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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 15 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 14 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ,
ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le travail.
Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le travail.
M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la formation professionnelle.
M. Christian Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la formation professionnelle.
Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances, pour la solidarité.
Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM.
Maxime Gremetz,
Gaëtan Gorce,
Claude Leteurtre,
Jean-Pierre Decool,
Dominique Paillé,
Mme
Hélène Mignon,
M.
Francis Vercamer,
Mme
Muguette Jacquaint,
MM.
Jean Ueberschlag,
Jean-Charles Taugourdeau.
M. le ministre.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCES POUR 2003
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

AFFAIRES SOCIALES, TRAVAIL ET SOLIDARITÉ,
ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

    M. le président. Nous abordons l'examen des crédits du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le travail. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, mes chers collègues, doit-on penser, comme le déclarait François Mitterrand, qu'« en matière d'emploi, on a tout essayé » ? Le projet de budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, démontre - du moins, nous voulons le croire - qu'il n'en est rien. Vous avez en effet résolument choisi de réorienter en profondeur les dispositifs de soutien à l'emploi en donnant la priorité au secteur marchand.
    Ainsi, les dispositifs concernant ce secteur représenteront, en 2003, 66 % de l'ensemble des dispositifs de soutien à l'emploi en faveur des publics prioritaires, au lieu de 53 % dans la loi de finances initiale pour 2002, ce qui totaliserait 674 millions d'euros en 2003, soit une hausse de 15,20 % par rapport à 2002. En revanche, les contrats aidés du secteur non marchand représenteront 34 % de l'ensemble du dispositif en 2003, soit un total de crédits de 351,4 millions d'euros, en baisse de 31,54 %.
    Cependant, cette politique rénovée, tenant compte du fait qu'un certain nombre de nos concitoyens ont de très grandes difficultés d'insertion ou de réinsertion dans la vie professionnelle, ne néglige ni les contrats aidés du secteur non marchand ni les dispositifs d'insertion. De fait, si une partie du chômage qui touche nos concitoyens est directement liée au ralentissement de l'activité économique ou à une inadéquation entre l'offre et la demande sur le marché du travail, une autre partie révèle de plus graves difficultés d'insertion professionnelle. En l'occurrence, la solidarité exige que soient mis en oeuvre des moyens particuliers de traitement social, le processus de retour à l'emploi ne pouvant être que progressif, et donc plus lent.
    Ces mesures devront être réservées aux personnes les plus en difficulté. A cet égard, monsieur le ministre, vous n'excluez pas de procéder en cours d'année à des réajustements en fonction de l'évolution de la conjoncture. Je ne peux pour ma part qu'approuver ce pragmatisme dénué de tout manichéisme ; en matière d'emploi, on touche en effet à la « matière vivante » et non à des équipements ou à des investissements physiques que l'on peut programmer de manière définitive en début d'année. Les calibrages de certains dispositifs sont donc difficiles et il faut en conséquence se garder une marge de manoeuvre dans le cas où la conjoncture nécessiterait de soutenir davantage les publics en difficulté.
    Votre budget traduit une forte volonté politique de recentrage des dispositifs de soutien à l'emploi dans le but de restaurer la valeur du travail et de réaffirmer, concomitamment, le rôle de la solidarité.
    Vous proposez de porter à 15,719 milliards d'euros les crédits du travail. D'aucuns ne retiendront de ce chiffre qu'une baisse de 6,16 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2002, persuadés qu'un bon budget est un budget en hausse. Nonobstant cette idée fausse et permissive, je dois d'abord rappeler que le budget du travail ne retrace que très imparfaitement les efforts de la nation en faveur de l'emploi, dans un contexte de reprise du chômage depuis le printemps 2001.
    Ainsi, l'essentiel des dépenses liées aux allégements de charges sociales sur les salaires sont, depuis la loi de finances pour 2001, assurées par le FOREC, ce qui expliquait déjà la forte réduction des crédits du travail dans la loi de finances pour 2001 par rapport à la loi de finances pour 2000. Pour l'année 2002, le total des dépenses du FOREC devrait s'élever à 15,56 milliards d'euros et, pour 2003, à 16,56 milliards d'euros.
    A cette somme, il conviendrait d'ajouter un milliard d'euros au titre des nouveaux allégements sur les bas salaires que le Parlement est en voie d'adopter dans le cadre du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, que vous avez défendu devant l'Assemblée. Il faudrait également prendre en compte la réforme, proposée dans le présent projet de loi de finances, conduisant à réduire l'assiette de la taxe professionnelle, qui permettra de baisser de 1,9 milliard d'euros les prélèvements sur les entreprises, ainsi que le renforcement de la prime pour l'emploi en faveur des personnels à temps partiel, pour un coût de 200 millions d'euros. Si l'on intègre l'ensemble de ces mesures, les moyens mis en oeuvre par l'Etat en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle augmenteraient en réalité de 4 % en 2003.
    Pour être totalement exhaustif - mais pouvons-nous l'être ? -, il faudrait également ajouter les aides et mesures fiscales destinées à soutenir la création et le développement des entreprises, qui permettent indirectement de soutenir et de créer des emplois. A titre d'exemple, les crédits consacrés aux PME, au commerce et à l'artisanat comportent des aides à la formation, dont une partie permet de financer des stages pour des demandeurs d'emploi.
    Ces considérations démontrent le caractère partiel du présent budget, dont le périmètre très incomplet ne permet pas de cerner avec exactitude l'ampleur des efforts déployés pour soutenir l'emploi. C'est pourquoi, je me félicite de l'engagement récent du Gouvernement et de vous-même de rebudgétiser, dans le projet de loi de finances pour 2004, les dépenses et les recettes du FOREC.
    Cette opération est indispensable à la lisibilité de la politique de l'emploi et à la cohérence de notre fiscalité, exigences qui doivent nous conduire à plus de rigueur et à un plus grand discernement entre les dépenses de sécurité sociale et les dépenses publiques. Tout en mesurant la difficulté de la tâche, j'espère, monsieur le ministre, que vous saurez, avec votre collègue délégué au budget, respecter votre engagement dans les délais prévus. La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, avec la définition d'actions de l'Etat dans le cadre de missions, va également dans ce sens.
    Enfin, l'analyse du présent fascicule serait incomplète si l'on n'examinait pas les perspectives de réforme dans lesquelles il s'inscrit. Je veux parler de la réforme prochaine du RMI, dont la gestion serait complètement assurée par les départements. Ces derniers sont prêts, je le confirme, à remplir cette mission pour laquelle ils disposent de toute la compétence requise, en y ajoutant l'atout de la proximité, condition indispensable pour rendre plus efficaces les actions d'insertion.
    Les conseils généraux, je le rappelle, ont l'obligation d'inscrire dans leur budget, au titre de l'insertion, 20 % des crédits affectés par l'Etat au RMI. Mais comme ils ne maîtrisent pas l'ensemble des dispositifs, il est fréquent que ces crédits d'insertion ne soient pas consommés. Alors que de simples reports de crédits suffiraient dans biens des cas, les préfets n'en imposent pas moins d'abonder chaque année la ligne correspondante. On est là dans une situation paradoxale qui confine à l'absurdité lorsque l'exigence du préfet est assortie d'une menace de sanction sur les affectations au département des crédits du Fonds social européen.
    Les nouveaux contrats d'insertion dans la vie sociale permettront de satisfaire la forte demande émanant du secteur social ou humanitaire tout en aidant les jeunes qui ont des projets professionnels. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des précisions sur les grands axes du dispositif CIVIS et sur l'agenda de cette réforme. La commission des finances souhaite - et elle a prévu des moyens à cet effet - qu'une action spécifique soit entreprise en faveur des associations sportives dans le cadre de la sortie du dispositif emplois-jeunes.
    J'en viens à présent aux grandes évolutions des chapitres budgétaires des crédits du travail. Je vous ferai grâce de l'analyse détaillée de ces évolutions, qui figure dans mon rapport écrit.
    M. Gaëtan Gorce. C'est la grande misère !
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Vous auriez dû être là au début de mon exposé et venir en commission, monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. J'y étais !
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Un seul représentant du groupe socialiste a participé aux travaux de la commission : il faut que nos concitoyens le sachent !
    Plutôt que de m'attarder sur les chiffres, je préfère, monsieur le ministre, retenir quelques sujets qui m'apparaissent essentiels et vous demander, pour certains, quelques précisions.
    S'agissant des dépenses en personnel de votre ministère, je me félicite de la poursuite de la modernisation des carrières. Il s'agit d'abord de régulariser un certain nombre d'agents, dans le cadre du plan de résorption de l'emploi précaire résultant de l'accord conclu entre la fonction publique et les organisations syndicales le 10 juillet 2000. Il s'agit également de dynamiser les carrières. A cette fin, d'importantes mesures de transformation et de repyramidage d'emplois sont prévues pour 2003, avec pour objectif d'ouvrir de nouveaux débouchés aux agents du ministère à l'interne ou de créer de nouvelles passerelles entre l'administration centrale et les services déconcentrés. Dans le même but, la revalorisation indemnitaire sera poursuivie, au premier chef pour les agents de catégorie C et pour les contractuels du ministère. En revanche, le ministère devrait supprimer soixante-quinze emplois de catégorie C en 2003 - vingt dans l'administration centrale et cinquante-cinq dans les services déconcentrés -, participant ainsi à l'effort national de réduction des postes de la fonction publique dans les administrations où les besoins ne sont pas avérés.
    Je note avec satisfaction l'augmentation de 6,4 % des crédits en informatique et en moyens de fonctionnement.
    Les crédits d'études bénéficieraient d'une légère augmentation et atteindraient ainsi 6,13 millions d'euros, ce qui devrait permettre, en particulier à la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques - la DARES - de poursuivre et d'élargir ses travaux, dont la qualité est reconnue.
    Les crédits inscrits au titre de la recherche s'élèveraient à 6,32 millions d'euros, contre 5,98 millions en 2002, soit une augmentation de 5,7 %. Cette augmentation me semble peu justifiée si l'on considère l'importance des autres crédits consacrés aux études et le foisonnement des organismes qui participent, à des degrés variables, à des travaux de recherche ou de réflexion en rapport avec le travail, l'emploi et la formation professionnelle. Il est indispensable de revoir dans un proche avenir l'ensemble des dispositifs existants, en vue de les regrouper, éventuellement sous l'égide de la DARES, dans un souci d'efficacité et de rationalisation des crédits budgétaires ; j'aimerais connaître vos intentions à ce sujet. La nécessité d'innover en matière de politique de l'emploi ne doit pas aboutir à multiplier au sein du ministère des structures de recherche dont l'activité vient s'ajouter au travail accompli par ailleurs dans les universités.
    A propos de la subvention de l'Etat à l'ANPE, j'indique dans mon rapport comment l'agence a pu, de juillet 2001 à avril 2002, mettre en place 3 627 800 projets d'action personnalisés. L'ANPE a donc rempli son objectif quantitatif, ce qui constitue une performance.
    Sur le plan qualitatif, je pense qu'il est trop tôt pour se prononcer : il faut laisser « du temps au temps » avant de pouvoir juger de l'efficacité des PAP en termes de retour à l'emploi et d'insertion durable des demandeurs d'emploi. Il est cependant indispensable que les partenaires sociaux et l'Etat disposent, au cours de l'année 2003, d'éléments d'appréciation qualitatifs du programme. En fonction de ceux-ci, ils pourront alors décider de l'avenir du dispositif, et je souhaite que la représentation nationale soit associée à la décision qui sera prise.
    S'agissant des services fournis par l'ANPE, on peut noter avec satisfaction que les offres de formation progressent. Elles ont concerné près de 800 000 demandeurs d'emploi au cours de l'exercice écoulé, soit une augmentation de 32 %. Les aides prises en charge dans le cadre du financement des ASSEDIC, après une première période de mise en place, sont elles aussi en progression. Ainsi, les engagements atteignent, pour les quatre premiers mois de 2002, 76 % des crédits inscrits par les ASSEDIC. En revanche, les aides à la mobilité géographique sont peu consommées.
    Pour 2003, l'ANPE est dotée de 1,191 milliard d'euros, soit une augmentation globale de 1,3 %. Cette dotation devrait permettre de poursuivre les actions engagées dans le cadre du contrat de progrès entre l'Etat et l'agence.
    Au chapitre des dépenses d'intervention consacrées aux relations du travail, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les crédits concernant les conseillers du salarié et les médiateurs. Je rappelle que le médiateur, institué par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, a pour mission d'intervenir dans les entreprises à la demande de toute personne qui s'estime victime de harcèlement moral ou sexuel. Or les crédits inscrits à l'article 50 du chapitre 44-73, qui permettent d'assurer le remboursement aux entreprises des salaires et charges des conseillers du salarié et des médiateurs, ainsi que leurs frais de déplacement et leurs indemnités forfaitaires, sont maintenus pour 2003 à 1,33 million d'euros, c'est-à-dire au même niveau qu'en 2002. Cette enveloppe budgétaire sera-t-elle suffisante pour faire face à la montée en charge du dispositif relatif aux médiateurs, dont le coût, en toute logique, devrait s'accroître au cours de l'exercice à venir ?
    J'en viens à l'évolution proposée pour l'agrégat 3, consacré aux actions en faveur des publics prioritaires.
    Je me félicite bien entendu de la priorité donnée à l'emploi des jeunes. L'augmentation du chômage a en effet particulièrement affecté les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Alors que le chômage des jeunes avait baissé de 45 % dans les cinq années précédant le printemps 2001, il a augmenté de 11,5 % de juillet 2001 à juillet 2002. Dans ce contexte, la nouvelle politique du Gouvernement prend toute sa place.
    Les contrats « jeunes en entreprise » sont entrés en application rétroactivement au 1er juillet 2002. Leur ambition est d'offrir aux jeunes peu qualifiés une insertion durable, ce qui permettrait de compléter tant les dispositifs d'alternance que les régimes de droit commun d'allègement des charges. Pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, quelques précisions sur la montée en charge du dispositif, au-delà des informations dont la presse s'est fait récemment l'écho ? Je rappelle que, pour 2003, il est prévu de doter le chapitre consacré à ces contrats de 200 millions d'euros, ce qui permettrait de prendre en charge 74 000 contrats.
    S'agissant de l'avenir des emplois-jeunes, je me félicite que les associations aient la faculté, à leur demande, de différer une partie du versement de l'aide de l'Etat au-delà de la période de cinq ans du programme emplois-jeunes et de constituer ainsi une « épargne » qui pourra leur être reversée durant les trois années suivantes, afin de prolonger le dispositif.
    On estime que de nombreuses associations ne disposeront pas de ressources suffisantes pour être financièrement autonomes au terme des cinq ans. Il est prévu qu'à l'issue du programme des conventions pluriannuelles seront mises en place pour ces associations non solvabilisables, nécessitant une aide complémentaire de l'Etat, à la condition que les emplois créés correspondent à de nouveaux services répondant à des besoins collectifs d'intérêt général. Ces conventions, d'une durée de trois ans non renouvelable apporteront aux associations une aide dégressive et modulable au cas par cas. Pourriez-vous nous donner de plus amples précisions sur la nature et le montant de l'aide qui serait ainsi apportée ?
    Au total, le projet de loi de finances consacre une dotation de 2 781,33 millions d'euros au programme emplois-jeunes, dont une mesure nouvelle de 50 millions d'euros au titre de la pérennisation des emplois. Il s'agit d'organiser la sortie d'un dispositif dont la date d'échéance a été fixée dès sa création par la précédente majorité, mais sans que celle-ci prévoie les mesures nécessaires.
    Pour le programme TRACE, il est prévu d'ajuster le nombre d'entrées à 14 000 jeunes contre 20 000 en loi de finances initiale pour 2002. Les 410 postes de conseillers créés en 2002 seraient pérennisés grâce à une dotation supplémentaire de 15,46 millions d'euros pour le réseau d'accueil. En revanche, la bourse d'accès à l'emploi, dont il convient de rappeler qu'elle avait été mise en oeuvre en 2002 à titre expérimental, ne sera pas reconduite en 2003. Le contrat CIVIS aurait en effet vocation à répondre à ces besoins.
    M. Gaëtan Gorce. Pourquoi « aurait » ? C'est au conditionnel ?
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Le ministre nous répondra.
    Je comprends bien que le dispositif a été resserré en raison de l'entrée en vigueur des contrats jeunes en entreprise, qui devraient attirer une partie des anciens bénéficiaires de TRACE. On peut toutefois s'interroger sur le périmètre du resserrement et il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous précisiez, là encore, si des mesures d'ajustement sont prévues en cas de besoin dans le courant de l'année.
    S'agissant des contrats aidés en faveur des publics prioritaires, il convient de rappeler en préalable que les mesures proposées s'inscrivent dans le cadre des nouvelles orientations de la politique en faveur de l'emploi : harmonisation progressive des SMIC et adoption de nouvelles règles d'allègement des charges sociales sur les bas salaires, actuellement examinées par le Parlement. En conséquence, les contrats aidés sont recentrés sur les publics les plus en difficulté. Au total, le montant des crédits qui leur sont alloués passe de 3 389,78 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2002 à 2 270,69 millions d'euros pour 2003.
    Je tiens à relativiser la baisse des entrées en contrat initiative-emploi, que d'aucuns pourraient critiquer un peu trop vite. La loi de finances initiale pour 2002 en avait certes fixé le nombre à 90 000. Cependant, au 30 juin 2002, 26 792 contrats seulement avaient été conclus. Ce résultat médiocre peut résulter de plusieurs facteurs : le changement des règles relatives au versement de l'aide de l'Etat, la suppression des exonérations de charges sociales lorsque l'entreprise n'a pas réduit son temps de travail à 35 heures hebdomadaires et le ralentissement de la croissance économique. En conséquence, il convenait de procéder à un réajustement.
    Pour les contrats emploi-solidarité, le projet de budget propose de fixer la dotation à 279,5 millions d'euros, ce qui permettrait la conclusion de 160 000 nouvelles conventions, à un rythme mensuel de 20 000 entrées en début d'année.
    M. le président. Monsieur le rapporteur, il vous faut conclure.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Je suis conscient qu'il faut que j'élague, monsieur le président.
    M. le président. Oui : vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. La baisse des crédits affectés aux CES s'explique, d'une part, par la réduction des taux de prise en charge, d'autre part, par le choix politique consistant à encourager la création d'emplois dans le secteur marchand. La réponse au questionnaire budgétaire précise d'ailleurs qu'il faut « sortir d'une logique de gestion contracyclique des CES pour aller vers une logique de construction d'une offre individuelle de services adaptée aux besoins d'insertion ». Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les dispositions concrètes qui seront prises concernant les CES ?
    S'agissant des contrats emplois consolidés, les CEC, le présent projet de budget propose de limiter à 30 000 le nombre des entrées dans le dispositif et de réduire à trois ans la durée maximale des contrats. La dotation qui leur sera affectée sera de 959 millions d'euros, soit une légère baisse de 40 millions d'euros par rapport à la loi de finances précédente.
    Les taux de consommation des crédits consacrés à l'insertion par l'activité économique, particulièrement faibles, s'expliquent notamment par les modalités de financement des structures d'insertion. Comme la signature de conventions avec les entreprises d'insertion implique d'engager la totalité des crédits, ceux-ci doivent donc être inscrits dans la loi de finances initiale, si bien que le paiement final est généralement revu à la baisse en fonction de l'exécution de la convention et de sa durée d'application pendant l'année budgétaire, ce qui explique partiellement le décalage entre la dotation initiale et les crédits consommés. Je ne reviens pas sur l'exemple chiffré que vous trouverez dans mon rapport.
    A propos des stages d'insertion et de formation à l'emploi, le présent projet de budget prévoit, pour 2003, 80 000 SIFE collectifs et 25 000 individuels pour un montant total de 159,19 millions d'euros en crédits de fonctionnement et de 166,15 millions en crédits de rémunération. Le nombre de SIFE individuels serait ainsi reconduit alors que celui des SIFE collectifs serait réduit de 10 000 par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
    Je passe rapidement sur l'aide de l'Etat aux travailleurs handicapés, à propos de laquelle je vous renvoie à mon rapport, mais en insistant sur le fait que les crédits qui leur sont consacrés, qu'il s'agisse des ateliers protégés, des créations de places en établissement ou des places en CAT, sont en augmentation, conformément à l' engagement du Président de la République de faire de la politique en faveur des handicapés une priorité. Je veux également attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le décalage qui semble exister entre le nombre d'entreprises théoriquement concernées par l'obligation d'embauche de travailleurs handicapés et la somme de celles qui en emploient effectivement ou qui s'acquittent de la taxe compensatrice, un décalage qui a été relevé aussi bien par l'AGEFIPH que par la commission des finances.
    M. le président. Sans parler du décalage avec le temps de parole qui vous était attribué, monsieur Bouvard !
    M. Jean Roatta. Mais ce que dit notre collègue est intéressant !
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Je termine, monsieur le président. Mais vous conviendrez avec moi que le temps est bien limité pour un budget aussi important !
    J'évoquerai rapidement les crédits de l'agrégat 4. consacré à la promotion de l'emploi et à l'adaptation économique.
    M. le président. D'autant plus que votre rapport est excellent !
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Merci, monsieur le président.
    On note une forte hausse des crédits, qui passeront d'un total de 911 millions d'euros en 2002 à 1 036 millions d'euros en 2003, soit une augmentation d'environ 13 % qui traduit la réforme politique engagée par le présent budget, avec, notamment, la refonte globale du dispositif d'allégement des charges sociales patronales. Toutefois, cette hausse ne traduit qu'imparfaitement l'évolution contrastée des différents chapitres budgétaires concernés par cet agrégat, comme je l'indique dans mon rapport.
    Je vous renvoie également à ce dernier en ce qui concerne les dispositifs d'exonération dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR, et de redynamisation urbaine, les ZRU, ainsi que dans les zones franches urbaines, les ZFU. Une partie de l'avantage dont bénéficiaient ces zones a disparu avec les dispositifs d'allégement de charges mis en place dans le cadre des 35 heures. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que le Gouvernement se pose la question du rétablissement de cette discrimination positive au bénéfice des entreprises qui s'installent dans de telles zones, pour lesquelles elle constitue une incitation à la création d'emplois.
    Pour répondre au souhait du président, je vais sauter un certain nombre de sujets que j'avais prévu d'aborder pour en venir à ce qui me paraît essentiel, à savoir le dispositif concernant le chômage à temps partiel, prévu par le chapitre 44-79, article 40, qui totalise, pour 2003, 30,5 millions d'euros, soit une progression de 45,4 % par rapport à 2002. Cette dotation permettrait d'indemniser 1 846 000 journées de chômage partiel contre 1,2 million en 2002, afin de faire face à la dégradation de la conjoncture en 2002. Je souhaite à cette occasion, et à la veille de la saison d'hiver, rappeler l'attente des exploitants et des salariés des remontées mécaniques en ce qui concerne la mise en place concrète par l'UNEDIC - avec l'aide de l'Etat pour la première année - du dispositif d'indemnisation en cas de report d'embauche pour les saisonniers qui ne bénéficient pas de droits ouverts.
    J'en viens enfin - et je terminerai ainsi, monsieur le président - à l'agrégat 5, consacré au financement du retrait d'activité et à la participation de l'Etat aux dépenses de chômage. Son évolution est contrastée : d'une part, les dépenses consacrées aux dispositions de cessation anticipée d'activité sont en forte baisse, et d'autre part, les crédits correspondant à l'allocation équivalent retraite sont en hausse.
    De fait, conformément aux engagements pris par la France au sommet européen de Stockholm de mars 2001, l'engagement a été pris d'augmenter le taux d'activité des salariés âgés de 55 à 64 ans. Le Conseil européen a fixé pour objectif d'atteindre, d'ici à  2005, un taux d'activité de 67 % en moyenne pour les hommes et les femmes, et de 57 % pour les seules femmes. Dans ces conditions, il faut bien se résoudre à supprimer un certain nombre de dispositifs de préretraite.
    En ce qui concerne les autres sujets que je souhaitais aborder, je vous renvoie, mes chers collègues, en vous priant de bien vouloir m'en excuser, à mon rapport écrit. Je me contenterai, monsieur le ministre, de vous rappeler nos attentes quant à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. En effet, ni les agrégats actuels ni la définition des périmètres des programmes ne nous paraissent satisfaisants. A cet égard, j'ai bien noté que vous conduisiez une réflexion à partir des propositions que vous avez trouvées en arrivant. S'agissant, par exemple, d'un programme-support visant à regrouper tous les services centraux du ministère, je constate que nous ne sommes pas dans l'esprit de la LOLF.
    J'invite également mes collègues à observer les expériences particulièrement intéressantes qui sont menées dans la région Centre sur les déconcentrations de crédits.
    En vous remerciant, monsieur le président, de votre indulgence,...
    M. le président. Elle est très grande !
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. ... je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des finances, à approuver le projet de budget pour le travail.
    M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez parlé exactement vingt-sept minutes. Si chacun fait la même chose, nous allons droit dans le décor !
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Il s'agit du quatrième budget de l'Etat !
    M. le président. Certes, mais le débat est organisé. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que je fasse respecter le temps de parole, par M. Gremetz, par exemple ?
    M. Jean Roatta. En effet, ce sera difficile !
    M. Maxime Gremetz. Pourquoi moi ?
    M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail.
    Je vous rappelle, madame, que vous disposez de dix minutes : ne suivez pas le mauvais exemple donné par M. Bouvard.
    Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le travail. Monsieur le président, je vais essayer de rattraper le temps perdu en étant très concise dans ma présentation du budget de l'emploi pour 2003.
    Celui-ci est novateur par rapport aux exercices précédents. Il reflète fidèlement les nouvelles orientations de la politique de l'emploi du Gouvernement que je rappellerai avant de citer les chiffres les plus importants.
    Premièrement, le Gouvernement s'est engagé à ce qu'un maximum d'efforts soient accomplis pour réorienter toutes les personnes qui le peuvent vers le secteur marchand.
    Deuxièmement, il compte tout faire pour améliorer le taux d'emploi des jeunes, notamment des jeunes les moins qualifiés, car ce sont eux qui souffrent le plus du chômage. Je reviendrai tout à l'heure sur le nouveau dispositif d'accueil des jeunes en entreprise.
