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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 9 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du vendredi 8 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Décisions du Conseil constitutionnel sur des requêtes en contestation d'opérations électorales «...».
2.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
COMMERCE ET ARTISANAT, PROFESSIONS LIBÉRALES
ET CONSOMMATION (suite)

M. Jacques Brunhes.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Réponses de M. le secrétaire d'Etat aux questions de : MM. André Schneider, Thierry Lazaro, Jean-Luc Warsmann.
Les crédits des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits de l'économie et des finances.

Articles 64 et 65. - Adoptions «...»
Suspension et reprise de la séance «...»
OUTRE-MER

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les départements d'outre-mer.
M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l'outre-mer.
M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'outre-mer.
MM.
Jérôme Lambert,
Jean-Christophe Lagarde,
Jacques Brunhes,
Pierre Frogier,
Christophe Payet,
René-Paul Victoria,
Mme
Huguette Bello,
MM.
Louis-Joseph Manscour,
Victor Brial,
Alfred Marie-Jeanne,
Victorin Lurel,
André Thien Ah Koon.

Rappel au règlement «...»

M. Jacques Brunhes.

Reprise de la discussion «...»

MM.
Eric Jalton,
Alfred Almont,
Mme
Christiane Taubira,
MM.
Bertho Audifax,
Joël Beaugendre,
Mansour Kamardine,
Mmes
Juliana Rimane,
Béatrice Vernaudon,
M.
Gérard Grignon.
M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de cinq décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.
    Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

2

LOI DE FINANCES POUR 2003

DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES
COMMERCE ET ARTISANAT,
PROFESSIONS LIBÉRALES ET CONSOMMATION (suite)

    M. le président. Nous poursuivons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits.
    Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jacques Brunhes, pour cinq minutes.
    M. Jacques Brunhes. Monsieur le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, je vous prie de bien vouloir excuser André Gerin qui suit ce budget pour notre groupe, mais qui est empêché aujourd'hui.
    Mes chers collègues, chacun reconnaît que les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat constituent un apport considérable à l'économie française. Leur dynamisme, la masse de leur activité, les emplois qu'ils génèrent sont des atouts pour la croissance. Toutefois, ces entreprises doivent faire face à des difficultés liées moins aux cotisations de la sécurité sociale et de l'URSSAF, qui sont souvent les structures montrées du doigt, qu'aux grandes entreprises et aux banques dont elles sont victimes. En effet, leur création, leur développement sont confrontés au monde économique libéral qui les utilise pour la sous-traitance. Elles sont des variables d'ajustement aux décisions stratégiques de la finance. Cette remarque liminaire démontre que l'on ne peut dissocier les mesures annoncées dans votre budget des choix économiques du Gouvernement.
    Or, ces choix pour 2003 ne s'opposent pas à cet état de fait. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous annoncez que le budget doit favoriser la création et le développement des PME au service de l'emploi. Mais les chiffres démontrent l'inverse. Ainsi l'Union professionnelle artisanale note, dans un courrier adressé aux députés, que « les crédits d'intervention du commerce et de l'artisanat continuent dans la réalité à régresser de manière significative : moins 9,2 % par rapport à 2002 ». Elle souligne aussi « le désengagement progressif de l'Etat concernant plus particulièrement le dispositif de développement économique qui devrait subir une baisse de 23 % en 2003 après avoir diminué de 15 % en 2002 ». A cela s'ajoute une baisse de 6,4 % des aides à la formation. Or, chacun reconnaît le rôle et la fonction de plus en plus importante de la formation professionnelle dans l'efficacité du fonctionnement des PME, du commerce et de l'artisanat. Cette baisse engendrera donc des difficultés futures pour cette branche à laquelle M. le Premier ministre demande de créer un demi-million d'emplois en cinq ans.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, ces moyens sont insuffisants, d'autant plus qu'ils s'accompagnent de quelques tours de passe-passe. Ainsi, le budget de l'Etat absorbe la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, appelée communément TACA. L'UPA parle d'un gain net pour l'Etat de 251 millions d'euros. D'autre part, l'apparition des fonds attribués au FISAC et à l'aide au départ des commerçants et artisans a pour effet de gonfler le budget.
    Il convient aussi de souligner des difficultés particulières du secteur. La faiblesse de la formation initiale et professionnelle ne permet pas de faire face aux besoins de main-d'oeuvre qualifiée, notamment dans l'artisanat. Par ailleurs, pour que les emplois soient attractifs, il est nécessaire que les salaires soient revalorisés et les conditions de travail améliorées. L'arrêt de la mise en oeuvre des 35 heures - c'est en tout cas notre opinion - sera un handicap à moyen terme pour tout le secteur.
    Bien entendu, des mesures doivent être prises pour favoriser l'emploi dans cette branche. Mais l'allégement des cotisations sociales est une fausse réponse. En effet, la multiplication des dispositions d'exonération de cotisations sociales a montré une certaine inefficacité en termes de réelles créations d'emplois. D'autres mesures doivent être prises, notamment une réforme des cotisations sociales qui favoriserait l'emploi en intégrant, dans le calcul, les revenus financiers des entreprises, que la plupart des PME ne touchent pas.
    Ensuite, une autre politique de crédit doit être offerte à ce secteur. Celle que suivent actuellement les banques est souvent le principal frein à la création d'entreprises et au développement de ces sociétés.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, les PME-PMI, le commerce, et l'artisanat ont un rôle irremplaçable pour la bonne santé de l'économie française, pour l'emploi et l'aménagement équilibré du territoire. Nous défendons ce secteur souvent victime, comme les salariés, des restructurations économiques et financières que favorisent le Gouvernement et la Commission européenne. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget qui s'intègre dans une politique économique contraire au développement des PME.
    M. Michel Vergnier. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement entend mettre l'entreprise au coeur de son projet républicain. Il s'agit là d'une politique de bon sens. Une nation qui se dresse contre elle-même s'affaiblit, une nation qui se dresse contre ses entreprises se prive du moteur essentiel de la croissance, de la richesse, de la création d'emplois, de la distribution de pouvoir d'achat.
    Nous avons pourtant vu, dans le passé - un passé récent -, les pouvoirs publics dressés contre les entreprises. Cette politique a été jugée et rejetée. Le Gouvernement, aujourd'hui, entend rompre avec la politique qui a été menée auparavant, il était important de le dire.
    M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Certes, vous en êtes tous convenus, les crédits de mon ministère ne suffisent pas à rendre compte de cette politique. Plusieurs mesures récentes donnent, par leur importance, le crédit nécessaire à l'engagement très fort du Gouvernement en faveur de toutes les entreprises françaises, quelle que soit leur taille : ainsi, les allégements de charges sociales - plus de 6 milliards d'euros annuels en trois ans - vont, comme le disait M. Brunhes il y a un instant, favoriser la création d'emplois.
    L'assouplissement des 35 heures est une réforme tout aussi importante. J'ai personnellement veillé à ce que les entreprises de moins de vingt salariés puissent bénéficier d'un régime compatible avec leur capacité d'adaptation. Les dispositions antérieures risquaient de mettre à mal un grand nombre de nos petites entreprises, et il était temps d'agir.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nous avons également mis en place, dans ce budget, des mesures fiscales d'allégement : suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle qui va concerner 1,2 million d'entreprises, allègement progressif de la taxe professionnelle des professions libérales. Je n'oublie pas que je suis le ministre des professions libérales - c'est d'ailleurs la première fois qu'il en existe un dans un gouvernement français. Cette réforme était attendue depuis très longtemps. Elle est aujourd'hui engagée et elle traduit le soutien que le Gouvernement apporte à l'ensemble des professions libérales de notre pays.
    Des mesures de simplification fiscale ont été également engagées dans ce projet de loi de finances : annualisation du paiement de la TVA pour les redevables placés sous le régime simplifié d'imposition générale, relèvement du seuil d'assujettissement des acomptes de la taxe professionnelle, qui va concerner près de 366 000 entreprises, et relèvement identique pour l'impôt sur les sociétés, qui va concerner 126 000 entreprises.
    D'autres mesures sont en préparation, que je voudrais évoquer rapidement, comme certains orateurs m'y ont invité.
    Il s'agit, pour l'essentiel, du projet de loi en faveur de l'initiative économique, qui sera présenté au Parlement le 21 janvier prochain, et qui a pour objectif premier de stimuler la création d'entreprises - car vous savez que la France accuse un retard en ce domaine par rapport à d'autres pays comparables, comme la Grande-Bretagne, qui compte 3,4 millions d'entreprises quand nous n'en avons que 2,4 millions, ou l'Espagne, qui crée chaque année deux fois plus d'entreprises que nous.
    Nous devons également consentir un effort sans précédent pour la transmission d'entreprises. Dans les dix années à venir, 500 000 entreprises vont devoir changer de mains, leurs dirigeants atteignant l'âge de la retraite. Il est donc essentiel de permettre au patrimoine économique de notre pays d'être repris par les nouvelles générations.
    M. Jean-Luc Warsmann. Absolument ! C'est fondamental !
    M. André Schneider. Tout à fait !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je vous signale que les crédits qui seront alloués à ce projet de loi dépasseront ceux affectés à mon ministère.
    L'action menée par le Gouvernement en faveur des PME vise à un changement radical : l'ampleur des crédits consentis en faveur des PME montre que, derrière les mots, il y a des actes. Dans un contexte économique difficile, ils sont la preuve d'une vraie priorité.
    Nous allons également tout faire pour développer les entreprises. Il est important d'apporter des capitaux propres à celles qui souhaitent se développer. Notre action privilégiera l'investissement direct grâce à des incitations fiscales, mais également à travers des fonds d'investissement de proximité qui ouvriront une voie nouvelle, beaucoup plus enracinée dans les territoires, au financement des entreprises. Il est important de s'appuyer sur cette logique de proximité économique, encore étrangère à notre pays mais souhaitée par beaucoup d'acteurs économiques et d'animateurs de collectivités territoriales.
    C'est donc un projet très important que vous aurez à examiner d'ici à quelques semaines et dont l'objectif est de donner sens à une politique de l'offre rénovée. Nous avons besoin, pour tirer la croissance, pour créer de l'emploi, pour que la France puisse figurer au premier rang des pays européens, de muscler notre économie, de la renouveler. Un tissu économique doit, en permanence, se renouveler par la création de nouvelles entreprises, mais également dans ses méthodes, dans ses hommes et ses femmes, dans ses techniques, dans ses process. Ce projet de loi constitue le premier élément de cette nouvelle politique économique.
    Un deuxième projet de loi portera sur la simplification de la vie des entreprises. Lorsque l'on se penche sur les problèmes d'attractivité de notre territoire, on s'aperçoit que le grief le plus souvent formulé à l'encontre de notre pays touche à la complexité de la réglementation. Nous devons donc nous engager dans cette direction nouvelle de la facilitation, de la simplification. Je citerai quatre exemples d'innovation. Nous essaierons d'inverser le rapport de confiance entre les entreprises et l'Etat, de façon à passer d'un rapport de force à un rapport de partenariat. L'extension de la règle qui dispose que le silence de l'administration vaut acceptation sera une petite révolution dans les habitudes de nos services publics, car elle mettra tout simplement l'Etat au service du développement économique. Nous allons également faciliter la vie des millions de travailleurs indépendants, qui sont souvent oubliés, en mettant en place le guichet social unique, revendication très ancienne qui n'a jamais pu être satisfaite. De même, nous travaillons à l'extension du chèque emploi-service au secteur des très petites entreprises. Là encore, cette innovation, frappée au coin du bon sens, sera un vigoureux stimulant pour l'emploi. Plus nous simplifions, plus les entreprises pourront se consacrer à l'essentiel : leur activité, le développement de leurs marchés et celui de leurs ressources.
    Au moment d'aborder ce budget, je tiens à saluer le travail des rapporteurs, Jean-Jacques Descamps et Serge Poignant, et à les en remercier. Ils ont rencontré un grand nombre de personnes concernées par ce budget et ont fait preuve à la fois d'une très fine connaissance du travail des services placés sous mon autorité et de beaucoup d'imagination. Il est important, lors de l'examen d'un budget, de se tourner vers l'avenir et d'innover, et nombre des pistes qu'ils ont esquissées seront suivies.
    Le montant du budget du secrétariat d'Etat aux PME passe de 60,98 millions d'euros en 2002 à 57,87 millions d'euros, ce qui représente bien une réduction des crédits, mais d'un montant qui n'est guère, en valeur absolue, que de 3,11 millions d'euros, chiffre très modeste, reconnaissons-le, par rapport à l'ensemble du budget de l'Etat, et dont il n'y a pas lieu de s'offusquer. Les entreprises de notre pays, en effet, n'ont pas besoin de vivre avec des subventions. Elles ont besoin de vivre dans le cadre d'un marché qui doit à la fois les financer et permettre leur développement. Il s'agit donc pour nous de veiller à ce que l'animation économique se fasse dans de bonnes conditions, et rien de ce qui a été modifié dans le budget ne remet en cause l'essentiel de l'action de l'Etat en faveur de l'artisanat, du commerce, des PME et des professions libérales, ainsi qu'en faveur de la consommation, à laquelle j'attache beaucoup d'importance.
    Nombreux sont ceux, aujourd'hui, qui ont évoqué le Fonds d'intervention et de sauvegarde des activités artisanales et commerciales. Ce fonds augmente en 2003, puisque son montant passe de 67 millions d'euros à 71 millions d'euros. Il convient de souligner qu'il s'agit là d'une augmentation significative, de 3,92 millions d'euros, qui traduit la volonté du Gouvernement de poursuivre l'effort des gouvernements précédents, et, plus encore, d'intensifier l'action menée en faveur du commerce et de l'artisanat.
    Le Gouvernement veillera, Alain Lambert m'a autorisé à le dire très nettement, à ce que ces crédits du FISAC ne soient pas amputés ou détournés de leurs fonctions, mais puissent réellement soutenir l'activité du commerce et de l'artisanat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Herbillon. C'est une bonne nouvelle !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Peut-être certaines baisses de crédits peuvent-elles prêter le flanc à quelques observations, mais, là encore, elles portent sur des sommes minimes. Les crédits de formation, par exemple, dont il est ici question et que certains, comme Michel Vergnier, je crois, ont évoqués, ne sont évidemment pas l'ensemble des crédits de formation de notre pays. Il s'agit ici d'un petit budget de crédits de formation, qui diminue pour la simple raison que d'autres financements ont relayé ceux de l'Etat.
    M. Michel Vergnier. Les régions !
    M. Jérôme Lambert. C'est la décentralisation ! L'Etat se désengage et fait payer les régions !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nous pensons que l'implication croissante des régions dans cette activité de formation va dans le bon sens. Plus les crédits sont dépensés dans la proximité, plus fortement s'applique l'exigence du contrôle démocratique.
    M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il me semble donc qu'il n'y a pas à polémiquer sur ce point.
    En revanche, je pense que, tous ensemble, nous devons être vigilants et très imaginatifs pour voir ce que nous pouvons faire pour développer l'apprentissage, la formation en alternance ou pour revaloriser un certain nombre de métiers,...
    M. Jean-Jacques Deschamps, rapporteur spécial. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... qui sont de très beaux métiers et qui pourraient intéresser nombre de jeunes. Le paradoxe est que nous avons des emplois sans jeunes et des jeunes sans emploi ;...
    M. Michel Vergnier. La formule est belle !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... il faut faire en sorte que les uns rencontrent les autres.
    M. Serge Poignant, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. Jean-Marc Nudant. Très bonne formule !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ce gouvernement va travailler sur la revalorisation de la formation en alternance, car c'est un formidable gisement d'emplois, qui peut offrir ces débouchés à beaucoup de jeunes.
    Les mots ayant leur importance, nous devrions peut-être cesser de parler de « travail manuel ». En effet, je ne connais aucun travailleur dit manuel qui ne fasse avant tout appel à son intelligence, à son coeur, à ses capacités de transmission du savoir-faire. (« Très juste ! » sur de nombreux bancs.) Il faut que, tous ensemble, nous fassions savoir aux parents que les métiers de demain sont ceux de l'artisanat, des services et du commerce.
    M. Michel Vergnier. Nous vous aiderons !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Tout le Gouvernement se mobilisera sur ce projet, dont Luc Ferry vous a certainement parlé.
    M. Nicolas Forissier. Bravo !
    M. Michel Herbillon. C'est la bonne direction !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nous allons également améliorer le fonctionnement du FISAC. Pour cela, je travaille sur trois pistes de réflexion.
    D'abord, il faut essayer d'accélérer les procédures, parce que des subventions qui ne sont jamais distribuées ou qui sont allouées tardivement sont de mauvaises subventions.
    M. Serge Poignant, rapporteur pour avis. Très juste !
    M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Quand il faut aider, il faut le faire vite. Le temps de l'administration est un temps lent, celui des entreprises est un temps rapide. Il est donc important que l'administration s'adapte aux entreprises, et non l'inverse.
    M. Michel Vergnier. Nous sommes d'accord !
    M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est la raison pour laquelle je vais améliorer les procédures d'attribution des subventions du FISAC, de façon à ce que leurs bénéficiaires les reçoivent plus rapidement.
    Ensuite, je vais relever le plafond des subventions dans les zones rurales. En tant qu'élu du monde rural, je sais à quel point les communes rurales ont besoin de subventions. Et si les montants de ces subventions sont trop faibles, les projets n'aboutissent pas. Par conséquent, il a été décidé de relever de 20 à 30 % le plafond des subventions d'investissement pour les communes de moins de deux mille habitants. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Enfin, nous allons expérimenter en 2003 une décentralisation du FISAC. Les régions candidates pourront ainsi mettre en oeuvre de nouvelles politiques.
    Ce sera le cas en matière de sécurisation des commerces et des locaux artisanaux. Il est nécessaire d'aider les acteurs économiques dont les activités sont parfois menacées. Il faut leur permettre d'investir pour se protéger, et cette opération peut être facilitée par l'octroi de subventions.
    De même, nous devons veiller à ce que le commerce de bouche, qui est essentiel à la sociabilité de nos bourgs ruraux, de nos petites villes, voire de nos quartiers, puissent s'y maintenir. J'étudie en ce moment comment nous pourrions orienter le FISAC vers des actions de cette nature dans le cadre de partenariats de décentralisation. Vous aurez toute latitude pour me faire des propositions à cet égard.
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. Michel Herbillon. Très bonne nouvelle !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. J'ai également voulu que ce budget témoigne de la confiance que ce gouvernement manifeste envers les grands réseaux économiques qui animent notre territoire, en particulier dans ceux des chambres de métiers et des chambres de commerce, qui, trop souvent avaient été « mis à la diète » et ne pouvaient pas assumer leurs obligations. Le projet de loi de finances pour 2003 traduit donc la volonté de travailler avec les chambres de commerce et avec les chambres de métiers,...
    M. Charles Cova. C'est essentiel !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... dans un souci de transparence, dans un souci de partenariat n'excluant pas le contrôle a posteriori mais modifiant la donne par rapport à ce qui existait précédemment.
    J'indique à Jean-Jacques Descamps que nous travaillons également à la réforme des chambres de commerce. C'est un point important qui a été trop longtemps négligé et qu'il convient d'aborder aujourd'hui dans le cadre d'une concertation avec les principaux intéressés.
    J'en viens à la question récurrente de la TVA applicable à la restauration.
    M. Michel Vergnier. Soyez précis !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Le Premier ministre a répondu à cette question ici même il y a quelque temps. Vous savez que le Gouvernement a fait de la baisse de la TVA sur la restauration l'une de ses priorités. Toutefois, contrairement à ce que certains ont prétendu, le Président de la République n'a jamais fixé de date,...
    M. Michel Vergnier. Oh !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... en particulier pas celle du 1er janvier 2003, pour commencer à appliquer un taux de TVA de 5,5 % dans la restauration. S'il ne l'a pas fait, c'est tout simplement parce qu'il connaît bien les règles de fonctionnement de l'Union européenne et que, pas un instant, il n'aurait pu imaginer que la France puisse outrepasser les règles européennes qu'elle a adoptées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Cela dit, nous progressons dans cette voie. Il est essentiel que nous parvenions à une solution commune : tous les Etats membres doivent être d'accord sur les modifications à apporter à la directive relative à la TVA.
    Je note d'ailleurs que, en 1999, le gouvernement précédent a refusé d'inscrire le secteur de la restauration sur la liste des secteurs pouvant bénéficier de la TVA à taux réduit !
    M. Charles Cova. Absolument !
    M. Jean-Marc Nudant. Tout à fait ! Il faut le rappeler.
    M. Michel Vergnier. Parce qu'il en aurait inscrit d'autres !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Certains devraient s'en souvenir lorsqu'ils se transforment aujourd'hui en donneurs de leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. Il fallait le rappeler !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nous irons vers cette réforme en ayant le souci de bâtir un partenariat avec la profession, de telle sorte que le consommateur y trouve un intérêt, que les salaires de la profession puissent être revalorisés, que les équipements puissent atteindre le niveau de qualité indispensable dans un pays dont la vocation touristique n'est plus à rappeler.
    Certains d'entre vous, notamment Jean-Paul Charié, ont évoqué la question des pratiques commerciales. C'est un sujet qui me préoccupe depuis les premières heures de mon installation dans ce secrétariat d'Etat. En effet, nous avons constaté ces dernières années une réelle dérive de ce qu'on appelle les marges commerciales. Cette dérive n'avait pas d'ailleurs suscité beaucoup d'intérêt de la part du gouvernement précédent si j'en juge à l'aune de ce qui avait été entrepris pour y mettre un terme. Ainsi, lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai pu constater que la commission d'examen des pratiques commerciales, qui était le lieu naturel pour évoquer un tel sujet, ne fonctionnait pas. J'ai donc demandé aux partenaires concernés de renouer le dialogue pour tenter de sortir de ce piège des marges arrière.
    Je signale que les marges arrière pénalisent deux types d'acteurs de notre économie : le consommateur d'une part, les PME d'autre part. Les petits producteurs se trouvent souvent exclus, parce qu'ils ne peuvent payer les prestations de coopération commerciale qui sont exigées par la distribution, tandis que les consommateurs sont victimes de ce système dans la mesure où il n'est pas possible de répercuter les marges arrière dans les prix.
    L'intérêt de tous est de sortir de ce système. C'est ainsi qu'un premier accord a été conclu entre l'ANIA et la FCD, c'est-à-dire entre la distribution et la production. Il va dans le bon sens, mais je souhaite aller plus loin.
    J'ai donc présenté un projet de circulaire à ce sujet afin d'alimenter la réflexion des uns et des autres - Jean-Paul Charié aura d'ailleurs l'occasion de s'exprimer sur celui-ci lors de la réunion de la commission d'examen des pratiques commerciales qui se tiendra le 28 novembre prochain. Ce texte cherche à frayer un chemin nouveau, afin de rétablir des pratiques commerciales beaucoup plus protectrices des consommateurs, des producteurs et des entreprises, et, tout simplement, afin de mieux réguler le marché. Il est essentiel de se dégager d'une évolution aujourd'hui unanimement considérée comme mauvaise.
    Bien entendu, si des abus se produisent - et je le dis ici de façon très nette -, ils seront sanctionnés.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Mon administration prendra toutes les dispositions nécessaires pour que soient déférés devant les tribunaux tous les auteurs d'infractions à la réglementation qui pourraient être découverts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    De deux choses l'une : ou bien on se satisfait de l'évolution des marges arrière et on ne fait rien, ou bien on essaye d'inverser la vapeur et il faut alors trouver des solutions.
    Ces solutions ne sont pas évidentes. Il faut faire preuve d'imagination et, surtout, de sens de la concertation. Telle est mon intention, et on pourra le vérifier au cours des prochaines semaines.
    André Thien Ah Koon a évoqué une question particulière concernant la Réunion. Il faut en effet être très attentif à ce qui se passe dans les départements d'outre-mer. Au demeurant, je me rendrai à la Réunion dans quelque temps, et nous aurons donc l'occasion d'évoquer ce sujet sur place.
    J'indique à Arlette Grosskost que nous élaborerons en 2003 un texte concernant ce que j'appelle le statut de l'entrepreneur. Nicolas Forissier appelait de ses voeux un texte sur l'artisanat : il s'agira, bien entendu, du même texte. Je pense qu'il est nécessaire d'élargir ce travail à tous les entrepreneurs de notre pays, en particulier à ceux de très petites entreprises.
    Dans le cadre de ce texte, nous essaierons notamment d'aborder des questions aussi importantes que celle du statut du conjoint de l'entrepreneur, du conjoint de l'artisan, du conjoint du commerçant. Nous nous efforcerons de faire en sorte que les droits sociaux de tous ceux qui ont choisi de devenir entrepreneurs soient au même niveau que ceux des salariés du secteur public ou du secteur privé.
    Ce texte important reprendra les meilleures dispositions du projet de loi Patriat. Je considère que lorsqu'un travail de qualité a été fait, il faut en tenir compte. Toutefois, j'ai aussi constaté que ce texte comportait beaucoup de vides ;...
    M. Nicolas Forissier. D'énormes lacunes !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... aussi, il me paraît nécessaire de lui redonner un peu de substance. Nous allons donc nous atteler à cette tâche.
    M. Jean-Jacques Descamps, rapporteur spécial. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nous nous intéresserons également de près à la consommation : je n'oublie pas que je suis le ministre de la consommation.
    Dans ce domaine, nous devrons faire preuve de beaucoup d'imagination. Les perspectives qui ont été ouvertes par le Président de la République en ce qui concerne le développement durable intéressent de très près le consommateur, lequel a tout intérêt à ce que l'ensemble de notre appareil de production puisse tenir compte de ses nouvelles aspirations, qui dépassent largement le problème du prix et qui touchent aussi à la qualité, à la sécurité, à l'évolution des modes de production, notamment en fonction de la mondialisation. Le budget de la consommation prend donc en compte cette nouvelle dimension.
    J'ajoute que le soutien aux associations de consommateurs est maintenu. Il n'était absolument pas question qu'il y ait un relâchement quelconque dans le soutien que l'Etat apporte au mouvement consumériste français, lequel est - je le souligne car c'est parfois méconnu - de grande qualité et d'un très grand dévouement sur le terrain où il mène une action qui, la plupart du temps, est bénévole.
    Nous conduisons une action qui est nouvelle, qui est déterminée et qui se veut également rapide. Après tant d'années d'attente et d'impatience, il était important que les entreprises de notre pays, non seulement reçoivent des signaux, mais également constatent des réalisations rapides.
    L'année 2003 marquera un tournant dans l'organisation de nos marchés économiques et de notre tissu entreprenarial. Au-delà, c'est notre culture économique qui s'en trouvera peut-être modifiée. La France a en effet besoin de modifier sa culture économique, afin que l'esprit d'entreprise se libère du carcan dans lequel il est enserré, qu'il souffle un peu plus, aussi bien à l'école qu'à l'Université ou dans des endroits où il est trop souvent méconnu.
    Nous avons besoin d'entreprises : le Gouvernement les épaule, les soutient, et ce budget en est la preuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Nous en arrivons aux questions.
    Nous commençons par le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    La parole est à M. André Schneider.
    M. André Schneider. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de nous faire un exposé très complet sur la politique de votre ministère et sur vos intentions. Permettez-moi cependant de revenir sur deux points majeurs.
    Nos artisans et nos commerçant sont des professionnels de talent, dont la réputation n'est plus à faire. Or ils manquent très souvent de main-d'oeuvre qualifiée, et, de surcroît, croulent de plus en plus sous le poids d'une paperasse inutile et tatillonne. Aussi, dans un souci de simplification, le Premier ministre, vous a chargé, le 3 juillet dernier, de préparer une ordonnance destinée à simplifier la vie des entreprises.
    Vous venez de nous donner quelques indications sur le contenu de cette future ordonnance, mais pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, apporter à la représentation nationale quelques informations complémentaires sur l'état d'avancement des travaux que vous conduisez dans le but de permettre aux entreprises de notre pays de se concentrer sur leur véritable mission, c'est-à-dire créer de la richesse et de l'emploi ?
    Ma deuxième question concerne les mesures que vous allez prendre en faveur de tous les travailleurs indépendants. Les commerçants et les artisans sont inquiets, et les préoccupations légitimes qui sont les leurs sont récurrentes. Vous avez évoqué le statut de l'entreprise, la transmission de celle-ci, la protection du conjoint et la fiscalité. Comment prévoyez-vous de travailler sur tous ces points ? Avez-vous fixé un calendrier ? Nos commerçants, nos artisans, nos travailleurs indépendants ont besoin d'être rassurés.
    Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, ce secteur est la première entreprise de France. Celle-ci mérite amplement que tous les problèmes que j'ai évoqués soient examinés.
    Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. le président. Monsieur Schneider, vous étiez inscrit pour poser deux questions. Puis-je considérer que vous les avez posées ?
    M. André Schneider. Tout à fait, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je sais, monsieur André Schneider, que vous êtes très proche des artisans et des entrepreneurs de votre circonscription. Il est donc tout à fait normal que vos questions soient de bonnes questions.
    En ce qui concerne la simplification, nous avons procédé à une large consultation et recueilli un grand nombre de propositions qui feront l'objet de mesures inscrites dans une ordonnance, après que le Parlement aura voté une loi d'habilitation. Pourquoi allons-nous procéder de cette manière ? Tout simplement, parce que dès lors qu'il ne s'agit pas de sujets politiques, au sens fort du terme, il est important d'aller vite pour pouvoir simplifier sans délai.
    Parmi les mesures de simplification que nous allons prendre, certaines concernent le volet social : guichet social unique, titre emploi simplifié pour les très petites entreprises. D'autres porteront sur le volet fiscal ou le volet juridique, celles relatives à ce dernier volet étant destinées à rétablir la confiance entre l'Etat et les entreprises. J'espère que ces mesures pourront entrer en service au cours du premier semestre de l'année 2003.
    Je signale également à l'Assemblée qu'un groupe de députés travaille, sous la direction de Xavier de Roux, sur le thème de la simplification de la vie des entreprises. Je tiens à saluer la qualité de ce travail.
    S'agissant du projet de loi relatif au statut de l'entrepreneur, qui devrait être examiné au cours du second semestre de l'année 2003, il concernera le statut de l'entrepreneur individuel et de l'entreprise individuelle - nombre de Français choisissent de travailler de la sorte -, le statut du conjoint, la retraite de l'entrepreneur et de son conjoint. Il concernera également la formation professionnelle et en particulier l'apprentissage et le préapprentissage, en traitant de questions comme celles du statut, du financement, de la gestion de la taxe d'apprentissage, des filières à bâtir ou de l'utilisation du crédit d'impôts pour stimuler l'apprentissage. Ce texte traitera aussi des problèmes d'accès au crédit, de caution, de garantie, de financement, de sous-traitance, de para-commercialisme, d'accès aux marchés publics - les petites et moyennes entreprises doivent être traitées de façon différente que les grandes entreprises quand elles accèdent aux marchés publics -, d'accès au crédit recherche pour les petites entreprises, de régimes fiscaux ou de location-gérance.
    Il s'agira d'un texte ambitieux, qui permettra, je l'espère, à nos entreprises de travailler dans de bien meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. André Schneider. Je vous remercie.
    M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro.
    M. Thierry Lazaro. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question, dans le prolongement d'une de celles qu'a posées M. Schneider, concerne les droits de transmission.
    En France, un grand nombre de petites et moyennes entreprises viables disparaissent chaque année faute de repreneurs, ce qui entraîne la perte de dizaines de milliers d'emplois. Aujourd'hui, 40 % des chefs d'entreprise ayant plus de cinquante ans, c'est près de 450 000 entreprises qui changeront de mains dans les dix ans. Cela met en évidence un problème général aigu concernant la transmission d'entreprise et constitue un enjeu économique majeur pour la sauvegarde de l'emploi.
    Actuellement, les coûts de la transmission en France sont très au-dessus de la moyenne européenne. Ainsi, pour une entreprise d'une valeur de 100 millions, transmise à plusieurs héritiers, les droits à payer dans notre pays sont de 40 %...
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est du vol !
    M. Thierry Lazaro. ... contre 0 % en Belgique, en Italie, en Espagne et 11 % en Allemagne. De plus, ils doivent être acquittés après paiement de l'IRPP. La vente est la solution qui s'impose alors pour un grand nombre d'entreprises patrimoniales, et l'acquéreur est bien souvent un étranger qui n'aura pas à payer cet impôt.
    Pour assurer la pérennité des petites et moyennes entreprises dans notre pays, il est primordial de réformer le système fiscal de transmission non seulement en alignant le taux marginal d'imposition sur la moyenne européenne, mais aussi en révisant les méthodes d'évaluation de la valeur de l'entreprise par les services fiscaux, lesquels doivent tenir compte de la réalité du marché, sachant qu'actuellement le code général des impôts retient la valeur vénale à la date du décès du chef d'entreprise et non des conséquences d'un tel événement sur la valeur à venir de l'entreprise.
    M. Jean-Paul Charié. C'est vrai !
    M. Thierry Lazaro. Il conviendrait aussi d'étaler le paiement des droits dans le temps, sur quinze ou vingt ans, sauf en cas de revente des parts de l'entreprise avant terme.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, la politique, c'est l'art de prévoir. Je vous fais confiance pour préserver la richesse nationale de demain dans le cadre de la nécessaire réflexion globale sur l'abaissement de la fiscalité de l'entreprise.
    Je souhaite, et je pense ne pas être le seul, que le système fiscal français de la transmission d'entreprise puisse être enfin revu et corrigé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Paul Charié. Nous attendons avec impatience la qualité de la réponse ! (Sourires.)
    Nous vous soutiendrons face à Bercy, monsieur le secrétaire d'Etat !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Le projet de loi sur l'initiative économique comportera trois volets : la création, le développement et la transmission des entreprises.
    Il est essentiel de modifier notre fiscalité non pas de façon marginale, mais de fond en comble.
    Plusieurs mesures sont envisagées dans le projet de loi.
    La première, la plus coûteuse, concerne les plus-values de cession. A cet égard, vous avez évoqué une piste de réforme, mais il en existe d'autres. J'envisage quant à moi de relever le seuil d'exonération des plus-values de cession de façon significative,...
    M. Jean-Paul Charié. Il faudrait supprimer leur imposition !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... de sorte que la majorité des très petites entreprises de notre pays puissent échapper à l'imposition de ces plus-values.
    Les plus-values sont taxées à 26 %. Il s'agit donc d'un prélèvement substantiel au profit de l'Etat, à un moment où l'entreprise est fragilisée parce qu'elle change de dirigeant, si bien que ce prélèvement est souvent mortel.
    La mesure, très attendue, permettra de lutter efficacement contre ce que l'un d'entre vous appelait la « surmortalité » des entreprises françaises.
    M. Jean-Paul Charié. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nous allégerons en outre la charge financière des repreneurs qui s'endettent pour reprendre une entreprise.
    Fréquemment, le repreneur travaille dans l'entreprise et ne dispose pas forcément du capital nécessaire pour la reprendre. Il souscrit donc un emprunt. Nous veillerons à ce que les intérêts de cet emprunt ouvrent droit à des allègements fiscaux importants.
    Nous échelonnerons le paiement de l'impôt sur les plus-values en fonction du calendrier de règlement du prix pour l'aligner sur ce qu'on appelle le « crédit vendeur », qui est bien souvent pratiqué. Cette mesure aussi est très attendue.
    Nous allégerons également la fiscalité relative aux donations d'entreprise aux salariés, qui comptent parfois dans leurs rangs les enfants du chef d'entreprise. Nous prévoyons d'exonérer totalement les entreprises dont la valeur est inférieure à 300 000 euros. Un très grand nombre d'entreprises sera en conséquence concerné.
    Au-delà de ces mesures, qui sont très ambitieuses, nous favoriserons la transmission anticipée des entreprises car il est essentiel que le chef d'entreprise puisse organiser sa succession avant qu'il ne soit trop tard.
    M. Jean-Paul Charié. C'est un acte de gestion !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il s'agit en effet d'un acte de gestion, comme le dit à très juste titre Jean-Paul Charié. Les réductions de fiscalité pourront aller jusqu'à 75 % dans le cadre d'un pacte familial, de façon que l'on s'assure que les exonérations fiscales seront bien employées.
    Ces quelques mesures traduisent la volonté du Gouvernement de tout faire pour que notre patrimoine industriel, commercial et artisanal puisse être transmis aux nouvelles générations...
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... et pour que, au lieu de créer de nouvelles entreprises, on se préoccupe avant tout des entreprises existantes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Jean-Paul Charié. Il apprend vite ! On voit qu'il a fait l'ENA ! (Sourires.)
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... qui sont essentielles à l'activité de nos territoires.
    M. Nicolas Forissier. Y compris les entreprises en difficulté ?
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je répondrai dans quelque temps à Nicolas Forissier qui a posé ce matin une judicieuse question. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
    M. Jean-Luc Warsmann. Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais redire, après d'autres collègues, notre attachement à la fois au FISAC et aux opérations de restructuration de l'artisanat et du commerce, que ce fonds permet de financer.
    Dans les zones rurales notamment, de telles opérations déclenchent très souvent des investissements et des mises aux normes des entreprises. Elles induisent également des créations d'emplois. Il s'agit donc d'opérations qui dynamisent, qui provoquent, si je puis dire, de l'investissement et qui consolident des entreprises qui seront à transmettre dans les années à venir. Elles sont donc très porteuses en termes de développement local.
    Je me permettrai de vous poser deux questions intéressant mon département.
    La première porte sur l'opération initiée par la communauté de communes du pays sedanais : confirmez-vous l'engagement financier de l'Etat ?
    Ma seconde question concerne l'opération d'aide à l'artisanat et au commerce que la communauté de communes des trois cantons de Carignan, Mouzon et Raucourt envisage de lancer dans l'avenir, et pour laquelle votre délégué régional a été sollicité : l'Etat accepte-t-il le cofinancement de l'étude et le lancement de l'opération, qui est très attendue par les élus et les entreprises locales ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Vergnier. Question très budgétaire !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur Warsmann, je vais tâcher de répondre à votre question, qui témoigne de votre action en faveur des communes de votre département.
    Sur le projet de la communauté de communes des trois cantons, l'Etat a émis un avis favorable pour engager sur cette zone une ORAC, qui sera bien sûr éligible au FISAC, en particulier pour ce qui concerne les études, dès que le dossier aura été constitué. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je puis également vous confirmer l'engagement de l'Etat dans l'opération urbaine d'aide à l'artisanat et au commerce qui a été lancée par la communauté de communes du pays sedanais. Les financements de l'Etat proviennent du FNADT, dans le cadre du contrat de plan.
    Les engagements de l'Etat seront donc bien évidemment respectés.
    M. Jean-Luc Warsmann. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat !
    M. Michel Herbillon. Tu n'es pas venu pour rien, Jean-Luc ! (Sourires.)
    M. Jean-Paul Charié. C'est ce qui s'appelle faire son marché ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour poser une seconde question.
    M. Thierry Lazaro. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'article 15 du projet de loi de finances pour 2003 prévoit d'affecter à l'avenir le produit de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat au budget général de l'Etat. Les excédents prévisionnels de la gestion 2003, soit près de 100 millions d'euros, et tous ceux à venir seront donc définitivement acquis à l'Etat. Le même projet prévoit de procéder à un prélèvement exceptionnel de 154 millions d'euros, correspondant aux réserves accumulées.
    Or il convient de rappeler que cette taxe a été créée par le législateur en 1972 pour établir une péréquation entre les grandes surfaces et le commerce et l'artisanat. Depuis sa création, elle a financé diverses dépenses de solidarité au profit des petites entreprises, telles que l'aide au départ des artisans et commerçants, et alimenté le FISAC. Nous avons tous noté l'intérêt que vous portiez à ce fonds.
    Bien qu'elle ait été, ces dernières années, appelée pour relayer des crédits budgétaires défaillants, son produit a connu, en raison du fort développement des grandes surfaces, une croissance régulière et significative, qui a eu pour effet de générer des excédents structurels importants.
    Le gouvernement précédent en a tiré prétexte pour opérer au profit de l'Etat plusieurs prélèvements « exceptionnels » sur les produits de cette taxe, totalisant plus de 430 millions d'euros en dix ans. Ces prélèvements successifs ont été dénoncés par de nombreux parlementaires de l'opposition d'alors, qui suggéraient de créer un compte d'affectation spéciale, seul à même de préserver le principe originel de la péréquation,...
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Thierry Lazaro. ... et de faire bénéficier le commerce et l'artisanat des éventuels reports de fin d'année.
    C'est pourquoi je vous demande que les excédents de 2003 viennent abonder les crédits consacrés à l'artisanat, notamment en faveur de l'animation économique des chambres de métiers et des organisations professionnelles. En effet, malgré l'augmentation prévue au budget de 2003, ces crédits restent structurellement insuffisants pour assurer les missions fondamentales d'aide aux entreprises artisanales, tant pour favoriser la transmission et la reprise d'entreprises par des conseils et des formations appropriés que pour diffuser les démarches nécessaires au respect des procédures de normalisation, de certification, d'adaptation aux exigences de sécurité et au respect de l'environnement, pour adapter les structures d'animation commerciale et artisanales aux politiques d'aménagement des territoires ou encore pour mobiliser les entreprises artisanales autour de projets de développement communs et faire émerger les opérations viables de développement économique et social local.
    Je vous suggère de créer un compte d'affectation spéciale, seul dispositif qui permette de vérifier à l'avenir que l'utilisation du produit de la TACA correspond réellement aux objectifs fixés par le législateur au bénéfice du commerce et de l'artisanat.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur Lazaro, je comprends parfaitement votre préoccupation. Le sujet a d'ailleurs été évoqué par les deux rapporteurs, Jean-Jacques Descamps et Serge Poignant.
    Nous assistons cette année à une réforme, laquelle est inspirée par un double souci.
    Il s'agit d'abord de tenir compte de la loi organique relative aux lois de finances, qui pose deux principes essentiels : l'unicité de caisse, principe essentiel de notre droit budgétaire, et la transparence.
    Jusqu'à présent, les prélèvements de l'Etat sur la TACA étaient opérés en catimini, sans que la représentation nationale puisse en être vraiment consciente : elle ne s'en apercevait que rarement, et généralement à l'occasion de l'examen d'un collectif, mais jamais à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances. Le Gouvernement a donc souhaité que la gestion de cette taxe se fasse dans un cadre plus transparent, beaucoup plus simple et avec une meilleure information de la représentation nationale. C'est la raison pour laquelle la taxe a été budgétée.
    La solution du compte d'affectation ne répondrait pas à la double existence d'unicité du budget et de transparence. En conséquence, le ministre délégué au budget l'a écartée. Quoi qu'il en soit, l'essentiel est que les fonds affectés à l'artisanat et au commerce puissent être protégés et garantis.
    M. Jean-Paul Charié. Que c'est bien dit !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Non seulement le FISAC augmente dans des proportions qui sont assez atypiques par rapport à l'ensemble des crédits du budget de l'Etat, mais je puis m'engager pour les trois années qui viennent : il sera garanti que les fonds continueront d'être affectés au commerce et à l'artisanat.
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. Michel Vergnier. Comme avant ! Nous sommes dans la continuité !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Nous devons aussi faire preuve d'imagination pour que, au travers de la décentralisation du FISAC et ses nouvelles affectations, nous puissions pleinement utiliser ces crédits qui, bien souvent, n'ont pas été consommés.
    M. Michel Vergnier. C'est important !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. La meilleure façon de gérer l'Etat, c'est d'abord d'utiliser les crédits qui sont ouverts avant d'augmenter des crédits qui ne sont pas consommés en fin d'année.
    M. Nicolas Forissier. Très juste !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Vous pouvez donc, monsieur Lazaro, rassurer ceux qui vous ont interrogés : le FISAC ne faiblira pas et il sera encore plus efficace dans les années qui viennent en faveur de l'artisanat et du commerce. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.
    Les crédits des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales seront mis aux voix à la suite de l'examen des crédits de l'économie et des finances.
    Je vais maintenant appeler les articles 64 et 65, rattachés à ce budget.

Articles 64 et 65

    M. le président. « Art. 64. - Les quinzième et seizième alinéas de l'article 1600 du code général des impôts sont remplacés par les trois alinéas suivants :
    « Pour 2003, le produit de la taxe est arrêté par les chambres de commerce et d'industrie sans pouvoir augmenter de plus de 4 % par rapport au montant décidé pour 2002.
    « Cette limite est portée à 7 % pour les chambres de commerce et d'industrie pour lesquelles le rapport constaté au titre de l'année 2002 entre, d'une part, le produit de la taxe et, d'autre part, le total des bases imposées est inférieur d'au moins 45 % au rapport moyen constaté en 2002 au niveau national.
    « Pour 2003, le produit de la taxe arrêté dans les conditions prévues aux deux alinéas précédents est majoré du montant du prélèvement prévu au III de l'article 13 de la loi de finances pour 2003 (n°  -  du  décem-bre 2002). »
    Je mets aux voix l'article 64.
    (L'article 64 est adopté.)
    « Art. 65. - Au a de l'article 1601 du code général des impôts, le montant : "101 euros est remplacé par le montant : "105 euros. » - (Adopté.)
    M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    Mes chers collègues, je vous propose, afin de permettre à tous nos collègues d'outre-mer de rejoindre l'hémicycle pour la discussion du budget des départements et territoires d'outre-mer, une suspension de séance d'une quinzaine de minutes. (Assentiment.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix.)
    M. le président. La séance est reprise.

OUTRE-MER

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'outre-mer.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les départements d'outre-mer.
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, mes chers collègues, le projet de budget pour les départements d'outre-mer s'établit, pour 2003, à 1 084 millions d'euros, ce qui correspond à une hausse de 0,56 % par rapport au budget voté en 2002. Je vais m'efforcer d'en extraire les lignes essentielles.
    A périmètre constant, et toujours par rapport aux crédits votés l'an dernier, cette progression s'apprécie en réalité à 1,5 %, compte tenu du fait qu'une partie de la gestion des personnels de la préfecture de la Martinique a été transférée, à titre d'expérimentation, au ministère de l'intérieur.
    S'agissant de l'état B, les moyens des services s'élèveront à 179 millions d'euros pour 2003, soit une légère baisse de 0,16 %. Au titre IV, qui comprend notamment les crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer - FEDOM -, l'enveloppe représente un peu plus de 630 millions d'euros, ce qui correspond à une reconduction des sommes votées en 2002.
    Pour l'état C et plus particulièrement pour le titre VI, le plus significatif, qui concerne les subventions d'investissement accordées par l'Etat et qui intègre en particulier les crédits du logement, les subventions du FIDOM et du FIDES, le présent projet de loi prévoit de dégager 268 millions d'euros. Cela dit, il convient de rappeler que les crédits du ministère de l'outre-mer ne retracent qu'une partie de l'effort financier de l'Etat dans le domaine considéré. De nombreux ministères, à commencer par ceux de l'éducation nationale, de la défense et de l'intérieur, participent, dans leurs champs respectifs de compétence, à la mise en oeuvre de la politique de l'Etat dans les DOM. On considère en effet que les crédits de ce seul ministère ne représentent que 11 % de l'ensemble du budget affecté par l'Etat à l'outre-mer. L'enveloppe globale consolidée s'établirait pour 2003 à 7,835 milliards d'euros.
    Dans les attributions du ministère de l'outre-mer, les volets emploi et insertion mobilisent des concours très importants, d'autant plus que la loi d'orientation pour l'outre-mer a fixé de nouveaux objectifs dans ce domaine et a introduit des changements qui se sont déjà traduits par de sérieux renforcements budgétaires les années précédentes. Ainsi en va-t-il pour l'exonération des charges sociales, puisque la base des exonérations a été portée de 1 à 1,3 SMIC. Le coût de ces exonérations devrait représenter près de 523 millions d'euros.
    Le budget du FEDOM est fixé à 477 millions d'euros pour l'an prochain. En apparence, l'enveloppe est en diminution de 5 %, mais à périmètre constant la diminution n'est que de 2,84 %. Je rappelle l'importance de ce fonds dans le domaine de l'insertion et de l'emploi. En effet, ses missions traditionnelles consitaient déjà à gérer les contrats emploi solidarité, les contrats d'insertion par l'activité, les exonérations de charges sociales, les contrats d'accès à l'emploi, les contrats de retour à l'emploi, la prime à la création d'emploi, les emplois-jeunes, et la loi de décembre 2000 a complété le dispositif existant en lançant le « projet initiative jeune » - aide aux projets professionnels des jeunes de moins de trente ans -, le congé solidarité - dispositif de préretraite spécifique pour les salariés de plus de cinquante-cinq ans avec embauche équivalente de jeunes de moins de trente ans - et l'allocation de retour à l'activité, aide incitatrice sur deux ans pour les bénéficiaires du RMI, de l'API et de l'allocation de solidarité spécifique. Cette politique soutient la lutte contre l'exclusion et introduit une nouvelle donne : l'achèvement de l'alignement du revenu minimum d'insertion sur celui de la métropole.
    S'agissant de l'action sociale et culturelle et des coopérations régionales, les crédits devraient être abondés à hauteur d'un peu plus de 40,5 millions d'euros, intégrant pour 17,5 millions le passeport mobilité qui est une nouveauté fort attendue dans les DOM. Suivant la même préoccupation, on peut citer aussi la dotation destinée aux bourses en faveur des étudiants mahorais, qui représentera, en 2003, une enveloppe financière de 333 000 euros. Dans ce même chapitre, on trouve également les crédits affectés aux nouveaux fonds de coopération régionale créés par la loi d'orientation. Ces fonds remplacent le fonds interministériel de coopération qui ne concernait jusqu'à ce jour que les départements français d'Amérique. Ils seraient dotés à hauteur de 3,5 millions d'euros.
    Enfin, le service militaire adapté, forme spécifique à l'outre-mer du service national, demeure en prenant définitivement en compte la loi d'octobre 1997 portant réforme du service national et prévoyant la fin de la conscription et de l'appel sous les drapeaux pour les jeunes nés après 1979. La réforme a débuté en 1999 et le présent projet de loi prévoit la création de 500 postes supplémentaires, ce qui fait que le service militaire adapté retrouve le même nombre de volontaires qu'en 1998, même s'il n'y a désormais plus aucun appelé. L'ensemble des crédits destinés à cette forme de service et inscrits aux titres III et V représente 18 millions d'euros pour 2003.
    S'agissant des subventions d'investissement, il faut constater l'effort bien identifié réalisé dans le domaine du logement, problème délicat dans les DOM. L'insularité, le relief, la climatologie, la pression foncière rendent en effet difficiles les opérations de logement. L'Etat a privilégié, dans ce cas particulier, l'aide à la pierre regroupée sur une ligne budgétaire unique totalement fongible, laissant au niveau local de larges possibilités d'adaptation. Pour cette action, le montant des autorisations de programme se chiffre à 287 millions d'euros et les crédits de paiement à 173 millions d'euros, en progression de 7,4  % par rapport aux crédits de 2002. Cela devrait permettre de construire 10 000 logements neufs et de rénover 5 000 logements existants.
    Il convient également de mentionner, pour mémoire, les subventions aux collectivités locales abondées par le FIDOM, qui devraient atteindre, en 2003, 37,8 millions d'euros en crédits de paiement et 39,8 millions d'euros en autorisations de programme. Par ailleurs, la loi relative à Mayotte se traduit par la création d'un article 30 instaurant le fonds mahorais de développement et d'un article 40 concernant le rattrapage de premier équipement de Mayotte. Sans être exhaustif, on peut également citer les crédits d'infrastructures consacrés à la Guyane pour 1,2 million d'euros en autorisations de programme et 900 000 euros en crédits de paiement.
    Telles sont les grandes lignes de ce projet de budget. A l'évidence, il marque une pause par rapport aux progressions de crédits constatées au cours des trois dernières années. Il permet cependant de tenir les grands objectifs fixés par la loi de décembre 2000 relative à l'outre-mer. Certes, le rythme parfois très lent de consommation des crédits d'investissement a retenu l'attention des membres de la commission des finances. Cela dit, le contexte international, les difficultés rencontrées par ces pays, la climatologie expliquent une partie de ces retards.
    S'agissant de la Guyane, les problèmes d'immigration clandestine freinent bien sûr les efforts de l'Etat. Ce département, dont la superficie est celle du Portugal et qui n'a que 157 000 habitants, compte 30 000 étrangers en situation irrégulière. La France doit faire face à ses responsabilités dans ces différentes zones.
    Notre pays doit pouvoir compter sur l'outre-mer, à condition de toujours y assumer ses responsabilités et d'y tenir ses engagements. En effet, dans ce domaine on ne part pas de rien. Il faut, refuser les alternatives simplistes qui voudraient que la politique dans ce domaine soit condamnée à tout reprendre à zéro, au risque de s'obliger d'ailleurs à faire toujours la même chose. Il faut bâtir en s'ancrant dans une tradition et en se remémorant chaque jour la liste des succès et des échecs. C'est à ce prix que l'outre-mer pourra réussir ses rendez-vous à l'occasion des grandes échéances.
    Le 5 novembre dernier la commission des finances a adopté, à la majorité, les crédits des départements d'outre-mer pour 2003.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie.
    M. Victor Brial, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'élévation du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en un ministère de plein exercice. Cela montre l'attachement de ce gouvernement à l'outre-mer.
    D'ici à la fin de l'année 2002, vous aurez accompli, madame la ministre, une étape importante de votre démarche politique en visitant les populations de l'ensemble de l'outre-mer français et en échangeant avec elles. Cela démontre votre détermination, celle du gouvernement Raffarin, celle voulue par le Président de la République Jacques Chirac, de donner à nos collectivités une place privilégiée dans la République. L'outre-mer connaît aujourd'hui des mutations profondes. Les travaux sur l'approfondissement de la décentralisation, actuellement en débat, ainsi que la prochaine loi-programme permettront, j'en suis sûr, des réformes majeures.
    Le budget dont nous débattons aujourd'hui est donc un budget de transition. Pour autant, transition ne signifie en rien immobilisme. Bien au contraire : les moyens consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie sont renforcés, ce qui est particulièrement remarquable dans un contexte de maîtrise de la dépense publique.
    Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit un budget de 1,08 milliard d'euros pour le ministère de l'outre-mer, soit une hausse de 0,56 % par rapport au budget voté en 2002. Cependant, je tiens à souligner que l'augmentation réelle, à périmètre constant, est de 1,5 %.
    Au sein de ce budget, plus de 12 % des crédits sont consacrés aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, soit 227,57 millions d'euros.
    Toutefois, je tiens à rappeler que l'effort de l'Etat en faveur de l'outre-mer se traduit par des crédits inscrits au budget de chacun des ministères. L'effort financier total de l'Etat en faveur des TOM et de la Nouvelle-Calédonie s'élèvera donc à plus de 1,8 milliard d'euros, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à 2002.
    Madame la ministre, je tiens à vous remercier pour les inflexions que vous imprimez à ce budget qui comporte, pour 2003, des innovations importantes.
    En premier lieu, le passeport mobilité, mis en place en septembre 2002, devrait concerner 11 000 étudiants et 5 000 jeunes en formation professionnelle. Il permettra de favoriser la mobilité des jeunes et de leur offrir des opportunités nouvelles. 17,5 milliards d'euros financeront ce dispositif novateur et essentiel. L'amélioration des compétences est la clé de la mise en valeur économique et du progrès social dans nos collectivités de la France d'outre-mer.
    En second lieu, ce budget prévoit la mise en place d'une convention spécifique à Wallis-et-Futuna, permettant notamment l'amélioration de la desserte inter-îles et la montée en puissance des chantiers de développement. Pour sa mise en oeuvre, cette convention devrait bénéficier de 2,5 millions d'euros en autorisations de programme et de 0,5 million en crédits de paiement.
    Ce budget illustre par ailleurs la volonté du Gouvernement de mener une véritable politique sociale et culturelle dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, près de 20 millions d'euros seront consacrés aux actions d'insertion et de formation professionnelle, ainsi qu'aux bourses d'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer. Cet effort est essentiel car les besoins sont grands dans ce domaine.
    Je me félicite tout particulièrement du renforcement de la formation des cadres en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna ainsi que des dotations allouées aux bourses en faveur des étudiants des territoires d'outre-mer et de Nouvelle-Calédonie.
    De même, le renforcement du service militaire adapté, en profonde mutation depuis le processus de professionnalisation de nos armées entamé en 1997, permettra d'offrir de vraies opportunités de formation aux jeunes d'outre-mer : 92 postes seront créés en 2003, portant l'effectif total à 460 volontaires. Et les crédits affectés au SMA pour les TOM bénéficieront d'une enveloppe de 17,7 millions d'euros.
    En outre, l'Etat favorise l'investissement dans l'outre-mer par l'intermédiaire du fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer, le FIDES, qui finance notamment les contrats de développement de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de Wallis-et-Futuna, ainsi que des crédits d'équipement en faveur des TAAF. Le FIDES devrait bénéficier en 2003 de plus de 46 millions d'euros en autorisations de programme et de 50 millions d'euros en crédits de paiement.
    Je tiens à souligner, madame la ministre, votre démarche en faveur d'une meilleure efficacité de la dépense politique. En effet, la suppression d'un chapitre de répartition concernant la Nouvelle-Calédonie et le redéploiement de ces crédits n'est pas qu'une simple mesure technique. C'est une amélioration de la lisibilité de votre budget, qui doit contribuer à sa clarté et donc à une meilleure appréhension de l'action de l'Etat. Elle permet aux parlementaires, et tout particulièrement au rapporteur spécial que je suis, d'assurer un meilleur contrôle de l'utilisation des crédits et donc de favoriser une plus grande transparence de la dépense publique, conformément à l'esprit de la loi organique.
    Cependant, au-delà de la présentation budgétaire, je pense que l'enjeu essentiel pour les crédits de l'outre-mer est de mettre en oeuvre une démarche volontaire permettant d'en améliorer la consommation.
    En ce qui concerne la régulation budgétaire proprement dite, plus de 146 millions d'euros, soit 14 % de la dotation initiale, ont été mis en réserve en 2002, diminuant ainsi les dotations réellement affectées à l'outre-mer. Les projets du Gouvernement, qu'ils soient constitutionnels ou, plus simplement, législatifs, ne prendront tout leur sens que si les taux de consommation de vos crédits, madame la ministre, se redressent.
    Enfin, au moment même où nous débattons de vastes réformes pour l'outre-mer, j'appelle à une meilleure prise en compte de la situation particulière de chaque collectivité d'outre-mer. Chacune d'entre elles a ses propres besoins, ses propres attentes et ses propres aspirations. C'est pourquoi le budget doit refléter leurs spécificités.
    La commission a adopté les crédits des territoires d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ; je vous demande, chers collègues, de faire de même.
    Monsieur le président, permettez-moi encore de remercier nos collègues métropolitains qui sont présents cet après-midi, ainsi que les fonctionnaires de la commission des finances qui m'ont aidé dans le travail de rédaction de ce rapport sur le budget des TOM. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous sommes tous ici des amis de l'outre-mer.
    M. Mansour Kamardine. Et vous-même tout particulièrement !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'outre-mer.
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'outre-mer. Madame la ministre, vous nous avez présenté votre budget 2003 pour l'outre-mer le mardi 5 novembre dernier, lors d'une audition conjointe de la commission des affaires économiques et de la commission des lois, au nom de laquelle je m'exprime cet après-midi.
    Les crédits du ministère de l'outre-mer, ministère redevenu de plein exercice, ce qui est heureux, ont été approuvés à une très large majorité par ces deux commissions.
    Ce projet de budget pour 2003 apparaît à la fois comme un projet de budget de rupture et un budget de transition.
    Rupture d'abord avec la politique d'affichage pratiquée trop systématiquement au cours des années récentes : plus de 423 millions d'euros ont été reportés durant ces dernières années et 727 millions d'euros l'ont été sur l'ensemble de la législature précédente, soit trois années de dotation de la ligne budgétaire unique qui finance, rappelons-le, le logement et l'insertion, ou encore près de deux années de financement du fonds pour l'emploi de l'outre-mer, le FEDOM. Autrement dit, plus de 90 % du budget de l'outre-mer de 1997, soit près d'un budget sur cinq, n'ont pas été consommés.
    Mme Huguette Bello. Faux !
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Rupture ensuite avec la politique d'assistance qui avait été privilégiée depuis cinq ans, au détriment d'une véritable politique créatrice d'emplois. Le présent projet de budget part du principe que la dépense publique en faveur de l'outre-mer doit, dès le premier euro, viser à créer les conditions d'un développement économique véritable. Celle-ci ne doit pas faire vivre des dispositifs artificiels et coûteux, qui ne conduisent qu'à étendre au domaine économique et social la marginalité des collectivités d'outre-mer, là où il faudrait au contraire l'atténuer.
    Certes, ces collectivités ont leur spécificité, mais les lois qui régissent l'économie outre-mer ne sont pas différentes de celles qui prévalent en métropole. C'est dans le développement du secteur privé marchand que réside la clé de la croissance. Tel doit être, par conséquent, l'objectif de toute politique de l'emploi outre-mer.
    Ce budget est aussi un budget de transition, marquant le retour d'une politique de l'outre-mer réaliste et efficace, en cohérence avec le projet de loi programme pour l'outre-mer sur quinze ans, qui sera débattu prochainement au Parlement.
    Comme l'avait dit M. Jacques Chirac à la Guadeloupe, lors de la campagne présidentielle, le 12 avril dernier : « Après l'égalité politique, après l'égalité sociale, mon objectif est d'atteindre l'égalité économique, qui est avant tout une égalité des chances. Il s'agit de substituer une logique d'activité à une logique d'assistanat, autour d'un modèle de développement qui valorise les atouts de l'outre-mer, en particulier sa jeunesse, et qui réduise ses handicaps, notamment ceux qui sont liés à l'éloignement (...) ».
    Dans cet esprit, il importe de renouer - et c'est ce que fait ce budget - avec les mesures positives qu'ont représenté la défiscalisation de la loi Pons en 1986 ; le lancement du programme POSEIDOM en 1987 ; les exonérations de charges de la loi Perben en 1994 et l'alignement du SMIC en 1995.
    Mais ces mesures relevaient davantage d'objectifs partiels de rattrapage que d'un véritable projet global. Or le nouvel élan que vous entendez donner pour l'outre-mer, madame la ministre, est plus qu'un choix : c'est une nécessité vitale. Il est désormais temps de sortir de l'immobilisme et des faux-semblants pour entrer vraiment sur la voie du progrès.
    Les circonstances s'y prêtent particulièrement, alors que la révision institutionnelle à venir va donner les moyens aux acteurs de terrain de prendre en main leur destin. Pour notre part, nous avons la conviction que l'outre-mer mérite mieux qu'une politique en trompe l'oeil.
    Ce projet de budget, qui s'élève à 1,084 milliard d'euros, soit une progression nette de 0,56 % par rapport au budget 2002, concrétise immédiatement deux engagements pris par le Président de la République, lors de la campagne présidentielle.
    D'une part, il met en oeuvre un élément-clé de la continuité territoriale en instaurant le « passeport-mobilité » qui, doté de 17,5 millions d'euros de crédits, va permettre à des milliers de jeunes en cours d'études de bénéficier de la prise en charge de leurs billets d'avion.
    D'autre part, il engage un effort supplémentaire de rattrapage économique pour Wallis-et-Futuna et Mayotte qui bénéficieront, à côté des contrats de plan, de conventions de développement, à hauteur de 22,5 millions d'euros.
    Mais l'essentiel reste bien évidemment la politique de l'emploi et du logement.
    En matière de politique de l'emploi, force est de constater, aujourd'hui, que l'empilement successif de mesures au sein du FEDOM a quelque peu brouillé la lisibilité et la cohérence de ce dispositif. L'absence, depuis quelques années, d'une véritable ligne directrice de la politique de l'emploi dans les DOM a été préjudiciable. L'éclectisme des dispositifs, ainsi que la réduction du nombre de contrats d'accès à l'emploi, divisé par trois au cours des quatre derniers exercices, témoignent plus d'une logique occupationnelle que d'une véritable politique d'emploi. C'est avec cette gestion confuse et sans véritable ligne de force que veut rompre aujourd'hui le ministère de l'outre-mer. D'où la volonté de mettre l'accent sur les contrats d'accès à l'emploi, qui concernent le secteur privé marchand ; car seul le développement durable du secteur productif étant à même de garantir un niveau de croissance satisfaisant outre-mer.
    La réorientation du FEDOM devrait se faire par étapes successives. C'est pourquoi, afin d'éviter de mettre en difficulté les structures qui accueillent ce type de contrats, les moyens consacrés aux contrats emploi solidarité et aux contrats emplois consolidés sont maintenus et nous l'approuvons.
    Dans le même esprit qui consiste à aménager la transition entre une politique d'affichage statistique et une véritable politique de l'emploi, les moyens consacrés aux emplois-jeunes - 150 millions d'euros - ont été préservés en 2003. Il importe en effet qu'aucun jeune ne soit laissé au bord du chemin tant qu'une solution de reclassement individuel n'aura pas été trouvée, comme vous l'avez fortement indiqué à plusieurs reprises, madame la ministre.
    Le logement constitue également, ainsi que vous le soulignez souvent, un volet essentiel de votre action. L'effort pour 2003 porte sur l'amélioration de l'offre de logements, afin de mieux répondre aux besoins résultant de la forte croissance démographique et de l'insuffisance manifeste du parc de logements. Cet effort est d'autant plus important que l'action en faveur du logement social contribue à la lutte contre l'exclusion et la précarité, lutte qui constitue un engagement majeur du Président de la République.
    Toutes ces actions, madame la ministre, concrétisent bien votre volonté d'un budget plus efficace pour la politique de l'emploi outre-mer et pour l'accession au logement social.
    A côté de ces deux grandes priorités, vous me permettrez d'appeler votre attention sur quatre points.
    Premier point, la lutte contre l'insécurité. Comme leurs compatriotes de métropole, nos concitoyens ultra-marins expriment fréquemment leur exaspération devant une délinquance toujours plus présente au quotidien. Des villes comme Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre connaissent des phénomènes de violence toujours plus affirmés. Dans les DOM, ces problèmes sont en outre aggravés par une immigration clandestine importante - je pense notamment à la Guyane - et s'agissant des départements français d'Amérique, par la proximité des réseaux de trafics de stupéfiants. Je souhaiterais que vous nous précisiez bien les lignes de forces de l'action du Gouvernement en la matière.
    Deuxième point, l'ancrage à l'Europe. L'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui reconnaît la spécificité de nos départements d'outre-mer en tant que régions ultrapériphériques et leur droit à des mesures particulières, doit être pleinement appliqué. Je sais, madame la ministre, combien le soutien de Michel Barnier, commissaire européen chargé de la politique régionale, vous est précieux pour faire valoir ces droits. Comment comptez-vous en tirer parti et faciliter la consommation des crédits européens ? Comment sensibiliser Bruxelles à la spécificité des DOM, des TOM et des collectivités à statut particulier, dans une Europe qui a vocation à s'élargir ?
    Troisième point, la desserte aérienne et la continuité territoriale. L'actualité n'incite guère à l'optimisme sur l'avenir d'Air Lib. Or le retour à un monopole de fait d'Air France sur les DOM serait totalement contre-productif. Que projette le Gouvernement pour établir une desserte aérienne de l'outre-mer qui réponde à l'impératif de continuité territoriale ?
    Quatrième point, enfin, le tourisme, secteur malheureusement en crise dans les Antilles. L'activité touristique connaît en effet une concurrence vive de la part des archipels, notamment ceux qui sont situés à proximité de nos départements français d'Amérique. Il convient donc de mettre en oeuvre une action structurelle pour faire du tourisme un des piliers du développement de l'outre-mer. En liaison avec M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, vous êtes en train d'élaborer un plan d'action pour relancer le tourisme aux Antilles. Pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de ce plan ?
    Madame la ministre, je vous remercie par avance des éléments de réponse que vous pourrez apporter à ces questions essentielles pour l'avenir de nos compatriotes d'outre-mer.
    A l'évidence, l'outre-mer contribue à donner à la France sa dimension mondiale. Sans lui, notre pays ne serait plus qu'un hexagone du vieux continent. L'outre-mer donne aussi à l'Union européenne de nouvelles frontières. Nos compatriotes ultra-marins apportent à notre pays compétences, talents, dynamisme, richesses artistiques et culturelles. Nous leur devons donc bien une vision de long terme.
    Ce projet de budget en marque les prémisses. Il apparaît en phase avec la loi constitutionnelle sur la décentralisation et il prépare la voie à une loi-programme qui, en 2003, esquissera les contours de l'outre-mer que nous voulons dans quinze ans, un outre-mer qui aura su trouver les voies d'une croissance économique solide et d'une cohésion sociale sereine.
    C'est pourquoi, madame la ministre, au nom de la commission des lois, qui a émis un avis favorable à l'adoption du votre budget pour 2003, je tiens à vous assurer de notre soutien pour garantir à la France d'outre-mer un développement harmonieux et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'outre-mer.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour l'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les régions de l'outre-mer possèdent un contexte particulier dont il faut rappeler les principales caractéristiques.
    Une économie productive en manque de dynamisme, qui ne peut fournir des emplois à l'ensemble de la population et n'est pas en mesure de financer suffisamment l'investissement pour permettre une croissance économique satisfaisante, révélant ainsi un retard de développement qu'il est urgent de rattraper, une économie sous perfusion, particulièrement dépendante des commandes publiques, caractérisée par un important taux de chômage - il touche en moyenne 28 % de la population -, un coût élevé du travail et de l'investissement et une forte proportion de bas salaires.
    S'ajoutent à ces facteurs économiques et sociaux des conditions climatiques particulières et une situation géographique caractérisée par l'enclavement, la multi-insularité et l'éloignement, qui font de l'outre-mer des régions riches en besoins divers.
    C'est pourquoi il est surprenant de constater à quel point la politique en faveur de l'outre-mer s'est révélée, ces dernières années, basée uniquement sur des effets d'optique et d'affichage.
    L'action du gouvernement précédent ne s'est traduite - et je ne peux que le déplorer - par aucun effort significatif ni porteur pour nos régions.
    Son bilan se caractérise par une sous-consommation chronique des crédits, révélatrice d'une gestion aléatoire et d'un manque d'initiative. Quelques chiffres permettront de se rendre compte de l'ampleur des effets d'affichage de la politique précédente : sur le seul budget de l'année 2002, plus de 200 millions d'euros n'ont pas été consommés ; le montant des reports de crédits des deux dernières années représente près de 60 % du montant total des reports de crédits.
    Cette sous-consommation, qui oblige le nouveau gouvernement à opérer des reports massifs de crédits non utilisés, a eu des effets particulièrement négatifs, voire catastrophiques, pour les régions ultramarines en difficulté, qui n'ont connu aucune amélioration notable. Une telle absence d'ambition s'est doublée d'une ignorance totale de la capacité d'initiative des collectivités et d'un manque de confiance envers les élus de terrain.
    Les nouvelles politiques déjà mises en chantier quelques mois après votre nomination au Gouvernement s'inscrivent, madame la ministre, en totale rupture avec les comportements hégémoniques et le manque de responsabilité qui ont tant pénalisé l'outre-mer. Il m'apparaît essentiel de continuer à privilégier la concertation et la réflexion avec les élus locaux, qui sont à même d'apporter des réponses aux problèmes chroniques que connaissent les régions ultramarines.
    Avec 1,5 % d'augmentation, le budget de l'outre-mer affiche pour l'année 2003 une progression substantielle des crédits, puisque supérieure à celle du budget général de l'Etat. Il s'agit d'une décision pragmatique, qui tient compte des besoins de nos populations. Une somme de 17,5 millions d'euros est consacrée à la mise en place du « passeport mobilité ». Cette mesure, porteuse d'avenir pour les 11 000 étudiants et les 5 000 jeunes en cours de formation dans nos régions, est aussi la concrétisation d'un principe souvent évoqué mais peu, ou pas assez, pris en considération : celui de la continuité territoriale.
    Autre exemple d'une politique dynamisante destinée à accélérer le rattrapage de nos régions : le financement, à hauteur de 22,5 millions d'euros, de conventions spécifiques de développement au bénéfice de collectivités comme Wallis-et-Futuna ou Mayotte.
    Ces mesures phares renforcent une conviction que j'affirme en ma qualité d'élu local : un bon budget n'est pas obligatoirement un budget en forte progression, mais un budget consommé, affichant des priorités et porteur d'un mouvement à la fois rénovateur et pragmatique.
    Il va de soi qu'une nouvelle dynamique doit donner la priorité au développement économique, de préférence basé sur l'incitation à l'investissement productif. Or votre budget, bien que de transition, semble bien offrir cela, madame la ministre. Il se concentre en effet sur deux axes forts, essentiels pour un véritable développement de l'outre-mer : l'emploi et le logement.
    En matière d'emploi, le budget pour l'année 2003 constitue un véritable revirement. Il s'inscrit en rupture avec une politique d'assistance sur laquelle le gouvernement précédent avait mis l'accent.
    Mme Huguette Bello. Il ne s'agit pas d'assistance, mais de solidarité nationale !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. En incitant à la création d'emplois aidés dans le secteur public, ce dernier grevait le budget des collectivités territoriales et plongeait l'économie de l'outre-mer dans une logique de non-développement et de fonctionnariat de second ordre.
    La feuille de route que vous nous proposez aujourd'hui, madame la ministre, constitue un soutien plus pragmatique, car essentiellement axé sur le développement de l'emploi durable dans le secteur marchand.
    De même, la réorientation significative des crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer est largement justifiée.
    Je me dois également de saluer le renforcement de la politique d'insertion professionnelle par le biais du service militaire adapté : 3 000 jeunes en seront les heureux bénéficiaires au terme de l'année 2003.
    J'approuve enfin les moyens prévus pour la sortie progressive du dispositif des emplois-jeunes : près de 15 % du budget de l'outre-mer y sont consacrés.
    Votre budget s'inscrit donc tout à fait dans la cohérence de l'action du gouvernement auquel vous appartenez.
    Le second axe majeur du budget de l'outre-mer concerne le logement, un des facteurs essentiels au développement économique. Vous reconnaissez l'importance d'une politique renforcée en faveur du logement dans nos régions en confortant l'effort de résorption de l'habitat insalubre : les crédits pour 2003 s'y rapportant s'élèvent à 30 millions d'euros, contre 27,4 millions d'euros en 2002 et 19,8 millions d'euros en 2001.
    Par ailleurs, en privilégiant les aides à la pierre, regroupées sur la ligne budgétaire unique, vous nous apportez la garantie que 16 000 logements seront effectivement construits dans nos régions.
    Le projet de budget de l'outre-mer pour 2003 met en avant les enjeux locaux. En tenant compte de manière plus pragmatique des réalités sociales et des spécificités locales, il marque le refus d'imposer un modèle uniforme aux régions ultramarines. Il est le reflet d'un dynamisme retrouvé au sein du ministère de l'outre-mer.
    Madame la ministre, nous avons confiance en votre action énergique. Lors de son examen en commission, le 5 novembre 2002, ce projet de budget marqué par la rupture et par de nouvelles orientations a été majoritairement approuvé. Je vous demande, chers collègues, de faire de même.(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, premier orateur inscrit.
    M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présentation du premier budget de l'outre-mer est d'ordinaire l'occasion pour un nouveau gouvernement de définir les grandes orientations qu'il entend mettre en oeuvre pour le développement économique et social de l'outre-mer. Manifestement, tel n'est pas le cas aujourd'hui.
    Il est parfois annoncé comme un budget de transition, mais transition vers quoi ? Nul ne peut le savoir précisément avec ce que vous nous présentez aujourd'hui ! Ce budget reflète votre immobilisme. La volonté de faire progresser les moyens mis à la disposition d'une politique de progrès économique et social, nécessaire pour nos compatriote d'outre-mer, marque le pas.
    Comment analyser autrement vos malheureux 0,56 %, ou même, si vous préférez, l'augmentation de 1,50 % que vous défendez aujourd'hui, alors que l'inflation est du même ordre ? Nos compatriotes constateront l'évidente baisse des moyens dévolus à l'outre-mer. Oui, il s'agit bien d'une rupture avec la situation budgétaire que nous avions connue tout au long de ces dernières années... L'effort pourtant nécessaire en direction de nos compatriotes, pour leur donner les moyens de faire face à une situation structurelle, économique et sociale particulière, est bel et bien rompu.
    Avec un budget qui manque de souffle, sans moyens nouveaux, la transition politique s'annonce donc difficile pour l'outre-mer !
    Vos justifications, nous en connaissons les ficelles. Vous prétendez, comme tous vos prédécesseurs - en tant que rapporteur de ce budget pendant une dizaine d'années, je les ai souvent entendus tenir les mêmes propos que vous - que dorénavant vous utiliserez mieux vos crédits budgétaires. Autrement dit, avec un peu moins, vous allez faire beaucoup plus ! Les déclarations d'intention sont toujours bonnes à écouter, mais elles manquent, en ce qui vous concerne, madame la ministre, d'éléments probants dans le budget que vous nous présentez.
    Je prendrai un seul exemple. Vous nous avez indiqué précédemment : « j'ai constaté, dès mon arrivée, que le nombre de mesures affichées pour les contrats d'accès à l'emploi n'était pas en passe d'être réalisé »... et vous nous proposez, aujourd'hui, comme seule initiative positive dans le domaine de l'emploi, de les augmenter ! Vous avez beau avoir constaté, vous le reconnaissez vous-même, la difficulté de mettre en oeuvre de tels contrats, d'où la réduction de leur nombre, vous nous promettez la réalisation totale de 5 000 de ces contrats en 2003, soit 11 % de plus !
    Croyez-vous que les choses peuvent se décider ainsi, de façon technocratique, sans prendre en compte la réalité des besoins des entreprises et du tissu économique et social ?
    Lors de votre audition devant la commission des lois, vous avez indiqué à propos de l'emploi que l'effort restait limité dans votre propre budget ! Vous ajoutez toutefois : « j'hérite d'une situation difficile (...) la situation de l'emploi reste encore très tendue... »
    Quand on fait un tel constat, madame la ministre, il faut se donner les moyens d'y faire face, mais, paradoxalement, vous ne poursuivez pas les efforts importants menés par les gouvernements précédents. Dois-je vous rappeler que le budget dont vous héritez avait augmenté de près de 50 % en cinq ans ? Si tous les moyens mis en oeuvre n'étaient pas toujours utilisés parfaitement, rien n'indique, dans les très modestes modifications que vous apportez, qu'il en sera différemment demain. Il y a donc bien peu de chances que nos compatriotes trouvent un intérêt réel aux mesures budgétaires présentées aujourd'hui.
    Au total, nous retiendrons aussi la baisse de 25 millions d'euros du FEDOM et la disparition de la dotation aux agences départementales d'insertion. Celle-ci fera peser des charges nouvelles sur des collectivités territoriales qui n'en n'ont vraiment pas besoin.
    Le sentiment général que nous inspire votre budget, madame la ministre, est donc l'inquiétude. Bien loin des déclarations préélectrorales, nous sommes aujourd'hui confrontés à la réalité d'un budget de régression, qui augure bien mal de la loi de programmation annoncée...
    Enfin, madame la ministre, je dois vous faire part de l'inquiétude que génère la situation en Nouvelle-Calédonie.
    La délivrance, par la province Sud, d'un permis de recherche à la société canadienne INCO sur le massif minier de Prony a suscité, vous le savez, de vives émotions au plan local à cause de l'absence de transparence qui a entouré cette décision, de l'absence de concertation avec les autres provinces et de l'absence de garantie sur le développement global des ressources minières de la Nouvelle-Calédonie et sur l'environnement. Cette émotion est partagée par les autorités coutumières, dont les accords de Nouméa ont reconnu la responsabilité particulière en la matière, par les présidents des autres provinces et par les associations de protection de l'environnement.
    Au-delà du permis de recherche, l'Etat conserve une responsabilité particulière à travers les titres miniers qu'il détient via le Bureau de recherches géologiques et minières. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur le fait que ce projet, s'il doit se concrétiser, se fera en y associant l'ensemble des autorités du territoire et que l'Etat mettra tout en oeuvre, à partir de ses prérogatives institutionnelles et des moyens d'action dont il dispose, pour qu'il en soit ainsi ?
    Par ailleurs, une procédure de demande de classement du récif corallien de Nouvelle-Calédonie au titre du patrimoine mondial de l'humanité avait été engagée par le précédent gouvernement. Lors des entretiens récents qu'ils ont accordés au président de la province Nord en mission à Paris, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont exprimé de l'intérêt pour cette démarche. Votre gouvernement entend-il prolonger cette action et la soutenir avec la diligence nécessaire ?
    Enfin, et j'en aurai presque terminé, le président de la province Sud a exprimé dernièrement dans les médias calédoniens des considérations d'ordre personnel qui ont jeté le trouble sur les perspectives de réalisation de l'usine de nickel du Nord, qui constitue là aussi un des points essentiels des accords de Nouméa. Pouvez-vous démentir ces considérations et apporter à la représentation nationale comme à nos compatriotes calédoniens les apaisements nécessaires quant à la détermination de l'Etat à accompagner les efforts de la province Nord et de la Nouvelle-Calédonie dans cette action de développement économique et social ?
    Je souhaite, au moins sur ces questions, madame la ministre, que vous nous apportiez des réponses claires et sincères.
    Comme il l'a toujours fait, le groupe socialiste soutiendra une politique de progrès économique et social, de développement culturel et de développement durable, mais nous ne retrouvons que bien peu de cela dans votre projet de budget, madame la ministre. C'est pourquoi le groupe socialiste, qui le regrette pour nos compatriotes, doit marquer sa défiance et rejettera votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. J'attire l'attention de l'ensemble des orateurs sur la nécessité de respecter le plus scrupuleusement possible, avec l'indulgence de la présidence bien évidemment, leur temps de parole. Faisons en sorte que la séance de nuit ne soit pas trop longue.
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la ministre, les cinq minutes dont je dispose ne me permettront pas d'aborder tous les sujets relatifs à votre ministère, mais je dirai que le budget de l'outre-mer pour 2003 présente trois caractéristiques.
    Il s'agit d'abord d'un budget qui marque une rupture avec les années précédentes, car il renonce aux effets d'annonce. En effet, si les budgets précédents affichaient bien des hausses vertigineuses de crédits - on vient d'y faire allusion - chacun a pu constater, année après année, qu'ils n'étaient jamais suivis d'effet, jamais consommés, et n'avaient aucun impact sur le terrain.
    On promet beaucoup à nos compatriotes d'outre-mer depuis quelques années, mais en fin d'exercice on constate que les sommes annoncées ne sont pas dépensées. Cette sous-consommation des crédits atteint d'ailleurs des niveaux impressionnants, sans doutes uniques dans notre histoire budgétaire. Au cours des quatre dernières années, 727 millions d'euros ont ainsi été promis, faisant naître bien des espoirs, mais n'ont pas été dépensés. Cela représente pratiquement le budget des DOM-TOM pour l'année 1997 !
    C'est dire si vos prédécesseurs ont fait prendre du retard aux Ultramarins. Avec eux, il y avait bien loin de la parole aux actes. Ce budget de rupture est donc un budget de vérité, car il respecte nos compatriotes en ne cherchant plus à les berner.
    C'est aussi un budget de transition qui n'oublie cependant pas de hiérachiser les priorités. Transition car l'année 2003 verra l'adoption de la loi-programme pour l'outre-mer, sur laquelle vous travaillez, madame la ministre, et dont la traduction apparaîtra surtout dans le budget pour 2004. Cette loi est très attendue par les habitants des DOM-TOM et les métropolitains qui en sont originaires.
    Ce budget affiche des priorités claires : l'aide à l'emploi et la politique du logement. Il prévoit une consommation effective des crédits votés par le Parlement, ce qui paraît la première des exigences dans la situation que nous connaissons.
    Le nombre total des mesures individuelles pour l'emploi passe de 74 825 à 80 545, ce qui représente une augmentation significative. Les 10 000 emplois-jeunes seront accompagnés pour que leur sortie du dispositif se traduise par une insertion professionnelle. Vous réorientez les fonds du FEDOM afin d'offrir aux jeunes non des emplois d'assistance mais de vrais emplois, seuls susceptibles de les sortir de la précarité.
    Cette priorité à l'emploi est une évidente nécessité face aux taux de chômage inégalés que connaissent ces départements et territoires, avec les conséquences sociales dramatiques qui en découlent. L'embellie économique de ces dernières années ne leur a, en effet, pas profité.
    Vous mettez également l'accent sur l'aide au logement social, en hausse de 7,5 % par rapport à 2002, sur l'accession sociale, voire très sociale, à la propriété mais également - et c'est très important - sur la résorption de l'habitat insalubre encore trop souvent présent dans ces départements et territoires. Cette action bénéficie d'une hausse de 10 % des crédits.
    Saluons également au passage l'augmentation moyenne, de 25 %, de l'allocation logement pour les locataires, si utile quand on connaît les écarts en ce domaine entre la métropole et les DOM-TOM.
    Enfin, montrant ainsi votre volonté que les sommes prévues soient effectivement dépensées, vous vous engagez vers la déconcentration des crédits, notamment pour ce qui concerne les bourses étudiantes, la formation des cadres ou encore la rémunération du personnel embauché localement. Vous aurez sur ce point un soutien inconditionnel de l'UDF, car si le rapprochement entre le lieu où on décide et les citoyens est utile partout en France, c'est pour ce qui concerne les DOM-TOM une impérieuse nécessité, un gage d'efficacité et d'adaptation aux particularités locales.
    Troisième caractéristique, enfin, ce budget, bien qu'étant de transition, sait innover dans des domaines sensibles et urgents pour la jeunesse ultramarine. Je n'en prendrai pour preuve que la mise ne place du passeport-mobilité qui permettra, dès l'an prochain, à 11 000 étudiants et 5 000 jeunes en formation de bénéficier d'une prise en charge par la nation de l'intégralité du coût de leurs billets d'avion lorsqu'ils souhaitent poursuivre leurs études en métropole ou dans d'autres collectivités d'outre-mer ou postuler à un premier emploi.
    Le groupe UDF, vous l'avez compris, votera donc votre budget, madame la ministre. Mais, à quelques mois du débat sur la loi-programme que vous préparez, permettez-moi d'attirer votre attention sur trois sujets qui nous paraissent d'importance et que j'évoquerai d'un mot.
    Tout d'abord, il y a la situation extrêmement préoccupante du tourisme aux Antilles, qui subit de plein fouet une crise liée à la concurrence de pays en développement voisins, tels que la République dominicaine ou Cuba, mais également aux difficultés relatives aux transports aériens, qu'il faut savoir gérer au mieux, sans doute en ouvrant plus la concurrence. Un plan d'urgence doit être rapidement mis en oeuvre par le Gouvernement si l'on veut sauver les emplois et les entreprises du tourisme dans nos îles, c'est-à-dire des dizaines de milliers d'emplois.
    Il faut par ailleurs, évoquer la grave évolution de la délinquance dans les DOM-TOM. Celle-ci est en grande partie liée à l'immigration clandestine qu'il faut combattre avec la dernière énergie, aussi bien par le contrôle aux frontières qu'au sein du territoire, mais surtout par les accords de réadmission avec les pays voisins. La situation de la Guyane, avec 30 000 clandestins sur environ 150 000 habitants est à cet égard éloquente.
    Enfin, permettez-moi de souligner un aspect souvent ignoré de la politique en direction des DOM-TOM. Je veux parler de la présence en métropole de dizaines de milliers de nos compatriotes originaires des DOM-TOM. C'est une chance pour notre pays qui doit nous inciter beaucoup plus que cela ne s'est fait par le passé, à jeter un pont par-delà les océans, ce même pont que chacun d'entre eux a dans son coeur. C'est ainsi qu'à nos yeux une radio consacrée aux ultramarins doit avoir sa place sur les ondes métropolitaines. Nos compatriotes le demandent fort justement.
    C'est ainsi qu'il faut nous pencher sur le problème du coût du transport aérien pour les habitants de métropole qui, originaires d'outre-mer, souhaitent rentrer chez eux. C'est souvent au moment des vacances scolaires qu'ils peuvent le faire, précisément lorsque les billets sont les plus chers. Ils sont donc pénalisés alors que, en réalité, ils ne devraient pas être considérés comme des touristes comme les autres. L'Etat devrait prendre cela en considération.
    C'est ainsi que les collectivités locales de métropole doivent être encouragées à passer des contrats d'association avec des collectivités d'outre-mer, favorisant l'échange culturel, la mobilité des personnes, notamment des jeunes, et encourageant les échanges économiques. La ville que je dirige a commencé à le faire l'an dernier avec Saint-Louis de La Réunion. Mais c'est compliqué, dans la mesure où il n'existe aucun cadre juridique. Elle poursuivra l'expérience l'an prochain avec une ville des Antilles. Pour cela, nous aurons besoin de votre aide, madame la ministre. Et puisque vous avez évoqué en commission des lois le problème du logement et la nécessité de réserver un certain nombre d'appartements, sachez que, dans ma commune, nous le faisons déjà en liaison avec la ville avec laquelle nous avons décidé de coopérer sur l'île de la Réunion. Pourquoi ne pas passer un contrat avec les communes ou les collectivités qui se porteraient volontaires pour agir en ce sens ?
    En conclusion, madame la ministre et après avoir rappelé que nous voterons ce budget, je ne formulerai qu'un seul regret. Je déplore que la réalité de l'effort national en direction de l'outre-mer ne soit pas retracée dans votre budget. Il n'en représente en réalité que 10 %, les autres crédits étant répartis dans les différents ministères. Afin de mieux évaluer le nécessaire effort de la communauté nationale en direction des DOM-TOM et les résultats qui sont obtenus, le groupe UDF souhaiterait que, à l'avenir, tous ces crédits soient regroupés dans votre budget, ou que, en tout cas, la représentation nationale puisse avoir une vue d'ensemble de ce que représente réellement l'effort national en faveur de nos compatriotes ultramarins. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un effort significatif a été engagé au cours des cinq dernières années en faveur des DOM-TOM : une augmentation de 45 % des dotations pour le ministère de l'outre-mer et de 35 % pour l'ensemble des ministères. Or ce projet de budget rompt brutalement avec cet effort. Pour l'année 2003, à paramètre constant, la progression ne sera en effet que de 1,5 %. Il s'agit donc d'une simple reconduction des crédits de 2002 si l'on tient compte du taux prévisionnel de l'inflation retenu pour ce projet de loi de finances, voire d'une régression si l'on prend en considération le différentiel du taux d'inflation entre l'outre-mer et la métropole.
    Madame la ministre, vous connaissez pourtant la nécessité impérieuse de mettre en oeuvre une politique volontariste et ambitieuse, s'appuyant sur des moyens conséquents, pour ces régions ultra périphériques dont le retard socio-économique sur l'Hexagone demeure considérable et dont les problèmes de développement liés aux handicaps structurels et aggravés par une globalisation non maîtrisée des sociétés et économies sont légion.
    Telle était la voie ouverte par la loi d'orientation votée fin 2000. Celle-ci, grâce à son dispositif global sans précédent, économique, financier, social, culturel et institutionnel, a su répondre aux aspirations légitimes des peuples ultramarins en réconciliant évolution statutaire et développement, et en conjuguant l'égalité dans la République et le respect des identités plurielles. Si cet effort de solidarité nationale et de construction du nouveau pacte républicain n'était pas poursuivi par la loi-programme sur quinze ans en cours d'élaboration, l'espoir finirait dans l'impasse.
    Une des grandes priorités de l'action publique dans ces collectivités reste toujours l'emploi. En effet, après un recul sensible du chômage, notamment chez les jeunes, nous constatons un ralentissement de la tendance alors que les taux de chômage restent dramatiquement élevés : 25 % en Guadeloupe, 28 % en Martinique, 30 % à la Réunion. De même, la précarité se maintient à un niveau inquiétant : le nombre de foyers bénéficiaires du RMI a encore progressé de 1,8 %. Dans votre budget, madame la ministre, les dotations du fonds pour l'emploi - le FEDOM - sont redéployées et subissent une baisse de 25 millions d'euros.
    Par ailleurs, vous comptez très largement sur des dispositifs de défiscalisation pour dynamiser l'investissement et relancer l'emploi. Même s'il convient de soutenir toutes les mesures susceptibles d'encourager l'activité économique en outre-mer, les limites d'une telle option doivent être soulignées. Les politiques d'incitation fiscale créent un effet d'opportunité pour les investisseurs qui favorisent le court terme au détriment d'un véritable engagement, condition d'un développement durable. Du reste, les mesures adoptées dans ce sens par le passé, comme la loi Pons, dont les dérives ont été largement dénoncées ici même, n'ont permis ni le développement local ni la création substantielle d'emplois. Tout dispositif de défiscalisation devra clairement afficher la finalité recherchée et suppose une grande vigilance.
    De même, le secteur marchand, malgré l'abaissement du coût de travail moyennant les allégements de charges sociales et fiscales, ne peut absorber la forte demande d'emplois, en raison de l'étroitesse du marché et d'autres handicaps structurels dont souffre l'outre-mer. C'est pour cette raison qu'il convient de sauvegarder les capacités d'embauche du secteur public. A cet égard, madame la ministre, les emplois-jeunes doivent bénéficier de mesures d'accompagnement, notamment financières, pour être pérennisés. Qu'envisage de faire le Gouvernement pour l'insertion et l'intégration de ces jeunes dans les emplois durables ?
    S'agissant du logement, autre domaine prioritaire de l'action publique, où les besoins sont énormes, en raison de l'effet conjugué de la croissance démographique, de l'importance de l'habitat insalubre, de l'ampleur des foyers à faibles revenus et de la rareté du foncier, je souhaiterais savoir quels moyens financiers seront consacrés au logement en accession différé. Cette mesure, introduite l'année dernière, a représenté une grande avancée pour les couches défavorisées, qui peuvent désormais devenir propriétaires en capitalisant en apport personnel leur loyer alors qu'elles n'avaient aucun espoir auparavant d'obtenir un prêt bancaire pour construire ou acheter un logement.
    J'en viens aux secteurs économiques cruciaux pour les DOM, dont la fragilisation appelle des mesures urgentes. Ainsi, la filière de la banane est en crise. La conjonction des catastrophes naturelles et la chute continue des cours sur le marché européen amènent la profession bananière au bord de l'asphyxie. Celle-ci, selon une estimation, aurait perdu 147 millions d'euros en dix ans et ne gagnerait que sept centimes d'euros par kilo de banane. Si l'amélioration de l'avance sur l'aide compensatoire ainsi que du rythme de son versement intervenu l'an dernier constitue un progrès, le problème de la revalorisation de la recette forfaitaire de référence et du préfinancement du solde de l'aide compensatoire à un taux d'intervention suffisant restent posés et les groupements bananiers demandent la création d'un fonds de garantie spécifique pour améliorer la trésorerie des planteurs.
    Les échéances qui se profilent au niveau européen, avec la réforme de l'OCM banane, prévue pour 2006, le passage au système dit de tariff only, et l'ouverture du marché communautaire aux pays les moins avancés, intensifiera la concurrence sur les produits domiens et aggravera les défis posés aux filières banane et canne-sucre-rhum. De même, l'impact de l'élargissement de l'Union europénne sur les politiques communautaires risque d'influer négativement sur les aides communautaires participant au développement économique et au progrès social des DOM.
    Madame la ministre, quelles démarches le Gouvernement compte-t-il entreprendre pour sauvegarder, voire consolider les politiques spécifiques européennes en faveur de ces régions et, compte tenu des menaces qui pèsent sur le maintien de ces départements dans l'objectif 1, pour obtenir leur éligibilité automatique à cet objectif ?
    Par ailleurs, face à la crise du secteur touristique des mesures urgentes de redressement s'imposent. Depuis le début de l'année, les taux d'occupation ne dépassent guère 50 %. Plusieurs établissements sont fermés, dont les hôtels Le Méridien de Guadeloupe et de Martinique. Les dramatiques événements du 11 septembre et la crise du transport aérien qui a suivi y sont pour beaucoup, mais il y a également la plus grande activité des destinations environnantes régionales. Tout plan de sauvegarde devra prendre en compte, outre les aides et les investissements, la nécessité d'améliorer l'accueil et les prestations pour lesquels les formations adéquates s'imposent.
    Le problème de la desserte aérienne de l'outre-mer demeure préoccupant. Après avoir baissé en 2001, le trafic aérien aux Antilles a chuté de 7 % en moyenne au premier semestre 2002. Lors de votre audition devant la commission des lois, vous avez, madame la ministre, souligné le phénomène de renchérissement du coût de la desserte aérienne de l'outre-mer. Dans ce contexte, le « passeport mobilité », qui prévoit, pour 11 000 étudiants et 5 000 jeunes en formation professionnelle, deux voyages gratuits aller-retour par an vers la métropole, est une mesure utile mais limitée. Le principe de la continuité territoriale commande que l'outre-mer soit économiquement accessible au plus grand nombre, à commencer par les personnes originaires de ces territoires. A cette fin, comptez-vous soutenir la compagnie Air Lib, qui rencontre de nouvelles difficultés ?
    Pour terminer, madame la ministre, je voudrais évoquer un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui de la Nouvelle-Calédonie. Au-delà de l'inquiétude que suscitent la projet Prony au Sud et l'avenir de l'usine Nord, une des questions centrales est la mise en application de l'accord de Nouméa, qui consacre le processus historique d'émancipation et de décolonisation...
    M. Pierre Frogier. Oh !
    M. Jacques Brunhes. ... engagé par la France en faveur du peuple kanak. Un point essentiel de cet accord, qui, je le rappelle, a été approuvé par 72 % de la population de Nouvelle-Calédonie, concerne le gel du corps électoral. Or cette disposition a été modifiée par le Conseil constitutionnel en faveur du maintien du système de corps électoral glissant, actuellement en vigueur. Le retour à la disposition originelle de l'accord est un impératif, non seulement parce qu'il s'agit du respect des engagements pris par l'ensemble des signataires de l'accord au terme de longues et difficiles négociations, précisément sur cette question centrale du corps électoral, mais aussi parce que cette disposition, constituant le pole d'équilibre de l'accord, conditionne la réussite du processus de Nouméa. C'est pourquoi il faut absolument une révision constitutionnelle. Si le Congrès devait se réunir prochainement, cette séance devrait en fournir l'occasion.
    M. Jérôme Lambert. Très bien !
    M. Jacques Brunhes. A la suite de cet ensemble d'observations, vous comprendrez, madame la minsitre, que le groupe des député-e-s communistes et républicains ne vote pas votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier.
    M. Mansour Kamardine. Ça tombe bien, il va pouvoir répondre à propos de la Nouvelle-Calédonie !
    M. Pierre Frogier. Je tiens tous d'abord, madame la ministre, à vous féliciter pour ce projet de budget, qui, non seulement, comme l'ont rappelé nos excellents rapporteurs, est en rupture avec les pratiques de vos prédécesseurs, mais porte de surcroît la marque du nouveau dynamisme que le président de la République a décidé pour l'outre-mer français.
    Projet de loi constitutionnelle portant décentralisation, loi d'orientation outre-mer, le gouvernement auquel vous appartenez a une vraie vision d'avenir pour l'outre-mer français. Loin de se désengager, il s'agit bien, pour le chef de l'Etat, de permettre à chacune de nos collectivités humaines, sur chaque océan, de s'épanouir dans l'ensemble français et d'être un témoin avancé de l'intelligence politique et de la générosité françaises.
    En Nouvelle-Calédonie, nous assumons depuis janvier 2000 certaines compétences précédemment exercées par l'Etat. L'exercice de ces compétences nouvelles ouvre un immense chantier d'innovation permettant de coller davantage à nos spécificités géographiques, sociologiques, culturelles et économiques. Mais sur le plan budgétaire, l'exercice de ces compétences n'est pas neutre pour les collectivités qui en bénéficient. Aussi la loi organique a-t-elle prévue le transfert de ressources financières pour compenser intégralement les charges induites. Malheureusement, à ce jour, aucun versement de l'Etat n'est intervenu.
    Madame la ministre, vous avez compris qu'il n'est pas question de vous rendre responsable de cette situation. Mais, l'an dernier, à la même époque et dans cette enceinte, j'exprimais les mêmes griefs sans avoir été entendu par vos prédécesseurs.
    Autre sujet de profonde préoccupation : le financement des collèges. En 2002, 64 % des collégiens de Nouvelle-Calédonie étaient scolarisés en province Sud, dont 44 % dans les collèges publics de Nouméa et de la périphérie. Durant ces cinq dernières années le nombre des collégiens des établissements publics de l'agglomération s'est accru de 21 % alors qu'il n'augmentait que de 6 % dans l'ensemble des autres collèges. Les prévisions réalisées en suivant le flux des élèves actuellement en primaire conduisent à penser que l'augmentation du nombre des collégiens se poursuivra. Ainsi, durant la décennie 1990-2000, la province a construit trois collèges supplémentaires. Et elle devra sans doute en construire huit dans la décennie à venir.
    La loi organique du 9 mars 1999 attribue à l'Etat une compétence en matière d'enseignement du second degré, à l'exception de la réalisation et de l'entretien des collèges qui seront assurés par les provinces au moyen d'une dotation versée par l'Etat. Une même loi fixe le montant minimum de cette dotation.
    A ce propos je dois vous remercier, madame la ministre, des efforts que vous avez accomplis afin que dans les meilleurs délais le reliquat de cette dotation minimum des exercices 2001 et 2002 soit versé aux provinces.
    Permettez-moi cependant d'attirer votre attention et celle de notre assemblée, sur le fait que cette dotation demeure totalement déconnectée des besoins réels de financement, qui s'élèvent en province Sud à 22 millions d'euros en 2002 et qui devraient être en moyenne de 12 millions d'euros par an pour la prochaine décennie. En résumé, pour la seule année 2002, la province Sud aura dépensé le double de la dotation annuelle de l'Etat actuellement prévue.
    Cette réalité pèse de façon insupportable sur la préparation des budgets 2003 de la Nouvelle-Calédonie et des provinces. Je vous demande donc, madame la ministre, en liaison avec votre collègue de l'éducation nationale d'examiner dans les meilleurs délais les conditions d'octroi d'une dotation complémentaire qui assurerait aux collectivités concernées les financements nécessaires. Rien dans ces dépenses n'est superfétatoire et le niveau actuel des résultats scolaires justifie amplement qu'il soit donné aux collèges et au corps enseignant les moyens matériels d'une bonne scolarité.
    D'ailleurs, du point de vue de la qualité de l'enseignement, le financement de la construction des collèges publics n'est pas la seule difficulté. Ainsi, 30 % des élèves sont accueillis en Nouvelle-Calédonie par l'enseignement privé et certains établissements sont dans un état calamiteux. Vu la difficulté pour l'enseignement privé confessionnel de faire face à l'entretien, à la rénovation et à la construction de ces établissements, les provinces sont sollicitées alors qu'il s'agit là aussi d'une compétence de l'Etat.
    Je terminerai mon propos, madame la ministre, en évoquant la récente loi du pays votée par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, instituant un nouveau dispositif fiscal d'encouragement à l'investissement.
    Ce texte vise à accompagner les investissements réalisés dans certains secteurs d'activité, créateurs d'emplois et porteurs de développement économique, notamment pour l'exportation. L'objectif clairement affiché par cette loi du pays est d'inciter à investir en Nouvelle-Calédonie. Elle concerne l'aquaculture, l'élevage des cervidés, la caféiculture et l'hôtellerie touristique, dont les montants sont suffisamment significatifs pour faire émerger des projets structurants.
    L'aide fiscale prend la forme d'un crédit d'impôt consenti aux partenaires financiers, avec l'obligation, à terme, de rétrocéder une partie de l'avantage fiscal obtenu au profit de l'entreprise calédonienne promotrice du projet d'investissement, afin de permettre à cette dernière un retour sur investissement plus rapide, susceptible d'assurer au mieux sa pérennité.
    Se pose, aujourd'hui, le problème de l'articulation des mécanismes locaux d'aide fiscale à l'investissement avec le dispositif mis en place par l'Etat. Comme vous le savez, certaines interprétations du ministère des finances tendent à restreindre le cumul des deux dispositifs de défiscalisation, ce qui n'est pas acceptable.
    A l'heure où la Nouvelle-Calédonie a ouvert de nombreux chantiers pour répondre aux aspirations d'une population très jeune qui souhaite travailler et s'épanouir, les projets en cours de réalisation dans les secteurs de la mine et de la métallurgie, de la desserte aérienne et du tourisme, de la pêche et de l'aquaculture, sont autant de raisons d'espérer et de croire dans le succès du processus engagé avec l'accord de Nouméa. Nous demandons seulement que ces efforts soient accompagnés par l'Etat, dans le respect des engagements pris.
    Je voudrais, enfin, observer que, parmi les trois questions posées tout à l'heure par notre collègue Jérôme Lambert - qui a malheureusement quitté l'hémicycle depuis - les deux premières, relatives au massif de Prony et au classement du récif coralien, sont quelque peu étonnantes.
    M. Lambert a fait partie d'une majorité qui a voté le dispositif institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, qui donne aux trois provinces de Nouvelle-Calédonie entière compétence pour l'octroi de permis de recherche minière et pour le classement du récif corallien.
    M. Mansour Kamardine. Il a oublié !
    M. Victor Brial, rapporteur spécial. Qu'il relise le texte !
    M. Pierre Frogier. Je demande donc à M. Lambert, pour le premier point, d'indiquer à ses amis locaux, dont il se fait le relais, qu'il convient d'appliquer la loi, et rien que la loi. Sur le deuxième point, je souhaite lui rappeler que les trois provinces n'ont jamais pu se mettre d'accord pour le classement de ce récif corallien et que, de surcroît, la procédure qu'il a évoquée n'a pas été menée par le précédent gouvernement, mais par un seul homme M. Yves Cochet, qui l'a mise en oeuvre au moment de l'élection présidentielle pour tenter d'obtenir quelques voix supplémentaires des Verts en Nouvelle-Calédonie, avec le résultat que l'on sait. De telles questions doivent être abordées de façon plus cohérente, plus calme, et moins politicienne.
    Pour ce qui concerne l'usine de nickel du Nord, je tiens à dire solennellement dans cette assemblée, et au nom de tous les élus de Nouvelle-Calédonie, qu'il est indispensable, au titre du rééquilibrage et d'un meilleur aménagement industriel de la Nouvelle-Calédonie, que cette usine métallurgique soit construite au nord de l'Ile.
    Néanmoins personne ne pourra jamais empêcher, ni Jacques Lafleur ni moi-même, de continuer à nous interroger sur le réalisme du montage financier tel qu'il est annoncé. Je sais que nous en reparlerons dans cette enceinte, mais je veux dire dès aujourd'hui que toute la Nouvelle-Calédonie soutient ce projet. Nous aspirons tous à ce qu'il se réalise, mais prenons les meilleures voies pour le mener à terme. Je sais, madame la ministre, combien votre gouvernement est sensibilisé à cette affaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Vous aurez compris, chers collègues, que si M. Frogier a dépassé son temps de parole c'était pour faire en quelque sorte une mise au point.
    M. Mansour Kamardine. Nous l'avons compris !
    Mme Christiane Taubira-Delannon. Peut-être pourrai-je, moi aussi, dépasser mon temps de parole !
    M. le président. Si vous voulez faire une mise au point, madame Taubira, vous y aurez droit également !
    La parole est à M. Christophe Payet.
    M. Christophe Payet. Madame la ministre, l'examen du projet de budget pour 2003 de l'outre-mer s'inscrit dans un contexte particulier marqué, à la Réunion, par le débat sur le projet de révision constitutionnelle, débat pour lequel, j'en conviens avec vous, certains jouent à se faire peur.
    La séance d'aujourd'hui a le mérite de nous ramener à l'essentiel, c'est-à-dire au débat majeur sur les conditions de mise en oeuvre d'un véritable développement économique et social durable de l'outre-mer.
    Ne nous y trompons pas : rien ne fera oublier combien nos populations, notamment notre jeunesse, attendent les réponses qui seront apportées à cet enjeu au cours de la présente législature. Et c'est en fonction des résultats qu'il obtiendra dans ce domaine que le Gouvernement sera jugé.
    Madame la ministre, le premier projet de budget que vous proposez à notre assemblée traduit les priorités que vous avez arrêtées, et présente les moyens effectivement mobilisés pour respecter les engagements du Gouvernement à l'égard de nos populations. Après les proclamations et les déclarations d'intention est venu le temps de la vérité, de la réalité, à travers les chiffres contenus dans votre document budgétaire.
    Concernant la priorité des priorités que vous affichez, c'est-à-dire l'emploi, la formation et l'insertion professionnelle, on ne peut qu'être d'accord avec vous et partager votre volonté de créer de vrais emplois durables dans le secteur productif. Mais la réalité nous oblige à tenir compte de l'état du tissu économique et des données démographiques. Pour la Réunion, tous les acteurs politiques, économiques et sociaux, y compris le MEDEF de l'île, vous diront que le secteur productif ne pourra pas absorber à court et moyen terme l'ensemble des chômeurs actuels et des jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l'emploi.
    Les difficultés que vous rencontrez en ce moment pour reclasser ou pérenniser les contrats emplois-jeunes montrent bien que notre secteur productif est limité et fragile. C'est pourquoi nous sommes nombreux à penser que, si le développement de l'économie marchande doit être notre objectif prioritaire, il est indispensable de maintenir et de développer le champ de l'économie solidaire. C'est la complémentarité entre les deux qu'il convient de rechercher.
    Concernant les emplois-jeunes, il vous faut savoir que, lors d'une réunion organisée à l'initiative de la région Réunion, une position unanime a été dégagée sur ce dossier. Elle préconise la prorogation d'un an de tous les contrats arrivant à expiration en 2002 et en 2003 et la mise en oeuvre de solutions pour pérenniser ces contrats. Parmi ces solutions, l'extension du congé-solidarité aux journaliers communaux arrivant à l'âge de cinquante-cinq ans permettrait de nombreux départs à la retraite et la pérennisation des contrats emplois-jeunes en poste dans nos collectivités.
    Compte tenu des difficultés financières auxquelles sont confrontées les collectivités, il conviendrait dans le même temps de les exonérer des charges sociales patronales sur les salaires de l'ensemble des journaliers autorisés.
    Je renouvelle également ma proposition d'affecter les économies réalisées par la suppression de la prime d'éloignement, versée auparavant aux fonctionnaires, au financement de ces contrats et de créer un fonds de solidarité pour le développement de l'économie solidaire.
    Madame la ministre, dans le contexte de chômage qui frappe la société réunionnaise, les mesures qui pourraient être prises en faveur du développement économique de l'île ne sauraient être appliquées que dans un climat social apaisé. C'est pourquoi, nous pensons que, dans l'attente de mesurer l'impact des efforts que vous envisagez de consentir à travers votre loi de programme sur quinze ans, il convient de préserver la cohésion sociale en maintenant l'ensemble des contrats aidés : CEJ, CEC, CES et CIA.
    Et la suppression pure et simple de la dotation aux agences départementales d'insertion, qui interviennent en faveur des érémistes, ne va pas dans le sens de l'apaisement social indispensable à la réussite de votre projet de développement économique.
    Je soutiens pleinement l'augmentation des moyens destinés au service militaire adapté, le SMA, compte tenu des résultats positifs obtenus par ce service dans l'insertion professionnelle des jeunes.
    Concernant le logement, je veux appeler votre attention sur le manque de foncier aménagé pour construire les logements sociaux et les difficultés rencontrées pour consommer les crédits inscrits à la ligne budgétaire unique, la LBU. Pour remédier à cette situation, il conviendrait d'abonder les crédits du FRAFU, le fonds régional pour l'aménagement du foncier urbain, sur ceux de la LBU.
    Par ailleurs, l'augmentation des moyens destinés à la résorption de l'habitat insalubre et à l'amélioration de l'habitat est une bonne mesure, tant l'accession à la propriété constitue un objectif majeur d'insertion.
    La continuité territoriale semble pour l'instant se résumer à la mise en place du « passeport mobilité », que nous approuvons, et qui vient en complément des aides déjà accordées par les collectivités territoriales. Mais où en êtes-vous au niveau de la desserte aérienne de l'outre-mer et de la participation de l'Etat et de l'Union européenne pour assurer une véritable continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole ?
    Madame la ministre, vous avez déclaré que votre projet de loi de programme sur quinze ans viendra compléter les mesures de la loi d'orientation qui est venue elle-même compléter celles de la loi Perben.
    En tant que membre de la commission d'évaluation de la loi d'orientation sur l'outre-mer je vous saurais gré de bien vouloir m'indiquer si vous avez l'intention de réunir cette instance avant de présenter devant le Parlement votre loi-programme. La situation économique et sociale en outre-mer est telle que nous sommes preneurs de toute mesure propre à aider au développement de notre département.
    La tâche qui est la vôtre, et qui est aussi la nôtre, n'est pas simple. Il convient de faire preuve d'humilité et de modestie et de ne pas jeter l'anathème sur les mesures proposées ou mises en oeuvre par tel ou tel.
    Aussi, puisque vous considérez votre budget pour 2003 comme un budget de transition avant votre projet de loi de programme, je voudrais faire preuve d'optimisme pour l'avenir et vous assurer de notre contribution pour que cette loi contribue à un véritable développement économique et social durable outre-mer.
    Pour l'heure, il ne nous est pas possible, compte tenu des insuffisances que je viens de relever, de voter votre budget en l'état.
    Mme Huguette Bello. Très bien !
    M. Mansour Kamardine. Je pense que vous le regrettez !
    M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré une élection partielle dans ma commune, j'ai tenu à venir m'exprimer ici pour vous faire part des préoccupations des Dionysiens et Dionysiennes, et plus généralement des Réunionnais et des Réunionnaises.
    Je veux d'abord vous remercier, madame la ministre, d'avoir convaincu l'ensemble du Gouvernement que l'avenir des départements et des territoires d'outre-mer est l'une des principales priorités de cette législature.
    Ce budget, plus réaliste que les précédents, apporte la preuve, madame la ministre, de votre force de persuasion et de votre aptitude particulière à vous tenir à l'écoute des attentes de nos départements et de nos régions.
    Le grand problème des DOM, à l'aube de ce nouveau siècle, reste la question du développement économique et de l'emploi, après l'achèvement de l'égalité sociale impulsée dès 1995 par le Président de la République, Jacques Chirac.
    L'emploi est pour nous un souci quotidien. Il ne m'est pas possible, en tant qu'élu, d'accepter que de jeunes Réunionnais de mieux en mieux formés, titulaires de diplômes, restent sans perspectives réelles d'insertion professionnelle. Merci, à cet égard, madame la ministre, d'avoir créé le « passeport mobilité », dont bénéficient déjà nos jeunes.
    A la Réunion, notre économie est très dynamique et crée en proportion beaucoup plus d'emplois chaque année que la moyenne nationale. Or, 10 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, et à peine 3 000 trouvent un emploi. Aussi la progression démographique inquiète-t-elle les élus locaux que nous sommes, car elle entraîne une explosion des besoins en matière d'emploi, de santé, de logement, d'équipements publics ou encore de transports.
    Il est donc nécessaire, madame la ministre, que le Gouvernement mette en place des mesures de planification familiale orientées en priorité vers les plus jeunes.
    Au regard de cette situation particulière, il est indispensable que notre département puisse bénéficier d'une pérennisation de certains dispositifs d'aide à l'emploi accordant une large place à la formation et à la mobilité.
    Je souhaite également que l'application du « congé-solidarité » soit étendue aux collectivités, ce qui permettrait d'offrir à nos jeunes de nouvelles solutions d'insertion professionnelle.
    La chance d'assurer notre développement repose bien entendu sur la solidité de notre socle institutionnel, qui incite les opérateurs économiques à investir sur l'île et à s'ouvrir aux activités de l'exportation. Elle constitue aussi un atout déterminant pour les investisseurs extérieurs qui veulent de plus en plus s'implanter à la Réunion.
    C'est pourquoi, il me paraît essentiel que, dans la construction de la nouvelle architecture de la décentralisation, la stabilité institutionnelle de notre île soit garantie. La grande majorité des Réunionnais y sont profondément attachés, car nous souhaitons atteindre un niveau de développement proche du niveau moyen de développement des régions européennes.
    Développement économique bien sûr, mais aussi développement culturel. Je souhaite que les efforts en faveur de la culture soient amplifiés. Il ne s'agit pas d'un investissement de confort. Le talent et la force créatrice de nos artistes dépassent aujourd'hui les frontières de l'île. Ils contribuent à mieux faire connaître notre département et à inciter les touristes à s'y rendre de plus en plus nombreux.
    C'est pourquoi je vous demande de porter une attention particulière au centre dramatique de l'océan Indien, véritable outil de rayonnement, dans notre zone géographique, de la culture réunionnaise, française et européenne.
    Comme vous le savez, la Réunion est devenue, au fil des siècles, le berceau d'un mélange exceptionnel de civilisations millénaires venues d'Asie, d'Afrique, d'Inde et d'Europe. C'est cette France-là, celle de l'intégration réussie, de la tolérance, que nous faisons vivre chaque jour dans nos territoires.
    L'effort de l'Etat doit se traduire aussi, et c'est le sentiment général des élus de la Réunion, par un renforcement des dotations consacrées à l'éducation pour la construction et la réhabilitation des établissements scolaires. Car, dans notre département, la vétusté de nombreuses écoles et la contrainte démographique imposent une programmation pluriannuelle du bâti scolaire que ne connaissent pas les départements de métropole où l'on observe une tendance lourde à la fermeture de classes, faute d'effectifs.
    En termes de prévention et de sécurité urbaine et civile, nous attendons également des dotations supplémentaires tant en moyens humains que matériels. Ainsi, la ville de Saint-Denis entend inscrire son programme d'action, en matière de sécurité, dans la voie tracée par le Gouvernement. Le contrat local de sécurité, deuxième génération, actuellement en cours d'élaboration, s'attache à mettre en cohérence les moyens et les dispositifs. Toutefois, sans le soutien actif de l'Etat, par des mesures d'exception, la collectivité rencontrera de sérieuses difficultés pour lutter contre la délinquance, la précarité, la pluritoxicomanie et le chômage galopant.
    Par ailleurs, il est anormal que des grandes villes comme Saint-André, Saint-Paul ou encore Le Tampon ne disposent pas de commissariats de police permanents. La Réunion sera-t-elle concernée par la création de 13 500 postes dans la gendarmerie et la police nationale, prévue dans la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure ?
    Je souhaite également, madame la ministre, que le Gouvernement soit convaincu de la nécessité pour les collectivités locales de bénéficier de dotations de rattrapage.
    Si nos communes et nos deux assemblées locales sont bien gérées - j'en veux pour preuve la confiance renouvelée dont elles bénéficient auprès des établissements financiers -, leur engagement permanent pour réparer les retards structurels que nous avons accumulés dans bien des domaines les conduit à la limite de la rupture budgétaire.
    Madame la ministre, je souhaite la mise en place d'un fonds d'aide sociale pour nos familles dont les jeunes enfants doivent subir, dans des centres hospitaliers de Paris ou de province, des soins lourds et longs.
    Bien souvent, ces familles démunies sont obligées d'en appeler à la générosité du public pour que le père ou la mère puisse accompagner son enfant en métropole durant les longues semaines de traitement médical. La mise en place d'un fonds d'aide à l'hospitalisation en métropole nous aiderait à corriger une inégalité due à notre éloignement.
    En conclusion, madame la ministre, je voudrais faire deux remarques importantes.
    Premièrement, j'aimerais que l'ensemble de mes collègues se joignent à moi pour demander au président de l'Assemblée nationale, mais aussi au Gouvernement, de ne plus programmer la discussion et le vote du budget de l'outre-mer un vendredi. Nous méritons une meilleure place dans le calendrier.
    Deuxièmement, nous serons demain le 9 novembre. Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour le général de Gaulle qui nous a quittés il y a trente-deux ans.
    Sur ces mots d'émotion, madame la ministre, c'est avec enthousiasme et conviction que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je ne peux répondre à la place du président de l'Assemblée nationale et encore moins à la place du Gouvernement, mon cher collègue, mais je ferai remarquer qu'il y a tout de même un progrès, dans la mesure où le débat budgétaire sur l'outre-mer a lieu l'après-midi et non en séance de nuit comme c'était le cas il y a quelques années. Espérons que, petit à petit, nous en viendrons à tenir ce débat le mercredi ou le jeudi...
    M. Mansour Kamardine. Le mardi après-midi, après les questions au Gouvernement !
    M. Bertho Audifax. N'oubliez pas le décalage horaire ! (Sourires.)
    M. le président. ... ou le mardi après-midi. Mais il faudrait décaler les questions d'actualité. Ajoutons que le vendredi est un peu plus favorable aux dépassements de temps de parole. (Sourires.) Il faut savoir faire l'équilibre entre ces différents aspects.
    La parole est à Mme Huguette Bello.
    Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le premier exercice budgétaire d'une nouvelle équipe est toujours révélateur. Il renseigne sur les priorités du Gouvernement et, au-delà des chiffres, sur le sens qu'il souhaite imprégner à son action.
    C'est ainsi qu'il faudra bien constater que l'outre-mer n'échappe pas à la rigueur budgétaire. Avec, au mieux, une stagnation de son budget, l'outre-mer, en dépit de son cortège de difficultés et de retards, qu'on ne manque jamais de souligner, fait partie de cette catégorie de budgets censés contribuer à la politique de réduction des déficits publics.
    Selon une tradition bien établie, l'emploi demeure la priorité de ce budget. Mais, contrairement aux années précédentes, le montant du FEDOM diminue. Entre arbitrages financiers et subtilités comptables, cette diminution trouvera toujours des justifications. Mais des milliers d'hommes et de femmes en sentiront immédiatement les conséquences dans leur existence et dans leurs projets. Le vrai réalisme, c'est de se préoccuper avant tout de ces effets-là, même s'ils se traduisent difficilement en ratios et en pourcentages, même s'ils se disent dans le malaise, la peur ou la violence. C'est sous l'angle de ce réalisme-là que je souhaite examiner plus avant le budget proposé à l'outre-mer pour 2003.
    Il est fort à parier que le secteur de l'emploi dit « aidé » connaîtra de grands bouleversements puisque les différents dispositifs d'insertion vont presque tous être redéfinis.
    Et d'abord, bien sûr, le dispositif emplois-jeunes dont la fin est programmée. Vous connaissez, madame la ministre, l'engouement que cette mesure a suscité à la Réunion où près de 9 000 jeunes ont pu, grâce à elle, trouver un emploi. Baisse du chômage, satisfaction de nouveaux besoins, missions de proximité, personne ne conteste le bilan positif de ce programme. Comment alors expliquer à tous ces jeunes que la réussite de ce dispositif ne débouche, au bout du compte, que sur sa suppression pure et simple ? Que cette suppression est décidée pour leur « bien », pour qu'ils aient des emplois durables ? Croyez-vous qu'ils le croiront ? Espérez-vous qu'ils l'espèrent ? Ils savent mieux que nous que le secteur marchand, pourtant dynamique, de la Réunion ne pourra leur procurer à chacun un emploi.
    Mieux que nous, ils ont compris que l'économie solidaire fait partie intégrante du devenir de la Réunion et qu'à vouloir trop l'opposer au secteur concurrentiel on ne fait qu'accroître l'exclusion et la précarité dont ils sont les premières victimes. La jeunesse réunionnaise ne se reconnaît pas dans le débat idéologique entre emplois aidés et emplois marchands, au demeurant pas moins aidés que les autres : il n'est qu'à voir les exonérations de charges sociales... Un aide éducateur disait récemment : « L'emploi n'a pas de couleur politique. »
    De la même façon, s'il est vrai que les solutions d'insertion prévues par la loi d'orientation n'ont pas toutes été utilisées, il est toutefois surprenant que la conséquence de cette sous-consommation soit une réduction des crédits consacrés au projet initiative jeunes, à l'allocation de retour à l'activité et au congé-solidarité. Il aurait sans doute été préférable de repérer au préalable les blocages qui ont pu apparaître, ici ou là, dans l'application de ces mesures.
    La consolidation de l'économie solidaire à la Réunion est indispensable. Non seulement la population active augmente plus vite que la création d'emplois, mais de nouvelles menaces pèsent sur les secteurs traditionnels. A titre d'exemple, la filière sucrière qui aura à affronter tout à la fois la renégociation de l'OCM-sucre, l'initiative européenne « Tout sauf les armes » et, par dessus le marché, les attaques du Brésil et de l'Australie contre le régime sucrier européen.
    Face à ces évolutions liées à la globalisation des économies, la question du désenclavement aérien se pose avec plus d'acuité que jamais. La continuité territoriale, qui est un des engagements forts du Gouvernement, se limite pour l'instant au seul passeport mobilité. Et ni votre budget ni celui du ministère des transports ne laissent entrevoir la mise en place effective de ce principe, seul à même de garantir, dans des conditions équitables, la libre circulation des hommes, des productions et de l'information.
    La deuxième priorité du budget de l'outre-mer est toujours le logement. Comme chaque année, évoquer cette question revient à déplorer le paradoxe du logement social à la Réunion. Alors que les besoins sont évalués à plus de 5 000 logements par an et que les crédits de la LBU augmentent régulièrement, les promoteurs sociaux ont de plus en plus de difficultés à les utiliser. Les causes du blocage sont, plus ou moins, identifiées. J'en citerai au moins deux : d'une part, les difficultés financières que connaissent les collectivités locales pour aménager et équiper les terrains en sorte de les rendre constructibles, d'autre part un système de production devenu trop rigide et des modalités de financement inadaptées. L'élaboration de la loi-programme pourrait être l'occasion de mieux identifier les verrous existants afin d'utiliser de façon plus efficace les crédits affectés au logement social. Nous comptons sur votre détermination, madame la ministre.
    Nous comptons aussi sur votre énergie pour mettre un terme à une inégalité due au mode de calcul de l'allocation logement. Alors que le forfait charges de cette allocation représente 70 % des charges locatives réelles en métropole, il n'est que de 30 % outre-mer. Cette importante distorsion, qui pénalise lourdement les locataires d'outre-mer, rend plus difficile encore l'accès au logement social.
    De même, il serait grand temps que le problème récurrent des journaliers communaux trouve enfin une issue favorable.
    Le budget de l'outre-mer pour 2003 fait en quelque sorte le trait d'union entre le débat en cours sur la décentralisation et la future loi-programme c'est-à-dire entre les passions et les attentes.
    Cette position intermédiaire est sans doute inconfortable, mais elle n'aura pas été vaine si elle permet de faire avancer l'idée que le véritable développement que nous attendons depuis si longtemps passe aussi par une décentralisation économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. Madame la ministre, comme la plupart de mes collègues et au-delà de nos différentes sensibilités politiques, j'ai salué l'esprit d'ouverture et de dialogue qui a présidé aux premières rencontres et séances de travail organisées par votre ministère et vous-même sur quelques dossiers majeurs concernant l'outre-mer, tels que le projet de révision du titre XII de la Constitution, l'approfondissement de la décentralisation attendue par nos compatriotes d'outre-mer et la future loi-programme. C'est donc avec un esprit de responsabilité et de franchise que je commenterai le projet de budget 2003 pour l'outre-mer.
    Votre projet de budget intervient dans un contexte difficile : crise dans les secteurs de la banane et du tourisme, crise du BTP, crise de l'éducation nationale plus de quinze jours de grève en Guadeloupe -, crise de la santé. De surcroît, il s'inscrit dans le cadre d'une réforme où des chantiers importants doivent être ouverts. En effet, la loi de finances doit prendre en compte les orientations du Président de la République et surtout les engagements qu'il a pris auprès des populations, des socioprofessionnels et des responsables politiques de nos régions d'outre-mer.
    Aussi ne puis-je que regretter, comme de nombreux acteurs économiques et politiques de l'outre-mer, de voir votre projet de budget ne bénéficier que d'une augmentation de 0,5 % par rapport à celui de 2002. Car force est de constater une baisse réelle des moyens budgétaires consacrés à nos collectivités, départements et territoires.
    Aujourd'hui, vous nous proposez une augmentation de moins de 1 % de budget de l'outre-mer, ce qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler le budget proposé par M. Juppé en 1995. Rappelons, mes chers collègues, que, entre 1997 et 2002, le gouvernement de Lionel Jospin l'avait fait progresser de plus de 6 % en moyenne par an. L'argument selon lequel la baisse de votre budget n'est qu'apparente en raison de la sous-consommation des crédits votés les années précédentes n'est pas suffisant et ne saurait servir de paravent.
    Quoi qu'on en dise, 0,5 % d'augmentation, c'est moins que l'inflation qui s'élève à 1,8 % en tendance pour l'année 2002. C'est bel et bien une baisse en valeur réelle du budget de l'outre-mer.
    Madame la ministre, le temps qui m'est imparti ne me permet pas aujourd'hui de procéder à une analyse pointilleuse. Je souhaite cependant appeler l'attention de la représentation nationale sur plusieurs points à mes yeux significatifs.
    Je déplore, en premier lieu, le manque de lisibilité du document que votre ministère nous a transmis. En effet, on peut regretter l'absence de déclinaison du tableau récapitulatif par type de collectivités. Un tel récapitulatif aurait permis de mettre en relief les options et priorités que le Gouvernement accorde à chacune des collectivités d'outre-mer. Ce n'est malheureusement pas le cas.
    J'en viens au contenu même du budget que vous nous présentez.
    S'agissant des services de l'Etat, l'analyse précise des dispositions du titre III nous montre que les crédits affectés à l'administration centrale augmentent alors que, dans le même temps, ceux affectés aux services déconcentrés diminuent. Le seul sujet de satisfaction que je note pour les DOM, un de nos collègues l'a rappelé tout à l'heure, a trait aux efforts consentis pour le service militaire adapté dont il faut saluer l'efficacité des actions, notamment pour améliorer l'insertion des jeunes peu qualifiés.
    S'agissant des crédits alloués aux interventions publiques, je relève une situation véritablement paradoxale. Alors que le taux de chômage dans nos régions - 27 % en moyenne en Martinique contre environ 9 % en moyenne nationale - est deux à trois fois plus élevé qu'en France métropolitaine, les dotations au titre de l'emploi diminuent de plus de 25 millions d'euros ! Et si les crédits réservés au financement des contrats emploi-solidarité, au développement du dialogue social et à la préformation dans les DOM marquent, je le reconnais, une augmentation non négligeable, je suis tenté de dire que c'est pour masquer le démantèlement de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Je veux, bien sûr, parler des contrats d'accès à l'emploi, des primes à la création d'emplois, des projets initiative jeune, du congé solidarité et des emplois-jeunes.
    Je souhaite à ce propos, madame la ministre, appeler votre attention ainsi que celle de la représentation nationale, sur le fait que près de 15 000 emplois-jeunes domiens, dont 4000 pour la seule Martinique, risquent de se retrouver à la rue en fin de contrat si une solution satisfaisante et urgente ne leur est pas proposée. J'ajoute n'avoir pas vu trace dans votre projet de budget du dispositif des contrats jeunes en entreprise, que le Parlement a récemment adopté.
    Quant aux crédits affectés au secteur du logement et de l'urbanisme, ou bien je suis myope, ou bien je vois qu'ils passent de 255 à 165 millions d'euros... La sous-consommation de la LBU, si elle peut expliquer cette baisse, devrait en tout cas conduire le Gouvernement à simplifier les mesures administratives dans ce domaine plutôt qu'à diminuer les crédits. Vous savez en effet à quel point la situation du logement dans nos régions est dramatique et vous en connaissez les conséquences, notamment le plan de l'échec scolaire et de la délinquance. Quant à la baisse considérable des autorisations de programme et l'absence de crédits de paiement des aides exceptionnelles accordées aux agences chargées de la question des cinquante pas géométriques pour traiter l'habitat précaire, elles ne font qu'aggraver encore un peu plus ces difficultés.
    Pour conclure, madame la ministre, les ambitions affichées lors de vos nombreuses interventions, si légitimes soient-elles, ne se traduisent pas dans les faits. On ne peut que regretter l'absence de lignes directrices fortes dans votre projet de budget 2003. Certes, on y trouve quelques mesures éparses, mais celles-ci ne pourront pas renforcer les politiques de développement de nos régions.
    A l'évidence, le document qui nous est soumis augure mal du projet d'approfondissement de la décentralisation annoncé par votre gouvernement et attendu par l'outre-mer qui espérait ainsi mieux prendre en main la gestion des affaires locales. C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, mes chers collègues, je ne voterai pas ce budget.
    M. le président. La parole est à M. Victor Brial.
    M. Victor Brial. Madame la ministre, je voudrais rapidement appeler votre attention sur quelques dossiers, et non des moindres, qui préoccupent les populations de Wallis-et-Futuna et en premier lieu leur serviteur à l'Assemblée nationale.
    La situation bancaire à Wallis-et-Futuna n'est pas satisfaisante et il est temps que l'Etat, en association avec le territoire, fasse avancer les choses. Notre unique banque, qui possède un guichet permanent à Wallis, ne dispose pas de représentation sur Futuna. Elle se borne à assurer, lorsqu'elle le veut bien, une représentation périodique à chaque fin de mois, pour distribuer les salaires. Quant aux taux qu'elle pratique, ils sont à la limite de l'usure.
    Cette situation n'est pas acceptable, madame la ministre. Je sollicite par conséquent l'aide de l'Etat, en association avec le territoire, pour répondre le plus rapidement possible aux besoins des Wallisiens et Futuniens, y compris de ceux qui disposent d'un revenu modeste.
    L'agence de santé de Wallis-et-Futuna, ainsi que vous le savez, se retrouve avec une dette de 11 millions d'euros envers le centre hospitalier de Nouvelle-Calédonie, pour 9 millions d'euros, la compagnie Air Calédonie Internationale, mais aussi la CAFAT.
    Lors de son passage, fin 2001, votre prédécesseur s'était engagé sur son budget 2002, mais également sur le budget de la santé. Autant de promesses qui n'ont malheureusement pas été tenues. Je vous demande donc, en relation avec le ministre de la santé, mais également le ministre du budget, de trouver rapidement une solution pour honorer cet engagement de l'Etat - l'agence de santé n'est-elle pas un établissement public ? - et par voie de conséquence la dette contractée vis-à-vis du territoire de la Nouvelle-Calédonie.
    Enfin, madame la ministre, je vous demanderai de renforcer les moyens en fonctionnaires dont dispose M. le préfet pour son administration. Le service de l'équipement, vous le savez, est à la recherche d'un chef de bureau. Cette situation dure depuis huit mois et il importe d'y mettre un terme afin d'accélérer les travaux en cours et d'éviter la sous-consommation de crédits que nous connaissons actuellement.
    M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.
    M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, notre collègue Pierre-Jean Samot m'a chargé en préambule de vous présenter ses excuses : il souhaitait parler plus particulièrement de l'industrie hôtelière, du passeport mobilité et des fonds européens, mais il a dû regagner la Martinique cet après-midi même à cause d'un décès.
    Madame la ministre, lorsqu'on considère le taux d'augmentation du budget 2003, oscillant, selon vos explications, entre un demi-point et un point et demi, l'idée de stagnation, voire de régression, vient immédiatement à l'esprit. Personnellement, mon jugement sur un budget, quel qu'il soit, ne se circonscrit pas seulement à l'aune de sa masse. D'autres critères retiennent également mon attention. Par exemple, les conditions pour rendre plus fluide et plus complète l'utilisation des crédits ont-elles été cette fois-ci très sensiblement améliorées ? Trop souvent en effet, l'affichage de départ jure avec les résultats d'arrivée. Le parcours du combattant, balisé par le flot accumulé de la paperasserie, des tracasseries et des péripéties, bloque l'accès aux fonds, à la manière de freins ABS.
    Autre exemple : n'y a-t-il pas des dispositions antérieures démantelées, dont la disparition non compensée serait source de dégâts supplémentaires pour les plus jeunes et les plus nécessiteux ?
    Encore un exemple a contrario : les exonérations et la défiscalisation doivent être utilisées judicieusement pour relancer la production et créer l'emploi. Il ne viendrait à l'idée de personne de supposer un seul instant que ces mesures soient en partie détournées, pour aller alimenter certaines rentes de situation, comme cela s'est fait dans le passé. Car il est un vice rédhibitoire toujours actuel : d'un côté, on prodigue, sans aucune obligation de suivi et de résultats, et sans sanction en cas d'effets pervers constatés - ainsi fonctionne le modèle : ne serait-il pas temps de le corriger ? - ; de l'autre côté, on endigue la montée des revendications non moins essentielles. En l'occurence, je pense plus spécifiquement à un véritable pouvoir politique martiniquais. Un tel pouvoir permettrait justement d'impliquer davantage la politique dans la définition du développement durable, solidaire et social.
    Madame la ministre, en quatre ans, on est passé de 20 000 journées de grève à 1 800 aujourd'hui. Où est le danger encouru ? Où est l'instabilité inquiétante ? Que valent les motifs de peur distillée et entretenue ? En tout cas, nous ne sommes pas responsables de cette atmosphère délétère. Les craintes et les menaces sont engendrées par la conjoncture extérieure. En effet, tous les secteurs d'activité liés aux échanges internationaux sont en chute libre accélérée.
    Il en est ainsi du trafic aéroportuaire, qui voit le nombre de passagers dégringoler de 18,9 % et les tarifs augmenter de plus de 15 %. De plus, on annonce la perte d'au moins 100 emplois supplémentaires au sein de la compagnie Air Lib, ce qui entraînera peut-être la fermeture des escales et des agences de Guadeloupe et de Martinique, après celles de Guyane. Que devient le projet de mise en piste de la continuité territoriale ?
    Il en est ainsi du trafic maritime, qui enregistre un glissement annuel vertigineux de 13,4 %.
    Il en est ainsi de l'hôtellerie, qui traverse une crise sans précédent, avec retraits d'investisseurs et fermetures d'hôtels en cascade.
    Il en est ainsi de la banane, dont la production est frappée de mévente durable, parce que l'Organisation commune de marché a été battue en brèche par l'action des multinationales américaines, aidées par la complaisance de certains technocrates inconnus, bien connus. (Sourires.)
    En conséquence, le chômage, déjà fort, reprend sa courbe ascendante, et touche un quart de la population active.
    La précarité s'accroît, puisque le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté augmente, selon l'INSEE, de près de 1 000 par an depuis 4 ans, pour atteindre à ce jour 60 000 ; 15 % de la population active sont en interdit bancaire ; 18 % émargent au RMI.
    De surcroît, la couverture maladie universelle exclut, paradoxe étrange, les bénéficiaires des minima sociaux à 7 euros près. Pour réparer une telle aberration, une modification législative me semble urgente.
    Enfin, une agence de mise en valeur des espaces urbains de la zone des 50 pas géométriques a été créée. Cet établissement public industriel et commercial d'Etat a besoin de moyens financiers importants pour mener à bien sa mission d'aménagement et de développement du littoral. Qu'est-il prévu à cet effet ?
    En conclusion, un budget peut être apprécié soit sous l'angle des lamentations, soit sous celui de l'autosatisfaction. Quant à moi, j'ai préféré dresser un état des lieux, dont la sinistralité démontrée va grandissant.
    Un budget de 1,084 milliard d'euros, au regard des choix retenus, répond-il aux nécessités du temps présent ? A vous de le démontrer, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Huguette Bello et Mme Christiane Taubira. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Madame la ministre, j'avais préparé un beau discours, faisant une analyse détaillée, cohérente et logique de votre budget, mais j'ai bien écouté mes collègues et je crois qu'ils ont déjà tout dit. Je préfère par conséquent me livrer à une sorte de conversation avec vous, presque droit dans les yeux, pour vous dire sans ambages, sans détours et sans craintes, en dehors des clivages politiques et sans crispation idéologique, que, au-delà de l'indulgence que l'on pourrait avoir pour sa présentation - c'est le premier que vous présentez -, votre budget n'est pas bon.
    Il n'est pas bon, mais comme il est difficile, mon Dieu, d'appartenir à une majorité ! (Sourires.) Mes amis ont été naguère au gouvernement, mais je n'ai jamais autant versé dans le psittacisme et dans le suivisme que la majorité actuelle. Le budget augmente de 0,5 % tout au plus - l'inflation déduite, c'est un budget de régression - et je constate pourtant que mes bons amis de la Guadeloupe sont contents : ils prétendent que c'est un budget d'amorçage, porteur de croissance et de développement.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Les crédits seront consommés !
    M. Victorin Lurel. Permettez-moi de sourire. Je comprends, il est parfois douloureux d'appartenir à une majorité. J'espère que cela m'arrivera,...
    M. Mansour Kamardine. Pas si vite !
    M. Pierre-Louis Fagniez. On a le temps !
    M. Victorin Lurel. ... et que je garderai ma liberté. Quand c'est bon, c'est bon. Quand ce n'est pas bon, sans se mentir, disons-le.
    Or ce budget est médiocre. Comment peut-on se satisfaire, chers collègues, de voir diminuer de 25 millions le FEDOM, sous prétexte de réorienter ce fonds, qui aurait perdu sa vocation première ? Comment peut-on se satisfaire de l'avenir non stabilisé pour les 10 000 emplois-jeunes de l'outre-mer en prétendant qu'un avenir radieux, en arc-en-ciel, leur est réservé puisqu'on va leur proposer une prorogation de un an ? Comment peut-on dire que ce budget donne la priorité à l'emploi ?
    Je sais bien qu'on peut faire mentir les chiffres avec précision, mais il est vrai - ce sont les statistiques - que, pendant cinq ans, ce budget a été pratiquement multiplié par deux et que, aujourd'hui, il stagne tout au mieux et que, on le sait, il régressera, en termes réels. Pour l'année 2003, en tout cas, ce budget ne sera pas porteur de développement.
    J'aurai quelque indulgence pour Mme la ministre, car je comprends sa situation difficile. Disons-le, l'outre-mer ne représente plus la priorité qu'elle a été pendant de longues années. Je veux bien que, par des artifices de langage et de présentation, on dise que c'est un budget de vérité, de rupture. C'est vrai, il rompt, mais avec des augmentations constantes. En vérité, je vous le dis, ce budget est médiocre.
    Il ne comporte d'ailleurs que deux mesures : le passeport mobilité et le contrat de développement pour Wallis-et-Futuna et pour Mayotte. J'ai vécu des campagnes électorales où il était beaucoup question de la continuité territoriale. Aujourd'hui, ce passeport concerne - et je m'en réjouis - les étudiants et les jeunes en formation. Mais il ne concerne qu'eux, et je rappelle à la représentation nationale que les conseils généraux et, pour une petite part, les conseils régionaux financent déjà ce type de déplacements. J'aimerais que, le plus rapidement possible et dès 2003, les personnes âgées, les chômeurs de longue durée, les handicapés puissent eux aussi bénéficier du passeport mobilité, et dans les deux sens. J'aimerais que nous rassurions nos producteurs, notamment nos exportateurs de melons, de bananes ou de rhum, que nous puissions leur dire qu'ils vont bénéficier d'un fret compétitif. Mais ce n'est pas le cas, et ces projets sont apparemment renvoyés aux calendes grecques, ou, pis encore, aux calendes guadeloupéennes. (Sourires.)
    J'aimerais que ce gouvernement - même si la situation est difficile, même si l'on n'ose pas dire très clairement que c'est la rigueur, l'austérité -, tienne les promesses abondamment et avantageusement prodiguées, j'aimerais qu'elles n'engagent pas simplement celles et ceux qui les ont reçues, que, dès 2003, le passeport mobilité et la continuité territoriale soient une réalité concrète, et que nous ressentions l'impérieuse nécessité d'un grand dessein pour la desserte aérienne, et pas seulement dans le verbalisme et la logomachie.
    J'aimerais également interpeller rapidement Mme la ministre sur quelques sujets qui intéressent les Guadeloupéens, les Martiniquais, les Guyanais - bref, les Ultramarins.
    Je sais que des réunions ont eu lieu à Bruxelles à propos de la banane. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, les résultats obtenus en matière de recettes forfaitaires de référence, de fonds de garantie, de recapitalisation des groupements, de préfinancement du solde de l'aide compensatoire.
    En Guadeloupe, 50 000 tonnes de cannes sont restées sur pied, sans être indemnisées. Il ne s'agit pas de calamité, mais des centaines de planteurs sont sans revenus et l'équité commande de les soutenir.
    En matière de tourisme, tout a été dit, n'y revenons pas. J'insisterai cependant sur Saint-Martin. Vous m'avez assuré qu'un plan d'urgence sera élaboré et rapidement appliqué. Nous vous accompagnerons dans cette démarche. Vous voyez que nous ne ferons pas dans l'aveuglement sectaire et idéologique.
    L'insécurité, vous le savez, explose en Guadeloupe. Il faut un commissariat au Gosier, un autre à Pointe-à-Pitre, une maison d'arrêt à Saint-Martin. Il faut rénover, reconstruire et restaurer la maison d'arrêt de Basse-Terre. Bref, l'ouvrage ne manque pas.
    Enfin, en matière de transport intérieur, vous m'avez rassuré en commission en disant que votre politique ne se réduisait pas simplement à l'article 22 de la loi d'amnistie et que le projet de loi constitutionnel de décentralisation permettra d'engager des mesures spécifiques. J'espère que l'Etat accompagnera cette modernisation et ne se contentera pas de déléguer, peut-être, hélas, en violant ces principes fondamentaux du droit français que sont l'égal accès au marché public ou la transparence des procédures publiques, et que l'on ne fera pas de l'outre-mer une enclave de corruption.
    Je voudrais, enfin, évoquer très brièvement les retraites agricoles. Il n'est pas sain que, en République française, en 2002, il y ait des citoyens de seconde zone, qui ne disposent même pas du minimum vieillesse. Madame la ministre, il conviendrait que, en concertation avec vos collègues du Gouvernement chargés, notamment, de l'agriculture et de la solidarité, vous revalorisiez les retraites, mensualisiez les retraites des agriculteurs et harmonisiez les retraites des fonctionnaires entre Mayotte, la Réunion et les départements français d'Amérique.
    Qu'il soit clair, pour finir, que votre vision marquée au coin de l'idéologie n'est pas la nôtre. Vous faites un petit péché idéologique en affirmant que seul le secteur marchand pourrait être un moteur du développement. Madame la ministre, ne tombez pas dans les travers que l'on a souvent reprochés aux marxistes. Il y a, dans votre discours, un dogmatisme du marché. Vous êtes devenue une évangéliste du marché, un ayatollah, un fondamentaliste de l'offre et de la demande. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ne croyez pas que le seul marché va régler les problèmes de l'emploi en Guadeloupe et, plus généralement, dans l'outre-mer.
    J'espère que vous réussirez. Nous serons vigilants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s- communistes et républicains.)
    M. le président. Merci, monsieur Lurel, d'avoir à peu près doublé votre temps de parole.
    M. Jacques Brunhes. Ce commentaire est inutile !
    M. le président. Monsieur Brunhes, je me permets de faire des commentaires, comme vous le faisiez, lorsque vous étiez à la place que j'occupe et que vos collègues doublaient leur temps de parole.
    La parole est à M. André Thien Ah Koon.
    M. André Thien Ah Koon. Il y a dans cette assemblée des gens qui manquent de décence. Ils font les pires conneries de la terre et voudraient ensuite nous faire porter leurs péchés. Moi, je ne veux pas porter le péché de ces gens-là. Savez-vous qui a plombé la France avec les 35 heures ? C'est la droite ? Non, c'est eux. Ils ont tué la France, avec leurs 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Mansour Kamardine. Bravo André !
    M. André Thien Ah Koon. Qui a tué les artisans ? Qui ne s'est pas soucié de voter une loi pour les protéger ? Le code des marchés publics ne permet plus aux artisans de travailler. Les collectivités territoriales, les lycées, les collèges, les hôpitaux, les communes n'ont plus le droit de leur donner du travail. Les petits commerçants ne sont pas protégés. Vous n'allez tout de même pas dire que c'est la droite qui a fait ça ! Vous avez été dix ans au pouvoir, et vous venez nous insulter ici ? Ayez donc un peu de décence. Qui, outre-mer, a favorisé le monopole ? Qui a mis les plus grosses affaires dans les mains des grandes familles ? C'est la gauche, je suis désolé d'avoir à dire cette vérité. Vous parlez d'aventure ? Je ne suis pas de ceux qui sont partants pour l'aventure idéologique. Nous, les Réunionnais, nous ne voulons pas de ça.
    M. Alfred Marie-Jeanne. On s'en moque !
    M. André Thien Ah Koon. Si vous voulez avoir, demain, une assemblée territoriale autonome ou indépendante, faites-le, mais ce n'est pas notre programme.
    M. Alfred Marie-Jeanne. Pas de droit d'ingérence !
    M. André Thien Ah Koon. J'espère simplement que nous aurons l'occasion d'en reparler un jour.
    Madame la ministre, l'examen du budget de l'outre-mer nous offre l'occasion d'exposer nos problèmes.
    La réélection du Président de la République, notre ami Jacques Chirac, a suscité un vif élan d'espoir à la Réunion. Les Réunionnais attendent de vous, de vos connaissances et de votre grande expérience de l'outre-mer, des mesures qui vont véritablement permettre le développement de l'île.
    Permettez-moi, madame la ministre, d'évoquer avec vous devant mes collègues quelques points qui me tiennent à coeur. Je voudrais vous parler de l'emploi, du monopole aérien et du monopole commercial. Bien que le gouvernement précédent vous ait laissé un héritage difficile, vous avez assumé avec courage le dossier des emplois-jeunes à la Réunion. En effet, le gouvernement de gauche a fait un contrat de cinq ans, et, lorsqu'il a perdu, il a dit à Mme la ministre : « Débrouillez-vous avec ces jeunes. Nous, on s'en va ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Mansour Kamardine. Bravo André !
    M. André Thien Ah Koon. C'est la vérité ! Vous êtes restés dix ans au pouvoir, et, maintenant, vous êtes en train de nous dire et de crier partout que la droite n'est pas capable de faire ceci ou cela ! Vous venez nous insulter ici !
    Mme Huguette Bello. C'est vous qui nous insultez !
    M. André Thien Ah Koon. A un certain moment, il faut franchir la ligne jaune et remettre les choses au clair !
    La commission d'accompagnement et de reclassement a vu le jour grâce à vous, madame la ministre. Ainsi, personne ne sera abandonné sur le bord du chemin. Ce jour-là, je me suis dit que nous avions su faire preuve d'un grand élan de générosité.
    Mme Huguette Bello. Paroles, paroles !
    M. André Thien Ah Koon. Alors que nous sommes en train d'essayer de bâtir quelque chose, comment ceux qui sont à l'origine des maux que nous subissons peuvent-ils nous accuser de ne pas être à la hauteur de notre mission ?
    Dans un contexte de croissance économique en régression, dû à la politique conduite par la gauche - si, demain, la croissance n'est pas de 2,5 ou de 3 %, mais seulement de 1,5 %, ce ne sera pas la faute de la droite -, le maintien des dotations de l'Etat en matière d'emplois sociaux, comme les CES, les CEC ou les CIA, constitue un exploit.
    Permettez-moi, madame la ministre, de vous exprimer toute ma satisfaction au nom des jeunes de l'île de la Réunion.
    Avec un taux de chômage de 42,1 %, la Réunion est le département français le plus touché par le problème de l'emploi.
    Mme Huguette Bello. C'est faux, le chiffre n'est pas de 42 %.
    M. André Thien Ah Koon. Non seulement la gauche n'a pas fait régresser le chômage,...
    Mme Huguette Bello. Si ! Elle a fait baisser le chômage !
    M. André Thien Ah Koon. ... mais, de plus, elle a fait adopter une loi d'orientation pour l'outre-mer dépourvue de contenu. On nous a dit que cette loi allait permettre des créations d'emplois par milliers, des départs en préretraite. En fait, en six mois, on a compté cinq départs en préretraite ! En vérité, la LOOM a été vidée de sa substance ! Alors, cessez de nous insulter ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Huguette Bello. C'est vous qui nous insultez !
    M. Jacques Brunhes. Puis-je vous interrompre, monsieur Thien Ah Koon ?
    M. André Thien Ah Koon. Vous envisagez, madame la ministre, de placer les jeunes dans des entreprises privées et d'accompagner ce placement d'un système de tutorat leur permettant d'accéder à une qualification professionnelle. Un tel dispositif leur permettra rapidement, de par leur qualification, de s'insérer dans le marché de l'emploi local et national.
    Le chômage des jeunes illustre l'échec des formations proposées par l'éducation nationale.
    M. Jacques Brunhes. Puis-je vous interrompre, monsieur Thien Ah Koon ?
    M. André Thien Ah Koon. Mon cher collègue, vous interviendrez quand votre tour viendra.
    Il est urgent de repenser notre politique de formation professionnelle. Il est paradoxal que la Réunion connaisse un taux de chômage supérieur à 42 %,...
    Mme Huguette Bello. Il n'est pas de 42 %.
    M. André Thien Ah Koon. ... alors qu'il nous manque des plombiers, des soudeurs, des électriciens, des carreleurs et des maçons. Ça, c'est la faute de la gauche ! Je suis désolé, on ne peut pas envoyer tout le monde à l'université ! On ne peut pas reprocher aux jeunes de ne pas avoir un métier si, durant les dix dernières années, les gouvernements de gauche n'ont pas conduit une politique cohérente et constructive en matière de formation professionnelle.
    La situation actuelle traduit l'incompétence de l'administration précédente pour faire face à ses responsabilités. Vous devez donc prendre rapidement des mesures, madame la ministre.
    Le déficit démographique de la population française, qui imposera dans les quinze prochaines années de faire venir en métropole plus d'un million de travailleurs, nous permet d'être confiants : le chômage diminuera grâce aux mesures que vous aurez su mettre en oeuvre en faveur des Réunionnais.
    Vous avez mis en place le passeport mobilité. Nous ne vous remercierons jamais assez de permettre aux enfants des familles démunies, aux enfants des pauvres - 40 % de la population touche le RMI - de pouvoir continuer leurs études. Ce dispositif contribue à donner une première dimension concrète au principe de continuité territoriale et il constitue une chance pour nos jeunes. Mais elle ne doit pas être la seule. La Réunion et les départements d'outre-mer sont partie intégrante de la France.
    Toutefois, comment favoriser la mobilité si la compagnie nationale Air France continue de matraquer la population en imposant des prix prohibitifs ? Cette compagnie mène une politique commerciale de voyous, organisée par M. Spinetta. Cela doit cesser ! Air France agit comme si nous étions encore un territoire colonial. Il faut mettre fin - je ne cesserai de le répéter ici et d'ailleurs - au monopole d'Air France !
    Le comportement de cette compagnie nationale est intolérable. Il met non seulement l'économie de notre île en péril, mais, en plus, il provoque, sur le plan humain, des situations dramatiques en contribuant à déchirer les liens familiaux.
    Beaucoup trop de familles restent ainsi plusieurs années sans pouvoir se voir, et de nombreux Réunionnais sont privés du droit ultime de finir leurs jours sur la terre qui les a vus naître, parce que M. Spinetta, président d'Air France, a décidé de pratiquer des tarifs discriminatoires et abusifs.
    Dans ce combat, je vous demande, madame la ministre, de vous engager à nos côtés, avec M. le ministre des transports, pour faire cesser ces abus. Seule une décision politique nationale peut y réussir. Dois-je rappeler que l'Etat est actionnaire d'Air France à 53 % ?
    Savez-vous, madame la ministre, mes chers collègues, que des accords commerciaux sont en cours entre Air France et une grande compagnie régionale de l'océan Indien dans le but de démanteler le trafic aérien entre la Réunion et la métropole ? Les vols passeraient dorénavant par l'île Maurice ! Le prédateur qu'est la compagnie Air France continue de pratiquer sa politique colonialiste ! Il faudra bien que l'Etat s'en occupe.
    Chacun sait que la Réunion occupe une position stratégique dans l'océan Indien. Notre île doit être utilisée comme une porte d'entrée de l'Europe dans l'océan Indien.
    Plus qu'en Corse, la situation de la Réunion justifie la mise en place du concept d'île franche pour nos entreprises tournées vers l'exportation. Ce voeu, que je réitère au sein de notre assemblée, permettrait à la Réunion de servir de « port d'éclatement » vers les autres pays de la zone, à l'instar de ses proches voisins, notamment de l'île Maurice où 10 000 emplois ont été créés ces deux dernières années.
    Les monopoles doivent faire l'objet d'une réglementation. Cela est vrai non seulement dans le domaine du transport aérien, mais aussi dans ceux du commerce et de l'industrie.
    La Réunion ne doit pas appartenir à quelques personnes. Il faut maintenir une saine concurrence pour sauvegarder le commerce traditionnel et le commerce indépendant. Seul un équilibre des forces permettra de protéger le pouvoir d'achat des consommateurs.
    Pour cela, il est urgent de limiter les parts de marché des grands groupes et de mettre un terme à leur entreprise de désertification de nos quartiers, de nos campagnes et de nos centres-villes.
    Aucune dérogation à l'obtention d'une autorisation d'exploitation commerciale ne doit être accordée dès lors que le projet dépasse le seuil de 25 % du chiffre d'affaires annuel hors taxes d'un secteur donné et dans un périmètre à définir. Cette proposition est juste et fondamentale dans le contexte insulaire réunionnais.
    En effet, la grève chez un seul distributeur en situation de monopole provoquerait la rupture de l'approvisionnement et une réaction en chaîne allant des émeutes à la prise d'otage de la population et de l'Etat. Dans cette hypothèse, un renforcement de la réglementation est incontournable. Tout doit être mis en oeuvre pour empêcher que l'économie française d'outre-mer soit placée sous la tutelle de quelques personnes.
    Madame la ministre, je sais que votre loi-programme pour l'outre-mer permettra de donner un souffle nouveau à notre département. Aussi, rien ne sert de s'apitoyer sur les chiffres du budget car nous savons tous qu'ils ne suffisent pas à donner une idée de la politique globale d'un gouvernement.
    Nous vous invitons à continuer à mettre en oeuvre votre programme et à agir avec confiance. Nous savons que vous êtes courageuse et déterminée. Vous pouvez compter sur le soutien de la population réunionnaise. Nous avancerons, malgré les pleurs et les cris de ceux qui, en fait, sont impressionnés par votre action. (Applaudissements sur des bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Rappel au règlement

    M. Jacques Brunhes. Je demande la parole pour un rappel au règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1.
    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement.
    M. Jacques Brunhes. Comme certains d'entre nous, ce n'est pas la première fois que j'entends M. Thien Ah Koon. J'ai même apprécié son attitude quand il a approuvé la loi d'orientation pour l'outre-mer et voté pour les emplois-jeunes lors de la législature précédente.
    Toutefois, je ne peux accepter qu'il nous accuse de l'insulter. Dans cet hémicycle, il y un débat d'idées, et personne n'a insulté personne !
    M. André Thien Ah Koon. Comment ça !
    M. Jacques Brunhes. Ce débat se déroule dans la sérénité, et je regrette vraiment que M. Thien Ah Koon ait rompu avec ce climat en tenant des propos indignes de notre assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. Eric Jalton.
    M. Eric Jalton. Madame la ministre, ce budget, que vous qualifiez de budget de transition, appelle de ma part quelques interrogations.
    D'abord, son augmentation de 1,5 % ne peut, pour l'instant, être réellement appréciée, quand on songe à l'exécution des budgets précédents : 727 millions d'euros de crédits non consommés sur les quatre dernières années, dont la moitié de la ligne budgétaire unique pour 2002, soit un montant effarant quand on sait l'ampleur de nos besoins et de nos retards.
    L'annonce d'un contrôle mensuel de gestion sur l'exécution de ce budget est une mesure que j'approuve sans réserves, dès lors qu'une information des parlementaires sera assurée.
    Dans cet esprit, certains des dispositifs d'évaluation et de suivi des politiques publiques nationales et européennes pour l'outre-mer prévus par la LOOM mériteraient d'être examinés en toute objectivité.
    De même, un souci de transparence et d'efficacité dans l'utilisation des ressources disponibles devra présider à l'exécution des futurs budgets, mais aussi de celui que nous examinons aujourd'hui.
    Selon moi, les priorités actuelles sont de trois ordres : l'emploi des jeunes ; la cohésion sociale ; la continuité territoriale.
    Par rapport à ces priorités, j'ai noté, dans la présentation du budget, de nombreux aspects positifs.
    Il en est ainsi du passeport mobilité qui, avez-vous dit, servira pour les déplacements entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer. Toutefois, les modalités de son attribution pourraient être améliorées.
    Autres points positifs : le renforcement des moyens du service militaire adapté ; l'augmentation de la LBU ; la résorption de l'habitat insalubre ; les mesures favorisant l'accession des plus modestes à la propriété ; l'augmentation du nombre des contrats d'accès à l'emploi ; l'augmentation du nombre des contrats emploi-solidarité et des contrats emploi consolidé pour lesquels des solutions de reclassement doivent être recherchées ; les mesures de reclassement et de prolongation jusqu'à reclassement des emplois-jeunes - je souhaiterais que ces mesures de prolongation durent au-delà de l'exercice 2003.
    J'ai bien entendu vos remarques concernant les projets initiative-jeunes, les congés solidarité et l'allocation de retour à l'activité. Toutefois, j'estime qu'au lieu de diminuer les crédits les concernant, il aurait été plus intéressant de mettre en place un plan d'action particulier, pour atteindre les objectifs fixés et diversifier l'offre.
    Quoi qu'il en soit, je prends acte qu'il s'agit d'un budget de transition, bâti en perspective des futurs dispositifs qui seront mis en place par la loi-programme et qui sont annoncés comme étant orientés vers l'emploi durable dans le secteur marchand et productif.
    Par ailleurs, ce budget ne peut être jugé sans prendre en compte l'ensemble de l'action publique de l'Etat en outre-mer, dont le montant est estimé à 7,8 milliards d'euros.
    Madame la ministre, je vous ai interrogée en commission sur le problème du logement des étudiants des DOM venant suivre leurs études en métropole. J'ai enregistré votre proposition de saisir l'ANT « ressuscitée » de ce problème et d'envisager le conventionnement d'opérateurs pour obtenir des quotas en leur faveur dans le parc immobilier financé par l'Etat. De telles dispositions devraient être étendues aux jeunes d'outre-mer venant en formation ou travailler dans l'Hexagone.
    Pour assurer la continuité territoriale, il faudra aider, éventuellement par le biais d'une défiscalisation et d'une exonération de charges, les compagnies dont le trafic est dédié à l'outre-mer. Pourquoi ne pas étudier la possibilité de redéployer des crédits européens à mi-programme pour financer cette mesure ?
    Je voudrais solennellement faire état ici de deux de mes principales préoccupations concernant l'île de Marie-Galante, qui souffre de son insularité.
    D'une part, le coût élevé du transport de marchandises entre Marie-Galante et le continent guadeloupéen pénalise lourdement l'économie marie-galantaise et constitue une injustice flagrante.
    D'autre part, l'avenir de l'usine de Grande-Anse, à Marie-Galante, usine qui est le poumon de l'île, est incertain. A l'orée de la récolte cannière de 2003, il faudrait de toute urgence mettre en oeuvre les décisions de la convention signée entre les acteurs de la filière canne-sucre-rhum, notamment celles concernant la mise en place d'un comité de suivi et la remise d'un rapport de mission interministériel.
    S'agissant de la filière banane, je voudrais saluer votre contribution à la revalorisation de l'aide compensatoire et à son préfinancement total, tout en restant conscient qu'il reste encore beaucoup à faire pour relancer de façon durable cette filière qui fait vivre, tant bien que mal, 15 000 Guadeloupéens et leurs familles.
    Par ailleurs, un ensemble de structures agricoles diverses peinent à obtenir les financements promis par l'ODEADOM, dont le fonctionnement à cet égard doit être revu.
    Madame la ministre, je soutiens votre volonté déclarée d'intercéder systématiquement auprès des différents ministères, pour faire applicables outre-mer les dispositions positives relatives notamment à la justice, à la sécurité et au contrôle de l'immigration, sujets qui tiennent particulièrement à coeur aussi à « la France de là-bas », c'est-à-dire à l'outre-mer français.
    Madame la ministre, en attendant le grand rendez-vous annoncé de la loi-programme et du budget de 2004, en attendant plus prochainement le projet de loi de finances rectificative, en attendant surtout qu'une évolution sensible de nos institutions, voulue par nos populations outre-mer, nous permettre, au sein d'une République décentralisée et d'une Europe solidaire, de maîtriser un peu plus nous-mêmes notre destin, je voterai, pour vous encourager à respecter vos engagements, sans bonheur outre mesure mais en restant optimiste pour l'avenir, ce budget de transition. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Alfred Almont.
    M. Alfred Almont. La grande diversité des situations politiques et économiques des départements et territoires d'outre-mer fait que l'exercice auquel j'ai l'honneur de me livrer pour la première fois à cette tribune, et qui consiste à porter dans un temps relativement court une appréciation sur le budget national destiné à l'ensemble de l'outre-mer, pourrait m'apparaître quelque peu risqué si je n'y voyais, madame la ministre, l'occasion privilégiée d'apporter ma contribution à ce débat, de participer à cet échange sur la situation de nos régions d'outre-mer en général et sur celle de la Martinique en particulier, que je représente ici. J'aborde ce débat avec un sentiment de fierté, celui de pouvoir apporter mon soutien à un gouvernement qui, à l'évidence, tient ses engagements.
    En dépit du contexte économique, contexte rendu difficile, il faut bien le dire, en raison de la situation que vous recueillez, madame la ministre, mais que vous devez tout de même prendre en compte, le projet de budget que nous examinons est marqué par une volonté gouvernementale forte de permettre à nos régions d'outre-mer de réduire leurs handicaps en matière de développement.
    Apparemment, les choses ne manquent pas de complexité. C'est pourquoi je mesure ce que nous devons à votre engagement personnel, à votre force de conviction et à votre opiniâtreté lorsqu'il s'agit de faire valoir avec objectivité les intérêts des départements et des territoires dont vous avez la charge. Il est vrai que vous les connaissez fort bien, que vous connaissez leurs dures réalités pour les avoir approchées et analysées.
    A la lecture des moyens consacrés à l'outre-mer, je constate, hors toute espèce de suivisme et de psittacisme, qu'ils sont en réelle progression contrairement aux budgets précédents qui n'étaient qu'en augmentation virtuelle. Cette évolution traduit votre volonté d'en finir avec une simple démarche d'engagement, de suivre à présent une politique de vérité tant en matière d'inscription qu'en matière de répartition. Ce qui était raison de crainte devient dès lors motif d'espoir et de satisfaction, car ce projet de budget est construit sur une utilisation effective des crédits affectés. Il est en somme un véritable budget d'exécution, donc un bon budget.
    Le projet de budget nous donne par ailleurs de sérieuses raisons d'espérer puisqu'il prend en compte l'essentiel de nos préoccupations majeures et, en particulier, l'exigence qu'il ne doit plus y avoir de restriction à la création d'emplois durables. Tel est le véritable enjeu !
    Je parlerai tout d'abord de la réorientation du fonds pour l'emploi dans les DOM vers de vrais emplois. Les moyens consacrés aux contrats emploi-solidarité et aux contrats emploi consolidé sont maintenus, mais ceux d'accès à l'emploi augmentent de plus de 11 %. Sur ce point et contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, je suis en mesure d'assurer que le milieu socio-professionnel de la Martinique, que je connais bien, a déjà procédé à l'évaluation des besoins susceptibles d'absorber ce type de contrat. Il faut donc s'en réjouir.
    Les crédits consacrés aux emplois-jeunes sont préservés jusqu'à ce que des solutions individuelles de reclassement soient trouvées. Les moyens consacrés à la formation sont renforcés. Les objectifs prioritaires du Gouvernement se concrétisent peu à peu et ils sont incontestablement de nature à infléchir le niveau de chômage, notamment chez les jeunes, car ils prennent en compte la durée et tendent à la pérennité des situations offertes.
    Je relèverai ensuite la garantie des financements consacrés au logement social, notamment pour ce qui touche à l'accession sociale à la propriété, démarche de nature à contribuer à la dignité de nos compatriotes.
    Je soulignerai, enfin, que des moyens spécifiques sont prévus pour renforcer l'aide au développement économique et social à travers des conventions qui viendront compléter les contrats de plan.
    Je me réjouis, madame la ministre, de la déconcentration des crédits du FEDOM et de la RHI et que certains crédits gérés jusqu'à présent au niveau central - je pense aux bourses pour les étudiants et à la formation - fassent l'objet, pour ce qui concerne la Martinique, d'une certaine expérimentation.
    Les orientations et les priorités que vous avez retenues dans le budget de 2003 assurent concrètement le financement d'un certain nombre de mesures adoptées dès le mois de juiller dernier, comme celui du passeport mobilité qui, on l'a dit, facilitera le déplacement de nos étudiants et de nos jeunes en général, ainsi que leurs études, leur formation et même leur accès à un premier emploi.
    J'enregistre donc avec satisfaction que votre projet de budget est positif. Il se concentre sur des secteurs prioritaires pour tout l'outre-mer que sont l'emploi, le logement social, l'éducation, la formation professionnelle et l'insertion ainsi que le développement économique et social.
    Cela étant, nous attendons tous en même temps qu'une vraie loi de décentralisation la définition et la mise en oeuvre de cette grande loi-programme sur quinze ans à laquelle vous travaillez parallèlement. Vous avez en effet bien conscience que le budget de 2003 ne saurait à lui seul répondre tout d'un coup aux difficultés structurelles qui paralysent nos régions.
    Cette loi-programme, l'ensemble des forces politiques, économiques et sociales de l'outre-mer s'accorde à la reconnaître comme étant la véritable réponse au défi du développement sain et durable en raison des mesures d'exception qu'elle tend à mettre en oeuvre, notamment sur le plan fiscal, pour libérer l'activité, créer la richesse et procurer l'emploi. De telles mesures doivent pouvoir relancer vigoureusement l'investissement car c'est sur le terrain économique et social que se joue l'avenir d'une région où la croissance économique ne repose pratiquement, hélas, que sur une politique de transferts sociaux.
    Le moment est plus que jamais venu d'imaginer et de mettre en application des mesures susceptibles de satisfaire aux exigences de la cohésion car, il faut bien le dire, la situation économique et sociale à la Martinique va pendant un certain temps encore demeurer préoccupante en dépit du dynamisme des acteurs économiques locaux.
    Vous connaissez, madame la ministre, les problèmes particuliers que nous avons déjà entrepris, avec vous et vos collaborateurs, de résoudre. Mais ils nécessitent un traitement de fond énergique et urgent et, pourquoi ne pas le dire ? dérogatoire du droit commun jusqu'à ce que nous ayons atteint des résultats significatifs capables notamment d'améliorer véritablement notre PIB.
    Je voudrais parler de l'état extrêmement préoccupant de nos structures hospitalières à la Martinique, qui résulte notamment de leur situtation financière et de leur trésorerie, de problèmes d'effectifs et de formation de leur personnel, de la reconstruction et de la modernisation d'établissements dont la vétusté fait peser de graves menaces sur la qualité des soins. Sur ce dernier point, il y a une singulière occasion de contribuer à la commande publique.
    Un autre secteur suscite de plus en plus notre angoisse : le secteur agricole.
    L'agriculture est, vous le savez, au coeur des intérêts de la Martinique. Elle est son principal pourvoyeur en termes de production pour l'exportation et elle contribue fortement à l'emploi puisqu'elle fait vivre 25 000 familles.
    S'agissant de la production bananière, les planteurs sont confrontés, en raison de la persistance de la mauvaise tenue des cours du marché, à des difficultés de trésorerie insupportables. Certes, la négociation conduite très récemment par la France à Bruxelles a conduit à une appréciable augmentation du montant de l'aide compensatoire. Mais cette revalorisation demeure insuffisante pour résoudre les difficultés de trésorerie dues à l'état de surapprovisionnement du marché par les pays tiers, conséquence d'un accord passé entre l'Union européenne et les Etats-Unis autorisant la transférabilité du quota ACP aux pays tiers. C'est cela, madame la ministre, qui justifie la demande d'une plus forte revalorisation de l'aide compensatoire et l'intervention du fonds de garantie.
    Quant à l'ananas, il importe désormais, dans le prolongement des décisions récentes que vous avez largement contribué à faire prendre, de renforcer le caractère durable du développement de cette filière en obtenant les agréments nécessaires à la pérennisation des petites exploitations, au soutien à l'outil industriel et à l'activité de transformation, à l'orientation de la production vers une meilleure valorisation tant du produit frais que du produit transformé.
    Pour ce qui est de la sécurité, il me paraît désormais impératif de mettre des moyens au service d'une meilleure surveillance aux frontières et de renforcer ainsi le contrôle de notre espace maritime côtier pour lutter efficacement contre les trafics de cabotage et l'immigration clandestine. Comme je le préconise depuis longtemps, si nous voulons renforcer les moyens déjà mis en oeuvre et qui, il faut le souligner, sont toujours mieux coordonnés, le souci d'efficacité commande que nous passions avec les pays voisins des accords de coopération dans le cadre d'une politique concertée de la sécurité, par le biais de véritables conventions.
    J'en viens aux transports aériens.
    Vous savez à quel point il est essentiel de réduire le handicap de la distance tant pour les personnes et les biens que pour les besoins du secteur touristique. Je sais l'intérêt que vous attachez à trouver les réponses nécessaires, convaincue que vous êtes qu'en matière de desserte aérienne la concurrence doit prévaloir sur le monopole et que la baisse des coûts et l'accroissement des capacités sont des priorités.
    Sans doute serait-il intéressant d'informer l'Assemblée du travail qui est en cours au niveau du Gouvernement en ce domaine.
    La réduction du coût du transport du son et de l'image devient aussi une priorité quand on sait que les clés d'un autre développement sont aujourd'hui les nouvelles technologies de l'information et de la communication ainsi que la recherche scientifique, fortement génératrices de valeur ajoutée.
    Je voudrais enfin insister sur la nécessité, que vous avez reconnue, madame la ministre, de mettre à niveau les finances des collectivités locales, aujourd'hui incapables de répondre aux besoins collectifs et individuels qui se développent, incapables de promouvoir la commande publique dans des conditions acceptables - une commande publique qui est en baisse depuis le début de l'année et dont l'atonie fragilise les entreprises du BTP au point de les mettre en péril !
    Les prévisions pour 2003 sont d'autant plus pessimistes que les délais de règlement des opérations traitées depuis vingt-quatre mois ne cessent de s'allonger.
    La solution consiste non seulement à relancer une politique d'investissements lourds et structurants, mais aussi à favoriser la mise en place d'emprunts relais pour permettre aux maîtres d'ouvrage de financer leurs projets lorsqu'ils manquent de trésorerie, à injecter les fonds nécessaires au paiement des entreprises pour les travaux déjà réalisés et à adapter le code des marchés publics à la situation de nos départements et territoires, où les entreprises ont tenu compte de la taille de leur marché.
    Au-delà de ces préoccupations auxquelles vous entendez, madame la ministre, je le sais, apporter une solution dans les meilleurs délais et conditions possibles, je voterai votre projet de budget, qui a le mérite d'être lucide et, tout compte fait, audacieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira-Delannon. Madame la ministre, l'un de nos rapporteurs, M. Beaugendre, nous a annoncé un « budget vérité », en écho, je suppose, à vos déclarations sur la sous-consommation des crédits et l'affichage. C'est un zèle bien compréhensible en ce début de législature. Mais nous en reparlerons l'an prochain et sans doute à l'occasion du projet de loi de finances rectificative.
    Je me demande si l'exécution de votre budget échappera totalement aux inerties et aux pesanteurs, surtout si vous ne les nommez pas et si les déverrouillages ne sont pas prévus. A moins que vous n'ayez décidé de nous dire ce que les préfets ont mal fait ou ce qu'ils n'ont pas fait, ce que les services extérieurs de l'Etat outre-mer n'auraient pas mis en oeuvre, ce que les collectivités n'auraient pas engagé et, surtout, quelles mesures et quels rappels à l'ordre vous envisageriez pour ce qui relève de l'autorité de l'Etat.
    Je préfère quant à moi retenir votre formule de « budget de transition ». En effet, eu égard à la loi de programme que vous nous préparez, au projet de loi constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République dont nous débattrons dans une dizaine de jours, au fait qu'en dépit de notre réforme de l'ordonnance de 1959, 80 % de votre budget sont constitués de crédits votés, donc reconduits et que celui-ci ne représente que 12 % de la totalité des crédits destinés à l'outre-mer, il est évident que nous sommes à la fois dans la transition et, de temps en temps seulement, un peu dans l'inflation.
    Certains pourraient trouver là quatre raisons de traiter à la légère ce budget. Ce serait un tort parce que, au-delà des crédits dont nous connaissons les astuces d'additions et de soustractions, il y a les orientation et les priorités et, surtout, le poids qu'elles font peser sur l'état de santé de notre économie et leurs effets, année après année, sur le moral de ceux qui créent les activités, sur l'enthousiasme de ceux qui enseignent, sur la patience de ceux qui soignent, sur les chances de ceux qui ont déjà lâché prise, sur le dépeuplement des communes, sur la désertion des villes, sur la déshérence d'une jeunesse qui est redevenue nomade, non pas par choix, mais par nécessité.
    Vous affichez l'emploi et le logement comme priorités et vous martelez votre volonté de créer des emplois pérennes. Je voudrais juste savoir si vous parviendrez à vos fins avec le seul FEDOM avec, pour seule politique de financement de l'économie, une défiscalisation qui ne sert qu'à pallier les insuffisances bancaires, sans donner de réponse ciblée aux besoins des entreprises, notamment pour ce qui concerne leur haut de bilan, sans prévoir d'accompagnement rigoureux et vigoureux de l'artisanat, y compris dans les zones enclavées, avec une aide à l'export, ni d'effort déterminant sur le transport, le fret et la conquête de nouveaux segments de marchés, sans prévoir de réajustement en profondeur du CPER et du DOCUP.
    Un des rapporteurs nous a affirmé que le dispositif des emplois-jeunes avait été dispendieux. Les jeunes qui ont trouvé par ce biais leur premier emploi, ceux qui ont pu être recrutés en cours de contrat, ceux qui ont pu bénéficier d'une formation à leur mesure, tous ceux qui se souviennent qu'avant 1997 les pouvoirs publics ne tenaient aucun compte du chômage des jeunes et qu'aucun dispositif spécifique n'avait été mis en place à leur intention, tous ceux qui se rappellent les « jobs », qui ont joué les bouche-trous et qui savent à quel point la grande précarité est déstructurante et peut être funeste en début de vie, tous ceux-là apprécieront et ils seront heureux de savoir que Zorro est arrivé ! (Sourires.)
    Peut-être y a-t-il là une approche qui peut nous fournir une clé de compréhension du traitement réservé aux PIJ, les projets initiative jeune.
    Je cite : « Réduction notable des enveloppes ouvertes pour cause de montée en charge qui n'a été que progressive. »
    Dans nos pays d'outre-mer, la moitié de la population n'a pas vingt-cinq ans et, face à une faible mobilisation des crédits, au lieu d'en évaluer les causes et de s'interroger sur la fluidité de l'information, la qualité de l'accompagnement, les conditions d'émulation dans un contexte social et historique peu incitatif, au lieu de créer les conditions d'une montée en puissance du dispositif, vous nous annoncez une réduction des crédits ! Cette tranche d'âge qui, démographiquement, est la plus dense, doit donc se contenter de prendre acte d'une réduction, d'un rétrécissement des ambitions qui avaient été nourries pour elle.
    Ceux qui, au bout de dix ans de loi de défiscalisation, nous expliquaient, sans qu'il y ait de création significative d'emplois, qu'il fallait encore donner sa chance à cette loi, nous disent aujourd'hui, au terme d'un an seulement d'application des PIJ, que le dispositif n'est pas fiable, qu'il n'a pas fait ses preuves et qu'il doit être, si on ne le jette pas aux orties, assoupli.
    Je pense que l'emploi est un enjeu trop important pour qu'il serve à une guérilla partisane. Nous avons suffisamment de points de désaccord pour ne pas fourbir nos armes sur le dos de ceux qui sont privés de liberté et de dignité en étant privés d'emploi et d'espoir.
    Votre seconde priorité est le logement.
    Les aides à la pierre, rassemblées dans la LBU fongible, sont complétées par les aides à la personne, avec un alignement sur le taux intermédiaire de la France métropolitaine. La disposition était déjà dans les cartons, puisqu'elle est réclamée par les opérateurs immobiliers et par les usagers, relayés par les parlementaires.
    Lors du congrès de l'Union nationale des HLM qui s'est tenu à Lyon le 3 octobre, vous avez exposé vos intentions concernant l'accès au logement, la qualité et la sécurité dans les immeubles, ainsi que l'allégement de la taxe foncière sur les propriétés bâties dans le cas de travaux de réhabilitation. On sait néanmoins que le rythme de construction est insuffisant. Les FRAFU ont montré qu'ils étaient efficaces en certains endroits, en Guyane par exemple. Par contre, l'EPAG n'a pas atteint son rythme de croisière, et il ne l'atteindra pas si n'est pas levée la pression extrêmement forte sur le foncier artificiellement raréfié, si les ruses bureaucratiques continuent de ralentir l'application des textes, si le CNASEA doit avaler l'EPAG tout cru, si les maires traînent toujours les pieds par peur de résidents qui seraient des électeurs indociles, si l'on ne fait pas appliquer un certain nombre de principes essentiels tels que le respect de la propriété privée et, surtout, si l'on ne débloque pas un processus d'aménagement et de cession des terres qui constitue aujourd'hui une véritable prime à l'incivisme.
    En matière de logement, la seule ambition acceptable est celle de la propriété qui libère et qui sécurise. Déjà en 1848, Victor Hugo disait : « La propriété est la base de la liberté : nous ne la voulons pas pour quelques-uns, nous la voulons pour tous. »
    Enfin, les grands axes de la loi de programme nous sont annoncés : « Un développement durable fondé sur une logique d'activité, de responsabilité, et non plus sur l'assistanat. »
    Que n'avons-nous entendu cet après-midi dans la bouche des rapporteurs sur l'« assistanat » ! Voilà donc revenus les poncifs insultants ! Le précédent gouvernement avait quand même pris la précaution de supprimer l'assistanat de son vocabulaire pour ne retenir que la solidarité, sans doute par égard pour la vitalité de l'économie informelle, mode de subsistance, lieu de résistance, de créativité populaire, où s'amortissent justement les crises d'un système d'exclusions massives ; sans doute par égard pour l'échange inégal entre les emplois subalternes offerts aux ressortissants d'outre-mer en France métropolitaine et les emplois surrémunérés et primés offerts aux fonctionnaires détachés outre-mer ; sans doute par égard pour la facilité d'accès aux marchés d'outre-mer alors que les productions d'outre-mer, mis à part la canne et la banane, doivent suivre hors de leurs frontières un véritable parcours clouté ; sans doute par égard pour ceux qui ont été frappés par les ordonnances d'exil de 1960, pour ceux qui ont connu des procès d'exception, des emprisonnements sans jugement, des exécutions extrajudiciaires, pour ceux qui ont dû supporter les restrictions à la liberté d'expression.
    Alors, madame la ministre, si vous devez développer et intensifier l'assistance à la jeunesse en danger, aux personnes malades du sida, aux victimes du paludisme, aux personnes âgées exposées à l'insécurité, il ne s'agira ni d'assistanat ni d'aumône, mais simplement d'une réponse à la hauteur de la générosité de ceux qui, tous les jours, avec courage, affrontent les croche-pattes de la vie, donnent du sens au travail là où on leur dénie des responsabilités, ont accumulé des connaissances, inventé des techniques, créé des armes, ranimé des mots, préservé des patrimoines et, surtout, développé des relations de voisinage qui permettent à la France de se sentir en famille à l'AEC, d'être traitée en voisine par le Brésil et le Canada, d'être reconnue hôtesse pour la Commission de l'océan Indien, d'être la bienvenue dans la Commission du Pacifique.
    Nous ne sommes pas des assistés, et nous exigeons honneur et respect ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax.
    M. Bertho Audifax. Madame la ministre, votre budget 2003, compte tenu de la préparation de la loi de programme, aurait pu n'être qu'un budget au fil de l'eau. Mais vous avez voulu dès à présent marquer votre volonté de donner aux chiffres une réalité tangible, de privilégier l'exécution plutôt que l'affichage et surtout d'affirmer des priorités dans les domaines de l'emploi, de la formation et de l'insertion professionnelles et du logement social. Vous savez, madame la ministre, combien je partage ces priorités.
    Des esprits chagrins vous diront qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, mais nous, insulaires, nous vous dirons que le soleil ne brille pas de la même façon pour tout le monde. Dans le passé, ce soleil nous a éblouis de promesses, de faux emplois sans avenir, de velléités d'insertion affirmées, mais jamais réalisées. Certes, la tâche est rude, mais c'est bien parce qu'elle est rude qu'elle doit s'accompagner d'une vérité sans fard, sauf à vouloir substituer demain le désespoir aux difficultés d'aujourd'hui. Nous choisissons ensemble, madame la ministre, le langage de la vérité comme vous le faites aujourd'hui avec ce projet de budget pour 2003.
    Je voudrais surtout m'attacher à souligner l'importance, pour nous, de la formation et de l'insertion professionnelles. A la Réunion, chaque année, 8 000 jeunes sortent du système scolaire. Nous créons, au prix de gros efforts, 3 500 emplois par an et l'enjeu de la loi-programme sera de porter ce nombre à 4 500 ou 5 000 emplois par des mesures spécifiques. Cela signifie que, chaque année, il restera 3 000 à 3 500 jeunes sans perspective professionnelle si nous nous cantonnons au seul horizon de l'île de la Réunion.
    Parallèlement, dans notre monde « indian-océanique », nous sommes la seule région à bénéficier d'un système de formation égalitaire, moderne et cohérent. Nous pouvons donc prétendre demain aider nos voisins dans leur développement grâce à ce niveau de formation. Parallèlement encore, se profile ici, en Europe, par le jeu des départs à la retraite et de la pryamide des âges, un manque certain de relève professionnelle.
    Notre région Réunion doit devenir la région de la formation. C'est un formidable défi à relever. C'est une extraordinaire expérience, une formidable expérimentation que peuvent entreprendre, en urgence, l'Etat, les collectivités locales réunionnaises et les entrepreneurs réunionnais. Faire des jeunes Réunionnais non pas des « prétendants-titulaires » aux emplois aidés, mais des femmes et des hommes aptes à prendre dans le monde, et surtout en Europe, grâce à leur savoir, grâce à leur intelligence, toute leur place dans le monde du travail. Former, aider à la mobilité, accompagner cette mobilité, insérer dans le secteur productif, voilà tout l'enjeu des prochaines années et il est symbolique, madame la ministre, que votre première grande mesure ait été celle du passeport mobilité.
    Que la loi de programme confirme demain notre ambition commune pour la formation et la mobilité des jeunes, comme l'affirme aujourd'hui avec réalisme votre projet de budget pour 2003. Nous aurons à vaincre ensemble les difficultés de rattrapage d'un système scolaire devenu partiellement inadapté, à surmonter les peurs de l'isolement en améliorant les mesures d'accompagnement, à résoudre les problèmes majeurs de logement en métropole pour les originaires des DOM, et nous aurons ainsi sauvé les jeunes Réunionnais de l'empilement des fatalités, de l'accumulation des renoncements et donc du désespoir. Vous aurez aussi permis à la France, à l'Europe, de disposer d'un vivier de jeunes Français ouverts aux autres, car nés du métissage, compétents et courageux - personne ici n'en doute, et surtout pas moi -, car ils refusent l'assistance.
    Parce que je crois en cette action, parce que je pense pouvoir vous faire partager cette vision optimiste de l'avenir de la jeunesse des DOM, je suis entièrement à votre disposition pour l'élaboration de votre loi-programme et j'invite mes collègues à approuver votre projet de budget pour 2003.
    Un dernier mot, madame la ministre, pour vous rappeler qu'avec le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, vous devez, en urgence, en tout cas avant le début de l'année 2003, trouver une solution aux difficultés créées par l'application sans aucune précaution de la CMU dans les DOM, qui a marqué une régression pour la santé des personnes âgées et handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre.
    M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, notre collègue Lurel a prétendu que tout avait été dit. Je vais lui prouver le contraire. Suivisme non contraint, madame la ministre. Je me félicite que le Gouvernement ait enfin fait une large place à nos régions en se dotant d'un ministère de plein exercice...
    Mme Huguette Bello. Quelle avancée !
    M. Joël Beaugendre. ... qui, de surcroît, insuffle une nouvelle dynamique à la politique menée outre-mer.
    M. Victorin Lurel. Avec un budget en diminution !
    M. Joël Beaugendre. Le projet de budget pour 2003 donne la priorité non pas à des études, comme les précédents, mais aux engagements du Président de la République et à l'action du nouveau gouvernement en concentrant ses efforts, d'une part, sur l'emploi, l'insertion et la mobilité professionnelles et, d'autre part, sur le logement, avec la résorption de l'habitat insalubre et la construction de 16 000 logements dans nos régions ultramarines. En prévoyant des crédits destinés à aider les occupants des cinquante pas géométriques, vous inscrivez votre budget dans une dynamique pragmatique qu'ils attendent depuis la loi de 1995.
    Votre budget, bien que de transition, affiche de nettes priorités. Il est en progression et c'est avec une grande conviction que j'affirme que c'est un budget d'ambition et de qualité, car en rupture avec la politique précédente de sacrifice de nos régions. Il satisfait l'attente de nos populations et de nos élus qui comptent sur la réalisation d'une politique nouvelle d'essor économique contenue dans la loi-programme à venir. Le projet de budget de l'outre-mer pour 2003 en pose les prémisses.
    Madame la ministre, lors de l'examen du budget de l'outre-mer en commission, vous nous avez rassurés au sujet de la revalorisation de l'allocation-logement, de la dotation globale de fonctionnement des communes et de la régularisation de la dotation globale de décentralisation des collectivités d'outre-mer. Vous nous avez fait aussi part de la mauvaise mise en oeuvre de la CMU, qui a eu des effets particulièrement inquiétants quant à la dotation globale de décentralisation des collectivités.
    J'ose espérer qu'une solution sera trouvée afin de limiter les conséquences fâcheuses pour les budgets des communes de la Guadeloupe, communes pénalisées par un contingent d'aide sociale loin de la réalité de l'action sociale, mais ayant eu pour but l'apurement de la dette d'une autre collectivité locale. Cela ne peut que fausser le montant de leur dotation globale de fonctionnement.
    Par ailleurs, madame la ministre, l'actualité m'amène à vous interroger sur l'avancée de votre action et de celle de votre gouvernement en faveur des producteurs de la banane antillaise. En effet, depuis 1993, la profession bananière, singulièrement celle de la Guadeloupe, a subi une perte sèche de 147,48 millions d'euros, soit près de un milliard de francs. La filière de la banane est aujourd'hui sinistrée, la profession ruinée. Les professionnels ne possédant plus de fonds, leurs dettes passées ne peuvent pas être honorées.
    Outre les conditions climatiques - coups de vent, cyclones -, les professionnels de la banane de la Guadeloupe sont confrontés à une baisse des prix sans précédent, due à la concurrence des pays ACP et de la banane dollar. Mais la concurrence est d'autant plus rude et injuste quand elle vient de l'Europe, dont notre région fait partie intégrante. Elle est d'autant plus rude quand on sait que le marché européen est suralimenté et que la banane antillaise, dont la qualité gustative est fortement appréciée et reconnue, ne parvient pas à résister.
    J'attire votre attention sur la disparité considérable qui persiste dans le calcul de l'avance sur l'aide compensatoire. Le prix du kilo de bananes en provenance des Canaries est de 47,2 centimes d'euro, soit 3,10 francs, alors que celles de la Guadeloupe et de la Martinique plafonnent à 22,9 centimes d'euro le kilo, soit 1,50 franc. L'avance sur l'aide compensatoire de 19,3 centimes d'euro, soit 1,30 franc, ne porte le coût du kilo de la banane antillaise qu'à 42,7 centimes d'euro - 2,80 francs -, alors que celui de la banane des Canaries passe à 67,1 centimes d'euro, soit 4,40 francs. Vous avouerez que cette disproportion est d'autant plus inadmissible que le prix de référence est de 64 centimes d'euro et qu'il s'en trouve totalement faussé. Dès lors, le coût de production n'est couvert qu'à 96 % pour les bananes antillaises, alors qu'il l'est à 134 % en Grèce et à 104 % aux îles Canaries et à Madère. En conséquence, je ne peux que me prononcer pour une revalorisation urgente et immédiate de l'aide compensatoire.
    Les groupements des producteurs de bananes sont inquiets et révoltés. Ils ne comprennent pas que l'on ne puisse résoudre ce problème qu'ils dénoncent depuis de nombreuses années et sont en droit de condamner le mauvais suivi du comité de gestion de Bruxelles. La filière est aujourd'hui en grave danger de disparition. Les conséquences, catastrophiques et déstabilisantes, en seront des difficultés sociales sans précédent et un accroissement du chômage de plus de 50 %, alors que le nouveau gouvernement s'est inscrit dans une logique de résorption du retard de développement économique de nos régions.
    Madame la ministre, sachant que la compensation de 2,87 centimes d'euro par kilo que les producteurs ont obtenu il y a quelques jours n'est pas satisfaisante, quelle politique urgente et prioritaire comptez-vous mettre en oeuvre, en collaboration notamment avec les ministres des finances, de l'agriculture et des affaires européennes, en vue d'assurer la pérennité de la filière antillaise de la banane ? Je vous remercie de votre attention et de la réponse que vous m'apporterez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.
    M. Mansour Kamardine. Mes premiers mots, madame la ministre, sont pour dire mon émotion en pensant à tous ceux qui sont passés ici avant nous, qui ont bâti cette République telle que nous l'aimons tous, diverse, multiple, tous ces hommes qui ont permis à toutes nos populations d'avoir leur place au sein de la nation.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et les femmes ?
    M. Mansour Kamardine. Les femmes n'appartiennent pas à la gauche. Elles nous appartiennent à tous !
    Mme Christiane Taubira-Delannon. Elles n'appartiennent qu'à elles-mêmes !
    M. Mansour Kamardine. Elles appartiennent à l'humanité. Je veux dire aussi mon émotion, madame la ministre, de vous voir à cette place. Qui aurait pensé, en effet, il y a seulement quelques mois, que vous occuperiez ce poste et que vous assumeriez la responsabilité de ces territoires ultramarins que vous aimez, nous le savons pour vous avoir vue à l'oeuvre ?
    L'examen du budget de toute collectivité publique a toujours été un moment important dans la vie politique de celle-ci.
    Important parce que c'est la décision qui permet d'améliorer le bien-être de nos concitoyens et de vérifier la conformité des actions prescrites aux engagements politiques pris devant le corps électoral.
    Important également s'agissant du budget de l'outre-mer, car c'est le moment dans la vie de la nation le plus propice à permettre au Gouvernement et à la représentation nationale de préciser la place de nos contrées ultramarines dans la politique économique, sociale et culturelle du pays.
    Important, surtout, est le budget de l'outre-mer pour 2003, dans la mesure où il assure une rupture nette avec la politique de ces dernières années, où le verbe et l'incantation avaient pris le pas sur l'action.
    Important, enfin, car c'est le premier budget de mise en oeuvre des engagements que le Président de la République a pris avec les populations d'outre-mer.
    Sur ce terrain, en cinq mois seulement, l'action du Gouvernement outre-mer force l'admiration. J'y reviendrai. En attendant, il convient d'éclairer la représentation nationale sur la situation dans laquelle vous avez trouvé ces pays d'outre-mer au soir du 8 mai dernier :
    Une immigration clandestine de grande ampleur.
    Une insécurité grandissante avec des atteintes aux personnes et aux biens en progression constante. La peur avait gagné toutes les couches de la société...
    M. René-Paul Victoria. Eh oui !
    M. Mansour Kamardine. ... de sorte que les populations n'osaient plus aller aux fêtes traditionnelles nocturnes ou dans leurs champs.
    Une crise économique sans précédent dans le bâtiment et dans la grande distribution, deux secteurs importants à Mayotte et qui ont perdu la moitié de leurs emplois.
    Une tension sociale extrême dans la fonction publique. Certains agents attendent depuis 1996 leur intégration dans la fonction publique de l'Etat, d'autres attendent l'avènement d'une véritable fonction publique moderne, capable d'accompagner la collectivité dans son évolution institutionnelle.
    Des biens de première nécessité, dont l'eau et l'électricité, les plus chers du territoire national.
    Bref, c'est un véritable champ de mines où les bombes à retardement étaient prêtes à exploser d'une minute à l'autre, à cause d'un nombre considérable de promesses non financées, et donc non tenues.
    M. Pierre Hellier. Eh oui !
    M. Mansour Kamardine. C'était la politique du paraître et de l'incantation, la politique du virtuel. Le comité de suivi de l'accord du 27 janvier 2000 ne s'était ainsi plus réuni depuis novembre 2000, et ce n'était pas faute, pour la partie mahoraise, d'avoir demandé sa convocation.
    Le XIIe contrat de plan n'est exécuté qu'à hauteur de 7 %, malgré l'affichage de plusieurs milliards de francs promis à la collectivité départementale.
    Croyant en la parole de la France, Mayotte a même préfinancé des opérations relevant de l'Etat dans les domaines de l'environnement, de l'assainissement ou du cadastre, sans jamais être sûre d'être remboursée.
    La loi du 11 juillet 2001 n'a pas connu un sort meilleur, puisque le gouvernement d'alors n'a pas cru devoir prendre le décret relatif à l'intervention du FCTVA, pourtant attendu avec impatience par les communes mahoraises, dont la situation budgétaire est des plus préoccupantes. Le remboursement, par l'Etat, des frais de fonctionnement de ses missions régaliennes à la collectivité départementale sur le fondement de l'article 65 de la loi susvisée est à verser dans le même panier des engagements non tenus.
    M. Pierre Hellier. Eh bien !
    M. Mansour Kamardine. Dans le domaine sanitaire tout d'abord, force est de relever qu'au moment où, au plan national, l'on parle du plan Hôpital 2007 le centre hospitalier de Mayotte, qui a une vocation régionale, se bat pour équilibrer son budget dont le déséquilibre chronique date de sa création en avril 1997.
    L'élaboration du schéma territorial d'organisation de la santé et le rattachement des dispensaires à l'hôpital décidé par l'ordonnance du 27 mars 2002, prévu pour le 1er janvier 2003 et dont le décret d'application est, là encore, en attente de parution, ne sont pas davantage financés.
    Dans le même temps, le projet de clinique privée à but non lucratif, complémentaire de l'établissement public du centre hospitalier de Mayotte, n'a pas reçu les autorisations administratives de la DASS pour des raisons inexpliquées, malgré la pauvreté de l'offre locale de soins.
    Et, pour couronner le tout, les praticiens de cet établissement attendent d'être reconnus, à l'instar de leurs confrères de métropole ou des DOM, dans leur statut de praticiens hospitaliers avec les conséquences qui en découlent au niveau de la rémunération comme de la couverture sociale.
    Les postes vacants sont peu attractifs, et l'on assiste à une sous-médicalisation des services et à une forte rotation des personnels soignants. Le développement de la structure se trouve encore un peu plus fragilisé.
    Cette situation ne peut plus durer, sauf à accepter de graves dysfonctionnements et des mouvements sociaux. En un mot, c'est tout le système de santé mahorais et ses médecins qui sont malades. Il faut les soigner en urgence.
    Madame la ministre, voilà rapidement brossée la situation dans laquelle vous avez trouvé Mayotte lors de votre prise de fonctions,...
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Ce n'est pas brillant !
    M. Mansour Kamardine. ... une île, française depuis 1841, aujourd'hui classée parmi les pays et régions les moins avancés que nous connaissons.
    Face à cela, et sans tarder, vous avez défini avec courage votre méthode, consistant à prendre votre temps, en allant à la rencontre des populations pour les écouter et les comprendre, et en n'annonçant que les choses décidées. Cette méthode est révélatrice de la haute idée que vous vous faites de la place de l'outre-mer dans la France et dans la République.
    Six mois seulement et déjà les résultats sont là. Nous n'aurons pas à rougir de votre bilan. Je ne citerai que des exemples qui me paraissent symboliques : le passeport mobilité pour les jeunes ; la continuité territoriale ; la lutte contre l'insécurité au travers du groupement d'intervention de Mayotte dont les résultats, notamment en matière de lutte contre l'immigration clandestine, marquent une rupture avec le laxisme du passé.
    Je voudrais saluer l'action conduite localement sous votre impulsion et sous l'autorité de M. le préfet par les militaires de gendarmerie et les fonctionnaires de la police. J'ai pu les rencontrer sur place et tous me disent combien ils sont heureux de recevoir des instructions claires et précises pour mettre en oeuvre de la politique du Gouvernement.
    M. Pierre Hellier. Très bien !
    M. Mansour Kamardine. Dans le même temps, vous avez ouvert d'importants chantiers, dont celui de la réforme institutionnelle outre-mer et celui du développement économique.
    Avec la construction de l'aérogare de Pamandzi, du deuxième quai de Longoni ou encore du marché territorial de Mamoudzou à travers la convention de développement en cours de discussion, vous renouez avec la politique des grands travaux et des infrastructures nécessaires au décollage de l'économie de l'île.
    J'ai noté avec satisfaction qu'une seule voie vous guide : celle tracée par le président de la République, qui doit se traduire à terme, après l'égalité sociale dans les DOM, par la réalisation de l'égalité économique fondée sur une logique d'activité et de responsabilité, et non d'assistance.
    M. Pierre Hellier. Très bien !
    M. André Thien Ah Koon. Bravo !
    M. Mansour Kamardine. Mayotte y aspire fortement, comme elle aspire à l'égalité sociale. Elle ne peut plus accepter d'être considérée à part, au nom de la « spécificité », terme barbare et sans saveur dont l'évocation et l'utilisation abusive permettent de justifier les discriminations dont Mayotte est l'objet depuis de nombreuses années. Je souhaite pour ma part, madame la ministre, que le Gouvernement utilise davantage le terme d'intégration en parlant de Mayotte.
    Nous savons pouvoir compter sur votre engagement personnel pour faire avancer tous les dossiers en retard. Je n'en citerai que quelques-uns, pour ne pas alourdir le débat : le décret relatif à l'application de l'ordonnance du 21 février 2002 en droit du travail et de l'emploi à Mayotte ; le décret relatif à l'application de l'ordonnance du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale ; la reprise de l'ordonnance du 7 février 2002 relative à l'extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale ; l'ordonnance sur la péréquation tarifaire dans le domaine électrique, le texte actuellement soumis à l'avis du conseil général ne pouvant reçevoir l'approbation de la collectivité départementale.
    Réussir le développement de Mayotte suppose la réalisation en urgence de la piste longue d'aviation permettant l'accueil de gros porteurs. Vous vous êtes engagée à faire réaliser avant la fin du prochain semestre, les études de faisabilité de cette piste. Nous en attendons avec impatience les résultats.
    L'Etat ne peut non plus faire l'économie du financement du réseau « SAFE », le réseau à haut débit des nouvelles technologies de l'information et de la communication, pour relier Mayotte au reste du monde, sauf à considérer, ce que je ne crois pas, que l'avenir économique, éducatif et culturel de l'île est entièrement à part des enjeux de la nation. Dans cette perspective, je m'interroge sur l'opportunité de négocier un avenant au contrat de plan actuellement inexécuté pour redéployer ces sommes au financement de ce réseau.
    Par ailleurs, deux dossiers me tiennent particulièrement à coeur ; je veux parler de l'intégration de Mayotte aux régions ultra-périphériques et de la participation des jeunes Mahorais aux prochains Jeux des îles de l'océan Indien, qui se dérouleront à Maurice au mois d'août 2003.
    Sur la question des RUP, je vous ai déjà fait part de notre très ferme volonté de bénéficier au plus tôt de ce statut, malgré la lourdeur de la procédure à laquelle la France est soumise, pour faire passer Mayotte du statut de PTOM - pays et territoire d'outre-mer - à celui de RUP, beaucoup mieux adapté aux besoins de l'île.
    Par ailleurs, la participation de Mayotte aux prochains Jeux des îles ne saurait être remise en cause, comme l'a rappelé très opportunément M. le président de la République lors de sa venue à Mayotte au mois de mai 2001.
    La première raison d'être de la République, disait notre cher Président, M. Jacques Chirac, est d'assurer l'égalité des citoyens, sans distinction de race, d'origine ou de religion, distinction qui est la négation même de l'idée de démocratie et, surtout, de l'idée de République. Je sais que c'est cette idée d'égalité revendiquée par les Mahoraises et les Mahorais qui guide l'action du présent gouvernement. Je veux vous redire, à travers mon vote favorable à votre budget, toute notre confiance et notre gratitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.
    Mme Juliana Rimane. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'outre-mer doit au Président de la République, dont tout le monde connaît le profond attachement à ces régions lointaines, d'être à nouveau considéré comme une chance et un atout incontestable pour la France.
    M. Gérard Grignon. Bravo !
    Mme Juliana Rimane. La transformation du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en un ministère de plein exercice, la nomination d'un élu d'outre-mer au sein du Gouvernement et l'élaboration d'un projet de loi-programme à quinze ans sont les signes forts du changement radical de vision que la puissance publique a de son outre-mer. Cette nouvelle orientation doit permettre de modifier l'image abusivement répandue dans l'opinion selon laquelle ces collectivités d'outre-mer ne sont que des « danseuses de la République »,...
    M. Victorin Lurel. C'était Giscard d'Estaing, ça !
    Mme Juliana Rimane... aussi inutiles que dispendieuses. D'autant que cette image s'est fortement dégradée sous le précédent gouvernement, dont on a pu mesurer le désintérêt à travers son inertie.
    Dans une conjoncture économique difficile, vous avez su présenter un budget en augmentation, c'est heureux. Vous avez rappelé que ce budget est un budget de transition, que la future loi-programme pour l'outre-mer recevra une traduction budgétaire concrète dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2003 et, surtout, dans le budget pour 2004. J'en prends acte.
    Le projet de loi-programme traduit incontestablement cet engagement du Gouvernement en faveur de l'outre-mer. Cependant, pour qu'il atteigne pleinement son objectif, qui est le développement durable de ces régions, il me paraît important que les nécessaires mesures de soutien aux économies locales s'accompagnent d'un juste effort en matière d'éducation, de santé et de culture.
    Le chemin du développement est jalonné d'étapes qu'il faut franchir les unes après les autres.
    La première consiste à mettre à niveau les infrastructures et équipements de base permettant aux services publics de fonctionner normalement. En effet, comment assurer l'essor économique de ces collectivités si les populations ne bénéficient pas de formation, de soins, de biens culturels, d'une politique de sécurité et de moyens de transport et de communication appropriés dans un environnement respectueux de la nature et des traditions locales ?
    La deuxième passe par des mesures incitatives sociales et fiscales pour consolider le tissu économique existant et valoriser les richesses locales par la création d'entreprises.
    La troisième est celle de la responsabilisation des hommes. Une politique basée sur l'assistance et un centralisme exacerbé a montré depuis longtemps ses limites. Elles ne permet en aucun cas de libérer les énergies favorables à l'émergence d'une société dynamique et responsable.
    La Guyane n'a pas encore franchi la première étape.
    D'abord, les retards qui la frappent dans les domaines aussi essentiels que l'éducation, la santé, la culture et la communication sont considérables - retards par rapport à la métropole et les autres DOM, bien entendu, mais aussi disparités à l'intérieur même du territoire entre la zone côtière et les communes isolées de l'intérieur. Comment ne pas citer les propos tenus par ce chef d'une communauté traditionnelle, révélateurs de cette situation : « Si je dois choisir entre une ligne téléphonique, une école ou une clinique pour mon village, mon choix portera sans hésitation sur la ligne téléphonique, pour contacter les ministres de la capitale et les convaincre de l'utilité de l'école et de la clinique » ? (Rires et applaudissements sur divers bancs.)
    Madame la ministre, beaucoup de mes concitoyens sont exclus du système économique et social parce qu'ils n'ont pas la possibilité de communiquer ni les moyens de se déplacer. Ils ne peuvent donc pas vous contacter. Quand un véritable plan de rattrapage à la hauteur des enjeux pourra-t-il être mise en place ?
    Ensuite, ce développement économique n'a aucune chance de se réaliser dans un environnement instable et violent. Aujourd'hui, l'insécurité frappe la Guyane au coeur. La situation est telle que plus personne n'est à l'abri d'agressions ou d'exactions de toute sorte dans la rue, dans les espaces publics, à son domicile. Le sentiment de peur et d'exaspération grandit un peu plus chaque jour. La population se trouve dans l'obligation de se barricader chez elle, voire de s'armer.
    La Guyane n'est pas confrontée au problème de l'accueil des gens du voyage. En revanche, elle doit faire face aux occupations sauvages et illégales de terrains qui reposent avec acuité la question du nécessaire règlement du dossier foncier. Les exploitations aurifères sont de plus en plus sujettes à la violence de bandes organisées. Au moment où le Gouvernement a fait de la lutte contre l'insécurité sa priorité, quels moyens seront consacrés à la Guyane pour contenir cette montée continue de la violence ?
    Enfin, la maîtrise de l'immigration est un autre défi à relever. L'arrivée massive de populations étrangères, le plus souvent en situation irrégulière, attirées par notre dispositif de protection économique et sociale, a déstabilisé la société guyanaise et amplifié les problèmes auxquels elle était confrontée. Est-il nécessaire de rappeler que cette population étrangère est supérieure en nombre à la population guyanaise ? La lutte contre l'immigration clandestine en Guyane ne peut s'appuyer exclusivement sur la répression, compte tenu, notamment, de la perméabilité des frontières. La coopération régionale constitue une réponse intéressante, mais encore faudrait-il en redéfinir les contours. La solution la plus efficace ne réside-t-elle pas dans la mise en place d'une politique innovante et volontariste pour décourager ces populations à entrer clandestinement en Guyane ? Pourquoi, par exemple, ne pas remettre à l'ordre du jour la proposition visant à doter le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni d'un statut international ?
    La future loi-programme devrait permettre de franchir la deuxième étape du développement. Mais, je le répète, et l'expérience des lois Perben ou Paul le confirme, si elle ne s'accompagne pas d'une mise à niveau des infrastructures et équipements publics, cela reviendrait à mettre un cautère sur une jambe de bois ou, comme on le dit en Guyane, « charrier di lo que pan yen », ce qui signifie : « transporter de l'eau dans un panier percé ». En tout état de cause, dans l'immédiat, il convient de consolider le tissu économique, porteur de développement.
    Deux secteurs économiques importants traversent, en Guyane, une crise sans précédent : l'activité spatiale et la pêche. Quelles mesures aussi exceptionnelles qu'urgentes sont prévues, tant au niveau national qu'au niveau communautaire, pour pérenniser ces activités ?
    L'adoption de la réforme constitutionnelle pourrait faciliter le franchissement de la troisième étape du développement. En effet, les populations de chacune des collectivités d'outre-mer, et notamment celle de la Guyane, expriment à leur manière une forte aspiration à prendre en main leur destinée et à assumer leurs responsabilités. La possibilité qui leur sera offerte d'adapter lois et règlements aux réalités locales constitue une avancée notable.
    Le développement économique de la Guyane s'apparente depuis longtemps à l'Arlésienne. L'absence d'une vision d'ensemble à long terme n'a pas permis, en particulier dans les périodes précédentes, de dégager de manière cohérente une hiérarchie des priorités. Madame la ministre, le projet de loi-programme et celui de la réforme constitutionnelle montrent à l'évidence la volonté du Gouvernement de sortir l'outre-mer du marasme ambiant dans lequel il est plongé.
    J'ai pu apprécier depuis votre prise de fonctions au ministère de l'outre-mer votre parfaite connaissance des dossiers et les actions que vous avez entreprises de manière efficace et rapide ; je pense au passeport mobilité et à la destruction du matériel minier clandestin. Il conviendrait cependant d'aller jusqu'au bout de votre démarche, en donnant pleinement à ces régions lointaines les moyens de leur développement.
    Parce que votre budget s'inscrit dans la logique de votre politique ambitieuse pour l'outre-mer, sachez que vous aurez mon soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.
    Mme Béatrice Vernaudon. En préambule, je souhaite associer à mon intervention M. Michel Buillard, mon collègue de Polynésie, qui a été rappelé à Papeete par ses obligations et a dû renoncer à être parmi nous aujourd'hui. Il m'a prié de vous demander de bien vouloir excuser son absence.
    Comment la nouvelle députée que je suis a-t-elle analysé le budget de l'outre-mer, notamment pour la Polynésie française que je représente ?
    Le Gouvernement confirme sa volonté de soutenir la Polynésie française dans la consolidation de l'autonomie de son développement économique et social. En effet, si les crédits destinés à la Polynésie ne représentent que 5,5 % du budget de l'outre-mer, d'ailleurs en légère baisse, les crédits qui lui sont consacrés par l'ensemble des ministères représentent, quant à eux, 1 010 millions d'euros, soit une progression de 5,2 % par rapport à 2002.

    Le financement de l'enseignement scolaire et supérieur représente à lui seul 44 % de ce budget. D'autres députés ont souligné le poids de la jeunesse en outre-mer. C'est aussi le cas chez nous : les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent près de 50 % de la population.
    Les effectifs de l'Etat en Polynésie française passeront de 10 855 à 11 020 postes. Sur les 165 nouveaux postes, 100 concernent l'éducation, 15 la justice et 49 les services propres de l'Etat. Nous sommes rassurés par cette perspective, mais nous souhaitons que cette progression se poursuive dans l'avenir, notamment dans les domaines de la sécurité et de la justice, car ces services, qui relèvent de la compétence de l'Etat, manquent de moyens pour remplir correctement leurs missions. La justice, notamment, doit non seulement s'adapter à un contexte géographique caractérisé par l'extrême isolement et l'éparpillement des îles, mais également dire un droit qui est souvent en décalage avec la réalité sociale et culturelle, notamment dans le domaine foncier.
    Quant à la police, elle doit renforcer sa présence sur le terrain et se montrer dissuasive pour lutter contre l'insécurité routière, qui prend des proportions inquiétantes en Polynésie, mais également contre la délinquance, qui concerne des personnes de plus en plus jeunes.
    Avec l'ensemble des députés d'outre-mer, je me réjouis, madame la ministre, des priorités données à la formation et à l'insertion. Nous pouvons déjà bénéficier du passeport mobilité : grâce à cette initiative, de nombreux jeunes viendront se former en France. Heureusement, en ce qui nous concerne, ils n'ont pas besoin de s'expatrier pour trouver du travail.
    Les efforts en matière de service militaire adapté nous seront également profitables : trois compagnies sont installées dans nos archipels et le nombre de volontaires accueillis va passer de 170 à 220.
    Mais ce qui satisfait vraiment les Polynésiens dans ce budget, et vous le savez, madame la ministre, ce sont les 150 millions d'euros inscrits aux charges communes au titre de la dotation globale de développement économique qui, à compter du 1er janvier 2003, remplacera de manière permanente le fonds pour la reconversion économique de la Polynésie française.
    Ce dernier avait été créé en 1996 pour maintenir les flux financiers liés à l'activité du centre d'expérimentation nucléaire. Il nous a aidés pendant six ans à inscrire notre pays dans la voie du progrès en augmentant le nombre d'emplois aidés et en finançant la construction de logements sociaux et d'infrastructures de communications - ports, routes, aéroports. Il nous a même permis d'assurer la continuité de notre desserte aérienne par l'achat d'un Airbus et la création de notre propre compagnie afin de faire du tourisme le pilier d'un développement économique durable.
    La dotation globale de développement économique, dont la pérennité est garantie, permettra à son tour d'entreprendre les grands chantiers pluriannuels qui restent indispensables, et que nous avons eu l'occasion de vous présenter, madame la ministre, lors de votre visite au mois d'août dernier. Je pense notamment à la construction d'un hôpital, qui doit remplacer l'ancien, rafistolé au fil de la croissance démographique ou de l'évolution des pathologies et des techniques médicales ; au port que nous allons créer à soixante kilomètres de Papeete pour stocker les hydrocarbures aujourd'hui présents au coeur de la ville et qui représentent un extrême danger ; à la flottille de pêche en cours de construction - cinquante thoniers, qui seront suivis d'autres. J'en profite pour saluer Mme Taubira, que nous avons accueillie il y a deux ans en tant que marraine d'un crevettier guyanais sorti du chantier naval de Papeete.
    M. Mansour Kamardine. Très bien !
    Mme Béatrice Vernaudon. Nous allons d'ailleurs transférer ce chantier naval, ainsi que toutes les structures de transformation, vers le nouveau port. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous allons également doubler la route reliant Papeete au sud de l'île pour éviter des embouteillages qui deviennent de plus en plus préjudiciables aux familles.
    Certains penseront que la Polynésie est privilégiée. Mais le Premier ministre l'a affirmé en signant le mois dernier la nouvelle convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française : « La solidarité de la nation à l'égard de la Polynésie française est un hommage à la contribution qu'elle a apportée à la défense et à la sécurité de la France pendant trente ans. »
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis. Très bien !
    Mme Béatrice Vernaudon. Par ailleurs, réalise-t-on que notre population est dispersée sur près d'une centaine d'îles disseminées sur une surface grande comme l'Europe ?
    L'égalité territoriale a un coût. Mais elle n'a pas de prix lorsqu'il s'agit de permettre à nos petites communautés de pouvoir continuer à vivre sur leurs terres en toute sécurité, tout en les développant afin que leurs enfants puissent espérer y vivre dignement du tourisme, de la pêche, de la perliculture, de l'agriculture ou de l'artisanat.
    Dans l'analyse du budget que nous examinons, j'ai également retrouvé inscrits les crédits destinés à l'application des différentes conventions issues de la loi d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie, dont le contrat de développement.
    Vous n'ignorez pas, madame la ministre, que 2003 est la dernière année d'exécution de ces conventions. Il nous faudra donc rapidement examiner les conditions et les modalités de leur renouvellement, afin de permettre la poursuite des constructions scolaires, des logements sociaux, de la protection sociale généralisée que nous avons instaurée en 1995, de la gestion de notre environnement ou du développement de nos ressources propres.
    Parmi tous ces domaines, j'appellerai particulièrement votre attention et celle du ministre des affaires sociales sur la nécessité de développer l'aide au logement, sans laquelle les logements sociaux deviendront inaccessibles aux familles les plus modestes, à qui il faut justement donner toutes les chances de promotion sociale.
    L'année 2003 sera assurément celle des grands chantiers législatifs à mener ensemble. Après la loi constitutionnelle, qui va conforter notre statut d'autonomie au sein de la République, viendront la loi organique, puis celles relatives à la réforme des communes et au statut de la fonction publique communale.
    Les 5 000 membres des personnels communaux s'impatientent en effet de voir mis en oeuvre un statut annoncé depuis trente ans et élaboré depuis dix ans. Certes, cela aura un coût, mais la Polynésie de demain passe par la modernisation de ses quarante-huit communes, qui sont les mieux à même d'adapter à la base l'organisation de la vie collective. Elles n'attendent qu'un surcroît de compétences et de moyens pour s'impliquer réellement dans le développement et l'amélioration de la vie de leurs citoyens.
    A ce propos, qu'il me soit permis, madame la ministre, de vous rappeler le retard préjudiciable du versement de la participation de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation, le FIP, soit 15,8 millions d'euros pour les années 2001 et 2002. Il ne faudra pas omettre d'en inscrire les crédits pour 2003.
    Je ne voudrais pas oublier de mentionner la loi-programme pour l'outre-mer, tant la réforme de la défiscalisation est urgente et essentielle pour la poursuite de notre développement économique et pour la création d'emplois. A ce sujet, nous avons plusieurs dossiers en instance à Bercy. Le premier concerne les liaisons aériennes : après Air Lib, c'est en effet Corsair qui nous abandonne. Nous devons donc acheter un nouvel Airbus pour notre compagnie Air Tahiti Nui, rattraper la capacité de passage et surtout aller chercher les touristes pour remplir nos hôtels.
    Un autre dossier concerne notre flottille de pêche. Mais nous avons également des projets nombreux et de plus petite envergure visant à améliorer les services, à créer des emplois ou à développer les équipements communaux, trois domaines dans lesquels nous avons un gros retard à rattraper. Vous avez annoncé que tous ces dossiers seraient éligibles à la défiscalisation.
    Notre ambition, vous la connaissez : en nouant un pacte de confiance avec la France, et en se fondant sur la solidarité nationale et sur notre statut d'autonomie, nous voulons, en cette période de mutation profonde de l'après-nucléaire, mettre la Polynésie sur la voie d'un développement durable et harmonieux, respectueux de notre environnement et de notre culture, afin d'en faire le témoin, dans ce vaste océan Pacifique, avec Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie, des valeurs d'humanisme et de solidarité de la France.
    Cette confiance en l'avenir, ce dynamisme qui nous mobilise et auquel nous veillons à associer notre jeunesse, nous les puisons dans les valeurs de communauté et de partage qui caractérisent notre société pluriculturelle et notre culture polynésienne christianisée.
    Je ne peux terminer mon propos, madame la ministre, sans vous exprimer en toute sincérité notre reconnaissance pour le travail que vous avez déjà accompli avec vos collaborateurs et la confiance que nous vous accordons pour développer et révéler la richesse que représentent pour la République française ses « outre-mer ». Sans réticence, je voterai le budget de votre ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon, dernier orateur inscrit. Je vous signale, mes chers collègues, que nous avons à peu près doublé le temps prévu pour les orateurs.
    M. Gérard Grignon. Partageant les avis des rapporteurs et des collègues de la majorité qui se sont exprimés avant moi, je ne reviendrai pas, madame la ministre, sur le budget que vous nous proposez, d'autant qu'il s'agit d'un budget de transition, qui sera abondé en loi de finances rectificative des crédits nécessaires à l'application, courant 2003, des dispositions de la loi-programme pour l'outre-mer.
    Dans le court laps de temps qui m'est imparti, j'évoquerai donc quelques dossiers relatifs à Saint-Pierre-et-Miquelon, et en particulier la situation budgétaire de la collectivité territoriale.
    Différents rapports émanant des services de l'Etat l'ont constaté : dès 1990, voire avant, le budget local s'est trouvé en difficulté, sa marge d'autofinancement se révélant négative, jusqu'à atteindre moins 2,6 millions d'euros en 1993 et moins 2,1 millions d'euros en 1994.
    Cette situation s'était lourdement aggravée, du fait, entre autres raisons, de l'échec de l'arbitrage frontalier de New York, de l'arrêt des activités de pêche industrielle, ainsi que de l'obligation - j'insiste sur ce terme - pour la majorité locale arrivée en 1994 de faire face au financement du nouvel aéroport, le marché ayant été signé trois semaines avant les élections.
    Malgré ces handicaps, une mission d'inspection du ministère des finances soulignait dans son rapport, en septembre 1999, « la spectaculaire politique de restauration de la marge d'autofinancement de la collectivité territoriale » ainsi que « la politique d'assainissement des comptes qui étaient marqués par un endettement important... ». C'est dire que de 1994 à 1999, la gestion fut rigoureuse, responsable et inventive.
    M. Alfred Almont. Très bien !
    M. Gérard Grignon. Mais, vous le savez, l'arrêt des opérations de transbordement douanier en juillet 1999, à la suite d'une décision totalement injustifiée et arbitraire de Bruxelles, a anéanti les efforts déployés depuis 1994.
    Le poids de la dette aéroportuaire pèse lourdement dans une collectivité qui ne compte que 2 000 foyers fiscaux. Je l'ai souvent affirmé, et ce avant même la réalisation de cette infrastructure. Mais ce n'est pas à coups de subventions exceptionnelles, préélectorales et vite dilapidées, comme l'a fait votre prédécesseur, que l'on réglera le problème.
    C'est pourquoi je demande qu'après un contrôle des comptes de la collectivité territoriale, tout ou partie de la dette, et en tout cas la part correspondant aux emprunts contractés pour financer le nouvel aéroport, soit prise en charge par l'Etat, afin de redonner au budget local une marge d'autofinancement et aux élus de la majorité en place les moyens de mener leur politique, si tant est que ces derniers fassent preuve d'une gestion responsable et d'un sens réel de l'intérêt général.
    Or l'attribution de plus en plus orientée des marchés de la collectivité territoriale et du centre hospitalier, le rôle de la SODEPAR, société d'économie mixte de développement concentrée désormais uniquement sur l'analyse des appels d'offres et la maîtrise d'ouvrage déléguée ; les menaces physiques et les démarches d'intimidation à l'endroit de chefs de service soucieux de faire respecter la transparence et la légalité dans l'attribution des marchés ; les recours en justice de plus en plus fréquents pour annulation de marchés et de délibérations ; et surtout les événements graves de la semaine dernière : tout cela montre à l'évidence que le favoritisme est le plus souvent la règle, l'intérêt général l'exception.
    C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre qu'une mission des services compétents de l'Etat vienne enquêter dans les meilleurs délais sur les modalités d'attribution des marchés publics de la collectivité territoriale et du centre hospitalier ainsi que sur la légalité et la transparence des actions menées par la SODEPAR.
    Je suis d'ailleurs convaincu qu'à défaut d'une telle clarification, le nouveau préfet ne sera pas en mesure de répondre à la mission que le Gouvernement vient de lui confier.
    Un mot s'agissant de la protection sociale. Certaines dispositions étendues à l'archipel par la loi d'orientation ne sont pas encore applicables, car les décrets ne sont pas pris. Il s'agit de l'assurance vieillesse des mères de famille ayant un enfant handicapé, du régime invalidité, de la coordination entre le régime local d'assurance maladie et le régime métropolitain, des conditions d'affiliation des fonctionnaires à la caisse locale. Quand ces textes attendus doivent-ils paraître ?
    Par ailleurs, afin d'améliorer son action en faveur des personnes âgées, et notamment le maintien à domicile, la caisse de prévoyance sociale a demandé la modification de l'arrêté interministériel qui établit le taux de prélèvement sur les cotisations. Le Gouvernement y est-il favorable ?
    Le progrès social passe aussi par la mise en place de prestations localement inexistantes : l'allocation logement, l'allocation jeune enfant, l'allocation de rentrée scolaire, etc. Une proposition de texte de loi sur le sujet a été remise aux ministères compétents. Je souhaiterais, madame la ministre, qu'il soit rattaché à la loi-programme dans un titre spécifique à l'archipel. Je voudrais connaître la position du Gouvernement sur ce point.
    Je souhaiterais également que le Gouvernement se penche enfin sur les problèmes spécifiques que rencontrent les retraités de l'archipel.
    Le régime d'assurance vieillesse à Saint-Pierre-et-Miquelon ne fut instauré qu'en 1987. De ce fait, la presque totalité des retraités ne perçoivent que le minimum vieillesse. Les retraites sont augmentées comme en métropole, aux mêmes dates et du même taux. Mais l'inflation y est beaucoup plus forte qu'en France hexagonale. De 1997 à juin 2001, le coût de la vie a augmenté de 20,6 % à Saint-Pierre-et-Miquelon mais seulement de 6,4 % en France métropolitaine, ce qui représente sur cette seule période une perte de pouvoir d'achat de 14 % pour les retraités de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    La loi de 1987 dispose clairement dans ses articles 13 et 35 que les retraites du secteur privé peuvent faire l'objet d'une revalorisation supplémentaire en cas d'évolution supérieure du coût de la vie dans l'archipel par rapport à celui de la métropole.
    Mais cette disposition doit être décidée à Paris, et faire l'objet d'un arrêté conjoint des ministres des finances et des affaires sociales. Autant dire qu'elle est inopérante, la seule exception ne faisant que confirmer la règle.
    C'est pourquoi, madame la ministre, je demande la modification de la loi de 1987 afin que l'augmentation des retraites dans l'archipel soit décidée certes au même moment qu'en métropole et avec le même taux, mais en la revalorisant par arrêté local, selon un indice différentiel d'inflation établi par les services compétents, après avis du conseil d'administration de la caisse de prévoyance sociale.
    Cette disposition serait également appliquée aux personnes de l'ENIM, des collectivités locales et de l'hôpital, dans l'attente de la satisfaction des revendications que vous connaissez. Y êtes-vous favorable ? Ne pourrait-on pas l'inclure dans un titre de la loi-programme pour l'outre-mer spécifique à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
    Une question également, madame la ministre, relative à la desserte aérienne de l'archipel. Vous savez que j'ai interrogé à ce sujet votre collègue des transports, Dominique Bussereau, que j'ai rencontré hier. J'estime en effet qu'il est vain, dans le contexte actuel, de parler de diversification économique, d'exportations ou de développement touristique. Si les choses restent en l'état, la construction d'un aéroport moderne constituerait une véritable ineptie.
    Je demande donc une mise à plat des modalités de la desserte aérienne de l'archipel, afin que les Saint-Pierrais et les Miquelonnais puissent voyager à des coûts raisonnables, dans le cadre de la continuité territoriale à laquelle est tant attaché le Président de la République. La nouvelle plate-forme aéroportuaire doit être un outil performant au service du développement et de la diversification économique plutôt que l'illustration d'une stagnation et d'une volonté de maintenir l'enclavement.
    Partagez-vous cette vision des choses ?
    Quant à la desserte maritime, je sais que vos services s'emploient à trouver une solution aux problèmes actuels. Nous les avons souvent évoqués, mais je voudrais vous interroger sur un point précis.
    Lors de la discussion budgétaire de l'an passé, j'avais indiqué qu'en raison de l'étroitesse de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon il n'y avait pas toujours suffisamment de place pour deux dans certains secteurs économiques, en particulier le transport aérien ou maritime.
    Mais j'avais ajouté qu'une concurrence, même momentanée, était souvent indispensable pour faire entendre raison à certains titulaires de monopoles devenus trop gourmands, soucieux de défendre leurs intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général, plongés dans une léthargie bien confortable pour eux, et confondant la notion de subvention d'équilibre dans le cadre de la continuité territoriale avec celle de rente de situation.
    A la longue, tout cela est préjudiciable au développement économique et à l'intérêt général des contribuables et de la population de l'archipel. Et plus récemment, préjudiciable aux marins saint-pierrais et miquelonnais embarqués sur le Shamrock, navire qui assure la liaison maritime Halifax-Saint-Pierre dans le cadre de la continuité territoriale subventionnée par l'Etat. Ces marins français ont en effet été licenciés et remplacés par des marins extra-communautaires. Une telle attitude n'est pas acceptable, d'autant que le responsable de l'armement est conseiller économique et social.
    Je souhaite donc connaître les dispositions que compte prendre le Gouvernement pour remédier à cette situation et notamment pour préserver l'emploi des marins saint-pierrais et miquelonnais, c'est-à-dire de marins français, dans le cadre d'une desserte subventionnée par l'Etat.
    Dans un tout autre domaine, celui des emplois-jeunes, essentiellement employés dans les associations sportives ou culturelles, j'aimerais, madame la ministre, que vous nous précisiez les mesures que vous mettrez en place pour répondre à leurs préoccupations.
    C'est faute de temps que je n'ai pas abordé certains dossiers fondamentaux pour l'avenir de l'archipel, tels l'exploitation des hydrocarbures off shore, le projet d'aquaculture de coquilles Saint-Jacques à Miquelon, la construction de l'hôpital, l'évaluation des ressources halieutiques par une mission scientifique. Nous avons d'ores et déjà abordé ces questions à plusieurs reprises, et je sais que vous en mesurez l'extrême importance. Aussi, je ne doute pas que vous répondrez à nos attentes lors de votre prochaine visite à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la fin de ce mois.
    C'est donc sans état d'âme, madame la ministre, que je voterai votre budget. Vous pouvez compter sur mon total soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Mes chers collègues, pour suivre les recommandations du président Debré, la présidence n'a pas interrompu le rythme, voire le charme, de cette discussion. Dès lors, Mme la ministre répondra aux différents orateurs en séance de nuit, sous la présidence effective du président Jean-Louis Debré. Vous êtes donc tous invités à vous retrouver dans cet hémicycle, aussi nombreux, à vingt et une heures quinze.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Outre-mer (suite) :
    - Départements d'outre-mer :
    M. Alain Rodet, rapporteur spécial au nom de la commision des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 34 du rapport n° 256) ;
    - Territoires d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie :
    M. Victor Brial, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 35 du rapport n° 256) ;
    - Outre-mer :
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome XVI de l'avis n° 258) ;
    M. Didier Quentin, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (tome VII de l'avis n° 261).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT