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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 16 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du vendredi 15 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Décisions du Conseil constitutionnel sur des requêtes en contestation d'opérations électorales «...».
2.  Loi de finances pour 2003 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

CULTURE

M. Laurent Hénart, suppléant M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
MM.
Pierre-Christophe Baguet,
Frédéric Dutoit,
Hervé de Charette,
Patrick Bloche,
Mme
Martine Billard,
MM.
Gilbert Gantier,
Etienne Pinte,
Michel Françaix,
Emmanuel Hamelin,
Mme
Muriel Marland-Militello.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.
Réponses de M. le ministre aux questions de : M. Patrick Braouezec, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Emmanuel Hamelin, Michel Françaix.

CULTURE ET COMMUNICATION
ÉTAT B
Titres III et IV. - Adoptions «...»
ÉTAT C
Titres V et VI. - Adoptions «...»
ÉTAT E
Ligne 34. - Adoption «...»
Article 63. - Adoption «...»

Renvoi de la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION
D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de cinq décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.
    Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

2

LOI DE FINANCES POUR 2003
DEUXIÈME PARTIE
Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).

CULTURE

    M. le président. Nous abordons la discussion des crédits du ministère de la culture et de la communication, concernant la culture.
    La parole est à M. Laurent Hénart, suppléant M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Laurent Hénart, suppléant M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, le budget de la culture a ses règles traditionnelles d'évaluation. Si le budget de la justice est évalué au nombre de magistrats obtenus, celui de la défense au nombre de militaires et au programme réalisé, le budget de la culture a longtemps été jugé à l'aune du fameux « 1 % du budget de l'Etat », qui devrait, disait-on, être consacré à l'effort public en faveur des dépenses culturelles.
    Mais si ce seuil comptable de 1 % a été atteint - Olivier Dassault tient beaucoup à le souligner au nom de la commission des finances - c'est, par agrégats successifs, avec le transfert des crédits de la Bibliothèque nationale du budget de l'éducation nationale, puis celui des subventions aux bibliothèques municipales du budget du ministère de l'intérieur, et enfin les moyens des institutions et écoles d'architecture du budget de l'équipement. Mais la commission des finances, attachée à la sincérité des comptes publics, ne peut que déplorer que cette masse de 1 % n'ait jamais été consommée au cours des derniers exercices.
    En effet, si le chiffre symbolique de 1 % était affiché en loi de finances initiale, plus l'exercice comptable avançait, moins on s'en approchait. Au fil des trois derniers exercices, la réserve de crédits de paiement non consommés s'accroissait pour aboutir, en 2002, à des reports de crédits de 405 millions d'euros.
    La commission des finances a noté tout particulièrement le chiffre d'exécution de 2001, qui, en pourcentage comme en montant brut, ne pouvait que nous interpeller : près de 389 millions d'euros de crédits reportés, soit plus de 15 % de l'ensemble des crédits affectés par la loi de finances initiale pour 2001 à l'action culturelle et aux crédits culturels.
    En 2001, les titres V et VI ont été consommés à hauteur de 57 % seulement. C'est dire que, entre ce que le Parlement a voté en loi de finances initiale et ce que le Gouvernement a ensuite réalisé, il y a plus qu'un pas, un véritable fossé ! La sincérité du budget s'en est trouvée sensiblement altérée. Ce qui, peut-être, a le plus marqué la commission des finances, lorsqu'elle a examiné, comme c'est sa mission, le projet de budget que vous nous soumettez, monsieur le ministre, c'est l'effort courageux de retour à la vérité budgétaire dont il témoigne. Près de 216 millions d'euros de crédits ont été retirés par rapport à 2002, mais il s'agit simplement pour le ministère, en additionnant les crédits disponibles de la loi de finances et les reports mobilisables, de garantir le même effort d'investissement et de rétablir la vérité des comptes.
    Aujourd'hui, nous examinons un budget dont les masses ne devraient guère varier en cours d'exécution. Les volumes inscrits en loi de finances initiale, en investissement comme en fonctionnement, sont ceux sur lesquels le Gouvernement s'engage et qu'il exécutera.
    M. Michel Françaix. Nous n'avons pas les mêmes lunettes !
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. Chaussez-les mieux !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous n'avez que le verre gauche ! (Sourires.)
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. Mais si, d'un côté, une opération vérité est réalisée sur les crédits d'investissement, de l'autre, des marges de manoeuvre nouvelles sont dégagées pour l'action culturelle et le fonctionnement des grands établissements - crédits des titres III et IV.
    En matière d'investissement, la commission des finances a retenu deux éléments essentiels qui montrent que l'effort sera poursuivi de manière plus authentique.
    D'abord, si l'on additionne les crédits disponibles et les reports de crédits, les montants obtenus pour les titres V et VI sont supérieurs à ceux de 2002. Ensuite, le montant des autorisations de programme, témoin de la volonté d'investissement de l'Etat, reste à la même hauteur qu'en loi de finances initiale pour 2002, soit 565 millions d'euros.
    Qui plus est, vous vous donnez les moyens de mieux consommer l'ensemble de ces crédits, ce qui devrait rassurer le Parlement sur la sincérité de la loi que vous présentez. Ainsi, les crédits d'entretien du patrimoine augmentent d'un peu plus de 10 millions d'euros, ce qui permettra d'engager plus vite toute une série de chantiers de restauration, en les plaçant à leur juste niveau : de l'entretien et non pas de la restauration lourde, sous la tutelle de l'architecte en chef des monuments historiques. Vous entendez, en outre, consommer les autorisations de programme en cinq ans et non plus en quatre ans, ce qui correspond, du reste, à la réalité quand on croise réglementation protégée en matière d'urbanisme et de patrimoine, code des marchés publics et tous les textes qui s'y rattachent.
    En contrepartie de cet ajustement sur les investissements, crédits du titre V et du titre VI, un effort notable est consenti sur les crédits des titres III et IV pour redonner aux services de l'Etat et à l'action culturelle les marges de manoeuvre qu'ils avaient perdues.
    Je voudrais, à ce moment de mon propos, rappeler les éléments essentiels de l'audit du cabinet KPMG que vous avez commandé, monsieur le ministre. Il montrait que les grands projets décidés par le précédent gouvernement, une fois mis en oeuvre, feraient peser une contrainte excessive sur le budget de l'Etat. KPMG évaluait à 1,1 % du budget de l'Etat la masse de crédits nécessaire simplement pour assurer la réalisation des projets aujourd'hui en cours. Plus que d'un effet de ciseau, il s'agit d'une réelle impasse financière, si aucune mesure n'est prise.
    M. Michel Françaix. Si le budget ne prévoit pas les crédits, ce sera une impasse évidemment !
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. Cela se traduit, dans certains musées par le taux de fermeture des salles qui atteint 27 % au Louvre, 45 % à Versailles et 50 % à Guimet. Sans parler de l'état du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France ou des Archives nationales !
    Autant de dossiers qui nécessitent sans attendre, dès 2003, des mesures pour débloquer des marges de manoeuvre nouvelles. Le présent budget le fait, avec des crédits de paiement en dépenses ordinaires en augmentation de 97 millions d'euros, répartis entre les personnels, le fonctionnement et les interventions.
    Je commencerai l'analyse des crédits de paiement des titres III et IV par ceux qui concernent les établissements publics.
    Vous réfléchissez à une plus grande autonomie et à une responsabilisation accrue de ces établissements, tout en procédant aux ajustements nécessaires. Leurs subventions de fonctionnement augmentent de 11,1 %, taux rarement atteint par le passé, ce qui porte l'ensemble de l'enveloppe à près de 650 millions d'euros, avec un effort particulier, outre pour le Louvre et le Centre Pompidou,...
    M. Michel Françaix. Au Centre Pompidou, il y a eu un effort, c'est vrai !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Au Louvre aussi !
    M. le président. Monsieur Herbillon, monsieur Françaix, ne commencez pas à débattre !
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. ... pour les écoles d'architecture, dont les crédits progressent de près de 10 %.
    Pour ce qui est de la baisse des effectifs, elle n'est qu'apparente. Elle correspond, en fait, au transfert de 1 233 emplois vers le budget de l'Etablissement public du Louvre et de 64 emplois vers ceux des conservatoires et écoles d'art, ce qui illustre bien la volonté de donner à ces établissements autonomie, responsabilité et maîtrise de leur gestion.
    A côté de cette évolution optique due à un changement de tutelle sur les personnels, sont prévues des mesures de repyramidage et de revalorisation des indemnités, tandis que les crédits d'entretien connaissent une amélioration.
    J'en viens au titre IV et aux crédits d'intervention qui sont, à côté des établissements publics, le second « bras armé » de l'action culturelle de l'Etat. Ils alimentent notamment, il importe de le souligner, l'action publique culturelle tant à Paris qu'en province, en fait, dans l'ensemble des régions françaises. Ces crédits passent le cap des 700 millions d'euros, en augmentation de 4,5 %, ce qui constitue un effort plus que sensible, si on le compare à l'évolution des dix dernières années - seulement 1,6 % d'augmentation.
    Le rapporteur spécial souligne, à cette occasion, combien ces crédits sont essentiels pour qu'il y ait une action culturelle de l'Etat dans toutes les régions. Les précédentes années, les grands projets, souvent parisiens, au fonctionnement mal défini au moment de leur conception et à la réalisation, en conséquence, mal maîtrisée, tant en ce qui concerne leurs effectifs budgétaires que leurs moyens de fonctionnement courant, ont accaparé les moyens publics. Il aurait été anormal de poursuivre dans la même voie. Il fallait donc un effort réel de maîtrise des dépenses. Observons tout particulièrement, à cet égard, le chiffre suivant : 20 % des crédits de fonctionnement étaient consommés par seulement cinq établissements publics culturels : Bibliothèque nationale, Opéra national, Louvre, Villette et Pompidou. Heureusement, votre ministère promet un effort de maîtrise de gestion et de responsabilisation de ces établissements. Je sais que vous avez mis en place des groupes de travail à cet effet, dans vos services et dans lesdits établissements.
    La démarche de décentralisation a fait surgir un grand espoir, celui que la politique culturelle française renoue avec le terrain - départements, régions, collectivités territoriales et associations - et laisse une plus grande place aux initiatives locales et privées. En aucun cas, cependant, elle ne doit aboutir au départ des institutions nationales des régions françaises. Elle doit permettre de conserver un maillage du territoire français par des institutions culturelles nationales et par des labels nationaux. Ainsi, l'Etat, garant de l'égal accès des citoyens à l'offre culturelle, poursuivra ses efforts.
    Enfin, je conclurai mon propos en insistant sur la nécessaire modernisation de la fiscalité afin qu'elle puisse appuyer la politique culturelle de l'Etat, déjà servie par des crédits publics importants, nous l'avons vu, et dont la sincérité, qui faisait défaut par le passé, a été restaurée. Mais dans une période où les dépenses publiques doivent être maîtrisées, veillons à utiliser le mieux possible l'outil fiscal, outil fort utile dans un pays où 45 % des richesses nationales font l'objet d'un prélèvement obligatoire !
    Je rappelle que les mesures fiscales prises jusqu'à ce jour en faveur de la création et de l'action culturelles rencontrent un réel succès, que ce soit dans le domaine des travaux sur monuments historiques, dans celui de l'aide à la création cinématographique ou enfin dans celui des dations d'oeuvres d'art. Il nous est proposé d'amplifier cette démarche dans deux directions. Il s'agira, d'abord, de soutenir le Gouvernement dans sa volonté d'obtenir une TVA à taux réduit sur le disque. La commission des finances a souhaité que ce soit obtenu dès 2003, les différents ministres concernés, nous le savons, y travaillent avec un acharnement redoublé. Une telle disposition populariserait davantage encore ce support culturel et, surtout, permettrait de diversifier les labels et soutiendrait la création nationale dans le domaine des musiques, surtout des musiques actuelles. Deuxième axe de travail, à plus long terme, il conviendra de faire évoluer notre fiscalité en jouant à la fois sur l'impôt sur le revenu, sur l'impôt sur les sociétés et sur le régime juridique des fondations privées. Ainsi, il conviendra de revoir le plafond des dons déductibles qui est pénalisant pour les ménages les plus modestes, et surtout faire en sorte que le taux de déduction pour ces donations et ces transactions soit moins dissuasif pour les personnes aux revenus importants. L'idée est simple : à côté d'une politique active d'action culturelle par la dépense publique, une démarche, plus ambitieuse que par le passé, de déductions fiscales permettra un réel soutien à la création et surtout une meilleure équité entre les initiatives publiques et les initiatives privées. Il ne peut qu'en résulter une plus grande diversité dans la création culturelle.
    Votre budget, monsieur le ministre,...
    M. Michel Françaix. N'est pas bon !
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. ... est marqué par la volonté courageuse de rétablir la vérité des comptes. La commission des finances ne peut que s'en satisfaire, attachée qu'elle est - nous tenons à le réaffirmer - à ce que le Gouvernement exécute une loi de finances de manière sincère, ce qui n'était plus le cas sur les exercices 2000, 2001 et 2002. Votre budget, par ailleurs, anticipe les défis de l'avenir, dont celui de la décentralisation, en recherchant une meilleure évaluation et en donnant une responsabilité accrue aux établissements publics. Il s'efforce de prévenir l'effet de ciseaux annoncé par l'audit KPMG, qui préoccupe la commission des finances car elle craint que l'Etat n'ait plus de marge de manoeuvre.
    Restitution de la vérité des comptes, responsabilisation des établissements, meilleure évaluation, préparation à la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances, mais surtout, dès 2003, retour à des marges de manoeuvre en matière de personnel et d'interventions culturelles, autant de motifs d'affirmer que ce budget est authentique, et qu'il prépare l'avenir. La commission des finances a donc adopté ses crédits et propose, bien sûr, à l'Assemblée de faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Le budget de la culture pour 2003 marque une étape importante dans la mise en oeuvre de la nouvelle politique culturelle, dont vous avez défini, monsieur le ministre, les orientations en juillet dernier.
    Les objectifs sont clairs : redonner au ministère de la culture des capacités d'action qui se sont incontestablement amenuisées au fil des ans et, dans le même temps, instaurer de nouveaux rapports entre l'Etat et l'ensemble des acteurs culturels, des rapports fondés non sur la défiance - comme ce fut trop souvent le cas, hélas, ces dernières années - mais sur l'écoute et la confiance pour permettre de mobiliser toutes les énergies en faveur du développement de la culture dans notre pays.
    Les choix effectués dans le cadre du budget prennent naturellement en compte la situation financière dont vous héritez - mon collègue rapporteur de la commission des finances l'a rappelé - et qui a été parfaitement décrite dans l'audit que vous avez commandé, lors de votre prise de fonction. La rigidité du budget de la culture liée à l'importance de ses charges fixes et la dynamique à la hausse des coûts de fonctionnement induits par les nouveaux projets immobiliers mènent le ministère, si rien n'est fait, droit à une impasse budgétaire.
    M. Michel Françaix. Il y est !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. En se plaçant sous le signe de la responsabilité, de la crédibilité et de l'efficacité, le budget 2003 vise à redonner des marges de manoeuvre à la politique culturelle.
    Sous le signe de la responsabilité, en effet, car avec des crédits de près de 2,5 milliards d'euros, le ministère de la culture disposera en 2003 de capacités d'engagement en hausse. La forte progression de près de 4 % des dépenses ordinaires et des autorisations de programme lui permettra de tenir l'ensemble de ses engagements et préserveront ses moyens d'intervention.
    Sous le signe de la responsabilité encore de par votre choix, monsieur le ministre, de ne pas solliciter en inscriptions nouvelles l'ensemble des crédits de paiement qui seront dépensés. La détérioration très forte, entre 1997 et 2001, du taux de consommation de ces crédits a entraîné l'accumulation de près de 420 millions d'euros de crédits non utilisés. Face à cette situation pour le moins critiquable sur le plan de la gestion des deniers publics, vous avez fait le choix judicieux d'employer en priorité cette réserve, d'un montant de 205 millions d'euros, pour financer les dépenses d'investissement.
    Et ce choix courageux aura deux conséquences importantes.
    D'abord, grâce à la mobilisation de ces crédits jusqu'alors stériles, votre ministère disposera l'an prochain d'une hausse effective de ses capacités d'engagement de 3,6 %, ce qui mérite d'être salué dans un contexte budgétaire somme toute peu favorable.
    En second lieu, ce choix manisfeste votre volonté de redonner toute sa crédibilité au budget de la culture. Vous entendez rompre avec les pratiques du précédent gouvernement...
    M. Michel Françaix. Dommage !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. ... qui a sciemment inscrit dans les budgets successifs des crédits de paiement très largement supérieurs à ce que le ministère était en mesure de dépenser.
    L'objectif de cette manoeuvre, dénoncée par la Cour des comptes, avait pour objectif unique de pouvoir afficher artificiellement et à bon compte avant les échéances électorales de 2002 un budget de la culture atteignant le seuil de 1 % du budget de l'Etat.
    Hier symbole d'une ambition culturelle, le 1 % a ainsi été dévoyé pour ne devenir qu'un leurre, qu'un slogan trompeur, car, en termes de dépenses effectivement réalisées, jamais, sous le gouvernement Jospin, le budget de la culture n'a atteint 1 % du budget de l'Etat. Il a plafonné au mieux à 0,86 %. Voilà, mes chers collègues, la vérité des chiffres, une vérité qui tord le cou à bien des affirmations caricaturales prononcées ces dernières semaines sur certains bancs de l'opposition.
    M. Michel Françaix. Vous ne croyez même pas ce que vous dites !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Vous avez choisi, monsieur le ministre, de tourner le dos à ces pratiques. La représentation nationale ne peut que louer cet effort de transparence et de sincérité.
    M. Hervé de Charette. Bravo !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le budget pour 2003 marque enfin la volonté de rendre toute son efficacité à l'action culturelle de l'Etat. La focalisation du débat ces dernières années autour du 1 % a occulté l'essentiel, à savoir la réduction des marges artistiques et culturelles du ministère, avec, comme conséquences concrètes, des établissements culturels asphyxiés financièrement, réduisant ou gelant leurs projets d'expositions, contraints de fermer des salles au public faute de gardiens en nombre suffisant pour les surveiller comme au Louvre, à Versailles ou au musée Guimet. La baisse des crédits d'entretien des monuments historiques ou le niveau ridiculement bas des crédits d'acquisition en sont une autre illustration.
    Pour inverser cette tendance et restaurer les marges de manoeuvre budgétaire, vous avez donc décidé de mettre en oeuvre de nouvelles pratiques de gestion. Une véritable politique d'évaluation sera généralisée au sein de l'administration centrale et dans les DRAC.
    La volonté de renouer avec une stratégie budgétaire plus réaliste conduit par ailleurs la Rue de Valois à repenser sa politique immobilière en tenant compte, ce qui était loin d'être le cas auparavant, des coûts de fonctionnement des futurs établissements.
    Ainsi, tout en confirmant il y a deux semaines que les projets de nouvelles institutions culturelles à Paris seront maintenues, vous avez apporté un certain nombre de modifications pour les rationaliser et leur donner une plus grande cohérence.
    Vous avez par ailleurs indiqué vouloir mettre un terme au surinvestissement des dernières années dans Paris intra muros pour rééquilibrer l'action du ministère en faveur du reste du territoire, ce qui est un choix de bon sens soutenu par nombre de parlementaires, sur tous les bancs de cet hémicycle.
    La reconstitution des marges d'action du ministère s'exprimera aussi de façon budgétaire puisque la priorité a été donnée pour 2003 aux crédits immédiatement utilisables, c'est-à-dire, d'une part, aux crédits du titre III dédiés aux établissements publics, à la résorption de l'emploi précaire et à l'entretien du patrimoine, qui connaîtront leur plus forte hausse depuis huit ans, et, d'autre part, aux crédits d'intervention, qui augmenteront de 5 %.
    Ces priorités ne gageront pas pour autant l'avenir puisque, dans le même temps, les capacités d'investissement seront maintenues par une stabilisation des autorisations de programme et l'utilisation de crédits de paiement non consommés.
    Par ces choix clairement assumés, sous le triple signe de la responsabilité, de la crédibilité et de l'efficacité, le Gouvernement sera ainsi en mesure de mettre en oeuvre les orientations d'une nouvelle politique culturelle.
    La première d'entre elles concerne le renforcement de l'autonomie et des moyens des grands établissements culturels, notamment des musées, dont le rôle est prépondérant dans la vie culturelle de notre pays...
    M. Michel Françaix. Très bien !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. ... et dans son rayonnement à l'étranger. Une nouvelle relation entre l'Etat et les établissements culturels, faite de plus d'autonomie, de confiance et plus de responsabilité va s'instaurer, afin de donner aux établissements une réelle maîtrise de la gestion de leurs personnels, de leur politique et de leur programmation.
    Cette politique se traduira en 2003 par la signature de la première tranche du contrat d'objectifs et de moyens du Musée du Louvre, avec notamment le transfert de 1 233 emplois de titulaires sur son budget, et par la transformation, enfin allais-je dire, du musée d'Orsay en établissement public.
    Cette orientation s'accompagnera d'une augmentation concomitante de leurs moyens, dont bénéficieront notamment la programmation artistique et culturelle, l'accueil du public et la conservation des collections. Tous les établissements existants sont concernés, ainsi d'ailleurs que les projets en cours comme celui du Musée des arts premiers. Il faut noter, enfin, dans ce domaine, que les écoles d'architecture - je sais, monsieur le président, que vous y êtes sensible - connaîtront une hausse de 9 % de leurs moyens et que deux nouvelles écoles, Paris-Val-de-Seine et Paris-Belleville, verront le jour.
    Deuxième orientation forte de cette nouvelle politique culturelle : la priorité accordée aux créateurs. Cela se traduira en 2003 par une meilleure protection des droits d'auteur, assurée grâce à une hausse des crédits finançant le droit de prêt aux bibliothèques. Cette ambition se manifestera aussi par un soutien renforcé à la promotion des arts plastiques et par l'effort consenti en faveur du spectacle vivant, notamment des nouvelles formes artistiques en développement telles que le cirque.
    Favoriser un accès plus large à la culture est aussi un axe majeur de la politique culturelle du Gouvernement. Cette ambition se traduira en particulier par un renforcement des aides en faveur du développement des équipements de proximité des collectivités locales. Le ministère de la culture entend illustrer par là même sa volonté de renforcer la coopération avec les communes, les régions et les départements. Cette relance de l'action territoriale sera l'un des éléments forts d'un meilleur partage de la culture par tous.
    Démocratisation et décentralisation culturelles sont ainsi deux objectifs étroitement imbriqués, qui disposeront l'an prochain de moyens renforcés.
    La dotation générale de décentralisation en faveur des bibliothèques sera augmentée et le développement des espaces culture multimédia sera accéléré. Le soutien aux investissements culturels des collectivités locales se manifestera par un effort accru en faveur de la construction et de la modernisation des archives départementales et communales, et par le lancement d'un plan audacieux d'équipement en médiathèques de proximité dans les zones rurales et dans les quartiers périphériques des villes.
    Les crédits en faveur du plan de développement de l'éducation artistique à l'école mené avec l'éducation nationale seront eux aussi abondés.
    Je ne saurais parler de la nécessité de favoriser l'accès du plus grand nombre à la culture sans saluer, monsieur le ministre, la conception très haute que vous vous faites du rôle que doit jouer la télévision publique en matière d'éducation et de culture. Nous sommes d'ailleurs nombreux à partager avec vous cette conception. Les conclusions du rapport que vous avez demandé dès votre arrivée à Mme Clément pour améliorer l'offre éducative et culturelle des chaînes publiques sont à ce titre très attendues. J'espère qu'elles seront audacieuses.
    Mes chers collègues, je souhaiterais achever mon propos en insistant sur le dernier axe majeur de la politique culturelle du nouveau Gouvernement, à savoir la nécessaire rénovation de notre politique du patrimoine, à laquelle j'ai d'ailleurs consacré la partie thématique de mon rapport.
    L'effort en faveur du patrimoine est devenu une ardente nécessité car, depuis trop longtemps, notre pays néglige ce qui est pourtant notre bien commun. Outre les enjeux culturels, scientifiques et économiques qu'il représente, le patrimoine contribue aussi à forger ce qui est pour une nation un bien précieux, à savoir une mémoire et une identité collective.
    Malgré tout, les crédits destinés au patrimoine n'ont cessé de décroître. Le patrimoine a été le véritable parent pauvre des années Trautmann et Tasca.
    M. Michel Françaix. Et ça continue !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Rien que sous la précédente législature, les crédits d'investissement ont diminué de 7,5 %.
    La volonté exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre est de replacer la protection du patrimoine au coeur de l'action culturelle de l'Etat. Nous l'approuvons.
    Un certain nombre d'arbitrages budgétaires en sont une première traduction. Je pense naturellement à l'augmentation de 53 % des crédits d'entretien, qui correspond au redéploiement de 10 millions d'euros de crédits d'investissement. C'est un choix judicieux car les interventions courantes et régulières sur les monuments limitent souvent des opérations de restauration plus globales mais fatalement plus coûteuses. Je pense aussi à l'accroissement de 4 % des crédits d'acquisition, ce qui marque un effort sensible, au regard notamment de ce qui s'est fait entre 1997 et 2001, où ces crédits n'ont augmenté que de 1,1 %.
    Plus encore que budgétaire, l'effort en faveur du patrimoine sera l'an prochain législatif. Une loi de programme, établissant sur cinq ans l'effort que l'Etat entend consacrer à la rénovation et à la mise en valeur du patrimoine monumental, sera prochainement déposée devant le Parlement, vous l'avez confirmé, monsieur le ministre.
    Cependant, les seuls moyens budgétaires de l'Etat ne pourront à eux seuls satisfaire les besoins.
    M. Michel Françaix. Vous le reconnaissez enfin !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. D'où l'importance que représente le projet de loi visant à favoriser le mécénat et à réformer le droit des fondations, qui est en cours d'élaboration. Il s'agit pour notre pays, comme le rappelait le Président de la République, dans son discours sur la politique culturelle au Palais-Royal le 8 avril dernier, de « passer à l'égard du mécénat d'une culture de réticence et de soupçon à une culture de confiance et de reconnaissance ».
    Peut-être êtes-vous d'ores et déjà en mesure de nous donner des informations quant aux orientations de ce projet.
    Donner une nouvelle dynamique à notre politique du patrimoine nécessite aussi une nouvelle approche, moins restrictive, moins cloisonnée, en un mot plus globale.
    Il faut définir ce que l'on entend par patrimoine, car il est vrai qu'aujourd'hui le patrimoine est trop souvent identifié au seul patrimoine monumental et architectural
alors que cette notion recouvre bien d'autres éléments : patrimoine archéologique, archivistique, artistique, littéraire, cinématographique et audiovisuel, mais aussi linguistique, avec notre langue, le français, mais aussi les langues régionales, patrimoine immatériel, des savoir-faire et des métiers d'art, qui sont l'identité de notre pays, et - pourquoi ne pas le citer même à cette heure de la matinée ? - patrimoine culinaire.
    Il faut aussi une nouvelle approche de la manière dont est menée la politique du patrimoine au niveau ministériel. Vous avez manifesté le souhait de réorganiser l'action de vos services autour de grandes politiques, dont celle du patrimoine. C'est en effet un moyen qui devrait contribuer à modifier les pratiques au sein du ministère où, en dépit des efforts consentis, chaque direction mène encore sa propre action sans réelle concertation avec les autres, alors que les enjeux patrimoniaux sont souvent communs.
    La rénovation de la politique du patrimoine passera sans doute aussi par un meilleur enracinement dans les territoires, ce qui suppose une consolidation de l'action des DRAC, notamment en termes de moyens, mais aussi une reconnaissance plus affirmée de l'action des collectivités territoriales. Les conclusions des travaux de la commission que vous avez confiée à Jean-Pierre Bady pour proposer une nouvelle répartition des charges entre l'Etat et les collectivités locales sont donc très attendues.
    Enfin, une politique des patrimoines plus dynamique exige une meilleure diffusion des connaissances auprès du grand public. Les nouvelles technologies, en particulier la numérisation des données, offrent en ce domaine un outil extraordinaire, dont le ministère de la culture a d'ailleurs pris toute la mesure, puisque les crédits consacrés à la numérisation des collections augmenteront de 40 %.
    Pour conclure, je veux souligner que le budget pour 2003 traduit concrètement la volonté de redonner de la cohérence, de la lisibilité et un nouveau souffle à une politique culturelle qui a eu tendance, ces dernières années, à privilégier l'accessoire plutôt que l'essentiel, l'affichage plutôt que l'efficacité, l'effet d'annonce plutôt que le résultat. En cela, le projet de budget ainsi que l'ampleur des chantiers que vous avez ouverts et l'importance des réformes législatives que vous avez annoncées marquent une rupture et sont porteurs d'un véritable espoir de renouveau pour notre action culturelle.
    C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la culture pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, votre budget pour 2003 est fait tout à la fois de transparence, de bonne gestion mais aussi de risques, on pourrait même parler d'un pari osé sur le futur.
    A l'UDF, nous sommes bien sûr très favorables à une remise à plat qui a le mérite de clarifier les choses. De même, pour une bonne gestion, nous apprécions votre travail de recherche et de récupération des reports et des crédits non consommés, ce qui n'a pas dû être facile. Nous apprécions aussi vos choix opportuns, notamment la hause de 5 % des crédits de paiement des titres III et IV, et des choix précis dans les titres V et VI à périmètre constant.
    Pour le risque, vous osez sacrifier l'objectif très médiatique du 1 %, dont le Président de la République lui-même a demandé la sanctuarisation, vous exposant ainsi à la critique prompte, malheureusement si répandue.
    Mais là n'est pas encore trop le danger. Le vrai danger, ce sera pour 2004, car les réserves et les reports ne peuvent s'utiliser qu'une fois. Etes-vous certain de pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement l'an prochain, même si la situation économique venait malheureusement à se dégrader,...
    M. Hervé de Charette. Il faut toujours être optimiste !
    M. Pierre-Christophe Baguet. ... car, si les crédits ne font pas tout, ils favorisent tout de même l'action.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le pire n'est pas toujours sûr !
    M. Pierre-Christophe Baguet. C'est vrai mais nous aurons à soutenir notre ministre tous ensemble, ce sera important.
    M. Hervé de Charette et M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Commencez dès maintenant !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Il existe en France un réel problème d'accès à la culture. Il faut favoriser l'accès de tous les publics à toutes les cultures. Pour ce faire, nous devons réaliser des efforts très significatifs. Ce n'est pas tant l'absence d'initiative qui fait défaut que la nécessaire coordination entre les différents niveaux, locaux, départementaux, régionaux et national. A ces difficultés de coordination s'ajoutent les problèmes de durée. Souvent, la pérennité des actions engagées n'est pas assurée. Tous ces obstacles ne permettent pas de faire tomber les barrières qui séparent la personne du livre, du musée ou encore du théâtre, tous lieux de connaissance où se développe l'esprit critique de l'être humain.
    Mais, au-delà de l'accessibilité géographique ou financière, pas si facile à régler, il y a un travail de fond à faire en amont, la sensibilisation à la découverte culturelle.
    Parce que l'éducation culturelle permet à chaque individu de se construire une démarche personnelle mais aussi de ressentir son appartenance à une communauté et à son patrimoine culturel historique commun, il est nécessaire d'encourager cette soif de connaissance. Cette envie doit se développer le plus tôt possible.
    Pour les plus jeunes, l'école est par essence le lieu de la découverte. C'est pourquoi il est indispensable que l'Etat privilégie l'éducation artistique. Ainsi, nous proposons, à l'UDF, l'enseignement de l'histoire des arts dès le primaire.
    A ce titre, le cinéma doit tenir plus que jamais sa place. Or, après le succès des deux dernières années, avec notamment Amélie Poulain et Astérix, l'avenir s'annonce sombre. Tous les professionnels du secteur se préparent à rencontrer des difficultés. Il est urgent que l'Etat se saisisse de ce problème.
    La mission parlementaire cinéma, présidée par Marcel Rogemont, dont je fus membre, a proposé d'intéressantes pistes de réflexion. L'une d'entre elles consiste à donner une nouvelle dimension aux aides régionales. A l'heure où l'on évoque de grands projets de décentralisation, la consolidation de ces aides et l'amélioration des structures régionales participeraient efficacement à ce mouvement. Une autre piste consistait à ouvrir davantage le régime juridique des SOFICA.
    Le compte de soutien du CNC, avec 450 millions d'euros, doit aussi jouer tout son rôle. A ce propos, les éditions vidéographiques n'ont contribué, avec 450 millions d'euros, qu'à hauteur de 18 millions d'euros au compte de soutien, contre 322 millions pour la télévision et 106 millions pour les salles de cinéma. Or le chiffre d'affaires de la vidéo est cette même année de plus de 100 millions d'euros supérieur à celui des salles de cinéma. Sans nier l'importance par ailleurs de la vidéo et du DVD pour le cinéma, cette situation n'est pas acceptable.
    En accord avec tous les professionnels concernés, nous pourrions proposer d'augmenter la part de la contribution au compte de soutien de la taxe vidéo de 2 à 5 % par exemple, en contrepartie d'une diminution de la TVA.
    Vous avez nommé François Léotard pour accentuer l'effort pour diminuer le taux de TVA sur les disques, passé en 1997 de 33,6 % au taux moyen de 19,6 %. Nous lui souhaitons plein succès.
    Néanmoins, à l'heure du réexamen de l'annexe H de la directive européenne, l'idéal, monsieur le ministre, serait de défendre le taux réduit de 5,5 % pour l'ensemble des biens culturels, en y incluant les vidéos et les DVD.
    Producteurs et distributeurs ne sont pas les seuls à souffrir, les industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel souffrent aussi. Je ne reviendrai pas sur l'état critique de tous ces professionnels auxquels l'UDF est très sensible. Mon collègue Denis Badré déposera d'ailleurs un amendement au Sénat, pour proposer soit une exonération de la taxe professionnelle, soit la création d'un crédit d'impôt. Nous comptons bien évidemment sur votre soutien.
    Il faut rappeler que l'action culturelle ne peut plus se limiter au seul cadre national, mais qu'il est nécessaire de prendre en compte la dimension européenne de la culture. Aussi l'UDF propose d'inscrire le principe de diversité culturelle dans le traité sur l'Union européenne, et à terme dans la future constitution européenne. Pour que la culture ne soit pas considérée comme une marchandise comme les autres, elle doit bénéficier d'une régulation économique spécifique. Ce serait ainsi l'occasion pour l'Europe d'apporter sa contribution au débat mondial sur la diversité culturelle.
    Pour conclure, vous avez hérité, monsieur le ministre, d'une situation floue...
    M. Michel Françaix. Flou artistique ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. ... tant en ce qui concerne les politiques conduites qu'en ce qui concerne leur financement. A la politique des paillettes, toujours plus brillante, mais non financée, vous substituez une politique plus claire et plus réaliste.
    M. Michel Françaix. Ah bon ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. C'est pourquoi l'UDF vous apporte son soutien, en espérant toutefois pouvoir voter avec plus d'enthousiasme encore votre budget pour 2004.
    M. Michel Françaix. Ce n'est pas comme pour les anciens combattants !
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.
    M. Frédéric Dutoit. Monsieur le ministre, vous me permettrez de rompre quelque peu ce consensus de la majorité, en vous faisant remarquer qu'avec un montant inférieur à 2,5 milliards d'euros, le budget de la culture pour 2003 est en baisse d'un peu plus de 100 millions d'euros par rapport à l'exercice 2002.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Ne nous faites pas peur !
    M. Frédéric Dutoit. Cette chute libre de près de 5 % qui marque le premier budget de la culture présenté par votre gouvernement, c'est ce qui sans nul doute restera dans les mémoires de nos concitoyens. On est loin de la sanctuarisation du budget de la culture promise par M. le Président de la République durant sa campagne.
    Vous considérez, monsieur le ministre, avoir rompu avec une pratique budgétaire artificielle, mais votre budget se fonde sur des artifices budgétaires. Selon vous, en effet, le ministère de la culture a eu tendance par le passé à demander trop d'autorisations de programme par rapport à ses besoins réels, à la seule fin que le budget de la culture atteigne le fameux chiffre de 1 %. C'est aussi au nom du réalisme et de la sincérité que vous déclarez que les crédits de paiement inscrits au titre des investissements exécutés par l'Etat ou les subventions d'investissement accordées par lui sont, cette fois-ci, dimensionnés à la hauteur des besoins réels.
    La sous-consommation indéniable de ces crédits de paiements depuis ces quatre ou cinq dernières années ne vous autorise pas pour autant à retrancher plus de 200 millions d'euros de ces crédits. Car, s'il est vrai que le ministère de la culture ne réussit pas à consommer la totalité des crédits inscrits à son budget, on ne peut pas en déduire que ces crédits ne sont pas nécessaires. Comment en effet mesurer à l'avance le niveau exact de ces besoins ? Ne s'agit-il pas plus simplement d'une façon de justifier la réduction de votre budget en chiffres absolus ?
    Une réserve de crédits d'investissement non consommés est aussi un atout financier permettant au ministère de la culture de garder une marge de manoeuvre et une certaine liberté d'initiative.
    A l'inverse, monsieur le ministre, avec ce projet de budget, la politique culturelle de la France semble se placer volontairement sous la tutelle du ministère de l'économie et des finances.
    M. Hervé de Charette. Mais non !
    M. Frédéric Dutoit. Ne se trouve-t-elle pas plus que jamais tributaire des choix comptables de Bercy ?
    Au lieu de prétendre avoir le courage de rompre avec le mythe du 1 %, ayez celui de reconnaître les vraies raisons de cette baisse du budget de la culture. Ces raisons ne se trouvent-elles pas plus simplement dans le fait que la culture n'est pas une priorité de votre gouvernement, que la culture, selon le Premier ministre, n'intéresse pas ceux qu'il appelle « la France d'en bas » ?
    Contrairement à ce que vous n'avez cessé d'affirmer, l'objectif d'un budget de la culture à 1 % revêt une signification éminemment politique. A moins que vous ne teniez à réduire la culture à des enjeux comptables. C'est en tout cas l'impression qui se dégage de votre présentation budgétaire.
    Si on considère, par exemple, les dépenses ordinaires, le transfert des personnels du musée du Louvre vers l'établissement public du musée n'est pas sans conséquence : s'il permet de doubler le montant de la subvention versée à l'établissement, il ouvre la possibilité d'une gestion extra-budgétaire des personnels du musée, c'est-à-dire en dehors de toute obligation liée au statut de la fonction publique.
    Malgré les efforts réalisés en la matière par vos prédécesseurs, la question de la gestion du personnel est l'un des problèmes auxquels est traditionnellement confronté le ministère de la culture. Malheureusement, votre budget n'y apporte pas de solution tangible et satisfaisante. En effet, si le plan de résorption de la précarité est réaffirmé pour 2003, la création de 150 emplois se fera en fait par la suppression de postes devenus vacants. Il s'agit donc en réalité de supprimer 150 salariés au ministère de la culture pour 2003.
    Dans la même lignée, l'action sociale et la formation continue semblent être pour le moins négligées par ce budget 2003. Les dépenses du titre IV ne progressent en effet que relativement peu, avec un bonus d'un peu plus de 30 millions d'euros, pour un montant de 827 millions en 2002.
    Les moyens dévolus au spectacle vivant et à l'action culturelle ne progressent que très peu, ce qui ne permettra sans doute pas de faire face à l'ensemble des actions susceptibles d'être subventionnées.
    De plus, face au MEDEF et à ses propositions provocatrices, notamment celle de mettre fin au statut des intermittents du spectacle, il est de la responsabilité du pouvoir politique d'indiquer clairement ses choix : en l'occurrence celui de soutenir les propositions tendant à améliorer le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.
    Cette tentation intervient dans un contexte plus large de marchandisation croissante de la culture, premier pas vers l'uniformisation culturelle. Or l'exceptionnalité française, c'est précisément une certaine idée de la culture comme chose publique, comme patrimoine et comme projet commun, même si la pensée unique a subtilement substitué, dans le langage officiel, le terme de diversité à celui d'exception culturelle, cette ruse sémantique ne trompe personne.
    Pour moi, il s'agit d'assumer un choix politique clair. La diversité culturelle est une donnée de fait dont nul ne conteste qu'elle soit élevée à la dignité d'une cause à défendre et d'une valeur à promouvoir. Mais l'exception culturelle, elle, est une volonté politique qui, refusant d'assimiler les oeuvre de l'esprit à des marchandises, légitime une pratique propre à faire prévaloir cette singularité.
    Sur ce plan, la France est en pointe, elle qui, sans avoir la prétention de vouloir l'imposer aux autres nations, pose l'exception culturelle comme une conception politique universelle et un moyen efficace de lutte contre les inégalités dans le monde et pour le progrès des civilisations.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. Frédéric Dutoit. Rançon du libre-échange, l'uniformisation culturelle renforce les fractures sociales et économiques, voire les replis identitaires. Pour toutes ces raisons, l'exception culturelle ne doit pas être seulement un slogan, mais devenir un principe directeur de la politique culturelle de la France. Or, force est de constater que vous ne vous en êtes pas donné les moyens.
    En ce sens, l'Europe pourrait être un atout. Mais, tant que les Etats membres n'auront pas compris que l'extrême diversité culturelle de la Communauté justifie, a fortiori, une protection de haut niveau, son action culturelle se limitera à une coopération de caractère intergouvernementale, fort éloignée d'une véritable politique communautaire.
    A ce propos, je mets en garde le Gouvernement et l'Union européenne contre toute tentation de brader une partie du patrimoine conservé par les musées. Car si cela peut profiter à une partie du marché de l'art, cela reviendrait à organiser le démantèlement du patrimoine au nom d'intérêts particuliers et au détriment de l'intérêt général. En la matière, défendre l'intérêt général, c'est favoriser un processus de démocratisation en assurant un égal accès à la culture pour tous nos concitoyens. A ce titre, si nous souscrivons à la proposition de diminution significative de la TVA sur le disque, nous vous demandons de traduire cette idée en acte !
    A l'heure de la décentralisation, la question fondamentale apparaît de plus en plus celle des rapports entre l'Etat et les collectivités locales. Ainsi, la recherche d'un nouvel équilibre entre l'Etat et les collectivités territoriales exige, d'une part, de prendre en compte la nécessité de relancer la décentralisation culturelle et, d'autre part, de mieux maîtriser le processus de déconcentration de l'action de l'Etat.
    En effet, l'Etat a développé son action au niveau territorial, moins en imposant un maillage culturel, dont il aurait gardé la maîtrise, mais qui lui aurait imposé un effort financier considérable, qu'en systématisant le partenariat avec les collectivités territoriales, notamment en développant les instruments de contractualisation. A cet égard, il faut reconnaître le développement considérable de l'intervention des collectivités territoriales en matière culturelle. La vie culturelle est largement tributaire de leur action, et ce quel que soit l'échelon considéré.
    A ce propos, je voudrais souligner la nécessité d'aborder la question de la répartition des compétences, mais aussi des crédits. Il s'agit de clarifier certaines situations, et de soutenir les initiatives des acteurs locaux, institutionnels ou non, notamment en ce qui concerne le spectacle vivant. Ainsi, il faut redéfinir la position de l'Etat vis-à-vis du musée de l'Europe et de la Méditerranée ou de l'Opéra de Marseille, ou encore le soutien du Gouvernement au développement des cultures émergentes - je pense notamment à la friche de la Belle de Mai à Marseille : nous nous y sommes rencontrés récemment, monsieur le ministre.
    En réalité, l'intervention culturelle est au coeur d'un processus où se mêlent formation de l'esprit critique, enjeux conceptuels et construction du monde.
    Ainsi, l'Etat ne peut se désinvestir de l'éducation artistique. Or, les moyens d'accès à la culture musicale et picturale restent très insuffisamment développés à l'école, au moment où pourtant chacun reconnaît la nécessité de l'expression artistique et l'importance de la culture pour appréhender le monde.
    Sur un budget de l'éducation nationale pourtant considérable, la part consacrée aux enseignements artistiques est squelettique - mais il ne s'agit pas du squelette d'un mammouth !
    Dans le domaine des arts et de la culture, un simple constat met en évidence la persistance de fortes inégalités, sociales, économiques, géographiques, dues aux effets discriminatoires d'un modèle culturel dominant. Les réduire suppose une politique globale et cohérente, dont l'éducation et l'enseignement seraient les fondements.
    Tel est le parti que nous prenons : que la culture au sens large du terme, dont l'expression artistique est la forme la plus symbolique, soit l'objet de toutes les interventions publiques, mais aussi privées, pour guider les rapports humains sur la voie d'un progrès toujours plus affirmé.
    C'est pour toutes ces raisons, et surtout parce qu'il n'est pas à la hauteur de ces exigences, que le groupe des député-e-s communistes et républicains, et ça ne vous étonnera pas, votera contre votre projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette.
    M. Hervé de Charette. Monsieur le ministre, ce premier budget de la culture de la législature est aussi votre premier budget. Il est donc tout à fait naturel que notre assemblée y porte une très grande attention puisqu'on y voit poindre ce que seront les grandes lignes de la politique culturelle pendant les cinq années qui viennent, du moins je l'espère pour vous, et pour parler franchement, également pour nous. Je m'empresse de vous dire que le groupe UMP est très satisfait du budget de la culture que vous nous présentez. Il mérite non seulement notre approbation, mais, sur plus d'un point, nos félicitations.
    J'entends bien les critiques qui fusent de la gauche de l'hémicycle, et de cercles divers.
    Il y a d'abord le fameux slogan du 1 % budgétaire, une histoire « abracadabrantesque ». (Sourires.) C'est une formule, un concept creux ! D'abord pourquoi 1 % ? Et 1 % de quoi ? puisque le périmètre budgétaire varie tous les ans. Ce chiffre ne signifie rien et d'ailleurs, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'a jamais été atteint. Ou plutôt si : deux fois...
    M. Michel Françaix. Merci de le reconnaître !
    M. Hervé de Charette. ... par le budget pour 1993 présenté par le ministre de la culture en 1992 et en 2001, par le budget de l'année 2002. Cela veut dire que les gouvernements socialistes successifs, qui n'avaient jamais atteint ce dont ils avaient fait le saint Graal de la culture française, promettaient la lune avant de partir, sachant qu'ils n'auraient pas à exécuter le budget qu'ils promettaient. Quelle farce !
    D'ailleurs, mes chers collègues, si vous examinez l'exécution budgétaire sur les quinze dernières années, vous verrez que la moyenne est de 0,75 %. Voilà la réalité. De toute façon, je le répète, un pourcentage n'a jamais exprimé une politique culturelle.
    C'est, à la lumière de cet écart entre promesses et réalité qu'il convient d'examiner l'architecture particulière de votre budget, et qui en fait l'originalité. Vous avez en effet décidé d'inscrire les crédits que votre ministère pourra réellement consommer pendant l'année 2003, plutôt que de vous livrer aux effets d'affichage habituels à vos prédécesseurs socialistes.
    En matière d'investissement, vous avez accepté de réduire les crédits de paiement de 78 %, considérant qu'avec les réserves accumulées les années précédentes, vous aviez de quoi mener une politique efficace. Mais en contrepartie, vous avez obtenu, d'une part, le maintien du niveau des autorisations de programme - c'est évidemment essentiel parce que c'est ce qui garantit la pérennité d'une politique d'investissement sans baisse de régime - et, d'autre part, l'augmentation des dotations pour les titres III et IV, ce qui vous donne des marges nouvelles d'action dans les domaines clés de l'action culturelle de l'Etat. Je dois dire, monsieur le ministre, que la manoeuvre est assez habile vis-à-vis de votre collègue en charge du budget.
    Rien n'est plus irritant que les ministres qui n'ont d'autre projet budgétaire que de reconduire les crédits de l'année précédente en essayant de grappiller ici ou là un petit bonus. Vous avez, au contraire, pris acte de l'incapacité dans laquelle se trouve votre administration à dépenser les crédits qui lui sont attribués pour investir - j'espère que vous saurez corriger cela dans les deux années qui viennent. Du coup, vous avez négocié des contreparties budgétaires très réelles qui vous permettront d'améliorer votre action dans l'année 2003, et ce en préservant les autorisations de programme.
    C'est donc, permettez-moi ce compliment, un budget intelligent : d'un côté, il ne diminue en rien votre capacité à investir, de l'autre, il augmente vos moyens d'agir au quotidien.
    Evidemment, soyons clairs, vous ne pourrez pas faire cela tous les ans. C'est un fusil à un coup, peut-être deux !
    M. Pierre-Christophe Baguet. On est bien d'accord !
    M. Hervé de Charette. Peu importe, monsieur Baguet. L'essentiel est d'avoir mené cette action, que je crois à la fois intelligente et positive pour la culture française.
    M. Michel Françaix. Il ne faut pas être intelligent qu'une fois !
    M. Hervé de Charette. Ecoutez, monsieur Françaix, ne surévaluez pas vos propres moyens ! (Sourires.)
    Satisfaits par votre stratégie budgétaire et par les crédits dont vous disposez, nous le sommes aussi par la politique culturelle que ce budget exprime.
    D'abord, je veux saluer les moyens qui seront consacrés en 2003 aux grands établissements culturels, tels le Louvre, le musée d'Orsay, le château de Versailles - et vous permettrez au petit-fils de l'un des grands conservateurs de Versailles de se féliciter que vous lui attribuiez quelque 16 millions d'euros supplémentaires -, le futur musée du quai Branly, ainsi que la progression des crédits des grandes écoles - les Beaux-Arts, ou les Arts décoratifs - et des écoles d'architecture.
    De même, l'Union pour la majorité présidentielle se félicite des clarifications que vous avez apportées dans le programme de grands projets parisiens. Il était plus que temps d'y mettre de l'ordre et de la cohérence. Il fallait savoir où nous allions s'agissant du Grand-Palais, de la Cité de l'architecture, de l'immeuble des Bons-Enfants, de la future cinémathèque, du Jeu de Paume, de tous ces chantiers fort importants contre lesquels, personnellement, je n'ai pas de critique de principe, au contraire : je pense qu'il faut à Paris une politique active d'investissement. Les années qui viennent seront en conséquence de grandes années du point de vue des grands établissements culturels français, notamment parisiens.
    En même temps, nous soutenons fermement votre décision d'exiger désormais de la ville de Paris et de la région Ile-de-France qu'elles participent au financement de grands équipements culturels édifiés en Ile-de-France ou à Paris. En l'occurrence, cela vaut pour la grande salle symphonique, qui est le débat du moment. Mais au-delà de ce cas particulier, c'est désormais un principe qu'il faut généraliser. Au moment où toutes les régions et toutes les grandes villes de France participent au financement de leurs grands équipements culturels, il n'y a aucune raison pour qu'à Paris, on s'imagine que c'est à l'Etat de tout payer, sous prétexte qu'il s'agit - ce qui est vrai - d'investissements de portée nationale, voire internationale.
    Enfin, nous nous réjouissons que vous ayez envoyé les premiers signaux d'une volonté d'aider les territoires et les banlieues à avoir une politique culturelle plus active.
    Si j'en avais le temps, je développerais deux remarques. Je veux dire d'abord que votre politique du patrimoine nous paraît réaliste et positive - bravo, en particulier, pour les crédits supplémentaires accordés à la politique d'entretien du patrimoine de l'Etat ; ensuite, que nous sommes, dans l'ensemble, très satisfaits de votre politique en faveur du spectacle vivant. Mais plusieurs de mes collègues s'étant exprimés sur ce sujet, je vais plutôt, monsieur le ministre, insister en conclusion sur trois points.
    Le premier concerne le mécénat. Vous avez demandé un rapport sur le sujet et vous avez annoncé un projet de loi pour l'année 2003. Il est vraiment temps qu'on sorte de la situation dont nous parlons, les uns et les autres, et moi le premier, depuis des années, sans voir jamais rien venir.
    La politique culturelle française ne peut pas être financée uniquement par l'Etat ou par les collectivités publiques. Il faut de l'argent privé. Il faut que cela devienne une habitude en France. Les dispositions législatives ou réglementaires ne peuvent tout régler - on n'en est pas là ! - , mais au moins que l'Etat fasse ce qui lui incombe. J'espère bien que l'on ne se contentera pas de nous jeter de la poudre aux yeux et que l'on nous fera des propositions concrètes. Monsieur le ministre, il faut modifier l'article 200 du code général des impôts concernant les dons des particuliers et l'article 238 bis du même code concernant les dons des sociétés.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    M. Hervé de Charette. Lorsque nous aurons fait cela, nous aurons fait une bonne partie du chemin, même si d'autres mesures d'accompagnement sont nécessaires. En France, le retard en ce domaine est considérable. D'ailleurs, il ne concerne pas que le ministère de la culture, j'en ai bien conscience. Savez-vous que le Metropolitan Museum mobilise, pour cette tâche, une équipe de 60 personnes grâce à laquelle il récolte 60 millions de dollars par an, tandis que le musée du Louvre y consacre 6 personnes qui récoltent 6 millions d'euros par an ! Les chiffres sont éloquents !
    J'en viens à la question des intermittents du spectacle. Les artistes et les techniciens du spectacle bénéficient, il est vrai, d'un régime d'assurance chômage particulièrement favorable. Je vous le dis clairement : l'UMP estime que c'est un bon système et qu'il doit être préservé.
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. Très bien !
    M. Hervé de Charette. J'estime, pour ma part, que l'accord qui prévoit le doublement des cotisations en un seul coup est excessif. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. Très bien !
    M. Hervé de Charette. Que l'on veuille mettre de l'ordre, faire progresser le taux des cotisations, ce n'est pas moi qui dirai que ce n'est pas raisonnable. Mais il faut faire les choses avec sagesse, mesure et raison, en suivant une idée claire et précise : aider les artistes et les techniciens à faire face aux particularités de leur métier. La France n'est pas si pauvre qu'elle ne puisse pas le faire dans des conditions qui soient justes et acceptées par tous.
    S'agissant de la décentralisation des responsabilités, vous ferez sûrement beaucoup, mais l'Etat ne peut continuer à avoir la charge de l'ensemble du patrimoine français. On peut voir de la prétention d'ailleurs dans l'idée que les seuls bons juges du classement du patrimoine, ce sont les fonctionnaires de l'Etat. Laissez les régions s'en charger et vous verrez ce qu'elles feront avec efficacité et performance !
    Enfin, dernier point : l'archéologie préventive.
    M. Jean-Louis Bernard. Ah !
    M. Hervé de Charette. Je ne veux pas dire du mal de l'archéologie. Quand on a eu l'honneur de voir de près ce qu'étaient la renaissance du phare d'Alexandrie ou les recherches autour de la pyramide de Saqqarah, on est nécessairement un admirateur des archéologues et un défenseur de l'archéologie. Faut-il pour autant accepter les excès auxquels ont mené la loi de 2001 et les décrets d'application du début de l'année ? Franchement non ! Le dispositif actuel est excessif. On ne peut pas laisser les décisions entre les seules mains des archéologues. On ne peut pas laisser le coût des travaux à la charge de collectivités locales qui sont souvent modestes et ont des moyens limités. Je vous demande donc, au nom du groupe UMP, de revoir ce système pour le rendre plus raisonnable et plus modéré.
    Monsieur le ministre, Emmanuel Berl disait de son ami André Malraux : « Il a mis la pagaille dans un ministère qui n'existait pas. » Si la pagaille est restée, le ministère existe désormais grâce à Malraux et à ses successeurs. Il faut maintenant y mettre de l'ordre et du souffle. Le groupe UMP se réjouit de constater que vous y travaillez avec passion et avec un brio que chacun vous reconnaît. La France avait besoin d'un grand ministère de la culture. Pour cela, il nous fallait un grand ministre. Nous y sommes et je m'en réjouis au nom de l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Monsieur le ministre, vous êtes sans aucun doute un homme de bonne volonté, ne serait-ce que parce que, depuis six mois, vous n'avez remis radicalement en cause aucune des directions prises par vos prédécesseurs.
    Mais examinons votre premier budget ! Que pouvez-vous vraiment avec moins de 1 % du budget de l'Etat dans un contexte politique qui renchérit le coût de la culture en fragilisant l'intermittence du spectacle, qui supprime les emplois-jeunes sans en évaluer les conséquences graves sur l'ensemble des secteurs culturels éducatifs, sociaux et ce qui les lie entre eux, et qui s'apprête à décentraliser l'Etat par appartements, sans véritable vision d'ensemble ? Votre ministère aurait pu au moins être le paravent culturel du Gouvernement, or il semble déjà dépecé !
    En s'établissant à 0,91 % du budget de l'Etat, alors qu'il avait atteint 1 % dans la loi de finances initiale pour 2002, votre budget, monsieur le ministre, est le plus durement pénalisé avec une baisse de 5,2 % de ses crédits. Par ailleurs, plus de 150 emplois y sont supprimés, ce qui fait du ministère de la culture l'administration proportionnellement la plus touchée. La promesse électorale du Président de la République de « sanctuariser » le budget de la culture a donc volé en éclats dès le premier exercice budgétaire du quinquennat ! Seuls les naïfs s'en étonneront aujourd'hui.
    Ayant perdu l'arbitrage sur vos crédits, vous avez voulu sauver la face, ce qui est humain, par une pirouette budgétaire qui ne trompera personne. Malgré une bruyante communication sur un budget « vérité », Bercy vous a bel et bien privé de crédits d'investissement destinés non seulement à la restauration du patrimoine, public comme privé, mais aussi à l'action culturelle puisque ces crédits étaient également consacrés à l'équipement de nombre d'établissements. Six mois après votre arrivée rue de Valois, vous voilà, monsieur le ministre, privé de toute marge de manoeuvre, alors même que nombre de crédits culturels du présent exercice ont d'ores et déjà été gelés, en attendant leur probable annulation. Si, par la mécanique dite du recyclage, vous pouvez, en cet automne, vous présenter devant nous avec certains crédits d'intervention en augmentation, il est à craindre que la fourmi devenue cigale ne soit bien dépourvue quand la bise sera venue, c'est-à-dire lors de la régulation budgétaire d'ores et déjà annoncée pour le début de l'année prochaine. Que dire des arbitrages à venir, et notamment de celui pour 2004, que vous aborderez sans le bénéfice actuel de crédits non encore consommés ?
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Ce n'est pas d'actualité ! Nous examinons le projet de budget pour 2003 !
    M. Patrick Bloche. On peut se permettre d'anticiper, monsieur le rapporteur pour avis !
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. Cassandre !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Le budget 2003 est un bon budget !
    M. Patrick Bloche. L'expression budget « vérité », que vous avez prématurément utilisée cette année, risque alors de prendre son vrai sens. Nous sommes donc loin du 1 %, slogan mobilisateur lancé par les acteurs de la décentralisation et de la démocratisation culturelle, qui a correspondu à un combat patient et pédagogique pour prouver que la culture avait toute sa place au sein des politiques publiques, qu'elle avait droit de cité. « Affichage » disent aujourd'hui vos amis politiques. Loin de moi, vous le savez, l'idée de sacraliser le 1 %. C'est simplement un indicateur sur la place consacrée à la politique culturelle par les gouvernements successifs : ceux qui s'en sont éloignés, plutôt de droite, et ceux qui s'en sont rapprochés jusqu'à l'atteindre, plutôt de gauche.
    M. Hervé de Charette. Vous êtes gonflé !
    M. Patrick Bloche. Voyez les chiffres, monsieur de Charette ! A structure constante sur la base de 1993, le budget de la culture a perdu 10,7 % sous les gouvernements Balladur puis Juppé, de 1993 à 1997, tandis qu'il a gagné 16,5 % sous le gouvernement de Lionel Jospin, entre 1997 et 2002.
    Tout aussi significatif et plus grave encore est l'effondrement des crédits consacrés à l'enseignement artistique, qui sont amputés de plus d'un tiers. La remise d'un rapport d'évaluation à la fin de l'année aurait dû logiquement conduire au maintien de l'effort budgétaire en 2003 en direction, notamment, des classes à projet artistique et culturel. Il n'en est rien et c'est la place même de l'artiste au sein du système scolaire qui se trouve fondamentalement contestée. L'éducation artistique sans les artistes et sans lien avec la vie culturelle locale, des associations et des collectivités territoriales démobilisées, le solfège contre le rap alors qu'il faudrait et le solfège et le rap, telles sont les conséquences de l'abandon du plan Tasca-Lang signé en 2000 pour cinq ans.
    De fait, monsieur le ministre, pour pallier le désengagement budgétaire de l'Etat dans la vie culturelle de notre pays, vous êtes amené à évoquer fréquemment le rôle du mécénat et celui des collectivités locales. L'encouragement souhaitable du mécénat ne signifie cependant pas, à nos yeux, qu'il faille parallèlement sonner la retraite de la puissance publique et la recentrer sur ses seules missions de subventionnement.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Personne n'a dit cela !
    M. Patrick Bloche. Les mécènes rempliront leurs fonctions culturelles, et les avantages fiscaux qui leur sont déjà consentis et qui pourraient être améliorés apparaîtront d'autant plus justifiés et légitimes, que si leurs investissements complètent une politique publique dynamique et sont le résultat d'un dialogue avec les acteurs culturels en charge de l'intérêt général.
    Quant à la décentralisation, nous pourrions nous retrouver sur ce vaste mouvement qui a été initié par la gauche depuis vingt ans et qui peut être la source d'une nouvelle étape de la politique culturelle de notre pays. La culture, qui, grâce à la décentralisation théâtrale, a été pionnière dans cette évolution,...
    M. Michel Françaix. Eh oui !
    M. Patrick Bloche. ... peut encore une fois être à la pointe en ce domaine. Après tout, accompagnant le mouvement, votre ministère est exemplaire puisque, avant même votre arrivée, il avait déjà déconcentré vers les DRAC 80 % de ses crédits d'intervention. Pourtant, la méthode choisie par le Premier ministre, le flou persistant sur ses intentions réelles, le risque évident d'explosion de la fiscalité locale si les crédits d'Etat correspondant aux compétences nouvelles des collectivités locales ne sont pas transférés, nourrissent notre inquiétude.
    Que d'interrogations ainsi sur la décentralisation Raffarin dans le domaine culturel qui, au stade actuel, nie l'échelon communal ou intercommunal, échelon qui est aujourd'hui pourtant le plus pertinent ! Qu'adviendra-t-il des protocoles de décentralisation que Catherine Tasca et Michel Duffour ont mis en oeuvre et qui montrent, de façon mesurée, raisonnée, concertée, la voie qu'il convient de prendre ? Quels mécanismes, à inventer en concertation avec les collectivités, assureront l'égalité des chances culturelles de tous, sur tout le territoire et rassureront les acteurs culturels qui voient parfois avec inquiétude le pouvoir local initier les politiques culturelles ? Enfin, comment inciter les agents de l'Etat à s'engager dans un processus de décentralisation, qui doit aussi garantir l'intégrité et la cohésion de la nation ? Autant de questions qui sont aujourd'hui sans réponse.
    De plus, votre décentralisation s'offre de plus en plus régulièrement la facilité d'opposer Paris et sa région au reste du territoire national. Le débat n'est pas nouveau et, si les Parisiens bénéficient naturellement de l'effort de l'Etat en faveur des grandes institutions culturelles de la capitale, ils n'en constituent pas, loin s'en faut, le public exclusif, et vous le savez. Je pensais que vos fonctions passées vous rendraient prudent sur ce thème tant on est vite conduit à défendre des positions paradoxales. J'en veux pour preuve récente votre interview au Moniteur où vous dites souhaiter « mettre fin au surengagement de l'Etat sur la métropole parisienne », tout en affirmant, un peu plus loin, que la future cité de l'architecture et du patrimoine sera à Paris, mais qu'elle ne sera pas parisienne !
    De fait, de votre récente communication sur les projets immobiliers parisiens de votre ministère, dont je ne conteste d'ailleurs pas la légitimité, on retiendra surtout que la promesse faite par le Président de la République en avril dernier, lors de la campagne électorale et sans condition de coréalisation, de réaliser une salle philharmonique à la Villette ne sera pas tenue. L'inquiétude des musiciens de l'Orchestre de Paris, formation créée à l'initiative d'André Malraux, il y a trente-cinq ans, n'en est ainsi que plus compréhensible.
    Au moment de conclure, je souhaiterais revenir un instant sur le doublement des cotisations chômage des intermittents du spectacle et de leurs employeurs que j'évoquais au début de mon intervention, tant l'accord imposé dans la précipitation et sans concertation par le MEDEF a constitué un mauvais coup porté au coeur de l'été au spectacle vivant. M. de Charette l'a lui-même évoqué. Nombre d'entreprises et d'associations culturelles, auxquelles on annonçait au même moment la fin programmée des emplois-jeunes, se posent aujourd'hui la question de leur survie financière. Comment ne pas regretter, comme nous l'avons fait à cette tribune à la fin du mois de juillet dernier, que votre gouvernement, monsieur le ministre, ait donné aussi légèrement et rapidement son agrément à cet avenant aux annexes VIII et X, après avoir obtenu le feu vert législatif de la majorité parlementaire ?
    Monsieur le ministre, parce que la culture n'est pas la priorité du gouvernement auquel vous appartenez (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Hervé de Charette. Mais si !
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. C'est une pétition de principe !
    M. Patrick Bloche. ... parce que votre budget ne permet pas de retisser les liens indispensables entre l'éducation, la culture et la jeunesse, parce que votre budget ne permet pas de moderniser et de renforcer les instruments opportuns pour conserver et développer des industries culturelles de qualité indépendants et prospères, parce que votre budget ne permet pas d'élaborer avec les collectivités un plan audacieux d'équipements culturels divers et innovants, dotés de moyens de fonctionnement adaptés, pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre les crédits de la culture pour 2003. C'est sans doute le meilleur service que nous puissions vous rendre, monsieur le ministre, en ce début de législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de budget de la culture pour 2003 en régression de 5,6 % - la plus forte chute de tous les ministères -, tout en faisant apparaître au final des hausses pour chacun des titres. Vous savez que chaque année les professionnels sont particulièrement attentifs au titre III - fonctionnement du ministère - et au titre IV - crédits d'intervention. A dessein, vous leur servez une progression d'ampleur inégalée, en profitant de la cagnotte substantielle constituée par les crédits non déboursés du titre V sur le budget 2002. Bref, vous vous vantez de présenter un « budget sincère », mais vous ne faites qu'hypothéquer l'avenir pour habiller convenablement votre budget 2003. La réalité est que vous enterrez l'objectif de sanctuarisation du budget annoncé par le Président de la République. Vous n'offrez aucune perspective pluriannuelle aux acteurs du monde culturel, car vous ne disposerez plus d'aucune « cagnotte » pour les années 2004 et suivantes du quinquennat.
    Vous aurez du mal, monsieur le ministre, à convaincre les professionnels, notamment dans le domaine du spectacle vivant, qu'ils vont vers des jours meilleurs pendant ce quinquennat. Peut-être les grandes manifestations et autres festivals institutionnels sauveront-ils l'essentiel de leurs subventions, mais qu'en est-il pour les petites compagnies et les petites scènes ? En bas de la pyramide culturelle, exploitants et employés subissent de plein fouet le doublement des cotisations ASSEDIC qu'a approuvé le Gouvernement et votre majorité parlementaire en juillet dernier. Cette charge énorme ne sera pas compensée par les subventions du titre IV. Par ailleurs, comme il ne fait aucun doute que le budget national ne trouvera pas la croissance attendue, les petites compagnies et petites scènes savent déjà qu'elles seront les premières touchées par le collectif budgétaire qui ne manquera pas de tomber en cours d'exercice.
    Vous faites directement les frais des choix politiques de votre gouvernement : baisses d'impôts inconsidérées et faveurs pour les ministères régaliens. Vous n'avez pas su, ou pas voulu, convaincre vos collègues qu'une politique culturelle d'envergure dirigée vers les acteurs locaux, vers les quartiers, contribue davantage à assurer le lien social que les orientations sécuritaires du budget 2003. Par ailleurs, votre conception de la proximité est très bureaucratique : toute la politique du ministère d'octroi de subventions aux petites structures se décharge sur les DRAC, qui ne sont jamais que des services déconcentrés en région. Une manière habile pour le ministère de se déresponsabiliser lorsqu'il faudra annoncer la baisse des crédits d'intervention, à partir de 2004.
    Bien sûr, votre budget fait la part belle aux grands établissements publics. Vous vous vantez d'augmenter leur subvention comme jamais depuis 1997, de 7,2 % au total, dont 4,8 % pour le Louvre et 8,8 % pour le Centre Georges-Pompidou que vous connaissez bien. Au nom des habitants de ma circonscription de Paris-Centre, je vous en remercie.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Enfin un compliment !
    M. Laurent Hénart, rapporteur spécial suppléant. Et un sourire !
    Mme Martine Billard. Je crains malheureusement que mes collègues des 576 autres circonscriptions ne soient pas aussi bien servis en termes de développement des pratiques culturelles de proximité.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Nous n'avons pas de mandat impératif !
    Mme Martine Billard. Peut-être, mais il faut développer la culture sur tout le territoire national.
    M. Hervé de Charette. Absolument !
    Mme Martine Billard. En ce qui concerne la réorganisation des grands musées nationaux et les grands projets institutionnels de construction de nouveaux sites culturels, auxquels vont vos préférences budgétaires, j'aimerais, monsieur le ministre, attirer votre attention et celle de la représentation nationale sur la nécessité de mener les chantiers à leur terme. Chaque chantier de grands travaux qui s'éternise génère ses propres dépenses qui grèvent les fonds du ministère au détriment de véritables actions culturelles. C'est autant qui n'est pas redistribué à des secteurs moins institutionnels, peut-être moins visibles et moins rentables commercialement, mais tout aussi importants en termes de participation du plus grand nombre à la vie culturelle du pays.
    L'exemple du chantier qui s'éternise autour du premier de nos musées, à savoir le Louvre, est révélateur des problèmes de déperdition budgétaire propres aux grands projets inachevés. Les travaux ont débuté il y a vingt ans ; ils sont, dit-on, achevés à 95 %, alors que l'échéance initiale était prévue pour 1996. Pendant ce temps, les Algeco sont maintenus sur site pour une poignée d'ouvriers, avec un service de gardiennage sept jours sur sept et toutes les dépenses de fonctionnement afférentes. Et je ne m'étends pas sur l'aspect extérieur des douves, que le maintien en chantier réduit à servir de dépotoir pour les passants.
    S'il n'est pas question de vous mettre en cause, monsieur le ministre, à propos du chantier du Louvre, je remarque toutefois qu'en période de rigueur budgétaire pour la politique culturelle, on réduit en premier les subventions aux petites structures, compagnies et scènes indépendantes, mais on sauve les meubles pour les grands projets institutionnels de prestige, non moins dispendieux.
    J'espère en tout cas que les travaux du Grand Louvre seront terminés rapidement et que l'on débarrassera enfin les douves de ces Algeco qui ne servent plus à grand-chose mais qui occasionnent des dépenses très importantes.
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le ministre, votre budget est certes en légère baisse apparente mais, Dieu merci, votre activité ne se limite pas au dogme du 1 % culturel, critère bien imparfait pour juger de vos responsabilités. Je me félicite même que vous mettiez fin à la politique en trompe l'oeil que nous avons malheureusement connue ces dernières années. Vous avez choisi, pour votre part, de donner un véritable contenu à la politique culturelle de notre pays et je vous en félicite.
    Ce budget affirme de nombreuses priorités qui recueillent notre soutien : augmentation des moyens pour les théâtres nationaux et pour le musée du Louvre ; montée en puissance de nouveaux projets comme le musée du quai Branly ; attention toute particulière aux écoles d'art.
    Vous faites, par ailleurs, un réel effort budgétaire en faveur de domaines trop longtemps délaissés. Je pense notamment aux archives, symbole de tout ce qui touche à notre mémoire collective et à nos racines, ou encore, et c'est très important, à l'enseignement artistique.
    Au-delà de ces secteurs, il me semble pourtant qu'un pan de l'action culturelle demeure injustement négligé : la musique.
    Je déplore notamment l'absence d'une salle de concert à Paris. Nous avons de nombreux orchestres de qualité, mais ils voguent au gré des programmations, sans véritable port d'attache. Je regrette que l'Etat ait raté l'occasion que lui offrait la vente de la salle Pleyel, et j'aimerais savoir si ce faux pas pourra être rattrapé. Car un orchestre sans salle, c'est un peu comme un club de foot sans stade : il ne peut pas jouer à domicile.
    Nous avons aussi besoin d'une véritable politique du patrimoine. Vous connaissez l'attachement des Français à leurs richesses architecturales, qui participent au prestige et au rayonnement de notre pays à travers le monde. Cependant, nous sommes conscients des contraintes budgétaires qu'implique la préservation d'un patrimoine très diversifié et éparpillé sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi il nous semble indispensable de favoriser de nouveaux modes de financement de l'action culturelle.
    Le mécénat pourrait constituer une réponse pertinente à la regrettable, mais sans doute inévitable stagnation des financements publics. A côté de l'Etat, des collectivités locales et du marché, le mécénat joue un rôle encore marginal. Pourtant, il permettrait de prévenir les risques de bureaucratisation inhérents à l'action de l'Etat et les risques de politisation liés à celle des collectivités locales, ainsi que de corriger les soubresauts du marché.
    Par ailleurs, il serait pertinent de faire prendre conscience à chacun de la nécessité de contribuer à la défense de l'intérêt général, et d'inviter ce qu'il est convenu d'appeler la société civile à participer à ces différents chantiers.
    Dans de nombreux pays, le mécénat finance des actions culturelles de toute première importance. Plus souple que le financement public, il peut soutenir ou aider à démarrer les actions les plus innovantes. Il faut donc encourager de telles initiatives.
    Pour l'entreprise, le mécénat permet de promouvoir des valeurs autres que celles du commerce, de se confronter à des méthodes et à un langage différents. Le mécénat d'entreprise a ainsi contribué à réconcilier le monde de la culture et celui de l'activité économique. Longtemps considéré comme un outil au service exclusif de l'image de l'entreprise, il mobilise aujourd'hui les salariés ; il devient moins élitiste et, contrairement aux idées reçues, n'est plus l'apanage des seules grandes entreprises. En effet, et l'on est étonné de le constater, les PME constituent la majorité des entreprises mécènes.
    Toutefois, le dispositif juridique et fiscal appliqué en la matière est trop contraignant. Certes, des outils existent, comme la loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat, la loi relative aux musées de France de 2001, ou encore la loi du 4 juillet 1990 créant les fondations d'entreprise, mais ces diverses mesures ne constituent que des aménagements. Ce qui manque cruellement, monsieur le ministre, c'est une profonde modernisation du statut des fondations, qui, sans aller jusqu'au modèle américain, devrait s'inspirer des modèles européens les plus avancés en la matière, comme les systèmes anglais ou allemand.
    De même, une modification du régime fiscal du mécénat s'impose, y compris pour les particuliers. En effet, pour le citoyen, le mécénat est devenu une manière de s'impliquer directement dans des actions d'intérêt général. Dans nombre de villes et de régions, nos compatriotes se consacrent à des activités aussi diverses que la restauration du patrimoine local, l'amélioration du cadre de vie - nettoyage des chemins ou des rivières -, l'apprentissage des langues minoritaires ou la promotion des folklores. Ces pratiques constituent des instruments de connaissance et d'information, mais aussi de cohésion sociale, et elles concrétisent des aspirations collectives qui méritent l'intérêt des pouvoirs publics, même si elles apparaissent à certains dérisoires. Dès lors, sans contester les moyens existants au titre de l'action culturelle de l'Etat, il nous apparaît important de faciliter et d'encourager les pratiques culturelles, éducatives ou environnementales, en permettant au citoyen d'y contribuer directement par le biais de mesures d'incitation fiscale, comme l'avait proposé le candidat François Bayrou lors de la campagne présidentielle. Cette mesure, qui pourrait prendre la forme d'une déduction fiscale dans la limite d'un certain montant du revenu imposable, aurait certes un coût pour l'Etat, mais elle permettrait de décharger le budget des collectivités locales, qui sont souvent dans l'impossibilité de préserver et de restaurer leur petit patrimoine.
    Ce que nous vous demandons, monsieur le ministre, c'est de faire preuve d'une véritable volonté politique afin de rattraper le regrettable retard pris par la France dans le domaine culturel, notamment en réformant les sources de financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le ministre, j'interviendrai sur deux thèmes qui me sont chers : l'enseignement musical et le financement du fonctionnement hors personnel de l'Etablissement public de Versailles.
    Les conservatoires nationaux de région, nous en convenons vous et moi, ont un statut particulièrement hybride. Ils ne sont ni totalement nationaux : le recrutement peut être national, mais le ministère de la culture ne les finance qu'à hauteur de 10 %. Ni totalement régionaux : le recrutement peut être régional, mais la région ne participe pas au financement. Ni totalement départementaux : le recrutement peut être départemental, mais les départements ne sont pas obligés de participer au fonctionnement. Ni totalement communaux, même si le recrutement peut être communal et si, de surcroît, les communes contribuent pour près de 70 % à leur budget.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bonne analyse !
    M. Etienne Pinte. Monsieur le ministre, il faut remettre de l'ordre dans les conservatoires nationaux de région. C'est pourquoi je vous demande, dans le cadre des lois de décentralisation, d'en confier la responsabilité aux régions.
    En attendant, je souhaiterais que vous consentiez un petit effort budgétaire au titre de l'exercice 2003, de façon que l'on puisse retrouver la pente ascendante sur laquelle l'un de vos prédécesseurs, Jean-Philippe Lecat, s'était engagé en décidant de faire financer les conservatoires nationaux de région par l'Etat à hauteur de 25 % de leur budget de fonctionnement.
    En second lieu, les cours de musique à horaires aménagés dépendent beaucoup plus de l'éducation nationale que du ministère de la culture ou des communes. Ils constituent en effet le fondement de la filière musicale qui amène au bac F 11 au travers des écoles, des collèges et des lycées. Cet enseignement faisant partie de la scolarité obligatoire, il devrait être totalement gratuit au sens où l'éducation nationale devrait le financer intégralement. Or, c'est vous, monsieur le ministre, et nous, collectivités locales, qui, par l'intermédiaire du budget des conservatoires nationaux de région, finançons l'intervention des professeurs de musique dans les établissements scolaires.
    M. Pierre-Christophe Baguet. C'est exact !
    M. Etienne Pinte. Ce n'est pas normal et je vous demande là aussi de clarifier la situation en vous concertant avec le ministère de l'éducation nationale pour qu'il prenne intégralement en charge la rémunération de ces enseignants lorsqu'ils interviennent dans le cadre de la scolarité obligatoire.
    L'Etablissement public de Versailles ne bénéficie plus, depuis cette année, de subventions de fonctionnement, hors la prise en charge des personnels statutaires. Par contre, le Louvre, Beaubourg, la Bibliothèque nationale ou l'Opéra bénéficient toujours de centaines de millions de francs d'aide au fonctionnement. De surcroît, votre ministère impose à l'Etablissement public de Versailles de reverser 28 millions de francs à la Réunion des musées nationaux au titre de l'année 2002.
    Monsieur le ministre, trop c'est trop ! Vous ne pouvez pas nous couper les subventions de fonctionnement tout en nous demandant de reverser des sommes aussi importantes. Puisque vous avez des projets de réforme de la Réunion des musées nationaux, je vous propose de décider que l'Etablissement public de Versailles soit, dès 2003, le premier établissement public à être dispensé de tout reversement.
    Sur le plan de la gestion du personnel, je constate qu'à chaque titularisation d'agents contractuels, et donc rémunérés sur le budget de fonctionnement de l'établissement public, votre ministère diminue, à due concurrence, la subvention d'investissement. Je trouve cette pratique non seulement inéquitable, mais douteuse sur le plan de la régularité budgétaire et je vous demande d'y mettre un terme dès 2003.
    Enfin, la place d'Armes, qui appartient au ministère de la culture, est, depuis très longtemps, entretenue par la ville de Versailles. Je souhaiterais que son statut ne soit pas modifié tant que le groupe de travail installé par M. le préfet pour réfléchir au statut patrimonial de tout ce qui appartient à l'Etat, et au ministère de la culture en particulier, n'aura pas rendu ses conclusions.
    Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je voulais vous soumettre à l'occasion de l'examen de votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Françaix.
    M. Michel Françaix. Que vous ne sacrifiiez pas au mythe du 1 %, monsieur le ministre, je le conçois. Que vous n'adhériez pas au mythe de la « sanctuarisation » du budget de la culture, proclamé solennellement par Jacques Chirac en avril 2002, me surprend davantage. Mais personne ne s'en étonnera vraiment, car chaque fois que la droite revient au pouvoir, elle s'en prend immédiatement aux trois budgets qui engagent l'avenir du pays : la recherche, l'éducation, la culture.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Quel poncif !
    M. Michel Françaix. Je préférerais que ce n'en soit plus un, mon cher collègue, et qu'on ne soit pas obligé d'y revenir.
    M. le président. Monsieur Françaix et monsieur Herbillon, ne recommencez pas à dialoguer !
    M. Michel Françaix. Nous allons essayer, monsieur le président. (Sourires.)
    Les premières victimes de la droite, disais-je, sont toujours la recherche, l'éducation et la culture.
    M. Hervé de Charette. Mensonge !
    M. Michel Françaix. Et personne ne s'étonnera, monsieur le ministre, que, comme l'a fait observer Patrick Bloche, nous constations une baisse de 5,2 % de vos crédits ; la suppression de 166 emplois, ce qui fait de votre ministère l'administration la plus touchée par les suppressions de postes ; l'abandon ou la suppression de projets importants tels que la Cité des archives. De plus, la fin programmée des emplois-jeunes va porter un grave préjudice au secteur culturel qui en était l'un des premiers bénéficiaires, puisqu'ils représentaient de 10 à 13 % des emplois.
    Je sais que, par une astuce comptable et par le biais des crédits de paiement, vous espérez cacher la réalité, mais celle-ci s'impose : décrue sur le patrimoine ; crédits gelés de nombreux établissements culturels ; baisse sensible et durable des capacités d'intervention de votre ministère. Décidément, ce budget manque par trop de sincérité.
    Il reste, me direz-vous, votre conception de la décentralisation culturelle. Pendant quatre jours, vous vous êtes installé avec votre cabinet à Toulouse pour favoriser une approche efficace de l'action territoriale et vous y avez rencontré élus et acteurs de la vie culturelle afin de clarifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, même si vous ne prenez en compte ni les villes ni les communautés de communes. Mais nous voyons bien que la redistribution des compétences se terminera par un nouveau désengagement budgétaire de l'Etat dans les actions culturelles qu'il assume en région, alors que, la plupart du temps, les régions elles-mêmes ne font pas de la culture une priorité.
    Le bilan culturel de la gauche - n'en déplaise à certains collègues - était incontestablement positif.
    M. Hervé de Charette. Hélas non !
    M. Michel Françaix. Le fort soutien aux partenaires de la vie culturelle - artistes, auteurs, producteurs, collectivités territoriales -, l'accueil très favorable de l'opinion publique, le développement des pratiques culturelles, l'aura internationale que nous avions acquise en témoignent amplement.
    L'action de l'Etat et aussi de très nombreuses collectivités locales avait pris une dimension nouvelle, à la fois globale et innovante. Faut-il rappeler ici les traits les plus marquants de notre politique ? L'accroissement spectaculaire des moyens financiers et la priorité budgétaire conférée à la culture. L'action obstinée en faveur de tous les créateurs et de toutes les professions culturelles. La défense du cinéma : Oh oui, le cinéma en France, ça marche ! La loi sur le prix du livre : Oh oui, elle a eu des résultats remarquables ! La reconnaissance de nouvelles formes de création - rock, BD, photo, design) et le décloisonnement des genres. L'encouragement des initiatives de qualité et la promotion de leur diversité. Sans parler de la défense des industries culturelles et de la réconciliation de la culture et de l'économie. Bref, la culture était devenue l'affaire de tous. Cela s'appelle une certaine idée de la France, à laquelle ont encore contribué l'accueil des artistes étrangers et la réalisation de grands travaux dont nous n'avons pas à rougir.
    M. Hervé de Charette. Vous pensez qu'ils relèvent du style pompier ?... (Sourires.)
    M. Michel Françaix. Je ne vois pas ce que vous voulez dire, monsieur de Charette, mais comme vous m'avez fait remarquer tout à l'heure que je n'avais peut-être pas l'intelligence pour tout comprendre, je ne vais pas m'y essayer !
    M. le président. Pas de dialogue, je vous prie !
    M. Michel Françaix. Malgré une grande partie de l'UMP qui, à l'exception de mes collègues ici présents, n'en a visiblement que faire, à preuve ce que le Sénat a commis cette semaine dans le domaine archéologique, êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à assumer politiquement et de façon pérenne l'idée que la culture n'est pas un secteur comme les autres, qu'elle conditionne la réalisation d'un projet de société, qu'elle participe à sa réussite, à sa cohésion et à l'intégration sociale dans l'expression de sa diversité ?
    Etes-vous conscient que cette approche culturelle, qui a permis à la création de s'exprimer et de rayonner au-delà de nos frontières, ne doit pas disparaître au profit d'arrangements marchands ?
    Etes-vous d'accord pour ne pas soumettre la création et l'intelligence aux seuls critères du rendement ? En fait, je suis persuadé que vous l'êtes car ce n'est pas la qualité de l'homme qui est en cause, bien entendu. Je crois simplement que vous n'aviez pas bien mesuré ce que signifiait être ministre de la culture dans un gouvernement de droite. D'ailleurs, l'examen de ce budget un vendredi matin est en soi très explicite. C'est bien la première fois qu'une chose pareille se produit.
    Et sans moyens accrus, comment préserver la création et la diversité culturelles à l'heure de la mondialisation ? Comment parachever la décentralisation et développer le contenu culturel des politiques des territoires ? Comment mieux lier la culture à la citoyenneté ? Comment poursuivre la rénovation du service public et des arts ?
    Monsieur le ministre, Victor Hugo se plaignait déjà du budget du gouvernement conservateur de l'époque. Je ne résiste pas au plaisir de vous lire un court passage de ce discours pour conclure mon intervention :
    « Personne plus que moi, n'est pénétré de la nécessité, de l'urgente nécessité d'alléger le budget de la nation, mais le remède de l'embarras de nos finances n'est pas dans "quelque économie chétive et détestable. Quand vous le voudrez, vous aurez un magnifique mouvement intellectuel ; mais il ne s'agit pas de l'utiliser, ce ne sont pas les talents qui manquent, c'est la volonté de ce gouvernement d'encourager un grand mouvement. Vous êtes tombés dans une méprise regrettable, vous avez cru faire une économie d'argent, c'est une économie de gloire que vous faites. Je la repousse pour la dignité de la France. »
    Décidément, rien n'a changé ! Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne puisse pas voter votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin.
    M. Emmanuel Hamelin. Monsieur le ministre, votre budget tranche incontestablement avec l'action du précédent gouvernement (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Michel Françaix. Jusque-là, nous sommes d'accord !
    M. Patrick Bloche. Ça c'est sûr, vous avez tranché dans les crédits !
    M. Emmanuel Hamelin. ... qui avait pris l'habitude d'inscrire dans les projets de loi de finances successifs des volumes abondants de crédits de paiement dont on savait par avance qu'ils ne pourraient pas être consommés. Depuis 1998, en effet, on note une différence importante entre les crédits votés et les crédits consommés. Elle était de 389 millions d'euros en 2000 et atteignait 434 millions d'euros en 2001. Dès lors, je ne peux que me réjouir de constater que vous mettez fin à cette pratique des budgets en trompe-l'oeil qui ont permis d'arrimer le budget de la culture au fameux « 1 % » jamais concrétisé. Ce faisant, vous suivez à la lettre les conclusions rendues en 2001 par la Cour des comptes qui avait condamné implacablement la gestion du ministère dont vous avez aujourd'hui la charge.
    Pour information, le taux de consommation des crédits est passé de 93 % en 1997 à 84 % en 2001. Dans ces conditions, le « 1 % » relève du mythe, puisque, comme l'a souligné Hervé de Charette, depuis 1997, les crédits de la culture n'ont jamais dépassé 0,75 % du budget de l'Etat. Avec 0,71 % en 2001, la part de la culture dans les dépenses de l'Etat était inférieure à ce qu'elle représentait en 1996, soit 0,78 %. Alors, un peu de pudeur, monsieur Bloche : vous avez déjà trompé les artistes avec votre faux 1 % et votre vrai 0,71 % en 2001, ne tentez pas aujourd'hui de tromper la représentation nationale ! Non, monsieur Françaix, lorsqu'elle revient au pouvoir, la droite ne diminue pas les budgets, elle rétablit simplement la vérité dans les comptes de l'Etat que vous avez dégradés.
    M. Jean-Louis Bernard. Eh oui !
    M. Emmanuel Hamelin. Alors oui, nous mettons fin à cette sacro-sainte règle du 1 %, jamais atteint et nous ne nous en cachons pas car nous voulons en finir avec ces pratiques budgétaires mensongères.
    Cela étant, cette seule donnée ne saurait suffire à caractériser ce budget qui, j'insiste sur ce point, affiche une progression notable des moyens effectivement utilisables dans tous les secteurs relevant de votre ministère : plus 3,9 % par rapport à 2002. Cette croissance concerne les crédits de fonctionnement du ministère et ceux de ses établissements publics - plus 5,2 % - ainsi que les subventions aux institutions et aux manifestations - plus 4,9 %. Ce faisant, nous mettons fin à la dégradation des marges d'action artistiques et culturelles, qui empêchait le ministère de réaliser les grands projets dont la France a cruellement besoin, au nom, toujours et encore, de cette règle absurde du 1 %.
    M. Patrick Bloche. Vous vous répétez !
    M. Michel Françaix. Ça fait onze fois qu'on entend la même chose !
    M. Emmanuel Hamelin. Et je n'hésiterai pas à le répéter une douzième fois pour être sûr que tout le monde a bien compris ce qui se passait.
    M. Jean-Louis Bernard. Très bien ! Il faut enfoncer le clou !
    M. Emmanuel Hamelin. Votre nouvelle stratégie budgétaire, monsieur le ministre, permettra la mise en oeuvre, dès 2003, des priorités culturelles du Gouvernement définies par vous-même en juin dernier : augmenter les moyens des établissements publics, qui seront dans le même temps davantage responsabilisés ; défendre la création et sa diffusion ; protéger et promouvoir le patrimoine ; enfin, élargir au plus grand nombre l'accès à la culture.
    J'insisterai plus particulièrement sur la progression notable, de plus de 4,9 % par rapport à 2002, des crédits d'intervention, destinés à soutenir les artistes et les institutions culturelles, notamment en région, ce dont je ne peux que me réjouir. Cette augmentation permettra de renforcer la politique de diffusion culturelle de proximité sur l'ensemble du territoire, élément particulièrement important à l'heure où nous nous apprêtons à approfondir la décentralisation.
    A cet égard, je forme le voeu que, dans les années à venir, les collectivités locales soient plus étroitement associées à la politique culturelle de notre pays. La délocalisation à Marseille du Musée des arts et des traditions populaires constitue le premier pas d'une démarche qu'il convient d'encourager. Celle-ci pourrait se poursuivre, par exemple, dans le secteur du cinéma, grâce une décentralisation du fonds de soutien pour l'écriture des scénarios vers des établissements comme l'institut Lumière, à Lyon. Cette progression permettra également de consolider les marges artistiques du spectacle vivant, ce qui est indispensable aujourd'hui.
    Pour toutes ces raisons, sommairement exposées, vous pouvez compter sur mon soutien, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.
    Mme Muriel Marland-Militello. Dans les cinq minutes de temps de parole dont je dispose, je voudrais simplement souligner deux problèmes récurrents, inhérents à tout budget de la culture et qui préoccupent particulièrement le monde culturel mais auxquels vous apportez des réponses, monsieur le ministre.
    En premier lieu, le poids des charges fixes ne vous laisse qu'une faible marge de manoeuvre, nous en sommes conscients. Malgré tout, vous réussissez non seulement à maintenir votre capacité d'engagement, mais même à l'augmenter de 3,9 %. C'est ainsi que 100 millions d'euros supplémentaires sont dégagés. C'est la plus forte hausse depuis dix ans. Nous avons en outre l'assurance que ces crédits de paiement seront évalués en fonction des besoins et réellement consommés.
    En second lieu, le poids historique considérable de la capitale pose un vrai problème de répartition des crédits entre Paris et la province.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Eh oui !
    Mme Muriel Marland-Militello. Pour Paris, monsieur le ministre, les crédits sont reconduits et vous augmentez de 4,2 % votre soutien aux grands établissements publics. Mais pouvait-on encore laisser 27 % des salles fermées au Louvre, 45 % à Versailles et 50 % au musée Guimet ? Nous vous sommes donc tout a fait reconnaissants d'augmenter respectivement de 8,8 % et de 4,8 % les dotations affectées au centre Georges-Pompidou et au Louvre. Par ailleurs, la montée en puissance de nouveaux projets est confirmée, telle celui du musée du quai Branly, qui bénéficie d'une augmentation de crédits de 17,8 %. On ne peut donc vous accuser de vous désengager.
    Parallèlement à ces moyens nouveaux, vous prévoyez, en outre, de renforcer une gestion rationalisée et responsabilisée des établissements publics, ce dont on ne peut que se féliciter. Cette réforme ne sera possible que si les gestionnaires sont pleinement responsables de l'ensemble des actions de leur établissement et de leur personnel. A cet égard, la mesure emblématique que constitue le transfert de 1 233 emplois titulaires sur le budget du musée du Louvre est de bon augure. De même, la globalisation des crédits contribuera à l'avenir à donner une plus grande liberté d'action et à atteindre les objectifs fixés au moment où le Gouvernement place la culture de résultat au coeur de ses réformes.
    En revanche, d'aucuns pourraient regretter qu'un certain parisianisme préside aux choix d'investissements lourds qui grèveront les budgets futurs. Je pense par exemple à la cité de l'architecture et du patrimoine ou à la maison du cinéma. Or ces projets pourraient tout à fait voir le jour dans une de nos régions. Mon département, dans lequel se déroule le festival international du film, serait ainsi très heureux d'accueillir la maison du cinéma.
    Cela étant, je retirerai ces réserves si votre intention de distinguer les projets d'envergure nationale et ceux qui ne concernent que le public de la capitale se concrétise.
    Vous avez en effet exprimé la volonté de mettre un terme au régime dérogatoire existant en faveur de Paris. De fait, il n'est absolument pas normal que la nation, supporte dans sa totalité le poids d'institutions qui bénéficient principalement au public parisien. Par exemple, il est parfaitement légitime que la région Ile-de-France et la ville de Paris s'engagent aux côtés de l'Etat pour la construction de l'auditorium de la Grande Halle de La Villette.
    Votre souci d'équité devra également se manifester pour imposer un cahier des charges précis aux institutions implantées dans la région parisienne, qui ont une vocation nationale. Elles doivent profiter à l'ensemble de la nation, de la même façon qu'elles doivent contribuer au rayonnement international de la France.
    Nous suivrons donc avec intérêt la prise en compte dans votre budget de l'augmentaton des dépôts d'oeuvres dans les musées de provinces, comme cela s'est déjà fait entre le musée du Louvre et Toulouse, l'organisation de coproductions entre Paris et les régions pour de grandes expositions et le spectacle vivant, ou encore l'organisation de vastes tournées des collections nationales à l'étranger.
    Une juste répartition entre l'image internationale de la France à travers sa capitale et une véritable démocratisation de la culture à travers des opérations de proximité en régions : voilà pour nous les deux objectifs complémentaires de la politique culturelle de la France. Et nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour donner le goût de la France à l'étranger et le goût de la culture aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, tout d'abord, je tiens à vous dire combien je suis sensible à l'intérêt et à l'attachement que la représentation nationale, dans son ensemble, au-delà des diversités d'opinions, manifeste à l'égard des missions de service public culturel de la nation.
    La semaine dernière, je vous présentais le budget de la communication. J'avais alors souligné que ce budget était un budget de vérité et de responsabilité. Ce sont ces objectifs qui ont également présidé à l'élaboration du budget de la culture pour 2003. Ce dernier, quelles que soient les conclusions un peu rapides qu'en tirent certains observateurs, est sincère et ambitieux. C'est un bon budget. Il accroît réellement les marges de manoeuvre du ministère de la culture, qui en était cruellement dépourvu. Il refuse les effets stériles d'affichage. Aucun des partenaires de l'Etat - établissements publics, compagnies artistiques, collectivités locales ou associations - n'aura à se plaindre de sa mise en oeuvre, soyez-en assurés.
    Mesdames, messieurs les députés, certains d'entre vous, constatant que ce budget est finalement un bon budget, brandissent la menace de la régulation et des gels. Il est vrai que la gauche s'y connaît en la matière.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je n'oublie pas que le premier acte culturel du gouvernement de Lionel Jospin s'est traduit, à l'été 1997, par une régulation sauvage, sans précédent, des crédits du ministère de la culture,...
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. C'est vrai !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... régulation dont l'un de mes prédécesseurs, Mme Trautmann, ne s'est d'ailleurs jamais remise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre-Christophe Baguet. Il fallait le rappeler !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Elle a confié à un livre de souvenirs l'amertume que cette mesure lui avait inspirée.
    Nous avons fait, quant à nous, le choix de la vérité plutôt que celui de l'illusion. Regardez, derrière le président de séance, la tapisserie de l'Ecole d'Athènes, d'après le carton de Raphaël : on y voit Aristote devisant avec Platon. Eh bien, nous avons fait le choix d'Aristote, et pas celui de la moiteur de la caverne sombre où des images se projettent sur le mur. Nous avons fait le choix du plein jour, de la réalité et de la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Certains d'entre vous ont également parlé de la « sancturisation » du budget du ministère de la culture.
    M. Patrick Bloche et M. Michel Françaix. Pas nous !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Vous l'avez évoquée. En effet, le budget du ministère de la culture est sanctuarisé. Mais un sanctuaire, ce n'est pas une tombe qu'on fleurit de temps à autre à la Toussaint du débat budgétaire et qu'on oublie ensuite. Un sanctuaire, c'est une maison vivante, une maison où des projets s'élaborent et où, chaque jour, des enthousiasmes se mobilisent. Voilà le type de sanctuaire que nous avons choisi !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. La sincérité de ce budget réside dans une rupture assumée, rupture non pas avec l'ambition de faire tendre le budget de la culture vers 1 % du budget de l'Etat, mais avec le dévoiement de cette ambition et sa réduction à de fallacieux effets d'affichage.
    Depuis trop longtemps, en effet, le 1 %, transformé en un simple slogan, n'a fait que masquer l'absence de projets de fond et une érosion des moyens effectifs du ministère de la culture. Je parle d'érosion puisqu'on s'était mis à afficher en loi de finances des crédits dont on savait pertinemment qu'ils ne seraient pas dépensés.
    En témoigne le taux de consommation des crédits, qui était encore, certains d'entre vous l'ont rapporté, de 93 % en 1998, et qui n'a cessé de se dégrader, pour atteindre 84 % en 2001 ! En témoigne également l'exécution des budgets. Regardons, par exemple, celle du budget 2001 : le budget exécuté de la culture était de 15,2 milliards de francs ; celui de l'Etat de 1762,4 milliards de francs. Faites le calcul : le rapport de ces deux budgets exécutés est de 0,86 %. L'exercice que nous ferons pour le budget de 2002, dont une partie de l'exécution était assumée par la précédente majorité, montrera cette difficulté à consommer des crédits et donc le caractère très artificiel des effets d'affichage budgétaire au moment du débat.
    M. Gilbert Gantier. Très juste !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Il convient de préciser que ces données globales recouvrent une grande disparité entre les crédits de fonctionnement et d'intervention, régulièrement consommés à 99 %, et les crédits d'investissement, dont le taux de consommation est passé de 79 % en 1998 à 57 % en 2001.
    Fin 2001, le ministère disposait pour cette raison d'une réserve de crédits de paiement non consommés d'un montant de l'ordre de 420 millions d'euros. Ainsi, pendant que grossissaient les crédits d'investissement inutilisés, l'argent disponible pour les activités et les projets financés sur les autres parties du budget du ministère - titres III et IV - n'augmentait pas à un rythme suffisamment rapide pour couvrir l'évolution des dépenses courantes, notamment le simple « ordre de marche » des établissements. Je l'ai durement éprouvé en ma qualité ancienne de président du centre Georges-Pompidou.
    Ainsi s'est développé un phénomène, trop connu des établissements culturels en général, d'« érosion des marges artistiques et culturelles ». Tel est le paradoxe d'un ministère qui prétendait se rapprocher religieusement, dévotement chaque année un peu plus du 1 %, mais qui ne cessait en réalité de s'asphyxier...
    Cette situation de « sédimentation stérile » des crédits a pu convenir à certains. Elle ne convient pas à notre gouvernement ni à notre majorité.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Tout à fait ! Bravo !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Notre courage, aujourd'hui, consiste à rompre avec cette culture cosmétique, avec cette culture du maquillage et du façadisme, pour rechercher la vérité et l'efficacité. Une efficacité centrée sur l'exécution du budget et non sur le simple affichage.
    Mon souci premier a donc été de favoriser les activités et les projets, et non d'accroître, pour de pures raisons d'affichage, le volume des crédits inemployés du ministère. Cette stratégie, nous l'avons construite en plein accord avec le ministère du budget. Je tiens d'ailleurs à remercier vivement mon collègue Alain Lambert, homme et ministre pour lequel j'ai beaucoup d'estime.
    M. Michel Françaix. Cela nous rassure !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je les remercie, lui et son cabinet, pour leur attitude compréhensive et constructive.
    M. Michel Françaix. Qu'est-ce que ce serait !
    M. le ministre de la culture et de la communication. On peut se plaire à répéter, dans un esprit évidemment polémique et partisan, que le projet de budget est « en baisse de près de 5 % », mais, en réalité, voici ce que révèle une lecture honnête de ses données : un titre III et un titre IV qui croissent à un rythme qu'ils n'ont pas connu depuis dix ans ;...
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... des emplois stabilisés, avec la poursuite de l'effort pour résorber l'emploi précaire entrepris par mes prédécesseurs ; une capacité d'investissement préservée ; une capacité de paiement intacte, par la mobilisation d'une énorme réserve de crédits de paiement. Au total, les marges effectives d'engagement du ministère augmenteront de près de 4 % en 2003. C'est l'un des meilleurs budgets de la culture que notre pays ait connu depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Bloche. Tout le monde est content, alors !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Vous l'avez compris, dans le projet que je vous propose, des crédits réellement mobilisables renforcés viennent remplacer des crédits plus abondants en apparence, mais non mobilisables. Contrairement au principe de Gresham, la bonne monnaie y chasse la mauvaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Françaix. Revenons au sujet, voulez-vous.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Examinons tout d'abord le titre III. Celui-ci connaît une progression de 5,1 %, l'une des meilleures de ces dix dernières années, de surcroît très au-dessus de l'évolution moyenne des années passées, qui était de 2,5 %. J'ai voulu consentir un effort particulier en faveur de l'entretien du patrimoine, de l'emploi et de nos grands établissements publics nationaux.
    En ce qui concerne l'entretien courant du patrimoine, j'ai veillé à obtenir plus que le doublement des crédits directement engagé par l'Etat, une croissance de 73 %, pour être exact. Il s'agit là d'une mesure de saine gestion, de bonne administration. Nous savons tous en effet qu'il est beaucoup plus efficace et économique de prévenir en amont la dégradation des bâtiments par des opérations d'entretien courant que de mettre en oeuvre, tous les vingt ans, de lourdes opérations de restauration.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Très juste !
    M. Patrick Bloche. C'est pareil pour une maison de campagne !
    M. le ministre de la culture et de la communication. De façon générale, d'ailleurs, j'observe que l'Etat, qui se révèle en général bon maître d'ouvrage, est mauvais propriétaire. Après avoir construit des bâtiments, il les néglige, pour constater au bout de vingt ans, parfois plus vite encore, qu'il y a lieu d'entreprendre de vastes opérations de remise en état des installations. C'est ce qu'a vécu le Centre Pompidou, et c'est hélas ! ce qui risque de se produire pour l'Opéra de la Bastille.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Absolument ! Il suffit de voir dans quel état il se trouve.
    M. le ministre de la culture et de la communication. En ce qui concerne l'emploi, l'habitude avait été prise de demander et d'afficher des créations d'emplois sans se soucier de leur utilisation effective. Là aussi, j'ai voulu mettre fin au privilège de l'apparence et dégager les moyens nécessaires pour résorber les emplois vacants, trop nombreux, dont l'abondance nuisait même gravement au bon fonctionnement du ministère. Par ailleurs, 150 vacataires occupant des emplois permanents pourront, comme l'engagement en avait été pris à leur égard, être titularisés.
    Avec nos grands établissements publics nationaux, enfin, après des années de crise larvée ou ouverte, j'ai voulu engager une nouvelle relation. Ces institutions, qui sont une part essentielle de notre héritage commun, connaissent un double paradoxe. En premier lieu, tout en représentant une part importante du budget de la culture, elles ne reçoivent pas toujours les moyens d'accomplir correctement leurs missions. En second lieu, tout en représentant potentiellement des instruments uniques pour la politique culturelle de l'Etat, elles n'ont jamais été suffisamment associées à l'action du ministère.
    J'ai la ferme volonté de résoudre cette situation, premièrement en remettant à niveau les moyens de nos grandes institutions, dont la dotation progresse ainsi de 4 %, avec 90 créations d'emplois à périmètre d'établissement constant ; et deuxièmement en conditionnant très clairement et très fermement l'effort consenti en faveur des établissements publics nationaux à leur engagement renforcé sur les priorités de la politique culturelle de la nation.
    Engagement en région, tout d'abord. En effet, si la logique de notre histoire a localisé un grand nombre de ces institutions à Paris, elles n'en ont pas moins le devoir de se rendre disponibles dans l'ensemble du territoire et pour l'ensemble de nos concitoyens. Elles devront donc tisser, avec les institutions régionales, des réseaux de coopération et se mobiliser en faveur d'actions locales, à l'instar de ce que j'ai fait dans l'établissement que je présidais, invitant mon successeur à persévérer dans cette voie.
    Engagement international ensuite. Nos grandes institutions doivent également renforcer leur participation au rayonnement international de notre pays, d'abord en contribuant à la politique d'accueil d'artistes et de formation des professionnels de la culture que nous mettons en place, ensuite en orientant plus clairement leur action internationale dans les directions géographiques et thématiques privilégiées par le Gouvernement.
    Mon directeur de cabinet et moi-même avons pris soin à plusieurs reprises de réunir l'ensemble des présidents et directeurs généraux d'établissement et de leur indiquer des orientations de politique culturelle. Je dois vous le dire, mesdames, messieurs les députés, certains d'entre eux avaient totalement perdu l'habitude de rencontrer régulièrement leur ministre et de participer à l'élaboration des orientations de leurs établissements.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. C'est cela, une politique de confiance !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ainsi, en 2003, je souhaite que nos institutions nationales développent leurs relations avec les institutions des pays qui vont rejoindre l'Union européenne. J'effectuerai du reste moi-même, au printemps prochain, un déplacement en Europe centrale et orientale.
    Par ailleurs, attaché au resserrement des relations culturelles franco-allemandes, j'ai demandé aux musées nationaux de renforcer leurs politiques d'échanges d'oeuvres avec les musées allemands.
    La même politique devra désormais prévaloir avec l'Italie. Il est incompréhensible que l'on ait pratiquement amené nos deux pays à s'ignorer sur le plan culturel, alors qu'une telle parenté les unit. Il est essentiel de reconstruire une véritable relation culturelle franco-italienne.
    Ayant participé, à deux reprises, à des conseils des ministres de la culture et de la communication de l'Union européenne, j'ai constaté avec beaucoup de tristesse le très grand isolement diplomatique et culturel de notre pays. Il faut que nous retrouvions le sens d'une relation bilatérale sincère, respectueuse de la singularité de nos voisins, le sens de la construction européenne.
    M. Pierre-Christophe Baguet et M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Engagement, enfin, en faveur des publics. Je demande aux établissements publics nationaux de mener dans ce domaine une politique exemplaire, avec un effort tout particulier en faveur des jeunes et des personnes handicapées. Je souhaite en outre qu'ils accomplissent de nets progrès en matière d'horaires d'ouverture et, pour certains d'entre eux, d'accroissement du pourcentage des salles ouvertes au public. S'il y a une priorité pour certains de nos musées, en particulier le Louvre, c'est bien celle-là, tout simplement.
    Toutes ces priorités s'inscrivent, à mes yeux, dans une nouvelle façon de concevoir la tutelle de l'Etat. Cette conception repose sur deux grands principes : autonomie et responsabilité.
    L'autonomie passe par la modernisation de la gestion des établissements. C'est ainsi, vous l'avez souligné, que 1 233 emplois de fonctionnaires titulaires seront transférés sur le budget du musée du Louvre. L'absence de marges de manoeuvre du président-directeur du Louvre en matière de gestion de personnel avait été abondamment dénoncée, notamment par la Cour des comptes.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis, et     M. Pierre-Christophe Baguet. Tout à fait !
    M. le ministre de la culture et de la communication. J'estime qu'il était nécessaire de lui laisser une réelle maîtrise de cette gestion. C'est le second principe : responsabiliser les établissements et leurs chefs, et mettre ces derniers en position de rendre compte de leur action.
    Songez-y, mesdames, messieurs les députés : l'organisation de nos musées était d'une telle absurdité que le président-directeur du Louvre n'était pas responsable de la politique d'acquisitions, de prêts et de dépôts de son musée. Quand nous en discutions avec les directeurs de la National Gallery de Londres et de la Stiftung Preussicher Kulturbesitz de Berlin, ces responsables étrangers n'en revenaient pas. Seul l'archaïsme de l'organisation de nos musées et de la relation qu'ils entretenaient avec l'Etat pouvait expliquer une situation aussi anachronique.
    Je l'affirme cependant, autonomie ne signifie pas, dans mon esprit, indépendance. Ces établissements autonomes ont vocation à être de façon plus affirmée des instruments de la politique culturelle de l'Etat, en participant à sa mise en oeuvre. C'est d'ailleurs sur ce point que sera centrée la redéfinition de la notion de tutelle.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Venons-en maintenant au titre IV, qui permet justement au ministère de développer une politique de diffusion culturelle de proximité sur l'ensemble du territoire. Il connaît une progression de près de 5 %, supérieure à la hausse moyenne des dix dernières années, mais identique, je le concède à l'opposition, à celle qu'il a connue l'année dernière, contrairement au titre III, bien maltraité. Nous assurons ainsi à l'action culturelle sur le territoire les moyens de son développement.
    Il convient de préciser que j'ai voulu servir équitablement l'ensemble des secteurs de mon ministère, qui connaissent tous des progressions significatives, tout en ne négligeant pas, bien évidemment, de consolider les marges artistiques du spectacle vivant. Cela est, en effet, d'autant plus indispensable dans le contexte actuel où de nombreuses structures sont fragilisées par la hausse des cotisations d'assurance chômage des personnels intermittents.
    J'ai été très sensible, monsieur de Charette, à l'attention que vous portiez à cette question, sur laquelle nous aurons sans doute l'occasion de revenir.
    Sur les titres V et VI j'ai tenu à maintenir les capacités d'engagement du ministère en matière d'investissement. Les autorisations de programme, qui conditionnent l'engagement des projets, seront stabilisées par rapport au niveau de l'année 2002. Cette stabilité permettra au ministère de conduire une politique d'investissement ambitieuse, mais mieux maîtrisée. J'ai exposé mes priorités et mes choix quant à la stratégie immobilière et institutionnelle du ministère lors d'une conférence de presse, le 29 octobre dernier. Là encore, j'ai voulu effectuer des choix avant tout réalistes et responsables, dans un ministère où on en avait tout simplement perdu l'habitude ; où on se contentait d'empiler les projets sans jamais établir de priorités. J'ai retenu ou infléchi les projets en cours après une expertise rigoureuse, avec le souci de freiner une véritable dérive de l'investissement, suivie fatalement d'une dérive du fonctionnement.
    Au coeur de ces choix, il y a en particulier la volonté de mettre un frein à la prolifération de projets assumés unilatéralement par l'Etat dans Paris intra muros, compte tenu des très nombreuses réalisations culturelles dont a bénéficié la capitale au cours de ces trente dernières années. Je m'adresse là plus particulièrement aux élus parisiens, Mme Billard et M. Bloche, que je sais attentifs à ces questions. Mais leurs collègues ne le sont pas moins. Avec toute l'affection que j'éprouve pour notre capitale, j'estime que Paris doit revenir au droit commun et contribuer - éventuellement avec ses partenaires locaux, la région par exemple, comme c'est le cas sur l'ensemble du territoire national - à l'investissement et au fonctionnement des structures qui bénéficient avant tout à sa population. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est évidemment le cas pour le projet d'auditorium de musique symphonique. L'Etat fait déjà beaucoup pour la musique à Paris. Il subventionne à 100 % l'Orchestre national et l'Orchestre philharmonique de Radio France, à 60 % l'Orchestre de l'Opéra de Paris, à 99 % l'Ensemble inter-contemporain, à 60 % l'Orchestre de Paris et à 40 % l'Ensemble orchestral de Paris. Son engagement en faveur de la musique à Paris est donc loin d'être tiède. Néanmoins, nous devons comprendre que la réalisation d'un auditorium, dont la capitale a incontestablement besoin, n'est pas seulement l'affaire de l'Etat. Elle ne l'est qu'à condition que les collectivités locales s'y engagent également avec conviction et détermination.
    Venons-en enfin aux crédits de paiement. De même que la hausse de ces crédits dans les budgets précédents n'était qu'optique, leur baisse aujourd'hui n'est qu'apparente.
    Les crédits de paiement, vous le savez, servent à payer les factures au fur et à mesure de la réalisation effective des travaux engagés, parfois de longue date, par le ministère. J'ai tout simplement décidé de ne demander que les crédits dont j'avais réellement besoin, pour ne pas renouveler les « bourrages d'enveloppe » de mes prédécesseurs. C'est un acte de responsabilité, de respect à l'égard de la représentation nationale qui vote ces crédits, et de considération à l'égard de nos concitoyens contribuables, car des crédits non consommés n'en sont pas moins des impôts levés.
    Ma demande de « crédits frais » tient compte des énormes réserves accumulées les années précédentes et que j'évoquais plus haut. Elle n'a donc pas porté sur la totalité des crédits de paiement qu'il est prévu de dépenser en 2003, mais sur un montant minoré de 205 millions d'euros compte tenu des crédits qui sont déjà à ma disposition.
    Si vous acceptez de voter ce budget, je puis vous assurer que je disposerai en 2003 des crédits de paiement dont j'ai réellement besoin, non seulement pour payer les factures qui arriveront à échéance, mais surtout pour mener la politique volontariste d'accélération de la consommation des crédits d'investissement que vous appelez tous de vos voeux.
    Tel qu'il est structuré, ce budget nous permettra de ne négliger aucune de nos priorités.
    Je vous ai parlé des établissements nationaux. Je voudrais à présent évoquer d'autres priorités de mon ministère, notamment la promotion de la création, la politique des patrimoines et la diffusion culturelle.
    Pour ce qui est de la création, j'ai déjà évoqué mon souci de consolider les marges artistiques du spectacle vivant, dans un contexte particulièrement sensible. Vous connaissez par ailleurs les travaux que j'ai engagés pour diversifier les sources de financement du cinéma français, avec le souci d'étendre et de faire respecter par l'ensemble des chaînes de télévision la « clause de diversité », qui, vous le savez, fait déjà obligation à certaines d'entre elles d'orienter une partie de leurs investissements vers les films à budget modeste, souvent tournés vers la création et la prise de risque.
    J'évoquerai également rapidement les arts plastiques pour signaler l'ampleur que nous donnerons en 2003 à la célébration du vingtième anniversaire des fonds régionaux d'art contemporain, base très efficace de coopération entre les régions et l'Etat, qui a permis de constituer dans nos régions des collections de référence.
    Mais, à mes yeux, la défense de la création passe également par celle des droits des auteurs. J'aurai l'occasion de préciser la politique du Gouvernement en matière de propriété littéraire et artistique lors de l'examen du projet de loi transposant la directive du 22 mai 2001 sur les droits d'auteur dans la société de l'information.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Ce projet de loi visera à trouver un équilibre entre la protection des intérêts légitimes des auteurs et la nécessité de favoriser une diffusion plus large de la culture, notamment dans le contexte nouveau des réseaux numériques et de la société de l'information.
    Pour ce qui est du droit de prêt en bibliothèque, qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat il y a quelques semaines et qui sera soumis à votre délibération au début de l'année 2003, j'ai réservé pour son financement un crédit de 5,6 millions d'euros sur le projet de budget pour 2003.
    J'en viens maintenant à la politique en faveur du patrimoine ou, plus exactement, des patrimoines. Vous savez que je préfère ce pluriel, dans lequel j'inclus le patrimoine écrit des bibliothèques, le patrimoine archivistique, le patrimoine cinématographique et audiovisuel - je pense à l'Institut national de l'audiovisuel - et le patrimoine immatériel des langues régionales et des pratiques.
    Je compte engager, en faveur de ces patrimoines, une politique repensée de numérisation, privilégiant les partenariats locaux et prenant en compte l'exigence non seulement de numériser mais aussi de diffuser, à travers des opérations d'édition, auprès d'un public le plus large possible. Le programme de numérisation des collections sera accéléré, avec une augmentation de 40 % des crédits qui lui sont alloués.
    Je n'ai pas oublié la nécessité de retenir sur notre territoire nos trésors nationaux. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à abonder le fonds du patrimoine de 1,5 million d'euros, soit une augmentation de plus de 10 %.
    Mesdames, messieurs les députés, vous noterez, je l'imagine, avec beaucoup de satisfaction que, alors que l'on parle d'un budget en baisse, je ne cesse, dans tous les secteurs, de vous parler d'augmentation.
    M. Hervé de Charette. M. Bloche doit être rassuré !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je le crois !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Les socialistes prennent les « plus » pour des « moins » !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je n'en oublie pas pour autant le patrimoine monumental, et je tiens à m'inscrire en faux contre tous ceux qui ont prétendu, avec plus ou moins de bonne foi, que le patrimoine avait été « sacrifié » dans le cadre du projet de budget que je vous soumets aujourd'hui. En réalité, loin de diminuer, les crédits consacrés au patrimoine monumental sont consolidés.
    Cette consolidation des crédits sera soutenue par la présentation, au Parlement dans le courant de l'année 2003, vous l'avez également évoqué, d'un projet de loi de programme sur le patrimoine, qui identifiera sur l'ensemble du territoire de notre pays une centaine d'opéations majeures qui ne peuvent, de toute évidence, relever de la mobilisation des crédits ordinaires.
    Toute politique culturelle digne de ce nom doit s'employer à favoriser un accès toujours plus large à la culture. C'est pourquoi j'ai voulu mettre l'accent sur le développement des équipements de proximité. Nous savons soutenir la construction d'équipements importants et nous devons continuer cette action. Après les bibliothèques municipales à vocation régionale de Troyes, Nice, Toulouse et Marseille, j'ai souhaité que le ministère de la culture conserve, avec le concours particulier des bibliothèques, les moyens de soutenir la réalisation d'autres grands équipements, notamment à Angoulême et Clermont-Ferrand.
    Nous devons aussi apprendre à soutenir la création d'équipements de proximité, notamment dans les zones du territoire les plus déshéritées sur le plan culturel : la périphérie des villes et la campagne.
    Je souhaite donc engager dès 2003 un programme national de réalisation de tels équipements. Les crédits dégagés viendront subventionner à 40 % la construction, l'équipement informatique, la constitution des collections et la création d'emplois qualifiés. Ces équipements seront pour nos concitoyens et notamment les plus jeunes, des lieux de rencontre avec la culture et le savoir. Je serai particulièrement attentif à la qualité architecturale des projets. D'ailleurs, je souhaite lancer un concours d'idées, dont je présenterai les résultats au mois de mars prochain à l'occasion du Salon du livre de Paris.
    L'éducation artistique à l'école reste une priorité de mon ministère, qui y conservera des crédits en augmentation de 5 % par rapport à 2002.
    J'ai demandé, conjointement avec le ministre de l'éducation, un rapport d'évaluation de la politique menée par nos prédécesseurs dans ce domaine. Il me sera rendu à la fin de cette année. En fonction de ses conclusions, je préciserai les orientations que je souhaite donner à cette politique, essentielle à mes yeux, en liaison avec le ministre de l'éducation nationale.
    M. Michel Françaix. Il faudra une forte liaison !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Mesdames et messieurs les députés, ce n'est pas l'ancien professeur d'histoire et de géographique que je suis qui négligera l'engagement du Gouvernement de favoriser l'accès de tous à la culture.
    L'accès à la culture des personnes handicapées constituera également une priorité du ministère de la culture en 2003 - année européenne du handicap - avec un doublement des crédits consacrés à ces actions. Il s'y engagera aux côtés du ministère chargé des personnes handicapées, en s'appuyant sur les préconisations de la commission nationale culture-handicap. Je vous ai déjà annoncé la semaine dernière la mobilisation de la télévision, et notamment des sociétés nationales, en faveur des publics handicapés et, plus particulièrement, des sourds et malentendants.
    Nous assistons, mesdames, messieurs, à un printemps budgétaire. Nous présentons, en effet, un budget de renouveau, qui tourne le dos à deux travers mortels : le gaspillage et l'utilisation routinière de l'argent public.
    Tel est le premier budget de la culture que j'ai l'honneur de proposer à la représentation nationale. J'ai conscience, en le défendant, que, quels que soient les moyens qu'il accorde à l'action culturelle, ceux-ci ne seraient jamais suffisants sans les efforts déployés, aux côtés de l'Etat, en ce domaine par les collectivités locales : communes, départements, régions. Ces efforts, j'en constate l'ampleur et la portée à chacun de mes déplacements en région, et je veux, devant vous, en rendre hommage aux élus locaux de notre pays.
    Tout cela prouve que l'Etat n'est pas seul sur le front de la politique culturelle. Il ne peut d'ailleurs pas l'être et il ne doit pas l'être. C'est le débat, précisément, auquel nous a invités le Premier ministre, dans le cadre de la réflexion sur la décentralisation. Je m'y suis engagé avec enthousiasme et conviction, car j'ai conscience qu'il y a lieu, aujourd'hui, de définir de façon plus convaincante et plus claire des normes permettant d'améliorer l'interaction sur l'ensemble du territoire de notre pays de l'action des collectivités locales, à leurs différents degrés de responsabilité, et celle de l'Etat.
    Le mouvement vers la culture procède d'abord et avant tout d'un élan de la société tout entière, élan qu'il nous appartient de stimuler. Ce sera le sens de l'ensemble des mesures en faveur du mécénat et des fondations que le Gouvernement présentera prochainement - d'ici à un mois - à la délibération du Parlement.
    Ces mesures se déploieront dans quatre grandes directions : il s'agira, premièrement, de rendre plus incitatif le régime des réductions d'impôt sur le revenu pour les dons effectués par les particuliers, deuxièmement, d'améliorer les incitations fiscales au mécénat pour les entreprises, troisièmement, d'alléger la fiscalité pesant sur les fondations et les associations et, quatrièmement, d'assouplir et d'accélérer la procédure de reconnaissance d'utilité publique des fondations.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. La concertation interministérielle sur ces propositions est engagée. Le Gouvernement devrait être ainsi à même d'annoncer des mesures incitatives fortes dans les toutes prochaines semaines. C'est en tout cas, sachez-le, un projet auquel le Premier ministre attache personnellement une attention très marquée. C'est là une des voies indispensables qu'il faut emprunter pour que, dans notre pays, la culture devienne réellement, et non plus seulement dans les discours, l'affaire de tous.
    Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre attention et me tiens naturellement à votre disposition pour répondre à vos questions que j'imagine à l'avance nombreuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en arrivons précisément aux questions, monsieur le ministre.
    J'en rappelle les règles. Chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour poser sa question, et le Gouvernement y apporte une réponse si possible brève tout en étant précise.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, ma question porte sur un sujet qui est déjà venu en débat mais auquel vous n'avez pas, à mes yeux, vraiment répondu : à savoir la défense et le maintien du régime des intermittents du spectacle.
    Ce régime n'est ni un privilège ni un coût pour l'économie française. Il découle de la nature même des professions artistiques et culturelles.
    Le système actuel permet une prise en compte réelle, quoique imparfaite, du travail effectif de ces professionnels. Ce travail se compte en milliers d'heures de répétition, de formation continue, d'apprentissage de partitions et de textes, qui ne sont souvent ni déclarées ni rémunérées.
    Le raisonnement comptable du MEDEF, qui préconise dans un document récent de démanteler ce régime pour l'assimiler à celui des intérimaires, est à très courte vue.
    Vous le savez, le spectacle et la création participent de la richesse de notre société non seulement comme facteur d'attraction culturelle, mais aussi comme atout économique et touristique. Le régime des intermittents est clairement reconnu comme moteur essentiel du dynamisme et de la diversité culturels en France.
    Il vous appartient de faire barrage à la volonté du MEDEF qui veut purement et simplement supprimer ce régime.
    Les employeurs regroupés au sein du MEDEF veulent faire porter sur l'Etat et la solidarité nationale le coût de la précarité qu'ils font subir à un nombre grandissant de salariés. L'offensive contre le régime des intermittents participe de celle plus vaste contre l'assurance chômage, que les dégâts du PARE mettent clairement en lumière.
    Il importe donc que vous confirmiez et précisiez votre engagement en faveur du maintien du régime des intermittents, notamment votre décision concernant l'agrément des accords du 15 juin 2000, signés par les partenaires sociaux.
    Je souhaiterais également que vous informiez la représentation nationale des premières conclusions et pistes de réflexion du rapport que vous avez commandé à MM. Klein et Roigt, inspecteurs généraux.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, il est trop tôt pour que je vous communique les conclusions du rapport confié à M. Klein, inspecteur général des affaires culturelles, et à M. Roigt, inspecteur général des affaires sociales. Elles me seront en effet remises à la fin du mois de novembre, conformément au calendrier fixé au moment de l'engagement de la mission.
    Sur le fond, je tiens à vous assurer de notre attachement à un régime d'assurance chômage spécifique pour les techniciens et les personnels artistiques du spectacle vivant et de la production audiovisuelle et cinématographique. Souhaitant sa pérennité, nous devons, avec les partenaires sociaux, tendre à la stabilisation de celui-ci.
    Chaque année se produit depuis de nombreuses années déjà, de façon endémique, une crise de l'intermittence du spectacle. Des menaces pèsent sur ce régime particulier. C'est pour y voir plus clair et pour tenter une démarche de conciliation entre l'ensemble des partenaires de l'UNEDIC que nous avons missionné MM. Klein et Roigt.
    Sachez-le, le Gouvernement sera ferme sur ce point. L'intermittence du spectacle est nécessaire à la vitalité du spectacle vivant et de la production dans notre pays. Nous veillerons à ce que rien ne vienne mettre en cause l'existence de ce régime spécifique.
    Cela étant, l'usage de celui-ci a donné lieu à de très nombreux abus. Les partenaires sociaux, d'ailleurs, en conviennent. Nous sommes décidés à les éradiquer, de façon à donner au régime particulier, prévu par les annexes VIII et X, de l'intermittence du spectacle un équilibre plus satisfaisant.
    Le MEDEF a exprimé à ce sujet des points de vue qui sont étrangers aux nôtres. Mais j'ai constaté avec regret que certaines organisations syndicales, et non des moins influentes, avaient parfois des positions très proches des siennes.
    M. Michel Françaix. C'est vrai, hélas !
    M. le président. Nous passons aux questions du groupe UMP.
    La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.
    Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre, la décentralisation prévoit que tout transfert de compétences s'accompagne d'un transfert de ressources. En matière culturelle, cette réforme suscite deux sources d'inquiétude dont je souhaite me faire le porte-parole.
    Les premières portent sur une éventuelle diminution du pouvoir d'intervention de l'Etat. Tout le monde sait en effet qu'il faut des moyens importants pour initier une véritable impulsion politique en matière culturelle. J'aimerais donc savoir quels types de compétences vous avez l'intention de transférer vers les collectivités locales, quel avenir vous réservez aux services déconcentrés de l'Etat - je pense en particulier aux DRAC - et ce qu'il adviendra du budget de la culture.
    Deuxièmement, d'aucuns craignent que la décentralisation ne creuse les inégalités culturelles entre les régions. J'aimerais connaître, monsieur le ministre, le critère qui présidera à la répartition des crédits. Avez-vous l'intention de rééquilibrer les disparités culturelles sur le territoire ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, vous l'avez observé, l'Etat est le garant de l'égalité de nos concitoyens, et c'est ce qui le distingue des autres collectivités publiques. Les Français sont d'ailleurs très attachés à cet aspect de l'action de l'Etat. J'y reviendrai.
    La décentralisation dans le domaine de la culture est un exercice très particulier dans la mesure où il existe déjà une très large coopération entre l'Etat et les collectivités locales sur l'ensemble du territoire. Pratiquement, aucune action culturelle n'est conduite en propre et de façon solitaire par l'Etat, en dehors des établissements que j'évoquais tout à l'heure.
    Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est redéfinir les règles du jeu - lesquelles sont très souvent contractuelles - qui président aux relations entre l'Etat et les collectivités locales - dans la mise en oeuvre des projets visant au développement culturel de notre pays, c'est tenter de clarifier les compétences respectives des collectivités locales à leurs différents niveaux de responsabilité et c'est également, pour l'Etat, de mieux afficher les priorités de sa politique culturelle et le cadre de son action dans les régions, les départements et les villes.
    Nous avons besoin de clarifier notre position, de mieux dire notre politique, afin que les collectivités locales soient plus aptes à s'engager positivement et volontairement dans les projets et les programmes que nous lançons.
    Pour garantir l'égalité, nous devons prendre en compte les disparités qui existent entre les collectivités locales dans leur capacité à agir, même quand elles ont le même degré de responsabilité. Il n'y a pas de commune mesure entre un département rural et un département urbain, entre l'Ariège et les Hauts-de-Seine, par exemple.
    L'Etat doit également compenser ces inégalités. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il ne le fasse pas.
    M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin.
    M. Emmanuel Hamelin. Monsieur le ministre, les fonds régionaux d'art contemporain - FRAC - ont relancé les acquisitions d'oeuvres d'art contemporain dans les collections publiques, dans l'ensemble des régions françaises. L'intérêt du public pour l'art contemporain, et notamment pour ces collections, reste malgré tout aujourd'hui faible et la connaissance de celui-ci dans ce domaine médiocre.
    Ne vous semblerait-il pas judicieux, monsieur le ministre, à l'occasion des vingt ans des FRAC, de mener une action vigoureuse en liaison avec votre collègue de l'éducation nationale pour sensibiliser le public, et notamment les jeunes, à l'art de la décennie ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, cessons de diviser l'art en catégories : l'art ancien, l'art moderne, l'art contemporain. Notre devoir est d'amener nos concitoyens, notamment les plus jeunes, à aimer l'art en général. Et, quand on se met à aimer l'art, on aime aussi bien Velázquez que Picasso et Fabrice Hybert. Les divisions académiques de l'histoire de l'art ne sont qu'une présentation particulière d'une réalité qui a sa cohérence.
    L'Etat doit, avec les collectivités locales, être le garant d'un meilleur partage de la connaissance et, bien au-delà, de l'amour de l'art. La télévision du service public a un rôle essentiel à jouer à cet égard ; d'où le caractère particulier de ses missions que je n'ai eu de cesse de rappeler.
    L'école également doit jouer un rôle important dans le cadre de ses programmes généraux, littérature et histoire notamment, mais également dans le cadre des programmes spécifiques où se croisent les actions du ministère de l'éducation nationale et celui de la culture, que plusieurs d'entre vous ont évoqués.
    Pour ce qui est des FRAC, nous avons décidé de donner une grande ampleur à la célébration de leur vingtième anniversaire. Ils auront permis la création dans les régions de collections très significatives. Plutôt que d'organiser un seul très grand événement à Paris, comme on me l'avait proposé, j'ai préféré quatre grandes manifestations nationales, financées par le ministère de la culture, en Avignon, à l'occasion du festival, en Arles, à l'occasion des rencontres d'art photographique d'Arles, à Nantes et à Strasbourg. J'ai pris soin de choisir des villes situées aux quatre coins du territoire, mais également, pour bien masquer l'impartialité de l'Etat, de respecter scrupuleusement l'équilibre entre villes de droite et villes de gauche. Il n'en a pas toujours été ainsi.
    M. Hervé de Charette. En effet !
    M. Emmanuel Hamelin et M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour poser une seconde question.
    Mme Muriel Marland-Militello. Monsieur le ministre, vous avez par avance répondu en partie à ma question : elle porte sur le mécénat qui pose un réel problème en France. Sans doute vous sera-t-il difficile de me donner des chiffres plus précis. Je sais qu'une loi est d'ores et déjà en préparation. Pouvez-vous toutefois rassurer nos mécènes et nos fondations en nous faisant part, autant que faire se peut, de sa teneur, de sa date de mise en oeuvre et des mesures qualitatives et quantitatives que vous entendez prendre pour favoriser le mécénat en France ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, je vous ai en effet répondu en grande partie. Le mécénat a été pendant longtemps mal aimé dans notre pays ; il n'est qu'à voir la réticence de certains de mes prédécesseurs à se montrer tout simplement en compagnie de mécènes qui avaient soutenu la réalisation de tel ou tel projet culturel, comme s'il y avait là quelque chose de honteux ! Les mécènes sont nécessaires à la culture. Le développement du mécénat ne dédouane pas du reste les collectivités de leurs responsabilité particulières. Il n'y a rien de contradictoire à souhaiter un engagement plus déterminé de l'autorité publique, Etat et collectivités locales, tout en appelant au développement du mécénat ; c'est au contraire faire preuve de modernité à l'égard de la société française comme de la vie culturelle dans notre pays.
    Cela dit, nous enregistrons d'ores et déjà de réels progrès. Ainsi, grâce à des amendements d'origine parlementaire, la loi sur les musées a été enrichie de deux dispositions permettant aux entreprises de concourir à l'acquisition de trésors nationaux, d'oeuvres arrêtées en douane qui risqueraient de quitter le territoire alors que l'Etat n'a pas la capacité de les acheter. L'utilité de ce dispositif a été unanimement reconnue ; il reste à l'améliorer.
    Je vous ai indiqué tout à l'heure les grandes orientations de la politique que nous entendons mener pour stimuler le ménénat et l'activité des fondations en France. J'espère que les deux assemblées leur réserveront un accueil chaleureux, positif et constructif. La contribution du Parlement est toujours enrichissante et judicieuse. C'est vraiment un grand projet national et nous devons y travailler ensemble.
    M. le président. Nous passons aux questions du groupe socialiste.
    La parole est à M. Michel Françaix.
    M. Michel Françaix. Monsieur le ministre, ma première question a trait à l'éducation artistique.
    De la petite enfance à l'université, dans le temps scolaire comme dans les loisirs, la sensibilisation à l'art est aujourd'hui reconnue, et nous en sommes tous d'accord ici, comme une dimension majeure de la formation de l'individu, de l'épanouissement personnel, de l'insertion sociale, de la construction de la citoyenneté.
    Le changement des pratiques culturelles et la demande croissante de formation font de l'éducation artistique, moyen privilégié d'accès aux oeuvres, une composante essentielle des politiques éducatives et culturelles. L'apparition de phénomènes tels que la baisse de la pratique de la lecture chez les jeunes exige non seulement de poursuivre l'effort engagé depuis dix ans pour favoriser l'accès à la culture, mais aussi de développer l'initiation, l'apprentissage et les formations artistiques.
    Les faits traduisent déjà cette prise de conscience depuis quelques années : à preuve la loi de 1988 sur les enseignements artistiques, la coopération accrue des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et de la culture, qui a permis un développement sans précédent des activités culturelles et artistiques proposées aux jeunes, la multiplication constante sur le terrain d'expériences telles que les classe culturelles, les ateliers de pratique artistique, les contrats ville-enfants, sans oublier la mise en place de nombreux et nouveaux moyens, en postes d'enseignants comme en crédits budgétaires.
    Tous ces efforts doivent être prolongés, amplifiés, consolidés ; vous-même l'avez dit à cette tribune. Malheureusement, cette volonté ne transparaît en rien dans le budget du ministre de l'éducation. Entendez-vous, monsieur le ministre, convaincre votre collègue de l'éducation nationale de la nécessité de s'engager dans une nouvelle étape de la politique conduite depuis dix ans sous la forte impulsion de Jack Lang, afin d'implanter de manière irréversible l'éducation artistique dans un cadre négocié, avec des moyens accrus et des objectifs clairement affichés ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je tiens au préalable à rappeler que l'ensemble des établissements culturels de notre pays, qu'ils soient nationaux ou qu'ils relèvent des collectivités locales, particulièrement des villes, accomplissent un travail énorme en faveur de la familiarisation des jeunes avec la culture. Nos musées sont évidemment au premier rang. Il n'est pas de ville où le musée ne soit un lieu de rencontre, souvent dans le cadre de coopération avec l'éducation nationale, entre les jeunes et la culture. Avec nos bibliothèques, ils jouent un rôle essentiel dans ce processus de démocratisation de la culture.
    Pour ce qui est de son domaine d'action propre, le ministère de la culture doit tout faire pour amplifier l'action pédagogique de nos établissements. A chaque fois que j'ai accru leur dotation budgétaire, qu'ils soient grands ou petits, proches ou éloignés, qu'il s'agisse de fonds d'Etat ou de cofinancements avec les collectivités locales, j'ai toujours indiqué que le renforcement de l'action éducative était à mes yeux une priorité absolue.
    J'observe d'ailleurs que les services éducatifs de bon nombre de nos établissements, parmi lesquels les plus grands, comme le Louvre ou l'Opéra de Paris, réalisent depuis longtemps un travail exceptionnel dont je ne saurais du reste m'attribuer la paternité.
    Se pose en parallèle, c'est évident, la question de la mobilisation du cadre scolaire, école, collège ou lycée, pour amplifier ce travail de familiarisation. Trop de jeunes sortent de l'enseignement secondaire sans avoir finalement pu bénéficier de la moindre familiarisation effective à la culture tant dans sa dimension consacrée et historique que dans sa dimension contemporaine. J'entends donc poursuivre et même amplifier les programmes mis en oeuvre au cours des dernières années, et j'ai déjà veillé à ce que leur dotation soit renforcée.
    Cela dit, l'éducation nationale relève de la responsabilité d'un autre ministère que le mien. C'est la raison pour laquelle je souhaite travailler avec le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, ainsi qu'avec son ministre délégué, M. Darcos, de façon à réellement amplifier cette action commune. Quoi qu'il en soit, c'est là une affaire qui nous concerne, vous et moi, une perspective que je fais mienne, un engagement pour lequel, je vous en donne l'assurance, je me battrai.
    M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour poser une seconde question.
    M. Michel Françaix. Monsieur le ministre, votre réponse, dont je vous remercie, pourrait presque nous rassurer, pour peu que vous parveniez à mener ce travail auprès de vos collègues.
    Ma seconde question porte sur le statut des intermittents du spectacle. Bien des choses ont déjà été dites sur le sujet ; aussi le présenterai-je d'une façon légèrement différente.
    Le doublement des cotisations salariales et patronales à l'UNEDIC a été décidé cet été. Chacun s'accorde à reconnaître le caractère brutal de cette décision - rappelons que le salaire moyen de ces artistes est de 1 250 euros, soit 8 000 francs par mois - qui, de surcroît, ne règle aucun des problèmes auxquels est confronté le système d'assurance chômage des salariés intermittents du spectacle.
    Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à tirer les conséquences de l'inquiétude légitime des professionnels de la culture et à porter un coup d'arrêt au projet du patronat qui vise maintenant à augmenter considérablement le nombre d'heures de travail à effectuer pour bénéficier de l'assurance chômage ?
    « Je suis un arbitre » me répondrez-vous, et c'est bien ce qui m'inquiète. Car, si vous n'êtes qu'un arbitre, nous ne parviendrons jamais à nous sortir de ce dossier. Entendez-vous prendre clairement la défense des petites entreprises du spectacle et de l'audiovisuel ? Serez-vous le ministre de ces artistes « aux privilèges insensés », selon les termes du MEDEF ? La droite ayant été restaurée, le discours patronal faisant son chemin dans l'opinion désabusée, vous contenterez-vous de n'être que le ministre de la fracture culturelle, qui laisserait le champ libre aux projets du MEDEF dans une morne et passive indifférence ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, j'entends que vous avez beaucoup lu Victor Hugo ; vous y avez gagné une très belle langue et vous savez parler des choses graves avec beaucoup d'émotion.
    Vous ne me parlez que du MEDEF. Ainsi que je le disais tout à l'heure, il y a le MEDEF mais, plus largement, les partenaires sociaux.
    M. Michel Françaix. Certes !
    M. le ministre de la culture et de la communication. L'UNEDIC a pris une décision dure en décrétant le doublement des cotisations - pour les intermittents comme du reste pour leurs employeurs. Mais cette décision a été prise avec l'accord de bon nombre d'organisations syndicales : la CFDT, la CFTC et la CGC.
    Ce n'est pas faire preuve de complaisance à l'égard du MEDEF que de le reconnaître, qu'on le veuille ou non, comme un des acteurs de ce dispositif paritaire. La vitalité culturelle de notre pays exige, je l'ai dit, que l'on garantisse la pérennité d'un régime particulier pour les professionnels du spectacle et de l'audiovisuel. Il faut s'attacher à éradiquer les abus, trop nombreux, mais force est de reconnaître que si ce régime spécifique disparaissait ou si l'aménagement des cotisations le rendait de fait impraticable, ce serait un véritable Trafalgar pour la vie culturelle de notre pays. Soyez assuré que le Gouvernement veillera, et sa majorité aussi, à maintenir les dispositions particulières qui régissent la situation des employés intermittents du spectacle et de la production audiovisuelle.
    Dans toutes nos régions, il y a des festivals, des théâtres, des orchestres. Or ce tissu ne fonctionne que grâce à l'intermittence du spectacle. Je le faisais récemment observer au Premier ministre : la musique d'attente que diffuse le téléphone de Matignon est un passage des Indes galantes, enregistrées par les Arts florissants. Or les Arts florissants ne sont pas un orchestre permanent, mais des musiciens intermittents. Partout où il y a une vie culturelle et artistique active, il y a des intermittents. Notre devoir est de combattre les abus pour la survie même du système, tout en rappelant avec force le rôle indispensable des intermittents du spectacle.
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

CULTURE ET COMMUNICATION

    M. le président. J'appelle les crédits inscrits à la ligne : « Culture et communication ».

ÉTAT B
Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires
des services civils (mesures nouvelles)

    « Titre III : 63 343 637 euros ;
    « Titre IV : 39 968 730 euros. »

ÉTAT C
Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital
des services civils (mesures nouvelles)
TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTES PAR L'ETAT

    « Autorisations de programme : 290 611 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 32 342 000 euros. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT
ACCORDÉES PAR L'ETAT

    « Autorisations de programme : 274 036 000 euros ;
    « Crédits de paiement : 162 076 000 euros. »
    Je mets aux voix le titre III.
    (Le titre III est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le titre IV.
    (Le titre IV est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.
    (Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)
    M. le président. J'appelle la ligne 34 de l'état E concernant les taxes sur les spectacles.

ÉTAT E
(Tableau des taxes parafiscales
dont la perception est autorisée en 2003)

LIGNES
2002 2003 DESCRIPTION PRODUIT
pour l'année 2002
ou
la campagne
2001-2002
ÉVALUATION
pour l'année 2002
ou
la campagne
2002-2003
Culture et communication
37 34 Nature de la taxe : 11 080 000 11 080 000
    - taxes sur les spectacles.
Organismes bénéficiaires ou objet :
- association pour le soutien du théâtre privé et association pour le soutien de la chanson, des variétés et du jazz.
Taux et assiette :
- 3,50 % des recettes brutes des théâtres et 3,50 % des recettes brutes des spectacles de variétés.
Textes :
- décret n° 2000-1 du 4 janvier 2000 ;
- arrêté du 4 janvier 2000.
    Je mets aux voix la ligne 34 de l'état E.

    (La ligne 34 de l'état E est adoptée.)
    M. le président. J'appelle l'article 63 rattaché à ce budget.

Article 63

    M. le président. « Art. 63. - Le second alinéa de l'article 10 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Le prix des livres scolaires est identique en métropole et dans les départements d'outre-mer. »
    Je mets aux voix l'article 63.
    (L'article 63 est adopté.)
    M. le président. Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la culture.
    La suite de la deuxième partie du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230) :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 256).
    Economie et finances : charges communes et article 68 ; articles 66 et 67 ; services financiers ; budget annexe des monnaies et médailles ; Trésor et articles 42 à 47 ; commerce extérieur.
    Charges communes :
    M. Daniel Garrigue, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 14 du rapport n° 256).
    Services financiers, Monnaies et médailles :
    M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 19 du rapport n° 256).
    Commerce extérieur :
    M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 15 du rapport n° 256) ;
    M. Jean-Paul Bacquet, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (tome VI de l'avis n° 259) ;
    M. Jean Gaubert, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (tome V de l'avis n° 258).
    Trésor et entreprises publiques :
    M. Michel Diefenbacher, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe n° 43 du rapport n° 256).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2003 (n° 230) :
    Eventuellement, suite de l'ordre du jour de la deuxième séance ;
    Articles non rattachés : articles 49, 50, 51 et 53 à 59 ;
    Articles « Services votés » et articles de récapitulation : articles 35, 36, 37, 40, 41, 49 et 48.
    Eventuellement, seconde délibération.
    La séance est lévée.
    (La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT