'a rappelé : nous sommes très loin derrière les Etats-Unis ou le Japon pour le nombre de chercheurs pour 1 000 habitants.
    Contrairement à ce que vous dites, madame la ministre, il ne suffit pas de remplacer les chercheurs qui partent à la retraite aujourd'hui, et c'était la première utilité du plan pluriannuel que d'en avoir pris conscience. De 2005 à 2010, les départs seront massifs. Nous avons l'expérience de décisions semblables prises par le gouvernement Juppé, et nous constatons, depuis quelques années, des déficits dans le domaine de la santé : nous manquons ainsi de chirurgiens et d'infirmières, parce qu'on avait choisi de ne plus créer de postes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Daniel Spagnou. Et les 35 heures n'y sont pour rien ?
    M. Pierre Cohen. Il est évident que nous devons, dès maintenant, nous donner, avec un nombre plus important de chercheurs, la force et la capacité de faire face aux demandes futures.
    Ce plan pluriannuel est aussi une réponse à la fuite des jeunes, en tout cas leur désengagement par rapport aux études scientifiques et, plus particulièrement, aux métiers de la recherche.
    Ces 400 postes de contractuels sont insuffisants car, vous le savez très bien, ils serviront à « boucher les trous », à effectuer certaines tâches nécessaires, mais ils n'inscrivent pas les jeunes dans une carrière, dans un travail de recherche qui demande de la durée, de la sérénité et, surtout, de la visibilité.
    Pour tout cela, si vous voulez réparer une erreur commise dans votre budget, votez l'amendement qui propose de rétablir les 162 postes que vous avez annulés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Cet amendement n'a malheureusement pas été présenté en commission des finances. C'est regrettable, car nous aurions pu débattre dans des conditions plus satisfaisantes.
    Monsieur Cohen, vous faites état d'un vaste mouvement des chercheurs s'opposant à ce budget. J'ai plutôt l'impression qu'il s'agit d'une tempête dans un verre d'eau. Si les mails circulent, je ne sais à qui ils sont destinés. En tout cas, la représentation nationale n'a pas été particulièrement mobilisée par ce mouvement de fond.
    M. Pierre Cohen. Il faut aller voir dans les laboratoires !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. En fait, je crois que les chercheurs sont conscients de la réalité des choses. Ils savent qu'ils disposeront de crédits budgétaires supérieurs en 2003 par rapport à 2002. Pour la plupart d'entre eux, c'est cela qui compte. Qu'une catégorie de chercheurs ait une action syndicale ou politique, c'est son droit.
    M. Pierre Cohen. Des prix Nobel, des académiciens, des directeurs de laboratoire !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Ils ont aussi le droit d'avoir leurs opinions politiques, qui, parfois, obscurcissent leur saine vision de la recherche, ou, du moins, qui prennent le pas sur les préoccupations réellement scientifiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Déaut. Mais non !
    M. Pierre Cohen. Vous le leur direz !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. C'est leur droit, cher collègue, je n'hésite pas à le dire, cela fait même au moins vingt ans que je le répète, et cela ne changera pas.
    Pour en revenir au fond de votre amendement, je crois utile de rappeler que 1 800 emplois de chercheurs budgétairement existants ne sont pas pourvus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Par conséquent, il ne paraît pas franchement scandaleux qu'il y ait des adéquations entre ces postes non pourvus et des emplois remodelés par transfert sur un tableau d'effectifs touchant 45 000 postes dans les établissements publics à caractère scientifique et technique.
    M. Pierre Cohen. Nous verrons dans six mois !
    M. Christian Cabal, rapporteur spécial. Il s'agit donc d'une simple réorientation des emplois budgétaires. Espérons qu'ils seront pourvus et que nous mettrons en oeuvre les moyens pour qu'ils le soient. La commission, n'ayant pas été saisie, n'apporte pas de réponse. Le rapporteur, en revanche, vous indique que cet amendement n'a pas lieu d'être et que la politique qui a été retenue, par des suppressions et surtout par des créations d'emplois, permet au contraire d'aborder l'avenir avec beaucoup de sérénité. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, votre intention est louable. Je vous rappelle cependant que le solde des créations d'emplois publics statutaires pour l'enseignement supérieur et la recherche est positif dans le projet de budget, avec notamment la création de 420 emplois de professeur et de maître de conférence dans les universités, soit 0,4 % du total, de 100 emplois d'ITA et de 400 postes d'accueil pour les post-DEUG dans les établissements de recherche.
    Je suis convaincue que la politique que nous menons permettra de rééquilibrer l'emploi au sein des établissements, en fonction des besoins et des projets, et permettra aux jeunes scientifiques de postuler plus nombreux aux fonctions auxquelles ils aspirent.
    En fait, l'absence de financement de la dépense proposée conduit le Gouvernement à ne pas retenir l'amendement.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques n'a pas examiné cet amendement. Cela dit, j'observe que 420 postes d'enseignant-chercheur sont créés et que 400 postes de post-doctorant sont programmés. Il me semble que cela compense assez largement la modification du tableau des effectifs, comme l'a rappelé très excellement Christian Cabal.
    Au reste, le lissage des effectifs, tel qu'il est conçu dans ce projet, n'est absolument pas incompatible avec le taux de renouvellement annuel fixé à 3 %.
    En outre, il faut aller vers une adaptation des effectifs. Cette nouvelle orientation me paraît bonne, car elle répond plus à une logique de projet qu'à une logique de thématique. Les modifications d'effectifs permettront d'assurer cette adaptation.
    J'ajoute que cette démarche s'inscrit dans le cadre d'un plan, qui n'est plus décennal, donc limité dans le temps, mais d'un plan pluriannuel prenant plus largement en compte la carrière des chercheurs.
    Par ailleurs, j'ai, en tant que rapporteur pour avis, procédé à l'audition de représentants des différents organismes. Parmi ceux qui sont concernés par l'amendement, les représentants de deux établissements seulement ont présenté des observations, mais à aucun moment que ce soit, le problème des effectifs n'a paru constituer un blocage majeur.
    Il faut s'adapter, aller vers plus d'efficacité, comme l'a rappelé Mme la ministre. A titre personnel, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
    M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis. Monsieur Cohen, le sujet que vous évoquez est d'une importance telle qu'il aurait mérité un débat en commission. Vous ne l'avez pas voulu, et je le regrette. Dont acte !
    M. Pierre Cohen. Il ne faut pas dire cela !
    M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis. La commission n'a pas pu statuer sur le sujet.
    M. Pierre Cohen. Elle a pu au moins en parler !
    M. Claude Gatignol, rapporteur pour avis. Tant les raisons évoquées par Mme la ministre et par les autres rapporteurs, que le dépôt, une heure avant le débat en séance publique - ce qui n'est pas très sérieux, quelle que puisse être la légitimité de la demande, d'un amendement proposant une augmentation des dépenses de 5 millions d'euros me conduisent à demander, à titre personnel, le rejet de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il s'agit là d'un point important de la discussion budgétaire. Comme vous le savez, Pierre Cohen et moi-même avons remis au précédent gouvernement un rapport dans lequel nous critiquions déjà l'absence d'anticipation de la politique menée - et en indiquant cela, je réponds à certains de mes collègues. Nous y expliquions de manière très claire que, étant donnée que le CNRS et les EPST ont recruté beaucoup de chercheurs dans les années 65-70, donc dans la génération d'après-guerre, nombre d'entre eux partiraient en retraite entre 2005 et 2010, et que si ce phénomène n'était pas anticipé par une augmentation des recrutements dès cette année, il y aurait mécaniquement - tous les analystes financiers l'admettent - une baisse importante du nombre des chercheurs au cours des prochaines années, sauf à renouveler de manière homothétique les départs à la retraite en 2008, en 2009 et en 2010. Autrement dit, si la politique actuelle continue à être menée, il y aura 2 000 chercheurs de moins en 2010 !
    Au lieu de maintenir le nombre des postes, vous en supprimez, madame la ministre. C'est un fait sans précédent dans l'histoire de la République !
    Je suis d'accord avec mes collègues qui disent que notre politique de recherche doit être plus efficace et qui réclament une évaluation de la recherche française - moi-même, je l'avais préconisé. Toutefois, aujourd'hui, vous commettez une grave erreur en raison des arbitrages budgétaires de Bercy.
    Que ce soit en 1986, en 1988, en 1993 et maintenant, en 2002, la droite n'a toujours pas compris l'importance de la recherche pour le pays. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais j'élargirai mon propos en disant que c'est toute la classe politique française qui, à l'inverse de celle des Etats-Unis, ne comprend pas que la recherche est majeure pour le développement de notre pays. En effet, la recherche n'occupe pas une place dominante dans la pensée de la classe politique française. On ne prépare pas l'avenir, contrairement à ce que souhaitent les Français.
    Cet amendement constitue, madame la ministre, une sorte d'oral de rattrapage. (Mêmes mouvements.) Il vise à maintenir au même niveau que l'an passé le nombre des chercheurs. Nous l'avons déposé avec beaucoup de foi et de conviction.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour une très brève intervention, car l'Assemblée est suffisamment éclairée sur le sujet.
    M. Daniel Paul. Il est difficile de nier le mouvement d'inquiétude et de désapprobation que suscitent les suppressions de postes de chercheur. L'appel des scientifiques est marqué par la diversité, et c'est justement ce qui fait la force de ce mouvement et qui devrait tous nous interpeller. Si c'étaient les mêmes qui protestaient chaque année contre l'insuffisance d'un budget, se serait banal, mais là, ce n'est pas la cas : il s'agit de personnalités éminentes, que vous considérez, me semble-t-il, avec un peu de légèreté.
    Nous avions déploré le retard pris par le plan pluriannuel, et voici que vous le supprimez ! La disparition, au fil des années, de milliers d'emplois ne va-t-elle pas remettre en cause, comme le laissent entendre quelques passages des interventions de nos collègues de la majorité, non seulement les orientations de la politique de recherche de notre pays mais également les structures mêmes de la recherche en France ?
    Jusqu'à présent, les équipements, les établissements et les grandes structures de recherche installés dans notre pays avaient fait l'objet d'une sorte de consensus, en ce qu'elles contribuaient à la grandeur de la France. Force est de constater que la droite ultralibérale d'aujourd'hui se montre peu soucieuse des intérêts à long terme du pays ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix le titre III.
    (Le titre III est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le titre IV.
    (Le titre IV est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)
    M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche concernant la recherche et les nouvelles technologies.

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ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 22 novembre 2002 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Il sera annexé au compte rendu de la présente séance.
    En outre, la conférence des présidents a fixé au mercredi 13 novembre, de quinze heures à dix-huit heures, les deuxièmes tours de scrutin pour les sièges restant à pourvoir à la Haute Cour de justice et à la Cour de justice de la République.
    Par ailleurs, en application de l'article 65-1 du règlement, la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003 auraient lieu le mardi 19 novembre 2002, après les questions au Gouvernement.

CALENDRIER DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE

(Application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution)

    M. le président. La conférence des présidents propose à l'Assemblée de suspendre ses travaux, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution :
    - du dimanche 22 décembre 2002 au dimanche 12 janvier 2003 ;
    - du dimanche 16 février 2003 au dimanche 23 février 2003 ;
    - et du dimanche 13 avril 2003 au dimanche 27 avril 2003.
    Il n'y a pas d'opposition ?...
    Il en est ainsi décidé.

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement.
    Discussion de la proposition de résolution, n° 155, de M. Christian Estrosi et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête visant à établir les conditions de la présence du loup en France et à évaluer le coût, l'efficacité et les conséquences des dispositifs engagés par les pouvoirs publics en faveur du loup :
    M. Patrick Ollier, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 245).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du règlement.)
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Agriculture et pêche ; lignes 1 à 26 de l'état E ; article 60 ; budget annexe des prestations sociales agricoles ; article 61.
    Agriculture :
    M. Alain Marleix, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 8 du rapport n° 256) ;
    M. Antoine Herth, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome II de l'avis n° 258).
    Pêche :
    M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 9 du rapport n° 256) ;
    M. Aimé Kergueris, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome III de l'avis n° 258).
    Prestations sociales agricoles :
    M. Yves Censi, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 42 du rapport n° 256).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(réunion du mardi 5 novembre 2002)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 5 novembre au vendredi 22 novembre 2002 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 5 novembre 2002 :
            
Le matin, à neuf heures :
    Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230 et 256 à 261) :
    Recherche et nouvelles technologies.
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Discussion de la proposition de résolution de M. Christian Estrosi tendant à la création d'une commission d'enquête visant à établir les conditions de la présence du loup en France et à évaluer le coût, l'efficacité et les conséquences des dispositifs engagés par les pouvoirs publics en faveur du loup (n°s 155 et 245).
    (Cette proposition de résolution faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 106 du règlement.)
    Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230 et 256 à 261) :
    Agriculture et pêche, BAPSA.
    Mercredi 6 novembre 2002 :
            
Le matin, à neuf heures :
    Sports.
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement :
    Budgets annexes de la Légion d'honneur et de l'ordre de la Libération.
    Justice.
    Le soir, à vingt et une heures :
    Justice (suite).
    Tourisme.
    Jeudi 7 novembre 2002 :
            
Le matin, à neuf heures, et l'après-midi, à quinze heures :
    Eventuellement, tourisme (suite).
    Fonction publique, réforme de l'Etat et aménagement du territoire, services du Premier ministre.
            Le soir, à 21 heures :
    Communication.
    Vendredi 8 novembre 2002 :
            Le matin, à neuf heures :
    Enseignement supérieur.
    PME, commerce et artisanat.
            L'après-midi, à 15 heures, et le soir :
    PME, commerce et artisanat (suite).
    Outre-mer.
    Mardi 12 novembre 2002 :
            
Le matin, à neuf heures :
    Anciens combattants.
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Santé, famille et personnes handicapées.
    Mercredi 13 novembre 2002 :
            
Le matin, à neuf heures :
    Logement.
            L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Deuxièmes tours de scrutin pour l'élection des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République (cf. note 1) ;
    Questions au Gouvernement.
    Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230 et 256 à 261).
    Affaires étrangères, coopération et francophonie.
    Jeudi 14 novembre 2002 :
            
L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Affaires sociales, travail et solidarité, égalité professionnelle.
    Vendredi 15 novembre 2002 :
            
Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Culture.
    Economie et finances : charges communes, services financiers, budget annexe des Monnaies et médailles, Trésor, commerce extérieur, articles non rattachés.
    Mardi 19 novembre 2002 :
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2002 (n°s 230 et 256 à 261).
    Sous réserve de sa transmission par le Sénat, discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
    Mercredi 20 novembre 2002 :
            L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.
    Jeudi 21 novembre 2002 :
            
Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.
    Eventuellement, vendredi 22 novembre 2002 :
            Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures :
    Suite de l'ordre du jour de la veille.
    Le jeudi 14 novembre 2002, à 11 heures, M. Vicente Fox Quesada, Président des Etats-Unis du Mexique, sera reçu dans l'hémicycle.

NOTE (S) :

(1) Les scrutins pour l'élection de trois juges titulaires et de deux juges suppléants de la Haute Cour de justice et de deux juges titulaires et de leurs suppléants de la Cour de justice de la République auront lieu dans les salons à proximité de la salle des séances, de quinze heures à dix-huit heures.