    Troisièmement, il entend prolonger la logique de baisse des charges sociales pour les entreprises. Cette politique, qui trouve sa traduction dans la loi de financement de la sécurité sociale, est confortée dans le budget de l'emploi par des mesures ciblées d'exonération des charges sociales.
    Quatrièmement, enfin, il a pour objectif de resserrer les dispositifs de préretraite progressive en responsabilisant davantage les entreprises concernées.
    Précisons qu'un certain nombre d'outils dont le Gouvernement pense se doter rapidement au cours de l'année 2003 n'ont pas pu être intégrés dans le budget ; je pense notamment au contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, qui doit être mis en place prochainement. En effet, compte tenu du calendrier parlementaire, le projet de loi en préparation sur ce sujet n'a pas pu être examiné avant l'élaboration du budget. Ce dispositif n'apparaît donc pas pour l'instant dans les lignes budgétaires et cela explique en partie le fait que le projet de budget soit à première vue en diminution pour 2003. A structure constante, le projet de budget de l'emploi pour 2003 baisse en effet de 6,4 % par rapport à celui de l'année précédente, avec un total de près de 15,7 milliards d'euros.
    Ce budget permet de financer des mesures importantes et utiles. Il opère un changement de cap appréciable par rapport à la logique, peu efficace sur un certain nombre de points, qui a prévalu au cours des dernières années.
    Premièrement, il permet de conforter les moyens mis à la disposition de la gestion de la politique de l'emploi.
    Notons en premier lieu que les dépenses d'administration générale progresseront en 2003 de 1,1 %. Cette hausse modérée des moyens permettra, d'une part, de poursuivre le plan de régularisation des emplois précaires au sein du ministère ; d'autre part, d'accentuer les efforts en matière de dynamisation des carrières. Une réforme du corps des contrôleurs du travail, actuellement en cours, vise à mettre leur statut en adéquation avec leurs responsabilités qui, au cours des dernières années, ont connu un net accroissement du fait de la multiplication et de la diversification de leurs missions.
    En second lieu, la lutte contre le chômage mobilisera des moyens renforcés. Ainsi, la subvention versée à l'ANPE progressera de 1,7 %. Le budget de l'agence, avec 1 197 millions d'euros issus du budget du ministère du travail et 500 millions d'euros environ en provenance de l'UNEDIC, constitue donc un budget de consolidation, qui permettra de poursuivre dans de bonnes conditions la mise en oeuvre du programme d'action personnalisée pour un nouveau départ, le PAP-ND.
    J'ai auditionné M. Michel Bernard, le directeur général de l'ANPE, qui considère que les agences ont un rôle crucial à jouer. Elles sont en effet amenées de plus en plus fréquemment à établir des diagnostics approfondis permettant de déterminer un axe d'action prioritaire lors des entretiens initiaux avec les demandeurs d'emploi et à recourir de manière très intensive aux prestations d'accompagnement.
    Le programme d'action personnalisé pour un nouveau départ, mis en place depuis le 1er juillet 2001, a connu une montée en charge rapide. Depuis cette date, tous les nouveaux inscrits ont bénéficié d'un PAP. A terme, le programme sera proposé à la totalité des demandeurs d'emploi inscrits avant le 1er juillet 2001.
    D'après les chiffres qui m'ont été communiqués par le ministère de l'emploi, de janvier à juin 2002, 820 000 personnes ont bénéficié dès l'élaboration du PAP d'un appui individualisé sous forme d'ateliers ou de prestations d'évaluation, et 260 000 ont bénéficié de prestations plus longues, sous forme d'accompagnement à l'emploi ou d'accompagnement social. Par ailleurs, une formation a été proposée dans le cadre d'un PAP à près de 500 000 personnes, marquant une augmentation de 50 % par rapport à la même période de 2001.
    L'enjeu pour l'ANPE est autant quantitatif que qualitatif. Elle est parvenue à atteindre l'objectif de collecter plus de 3 millions d'offres d'emplois de la part des entreprises, contre 1,2 million au début des années 90. Les indicateurs de suivi montrent que, globalement, 80 % des demandeurs d'emploi ayant bénéficié des services de l'ANPE s'en disent satisfaits.
    Des progrès restent cependant possibles pour améliorer encore l'efficience de l'agence. L'ANPE pourrait notamment développer ses liens avec des acteurs comme les missions locales, le réseau CAP emploi, compétent en matière d'emploi des personnes handicapées, l'APEC, qui ne s'adresse qu'aux salariés cadres, voire les collectivités locales, qui ont de plus en plus tendance à s'investir dans l'animation des bassins d'emploi.
    Deuxième point que j'aimerais souligner : le budget va dans le sens de la politique de baisse des charges des entreprises. Cela se traduit par l'augmentation de la dotation consacrée aux exonérations spécifiques de charges sociales. En hausse de 19,4 %, cette dotation passe de 731,85 millions d'euros en 2002 à 873,63 millions d'euros. Le FOREC prenant en charge la compensation aux organismes de sécurité sociale de l'ensemble des allégements à portée générale, seules les mesures ciblées d'exonération de charges sociales figurent dans le projet de budget.
    Les exonérations de cotisations sociales patronales liées aux zones de revitalisation rurale, aux zones de redynamisation urbaine, aux zones franches et à la Corse représentent un montant de 242 millions d'euros. Les autres allégements prévus pour les DOM, la presse, les travailleurs indépendants s'élèvent à 630 millions d'euros.
    A cet égard, on peut rappeler que le Gouvernement s'est engagé à opérer une remise à plat des divers mécanismes, qui se sont multipliés au fil du temps. Les mesures ciblées doivent être repensées afin d'en maximiser l'efficacité. Ce chantier d'envergure devrait être mené à bien dans les mois à venir.
    Troisième point très important : le budget permet de lutter plus efficacement contre le chômage des jeunes, qui est une préoccupation majeure du Gouvernement. En un an, le chômage des jeunes a progressé de 12 %. Il concerne plus particulièrement les jeunes sans diplôme ou faiblement diplômés et ceux qui sont dépourvus de qualification. Environ 160 000 jeunes sont concernés, dont un peu moins de 60 000 sans qualification.
    Les jeunes ont du mal à obtenir un emploi durable et stable. Seuls 53 % des jeunes actifs du secteur privé bénéficient d'un contrat à durée indéterminée, contre 78 % de leurs aînés. Partant de ce constat, le Gouvernement a souhaité agir de manière rapide et forte. Comme vous le savez, un nouveau dispositif visant à améliorer l'entrée des jeunes dans l'emploi a été créé par la loi du 29 août 2002.
    L'objectif est de soutenir l'embauche de jeunes dans les entreprises du secteur concurrentiel. Il vise les jeunes de seize à vingt-deux ans, pas ou peu qualifiés, c'est-à-dire dont le niveau d'études est au plus celui du baccalauréat, sans qu'ils aient obtenu le diplôme. Il prend la forme de contrats de trois ans et ouvre droit pour l'employeur à une compensation forfaitaire de cotisations sociales.
    Une dotation de 200 millions d'euros est prévue à cet effet pour 2003.
    Tout jeune embauché par une entreprise, en contrat à durée indéterminée, et pour un temps complet ou partiel, mais supérieur ou égal à un mi-temps, ouvrira pour l'entreprise le droit à un soutien correspondant à une exonération totale des charges patronales pour les salaires compris entre 1 SMIC et 1,3 SMIC. Le soutien de l'Etat durera trois ans. Il sera dégressif la troisième année. L'aide sera alors portée à 50 % du montant des deux premières années. Cette aide, de 2 700 EUR par an au niveau du SMIC, qui devrait concerner environ 300 000 jeunes en 2004-2005, permettra aux jeunes sortis peu qualifiés du système scolaire, d'occuper très rapidement un emploi sans passer par le chômage. Elle diminuera la précarité liée à la récurrence des petits boulots.
    S'agissant des emplois jeunes, qui mobilisent encore, dans le budget pour 2003, 2,7 milliards d'euros, le Gouvernement, qui met l'accent sur l'emploi dans le secteur marchand, a décidé de mettre un terme à ce programme pour ce qui concerne la création de nouveaux emplois dans les associations.
    Toutefois, la situation est différente selon les ministères : éducation nationale, intérieur et justice. Les effectifs d'aides éducateurs ont vocation à décroître en 2003, cependant que ceux de la police et de la justice devraient se stabiliser. Les actions de formation et de préparation aux concours se poursuivront en vue de permettre aux jeunes d'accomplir un parcours professionnel complet, sans que l'intégration dans la fonction publique soit la solution unique.
    Autre changement de cap par rapport aux années antérieures : ce budget opère un vrai recentrage des dispositifs d'insertion en faveur des publics les plus en difficulté. Les crédits pour 2003 destinés aux actions en faveur des publics prioritaires se montent à 6 378 millions d'euros. Comme l'a souligné un représentant de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle du ministère de l'emploi, que j'ai auditionné, l'augmentation du nombre des contrats de travail aidés, que ce soit dans le secteur marchand, ou dans le secteur non marchand, n'a qu'un impact à court terme sur le nombre de personnes inscrites sur les listes de demandeurs d'emploi.
    Ces outils de traitement dit social du chômage ont, certes, leur utilité, mais le Gouvernement estime qu'ils ne sauraient constituer la seule solution au problème du chômage. Mieux vaut réellement cibler les aides sur des personnes qui, sans elles, ne trouveraient pas du tout à s'employer, plutôt que d'élargir à l'excès des mesures qui deviennent alors très coûteuses pour la collectivité publique et moins efficaces quant à l'insertion des publics les plus en difficulté.
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial, pour la promotion professionnelle. Très bien !
    Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis, pour le travail. Dans le passé, ce sont les jeunes les plus qualifiés, par conséquent ceux qui auraient été les plus à même de trouver un emploi dans le secteur marchand selon les voies classiques, qui ont bénéficié du programme des emplois-jeunes ou parfois des contrats emplois solidarité.
    Mme Catherine Génisson. Mais non !
    Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis, pour le travail. Quelques chiffres.
    M. le président. Point trop de chiffres ! Il faut vous acheminer vers votre conclusion.
    Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis, pour le travail. Quelques chiffres cependant : pour 2003, 279 millions d'euros permettront 80 000 entrées en CES ; 80 000 contrats supplémentaires, portant les entrées à 160 000 en 2003, devraient pouvoir être conclus grâce aux crédits de la gestion 2002 reportés en 2003.
    Plus que jamais, les CES devront donc être réservés en priorité aux personnes qui peuvent en tirer un bénéfice réel en termes de resocialisation et d'accès à l'emploi.
    En outre, afin de responsabiliser davantage les employeurs vis-à-vis des CES, une réforme des taux de prise en charge par l'Etat a été mise en oeuvre dès le 1er octobre 2002.
    M. Gaëtan Gorce. Il faut faire des économies !
    Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis, pour le travail. Depuis cette date, seuls les taux de 65 et 85 % - et non plus celui de 95 % - sont applicables.
    Pour 2003, le Gouvernement a également prévu une diminution de l'enveloppe budgétaire affectée aux contrats emploi consolidé avec la création de 30 000 CEC. Une appréciation individualisée des situations et des besoins des personnes en difficulté sera obligatoirement menée, afin, là encore, d'orienter vers les CEC les seules personnes pouvant en tirer un réel bénéfice en termes de resocialisation et d'accès à l'emploi. Par ailleurs, il est prévu de réduire la durée totale des CEC de cinq ans à trois ans afin de responsabiliser les employeurs.

    Pour terminer, j'évoquerai le programme TRACE. Les moyens prévus pour 2003 permettront de maintenir la capacité d'accueil dans le dispositif. Ainsi 14 000 jeunes doivent être pris en charge par les opérateurs externes.
    M. le président. Je vous demande de conclure, madame la rapporteure.
    Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis, pour le travail. Les 410 postes de conseillers créés en 2002 dans les missions locales et les PAIO seront pérennisés.
    Monsieur le ministre, cette réorientation courageuse du budget vise principalement à créer les conditions propices au développement de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gaëtan Gorce. C'est une politique indéfendable !
    M. le président. Je rappelle aux rapporteurs que nos horaires ont été fixés globalement par la conférence des présidents et les temps de parole répartis entre les commissions et les groupes dans le cadre d'un débat organisé, encadré par la Constitution. Or un rapporteur a dépassé son temps de parole de dix minutes et Mme Tharin vient de doubler le sien ! Ce n'est pas par plaisir que je joue les gendarmes, mais je dois vous rappeler à la règle : sans quoi nous ne pourrons pas respecter le cadre fixé pour la discussion de ce budget incontestablement important.
    La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la formation professionnelle, qui dispose de dix minutes.
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la formation professionnelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la compétence devient le premier capital de notre pays, pour l'entreprise comme pour l'individu. Dans un monde où tout va très vite, l'adaptation à l'emploi, l'accès aux qualifications et la professionnalisation sont autant d'éléments stratégiques qui détermineront notre capacité à conserver notre compétitivité - dont on connaît l'état aujourd'hui - et à gagner de nouveaux marchés.
    Comme d'habitude, ce n'est pas une surprise, les entreprises françaises sont les premières actrices. Elles participent à l'effort de formation bien au-delà de leurs obligations fixées par le Parlement. Elles assumaient à elles seules en 2000 près de 43 % de la dépense totale de la nation, qui s'élevait à quelque 21 milliards d'euros. Elles doivent donc être encouragées, aimées, mais aussi aidées par une politique audacieuse et volontariste.
    Le projet de budget que j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui affirme cette volonté ; les crédits inscrits sont stables par rapport à ceux votés en 2002.
    Le budget pour 2003 s'articule autour de quatre grands axes : un soutien massif à la formation en alternance, une plus grande cohérence dans la gestion de l'apprentissage grâce au renforcement de la compétence régionale, un renforcement du dispositif de validation des acquis de l'expérience et un soutien au public le plus fragile et à la formation des adultes avec l'AFPA.
    La formation en l'alternance constitue le fer de lance de l'action gouvernementale en faveur de l'emploi des jeunes. Ainsi, 375 000 nouveaux contrats seront ouverts en 2003, soit 7 % de plus que les contrats financés en 2002.
    En ce qui concerne l'apprentissage, 1 576 millions d'euros permettront de financer 240 000 entrées l'année prochaine contre 225 000 en 2002. Pour les contrats de qualification, 130 000 nouveaux contrats sont prévus pour un montant de 411,98 millions d'euros, soit 10 000 contrats de plus que l'an dernier.
    Compte tenu de la situation des finances publiques, nous ne pouvons que nous réjouir de cet effort en faveur d'un dispositif qui a largement fait ses preuves, en offrant une formation réellement adaptée aux besoins des entreprises. D'ailleurs, les jeunes sont de plus en plus demandeurs de contacts concrets avec le monde marchand avant leur entrée définitive sur le marché du travail, et c'est une bonne chose pour le pays.
    Il convient néanmoins d'évoquer la suppression, à compter du 1er janvier 2004, des taxes parafiscales qui financent les centres de formation d'apprentis des secteurs du BTP, de l'automobile et des transports, mais nous y reviendrons à l'occasion d'un amendement. Aucune solution de remplacement n'ayant à ce jour été avancée, il est urgent de prévoir un dispositif de remplacement assurerant la stabilité de ces ressources.
    Je suis conscient que ce dossier fait partie de l'héritage du précédent gouvernement. Néanmoins, je m'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ainsi qu'à M. le ministre délégué au budget, afin d'être éclairé sur les intentions du Gouvernement en la matière.
    Par ailleurs, les entrées en contrats de qualification pourraient être plus nombreuses si ne se posait, depuis plusieurs mois, un problème lié à l'interprétation d'une circulaire de 1996 visant à favoriser des jeunes sans qualification. Bien que les titulaires de baccalauréats professionnels ne soient pas exclus du bénéfice de ce dispositif, l'application de cette circulaire est beaucoup trop stricte, et dans les faits, leur en interdit l'accès. Il est donc nécessaire, selon moi, de préciser ce point.
    Soutenir l'alternance, c'est aussi améliorer son mode de gestion pour rendre le dispositif plus efficace et l'adapter aux réalités du marché, ce qui peut paraître audacieux à certains. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a décidé de renforcer la compétence régionale en matière d'apprentissage. A compter du 1er janvier 2003, la prise en charge de l'indemnité compensatrice versée aux employeurs sera donc décentralisée ; on devrait y gagner en cohérence. Les régions pourront ainsi maîtriser et cibler leur politique de soutien à l'apprentissage par deux outils différents : le financement des CFA et le versement des aides aux employeurs.
    La prépondérance du diplôme s'est longtemps traduite par l'exclusion de tout autre mode de reconnaissance des compétences. Axe majeur de la réforme de la formation professionnelle, la validation des acquis de l'expérience constitue aujourd'hui un premier pas dans la reconnaissance du savoir-faire. En permettant aux salariés d'acquérir de nouvelles qualifications, ce dispositif s'inscrit dans une logique de valorisation de l'individu et de ses compétences. Elle inverse le lien entre le diplôme et le métier, qui est enfin reconnu dans sa vocation à mener au savoir. Ce n'est qu'un début.
    Les crédits affectés cette année à la formation marquent une montée en puissance.
    Soutenir et valoriser la formation implique d'agir en faveur des stagiaires et des personnes dans les situations les plus fragiles. Le Gouvernement consacre cette année près de 35 millions d'euros à la revalorisation des barèmes de rémunération des stagiaires et à la progression des dépenses de rémunération destinées à financer l'allocation de fin de formation. Tout en se voyant invitée à intensifier ses relations avec les acteurs de terrain, l'AFPA est confortée dans sa mission, avec un budget en hausse, qui s'élève à 0,7 milliard d'euros.
    Une vraie réforme de la formation professionnelle est en cours. A travers ses orientations budgétaires et en invitant les partenaires sociaux à reprendre les négociations sur le sujet, récemment mises à mal, le Gouvernement affirme sa volonté de promouvoir la formation tout au long de la vie. Toutefois, pour y parvenir, une redéfinition stratégique des politiques de formation professionnelle s'impose.
    En France, en effet, la formation professionnelle est d'une rare complexité, jusque dans le budget de l'Etat dont l'éparpillement des crédits nuit à la lisibilité et, de ce fait, à l'évaluation. Or il n'y a pas de progrès sans évaluation. Sans lisibilité, il n'y a pas d'évaluation, et donc pas de progrès.
    Le marché de la formation demeure quant à lui très atomisé, ce qui freine l'effort de formation. En 2000 - les chiffres méritent d'être relevés -, près de 70 000 organismes de formation ont été recensés, dont 46 000 seulement ont déclaré une activité effective et, après un examen plus précis, on s'aperçoit que moins de 10 % ont réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 150 000 euros, et donc ont eu un fonctionnement d'entreprise à peu près normal. Quid d'ailleurs des 90 % restants ? La professionnalisation, d'ores et déjà engagée, devrait permettre une remise en ordre de ce marché, mais d'énormes progrès restent à accomplir pour que les plus petites entreprises y aient plus facilement accès.
    Réduire l'opacité du système de formation est également un enjeu majeur, mais sa complexité, je l'ai dit, défie toute évaluation. Pour attester ce que le système peut avoir de déresponsabilisant, je citerai un chiffre : dix-huit financements différents peuvent être apportés pour une formation ! Peut-être la décentralisation aura-t-elle des effets positifs sur cette situation.
    Au fil des ans, les dispositifs se sont ajoutés les uns aux autres, sans véritable vision d'ensemble. Il est maintenant nécessaire d'effectuer des redéploiements stratégiques afin d'anticiper les besoins du pays et d'adapter les dispositifs de formation aux enjeux de demain. C'est en connaissant les besoins des entreprises qu'on peut adapter les formations ; il s'agit là d'un enjeu très important pour notre pays.
    La France a besoin de mettre la compétence au coeur de tout projet. N'oublions pas qu'un système qui ne respecterait pas les valeurs de mérite, de compétence ou d'expérience est voué à l'échec.
    La France est aujourd'hui de moins en moins compétitive. La chute est même spectaculaire - merci à nos amis de gauche ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) - puisque, selon la dernière enquête du Forum de Davos, publiée hier, notre pays est passé du vingtième au trentième rang mondial pour la compétitivité. L'heure n'est donc plus aux projections ou aux conflits idéologiques : nous sommes bel et bien au pied du mur. Pour gagner la bataille de la mondialisation, il est indispensable que nous changions de culture dirigeante,...
    Mme Hélène Mignon. Pas avec vous !
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial, pour la formation professionnelle. ... que nous apprenions ce qu'est la compétence en économie et que nous abandonnions le mythe du savoir initial pour valoriser enfin la compétence et l'expérience professionnelles.
Il faut définir plus clairement le rôle de l'Etat, des régions et des partenaires sociaux. A la charnière du système scolaire et de la vie professionnelle, la coordination des acteurs est encore insuffisante. Les considérations du monde marchand ne sont pas assez prises en compte - on nous le répète chaque année sans que cela change, d'ailleurs ! - et la présentation de l'entreprise en milieu scolaire est le plus souvent dévalorisante, quand elle n'est pas inexistante. Les responsables issus du système éducatif ont en effet tendance à valoriser la formation initiale et à assimiler la formation professionnelle à l'échec scolaire.
    Cette culture influence même la forme que prend la formation continue : le schéma académique est omniprésent, et la formation le plus souvent déconnectée des besoins du marché. L'objet premier de la formation professionnelle doit être de développer l'« employabilité » du salarié, de favoriser l'emploi, et non, messieurs de l'opposition, d'abaisser artificiellement le chômage le temps d'un stage.
    Mme Hélène Mignon. Ça ne veut rien dire !
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial, pour la formation professionnelle. Seule la réinsertion par le travail permet de garantir aux publics en difficulté une amélioration durable de leur situation.
    Mme Catherine Génisson. Tout le monde est d'accord là-dessus !
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial, pour la formation professionnelle. Sur plusieurs points, une véritable révolution culturelle est nécessaire. Dans de nombreux secteurs - bâtiment, commerce de proximité -, les entreprises éprouvent de vives difficultés à recruter des jeunes qualifiés. Or le monde de l'entreprise est le seul mode d'insertion sociale durable. Du reste, c'est également le moins cher.
    Mme Hélène Mignon. Cela reste à démonter !
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial, pour la formation professionnelle. La France cumule la durée de scolarité la plus longue avec un taux de chômage des jeunes parmi les plus élevés, il va falloir que l'on nous explique pourquoi. Nous devons impérativement rééquilibrer l'écart culturel entre cursus classique et formation professionnelle.
    Pour aller encore plus vite, monsieur le président...
    M. le président. Je ne vous demande pas d'aller plus vite, monsieur le rapporteur, mais de rester dans les limites du temps de parole qui vous est imparti !
    M. Gaëtan Gorce. Ce n'est pas un rapporteur, c'est un propagandiste !
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial, pour la formation professionnelle. La formation professionnelle doit aider la croissance. Sortons donc d'une logique de « publics ciblés » pour développer des stratégies sectorielles. La France doit concentrer ses efforts sur des pôles d'excellence clairement identifiés : le luxe, les services, l'agroalimentaire, la mécanique, l'aéronautique, la chimie. Le renforcement de l'effort de formation en faveur du middle management est une véritable nécessité pour faire face aux évolutions économiques.
    Enfin, la politique de formation professionnelle doit, pour pouvoir se réformer, reposer sur une part d'expérimentation. Je regrette d'ailleurs que l'on n'ait pas pu avoir une ligne plus importante d'expérimentation.
    En conclusion,...
    M. le président. Oui, car il faut que le budget soit terminé demain soir, monsieur le rapporteur !
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial pour la formation professionnelle. ... il convient de réaffirmer le caractère stratégique de la formation professionnelle pour faire face à un environnement toujours plus compétitif et sortir enfin de la culture de l'échec administré.
    Valorisons nos atouts, reconnaissons l'expérience professionnelle, encourageons la compétence et l'innovation en entreprise. Afin d'aller dans ce sens et de soutenir les efforts déjà engagés, je vous invite, mes chers collègues, à l'instar de la commission des finances, à adopter les crédits de la formation professionnelle pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la formation professionnelle.
    Ce serait vraiment très bien, monsieur Paul, que vous donniez l'exemple en respectant votre temps de parole.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la formation professionnelle. Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, était très attendu sur le terrain de la formation professionnelle.
    Il s'agit d'abord et avant tout de servir la lutte contre le chômage.
    Dès lors que vous renoncez à de nombreux outils de la politique de l'emploi - réduction du temps de travail, emplois-jeunes, contrats aidés -, il était tentant de supposer que vous aviez une stratégie de rechange à proposer au Parlement. On aurait pu penser, en effet, que la formation continue pour les salariés qui sont dans l'entreprise comme la formation pour ceux qui sont privés d'emploi allaient constituer l'un des axes majeurs de votre politique.
    La formation professionnelle, personne n'en doute, constitue un moyen de renforcer les performances des entreprises, et elles en expriment la demande, mais, surtout, c'est pour les Français, selon les situations, un rempart contre le chômage ou la voie du retour à l'emploi.
    De tout cela, il n'y a aucune trace dans le projet de loi de finances pour 2003. Votre gouvernement tient un discours sur la compétitivité de la France, d'ailleurs plus critique que réellement mobilisateur, et il a plus de leçons à donner que d'idées nouvelles. Le professeur, pardon, le Premier ministre, M. Raffarin, prend, nous l'avons bien entendu hier, son inspiration à Davos puisque votre seule réponse, au fond, c'est la baisse des charges, c'est-à-dire des cotisations patronales.
    Je veux réaffirmer devant notre assemblée que la formation des salariés, leur qualification, leur compétence, l'actualisation des métiers et des savoirs font partie de la compétitivité d'un pays. Ils en sont même une pièce majeure. Vous ne pourrez durablement prétendre combattre le chômage sans une relance vigoureuse de la formation professionnelle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Ueberschlag. Vous découvrez cela aujourd'hui ?
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Ce n'est pas offenser le Gouvernement de dire que, depuis le mois de juin dernier, vous avez consacré infiniment plus de temps, et donc l'Assemblée nationale également, à déréglementer le travail qu'à réformer avec les partenaires sociaux la formation professionnelle. Au fond, le sentiment prévaut et s'installe peu à peu dans le pays que, par une sorte d'externalisation, vous avez confié aux seules entreprises la politique de l'emploi.
    Si la formation professionnelle doit trouver dans notre pays une place plus grande, c'est aussi pour servir l'égalité sociale et professionnelle.
    Chacun de nous peut bien sûr donner à la promesse d'égalité de la République un contenu différent.
    En France, ce dont nous avons besoin avant tout, c'est d'un dispositif de formation professionnelle pour tous luttant contre les passages prolongés par le chômage. Or, depuis longtemps, depuis que le système instauré en 1971 pour donner une seconde chance après les échecs scolaires s'est essoufflé, on observe que les salariés les plus vulnérables, en particulier dans les petites entreprises, sont ceux dont l'accès à la formation professionnelle est le plus difficile. Ce dont nous avons besoin également, c'est de dispositifs ouverts, accessibles et performants pour tous ceux que le chômage vient de frapper. Pour tous, c'est d'un nouveau droit à la formation professionnelle que la France a besoin.
    Je ne peux, monsieur le ministre, vous imputer cette situation à laquelle plusieurs gouvernements précédents ont voulu apporter des réponses, mais mon devoir est de relever très nettement que rien dans votre budget ne s'efforce d'y porter remède, et je veux donc vous interroger sur les intentions du Gouvernement.
    En dépit de délais très courts pour auditionner les partenaires sociaux, et avec le concours très actif des services de la commission, que je remercie pour la rédaction de ce rapport, je suis en mesure de donner à notre assemblée quelques éclairages, quelques coups de projecteur sur plusieurs aspects discutables de ce budget, en quelque sorte sur sa part d'ombre.
    En effet, je crains que les choix du Gouvernement pour la formation professionnelle ainsi que les orientations budgétaires pour 2003 conduisent à une remise en cause des programmes destinés à l'insertion du public le plus éloigné de l'emploi.
    Ces orientations s'inscrivent, cela a déjà été dit derrière le mot pudique de « réorientation », dans le cadre d'un désengagement de l'Etat se traduisant par de nouveaux transferts de compétences aux régions qui, si l'on n'y prend garde, conduiront à porter atteinte au droit à la formation et aux garanties collectives.
    Tout aussi grave, votre politique de l'emploi, s'il y en a une, ne va pas dans le sens d'une meilleure formation des salariés, qu'il s'agisse des priorités budgétaires ou de la stratégie que vous choisissez. Chacun a noté, avec une exaspération croissante, votre insistance à privilégier l'accès rapide plutôt que l'accès durable à l'emploi.
    Les contrats jeunes, exemple le plus éclatant, qui peuvent permettre l'embauche rapide de jeunes peu qualifiés, produiront, entre autres conséquences perverses, des effets de substitution aux dispositifs aidés d'insertion du public prioritaire pour l'apprentissage, les contrats de qualification et même les contrats en alternance. Les contrats jeunes ne comportent aucune obligation pour l'entreprise de former son personnel. En dehors du plan de formation, qui existe surtout dans les grandes entreprises, le jeune salarié aura bien du mal, comme de nombreux salariés en position précaire ou fragile, à bénéficier de son droit à la formation. Nous savons pertinemment que ce sera illusoire dans les petites entreprises qui, sans incitation, ne pourront se permettre d'accompagner la formation de ces salariés.
    Le Gouvernement a aussi décidé de remettre en cause les 35 heures. La formation sera le premier droit du salarié remis en cause avec l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires et la fin de la logique de cofinancement par la conditionnalité de la baisse des charges.
    S'agissant de l'insertion du public prioritaire par l'apprentissage et les contrats de qualification, les contrats emplois consolidés, les contrats emplois solidarité et le programme TRACE, vos choix sont désormais très clairs. Nous les contestons, vous le savez. Alors qu'en 2002 près de 300 000 contrats emplois solidarité ont été réalisés, seuls 80 000 sont prévus en 2003 et 80 000 dans le cadre de la future loi de finances rectificative. Ce budget fait totalement fi des 20 000 contrats par mois annoncés par M. le ministre, soit 240 000 au total. Cela représenterait d'ailleurs un besoin de financement supérieur de 700 millions d'euros à ce qui est prévu.
    Une incertitude très grande repose sur la répartition des crédits prévus pour la mise en oeuvre de la validation des acquis de l'expérience et des modalités de certification. La destination des crédits n'est pas évoquée et si, en apparence, on donne des moyens à la validation, ces moyens ne pourront même pas suffire à compenser les frais de jury.
    La certification est aussi une grande incertitude de ce budget. Comment répondrez-vous au besoin d'établir un répertoire de la certification qui permettrait de comparer, sur la base de critères objectifs, les différentes formations pour établir des équivalences en France, sur l'ensemble du territoire, mais aussi en Europe, et réorganiser le marché de la formation ?
    Pour ces raisons, la baisse globale du budget du travail qui nous est présenté m'apparaît choquante et la part réservée à la formation largement insuffisante.
    Pour aller un peu plus loin dans la démonstration que le budget de la formation professionnelle n'est à la hauteur ni des enjeux conjoncturels ni des besoins structurels, et sans procéder à un exposé exhaustif, voici quelques éléments qui en disent long.
    Dans votre budget en baisse de près de 5,7 %, la formation professionnelle stagne, le rapporteur précédent l'a d'ailleurs constaté du bout des lèvres, mais la part budgétaire destinée à l'insertion du public en difficulté, donc prioritaire, baisse d'un milliard d'euros. Le Gouvernement sacrifie ainsi publiquement cette priorité.
    Par ailleurs, il apparaît pour le moins curieux que les dotations budgétaires décentralisées diminuent quand, dans le même temps, on s'apprête à réaliser de nouveaux transferts de compétences vers les régions en matière de formation professionnelle.
    A quelques jours d'un grand débat dans notre assemblée sur la décentralisation, la formation professionnelle n'étant pas la moindre des compétences qu'exercent aujourd'hui les régions et qu'elles souhaiteront encore plus exercer demain, permettez-moi de souligner les erreurs de calendrier, de méthode et d'évaluation qui auront de nombreuses conséquences sur son avenir, ce qui laisse très mal augurer du débat et des décisions qui seront prises en la matière.
    Le problème de calendrier est évident : on a déjà entamé la décentralisation mais le dialogue social est à peine relancé.
    L'erreur de méthode est flagrante : on décentralise sans consulter au préalable les partenaires sociaux. Je les ai reçus et écoutés, mais j'étais un peu seul.
    L'évaluation fait également cruellement défaut, y compris sur le plan budgétaire. On s'aperçoit ainsi - le rapporteur spécial de la commission des finances a omis de le mentionner mais je ne lui en fais pas grief - que le montant prévu pour le transfert des primes pour l'apprentissage est de 46 millions d'euros, alors qu'on supprime au budget de l'Etat 69 millions d'euros. Où a disparu le tiers qui manque ? En économies budgétaires ? J'espère bien, monsieur le ministre, que vous nous le direz.
    Il est donc à craindre, sans sombrer dans la paranoïa budgétaire, que vous ayez en fait retardé des dépenses en 2002 pour réaliser des économies qu'on utilisera pour financer les dépenses de 2003, ce qui permet d'afficher une baisse. Le problème, c'est que c'est ce montant qui servira à l'évaluation des moyens futurs qu'auront les régions pour assumer leurs nouvelles charges.
    Par ailleurs, vous prévoyez une hausse de 10 % des contrats de qualification et d'apprentissage par rapport à l'exécution du budget de 2002. Il y a quelque inconséquence à annoncer des progrès considérables en matière d'apprentissage alors que l'on se contente de reproduire les prévisions du précédent budget !
    Puisque je bénéficie quelques instants encore de l'indulgence de notre président,...
    M. le président. Quelques instants, pas plus.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. ... je voudrais évoquer chantiers législatifs que le Gouvernement a annoncés.
    Dans le cadre des nouvelles lois de décentralisation, les régions auront-elles la compétence de plein exercice en matière de formation professionnelle, et qu'est-ce que cela signifie ? Plusieurs régions le revendiquent. Pourtant, toutes les régions n'ont pas le même budget, elles n'offrent pas toutes les mêmes garanties aux salariés. Un salarié qui travaille à la lisière de la Bourgogne mais qui demeure dans la région Centre devra-t-il suivre sa formation professionnelle dans la région de sa résidence ou dans celle de sa vie professionnelle ? Sur quels critères qualitatifs, avec quels outils d'évaluation et surtout, quels moyens budgétaire les régions pourront-elles assumer la commande de ce service public de formation?
    M. le président. Monsieur Paul, il faut terminer.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Auront-elles en la matière, au-delà de la simple expérimentation, des compétences normatives ?
    Comment assurer l'équivalence entre différentes régions et entre les formations en France et en Europe ?
    A une semaine du débat sur la décentralisation, je vous demande solennellement, monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, de bien vouloir nous donner le point de vue du Gouvernement sur la décentralisation de la formation professionnelle.
    M. le président. Concluez, monsieur Paul.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Encore une fois, je voudrais souligner la faiblesse de l'approche et le traitement inégalitaire du dossier de la formation professionnelle : inégalité dans l'accès, et demain, bien sûr, inégalité territoriale.
    Or c'est bien de politique publique que nous parlons.
    Par exemple, les services de l'AFPA seront-ils régionalisés ?
    M. le président. Monsieur Paul !
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. On peut certes reconnaître que l'échelon régional est le plus pertinent, mais de nombreux présidents de région, y compris de votre majorité, considèrent comme une mascarade cette décentralisation qui s'annonce sans véritable transfert de ressources.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Vous sortez de votre rôle de rapporteur !
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Un droit régional à la formation va-t-il se substituer à un droit individuel ?
    M. le président. Monsieur Paul, il faut vraiment conclure.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Je termine, monsieur le président.
    Avec quels moyens cette compétence sera-t-elle transférée ?
    Mes chers collègues, la commission, fidèle, et peut-être captive des orientations de la majorité, a donné un avis favorable à l'adoption de ce budget. Vous aurez compris que mes conclusions allaient dans le sens opposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la solidarité.
    Essayez, madame Montchamp, de montrer le bon exemple et de prouver que vous êtes capable de respecter votre temps de parole !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la solidarité. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué à la ville, madame la ministre, mes chers collègues, nul ne s'étonnera que j'invite l'Assemblée à suivre la commission des finances dans le vote favorable qu'elle a émis sur les crédits de la solidarité.
    Je vais exposer dans un instant toutes les raisons qui plaident en ce sens, et qui traduisent l'effort de l'Etat en faveur de ceux qui en ont le plus besoin, mais je souhaite que l'on ne s'étonne pas non plus des quelques remarques que je souhaite faire en préambule, car elles témoignent tout simplement d'une volonté de voter avec discernement, c'est-à-dire de comprendre la cohérence des politiques publiques que nous avons pour mission de contrôler et d'évaluer.
    A cet égard, je dois vous faire part, madame, messieurs les ministres, de la perplexité qui a été la mienne à la lecture des documents budgétaires que vous nous avez soumis. En effet, je n'ai pu m'empêcher d'y voir le souci de traduire aussi exactement que possible, en termes de crédits, les périmètres des nouveaux ministères qui sont les vôtres depuis six mois, mais, comme vous le savez, traduire c'est trahir, et j'ai bien peur que le calendrier très resserré de cet été ne vous ait empêchés de vous inspirer de l'esprit de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dont l'entrée en vigueur doit se préparer dès maintenant.
    Je ne prendrai que trois exemples : le volet complémentaire de la couverture maladie universelle relevait depuis sa création de la politique de lutte contre l'exclusion, et c'est désormais votre collègue de la santé qui en excerce la gestion, alors qu'au sein du même chapitre budgétaire, l'aide médicale demeure de votre compétence ; quant aux crédits de tutelle et de curatelle d'Etat, qui ressortissent manifestement aux politiques de développement social, ils sont désormais rattachés à la composante « famille et enfance », au sein du pôle santé ; enfin, le découpage des crédits selon les lignes des nouveaux portefeuilles ministériels a trouvé sa limite avec les crédits d'aide sociale, qui demeurent au sein du pôle solidarité bien qu'ils concernent tout à la fois personnes handicapées, personnes âgées et enfance.
    En outre, il me faut déplorer le très faible taux de réponses ministérielles qui me sont parvenues dans les délais prévus par la loi organique. Une telle situation est pour le moins inopportune dans le cadre de l'examen budgétaire et va à l'encontre de la nécessaire information du Parlement. La commission des finances a d'ailleurs adopté une observation en ce sens.
    Que l'on me comprenne bien : il ne s'agit pas de jouer au gendarme de la loi organique, pas davantage de vous inciter à récupérer je ne sais quels crédits perdus, mais seulement de contribuer, là où nous sommes, à la réussite de la modernisation de notre Etat. S'efforcer de raisonner, partout où cela est possible, en termes de politiques publiques et non de structures ministérielles ou administratives serait un premier pas encourageant.
    Je veux y croire d'autant plus, de votre part, que j'ai plaisir à constater, dans les crédits de la solidarité pour 2003, les signes tangibles d'un volontarisme qui tranche avec le « suivisme » traditionnel. Nous nous acheminons vers des dépenses sociales moins subies que voulues. Ce budget est nécessairement un budget de transition, mais il est pourtant de bon augure de pouvoir déjà y distinguer le souci d'insérer plutôt que d'assister, d'assumer plutôt que de laisser filer, et de rationaliser plutôt que de démobiliser.
    D'insérer plutôt que d'assister, tout d'abord. Avec 78,3 % des dépenses de l'agrégat « intégration et lutte contre les exclusions », les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion en métropole et outre-mer, soit 4,46 milliards d'euros en 2003, absorbent la majorité des marges de manoeuvre disponibles, mais ces marges existent. Certes, après une baisse de 4,3 % en 2000, le nombre de bénéficiaires du RMI a continué de décroître en 2001 à un rythme moins soutenu de 2,1 %. Pourtant, en 2003, une baisse de 4,27 % des effectifs est prévue en métropole, compte tenu des hypothèses budgétaires du Gouvernement et grâce à la relance de l'insertion des allocataires ainsi qu'à un pilotage plus fin du dispositif via une amélioration des contrôles ; au total, cela doit permettre 150 millions d'euros d'économies. En effet, nous attendons avec espoir la mise en place du revenu minimum d'activité, tout particulièrement dans les services des départements, qui sont censés mettre en oeuvre l'insertion des allocataires. Les crédits qu'ils auront à gérer s'élèveront à environ 750 millions d'euros en 2003 ; leurs taux de consommation sont extrêmement variables et chacun reconnaît la nécessité d'une réforme. Merci de l'annoncer enfin.
    Assumer, et non pas laisser filer, telle est l'attitude courageuse et réaliste que vous nous avez proposée pour la gestion des crédits de la solidarité dès la loi de finances rectificative du 6 août 2002. Ainsi, 1,19 milliard d'euros a été ouvert pour solder les dettes de la gestion passée, qui a pourtant bénéficié d'une conjoncture économique plus que favorable, de même que 700 millions d'euros pour couvrir les insuffisances au titre du RMI et 445 millions d'euros au titre de l'aide médicale.
    Sur ce dernier point, la dotation demandée pour 2003 comprend en outre une mesure d'ajustement de 172,5 millions d'euros, soit un quasi-quadruplement de la dotation initiale pour 2002, preuve qu'une plus grande sincérité est à l'ordre du jour.
    Assumer, c'est aussi faire face à la montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie, bien plus rapide que prévue, et qui grève les finances des départements.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. C'est certain !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale, pour la solidarité. M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées a récemment donné des assurances sur le maintien de cette prestation - son coût prévisionnel se monte à 2,51 milliards d'euros cette année -, mais il a aussi mentionné avec la clarté que chacun attendait des insuffisances prévisibles dès 2003, à savoir 1,2 milliard d'euros supplémentaire et 40 à 46 000 emplois à pourvoir. Nous en arrivons aujourd'hui à un tragique paradoxe : pour cette prestation comme pour d'autres, le seul levier de contrôle est constitué par l'impossibilité où sont les services sociaux de traiter l'afflux des demandes. Vous n'êtes pas responsable de cet état de fait, mais il vous incombe de l'assumer et de préparer une éventuelle adaptation du dispositif de l'APA. Nous serions heureux de connaître l'état des réflexions du Gouvernement sur ce point.
    La bonne mise en oeuvre de l'APA repose aussi, pour une large part, sur la poursuite de la réforme de la tarification des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes et sur le déploiement des centres locaux d'information et de coordination, les CLIC, qui reprendra en 2003, après le ralentissement intervenu en 2002, et auquel près de 23 millions d'euros seront consacrés. Enfin, il faut se féliciter de la fin du blocage qui, en 2001 et 2002, touchait les opérations d'investissement pour la transformation des établissements, effectuées dans le cadre des douzièmes contrats de plan Etat-région.
    Assumer, c'est également le choix qui a été fait à l'égard des populations en situation de précarité, pour lesquelles les crédits se montent à plus de 1 milliard d'euros, en hausse de 6,8 % par rapport à 2002. En particulier, 42 millions de mesures nouvelles seront consacrées au renforcement du dispositif national d'accueil pour les demandeurs d'asile et les réfugiés, 13 millions d'euros supplémentaires sont également prévus à l'échelon déconcentré pour la création de pensions de famille et l'accueil d'enfants en errance.
    Au-delà de cet accueil d'urgence, les actions d'intégration et de lutte contre les discriminations seront poursuivies, et le véritable service public de l'accueil, que préconisait dans son dernier rapport le Haut Conseil à l'intégration, va pouvoir être mis en place progressivement, grâce à l'instauration, dans ce projet de loi de finances, d'une taxe au profit de l'Office des migrations internationales.
    Quant aux droits des femmes, qui reçoivent désormais toute l'attention qu'ils méritent...
    Mme Muguette Jacquaint. On voit ça !
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale, pour la solidarité. ... grâce à l'installation d'un ministère spécifique, ils seront défendus à travers diverses actions d'information et de mise en oeuvre des avancées législatives récentes, pour 18 millions d'euros sur les crédits d'Etat, en hausse de près de 3 %.
    Assumer, enfin, c'est remplir notre devoir de solidarité vis-à-vis des rapatriés. Je regrette de n'avoir pu obtenir à temps les informations que je demandais à ce sujet, notamment pour connaître le devenir des actions financées par le « plan harkis » qui arrive à échéance à la fin de l'année ; mais j'ai appris tout récemment que le Gouvernement s'apprêtait à demander très prochainement, dans le cadre du collectif budgétaire, la poursuite de l'effort entrepris, et je m'en réjouis.
    Madame, messieurs les ministres, vous souhaitez enfin rationaliser la gestion des politiques de solidarité, plutôt que démobiliser les gestionnaires à force de laisser s'installer une dérive des dépenses et des dispositifs qui confine à la déresponsabilisation. Sagement, vous commencez par appliquer ces principes à votre administration. Avec 100 agents de moins, sur un total de plus de 15 000, mais avec des effectifs en hausse au sein des agences de sécurité sanitaire, et surtout avec moins d'emplois précaires, moins de contractuels, et de meilleures perspectives de carrière, vous allez démontrer qu'une meilleure gestion du social est enfin possible, si la volonté existe. Et vous vous en donnez les moyens, d'une part avec la hausse des crédits de formation - notamment en faveur de l'Ecole nationale de la santé publique, en hausse de 51 %, si mes souvenirs sont bons, mais aussi dans les établissements de formation des travailleurs sociaux - et d'autre part avec la mise à niveau des équipements informatiques lourds et des systèmes d'information grâce à des crédits en progression de 10 %. Mais surtout, et plus simplement, c'est la couverture des frais de fonctionnement courant qui sera permise grâce à une augmentation des crédits de près de 14 % : jusqu'ici, les dotations initiales ne permettaient de faire face ni aux hausses de loyers ni à la mise en conformité des bâtiments. Bien que plus modestes, les crédits d'études seront en hausse de 10,5 %, et je profite de l'occasion pour souhaiter qu'un véritable travail d'évaluation des pratiques et des politiques sociales, un travail de grande ampleur, soit mis en oeuvre. C'est nécessaire. Le Parlement peut, et doit, à mon sens, y apporter son concours.
    La rationalisation emporte aussi certains choix politiques, légitimes autant que transparents : c'est ainsi que la suppression du secrétariat d'Etat à l'économie solidaire entraîne logiquement une diminution de crédits, même si la dotation prévue pour les actions d'ampleur nationale est reconduite.
    Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, en résumé, à structure 2003, les crédits du pôle « solidarité » progresseront de 4,49 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Ils s'inscriront en baisse de 11,39 % par rapport à la loi de finances rectificative qui a rétabli, comme je l'ai rappelé, la sincérité des comptes.
    Ce total de 7,068 milliards d'euros se répartit comme suit : les crédits en faveur du développement social, y compris les dépenses en faveur des personnes âgées, s'élèveront à 310 millions d'euros, en hausse de 0,3 % ; les actions d'intégration et de lutte contre les exclusions représenteront 5,75 milliards d'euros, en hausse de 5 % ; les moyens consacrés à la gestion des politiques de santé et de solidarité se monteront à 1,1 milliard d'euros, dont 75 % pour les rémunérations et pensions.
    La commission des finances a adopté ces crédits et je vous demande, mes chers collègues, de faire de même. Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, le message que nous vous adressons dépasse l'enjeu de ce simple vote. C'est l'ambition de toute une législature que vous portez et la représentation nationale y sera très attentive, car nos concitoyens ont besoin de cette ambition. Bon courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Maxime Gremetz. Remarquable : notre collègue est la première à respecter son temps de parole !
    M. le président. Merci, madame Montchamp, pour cette intervention claire dans le strict respect du temps de parole qui vous était accordé. C'est parfait !
    La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville.
    Je sais, madame Boutin, que vous pouvez parler pendant sept heures...
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Pas sept heures, monsieur le président : c'est tout à fait excessif !
    M. le président. ... mais vous devez essayer, ici, de condenser votre pensée en quinze minutes.
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2003, été appelée à se prononcer pour la première fois simultanément sur les crédits de l'action sociale et de l'exclusion et sur ceux de la politique de la ville. Mais, monsieur le ministre délégué à la ville, comme la discussion sur ces derniers crédits a déjà eu lieu au mois d'octobre dernier, je ne les évoquerai que très rapidement, car j'ai choisi, de traiter plus particulièrement la question qui se trouve au coeur de la problématique de l'exclusion, le RMI.
    En ce qui concerne le difficile exercice que constitue la construction du premier projet de loi de finances de la nouvelle majorité, je me dois de souligner deux faits majeurs : d'une part la préservation des crédits concourant soit directement, soit par le biais de la politique de la ville, à la lutte contre l'exclusion, d'autre part la rupture avec la logique de reconduction systématique des actions antérieurement menées.
    Une hausse très nette - déjà relevée par le rapporteur spécial de la commission des finances - des crédits spécifiquement dédiés à l'intégration et à la lutte contre l'exclusion est à noter : plus de 5 %. Les économies nombreuses ne fragilisent en aucune manière le traitement de l'exclusion, la plus marquante résultant de la baisse du nombre d'allocataires du RMI et de l'amorce d'une démarche de redynamisation du volet insertion, sur laquelle je reviendrai. La mesure d'ajustement est de 150 millions d'euros.
    D'autres économies ont été encouragées, mais l'effort est à peu près général sur tous les postes relatifs à l'exclusion. Je citerai simplement quelques exemples : la consolidation de 3 000 postes en centres d'accueil pour demandeurs d'asile créés en 2002, à laquelle s'ajoute la création de 1 718 nouvelles places ; une mesure nouvelle, et d'importance, de 8,1 millions d'euros pour la prise en charge des déboutés du droit d'asile, qui témoigne de la préoccupation particulière du Gouvernement pour ce problème d'actualité ; l'ajustement des moyens aux besoins dans le cadre de l'aide médicale ; la mise en oeuvre d'un programme de création de pensions de famille et de structures pour les enfants des rues, représentant un effort de 5 millions d'euros ; la création de 500 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale.
    Une fois rapidement présentés les crédits de l'exclusion, je voudrais, monsieur le ministre, vous faire part de mes remarques pour participer à votre réflexion sur le problème spécifique du RMI. Ce que je vais vous dire est dicté par mon expérience d'élue locale, par les auditions que j'ai pu mener en préparant ce rapport, mais également par les nombreuses rencontres que j'ai faites pendant la campagne présidentielle.
    Le revenu minimum d'insertion a treize ans. Il peut à juste titre être considéré comme une avancée sociale majeure. Il contribue indéniablement à la lutte contre la pauvreté et constitue un minimum vital pour des Français qui vivent en grand état d'exclusion. Mais ce succès apparent dénote aussi l'aggration de la pauvreté dans notre pays et l'échec du dispositif de l'insertion.
    Le dispositif du RMI n'a en effet répondu que partiellement à ses objectifs initiaux. Il s'agit, certes, d'une conception originale au bien-fondé indéniable : créé par la loi du 19 décembre 1988, il se fonde sur l'affirmation du droit de chacun à disposer d'un revenu minimum, assorti d'un engagement de participer à l'action d'insertion. Ce n'est pas une allocation à caractère universel, car elle est versée sous certaines conditions. Si, depuis sa création, ce dispositif n'a fait que démontrer qu'il répondait à un besoin social majeur, son succès est ambigu : le nombre d'allocataires est allé croissant jusqu'en 2000, puis a connu une légère baisse. Toutefois, nous devons être vigilants, car le nombre d'allocataires est en train de remonter,...
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait : les derniers chiffres l'indiquent !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Toutes les associations s'occupant d'exclusion et de pauvreté le disent.
    Il faut noter que le recul du chômage dans les années 1997 à 2000 n'a pas réduit l'exclusion de façon proportionnelle, bien au contraire. Avec la baisse du nombre de ses bénéficiaires, le RMI s'est recentré, au contraire, sur des publics de plus en plus marginalisés. Et l'on peut se demander s'il n'a pas contribué à maintenir cette partie de la population dans une trappe d'inactivité, dans un piège à pauvreté.
    Mme Muguette Jacquaint. Non : ils sont actifs et pauvres, madame Boutin !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. En tout cas, une partie de l'opinion française le pense et ce sentiment est malheureusement confirmé par diverses études économiques.
    A côté du succès ambigu du revenu minimum d'insertion, tout le monde s'accorde à reconnaître l'échec du « I » du RMI, c'est-à-dire de l'insertion. Cette dimension est insuffisante, quand elle n'est pas totalement absente, et l'on peut dire qu'il s'agit là d'un véritable détournement de la loi de 1988. Les personnes auditionnées ont été unanimes à confirmer le constat des rapports qui ont été faits, en particulier celui de la Cour des comptes. Différents indicateurs le montrent, que vous pourrez retrouver dans le rapport que j'ai eu l'honneur de rédiger.
    On peut ainsi se demander si le RMI n'est pas un handicap pour le retour à l'activité. Je voudrais, à ce sujet, dire une chose très importante : il faut faire justice de l'idée reçue selon laquelle les allocataires du RMI préféreraient s'accommoder de ce minimum social plutôt que d'accomplir un travail ne procurant que des revenus faiblement supérieurs.
    M. Maxime Gremetz. Très juste !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Cette approche ne relève que de l'intuition, du préjugé, et ne repose sur aucune donnée objective.
    M. Maxime Gremetz. Absolument ! Ceux qui disent ça ne savent pas ce que c'est que de vivre avec le RMI !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Les éléments disponibles - par exemple, l'engagement des titulaires du RMI dans une démarche de recherche d'emploi - montrent le contraire.
    M. Maxime Gremetz. Très bien, madame Boutin !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Il n'est donc pas question d'aborder ce débat en termes de stigmatisation ou de culpabilisation des allocataires...
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pourtant pas ce qu'ont fait d'autres rapporteurs !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. ... mais d'étudier les facteurs objectifs qui défavorisent le retour à l'emploi.
    Le premier de ces facteurs tient à la nature des emplois qui sont proposés aux titulaires du RMI. Ils sont souvent précaires, souvent à temps partiel. Cette précarité contraste avec la certitude du revenu que constitue le RMI. En effet, lorsque ces contrats précaires arrivent à terme, et avant une nouvelle attribution du RMI, ces foyers qui vivent à flux tendu peuvent connaître de réelles difficultés, des ruptures de revenu aux conséquences dramatiques. Aussi, ces persones ont-elles intérêt à rester dans le RMI plutôt que d'accepter un contrat de travail.
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Le deuxième élément est le différentiel faible, voire négatif, qui existe entre le RMI et les revenus tirés d'une activité salariée, notamment quand il s'agit d'un travail à temps partiel.
    Mme Muguette Jacquaint et M. Maxime Gremetz. C'est vrai !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Ce faible différentiel ne suffit pas nécessairement à compenser la diminution progressive de l'aide au logement et des aides sociales qui accompagnent le RMI.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Très juste !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Cependant, des mesures ont été prises pour rendre l'emploi plus rémunérateur : la possibilité de cumuler RMI et activité à temps partiel, l'aide à la reprise d'activité des femmes, le nouveau calcul de l'allocation logement pour éviter les effets de seuil des aménagements du régime d'exonération de la taxe d'habitation. Une analyse réalisée par l'INSEE montre que le revenu disponible est désormais fonction croissante de la durée du travail, à court comme à moyen terme.
    Quelles mesures, monsieur le ministre, pourrions-nous envisager comme base de travail ? Je n'ai pas du tout la prétention d'apporter une réponse d'ensemble à la question. Je souhaite simplement vous dire où j'en suis dans cette réflexion.
    Le RMI est une avancée sociale majeure, nul ne le conteste ; mais le volet d'insertion est un échec, je le répète, et tout le monde le reconnaît. Plus de 7,5 milliards d'euros d'argent public sont versés pour abonder cette allocation, et le contrat des bénéficiaires du RMI présente le paradoxe d'être toujours majoritairement orienté vers l'emploi alors que, malheureusement, les bénéficiaires sont de moins en moins employables. Sans anticiper sur votre mission de réflexion, je vous propose quelques pistes destinées à enrichir le débat.
    Tout d'abord, je propose qu'on en finisse avec l'hypocrisie que représente le I de RMI. Il faut reconnaître qu'il existe des populations qui ne pourront jamais, pour des raisons diverses, trouver du travail.
    Mme Muguette Jacquaint. Vous avez raison !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Ensuite, il convient de privilégier des mesures incitatives au retour à l'emploi.
    Enfin, il s'agit de redonner une espérance à tous par l'accès à un logement, dans la perspective d'en devenir propriétaire.
    M. Maxime Gremetz et Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Se profilent en effet deux types de population : celle dont on pense qu'à plus ou moins brève échéance, elle pourra trouver du travail, et celle dont on sait que c'est quasiment impossible.
    Dans ce que je vous propose, monsieur le ministre, il y a deux dimensions : les droits, bien sûr, mais aussi les devoirs.
    Je propose en particulier que soit créé pour cette population en très grande difficulté un revenu minimum d'existence, fondé sur la solidarité nationale. Ce RME, que certains, au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ont proposé d'appeler revenu minimum d'espoir, serait accordé à toute personne résidant en France dans des conditions régulières. Il pourrait consister en l'attribution sans contrepartie d'un revenu minimum bloqué au niveau actuel du RMI. Ce droit, accordé à tous sur la base de la solidarité nationale, serait assorti d'un devoir pour le bénéficiaire : accepter un accompagnement social personnalisé dans toutes ses démarches : aide au logement, accès aux soins, aides administratives.
    A côté de ce revenu minimum d'existence pourrait être créé le revenu minimum d'activité, qui constituerait la deuxième marche vers l'insertion. Il s'agirait d'un droit à prestation, calqué sur l'actuel RMI, et qui verrait son montant différentiel indexé sur l'évolution des prix, de façon à creuser progressivement l'écart avec le RME. Il serait assorti d'un devoir d'insertion par l'activité, grâce à la mise en oeuvre de nouveaux dispositifs d'encouragement au retour à l'emploi. Les titulaires du RMA devront pouvoir continuer à bénéficier de l'ensemble des droits sociaux complémentaires actuellement attachés au RMI.
    Pour que ce RMA soit incitatif au retour à l'emploi, diverses mesures pourraient être proposées. Je pense par exemple à un mécanisme d'intéressement, y compris à long terme, afin de favoriser la reprise d'activité. Je pense aussi, à la présentation aux candidats et aux titulaires du RMA de simulations couvrant l'ensemble de leur situation, qui leur montreraient le gain financier que représenterait pour eux, à court comme à moyen terme, un retour à l'activité. Cela leur permettrait de comprendre l'intérêt qu'il y a à monter cette première marche vers l'insertion. Une autre mesure utile serait de limiter strictement la revalorisation du RMA à l'évolution des prix, afin de creuser le différentiel avec le SMIC, que vous proposez d'augmenter de 11,4 % en trois ans.
    Il existerait ainsi trois niveaux : le RME, pour ceux qui se trouvent dans des difficultés extrêmes et que la solidarité nationale soutiendrait ; le RMA, dont les augmentations seraient indexées sur le coût de la vie, ce qui contribuerait à creuser le différentiel avec le RME ; enfin, le SMIC, qui serait incitatif.
    De manière plus générale, il faut privilégier les mesures incitatives au retour à l'emploi.
    Du côté des entreprises, on pourrait créer des aides à l'embauche de titulaires du RMA par un mécanisme de réduction des charges sociales patronales. On pourrait imaginer une solution comparable à celle adoptée en août dernier pour les jeunes non qualifiés, c'est-à-dire un remboursement total des charges au niveau du SMIC en contrepartie de l'embauche.
    On peut aussi donner des moyens accrus aux acteurs de l'insertion. Il est très important, que nous prenions conscience, en France, du travail accompli par tous les travailleurs sociaux, qui n'ont pas de reconnaissance sociale mais qui, par leur dévouement, assurent la paix dans notre pays.
    M. Pierre-Louis Fagniez. C'est vrai !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Un travail de revalorisation de la fonction des travailleurs sociaux me paraît tout à fait essentiel. Il conviendrait de leur donner davantage de moyens.
    Je vois, monsieur le président, que le signal lumineux placé devant moi clignote, mais j'ai bientôt fini.
    M. le président. Je n'ai rien dit, madame la rapporteure ! Nous vous écoutons avec attention.
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Je propose aussi, monsieur le ministre, que la gestion de ces différents revenus se fasse au niveau des départements et plus particulièrement des cantons. C'est le bon échelon, qui permet d'éviter d'éventuels clientélismes tout en étant suffisamment proche du terrain, ce qui est nécessaire si l'on veut parvenir à une bonne adaptation aux besoins locaux.
    Enfin, il me semble essentiel de redonner une espérance à tous. Il est vain de croire que l'intégration de tous dans la société française est possible sans espérance. Or, pour avoir une espérance, il faut d'abord avoir un logement.
    Mme Hélène Mignon. Absolument !
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. Pierre-Louis Fagniez. Bien sûr !
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis, pour l'action sociale, la lutte contre l'exclusion et la ville. Je propose donc qu'assurer un logement à tous devienne une cause nationale. Aussi surprenant que cela puisse paraître, différentes réponses peuvent être apportées pour rendre effectif ce principe fondamental. Les organismes de logements sociaux ont de multiples propositions à faire. L'une d'elles mériterait une attention particulière : il s'agit de la possibilité qui pourrait être accordée à tous d'accéder à la propriété, quel que soit le niveau des revenus des locataires, fussent-ils ceux du RME. Serait ainsi créé un nouveau type de société civile immobilière, dite de capitalisation, qui permettrait à tous, - je dis bien à tous -, d'acquérir des parts de société chaque mois, lors de l'acquittement du loyer. Cette perspective d'acquisition d'un logement me semble être un facteur d'intégration et de reconnaissance pour tous. Celui qui n'a pas de logement sûr ne peut être inséré, intégré dans la société.
    Tel est, madame, messieurs les ministres, l'état de mes réflexions sur un problème particulier qui me touche beaucoup, le développement de la pauvreté dans notre pays. Les discours ne suffisent plus, il nous faut maintenant prendre ce problème à bras-le-corps, avec humanité et responsabilité.
    Bien sûr, mes chers collègues, je vous demande d'adopter ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier Mmes et MM. les rapporteurs pour le travail d'investigation, d'explication et de critique qu'ils ont accompli sur le projet de budget que j'ai l'honneur de vous soumettre. Ils trouveront dans la présentation que je vais faire maintenant des réponses à nombre des questions qu'ils ont posées. Pas à toutes, cependant, car je vous propose de réserver quelques thèmes, notamment parmi les plus importants, à ma réponse aux orateurs inscrits. Je pense en particulier, madame Boutin, à la réflexion très originale que vous avez présentée sur l'avenir du revenu minimum d'insertion.
    Le projet de loi de finances pour 2003 du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité s'inscrit, comme tous les rapporteurs l'ont souligné, dans une stratégie gouvernementale visant à stimuler la croissance et l'emploi.
    Le renforcement de la compétitivité de notre économie, la revalorisation du travail, l'instauration d'une solidarité active obéissant au principe de la justice et de la promotion sociale constituent les axes de notre politique. Notre pacte économique et social est essoufflé : un nouvel élan est nécessaire.
    Il va se traduire par une hausse significative, prévue au cours des trois prochaines années, des salaires les plus faibles, cette hausse étant compensée par des allégements de charges permettant de maîtriser le coût du travail. Ce nouvel élan se traduit également par une réorientation des instruments de la politique de l'emploi, à travers la priorité que nous donnons à l'insertion dans l'emploi marchand et le recentrage des contrats aidés sur les publics les plus éloignés de l'emploi. Il se traduit, enfin, par la volonté de renforcer la solidarité à l'égard des plus démunis, tout en refusant de les enfermer dans une logique d'assistance.
    Le budget du travail qui vous est soumis s'élève à 15,7 milliards d'euros. Toutefois, ce chiffre ne rend pas intégralement compte de l'effort qui sera consenti en 2003 en faveur de l'emploi, dans la mesure notamment où les baisses de charges sur les bas salaires mobiliseront 1 milliard d'euros supplémentaires en 2003 et 6 milliards d'euros supplémentaires à l'horizon 2005.
    De manière générale, ce budget s'inscrit dans le cadre de notre politique de l'emploi : le Gouvernement entend revaloriser le travail tout en restaurant la compétitivité des entreprises. Le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi - qui trouve déjà son prolongement dans le projet de loi de finances - y contribuera.
    En effet, pour les salariés les moins qualifiés, la hausse du SMIC atteindra 6,5 % en termes réels, de manière cumulée sur la période considérée, soit 2,2 % par an. Une telle progression sur cette durée n'avait pas été observée, depuis vingt ans.
    Pour les entreprises, la hausse du coût du travail au niveau du SMIC sera ramenée, grâce aux allégements de charges - 1 milliard d'euros en 2003, 6 milliards d'euros à l'horizon 2005 -, à 2,5 % sur cette période. Cette progression très modérée permettra, comme le montre l'expérience des précédentes baisses de charges, de favoriser l'emploi des personnes les moins qualifiées.
    Il convient de souligner que cette baisse de charges ne pèsera pas sur les comptes de la sécurité sociale, car elle sera intégralement compensée aux différents régimes. En 2003, cette compensation sera effectuée à hauteur de 700 millions d'euros par le transfert de l'Etat à la sécurité sociale d'une partie de la taxe sur les conventions d'assurance, et à hauteur de 300 millions d'euros par la mobilisation d'une partie du produit de la hausse des droits sur les tabacs.
    Enfin, vous savez qu'au-delà des allégements de charges, d'autres baisses de prélèvements pesant sur les salaires sont prévues en 2003. Amélioration de la prime pour l'emploi pour les travailleurs à temps partiel : 130 millions d'euros ; achèvement de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle : 1,9 milliard d'euros. Ces deux mesures contribueront aux objectifs que j'ai énoncés : la première rendra plus incitatif le retour au travail ; la seconde favorisera l'emploi en encourageant les entreprises à embaucher.
    S'agissant des principaux crédits d'intervention de mon ministère dans les domaines de la formation et des aides à l'emploi, j'ai souhaité donner la priorité à la formation et à l'emploi dans le secteur marchand : le développement des dispositifs qui y concourent a donc pour contrepartie le ralentissement des contrats aidés du secteur non marchand.
    De ce point de vue, la politique relative à l'emploi des jeunes est emblématique.
    Le contrat « jeunes en entreprises » permettra d'effacer totalement les charges supportées par les entreprises au niveau du SMIC pour l'embauche de jeunes dont le niveau de qualification est inférieur au bac, afin d'assurer à ceux-ci le chemin d'un véritable emploi. Comme vous avez pu le constater, une campagne de communication a été lancée au moment où la mesure devenait opérationnelle. Elle devrait permettre au dispositif de connaître une expansion significative à partir de 2003 : 90 000 jeunes seront concernés l'année prochaine, selon notre estimation, et 250 000 le seront à terme.
    La politique de l'alternance est relancée : par rapport aux prévisions pour 2002, le nombre de contrats en alternance devrait passer de 361 000 à 389 000, soit une progression de 8 %.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail, et M. Jean Roatta. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il sera progressivement mis fin au système des emplois-jeunes, comme cela avait été d'ailleurs initialement annoncé : mal ciblé sur les publics les plus en difficulté, peu valorisant en termes de rémunération et de débouchés, il ne fera plus l'objet d'aucun recrutement. Pour les associations dont les projets sont les plus utiles, des mesures d'appui seront poursuivies pendant trois ans afin d'assurer la viabilité de leurs activités au-delà des cinq ans prévus pour l'aide initiale.
    Je veux aussi dissiper toute inquiétude sur l'indemnisation chômage de tous ceux qui, en fin de contrat, n'auraient pas retrouvé un emploi. Ce sont, de notre point de vue, des salariés de plein droit, qui seront traités comme tels par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Alors que rien n'avait été prévu par le précédent gouvernement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les emplois-jeunes seront progressivement remplacés par les contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS.
    Ceux-ci présenteront plusieurs spécificités fortes par rapport à ceux-là. En particulier, ils seront davantage recentrés, je l'ai dit, sur les publics les plus en difficulté, ce qui permettra de mettre un terme à la dérive consistant à embaucher des jeunes relativement qualifiés, qui auraient été en mesure d'accéder à l'emploi classique.
    Par ailleurs, le plus grand soin sera apporté à la formation proposée aux jeunes, afin d'assurer leur insertion professionnelle à l'issue de leur contrat.
    Enfin, ce contrat devra correspondre à un projet personnel du bénéficiaire.
    La priorité donnée à la formation passe notamment, je l'ai dit, par la relance de l'alternance. Elle se traduit également par le lancement véritable de la politique de validation des acquis de l'expérience. Les crédits correspondants seront ainsi multipliés par cinq, passant de 3,6 millions d'euros à 18,3 millions d'euros. Ils serviront à la fois à financer le dispositif de validation des acquis de l'expérience - accompagnement, désignation des jurys - et à mettre en place des structures d'information et de conseil pour le public. La validation des acquis de l'expérience sera l'une des composantes de la formation tout au long de la vie, que ce gouvernement entend promouvoir, notamment pour les salariés dont le niveau de formation initiale est peu élevé.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La même préoccupation inspire l'effort en faveur de l'allocation de fin de formation, dont la dotation double pratiquement, passant de 38 millions d'euros à 73 millions d'euros. Cette allocation a été créée pour permettre aux demandeurs d'emploi engagés dans une formation et ayant épuisé leurs droits de continuer à bénéficier d'un revenu jusqu'à la fin de cette formation.
    En ce qui concerne la promotion de l'emploi et les adaptations économiques, ce budget reflète deux priorités.
    D'une part, le Gouvernement doit permettre aux entreprises dont l'existence est menacée de gérer très en amont, et dans les meilleures conditions possibles pour elles et pour leurs salariés, les restructurations auxquelles elles doivent faire face. En termes budgétaires, cette préoccupation nous a conduits à priviléger les dispositifs en faveur des salariés des PME et des entreprises les plus en difficulté.
    D'autre part, le taux d'emploi des personnes âgées de plus de 55 ans est en France l'un des plus faibles d'Europe.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette situation est préoccupante. Elle s'explique en partie par le fait qu'au cours des années récentes l'Etat est intervenu pour permettre aux entreprises de se séparer, à un faible coût, de leurs salariés les plus expérimentés. Cette politique de retrait des salariés âgés des entreprises, où leurs compétences sont pourtant précieuses, doit être réévaluée.
    M. Jean Roatta. Bien sûr !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de réduire l'impact des dispositifs de cessation anticipée d'activité, en les renchérissant pour les entreprises, notamment les plus grandes d'entre elles.
    M. Maxime Gremetz. Ça, vous pouvez y aller !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans cet esprit, le budget prévoit d'augmenter la participation des entreprises aux préretraites FNE et, surtout, aux préretraites progressives.
    Par ailleurs, les crédits relatifs à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les PME sont décuplés, passant de 1,5 million d'euros à 14,1 millions d'euros. Il s'agit de l'un des outils dont disposera l'Etat pour faciliter l'introduction d'une meilleure gestion des emplois dans les PME.
    Comme vous le savez, l'ensemble de ces réformes s'accompagnent de la mise en place d'une cellule interministérielle, placée sous l'autorité de M. Viet, à qui j'ai confié la mission de mieux coordonner les actions de l'Etat, des collectivités et des partenaires sociaux afin de mieux anticiper les mutations économiques et industrielles, et de mieux y répondre.
    En ce qui concerne la gestion des politiques du ministère, des efforts significatifs sont consentis au profit de l'ANPE et de l'AFPA, dont les crédits progressent de 1,7 % dans les deux cas. A l'ANPE, l'accent sera notamment mis sur le développement du projet d'action personnalisé, le PAP, qui sera proposé à tous les chômeurs, notamment à ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi. Ceux-ci bénéficieront d'un diagnostic approfondi de leur situation lors des entretiens initiaux, puis d'un suivi continu et régulier dans le cadre des actualisations du PAP. L'AFPA renforcera également son appui aux bénéficiaires du PAP.
    Ainsi, ce budget du travail repose sur de véritables choix : la priorité est accordée aux mesures d'insertion dans l'emploi marchand, via les baisses de charges générales, mais aussi grâce à des dispositifs plus ciblés comme les contrats « jeunes en entreprises » ; la priorité est également donnée aux publics les plus en difficulté avec les contrats aidés et les différents instruments de soutien à la formation ou à la recherche d'emploi.
    Cette démarche repose sur un double souci d'efficacité de la dépense et de justice sociale. Elle nous semble de nature à affermir la situation de l'emploi dans un contexte économique difficile.
    J'en viens au budget de la solidarité.
    L'ensemble des crédits relatifs à la solidarité s'établissent à 6 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,8 % par rapport à 2002. Ce taux de progression, très supérieur à celui de l'ensemble du budget, montre la priorité accordée à tous les dispositifs destinés aux plus démunis.
    Mon objectif premier est de privilégier l'insertion par rapport à l'assistance chaque fois que c'est possible. Cette perspective concerne notamment le revenu minimum d'insertion - dans l'attente des réformes futures -, qui représente l'essentiel des crédits dans ce domaine : 4,5 milliards d'euros sur un total de 6 milliards d'euros. Aujourd'hui, ainsi que Mme Boutin l'a souligné, le volet insertion de ce dispositif ne donne pas satisfaction : seul un bénéficiaire sur deux signe un contrat d'insertion et les taux de retour à l'emploi sont beaucoup trop faibles.
    Comme M. le Premier ministre l'a annoncé dans sa déclaration de politique générale, un débat sera organisé dans les prochains mois à l'occasion du quinzième anniversaire du RMI. Je souhaite que, en cette circonstance, un grand nombre de pistes de réflexion soient explorées.
    Celles-ci pourraient porter, par exemple, sur les thèmes suivants :
    Le transfert de nouvelles compétences aux départements dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation ;
    L'élargissement de la palette des contrats non marchands proposés aux bénéficiaires du RMI afin de permettre le franchissement plus rapide d'une première étape dans le parcours d'insertion ;
    Le renforcement des possibilités d'accès à l'emploi classique, au-delà du bénéfice à attendre des baisses de charges.
    Ma deuxième priorité en matière de solidarité concerne l'ensemble du dispositif d'accueil des personnes en difficulté. Un effort très important est consenti à ce titre dans le budget pour 2003, puisque le total des crédits inscrits au chapitre relatif à l'intégration et à la lutte contre l'exclusion passe de 950 millions d'euros à 1,014 milliard d'euros, soit une progression de 7 %.
    Tous les types d'accueil bénéficieront de cet effort.
    Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, qui assurent l'accueil, le soutien et l'accompagnement social, bénéficieront en 2003 de la création de 500 places supplémentaires. Actuellement, on en compte 33 000.
    Les pensions de famille et les structures pour mineurs, qui sont de nouvelles structures, seront dotées de 5 millions d'euros dans le projet de loi de finances, destinés à assurer leur financement. Les pensions de famille sont des logements offrant une solution de rechange entre le centre d'hébergement d'urgence et un logement plus durable. Quant aux structures pour mineurs, elles doivent permettre la prise en charge et l'accueil de jour et de nuit des mineurs sans abri. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet avec Mme Versini au cours du débat.
    L'accueil d'urgence, qui a pour objet de fournir une aide alimentaire et d'assurer un hébergement d'urgence aux personnes sans résidence stable, ainsi que de soutenir le développement des équipes mobiles d'aide sociale d'urgence du type Samu social, dispositif qui a bénéficié de 111 millions d'euros en 2002, verra sa dotation augmenter de 8 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2003, soit une augmentation de 8 %, pour financer l'accueil d'urgence des déboutés du droit d'asile.
    S'agissant précisément des demandeurs d'asile et des réfugiés, les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, qui assurent un hébergement et un accompagnement social et administratif aux demandeurs d'asile, ont vu le nombre de leurs places augmenter de 3 000 en 2002, portant celles-ci à 9 800, si bien que l'on arrive, avec les dispositifs SONACOTRA et réfugiés, à un total de 11 000 places. En 2003, 1 700 places supplémentaires seront créées. Au total, les crédits consacrés aux demandeurs d'asile et aux réfugiés passeront de 79 millions d'euros en 2002 à 121 millions d'euros en 2003, soit une augmentation de plus de 50 %.
    Comme vous le savez, cette progression très importante des crédits reflète la hausse continue, ces dernières années, du nombre de demandeurs d'asile : 20 000 dossiers déposés en 1997, 30 000 en 1999, presque 50 000 prévus pour 2001. Nous avons l'intention, ainsi que l'a annoncé le Président de la République, d'accélérer très significativement le traitement des dossiers afin de réduire ces chiffres.
    Cette orientation s'inscrit dans le cadre d'une approche plus globale en matière de politique d'intégration, notamment en faveur des 100 000 primo-arrivants. Nous devons créer entre la France et les étrangers en situation régulière un élan de confiance partagée.
    Tous ces efforts illustrent la volonté de ce gouvernement d'assurer, tout en essayant, chaque fois que c'est possible, de favoriser la sortie de l'assistance et l'accès à l'emploi, que tous ceux qui ont besoin de la solidarité nationale en bénéficient véritablement.
    Je dirai maintenant quelques mots des autres postes de dépenses relatifs à la solidarité.
    Le dispositif de l'aide médicale de l'Etat, qui s'adresse principalement aux étrangers en situation irrégulière, connaît, depuis la réforme adoptée en 1999, une augmentation constante du nombre de ses bénéficiaires. En 2003, les 233 millions d'euros de crédits prévus pour ce poste, soit près de quatre fois la dotation initiale de 2002, permettront de tenir compte de cette évolution : il s'agit donc d'une opération vérité y visant à établir la réalité de la dépense.
    Toutefois, nous souhaitons mieux maîtriser à l'avenir les dépenses engagées à ce titre. A cette fin, nous menons actuellement une réflexion sur les moyens qui permettraient d'améliorer le contrôle des conditions d'accès des bénéficiaires.
    La formation au travail social, qui constitue également un élément essentiel de la réussite des politiques conduites dans le domaine de l'action sociale, verra ses crédits progresser de 13 %, soit une augmentation de 16 millions d'euros.
    Mme Béatrice Vernaudon. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet effort permettra de former, comme en 2002, 3 000 étudiants en plus de ceux qui entraient en formation les années précédentes. L'augmentation du nombre de boursiers pourra se poursuivre en 2003, pour tendre progressivement vers le taux de boursiers de l'enseignement supérieur.
    La politique d'accueil, d'écoute et d'orientation des personnes âgées sera poursuivie. Les centres locaux d'information et de coordination, les CLIC, continueront à bénéficier d'une aide au démarrage, à hauteur de 23 millions d'euros.
    En ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, enfin, la dotation, qui s'établit à 18 millions d'euros, enregistre une progression de 2,3 %.
    M. Victor Brial. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'accent sera notamment mis sur la parité et l'égalité professionnelle, en particulier par le biais d'aides aux entreprises qui ont conclu un accord collectif comportant des actions en faveur de l'égalité professionnelle, ainsi que sur l'accès des femmes aux droits et sur la lutte contre les violences, grâce au développement de partenariats avec les associations et les collectivités locales. Mme Ameline aura l'occasion de revenir sur ce point au cours du débat.
    Mesdames, messieurs les députés, ce budget est celui du travail et de la solidarité. Or je crois que notre pays parvient mal à conjuguer ces deux valeurs : ceux de nos concitoyens qui ne réussissent pas à obtenir un travail sont trop souvent, et trop longtemps, enfermés dans l'assistance ; ceux qui travaillent, quant à eux, ne comprennent pas la faiblesse de l'écart qui existe entre leurs salaires et le revenus tirés de l'assistance.
    Notre politique doit s'adresser à tous les Français.
    C'est ainsi que nous voulons restaurer la valeur du travail en augmentant les revenus des Français qui touchent les salaires les plus bas.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous voulons également conduire une véritable politique de solidarité, fondée non sur la seule assistance, mais sur un ensemble d'outils destinés prioritairement aux personnes les moins favorisées : le recentrage des contrats aidés sur ces publics et les baisses de charges pour les bas salaires doivent y contribuer.
    Il ne s'agit pas pour nous de choisir entre travail et solidarité, mais de restaurer simultanément ces deux valeurs, parce que nous sommes convaincus que la relance de notre pacte économique et social est à ce prix. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs inscrits, je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Dans la discussion, la parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget qui nous est soumis confirme, comme je vais le démontrer, que la politique engagée par ce gouvernement en matière d'emploi et de formation professionnelle va à l'encontre de leur développement.
    Certes, on peut toujours parler de revalorisation du travail, mais on ne peut pas oublier que, dans ce pays, ce sont officiellement deux millions et demi de personnes - bien plus en réalité - qui n'en ont pas. On peut toujours parler de la « valeur » du travail, mais mieux vaudrait s'attacher à en donner.
    Alors que nous sommes entrés dans une période de recul de la croissance et que la récession menace, le Gouvernement ne fait rien qui puisse favoriser la reprise économique : bien au contraire !
    Alors qu'il serait nécessaire d'agir sur la demande intérieure par une augmentation générale des salaires, alors qu'il faudrait favoriser les investissements utiles à l'emploi par une politique sélective du crédit et une réforme des cotisations sociales, alors qu'il conviendrait de libérer de nombreux postes de travail par la poursuite de la réduction du temps de travail et de pourvoir ces postes en consentant un gigantesque effort de formation professionnelle, vous faites l'inverse.
    Pour ce qui est des cotisations sociales, votre politique de l'emploi se résume en une seule orientation : la baisse des cotisations patronales, cotisations que vous persistez à appeler des « charges », comme si vous étiez des comptables et non ceux qui conduisent la politique économique et sociale de la France.
    Les articles 10, 20 et 30 du chapitre relatif aux compensations d'exonérations de cotisations patronales ne sont pas chiffrés. Pourtant, il s'agira de sommes considérables qu'il est impossible de passer sous silence, même si l'on sait que ces compensations doivent progressivement être remplacées par des chèques de « soutien » prévus par votre loi « d'assouplissement » des 35 heures. L'ASSEDIC fera ces chèques et l'Etat assurera le financement. Et le projet de budget est tout autant silencieux sur le coût de ce financement, alors qu'il s'agira de sommes astronomiques.
    Dans ce projet de budget que vous allez voter, mesdames, messieurs, ne figurent pas les 23 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales qui concernent tant les grands groupes, lesquels multiplient les licenciements boursiers, que les petites et moyennes entreprises, y compris celles qui créent de l'emploi et veulent innover. C'est une injustice flagrante !
    Monsieur le ministre, cette politique de baisse des cotisations a fait la preuve de son inefficacité depuis vingt ans : plus les cotisations baissent, plus le chômage augmente.
    C'est pour l'emploi des jeunes de seize à vingt-deux ans que vous avez le plus baissé les cotisations avec vos contrats-jeunes. Or il ne semble pas que cette mesure pourtant on ne peut plus attractive - suppression des cotisations patronales pendant deux ans, puis allégement de 50 % pendant les six mois suivants - connaisse un grand succès. Vous aviez prévu 40 000 contrats pour l'année 2002, mais au 1er novembre nous en étions péniblement à 11 000. Vous en êtes maintenant réduits à faire de la publicité auprès des patrons pour les inviter à prendre des titulaires de CAP, vous éloignant ainsi de l'objectif initial : l'emploi des seize - vingt-deux ans sans qualification.
    Mais ce résultat n'est pas surprenant car les entreprises embauchent si elles ont besoin de le faire et non en raison du niveau des cotisations, dont la baisse n'est qu'une aubaine quand elles ont besoin d'embaucher.
    L'argent public est dépensé en pure perte. Sur ce point, votre politique est, je vous le dis, condamnée à l'échec. S'adresser au seize - vingt-deux ans est une bonne idée, mais vous avez manqué votre cible car les dispositions en faveur de la formation adaptée de ces jeunes n'ont pas été prises.
    Avec ce budget, vous persistez dans le dogmatisme libéral en supprimant les mesures de traitement social du chômage et en faisant stagner les crédits destinés à la formation professionnelle.
    Le total des sommes consacrées par l'Etat à la formation professionnelle passe de 3,889 milliards d'euros à 3,927 milliards d'euros, soit moins de 1 % d'augmentation, c'est-à-dire moins que l'inflation. Il s'agit donc, en réalité, d'une baisse des crédits.
    Le nombre d'heures de formation dispensées par l'AFPA plafonne à 61,4 millions après trois années de baisse, alors que nous avions atteint 64,7 millions d'heures en 1998 ; je vous renvoie sur ce point à la page 49 du rapport de M. Fourgous.
    Quant aux primes aux contrats d'apprentissage versées directement par l'Etat, elles diminuent de 70 millions d'euros et elles ne sont compensées qu'à hauteur de 46 millions d'euros versés aux régions ; je vous renvoie à cet égard à la page 35 du rapport. D'ailleur, le total des dotations de décentralisation dans les régions consacrées à l'apprentissage et à l'insertion professionnelle des jeunes est stable alors que les coûts de formation augmentent ; reportez-vous à la page 66 du même rapport.
    Tout cela augure bien mal des transferts de ressources aux régions pour faire face aux dépenses entraînées par les transferts de compétences.
    Les besoins de formation professionnelle sont énormes pour relever les défis du progrès technologique, de l'emploi des jeunes et du remplacement des départs massifs à la retraite des générations de l'après-guerre. Le désengagement progressif de l'Etat est, à cet égard, un mauvais coup porté à l'économie du pays et à l'emploi.
    S'agissant des emplois-jeunes, le budget de 2003 accuse une diminution de 438 millions d'euros, soit une baisse de 15 %. C'est la première étape de la suppression programmée du dispositif. Une grande inquiétude se manifeste quant à la transformation de ces emplois-jeunes en emplois stables et durables. Il s'agit pourtant de nouveaux services, de nouveaux métiers, de nouveaux emplois utiles.
    La proposition de loi que nous avons élaborée avec les jeunes comporte des mesures sérieuses pour titulariser les jeunes dans l'éducation nationale, dans les missions de sécurité et pour aider les collectivités et les associations.
    Disons un mot des CES et des CEC.
    Les trois quarts des crédits des CES sont supprimés et ceux des CEC diminuent de 5 %, ce qui correspond à la suppression brutale de 170 000 CES et de 10 0000 CEC si l'on en croit le tableau figurant à la page 51 du rapport de M. Bouvard.
    J'en viens aux SIFE. Ce sont 13 000 postes de stage destinés aux publics le plus en difficulté qui sont supprimés. Leur nombre aura ainsi diminué de près de moitié depuis 1998.
    En ce qui concerne le programme TRACE, le budget de fonctionnement du parcours d'insertion destiné aux jeunes en difficulté diminue d'un tiers et les bourses d'accès à l'emploi qui garantissent un revenu minimal entre deux actions, passent de 75 millions à 30 millions - je vous renvoie aux articles 61 et 63.
    Pour ce qui touche aux préretraites du FNE et au dispositif de cessation d'activité de certains travailleurs salariés, le budget se caractérise par une stabilité globale alors que la multiplication des plans de licenciements et l'évolution de la pyramide des âges dans de nombreuses entreprises nécessitent pourtant une augmentation des financements destinés à atténuer les drames sociaux et à remplacer les travailleurs usés par le travail par des jeunes. S'agissant plus particulièrement des préretraites, le désengagement progressif se poursuit puisque le nombre de préretraites sera passé de 118 169 en 1997 à 34 890 en 2003, si j'en crois la page 88 de l'un des rapports.
    On peut donc parler littéralement de politique antisociale !
    Nous ne sommes pas, vous le savez, des partisans inconditionnels des mesures de traitement social du chômage et d'insertion, mais ces mesures sont largement insuffisantes : les financements sont bien trop faibles, les capacités de formation bien au-dessous des besoins, les stagiaires ne disposent pas des ressources qui leur permettraient de vivre décemment. La précarité caractérise tous ces dispositifs, qui servent souvent à sous-payer des emplois publics ou associatifs. C'est pourquoi nous sommes favorables à un effort budgétaire multiplié en faveur de la formation et de l'insertion des gens les plus en difficulté, en particulier des jeunes sans qualification, et en faveur de la transformation des emplois précaires en emplois stables statutaires et correctement rémunérés.
    Mais au lieu d'améliorer, vous détruisez et il se précise, me semble-t-il, que la raison sociale de ce gouvernement soit « entreprise de démolition ».
    Qu'il s'agisse des 35 heures, des aides aux jeunes, de la protection contre les licenciements, de la sécurité sociale ou des retraites, vous ne pensez qu'à casser, qu'à détruire !
    Vous disiez que les 35 heures n'avaient pas créé d'emplois. Heureusement, une étude de l'INSEE vient de paraître. Plusieurs études de cet organisme viennent d'ailleurs de tomber aujourd'hui, ce qui, monsieur le ministre, nous permettra d'en finir avec certaines affirmations et contre-affirmations. L'INSEE va donc régler nos litiges.
    Cet institut affirme, après le ministère, que la réduction du temps de travail à 35 heures a bien créé 300 000 emplois.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. A quel prix !
    M. Maxime Gremetz. Vous pouvez toujours prétendre qu'il n'y a que des communistes à l'INSEE : personne ne vous croira ! En tout cas, c'est bien 300 000 emplois qui ont été créés.
    Il n'y a pas d'emploi du fait de la croissance, mais des plans de licenciements, des délocalisations, et plus de traitement social du chômage ! Dans ces conditions, vous cumulez tous les inconvénients et ce n'est pas une progression du chômage que les travailleurs subiront dans les mois qui viennent, mais une nouvelle explosion du sous-emploi.
    Je vous le dis très solennellement : M. Sarkozy aura besoin d'une police musclée pour tenir en laisse les jeunes, désoeuvrés et désespérés.
    En fait, votre budget enrichit les riches ; il est une déclaration de guerre aux jeunes et aux pauvres.
    Il correspond aux injonctions que votre gouvernement a reçues du FMI, qui recommande à la France de « réduire les dépenses publiques », de « ne pas remplacer les fonctionnaires partant à la retraite » - je comprends mieux la suppression du dispositif du congé de fin d'activité dans la fonction publique - et de « réformer les retraites pour des économies budgétaires substantielles à long terme ».
    Le FMI vous dit encore qu'« il faut aligner le public sur le privé ». On vous recommande de réviser l'âge de départ effectif à la retraite et on vous met en garde contre des mesures trop coûteuses, comme le relèvement du SMIC. C'est le FMI qui dit cela au gouvernement de la France, et personne ne proteste !
    Bref, c'est tout un programme. Mais est-ce votre programme ?
    Dans le même temps, l'INSEE montre, dans une étude qui vient de paraître, que, de 1990 à 1997, les ménages de salariés et de chômeurs les plus modestes ont subi une diminution de leurs revenus, alors que les revenus des ménages les plus aisés ont fortement augmenté. Ce n'est pas moi qui le dis : c'est l'INSEE !
    Quant aux profits des grandes entreprises et aux grandes fortunes, ils ont littéralement explosé à la hausse.
    Dès lors, comment s'étonner que les inégalités n'aient cessé de s'aggraver ?
    La part des salaires a baissé dans le revenu national au profit du capital et, pourtant, le chômage est bien là.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Quel réquisitoire contre le précédent gouvernement !
    Mme Muguette Jacquaint. Mais c'est la réalité, monsieur Bouvard !
    M. Maxime Gremetz. Quant au numéro de M. Raffarin sur le recul de dix places de la France au classement de la productivité, je me permettrai de citer une synthèse de M. Fitoussi, président de l'Observatoire français des conjonctures économiques, qui a estimé mercredi que le classement de compétitivité du Forum économique mondial de Davos était « un travail de lobby qui n'est pas sérieux » et « en contradiction avec la réalité ». « Cet indicateur annuel de compétitivité », a poursuivi ce fin connaisseur qu'est M. Fitoussi, « qui a rétrogradé mardi la France de dix places, au trentième rang mondial en 2002, n'est pas sérieux, pas plus aujourd'hui qu'hier ».
    Selon le même, les grandes entreprises qui composent le Forum économique de Davos l'utilisent « uniquement pour faire pression sur les pays pour qu'ils adoptent un tour plus libéral qui leur convient ».
    M. Fitoussi a ajouté qu'« il y a des intérêts économiques en jeu dans un tel classement. Cette fois, c'est tombé sur la France, peu après un changement de gouvernement. Les entreprises essayent d'agir dans leur propre intérêt, qui passe par des impôts les plus bas possibles et une plus grande flexibilité du travail. Mais leurs revendications sont contradictoires car elles demandent tout et son contraire, par exemple moins d'impôts et le maintien du niveau des infrastructures et de la formation, ou moins de cotisations sociales - ce que vous faites - et un système de santé toujours aussi performant ».
    M. Fitoussi a souligné que la France est classée trentième « alors qu'elle reste le deuxième pays européen pour l'accueil des investissements privés et qu'elle a connu ces dernières années un taux de croissance supérieur à la moyenne européenne ».
    Reconnaissez que c'était une bonne citation ! Vous ne direz pas que c'est du Gremetz, car c'est du Fitoussi. (Sourires.) Eh oui ! Ces propos ont été tenus par le président de l'OFCE.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je préfère Gremetz ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, la fin ne saurait justifier les moyens.
    Votre budget est mauvais pour la France, pour l'emploi, pour les salariés et nous voterons évidemment contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, il y a parfois des symétries troublantes : en un an, le chômage a progressé de 6,7 % environ et ce pourcentage est à peu près celui de la baisse de votre budget : à périmètre constant, sans tenir compte des allégements de cotisations, ce budget diminue de 6 %.
    S'il n'y a pas là d'indifférence - je ne crois pas que vous puissiez en avoir face à cette situation -, il y a manifestement de l'imprévoyance et de l'inconséquence.
    Comment expliquer, comment justifier de tels choix alors que la situation de l'emploi ne cesse de se dégrader, alors que l'emploi est redevenu la première priorité des Français ?
    Comment comprendre que vous baissiez ainsi votre garde, reproduisant dans ce budget les mêmes erreures de jugement, les mêmes fautes d'orientation que celles que vous aviez déjà commises en supprimant les emplois-jeunes et en remettant en cause la réduction du temps de travail pour bientôt ouvrir, avec la réforme de la loi de modernisation sociale, les vannes des licenciements ?
    Votre budget, c'est d'abord un constat, une réalité : un milliard d'euros en moins, touchant en priorité toutes les politiques d'intervention mises en place ces cinq dernières années.
    L'emploi des jeunes en est la première victime, contrairement à ce que j'ai entendu. Promis à disparaître pour être remplacés par d'hypothétiques et aujourd'hui encore fantomatiques contrats-jeunes, les emplois-jeunes voient leurs moyens amputés de 500 millions d'euros et les crédits destinés à la pérennisation de ces emplois ou à l'accompagnement des sorties d'emploi sont visiblement insuffisants au regard des besoins et, plus encore, des prévisions.
    Le programme TRACE est réduit de plus d'un tiers - de 36 % - et les bourses d'accès à l'emploi qui le complétaient afin d'éviter une rupture de ressources pour les jeunes concernés perdent, quant à elles, 60 % de leurs dotations.
    Mais non content d'affaiblir les moyens mobilisés pour les jeunes, vous affaiblissez également les moyens consacrés aux publics les plus en difficulté. L'ensemble de ce chapitre - je ne fais là que constater les données budgétaires - diminue également d'un tiers. Ce sont les CES qui sont les plus frappés puisque la chute est de 72,5 %,...
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Ils baissaient constamment depuis cinq ans !
    M. Gaëtan Gorce. Nous reviendrons sur ce point au cours de la discussion. Mais la réalité est bien celle-là : les 80 000 CES inscrits traduisent une diminution en nombre et un abaissement du taux de rémunération. Mme Tharin nous a même indiqué tout à l'heure que les CEC verraient eux aussi leur durée d'intervention réduite de cinq à trois ans.
    L'insertion par l'économique, pourtant valorisée par l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales de la majorité, il y a quelques jours encore dans le débat budgétaire, passe sous la même toise : moins 18 %. Au fond, c'est presque toute la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions que nous avons votée en 1998 qui est remise en cause et se voit privée de moyens.
    Ce faisant, vous allez à contresens. Je dirai même plus : vous allez à contre-emploi.
    Monsieur le ministre, votre budget n'a pas la tête de l'emploi : je crains même qu'il n'ait celle du chômage et des difficultés pour des centaines de milliers de nos concitoyens.
    J'entends bien qu'en réduisant ces moyens vous entendiez mettre un terme à une politique qui ne vous convient pas. Soit ! Mais vous préférez jeter le bébé avec l'eau du bain, c'est-à-dire, en clair, toute la politique de l'emploi avec le bilan Jospin. Le plus grave n'est pas tant que vous critiquiez ce que nous avons fait, c'est conforme au débat démocratique. D'ailleurs, vous ne vous en privez pas, dépensant à cela beaucoup de votre talent et de votre énergie. Le plus grave est que vous ne proposiez aucune véritable alternative.
    Ce que l'on peut reprocher à votre politique de l'emploi, c'est précisément que vous n'ayez pas de politique de l'emploi. Vous supprimez un à un les outils mis en place en cinq ans, sans leur substituer aucun nouvel instrument doté au minimum de la même efficacité.
    Vous nous annoncez pour plus tard des mesures nouvelles, mais c'est maintenant que les mesures existantes sont supprimées, avec un effet direct sur l'emploi.
    C'est maintenant que vous supprimez 50 000 emplois-jeunes pour aujourd'hui à peine 5 000 contrats-jeunes signés.
    C'est maintenant que vous remettez en cause, en le réduisant, le programme TRACE, sans que rien ne figure dans le budget pour les fameux CIVIS que vous promettez.
    C'est maintenant que vous diminuez les dotations affectées aux CES, que vous prétendez vouloir augmenter demain par des reports de crédits qui n'auraient pas été utilisés, mais en réalité gelés dès la fin de cette année.
    Monsieur le ministre, je vous avais déjà posé la question au mois de juillet, je l'ai réitérée en octobre et je vous interroge une nouvelle fois : quelle est votre politique ? Où est votre ambition pour l'emploi ? Quels objectifs vous êtes-vous fixés ? Quelles prévisions faites-vous sur l'évolution de l'emploi et du marché du travail pour l'année qui vient ?
    Et ne nous parlez pas des baisses de cotisations, qui constituent désormais l'alpha et l'oméga de votre discours en la matière, car elles ne prendront effet qu'au 1er juillet de l'année prochaine alors que c'est dès maintenant que vous découragez les entreprises d'en bénéficier dans le cadre de la réduction du temps de travail !
    M. Victor Brial. Ce n'est pas certain !
    M. Gaëtan Gorce. Pour que cette politique du « tout allégement » puisse fonctionner, encore faudrait-il qu'elle s'appuie sur la confiance des entreprises, c'est-à-dire sur la continuité, la pérennité des mesures prises. Car les allégements ne produisent leur effet que dans la durée, ce qui suppose qu'ils ne soients pas modifiés au gré des alternances. Or vous avez commencé par remettre en cause les aides structurelles prévues par la loi Aubry, qui sont désormais supprimées. Vous avez poursuivi en pénalisant les entreprises déjà passées aux 35 heures, dont le niveau moyen d'allégement va baisser par rapport à ce dont elles bénéficient aujourd'hui. Les entreprises savent bien, enfin, que confrontés aux difficultés budgétaires déjà visibles que devra surmonter votre gouvernement, vous ne pourrez pas tenir votre engagement de consacrer à terme 15 milliards d'euros à cette politique d'allégements.
    Vous ne pourrez pas sans cesse esquiver ces questions et ces réalités en vous retranchant derrière des formules. Vous nous dites que ce qui différencie votre politique, c'est que vous donnez la priorité à l'emploi marchand, que vous feriez confiance aux entreprises. Je ne crois pas, et vous non plus, que les entreprises créent des emplois pour faire plaisir à tel ou tel gouvernement. Elles le font parce qu'elles y sont portées par la croissance, parce que la politique menée par ces gouvernements a pour effet d'enrichir le contenu de cette croissance en emploi.
    Or votre politique ne soutient pas plus la croissance que l'emploi. Vos marges de manoeuvre ont déjà été dilapidées par des baisses d'impôts qui vont favoriser l'épargne plutôt que la consommation. Au moment où il faudrait au contraire faire preuve d'initiative et de volonté, vous faites l'éloge de la libre initiative, de la loi du marché, du repli de l'Etat, de la diminution des moyens, en particulier ceux consacrés à l'emploi. En un mot, vous menez une politique molle face à une croissance molle, alors qu'une croissance soutenue exige une ambition reconnue, une orientation voulue, un engagement têtu !
    Oui, monsieur le ministre, nous n'hésitons pas à taxer la politique de ce gouvernement d'imprévoyance, d'inconséquence face aux difficultés qui s'amoncellent ! Nous le disons non pour nous en réjouir, comme vous n'avez pas hésité à le prétendre, vous ou le Premier ministre il y a quelques jours dans cet hémicycle, mais pour vous alerter. Il est encore temps de réagir, de se remobiliser, de pendre les problèmes à bras-le-corps plutôt que de les nier, en faisant de l'emploi mieux qu'une priorité : un projet de société.
    Oui, c'est autour d'un nouveau pacte social pour l'emploi qu'il faudrait se mobiliser aujourd'hui, en faisant partager cette ambition à nos partenaires de l'Union européenne, en mettant l'emploi au coeur de toutes les politiques publiques, en faisant en sorte, enfin, d'améliorer la qualité et la sécurité des emplois. Il faut combattre le sous-emploi, et notamment le temps partiel subi ; faire reculer, par la négociation dans les branches concernées, la précarité dont sont toujours synonymes nombre de CDD et de contrats d'intérim ; développer la formation tout au long de la vie pour apporter aux salariés des garanties, non contre le risque, mais contre les conséquences de la perte d'emploi, et organiser une mobilité tenant compte des nouveaux besoins qui s'expriment dans l'économie et des évolutions démographiques.
    Mais cette politique n'est pas la vôtre, et c'est le pays qui, malheureusement, va en payer le prix. Il est encore temps de redresser les choses. Cela supposerait cependant que vous ayez, pour mener votre action, une autre volonté, c'est-à-dire un autre budget. C'est la raison pour laquelle, sans la moindre hésitation et sans la moindre réticence, le groupe socialiste votera contre ce budget de réduction des moyens et sans ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.
    M. Claude Leteurtre. Monsieur le ministre, dans quelle conjoncture s'inscrit votre budget ? Depuis maintenant un an et demi, le marché du travail s'est fortement dégradé et le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté de 200 000. Avec un taux de chômage de 9 % en août 2002, derrière l'Espagne et la Finlande, la France est au coude à coude avec l'Italie. Notre pays n'a pas su profiter de la forte embellie qui, depuis 1997, a marqué le marché du travail en Europe, et nous savons bien pourquoi.
    Avec une baisse de 25 % seulement de son taux de chômage depuis cette date, la France n'est que dans la moyenne des pays européens. Faut-il rappeler que, pendant la même période, ce taux diminuerait de 55 % en Irlande, de 54 % en Suède et de 45 % aux Pays-Bas ? Par ailleurs, la hausse de notre PIB, de 4,1 % en 2000, ne sera sans doute que de 1 % en 2002. Les défaillances d'entreprises, les licenciements économiques et les plans sociaux se multiplient.
    Dans ces conditions difficiles où la navigation à vue s'impose, quelle peut être notre politique de l'emploi ? Vous avez fait le pari d'une croissance forte pour bâtir les grands équilibres budgétaires de 2003. Vous avez décidé de mener une politique économique contracyclique dont nous ne pouvons que souhaiter qu'elle réussisse, tout simplement parce que sa réussite conditionne l'état du marché de l'emploi. Plus la France bénéficiera d'une croissance forte, plus les entreprises créeront de la richesse et mieux se portera l'emploi.
    Vous avez fait le choix de vous orienter vers une baisse des charges qui pèsent sur les entreprises pour favoriser l'emploi et d'aider en priorité les emplois dans le secteur marchand. Nous pensons avec vous que c'est la voie qu'il faut emprunter. Les entreprises françaises sont encore trop taxées, et taxer les entreprises, c'est taxer l'emploi. En pourcentage du PIB, les charges qui pèsent sur elles s'élèvent à 16,8 %, contre une moyenne de 10,6 % dans l'ensemble de l'Union européenne. Au sein de ces prélèvements, les charges sociales représentent à elles seules 11,4 % du PIB dans notre pays, contre 6,6 % en moyenne dans la zone euro.
    Les nouveaux contrats jeunes en entreprise vont dans le sens de cet allégement des charges qui pèsent sur l'emploi. Toutefois, il s'agit d'une mesure catégorielle, ciblée et peut-être trop sélective. Nous pensons, à l'UDF, qu'il faut aller plus loin et la généraliser par la création de ce que nous appelons des « emplois francs ». Ce mécanisme simple et lisible consiste en une réduction des charges sociales patronales de 10 % du salaire brut pour cinq ans, pour toutes les entreprises, quel que soit l'âge du salarié embauché, quels que soient sa qualification et le niveau de sa rémunération. Cette exonération serait limitée à un contrat par employeur individuel et progresserait par tranche selon la taille des entreprises. Nous insistons sur le fait que cette mesure concernerait tous les types d'emplois.
    Mais en fait, quelle sera la véritable baisse des charges dont pourront bénéficier en 2003 les entreprises françaises, dont beaucoup n'ont pas encore absorbé les surcoûts liés au passage aux 35 heures ? Les règles qui présideront à l'harmonisation du SMIC ne provoqueront-elles pas, pour les entreprises, une hausse du coût du travail si l'on veut bien tenir compte de l'effet domino que la hausse du SMIC a toujours produit ? La suppression programmée des allégements qui permettaient de compenser en partie les hausses des coûts subis par les entreprises passées aux 35 heures pour les rémunérations supérieures à 1,8 fois le SMIC vont leur faire perdre 1,5 milliard d'euros en année pleine à compter du 1er juillet 2003.
    Un autre point nous paraît essentiel : la formation. Chaque année, nous y consacrons plus de 20 milliards d'euros. Le monde de l'éducation et celui de l'entreprise s'ignorent encore beaucoup trop. L'inadéquation entre l'emploi et la formation est encore trop criante. La mise en adéquation des deux est un chantier qui ne s'achève jamais et qui est sans doute un peu trop oublié aujourd'hui dans la formation initiale. A ce sujet, nous pensons que les critères que vous avez définis pour les contrats jeunes en entreprise comportent, à terme, un risque de déqualification de l'emploi. Or nos entreprises ont aussi besoin d'emplois qualifiés, et ce sera de plus en plus le cas. Les emplois de demain seront à l'évidence encore plus qualifiés que ceux d'aujourd'hui.
    Mme Catherine Génisson. Alors, pourquoi les contrats-jeunes ? Vous vous contredisez complètement !
    Mme Muguette Jacquaint. Ils ne sont pas à une contradiction près !
    M. Claude Leteurtre. Un mot également sur la revalorisation des métiers manuels, si souvent méprisés. L'annonce faite tout récemment par le ministre de l'éducation nationale de stages en entreprise est une mesure de bon sens.
    S'agissant de la formation continue, il y a beaucoup à faire également. On voit bien que la cause principale de difficulté pour le reclassement des personnels dans les cas de licenciement massif par les grandes entreprises est l'absence de formation des salariés. Cette formation continue doit devenir un droit pour les employés et un devoir pour les entreprises. Encore faudrait-il, là aussi, que les organismes de formation pour adultes soient au plus près des réels besoins des entreprises. Il ne sert à rien de proposer des formations dont on devrait savoir qu'elles ne correspondent pas localement aux offres du marché du travail. Il conviendra donc de réfléchir à une réforme de tous ces organismes, par ailleurs trop nombreux.
    Mme Muguette Jacquaint. Le marché du travail évolue tous les ans !
    M. Claude Leteurtre. Soulignons encore tout l'intérêt de la politique de valorisation des acquis de l'expérience.
    Enfin, je ne peux qu'insister sur les conséquences sur la formation professionnelle des jeunes, et notamment sur l'apprentissage dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, de la loi organique du 1er août 2001, qui supprimera, à compter du 1er janvier 2004, certaines taxes parafiscales. Il faut que le Gouvernement s'engage fermement à résoudre ce problème.
    L'UDF se félicite que le Gouvernement ait fait sienne l'idée de tranformer le revenu minimum d'insertion en revenu minimum d'activité. A notre avis, le RMI est une trappe à exclusion, le « I » s'ignifiant plus souvent inactivité qu'insertion ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans certains départements, le taux de contractualisation est inférieur à 40 %. C'est pourquoi nous proposons qu'au bout de six mois tout allocataire se voie proposer une activité d'utilité publique contre le maintien d'un revenu minimum.
    Mme Catherine Génisson. C'est le principe des TUC !
    M. Claude Leteurtre. Votre approche de l'insertion, monsieur le ministre, s'exprime par un soutien social nécessaire et par votre volonté affirmée de réinsérer par le travail. Un emploi, ce n'est pas seulement ce qui permet de disposer d'un revenu pour faire vivre sa famille, c'est avant tout une reconnaissance personnelle et sociale, c'est une question de dignité. C'est pour cette raison que nous n'avons pas droit à l'échec. Le groupe UDF votera vos crédits. Ce budget est un budget de transition vers une nouvelle politique de l'emploi plus innovante et plus lisible pour tous les acteurs du monde du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Muguette Jacquaint. On va le savoir, que c'est un budget de transition !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
    M. Jean-Pierre Decool. La discussion du budget des affaires sociales, du travail et de la solidarité me permet d'aborder la question de l'emploi dans le secteur associatif et les mesures en faveur des jeunes peu qualifiés. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises en commission des affaires culturelles, familiales et sociales et ici même, lors de l'examen de la proposition de loi relative à la création du chèque-emploi associatif, le secteur associatif constitue un monde dynamique, riche et en pleine évolution, personne ne le conteste.
    Les associations - elles sont environ 900 000 en France - emploient près de 1,3 million de personnes, soit l'équivalent de 960 000 emplois à temps plein. Le secteur associatif est le premier employeur de France, avec presque autant de salariés que l'artisanat. Il est donc essentiel de développer une politique favorable à l'embauche par les associations ; votre budget, monsieur le ministre, répond à cette nécessité.
    Le premier grand dispositif en faveur de l'emploi des jeunes est le contrat-jeune, adopté en juillet dernier. Il s'adresse aux jeunes de seize à vingt et un ans pas ou peu qualifiés. Le projet de budget pour 2003 prévoit une dotation de 200 millions d'euros afin de financer ce système. Les associations bénéficiaires de ce dispositif ont droit à une aide forfaitaire par jeune embauché en contrat à durée indéterminée. A cette aide s'ajoute une exonération de charges patronales dégressive sur trois ans. Au terme de ce contrat, les jeunes pourront faire valoir la validation de leurs acquis. Néanmoins, malgré ce nouveau contrat-jeune, le secteur associatif, principal employeur du programme des nouveaux services emplois-jeunes - près de 92 000 emplois fin 2001 -, va devoir faire face à la fin annoncée de ce dispositif. Les emplois-jeunes ont montré toute leur utilité pour le secteur associatif : innovation et création de projets qui n'auraient jamais été mis en place, participation citoyenne, professionnalisation.
    Votre budget prévoit une aide exceptionnelle de 10 millions d'euros en faveur du secteur associatif. Par ailleurs, vous avez annoncé la poursuite, au-delà des cinq années initialement prévues, pour une durée de trois ans, des emplois-jeunes dans le secteur associatif. De nombreuses questions restent cependant en suspens. Quelles seront les associations concernées ? Quels seront les critères autorisant une telle prolongation ? Quelles administrations seront chargées de l'application de cette mesure ?
    Enfin, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un projet en préparation pour 2003 : le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS. Ce nouveau dispositif s'adressera aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. A la différence des emplois-jeunes, il est destiné aux personnes les plus fragiles face au chômage, c'est-à-dire celles qui ont le niveau du baccalauréat, mais aucune formation supérieure. L'intérêt du CIVIS est qu'il implique un projet des jeunes dans le domaine social, humanitaire ou citoyen. Les premiers bénéficiaires seront les associations mais des précisions doivent être apportées. Quelles seront les modalités d'accès au dispositif ? Quel soutien financier envisagez-vous ? Les aides seront-elles versées aux jeunes sous forme de bourse, par exemple, ou à l'employeur par un système d'exonération ? Qu'en sera-t-il de la formation ?
    Cette politique, que je soutiens, en faveur de l'emploi dans le milieu associatif doit être complétée par des mesures de simplification des déclarations administratives. Des mécanismes comme le chèque-emploi associatif pour les petites et moyennes associations doivent, dès lors, être rapidement mis en application. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Dominique Paillé.
    M. Dominique Paillé. Monsieur le ministre, au début du mois de juillet j'avais publiquement émis le souhait que la politique sociale du Gouvernement n'oublie aucun de nos concitoyens et que le travail soit réhabilité face aux revenus d'assistance. J'avais aussi exprimé des craintes que vous n'avez pas tardé à lever en adoptant des mesures de revalorisation et d'harmonisation des SMIC, une politique de baisse des charges et un dispositif d'incitation à l'embauche des jeunes en entreprise. Votre budget confirme ces orientations pour 2003. Je tiens donc à saisir l'occasion qui m'est donnée de saluer à cette tribune votre action et votre méthode, faite d'écoute et de recherche permanente de l'équité, sans surmédiatisation, mais avec efficacité. Je n'évoquerai que l'emploi et la solidarité, mon collègue Ueberschlag devant s'attarder sur la question de la formation professionnelle.
    Pour ce qui a trait à l'emploi, il faut souligner que le poids financier des emplois-jeunes limite vos marges de manoeuvre. Dans un contexte de croissance favorable, la politique de l'emploi du précédent gouvernement aurait dû avoir pour objectif de favoriser l'insertion professionnelle de ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi, notamment les jeunes non qualifiés. Force est de constater que cela n'a pas été le cas : la plus grande partie des crédits destinés à l'emploi a été absorbée par le coût massif des emplois-jeunes. C'est ainsi que, dans la loi de finances initiale pour 2002, les crédits destinés aux emplois-jeunes inscrits dans le budget du travail, qui ne représentent qu'une fraction du coût total, s'élevaient à 3,324 milliards d'euros, contre 3,1 milliards d'euros en 2001, soit près de la moitié du montant total prévu par le chapitre consacré aux actions de l'Etat en faveur des publics en difficulté.
    Or, pour l'essentiel, le programme n'a pas véritablement servi à l'insertion des jeunes les plus éloignés de l'emploi, puisque 80 % de ses bénéficiaires étaient des diplômés. C'est d'ailleurs ce que confirmait une étude publiée par l'INSEE en octobre 2000, selon laquelle la montée en charge des contrats emplois-jeunes avait contribué à un accroissement des inégalités entre jeunes diplômés et non diplômés ; contrairement à la plupart des dispositifs d'emploi aidé antérieurs, ces emplois-jeunes avaient touché en majorité des bacheliers ou des diplômés de l'université. On ne peut d'ailleurs même pas exclure qu'au moment où la croissance se faisait à nouveau sentir en France, le dispositif ait pu avoir un effet d'éviction à l'égard du secteur privé, une forme de sécurité trompeuse dissuadant certains jeunes de postuler à un emploi dans le secteur marchand. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Peu adaptés aux exigences du marché de l'emploi, ces emplois-jeunes semblent en outre d'une efficacité très contestable quant à leur capacité à offrir de réelles perspectives professionnelles. Je souligne, à cet égard la lourde responsabilité du gouvernement Jospin (Mêmes mouvements), qui a longtemps occulté la nécessité d'une formation pour ces jeunes, alors même que le dispositif n'a jamais été conçu pour être pérennisé. La question de la professionnalisation et de la solvabilisation des emplois créés n'a été envisagée que très tardivement, puisque ce n'est qu'en mai 2000 - trois ans après la signature des premiers contrats - qu'a été publiée une circulaire relative aux modalités de mise en place des plans de formation. Outre ce retard, une seconde erreur tient à l'inadaptation des formations proposées aux jeunes. Dans l'éducation nationale, par exemple, l'accent a été mis sur la professionnalisation externe des jeunes, afin de renforcer leur employabilité, plutôt que sur l'accès à un niveau plus élevé de connaissances universitaires.
    Aujourd'hui, l'inquiétude de ces jeunes est d'autant plus vive que le gouvernement Jospin ne s'est pas non plus préoccupé de leur indemnité chômage, pour laquelle n'ont cotisé que les jeunes embauchés dans des associations. Pour les autres, qui étaient recrutés par l'éducation nationale, la police ou les collectivités locales, aucune couverture n'a été financée ou prévue par l'Etat.
    Malgré cette situation délicate, vous amorcez une nouvelle politique dont nous nous réjouissons. Vos objectifs marquent une rupture avec celle menée par le gouvernement précédent, qui s'est traduite, comme je viens de le dire, par une orientation massive des crédits vers des dispositifs bénéficiant d'abord à un public relativement qualifié et vers des emplois dont la pérennité était dépendante d'une intervention massive du budget de l'Etat.
    Le Gouvernement fait le choix d'en finir avec cette logique d'assistance et d'aider en priorité les jeunes les plus en difficulté, en les accompagnant vers un emploi dont le maintien ne soit pas tributaire des aides de l'Etat. Dans cette logique, si les crédits du ministère du travail diminuent de 6,2 % par rapport aux crédits ouverts en 2002, cette réduction ne reflète pas l'engagement du Gouvernement en faveur de l'emploi, puisque les moyens mis en oeuvre globalement par l'Etat augmentent de 4 %.
    Ainsi, d'ici à 2005, ce sont près de 9 milliards d'euros qui seront consacrés à la baisse des prélèvements sur les entreprises. Les allègements de charges supplémentaires qui accompagneront l'unification des minima salariaux s'élèveront à terme à 6 milliards d'euros. Ils sont concentrés là où ils sont le plus efficaces en termes de créations d'emplois puisqu'ils bénéficient en priorité aux PME.
    Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place dès juillet les contrats-jeunes. Ils permettent à l'employeur qui embauchera en contrat à durée indéterminée un jeune d'un niveau de formation inférieur au bac de bénéficier d'une exonération des charges patronales dégressive sur trois ans. Vous y consacrez 200 millions d'euros. C'est un excellent choix.
    Au total, la part du secteur marchand concurrentiel dans les dépenses relatives aux contrats aidés passera de 35 % en 2002 à 40 % en 2003. Inversement, les dispositifs de soutien à l'emploi dans le secteur non marchand vont être progressivement réorientés.
    S'agissant des emplois-jeunes, le Gouvernement a annoncé la sortie progressive du dispositif. Mais il a décidé d'assumer pleinement ses responsabilités vis-à-vis de ceux qui sont actuellement en cours de contrat, et c'est heureux. Ces contrats iront donc à leur terme et le budget pour 2003 est calculé en conséquence : 2,7 milliards d'euros sont consacrés aux emplois-jeunes, qui représentent ainsi le premier poste de dépenses du budget du travail.
    Il y a néanmoins un secteur où l'inquiétude face à la suppression des emplois-jeunes est assez vive ; c'est celui des associations, indispensables à notre tissu social. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que les activités des associations engagées sur des priorités sociales seraient soutenues et qu'il reviendrait aux préfets d'agir dans ce cadre avec discernement, en fonction des impératifs d'intérêt général. Ces associations pourront s'engager dans un programme d'épargne consolidée ou dans des conventions pluriannuelles ; une dégressivité de l'aide de l'Etat sur trois ans sera aménagée pour éviter, dans les cas qui le justifient, un arrêt brutal du soutien public. Nous aimerions néanmoins que vous nous apportiez des éclaircissements et des précisions sur ce dispositif.
    Il en va de même pour le CIVIS, que nous attendons, comme les associations, avec impatience, et dont nous souhaitons que vous nous précisiez les contours et le calendrier.
    Le second volet sur lequel je souhaite dire quelques mots est celui de la solidarité, qui comprend deux dispositifs principaux : les contrats aidés et le RMI.
    Les contrats aidés - contrats emploi-solidarité et contrats emploi consolidé - dans le secteur non marchand sont réorientés vers les publics les plus en difficulté et leur efficacité en termes d'insertion sera à l'évidence améliorée. Si le nombre de CEC baisse, le Premier ministre s'est engagé à autoriser la création de 20 000 CES par mois, soit 240 000 pour l'année, si cela s'avère nécessaire. Nous restons donc dans l'épure de 2002. Le maintien des CES et l'attention toute particulière que vous portez à la formation des bénéficiaires nous semblent du meilleur aloi, car vous rendez ainsi à leur destination initiale l'intégralité de ces dispositifs.
    Sur le RMI, d'autres se sont exprimés avant moi, notamment Christine Boutin avec le talent qu'on lui connaît. Sachez, monsieur le ministre, que nous sommes soucieux de connaître le plus rapidement possible le détail de la réforme que vous avez esquissée. Cette réforme qui doit conduire à un RMA participe d'une philosophie que nous soutenons totalement : toute peine méritant salaire, à chaque salaire doit correspondre, a contrario, une activité. Il reste que certains de nos concitoyens ne pourront pas bénéficier de ce dispositif ceux dont l'insertion reste très chimérique. Pour ceux-là, il faut, malgré tout, maintenir quelque chose qui ressemble au dispositif existant, même si des aménagements doivent lui être apportés.
    En conclusion, le budget que vous nous présentez s'inspire d'une philosophie que l'UMP partage, celle de la responsabilisation, de la revalorisation du travail, de la stricte limitation de l'assistance à ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin. C'est pourquoi nous le voterons sans restriction et sans états d'âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Monsieur, mesdames les ministres, la pauvreté dans notre pays reste très grave. Or, au moment où le chômage atteint de nouveau la cote d'alerte et où la prévision de croissance est revue à la baisse, vous choisissez d'amputer de plus de 17 % les crédits consacrés à l'action de l'Etat en faveur des publics prioritaires.
    L'arrêt des emplois-jeunes est signé. Pourtant, 50 à 60 % de ceux qui sont passés par ce dispositif ont trouvé un emploi durable. Le programme TRACE me semble affaibli et les crédits alloués aux dispositifs d'insertion sont en baisse. Les publics en difficulté en ont pourtant bien besoin. La mise à l'écart des personnes de cinquante à soixante ans est préoccupante ; elle risque de les mettre dans une situation durable de précarité dont ils ne pourront plus sortir. Peut-être méritent-ils un regard particulier.
    Monsieur le ministre, qu'on ait à l'égard des collectivités locales et des associations une exigence plus nettement affirmée de formation avant de les autoriser à signer des contrats d'insertion ne me choquerait pas, tout comme je trouverais naturel qu'on instaure un quota de CES et de CEC par rapport au personnel titulaire. En effet, si je trouve regrettable qu'on ait gelé dès le mois de septembre un certain nombre de postes, je suis persuadée que l'on ne doit pas, dans le cadre de la solidarité nationale, « se servir » de ces personnes en difficulté, comme je l'ai entendu dire en commission, mais au contraire les aider à éviter, si possible, la spirale de l'exclusion et si, malheureusement, ils y sont entrés, à y échapper.
    Votre gouvernement met en avant dès que possible la valeur du travail, mais sachons raison garder. Il est clair qu'un certain nombre de nos concitoyens, victimes des aléas de la vie, ne peuvent pas retrouver la voie du secteur marchand sans emprunter au préalable des sas de réinsertion. C'est là que certains dispositifs prennent toute leur dimension et tout leur sens. Les entreprises d'insertion et les entreprises de travail temporaire d'insertion constituent, avec les associations intermédiaires, les principales structures d'insertion par l'économique. Ce n'est pas un hasard si la loi de lutte contre les exclusions de juillet 1998 avait fait de l'insertion par l'activité économique un dispositif prioritaire dans l'accompagnement des publics les plus éloignés de l'emploi, en particulier les bénéficiaires du RMI et certains jeunes en rupture sociale.
    Ces structures d'insertion doivent continuer d'aider nos concitoyens à se rapprocher du monde du travail et doivent aussi, lors d'une embauche, pouvoir les accompagner dans l'entreprise du secteur marchand. Ce n'est ni au chef d'entreprise, ni au chef d'atelier de régler les problèmes de logement, de santé, de surendettement, de rupture familiale, et quelquefois ceux qui font suite à une incarcération.
    Alors, pourquoi réduire des crédits qui, au contraire, mériteraient d'être accrus ?
    Les crédits du RMI sont eux aussi en baisse, alors que tout le monde s'accorde à reconnaître que, depuis quelques semaines, le nombre des bénéficiaires repart à la hausse.
    Je partage l'avis de Mme Boutin, selon qui cette allocation n'a que partiellement répondu aux objectifs initiaux. Il est vrai que l'obligation d'insertion - encore faut-il savoir que le « I » de RMI ne correspondait pas forcément, dans l'esprit du législateur, à l'insertion par le travail - n'a pas été strictement respectée et contrôlée. Manque de volonté et de réflexion : les collectivités locales, les CLIE n'ont pas toujours joué leur rôle.
    Je ne partage pas l'idée répandue par certains - mais réfutée par la plupart d'entre nous - que les bénéficiaires du RMI se complaisent dans leur situation. Pour beaucoup, il existe assurément un malaise profond qui masque mal un désespoir, un sentiment d'inutilité, d'échec, d'humiliation qui les submerge parfois et les rend inaptes à toute prise de décision. Seuls les plus forts psychologiquement, les mieux formés, les mieux entourés peuvent vraiment s'en sortir. Les autres ne peuvent que très difficilement, parfois jamais, se réinsérer dans le monde du travail.
    Mme Boutin nous a proposé de dissocier le RMI en RME et RMA : revenu minimum d'exclusion, revenu minimum d'activité. Je préfère parler de « revenu minimum d'espoir ». Ne va-t-on pas stigmatiser davantage encore les plus en difficulté en ne leur donnant plus aucun espoir ? Le RMI doit servir de tremplin aux personnes concernées pour qu'elles retrouvent un emploi digne et utile. Il ne faut pas les enfermer dans des formes particulières d'emploi qui pourraient favoriser et consolider leur précarité et leur sentiment d'exclusion. La solidarité nationale doit jouer son rôle.
    Mais on ne peut pas aborder la lutte contre les exclusions à travers le seul projet du retour à l'emploi. Des personnes intégrées dans le monde du travail peuvent aussi se retrouver dans la nasse de la pauvreté du fait, par exemple, de contrats à temps partiel ou de CDD épisodiques.
    Il est difficile de parler de retour à l'emploi sans parler du logement et de la santé.
    En effet, la première des conditions pour présenter sa candidature à un emploi est de bénéficier d'un logement décent, de pouvoir donner une adresse. Or les aides actuelles au logement ne permettent pas d'éviter les ruptures.
    Et comment répondre aux attentes légitimes d'un employeur si on n'est pas en bonne santé ? Malheureusement, malgré la mise en place de la CMU, ceux qui n'ont pas accès aux soins sont encore trop nombreux. Les plus exclus ne font pas et ne feront pas la démarche de s'inscrire à la CPAM, en particulier, les SDF et les demandeurs d'asile. Il faut donc aller à leur rencontre. C'est ce que demandent les associations et ce que font déjà des caisses comme celles du Calvados et de la Manche.
    Mais il y a aussi ceux qui, trop proches des seuils, souvent des personnes âgées, s'imaginent qu'ils n'ont pas droit à la CMU.
    Les bénéficiaires de la CMU consultent davantage les médecins généralistes, parce que c'est, pour eux, la porte d'entrée vers les soins.
    Un amendement gouvernemental, voté mardi soir dans le cadre du budget de la santé, tend finalement à désigner les bénéficiaires de la CMU comme des fraudeurs éventuels. Attention à ne pas enfermer les exclus dans des schémas aussi réducteurs ! Bénéficiaires du RMI considérés comme refusant le travail, bénéficiaires de la CMU apparaissant comme des fraudeurs : le poids des mots est terrible ! L'exclusion est assez dure à vivre. Ne compliquons pas la vie de ces personnes en permettant à certains de nos concitoyens de les montrer du doigt. La solidarité passe aussi par le regard que, les uns et les autres, nous portons sur l'exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur, mesdames les ministres, le budget du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité s'inscrit dans un contexte international et national difficile. Sur le plan international, l'instabilité actuelle du monde pèse sur le moral des investisseurs. Sur le plan national, la gestion calamiteuse des finances publiques par le gouvernement précédent ne laisse que peu de marges de manoeuvre pour affronter le ralentissement de l'économie que bien des observateurs nous annoncent pour 2003. Ce ralentissement, monsieur le ministre, il est de notre responsabilité de l'anticiper.
    Permettez-moi d'aborder, comme vous l'avez fait tout à l'heure, le sujet délicat de la place des salariés de plus de cinquante-cinq ans dans l'entreprise.
    En 2002, 7 200 personnes ont bénéficié de l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi, échappant ainsi au chômage de longue durée que réserve à coup sûr aux salariés de plus de cinquante-sept ans le marché de l'emploi, a fortiori lorsque l'économie ralentit. Ce sont 7 000 personnes qui devraient entrer dans ce dispositif en 2003, pour un coût à la charge de la collectivité de près de 80 millions d'euros.
    Vous avez affirmé le 4 novembre dernier votre volonté de réduire le recours aux préretraites en déclarant qu'elles sont une catastrophe pour nos régimes de retraite.
    Pourtant, les défaillances d'entreprises se font de plus en plus ressentir, notamment dans l'agglomération de Roubaix : 60 suppressions d'emplois chez Lepoutre Ternynck à Roubaix, 96 licenciements aux filatures Saint-Liévin à Wattrelos, 45 suppressions de postes à la Teinturerie des Francs à Tourcoing. Les chiffres ne font que gonfler : certains estiment entre 1 000 et 1 500 le nombre des suppressions d'emplois envisagées dans les mois qui viennent, rien que dans le secteur textile de l'agglomération roubaisienne.
    Plus de cent demandes de départ en préretraite seraient à ce jour formulées pour le même secteur auprès de la direction départementale du travail. Ce chiffre, que vous connaissez puisque Gérard Vignoble et moi-même sommes en contact régulier avec vos services, est particulièrement préoccupant.
    Pour accompagner quelques entreprises sur le terrain dans le cadre de plans sociaux, je puis vous assurer que les directions n'ont d'autre choix que de favoriser le départ en préretraite de leurs salariés les plus âgés ou de les licencier. A court terme, les allocations spéciales du FNE, utilisées de manière défensive dans le cadre des plans sociaux, constituent donc, pour les représentants des salariés et les directions des entreprises, un recours indispensable.
    Il serait illusoire de vouloir s'en passer sans imaginer une réelle politique globale de baisse des charges sociales. D'une manière générale, en effet, j'estime comme vous que nous ne pouvons laisser les entreprises utiliser les préretraites pour se séparer d'une main-d'oeuvre qui serait devenue trop coûteuse et pas assez productive. Nous ne pouvons demeurer muets face au formidable gâchis que représente pour une entreprise le fait de se séparer de ses salariés les plus âgés. Car c'est ainsi la mémoire de l'entreprise, mais également l'expérience et le savoir-faire qui disparaissent, alors qu'ils devraient au contraire être valorisés.
    Je rappelle que la Commission européenne avait invité la France, dans une recommandation du 12 septembre 2001, « à intensifier les efforts visant à limiter le retrait précoce des travailleurs âgés de la vie active en élaborant une approche plus globale en faveur du vieillissement actif ». Or la France connaît toujours, au sein de l'Union européenne, le taux d'emploi le plus faible dans la catégorie des 55-64 ans : il était de 29,7 % en 2001, alors que la moyenne européenne était de 37,7 %.
    Les salariés de plus de cinquante-cinq ans ont leur place dans l'entreprise, tout comme les plus jeunes. Les exemples des Pays-Bas ou de la Finlande, où l'on a notamment recours au travail à temps partiel pour les seniors, sont de ce point de vue particulièrement intéressants.
    Si le coût de cette main-d'oeuvre est en cause, une politique catégorielle de baisse des charges ne peut toutefois suffire. Il faut donc travailler, monsieur le ministre, à une politique globale de réduction des charges sociales, dont l'entreprise pourra bénéficier quel que soit l'âge des salariés.
    C'est en ayant à l'esprit, d'une part, sur le court terme, les aléas de la conjoncture économique et, d'autre part, à plus longue échéance, l'évolution démographique de notre pays, qu'il nous appartient de favoriser le recours à l'emploi qualifié et expérimenté des seniors dans l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, le budget de la formation professionnelle pour 2003 ne répond pas aux attentes de notre époque. Une nouvelle fois, nous devons regretter un décalage certain entre les affirmations de M. le Premier ministre - « la formation professionnelle d'aujourd'hui, ce sont les emplois de demain » - et les moyens que vous consacrez à cette ambition.
    Ce budget se traduit d'abord par une baisse sensible des moyens réels en faveur de la formation, en particulier de ceux qui relèvent de l'Etat pour les publics les plus en difficulté, et par l'absence de mesures nouvelles fortes.
    Pourtant, le constat est aujourd'hui unanime : il est nécessaire de réformer notre sytème de formation professionnelle. La loi de 1971 a fait son temps. Les mécanismes qui en découlent se sont progressivement complexifiés et accusent un retard de plus en plus grand sur les évolutions du marché du travail et les besoins en matière de formation professionnelle. Celle-ci ne peut plus être conçue seulement comme la formation des salariés à leur poste de travail, car les besoins de formation se font aujourd'hui sentir de façon particulièrement criante dans les phases de rupture que constituent les périodes de chômage.
    Dès lors, monsieur le ministre, au moment où vous appelez à la reprise de la négociation collective sur la formation professionnelle, faisant ainsi écho aux appels lancés par les institutions communautaires et les partenaires sociaux européens en faveur de la mise en place d'un droit à la formation tout au long de la vie, il est clair qu'il faut avancer sérieusement sur cette question.
    Le monde du travail est en pleine évolution sous l'effet de plusieurs facteurs qui ne sont pas pris en compte par votre budget et votre politique de l'emploi. C'est la raison pour laquelle, chaque fois que l'occasion se présentera, nous apporterons notre contribution à une véritable politique de l'emploi-formation tout au long de la vie. Et je me félicite que d'autres membres de l'opposition nous rejoignent désormais sur cette question essentielle pour l'emploi de demain.
    M. Jean Ueberschlag. Un vrai chemin de Damas !
    Mme Muguette Jacquaint. Car la formation tout au long de la vie est aussi un outil pour une meilleure égalité professionnelle. C'est une exigence d'équité sociale. En ce domaine, la France doit être un moteur en Europe, conformément à l'engagement pris au sommet de Lisbonne de faire progresser, dans les Etats membres, le taux d'emploi des femmes jusqu'à 60 % d'ici à 2010 - ce qui est un minimum -, contre 55,2 % aujourd'hui dans notre pays. Pour y parvenir, la seule intervention de l'Etat ne pourra pas suffire : aussi faut-il davantage responsabiliser les partenaires sociaux, et en particulier les entreprises.
    Il faut bien constater que les inégalités salariales demeurent importantes. Si les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes sont de l'ordre de 25 % en moyenne, un écart irréductible perdure à hauteur de 11 %.
    L'égalité de traitement est devenue, en vertu de la loi du 9 mai 2001, un objectif de la négociation collective. Les partenaires sociaux doivent ainsi négocier, au niveau de l'entreprise et de la branche, des actions permettant de favoriser la promotion des femmes dans les différents secteurs professionnels. Mais peut-être faut-il donner au législateur le soin de définir les bases sur lesquelles devront s'appuyer les négociations et d'imposer les objectifs comme les responsabilités de chaque partenaire.
    Cette exigence d'un dialogue social renouvelé et d'un rapport de force équilibré sur ces questions s'explique par la permanence de chiffres noirs en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
    Certes, les femmes représentent aujourd'hui 45,6 % de la population active, et 80 % de celles qui ont entre vingt-cinq et quarante-neuf ans travaillent. Sur les dix dernières années, la hausse de l'emploi féminin a été dix fois plus forte que celle de l'emploi masculin, entraînant de profondes mutations du marché du travail en ce qui concerne les formes d'emploi temporaire et de temps partiel. Mais, dans le même temps, on note toujours un écart de rémunération de 25 % en moyenne, cet écart ayant tendance à se creuser en début et en fin de carrière. De plus, on constate près de 5 points d'écart entre les hommes et les femmes dans les chiffres du chômage des moins de vingt-cinq ans. Enfin, parmi les personnes qui, en France, gagnent moins que le SMIC, 80 % sont des femmes.
    Ces chiffres sont d'autant plus inacceptables qu'ils renvoient à des paradoxes surprenants : le niveau scolaire et universitaire des filles est supérieur à celui des garçons, alors même que la division sexuelle du travail dans l'économie perdure ; la féminisation de bon nombre de professions de prestige - avocat, juge, médecin - n'empêche pas que l'on observe toujours le maintien des femmes dans le salariat d'exécution, puisqu'elles représentent 80 % des employés ; l'augmentation significative du nombre de femmes cadres s'accompagne de leur quasi-absence des pertes de pouvoir. Tout cela illustre l'ampleur du fossé qui reste à combler.
    Les différences salariales entre les femmes et les hommes s'expliquent aussi par les effets de taille des entreprises et des secteurs professionnels, car les hommes et les femmes n'occupent pas les mêmes emplois. Le travail des femmes reste concentré dans les postes les moins qualifiés du tertiaire, où elles représentent 76,5 % des employés. Sur les trente et une catégories socioprofessionnelles que distingue l'INSEE, six catégories regroupent ainsi 61 % de l'emploi féminin.
    L'inégal accès des hommes et des femmes aux postes à responsabilité, qui entraîne des disparités de salaire, s'observe non seulement dans les entreprises - ainsi, on compte seulement 7 % de femmes dans l'encadrement supérieur des 5 000 plus grandes entreprises françaises -, mais aussi dans la fonction publique, où 57 % des agents sont des femmes, alors qu'elles ne sont que 13 % dans les postes de directeurs, préfets, ambassadeurs et inspecteurs généraux.
    La contradiction entre cette situation et l'égalité formelle inscrite dans les textes est révélatrice des inégalités de traitement dont font l'objet les femmes en termes d'embauche, de statut et de déroulement de carrière.
    Il faut donc s'inscrire dans une politique d'ensemble audacieuse, que soutiennent d'ailleurs 63 % des Français, hommes ou femmes, qui reconnaissent qu'il faut l'égalité. C'est un droit, mais il n'est toujours pas appliqué. On fait appliquer certains droits dans les entreprises, mais pas celui-là. Il y a beaucoup d'efforts à faire par le biais des organisations syndicales car, quand il y en a, bien sûr, on peut compter sur elles pour faire valoir les droits des salariés, pour lesquels elles sont un véritable moteur, dans le domaine de la formation comme pour la place des femmes.
    Le groupe communiste et républicain s'attachera à faire évoluer les consciences et la législation. Votre budget à cet égard, n'est guère encourageant. Vous allez nous faire connaître vos vingt-cinq propositions. Soit.
    M. le président. Madame Jacquaint...
    Mme Muguette Jacquaint. Mais seront-elles à la hauteur des exigences de la société aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Ueberschlag.
    M. Jean Ueberschlag. Alors qu'on se plaît ces derniers temps à attaquer le Gouvernement en prétendant qu'il s'en prend aux pauvres, je tiens tout d'abord, monsieur le ministre, à m'inscrire en faux contre cette affirmation et à saluer votre action.
    Car enfin, mes chers collègues, qui lutte contre la pauvreté si ce n'est le Gouvernement, qui remet la jeunesse dans le circuit de l'économie solvable en la tirant de cette forme pernicieuse de marginalisation distinguée qu'étaient les emplois-jeunes ?
    Qui lutte contre la pauvreté, si ce n'est le Gouvernement, qui aura finalement réussi à rompre l'engrenage infernal des SMIC et des sous-SMIC si finement concocté par Mme Aubry et ses technocrates ?
    Qui lutte contre la pauvreté, si ce n'est ce gouvernement qui, en dépit de l'état déplorable des finances publiques qui lui a été laissé, aura néanmoins le courage et la générosité de conserver le dispositif des contrats aidés du secteur non marchand en faveur des personnes les plus en difficulté ?
    Enfin, qui lutte contre la pauvreté, si ce n'est ce gouvernement, qui prépare un véritable contrat d'insertion dans la société à l'intention des immigrés, auxquels nous avons si peu offert depuis 1997 ?
    M. Victor Brial. Tout à fait !
    M. Jean Ueberschlag. J'ai plaisir à relever ces bons points, et je regrette que votre budget pour 2003 soit encore prisonnier d'un héritage que les Français ont décidé de récuser au printemps.
    Ce n'est pourtant pas faute d'avoir tiré, naguère, la sonnette d'alarme, et sous quels sarcasmes, puisque j'avais le tort, à l'époque, d'être dans l'opposition. Je l'ai souligné dès la discussion du budget de 2001 et à nouveau l'année suivante : cet héritage, les Français ne le découvriraient qu'après 2002, constatant alors combien leur vie aurait été changée.
    Les moyens dont vous disposez, monsieur le ministre, restent à coup sûr hypothéqués par les errements passés. Voyons donc quel parti vous avez su en tirer, notamment pour la formation professionnelle, ma préoccupation depuis des années, tant je suis convaincu qu'on lutte essentiellement contre l'exclusion par la formation.
    Le ralentissement de la croissance, en privant les entreprises des marges nécessaires pour absorber le coût de la réduction du temps de travail, a motivé la recherche de gains de productivité et d'une meilleure organisation. Le résultat a été un durcissement des conditions de travail là où l'on annonçait pourtant une avancée sociale, un manque de temps et d'argent pour se consacrer à l'insertion professionnelle des jeunes collaborateurs, et, enfin, une situation préoccupante en termes d'embauches réalisables, puisque certains métiers n'ont pas trouvé les qualifications dont ils avaient besoin.
    En bref, la politique de l'emploi suivie depuis 1997 n'a oublié qu'un détail : pour produire davantage, et donc pour pouvoir embaucher, il faut des qualifications disponibles, ce qui passe par une réelle politique de formation, sans laquelle les résultats de la politique de l'emploi ne peuvent être que d'ordre statistique. Il est impératif de ne pas reproduire cette erreur et, pour cela, la voie la plus concrète et la plus rapide consiste à adopter une stratégie d'insertion généralisée par l'alternance. Comme le montre le projet de budget que vous nous soumettez, l'Etat, malgré les difficultés actuelles, prendra sa part de responsabilité dans l'enjeu national que constitue la formation professionnelle.
    Les budgets pour l'emploi de 2001 et 2002 se présentaient comme des quasi-budgets de fonctionnement. Nous en subissons encore les contraintes, dont nous découvrons malheureusement chaque jour l'ampleur. Ni M. Paul ni Mme Jacquaint n'étaient donc autorisés à déplorer le prétendu décalage entre les intentions affichées et leur traduction budgétaire.
    Le budget du travail pour 2003 réussit à casser cet engrenage. Sa préparation, monsieur le ministre, a dû être bien difficile. Sur les 15,7 milliards d'euros de crédits qu'il totalise, un quart sont dévolus à la formation professionnelle, ce qui n'est pas mince.
    Les 3 932 millions d'euros prévus répondent à un objectif clairement affirmé : développer les instruments de formation et d'insertion dans l'emploi marchand - les contrats en alternance notamment - afin de faire contrepoids à la diminution des contrats aidés dans le secteur non marchand, ces derniers étant légitimement recentrés, au nom de la solidarité nationale, sur les publics les plus en difficulté.
    Ce budget fait mieux que soutenir la formation, et à la lumière des contraintes budgétaires mises au jour par l'audit des finances publiques réalisé au mois de juin, nous ne pouvons que nous en féliciter. En effet, le financement des contrats en alternance est renforcé ; celui des autres actions de formation à la charge de l'Etat est préservé, et la participation de celui-ci aux dépenses de formation des régions est accrue.
    Cela dit, songeons à l'avenir et - j'insiste sur ce point car je souhaite le succès de votre politique - donnons-nous les moyens de ne pas reproduire l'échec des socialistes qui, entre 1997 et 2002, n'ont pas mené la politique de formation et de promotion sociale nécessaire pour soutenir l'emploi. Permettez-moi donc de proposer quelques repères pour inspirer l'action future du Gouvernement en faveur de la formation professionnelle.
    La promotion sociale passe d'abord par le développement d'un droit réel à l'emploi et à la formation professionnelle. Nous avons connu plusieurs années de croissance, qui se sont traduites par des embauches, mais aussi, de façon tout à fait prévisible, par une pénurie de main-d'oeuvre et de qualifications, qui nous conduit à regretter plus que jamais l'absence de réforme de la formation professionnelle au cours des années de crise. La leçon qu'il faut en tirer est qu'une croissance retrouvée ne doit pas endormir la vigilance.
    L'Etat, pas plus que les partenaires sociaux, ne peut se désintéresser de la formation des adultes et de la formation professionnelle. Il lui appartient de se donner les moyens d'une intervention institutionnelle, dans un domaine qu'il considère à juste titre comme une obligation nationale. Cela passe par l'affirmation d'une véritable liaison emploi-formation, toujours prônée mais si souvent négligée, comme on peut le constater actuellement dans maints secteurs.
    Concernant l'emploi et les qualifications, où en sommes-nous au début de cette période 2002-2007 ? On remarquera que les 35 heures, les emplois-jeunes et les allégements de charges ont épuisé la quasi-totalité de leurs effets sur l'emploi, mais au prix d'une dépense publique ayant atteint, pour plusieurs années sans doute, les limites du possible au regard des critères de gestion budgétaire fixés par l'Europe.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Tout à fait !
    M. Jean Ueberschlag. Leur coût et leur pérennité absorbant durablement une part substantielle du PIB. Ne stérilisent-ils pas tout d'abord les créations d'emplois futures ? Et, surtout, ne sont-ils pas préjudiciables au déblocage de moyens pour une réforme en profondeur de notre système de formation professionnelle, qui a perdu son souffle depuis 1971 ? Nécessaire depuis longtemps, et trop souvent remise, cette réforme est désormais des plus urgentes.
    On a trop longtemps choisi la facilité en privilégiant une logique de traitement social plutôt que de s'intéresser au devenir professionnel de l'entreprise et de l'individu, à travers la notion même de métiers à exercer. Que faire pour remédier à ce contresens social, professionnel et économique ? C'est très probablement dans « l'emploi du temps professionnel », donc dans le contrat de travail, qu'il faut rechercher les ressources nouvelles d'un progrès durable pour la création d'emplois.
    En faisant de la formation une responsabilité partagée, en instaurant dans le contrat de travail l'obligation de former et celle de se former, entreprises et salariés seraient remis sur le chemin d'une obligation nationale qui jusqu'ici avait été un peu perdue de vue.
    Une telle philosophie implique de promouvoir enfin le développement de l'alternance tout au long de la vie par des « droits de tirage de formation », inscrits au sein même du contrat de travail, cumulables et transférables d'une entreprise à l'autre.
    La formation est bien un enjeu majeur pour l'emploi. C'est pourquoi les efforts annoncés en faveur de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ainsi que l'exigence de réaliser des économies budgétaires devraient conduire, à terme, à créer un seul grand ministère de la formation initiale et professionnelle.
    Par ailleurs, trop d'argent public se volatilise, depuis le début des années 80, à travers les crédits d'aide à l'emploi et la formation professionnelle. Le gâchis, variable selon les métiers, concerne en moyenne au moins 50 % de ces crédits.
    L'assurance d'une formation tout au long de la vie doit être consacrée dans le code du travail. Il s'agit de transposer dans les textes le constat que l'obligation de former et celle de se former sont des obligations réciproques de l'employeur et du salarié. Emploi et formation doivent donc conclure un mariage d'avenir et de raison par le biais de l'alternance.
    Notre pays reste durablement confronté à plusieurs handicaps majeurs. Premièrement, la répartition très inégalitaire du chômage conduit à écarter de l'activité deux tiers des hommes et trois quarts des femmes de moins de vingt-cinq ans, ainsi qu'un grand nombre d'anciens qui détiennent pourtant l'expérience à transmettre.
    Deuxièmement, le système éducatif, bien qu'il n'ait jamais délivré autant de diplômes, n'assure pas un niveau suffisant à ses étudiants pour leur permettre de s'insérer rapidement et durablement sur le marché du travail.
    Troisièmement, notre gestion du marché du travail tend à rendre pérenne la coexistence fâcheuse et contradictoire d'un niveau de chômage élevé et d'une pénurie de main-d'oeuvre, le rapport coût-compétence restant très discriminant sur le marché de l'emploi.
    M. le président. Monsieur Ueberschlag !
    M. Jean Ueberschlag. J'ai presque terminé, monsieur le président.
    M. le président. Quand je vois le nombre de pages de votre intervention.
    M. Jean Ueberschlag. Il ne m'en reste que deux ! Mais je sollicite de votre part la même indulgence que vous avez eue pour Mme Jacquaint, qui a doublé son temps de parole !
    M. le président. Ce n'est pas correct, monsieur Ueberschlag : elle défendait la cause des femmes, et vous en profitez lâchement !
    M. Jean Ueberschlag. Au nom de l'égalité !
    M. le président. Dans ce cas, je vous accorde mon indulgence. Poursuivez.
    M. Jean Ueberschlag. Les changements de qualification, voire de métier, sont désormais perçus comme consubstantiels à la vie professionnelle. Le sentiment diffus qu'une nouvelle période de chômage est toujours possible va de pair avec l'espoir de pouvoir, à tout moment de la vie, changer de qualification.
    On voit donc quelle chance s'offre à l'alternance. C'est pourquoi l'action gouvernementale devra veiller à développer la dynamique emploi-formation et la notion d'assurance formation, qui marqueront toutes deux l'évolution de la relation au travail.
    Mais toutes ces évolutions resteront lettre morte si elles ne sont pas conduites au plus près de ceux à qui elles doivent bénéficier.
    Décentralisation et formation doivent donc se conjuguer, car la première offre l'occasion d'amorcer enfin le chantier de la réforme de la loi de 1971, si souvent reporté par vos prédécesseurs.
    La période est propice au développement de la formation et de l'alternance, qui est une des réponses urgentes pouvant être apportées, sur le terrain de l'emploi, aux défis de la mondialisation. Dans ces conditions, l'animation politique du monde du travail ne doit pas tendre à un désengagemement total de l'Etat, mais exige, au contraire, une volonté de le réformer.
    Actuellement, que voyons-nous ? Une trentaine de pôles se penchent, à des titres divers, sur le sujet. Dans les régions, on en trouve quatre, tandis qu'au niveau national, il y en a plus d'une vingtaine. Donc, avec cinq fois plus d'entités au niveau national qu'au niveau local, et deux fois plus qu'au niveau régional, le dispositif se présente comme une pyramide inversée. En quelque sorte, on marche sur la tête ! C'est un contresens que d'animer « par le haut » un système dont la vocation est de répondre aux besoins en métiers et en qualifications exprimés « par le bas » : dilution de l'expression des besoins, divagation de l'offre de formation et paralysie de l'évaluation inhibent la décision politique qui perd en pertinence et en rapidité.
    Les perspectives de cette législature promettent d'être riches. Au vu du contexte économique et budgétaire des prochaines années, je me suis attaché à développer quelques pistes, à moyens constants, dans le triple souci de la réforme de l'Etat, d'une vraie modernisation sociale du pays et d'une ouverture au grand marché du travail européen.
    Décentralisation de l'intervention publique sur le marché du travail et de la formation professionnelle, mise en place de l'assurance formation, généralisation de l'alternance : quelle tâche vous attend, monsieur le ministre !
    C'est pourquoi, au nom du groupe UMP, je vous dis que, en approuvant ce tout premier budget de la législature, nous exprimons un vote tout autant de confiance que d'encouragement.
    Et je ne voudrais pas clore mon propos sans dire combien, cette année, il m'a été agréable de pouvoir enfin porter un regard positif sur le budget proposé à l'examen de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le ministre, je note avec satisfaction les efforts accomplis dans le cadre de votre budget, car vous avez pris des mesures de nature à revaloriser le travail et à en diminuer le coût. N'oublions pas que c'est aussi le sens du vote du 21 avril : les Français ont souhaité pouvoir gagner plus, et surtout gagner plus en travaillant qu'en restant chez soi !
    Cependant j'éprouve un petit regret car, sauf erreur de ma part, je n'ai pas vu de mesure particulière visant à la déprécarisation du travail.
    Vous avez heureusement mis un terme à une certaine rigidité dans notre organisation du travail, car l'instauration des 35 heures a constitué un véritable hold-up opéré sur les entreprises. Les 35 heures en ont lourdement grevé la compétitivité et, par voie de conséquence, ont beaucoup diminué l'attractivité de notre territoire et accru le volume des importations. En outre, la création d'emplois n'a pas été effective puisque, au niveau européen, la France ne se situe qu'au septième rang à ce titre. Il était urgent de commencer à assouplir ce dispositif qui nous coûte si cher : 11,43 % des frais de personnel sont transformés en repos ! Quant aux salariés, ils ont vu leur pouvoir d'achat bloqué, voire amputé par la remise en cause des heures supplémentaires, et c'est bien pourquoi ils commencent à se mettre en grève.
    Les 35 heures ont eu pour nous de graves conséquences financières, même si des mesures ont déjà été prises pour y remédier. Il faudra en prendre d'autres. Il convient en outre de ne pas sous-estimer les conséquences psychologiques. La France se situe au soixante-dix-neuvième rang sur quatre-vingts en ce qui concerne les relations entre employeurs et salariés. Il va donc falloir à tout prix revaloriser le travail.
    Vous avez aussi procédé à quelques allégements, et non des moindres, car il est indispensable que le travail coûte moins cher. On ne peut passer sous silence le fait que les aides du précédent gouvernement ont été inégalement réparties. Des entreprises sont passées aux 35 heures avec des aides, d'autres y sont passées sans les aides au 1er janvier 2001, lorsque c'est devenu obligatoire pour plus de vingt salariés.
    Il ne faut pas non plus oublier les entreprises saisonnières,...
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Très bien !
    M. Jean-Charles Taugourdeau. ... secteur que je connais bien. Seuls les permanents sont gérés pas le dispositif Aubry II ; les saisonniers, eux, n'en bénéficient pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Même si, dans le secteur agricole, par exemple, les employeurs bénéficient d'un allégement de cotisations patronales pour les travailleurs occasionnels - moins de 130 jours dans la même entreprise - ceux-ci rencontrent beaucoup de difficulté pour passer en contrat à durée indéterminée, car, dans ce cas, ils coûtent plus cher à l'entreprise, leurs cotisations passant au taux plein.
    Pour déprécariser le travail, il existe pourtant aujourd'hui un outil, dont on ne parle pas suffisamment, auquel on n'a pas encore donné toute la place qu'il mérite dans les dispositifs préconisés par les directions du travail, à savoir le groupement d'employeurs, notamment le groupement mixte,...
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Très bien !
    M. Jean-Charles Taugourdeau. ... s'appuyant à la fois sur le régime général et sur le régime agricole.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Tout à fait !
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Voilà un moyen formidable de créer des CDI pour des salariés saisonniers, à condition que les activités des entreprises soient complémentaires pour la répartition annuelle de la charge de travail. Il ne faut pas confondre le vrai groupement d'employeurs, dont la vocation est de créer des CDI, avec celui qui gère des fichiers de saisonniers, sans leur offrir aucune perspective d'emploi permanent.
    Il s'agit là, à mon sens, d'un dispositif à renforcer et à aider, pour inciter à la création de CDI. Peut-être pourrions nous envisager un allègement de charges pour les salariés en contrat à durée indéterminée dans un tel groupement.
    Vous avez su prendre en compte les attentes des salariés en mettant fin aux multiples SMIC légués par la loi Aubry. En leur proposant une harmonisation par le haut des différents salaires minimum, vous allez provoquer une augmentation substantielle de leur pouvoir d'achat, qui ne peut que les satisfaire. Bien entendu, il ne faudrait pas que cette mesure coûte trop cher aux entreprises.
    Par ailleurs, il est urgent que les salariés les moins qualifiés puissent mieux gagner leur vie que ceux qui ont choisi de ne rien faire, et nous savons qu'il y en a. En effet, en France, il est devenu anachronique d'afficher sa volonté de travailler. Le RMA devrait régler le problème et permettre de s'occuper efficacement de ceux qui ont vraiment besoin de la solidarité nationale, pas seulement pour espérer, mais pour vivre décemment.
    Un pays où l'on peut choisir délibérément de ne pas travailler et de cumuler les aides pour gagner plus que ceux qui ont un travail, plus qu'un agriculteur en retraite - voire en activité - ou un petit commerçant en retraite, ces deux derniers ayant travaillé plus de quarante ans : est-ce là l'image que nous souhaitons donner de la France ?
    Le présent projet de budget est novateur car il tend à réorienter la politique de l'emploi, à lui donner une nouvelle dynamique, et qu'il opère un recentrage des dispositifs d'insertion pour les demandeurs d'emploi.
    Pour que le travail coûte moins cher, il était nécessaire, d'une part, de baisser les charges des entreprises et, d'autre part, d'engager la remise à plat de tous les mécanismes qui, au fil du temps, se sont multipliés, superposés, enchevêtrés, au point que plus personne ne s'y retrouve et qu'une trop grande place est laissée à l'interprétation personnelle de tel employeur, employé ou inspecteur du travail. Le budget pour 2003 témoigne d'une réelle cohérence. Je souhaite que l'on continue à explorer toutes les mesures susceptibles d'optimiser la politique de l'emploi. La meilleure façon de « faire du social » n'est-elle pas, en effet, de donner du travail à tout le monde ?
    Je sais que c'est le sens de votre action, monsieur le ministre. C'est donc sans états d'âme que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vais m'efforcer de répondre aux observations et aux questions que m'ont adressées les rapporteurs et les orateurs des différents groupes.
    Le ministère ne saurait présenter des excuses pour les retards intervenus dans les réponses aux questionnaires parlementaires, car il n'en a pas : il doit répondre à cette exigence prévue par la loi organique. J'ai tout de même la satisfaction - relative - de savoir que le taux de réponse a été nettement meilleur en 2002 qu'en 2001. En effet, le taux des réponses envoyées, au 9 octobre, aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat était de 79 %, tous rapporteurs confondus, pour le secteur solidarité, et de 68 %, pour le secteur emploi. Au 18 octobre, ce taux s'élevait à 85 %, tous secteurs confondus. En 2001, ces taux étaient à la même date de 35 % et de 45 % au 22 octobre.
    C'est encore insuffisant, bien sûr, et nous allons faire tous les efforts nécessaires pour que, l'année prochaine, le taux soit de 100 %. (Sourires.)
    M. le président. Vous prenez un risque, monsieur le ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai seulement promis de faire des efforts !
    M. Bouvard, M. Fourgous et Mme Montchamp m'ont interrogé sur la mise en oeuvre de la loi organique. Je leur ferai la même réponse que M. Mattei devant l'Assemblée, mardi dernier. Nos deux départements ministériels se sont dotés d'une stratégie, d'une organisation, d'une méthodologie et d'une structure de programmes. L'objectif est d'anticiper l'échéance du projet de loi de finances pour 2006, en étant en mesure de rédiger des projets de performance dès l'année 2003. Sur la base de cette structure, des propositions concrètes pourront ainsi être élaborées pour le projet de loi de finances de 2004.
    Certes, et vous l'avez souligné, les indicateurs de résultats, qui sont au coeur de la loi organique, n'existent pas ou ne donnent pas satisfaction, nous en sommes conscients. Leur préparation constitue bien notre mission essentielle dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi.
    Par ailleurs, il ne faut pas confondre la liste des agrégats et des chapitres proposés pour le projet de loi de finances pour 2003 avec la liste définitive des programmes, au sens de la loi organique. Le projet de loi de finances pour 2003 n'est à cet égard qu'une étape préliminaire. Bien entendu, un dialogue constructif avec le Parlement fait partie des objectifs du ministère.
    M. Fourgous, M. Paul et M. Ueberschlag ont évoqué le compte-formation, et je voudrais apporter quelques éléments de réponse à ce sujet.
    Vous le savez, les partenaires sociaux avaient décidé, en décembre 2000, d'engager une négociation sur la formation professionnelle, dans le cadre de la refondation sociale.
    Les négociations se sont engagées, notamment, sur l'instauration d'un compte épargne-formation, dont l'objet était de permettre au salarié d'accumuler du temps rémunéré pour suivre des formations décidées conjointement avec l'entreprise, ou par lui-même. Les partenaires sociaux ne sont finalement pas parvenus à s'entendre et la négociation a été suspendue le 23 octobre 2001.
    Les points de désaccord, qui sont précisément les points sur lesquels il va nous falloir travailler, portaient notamment sur l'équilibre de la prise en charge des coûts de la formation par le salarié et son employeur et sur la juxtaposition des dispositifs de co-investissement. Le Gouvernement, constatant comme les partenaires sociaux la nécessité d'une évolution des dispositifs de formation professionnelle, souhaite la mise en place rapide du compte personnel de formation. Il s'agit là, d'ailleurs, d'un engagement pris par le Président de la République et par l'ensemble de la majorité lors de la campagne pour les élections législatives.
    Dans cette perspective, et convaincu qu'aucun résultat ne pourra être obtenu dans ce domaine sans un accord des partenaires sociaux, j'ai demandé de la manière la plus formelle qui soit, par un courrier du 22 octobre dernier, à l'ensemble des partenaires sociaux de reprendre cette négociation ; et je ne perds pas une occasion de leur rappeler - je le fais encore aujourd'hui à la tribune de cette assemblée - l'exigence du Gouvernement de les voir engager sans tarder cette discussion. Je ne considère pas que la perspective des élections prud'homales soit un obstacle à ce qu'un premier contact, au moins, se noue entre les partenaires sociaux sur ce sujet. Une fois que ce contact sera établi et que la bonne volonté des partenaires sociaux sera démontrée, le Gouvernement, en liaison étroite avec le Parlement, formulera des propositions destinées à alimenter cette négociation et à aboutir au résultat que nous souhaitons : le compte de formation, tout au long de la vie.
    J'ai bien noté que M. Paul me reprochait de ne pas avoir prévu dans ce budget une réforme profonde de la formation professionnelle.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. De ne pas donner des orientations !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Aurions-nous dû la réformer en six mois, alors que vous avez eu cinq ans pour le faire ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Vous aviez d'autres priorités !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En tout état de cause, laissez-nous un peu de temps et, surtout, laissez les partenaires sociaux engager la discussion ! Je ne suis pas sûr que vous leur ayez apporté, mesdames, messieurs de l'opposition, tout le soutien dont ils avaient besoin pour cette réforme. Il faut maintenant passer des discours aux actes.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Vous serez jugés sur les actes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si les partenaires sociaux ont, comme on l'affirme, la volonté de se saisir de ces sujets, cela doit se traduire par le démarrage d'une négociation. Je ferai, je le répète, tous les efforts nécessaires pour que cette négociation s'engage et aboutisse.
    Pour ce qui est du financement de l'alternance, évoqué notamment par M. Paul, j'indique que la dotation inscrite en 2003 pour l'apprentissage repose sur la réduction de 7 % du nombre de contrats d'apprentissage enregistrées au cours des neufs premiers mois de l'année 2002, par rapport à la même période de 2001, et sur une prévision de 240 000 nouveaux contrats d'apprentissage conclus en 2003, correspondant à une reprise des flux d'entrée en apprentissage.
    De même, les dotations arrêtées en 2003 au titre des contrats de qualification jeunes et adultes prennent en compte la diminution de 11 % du nombre de contrats de qualification jeunes observée pour les neufs premiers mois de l'année 2002 et la stagnation du nombre de contrats de qualification adultes au niveau de 2001.
    La prévision de 135 000 nouveaux contrats de qualification jeunes en 2003 tient compte des besoins des entreprises en personnels qualifiés, qui devraient conduire à une augmentation du nombre d'entrées en contrats de qualification par rapport à celui qui sera effectivement constaté pour 2002. La dotation du projet de loi de finances permettra d'y faire face.
    M. Bouvard et plusieurs de ses collègues ont évoqué la création du CIVIS et souhaité que le Gouvernement précise ses intentions dans ce domaine. Le contrat d'insertion dans la vie sociale. veut rompre avec la logique de l'assistance. Contrairement aux emplois-jeunes, il n'a pas pour objectif de subventionner un secteur d'activité mais de venir en aide aux jeunes qui en ont le plus besoin, avec l'ambition d'en faire les acteurs de leur propre insertion, grâce à la construction et à la mise en oeuvre d'un projet d'insertion porté par le jeune lui-même. Le CIVIS s'inscrit donc dans une logique de responsabilité et d'engagement réciproque entre le jeune et la collectivité.
    Il s'articulera autour de ce projet d'insertion, élaboré à l'issue d'une phase d'accueil, d'écoute, de diagnostic et d'orientation, et engagera le jeune. L'ensemble des moyens d'appui prévus par l'actuel programme TRACE seront ensuite mobilisés dans la phase d'accompagnement du jeune pour la mise en oeuvre de son projet. Le rôle des missions locales sera à cet égard    , essentiel. Le volontariat civil pourra également constituer un vecteur d'insertion sociale, professionnelle et citoyenne pour les jeunes en difficulté.
    Enfin, le jeune pourra, dans le cadre de ce parcours d'insertion, être employé dans des associations à vocation sociale et humanitaire qui présenteront toutes les garanties d'un suivi viable et dans lesquelles les jeunes pourront acquérir des qualités professionnelles leur permettant d'accéder à un emploi durable.
    Contrairement à ce que j'ai entendu dire à plusieurs reprises cet après-midi, il y aura une continuité parfaite entre la décrue du dispositif des emplois-jeunes et la mise en oeuvre du CIVIS. Ce contrat sera présenté en conseil des ministres avant la fin de l'année et débattu à l'Assemblée nationale au début de l'année prochaine pour être mis en application dès le mois de juillet 2003.
    M. Decool a évoqué la politique du Gouvernement à l'égarddes associations. Je ne peux que souligner avec lui le dynamisme dont fait preuve la vie associative dans notre pays. Les associations jouent un rôle essentiel dans la prise de conscience par la collectivité des besoins des catégories de population les plus déshéritées et dans l'élaboration et la mise en oeuvre des réponses adaptées à ces besoins. Le Gouvernement est soucieux de permettre aux associations de remplir leurs missions dans des conditions satisfaisantes et, en particulier, puisque c'est un point auquel il est particulièrement attentif, de simplifier les démarches administratives auxquelles elles sont astreintes. De réelles simplifications doivent être obtenues dans ce domaine, pour les associations comme pour les PME, d'ailleurs, afin, en particulier, de favoriser les embauches dans les petites structures qui n'ont pas les moyens administratifs nécessaires.
    La proposition de M. Decool - création d'un chèque emploi associatif - a été adoptée par l'Assemblée nationale. Elle doit maintenant être adoptée par le Sénat avant de pouvoir être appliquée. Je souhaite - je l'ai déjà dit à cette tribune, je le répète aujourd'hui - que cela soit fait en liaison étroite avec les partenaires sociaux qui sont directement concernés, tant au titre des conventions collectives qu'à celui de la gestion des caisses de sécurité sociale.
    M. Vercamer a évoqué la place des salariés de plus de cinquante-cinq ans dans l'entreprise. Je voudrais à la fois le rassurer sur la permanence, dans ce budget des moyens destinés à faire face aux situations les plus difficiles, et lui dire combien il est imporant que nous changions, sur ce sujet, de philosophie et que nous procédions vous me pardonnerez le mot une - désintoxication - de la société française de cette drogue que représentent les retraits anticipés d'activité généralisés, utilisés en particulier par les grandes entreprises comme moyen de gestion classique de leurs effectifs.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'ailleurs, le recours aux préretraites est une pratique généralisée dans les grandes entreprises mais très peu dans les petites. Très peu utilisée de grandes entreprises mettent en oeuvre des pratiques de gestion des âges dans l'entreprise - bilans de compétence, validation des acquis, formation professionnelle pour une évolution interne -, alors qu'elles en auraient les moyens. Il est donc absolument nécessaire, c'est vital à la fois pour notre pacte social et notre économie, de renverser les priorités. Cela passe évidemment par une refonte du système de formation professionnelle, avec la mise en place du compte de formation, mais aussi par le renchérissement du coût des préretraites.
    Trois systèmes, vous le savez, existent actuellement : les ASFNE, les préretraites des plans sociaux des PME, les CATS, les ex-préretraites du secteur automobile, qui reposent sur des accords de gestion prévisionnelle des emplois au niveau de la branche et de l'entreprise, l'aide de l'Etat étant réservée aux salariés qui ont travaillé dans des conditions pénibles enfin, les préretraites progressives, c'est-à-dire un départ d'abord à temps partiel puis à temps complet.
    La hausse des contributions pour 2003 porte essentiellement sur les préretraites progressives, pour lesquelles les taux vont être triplés en moyenne, le taux moyen étant porté de 3,6 % à 10 %. Pour les ASFNE, les taux seront aussi augmentés mais en faisant porter l'effort prioritairement sur les plus grandes entreprises et sur les départs dérogatoires à cinquante-six ans au lieu de cinquante-sept ans. Les critères d'attribution, par contre, ne seront pas modifiés. Il s'agira toujours des secteurs en difficulté, des publics en difficulté, des PME et des bassins d'emploi difficiles. La plupart des ASFNE sont attribués à des PME en liquidation judiciaire, donc sans participation de l'entreprise. Enfin, pour le dispositif des CATS, aucune réforme n'est prévue en 2003, mais le sujet devra naturellement être abordé en 2004.
    Mme Montchamp m'a interrogé sur les attentes de nos compatriotes rapatriés et harkis. Nos prédécesseurs, après avoir réduit très significativement les crédits qui leur étaient consacrés, s'apprêtaient à mettre fin à un certain nombre de mesures.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Quelle honte !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour marquer sa volonté de régler les situations les plus difficiles et les plus douloureuses, le Premier ministre a installé en mai dernier une mission interministérielle aux rapatriés qui, outre sa capacité à coordonner au profit des rapatriés et des harkis l'action des ministères, sera dotée de moyens en personnels et budgétaires suffisants.
    Les crédits inscrits au titre du projet de loi de finances pour 2003 s'élèvent à 14 millions d'euros, soit un montant sensiblement équivalent à celui de 2002. Ces crédits seront de plus abondés par une forte dotation supplémentaire de 19 millions d'euros que le Gouvernement vous proposera en loi de finances rectificative à la fin de 2002.
    Cette augmentation de la dotation devrait permettre de faire face à certaines priorités.
    Tout d'abord, la commission nationale d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée devra disposer des moyens d'instruire et de régler rapidement les nombreux dossier en instance : 14 millions d'euros seront affectés à la mise en place des aides au plan d'apurement des dettes.
    Parallèlement, 4 millions d'euros pourront être utilisés pour le traitement des situations les plus difficiles.
    L'hommage solennel rendu aux harkis le 25 septembre dernier par le Premier ministre sera prolongé par une mesure de reconnaissance matérielle. Dès janvier 2003, la rente viagère, accordée jusqu'alors sous condition de ressources à la moitié environ des harkis et de leurs veuves, sera étendue à l'ensemble de cette population âgée de plus de soixante ans. Nous consacrerons 5,5 millions d'euros à cette extension.
    Enfin, la clôture du plan harkis, prévue le 31 décembre 2002 par le précédent gouvernement, apparaissant prématurée, 2,5 millions d'euros seront consacrés à la poursuite de mesures en faveur des harkis et de leurs enfants.
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale, pour la solidarité. Bravo !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mme Montchamp, Mme Boutin et M. Paillé notamment ont abordé la question de l'insertion des bénéficaires du revenu minimum, et je voudrais revenir un peu plus longuement sur ce problème crucial pour notre société et qui dépasse le seul débat budgétaire.
    Un mot d'abord sur le budget.
    La dotation en loi de finances initale pour 2002, 4,4 milliards d'euros, a été sous-dotée d'environ 300 millions d'euros. L'ouverture en loi de finances rectificative, l'été dernier, de 700 millions d'euros a permis de couvrir cette insuffisance ainsi que celle qui résultait déjà de l'exercice 2001. La dépense réelle correspondant au RMI pour 2002 sera donc de l'ordre de 4,7 milliards d'euros. La dotation en projet de loi de finances pour 2003 s'élève à 4,46 milliards d'euros. Nous devrons donc mettre en oeuvre en 2003 des mesures susceptibles de permettre déjà à certains bénéficiaires de sortir du revenu minimum d'insertion.
    Notre démarche dans ce domaine s'inspire d'un constat que vous avez tous fait : le volet insertion du RMI ne donne pas satisfaction. Une faible part des allocataires accèdent à l'emploi. Ainsi, sur cent bénéficiaires du RMI en décembre 1996, un quart seulement ont retrouvé un travail cinq ans plus tard. Seul un bénéficiaire sur deux du RMI a signé un contrat d'insertion, avec des disparités départementales très importantes. Enfin, l'obligation légale annuelle pour les départements de consacrer en métropole 17 % des dépenses de RMI au volet insertion est inégalement respectée.
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial, pour le travail. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Au plan national, les reports cumulés de crédits départementaux d'insertion atteignaient, en 2000, près d'une demi-année d'obligation légale.
    J'en viens aux obstacles à l'insertion et aux réformes susceptibles d'être engagées.
    Vous avez évoqué les difficultés liées à la discontinuité des ressources des personnes qui alternent entre RMI et activité. Il s'agit d'une question très importante. Nous savons que, pour favoriser le retour vers l'emploi, il ne faut pas simplement augmenter le différentiel entre les revenus d'activité et ceux de la solidarité, mais aussi assurer aux personnes en difficulté une évolution prévisible et sans à-coup de leurs revenus. Nous entendons donc progresser dans cette voie. Certaines mesures ont déjà été prises, notamment la possibilité de cumuler le RMI avec un salaire - c'est l'intéressement, le maintien temporaire de certains droits connexes pour les personnes qui retrouvent une activité, la prolongation pendant un an de l'exonération de taxe d'habitation, le bénéfice de la CMU jusqu'à la fin de l'année de perception et le versement immédiat du RMI pour les personnes qui perdent brutalement leur revenu.
    Seconde piste de réforme : en 2002, un plan de redynamisation du volet insertion du RMI a été engagé.
    Ce plan repose essentiellement sur la diffusion d'indicateurs de résultats - taux de contractualisation, signatures de PAPND et augmentation du taux de sortie vers l'emploi des allocataires du RMI -, et sur leur comparaison avec des objectifs précis, comme l'accroissement de 20 % du nombre d'allocataires bénéficiant d'un contrat d'insertion ainsi que sur le recencement et la diffusion de bonnes pratiques d'insertion menées au plan local.
    Toutes les mesures prises doivent être maintenues, encouragées, renforcées et je veillerai à ce que le plan de redynamisation produise tous ses effets le plus rapidement possible, mais je ne crois pas que ces mesures soient suffisantes pour nous permettre réellement un changement de dimension dans la mise en oeuvre de l'insertion.
    Il serait donc opportun d'envisager une vraie réforme du dispositif, avec deux grandes orientations.
    La première, c'est une décentralisation réelle du revenu minimum d'insertion. Le fait que l'allocation soit gérée par l'Etat et les crédits d'insertion par les départements n'est pas satisfaisant parce qu'une telle situation aboutit à une confusion des responsabilités. Si les départements se voyaient confier la gestion de l'ensemble, ils pourraient mieux qu'aujourd'hui mettre en place une véritable politique d'insertion à l'intention des publics les plus éloignés de l'emploi. Cette question sera naturellement traitée dans le cadre du chantier plus large de la décentralisation. Plusieurs d'entre vous m'ont demandé quels étaient mes objectifs en ce domaine. Je souhaite un transfert dans le courant de l'année 2003, complet car je ne crois pas possible d'avoir différents dispositifs expérimentaux.
    Deuxième volet de cette réforme, qu'il faudra bien entendu conduire en même temps : nous réfléchissons à la possibilité d'élargir l'offre de contrats aidés pour les bénéficiaires du RMI, notamment par le biais de ce que nous avons appelé le revenu minimum d'activité, que le Président de la République a souhaité voir mis en oeuvre. Il s'agirait de proposer aux bénéficiaires dont la situation le permet un contrat dans le secteur non marchand -  associations, collectivités, établissements publics -, avec, naturellement, un supplément de revenus. Par rapport aux contrats aidés actuels, l'objectif est de faciliter et d'accélérer l'accès à ce type d'activité afin que le passage par l'inactivité dure le moins longtemps possible. Bien entendu, il ne s'agirait dans notre esprit que d'une étape, le retour à l'emploi classique restant l'objectif à long terme pour tous les publics, en tout cas pour tous ceux qui sont susceptibles d'être orientés vers le revenu minimum d'activité.
    Comme vous le voyez, un ensemble de réflexions sont en cours. Les remarques faites tout à l'heure, notamment par Mme Boutin, sont extrêmement intéressantes.
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis, pour la formation professionnelle. Celles de l'opposition aussi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elles viendront enrichir la réflexions du Gouvernement et de la majorité.
    L'objectif est clair. Si la mise en oeuvre des mesures peut faire encore l'objet de réflexions, le RMI, conformément à l'intention de ses fondateurs, ne doit pas seulement constituer une allocation minimum, mais aussi représenter une véritable voie vers l'insertion et l'emploi.
    Mme Mignon a eu raison d'insister, à propos de la démarche d'insertion, sur la qualité de l'employeur. Elle est au moins aussi importante que la motivation de la personne en quête de réinsertion. Même pour les CES, la valorisation du travail est possible : il ne peut s'agir d'une main-d'oeuvre d'appoint à bon marché. D'où le choix de nous appuyer sur des structures associatives qui savent construire la transition vers l'emploi classique.
    Voilà, mesdames, messieurs les députés, quelques réponses à vos différentes observations. La question de l'égalité professionnelle ayant été évoquée par plusieurs d'entre vous, je propose, monsieur le président, que Mme Ameline réponde sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous terminons notre séance sur un sujet important !
    La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
    Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Mesdames, messieurs les députés, je remercie tout d'abord Mme Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances, d'avoir souligné la détermination du Gouvernement dans le domaine de l'égalité professionnelle.
    Notre engagement est clair. Il est démontré par les chiffres mais, plus encore, par l'esprit et la volonté qui nous animent de donner corps à ce qui n'est encore aujourd'hui qu'une promesse d'égalité.
    Madame Jacquaint, vous avez raison sur le constat. Derrière la sécheresse des chiffres, il y a en effet un écart, qui s'est d'une certaine manière creusé, démontrant, s'il en était besoin, la persistance d'inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
    Vous avez évoqué à juste titre les différences de rémunération et la progression inégale des femmes au sein des entreprises ou de la fonction publique. Face à ce constat, nous devons redonner une impulsion déterminante à la politique en faveur de l'égalité professionnelle.
    C'est dans cet esprit que j'ai décidé, sur l'initiative du Premier ministre, de faire de l'égalité professionnelle un véritable principe actif de l'organisation sociale de notre démocratie, d'abord pour une raison évidente d'équité et de justice, mais aussi parce que nous sommes convaincus que la mixité et l'égalité professionnelle constituent une réelle chance pour l'économie, et, plus encore, pour la société tout entière.
    C'est pourquoi, et je vous remercie de l'avoir rappelé, nous avons proposé un plan d'action qui se décline en vingt-cinq propositions, selon quatre axes principaux sur lesquels je ne m'attarderai pas : l'encouragement résolu à la mixité professionnelle, dès l'orientation scolaire ; le soutien au déroulement de la carrière des femmes, pour l'embauche sur les postes qualifiés, mais aussi l'accès à la formation continue, et singulièrement à la formation tout au long de la vie, si importante car, vous l'avez souligné, à juste titre, les femmes sont souvent les premières victimes des plans sociaux ; la réduction des écarts de rémunération, évidemment ; enfin, une meilleure articulation des temps sociaux entre vie professionnelle et vie privée.
    Vous avez évoqué la nécessaire contrainte législative. Je crois qu'il est moins temps de contraindre que de convaincre. Nous avons un cadre juridique, et il me semble essentiel de redonner toute sa place au dialogue social. Il est en effet indispensable que les partenaires sociaux se réapproprient cette démarche. Nous réunirons le 19 novembre prochain le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle pour amorcer ce dialogue nécessaire et, dans le même esprit, j'ai proposé qu'une table ronde présidée par M. Fillon soit organisée le 19 décembre prochain avec l'ensemble des partenaires sociaux pour permettre un nouveau dialogue sur ces sujets essentiels qui sont au coeur de la démocratie.
    Le Gouvernement a conscience des résistances, des pesanteurs et des difficultés qui, entre l'idéal proclamé et la réalité de chaque jour, ont creusé un fossé qu'il nous faut aujourd'hui combler, mais je puis vous assurer de ma détermination à servir les objectifs que vous avez rappelés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

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ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Affaires sociales, travail et solidarité, égalité professionnelle ; articles 69 et 70 (suite) :
    - Solidarité :
    Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 4 du rapport n° 256) ;
    - Action sociale, lutte contre l'exclusion et ville :
    Mme Christine Boutin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome II de l'avis n° 257) ;
    - Formation professionnelle :
    M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 5 du rapport n° 256),
    M. Christian Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome III de l'avis n° 257) ;
    - Travail :
    M. Michel Bouvard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 6 du rapport n° 256),
    Mme Irène Tharin, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (tome IV de l'avis n° 257).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT