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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 20 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 19 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

CONFLIT DES ROUTIERS «...»

MM. Rodolphe Thomas, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

TRANSPORTS ROUTIERS «...»

MM. Jacques Desallangre, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

REDÉPLOIEMENT DE LA POLICES
ET DE LA GENDARMERIE «...»

MM. Jean-Claude Mathis, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

POLITIQUE DE L'EMPLOI «...»

MM. Jean Le Garrec, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

DROITS DES VICTIMES «...»

MM. Michel Diefenbacher, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

COMPÉTITIVITÉ ET INNOVATION «...»

M. Hervé Novelli, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

PROPOS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE «...»

MM. François Loncle, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

CONGÉ DE FIN D'ACTIVITÉ «...»

MM. Bernard Schreiner, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

NAUFRAGE DU PÉTROLIER PRESTIGE «...»

M. Bernard Deflesselles, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

GUADELOUPE «...»

M. Victorin Lurel, Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

GRÈVE DES INSPECTEURS DU PERMIS DE CONDUIRE «...»

MM. Damien Meslot, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

GRÈVE À FRANCE TÉLÉVISIONS «...»

Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
3.  Loi de finances pour 2003. - Explications de vote et vote sur l'ensemble du projet de loi «...».
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Michel Vaxès,
Marc Laffineur,
Didier Migaud,
Nicolas Perruchot.

APPLICATION DE L'ARTICLE 44, ALINÉA 3,
DE LA CONSTITUTION «...»

Adoption, par un seul vote, par scrutin, des dispositions qui ont fait l'objet de la seconde délibération et de l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003.

Suspension et reprise de la séance «...»

4.  Organisation décentralisée de la République. - Discussion d'un projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat «...».

Rappels au règlement «...»

MM. Jacques Brunhes, Jean-Marc Ayrault, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.

Suspension et reprise de la séance «...»
Ouverture de la discussion «...»

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur.

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

M. le président de la commission des lois.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis, pour les articles 3 et 6.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
5.  Nomination d'un député en mission temporaire «...».
6.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

CONFLIT DES ROUTIERS

    M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas.
    M. Rodolphe Thomas. Monsieur le Premier ministre, le conflit des routiers menace de s'enliser dans une grève générale. A quelques semaines des fêtes de fin d'année, le blocage des routes, des raffineries de pétrole ou des grandes surfaces constituerait un handicap très lourd pour l'économie française. Dans le contexte économique incertain que nous connaissons, la France ne peut se permettre une crise de cette ampleur.
    Depuis le début de cette affaire, le ministre des transports, Gilles de Robien, s'est montré un interlocuteur très attentif aux revendications et aux attentes de chacun. Il est vrai que le monde des transports traverse des difficultés ; il doit être aidé et soutenu. Mais il faut, aujourd'hui, sortir de ce conflit qui serait, à terme, destructeur d'emplois et affaiblirait encore un peu plus ce secteur.
    Monsieur le Premier ministre, quelles solutions préconisez-vous pour sortir d'un conflit qui ne doit pas conduire à l'asphyxie de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, la question est, en effet, d'importance, et vous avez raison de souligner le travail qu'ont accompli Gilles de Robien et Dominique Bussereau pour que les négociations engagées aboutissent. Les transporteurs routiers vivent un nouveau conflit social. Il tient à des revendications qui n'ont pas, à ce jour, obtenu satisfaction, et sont donc à l'ordre du jour d'une réunion particulièrement importante qui se tiendra demain.
    Je mesure les difficultés des chauffeurs routiers tant en ce qui concerne leurs conditions de travail que leurs revenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je mesure aussi les difficultés que rencontrent les entreprises de transport routier, notamment petites et moyennes, pour équilibrer leur compte d'exploitation. (Mêmes mouvements.) Je sais enfin que le conflit social fait partie de notre histoire, et donc que, en tant que tel, il est respectable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Raffarin à la CGT !
    M. le Premier ministre. Mais, à la veille d'une négociation décisive, alors que notre pays est soumis aux incertitudes de la croissance internationale, et à une période très importante pour notre activité économique, puisque, vous le savez, une grande majorité des entreprises réalisent la plus grande part de leur chiffre d'affaires à l'occasion des fêtes de Noël et de fin d'année (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), je voudrais que l'on pense à l'emploi de tous les Français et que chacun soit face à ses responsabilités. Je le dis avec solennité devant la représentation nationale : oui au dialogue social, oui aussi, pour tous, à l'esprit de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

TRANSPORTS ROUTIERS

    M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jacques Desallangre. Avant de poser ma question, permettez-moi, monsieur le président, d'exprimer la profonde émotion du groupe communiste et républicain à l'annonce du naufrage du pétrolier Prestige, dont vont s'échapper 70 000 tonnes de brut, générant une pollution sans précédent du milieu vivant marin.
    La répétition scandaleuse de ces catastrophes écologiques majeures est inacceptable. Face aux enjeux économiques, entre l'appât du gain et l'environnement, il faut que les gouvernements européens choisissent. Au-delà des investissements techniques, une décision politique européenne s'impose. Bannissons de nos eaux territoriales les navires sous normes, et demandons aussi à l'OMI qu'elle s'inspire de cette décision.
    Après avoir exprimé notre solidarité aux populations frappées par cette catastrophe, j'en viens à ma question, qui traite elle aussi des problèmes du transport routier. En effet, face aux menaces pour les salariés que renferment les projets du Gouvernement, le climat social s'alourdit, et les mouvements sociaux se multiplient dans l'éducation nationale, le secteur de la santé, à la SNCF, où la déréglementation européenne inquiète le personnel, et chez les salariés du transport routier.
    Les routiers assistent à une dégradation de leurs conditions de travail, qui pèse sur leur sécurité et accroît l'insécurité routière, ainsi que de leurs conditions de rémunération, ce qui justifie le conflit en gestation aujourd'hui. Car s'ils font preuve du sens des responsabilités, ils ont aussi le souci d'être reconnus.
    Le Gouvernement, qui se proclame attaché au dialogue social, assume-t-il sa part de responsabilité ? Tente-t-il de rapprocher les points de vue ? Propose-t-il des solutions pour désamorcer un conflit dont on sait qu'il perturberait en effet gravement l'économie nationale ? N'oublions pas qu'il trouve sa source non seulement dans la position rigide du patronat, mais aussi dans l'attitude des gouvernements européens, qui ont totalement libéralisé le marché.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
    M. le président. Monsieur Desallangre, auriez-vous l'obligeance de poser votre question ?
    M. Jacques Desallangre. La déréglementation ultra-libérale impose aux entreprises françaises une concurrence déloyale qui nuit directement aux routiers. Nul n'ignore que, sur notre sol, circulent des camions conduits par des chauffeurs slovènes, tchèques, roumains (« Raciste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), payés au rabais, et soumis à des conditions de travail inacceptables. Or la réponse des employeurs français face à cette pression scandaleuse, c'est toujours plus de contraintes pour le chauffeur, toujours plus de rigueur salariale.
    M. le président. Monsieur Desallangre !
    M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre des transports, qu'entendez-vous faire concrètement pour apaiser le conflit qui gronde et pour rétablir une concurrence juste et loyale qui réduirait les difficultés de nos transporteurs, ...
    M. le président. Monsieur Desallangre, ne m'obligez pas à vous interrompre !
    M. Jacques Desallangre. ... et améliorerait les conditions de travail ainsi que la rémunération de leurs salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, après l'appel à l'esprit de responsabilité que vient de lancer M. le Premier ministre, je répondrai sur la réglementation européenne, en vous disant, à vous et à l'ensemble des salariés du monde du transport, que jamais le gouvernement français ne transigera sur les questions de sécurité et de dumping social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Dominique Bussereau et moi-même sommes, tant à Luxembourg qu'à Bruxelles, extrêmement vigilants en ce qui concerne le temps de conduite et de repos des chauffeurs routiers.
    A propos de l'Europe, on ne peut pas parler de déréglementation.
    M. André Gerin. Mais si !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ainsi deux textes de loi, l'un sur la formation des conducteurs, l'autre sur leurs conditions de recrutement, préservent les droits des chauffeurs routiers en France. Que ceux-ci soient donc rassurés quant à l'extension européenne de leurs possibilités d'agir. Je vous rassure : la France pèse de tout son poids pour que la libéralisation ne se traduise par un moins-disant social et pour que soient harmonisées les règles de ce que l'on appelle le « cabotage routier ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Gerin. C'est faux !

REDÉPLOIEMENT DE LA POLICE
ET DE LA GENDARMERIE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jean-Claude Mathis. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité et des libertés locales, hier, à Troyes, dans le département de l'Aube, vous avez donné concrètement le coup d'envoi du processus de redéploiement des forces de police et de gendarmerie.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô !
    M. Jean-Claude Mathis. Vous y avez affirmé avec force vouloir conduire cette réforme « avec des effectifs en augmentation et sans réduction de services ».
    Les personnels concernés par les mesures que vous allez prendre, aussi bien les policiers que les gendarmes, sont très attentifs à la façon dont ce projet va se mettre en place.
    Comme vous le savez également, s'est ouverte aujourd'hui l'assemblée générale de l'association des maires de France. Les maires - et nous somme nombreux, dans cet hémicycle, à être investis de responsabilités locales - attendent beaucoup de ce redéploiement, comme le prouve un récent sondage. Cependant, et c'est bien légitime, ils craignent de voir diminuer les effectifs dont leur commune dispose actuellement.
    M. Jacques Desallangre. Ils n'ont pas tort !
    M. Jean Claude Mathis. Vous avez reçu en fin de semaine dernière les propositions des préfets sur cette réforme. Pouvez-vous, monsieur le ministre, indiquer à la représentation nationale les premières conclusions que vous en tirez ?
    Par ailleurs, pouvez-vous dès à présent rassurer l'ensemble des acteurs concernés par cette réforme et, enfin, pouvez-vous tracer le plan d'action que vous entendez mettre en oeuvre aussi bien à court qu'à long terme afin de mener à bien la réforme engagée, pour la satisfaction du plus grand nombre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, oui, les élus sont inquiets ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et ils le sont pour la bonne raison que, avec la réforme avortée de 1998, on a voulu leur faire croire qu'on pouvait remplacer 3 000 policiers par 1 200 gendarmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ils ont peur qu'un gouvernement différent veuille appliquer la même politique. Il faut donc être clair et prendre un engagement solennel : il n'y aura pas de réduction du service public de la sécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Comment cela se traduit-il ?
    Grâce aux arbitrages rendus par M. Raffarin, les créations d'effectifs permettront de remplacer, là où il le faut, les policiers par autant ou plus de gendarmes. Ainsi, à Romilly, les 38 policiers ont été remplacés par 39 gendarmes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) La gendarmerie nouvelle de Romilly sera ouverte de jour comme de nuit et l'agglomération troyenne recevra 41 fonctionnaires de police de plus. (« Oh ! » sur les mêmes bancs.) C'est un système gagnant - gagnant qui permettra à chacun d'avoir une meilleure sécurité.
    J'ajoute que j'ai reçu 80 % des propositions, que je prendrai dix nouvelles décisions de redéploiement d'ici à la fin du mois de novembre, trente d'ici à la fin de l'année, et que j'irai moi-même, tous les dix jours, présenter chaque projet de redéploiement, ...
    M. André Gerin. Quel travailleur !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... avec l'obsession, mesdames et messieurs de l'opposition, de ne surtout pas faire comme vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. Démagogie.

POLITIQUE DE L'EMPLOI

    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le Premier ministre, vous êtes, dit-on, un spécialiste de la communication. Mais la communication a ses limites et elle ne peut gommer la réalité du programme que vous mettez en place. Pour la mettre en évidence, je vais me contenter d'énumérer quelques-unes des décisions que vous avez prises.
    Premièrement, vous avez mis fin au programme emplois-jeunes, programme novateur et ambitieux qui a mobilisé des centaines de milliers de jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Deuxièmement, vous avez donné un coup d'arrêt aux 35 heures. Il y aura désormais deux catégories de salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Marsaudon. Et avant ?
    M. Jean Le Garrec. Troisièmement, vous avez, sans aucune concertation, supprimé le congé de fin d'activité pour les fonctionnaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quatrièmement, le budget relatif à l'emploi prévoit moins de CES, moins de CEC et pas de bourses pour le programme TRACE, destiné aux salariés et aux jeunes les plus en difficulté.
    Cinquièmement, votre gouvernement adopte un projet de loi remettant en cause les protections en cas de licenciement économique, au moment où se multiplient - j'emploie le mot brutal utilisé par les syndicats - les « charrettes » de licenciements. (« Grâce à vous ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Sixièmement, votre gouvernement donne son accord au doublement des cotisations sociales des intermittents du spectacle.
    Septièmement, M. Mattei considère qu'il faut en finir avec le « tout-gratuit » en matière de santé, ce qui est insupportable quand on connaît les conditions de remboursement par la sécurité sociale, et il rejette la responsabilité sur le patient.
    M. Jean Marsaudon. La question !
    M. Jean Le Garrec. J'arrête là ma liste, et je vous dis, au nom de "la France d'en bas - expression extrêmement déplaisante - que vous mettez en place un programme ultra conservateur. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur le Garrec, posez votre question !
    M. Jean Le Garrec. Vous avez dit : « La pente est rude. » Je considère pour ma part qu'elle devient abrupte pour des millions de salariés.
    Que faites-vous pour résoudre les problèmes d'emploi de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, merci de cette question qui démontre à l'évidence que vous n'avez pas été et que vous n'êtes toujours pas à l'écoute des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Lesquels ?
    M. le Premier ministre. C'est vrai, je n'ai pas, comme mon prédécesseur, le goût de marteler systématiquement le bilan de toutes les décisions prises, parce que je sais que les Français n'accordent de l'importance qu'aux décisions qui sont à prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Je suis engagé par un discours de politique générale qui a été approuvé par la représentation nationale et, semaine après semaine, je déroule (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) avec l'ensemble de mon gouvernement, les décisions, ainsi que nous avions promis de le faire.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Absolument !
    Mme Martine David. Vous faites surtout de la casse !
    M. le Premier ministre. D'abord, et vous l'oubliez, il s'agissait de rétablir l'autorité républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Car où est la liberté, où est l'égalité, où est la fraternité sans la sécurité intérieure mais aussi extérieure ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme !
    M. Bernard Roman. Que le Premier ministre réponde à la question posée !
    M. le Premier ministre. Vous n'avez pas l'air de prêter attention à la situation internationale. Pourtant, elle est menaçante et exige que la France soit tout entière mobilisée pour sa défense et pour sa sécurité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    En deuxième lieu, il convenait de libérer les forces vives de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et c'est pourquoi nous avons assoupli les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et allégé des charges sociales afin de stimuler le dynamisme des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous n'avons pas la même conception de l'action politique.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Certes non !
    M. le Premier ministre. Je respecte les vôtres, je respecte vos convictions...
    M. Bernard Roman. Alors, répondez à la question posée !
    M. le Premier ministre... et vos propositions ; je demande simplement que vous respectiez ce que je suis en train de vous dire, qui est l'expression de l'action gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Libérer les forces vives, c'est aussi libérer nos territoires et passer à l'acte II de la décentralisation, comme nous nous y sommes engagés.
    Troisièmement, nous avons pris des engagements en matière de justice sociale. C'est pourquoi je vous demande à tous de travailler, au-delà des clivages partisans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), sur le dossier très important des retraites, qui concerne nos enfants et l'avenir de notre pays, et pas nos étiquettes politiques ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est le prochain dossier qui sera soumis au Parlement.
    Le Gouvernement est engagé avec modestie et sans triomphalisme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
    Mme Martine David. Dites-le à Sarkozy.
    M. le Premier ministre. Je sais que cela dérange, mais ce n'est pas pour cela que nous changerons.
    M. Edouard Landrain. Très bien.
    M. le ministre. Le Gouvernement, disais-je, est engagé sur deux principes : autorité mais aussi humanité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. Démagogie !

DROITS DES VICTIMES

    M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.
    M. Michel Diefenbacher. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    Monsieur le ministre, 4 061 792 : c'est le nombre des crimes et délits commis en France en 2001 ; c'est un triste record, c'est aussi, pour le nouveau gouvernement et sa majorité, un lourd héritage ; 487 267, c'est le nombre de victimes supplémentaires dû à la croissance de la criminalité et de la délinquance entre 1998 et 2001 : c'est plus que la population de la ville de Lyon.
    Au-delà des chiffres, il y a surtout la réalité humaine, la douleur des victimes, femmes et hommes de toutes conditions et de toutes origines ; et, au-delà du tapage médiatique, il y a trop souvent le silence de ces victimes, qui se sont senties trop longtemps oubliées et qui ressentent cet oubli comme une seconde agression.
    La loi d'orientation et de programmation pour la justice que nous avons votée cet été comporte un ensemble de mesures destinées à garantir les droits des victimes et à traduire la solidarité de l'Etat. Ces droits seraient lettre morte sans une information complète et constante dès le dépôt de plainte et tout au long des différentes étapes de la procédure judiciaire. Or cette information est aujourd'hui encore beaucoup trop partielle.
    Monsieur le ministre, après avoir reçu les différentes associations de victimes, vous les avez toutes réunies, hier, à la chancellerie, pour confronter leurs points de vue, analyser leurs propositions, dégager des mesures concrètes. Je souhaiterais que vous puissiez informer la représentation nationale des conclusions de cette réunion et des solutions qui seront mises en oeuvre pour assurer aux victimes l'information et la protection auxquelles elles ont droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. En effet, monsieur le député, après avoir reçu toutes les associations de victimes ou de familles de victimes depuis deux mois, j'ai organisé hier une réunion globale où chacune était représentée, afin de réfléchir avec elles aux mesures les plus appropriées pour replacer la victime au centre du débat pénal et faire en sorte en particulier que les victimes soient mieux informées du déroulement des procédures.
    Dès le dépôt de plainte, dès le début de la procédure, les victimes doivent être informées et avoir accès à l'avocat de leur choix.
    Par ailleurs, des explications doivent être données aux victimes sur les décisions du parquet et des juges d'instruction, et je souhaite donner aux magistrats la consigne d'expliquer leurs décisions, même lorsqu'il s'agit d'un classement sans suite. Il convient aussi d'expliquer les différents éléments de la procédure.
    Enfin, l'ensemble des responsables de notre système judiciaire doit être mieux formé à l'écoute des victimes.
    A la veille de la journée de l'enfance maltraitée, nous nous sommes mis d'accord avec un certain nombre d'associations sur le fait qu'il fallait améliorer l'écoute de l'enfant maltraité et faire en sorte que, contrairement à ce qui se passe trop souvent, à partir du signalement d'une maltraitance, une écoute suffisamment précise et bien faite permette ensuite un déroulement convenable de l'ensemble de la procédure sans qu'on soit obligé de revenir à nouveau vers l'enfant.
    Nous ferons des propositions très concrètes, qui concerneront l'organisation des juridictions, comme celle de la police, de la gendarmerie et des établissements hospitaliers, pour que l'ensemble des services concernés puissent assurer une écoute de qualité.
    Le deuxième axe de nos travaux a porté sur la solidarité, c'est-à-dire l'indemnisation des victimes.
    M. le président. Monsieur le ministre, s'il vous plaît.
    M. le garde des sceaux. La mesure centrale sur laquelle nous nous sommes mis d'accord, c'est la mise en place d'un barème indicatif national, qui permettra aux juges comme aux assureurs de se référer à une structure de coûts reconnue par les uns et par les autres.
    Vous l'avez compris, monsieur le député, il s'agit effectivement de redonner à la victime la place qu'elle aurait dû toujours avoir dans le procès pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

COMPÉTITIVITÉ ET INNOVATION

    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, pour le groupe UMP.
    M. Hervé Novelli. Madame la ministre déléguée à l'industrie, les résultats du récent rapport révélant le recul de notre pays en matière de compétitivité sont accablants (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), mais malheureusement logiques car la compétitivité, qui nourrit la croissance et donc l'emploi, joue sur les trois leviers que sont le travail, le capital et l'innovation.
    Si l'on surtaxe à outrance le capital, comme aujourd'hui dans notre pays, il se dissimule ou s'expatrie.
    M. Philippe Briand. Tout à fait !
    M. Hervé Novelli. Si l'on surcharge à l'excès le travail, si on le rigidifie à l'extrême, comme avec la loi dite de modernisation sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), si on le raréfie artificiellement, en instituant par exemple dans un passé funeste les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), il fuit.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Absolument !
    M. Hervé Novelli. Il est un point important qui pèse pour moitié dans la croissance future, c'est l'innovation.
    L'innovation se nourrit de liberté : mobilité des chercheurs, accueil indifféremment dans les laboratoires et les grands organismes de recherche, liberté enfin concernant la pleine propriété intellectuelle de leurs découvertes.
    L'innovation se nourrit aussi des dispositions réglementaires et fiscales qui peuvent la favoriser dans l'ensemble des entreprises.
    Les innovateurs français, c'est-à-dire l'ensemble des entrepreneurs, des cadres, des dirigeants et, au-delà, de tous ceux qui veulent créer dans ce pays, pourront-ils compter dès 2003 sur des mesures qui nous feront regagner bientôt une partie de la compétitivité perdue du fait de plusieurs années d'immobilisme et d'archaïsme socialiste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, le plan de soutien à l'innovation industrielle que je prépare actuellement en association avec M. Francis Mer et en étroite concertation avec Mme Claudie Haigneré ira tout à fait dans la direction que vous souhaitez. Il visera en effet à mobiliser l'ensemble de l'industrie française, et non pas seulement certains secteurs.
    Aujourd'hui, il est une réalité dans le contexte de la mondialisation des échanges : toute entreprise qui n'est pas innovante risque de se condamner à disparaître.
    M. Jean Glavany. C'est une découverte !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous avons malheureusement pris un très grand retard. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Eh oui ! Les dépenses d'innovation, de recherche et de développement des entreprises privées françaises sont de 25 % à 40 % inférieures à celles des entreprises allemandes, japonaises et américaines, et je regrette sincèrement que, pour des raisons idéologiques (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), le gouvernement précédent n'ait pas saisi la chance d'années de croissance exceptionnelle (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour asseoir durablement le dynamisme économique durable des entreprises.
    M. François Goulard. Excellent !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je regrette qu'il ait cédé à certains des siens pour qui l'entreprise reste a priori suspecte, alors qu'elle est source de richesses et d'emploi. Je regrette qu'il ait préféré des lois d'affichage aux mesures réelles que nous attendions.
    Nous, nous allons agir (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. le président. S'il vous plaît !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie ... par le levier réglementaire, par le levier fiscal, par une sensibilisation permettant de restaurer une culture de l'innovation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous allons travailler en étroite concertation avec les industriels concernés, et avec la représentation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et nous rechercherons les mesures les plus efficaces. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, ce n'est pas la peine de crier !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. La philosophie politique qui va nous guider sera, c'est vrai, résolument différente de celle des années passées. Il est grand temps de réhabiliter l'entreprise et de libérer ses forces créatrices. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

PROPOS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE

    M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste.
    M. François Loncle. Monsieur le Premier ministre, si, tout à l'heure, nous avons très légitimement et très calmement protesté pendant votre réponse (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. le président. Monsieur Loncle, on ne proteste pas calmement !
    M. François Loncle. Si ! Nous en sommes capables ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    ... c'est tout simplement parce que vous n'avez pas répondu point par point à l'excellente interpellation de M. Le Garrec. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) La raison d'être des questions au Gouvernement, c'est précisément d'obtenir des réponses aux questions que l'on pose.
    M. François Loncle. Ma question s'adresse à M. Francis Mer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    Lors du dernier conseil des ministres, relatant votre entretien avec le responsable de la Bundesbank, vous avez déclaré que, selon ce dernier, la seule solution pour relancer l'économie était la guerre. Et vous avez ajouté devant vos collègues quelque peu abasourdis : « Je pense exactement comme lui ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ces propos ont été rapportés par Le Figaro, qui n'est pas un quotidien spécialement à gauche, et m'ont été confirmés par l'un de vos collègues.
    Nous souhaitons savoir tout simplement si cette étonnante et détonante sortie est un dérapage de plus dans votre expression politique (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ou si elle correspond, si j'ose dire, au fond de votre pensée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je vous en prie !
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, jamais je n'aurais cru devoir rappeler dans cette enceinte la haine que j'ai de la guerre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Comme vous tous, je déteste la guerre. Comme vous tous, je sais qu'aucune raison, aucun argument, y compris économique, ne peut amener à justifier une telle évolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Martine David. Pourquoi avez-vous dit cela, alors ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement, en espérant que nous pourrons aller jusqu'au bout de notre politique, a créé, je le rappelle, les conditions permettant d'éviter un risque majeur de guerre en Irak. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Glavany. Double langage !
    Mme Martine David. C'est de la brasse coulée !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En tant que ministre de l'économie, je suis cependant obligé de vous confirmer qu'un certain nombre d'acteurs économiques dans le monde, constatant l'incertitude dans laquelle nous évoluons, n'ayant pas la capacité de prendre le moindre risque majeur, souhaitent, non pas la guerre, mais la fin de cette incertitude.
    Je partage leur souhait qu'il y ait une solution le plus rapidement possible, en espérant bien évidemment de tout mon coeur qu'elle sera pacifique.
    M. Arnaud Montebourg et M. Bruno Le Roux. Alors, vous l'avez dit ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Un peu de silence !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En tant que personne, monsieur le député, je peux vous assurer que je ferai tout pour me ranger du côté de ceux qui résolvent les problèmes de manière pacifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

CONGÉ DE FIN D'ACTIVITÉ

    M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner, pour le groupe UMP.
    M. Bernard Schreiner. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ; elle porte sur le congé de fin d'activité, le CFA.
    Depuis sa création, en 1996, ce dispositif a été reconduit afin de permettre au fonctionnaire ou à l'agent non titulaire de cesser son activité avant soixante ans. Son bénéficiaire perçoit 75 % du traitement brut pour le premier et environ 70 % pour le second. En contrepartie, il devait répondre à certains critères en matière d'activité, et acceptait l'interruption de son avancement ainsi que la constitution de ses droits à la retraite. A la fin de 2001, environ 13 000 fonctionnaires et agents non titulaires avaient fait ce choix.
    La reconduction de ce dispositif était donc très attendue pour l'année à venir. Or, lors de la discussion du budget, la représentation nationale...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. La majorité !
    M. Bernard Schreiner ... a adopté un amendement prévoyant son extinction progressive.
    Les organisations syndicales vous font le reproche de ne pas respecter le dialogue social...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    M. Bernard Schreiner. ... et certains responsables de l'opposition craignent que vous ne procédiez de la même manière lors de la réforme des retraites, question que, faut-il le rappeler, ils n'ont jamais eu le courage d'aborder en leur temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ma question est double : pouvez-vous préciser votre position concernant le congé de fin d'activité et quelle sera votre méthode pour conduire la réforme des retraites dans les mois à venir ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de dire, en m'exprimant au nom de l'ensemble du Gouvernement, que je partage l'indignation de Francis Mer devant des déclarations qui portaient atteinte à son honneur (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et qui méconnaissaient, de surcroît, l'action du Gouvernement en faveur de la paix. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Qui a dit le contraire ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Concernant le congé de fin d'activité, seront mis en débat dans les négociations sur les retraites les dispositifs facilitant la liberté de choisir l'âge de la retraite.
    Pour la fonction publique, il y a deux dispositifs. La cessation progressive d'activité, créée en 1982, permet aux agents qui le souhaitent de réduire de 50 % leur activité tout en conservant 80 % de leur rémunération. Ce dispositif est permanent. Ce n'est pas le cas du congé de fin d'activité qui, créé en 1996 et calqué sur le privé, permet, sous certaines conditions d'âge et de durée de cotisations que vous avez rappelées, de partir en retraite anticipée. Sa reconduction est discutée chaque année au Parlement lors de l'examen de la loi de finances.
    M. Jean-Marc Ayrault. Pourquoi l'avez-vous supprimé ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. J'estime que ce dispositif est contraire à l'exigence de qualité du service public (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) en privant celui-ci des compétences et des expériences dont il a besoin, surtout compte tenu du choc démographique qui s'annonce. Dès les premières rencontres avec les organisations syndicales, j'ai clairement indiqué que, à terme, sa suppression devait être envisagée.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dès lors, trois solutions s'offraient à nous : la non-reconduction dès cette année, la reconduction pour un an avec suppression l'année prochaine, ou une extinction progressive. Nous avons choisi la dernière solution pour deux raisons : sauvegarder cette possibilité pour les agents à la date du 31 décembre 2002 et ne pas s'écarter des décisions prises en accord avec les organisations syndicales dans le secteur privé. Cette décision n'a pas d'incidence sur les débats qui se dérouleront à partir de février et que j'aurai à conduire avec les organisations syndicales de la fonction publique.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous aurons à assumer nos choix, avec une exigence que le Premier ministre vient de rappeler : sauver nos systèmes de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

NAUFRAGE DU PÉTROLIER PRESTIGE

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe UMP.
    M. Bernard Deflesselles. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Madame la ministre, en tant que vice-présidente du conseil régional des Pays de la Loire, vous avez activement participé à la gestion des conséquences de la marée noire de l'Erika en 1999. Vous avez pu constater à quel point un évenément de ce type pouvait constituer une véritable catastrophe écologique.
    M. Jacques Desallangre. Ce n'est pas la première fois !
    M. Bernard Deflesselles. Vous savez aussi, comme moi, que notre état d'impréparation collective, parfois doublé, ces dernières années, d'absences ministérielles sur le terrain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), a pu conduire à des erreurs dans la lutte contre la pollution et dans le nettoyage de nos côtes et de nos plages. A l'évidence, nous n'avons pas su tirer tous les enseignements de la catastrophe de l'Amoco Cadiz, il y a vingt ans. Aujourd'hui, le naufrage du pétrolier Prestige nous remet en mémoire ce triste 12 décembre 1999. Les similitudes sont nombreuses : même type de bateau, construit la même année, dans le même état de délabrement.
    M. Jacques Desallangre. Que fait l'Europe ?
    M. Bernard Deflesselles. Depuis samedi, un début de marée noire touche les côtes galiciennes. Certes, les côtes françaises paraissent loin, mais une combinaison de vents forts et de courants dominants peut les exposer. Par ailleurs, le navire est lourdement chargé d'un pétrole dont les caractéristiques l'apparentent à celui que transportait l'Erika, dont vous savez, madame la ministre, qu'il est particulièrement difficile de le traiter ou de le pomper en mer.
    Dans ces conditions, et au cas où la marée noire toucherait nos côtes, que comptez-vous faire pour ne pas reproduire les erreurs d'un passé trop récent ? A plus long terme, quel plan d'action proposez-vous pour protéger notre littoral, qui est régulièrement menacé, et faire cesser la souffrance des femmes et des hommes désespérés par ces catastrophes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Avec le naufrage du Prestige, nous vivons en effet une catastrophe écologique qui doit mobiliser toute notre attention et toute notre vigilance. La solidarité de la France vis-à-vis de l'Espagne est totale.
    M. François Goulard. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Dès jeudi, la marine nationale a dépêché un bâtiment Ailette équipé d'un système dépollueur. Dès vendredi, nous avons envoyé un avion des douanes, qui surveille régulièrement la nappe, son étendue et son évolution.
    M. Jean-Pierre Brard. Nous voilà rassurés !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mes services, le Centre de documentation de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux et moi-même sommes à la disposition des autorités espagnoles. Samedi, j'ai pris contact avec mon homologue espagnol, Jaume Matas Palou, pour l'assurer que la France mettait à sa disposition ses capacités d'intervention et d'expertise. La catastrophe écologique se précise.
    M. Jacques Desallangre. Comment !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. A huit heures, ce matin, le pétrolier Prestige s'est fendu en deux, et nous avons appris il y a quelques minutes que la partie arrière du pétrolier venait de sombrer. Les côtes de Galice sont touchées et les activités de pêche à cet endroit sont arrêtées.
    Nous continuons la surveillance. Un Falcon 50 de la marine nationale surveille l'ouvert du golfe de Gascogne pour vérifier que la pollution n'arrive pas sur nos côtes, et contrôle tous les mouvements afférents à cette pollution.
    Qu'avons-nous fait ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Rien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Vous l'avez dit, la région des Pays de la Loire a été durement touchée par la catastrophe de l'Erika. Aussi, dès mon arrivée au ministère, j'ai fait un bilan des actions entreprises.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Des exercices antipollution ont été conduits, une formation des services déconcentrés de l'Etat a été assurée, un comité d'experts a été nommé,...
    M. Henri Emmanuelli. Et les armateurs ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... on a amélioré les outils de connaissance de dérive des nappes et des hydrocarbures. Tout cela n'est pas suffisant.
    M. Jacques Dessallangre. Absolument pas !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ai voulu compléter ce dispositif par une meilleure connaissance des écosystèmes et de leur capacité à se régénérer, par le nettoyage écologique des plages et la gestion des déchets ramassés, car il ne faut pas ajouter une catastrophe écologique à une autre catastrophe écologique.
    M. Henri Emmanuelli. N'oubliez pas les armateurs !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, je peux vous assurer de la mobilisation totale du Gouvernement. Avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, nous avons renforcé le contrôle dans les ports.
    M. Jean-Pierre Defontaine. C'est de la répression qu'il faut maintenant !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Des discussions se poursuivent, aussi bien sur le plan européen que sur le plan international, pour que soient enfin mises en oeuvre des règles de contrôle et de sécurité. La catastrophe que nous vivons doit être, une fois de plus, une leçon. La mobilisation de la France est totale. Cette mobilisation doit aussi concerner l'Europe et la communauté internationale, comme l'a réclamé le président Jacques Chirac il y a déjà plusieurs mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

GUADELOUPE

    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste.
    M. Victorin Lurel. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    La Guadeloupe, encore la Guadeloupe ! Des propos injurieux ont très récemment été tenus contre la Guadeloupe. Le pays de Guadeloupe n'est pas tel que M. Pélisson l'a dépeint dans son courrier à ses amis de l'Elysée. Mon île n'est pas celle que dépeignent L'Express et, plus généralement, la presse nationale, dans une vision entretenue par d'aucuns, flattée complaisamment par d'autres, et bénéficiant à mon sens d'une trop grande connivence au sein du Gouvernement, par omission ou par inertie.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
    M. Victorin Lurel. Tout mouvement social, dans un pays qui a la dimension de mon île, est forcément amplifié et entraîne naturellement une embolisation partielle de l'économie et des activités. La Guadeloupe n'a pas le monopole de ces situations. Cela méritait-il un tel ramdam médiatique ? La Guadeloupe, en pleine turbulence économique et sociale, n'avait pas besoin de ce regard condescendant, misérabiliste et stigmatisant que certains propos ministériels peu soupesés, non mesurés, ont manifestement encouragé.
    M. Pierre Lellouche. C'est elle qui l'a cherché !
    M. Victorin Lurel. Je me fais là l'interprète de milliers de compatriotes qui ont vécu douloureusement les crachats qu'on leur a si abondamment servis et dont le seul tort, aux yeux du groupe Accor, est d'avoir les mêmes droits sociaux qu'en métropole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La Guadeloupe en crise a besoin de compréhension, d'accompagnement et de soutien, non de la volée de bois vert qui lui est si généreusement infligée.
    M. Pierre Lellouche. Démago !
    M. Victorin Lurel. Monsieur le Premier ministre, face à la situation générale en Guadeloupe, face à la crise du tourisme, du transport aérien, du transport terrestre, du transport maritime, face à la crise prononcée de la banane et de la canne, face - j'y insiste - à la cessation de paiements de l'université Antilles-Guyane, qui ne peut pas payer ses fonctionnaires,...
    M. Georges Tron. La question !
    M. Victorin Lurel ... face à l'urgence et à l'absence de la dynamique créée par la loi d'orientation pour l'outre-mer, que vous avez cassée par un budget de l'outre-mer en régression, dites-nous, s'il vous plaît, ce que vous comptez faire pour sortir du virtuel et du logomachique, pour prendre des mesures immédiates, très loin de la promesse d'une lointaine et chimérique loi de programmation pour quinze ans.
    M. le président. Monsieur Lurel, veuillez poser votre question.
    M. Victorin Lurel. La Guadeloupe, blessée, attend des actes. Etonnez-nous. L'Etat est absent de mon département depuis six mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Philippe Briand. C'est scandaleux ! Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Là où je suis d'accord avec vous, monsieur Lurel, c'est pour dénoncer - comme je n'ai cessé de le faire ces derniers jours - le décalage que nous observons entre des événements qui se passent en Guadeloupe, qui ne sont hélas pas nouveaux et qui s'expliquent par une situation économique et sociale dont nous avons hérité et qui n'est pas bonne (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. François Hollande. Parlez-nous donc de Mme Michaux-Chevry !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... et leur amplification médiatique. Nous n'y sommes pour rien, le Gouvernement n'y est pour rien. La Route du rhum arrive dans quelques jours et la presse métropolitaine se précipite sur le moindre événement.
    Certes, la situation du département est préoccupante, mais il faut faire une distinction très nette entre des mouvements nouveaux et l'action d'une minorité qui, ces jours-ci, n'a pas hésité à s'attaquer à un dépôt de carburant classé site Seveso 2, tentant d'y mettre le feu, au péril de la vie de la population. Nous devons dénoncer fermement de tels actes. Nous avons obtenu des renforts qui ont rapidement rétabli l'ordre.
    M. Albert Facon. Merci Sarkozy !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je tiens d'ailleurs à saluer les forces de l'ordre et à rappeler que cinq gendarmes ont été blessés dans cette opération, dont deux grièvement.
    Evitons les amalgames. De telles actions sont de véritables opérations de commando que nous dénonçons avec fermeté.
    A la suite de ces événements, nous avons rétabli l'Etat de droit. La situation se caractérise par des conflits sociaux fréquents résultant de l'absence d'un dialogue social que le précédent gouvernement n'a pas été capable de mettre en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Augustin Bonrepaux. Et vous, que faites vous ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, calmez-vous !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Certes, je lui en donne acte, il a mis en place dans l'île voisine une structure de dialogue social, mais il n'a eu ni l'audace ni le bon sens de l'étendre à la Guadeloupe. Nous allons le faire. Nous avons dégagé des moyens financiers pour cela : sans dialogue social et sans apaisement, nous ne pourrons pas mener un développement économique serein. Pour ce faire, les mesures d'inertie ne sont pas utiles, monsieur Lurel, mais, grâce à une loi de programme sur quinze ans,...
    M. le président. Madame la ministre, s'il vous plaît...
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... nous instaurerons une logique d'activité et non pas d'assistanat...
    M. Daniel Vaillant. Toujours la même chose !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... dans ces départements d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

GRÈVE DES INSPECTEURS
DU PERMIS DE CONDUIRE

    M. le président. La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe UMP.
    M. Damien Meslot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    Les inspecteurs du permis de conduire entament leur cinquième semaine de grève, ce qui a de graves conséquences pour les candidats au permis de conduire et pour les exploitants d'auto-écoles.
    Mme Martine David. C'est le bazar, en France !
    M. Damien Meslot. En effet, ce conflit empêche des dizaines de milliers de jeunes de passer leur permis de conduire, entraîne des pertes financières importantes pour les auto-écoles et les oblige à mettre leur personnel en chômage technique. Cet état de fait engendre également des tensions de plus en plus vives.
    Mme Martine David. Il y a vraiment du désordre dans notre pays !
    M. Damien Meslot. Hier soir, dans le territoire de Belfort, un exploitant d'auto-école a été agressé par un élève. Le moral des responsables et des moniteurs d'auto-écoles est au plus bas et j'ai pu le constater hier en recevant à ma permanence les représentants de la profession de mon département.
    Monsieur le ministre, comment entendez-vous agir pour mettre un terme à ce conflit ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour les auto-écoles qui rencontrent aujourd'hui de sérieux problèmes de trésorerie ? Comment pensez-vous résorber le délai d'attente pour le passage du permis de conduire qui va résulter de ce conflit social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Meslot, vous avez raison : ce conflit empoisonne à la fois les auto-écoles, qui sont souvent de petites entreprises comptant un, deux ou trois salariés, et la vie des candidats au permis de conduire, qui attendent parfois sa délivrance pour trouver ou conserver un emploi.
    M. François Hollande. Qu'est-ce que vous faites ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce conflit a commencé le 21 octobre. A l'époque, on comptait un peu plus de 60 % de grévistes, qui formulaient trois revendications.
    La première était la mise en place de la réduction du temps de travail. C'est réglé : 38 heures et demie par semaine et vingt jours de RTT.
    La deuxième revendication portait sur les primes sur salaire pour 2003 : c'est réglé et accepté.
    La troisième revendication était que, dans certains départements, pour des raisons de sécurité, la décision de l'inspecteur soit envoyée au candidat et non plus communiquée sur place : c'est réglé. Des instructions ont été données aux préfets.
    Il n'y a plus aujourd'hui que 30 % de grévistes, mais c'est évidemment encore beaucoup trop. Il reste en effet une quatrième revendication. Nous avons souhaité rattacher, à partir du 1er janvier 2003, les inspecteurs du permis de conduire aux directions départementales de l'équipement, de même que les inspecteurs de l'éducation nationale sont rattachés aux inspections d'académie et les inspecteurs de police aux directions départementales de sécurité publique. Dans un souci d'assouplissement, nous avons reporté au 31 mars l'application de cette mesure de proximité entre les administrés et l'administration, qui améliorera les conditions de travail des inspecteurs et les conditions d'accueil des candidats au permis de conduire.
    Nous avons déjà reçu cinq fois les représentants syndicaux, trois fois au ministère et deux fois à mon cabinet. Ce soir, à dix-huit heures, je reçois le secrétaire général du syndicat FO qui, jusqu'à présent, préconisait la grève. J'espère parvenir à un résultat : le bon sens doit l'emporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et UDF et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

GRÈVE À FRANCE TÉLÉVISIONS

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe UMP.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, depuis plusieurs jours, les chaînes publiques de télévision sont en grève.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Encore des grèves !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela traduit un malaise auquel il faut apporter une réponse. Les chaînes publiques sont un élément fort de l'audiovisuel français. Elles ont des missions spécifiques définies par leur cahier des charges et doivent respecter, entre autres, des objectifs qualitatifs. C'est la raison pour laquelle les Français sont attachés à leur télévision nationale, qui échappe aux dérives de la course forcenée à l'Audimat.
    Les chaînes publiques ne doivent pas pour autant être figées dans l'immobilisme. Il faut qu'elles évoluent, l'enjeu étant de concilier cette évolution avec les missions de service public et le respect des règles qualitatives ou déontologiques de base.
    Ma question est simple. Tous les Français souhaitent que l'audiovisuel public reparte correctement, ils souhaitent retrouver au plus vite leurs émissions nationales et surtout régionales. Quelles sont, monsieur le ministre, vos intentions pour sortir correctement de la crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Madame la députée, le Gouvernement est, comme vous, attaché à l'existence d'un audiovisuel public singulier et fort, engagé dans ses missions d'information...
    M. Jacques Myard. De désinformation, en l'occurrence !
    M. le ministre de la culture et de la communication.
... de débats, de diffusions culturelles, d'ouverture au monde et d'ouverture du monde à tous, et notamment aux jeunes.
    M. François Goulard. Ça laisse à désirer !
    M. le ministre de la culture et de la communication. C'est dans cet esprit que le Gouvernement a engagé avec France Télévisions la réactualisation du contrat d'objectifs et de moyens. Nous y travaillons et je tiens à marquer ma totale confiance dans la capacité des responsables de France Télévisions, de son président, des directeurs des différentes antennes à conduire ce travail de réactualisation avec le Gouvernement.
    Nous sommes convaincus de la nécessité d'un service public, nous sommes également convaincus de la nécessité de sa singularité.
    Si c'est une incertitude quant à la détermination du Gouvernement à ce sujet qui a pu inspirer la grève, j'espère que mes paroles sauront rassurer les grévistes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'observe que la grève est également motivée par des revendications salariales. J'estime quant à moi que c'est dans le cadre des entreprises que la négociation doit avoir lieu, et cela dans les limites du cadrage budgétaire de 2002, voté par la précédente majorité, et de 2003, quand le budget de la communication aura été voté.
    M. Philippe Briand. Il n'y a qu'à privatiser !
    M. le ministre de la culture et de la communication.
    Enfin, madame la députée, je tiens à vous dire que je suis, comme l'ensemble du Gouvernement, infiniment respectueux du droit de grève. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J'estime toutefois également qu'à ce droit de grève doit répondre l'affirmation de la nécessité du respect de la liberté du travail. Or j'observe que, dans certaines entreprises, des entraves caractérisées ont été mises à cette liberté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Goulard. C'est scandaleux !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Je le regrette et le condamne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Mes chers collègues, il y a 170 ans que notre assemblée siège dans cet hémicycle tel qu'il a été inauguré le 19 novembre 1832.

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 6 décembre 2002 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.
    Tout d'abord, j'appelle l'attention sur les dispositions prises par la Conférence des présidents pour permettre à l'Assemblée de tenir un débat sur l'avenir de l'Europe le mardi 3 décembre, après les questions au Gouvernement.
    M. Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention sur l'avenir de l'Europe, prendra part à ce débat.
    Par ailleurs, en application de l'article 65-1 du règlement, la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet relatif à la programmation militaire auraient lieu le mercredi 4 décembre, après les questions au Gouvernement.
    Enfin, elle a fixé au mardi 10 décembre, après les questions au Gouvernement, la prestation de serment des juges élus par l'Assemblée à la Haute Cour de justice et à la Cour de justice de la République.

3

LOI DE FINANCES POUR 2003

Explications de vote
et vote sur l'ensemble du projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003.
    Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du règlement.
    La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant que votre assemblée ne procède au vote en première lecture de l'ensemble du projet de loi de finances pour l'année 2003, je voudrais souligner la qualité des échanges qui se sont déroulés dans cet hémicycle et remercier tout particulièrement le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, le rapporteur général, Gilles Carrez, l'ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis des différentes commissions, les députés de la commission des finances ainsi que l'ensemble des députés qui ont participé aux débats. Je ne voudrais pas non plus oublier les fonctionnaires de l'Assemblée nationale, qui ont permis le bon déroulement de nos discussions, parfois tardives.
    Alain Lambert, qui a consacré beaucoup de temps à défendre devant vous ce budget avec compétence, acharnement et persévérance rappellera dans quelques instants les nombreux amendements que vous avez adoptés et qui ont permis d'améliorer le texte initial. Par la qualité de vos travaux et de vos interventions, vous avez tous contribué de façon constructive à l'élaboration de ce projet de loi de finances.
    Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous faire part de quelques réflexions de nature plus générale, car je souhaite, avec Alain Lambert, approfondir la qualité de notre dialogue économique, tout en tirant un bilan déjà positif de nos premières innovations méthodologiques.
    D'abord, il nous faut réfléchir ensemble sur la manière dont nous pouvons mieux articuler le débat économique et la présentation du budget.
    Vous le savez, le présent budget s'inscrit dans un contexte macro-économique structurellement très fluctuant. Au cours de nos échanges, chaque fois que cela était possible, nous avons essayé de vous apporter les derniers éléments de conjoncture en notre possession afin d'éclairer les débats ; je continue de le faire aujourd'hui.
    Les incertitudes internationales, notamment le risque d'un conflit en Irak, ont indéniablement pesé sur la conjoncture mondiale au cours des derniers mois. En France, comme dans le reste de l'Europe, elles ont incité les grandes entreprises, plus que les petites, à différer leurs investissements et la reconstitution de leurs stocks, qui sont pour la plupart à des niveaux très faibles ; la production a ainsi récemment marqué le pas, en particulier dans l'industrie.
    La perspective d'un redémarrage ne semble pas pour autant remise en cause.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En France, les revenus et la demande des ménages font preuve d'une bonne tenue : les dernières statistiques montrent d'ailleurs que l'emploi salarié et les salaires ont bien résisté au troisième trimestre. Les baisses d'impôts tombent donc à point nommé pour soutenir le pouvoir d'achat dans cette période incertaine.
    De même, les niveaux de confiance et de consommation des ménages se sont maintenus au cours des derniers mois, et des informations récentes laissent à penser que, en octobre, les ventes du secteur du grand commerce sont restées assez dynamiques.
    Dans ce contexte, les patrons des petites et moyennes entreprises semblent retrouver le moral et, avec lui, l'envie d'embaucher et d'investir.
    Dans l'industrie, la dernière enquête de la Banque de France fait également état d'un raffermissement des commandes. L'ajustement de l'investissement dans l'industrie pourrait donc toucher à sa fin, et ce au moment où la dernière enquête de l'INSEE montre que les entreprises jugent plus favorablement leurs conditions de financement et leurs perspectives de résultats.
    M. Didier Migaud. C'est la méthode Coué !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dans ce contexte, rien ne s'opposerait à une certaine reprise de l'investissement et de l'activité, dès lors que l'hypothèque irakienne serait véritablement levée - scénario dont nous nous sommes peut-être rapprochés au cours des derniers jours.
    Mieux articuler la réflexion économique et l'action budgétaire, c'est également à quoi nous invitent les innovations introduites par la loi organique à travers la présentation d'une programmation pluriannuelle des finances publiques associée au projet de loi de finances.
    Au moment où un débat national s'engage sur la compétitivité du site France et l'attractivité de notre territoire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), je pense qu'il est essentiel que nous réfléchissions ensemble à notre politique fiscale.
    Pour la première fois, un débat sur les prélèvements obligatoires a eu lieu devant la représentation nationale. J'y ai participé avec intérêt car je crois qu'il est essentiel de débattre du poids de notre fiscalité, de l'étendue et de la structure de nos dépenses publiques. L'objectif du Gouvernement est, vous le savez, de redonner à notre pays toute son attractivité, pour que les Français puissent y travailler et entreprendre avec toute la motivation nécessaire, tout en bénéficiant d'un environnement économique et social propice au progrès.
    Rendre la France plus compétitive, c'est accroître les revenus des Français, donc augmenter les emplois en France. Ce thème essentiel, qui justifie nos décisions de baisse des impôts et des charges, constitue un fil rouge qui court tout au long de ce budget et qui, au-delà, inspire l'action gouvernementale.
    Début 2003, nous reviendrons vers vous avec de nouveaux textes allant dans ce sens, notamment le projet de loi sur l'initiative économique.
    Dernière innovation que je souhaite saluer : l'accent mis sur le cadre pluriannuel à travers la programmation des finances publiques pour 2004-2006. Nous sommes ainsi en mesure de dépasser l'horizon budgétaire pour replacer notre action dans une dynamique permettant de maîtriser la dépense publique et de réduire le déficit. Pour accomplir cette tâche très lourde, nous devons consentir un effort considérable visant à réformer l'Etat, à décentraliser et à changer les mentalités. Nous avons aussi, Alain Lambert et moi-même, besoin d'innover dans nos propres méthodes de travail.
    M. Augustin Bonrepaux. En effet !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sachez que nous y sommes résolus.
    En engageant, dès le mois de janvier prochain, les discussions avec les autres ministres sur les réformes et les économies possibles, nous voulons aider tous les acteurs à faire de leur budget un instrument de changement en profondeur dans leurs pratiques et leurs organisations.
    En procédant à un gel de crédits dès le début de l'année,...
    M. Augustin Bonrepaux. A quoi bon voter un budget, si c'est pour geler immédiatement des crédits ?
    M. Didier Migaud. Nous en appelons à vous, monsieur le président ! Où est le pouvoir de l'Assemblée ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... nous voulons encourager les ordonnateurs à prendre leurs responsabilités et à optimiser la gestion de leurs crédits, en toute transparence.
    La situation budgétaire doit nous inciter à être à la fois imaginatifs et rigoureux. Pour avancer résolument dans cette voie, nous avons besoin du soutien de la représentation nationale.
    Voilà donc, énoncé en quelques mots, l'essentiel de la philosophie qui anime le Gouvernement.
    Je vous invite donc, mesdames, messieurs les députés, à adopter le projet de loi de finances pour 2003. Il reste certainement de nombreux progrès à accomplir. L'ensemble du Gouvernement y travaille dans l'esprit des engagements qu'il a pris et qui visent à restaurer l'autorité de l'Etat par l'amélioration de la sécurité de nos concitoyens, à soutenir la croissance et l'emploi par la baisse des impôts et des charges en faveur des ménages et des entreprises et à préparer l'avenir par la préservation des chances de nos enfants grâce à une meilleure gestion de nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Didier Migaud. Ça commence bien !
    M. Augustin Bonrepaux. A peine votés, les crédits sont réduits !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgetaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je m'associe aux remerciements qui viennent d'être adressés par Francis Mer à tous les acteurs de la discussion budgétaire, en me permettant de distinguer le rapporteur général, car je connais le poids de la mission qui est la sienne et qu'il exerce avec tant de compétence, et M. le président de la commission des finances.
    Je ne m'étendrai pas longuement sur les fruits de cette discussion, puisque nous en avons parlé dans la nuit de vendredi à samedi dernier, à cinq heures du matin. Je tiens, en ce 170e anniversaire de votre hémicycle où s'exerce la démocratie parlementaire, à souligner qu'il faut aller au-delà des milliers d'éléments que recèle un budget pour s'arrêter en y insistant sur le sens profond du vote que la représentation nationale émettra dans quelques instants.
    Mesdames, messieurs les députés, vous représentez le peuple français et vous avez reçu la belle, l'unique et la souveraine mission d'autoriser l'impôt et de veiller à ce qu'il soit employé au mieux des attentes et des intérêts de nos compatriotes. (« C'est juste ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pour l'essentiel, vous autorisez le prélèvement de 250 milliards d'euros, soit 1 600 milliards de francs, sur le fruit du travail des Français ; telle est la signification principale du vote sur la première partie de la loi de finances.
    Quant au vote de la seconde partie, c'est-à-dire celui des dépenses, il vise à répondre aux attentes fortes de nos compatriotes, qui veulent que, pour chaque euro d'impôt levé le service rendu soit le meilleur possible. Le bon budget ne peut plus être le budget qui augmente seulement sans apporter une plus-value pour les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Reconnaissons humblement qu'en matière de gestion publique, de maîtrise des dépenses publiques, d'immenses progrès restent à accomplir. A ce propos, qu'il me soit permis de faire écho à quelques critiques, ou regrets, qui se sont exprimés très tard dans la nuit de vendredi à samedi, car j'avais promis aux orateurs de répondre aujourd'hui.
    M. Didier Migaud. Ça, c'est pour le président de la commission des finances !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cette longue discussion a-t-elle un sens tant en raison des aléas qui pèsent sur l'exécution du budget qu'en raison des faibles modifications des masses de crédits soumises à votre examen ? Soyons concrets.
    S'agissant des recettes, et donc des impôts payés par les Français, est-ce un acte banal d'autoriser 250 milliards d'euros de prélèvements, est-ce un acte banal de prélever 1 600 milliards de francs sur le fruit du travail des Français ? Je ne le crois pas.
    M. Hervé de Charette. Vous avez raison !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est pour ça que nous voulons nous faire entendre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Serions-nous las de la démocratie au point de perdre la foi et la fierté d'incarner le peuple français et de détenir le pouvoir régalien de lever l'impôt ? Croyez-le bien, mesdames, messieurs les députés, vous n'avez pas perdu votre temps en exerçant la mission pour laquelle vous avez été élus, autoriser l'impôt.
    S'agissant des dépenses, je n'imagine pas que la majorité, et même certains députés de l'opposition, notamment Didier Migaud, je n'imagine pas, dis-je, qu'une immense majorité de l'Assemblée interprète son pouvoir d'autoriser les crédits comme une obligation de les dépenser. D'ailleurs, je me réfère à un bon auteur, M. Didier Migaud, avec lequel j'ai eu l'honneur de travailler sur la réforme de l'ordonnance organique que nous appelons la LOLF. Dans son rapport n° 2908 du 31 janvier 2001, n'écrivait-il pas que l'autorisation parlementaire traduite dans les crédits votés n'emportait pas l'obligation de dépenser ? Monsieur le député, je partage cette affirmation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Charles Cova. Vous avez de bonnes lectures !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au moment où nos compatriotes marquent leur volonté qu'un usage plus responsable soit fait de l'argent prélevé,...
    M. Hervé de Charette. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à être très attentifs sur l'évolution de la dépense publique, ce cancer qui ronge nos finances publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ne voulant esquiver aucune des questions qui m'ont été posées très tard dans la nuit de vendredi, et puisque Augustin Bonrepaux a semblé se préoccuper de ce sujet, je voudrais évoquer plus précisément la régulation budgétaire.
    M. Didier Migaud. M. Bonrepaux a raison de s'en inquiéter !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. N'esquivons pas ce débat.
    M. Augustin Bonrepaux. Faites-nous confiance !
    M. Jean-Louis Idiart. L'opposition ne l'esquivera pas !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Quel est l'instrument - je parle toujours sous le contrôle de M. Didier Migaud - consacré par la LOLF et utilisé par tous les gouvernements, qui permet de piloter de manière responsable la dépense et le solde budgétaires ?
    M. Augustin Bonrepaux. Pas dès qu'on vote le budget ! Ce n'est pas sérieux !
    M. Bernard Carayon. Silence, la montagne !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est une première !
    M. le président. Messieurs, je vous en prie !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le précédent gouvernement utilisait pour qualifier la régulation budgétaire le terme pudique de « contrat de gestion », sans craindre l'hypocrisie qui pouvait laisser croire que c'étaient les ministères dépensiers qui demandaient eux-mêmes cette régulation. Le Gouvernement a souhaité, dans l'esprit de la LOLF, procéder à la mise en réserve d'une faible fraction des crédits en début d'exercice, afin de libérer immédiatement et irrévocablement la part la plus importante des moyens des services.
    M. Michel Bouvard. Ecoutez ça, messieurs !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cela offre aux ministères la visibilité dont ils ont besoin pour gérer les crédits avec plus de parcimonie.
    M. Jean-Yves Chamard. En effet !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Aucun gouvernement, aucune majorité n'a contesté la nécessité de donner à l'exécutif les moyens de faire face à une détérioration éventuelle de l'équilibre de gestion défini par la loi de finances. Cette souplesse de gestion a toujours été indispensable, elle l'est plus encore en période de volatilité de la conjoncture économique.
    En revanche, le Gouvernement s'est engagé à assurer cette régulation dans une transparence jamais atteinte à l'égard du Parlement et des commissions des finances. C'est ainsi que les prochaines mises en réserve seront présentées aux commissions des finances avant d'être signifiées aux ministères concernés, afin que celles-ci puissent faire connaître leur avis.
    En conclusion, le Gouvernement est entré de manière irréversible vis-à-vis du Parlement et des Français, dans une relation de vérité et de sincérité sur les comptes publics. Plus rien ne pourra arrêter cette démarche de vérité et de sincérité car c'est une démarche de responsabilité politique. Elle porte d'ailleurs un nom simple et beau : la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la première lecture du projet de loi de finances pour 2003 s'achève donc. Ce projet donne les moyens de mener la nouvelle politique voulue par les Français.
    M. Patrick Braouezec. Non !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il engage la démarche que le Gouvernement et sa majorité poursuivront ces prochaines années.
    Prudence, sincérité, détermination : telles sont les caractéristiques qui ont marqué ce premier budget.
    Prudence, d'abord, dans le cadrage économique.
    Nous avons voulu éviter deux écueils, dont, en premier lieu, l'expérience manquée du précédent budget.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons en effet refusé les facilités d'un prétendu volontarisme qui, au bout du compte, n'a réussi qu'à laisser filer les dépenses et les déficits et à augmenter la charge des dettes à rembourser.
    Mais nous avons aussi refusé la précipitation, en nous inscrivant dans la durée de la législature : ce budget proscrit les choix budgétaires intempestifs qui risqueraient de compromettre le niveau de l'activité. En revanche, il a pour ambition de consolider nos finances publiques, pour les rétablir, demain, de façon durable en baissant les déficits.
    Sincérité, ensuite. Dans l'esprit de la réforme budgétaire instituée par la loi organique sur les lois de finances, notre évaluation des recettes nous met à l'abri de révisions douloureuses, comme celles que nous avons vécues au printemps 2002.
    M. Didier Migaud. On en reparlera !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et cela même si la croissance de 2,5 % n'est pas exactement au rendez-vous.
    M. Jean-Marie Aubron. Quel aveu !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. D'ailleurs, messieurs les ministres, il serait souhaitable que vous preniez en compte dans le projet de loi de finances pour 2003, encore en discussion, les conséquences, certes limitées mais réelles, de la moins bonne tenue des recettes fiscales depuis l'été dernier.
    M. Didier Migaud. Oui, vraiment, quel aveu !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce souci de sincérité, pour ainsi dire au jour le jour, tranche avec les pratiques du gouvernement précédent.
    M. Jean-Yves Chamard et M. Michel Bouvard. Très juste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette exigence de sincérité totale vaut non seulement pour solder les handicaps hérités de la gestion précédente...
    M. Didier Migaud. Vous les avez aggravés !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais aussi pour mettre en oeuvre nos propres choix.
    Détermination, enfin. Je l'ai dit vendredi dernier, il faut que le Gouvernement poursuive et amplifie son effort d'économies dans le cadre des crédits ouverts.
    M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut qu'il continue de réformer l'Etat pour le rendre plus efficace, pour offrir un meilleur service à un coût moindre à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Dans cet effort - nous le répétons, messieurs les ministres -, la commission des finances et notre assemblée veulent et doivent être étroitement associées.
    Soulignons pour conclure que la seconde délibération a pris en compte la totalité des propositions que notre assemblée avait retenues dans la nuit de vendredi à samedi.
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez fait preuve, monsieur le ministre du budget, d'une grande faculté d'écoute et d'un esprit constructif à l'égard de tous nos amendements.
    M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas exagérer. La convivialité, la courtoisie, d'accord. Pour le reste...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le débat va maintenant se poursuivre au Sénat. Nous serons attentifs à ce que le dialogue entre les deux assemblées soit fructueux au service de la nouvelle politique voulue par les Français.
    Je souhaite remercier tous nos collègues qui ont été très actifs pendant cette discussion budgétaire, ainsi que les services de l'Assemblée, vous remercier, monsieur le président, pour votre participation active à ce débat, ...
    M. Jean-Pierre Brard. Cela mérite une mention spéciale !
    M. Guy Drut. C'est un excellent président !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... ainsi que vous, messieurs les ministres, et vos collaborateurs.
    A présent, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le projet de budget pour 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les deux parties du projet de loi de finances pour 2003, présentées par le Gouvernement et approuvées par la majorité, s'inscrivent dans une grande cohérence idéologique, au service des dogmes libéraux mais à mille lieues des attentes de notre peuple.
    Dans un contexte économique incertain de baisse de la croissance et d'augmentation du chômage, le groupe des députés communistes et républicains a voté, le 22 octobre dernier, contre la partie recettes de ce projet de loi qu'il considére injuste fiscalement, injuste socialement et inefficace économiquement.
    A grands coups de réductions d'impôts, de déductions fiscales et d'abattements, le Gouvernement a, fait le choix délibéré de ne favoriser que les plus hauts revenus. Ce choix de privilégier celles et ceux qui en ont le moins besoin est non seulement injuste mais il ignore avec superbe les besoins d'une économie qui devrait répondre aux aspirations du plus grand nombre, à l'intérêt général. Nous le savons bien, en effet, les cadeaux fiscaux serviront pour l'essentiel à alimenter l'épargne, la spéculation financière qui pèse déjà si négativement sur l'investissement utile et l'emploi.
    Alors qu'il aurait fallu, comme nous le préconisons, augmenter le pouvoir d'achat des revenus les plus bas, réduire les taxes à la consommation, abaisser le coût du crédit pour les investissements riches en emplois, afin précisément de relancer par la consommation l'emploi et la production, votre parti pris idéologique vous conduit à alléger les cotisations patronales sans contrepartie pour l'emploi et le pouvoir d'achat.
    La partie dépenses du projet de loi de finances pour 2003 est venue renforcer nos inquiétudes et celles, nous en sommes persuadés, d'un grand nombre de nos concitoyens.
    Ainsi, vous consacrez plus des deux tiers des hausses de crédits à concrétiser des choix politiques critiquables et critiqués en matière de défense nationale, de justice et de sécurité, au détriment des budgets porteurs d'avenir et de justice sociale indispensables pour prendre en compte les besoins urgents et prioritaires de la grande majorité des Françaises et des Français.
    Vous refusez de donner un coup de pouce au SMIC, vous décidez de mettre un terme aux emplois jeunes, vous supprimez des emplois d'éducation et de service à l'éducation nationale.
    M. Michel Bouvard. C'est vous-mêmes qui aviez décidé d'y mettre un terme !
    M. Michel Vaxès. Vous allez au devant des exigences du MEDEF en cassant le processus de réduction du temps de travail, en réformant la loi de modernisation sociale, et servez ainsi, au nom de « la liberté d'entreprendre », les logiques de régression sociale de votre système.
    M. Bernard Carayon. C'est un comble !
    M. Michel Vaxès. Pour ces mêmes raisons, les budgets de l'éducation, de la culture, de la recherche, de la santé, de l'emploi et du logement sont marqués par des reculs significatifs au moment même où la situation appelle plus de moyens et de solidarité nationale dans tous ces domaines.
    Voilà qui illustre parfaitement le rôle que vous voulez faire jouer à l'Etat et que préfigure votre projet de loi de décentralisation, dont notre assemblée discutera cet après-midi. Bien qu'extrêmement flou, ce projet de loi ne parvient pas à cacher vos sombres desseins. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est peut-être pourquoi seuls les parlementaires de l'UMP ont eu droit à une explication de texte de la part du Premier ministre. Encore que cela n'ait pas suffi, semble-t-il, à les convaincre tous, si l'on en croit quelques récents commentaires de presse. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Dans L'Humanité !
    M. Michel Vaxès. Curieuse façon de mener le débat démocratique.
    En fait, votre objectif est le désengagement progressif de l'Etat de sa responsabilité à garantir la solidarité nationale.
    Les collectivités territoriales seront ainsi contraintes de prendre le relais d'un Etat démissionnaire, renonçant à répondre aux besoins d'éducation, de santé, de logement, de culture, de recherche. Les citoyens ne seront plus égaux selon les régions. Non seulement la pression fiscale locale augmentera pour compenser des transferts de compétences sans moyens de les assumer, mais les Françaises et les Français devront également, face à vos projets concernant la sécurité sociale, les services publics et les retraites, payer plus pour se soigner, pour se loger, pour se garantir une retraite décente, pour éduquer leurs enfants, pour avoir accès à l'énergie et à bien d'autres services. En vérité, vous cassez les valeurs les plus généreuses de la République.
    Votre projet de loi de finances pour 2003 aggravera les inégalités sociales en portant atteinte à la solidarité nationale.
    C'est pour toutes ces raisons que les députés communistes et républicains voteront contre la loi de finances pour 2003.
    M. Alain Bocquet. Bravo !
    M. Michel Vaxès. En le faisant, nous sommes certains d'être les porte-parole de ces millions d'hommes, de femmes, de jeunes oubliés ou victimes de votre politique, cette « France d'en bas », comme vous dites, avec laquelle nous sommes déterminés à agir pour faire valoir ses droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Abrioux. Vous ne représentez plus personne !
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Marc Laffineur. Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais d'abord remercier MM. les ministres pour l'excellent climat qui a régné pendant la discussion budgétaire.
    M. Patrick Braouezec. Entre vous peut-être !
    M. Marc Laffineur. Il a permis de faire adopter de très nombreux amendements.
    Ce budget, qui est le premier du nouveau gouvernement, permet de respecter les promesses faites par le Président de la République pendant les dernières élections.
    C'est un budget de rupture, car il est tourné vers l'emploi et les familles. En diminuant l'impôt sur le revenu et en augmentant la prime pour l'emploi, il permet de relancer la consommation. En augmentant, pour la première fois depuis cinq ans, l'investissement, il permet de donner du travail aux entreprises. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. En tous cas, il donne du travail à M. Laffineur !
    M. le président. Vous n'avez pas la parole, monsieur Brard.
    M. Marc Laffineur. Ce budget donne au Gouvernement les moyens de répondre aux priorités des Français.
    Il donne plus de moyens à la justice, afin de la rendre plus efficace et plus rapide.
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. Marc Laffineur. Il donne plus de moyens à la sécurité, en augmentant les effectifs de la gendarmerie et de la police.
    M. Christian Cabal. Très bien !
    M. Marc Laffineur. Il donne plus de moyens à la défense, en redonnant à nos armées la possibilité de remettre leurs matériels en état de marche.
    M. François-Michel Gonnot. Enfin !
    M. Marc Laffineur. C'est aussi un budget tourné vers la solidarité et l'aide au développement des pays les plus pauvres. Alors que celle-ci n'avait cessé de baisser depuis cinq ans, enfin, elle remonte.
    C'est un budget en outre plus transparent, qui marque l'arrêt de la dégradation des déficits et des dérives des finances publiques.
    J'ai bien noté, monsieur le ministre, votre volonté de redonner de la compétitivité à notre économie, et donc de diminuer les impôts et les charges. Mais, pour cela, il faudra diminuer les dépenses publiques. Les députés de l'UMP sont prêts à vous aider, dès le mois de janvier, dans cette tâche.
    Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle votera ce budget, qui permettra à la France de retrouver sa compétitivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Migaud, pour le groupe socialiste.
    M. Didier Migaud. Messieurs les ministres, je m'associe aux remerciements qui ont été exprimés et je me réjouis de la cordialité qui a présidé à nos débats. Toutefois, l'examen des dépenses n'a pas modifié notre jugement sur votre projet de budget. Il l'a même conforté, s'il en était besoin.
    Votre projet de budget est effectivement injuste. Nous avons eu l'occasion de dire combien, malheureusement, il accentuera les inégalités. Il est à contre-emploi à partir du moment où il ne soutiendra pas la consommation, moteur de la croissance. L'emploi n'est plus prioritaire, contrairement à ce que vient de dire M. Laffineur, et les dépenses d'avenir sont sacrifiées.
    Bref, ce projet de budget est contraire aux intérêts du plus grand nombre et du pays. Mais il s'agit au surplus d'un budget virtuel, irréel et insincère.
    Vos hypothèses de croissance sont irréalistes, ce que vous avez vous-mêmes reconnu en certaines occasions, dans des élans de sincérité.
    Pas un seul économiste, pas un seul institut de conjoncture, pas une seule institution, dans le monde et en France, ne prévoit pour la France une croissance supérieure à 2 % en 2003.
    M. François Goulard. C'est faux !
    M. Didier Migaud. L'attitude que vous adoptez est d'autant plus dangereuse que vous avez, depuis le mois de juin, aggravé la situation en augmentant le déficit budgétaire de près d'un demi-point de PIB. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il est regrettable, que vous ayez ainsi amené la Commission européenne à engager des procédures disciplinaires contre la France. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
    J'ajoute que l'Etat n'est plus en mesure d'honorer ses autorisations de programme car un certain nombre de crédits de paiement ne sont plus délégués dans les départements pour faire face aux dépenses d'investissement. (Mêmes mouvements.)
    M. Dominique Dord. Vous connaissez ça par coeur !
    M. Didier Migaud. Tout aussi grave est le fait que le budget sur lequel nous allons nous prononcer ne sera pas celui qui sera exécuté, ainsi que vous venez, messieurs les ministres, de le reconnaître.
    L'examen de la partie « dépenses » a confirmé le sentiment de cacophonie que nous avions éprouvé.
    Le ministre des affaires sociales et ceux qui sont chargés de l'éducation annoncent des dispositifs nouveaux alors que leurs budgets accusent des réductions. Et, dans le même temps, messieurs les ministres, vous nous annoncez un plan de régulation budgétaire, c'est-à-dire un gel des crédits, dès le mois de janvier.
    On sait qu'un train peut en cacher un autre. Un projet de budget peut aussi en cacher un autre, et c'est ce qui a fait dire à Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, qui, je crois, a mesuré ses propos, que l'hypocrisie altérait la qualité des débats. Le rapporteur général s'est exprimé pratiquement dans les mêmes termes, mêmes s'ils étaient un peu plus diplomatiques, et le premier président de la Cour des comptes s'est également interrogé sur cette procédure.
    Monsieur le ministre délégué au budget, vous avez eu la délicatesse de me citer. Permettez-moi dès lors de me référer à un rapport dont vous êtes l'auteur et qui est intitulé : En finir avec le mensonge budgétaire. Pourquoi alors ne révisez-vous pas vos hypothèses de croissance et votre projet de budget ? La sincérité est, ainsi que vous l'avez dit, un devoir politique. Mais c'est aussi une exigence juridique. Il vous faut donc mettre en harmonie vos discours et vos actes.
    Pour toutes ces raisons, le projet de budget qui nous est soumis est injuste, à contre-emploi, inefficace, irréel, insincère et, selon les propos mêmes du président de la commission des finances, hypocrite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Dans ces conditions, nous appelons à voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe UDF.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en dépit d'un héritage catastrophique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), le Gouvernement nous a proposé un budget qui est équilibré et va dans la bonne direction. Nous aurions cependant aimé qu'il aille plus vite et plus loin.
    Je souhaiterais tout d'abord vous remercier, messieurs les ministres, d'avoir tenu compte de plusieurs de nos préoccupations. J'en citerai quatre, qui nous tiennent particulièrement à coeur.
    En premier lieu, le budget de 2003 comporte un certain nombre de mesures en faveur de l'emploi et des salariés modestes, parmi lesquelles la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle, le rétablissement partiel de la réduction d'impôt de 1997 pour les emplois à domicile, l'extension de la baisse des charges patronales en échange de la hausse du SMIC et l'amélioration de la prime pour l'emploi pour les salariés à temps partiel.
    Le groupe UDF est heureux d'avoir contribué, par sa parole parfois critique au sein de la majorité, à placer l'emploi au centre de la stratégie fiscale du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    En second lieu, le Gouvernement a présenté des mesures bienvenues en faveur des familles. Nous espérons qu'il sera plus ambitieux l'année prochaine...
    M. Maurice Leroy. Très bien !
    M. Nicolas Perruchot. ... car nous avons besoin d'une vraie politique de la famille qui épargne à toutes les familles d'arbitrer entre enfants et argent. A cet égard, il serait souhaitable de ne pas perpétuer le financement de mesures « vieillesse » par la branche « famille ».
    En troisième lieu, le Gouvernement a osé engager le débat sur la liberté de fixation des taux des impôts locaux par les collectivités locales. Le groupe UDF juge que cet effort est de bon augure et souhaite que les débats sur la décentralisation soient l'occasion d'aller plus loin dans ce sens. Il est temps, me semble-t-il, de faire confiance aux élus locaux.
    En quatrième lieu, nous tenons à remercier les députés de gauche et de droite qui ont soutenu notre amendement visant à étendre l'indemnisation dont bénéficient les enfants de déportés juifs morts en déportation à tous les orphelins de déportés. Nous aurions souhaité proposer plus qu'une réduction d'impôts, qui ne touchera que les personnes imposables, mais l'article 40 de la Constitution l'interdit. Seul le Gouvernement peut proposer la mesure juste, j'espère qu'il nous entendra.
    Nous avions proposé de nombreuses mesures fiscales pour relancer l'actionnariat populaire, relatives notamment au seuil d'exonération des plus-values dans certaines conditions et à l'assouplissement des règles, aujourd'hui très restrictives, d'imputation des moins-values.
    A l'évidence, la commission des finances du Sénat partage notre vision et nous espérons que, par la suite, à l'occasion de la prochaine lecture du projet de loi de finances ou de la discussion du projet de loi Agir pour l'initiative économique, nous pourrons revenir sur ces questions qui sont la clé du rétablissement de la confiance des petits épargnants, lesquels, soumis à une forte contrainte de liquidités, seraient les premiers bénéficiaires de ces mesures.
    Par ailleurs, il faut enfin rendre le débat budgétaire sincère et non virtuel. Je vous remercie, messieurs les ministres, d'avoir pris des engagements en ce sens en annonçant la suppression du FOREC en 2004 et un dialogue budgétaire continu avec les parlementaires. Mais nous pensons qu'il faut aller plus loin.
    D'abord, il faudra dorénavant, pour redonner du crédit au débat budgétaire, proposer un budget ajustable, avec plusieurs hypothèses de croissance permettant d'identifier, avant le vote de la loi de finances, les possibles gels et annulations de crédits.
    Il conviendra également de rompre avec la pratique des débudgétisations. Vous vous êtes déjà engagé, je l'ai dit, monsieur le ministre délégué au budget, à supprimer le FOREC en 2004, mais il faudra aller plus loin. Nous vous avons proposé plusieurs solutions pour y parvenir.
    Ensuite, les structures d'endettement de l'Etat devront être identifiées et, dès la loi de finances pour 2004, une provision pour charges de retraites au sein du budget de l'Etat devra être constituée, car il est impensable d'engager une réforme des retraites sans disposer des outils de pilotage indispensables et, qui plus est, relativement faciles à mettre en place.
    Nous mesurons les difficultés d'une telle réforme, mais je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous-même et tous les artisans de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances aurez à coeur de donner tous son sens à la réforme de notre constitution financière.
    Pour conclure, je dirai un mot sur la maîtrise des dépenses publiques, qui passera obligatoirement par la mise en oeuvre de quatre grandes réformes.
    Si la réforme sur la décentralisation est engagée, la réforme des retraites reste encore floue. Celle-ci devrait aussi bien assurer la solidarité et la justice sociale que l'égalité entre les citoyens et leur liberté de choix.
    Le groupe UDF attend aussi de véritables réformes de l'assurance maladie et de l'Etat, qui doivent être engagées sans délai et auxquelles nous apporterons tout notre soutien.
    Messieurs les ministres, certes, rien ne sert de courir, il faut partir à point. Mais quand il s'agit de réformes, encore faut-il partir. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

APPLICATION DE L'ARTICLE 44, ALINÉA 3,
DE LA CONSTITUTION

    M. le président. Je rappelle qu'à la demande du Gouvernement et en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, l'Assemblée est appelée à se prononcer par un seul vote sur les dispositions ayant fait l'objet d'une seconde délibération, à savoir :
    - l'article 36 et l'état B modifié par les amendements n°s 1 à 25 ;
    - l'article 37 et l'état C modifié par les amendements n°s 26 à 38 ;
    - l'article 39 modifié par l'amendement n° 39 ;
    - l'article 34 modifié par l'amendement n° 40 ;
    - ainsi que sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   525
Nombre de suffrages exprimés   525
Majorité absolue   263
Pour l'adoption   362

Contre   163    L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)
    M. le président. La séance est reprise.

4

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Discussion d'un projet de loi constitutionnelle
adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369 et 376).
    Le rapport de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République porte également sur la proposition de loi constitutionnelle de M. Hervé Morin et plusieurs de ses collègues relative à l'exercice des libertés locales.

Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement.
    M. Jacques Brunhes. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 58.
    M. le président. Cela ne m'avait pas échappé !
    M. Jacques Brunhes. Je m'en doutais !
    Le 12 novembre, la commission des lois s'est réunie pour examiner ce projet de loi constitutionnelle en présence de M. le garde des sceaux, de M. le ministre délégué aux libertés locales et de Mme la ministre de l'outre-mer, et nous avions alors demandé des informations sur la loi organique à venir. En effet, nous n'avions à notre disposition que le projet de loi constitutionnelle sur la décentralisation, donc l'enveloppe, et nous voulions en savoir davantage sur le contenu. Il nous a été répondu que cela n'était pas possible et que, pour l'instant, aucune information ne pouvait être donnée à la commission. Or le lendemain, c'est-à-dire le 13 novembre, le Premier ministre s'est rendu devant le groupe UMP et le président de celui-ci a déclaré à la sortie : « Le Premier ministre est venu, non pour convaincre ceux qui douteraient du cap choisi, mais pour nous donner le maximum de précisions sur ce que va être la loi organique, les règles du jeu selon lesquelles cette décentralisation va se faire. »
    M. Richard Cazenave. Le Premier ministre est venu pour nous livrer l'état de sa réflexion ! Ce n'était pas abouti !
    M. Jacques Brunhes. Il y a donc deux poids, deux mesures ! Certains députés sont informés du contenu de la loi organique (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Richard Cazenave. Pas du tout !
    M. Jacques Brunhes. ... alors que d'autres ne le sont pas.
    M. Jean-Yves Chamard. N'importe quoi !
    M. Jacques Brunhes. Non seulement c'est méprisant pour une opposition qu'on prétend respecter, monsieur le président,...
    M. Michel Herbillon. Quel excès !
    M. Jacques Brunhes. ... mais c'est particulièrement grave pour la démocratie parlementaire elle-même,...
    M. Bernard Roman. Tout à fait !
    M. Jean-Yves Chamard. Et vous êtes un parfait connaisseur de la démocratie, monsieur Brunhes !
    M. Richard Cazenave. C'est inexact, surtout !
    M. Jacques Brunhes. ... à laquelle vous êtes si attaché ! En agissant de la sorte,...
    M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n'y étiez pas !
    M. Jacques Brunhes. ... ce sont les débats que l'on altère et, au bout du compte, le travail parlementaire est totalement déformé. Certains parlementaires ont le droit de connaître l'enveloppe et le contenu de l'enveloppe, alors que d'autres ne sont pas informés !
    M. Michel Herbillon. Vous ne croyez même pas ce que vous dites !
    M. Jacques Brunhes. Cela mérite que vous y réfléchissiez, monsieur le président, et que ce point soit évoqué en Conférence des présidents pour que l'on ne se retrouve plus devant un problème de ce type au cours de la législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Richard Cazenave. Cinéma !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je m'appuierai moi aussi sur l'article 58. Je dois vous faire part de l'étonnement du groupe socialiste de constater que M. le Premier ministre est absent de ce rendez-vous qu'il a toujours qualifié d'extrêmement important pour lui, puisque la réforme de la décentralisation est présentée comme la grande réforme de la législature, celle à laquelle il est personnellement attaché, à laquelle il veut laisser son nom !
    M. Richard Cazenave. Parce que Jospin était présent lors de la discussion de tous les textes, peut-être !
    M. Jean-Marc Ayrault. Il y a quelques semaines, d'ailleurs, pour marquer l'importance qu'il attache à ce projet de loi, le Premier ministre s'est rendu lui-même au Sénat pour le présenter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe Vuilque. Deux poids, deux mesures !
    M. Jean-Marc Ayrault. Le fait est louable, certes, mais pourquoi l'Assemblée nationale ne serait-elle pas traitée de la même façon ? La Haute Assemblée, dont on connaît le mode d'élection, dont on sait qu'elle est moins représentative des citoyens français, serait-elle plus importante que la « basse » assemblée que nous composons ? La question mérite d'être posée. Je sais que le Premier ministre est actuellement devant le congrès des maires de France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux et M. Philippe Vuilque. Ce n'est pas une raison !
    M. Jean-Marc Ayrault. Certes, il est bon qu'il aille rassurer les maires, au nom du Gouvernement, car beaucoup d'entre eux commencent à s'inquiéter et se demandent si, finalement, ce projet, ce ne sera pas le rendez-vous de la facture, en particulier de la facture fiscale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais je vous rappelle que ce congrès dure pratiquement une semaine et que le Premier ministre pouvait parfaitement choisir un autre moment...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... pour s'adresser à la foule des maires rassemblés. Il n'en a pas décidé ainsi et nous ne pouvons l'interpréter que comme une attitude de désinvolture. Cela est d'autant plus grave que, comme vient de le rappeler Jacques Brunhes, le Premier ministre s'est rendu devant le groupe UMP réuni au complet pour exposer les futurs projets du Gouvernement en matière de décentralisation (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...

    M. Marc-Philippe Daubresse. N'importe quoi !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... alors que nous demandons depuis des semaines que la réforme complète, c'est-à-dire la loi constitutionnelle et les lois organiques, soit présentée au Parlement. Voilà qu'il se défile au moment où il pourrait nous en parler ! Il préfère privilégier un groupe parlementaire, celui de la majorité. Nous pouvons cependant comprendre les raisons de ce comportement. Le Premier ministre n'est-il pas taraudé par une inquiétude, celle de voir « la mère des réformes », selon une expression de M. Devedjian qu'il trouve excellente, se transformer en tempête du désert pour le Gouvernement et d'abord pour lui-même ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'inquiétude se conjugue en effet au désintérêt dans notre pays. J'affirme solennellement, monsieur le président de l'Assemblée nationale, que le respect du Parlement auquel vous êtes si attaché imposait que le Premier ministre vînt devant nous. Il ne l'a pas fait. Cela mérite réflexion, je demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Richard Cazenave. Oh, les petits joueurs !
    M. Michel Herbillon. C'est vraiment médiocre !
    M. le président. Cette demande est de droit. Je suspendrai la séance dès que nous aurons entendu le Gouvernement.
    La parole à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Brunhes, monsieur Ayrault, je vais vous répéter ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire et ce qu'a confirmé M. le garde des sceaux à plusieurs reprises. Le projet de loi organique n'est pas prêt, pour une raison fondamentale : s'il l'était, nous aurions méprisé le droit d'amendement du Parlement. L'Assemblée a le droit d'amender le projet du Gouvernement et j'ai bien compris qu'elle comptait user de ce droit. Donc la loi organique devra s'articuler sur le projet dont vous êtes saisis dans la rédaction qui sera la sienne après son passage au Parlement.
    S'agissant de l'UMP, monsieur Brunhes, et de l'anecdote à laquelle vous avez fait allusion, figurez-vous que les députés de ce groupe sont comme vous : ils souhaitent obtenir des éclaircissements sur la loi organique et c'est ce qu'a exprimé Jacques Barrot. Malheureusement, le Gouvernement a dû leur faire la même réponse qu'à vous !
    M. Jean-Jack Queyranne. C'est le brouillard, en fait !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je le répète : c'est parce que le Gouvernement a voulu respecter le droit d'amendement du Parlement que le projet de loi organique n'est pas encore prêt. Et si nous étions venus avec un tel projet, monsieur Brunhes, que n'aurions-nous entendu sur le mépris du Parlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Et l'absence du Premier ministre, ce n'est pas du mépris ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. S'agissant de l'absence provisoire du Premier ministre dans ce débat, monsieur Ayrault, vous savez que les questions d'agenda du Gouvernement sont toujours difficiles à régler, mais comme j'ai cru comprendre que nous étions appelés à travailler ensemble pendant un temps assez long, je suis convaincu que le Premier ministre aura l'occasion de venir au cours de ce débat, car vous allez la lui donner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures trente.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en vous soumettant le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, le Gouvernement vous propose une réforme ambitieuse, inspirée par le Président de la République et portée par le Premier ministre.
    Cette réforme a pour objectif de rapprocher les institutions des citoyens dans le respect de l'unité et de l'indivisibilité de la République. Ce texte marque la première étape d'une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales et d'une véritable réforme de l'Etat. En effet, il s'agit de bâtir un Etat plus fort, qui joue pleinement son rôle régalien, mais aussi une nouvelle architecture des responsabilités au sein de la République.
    A l'ampleur du débat suscité par cette réforme, chacun perçoit l'importance de ses enjeux. Je sais que beaucoup d'entre vous souhaitent pouvoir passer au plus tôt à sa mise en oeuvre et aux transferts de compétences ainsi qu'aux expérimentations qu'elle rendra possibles. Cette volonté de passer à l'action est de bon augure : elle démontre qu'en ouvrant ce débat le Gouvernement a fait un choix pleinement conforme aux aspirations des Français à plus de démocratie, de proximité et de dialogue.
    Je me réjouis, monsieur le président de la commission des lois, que vous adhériez à la démarche du Gouvernement : vous soulignez fort justement dans votre rapport qu'elle dessine une réforme globale à l'écoute des acteurs locaux, tout en proposant un modèle novateur et équilibré d'organisation institutionnelle.
    Je ne doute pas que votre assemblée, surtout si elle suit les propositions de la commission, améliorera ce texte dans le souci qui nous est commun d'inscrire dans notre loi fondamentale les principes d'une République unitaire décentralisée.
    Ces principes, vous les connaissez. Il s'agit de consacrer l'existence et le rôle des régions ; d'affirmer que les compétences ont vocation à être exercées au niveau le plus approprié ; d'ouvrir aux collectivités territoriales une faculté d'expérimentation ; de donner aussi à l'Etat cette capacité d'expérimentation ; de conférer sa place à la démocratie locale directe ; de garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales ; moderniser le cadre juridique de l'outre-mer.
    Le Sénat y a ajouté le droit à l'expérimentation des groupements intercommunaux et l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre.
    Pourquoi réformer la Constitution ?
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est une vraie question !
    M. le garde des sceaux. Je vais y répondre, monsieur le député.
    Comme vous l'avez fort bien montré dans votre rapport, monsieur le président de la commission des lois, notre histoire constitutionnelle a provoqué un glissement progressif qui a écarté la norme constitutionnelle de la réalité du terrain où depuis près d'un quart de siècle se sont opérés des transferts de compétences.
    Oui, la décentralisation existe. Mais elle n'a pas de base constitutionnelle : tel est le paradoxe.
    Dans notre Constitution, la place accordée aux collectivités territoriales reste limitée : quelques dispositions seulement au titre XII, qui s'incrivent dans la continuité de celles de la IVe République et qui n'ont pas été modifiées depuis 1958. Un seul article scelle le sort des collectivités territoriales métropolitaines et trois celui des collectivités d'outre-mer, si l'on met à part les dispositions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie introduites par la réforme constitutionnelle du 20 juillet 1998.
    Or les collectivités territoriales ont acquis un rôle de plus en plus important dans le fonctionnement de la démocratie comme dans l'exercice de nouvelles compétences. Depuis les lois de 1982 et de 1983, la décentralisation s'est ancrée dans la réalité administrative et politique française. Ainsi, la région, dont le général de Gaulle avait pressenti le rôle et l'importance qu'elle pouvait prendre dans l'organisation des pouvoirs publics, s'est vu reconnaître une existence législative.
    Il nous faut aujourd'hui tirer les leçons de cette évolution en consacrant dans la Constitution, la place de la région dans l'architecture institutionnelle de la République et dans le développement économique des territoires.
    De même, un mouvement de tranferts de compétences s'est développé progressivement, portant pour l'essentiel sur la gestion des services publics. Mais les moyens financiers nécessaires pour accompagner ce mouvement n'ont pas toujours été au rendez-vous des politiques conduites en la matière. La façon dont a été conçue l'allocation personnalisée d'autonomie témoigne de façon caricaturale de cette contradiction.
    M. Jean-Luc Warsmann, Absolument !
    M. Richard Cazenave C'est scandaleux !
    M. le garde des sceaux. Quel bilan tirer de ces années passées ? La libre administration des collectivités territoriales, pourtant réaffirmée par le Conseil constitutionnel, demeure trop souvent une intention qui doit se traduire dans la réalité.
    Nous devons passer d'une décentralisation octroyée par l'Etat à une décentralisation certes encadrée par la loi, mais laissée à la mise en oeuvre des élus locaux eux-mêmes. L'inscription dans la Constitution d'un principe de répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales permettra cette évolution. Nous devons inscrire dans la Constitution des principes forts, propres à rompre avec des politiques ponctuelles, et parfois contingentes, de répartition des compétences.
    Il n'est pas pour autant question d'agir de manière brutale et sans nuance, mais de créer un espace d'innovation maîtrisée. Il ne s'agit bien évidemment pas de revenir à ce temps décrié par Voltaire où, en traversant la France, on changeait plus souvent de lois que de cheval. La loi doit être la même pour tous.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Les Français doivent conserver les mêmes droits et les mêmes devoirs sur l'ensemble du territoire, tout en bénéficiant de la proximité accrue qu'ils demandent.
    Les nouveaux transferts de l'Etat aux collectivités territoriales pour les compétences déjà transférées, ainsi que les règles qui les régissent, ne feront l'objet que d'expériences temporaires et destinées à être évaluées. Ainsi, les expérimentations de ces collectivités, pourront un jour, si elles sont jugées positives, profiter à tous.
    Faire évoluer l'organisation décentralisée de la République ne conduit donc pas à bouleverser ses principes fondateurs et ses grands équilibres. Comme l'a rappelé de manière constante le Président de la République, l'indivisibilité de la République et l'égalité des citoyens devant la loi ne sauraient être remises en cause.
    M. Jacques Myard et M. Richard Cazenave. Absolument !
    M. le garde des sceaux. Bien au contraire, cette nouvelle étape de la décentralisation est la chance que l'Etat doit saisir pour démontrer, face au dynamisme des collectivités territoriales, sa capacité d'innovation et de réforme.
    Je suis convaincu que cette mutation constitutionnelle offre également un puissant levier pour moderniser l'Etat. Celui-ci doit conserver son rôle de garant de l'unité nationale. Il est en première ligne pour assurer ses missions de souveraineté, d'égalité et de solidarité. En revanche, on doit donner aux collectivités locales la possibilité d'oeuvrer au plus près des attentes des citoyens.
    Telle est la finalité de cette réforme, profondément novatrice dans sa méthode, mais aussi clairement équilibrée dans ses objectifs, et dont je voudrais maintenant présenter la mise en oeuvre. Il s'agira également de répondre à la question : comment décentraliser ?
    Il faut d'abord donner un contenu concret à la décentralisation tant en ce qui concerne les institutions qui la mettent en oeuvre que les pouvoirs qui leur sont conférés. Il faut ensuite donner aux collectivités les moyens financiers de mener leurs nouvelles missions. Il faut aussi déterminer la place qui revient à la démocratie locale directe. Il faut, enfin, rénover le statut des collectivités d'outre-mer.
    Tout d'abord, la mise en oeuvre de l'organisation décentralisée de la République. Le Gouvernement vous propose d'inscrire très clairement dans la Constitution, ce principe d'organisation des pouvoirs qu'est la décentralisation. Dans le texte qui vous est soumis, ce principe trouve sa place à l'article 1er de la Constitution, qui désormais se lira ainsi :
    « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »
    Je suis convaincu qu'inscrire la décentralisation parmi les principes fondamentaux de notre pacte républicain est nécessaire pour lui conférer une place symboliquement plus forte et juridiquement plus juste. Ce principe d'organisation décentralisée prend force dans la nouvelle rédaction de l'article 72 qui vous est présentée.
    En effet, il vous est proposé de consacrer la région au nombre des collectivités territoriales reconnues par la Constitution, au même titre que la commune et le département.
    M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
    M. Jacques Myard. Est-ce vraiment bien ?
    M. le garde des sceaux. Ainsi, le premier alinéa de l'article 72 rendra compte de l'adaptation des structures territoriales à la diversité des situations locales. Parce qu'il n'y a pas d'organisation territoriale idéale et parce que notre pays est heureusement marqué par sa diversité, des formes d'organisation différentes doivent pouvoir coexister.
    Sont ainsi consacrées les « collectivités à statut particulier ». Les « collectivités d'outre-mer » succèderont quant à elles aux « territoires d'outre-mer ». Cette substitution traduit les possibilités d'organisation particulière offertes à ces collectivités. Enfin, le projet reconnaît la faculté de créer par la loi toute autre collectivité territoriale, en lieu et place, le cas échéant, des collectivités de droit commun. Il pourra donc y avoir des statuts spécifiques adaptés aux particularités locales.
    Les compétences dévolues à l'ensemble des collectivités territoriales devront répondre à un objectif inspiré du principe de subsidiarité, sans se confondre avec lui : les collectivités territoriales auront vocation à exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.
    Loin des constructions abstraites, l'objectif est d'exprimer une idée de bon sens : il appartient au législateur, lorsqu'il intervient dans la répartition des compétences, de rechercher le niveau auquel l'action des pouvoirs publics sera conduite de la meilleure façon. Votre commission entend préciser la mise en oeuvre de cet objectif. C'est une initiative dont je reconnais bien volontiers la nécessité.
    A cet égard, il est instructif de se reporter à l'unique article relatif aux collectivités territoriales de l'avant-projet de Constitution du 15 juillet 1958. Y figurait un alinéa ainsi rédigé :
    « La République adapte les principes et les méthodes de sa législation aux nécessités de l'autonomie administrative et de la décentralisation. »
    M. Jacques Myard. Cette rédaction n'a pas été retenue !
    M. le garde des sceaux. Nous revenons ainsi aux sources de cette inspiration.
    En troisième lieu, le pouvoir réglementaire dont disposent les collectivités territoriales est explicitement consacré par le texte qui vous est soumis. Il est utile que cette compétence, reconnue par les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat, figure désormais dans la Constitution. Bien sûr, elle s'exercera dans les conditions que fixera le législateur pour la mise en oeuvre des compétences que ces collectivités tiennent de la loi, et dans le respect, le cas échéant, du pouvoir réglementaire national.
    En quatrième lieu, le projet a pour ambition d'ouvrir aux collectivités territoriales une capacité d'expérimentation.
    M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Dans le cadre de leurs compétences et en vertu d'une habilitation ad hoc, elles pourront ainsi déroger aux dispositions législatives ou réglementaires existantes.
    Notre Constitution ne permet pas de consentir aux collectivités territoriales, fût-ce à titre expérimental, une capacité d'intervention dans le champ de compétence du législateur. C'est cette restriction qu'il faut lever pour libérer les initiatives locales. En effet, dans l'exercice de leurs compétences, les collectivités territoriales sont particulièrement à même d'apprécier l'adéquation des lois et des règlements à l'objectif poursuivi, d'identifier leurs éventuelles imperfections et de tester les réformes dont ces textes pourraient faire l'objet.
    Bien évidemment, l'expérimentation sera encadrée. Elle sera autorisée par les pouvoirs publics au niveau national. Son objet et sa durée devront être fixés et, sur ce point, votre commission des lois apporte des précisions indispensables. Si ses résultats sont positifs, l'expérimentation pourra être généralisée. A défaut, elle devra prendre fin.
    Le Sénat a souhaité que cette capacité d'expérimentation soit également étendue aux groupements de collectivités territoriales, notamment aux groupements de communes. Eu égard aux compétences grandissantes de ceux-ci, ce souhait est parfaitement légitime. De cette manière, l'intercommunalité fera son apparition dans la Constitution.
    M. Bernard Roman. Une apparition bien modeste !
    M. le garde des sceaux. La richesse des réponses données par les élus locaux à « l'appel à propositions » lancé par le Premier ministre ouvre des pistes fécondes. Je pense par exemple au transfert de la formation professionnelle aux régions, ou à celui de la gestion de certaines routes nationales aux départements.
    Pour les transferts plus complexes, le stade expérimental est souhaitable. Ainsi, une dizaine d'expériences pourraient être proposées, par exemple dans le domaine de l'éducation ou de la santé. Vous aurez prochainement à vous prononcer sur ces possibilités de transfert et d'expérimentation.
    M. Jean-Paul Anciaux. Avec plaisir !
    M. le garde des sceaux. Vous serez saisi d'un dispositif à deux étages : une ou plusieurs lois organiques sur les conditions de mise en oeuvre et les modalités de la décentralisation, en particulier les expérimentations ; puis des lois simples pour les transferts de compétences sur lesquels un consensus paraît pouvoir être facilement dégagé. Une fois que vous aurez adopté la loi constitutionnelle, ces textes vous seront soumis au cours du premier semestre 2003.
    En dernier lieu, il vous appartient de faire entrer dans la Constitution la possibilité de désigner une collectivité locale chef de file d'un projet commun. En effet, pour porter et faire réussir certains projets communs, il peut être indispensable qu'une collectivité territoriale soit clairement désignée comme pilote. La rédaction retenue par le projet de loi témoigne clairement de la capacité qui peut être donnée à cette collectivité territoriale chef de file d'organiser, sur le plan matériel, financier ou normatif, les modalités de l'action commune.
    Votre commission des lois propose d'étendre ce dispositif aux groupements de collectivités ; il s'agit d'une vue réaliste.
    Bien évidemment ce dispositif ne se confond en rien avec une quelconque tutelle. J'approuve la précision que le Sénat a souhaité apporter sur la consécration constitutionnelle du principe, qui n'a aujourd'hui qu'une assise législative, selon lequel aucune collectivité territoriale ne peut exercer de tutelle sur une autre.
    J'en viens à la nécessaire reconnaissance de l'autonomie financière des collectivités territoriales.
    Aujourd'hui, aucune disposition ne consacre explicitement dans la Constitution l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a, certes, développé une jurisprudence en ce sens, fondée sur le principe de libre administration, mais, à défaut d'une base plus précise, celle-ci est nécessairement demeurée limitée. Elle n'a donc pu faire obstacle à un véritable mouvement de recentralisation financière.
    Je ne citerai que quelques exemples : la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation, la disparition de la vignette automobile, les exonérations et réductions de droits de mutation. Le remplacement de ces recettes fiscales par des dotations de l'Etat a renforcé la dépendance des collectivités à l'égard de ce dernier. Ce phénomène a aussi nui à la lisibilité de la fiscalité locale pour les citoyens.
    M. Richard Cazenave. C'est exact !
    M. le garde des sceaux. La part de la fiscalité locale dans les ressources globales, hors emprunts, a été réduite à moins de 37 % pour les régions, 43 % pour les départements et 48 % pour les communes. Nous ne pouvons plus nous résoudre à voir les finances locales dépendre toujours davantage de l'Etat, au fil des législations et des lois de finances.
    M. Michel Herbillon. Absolument !
    M. le garde des sceaux. Il faut donc que notre norme suprême consacre, en termes précis et opérationnels, l'autonomie financière des collectivités territoriales. En reconnaissant leurs capacités fiscales, ce projet leur permettra, dans les limites prévues par la loi, bien entendu, de fixer aussi bien le taux que l'assiette des impôts locaux.
    Il vous est de surcroît proposé de consacrer le principe selon lequel les ressources propres des collectivités territoriales constituent une part « déterminante » de l'ensemble de leurs ressources, dans des conditions qui seront précisées par une loi organique. Cet alinéa a été, vous le savez, ardemment débattu au Sénat et tous ses mots ont été soigneusement pesés. Il ne s'agit cependant pas de chercher à traduire un quota particulier avec une précision mathématique ; il importe surtout de déterminer une méthode.
    Nos collectivités territoriales disposent en effet aujourd'hui de ressources propres trop faibles. Il convient d'inverser cette tendance. Néanmoins, la norme constitutionnelle ne peut être formulée de telle sorte qu'elle placerait immédiatement le droit positif en rupture avec elle, sinon toute disposition législative nouvelle ayant trait aux finances locales serait fragilisée, quand bien même elle aurait pour objet de créer une nouvelle recette fiscale. Le Conseil constitutionnel pourrait en effet la regarder comme insuffisante. Il ne faut donc pas hypothéquer la mise en oeuvre de nouveaux transferts de compétences au début de 2003 en la subordonnant à la réalisation préalable d'une réforme fiscale certes nécessaire mais qui prendra davantage de temps.
    Le Gouvernement a cherché à définir un principe opérationnel qui puisse être décliné selon un échéancier ambitieux et réaliste. Tel sera l'objet du projet de loi organique qui vous sera soumis pour fixer les conditions dans lesquelles la règle de la part déterminante sera mise en oeuvre.
    Dans le même esprit, le Gouvernement vous propose d'ériger au rang constitutionnel le principe de la compensation des transferts de compétences, entre Etat et collectivités territoriales, évaluée sur la base du montant que l'Etat leur consacrait antérieurement.
    M. Bernard Roman. Et indexée !
    M. le garde des sceaux. Là encore, il s'agit d'établir un principe opérationnel susceptible de donner prise à un réel contrôle. Nous ne pouvons engager l'Etat à transférer aux collectivités que ce dont il dispose, c'est-à-dire les ressources qu'il consacrait réellement aux compétences et aux charges transférées.
    Bien entendu, l'ensemble de ces principes doit se concilier avec les exigences de la solidarité nationale. Il appartiendra au législateur de fixer des mécanismes de péréquation entre collectivités selon leur degré de richesse et la nature des sujétions qui pèsent sur elles.
    M. Bernard Roman. C'est bien le problème !
    M. le garde des sceaux. L'amélioration de la péréquation est un enjeu essentiel de la politique d'aménagement du territoire, qu'il revient à l'Etat de déterminer.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne donnez pas l'exemple !
    M. Marc-Philippe Daubresse et M. Jacques Myard. Et l'APA ?
    M. le garde des sceaux. Une place nouvelle est reconnue à la démocratie locale directe. En effet la refondation de la décentralisation ne peut se faire qu'en associant pleinement nos concitoyens.
    Le projet de loi organise cette expression démocratique nouvelle de trois manières : d'abord en instaurant le droit de pétition, qui permettra à un certain nombre d'électeurs de demander - selon le texte voté par le Sénat - l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante d'une question relevant de sa compétence ; ensuite, en prévoyant le référendum local qui offrira aux électeurs d'une collectivité territoriale, à l'initiative de celle-ci, la faculté de décider eux-mêmes de l'adoption de mesures relevant de la compétence de cette collectivité ; enfin, le législateur pourra organiser une consultation locale sur les questions tenant à l'organisation institutionnelle des collectivités territoriales, qu'il s'agisse d'un changement ou d'une modification de leur statut, ou d'une variation de leurs limites territoriales.
    La loi, simple ou organique selon le cas, organisera les conditions de recours à ces outils du suffrage populaire. Elle veillera notamment à assurer les conditions d'une juste représentativité, en particulier en termes de participation, ainsi que le contrôle du déroulement de ces opérations et la validation de leurs résultats.
    Ainsi précisé, l'ensemble de ce dispositif procède d'un équilibre satisfaisant.
    Je terminerai en traitant de la modernisation du statut des collectivités d'outre-mer.
    Conformément aux engagements du Président de la République, le projet de révision dote notre Constitution de règles démocratiques nouvelles pour nos collectivités d'outre-mer. La Constitution se doit en effet de donner à ces collectivités un cadre institutionnel qui leur offre la souplesse que leurs spécificités requièrent et tienne compte de l'attachement à la République dont elles témoignent. Dans cet objectif, le projet de loi refonde le statut des collectivités d'outre-mer, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie qui demeurera régie par le titre XIII.
    Il confirme la différence de statut entre les départements et régions d'outre-mer, soumis au principe d'assimilation législative, et les collectivités d'outre-mer, ex-territoires, régies par le principe de spécialité législative. La désignation nominative de chacune de ces collectivités marque solennellement - j'y insiste - leur appartenance à la République.
    Le régime des départements et régions d'outre-mer prévu à l'article 73 est assoupli, en considération de leurs caractéristiques et contraintes particulières, afin de leur permettre de fixer eux-mêmes des adaptations aux lois et règlements ou, en certaines matières, de déroger à ces textes moyennant une exception limitée au principe d'assimilation législative.
    S'agissant des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74, chacune d'elles aura un statut particulier, défini par la loi organique, selon ses intérêts propres. Ce statut leur reconnaîtra des compétences susceptibles de relever du domaine de la loi, voire, pour certaines d'entre elles, une véritable autonomie. La nouvelle rédaction proposée pour l'article 74 prend en compte des situations aussi différentes que celles de Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, Wallis-et-Futuna, ou de la Polynésie française.
    Le projet de loi permet des passerelles entre l'un et l'autre de ces statuts, sous réserve du consentement des populations intéressées.
    Il institue aussi des garanties démocratiques nouvelles dont le texte constitutionnel était jusqu'alors dépourvu, s'agissant de la possibilité ouverte au législateur de modifier l'organisation et le régime législatif des collectivités d'outre-mer. Les électeurs de ces dernières disposeront désormais d'un véritable droit de veto sur tout changement du régime de l'article 73 vers celui de l'article 74, ou inversement. Le texte donne ainsi toute sa portée au droit pour les électeurs d'outre-mer de choisir sous lequel des deux grands régimes ils entendent vivre.
    Enfin est institué un mécanisme d'habilitation permanente au profit du Gouvernement, pour lui permettre d'assurer, par voie d'ordonnance, une actualisation régulière du droit applicable aux collectivités d'outre-mer, dans les matières qui restent du domaine de la loi.
    Tels sont, mesdames, messieurs les députés, les instruments nouveaux de la décentralisation, qui vous sont proposés. Nos débats permettront de les préciser sur certains points, notamment à l'initiative de votre commission des lois.
    Oui, c'est une réforme ambitieuse que nous vous proposons. Il nous appartient de dessiner ensemble les formes de la République de demain, inscrite au coeur de l'Union européenne, dans toute la richesse de ses territoires.
    M. Jacques Myard. Dans la mondialisation !
    M. le garde des sceaux. C'est dans cette richesse que la France doit puiser sa vitalité. C'est dans cette richesse que nos concitoyens trouveront la réponse à leurs aspirations démocratiques. Mais c'est aussi vers un Etat fort qu'ils continueront à se tourner, un Etat fort parce que respecté, un Etat respecté parce qu'il assumera mieux ses missions fondamentales. En effet, il sera mieux à même de jouer son rôle de garant de l'unité de la République, de la solidarité nationale, de la sécurité publique et de la cohérence de la politique gouvernementale.
    Oui, monsieur le président de la commission des lois, cette révision constitutionnelle donnera, comme vous l'avez écrit, un « nouvel élan » tout à la fois aux collectivités territoriales et à l'Etat. En effet, des prérogatives comme le droit d'expérimentation, reconnu aux collectivités territoriales aussi bien qu'à l'Etat, montrent à quel point ce projet de révision constitutionnelle entend permettre à chacun d'exercer ses responsabilités de manière dynamique. A cet égard, je tiens à vous remercier tout particulièrement pour le travail que vous avez effectué avec la commission des lois pour mettre en place cette nouvelle architecture des responsabilités et des pouvoirs.
    A ceux qui s'inquiéteraient des risques de démantèlement des prérogatives de l'Etat, je répondrai que je suis convaincu que la Ve République fera une nouvelle fois la preuve de sa solidité, de sa maturité et de son adaptation aux nécessités de notre temps. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Arnaud Montebourg. Et de son grand danger !
    M. le garde des sceaux. A ceux qui regretteraient une autonomie locale insuffisante par rapport à certains de nos voisins, je répondrai que l'histoire ne se refait pas, que notre tradition républicaine est un acquis et une richesse qu'il faut préserver.
    C'est à ces deux exigences que répond une République unitaire à l'organisation décentralisée. C'est ce double impératif que consacre la révision constitutionnelle qui vous est aujourd'hui soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, madame la ministre de l'outre-mer, monsieur le ministre délégué aux collectivités locales, mes chers collègues, je veux d'abord dire la grande satisfaction que j'éprouve à m'exprimer aujourd'hui devant vous pour présenter le rapport de la commission des lois sur ce projet de loi constitutionnelle. Il n'est jamais anodin, en effet, de modifier notre foi fondamentale et, en l'occurrence, le texte que nous examinons va changer en profondeur notre paysage institutionnel, dans un sens qui correspond aux attentes de nos concitoyens et aux exigences de notre époque.
    Les grandes lignes de ce texte ainsi que les principes qui l'inspirent viennent de nous être présentés par le garde des sceaux. Je ne reprendrai donc pas l'analyse détaillée de chacune de ses dispositions. Je voudrais plutôt expliquer pourquoi j'approuve ce projet, avec la commission des lois, et répondre à certaines des critiques dont il fait l'objet. J'évoquerai en particulier, les améliorations que nous avons jugées souhaitables.
    M. Jean-Pierre Brard. L'article 3 !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ce texte a pour principal objet d'ancrer la réalité de la décentralisation dans notre organisation institutionnelle - c'est pourquoi il procède à une révision de notre loi fondamentale - mais aussi de relancer un mouvement qui s'est depuis quelques années ralenti, pour ne pas dire enlisé.
    L'histoire de notre pays a d'abord été marquée par la nécessité de réaliser l'unité nationale. Ce mouvement, entrepris sous la monarchie, s'est poursuivi au cours de la période révolutionnaire, sous l'Empire et, enfin, sous la République. C'est un acquis dont nous devons nous réjouir et sur lequel il ne saurait être question de revenir.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme Christine Boutin. Espérons-le !
    M. Jean-Pierre Brard. Mme Boutin n'est pas convaincue et elle a raison !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La France est une République une et indivisible ; c'est une réalité à laquelle je suis profondément attaché et je ne pourrais envisager de soutenir une entreprise qui aurait pour objet ou pour effet de la remettre en cause. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cependant, dans le cours de ce mouvement d'unification nationale, l'organisation de notre pays est progressivement devenue extrêmement centralisée. Or, c'est une banalité de le dire, le rôle de l'Etat a changé. Ses missions régaliennes ne sont plus exclusives. Elles sont devenues sinon secondaires par leur importance, du moins marginales par la place qu'elles occupent dans la sphère de l'action publique. Dans ce contexte, la centralisation excessive est devenue non plus une force mais une source d'asphyxie. Nous savons tous qu'il n'est plus possible de faire fonctionner un Etat dans lequel Paris resterait au centre de toutes les décisions.
    Cette situation serait d'autant moins acceptable qu'elle n'a pas d'équivalent chez nos voisins européens, dont l'histoire est bien différente.
    M. Jean-Pierre Brard. Tout de même !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Et nous ne pouvons négliger cette donnée essentielle que la France s'inscrit aujourd'hui dans un ensemble plus vaste, qu'elle doit prendre en compte.
    M. Jean-Pierre Brard. Elle ne doit pas s'y dissoudre !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il lui faut impérativement trouver des interlocuteurs aux régions italiennes, aux autonomies espagnoles et aux Länder allemands, sans pour autant laisser celui planer le moindre doute sur l'Europe des régions que nous ne voulons pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. Là, nous sommes d'accord !
    Mme Christine Boutin. C'est tout et son contraire !
    M. Pascal Clément, président de le commission des lois, rapporteur. Bien sûr, me direz-vous, le mouvement de décentralisation a déjà commencé. Créées par voie réglementaire en 1972, les régions ont été consacrées par la loi en 1982 et sont devenues des collectivités territoriales à part entière en 1986, avec la première élection au suffrage universel des conseils régionaux.
    M. Philippe Martin (Gers) et M. Arnaud Montebourg. Merci qui ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Aussi est-il temps de leur donner aujourd'hui une consécration constitutionnelle.
    Par ailleurs, les actes des collectivités locales ne sont plus soumis à la tutelle, et les départements et les régions ont désormais, comme les communes, un exécutif élu. En outre, des pans de compétences ont été transférés aux communes, mais surtout aux départements et aux régions. Ce sont des acquis dont il faut se féliciter.
    M. Jean Le Garrec, M. Philippe Martin (Gers) et M. Arnaud Montebourg. Merci qui ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nul doute que les Français sont profondément attachés à la richesse de notre organisation démocratique et qu'ils ont pu apprécier le progrès que représentent ces premières étapes de la décentralisation dans leur vie quotidienne. Qui pourrait contester, par exemple, qu'avec le transfert aux départements et aux régions de la compétence en matière d'établissements d'enseignement secondaire, le nombre des collèges et des lycées a considérablement augmenté, tandis que leur entretien s'est nettement amélioré ?
    M. Jean Le Garrec, M. Philippe Martin (Gers) et M. Arnaud Montebourg. Merci qui ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je crois également utile d'insister sur la réussite économique de la décentralisation. On dénonce souvent, et parfois à juste titre, les coûts induits par l'existence de différents niveaux de collectivités.
    M. Bernard Roman. Parlons-en enfin !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mais c'est faire peu de cas du rôle des collectivités locales comme facteur de dynamisme économique. Depuis le début des années 90, plus des deux tiers de l'investissement public a été réalisé par les administrations publiques locales et, en 2001, les investissements publics locaux ont représenté 34 milliards d'euros. Ajoutons que les interventions économiques des collectivités locales se sont élevées en 2000 à 2,3 milliards d'euros. Indiscutablement, l'action des collectivités locales dans le domaine économique a permis de faire vivre le tissu local sans induire par ailleurs de dérive budgétaire. L'Observatoire des finances locales précise, dans son rapport sur les finances des collectivités locales en 2002, que les collectivités locales ont pu dégager des capacités de financement grâce à la rigueur de leur gestion, aux efforts réalisés sur l'épargne et au dynamisme des recettes d'investissement. En 2001, les collectivités territoriales se sont désendettées à hauteur de 1,3 milliard d'euros. Pas l'Etat ! Quant au stock de la dette des collectivités territoriales, il s'est réduit de plus de 7 milliards d'euros en cinq ans. Pas celui de l'Etat !
    Lieu de débat démocratique, facteur de dynamisme économique, la décentralisation est bien davantage encore : elle fait désormais partie très concrètement de la vie quotidienne des Français ; le maire mais également le président du conseil général ou du conseil régional sont désormais des figures familières ; on reconnaît le logo du département sur le car de ramassage scolaire ; on sait que c'est la région qui a rénové le lycée. Cette proximité est une richesse. Cette évolution du paysage administratif français doit donc maintenant trouver sa consécration dans un cadre constitutionnel rénové.
    M. Bernard Derosier. C'est le cas depuis vingt ans !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Non ! Vous avez été incapables de le faire !
    M. Arnaud Montebourg. Les logos sur les cars scolaires : quel acquis démocratique !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La décentralisation trouve en effet aujourd'hui ses limites du fait même de l'absence de dispositions constitutionnelles plus protectrices des libertés locales.
    Et d'abord, je voudrais évoquer l'inscription dans l'article 1er de notre loi fondamentale, aux côtés de l'affirmation du principe de l'unité et de l'indivisibilité de la République, d'une référence à son organisation décentralisée. Je sais qu'elle a suscité des réserves, et même des critiques. C'est pourquoi je veux affirmer avec force qu'elle n'ouvre nullement la voie au fédéralisme. D'autres Etats européens, comme l'Italie, n'ont pas hésité à reconnaître le principe de la décentralisation dans leur Constitution et n'ont pas pour autant cessé d'être des Etats unitaires. En réalité, il s'agit de consacrer symboliquement la décentralisation, mais aussi de marquer le caractère irréversible de ce processus. Il s'agit également de donner au Conseil constitutionnel les moyens juridiques de prendre en compte cette réalité et de protéger les acquis des libertés locales contre les empiètements éventuels de l'Etat.
    Le principe de libre administration des collectivités locales, affirmé par l'article 72 de notre Constitution, a marqué ses limites. En effet, si le juge constitutionnel s'est attaché à en préciser les contours, il n'a pu lui donner plus de portée qu'il n'en a. Ses décisions censurant les atteintes à ce principe restent donc extrêmement rares. En outre, le Conseil a été contraint de le concilier avec d'autres principes constitutionnels, qui sont ceux de l'indivisibilité de la République et de l'égalité des citoyens devant la loi.
    M. Jacques Myard. Heureusement !
    Mme Christine Boutin. C'est une chance !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Vous n'avez peut-être pas compris ce que j'ai voulu dire. Ecoutez donc encore un peu !
    M. Jean-Pierre Brard. Ne sous-estimez pas Mme Boutin !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'affirmation constitutionnelle de la décentralisation ne devrait pas rester sans effet, d'autant moins qu'elle est confortée par d'autres dispositions que le projet de loi tend à inscrire dans notre Constitution.
    Je souhaiterais insister à cet égard sur ce que l'on appelle souvent le principe de subsidiarité et que l'on devrait plutôt qualifier de principe d'adéquation des compétences à l'échelon territorial. Je serai un peu plus long sur ce sujet lors de la discussion des articles.
    Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72 dispose « Les collectivités locales ont vocation à exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ». Cette disposition est fondamentale et je tiens à indiquer que la commission des lois l'a modifiée, à mon initiative, pour préciser que les collectivités ne sont pas seulement en charge de la mise en oeuvre des compétences qui leur reviennent, mais qu'elles ont également vocation à prendre les décisions relatives à l'exercice de ces compétences. Il s'agit de trouver, entre l'Etat et les collectivités locales, une nouvelle ligne de partage, en recherchant le niveau le plus adéquat pour l'exercice d'une compétence. Bien entendu, c'est une direction qui est ainsi indiquée, un objectif à atteindre, mais la disposition proposée ne saurait être contraignante : il est précisé que les collectivités « ont vocation » à exercer certaines compétences ; elles ne peuvent se prévaloir d'un droit. Il est en effet très complexe d'apprécier le niveau de décision adéquat ; une rédaction plus contraignante aurait sans aucun doute donné lieu à un contentieux abondant.
    M. Emile Zuccarelli. Et les compétences régaliennes ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cependant, l'expérimentation au niveau local, également introduite dans notre Constitution au quatrième alinéa du même article, ainsi que dans un nouvel article 37-1, devrait faciliter la démarche. Je voudrais évoquer maintenant ces dispositions parfois mal interprétées et, pour cette raison même, contestées. Je l'ai déjà dit, mais je tiens à le répéter : je ne pourrais approuver un texte qui menace notre République d'éclatement. Mais ce n'est nullement de cela qu'il s'agit.
    Pourquoi prévoir une norme expérimentale qui peut de prime abord sembler contraire au principe d'universalité de la loi, héritage philosophique de la Révolution ? La diversité des situations caractérise indiscutablement nos sociétés modernes. Celle-ci constitue une richesse, mais peut également être une source de complexité. Il en résulte une difficulté à appréhender la multitude de ces situations et à les réformer. Dans ce contexte, l'expérimentation prend tout son sens puisqu'elle permet de s'assurer que toutes les données d'un problème ont été prises en compte et toutes les conséquences évaluées.
    C'est dans cette perspective que le projet de loi constitutionnelle prévoit d'abord, dans son article 2, que la loi ou le règlement pourront comporter des dispositions expérimentales. Le Sénat, à l'initiative du Gouvernement, a tenu à préciser que l'objet et la durée de cette expérimentation devraient être limités. Ce n'est certes pas totalement nouveau. La loi du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de grossesse avait été adoptée pour une durée limitée,...
    Mme Christine Boutin. Quel exemple ! Vous auriez pu vous en dispenser !
    M. Bernard Derosier. Cessez de provoquer Mme Boutin !
    M. Jean-Louis Idiart. Que vous a-t-elle donc fait !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... de même que la loi instituant le revenu minimum d'insertion. Par ailleurs, plusieurs textes législatifs ou réglementaires ont permis l'expérimentation d'une réforme sur une partie du territoire ou pour une partie de la population. On pourrait évoquer, dans le domaine législatif, diverses dispositions relatives à la fonction publique, qui ont permis d'expérimenter, par exemple, la mise en place du travail à temps partiel ou, encore, dans le domaine réglementaire, des expérimentations qui ont porté sur l'organisation des services de l'Etat, comme celle, encore en cours, des services déconcentrés, qui consiste à mettre en place une gestion globalisée des crédits de préfecture.
    Cependant, ces exemples restent rares car la jurisprudence du Conseil d'Etat comme celle du Conseil constitutionnel, encadrent très strictement ces possibilités. L'intérêt de la disposition qui nous est proposée est donc de conforter une pratique qui a déjà fait ses preuves en lui donnant une consécration constitutionnelle, pour éviter qu'elle ne se heurte à une interprétation trop stricte du principe d'égalité des citoyens devant la loi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Roman. C'est un aveu !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Dans la même optique, l'article 4 autorise les collectivités locales à déroger, à titre expérimental, aux lois et règlements en vigueur qui régissent l'exercice de leurs compétences. Là encore il ne s'agit que de permettre par l'expérimentation, d'éprouver une mesure nouvelle avant sa généralisation éventuelle, de mieux en mesurer le cas échéant les imperfections par une politique d'évaluation approfondie...
    M. Bernard Derosier. Pas besoin de modifier la Constitution !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... et donc d'en faciliter, si l'expérimentation apparaît positive, l'acceptation par la population.
    Cette pratique revêt un intérêt tout particulier dans le cadre de la décentralisation puisqu'elle permet de tester l'exercice d'une compétence à un niveau territorial avant d'envisager sa généralisation à l'ensemble de la catégorie des collectivités territoriales concernées.
    L'expérimentation au niveau local n'est pas une innovation. Notre collègue Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, pourrait nous parler des expérimentations qui ont été conduites dans son département d'Ille-et-Vilaine. Elles ont par exemple abouti à la mise en place en 1988, au niveau national, du revenu minimum d'insertion.
    M. Bernard Roman. Sans réforme constitutionnelle !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je suis très sensible au fait que vous m'écoutiez, mais ne le montrez pas bruyamment !
    La loi du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité, a également permis aux régions d'exercer à titre expérimental, jusqu'en 2006, des compétences...
    M. Philippe Vuilque. Merci la gauche !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... en matière de politique culturelle, de ports maritimes ou d'aéroports.
    M. Bernard Derosier. Sans modifier la Constitution !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Si ces expérimentations ont toujours été conduites dans le cadre de la réglementation en vigueur, il n'en va pas de même pour les expérimentations prévues par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, qui autorise la collectivité territoriale à déroger, pour la mise en oeuvre de ses seules compétences, aux dispositions réglementaires nationales, à condition de ne porter atteinte ni à l'exercice d'une liberté individuelle ou d'un droit fondamental, ni au pouvoir réglementaire d'exécution des lois que le Premier ministre tient de l'article 21 de la Constitution.
    Le Conseil constitutionnel a en revanche censuré, dans la même disposition, la possibilité d'habiliter la collectivité locale de Corse à procéder à des expérimentations comportant des dérogations aux dispositions législatives en vigueur, considérant que, en autorisant la collectivité à prendre des mesures relevant du domaine de la loi, le législateur était intervenu dans un domaine qui n'appartient qu'à la Constitution. Et c'est bien pour cela que nous réformons aujourd'hui la Constitution.
    Mme Christine Boutin. L'avortement, la Corse : quels exemples !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'objet du projet de loi constitutionnelle est précisément d'autoriser l'expérimentation dans les domaines relevant de la compétence législative, mais cette fois dans toutes les collectivités territoriales de la République et non plus dans une seule d'entre elles, ce qui revenait de facto à la placer, de façon permanente, hors du cadre républicain. Ainsi les collectivités locales pourront-elles jouer un rôle d'entraînement. Parce que telle compétence fonctionnera dans telle région, parce que l'on aura pu apprécier dans quelles conditions elle fonctionne, il deviendra possible et souhaitable de l'étendre aux autres.
    Mme Ségolène Royal. Quelle pagaille !
    M. Arnaud Montebourg. C'est le Bazar de l'Hôtel de Ville !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Dans cette perspective, la décentralisation apparaît non plus comme un mouvement centrifuge mais comme une dynamique.
    M. Bernard Roman. Un vrai souk !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je souhaiterais insister en outre sur le fait que le droit à l'expérimentation, tel qu'il nous est proposé, reste strictement encadré. Si l'initiative doit revenir aux collectivités locales, la décision elle-même appartiendra au législateur ou au pouvoir réglementaire, puisque seuls la loi ou le règlement pourront autoriser, au cas par cas, les dérogations.
    Une fois l'expérimentation terminée, ce sont encore ces autorités normatives qui auront à apprécier les conséquences qu'il faudra en tirer, en la renouvelant si nécessaire, en la généralisant ou, au contraire, en y mettant fin. Telles sont les trois issues possibles de l'expérimentation.
    Ainsi, on le voit, la procédure mise en place permet de prévenir tout risque de dérive, en encadrant l'habilitation par une intervention de l'autorité délégante au début et à la fin de l'expérimentation. En outre, les domaines dans lesquels les expérimentations pourront être conduites sont également limités : les collectivités locales ne pourront être habilitées à déroger à des dispositions normatives touchant aux libertés fondamentales. Et la commission a tenu à rétablir les dispositions du texte initial qui écartaient aussi l'expérimentation dans les matières relevant des droits constitutionnellement garantis. Le Sénat avait supprimé ces dispositions sur la base d'une interprétation qui m'apparaît discutable, pour ne pas dire erronée, en considérant que ces droits ne pouvaient être mis en cause puisqu'ils sont précisément garantis par la Constitution. Mais il s'agit non seulement de se prémunir contre une atteinte à ces droits que le Conseil constitutionnel pourrait effectivement interdire, mais également d'écarter - et c'est dommage - toute expérimentation dans ce domaine. C'est pourquoi votre commission des lois a souhaité rétablir le texte initial du Gouvernement.
    Au total, on le voit,...
    M. Arnaud Montebourg. On ne voit pas grand-chose !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... dispositif proposé est très strictement encadré. Sans doute permettra-t-il de conduire des expérimentations qui pourront se révéler positives, soit qu'elles aboutissent à la mise en place, sur l'ensemble du territoire, d'une mesure testée à l'échelle d'une ou de plusieurs collectivités, soit, au contraire, qu'elles conduisent à l'écarter lorsqu'elle apparaîtra à l'expérience inefficace.
    En revanche, il ne menace en aucune manière les principes d'indivisibilité de la République ou d'universalité de la loi. Je voudrais le réaffirmer avec force : le texte qui nous est proposé répond de manière empirique aux nécessités actuelles de l'action publique ; il ne fait courir à notre pays aucun risque d'éclatement !
    Parallèlement à l'affirmation du droit à l'expérimentation, le projet de loi consacre le pouvoir réglementaire des collectivités locales. Sans doute celui-ci existe-t-il déjà, mais il s'agit d'un pouvoir résiduel, qui ne peut s'exercer que dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, comme le Conseil constitutionnel l'a réaffirmé dans sa décision du 17 janvier 2002, sur la loi relative à la Corse.
    Bien sûr, il n'est pas question de revenir sur le caractère subordonné et encadré du pouvoir réglementaire local. C'est clair : il reste subordonné et encadré par rapport au pouvoir réglementaire du Premier ministre.
    Néanmoins, les dispositions qui nous sont proposées ne sont pas de simple affichage. On sait qu'aujourd'hui - et je le regrette - la répartition des domaines entre l'article 34 et l'article 37 de la Constitution n'est guère respectée ; la loi envahit tout, règle tout dans les moindres détails. C'est bien le problème ! Le pouvoir réglementaire, réduit à la portion congrue au plan national, est ainsi devenu « virtuel » au plan local. Il s'agit donc de rendre à la loi sa solennité et de laisser au pouvoir réglementaire national ou local la place qui lui revient. L'inscription du pouvoir réglementaire local dans la Constitution s'inscrit dans cette perspective.
    (M. Eric Raoult remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président


    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mais le projet de loi constitutionnelle ne se limite pas à défendre les libertés locales au travers de dispositions relatives aux droits ou aux pouvoirs des collectivités territoriales. D'une manière très pertinente, il s'efforce de leur donner une réalité, grâce à l'inscription dans notre Constitution du principe de leur autonomie financière.
    J'ai bien volontiers reconnu, au début de mon intervention, que le mouvement de décentralisation avait commencé avant l'examen du projet qui nous est soumis. Mais s'il est un domaine où il a marqué le pas et même connu une réelle régression, c'est certainement celui de l'adéquation des ressources des collectivités locales à leurs compétences.
    M. Francis Delattre. Eh oui !
    M. Jacques Myard. C'est vrai !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Au cours de ces dernières années, les charges des collectivités territoriales ont été accrues sans concertation préalable et sans compensation satisfaisante.
    M. Francis Delattre. C'est vrai !
    M. Bernard Roman. Des chiffres !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Elles doivent faire face à des dépenses nouvelles importantes et fortement évolutives sans que leurs ressources progressent de manière corrélative. La mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie par la loi du 20 juillet 2001 constitue à cet égard un exemple frappant et indiscutable.
    M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez voté contre !
    M. Christian Paul. Très bonne réforme !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Les collectivités locales ont également été confrontées à des charges nouvelles induites par des réglementations toujours plus contraignantes.
    M. Bernard Derosier. Remettez-les en question ! Annulez-les !
    M. Augustin Bonrepaux. Si vous n'êtes pas d'accord, dites-le !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je pourrais en donner maints exemples mais je me contenterai d'évoquer la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.
    M. Bernard Derosier. Annulez-la ! Remettez-la en question ! Ayez ce courage !
    M. le président. Monsieur Derosier, s'il vous plaît !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Parallèlement, les collectivités locales ont perdu une bonne part de leur autonomie en matière de ressources fiscales - écoutez cela, c'est l'héritage ! La suppression de la part salariale de la taxe professionnelle,...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez voté contre ! Est-ce que vous êtes encore contre ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... de la part régionale de la taxe d'habitation, de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur pour les particuliers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), de la taxe régionale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux...
    M. Bernard Derosier. Revenez donc dessus ! Soyez un peu courageux !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... ainsi que l'abaissement puis le plafonnement des droits de mutation à titre onéreux sont autant de mesures qui ont fortement réduit les marges de manoeuvre des collectivités locales.
    M. Christian Paul. Cela affaiblit surtout votre démonstration !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ces réformes, qu'il s'agisse de transferts de compétences nouvelles ou de mesures d'exonération de la fiscalité locale, ont fait l'objet soit d'abondements exceptionnels de dotations, soit de compensations d'exonération avec, à chaque fois, des modalités d'indexation favorables à l'Etat. En outre - vous vouliez des chiffres, en voilà -, la part de la fiscalité dans les recettes des collectivités locales est passée de 54 % en 1995 à 42 % en 2002.
    M. Bernard Roman. Le ministre a dit 48 %.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est une moyenne !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La recentralisation des finances locales est lourde de conséquences : pour l'Etat, puisqu'il supporte désormais 35 % du produit fiscal local ; pour les collectivités locales, qui subissent une érosion de leur marge de manoeuvre budgétaire ;...
    M. Bernard Roman. C'est un fait !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... pour la démocratie, enfin, puisque le lien entre pouvoir fiscal et pouvoir politique se distend et que, corrélativement, la responsabilité des élus locaux se dilue.
    Or le Conseil constitutionnel n'est pas apparu d'un grand secours face à cette évolution, preuve que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne suffit pas à protéger ces dernières contre ce qui apparaît comme un processus de recentralisation.
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est limpide !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il importe donc de réviser la Constitution pour donner un coup d'arrêt à cette dérive, et je comprends que cela en gêne certains !
    Tel est l'objet de l'article 6, dont la disposition essentielle consiste à affirmer que les ressources fiscales et autres ressources propres des collectivités locales doivent représenter une « part déterminante » de leurs ressources.
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'est-ce que ça veut dire, « déterminante » ? A quoi ça sert ? C'est du vent !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cela servira à faire annuler par le Conseil constitutionnel une loi comme celle relative à l'aide personnalisée à l'autonomie.
    M. Augustin Bonrepaux. Du vent !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Sans entrer à ce stade dans la discussion terminologique approfondie que nous aurons sans doute en examinant cet article, je voudrais souligner qu'il constitue déjà un progrès, déterminant, oserais-je dire,...
    M. Jean-Pierre Balligand. On voit que le président de la commission des lois est aussi président de conseil général !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... et que le réalisme nous interdit probablement de demander davantage.
    Cependant, parce que la question de la part de la fiscalité dans les ressources locales m'apparaît vraiment centrale, j'ai proposé à la commission, qui m'a suivi, de préciser que, à l'intérieur des ressources transférées en compensation du transfert de nouvelles compétences, la part des ressources fiscales devra également être déterminante. J'aimerais en effet avoir des engagements du Gouvernement à ce sujet, monsieur le ministre, et je suis convaincu que vous nous les fournirez.
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est dans les amendements !
    M. Jean-Pierre Balligand. Le Conseil constitutionnel va avoir du travail ! Une part déterminante ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Pour rassurer ceux qui craindraient que l'augmentation de la part des recettes fiscales dans les ressources des collectivités locales n'entraîne parallèlement un renforcement des inégalités qui peuvent exister entre différentes parties du territoire, le principe de la solidarité nationale est très clairement affirmé par le projet de loi, qui prévoit que des dispositifs de péréquation compenseront les inégalités entre collectivités locales. Je tiens à dire que je m'en réjouis. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    J'en viens à l'article 3, relatif au Sénat, qui semble cristalliser au sein de notre assemblée un certain nombre de critiques. Celles-ci se sont en particulier exprimées devant la commission des lois, mais surtout, ai-je cru comprendre, devant la commission des finances. Il est nécessaire d'y répondre afin de calmer des inquiétudes qui m'apparaissent largement infondées après le travail des deux commissions.
    M. Jean-Pierre Balligand. Vos amendements modifient les deux tiers de l'article !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est assez fatigant de parler avec des gens qui vous interrompent tout le temps. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas mon genre !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. De quoi s'agit-il ? De rien de plus que de donner tout son sens à l'article 24 de notre Constitution, qui dispose que le Sénat représente les collectivités territoriales et précise que les Français résidant hors de France y sont représentés. Actuellement, ces dispositions n'ont qu'une portée électorale. Le mode de scrutin retenu pour l'élection des sénateurs - qu'un Premier ministre a eu la très mauvaise idée de qualifier d'anomalie,...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vraiment une anomalie !
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est anachronique !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... offensant ainsi non seulement le Sénat mais l'ensemble des grands électeurs -,...
    M. Francis Delattre. Les grands électeurs, c'est la France d'en bas !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... est évidemment la conséquence de ces dispositions. Mais épuise-t-il tout leur sens ? Je ne le crois pas. Quelle est l'utilité d'avoir deux assemblées élues différemment si elles n'ont pas chacune une fonction spécifique ?
    L'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, incarne, avec le Président de la République, élu de la même manière, la souveraineté nationale. (« Très bien ! », sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est donc très légitimement à elle qu'il appartient d'examiner en premier lieu les lois de finances, de même que les lois de financement de la sécurité sociale. Le consentement à l'impôt est en effet à l'origine même de la démocratie représentative.
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il est naturel que les représentants directs du peuple aient, en la matière, une indiscutable prééminence, mais faut-il rappeler que celle-ci ne se limite pas à la priorité d'examen ? En réalité, mais personne ne l'a rappelé, la prééminence de l'Assemblée nationale tient surtout au fait qu'elle détient le dernier mot en cas de désaccord entre les deux chambres lorsque le Gouvernement décide d'interrompre la navette.
    M. Jacques Myard. On le sait !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il faut tout de même le rappeler ! Dire que l'article 3 provoque un bouleversement institutionnel, c'est oublier ce modeste détail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Vous rabaissez l'Assemblée nationale !
    M. Jean-Pierre Balligand. Votre loi finira comme la loi Bonnet : enterrée !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez le président de la commission des lois terminer !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est fatigant d'être sans cesse interrompu !
    M. Augustin Bonrepaux. Il faut bien corriger ce que vous dites !
    M. Jean-Pierre Balligand. Cela méritait effectivement une correction !
    M. le président. Vous vous exprimerez tout à l'heure !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Or, s'agissant des dispositions proposées à l'article 3, la priorité accordée au Sénat ne s'accompagne nullement de cette prééminence. Bien au contraire, en cas de désaccord entre les deux assemblées, l'Assemblée nationale conservera le dernier mot. Il est donc plus qu'excessif, réellement fallacieux, d'affirmer, comme certains, que la réforme proposée remettrait en cause l'équilibre des pouvoirs entre les deux assemblées.
    Reste que la commission des lois, et la commission des finances de manière partiellement complémentaire, se sont attachées à mieux encadrer le dispositif proposé. L'une et l'autre, d'abord, pour les raisons que je viens d'évoquer, ont considéré qu'il n'était pas opportun de laisser la priorité au Sénat pour les textes relatifs aux ressources des collectivités locales. Le principe du consentement à l'impôt doit en l'occurrence prévaloir. Par ailleurs, il est également apparu évident aux deux commissions que les dispositions proposées ne devaient pas limiter de manière excessive l'exercice du droit d'initiative de l'Assemblée nationale.
    M. Jean-Yves Chamard. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Bien sûr, puisque le dispositif ne concerne que les projets de loi, les députés conserveront la possibilité de déposer, sans aucune restriction, des propositions de loi relatives aux collectivités locales.
    M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Quant au droit d'amendement, il n'y a pas davantage de raison qu'il soit limité. Cependant, dans la crainte que le Conseil constitutionnel ne transpose la jurisprudence qu'il a élaborée en matière de lois de finances et n'écarte ainsi la possibilité pour le Gouvernement de déposer à l'Assemblée nationale des amendements substantiels, la commission des finances a jugé souhaitable de faire une référence explicite au droit d'amendement reconnu par l'article 44. La commission des lois a accepté cet amendement.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Excellent amendement !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Par ailleurs, elle a adopté, à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, un amendement écartant les textes relatifs aux compétences des collectivités locales de ceux faisant l'objet d'un examen prioritaire au Sénat. Son auteur a fait part de sa crainte de voir la souplesse nécessaire pour l'élaboration de l'ordre du jour des deux assemblées excessivement réduite. Il est vrai que le nombre de textes concernés pourrait être assez élevé dans les mois qui viennent, compte tenu du champ d'application actuel de l'article. Il vous appartiendra, monsieur le garde des sceaux, de nous indiquer la position du Gouvernement, qui est au premier chef concerné puisque c'est lui qui détermine l'ordre du jour des assemblées. Je ne voudrais pas, en tout cas, que les dispositions retenues par la commission des lois puissent apparaître comme une marque de méfiance à l'égard d'une assemblée qui a été fort mal traitée par le précédent gouvernement. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Idiart. C'est de Gaulle qui a voulu supprimer le Sénat !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je ne peux évidemment oublier un volet essentiel du projet de loi constitutionnelle, qui concerne l'outre-mer. Depuis quelques années, le bel ordonnancement consacré par la Constitution de 1958, qui partageait les collectivités d'outre-mer entre départements et territoires, a commencé à se fissurer ; il était donc temps d'en tirer les conséquences.
    Le projet de loi innove, d'abord, en inscrivant le nom de chacune des collectivités d'outre-mer dans un nouvel article 72-3 de la Constitution, alors que seule la Nouvelle-Calédonie, à laquelle est consacré le titre XIII, y est actuellement mentionnée. On observera d'ailleurs que le Sénat a tenu à la viser également à l'article 72-3, sans que son régime spécifique s'en trouve modifié. Pour les autres départements ou collectivités d'outre-mer, le fait de figurer dans la Constitution est la garantie de leur appartenance à la République, puisqu'elles ne pourront en sortir sans révision de notre loi fondamentale. Cette garantie est particulièrement importante pour Mayotte, qui reste revendiquée par les Comores.
    Par ailleurs, le projet de loi perpétue la distinction entre deux catégories, simplifiées sans être cependant figées : l'article 73 définit le statut des départements ou régions d'outre-mer régis par le principe d'assimilation législative ; l'article 74 institue une catégorie juridique nouvelle, les collectivités d'outre-mer, qui se substitue à celle des territoires d'outre-mer et a vocation à englober toutes les collectivités régies, entièrement ou partiellement, par le principe de spécialité législative.
    La répartition des différentes collectivités entre ces deux catégories n'est pas figée : une procédure de transfert d'une catégorie à l'autre est prévue par un nouvel article 72-4 de la Constitution. On doit souligner qu'elle est subordonnée à l'adoption d'une loi organique et impose le consentement des populations intéressées, ce qui constitue une importante innovation.
    Par ailleurs, le cadre défini pour chacune des catégories de collectivités est flexible et évolutif, ce qui devrait permettre à la diversité des situations de se traduire par une différenciation juridique.
    Pour les départements et régions d'outre-mer, des modalités d'adaptation de la législation métropolitaine, y compris par les collectivités elles-mêmes, pourront intervenir sans habilitation législative. Je voudrais à cet égard évoquer un amendement de la commission des lois qui a suscité quelques débats. Le Sénat, à l'initiative de M. Jean-Paul Virapoullé, a exclu la Réunion de ce régime d'adaptation législative dérogatoire. Les Réunionnais ont en effet très clairement marqué leur volonté de conserver le modèle départemental-régional et leur refus de toute évolution statutaire. Fallait-il pour autant exclure explicitement la Réunion du dispositif totalement facultatif de l'adaptation législative ? La commission des lois ne le pensait pas. Cependant, elle ne peut que prendre acte du caractère déterminé des réactions qui se sont manifestées depuis qu'elle a adopté l'amendement supprimant les dispositions introduites par le Sénat. Je crois donc pouvoir vous annoncer dès maintenant que je suis prêt à retirer cet amendement, après avoir entendu nos collègues de la Réunion et l'avis du Gouvernement.
    Il faut ajouter que, pour permettre aux départements français d'Amérique, qui en ont tous exprimé le désir, de sortir de la situation actuelle caractérisée par la juxtaposition sur un même territoire d'institutions départementales et régionales, le projet de loi constitutionnelle permet aux collectivités actuelles de fusionner ou de créer une assemblée délibérante unique. Là encore, le consentement des électeurs à cette évolution est obligatoire.
    Quant aux collectivités d'outre-mer, elles pourront bénéficier de statuts « sur mesure » en fonction de leurs spécificités et de leurs aspirations. Le nouvel article 74 consacre l'existence de collectivités dotées de l'autonomie. Celles-ci pourront adopter des dispositions dans des matières relevant, en métropole, du domaine de la loi, qui seront soumises à un contrôle juridictionnel spécifique exercé, selon les dispositions introduites par le Sénat, par le Conseil d'Etat. Elles pourront également être autorisées à adopter des mesures préférentielles en faveur de leur population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement et de protection du patrimoine foncier. Enfin, elles pourront participer à l'exercice des compétences conservées par l'Etat. Ces dispositions devraient notamment permettre à la Polynésie de connaître l'évolution statutaire à laquelle elle aspire. Elles rendent sans objet le projet de loi constitutionnelle spécifique, adopté par les deux assemblées sous la précédente législature mais qui n'a pas été soumis à l'approbation du Congrès.
    Au total, c'est donc un projet ambitieux qui nous est soumis,...
    M. Augustin Bonrepaux. On ne le dirait pas !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... et je m'en réjouis.
    Il ne s'agit pas, bien sûr, d'un aboutissement, mais plutôt d'un point de départ. Nous savons qu'il sera suivi par plusieurs projets de loi organique qui en préciseront les dispositions, mais aussi par des lois ordinaires qui devraient élargir les domaines de compétence des collectivités locales.
    M. Bernard Roman. On en reparlera !
    M. Bernard Derosier. C'est un véritable chèque en blanc !
    M. Jean-Luc Warsmann. Critiques ridicules !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. A cet égard, quelques pistes sont déjà ouvertes. On a parlé par exemple du transfert de la voirie nationale aux départements, et je m'en félicite car ceux-ci disposent des services et des compétences nécessaires...
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est le président du conseil général de la Loire qui parle !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... et du transfert de l'ensemble des actions de formation professionnelle aux régions. Pour le reste, l'expérimentation pourra jouer son rôle et ce n'est qu'au vu de ses résultats que d'autres mesures pourront être généralisées.
    M. le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Certains ont critiqué l'ordre retenu par le Gouvernement pour engager sa réforme. Cette critique relève à l'évidence de la mauvaise foi. Il est clair en effet que la révision constitutionnelle constitue un préalable aux autres mesures envisagées.
    Je voudrais enfin insister sur ce qui m'apparaît comme un paradoxe. La révision constitutionnelle qui nous est proposée devrait susciter un consensus : n'a-t-elle pas pour objet, dans le respect du caractère unitaire de notre République, de donner à la décentralisation un ancrage constitutionnel, d'en approfondir ainsi la réalité, de garantir qu'elle pourra se poursuivre dans le respect de l'autonomie des collectivités locales ? Pourtant, dans quelques instants, des motions seront défendues qui ont pour objet d'établir que ce texte est contraire à notre Constitution, ce qui est insolite s'agissant d'une révision constitutionnelle,...
    M. Bernard Derosier. Vous ne l'avez jamais fait, peut-être ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... ou qu'il est inopportun d'en discuter.
    Sans doute tous les points de vue doivent-ils pouvoir s'exprimer dans le cadre du débat politique. Prenons garde cependant de ne pas adopter des positions qui ne seraient pas comprises de l'opinion publique.
    M. Bernard Roman. Personne n'y comprend rien : même pas vous !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est la crédibilité de la représentation nationale qui est en cause.
    Prendre en compte l'attachement des Français à leurs territoires, leur volonté de s'exprimer sur ce qui les concerne et d'améliorer leurs conditions de vie, comme l'exigence d'avoir en face d'eux des élus responsables, sans méconnaître pour autant leur désir unanime d'unité nationale, telle est l'ambition de ce projet,...
    M. Arnaud Montebourg. Quelle ambition !
    M. Bernard Roman. Des mots !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... qui honorera ceux qui le voteront, le Premier ministre qui nous l'a proposé...
    M. Christian Paul. Où est-il ?
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, où est le Premier ministre ?
    M. Bernard Derosier. Il fait son marché !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... et le Président de la République qui l'a inspiré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Balligand. Très bien, monsieur le président du conseil général de la Loire !
    M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour les articles 3 et 6.
    M. Bernard Roman. Il va nous parler du droit d'amendement de l'Assemblée nationale !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, un grand nombre d'entre nous, sur tous les bancs, ont espéré une nouvelle étape de la décentralisation.
    M. Jean-Jack Queyranne. Absolument !
    M. Bernard Roman. C'est vrai !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Nous savons que c'est une étape nécessaire mais exigeante,...
    M. Jean-Pierre Balligand. Bien dit !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... tant pour l'Etat que pour les collectivités locales, si l'on veut répondre aux trois attentes principales de nos compatriotes : simplification de leur vie, maîtrise de la dépense publique et réduction des inégalités territoriales.
    En dépit d'un calendrier serré, la commission des finances a jugé nécessaire de se saisir pour avis des articles 3 et 6 de ce projet.
    M. Jean-Pierre Balligand. Elle a bien fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Elle les a examinés le 13 novembre. Elle a donné un avis favorable à leur adoption, sous réserve de quelques amendements, dont je présenterai brièvement la teneur et qui se rapprochent de ceux de la commission des lois.
    Mais l'analyse de ces articles, mes chers collègues, doit être avant tout replacée dans le contexte d'une réforme constitutionnelle justifiée. En effet, à l'issue de ce qui devrait être la seizième révision de la Constitution de 1958, le titre XII consacré aux collectivités territoriales devrait passer de quatre à neuf articles. Il nous est proposé de rompre ainsi avec une tradition constitutionnelle qui laisse aux collectivités territoriales une part réduite.
    Sur le fond, le projet innove assez profondément, que ce soit pour l'affirmation du principe de l'organisation décentralisée de la République, la création du droit à l'expérimentation, la reconnaissance constitutionnelle des régions, l'instauration de la faculté de supprimer des échelons de collectivités territoriales au profit de nouvelles collectivités, l'inscription dans la Constitution de la nécessité d'adapter les compétences aux niveaux qui conviennent et l'assouplissement du cadre constitutionnel des collectivités d'outre-mer. Quels que soient les pays, en Europe et ailleurs, les réflexions vont toutes dans le même sens : une décentralisation accrue du pouvoir central vers les pouvoirs locaux.
    Mais l'évolution doit se faire avec la claire conscience que cette décentralisation est doublement exigeante, tant pour les collectivités que pour l'Etat. A cet égard, je voudrais répondre à trois questions et dire que, à mon sens, le projet peut et doit contribuer à la simplification des structures et de la législation, à la réduction du coût des politiques publiques...
    M. Arnaud Montebourg. Ça reste à démontrer !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... et à la réduction des inégalités territoriales.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça !
    M. Philippe Vuilque. On vous attend au tournant !
    M. Augustin Bonrepaux. Ça n'en prend pas le chemin : on l'a vu avec le projet de loi de finances !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. La réforme peut et doit améliorer l'efficacité de l'action publique, renforcer la responsabilité des acteurs et simplifier la vie des Français. Il y aurait des dizaines d'exemples à citer ; je n'en prendrai que trois. Le premier concerne les interventions économiques. Il y a une quinzaine d'années, un maire m'a posé la question suivante : « Monsieur Méhaignerie, y a-t-il une subvention à laquelle j'ai droit et que je ne connais pas ? » A l'époque, je pouvais lui répondre. Aujourd'hui, mission impossible, tant les structures et les arrosoirs se sont multipliés, jusqu'à rendre incompréhensibles les mécanismes d'aide.
    M. Francis Delattre. Les aspirateurs aussi !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous videz les arrosoirs !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Pour l'action économique, je souhaite une clarification. La région doit à l'évidence être l'acteur privilégié. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Ségolène Royal. Il fallait commencer par là !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Mon deuxième exemple concerne les compétences d'action sociale. Que dire aux familles et aux associations de handicapés tiraillées entre l'Etat, le département et les organismes de sécurité sociale ? Les départements doivent reprendre ce qui leur a été confisqué mais, dans le même temps, accepter de confier des responsabilités sociales à des structures plus proches des citoyens, telles que les communes, les villes ou les intercommunalités.
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est déjà le cas !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Pas souvent.
    Le troisième exemple concerne la loi relative à la lutte contre l'exclusion. C'est pour moi l'anti-modèle en matière de cohérence et de simplification. La loi aboutit à cinquante-deux décrets et arrêtés et à la création de plusieurs commissions : la bureaucratie et la commissionnite remplacent le travail sur le terrain.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est vrai !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Au lieu d'être un moteur, la loi a démesurément accru la bureaucratie.
    Retenons de ces exemples que ce texte doit aboutir à une simplification et à une remise en cause de l'empilement des structures. Mais on peut aussi se demander si la réforme peut contribuer à la maîtrise des dépenses publiques en ce qui concerne les prélèvements obligatoires.
    M. Jean-Pierre Balligand. A quel échelon ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Pour moi, la réponse est positive, mais à certaines conditions. D'abord, la réforme peut et doit engendrer une dynamique de croissance en libérant les capacités d'initiative, d'adaptation et de responsabilité des hommes. Si l'on considère l'évolution du PIB et de la richesse par habitant des 185 régions européennes, on constate une certaine relation entre la croissance du PIB par région et le degré de décentralisation du système.
    M. Jean-Pierre Balligand et M. Emile Zuccarelli. C'est faux !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Un chef d'Etat européen disait il y a quelques années que les peuples qui réussiront dans les deux prochaines décennies sont ceux dont les Etats accepteront un double transfert de pouvoir : transfert, dans des limites strictes, de l'Etat vers l'Union européenne, compte tenu de la mondialisation de l'économie ; mais plus encore transfert de l'Etat vers les communautés de base, pour libérer les capacités d'initiative, de créativité et d'adaptation des hommes. Ces propos traduisent une philosophie de la responsabilité qui me semble propre à instaurer une maîtrise de la dépense.
    D'autres éléments montrent que cette réforme peut aboutir à une maîtrise des prélèvements obligatoires. Ainsi, en France, six administrations s'occupent de la gestion de l'eau. N'y a-t-il pas là une possibilité de réaliser des économies ? Et l'on pourrait en dire autant de la formation professionnelle. Alléger, pour l'Etat, les tâches qu'il assume mal et à un coût élevé doit être source d'économies budgétaires.
    Mais ces remises en ordre ne seront pas suffisantes s'il n'est pas remédié au mode de financement des collectivités locales. Or, force est de constater que, quel que soit le potentiel fiscal, plus on dépense et plus on est aidé par l'Etat. Ainsi, les dégrèvements pris en charge par l'Etat sont d'autant plus importants que le niveau d'imposition est élevé. A titre d'exemple, j'évoquerai, sans les citer, deux départements riches, où le revenu par habitant est supérieur à beaucoup d'autres et où le niveau de dégrèvement est de 450 francs par habitant ; vous pouvez, mes chers collègues, vous reporter au tableau établi par M. Fréville, dont chacun connaît les compétences fiscales.
    M. Gilles Carrez. C'est vrai !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Dans un département comme la Lozère, en revanche, le dégrèvement moyen n'est que de 59 francs par habitant, soit un rapport de un à sept. On voit donc bien que les dégrèvements vont en sens inverse de la nécessaire correction des inégalités.
    M. Marc Le Fur. Où est la péréquation ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Aussi nos efforts doivent-ils porter sur la péréquation, afin de remettre en cause la tentation de la dépense publique : le texte qui vous est soumis le permettra.
    Ce n'est pas toujours agréable à entendre mais il faut le reconnaître : quand une collectivité dépense 100 francs, elle demande 10 francs à 50 % de ses contribuables. Cela veut dire que la dépense et l'inauguration de nouveaux équipements et services sont beaucoup plus attrayantes que les économies que l'on peut réaliser. Tant que nous ne changerons pas cette dynamique, nous aurons des difficultés à maîtriser la dépense publique.
    Enfin, la réforme peut et doit contribuer à la réduction des inégalités entre collectivités. Ces inégalités se sont aggravées ces dernières années.
    M. Gilles Carrez. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Non !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Bernard Roman. Il ne faut pas dire de mensonges !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Les inégalités entre régions françaises n'ont pas évolué, alors que celles entre pays d'Europe...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'en prenez pas le chemin ! Dans la loi de finances, vous faites l'inverse !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Vous parlerez après, monsieur Bonrepaux. Laissez-moi aller jusqu'au bout de mon raisonnement.
    Les inégalités entre régions françaises, disais-je, n'ont pas évolué, alors que celles entre pays d'Europe tendent à se réduire.
    Le produit intérieur brut par habitant, en Languedoc-Roussillon, reste inférieur de moitié à ce qu'il est dans la région Ile-de-France. Et une étude réalisée par le commissariat général du Plan a montré que les différents mécanismes de péréquation ne corrigent les inégalités de recettes fiscales des communes que pour environ un tiers. Mais cette étude n'a pas pris en compte les dégrèvements, qui représentent une somme importante.
    M. Gilles Carrez. C'est la partie immergée de l'iceberg !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Si l'on prend en compte ces dégrèvements, on peut dire que les évolutions ont eu tendance à reproduire et à accroître les inégalités.
    Enfin, que dire de l'évolution des dernières années et des énormes différences entre DGF, selon qu'elles sont destinées à une communauté urbaine, à une communauté d'agglomération ou à une communauté de communes ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Absolument !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Que ceux qui, aujourd'hui, craignent l'accroissement des inégalités acceptent de reconnaître qu'elles se sont aggravées ces dernières années.
    En conclusion, j'aborderai rapidement les articles 3 et 6, dont la commission des finances s'est saisie. Plusieurs de ses membres de tendances différentes ont manifesté un certain trouble à l'égard de l'article 3 et du droit de priorité donné au Sénat pour l'examen des projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales...
    M. Arnaud Montebourg. Cette affaire est scandaleuse !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... leurs compétences ou leurs ressources.
    M. Arnaud Montebourg. Le Sénat est une chambre indigne !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Nos collègues de l'opposition ont même cru bon de quitter notre réunion, s'interdisant ainsi de présenter leurs observations sur l'article central du projet, l'article 6, relatif à l'autonomie financière des collectivités.
    M. Jean-Pierre Balligand. On va se rattraper en séance publique !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. L'article 3 constitue, il est vrai, une innovation, bien qu'il soit fondé sur l'article 24 de la Constitution selon lequel le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République et des Français établis hors de France. Cette mesure doit être scrupuleusement encadrée, même s'il ne faut pas exagérer l'importance de l'article 3, ...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... dans la mesure où, fort heureusement, le dernier mot, en cas de désaccord entre les deux chambres, reste toujours à l'Assemblée nationale...
    M. Arnaud Montebourg. Il ne manquerait plus qu'on touche à ça !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... il faut le rappeler,...
    M. Arnaud Montebourg. Nous ne sommes plus sous la Monarchie de juillet !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... seule assemblée élue...
    M. Arnaud Montebourg. C'est fini, la démocratie censitaire !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. ... au suffrage universel.
    M. Jean-Luc Warsmann. Nous ne sommes pas au théâtre, monsieur Montebourg !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. En effet, c'est un peu théâtral !
    Il n'est notamment pas apparu acceptable à la commission que le Sénat soit destinataire...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous dites le contraire dans votre rapport ! Relisez-le !
    M. Arnaud Montebourg. Le Sénat n'a aucune légitimité !
    M. le président. Monsieur Montebourg, vous aurez la parole tout à l'heure. Pour l'instant c'est M. Méhaignerie qui l'a. Poursuivez, monsieur le président de la commission des finances.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Il ne nous est donc pas apparu acceptable que le Sénat soit destinataire en premier de projets de loi concernant les ressources des collectivités territoriales alors que l'Assemblée, sur le fondement du consentement du peuple à l'impôt, est saisie en premier des projets de loi de finances qui autorisent la perception de tous les impôts, y compris locaux.
    M. Arnaud Montebourg. Cette affaire est gravissime !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. En outre, le texte proposé par le Sénat, qui limite la marge de manoeuvre du Gouvernement quant à l'inscription des textes à l'ordre du jour des assemblées, restreint sans justification le droit d'amendement du Gouvernement. En effet, et cela vient d'être rappelé par Pascal Clément, la jurisprudence constitutionnelle tire du droit de priorité qui existe en matière de lois de finances la conclusion que les amendements du Gouvernement aux projets faisant l'objet de celui-ci et présentant un caractère entièrement nouveau doivent respecter ce droit. La commission a donc adopté les amendements visant à améliorer la rédaction retenue par le Sénat.
    M. Francis Delattre. Pourquoi cette rigidité ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Ils tendent à définir plus strictement l'objet des textes de loi faisant l'objet de la nouvelle procédure spécifique. Je rappelle à cet égard que nous souhaitons remplacer dans le projet, à propos du droit de priorité du Sénat, le mot : « principal » par le mot : « exclusif ».
    M. Bernard Roman. Pourquoi ces contorsions ?
    M. le président. Vous le demanderez tout à l'heure. Laissez terminer M. Méhaignerie.
    M. Jean-Pierre Balligand. Il faut tout retirer : ce n'est pas sérieux !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Ces trois éléments me paraissent importants.
    M. Jean-Luc Warsmann. Voilà une bonne clarification !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Pour ce qui est de l'article 6, la commission a été sensible au fait qu'il nous est proposé de constituer un socle constitutionnel nouveau empêchant la réduction progressive de l'autonomie financière des collectivités territoriales et le transfert de nouvelles compétences.
    M. Bernard Roman. C'est la République qu'on assassine !
    M. Pierre Albertini. Il ne faut pas exagérer !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Sur ce plan, je crois pouvoir dire que le débat sur la part déterminante ou la part prépondérante n'est pas essentiel à nos yeux, dans la mesure où l'adjectif « prépondérant » aurait entraîné assurément une trop forte contrainte, compte tenu des évolutions fiscales des dernières années et de la perte de l'autonomie financière des collectivités.
    La commission a par ailleurs salué l'avancée consistant à prévoir la compensation systématique de tout transfert de compétence.
    M. Francis Delattre. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Sans doute des dispositions législatives figurent-elles déjà dans le code général des collectivités territoriales, mais elles n'ont pas été appliquées ces dernières années. L'exemple le plus caricatural est bien entendu celui de l'allocation personnalisée d'autonomie,...
    M. Jean-Pierre Balligand. Et la PSD ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des lois, rapporteur pour avis. ... mais on pourrait parler aussi de l'application des 35 heures ou des services départementaux d'incendie et de secours.
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est vous qui avez fait la bêtise de la PSD, vous qui êtes responsable de l'inégalité pour les personnes âgées, monsieur Méhaignerie !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Je vous écouterai, monsieur Balligand, quand ce sera votre tour de parler.
    M. le président. Monsieur Balligand, vous direz cela tout à l'heure !
    M. Jean-Pierre Balligand. Nous avons été obligés de corriger cette erreur ! Un peu de modestie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Calmez-vous, monsieur Balligand !
    M. Marc Le Fur. La PSD, pour certaines familles, représentait 2 000 francs en plus !
    M. Jean-Pierre Balligand. Je ne parlais pas de l'Ille-et-Vilaine, mais de la France !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Cher monsieur Balligand, Mme Guigou a toujours cité l'Ille-et-Vilaine pour l'action et l'innovation dans le domaine social.
    Je termine en évoquant l'article 6, qui concerne la péréquation. C'est, je crois, un élément important. La commission a longuement débattu de la portée de la disposition adoptée par le Sénat. Elle a finalement retenu une rédaction légèrement différente, qui conserve les objectifs tout en supprimant le mot : « inégalités », peu souhaitable dans la Constitution.
    En tout état de cause, ce texte doit nous inviter à revoir les mécanismes de péréquation existants. Trop nombreux, ils sont excessivement complexes et d'une efficacité limitée.
    Au total, madame, messieurs les ministres, la révision constitutionnelle qui nous est proposée constitue pour nous une avancée qui doit être complétée par des réformes législatives, si nous ne voulons pas rester au milieu du gué. La réforme constitutionnelle n'est pas mue par une quelconque volonté de barons locaux mais par une nécessité ressentie par les 500 000 élus locaux de France. Pour nos concitoyens, il s'agit de clarifier les compétences, les niveaux de collectivités territoriales, de simplifier la législation nationale, de réduire les interdépendances qui nuisent à l'efficacité des politiques publiques. C'est pourquoi la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption du projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ
EN MISSION TEMPORAIRE

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article LO 144 du code électoral, auprès de M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du mardi 19 novembre 2002.

6

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, n° 369, relatif à l'organisation décentralisée de la République :
    M. Pascal Clément, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 376) ;
    M. Pierre Méhaignerie, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 377).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 19 novembre 2002)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 19 novembre au vendredi 6 décembre 2002 inclus a été ainsi fixé :
Mardi 19 novembre 2002 :
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - explications de vote et vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256 à 261) ;
    - discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376, 377).
Mercredi 20 novembre 2002 :
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 21 novembre 2002 :
    Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
    - suite de l'ordre du jour de la veille.
Eventuellement, vendredi 22 novembre 2002 :
    Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
    - suite de l'ordre du jour de la veille.
Mardi 26 novembre 2002 :
    Le matin, à 9 heures :
    - discussion de la proposition de loi constitutionnelle de Jean-Marc Ayrault visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n° 341).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376, 377) ;
    - discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 187).
    Mercredi 27 novembre 2002 :
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :
    - discussion des conclusions de la commission mixte paritaire, explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ;
    - suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 187).
    Le soir, à 21 heures :
    - suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
    Jeudi 28 novembre 2002 :
    Le matin, à 9 heures :
    - sous réserve de son dépôt, discussion de la proposition de loi visant à réformer le prononcé des peines complémentaires d'interdiction du territoire.
    (Séance d'initiative parlementaire.)
    L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
    - discussion du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n° 375).
    Mardi 3 décembre 2002 :
    Le matin, à 9 heures :
    - questions orales sans débat.
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement :
    - débat sur l'avenir de l'Europe avec la participation de M. Valéry Giscard d'Estaing, président de la Convention sur l'avenir de l'Union européenne.
    Le soir, à 21 heures :
    - suite de la discussion du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n° 375).
    Mercredi 4 décembre 2002 :
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 187) ;
    - éventuellement, suite de la discussion du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n° 375) ;
    - discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n° 329).
    Jeudi 5 décembre 2002 :
    Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
    - éventuellement, suite de l'ordre du jour de la veille ;
    - sous réserve de son dépôt, discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.

    Eventuellement, vendredi 6 décembre 2002 :
    Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
    - suite de l'ordre du jour de la veille.

annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du mardi 19 novembre 2002
SCRUTIN (n° 40)


sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003.

Nombre de votants

525


Nombre de suffrages exprimés

525


Majorité absolue

263


Pour l'adoption

362


Contre

163

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :     Pour : 335. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, François d' Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Emile Blessig, Jacques Bobe, Yves Boisseau, Marcel Bonnot, René Bouin, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Jean-Marc Chavanne, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, René Couanau, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Gérard Hamel, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Yves Jego, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Dominique Juillot, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Yvan Lachaud, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, M. Pierre Lasbordes, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Édouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Alain Madelin, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Denis Merville, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Étienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Frédéric Reiss, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, M. Jérôme Rivière, Mme Marie-Josée Roig, MM. Jean-Marie Rolland, Vincent Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Michel Roumegoux, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, M. Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Eric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
    Contre : 2. - MM. Jean Roatta et Camille de Rocca Serra.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (148) :     Contre : 134. - Mme Patricia Adam, MM. Damien Alary, Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Paul Giacobbi, Joël Giraud, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, MM. David Habib, François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin , Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Pour : 26. - MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Philippe Folliot, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer et Gérard Vignoble.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 22. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (13).
    Pour : 1. - M. François-Xavier Villain
    Contre : 5. - Mmes Huguette Bello, Martine Billard, MM. Gérard Charasse, Yves Cochet et Emile Zuccarelli.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    MM. Philippe Briand, Édouard Courtial, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Philippe de Villiers, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « pour ».