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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 21 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 20 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

DROITS DE L'ENFANT «...»

Mme Muguette Jacquaint, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

VIOLS ET SIDA «...»

MM. Robert Pandraud, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

NAUFRAGE DU PÉTROLIER PRESTIGE «...»

M. Laurent Fabius, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

GRÈVE DES INSPECTEURS DU PERMIS DE CONDUIRE «...»

MM. Charles de Courson, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

CONTRAT D'INTÉGRATION POUR LES ÉTRANGERS «...»

Mme Chantal Brunel, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

MAINTENANCE DES MATÉRIELS MILITAIRES «...»

M. Gilbert Meyer, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

DÉCENTRALISATION «...»

MM. Jean Glavany, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

CRISE DE LA BANANE EN GUADELOUPE «...»

Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

SÉCURITÉ NUCLÉAIRE «...»

M. Serge Grouard, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

RÉFORME CONSTITUTIONNELLE «...»

MM. Augustin Bonrepaux, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

AIR LITTORAL «...»

MM. Jean-Pierre Grand, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

MALTRAITANCE DES PERSONNES ÂGÉES «...»

Mme Brigitte Bareges, M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Rappel au règlement «...».
M. Daniel Garrigue.
3.  Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

M. Jérôme Bignon.
M. Bernard Accoyer.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

Rappel au règlement «...»

M. Jean-Marc Ayrault.

Reprise de la discussion «...»

Mme Anne-Marie Comparini.

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

Mme
Anne-Marie Comparini,
MM.
Daniel Paul,
Marc-Philippe Daubresse,
René Dosière,
Dominique Dord.

Rappel au règlement «...»

M. Jean-Pierre Brard.

Reprise de la discussion «...»

Mme
Muguette Jacquaint,
MM.
Alain Gest,
Alfred Marie-Jeanne,
Gilles Carrez,
François d'Aubert,
Jean-Pierre Balligand.
    Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Saisine pour avis d'une commission «...».
5.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

DROITS DE L'ENFANT

    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la famille.
    Six ans après l'instauration d'une journée nationale des droits de l'enfant, et cela à l'initiative des parlementaires communistes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Richard Mallié. Ça existe encore ?
    Mme Muguette Jacquaint. ... les droits de l'enfant restent un combat. Si nous nous réjouissons que le taux de natalité en France progresse, notre inquiétude est grande quant à la protection de l'enfant et à sa santé, en particulier s'agissant de la qualité de la prise en charge des grossesses et des accouchements qui manque cruellement de moyens. En Seine-Saint-Denis, par exemple, dix maternités ont disparu en cinq ans alors que le nombre de naissances a progressé de 10 %, pour atteindre 25 000 en 2002.
    Oui, monsieur le ministre, les droits de l'enfant doivent s'appliquer dès la naissance de celui-ci et jusqu'à sa majorité ! Or certains des plus élémentaires sont aujourd'hui refusés à des milliers de jeunes dans le monde, et notamment en France. Ces jeunes doivent d'abord être protégés contre les violences et maltraitances de toutes sortes dont ils sont victimes. Combien d'enfants, à notre époque, sont privés de logement et d'accès aux loisirs ! Combien sont en échec scolaire ! Combien d'enfants souffrent...
    M. Yves Fromion. Qu'a fait la gauche ?
    Mme Muguette Jacquaint. ... de manque d'amour et d'écoute, du racisme ! Voyons ces jeunes isolés, perdus, sans papiers, ces jeunes « errants », comme on dit, ces jeunes prostituées, que l'on pourra maintenant mettre en prison à l'âge de treize ans. Cette journée ne doit pas être que symbolique.
    M. le président. Madame Jacquaint, veuillez conclure s'il vous plaît !
    Mme Muguette Jacquaint. Les communistes veulent des actes concrets. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour faire respecter les droits de l'enfant et pour les renforcer, dans tous les domaines ?
    M. le président. Madame Jacquaint, ayez l'amabilité de conclure !
    Mme Muguette Jacquaint. Cela passe par une lutte contre les inégalités sociales en France et par une aide importante aux familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame la députée, vous avez raison,...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ah !
    M. le ministre délégué à la famille. ... la journée des droits de l'enfant a été instaurée après l'adoption, à l'unanimité, d'une proposition de loi communiste dont Pierre Mazeaud était rapporteur, sous le gouvernement d'Alain Juppé.
    En effet, le symbole n'aurait pas suffi. C'est pourquoi, plutôt que d'organiser un énième colloque pour initiés, j'ai préféré que l'initiative soit prise sur le terrain. J'ai donc invité les 36 000 maires de France à organiser une manifestation à leur convenance sur ce sujet, ce que beaucoup d'entre eux ont déjà fait. J'étais ce matin à Cannes et à midi à Argenteuil, ville qui doit vous être chère, madame la députée,...
    M. Albert Facon. Vous voyagez beaucoup !
    M. le ministre délégué à la famille. ... chez Georges Mothron qui a organisé un débat avec les jeunes des centres de loisir. Tout cela était très intéressant. Il faut aussi faire en sorte que le texte de la convention soit plus accessible et ouvrir le débat le plus largement possible. C'est pourquoi je souhaite que l'on puisse en écrire une version simplifiée avec les enfants.
    Enfin, il faut renforcer la lutte contre les réseaux de pédophilie, de trafics d'enfants et contre tout ce qui a trait à la maltraitance des enfants. Je souhaite donc que soit organisée, dès l'année prochaine, avec les ministres européens en charge de la famille, une journée européenne pour renforcer tous les réseaux de lutte. Je vois que cela fait sourire M. Emmanuelli (Protestations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Henri Emmanuelli. Mais je n'ai rien fait du tout !
    M. Richard Mallié. Il ne sourit jamais !
    M. le ministre délégué à la famille. ... c'est pourtant un sujet d'intérêt général sur lequel tout le monde pourrait se retrouver. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Glavany. C'est un comportement de voyou !..
    M. Henri Emmanuelli. Je demanderai la parole pour un fait personnel !

VIOLS ET SIDA

    M. le président. La parole est à M. Robert Pandraud, pour le groupe UMP.
    M. Robert Pandraud. Monsieur le garde des sceaux, en deux ans, de 1999 à 2001, les sévices sexuels ont connu une hausse de 23 %.
    M. Jacques Myard. Scandaleux !
    M. Robert Pandraud. Les tournantes sont le lot commun de nos banlieues et les viols, quels que soient l'âge et le sexe des victimes, provoquent horreur, dégoût, comme encore vendredi dernier à Gagny dans ma circonscription. Au traumatisme physique et psychologique des victimes, s'ajoute aujourd'hui la peur panique d'une contamination par le sida. Certes, des trithérapies d'urgence sont possibles, mais le traitement est très pénible et l'incertitude sur la séropositivité du violeur conduit fréquemment à son abandon.
    La présomption d'innocence et l'actuelle procédure judiciaire permettent à l'agresseur présumé de refuser un prélèvement de sang. L'Académie de médecine s'en est tout récemment inquiétée et a souhaité que soit défini un nouveau cadre légal permettant au médecin d'empêcher l'agresseur présumé de refuser un prélèvement de sang.
    Monsieur le garde des sceaux, depuis six mois, le gouvernement auquel vous appartenez a légitimement placé les droits des victimes au-dessus de tous les autres. Quand empêcherez-vous que les violeurs puissent tirer argument d'une législation dépassée pour narguer leurs victimes masculines ou féminines, adultes ou mineures, en refusant que l'on vérifie s'ils sont ou non séropositifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler hier, il nous importe de placer la victime au centre de nos préoccupations et la question que vous venez de me poser correspond à ce souci. Quelle est la situation aujourd'hui ? Comme vous l'avez indiqué, en cas d'agression sexuelle, un test HIV, payé sur frais de justice, est immédiatement pratiqué sur la victime. Une trithérapie est engagée d'office, et, au bout de quelques mois, il est procédé à un second test. Il est clair que, lorsqu'il y a transmission d'une maladie sexuellement transmissible, les tribunaux tiennent compte de cette circonstance aggravante.
    Cela étant, vous m'avez posé une question claire et je vais y apporter une réponse claire. Nous avons deux principes juridiques en apparence contradictoires : d'une part, l'inviolabilité du corps humain et, d'autre part, l'exigence de santé publique. Il me paraît nécessaire que nous puissions, en concertation avec les représentants du corps médical, introduire, à la prochaine occasion de révision de la législation pénale, l'obligation d'un test HIV sur tout agresseur sexuel. Ainsi serait levée une incertitude insupportable pour les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

NAUFRAGE DU PÉTROLIER PRESTIGE

    M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste.
    M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, le naufrage du pétrolier « poubelle » appelé, de façon provocante, le Prestige, nous interpelle tous. Ce sont 77 000 tonnes de fioul, c'est-à-dire trois fois plus que pour l'Erika, qui vont souiller les côtes de Galice assurément, celles du Portugal probablement, et peut-être les côtes françaises. Des dégâts très graves vont être occasionnés à la faune, à la flore, à l'écologie. Et tout cela après combien de catastrophes ? L'opinion publique ne comprend pas, ou plutôt elle comprend que, quelles que soient les règles, dans ce domaine le souci du profit l'emporte sur tout, hélas ! Je suis sûr que le Gouvernement a pris, ou va prendre, toutes les mesures nécessaires pour éviter que nos côtes soient souillées.
    M. François Goulard. Il a fait preuve de plus d'énergie que le précédent, en tout cas !
    M. Laurent Fabius. Je souhaite néanmoins avancer trois propositions sur lesquelles je souhaiterais connaître votre avis, monsieur le Premier ministre.
    D'abord, êtes-vous prêt à demander - peut-être l'avez-vous déjà fait ! - une réunion d'urgence du Conseil des ministres européen, afin d'accélérer l'application des bonnes décisions prises, à l'initiative de la France, après la catastrophe de l'Erika ? Je pense en particulier à la création d'une agence de sécurité maritime et à la constitution de garde-côtes.
    Ensuite, lorsque l'on se penche sur ce scandale, on s'aperçoit que le montage juridique est d'une complexité incroyable - interviennent le Liberia, les Bahamas, la Russie, la Roumanie et d'autres pays encore - et qu'il a un seul objectif : que la responsabilité de l'armateur, de l'affréteur, du donneur d'ordres n'apparaisse pas. Dès lors, la France veut-elle prendre l'initiative de proposer que, désormais, ce soit cette responsabilité-là qui soit directement engagée ?
    Enfin, en attendant que l'ordre juridique international permette une vraie sécurité maritime mondiale, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à proposer que, comme l'ont fait les Etats-Unis, après le naufrage de l'Exxon Valdes, les pays membres de l'Union européenne n'acceptent désormais dans leurs eaux territoriales que les bateaux répondant aux normes sociales et de sécurité qu'ils définiront, ce qui signifierait mettre fin aux abus des pavillons de complaisance directs et indirects ?
    Monsieur le Premier ministre, la solidarité vis-à-vis des populations concernées est partagée sur tous ces bancs, mais il faut aller plus loin. Les propositions que je viens de résumer ont pour but de faire en sorte que notre coin de planète ne soit plus une poubelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le Premier ministre, nous partageons complètement votre rage et votre indignation concernant la nouvelle catastrophe écologique occasionnée par un pétrolier poubelle, le Prestige. J'ai répondu hier à votre collègue Deflesselles sur l'aide que nous avions apportée à l'Espagne et sur les mesures de prévention que nous mettons d'ores et déjà en oeuvre dans notre pays pour parer à toute éventualité. Avec mon collègue Dominique Bussereau, bien évidemment, j'étudie les mesures à long terme dont vous nous parlez et qui sont absolument nécessaires. Celles-ci relèvent à la fois de l'Organisation maritime mondiale et de l'Union européenne.
    S'agissant de l'Organisation maritime mondiale, il faut bien entendu améliorer les normes techniques des navires - le processus est engagé -, renforcer le rôle des sociétés de classification et améliorer les conditions de travail des marins car c'est d'eux que dépend la sécurité des navires. Quant aux fonds du FIPOL, ils ont été augmentés et, en cas de catastrophe, le fonds d'indemnisation a été porté de 1,2 milliard à 1,8 milliard de francs.
    S'agissant des mesures communautaires, le « paquet » Erika I prévoit le renforcement des mesures d'inspection. Dans l'attente de l'embauche de tous les inspecteurs nécessaires, mon collègue Dominique Bussereau a demandé à de jeunes retraités de la marine marchande (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), dont on connaît les compétences, d'assurer jusqu'en 2003 ce rôle d'inspection des navires qui entrent dans les ports de l'Union européenne. Car vous avez raison, monsieur le député, il nous faut renforcer ces contrôles et faire en sorte que 25 % des navires qui entrent dans les ports de l'Union européenne soient contrôlés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mais nous devons maintenant passer au paquet Erika II. C'est le sens des mesures qui ont été adoptées par le Conseil des ministres européen, le 27 juin dernier. La France s'est alors montrée très active pour que l'agence de sécurité maritime soit enfin mise sur pied et pour parfaire les techniques de suivi du contrôle maritime. Certes, les mesures européennes n'auraient pas concerné le pétrolier Prestige, mais il faut compter aussi avec les mesures prises au niveau mondial.
    Ce matin, en conseil des ministres, le Président de la République a rappelé son entière mobilisation sur le sujet. Il a décidé, comme vous le souhaitez, monsieur Fabius, de mettre cette affaire à l'ordre du jour du sommet franco-espagnol de Malaga et du sommet de Copenhague du 12 décembre, c'est-à-dire dans quelques jours. D'ores et déjà, en marge du sommet de l'OTAN, il en parle avec M. Shröder, le chancelier allemand. Vos préoccupations sont donc prises en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

GRÈVE DES INSPECTEURS DU PERMIS DE CONDUIRE

    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, les inspecteurs du permis de conduire sont en grève depuis quatre semaines. Ce conflit perturbe l'activité de nombreuses auto-écoles qui sont souvent de petites entreprises et, surtout, prive des milliers de candidats d'un permis de conduire. Or, celui-ci est un facteur d'intégration sociale et professionnelle. De plus, il permet l'exercice de la liberté publique d'aller et venir. Monsieur le ministre, vous avez rencontré hier soir des représentants du syndicat FO des inspecteurs du permis de conduire. Ils vous ont promis une réponse pour cet après-midi. Le groupe UDF souhaiterait savoir comment s'est déroulé cet entretien et si vous pensez que ce conflit, dont les motifs paraissent difficiles à comprendre et à justifier aux yeux de l'opinion publique, va enfin trouver une issue rapide. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, comme je m'y étais engagé, j'ai longuement reçu hier soir le syndicat FO des inspecteurs du permis de conduire. Au cours de notre entretien, qui a été très approfondi et très courtois, j'ai pu déceler que le véritable motif de la grève ne tenait pas à la crainte du rattachement de ces inspecteurs aux DDE. En effet, ils craignent plutôt les éventuels dysfonctionnements qui pourraient résulter de ce rattachement. Je me suis donc engagé personnellement à en suivre la mise en place département par département. L'assemblée générale s'est tenue ce matin. Hélas ! la grève se poursuit, malgré les garanties que j'ai apportées.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est scandaleux !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'en prends acte. La porte du ministère reste bien entendu ouverte, mais le Gouvernement se doit de répondre à la préoccupation des milliers de personnes qui attendent de pouvoir passer leur permis de conduire,...
    M. Jean-Claude Lenoir. C'est scandaleux !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... qui ont souvent engagé des sommes importantes...
    M. François Goulard. Donnez-le leur, le permis !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et ont même parfois emprunté pour cela.
    Le Gouvernement se doit aussi de répondre à l'attente des auto-écoles, des petites entreprises souvent fragiles qui n'ont que quelques salariés, dont le travail pourrait être remis en cause et qui risqueraient hélas ! de se retrouver au chômage.
    En conséquence, tout en gardant la porte ouverte au dialogue, j'ai demandé à Mme la ministre de la défense, Mme Alliot-Marie, et à M. le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, de bien vouloir solliciter la gendarmerie pour faire passer les permis de conduire, au moins la partie théorique, dès vendredi et au plus tard lundi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Ainsi, mesdames, messieurs les députés, nous assurerons la continuité du service public. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jérôme Lambert. C'est la meilleure façon de négocier !

CONTRAT D'INTÉGRATION POUR LES ÉTRANGERS

    M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe UMP.
    Mme Chantal Brunel. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le Président de la république a annoncé le 14 octobre, à Troyes, la création d'un contrat d'intégration, dont la mise en place devrait être effective fin 2003. Ce projet a pour objet d'améliorer les conditions d'accueil des étrangers en France, ce qui est en effet nécessaire. Il vise aussi à formaliser les droits et devoirs des étrangers qui arrivent en France, ce qui est indispensable pour assurer leur intégration. Mais il convient également de faire connaître et respecter les valeurs de la République. Parmi celles-ci, il en est deux qui sont essentielles et qu'il faut défendre. La première est la laïcité (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présisentielle), principe constitutionnel qui doit être respecté par tous.
    M. Jacques Myard. Bravo !
    Mme Chantal Brunel. La seconde est la monogamie. Notre code civil proscrit la polygamie. Cette pratique est difficilement contrôlable et a des conséquences sociales et financières non négligeables.
    Comment comptez-vous, monsieur le ministre, faire respecter ces deux principes, qui font partie des fondements de notre République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, la France n'est pas qu'un espace géographique, ce n'est pas qu'un lieu de destination parmi d'autres dans le monde. La France est une nation politique, c'est une république tolérante mais exigeante sur ses principes. Dans cet esprit, nous avons fait, presque unanimement, le choix de l'intégration contre le choix du communautarisme.
    L'intégration, c'est la volonté de faire respecter les droits mais aussi les devoirs de la République. Et, dans ce même esprit, madame la députée, nous allons proposer à chaque nouvel arrivant un contrat définissant un parcours personnalisé d'intégration. En retour, le bénéficiaire devra s'engager à respecter nos lois et nos valeurs. Bien entendu, ce contrat insistera fortement sur le respect de la laïcité, sur la place de la femme dans la société, marquée par le principe de l'égalité et par l'interdiction de la polygamie. Sur ce dernier point, j'ai donné des instructions pour que soient intensifiés les contrôles portant sur les prestations familiales et les subventions allouées aux différentes associations par le Fonds d'action et de soutien à l'intégration. De même, j'ai demandé que soient relancées fermement les actions d'information et de prévention en direction des femmes elles-mêmes.
    Vivre en France, mesdames et messieurs les députés, ce n'est pas seulement être en France. Vivre en France, c'est choisir la France avec ses droits, ses devoirs et ses idéaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

MAINTENANCE DES MATÉRIELS MILITAIRES

    M. le président. La parole est à M. Gilbert Meyer, pour le groupe UMP.
    M. Gilbert Meyer. Madame la ministre de la défense, un rapport d'information sur l'état de nos matériels militaires vient de rendre un audit très alarmant, voire catastrophique, d'où il ressort que ces matériels sont très vieillissants. Pour bon nombre d'entre eux, les pièces de rechange ne sont plus sur le marché. Il a fallu aller jusqu'à cannibaliser certains anciens matériels pour en réparer d'autres tant bien que mal. Le diagnostic rendu vaut malheureusement pour nos trois armes. Il en résulte que le taux de disponibilité du matériel est actuellement au plus bas. Avec les projections de nos forces, nous étions souvent sur le fil d'une rupture capacitaire. Quelle aurait été notre situation si, subitement, pour la défense de notre territoire, il avait fallu soutenir ailleurs un autre champ opérationnel ?
    La raison essentielle de cette dégradation tient à l'amputation permanente des crédits budgétaires de ces cinq dernières années : l'équivalent d'une année de crédits du titre V.
    M. Albert Facon. C'est l'éducation, maintenant !
    M. Gilbert Meyer. Nous avons ainsi perdu 10 à 15 points de disponibilité opérationnelle et nos personnels ont été très affectés par cette situation.
    M. Yves Fromion. Très juste !
    M. Gilbert Meyer. Il apparaît aussi que la gestion de la maintenance laisse beaucoup à désirer.
    Madame la ministre, nous savons tous que la paix, la préservation de la démocratie et la lutte contre le terrorisme demandent une capacité d'intervention sans faille. Quelles dispositions allez-vous prendre pour redresser la situation, afin que notre armée puisse répondre à sa mission ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, votre constat est conforme à la situation que j'ai trouvée en arrivant dans ce ministère, et que j'ai dénoncée. Quelles en étaient les causes ? Quelles en sont les conséquences ? Quelles sont les réponses à y apporter ?
    Les causes sont d'abord liées au fait que le budget du ministère de la défense, alors même que nous venions de connaître quatre années d'une croissance inégalée, a constamment servi de budget d'ajustement pour les autres ministères. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans une situation de montée des crises et de montée du terrorisme, c'était irresponsable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quant aux conséquences, la première est l'indisponibilité de nos matériels nous mettant à la limite d'une impossibilité d'agir. Fort heureusement, nos personnels ont compensé par leurs qualités exceptionnelles ce qu'ils n'avaient pas en matériel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La deuxième conséquence est une insuffisance de l'entraînement. Or l'entraînement, c'est l'efficacité, mais c'est également la sécurité des personnels.
    Enfin, la troisième conséquence a été une baisse considérable du moral des militaires et, d'une façon générale, des personnels de la défense.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
    Mme la ministre de la défense. Quelles sont nos réponses, monsieur le député ?
    D'abord, des réponses financières. Le Gouvernement a accepté d'une façon, tout à fait exceptionnelle, au moment de la loi de finances rectificative de cet été, de consacrer 100 millions d'euros uniquement à la réparation et aux achats de matériel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    C'est, ensuite, la loi de programmation militaire qui fait de la maintenance la première des priorités avec un budget annuel de 2,6 milliards d'euros. Dès 2003, les crédits qui lui sont attribués connaîtront une augmentation substantielle, de 8,5 % par rapport à 2002.
    Mais il n'y a pas que les crédits. Il faut aussi mobiliser les énergies. C'est ce que je fais en me rendant systématiquement dans tous les lieux où l'on s'occupe de maintenance. Il faut, par ailleurs, renouveler nos méthodes. De ce point de vue, nous sommes en train d'étudier la passation de marchés à finalité avec les industriels et de revoir de nouvelles techniques de maintenance pour l'armée de terre.
    Nous avons des personnels militaires tout à fait exceptionnels. Ils méritent que la nation leur donne les moyens de leur action au bénéfice de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉCENTRALISATION

    M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.
    M. Jean Glavany. Je tiens à dire à Mme Alliot-Marie que, devant la représentation nationale, on peut soutenir n'importe quel raisonnement sur le budget du ministère de la défense. Cependant, c'est entre 1995 et 1997 que ce budget s'est le plus effondré, tous les chiffres le démontrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - « C'est faux ! » et protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) J'ajoute, par respect pour la représentation nationale, qu'on peut toujours faire allusion à des hausses de crédits, à condition de veiller que le ministère des finances ne gèle pas aussitôt ces crédits. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur le Premier ministre, vous semblez faire de la décentralisation votre affaire personnelle. Vous avez réuni, à Strasbourg, il y a quelques semaines, les présidents de région et vous leur avez indiqué que la région serait la cellule de référence de la décentralisation. Quelques jours après, vous avez réuni les présidents de conseils généraux et vous leur avez indiqué que le département serait la cellule de référence de la décentralisation. Puis, hier, vous avez rencontré les maires de France, réunis en congrès et, bien entendu, vous leur avez indiqué que la commune serait la cellule de référence de la décentralisation ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je me garderai de porter sur cette curieuse cohérence un jugement aussi sévère que celui du président de l'Assemblée nationale, sauf pour souligner que cela provoque de grandes interrogations et de graves inquiétudes chez des centaines de milliers d'élus locaux.
    Mais il y a plus grave, monsieur le Premier ministre : à l'article 3 du projet de loi constitutionnelle (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous découvrons que, de fait, la vraie cellule, la vraie structure de référence de votre décentralisation, c'est le Sénat, objet de toutes vos attentions personnelles. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. C'est faux !
    M. Jean Glavany. Or celui-ci fait l'objet de propositions et de modifications contraires à l'esprit de la Constitution de 1958.
    Vous le savez, monsieur le Premier ministre, ces dispositions provoquent un trouble, une inquiétude et, même, une désapprobation sur tous les bancs de cette assemblée (Protestations sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle), d'autant qu'à l'inverse du Sénat, vous ne vous êtes jamais exprimé ici sur ce sujet, alors que nous sommes élus au suffrage universel direct.
    Ma question sera simple : ne serait-il pas sage de renoncer à l'article 3 plutôt que de réaliser une réforme constitutionnelle très lourde, pour convenance personnelle ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs des députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est à M. Raffarin de répondre !
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Glavany, je commencerai par une citation qui va vous intéresser : « Le Sénat est une deuxième chambre indispensable pour des lois plus éclairées. » Cela a été prononcé par M. Pierre Mauroy, en juin 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. Et alors ?
    M. le garde des sceaux. Monsieur le député, vous avez suivi le débat qui nous a réunis depuis hier après-midi sur la décentralisation. Je voudrais, très sincèrement, vous faire part de ma réaction personnelle, après avoir entendu un certain nombre de vos amis politiques : le seul point sur lequel vous ayez pu vous mettre d'accord, c'est l'immobilisme ! Parce que vous êtes gênés que cette majorité, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, ait décidé d'engager la réforme des autorités publiques de ce pays, que les Françaises et les Français nous ont demandée en avril et en mai derniers.
    Ma réponse et donc simple : cette réforme est indispensable à la France et nous la mènerons jusqu'au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Raffarin, Raffarin !
    M. le président. Calmez-vous !

CRISE DE LA BANANE EN GUADELOUPE

    M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Monsieur le ministre de l'agriculture, la situation économique et sociale de la Guadeloupe est particulièrement inquiétante et la presse nationale s'en est fait largement l'écho ces deux dernières semaines. Le secteur de la banane antillaise, dont les cours chutent de manière vertigineuse, est frappé de plein fouet par une crise sans précédent, accentuée par une concurrence internationale de plus en plus exacerbée.
    La politique des quotas entraîne une surproduction et une vente à perte nuisant de manière chronique à la productivité de nos exploitations.
    Face à cette crise, monsieur le ministre, les producteurs guadeloupéens sont très inquiets.
    Le nouveau comité de défense des producteurs de la banane guadeloupéenne dénonce aujourd'hui l'inefficacité des pouvoirs publics face à la politique aléatoire du comité de gestion de la banane de l'OCM. Ce dernier aurait transféré 100 000 tonnes d'un quota de bananes ACP non produits au quota de la banane dollar. C'est la production guadeloupéenne, voire antillaise, qui est mise en faillite.
    Le comité de défense a, de ce fait, porté plainte contre l'OCM, à raison de l'action préjudiciable de son comité de gestion envers la banane guadeloupéenne. Des chiffres permettront de mieux comprendre la situation critique du secteur de la banane en Guadeloupe : le prix moyen de cette dernière pour 100 000 tonnes est de 24 centimes d'euros par kilo, alors que celui de la banane des Canaries pour 450 000 tonnes est porté à 45 centimes d'euros par kilo. L'avance sur l'aide compensatoire, de 19,3 centimes d'euros par kilo, est par ailleurs totalement disproportionnée. Elle ne porte le kilo de bananes de la Guadeloupe qu'à 42,7 centimes d'euros, alors que la banane en provenance des Canaries passe à 67,1 centimes d'euros. Cette disproportion est inacceptable.
    Monsieur le ministre, je ne doute pas de l'intérêt que le gouvernement Raffarin porte à notre région. Aussi, mon collègue Joël Beaugendre et moi-même souhaiterions connaître la politique d'urgence que vous comptez mettre en oeuvre avec notre ministre de l'outre-mer, afin de sauver l'un des piliers fondamentaux de l'économie de la Guadeloupe, partie intégrante de l'Europe et de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la députée, vous avez fort bien exposé la situation de la banane guadeloupéenne et, plus généralement, de la banane antillaise.
    Nous sommes déterminés, Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, et moi-même, sous l'autorité du Premier ministre, à prendre en main ce dossier, n'en doutez pas.
    Depuis notre arrivée, nous avons d'abord répondu à des situations d'urgence. Brigitte Girardin a notamment obtenu de la Banque pour le développement des PME des facilités de trésorerie pour les groupements de production. Ensuite, s'agissant de la gestion communautaire, nous avons obtenu de Bruxelles une augmentation de 2,84 centimes d'euro par kilo sur l'avance de l'aide compensatoire.
    Ces mesures d'urgence s'imposaient, mais elles ne suffisent évidemment pas et il faut prendre les choses en main sur le plan structurel. Il convient donc, en discutant avec tous les professionnels de la filière, tout d'abord d'améliorer les conditions de stockage et de conditionnement des produits, puis de réformer dans le bon sens l'organisation commune de marché européenne. La Commission européenne doit déposer à la mi-2004 un certain nombre de conclusions et d'orientations. Brigitte Girardin et moi-même avons décidé d'anticiper le mouvement en lançant dès aujourd'hui une étude technique, qui contribuera à améliorer cette OCM.
    Ne doutez donc pas, madame la députée, de notre détermination et de notre soutien total sur ce dossier majeur pour l'outre-mer français. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

SÉCURITÉ NUCLÉAIRE

    M. le président. La parole est à M. Serge Grouard, pour le groupe UMP.
    M. Serge Grouard. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. (« Ah ! » sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Madame la ministre, depuis votre nomination, les priorités de votre ministère portent enfin sur les questions de sécurité et de sûreté, notamment dans le domaine nucléaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Un député du groupe socialiste. C'est une plaisanterie !
    M. Serge Grouard. Le projet de loi sur la transparence nucléaire, dont nous allons débattre ici même dès le début de l'année prochaine, témoigne de cette volonté. Cela étant, quelques inquiétudes se sont fait jour ici ou là chez certains de nos concitoyens. A ce propos, on est en droit de se demander si les déclarations de la direction générale de la sécurité nucléaire et de la radioprotection sur les risques sismiques sont vraiment responsables. Permettez-moi de reprendre ici l'un de ces propos : « Il ne s'agit que d'une dizaine d'anomalies sur un total de 100 à 120 par an. »
    Madame la ministre, notre système de sécurité nucléaire a besoin d'un organisme de réputation internationale indépendant et transparent. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, dont la création doit beaucoup à l'implication de nore collègue Claude Birraux,...
    M. Edouard Landrain. C'est vrai !
    M. Serge Grouard. ... doit jouer ce rôle.
    Or, depuis février dernier, l'IRSN n'a toujours pas de président et son administrateur n'est nommé qu'à titre provisoire. Il ne faudrait donc pas que cette absence de décision nuise à la crédibilité de la sûreté nucléaire. Il ne serait pas acceptable non plus que des combats d'arrière-garde...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
    M. le président. Monsieur Grouard, posez votre question !
    M. Serge Grouard. ... entravent le fonctionnement de l'Institut et le mettent à nouveau sous tutelle.
    Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les décisions concernant les nominations aux postes de l'IRSN ? Pouvez-vous nous rassurer sur son devenir et, de manière plus générale, sur le fonctionnement de notre système de sûreté nucléaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, nous avons mis la sécurité et la transparence au coeur de notre démarche s'agissant de la sûreté nucléaire. Cette préoccupation est partagée par les deux autres ministres de tutelle de la sûreté nucléaire, mes collègues Nicole Fontaine et Jean-François Mattei. En outre, Mme Noëlle Lenoir (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), lors de sa visite en Bulgarie, à Sofia, voilà quelques jours, a rappelé que la sûreté nucléaire était une exigence européenne à propos des préconisations sur la centrale de Kozlodoui, en Bulgarie.
    M. Jean Leonetti. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Nous n'avons pas attendu ces derniers jours pour découvrir le risque sismique que vous soulevez. Les centrales électronucléaires sont construites selon des normes qui permettent de supporter un séisme beaucoup plus élevé que le risque maximal enregistré dans ces régions. De plus, il est procédé à des réévaluations en continu de ces normes. Cela conduit, d'ailleurs, à des prises de décisions lourdes, comme celle de transférer la fabrique de MOX de Cadarache à Marcoule pour mieux assurer le risque sismique.
    Cela entraîne aussi des inspections de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Lors de ces inspections, des écarts ont été notés. Ces anomalies ont été signalées à l'opérateur, en l'occurrence EDF, avec l'obligation d'y remédier. Elles ont été classées à l'échelon le plus bas sur une échelle de gravité qui en comprend sept. Donc, notre démarche n'est pas celle de la banalisation, car aucun incident, même le plus mineur, ne doit être banalisé en ce domaine. En même temps, nous refusons de céder aux fantasmes de ceux qui manient les peurs pour s'ouvrir des fenêtres médiatiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    S'agissant de la sûreté nucléaire, il nous faut donc deux opérateurs. D'abord, l'Etat doit exercer ses fonctions régaliennes d'inspection à travers la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, mais il faut aussi un institut indépendant : l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Comme nous avons trouvé ce dernier en déshérence, je procède avec les autres ministres de tutelle aux recrutements nécessaires. D'ici à quelques semaines, je devrais prendre le décret de nomination de l'équipe dirigeante de l'IRSN. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME CONSTITUTIONNELLE

    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Monsieur le Premier ministre, vous n'avez pas eu le courage tout à l'heure de répondre à la question de Jean Glavany (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) qui, pourtant, vous concernait directement. Il vous faut assumer votre responsabilité ! (Mêmes mouvements.) Cette réforme est dangereuse pour la souveraineté du peuple que nous représentons ici et illustre votre mépris de l'Assemblée nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
    M. Augustin Bonrepaux. La première preuve réside dans le droit de priorité que vous donnez au Sénat pour les textes concernant les collectivités locales. Cela aura des conséquences très graves pour l'équilibre des institutions. Comme l'a indiqué dans son rapport le président de la commission des finances, qui appartient à votre majorité : « Le droit de priorité fait obstacle à l'exercice d'un droit d'amendement substantiel sur d'autres textes que ceux relatifs aux collectivités locales tels que les lois de finances. »
    M. François Goulard. C'est faux et vous le savez !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous prévoyez la réduction du pouvoir d'amendement des députés et surtout la suppression de toute capacité d'initiative de l'Assemblée concernant les collectivités locales ou de futures lois de décentralisation (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Thierry Mariani. Ce n'est pas vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. ... qui seront sûrement nécessaires vu le flou de votre texte ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La seconde preuve est symbolique de votre mépris pour l'Assemblée,...
    M. François Goulard. C'est un mensonge !
    M. Augustin Bonrepaux. ... puisque vous n'avez pas souhaité présenter votre texte à l'ensemble des députés...
    M. Arnaud Montebourg. Absolument !
    M. Augustin Bonrepaux. ... alors pourtant que vous n'avez pas hésité à le défendre longuement devant le Sénat et que le président de notre assemblée vous a attendu hier, l'après-midi et le soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Enfin, et cela va loin, vous négligez la règle constitutionnelle qui donne à l'Assemblée la priorité d'examen des lois de finances.
    A quoi aura servi notre débat sur le budget pendant plusieurs semaines, puisque vous allez modifier l'équilibre du budget au Sénat dans les prochains jours ?
    M. Jean-Pierre Soisson. Mais non !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous nous avez présenté un budget virtuel alors que les sénateurs auront le privilège, eux, de discuter d'un budget réel. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire du principe de prééminence de la souveraineté du peuple, lequel donne à l'Assemblée une légitimité plus large que celle du Sénat qui, lui, n'est pas élu directement par les citoyens, vous êtes bien placé pour le savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent.)
    S'il vous plaît messieurs, asseyez-vous ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste quittent l'hémicycle. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Augustin Bonrepaux. Le Premier ministre fait preuve d'un trop grand mépris pour la représentation nationale !
    M. Jean-Marc Ayrault. Cela fait trois fois que le Premier ministre ne daigne pas nous répondre !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n'y a pas de Premier ministre, c'est scandaleux !
    M. Christian Bataille. C'est nul !
    Mme Martine David. Quel mépris de la part du Gouvernement !
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, je voudrais, en dépit du tohu-bohu, répondre à M. Bonrepaux pour lui rappeler la nécessité de lire le texte de manière précise. En particulier, et il le sait très bien, il n'est nullement question de modifier la prééminence de l'Assemblée sur le Sénat. Il n'est nullement question non plus de limiter le droit d'amendement des députés sur des textes qui auraient été examinés en première lecture par le Sénat. Enfin, et il ne peut pas l'ignorer, les travaux parlementaires ne sont pas terminés. C'est ainsi que la commission des lois et la commission des finances - je m'adresse plus spécifiquement à leurs présidents - sont en train d'élaborer, en étroite liaison avec les responsables des commissions du Sénat, un dispositif juridique qui donnera au Sénat la possibilité d'exprimer les souhaits des collectivités territoriales qu'il représente tout spécialement, tout en préservant, bien entendu, la prééminence de l'Assemblée nationale dans le système bicaméral qui est celui de la Ve République et qu'il n'est nullement question de modifier. (Aplaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

AIR LITTORAL

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, vous connaissez les graves difficultés de trésorerie que rencontre la compagnie aérienne Air Littoral du fait du non-respect des engagements financiers du groupe Swissair, qui l'a reprise.
    Un impayé de 30 millions d'euros remet en effet en cause l'équilibre économique du plan de redressement d'Air Littoral malgré les bons résultats commerciaux de cette entreprise qui participe à l'aménagement du territoire et emploie un millier de personnes, principalement dans la région montpelliéraine.
    Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que je souhaite savoir dans quels délais le Gouvernement entend apporter un soutien financier à cette compagnie sous la forme d'un prêt-relais qui compléterait celui des conseils régional et général. Il s'agit de permettre à Air Littoral de poursuivre sa mission de service public et ainsi préserver de nombreux emplois particulièrement précieux dans le département de l'Hérault, durement touché par le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
    M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le député, les graves difficultés financières d'Air Littoral sont en effet liées à la défaillance de la compagnie Swissair. Elle a conduit Air Littoral à mettre en place un plan de réduction de sa flotte, de ses effectifs et de son réseau, et a engagé une action en justice pour recouvrer les créances d'un montant de 30 millions d'euros dont vous avez rappelé l'existence. En outre, pendant l'été, Air Littoral a entrepris des actions extrêmement prometteuses pour redéployer ses destinations et mettre fin aux difficultés financières auxquelles elle est confrontée.
    Comme vous le souhaitiez, monsieur Grand, le Gouvernement a fait procéder à un audit de la situation de cette entreprise qui a montré qu'il fallait renforcer l'action commerciale et naturellement trouver des investisseurs.
    M. Jean-Pierre Brard. Parlez-en à Sellière !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Le Gouvernement a entendu votre message ainsi que celui des parlementaires de votre département et a pris trois décisions pour donner toutes ses chances à Air Littoral. Tout d'abord, nous prorogeons la validité de la licence d'exploitation d'Air Littoral jusqu'au 31 mars 2003. Ensuite et comme vous le demandiez, nous accordons à l'entreprise un prêt du FDES d'un montant de 7,5 millions d'euros qui viendra en complément d'un prêt de montant équivalent que l'entreprise devrait obtenir auprès de la région Languedoc-Roussillon et des compagnies consulaires intéressées. Enfin, nous prorogeons jusqu'à la fin de 2002 le moratoire sur les dettes publiques de l'entreprise.
    J'espère, monsieur Grand, que ces dispositions permettront à l'entreprise de trouver les investisseurs privés capables de soutenir son développement.
    M. Jacques Desallangre. Le baron Sellière !
    M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Par ces mesures, le Gouvernement montre, comme il l'a fait pour Air Liberté, qu'il veut donner toutes ses chances à une compagnie qui rencontre des difficultés, qu'il met tout en oeuvre pour sauvegarder son avenir et préserver l'aménagement du territoire et, bien évidemment, un millier d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

MALTRAITANCE DES PERSONNES ÂGÉES

    M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bareges, pour le groupe UMP.
    Mme Brigitte Bareges. Monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, ma question porte sur un drame humain trop souvent méconnu, un sujet presque tabou : la maltraitance des personnes âgées. La presse, la justice nous relatent des cas de plus en plus fréquents de brutalités physiques, de violences morales, de détournements de fonds. Des études montrent que la maltraitance touche environ 5 % des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans et 15 % des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans.
    Vous avez installé hier un comité national de vigilance contre la maltraitance. Pouvez-vous nous préciser quelles missions et quels moyens d'action vous comptez lui confier pour traiter ce douloureux problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la députée, le problème de la maltraitance des personnes âgées est, en effet, une priorité du Gouvernement. Notre société doit protéger ses sujets les plus fragiles que sont les enfants, les handicapés et les personnes âgées. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Chaque année, 800 000 personnes âgées sont victimes de maltraitance physique, de maltraitance financière - détournements de pensions et de biens mobiliers ou immobiliers -, de maltraitance médicamenteuse puisqu'on surdose les médicaments qui peuvent leur être prescrits pour obtenir une relative tranquillité. Sur les 10 000 établissements, tant publics que privés, qui accueillent les personnes âgées dans notre pays, 5 % méritent aujourd'hui d'être fermés.
    Nous avons donc mis en place hier, madame la députée, un Comité de vigilance sur la maltraitance. Le Gouvernement a décidé de faire de cette cause une cause nationale. Nous allons mettre en place des outils et des actions qui nous permettront de prévenir, d'agir, de mieux contrôler et de sanctionner toutes celles et tous ceux qui maltraitent les personnes âgées.
    Oui, madame la députée, le droit à la dignité de nos anciens est une préoccupation majeure de notre gouvernement, et je suis certain que cette préoccupation est partagée par la majorité des membres de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour un rappel au règlement.
    M. Daniel Garrigue. Monsieur le président, mon intervention est fondée sur l'article 58 du règlement.
    Dans la nuit de vendredi à samedi, l'Assemblée a adopté un amendement relatif à l'archéologie préventive, qui n'a fait l'objet d'aucune opposition. Il est indéniable que son contenu peut déranger certains. Si nous comprenons donc tout à fait que des fonctionnaires demandent à rencontrer leur ministre ou des députés pour en discuter avec eux, si nous comprenons également que les organisations syndicales veuillent réagir, nous estimons en revanche qu'il est inacceptable qu'un fonctionnaire de l'Etat - en l'occurrence, un membre du service régional d'archéologie d'Aquitaine, M. Geneste - déclare dans la presse que le vote de l'Assemblée nationale est une décision politicienne. Il s'agit en effet d'une violation caractérisée de l'obligation de réserve des fonctionnaires de l'Etat !
    M. René André. Très bien !
    M. Daniel Garrigue. Je veux donc profiter du débat sur la décentralisation qui conduit certains d'entre nous à s'interroger sur le rôle de l'Etat et sur la place de l'Assemblée nationale pour demander aux membres du Gouvernement de faire respecter strictement l'obligation de réserve par les fonctionnaires.
    M. le président. Monsieur Garrigue, vous devez conclure, vous connaissez bien l'article 58,...
    M. Daniel Garrigue. Tout à fait !
    M. le président. Alors ne m'obligez pas à le répéter.
    M. Daniel Garrigue. Mais cela concerne le fonctionnement de l'Assemblée nationale !
    M. le président. Merci, monsieur Garrigue !

3

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi
constitutionnelle adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Hier, l'Assemblée a entendu les trois premiers intervenants dans la discussion générale, au titre des groupes socialiste, UDF, communistes et républicains.
    Avant de donner la parole à M. Jérôme Bignon, pour le groupe de l'UMP, j'indique que son intervention sera suivie de celle de M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marc Ayrault. Il n'est sans doute jamais trop tard !
    M. Jean-Pierre Balligand. Dommage ! M. le Premier ministre aurait dû m'écouter avant !
    Mme Ségolène Royal. C'est hier soir qu'on l'a attendu !
    M. le président. Madame Royal, je vous remercie d'écouter M. Bignon !
    Monsieur Bignon, vous avez la parole.
    M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre de l'outre-mer, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, mes chers collègues, le groupe de l'UMP, au nom duquel j'ai l'honneur d'intervenir, aborde l'examen de cette réforme constitutionnelle avec confiance et détermination.
    Confiance parce que le texte préparé par le Gouvernement s'inscrit dans la ligne des engagements pris par le Président de la République pendant la campagne présidentielle. En l'occurrence, il s'agissait du discours de Rouen. Nous étions nombreux ce jour-là à ses côtés pour dire avec lui notre impatience de voir desserrer le carcan centralisateur, notre impatience de donner à notre pays cette bouffée d'air frais pour permettre aux citoyens, aux fonctionnaires territoriaux, aux élus locaux de mieux respirer sur nos territoires.
    Confiance parce que le texte préparé par le Gouvernement constitue la concrétisation des engagements de notre Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, engagements développés dans son discours de politique générale du 3 juillet et ratifiés par notre vote massif de soutien et de confiance signifiant notre hâte de voir mise en oeuvre sans délai cette réforme essentielle à nos yeux.
    Détermination parce que nos concitoyens nous attendent sur ce sujet. Ils nous attendent d'ailleurs - devons-nous le rappeler ? - sur tous les sujets sur lesquels nous nous sommes engagés et sur lesquels, semaine après semaine, nous avons entrepris, derrière et avec le Gouvernement, de modifier en profondeur le fonctionnement de notre pays.
    Il s'agit de la sécurité et de la justice évidemment ; il s'agit de l'économie et de l'emploi évidemment ; mais il s'agit aussi de la proximité, de la simplification des procédures, de la lisibilité de l'action publique, de la réduction des inégalités des territoires, de la maîtrise des coûts de fonctionnement : nos compatriotes les attendent et cette réforme va permettre une avancée considérable.
    Nos territoires étouffent, monsieur le Premier ministre, à cause de la complexité de l'Etat. Nos entreprises peinent à respirer en raison de la lourdeur du pouvoir. Nos concitoyens se détournent de la vie publique, amers parfois, écoeurés souvent, désappointés de ne pas comprendre comment, d'un Etat supposé à leur service, nous sommes passés au fil des années à cette architecture des pouvoirs lointaine, inefficace, chère et déshumanisée.
    M. Antoine Carré. Eh oui !
    M. Jérôme Bignon. Fallait-il, mes chers collègues, modifier la Constitution pour parvenir à nos fins ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Notre excellent rapporteur, le président Clément, l'a dit : on ne réforme pas la Constitution de façon anodine.
    M. Philippe Vuilque. Où est passé M. Clément ?
    M. Jérôme Bignon. Certes, cela a été rappelé, notre loi fondamentale a déjà été réformée quinze fois depuis 1958. Au fond de moi, je me réjouis de cette plasticité, de cette capacité d'adaptation, de cette jeunesse sans cesse renouvelée que montre notre Constitution : pas de dogmatisme, pas de loi gravée dans le marbre, pas de VIe République, mais une approche pragmatique, efficace et dédramatisée.
    Souvenons-nous des principales étapes : 1962, instauration de l'élection du Président de la République au suffrage universel ; 1974, extension du droit de saisine du Conseil constitutionnel au profit d'un groupe de parlementaires ; 1995, élargissement du champ du référendum et instauration de la session unique du Parlement ; 1999, instauration de la parité dans les fonctions électives ; 2000, instauration du quinquennat ; et aujourd'hui, 2002, organisation décentralisée de la République.
    Il ne sera pas contesté que la présente réforme, quand nous l'aurons adoptée, modifiera de façon profonde et durable « l'architecture des pouvoirs ». Comme nous y invitait le Président de la République dans son message au Parlement du 2 juillet : « Les décisions intéressant nos concitoyens devront désormais être prises au niveau le plus proche des réalités. J'appelle à un débat national sur les libertés et les responsabilités locales. Je souhaite une réforme profonde du titre XII de notre Constitution qui traite des rapports de l'Etat et des collectivités locales en métropole comme outre-mer. »
    La nécessité de réformer la Constitution ne doit dès lors pas être un frein au déroulement de la feuille de route fixée par le Président de la République. Certes, une réforme constitutionnelle peut paraître lourde, sembler difficilement lisible, donner le sentiment qu'elle ne correspond pas à l'attente directe et immédiate des citoyens. Pourtant, tels qu'étaient les engagements du Président de la République et du Premier ministre, il était indispensable de passer par cette étape.
    M. André Chassaigne. Oui, mais en prenant son temps.
    M. Jérôme Bignon. Comme notre rapporteur l'a excellemment souligné dans son rapport écrit, la mise en place d'une nouvelle étape de la décentralisation exige une révision de la Constitution. Notre modèle de décentralisation est à bout de souffle. Je serais tenté de dire trivialement que si nous voulons écrire une nouvelle page de la décentralisation, mes chers collègues, alors, il faut changer de braquet.
    En effet, d'une part, la voie de la réforme purement législative ne permet plus de répondre correctement aux revendications croissantes des acteurs locaux et, d'autre part, le modèle de décentralisation à la française a perdu de son efficacité et de sa pertinence face au double mouvement opéré par l'Etat consistant à recentraliser le fonctionnement des collectivités locales tout en alourdissant les charges pesant sur elles.
    Chers collègues socialistes, vous avez dévoyé l'esprit de la décentralisation instaurée par Gaston Defferre. Au fond, j'ai le sentiment que vous n'aimez pas tant que cela l'idée de décentraliser,...
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. Jérôme Bignon. ... l'idée de donner du pouvoir aux citoyens, puisque vous n'avez cessé de reprendre d'une main ce que vous aviez donné de l'autre.
    Elu local depuis vingt ans, j'ai assisté à cette dérive malheureuse, à ce mouvement pendulaire incompréhensible. Pour y mettre un terme, pour nous assurer que notre volonté de décentraliser sera constitutionnellement garantie, je soutiens avec mon groupe le projet du Gouvernement.
    Le garde des sceaux mais aussi les rapporteurs de la commission des lois et de la commission des finances ont parfaitement décrit l'architecture du texte. Il serait vain et fastidieux pour vous, mes chers collègues, que je m'y livre à nouveau. Puis-je m'essayer simplement au jeu des questions-réponses, comme nos citoyens pourraient être tentés de le faire ?
    M. André Chassaigne. Avec un référendum, par exemple !
    M. Jérôme Bignon. Nous n'en sommes pas là !
    Je m'efforcerai de répondre à cinq questions et d'apporter ainsi ma contribution à notre débat.
    Première question, peut-on sérieusement soutenir, comme le fait M. Hollande, que ce projet constitue un démantèlement pur et simple de l'Etat et va aboutir à l'éclatement de notre administration et à l'aggravation des injustices entre les territoires ?
    M. André Chassaigne. Oui !
    M. Jérôme Bignon. La caricature paraît dérisoire et si ce n'était la qualité de celui qui l'a dressée, l'on serait tenté de l'ignorer.
    C'est précisément pour répondre à ces inégalités, ô combien présentes sur notre territoire, pour répondre à l'impuissance de cet Etat ventru, essouflé et inefficace que nous entendons rapprocher des citoyens la prise des décisions qui les concernent.
    En donnant valeur constitutionnelle aux grands principes de la décentralisation, le projet que le groupe UMP soutient s'inscrit dans cette logique forte qui tient en trois points : la France a une organisation décentralisée ; les collectivités territoriales ont un pouvoir réglementaire constitutionnellement reconnu ; elles ont vocation à exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mise en oeuvre à l'échelle de leur ressort.
    Deuxième question, l'expérimentation proposée constitue-t-elle, comme l'affirme André Laignel, une logique de supermarché ? La capacité d'expérimentation ouverte à l'Etat et aux collectivités locales constitue, bien au contraire, une nouvelle façon intelligente, à la fois moderne et modeste, de légiférer. Pour un objet et une durée déterminés, il sera possible de mettre en oeuvre des politiques publiques sur une portion du territoire, et de vérifier ainsi la faisabilité, l'efficacité, l'intérêt d'une telle mesure : comme l'a excellemment rappelé M. le garde des sceaux, la généralisation n'interviendra qu'après une évaluation des effets de l'expérimentation, et une nouvelle loi autorisant la généralisation sera, bien entendu, nécessaire.
    Ainsi, au lieu de légiférer de façon parfois dogmatique et souvent technocratique, l'expérience et la réflexion chères au rapporteur de la commission des finances, issues d'une pratique de terrain, permettront dans des domaines variés de donner efficacité à l'action publique et permettront probablement de mieux et de moins légiférer.
    Troisième question, cette réforme va-t-elle coûter cher au contribuable ?
    M. André Chassaigne. Oui !
    M. Jérôme Bignon. M. Hollande prétend que les impôts locaux vont augmenter sans que ceux de l'Etat diminuent. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. André Chassaigne. C'est évident !
    M. Jérôme Bignon. Il est vrai que les socialistes sont des orfèvres en la matière. Mais c'est précisément ce que nous voulons éviter dans le projet que nous défendons.
    M. Philippe Vuilque. Vous n'y arriverez pas !
    M. Jérôme Bignon. Là encore, il faut rassurer, et tordre le coup à cette contre-vérité. Les socialistes sont mal placés, quand on connaît le coût de l'APA pour les collectivités, pour prétendre que la décentralisation coûte cher au contribuable.
    M. Bernard Accoyer. Tout à fait !
    M. Jérôme Bignon. Elle coûte cher au contribuable quand les collectivités locales n'ont pas les garanties que nous entendons leur donner...
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. Jérôme Bignon. ... et que, par un dévoiement des procédures, l'Etat leur impose de nouveaux engagements et les leur fait payer. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'objectif du Gouvernement dans cette affaire - objectif que nous soutenons - est précisément de rendre cette réforme neutre pour le contribuable.
    M. Francis Delattre. Très bien !
    M. Jérôme Bignon. Bien plus, le projet consacre le principe de la péréquation. L'Etat continuera de garantir la solidarité entre collectivités riches et pauvres, en organisant des redistributions entre elles, conformément à l'engagement du Président de la République.
    Enfin, tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales sera accompagné des ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
    Quatrième question, ce projet risque-t-il, comme le soutiennent nos collègues de l'opposition, de dénaturer l'équilibre institutionnel de la Ve République ? Il va de soi que non. Le projet du Gouvernement ne posait à cet égard aucun problème puisque, comme l'a rappelé notre excellent rapporteur, l'Assemblée garde toujours le dernier mot.
    M. Philippe Vuilque. Justement, où est le rapporteur ?
    M. Jérôme Bignon. Chacun sait ici, sans même être un constitutionnaliste averti, que c'est là l'essence même de l'organisation de notre Constitution s'agissant du Parlement : la prééminence de l'Assemblée nationale. Or le fait de déposer un projet de loi prioritairement devant le Sénat ne diminue en rien la prééminence de l'Assemblée.
    Ce débat nous paraît vain, vide, pour ne pas dire sans aucun intérêt juridique. C'est une latitude qui existe aujourd'hui, et qui ne sera officialisée que pour les collectivités locales. Ce débat est donc purement politicien. La commission des lois, dans sa grande sagesse, a toutefois proposé d'améliorer le texte, ôtant ainsi tout risque d'ambiguïté au regard de la prééminence de l'Assemblée en matière d'impôt, et donc de ressources des collectivités. C'est assurément prudent, au regard de l'actuelle rédaction de la Constitution et, notamment, de son article 39.
    Le procès qu'instruisent ceux qui ont sans cesse combattu les institutions de la Ve République paraît bien malvenu : vous n'êtes pas les mieux placés, chers collègues socialistes, pour vous exprimer en gardiens des Tables de la loi !
    Enfin, dernière question : en quoi cette loi renforce-t-elle la démocratie de proximité qu'attendent les Français ? Ce n'est pas le moindre intérêt de ce texte que de faire progresser, de façon très marquée, le caractère démocratique de notre Constitution. C'est assurément une lutte permanente dans l'histoire constitutionnelle française : Constitution après Constitution, nous progressons, et une nouvelle étape importante sera franchie demain. Je l'ai rappelé, à travers l'histoire même de la Constitution de la Ve République : beaucoup des quinze modifications constitutionnelles intervenues ont fait progresser cette idée de démocratie à laquelle nous sommes attachés.
    Aujourd'hui, nous allons consacrer le droit de pétition et permettre le référendum décisionnel dans le champ de compétences des collectivités ainsi que la consultation des électeurs sur une question intéressant l'organisation institutionnelle de la collectivité.
    Tous ces points constituent des progrès forts et nets de la démocratie de proximité. L'UMP s'en réjouit car ils seront de nature, nous en sommes convaincus, à favoriser la réconciliation des Français avec le pouvoir politique.
    Il serait injuste de ne pas saluer les progrès accomplis, dans ce texte, à l'égard de l'outre-mer. Le projet de loi constitutionnelle permet d'en refondre le cadre constitutionnel afin de le simplifier et de l'assouplir pour répondre aux besoins spécifiques de chaque collectivité. Nous nous en réjouissons, et notre groupe aborde très positivement l'évolution proposée. Il s'agit bien de conserver la ligne de partage entre les collectivités soumises au principe de l'assimilation - les départements et les régions d'outre-mer - et celles qui se voient reconnaître une spécificité législative - les collectivités d'outre-mer.
    Mais le texte reconnaît aux départements et aux régions d'outre-mer une faculté d'adaptation accrue, tandis que les collectivités d'outre-mer bénéficient, elles, de statuts ajustés à chacune d'entre elle. Là encore, nous respectons un engagement fort du Président de la République.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. Arnaud Montebourg. Y aurait-il des engagements faibles ?
    M. Jérôme Bignon. Ainsi, à partir d'une méthode originale, reposant sur la concertation à travers les assises des libertés locales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Philippe Vuilque. Quelle honte !
    M. Arnaud Montebourg. On n'a pas le droit à la parole dans ces assises !
    M. le président. Continuez, monsieur Bignon.
    M. Jérôme Bignon. Je n'ai pas gardé un souvenir ému de la concertation de M. Defferre dans les années 80...
    M. Bernard Derosier. Vous n'étiez pas né !
    M. Jérôme Bignon. J'étais déjà élu local, maire, conseiller général à trente ans, et je me souviens parfaitement de l'absence totale de concertation de M. Defferre ! Ses lois n'ont même pas fait l'objet d'une concertation avec ses amis socialistes !
    M. Marc Laffineur. C'est vrai !
    M. Jérôme Bignon. Voilà pourquoi, aujourd'hui, ils ont du mal à les accepter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Comme cela vous fait mal, mes chers collègues, vous avez toujours essayé de les reprendre !
    M. Bernard Derosier. C'est du révisionnisme !
    M. Jérôme Bignon. A partir d'une méthode originale, disais-je, reposant sur les assises des libertés locales, et sur les débats que nous menons dans le pays pour intéresser nos concitoyens à cette réforme fondamentale, méthode fondée sur un pragmatisme résolu, sans idéologie ni parti pris - pas comme vous en d'autres termes ! - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), l'objectif poursuivi par le texte rencontre l'assentiment global du groupe UMP que j'ai l'honneur de représenter.
    Certes, chacun avec sa sensibilité, son expérience, apportera sa contribution mais notre volonté commune de modifier radicalement et profondément l'architecture des pouvoirs est entière, notre désir de « déverrouiller » ce qui empêche notre pays d'avancer est sans faille, notre souhait de garantir l'essentiel pour sauvegarder ce que le Président de la République a rappelé comme devant être intangible, à savoir, pour tous les Français, les mêmes droits et les mêmes devoirs sur l'ensemble du territoire, ce souhait est déterminé.
    Tout en ayant pleine conscience qu'il ne faut pas « mettre la charrue avant les boeufs », nous attendons, cela va de soi, les lois organiques avec impatience...
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Nous aussi !
    M. Jérôme Bignon. Oui, mais vous, vous voulez mettre la charrue avant les boeufs.
    M. Bernard Derosier. On ne veut plus de boeufs, mais des tracteurs !
    M. Jérôme Bignon. Vous n'aimez décidément pas la campagne !
    Nous attendons les lois organiques avec impatience car dès lors que le cadre constitutionnel sera posé, que la concertation sera achevée, il faudra donner à la réforme le contenu opérationnel qui fera sens.
    M. le président. Monsieur Bignon, veuillez conclure.
    M. Jérôme Bignon. Olivier Guichard, citant Tocqueville, indiquait que les révolutions se caractérisaient invariablement par une poussée vers la décentralisation, la centralisation caractérisant la fin d'un cycle. Vous nous l'avez montré de belle manière.
    N'ayons pas peur d'opérer ensemble cette nouvelle mutation, cette « révolution » décrite par Tocqueville. C'est assurément une réponse appropriée à l'attente impatiente exprimée par nos concitoyens lors des derniers scrutins. Le groupe UMP, qui vous soutient, monsieur le Premier ministre, n'a pas l'intention, vous l'avez compris, de la décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, je demande la parole.
    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.
    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, au nom du groupe UMP je vous demande une brève suspension de séance...
    M. Bernard Derosier. Pour rameuter les troupes !
    M. Bernard Accoyer. ... parce que le président la commission des lois ne peut être présent, pour raison grave.
    M. Arnaud Montebourg. Vous avez raison. C'est une sage précaution !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de participer à ce débat avec vous cet après-midi, après que M. le garde des sceaux, comme c'est la tradition dans notre République, vous a présenté ce texte important, et de m'exprimer devant tous ceux qui travaillent pour l'améliorer. Au fond, c'est le premier pas dans une longue démarche dont je vais maintenant vous parler.
    A l'origine, il y a le mois de mai 2002, cet esprit de mai qui nous a tous marqués au-delà des clivages politiques, ce constat de blocage, et cette volonté de partage au sein de la République.
    Blocage face à une situation nationale où la politique ne semble pas tenir les promesses de la République. Où sont les promesses de liberté, d'égalité, de fraternité, nous ont demandé les Français le 21 avril ? La République est loin des citoyens. Elle ne tient pas ses promesses, elle ne partage pas ses valeurs. Un grand nombre de nos compatriotes se sont ainsi réfugiés, les uns dans l'abstention, les autres dans l'exaspération. Cette impuissance de la politique a déclenché chez eux une véritable révolte. Il faut que, pour nous, elle soit obsédante, pour que nous puissions engager les réformes nécessaires, pour que ce vivre-ensemble qu'est le pacte républicain puisse répondre à l'attente des Français.
    Exaspération, constat de blocage mais aussi volonté de partage. Le 1er et le 5 mai, les Français nous ont dit clairement que « Liberté, égalité, fraternité », c'était leur patrimoine, qu'ils voulaient pouvoir le partager, qu'ils voulaient que les valeurs inscrites sur les frontons de nos édifices existent aussi dans la vie quotidienne, que la liberté soit aussi la liberté d'entreprendre, que l'égalité soit aussi l'égalité des retraites, et que la fraternité soit aussi la fraternité pour les personnes âgées ou ceux qui vivent dans les quartiers difficiles.
    Cet appel formidable à ce que la République fonctionne mieux, soit aujourd'hui davantage partagée, c'est ça l'esprit de mai, c'est là la source de notre réforme. Nous voulons faire en sorte que la République fonctionne, qu'elle puisse répondre aux attentes des citoyens. Elle doit donc se réformer de l'intérieur, en profondeur, pour atteindre l'objectif qui est le nôtre, c'est-à-dire le vécu du pacte républicain.
    Dans ce contexte, notre projet, c'est une France en mouvement, qui a trois dimensions : une dimension européenne, une dimension nationale et une dimension territoriale. J'insiste beaucoup pour que, dans vos réflexions, la dimension européenne soit très présente. La grande Europe, la nouvelle Europe, c'est pour demain matin : 2005, 2006. Il va falloir construire cette Europe qui se décidera probablement à Copenhague à la fin de l'année 2002 et avec laquelle nous devons apprendre à vivre, avec les inquiétudes mais aussi les opportunités qui sont devant nous. Nous ne pouvons pas construire cette Europe sans les Français, sans parler avec eux, sans débattre avec eux de ce nouvel horizon qui est le nôtre.
    M. René André. Très bien !
    M. le Premier ministre. Nouveau périmètre mais aussi nouvelles institutions, des institutions transformées à la suite de la convention que préside Valéry Giscard d'Estaing. Nous attendons un certain nombre de propositions pour une Europe plus démocratique et moins bureaucratique, une Europe des Etats-nations, une Europe à vingt-cinq qui trouve des formes d'organisation plus fiables, plus démocratiques que celles que nous connaissons aujourd'hui. Cette échéance est vraiment toute proche. Il nous faut préparer les Français à ce que cette grande Europe, nouvelle Europe, soit le multiplicateur d'influence dont la France a besoin. C'est notre dimension de l'horizon immédiat, c'est l'étage supérieur de la maison France.
    L'étage central, c'est la République, c'est ce que nous avons en commun. C'est l'Etat garant de la République. La réforme qui vous est proposée est autant une réforme de l'Etat qu'une réforme de la décentralisation. Il s'agit de mettre l'Etat au coeur de ses responsabilités, un Etat qui cesse de se disperser pour mieux se concentrer, un Etat qui assume ses volontés, ses capacités régaliennes sans s'embourber dans ses lourdeurs et ses lenteurs que les Français condamnent si souvent. Nous avons besoin d'un Etat fort, un Etat qui produise des normes juridiques, un Etat capable d'assurer ses fonctions régaliennes mais aussi l'égalité et l'équité, notamment territoriales.
    Je suis, comme beaucoup d'entre vous, un élu local. Quand les élus nous disent : « Attention à l'égalité territoriale, attention à ne pas menacer la République », j'entends ce message.
    Mais voilà plus de quinze ans que je suis élu local, voilà plus de quinze ans que je vois l'inégalité territoriale sous mes propres yeux (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française), que je vois ceux qui habitent près de Paris avoir le TGV gratuitement et ceux qui habitent plus loin devoir le payer (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française), que la téléphonie mobile est accessible dans un certain nombre de territoires, alors que d'autres territoires doivent payer les antennes avec leurs impôts locaux pour avoir accès à cet outil de travail si important. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Et combien de territoires seront davantage encore pénalisés parce qu'ils n'ont pas accès au haut débit ? On nous parle de société de l'information, de modernité, mais tous les territoires qui n'ont pas accès au haut débit sont exclus de la société numérique. Il faut corriger ces imperfections, il faut corriger ces inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Les territoires de France, aujourd'hui, ne connaissent pas l'égalité. Ils sont particulièrement inégaux, sans doute parmi les plus inégaux de tout le continent européen.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Tout à fait !
    M. le Premier ministre. Il faut se battre pour l'équité territoriale, évidemment, et c'est une fonction de la République et de l'Etat. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est le rôle de l'Etat de faire en sorte que, dans la République, quel que soit l'endroit où l'on va au collège ou au lycée, l'égalité républicaine soit assurée.
    M. René André. Très bien !
    M. le Premier ministre. Je pense que c'est sa fonction essentielle. Il produit trop de formulaires, trop de procédures qui éloignent le citoyen de la démocratie, alors que nous l'attendons au coeur même de sa responsabilité de garant de l'équité républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Augustin Bonrepaux. Il suffit d'appliquer la Constitution !
    M. le Premier ministre. Je pense vraiment que l'Etat a un rôle important à jouer aujourd'hui, dans une société si fragile qui peut se déchirer à chaque instant, et il doit aussi avoir un rôle de cohérence.
    Je tiens à vous dire ici que nous ne réussirons pas ces réformes sans les fonctionnaires (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), sans ces militants de l'Etat qui assument les responsabilités de la cohésion territoriale et nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je préfère les voir se recentrer sur des missions nobles, essentielles, plutôt que de se disperser souvent dans des missions subalternes dont eux-mêmes doutent quelquefois de l'efficacité et de l'utilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Arnaud Montebourg. On en reparlera !
    M. le Premier ministre. Il faut donc une Europe forte, mais aussi, évidemment, une République dont l'Etat doit être le garant. En tant que chef du Gouvernement, j'ai la responsabilité devant tous les Français de faire en sorte que l'Etat assume son rôle dans cette réforme de notre architecture des responsabilités.
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. le Premier ministre. Troisième échelon, au niveau du territoire, c'est l'échelon local, premier étage de la maison France, et les proximités doivent être renforcées. Comment accepter que nos concitoyens aient tant de difficultés dans leur vie quotidienne ? Comment accepter que tant de décisions prennent tant de temps pour entrer dans le concret ? Comment accepter que l'on maîtrise aussi mal les données de l'avenir, que l'on manque d'infirmières, de médecins,...
    M. André Chassaigne. C'est le plan Juppé !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non, c'est grâce à vous !
    M. le Premier ministre. ... et que rien n'ait été prévu et organisé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi modifier la Constitution ?
    M. le Premier ministre. Il ne s'agit pas de développer une vision qui consisterait à partager le pouvoir, il s'agit de promouvoir la responsabilité.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo !
    M. le Premier ministre. Si je crois en ce texte, c'est que là où il y a de la responsabilité, il peut y avoir de l'efficacité, des économies et une capacité à rendre des comptes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.) C'est quand les systèmes sont opaques qu'ils sont déficients.
    M. Arnaud Montebourg. On va en reparler, de l'opacité !
    M. le Premier ministre. La responsabilité, elle, permet de faire attention au citoyen et de bien gérer l'ensemble de la communauté nationale.
    Comme beaucoup d'entre vous, j'étais élu quand il y a eu un débat national sur l'amiante. Quand vous êtes président de région, président de département ou élu local, et que vous apprenez que des gens travaillant dans des établissements qui sont sous votre responsabilité sont menacés, vous déclenchez immédiatement des études et des actions, parce que les responsabilités sont sur vos épaules et non diluées dans des canaux anonymes (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), avec des procédures parfois totalement inefficaces. C'est la responsabilité qui est la source du mouvement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Ségolène Royal. Ce n'est pas le texte !
    M. le Premier ministre. C'est pour ça qu'il faut mettre en oeuvre la responsabilité des élus.
    J'ai entendu ici ou là qu'on accusait cette réforme de faire la place aux élus. On a parlé d'une république de notables. Quel mépris pour l'élu ! Quel mépris pour la démocratie locale, pour ceux qui tirent leur légitimité du suffrage universel et qui se dévouent...
    M. Arnaud Montebourg. Et les féodaux des gentilhommières ? Et les petits barons, les petits ducs, les petits marquis de la décentralisation ? (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le Premier ministre. Franchement, je ne crois pas qu'il soit aujourd'hui utile d'attaquer et de fragiliser les élus.
    J'étais hier à l'Association des maires de France, aux côtés de Bertrand Delanoë, qui a reçu un coup de poignard né de la haine et de la tension. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Françaix. Non, pas ça !
    M. le Premier ministre. Je souhaite qu'on respecte les élus de France (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), que tous ceux qui se dévouent, mettent leur coeur et leur ardeur au service des autres, soient contrôlés, encadrés, mais respectés. C'est ça, une démocratie de la responsabilité !
    Voilà le schéma qui est proposé, articulé dans ses trois dimensions : un horizon européen, un pacte républicain et une république des proximités.
    M. Michel Françaix. Discours de sous-préfecture !
    M. le Premier ministre. Le projet qui vous est proposé, avec la réforme constitutionnelle, première étape, fonde une attitude nouvelle. Je respecte ce qui a été fait par Pierre Mauroy et Gaston Defferre.
    M. Didier Migaud. Après les avoir combattus.
    M. le Premier ministre. Je pense que ces réformes ont servi la démocratie française.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous avez voté contre !
    M. le Premier ministre. Je regrette qu'un certain nombre d'entre nous à l'époque aient voté contre. J'espère que, demain, les mêmes erreurs ne seront pas à nouveau commises et qu'on dépassera les clivages politiques (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et de groupe Union pour la démocratie française), pour faire en sorte que cette réforme regarde l'avenir.
    Il s'agit d'une réforme pour vingt ans, pour trente ans, il s'agit d'une réforme pour la France, pas d'une réforme de court terme, et je trouve blessante l'injure qui consisterait à penser que j'aie pu la mener pour convenance personnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est une réalité !
    M. le Premier ministre. Ce type d'injures ne grandissent pas, elles sont, je crois, indignes de l'Assemblée nationale.
    M. André Schneider. Tout à fait !
    M. le Premier ministre. C'est pour cela que je n'y accorde pas plus d'importance.
    La réforme que nous avons à mener dépasse les questions d'étiquette politique. Elle concerne l'avenir de notre pays et le pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Et il ne faut pas verser des larmes de crocodile quand la République est boudée par les Français pour ensuite tourner le dos à la réforme et à la modernisation de cette République ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Les cinq principes fondateurs de la réforme constitutionnelle que nous vous proposons sont les suivants.
    D'abord, le principe de proximité, ce principe de subsidiarité qui consiste à dire que quand les choses sont bien réglées, bien administrées au niveau local, ce n'est pas la peine de les faire monter au niveau supérieur.
    M. Etienne Blanc. Très bien !
    M. le Premier ministre. Au fond, c'est un peu le principe de l'ascenseur local,...
    M. Bruno Le Roux. C'est une raffarinade !
    M. le Premier ministre. ... c'est-à-dire que ce qui est bien géré au niveau local doit l'être à ce niveau. Et ne monte au niveau supérieur que ce qui a besoin de ce niveau supérieur pour être mieux géré.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le Premier ministre. C'est le mouvement inverse de celui qui veut que tout descende d'en haut. Non. Tout doit partir d'en bas.
    M. Michel Herbillon. C'est cela le changement !
    M. le Premier ministre. C'est cette dynamique qui nous permettra - et j'y reviendrai à l'occasion des projets de loi qui vont suivre au printemps, et qui constitueront l'acte II de la décentralisation - de faire en sorte que des transferts importants puissent être faits en direction des collectivités territoriales. Voilà pour le principe de proximité, de subsidiarité.
    Deuxième principe : le droit à l'expérimentation. Pierre Méhaignerie avait, en son temps, milité pour cette idée que je crois juste. Il s'agit de faire en sorte que l'on puisse engager des réformes en les expérimentant. J'ai moi-même vu comment s'organisait l'expérimentation dans un certain nombre de dossiers, afin que le pragmatisme l'emporte sur les blocages souvent idéologiques. C'est ce qui s'est passé avec la réforme du ferroviaire. C'était une réforme difficile. La SNCF était inquiète, les personnels étaient préoccupés, les usagers étaient sceptiques, les élus locaux étaient craintifs. Finalement, dans sept régions, on a expérimenté cette réforme de manière pluriannuelle et, petit à petit, on a levé les obstacles, on a en quelque sorte apprivoisé la réforme. On sait que beaucoup de réformes débouchent sur des blocages dans notre pays, et c'est pour cela que nous avons tant de retard. L'expérimentation permettra de faire des réformes même si elles sont parfois complexes, même si elles effraient parfois les acteurs. Par l'expérimentation, nous pourrons introduire du pragmatisme dans la réforme.
    Je souhaite qu'il y ait un maximum de transferts. Quand votre débat aura fait apparaître des consensus importants, nous engagerons, dès le printemps prochain, les transferts de compétences. Et quand le sujet sera complexe, quand il s'agira à la fois de compétences territoriales et de compétences d'Etat, avec des personnels d'Etat, je ne souhaite pas que l'on puisse bousculer la réforme. Au contraire, je souhaite qu'on puisse l'expérimenter, pour faire en sorte qu'elle atteigne ses objectifs en termes d'efficacité, de coût et de proximité.
    Voilà l'idée qui est à la base de l'expérimentation. Celle-ci sera cadrée dans le temps, cadrée dans son champ, elle sera définie avec précision, elle sera limitée. Et le Parlement - c'est pour cela que vous n'avez pas à être inquiets, mesdames, messieurs les députés - sera responsable de la décision en amont, pour décider l'expérimentation, comme en aval, pour en tirer les conclusions. C'est au coeur même de votre responsabilité ! Tout ce qui se passera dans les territoires de France sera décidé, ici, dans votre assemblée, sous la responsabilité de la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Troisième principe, fondamental : celui de l'autonomie financière. Je sais que le sujet est difficile. Mais travaillons,...
    Mme Ségolène Royal. Faites des propositions !
    M. le Premier ministre. ... essayons, les uns et les autres, de mieux appréhender ce sujet. Il est très important que les collectivités territoriales aient une gestion financière vraiment déterminante, de leur propre initiative, qu'elles soient capables de mener une véritable politique. Qu'y a-t-il derrière ? Derrière, il y a la tutelle de l'argent. Car, très souvent, en organisant la tutelle de l'argent, on organise la tutelle des responsabilités. C'est pour cela que nous voulons l'autonomie financière, pour éviter que l'on contourne cette règle qui a été celle de la République - pas de tutelle entre les collectivités - en organisant une tutelle par l'argent. C'est là quelque chose d'essentiel. J'entends dire, ici ou là, que cette réforme ne changerait pas grand-chose. Prenons l'exemple de l'allocation personnalisée d'autonomie. Sa création a été une réforme importante, mais elle n'a pas été financée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Si, elle a été financée ! Je suis prête à vous l'expliquer si vous permettez que je vous interrompe un instant !
    M. Arnaud Montebourg. Acceptez cette interruption, monsieur le Premier ministre !
    M. le Premier ministre. Si la révision constitutionnelle que nous proposons aujourd'hui avait été faite alors, nous aurions pu faire en sorte que l'Etat organise le financement de ce dispositif ! C'est cela, l'organisation de la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. S'il vous plaît ! Ne dites pas n'importe quoi ! Je suis prête à vous démontrer que l'APA est financée !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce que vous dites est faux, monsieur Raffarin ! Mme Guinchard-Kunstler demande à vous interrompre, mais vous refusez. Là aussi, vous manquez de courage !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux ! Madame Guinchard-Kunstler !
    M. le Premier ministre. Je ne souhaite pas une décentralisation mistigri, où il s'agirait surtout de transférer les difficultés et les problèmes ! Je souhaite une décentralisation équilibrée. C'est pour cela que l'autonomie financière est très importante dans cette réforme constitutionnelle : elle protégera les collectivités territoriales, et durablement, contre toute tentation qui viserait à leur transférer plus de charges que de responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quatrième principe très important : le principe de péréquation.
    M. Augustin Bonrepaux. Comment allez-vous faire ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, laissez le Premier ministre s'exprimer !
    M. Arnaud Montebourg. Où sont les lois organiques que nous attendons?
    M. le Premier ministre. Je sais que c'est un sujet difficile, et je sais qu'il nous faut beaucoup travailler, au quotidien, sur l'ensemble des territoires de France, pour mettre en oeuvre ce principe de péréquation. Ce principe a existé : souvenez-vous, il était dans l'esprit de Michel Rocard, en 1984, quand il a créé les contrats de plan. Il appelait cela «les inégalités d'avantages ». Il s'agissait de donner un peu plus aux territoires fragiles. D'ailleurs, dans la définition même de contrat de plan, au départ, il y avait cette idée que l'Etat donne un peu plus aux territoires fragiles qu'aux territoires favorisés. Mais, progressivement, on a complètement oublié tout cela !
    M. Jacques Barrot. Exactement !
    M. le Premier ministre. C'est ainsi que le contrat de plan est devenu une machine bureaucratique, qui n'atteint pas son objectif de péréquation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Il faut maintenant inscrire ce principe dans la Constitution, pour que, par exemple, les territoires de montagne, si chers à votre coeur, monsieur Bonrepaux, et qui doivent tant à votre énergie,...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai, mais ce que vous dites, nous l'avons fait dans les contrats de plan !
    M. le Premier ministre. C'est vrai ? Eh bien, je vous remercie de reconnaître pour une fois que ce que je dis est vrai ! C'est important ! C'est dans cette voie qu'il nous faut travailler.
    Je ne prétends pas avoir toutes les solutions à tous les problèmes. D'ailleurs, vous voyez, je n'ai même pas un papier tout prêt, je parle avec mon coeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Arnaud Montebourg. Ubu non plus n'avait pas de papier !
    M. le Premier ministre. Mais ce que je peux vous dire, c'est que je suis prêt à travailler avec tous.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous aussi !
    Mme Ségolène Royal. Alors acceptez nos amendements, monsieur le Premier ministre !
    M. le Premier ministre. Car cette idée de péréquation est au coeur même de l'idée de République. Et s'opposer à cette idée, c'est s'opposer à un grand progrès pour l'ensemble des territoires de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cinquième principe : le référendum local. Je devrais d'ailleurs parler des référendums locaux, puisque dans ce texte, il vous est proposé d'instituer l'appel aux citoyens pour que les collectivités territoriales puissent trancher un certain nombre de problèmes. Je crois qu'il est important de bien montrer, en permanence, que c'est du citoyen que part la dynamique, que c'est du citoyen que naît la légitimité. Qu'un conseil municipal, un conseil général ou un conseil régional ait la possibilité de décider soit en délibérant en séance plénière, soit en interrogeant l'opinion publique, cela renforce cette proximité qui existe naturellement, génétiquement, entre l'élu et l'électeur. C'est un progrès très important.
    Voilà ce qu'il y a dans cette révision constitutionnelle.
    M. Philippe Vuilque. Et le Sénat?
    M. Arnaud Montebourg. Le Premier ministre doit répondre sur le Sénat !
    M. le président. Monsieur Montebourg, taisez-vous, s'il vous plaît ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Arnaud Montebourg. Répondez sur l'affaire sénatoriale, monsieur le Premier ministre !
    M. le président. Taisez-vous, monsieur Montebourg !
    M. Augustin Bonrepaux. Que le Premier ministre réponde !
    Mme Maryse Joissains-Masini. Ce serait faire trop d'honneur à M. Montebourg ! Il faut l'ignorer !
    M. le Premier ministre. Je suis attentif aux uns et aux autres.
    Mme Ségolène Royal. Alors acceptez les amendements !
    M. le Premier ministre. Je préfère les discussions ouvertes, calmes, responsables, qui respectent les autres...
    Mme Marylise Lebranchu. Alors répondez aux questions !
    M. le Premier ministre. ... plutôt que les invectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Derosier. Parler du Sénat n'est pas lancer une invective !
    M. le Premier ministre. Nous avons montré notre attachement au bicamérisme.
    M. Arnaud Montebourg. Lequel ?
    M. le Premier ministre. Je crois très important de rétablir une vérité. Les membres du Gouvernement ne font pas partie de ceux qui considèrent le Sénat comme une anomalie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Herbillon. Très bien !
    M. Arnaud Montebourg. Ce n'est pas une anomalie, c'est un scandale !
    M. le Premier ministre. Chacun est libre de ses convictions, mais je crois qu'il nous faut une République équilibrée. Un texte vous est proposé, sur lequel la commission des lois et la commission des finances ont travaillé.
    Mme Ségolène Royal. Non, les amendements n'ont pas été examinés !
    M. le Premier ministre. Je fais confiance à la sagesse des assemblées pour aboutir à un texte qui corresponde aux aspirations des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Arnaud Montebourg. Acceptez nos amendements, monsieur le Premier ministre !
    M. le Premier ministre. Je ne veux pas polémiquer sur ces sujets. Je travaille pour la France...
    M. Michel Françaix. Ça se voit !
    M. le Premier ministre. ... et je fais en sorte que l'on puisse moderniser la République. C'est cela, notre ambition. Ne nous livrons pas à des querelles subalternes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Arnaud Montebourg. Essentielles, vous voulez dire !
    M. Augustin Bonrepaux. Fondamentales !
    M. le Premier ministre. J'insisterai, enfin, sur deux points importants.
    Un grand débat va avoir lieu.
    M. Augustin Bonrepaux. Où ?
    Mme Ségolène Royal. Faites-le ici !
    M. le Premier ministre. Je pense qu'il est important que, dans les communes, dans les départements, dans les régions de France, on puisse débattre de ces principes, on puisse réfléchir à ces perspectives.
    M. Bernard Deflesselles. Très bien !
    M. Jean-Jack Queyranne. Mais le débat est complètement verrouillé !
    M. le Premier ministre. Nous tirerons, au début de l'année 2003, les conclusions de ces débats. Que chacun s'exprime. Je vois beaucoup de cercles de pensées, beaucoup d'organisations professionnelles et syndicales, beaucoup d'organisations sociales faire des propositions. Je souhaite que l'ensemble des structures politiques puissent participer à ce débat et formuler des propositions.
    M. André Chassaigne. Après que le texte sera voté ?
    M. le Premier ministre. Nous en ferons une synthèse nationale au début de l'année 2003, et nous vous proposerons alors les lois qui constitueront l'acte II de la décentralisation.
    Nous procéderons d'abord à des transferts de compétences qui seront articulés autour du double principe de cohérence et de proximité. La commune est la base de la démocratie, la commune est la base de la République, c'est le lieu premier du service public.
    M. Pierre Hellier. Très bien !
    M. le Premier ministre. Nous devons organiser autour d'elle ces deux principes de l'Etat républicain. Si nous ne gérons que la cohérence sans la proximité, nous sommes centralisateurs et jacobins ; si nous gérons la proximité sans la cohérence, nous sommes dispersés et quelquefois inefficaces. Il faut donc à la fois de la cohérence nationale et de la proximité locale. La cohérence sera articulée autour du couple Etat-région, la proximité le sera autour du couple département-commune et de la solidarité intercommunale.
    M. André Chassaigne. Ce n'est pas acceptable !
    M. le Premier ministre. Tout est discutable, tout est ouvert ! C'est cela, le débat.
    M. Bernard Derosier. Vous allez vous faire mal en enfonçant des portes ouvertes !
    M. le Premier ministre. Je souhaite vraiment que l'on puisse discuter de ces questions-là. Et nous tiendrons compte des avis des uns et des autres. Le débat est ouvert (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste), le texte n'est pas déposé. Et je souhaite que le débat soit l'occasion pour tous d'exprimer des idées de bonne volonté plutôt que des gestes de mauvaise humeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    On voit d'ores et déjà se dégager certaines compétences. Je vois les départements qui sont candidats à la compétence des routes nationales, je vois les régions davantage candidates pour la formation professionnelle.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Mais c'est déjà le cas !
    M. le Premier ministre. Je vois des possibilités importantes pour le développement du RMA, le revenu minimum d'activité, par une action départementale renforcée.
    M. André Chassaigne. C'est le supermarché !
    Mme Ségolène Royal. La grande braderie !
    M. Arnaud Montebourg. C'est le bazar de l'Hôtel-Matignon !
    M. le Premier ministre. De tous ces sujets, mesdames, messieurs les députés, il faut que vous parliez, car vous serez appelés à arbitrer. C'est votre sujet, c'est votre dossier. Je souhaite vraiment que chacun, sur toutes ces questions, puisse s'exprimer.
    Nous ferons en sorte que puissent être présentées au printemps prochain des listes de transferts par collectivité territoriale, de manière que les choses soient claires...
    M. Augustin Bonrepaux. Le bazar s'agrandit !
    M. le Premier ministre. ... et nous procéderons à l'identification d'une dizaine d'expérimentations, qui seront clairement définies sur le modèle de ce qui s'est fait pour le ferroviaire,...
    Mme Ségolène Royal. Vous vous y refusiez en Poitou-Charentes ! Vous avez refusé l'expérimentation !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il est favorable à l'expérimentation pour les autres, mais pas pour lui !
    M. le Premier ministre. ... avec un champ limité, une durée limitée, le tout sous la responsabilité du Parlement, pour que la réforme, comme je le disais tout à l'heure, soit apprivoisée et que l'on puisse associer les différents partenaires à sa mise en oeuvre.
    Voilà ce que nous vous proposerons. Je le répète, le débat est ouvert. Ne croyez pas que nous avons la volonté d'imposer un point de vue. Nous pensons vraiment que le sujet est difficile et si les travaux de la commission Mauroy...
    Mme Ségolène Royal. Vous en êtes parti !
    M. Bernard Derosier. Vous vous êtes défaussé !
    M. le Premier ministre. ... n'ont pas eu de suite, c'est parce que le sujet n'est pas facile. Mon gouvernement a le courage de s'engager dans cette voie difficile, parce que je suis vraiment convaincu qu'il faut répondre à l'attente des Français, et que l'attente des Français, c'est plus de proximité et plus de cohérence, c'est une République mieux partagée.
    M. Bernard Derosier. Vous l'avez déjà dit !
    M. le Premier ministre. Et au fond, cette bataille, elle n'est pas pour les élus locaux, pour les collectivités locales, elle est pour les territoires de France, pour renforcer la France et renforcer la République. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissement longuement.)

Rappel au règlement

    M. le président. Je suis saisi par M. Jean-Marc Ayrault d'une demande de rappel au règlement, sur la base de l'article 58, alinéa 1.
    La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
    M. Jean-Marc Ayrault. Le Premier ministre a enfin daigné venir s'exprimer devant l'Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous lui avons posé des questions auxquelles il n'a pas voulu répondre. Il est venu présenter le projet de loi devant le Sénat, après quoi il est venu devant un groupe parlementaire, celui de l'UMP, présenter les projets de lois organiques que nous réclamons depuis des semaines.
    M. Jean-Marc Roubaud. Jaloux !
    M. Jean-Pierre Soisson. Que faisait Jospin ?
    M. Michel Herbillon. M. Jospin n'allait jamais devant sa majorité, peut-être ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Il s'est rendu ensuite devant le congrès des maires de France, où il a prononcé le discours que nous venons d'entendre, même si nous avons eu droit à une version peut-être un peu raccourcie.
    M. le Premier ministre, donc, est enfin venu nous parler. Mais nous sommes un peu déçus, car, s'il fallait donner un titre à son discours, ce serait : « Poncifs et pathos. » (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Combien de lieux communs et de généralités ont été prononcées ici ! Il ne faut pas confondre la représentation nationale avec un préau d'école ! (Mêmes mouvements.)
    M. le président. Monsieur Ayrault, veuillez formuler votre rappel au règlement, s'il vous plaît.
    M. Jean-Marc Ayrault. Oui, monsieur le président, il s'agit en effet d'un rappel au règlement, parce que nous souhaitons un vrai débat et que je ne crois pas que la contribution de M. le Premier ministre le permette vraiment. C'est pourquoi je me permets d'insister, dans le temps limité qui m'est imparti.
    M. Pierre Lellouche. Où est le rappel au règlement ?
    M. Bernard Deflesselles. Ayrault, c'est zéro !
    M. Jean-Marc Ayrault. Je crois aussi que les propos que nous venons d'entendre sont empreints d'illusion et de confusion. (« Ce n'est pas un rappel au règlement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur le député, quel est votre rappel au règlement ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Je termine, monsieur le président. Confusion, parce que l'expérimentation telle que vous l'avez décrite, monsieur le Premier ministre, est bien difficile à comprendre. Il ne faut pas confondre l'expérimentation avec le bazar de l'Hôtel-Matignon.
    M. Michel Herbillon. C'est laborieux, c'est très laborieux !
    M. Bernard Deflesselles. Ce n'est pas un rappel au règlement, monsieur le président !
    M. Jean-Marc Ayrault. Quant à l'illusion, elle porte par exemple sur la péréquation. Nous sommes naturellement favorables à la péréquation, mais comment être convaincu par votre sincérité, monsieur le Premier ministre ? D'ailleurs, vous ne m'écoutez même pas !
    M. le président. Monsieur Ayrault, veuillez terminer votre rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Cela devient une habitude, monsieur le Premier ministre ! Le mépris que vous manifestez en n'écoutant pas mon intervention est particulièrement choquant.
    M. Pierre Lellouche. S'agissant de mépris, vous oubliez Jospin !
    M. Jean-Marc Ayrault. En ce qui concerne la péréquation, comment vous croire, monsieur le Premier ministre, alors que dans la loi de finances que nous avons votée hier, elle est en baisse par rapport à l'année 2002 ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Votre rappel au règlement doit porter sur le déroulement de la séance, monsieur Ayrault. Concluez, ou je vous interromps.
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous demandons le respect de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Voilà.
    M. Bernard Deflesselles. C'est le seul argument qu'ils ont trouvé ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons voté hier la loi de finances pour 2003, et le président de la commission des finances, ici présent, a qualifié d'hypocrites certains aspects de cette loi de finances.
    M. le président. Monsieur Ayrault, ne m'obligez pas à vous couper la parole.
    M. Jean-Marc Ayrault. Je termine. Le lendemain de ce vote, le conseil des ministres adopte une modification de la loi de finances. A qui vont être présentés les premiers éléments de cette modification ? A nouveau, au Sénat ! Il y a bien là une question de principe. Est-ce que le Gouvernement, est-ce que le Premier ministre respectent l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Herbillon. C'était embarrassé !
    Mme Françoise de Panafieu. C'était laborieux !

Reprise de la discussion

    M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    Je constate qu'il n'est pas là.
    M. Michel Herbillon. Il doit être au Sénat ! (Sourires.)
    M. le président. Monsieur Herbillon, veuillez garder vos réflexions pour vous.
    La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.
    Mme Anne-Marie Comparini. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est un moment crucial de l'histoire constitutionnelle de notre pays que nous allons vivre. Pour la première fois, nous remettons en question dans notre loi fondamentale le jacobinisme et la centralisation excessive de la décision dans notre pays. Pour la première fois, nous revenons aux sources de l'histoire de la République, à la Constitution girondine, qui fut oubliée en même temps que ses auteurs furent exterminés par les Jacobins. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Brunhes. Apprenez l'histoire.
    (A ce moment, Mme Paulette Guinchard-Kunstler remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme Anne-Marie Comparini. Je tiens donc, au nom du groupe Union pour la démocratie française, à saluer le courage du Gouvernement de s'être lancé dans une vaste et difficile entreprise,...
    M. André Chassaigne. C'est une caricature de l'histoire !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... qui répond aux enjeux de notre temps et aux nécessaires changements d'exercice du pouvoir et de la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le Gouvernement doit réaliser cette modernisation, cette transformation en profondeur, que l'UDF soutiendra d'autant plus qu'elle s'est engagée elle-même depuis longtemps dans le combat pour une réforme des rôles respectifs de l'Etat et des collectivités.
    J'ai entendu les voix qui se sont élevées à propos de ce texte et les critiques qui ont été proférées. Pour ma part, je suis une pragmatique et je ne boude pas mon plaisir. Je préfère voir dans ce texte la possibilité de sortir d'une décentralisation, qui, pendant des années, n'a été qu'une superposition de compétences entassées sous la forme d'un millefeuilles administratif, déroutant les Français par sa complexité et par son manque d'efficacité. Je préfère y voir, plus de trente ans après l'échec du référendum de 1969, plus de vingt ans après les premières lois de décentralisation, une formidable opportunité historique de réorganiser notre sphère publique, pour qu'elle soit plus cohérente et donc plus efficace, plus pratique et donc plus satisfaisante pour les citoyens, plus réactive et donc plus en harmonie avec les aspirations nouvelles de la société.
    Par conséquent, je ne souhaite pas que ce texte et que le vaste rééquilibrage auquel il procède restent lettre morte. Aussi, des principes, qui seront autant de signes de la volonté du Gouvernement d'agir, doivent être clairement affirmés.
    Le premier de ces principes concerne la globalité du projet.
    Chacun sait que la décentralisation n'aura de sens que si elle est liée à la réforme de l'Etat, une réforme réelle et volontaire concernant non seulement le pouvoir central, mais aussi les services déconcentrés de l'Etat. A cet égard, le projet territorial de l'Etat, actuellement à l'étude, peut être une occasion de moderniser l'administration territoriale. En disant cela, les défenseurs de la décentralisation que nous sommes ne cherchent pas à défaire la France ; au contraire, ils tentent, par ce biais, de recentrer l'Etat sur son métier, pour que, plus fort, celui-ci retrouve son autorité régalienne et fasse mieux d'Etat. Il en va d'ailleurs, ainsi que M. le Premier ministre l'a indiqué, du positionnement de la France en tant que pays moderne en Europe, notre pays sachant enfin, au xxie siècle, réfléchir sur l'efficacité et l'utilité de la dépense publique.
    Si la décentralisation va de pair avec réforme de l'Etat, elle n'a aussi de sens que si elle prend en compte toutes les collectivités, puisqu'il faut mettre un terme à l'enchevêtrement actuel de toutes les composantes de notre architecture publique.
    Dès lors, il est fondamental d'établir clairement le partage du pouvoir et la distribution des compétences par niveaux d'exercice. Ce système existe dans tous les pays européens et il y connaît un certains succès. C'est d'ailleurs tout le sens de l'amendement que nous avons déposé sur le texte proposé pour l'article 72 de la Constitution.
    Le deuxième principe qui doit être clairement affirmé concerne la clarté, la réalité, dirai-je, des moyens mis à la disposition des collectivités.
    D'abord, celles-ci doivent être sûres de disposer des outils financiers nécessaires. Certes, le principe de la libre administration et celui de l'autonomie financière et fiscale des collectivités sont consacrés dans le texte, mais suffisent-ils à garantir leurs marges de manoeuvre ? Soyons attentif à ce point : le financement sera le test d'une décentralisation réussie !
    M. Pierre Albertini. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. Or la recentralisation des ressources qui a été opérée ces dernières années montre à l'évidence que seules des garanties fortes sur des ressources réelles et effectives donneront aux collectivités la liberté d'action qui leur manque tant actuellement pour remplir pleinement leur mission. N'oublions pas qu'elles sont les premiers investisseurs publics et que leurs programmes d'infrastructures impliquent des moyens assurés et pérennes.
    Or les risques sont réels. Les ressources de fonctions actuellement conduites par l'Etat seront-elles transférées et expertisées dans la clarté ? D'autres impôts - modernes et dynamiques - seront-ils créés ? Engagera-t-on rapidement une réforme de la fiscalité locale afin que les collectivités bénéficient le plus tôt possible des moyens leur permettant d'accomplir leurs devoirs ?
    M. André Chassaigne. Voilà !
    Mme Anne-Marie Comparini. Toutes ces questions méritent des réponses précises, si nous voulons éviter le développement d'un débat sur l'augmentation de la pression fiscale, débat dévastateur et propre à tuer dans l'oeuf le chantier de la décentralisation.
    Je le répète, le groupe UDF lie la décentralisation à la réforme de la fiscalité locale.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous aussi !
    M. Arnaud Montebourg. On aimerait en savoir davantage, madame Comparini !
    M. André Chassaigne. Pour l'heure, nous ne voyons rien venir !
    Mme Anne-Marie Comparini. Il propose que le Conseil constitutionnel soit le garant du respect de l'autonomie des collectivités.
    De plus, comme la décentralisation doit s'accompagner d'un accroissement du contrôle par des organes indépendants, le groupe UDF propose de confier à la Cour des comptes l'établissement d'un rapport annuel au Parlement, pour permettre à ce dernier de vérifier si l'autonomie des collectivités est respectée. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Soisson. Très bonne idée !
    M. Arnaud Montebourg. Pas mal !
    Mme Anne-Marie Comparini. Il faut également que les outils de la participation mis en place dans le présent projet soient clairs et réalistes. Sera-t-il fait véritablement usage d'un référendum ayant valeur de décision ? A l'heure actuelle, les consultations sont possibles pour les communes et pour les EPCI, mais on compte sur les doigts des deux mains celles organisées au cours des sept dernières années. Pensez-vous sincèrement, messieurs les ministres, qu'un référendum liant les élus sera plus utilisé ? D'autant que - singularité de la proposition -, même si le référendum a valeur décisionnelle, son organisation reste à la discrétion de l'assemblée délibérante de la collectivité.
    M. Arnaud Montebourg. Exactement !
    Mme Ségolène Royal. Très juste !
    M. André Chassaigne. Et un référendum sur ce texte ?
    Mme Anne-Marie Comparini. N'aurait-il pas mieux valu, comme le propose le groupe UDF, que le droit de pétition conduise systématiquement à l'organisation d'un référendum, quitte à considérer son résultat comme un simple avis de portée consultative ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    En outre, ayons tous à l'esprit, mes chers collègues, que les nouvelles manières de vivre la démocratie vont plus loin que les outils de la participation comme les référendums ou les pétitions, et supposent une participation à la mise en oeuvre des décisions.
    Le troisième principe qui doit être clairement affirmé concerne le débat sans tabou que nous devons mener.
    M. le Premier ministre en parlait tout à l'heure...
    M. Philippe Vuilque. Il est déjà parti !
    Mme Anne-Marie Comparini. Cela ne m'empêchera pas d'évoquer le sujet, mon cher collègue.
    Je crois qu'il nous faut évoquer sans tabou la géographie territoriale de notre pays.
    M. Pierre Albertini et M. Philippe Vuilque. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. Pourquoi ne pas le dire : il est légitime de penser qu'il faudrait moins de collectivités.
    M. Philippe Vuilque. Vous avez raison !
    Mme Anne-Marie Comparini. Dans cette perspective, votre initiative tendant à permettre des expérimentations institutionnelles - fusions de départements ou de régions -, adoptées par les citoyens et les élus locaux, est intéressante. D'autant que, dans ce cadre, pourront s'exprimer la diversité des territoires, les besoins et les spécificités locales.
    M. André Chassaigne. Tout à fait exact !
    Mme Anne-Marie Comparini. Toutefois, cette initiative mériterait sans doute d'être abordée plus simplement, plus tranquillement, afin de montrer que la décentralisation est un chantier évolutif qui s'appuie sur la pédagogie de l'action.
    Il nous faut également évoquer sans tabou le concept de chef de file,...
    M. Jean-Pierre Soisson. Bien sûr !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... qui n'est en rien synonyme de tutelle et de mainmise d'une collectivité sur une autre. Il s'agit simplement d'une coopération souple destinée à assurer un management efficace de fonctions...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, rapporteur pour avis, et M. Marc-Philippe Daubresse. Très juste !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... transférées par l'Etat et qui ne peuvent plus être traitées par une multiplicité des partenaires, car ce serait au détriment des citoyens.
    Il convient également de dire qu'il ne peut y avoir de droit de veto des collectivités infrarégionales lorsqu'une région a demandé à expérimenter le concept de chef de file. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, il faut évoquer sans tabou les conditions de l'émergence d'une conscience politique, notamment régionale. Cela passe par le mode de scrutin. Quelles que soient les modalités des élections, le mode de scrutin doit à la fois assurer la représentation des opinions, des territoires, et favoriser la constitution de majorités claires.
    M. René Dosière. C'est ce que permet le mode de scrutin !
    Mme Anne-Marie Comparini. C'est pour cela que je dis que, quelles que soient les modalités des élections, le mode de scrutin retenu doit permettre d'assurer la diversité des opinions.
    Cette émergence d'une conscience politique, notamment régionale, passe aussi par le renforcement des exécutifs régionaux. C'est pourquoi le groupe UDF souhaite qu'il y ait à terme séparation de l'exécutif et du délibératif,...
    M. René Dosière. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. ... les fonctions de président de l'assemblée régionale étant distinctes de celles de président de la région ; quant à l'élection de ce dernier, il faudra envisager qu'elle ait lieu au suffrage universel direct.
    M. René Dosière et M. Philippe Vuilque. Très bien !
    Mme Anne-Marie Comparini. Voilà, mes chers collègues, trois principes importants que le groupe UDF souhaite voir affirmer.
    Le temps est venu d'agir. D'ailleurs, il y a urgence car à la difficulté d'être des collectivités s'ajoutent les déficits d'un Etat à bout de souffle, qui ne peut tout faire, qui a perdu ses marques entre une Europe qui avance et des collectivités qui sont bien présentes. Il y a également urgence car nos concitoyens, qui font partie d'une société qui bouge, souhaitent participer davantage à la gouvernance de la cité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la décentralisation est un sujet récurrent de la société française.
    En 1969, la loi relative aux communautés urbaines...
    M. Marc-Philippe Daubresse. Non, en 1966 !
    M. Daniel Paul. ... fut un premier pas vers une nouvelle organisation territoriale. Depuis, de nombreuses étapes ont été franchies : création des régions en 1972 ; loi relative aux droits et libertés des communes, départements et régions en 1982 ; loi relative à l'administration territoriale en 1992 ; loi constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie en 1998 ; loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable et loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale en 1999 ; loi relative à la démocratie de proximité en 2002. Toutes ces modifications ont été adoptées par des lois simples, exception faite de celles concernant la Nouvelle-Calédonie. On ne peut donc que s'interroger sur le choix d'une réforme constitutionnelle, notamment sur celle qui nous est proposée aujourd'hui.
    Quelles sont les raisons de la modification proposée ? Une première ébauche de réponse apparaît dans les propos de M. le ministre délégué aux libertés locales quand il parle de « la mère de toutes les lois ».
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. « De toutes les réformes ! »
    M. Daniel Paul. Soit !
    De fait, cette réforme a pour but de lever des barrières qui freinent le système libéral dans de nombreux domaines, dont celui de la fiscalité. Elle s'inscrit aussi dans le cadre du travail engagé M. Giscard-d'Estaing au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe et qui doit déboucher sur la constitution d'une Europe fédérale.
    Il est clair que les marchés ont besoin d'une réorganisation profonde de notre société et de sa structure administrative et fiscale. C'est pourquoi ils s'engouffreront dans les failles créées par les modifications apportées par ce texte et par celles annoncées. Le MEDEF et les patrons joueront avec les différentes fiscalités et favoriseront le dumping fiscal.
    Tout en utilisant la notion de décentralisation, qui correspond à une exigence des citoyens, le Premier ministre inscrit son projet dans le cadre de la politique fiscale et budgétaire qu'il mène. La loi de finances rectificative de 2002 et le projet de loi de finances pour 2003 démontrent à qui profitent les priorités du Gouvernement : les réductions de 5 % puis de 1 % de l'impôt sur le revenu montrent à tous que les foyers aisés, et surtout très aisés, sont les principaux bénéficiaires. Et je ne traiterai pas ici des réductions dont bénéficieront les entreprises.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Et, selon vous, qui crée des emplois ?
    M. Daniel Paul. Au total, ces baisses de recettes réduisent les marges de manoeuvre de l'Etat et renvoient la satisfaction des besoins, soit directement sur les citoyens, soit sur les collectivités territoriales.
    Par ailleurs, sur le plan budgétaire, ce projet de loi constitutionnelle permettra peut-être au budget de l'Etat de respecter les conditions draconiennes du traité de Maastricht qui fixent à 3 % du PIB le taux maximal des déficits publics. Toutefois, comme les collectivités seront confrontées à la même exigence, la balle sera dans leur camp, ainsi que les responsabilités. Ce sujet est pleinement d'actualité, puisque, malgré les rappels à l'ordre des économistes et des institutions soumis au dogme libéral, qui montrent les mauvais élèves, plusieurs pays tentent aujourd'hui de sortir de ce carcan.
    Au-delà des questions de fond, la pratique des transferts de charges n'est pas nouvelle : en effet, au cours des dernières décennies, la décentralisation s'est souvent traduite par des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités. Les communes, structures de proximité essentielles de la République, ont du reste été fortement touchées par ce phénomène.
    Jusqu'à ce jour, de nombreuses étapes de la décentralisation ont souvent été marquées par le libéralisme. D'ailleurs, elles n'ont pas amélioré fondamentalement la situation de la population. En dépit des engagements, elles ont toujours entraîné des répercussions fiscales et financières pour les assemblées régionales, départementales et locales et les citoyens, au bout du bout, en ont toujours supporté le coût.
    En effet, la décentralisation de 1982 concernait notamment les collèges et les lycées, qui sont respectivement à la charge des départements et des régions. Les chiffres sont démonstratifs. Aujourd'hui, les collectivités intéressées consacrent selon les cas entre trois et dix fois plus de moyens financiers que l'Etat ne leur en attribue.
    M. André Chassaigne. C'est révélateur !
    M. Daniel Paul. Les chiffres du département de Seine-Saint-Denis, qui valent pour tous les départements de notre pays, dépassent l'entendement : chaque année, ce département dépense 70 millions d'euros d'investissement pour les collèges quand il ne reçoit au titre de cette compétence transférée que 3 millions d'euros environ.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Mais il y a de plus en plus de dégrèvements !
    M. Daniel Paul. Autre exemple : l'allocation personnalisée d'autonomie. Plus des deux tiers de la charge sont pris sur le budget des départements. De nombreux élus se posent des questions sur le devenir même de cette prestation. N'oublions pas que le groupe communiste avait proposé lors de la discussion budgétaire une prise en charge directe par la sécurité sociale et un financement par la taxation des revenus financiers des entreprises.
    Dans la dernière période, des modifications ont été décidées, comme la suppression de la vignette automobile, le plafonnement des droits de mutation et des divers abattements sur la base de la taxe professionnelle. Mais leurs conséquences envers les collectivités n'ont jamais été réellement étudiées ou prises en compte par les gouvernements.
    M. Dominique Dord. Exact !
    M. Daniel Paul. La lecture détaillée des articles du projet de loi ne fait qu'étayer cette analyse.
    L'article 6 du projet initial du Gouvernement permet à une loi organique de mettre fin à l'égalité des citoyens devant l'impôt. Un alinéa de cet article introduit par le Sénat précise que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à cet exercice ».
    Cet engagement est largement insuffisant. Il ressemble trop à la situation de 1982.
    Par ailleurs, la mise en place du dispositif décrit dans un autre alinéa du même article entraînera à court terme un désengagement de l'Etat. Il pourrait même se traduire par une diminution des dotations.
    M. Philippe Vuilque. Eh oui !
    M. Daniel Paul. Afin de montrer les larges insuffisances du dispositif, mais sans remettre en cause notre appréciation générale sur cette loi, le groupe communiste a déposé plusieurs amendements sur cette partie du texte, qu'il défendra le moment venu.
    Pour les députés communistes, les collectivités territoriales doivent maîtriser leur politique fiscale, mais un cadre national doit être déterminé. Or aucune piste pour une réforme fiscale n'est actuellement présentée.
    Oui, la réforme de la fiscalité des collectivités territoriales est indispensable car on ne peut rester dans une situation où l'injustice fiscale règne. Une décentralisation véritablement démocratique doit se dégager des principes de l'économie libérale. Une autre politique de financement public doit être formalisée. Dans ce cadre, la fiscalité locale et les politiques d'emprunt, régies de plus en plus par les lois du marché, y compris celles de la Caisse des dépôts et consignations, doivent être réformées. Elles doivent se démarquer du processus actuel de la mise à l'écart progressive de l'imposition des activités économique et c'est pourquoi la taxe professionnelle doit intégrer toutes les richesses produites par les entreprises, notamment les revenus financiers, et les actifs financiers doivent faire partie de son assiette.
    La taxe d'habitation devrait prendre en compte les revenus des ménages, de même que la taxe foncière bâtie. Ce serait une véritable mesure de justice fiscale et sociale.
    Une péréquation de différentes taxations, dont celle sur les actifs financiers des entreprises, serait indispensable pour créer un système fiscal corrigeant les injustices économiques et sociales et pour répondre aux besoins des populations de nos communes, quelles que soient leurs richesses économiques. Les collectivités territoriales doivent avoir les moyens de satisfaire les besoins de leurs habitants sans que l'Etat se décharge de ses fonctions de solidarité et de développement équilibré. Mais ce n'est pas, c'est le moins qu'on puisse dire, le sens du projet que vous présentez.
    Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous opposer au projet de réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. Monsieur Paul, je vous sais gré d'avoir respecté le temps qui vous était imparti.
    La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le président, mesdames, messieurs, une organisation meurt quand « en haut on ne peut plus, et qu'en bas on n'en veut plus ». C'est parce qu'il a compris depuis longtemps la révolte des Français face à cette République impuissante que Jacques Chirac a tracé, avant et pendant la campagne présidentielle, les contours d'une réforme audacieuse de l'Etat. Cette réforme est fondée sur la double exigence que le Premier ministre vient de nous rappeler : restaurer l'autorité d'un Etat fort, centré sur ses fonctions régaliennes - en particulier la police, la justice, l'éducation et la santé -, et mettre en place une organisation décentralisée de la République, afin que proximité rime avec efficacité.
    En plaçant cette réforme au coeur de son projet de gouvernement et en l'annonçant clairement dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre ne fait que tenir la promesse que Jacques Chirac avait faite devant des dizaines de milliers d'élus locaux, à Rouen, pendant la campagne présidentielle. Une très large convergence existe dans le pays et, surtout, au sein de la majorité, pour soutenir cette réforme de la décentralisation, qui tend à simplifier et à clarifier la vie politique française.
    Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, non seulement nous approuvons la démarche, mais nous soutenons la méthode. Le Gouvernement a décidé de poser les fondations du nouvel édifice en ouvrant, dans notre loi fondamentale, le cadre général et les principes directeurs qui permettront de réformer l'Etat en permettant que l'on injecte - pour reprendre la formule du Premier ministre - des « microprocesseurs » dans la Constitution. Il nous faudra ensuite organiser cette formidable réserve d'énergie qui sera mise à la disposition des collectivités territoriales. A ce sujet, le Premier ministre vient de nous faire savoir que le débat aurait lieu dans toutes les régions de France et qu'il tiendrait le plus grand compte de ce que notre assemblée décidera à propos des lois organiques.
    Le processus, long et difficile, sera en permanence soumis au vote du Parlement.
    Parallèlement, le Gouvernement lance une vaste concertation à travers les assises départementales et régionales, qui permettra de recueillir toutes les propositions sur le terrain. Pour avoir participé à plusieurs assises régionales, j'ai pu constater qu'il existait - j'en ai rencontré - des élus locaux qui voulaient proposer des choses, qui étaient soucieux de trouver des voies pour l'expérimentation, qui avaient envie de se voir transférer des blocs de compétences. Il n'y a donc pas, contrairement à ce que j'ai lu dans un quotidien ce matin, des « maires amers ». J'ai au contraire constaté sur le terrain un large engouement des élus locaux en faveur de cette large capacité d'initiative qu'on leur accorde...
    M. Philippe Vuilque. On en reparlera !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... et qu'ils avaient attendu vainement pendant cinq ans après le discours que M. Jospin eut prononcé à Lille. Mais la montagne a accouché d'une souris.
    M. André Chassaigne. Les élus locaux veulent surtout des moyens !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je vais parler des moyens : rassurez-vous, je dispose de quinze minutes !
    Chacun voit donc bien l'intérêt qu'il y a à organiser ce grand débat dans le pays grâce aux assises des libertés locales. En fonction des attentes enregistrées au cours de cette consultation, on pourra, après avoir introduit les « micros-processeurs », mettre en place l'ordinateur de la décentralisation - je veux parler des lois organiques sur lesquelles nous serons amenés à délibérer au printemps prochain. Il nous faudra ensuite voter les lois organisant les transferts de compétences et enfin, expérimentation après expérimentation, les lois d'habilitation.
    Ainsi que l'a dit le Premier ministre, ce Parlement aura, d'amont en aval, la maîtrise du processus. Loin de tout risque de cacophonie, la voie est très bien balisée et les craintes exprimées par ceux qui ont peur qu'en gagnant en proximité et en efficacité notre République ne perde en cohérence et en lisibilité doivent dont être apaisées.
    Notre débat montre sans surprise, et les propos qu'a tenus hier Ségolène Royal m'en ont apporté la confirmation, que l'on ne balaie pas plusieurs siècles de traditions centralisatrices d'un revers de la main, même en quelques semaines, notamment chez les jacobins formés aux grandes école de la technocratie française.
    M. Philippe Vuilque. Allons, allons ! Qui a inventé la décentralisation ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. Il faut de la discussion et de la pédagogie. C'est tout le sens des assises des libertés locales. C'est aussi celui de la démarche qu'engage le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La décentralisation est une oeuvre de longue haleine. Plusieurs gouvernements ont travaillé pour apporter leur pierre à l'édifice. Certes, ce fut le cas du gouvernement de Pierre Mauroy et de Gaston Defferre, mais ce fut aussi le cas du gouvernement de Raymond Barrre, que M. Balligand a cité hier soir...
    M. Jean-Pierre Balligand. M. Barre a essayé, mais son projet de loi a été « plombé » au Sénat !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Oui, il a essayé en 1978 et, dans l'exposé des motifs de son projet de loi, M. Barre déclarait : « Pour répondre aux aspirations des Français qui veulent participer plus activement aux décisions concernant leur vie quotidienne et qui souhaitent une administration plus proche et plus simple, il faut des collectivités locales plus vivantes et plus responsables. L'Etat doit transférer aux collectivités locales des compétences qui peuvent être assumées à l'échelon local »...
    M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je vais y venir, mais laissez-moi poursuivre ma lecture :
    « La transformation de l'économie et de la société française depuis la fin du siècle ne peut rester sans effet sur les institutions. Le moment est venu de franchir une nouvelle étape qui vise à donner aux collectivités locales une plus grande liberté dans l'exercice de leurs compétences. » (M. Dominique Dord applaudit.)
    Mes chers collègues, il y a vingt-cinq ans, Raymond Barre traçait les voies de la grande réforme de la décentralisation qu'aujourd'hui Jean-Pierre Raffarin et son gouvernement réalisent et dont, je vous le répète, M. Jospin a raté l'occasion au cours de la législature précédente.
    M. Guy Geoffroy. Si encore c'était la seule qu'il ait laissé passer !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Force est de constater que le gouvernement précédent, au lieu de lancer cet acte II de la décentralisation souhaitée de toutes parts, a, en dépit des bonnes intentions affichées dans le discours de Lille, avec quatre lois - la loi Voynet, la loi Chevènement, la loi Gayssot et la loi Vaillant -, sclérosé un Etat qui doit aujourd'hui impérativement se réformer pour se sauver lui-même.
    M. Dominique Dord. M. Daubresse a raison !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ceux qui accusent le projet de loi constitutionnelle de remettre en cause le principe d'une République une et indivisible sont ceux-là mêmes qui ont plaidé ici, il y a quelques années, en faveur d'une exception corse qui contestait, quant à elle, le fondement de l'unité de la République française !
    M. Charles de Courson. Eh oui !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Et ce sont encore les mêmes qui agitent l'épouvantail de la hausse de la fiscalité locale alors qu'ils sont à l'origine des mesures de recentralisation financière qui ont rogné l'autonomie des élus locaux et qui ont mis sans vergogne à la charge des départements les services de sécurité, d'incendie et de secours, ainsi que l'allocation personnalisée d'autonomie, sans aucune contrepartie financière.
    M. Charles de Courson. C'est vrai !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir de ceux-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Dominique Dord. Quel talent !
    M. Gilbert Biessy. Quelle naïveté !
    Mme la présidente. Laissez parler l'orateur !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Telle est la réalité ! Interrogez tous les départements de France qui doivent augmenter leurs impôts locaux de plus de 30 % parce que le gouvernement précédent a mis tout cela à leur charge sans aucune contrepartie financière ! Eh bien ! cela n'arrivera plus après le vote de cette loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Gilbert Biessy. Naïf !
    M. Philippe Vuilque. On en reparlera !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Expérimenter de nouveaux transferts de compétences, ce n'est pas diviser puisque, et le Premier ministre vient de vous le confirmer, le processus est réversible et que la plupart d'entre eux ont vocation à être généralisés, après avis du Parlement, à l'ensemble des territoires français. Non, le principe constitutionnel d'égalité devant la loi et l'impôt ne sera pas bafoué : il sera au contraire garanti.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est triste, à votre âge, de croire encore au Père Noël !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ce sera la première fois que cela se produira grâce aux dispositions financières voulues par le Gouvernement et qui sont la péréquation,...
    M. Augustin Bonrepaux. Comment vous la faites, la péréquation ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... l'autonomie financière et la compensation des transferts de charges. Voilà vingt-cinq ans que nous attendions cela ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Augustin Bonrepaux. On risque d'attendre encore longtemps !
    M. Dominique Dord. Il est excellent !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Dans cette réforme constitutionnelle, le Premier ministre a défini cinq piliers. Pour ma part, j'ai retenu quatre mots clés : clarifier, simplifier, économiser, expérimenter.
    Clarifier, c'est avant tout en finir avec les modèles de démocratie de proximité dirigistes et rigides, tels que ceux que l'on avait envisagés au tout début,...
    M. André Chassaigne. C'est tellement clair que l'on ne sait pas ce qu'il y a derrière ce mot !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... dans la fameuse loi Vaillant sur la démocratie de proximité et qui complexifient l'organisation administrative tout en rendant irresponsables les acteurs de terrain. Il faut en parallèle faire de l'application du principe de subsidiarité la clé de voûte de notre système politique et institutionnel. Mais je n'y insisterai pas car le Premier ministre l'a parfaitement démontré tout à l'heure.
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'a rien démontré du tout ! Il a élucubré !
    M. Marc-Philippe Daubresse. La réforme de l'Etat exige également que cette décentralisation soit, ainsi que l'a résumé Anne-Marie Comparini, accompagnée d'un vaste mouvement de déconcentration. Mais cela signifie également que l'on donne, et c'est ce que nous, élus locaux, attendons sur le terrain, plus de pouvoirs aux préfets afin que ceux-ci soient réellement les coordinateurs de tous les services ministériels, afin qu'ils soient de véritables partenaires et que nous ayons en face de nous une République territoriale forte et un Etat fort représenté par son préfet.
    M. Augustin Bonrepaux. Certains veulent les supprimer !
    M. François Loncle. Les préfets sont les barons de l'Etat !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Tel est l'état d'esprit de la République que nous voulons construire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. Quel souffle !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Mais clarifier consiste également à déterminer explicitement les compétences réservées à chaque collectivité territoriale afin de réduire les difficultés auxquelles sont confrontés les élus pour assurer le financement de leurs projets. Aussi nous faut-il, et c'est ce que nous attendons les uns et les autres, par le biais des assises locales et des débats au Parlement, y compris celui qui s'engage, aller beaucoup plus loin dans les transferts de compétences en raisonnant, chaque fois que cela est possible, par blocs de compétences exclusives et en se référant, quand c'est plus difficile, à la notion de chef de file qui ne heurte en rien la notion de tutelle,...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, rapporteur pour avis. Tout à fait !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... comme l'a fort bien démontré Mme Comparini, présidente de conseil régional. C'est un gage d'efficacité garantissant la volonté d'économiser la dépense publique et de maîtriser un certain nombre de dérives de coûts sur le terrain.
    On peut envisager un certain nombre de choses.
    On pourrait, par exemple, transférer aux régions la carte de formation des lycées, la gestion des personnels ATOSS, laquelle peut se faire dans le respect des statuts,...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez bien lu la Constitution ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... la gestion des ateliers pédagogiques personnalisés, le contrôle de la formation ou encore la gestion des fonds structurels européens, transfert que notre ami Adrien Zeller est en train d'expérimenter en Alsace.
    On pourrait transférer aux départements des compétences claires, notamment en matière d'environnement, d'insertion ou de gestion des fonds sociaux européens pour ce qui concerne la politique de la ville ou la formation.
    On pourrait aussi transférer les routes nationales aux départements et envisager, au nom du principe de subsidiarité, de donner aux agglomérations un certain nombre de compétences en ce domaine.
    M. André Chassaigne. On peut tout faire et n'importe quoi !
    M. Gilbert Biessy. Surtout quand on ne paie pas !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ce n'est pas n'importe quoi !
    Monsieur Chassaigne, je vais vous dire une chose. Il y a quinze jours, dans ma circonscription, un enfant de douze ans est décédé, écrasé par un autobus. L'accident s'est produit sur une route de campagne qui n'avait pas été refaite.
    M. André Chassaigne. C'état une route nationale ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. Il n'y avait ni trottoir ni éclairage public. Le maire a été pris à partie par la famille, dont on ressent la tragédie. Celui-ci avait déposé un dossier trois ans auparavant et, depuis lors, il y a une bagarre entre l'Etat, le département, la communauté urbaine et la commune, qui assure l'éclairage public, pour régler le problème.
    Le jour où l'on aura transféré clairement la compétence à un interlocuteur précis, on ne connaîtra plus ce genre de tragédie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains.)
    M. André Chassaigne. Ce n'est pas vrai ! Vous ne connaissez pas le monde rural !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Nous ne vous parlons donc pas de choses anecdotiques ou technocratiques, nous vous parlons de choses qui vont changer la vie quotidienne des citoyens.
    Mme Muguette Jacquaint. On connaît la chanson !
    M. Augustin Bonrepaux. Moi, je vis à la campagne et je connais les réalités du monde rural ! Tout cela, ce ne sont que des discours.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Ce ne sont pas des discours ! C'est du concret !
    Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur Bonrepaux ! Laissez parler l'orateur !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je ne suis pas du tout gêné, madame la présidente.
    Il y a huit jours, j'étais dans le département de l'Hérault et j'ai rencontré des maires qui m'ont dit qu'ils avaient demandé l'autorisation de pomper l'eau des rivières pour faire face à la sécheresse de l'été. Ils ont écrit aux administrations concernées. Sept ont dû se prononcer. Il a fallu patienter douze semaines pour connaître leur réponse, mais c'était trop tard.
    Nous voulons changer la vie quotidienne des gens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Clarifier, simplifier, économiser supposent que la réforme, et j'en viens aux moyens, aboutisse à une baisse des impôts.
    M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas faire de promesses enl'air !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Cela induit une réforme fiscale, et celle-ci, nous le savons, prend du temps. Tous les ministres du budget qui s'y sont essayés, notamment M. Charasse, n'ont pas abouti.
    La réforme fiscale prend donc du temps. Pour autant, l'action publique peut se développer sans que l'on recoure systématiquement à des recettes fiscales nouvelles venant s'ajouter au poids déjà lourd des prélèvements obligatoires.
    En renforçant le principe de libre administration des collectivités locales, en garantissant l'autonomie fiscale de celles-ci, en obligeant l'Etat à accompagner les transferts de compétences par des ressources équivalentes - dans les jours qui viennent, un amendement important et de la commission des lois et de la commission des finances dira les choses clairement et sans ambiguïté sur la compensation de transferts de charges -, nous nous inscrivons dans la Constitution. Nous voulons faire en sorte de ne plus jamais être confrontés aux problèmes que nous avons connus hier avec la gestion des services de secours et d'incendie ou les personnes âgées.
    Sur l'expérimentation, je ne reviendrai pas non plus car le Premier ministre a été clair. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'ai écouté le Premier ministre, ce qui n'est peut-être pas votre cas, monsieur Bonrepaux...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vraiment le grand bazar !
    Mme Muguette Jacquaint. Pour une fois qu'il vient devant la représentation nationale !
    M. Gilbert Biessy. Camelot !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Le Premier ministre nous a dit des choses très précises...
    M. Augustin Bonrepaux. Vous y avez compris quelque chose ?
    M. Marc-Philippe Daubresse. Il y aura des expérimentations spécifiques limitées qui seront votées dans le cadre d'une loi d'habilitation par le Parlement ; certaines expérimentations auront vocation à être généralisées.
    Pour le transport de voyageurs sur le réseau régional, on a laissé les acteurs de terrain, les élus locaux et les partenaires sociaux, sur place, passer à l'expérimentation. Si on avait laissé le PDG de la SNCF, d'en haut, négocier avec les syndicats nationaux de la SNCF, on n'aurait pas réglé au mieux le problème, reconnaissez-le !
    La loi qui nous est soumise est une loi de bon sens, qui nous permettra d'avancer rapidement en introduisant les fameux « microprocesseurs » dans notre Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Reste à régler le problème des intercommunalités.
    M. Augustin Bonrepaux. Cela devient intéressant !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Je voudrais en dire deux mots devant M. le garde des sceaux et M. le ministre délégué aux libertés locales.
    Chacun a bien compris qu'il n'est pas possible aujourd'hui de constitutionnaliser les groupements de communes, et je vais vous dire pourquoi.
    On se trompe si l'on prévoit, comme l'avait fait M. Chevènement dans sa loi, et Mme Aubry avec les 35 heures,...
    M. Dominique Dord. Aïe, aïe, aïe !
    M. Marc-Philippe Daubresse. ... un dispositif qui impose à tous le même moule. Si l'on traite de la même façon une communauté de communes, une communauté d'agglomération ou une communauté urbaine qui dispose, comme la mienne, d'un budget annuel de deux milliards d'euros, on se trompe car la réalité de la France est diverse. Cette France diverse, lorsqu'elle est rurale, a besoin de communautés de communes qui, certes, jouent avec l'intercommunalité, mais qui respectent la commune et la maintiennent au coeur du dispositif ; quand elle est urbaine, elle a besoin du levier de puissance que lui offrent les communautés urbaines et les communautés d'agglomération.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais on n'a pas touché aux communautés rurales ! Vous n'y connaissez rien !
    Mme la présidente. Monsieur Bonrepaux, s'il vous plaît ! Laissez parler l'orateur !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur Bonrepaux, quand on est premier vice-président d'une communauté urbaine dont le budget s'élève à 2 milliards d'euros, on s'y connaît un peu en matière d'intercommunalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Il faudra donc trouver un système qui garantisse une représentation de la population et des territoires. Il est normal que la plus petite des communes d'un territoire intercommunal puisse faire entendre sa voix.
    M. André Chassaigne. Tout à fait !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est le cas ! Relisez le texte !
    M. Marc-Philippe Daubresse. C'est parce que ce système n'est pas stabilisé aujourd'hui qu'on ne le fait pas figurer dans la Constitution.
    M. André Chassaigne. Le système est stabilisé !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Pour autant, le principe du droit à l'expérimentation a été introduit par un amendement sénatorial et je vous propose, avec le président de la commission des lois et la majorité des membres de celle-ci, d'instaurer la notion de « chef de file » pour l'ensemble des groupements de communes. Voilà ce qu'il en est pour les intercommunalités.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la République des châtaignes !
    Mme la présidente. Monsieur Daubresse, s'il vous plaît, veuillez conclure !
    M. Marc-Philippe Daubresse. Georges Pompidou, dans son Anthologie de la poésie française, avait cité cette petite phrase : « A force de sculpter dans le marbre, on en oublie le vent. » Eh bien, mes chers collègues, à force de sculpter dans le marbre, le gouvernement Jospin avait rendu notre République impuissante. Nous, nous avons entendu le vent qui monte de nos villes et de nos campagnes et c'est pourquoi nous réussirons la réforme de la décentralisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Muguette Jacquaint. « Aux armes, citoyens ! »
    M. Jean-Pierre Brard. Pompidou s'était pris pour Danton ! Il aurait dû se souvenir comment il a fini !
    Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Lorsque j'entends les déclarations, parfois excessives, de nombreux responsables de droite sur la nécessité d'un acte II de la décentralisation, je me demande s'il ne s'agit pas d'une tentative de récupération d'un thème qui, depuis 1982, c'est-à-dire depuis vingt ans, est au coeur de la politique des gouvernements de gauche. En fait, comme tous les néophytes, ces orateurs en rajoutent au point de devenir parfois des intégristes de la décentralisation,...
    M. Philippe Vuilque. Très bien !
    M. René Dosière. ... tout comme il existe des intégristes du jacobinisme d'ailleurs. Mais qu'il soit décentralisateur ou jacobin, l'intégrisme est toujours à rejeter.
    M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait !
    M. René Dosière. On pardonnera à un décentralisateur de la veille de dire aux décentralisateurs du lendemain qu'il ne suffit pas de proclamations pour être reconnu comme décentralisateur, mais qu'il faut des actes. Or jusqu'à présent, les actes ne parlent pas en votre faveur...
    M. Dominique Dord. Pas trop en la vôtre non plus !
    M. René Dosière. ... et nous verrons si cela changera. Je ne remonterai pas aux lois de 1982 et 1986 puisque, aujourd'hui, tout le monde, y compris les ministres, regrette de s'y être opposé. Je m'en tiendrai à deux périodes plus récentes pendant lesquelles la droite a été au pouvoir.
    M. Jean-Pierre Brard. Heureusement, ce fut bref !
    M. René Dosière. La période 1986-1988, d'abord, a marqué un recul en matière de décentralisation. Un texte sur les chambres régionales des comptes notamment...
    M. Marc-Philippe Daubresse. Si vous appelez cela de la « décentralisation » !
    M. René Dosière. ... y a porté atteinte et on est revenu sur l'élection des conseils généraux sur l'ensemble du département. Sur la période 1993-1997, ensuite, il n'y a pas eu de recul, on a même assisté à un léger progrès,...
    M. Dominique Dord. Ah, merci !
    M. René Dosière. ... mais c'était en fait un quasi-immobilisme, hormis la loi de Charles Pasqua sur l'aménagement du territoire.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Et la loi Perben ?
    M. René Dosière. D'ailleurs, il suffit de consulter le code général des collectivités territoriales, dont la dernière édition vient de paraître, pour savoir combien de textes ont modifié le fonctionnement des collectivités locales durant cette période. En revanche, les années 1993-2001 furent riches en textes concernant la décentralisation.
    M. Marc-Philippe Daubresse. Parlons-en !
    M. René Dosière. Au moins une quinzaine de textes ont été votés dans de nombreux domaines et on est loin de l'immobilisme qui est stigmatisé. Je voulais le souligner dès le début de mon propos, car il ne faudrait pas que le président de la commission des lois et le garde des sceaux refassent l'histoire suivant une méthode stalinienne (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) en parlant de choses qui n'ont pas existé.
    M. Francis Delattre. Pour ce qui est de la méthode stalinienne, il faut vous adresser aux spécialistes !
    M. René Dosière. La démarche du Gouvernement est marquée par un grave défaut, car il n'a pas été procédé à une évaluation de ce qui s'est passé depuis vingt ans en matière de décentralisation pour en tirer les leçons, pour corriger les choses. Le texte est donc insuffisant. Je m'en tiendrai à trois aspects.
    S'agissant de la démocratie locale, d'abord, celle qui concerne les citoyens, la décentralisation est souvent stigmatisée et l'on entend souvent dire qu'elle ne concerne que les élus, qu'elle a créé des féodaux. Naturellement, certains comportements délictueux sont tout à fait regrettables. Cela dit, ce n'est pas la majorité des cas. La réalité est plus nuancée, car il y a eu des avancées même s'agissant de la place du citoyen dans la décentralisation. Je pense à la loi de 1992 sur les consultations locales et les conseils consultatifs, à la loi de 1995, qui a étendu la consultation locale à l'échelon intercommunal, et au récent texte sur la démocratie de proximité. Cela dit, j'admets parfaitement que l'on dise que ces textes ont eu des effets modestes sur la participation des citoyens. C'est vrai, tout simplement parce que les problèmes sont ailleurs et qu'il faut les résoudre.
    De fait, trois éléments empêchent la démocratie locale de s'exprimer.
    Je citerai, en premier lieu, la confusion du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif dans les communes de plus de 3 500 habitants, dans les départements et dans les régions.
    Mme Ségolène Royal. Tout à fait ! Il a raison !
    M. René Dosière. Ce dispositif, qui bride de façon considérable la démocratie locale, est d'ailleurs à l'origine de nombreuses dérives autoritaires. Pour y remédier, il faudrait séparer l'exécutif du législatif - cela se fait aussi en Corse, je le signale au passage - et instituer un exécutif collégial qui choisirait lui-même son président. Il serait possible, monsieur le ministre, de compléter en ce sens la loi sur le scrutin régional. Quant à l'intercommunalité, je vous suggère d'envisager une formule qui permettrait d'élire au suffrage universel un exécutif collégial, cependant que chaque commune élirait celle ou celui qui la représenterait au sein de l'instance intercommunale.
    Le deuxième élément qui bride la démocratie locale c'est le cumul des mandats, qui renforce le pouvoir personnel local et entraîne bien d'autres dérives. Les débats locaux sont occultés, puisque c'est la même personne qui remplit toutes les fonctions.
    M. Dominique Dord. C'est un connaisseur qui parle !
    M. René Dosière. Le pouvoir de décision est confié à des collaborateurs de cabinet qui ne sont pas des élus et, dans certaines zones géographiques, le clientélisme règne. Cette exception française du cumul des mandats ne peut pas être modifiée par la loi, nous l'avons bien vu au cours de la précédente législature. Les parlementaires ne veulent pas se faire hara-kiri ! Nous avions là l'occasion d'introduire dans la Constitution cette interdiction du cumul !
    M. Pierre Albertini. Nous avons déposé un amendement en ce sens !
    M. René Dosière. De ce cumul, il résulte d'ailleurs un blocage du contrôle de légalité. En effet, qui connaît ici un préfet assez fou pour déférer au tribunal administratif des délibérations prises par un exécutif local qui se trouverait être en même temps le ministre de l'intérieur, par exemple, ou tout autre ministre ? (Sourires.) C'est impossible ! Il faudrait donc revoir le contrôle de légalité.
    Un troisième élément ne doit pas être négligé : à force d'exonérer un nombre de plus en plus important de citoyens du paiement des contributions locales directes - je parle de la taxe d'habitation - on les pousse à se désintéresser de la vie locale. Je le dis d'autant plus facilement qu'en la matière la responsabilité est largement partagée sur tous ces bancs. Sur ces points, votre texte n'apporte aucune modification.
    Le deuxième aspect sur lequel il y a des leçons à tirer en matière de décentralisation concerne les transferts financiers aux collectivités locales. Qu'a-t-on fait avec les lois Defferre-Mauroy ? On a instauré un principe de compensation intégrale concomitante et l'on a pris, comme base de compensation des transferts de compétences, le niveau de dépense au budget de l'Etat. Et qu'a-t-on constaté ? La commission consultative d'évaluation des charges a souligné que, si cela fonctionnait bien pour certains transferts - je pense à l'aide sociale -, pour les collèges et les lycées, en revanche, cela n'était pas du tout le cas pour la bonne raison que l'Etat ne faisait pratiquement plus rien en la matière au moment où cette compétence a été transférée.
    M. Pierre Albertini. C'est exact !
    M. Dominique Dord. Ça c'est vrai !
    M. René Dosière. Autrement dit, il y a là un vrai problème. Or, le projet entend inscrire ce transfert-là dans la Constitution !
    M. Philippe Vuilque. Tout à fait !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est déjà un progrès !
    M. René Dosière. Si ce n'est que l'on ne pourra plus y revenir ! Transférez la médecine scolaire aux départements ou aux communes, par exemple ! Que va-t-il se passer ? Etant donné qu'un tiers seulement des postes de médecins et d'infirmières est pourvu, la collectivité va recevoir un tiers seulement des dépenses qu'elle devra assumer et elle va être obligée d'augmenter ses impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai !
    M. André Chassaigne. C'est fait pour ! C'est ce qu'ils veulent !
    M. René Dosière. Donc, il faut modifier ce système, car il ne fonctionne qu'imparfaitement. Il est temps d'en tirer les leçons.
    M. Jean-Luc Warsmann. Quel aveu ! Qui était au pouvoir jusqu'en juin ?
    M. Augustin Bonrepaux. C'est l'objectif caché de la décentralisation !
    M. René Dosière. Le troisième aspect concerne les inégalités territoriales. Là aussi, qu'a-t-on constaté avec les précédentes lois de décentralisation ? Nous avons voulu libérer les initiatives locales, transférer des compétences, des ressources, mais nous nous sommes aperçus que cela aggravait les inégalités entre les collectivités, parce que les compétences, les ressources transférées et les compensations financières évoluent différemment selon la composition des collectivités. Par exemple, pour le solde de la DGD, une quinzaine de départements couvrent la totalité de leurs transferts de compétences sous forme de fiscalité. Ils sont naturellement avantagés. Ce n'est pas tout à fait la même chose pour les autres. Nous avons donc sous-estimé les inégalités et nous nous sommes d'ailleurs aperçus au fur et à mesure que les collectivités riches disposaient de davantage de moyens pour faire face au transfert de compétences,...
    Mme Muguette Jacquaint. Bien sûr !
    M. René Dosière. ... contrairement aux collectivités pauvres et que, finalement, se créaient des inégalités que nous ne souhaitions pas, mais qui avaient été mal évaluées au départ. Nous avons commencé à les corriger en mettant en place des mécanismes de péréquation : la dotation de solidarité urbaine - c'est la gauche qui l'a mise en place ; j'étais rapporteur du texte - le fonds de solidarité pour les communes de la région d'Ile-de-France - c'est la gauche qui l'a institué -,...
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    M. René Dosière. ... la péréquation de DGF entre communes riches et communes pauvres - c'était un amendement de M. Barrot, mais c'est une majorité de gauche qui l'a votée.
    M. Francis Delattre. Pas uniquement !
    M. René Dosière. Et chaque fois que l'on a discuté de ces dispositifs de péréquation, dont je reconnais d'ailleurs qu'ils sont insuffisants, mais qui avaient le mérite d'apporter une première correction, la droite a poussé les hauts cris !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Pas à chaque fois !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est vrai !
    M. Francis Delattre. C'est faux !
    M. René Dosière. Le maire d'Antony était favorable au fonds de solidarité pour les communes de la région d'Ile-de-France, mais son groupe a voté contre et a saisi le Conseil constitutionnel...
    M. Francis Delattre. C'est faux ! Ce sont vos collègues du parti communiste qui n'ont pas voté !
    M. René Dosière. ... en estimant scandaleux que, pour la première fois, le Parlement organise une péréquation horizontale en quelque sorte entre les communes riches et les communes pauvres. Eh bien, le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif sur lequel vous n'êtes pas revenus d'ailleurs, contrairement à ce que vous aviez dit à l'époque, mais que vous n'avez pas amélioré.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous allons le faire !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, vous ne le ferez pas !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous faites l'inverse !
    M. René Dosière. Quand vous nous dites aujourd'hui que vous allez inscrire la péréquation dans la Constitution, je réponds que c'est une étape intéressante.
    M. André Chassaigne. Le ministre considère que la péréquation a encouragé la mauvaise gestion !
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Dosière !
    M. René Dosière. Mais compte tenu du comportement que vous-même ou vos amis avez eu dans le passé, nous avons des raisons d'être inquiets.
    M. Jean-Pierre Brard. Plus qu'inquiets ! Sceptiques !
    M. René Dosière. Avant de conclure, les socialistes attendent donc de voir ce qu'il va en résulter. Je suis d'autant plus inquiet que, dans le projet de loi de finances pour 2003, alors que les concours financiers aux collectivités locales sont globalement maintenus, ceux qui sont destinés à la péréquation diminuent - de peu, certes, mais ils diminuent !
    Tous ces points font apparaître des insuffisances. Ils révèlent aussi un oubli que je ne ferai qu'évoquer ici, car j'aurai l'occasion d'y revenir ultérieurement dans la discussion : la non-intégration du corps électoral de Nouvelle-Calédonie, qui aura des conséquences gravissimes.
    M. Philippe Vuilque. Absolument !
    M. René Dosière. Monsieur le ministre, ce texte contient des dispositions utiles et sympathiques qui peuvent permettre une certaine évolution de la décentralisation, bien que beaucoup ait déjà été fait sans réforme de la Constitution. Il est cependant inadapté et insuffisant, et ce sera ma conclusion. Il est inadapté pour répondre aux insuffisances de notre démocratie locale pour le citoyen. Il est insuffisant pour éviter l'augmentation des impôts locaux, qui est en quelque sorte programmée, et pour garantir l'égalité des citoyens devant le service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, je vois bien que vous avez envie de répondre !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela va venir ! C'était une bonne intervention.
    M. Jean-Pierre Brard. Si c'est vous qui le dites...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est de l'opposition intelligente !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous ne l'avez pas toujours pratiquée !
    Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Dord.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Dord, M. le ministre va vous juger !
    M. Dominique Dord. Plus le débat avance et plus je m'interroge ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà ! Ça c'est sympathique !
    M. Dominique Dord. Je suis saisi, depuis quelques jours, d'un doute grave,...
    M. Jean-Pierre Brard. Descartes !
    M. Dominique Dord. ... fondamental, insidieux et, pour tout dire, insoutenable.
    M. Jean Michel. C'est hyperbolique !
    M. Dominique Dord. Mes chers collègues de l'opposition, je me demande si vous êtes vraiment favorables à la décentralisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous n'avez rien compris !
    M. Dominique Dord. Certes, il y a vos déclarations de principe. Pas un d'entre vous ne commence son intervention sans rappeler qu'il est, bien évidemment, favorable à la décentralisation. Ainsi, dans l'interview qu'il a donnée il y a quelques jours aux Echos, M. Ayrault commence par affirmer : « Je suis, comme tous les socialistes, un militant de la décentralisation. »
    M. François Loncle. Il l'a prouvé pendant vingt ans !
    M. Dominique Dord. Cette affirmation péremptoire devrait me rassurer, mais, comme je suis d'un naturel sceptique,...
    M. Jean-Pierre Brard. Alors, vous n'êtes pas à l'UMP ! Le scepticisme et l'UMP, cela ne va pas bien ensemble !
    M. Dominique Dord. ... j'ai souhaité aller un peu plus loin. Je ne voudrais pas que cette décentralisation ne soit qu'une sorte de prétexte, comme s'il s'agissait pour vous - c'est d'ailleurs ce qu'a dit Mme Royal dans une autre interview - de ne négliger aucune piste pour expliquer votre échec récent ou de voler au secours de l'aspiration très forte à la proximité qui est celle de nos concitoyens et que vous avez si mal su anticiper. Vos affirmations péremptoires traduisent peut-être aussi le souci, que je respecte, de ne pas renier l'héritage de Gaston-Defferre, mais mon doute persiste sur votre conviction réelle. Comme dans la poésie sur le cancre, j'ai l'impression que vous dites oui avec la tête, mais non avec le coeur.
    A l'appui de mes doutes renouvelés, je verserai ici quelques éléments à charge de plus, en espérant, mes chers collègues, que cela vous permettra de faire le point sur vos propres convictions.
    M. Jean-Pierre Brard. Et quelles sont les vôtres ?
    M. Dominique Dord. Mme Royal nous a annoncé un contre-projet. Mais ce n'est pas utile, mes chers collègues. Votre contre-projet de décentralisation tient dans le bilan des années Jospin : cinq années de recentralisation permanente ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Par conséquent, quand vous venez aujourd'hui nous donner des leçons sur la décentralisation, je m'interroge. Qui donc a remplacé la part salariale de la taxe professionnelle et la vignette par des dotations d'Etat ?
    M. René Dosière. On en reparlera !
    M. Dominique Dord. Qui donc a imposé aux conseils généraux, sans tranfert d'aucune charge, l'allocation personnalisée d'autonomie ? Qui donc a mis en place les lois Voynet, les lois Gayssot, les lois Chevènement, qui n'ont fait que corseter toujours un peu plus les pouvoirs des élus locaux ? Quel candidat à la Présidence de la République a promis de supprimer ou de diminuer, en la remplaçant par des compensations de l'Etat, la taxe d'habitation qui est une ressource des collectivités locales ?
    M. Jean-Pierre Brard. Me permettez-vous de vous interrompre ?
    M. Dominique Dord. Pendant ces années Jospin, pas une seule avancée mais un grand nombre de reculs sur la décentralisation ! Madame Royal, il n'est pas besoin de contre-projet : votre contre-projet, nous l'avons vécu depuis cinq ans ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Dord, puis-je vous interrompre ?
    M. Dominique Dord. Ce ne sont pas les seuls arguments à charge, monsieur Brard. Il y a vos amendements, il y a vos formules, d'ailleurs souvent habiles, je le reconnais...
    M. Jean-Pierre Brard. Plus habiles que les vôtres !
    M. Dominique Dord. Vous faites une fixation sur le Sénat, comme si c'était l'objet principal de ces lois de décentralisation.
    Vous êtes contre des expérimentations à la carte, nous dites-vous. Seulement, l'expérimentation revêt forcément un aspect à la carte. Sinon, ce n'est pas de l'expérimentation...
    Vous fustigez la République des notables. Mais, mes chers collègues, comment donner du pouvoir aux régions, aux départements et aux maires sans donner plus de pouvoir à ceux qui sont à la tête de ces exécutifs ? Je ne peux pas imaginer une seconde que cela vous ait échappé.
    M. Ayrault dit fort justement : « La France a besoin d'un meilleur équilibre des pouvoirs. » Cela crée un espoir. Mais immédiatement après, il ajoute : « Le projet Raffarin accroît les déséquilibres. » A peine ouvrez-vous une porte sur la décentralisation que vous la refermez. Le même M. Ayrault parle, avec une totale mauvaise foi, de la tutelle des régions sur les autres collectivités, alors qu'il n'en est question nulle part.
    M. Jean Michel. Si !
    M. Dominique Dord. De même, il parle du refus de transférer les moyens alors que, pour la première fois dans la Constitution, on essaie d'avancer un peu en ce sens.
    M. Jean-Pierre Brard. Peut-on en débattre ?
    M. Dominique Dord. Je comprends vos formules. Je le répète, elles sont souvent très habiles, mais révélatrices de votre mauvaise foi et elles contribuent à renforcer mon doute. En réalité, vous n'êtes pas favorables à la décentralisation. Et je ne parle pas de votre extraordinaire argument selon lequel nous voudrions réformer la Constitution sans vous avoir éclairé sur la suite, alors que le débat est en cours, que les lois organiques sont annoncées...
    M. André Chassaigne. On ne les connaît pas !
    M. Dominique Dord. ... et que les transferts auront lieu. Si nous avions évoqué dès le départ ce qui allait venir, vous nous auriez dit : mais vous ne faites pas de débat ! Franchement, votre mauvaise foi est à chaque fois au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Et puis, ce que j'ai beaucoup aimé, c'est ce qu'a dit hier Ségolène Royal à propos du risque « d'Etat mou ». Comme si un Etat obèse allait exercer avec davantage d'efficacité ses missions régaliennes !
    Comme le résume très bien Pascal Clément, vous êtes pour, mais vous allez tout de même voter contre. Je salue le numéro et je dis : bravo ! Mais ne nous cachons pas la vérité : mes chers collègues de l'opposition, vous n'êtes pas favorables à la décentralisation, qui heurte vos convictions politiques les plus profondes.
    Qu'est-ce que la décentralisation ?
    Mme Muguette Jacquaint. La démocratie !
    M. Dominique Dord. C'est la diversité, l'expérimentation, la subsidiarité, la prime à la responsabilité et à l'initiative. Mais ce ne sont pas des valeurs qui animent vos combats politiques depuis toujours. Les vôtres, c'est plutôt la massification, l'étatisation, la collectivisation et le modèle unique. C'est l'inverse de la décentralisation et, d'une certaine manière, je comprends bien que cela vous heurte.
    Vous n'êtes pas favorables à la décentralisation parce qu'elle se heurte à un certains mythes que vous vous plaisiez à entretenir. On nous a parlé hier de la décentralisation selon les lois Raffarin, qui ferait courir un risque à l'égalité des citoyens devant le service public.
    M. André Chassaigne et Mme Muguette Jacquaint. C'est vrai !
    M. Dominique Dord. Mais, mes chers collègues, il faut ouvrir les yeux. Le service public, aujourd'hui, dans mon département, est totalement inégalitaire, tant en matière de transports, de santé, que de sécurité. J'en passe et des meilleurs.
    M. André Chassaigne. Cette décentralisation amplifiera le problème !
    M. Dominique Dord. La décentralisation ne viendra pas accroître ces difficultés. Elles sont présentes aujourd'hui et c'est par la capacité et la souplesse que nous donnera la décentralisation que nous aurons une chance de les résoudre.
    Vous n'êtes pas favorables à la décentralisation parce que, d'une certaine matière, les conservatismes ont changé de camp.
    M. René Dosière. Vous croyez vraiment à ce que vous dites ? Sortez donc des slogans !
    M. Dominique Dord. On aurait pu imaginer que les réformistes et les décentralisateurs étaient chez vous ; or ils ont changé de camp. Au fond, la France bloquée, la citadelle assiégée de notre Etat centralisé, soumis à tous les corporatismes, à la pensée unique, à la haute fonction publique, ne vous convient pas si mal. Pourquoi ? Parce qu'elle empêche tout mouvement, toute réforme au nom du sacro-saint principe des avantages acquis qui condamnent l'Etat au toujours plus.
    Mes chers collègues, un véritable militant de la décentralisation et de la réforme, quel qu'il soit et quel que soit le banc sur lequel il est assis aujourd'hui, ne peut pas, sauf arrière-pensée coupable, ne pas se réjouir du texte que nous sommes en train d'examiner.
    Ce texte constitutionnel n'est certes qu'un coup d'envoi. Le plus dur reste à faire, mais c'est un formidable signal, comme la France n'en a pas connu depuis des décennies. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Chassaigne. Qu'attendez-vous pour soumettre cette réforme au peuple par référendum ?
    M. Dominique Dord. C'est un formidable signal en matière de décentralisation et les soi-disant décentralisateurs qui crient si fort sont bien mal placés pour nous dire qu'ils ne voteront pas le texte.
    Ce texte, c'est un appel d'air exceptionnel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. René Dosière. Une illusion, même !
    M. Dominique Dord. ... pour les élus et responsables locaux des collectivités de la République que nous sommes aussi. Après vingt ans d'attente, après plusieurs années de recul sur ce sujet, nous voici enfin engagés dans une marche en avant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous nous reconnaissons dans ce texte, parce qu'il nous ressemble ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Ça oui : il est réactionnaire !
    M. Dominique Dord. Il porte nos valeurs, qui sont celles de la réforme. Et ce ne sont pas vos vociférations, un peu embarrassées tout de même, qui y changeront quelque chose.
    Ce texte donne une chance réelle à la réforme. Il est la mère de toutes les réformes parce qu'il les rend possibles. Il allume en nous une formidable espérance. Nous participons donc avec gourmandise, dirais-je, aux assises des libertés locales qui s'organisent à travers toute la France et nous attendons avec confiance et impatience les prochaines étapes de la décentralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Chassaigne. Ce n'est pas de la gourmandise, c'est de la boulimie libérale !

Rappel au règlement

    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    Sur quel article ?...
    M. Jean-Pierre Brard. Bien évidemment sur l'article 58, madame la présidente. Vous l'avez pratiqué vous aussi, et vous le connaissez donc par coeur, tout comme moi. (Sourires.) De fait, il y a un problème concernant l'organisation de nos débats.
    J'ai vu que les ministres écoutaient d'un oeil amusé notre collègue M. Dord, qui parlait de « vociférations ». C'est vrai qu'il nous a servi un déluge de poncifs idéologiques, sans nous dire, à aucun moment, pourquoi il soutenait le texte. Il a agressé l'opposition (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Jean-Luc Warsmann. En quoi est-ce un rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... en lui prêtant des propos ou des convictions qui ne sont pas les siens. Certainement, madame la présidente, y a-t-il quelque chose qui nous échappe... Il est vrai que nos collègues de droite ont eu le privilège d'auditionner M. le Premier ministre. Peut-être leur a-t-il dit des choses qu'il ne nous a pas dites à nous tous ?
    Cela nous aurait permis de comprendre les propos de M. Dord et ceux de nos collègues de droite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) M. Dord, pas plus que ses autres collègues, en effet, n'ont parlé de l'article 3.
    M. Jean-Luc Warsmann. Où est le rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Attendez, monsieur Warsmann, vous n'avez pas écouté la fin de mon propos. C'est là que vous comprendrez. A condition d'être un peu attentif et de ne pas m'interrompre...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est un détournement de procédure !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, si vous vous y mettez aussi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Brard !
    M. Dominique Dord. Où est le rappel au règlement de M. Brard ?
    Mme la présidente. Plus vous l'interrompez, plus ce sera long !
    Allez au fait, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Un mot sur l'égalité, qu'il faut bien différencier de l'équité, dont parlait tout à l'heure le Premier ministre : la République, c'est l'égalité. Les privilèges, c'est l'équité. Récemment, à la commission des finances, nous avons auditionné le président d'EDF. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais quel rapport avec un rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, soyez tolérant.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Soyez respecteux du règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais écoutez trente secondes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le président d'EDF, donc, évoquait cette possibilité : que l'égalité du tarif soit garantie grâce à la décentralisation. Vous pensez que c'est ça, l'égalité faire en sorte que les plus pauvres financent entre eux l'égalité qu'on leur garantirait ?
    Madame la présidente, et j'en termine là, je voudrais savoir si M. le Premier ministre a dit des choses à nos collègues de droite qui permettraient d'éclairer le débat et les propos de M. Dord ou de M. Daubresse. Car véhémence ne vaut pas conviction ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. M. Dord vient de poser cette question : oui ou non, sommes-nous pour la décentralisation ?
    M. Jean-Pierre Brard. M. Dord est parti. Comme le président Clément !
    Mme la présidente. Monsieur Brard, laissez parler votre collègue !
    Mme Muguette Jacquaint. Oui, nous sommes pour la décentralisation ! Et, comme vient de la rappeler mon collègue Jean-Pierre Brard, nous ignorons toujours pourquoi M. Dord y est favorable. Il n'a pas prononcé un seul mot sur ce que la décentralisation peut apporter à la démocratie. Il n'a pas dit en quoi elle peut répondre aux besoins de nos populations. Son intervention était politicienne...
    M. Jean-Pierre Brard. Agressive !
    Mme Muguette Jacquaint. ... mais elle ne contenait pas un mot sur ce que nos concitoyens attendent.
    M. Jean-Luc Warsmann. On comprend comment vous êtes arrivés à 3 % !
    M. Jean-Pierre Brard. Ne vous en faites pas ! Cela vous arrivera aussi !
    M. Jean-Luc Warsmann. On s'arrêtera avant !
    Mme Muguette Jacquaint. Alors, oui pour la décentralisation. Encore faut-il savoir quelle réforme et pour quoi faire ?
    La réforme que nos concitoyens appellent de leurs voeux, c'est une modification du fonctionnement de nos institutions qui apporte de véritables solutions à leurs problèmes quotidiens : emploi, formation, transports, logement, santé, cadre de vie, sécurité, éducation des enfants, etc. Ce qu'ils attendent de nous, c'est une réforme répondant à cette formidable exigence de ce début de vingt et unième siècle : être écouté, être entendu, être auteur et acteur de sa vie et du développement de son territoire, pouvoir peser sur les décisions qui les concernent en premier lieu, s'agissant de tous les grands défis que doit relever notre pays.
    La conception de la décentralisation que nous défendons est à l'opposé du dispositif institutionnel que le Gouvernement veut aujourd'hui mettre en place.
    Le Premier ministre, devant l'assemblée des conseillers généraux de France réunie à Strasbourg, a présenté une vision de la décentralisation où le couple Etat-région s'occuperait des grandes décisions stratégiques et le couple département-commune de la proximité. Nous pensons que le problème est mal posé. Pourquoi réserver aux uns les grandes décisions et aux autres les pots de fleurs ? Toutes les questions que se posent nos concitoyens sont importantes.
    Sous couvert de décentralisation et de proximité, l'essentiel est d'éloigner les centres de décisions de l'intervention des habitants et de préparer progressivement notre organisation institutionnelle à entrer dans l'Europe des régions, comme pôles de mise en oeuvre des politiques décidées à Bruxelles.
    Or notre pays a besoin que tous les échelons territoriaux coopèrent et coordonnent leurs actions, avec la volonté de mieux répondre aux aspirations du peuple et de réduire les inégalités territoriales et sociales.
    Depuis 1982, les régions, les départements et les communes ont fait la preuve de leur efficacité. Mais elles n'ont cessé de réclamer des moyens supplémentaires pour satisfaire les attentes des populations et elles ont mis en avant la nécessité de réformer en profondeur les finances locales. Or aujourd'hui le Gouvernement veut transférer aux départements et aux régions de nouvelles compétences sans leur garantir les moyens de les assumer.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est l'inverse !
    Mme Muguette Jacquaint. Comme les élus locaux, nous sommes inquiets des conséquences qu'auront de telles décisions sur la fiscalité locale. Chacun sait que les départements, avant même le transfert de nouvelles compétences, auront les pires difficultés à financer en 2003 l'APA.
    M. Francis Delattre. La faute à qui ?
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas assez financé ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Mais c'est la vérité !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous avez trouvé à financer autre chose. Au lieu de réduire les impôts des plus riches, vous auriez pu consacrer des crédits aux prestations servies aux personnes âgées ! Mais les inégalités, vous continuez à les creuser !
    L'article 6 du projet de loi, nouvel article 72-2 de la Constitution, prévoit, certes, d'accompagner les transferts de compétences, d'attribution, de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Mais les collectivités, et particulièrement les départements, savent d'expérience ce que cela veut dire.
    M. Jean-Pierre Brard. Le financement des domestiques !
    Mme Muguette Jacquaint. Depuis 1986, l'Etat verse, par exemple, au département de la Seine-Saint-Denis 6 millions d'euros pour les collèges, alors que leur coût réel est de 50 millions d'euros...
    Qu'en sera-t-il demain si les départements et les régions se voient transférer le RMI, les routes nationales, le logement social, les transports...
    On voit bien les incertitudes qui pèsent sur la façon dont seront opérés ces transferts. Ceux-ci risquent d'être à l'origine d'inégalités et d'atteintes à la cohérences sociale et territoriale de notre République.
    Nos concitoyens, et c'est un des enseignements du 21 avril dernier, aspirent à plus de proximité et de démocratie, à plus de moyens pour les collectivités locales, à davantage de service public, alors que vous vous apprêtez à le casser, à plus de simplicité dans les politiques, à davantage de dispositifs au service de leur vie quotidienne. Ils ne veulent certainement pas moins d'Etat, qui est le garant de la liberté et de l'égalité, mais un meilleur exercice de la démocratie. Or, à tout cela, votre projet de loi ne peut répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Gest.
    M. Jean-Pierre Brard. M. Gest est excellent quand il combat les sectes !
    M. Alain Gest. Je vous remercie, monsieur Brard.
    Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, avec cette réforme constitutionnelle nous voici au point de départ d'une nouvelle étape dans la décentralisation de notre pays.
    M. Alain Néri. Que vous aviez combattue à l'époque !
    M. Alain Gest. Et, disons-le tout net, cette démarche est attendue.
    Elle est attendue par nos concitoyens. Certes, ils ne se sont pas sentis captivés par nos premiers débats. Mais est-ce la première fois qu'un débat constitutionnel ne passionne pas les électeurs ? Le succès que remportent les Assises régionales des libertés locales démontrent, en revanche, qu'ils s'intéressent aux aspects concrets que représentent les transferts de compétences et la proximité dans la gestion quotidienne.
    Cette démarche est également attendue par les élus, quelles que soient leurs sensibilités politiques, comme j'ai pu le constater dans le cadre de la préparation très consensuelle des Assises des conseillers généraux de France récemment organisées à Strasbourg.
    N'en déplaise à nos collègues socialistes et communistes, chacun comprend bien que le mouvement de décentralisation des compétences est profond dans toute l'Europe...
    M. René Dosière. Pourquoi : « n'en déplaise » ?
    M. Alain Gest. ... et que le bilan des vingt années que nous venons de connaître nous incite à aller plus loin. Ceux qui s'opposent à ce mouvement sont, soit des intégristes du tout Etat qui ne mesurent pas qu'un Etat omnipotent c'est la garantie d'une moindre efficacité et de véritables inégalités entre les territoires,...
    M. René Dosière. Ce n'est pas nous ! Qu'a-t-on fait avec les préfets ?
    M. Alain Gest. ... soit des élus assaillis de remords (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui se sentent coupables de ne pas avoir su profiter des cinq années écoulées pour parachever une réforme incomplète.
    M. Alain Néri. Que vous aviez combattue !
    M. Alain Gest. Les premiers se satisfaisaient parfaitement de l'étatisation rampante que certains viennent de décrire et que nous avons vécue lors de la législature précédente.
    M. René Dosière. Allons !
    M. Alain Gest. Les seconds manifestent une regrettable mauvaise foi au point de ne pas vouloir reconnaître la spécificité du Sénat au regard des collectivités territoriales, sans doute d'ailleurs parce que la Haute Assemblée s'est souvent opposée avec opportunité aux gouvernements qu'ils soutenaient.
    M. Alain Néri. Qu'en pensait le général de Gaulle ?
    M. Alain Gest. En engageant cette réforme par la modification de la Constitution, le Gouvernement a respecté la logique des choses. Les cinq principes essentiels de cette loi autoriseront des évolutions significatives : ils méritent donc de recueillir notre agrément.
    Mais, comme le rappelait à juste titre hier le président de la commission des lois, il s'agit là d'un premier pas et l'essentiel reste à venir. C'est la raison pour laquelle, comme le Premier ministre nous y a invité il y a une heure, je souhaite plutôt insister sur ce qui doit déterminer la réussite de la démarche de décentralisation que le Gouvernement a engagée et qui dépendra de notre capacité à prendre en compte un certain nombre de conditions. J'en ai, pour ma part, relevé quatre.
    Je n'insisterai pas sur la première qui a notamment été évoquée par Pascal Clément et Pierre Méhaignerie. Je pense bien sûr au souci que nous devons avoir de bien inscrire cette organisation décentralisée dans le cadre plus large d'une vraie réforme de l'Etat.
    Les objectifs de clarification, de simplification, et si possible d'économie, sont très largement partagés. Il conviendra pour cela d'imaginer une profonde évolution de notre fiscalité. De même, nous devons acquérir une culture de l'évaluation des actions engagées, culture que l'Etat doit apprendre à s'appliquer à lui-même, au lieu de se contenter de l'imposer aux autres.
    Deuxième condition de la réussite : il nous faut concevoir une organisation décentralisée à la française. Prenons garde de ne pas partir de faux principes, et de vouloir réaliser des copier-coller de modèles européens fonctionnant dans des Etats fédéraux, et non unitaires comme le nôtre. En consacrant trois niveaux de collectivités territoriales, la commune, le département et la région, cette réforme constitutionnelle remet en quelque sorte les pendules à l'heure. Elle permet de bien distinguer les collectivités territoriales de territoires de projets, comme le sont les pays, qui doivent être librement consentis, et non pas imposés. L'un des paradoxes de la loi Voynet était bien, en imposant les pays, de créer un échelon supplémentaire alors que les inspirateurs du texte considéraient que la France comptait déjà trop de strates différentes.
    A ce sujet, les analyses comparatives entre les différentes organisations de collectivités territoriales en Europe viennent opportunément relativiser la prétendue spécificité française. Autre écueil à éviter : il ne faut pas oublier la très forte attente de proximité.
    Répondre à cette attente en imaginant de confier l'essentiel des compétences décentralisées à un niveau de collectivité trop éloignée de nos concitoyens constituerait sans doute une erreur. Pour être clair, la région, si elle constitue un échelon satisfaisant pour la prospective, la planification, voire la programmation, ne sera en revanche jamais un échelon de proximité, ne serait-ce qu'en raison de son mode de scrutin. Elle n'a donc pas vocation à se retrouver souvent maître d'ouvrage, cela devant rester de la responsabilité des départements et des communes ou de leurs groupements.
    Un Etat unitaire, recentré sur ses fonctions régaliennes et assurant équité et péréquation, des régions porteuses d'une vision d'avenir et d'une cohérence, des départements et des communes chargés de l'impulsion et de la réalisation des projets adaptés à leurs territoires en procédant, si besoin, à des contractualisations : tel est le cadre général du nouveau paysage institutionnel que nous pourrions mettre en place à l'occasion des transferts de compétences à venir.
    Troisième condition de notre réussite : une organisation décentralisée de la République ne peut se circonscrire à la répartition différente des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, en faisant l'impasse d'une réflexion sur les relations à imaginer avec les organismes de sécurité sociale. Ces organismes se doivent d'être intégrés dans la réforme de l'Etat visant à concevoir un modèle d'administration plus efficient, plus près du citoyen, mieux contrôlable, plus démocratique et moins onéreux.
    Or que constatons-nous ? La gestion de nos organismes de sécurité sociale est en principe paritaire. En l'absence de certains partenaires, elle ne l'est plus aujourd'hui. Leur contrôle échappe très largement aux élus, alors que chacun sait que l'opinion publique leur en attribue assez largement la responsabilité.
    Prenons l'exemple des 123 caisses d'allocations familiales. Celles-ci gèrent 34 milliards d'euros, notamment en répartissant dix-neuf prestations sociales distinctes. Leur sphère de compétences recouvre assez largement celle des conseils généraux. Je pense non seulement au RMI mais également à de nombreuses allocations qu'examinent ou que sollicitent les travailleurs sociaux de nos départements. Or les conseils généraux n'ont qu'un unique représentant au sein du conseil de surveillance de la seule Caisse nationale d'allocations familiales, et n'en ont aucun au niveau des caisses locales.
    Pour favoriser la cohérence, je suggère donc que les CAF soient placées sous la responsabilité des conseils généraux.
    M. Jérôme Bignon. Ce serait une très bonne idée !
    M. Alain Gest. Afin de préserver le lien avec les partenaires sociaux, un conseil de l'action sociale de la famille et de l'insertion serait créé auprès de chaque conseil général et donnerait des avis sur toutes les politiques sociales des départements.
    Je conçois bien que cette évolution doit être précédée d'un dialogue avec les partenaires sociaux. Elle doit de surcroît être conçue sous la forme d'une expérimentation - d'où l'importance de l'expérimentation - dans quelques départements et pour une durée déterminée.
    Mais cet exemple d'un des organismes de sécurité sociale pourrait aussi être étendu à d'autres organismes nationaux dont l'organisation doit se décentraliser. Je pense à l'ANPE ou à l'AFPA pour lesquelles le niveau régional pourrait paraître plus adapté, ou encore à l'ANAH. Une chose est sûre : l'organisation décentralisée de la République ne peut faire l'économie d'une réflexion sur le sujet.
    Quatrième et dernière condition : la réussite de cette nouvelle étape de la décentralisation passe par un transfert novateur des moyens devant accompagner les compétences. S'agissant des moyens, j'ai à l'esprit bien évidemment les ressources financières. A cet égard, nous bénéficions, si je puis dire, du contre-exemple de l'allocation personnalisée d'autonomie qui doit nous épargner d'autres errements. Mais je pense plus encore aux moyens humains. Il ne faudrait pas reproduire les erreurs de la première décentralisation qui a consisté à faire en sorte que l'Etat a gardé son personnel sans les compétences tandis que les collectivités augmentaient leurs compétences sans le personnel !
    Par ailleurs, il convient de conserver leur attractivité aux missions confiées à nos fonctionnaires, comme à leur carrière. Cela passe sans doute par une nouvelle organisation de la fonction publique, qui pourrait devenir celle de la nation en regroupant celles de l'Etat et des collectivités, et par une politique systématique de détachements pour faire bénéficier les collectivités territoriales des compétences requises.
    Je n'évoquerai que pour mémoire l'aspiration à plus de souplesse dans la gestion et le recrutement du personnel, souhaitant m'intéresser davantage à la réorganisation indispensable à imaginer. Transférer « verticalement », ministère par ministère, les agents ayant opté pour une collectivité territoriale ou les agents détachés ne résoudrait en rien la complexité, voire les doublons ou les concurrences générées par l'organisation actuelle.
    Puis-je me permettre d'illustrer mon propos avec le contexte dramatique des inondations vécues l'an passé dans mon département ? S'agissant des politiques de l'eau, pas moins de cinq administrations ou établissements publics de l'Etat en sont chargés. N'est-il pas temps d'y remédier ? Pour ce faire, il convient d'être imaginatif. Nous pourrions envisager, par exemple, de placer auprès de la collectivité départementale un établissement public regroupant les services techniques de hauts niveaux pour les études et la réalisation des actions qui sont dévolues aux départements et regroupant les DDE, les DDA, les DIREN pour éviter ces doublons dont je parlais. Les modalités de fonctionnement doivent être bien sûr précisées. Mais nous avons à mener une réflexion approfondie en amont des décisions de transfert de compétences que nous allons imaginer.
    Telles sont, madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, les quelques réflexions que je souhaite présenter au moment où nous arrêtons le cadre constitutionnel dans lequel nous allons pouvoir écrire cette nouvelle page de la décentralisation. La parfaite connaissance de l'action de terrain du Premier ministre est un gage de réussite de la démarche engagée.
    Mme la présidente. Monsieur Gest, concluez, je vous prie !
    M. Alain Gest. Je termine, madame la présidente.
    Les protestations des uns et des autres ne trompent personne. Le Gouvernement dispose du soutien le plus large des élus, dans la majorité et au-delà. Il est convaincu, à juste titre, que cette réforme de l'Etat va dans l'intérêt de nos concitoyens. Madame et messieurs les ministres, vous pouvez compter sur nous pour voter les propositions de bon sens que contient cette modification constitutionnelle.
    M. Jean-Pierre Balligand. Vous n'amendez même plus !
    M. Alain Gest. Mais sachez aussi que nous sommes très nombreux à ne pas faire preuve de frilosité. Aucun sujet ne doit être tabou dès lors que l'unité de la République et l'égalité de nos concitoyens ne sont pas remises en cause. Dans cette voie, vous pouvez être assurés que nous partageons l'enthousiasme et la combativité du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.
    M. Alfred Marie-Jeanne. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, collègues de l'Assemblée, est-il besoin de rappeler que c'est sans cesse que le monde se remet en cause, se décompose et se recompose ? Depuis un certain temps, il est entré en phase active nouvelle. Je ne retiendrai que deux dynamiques : la mutation technologique et la refondation politique. La première raccourcit la distance en rapprochant l'information, tandis que la seconde ramène le pouvoir à la base.
    Au nom d'une conception multiséculaire de tutelle hypercentralisée et de domination momifiante, la France s'est laissée dépasser.
    Ce retard peut être opportunément comblé si, aujourd'hui, tombaient et tombaient encore des pans entiers de ces pratiques d'une gouvernance devenue parkinsonienne avec l'âge.
    Pour réussir valablement l'entreprise engagée, il faut commencer par inclure dans le projet de loi les revendications légitimes, exprimées de façon majoritaire par ceux qui sont à la fois éloignés, en bas, et écrasés par le poids d'un système de plus en plus inopérant.
    Il importe aussi de ne pas être à l'écoute des seuls réfractaires qui jouent l'obstruction comme ils jouent à l'épouvantail. Car il n'y a pas qu'eux. Il y a le flot de beaucoup d'autres, qui veulent sortir de l'enlisement démobilisateur actuel. Et dans ce lot, se trouve la particule élémentaire que je suis. (Sourires.)
    Madame et messieurs les ministres, il importe enfin au Gouvernement d'honorer ses engagements. N'est-ce pas le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui, lors de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002, lançait, sous forme de SOS, un appel pressant et solennel invitant « les régions à se montrer audacieuses et à se porter candidates pour expérimenter certains transferts de compétences » ?
    Avec audace, la Martinique s'est montrée précurseur en la matière. D'abord, et en accord avec les présidents des régions de Guadeloupe et de Guyane, a été signée, le 1er décembre 1999, la déclaration de Basse-Terre.
    Ensuite, à ma diligence, en tant que président du conseil régional de Martinique, ont été simultanément mises en discussion et la déclaration précitée et la loi d'orientation pour l'outre-mer, intervenue entretemps. A 75 %, les préconisations de la déclaration de Basse-Terre ont été retenues avec, en corollaire, l'obligation d'élaborer un projet pour la Martinique, ce qui a été fait depuis.
    Enfin, les élus martiniquais des conseils régional et général ont voté à 80 %, et bien souvent à l'unanimité, les points essentiels suivants :
    Création d'une nouvelle collectivité territoriale unique en lieu et place des deux existantes ;
    Rejet total d'une assemblée sans tête, c'est-à-dire, de deux assemblées avec une seule tête commune ;
    Redéfinition et redistribution des domaines de compétences entre l'Etat et la nouvelle collectivité ;
    Nécessité de disposer d'un pouvoir, pour adapter, réglementer et légiférer ;
    Dédoublement du rôle du président ;
    Reconnaissance de l'autonomie fiscale ;
    Respect de l'équation « transfert de charges égaletransfert équivalent des moyens » ;
    Dévolution de la politique de coopération dans la zone de l'Association des Etats de la Caraïbe - AEC ;
    Maintien de la proportionnelle sans prime électorale, car ne se pose pas, chez nous, le problème lancinant de la majorité de gestion, ni celui de l'extrême droite.
    Consultation populaire obligatoire en cas de changement réel de statut.
    Madame et messieurs les ministres, la situation est ingérable, tant se superposent et s'enchevêtrent des services, des structures, des communautés d'agglomération, des syndicats de communes, des agences de toutes sortes, recouvrant bien souvent les mêmes secteurs d'intervention. Cette prolifération segmentaire, résultat de lois inadaptées, est contre-productive, budgétivore et chronophage.
    Il est temps d'en finir car la Martinique, érigée en région monodépartementale, est un pays exigu. Les Constitutions volontairement fermées inquiètent toujours le partisan de l'émancipation permanente que je suis d'autant que le droit à l'autodétermination n'est pas un vain droit.
    En conclusion et pour faire sortir la Martinique de cette situation krabik, c'est-à-dire dégradée, je plaide fortement pour un transfert à nannan, c'est-à-dire à haut débit. Si la départementalisation a été envisagée, en son temps, comme une récompense, voire comme une forme de réparation, aujourd'hui la revendication du pouvoir est un droit légitime.
    La réforme envisagée peut réussir si le droit commun et le droit spécifique s'allient de manière efficace. Madame, messieurs les ministres, vous le pouvez, si vous le voulez.
    Pour répondre aux urgences, remontez le curseur au moins au niveau de la déclaration de Basse-Terre et du projet Martinique. C'est le seul moyen de maîtriser le présent, sans hypothéquer l'avenir.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez.
    M. Gilles Carrez. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ressources propres, péréquation, ces deux principes, affirmés dans l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, portent en germe la réforme des finances locales,...
    M. René Dosière. En germe !
    M. Gilles Carrez. ... cette impossible réforme, que chacun appelle de ses voeux depuis des décennies, mais que personne n'ose entreprendre.
    M. René Dosière. Très juste !
    M. Gilles Carrez. Aurons-nous donc l'audace de l'aborder au printemps prochain ? Aurons-nous le courage de rompre avec le passé de nos finances locales, un passé marqué par des renoncements qu'il faut rappeler pour prendre la mesure des ambitions de la réforme ?
    Le premier des renoncements, le plus visible parce qu'il est le moins justifiable, porte sur l'absence de révision des valeurs locatives des impôts locaux. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. René Dosière. A qui la faute ?
    M. Gilles Carrez. L'énorme travail accompli entre 1990-1992 a été englouti, vous le savez bien, mes chers collègues ! (Mêmes mouvements.)
    M. Jean-Pierre Balligand. Vous êtes arrivés en 1993 !
    M. Gilles Carrez. Les tentatives ultérieures ont été anéanties. Aujourd'hui, certains proposent même un enterrement sans fleurs ni couronnes, avec une pseudo-décentralisation de la révision, au nom d'une prétendue responsabilité locale que les élus ne pourront pas assumer.
    Alors, le temps n'est-il pas venu d'abandonner les évaluations administratives et de s'orienter vers des valeurs vénales déclaratives ?
    M. René Dosière. Bonne suggestion !
    M. Bernard Derosier. Voeu pieux !
    M. Gilles Carrez. Le second des renoncements, le plus coûteux pour l'Etat, le moins visible, le plus déresponsabilisant, est constitué par la montée inexorable des dégrèvements et des exonérations.
    Comme la fiscalité locale fait mal, faute de pouvoir la réformer on la rogne par tous les bouts.
    Résultat : une charge de plus de 10 milliards d'euros, une charge masquée inscrite en prélèvements sur recettes au budget de l'Etat et que l'on a le plus grand mal à débusquer. Pourtant, au fil du temps, l'Etat est devenu, par ce biais, le premier contribuable local : il règle un tiers de la taxe professionnelle et un cinquième de la taxe d'habitation.
    M. René Dosière. Un peu plus même !
    M. Gilles Carrez. Même l'impôt foncier n'est pas épargné.
    Résultat encore : l'opacité la plus complète, car personne ne sait qui fait quoi. Il n'est pas rare qu'un maire qui a baissé ses impôts locaux se fasse interpeller par l'un de ses administrés dont la taxe d'habitation a explosé ou vice versa.
    M. Alain Néri. Ce n'est plus vrai, avec la feuille d'imposition voulue par Bérégovoy !
    M. Gilles Carrez. Or, c'est ma conviction, le lien fiscal fait partie du lien de citoyenneté.
    Résultat toujours : des transferts financiers, occultes mais massifs, au profit des collectivités les plus dépensières et au détriment de celles qui gèrent avec sérieux. Je ne citerai pas les zones géographiques qui, aujourd'hui, cumulent les dégrèvements des impôts pesant sur les ménages et de taxe professionnelle.
    La décentralisation devrait être synonyme de responsabilité locale, donc fiscale. Quand aurons-nous le courage de mener une opération vérité dans ce monde caché des dégrèvements et exonérations de fiscalité locale ?
    M. René Dosière. N'oubliez pas la taxe départementale sur le revenu, monsieur le rapporteur général !
    M. Gilles Carrez. Le troisième exemple de renoncement est la réforme de la fiscalité locale par substitution de dotations d'Etat.
    Le mouvement s'est fortement accéléré ces cinq dernières années...
    M. René Dosière. C'est vrai !
    M. Gilles Carrez. ... avec la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, de la part régionale de la taxe d'habitation, de la vignette et avec la réduction des droits de mutation. Ainsi, 15 milliards d'euros de fiscalité locale ont été remplacés par des subsides d'Etat.
    M. René Dosière. Vous nous avez montré le chemin !
    M. Gilles Carrez. Ils sont certes indexés, mais cette indexation ne compense pas la liberté d'agir à la fois sur l'assiette et sur le taux.
    Les recettes fiscales propres ne représentent, aujourd'hui, que la moitié des ressources de fonctionnement des collectivités locales et même à peine le quart en Ile-de-France. J'ajoute que les dotations aux collectivités locales sont devenues le principal poste dans le budget de l'Etat avec près de 50 milliards d'euros. Nous ne pourrons pas éviter - tel est d'ores et déjà le cas - des conflits avec l'Etat, compte tenu de ces contraintes budgétaires.
    M. René Dosière. Et la TDR ?
    M. Gilles Carrez. Un autre renoncement, et non le moindre, se traduit dans la péréquation, qui, pourtant, sera désormais inscrite dans notre Constitution. Or, il faut le rappeler, la réforme de la dotation globale de fonctionnement entreprise par le gouvernement d'Edouard Balladur,...
    M. René Dosière. Oui !
    M. Gilles Carrez. ... a permis de créer la DSU, la DSR...
    M. René Dosière. Non, la DSR existait auparavant !
    M. Gilles Carrez. ... et la dotation d'intercommunalité.
    En revanche, la réforme de la taxe professionnelle, menée par le précédent gouvernement, est profondément auti-péréquatrice, puisque les dotations compensent, pour chaque collectivité, sur la base des acquis, c'est-à-dire que les riches restent riches et les pauvres restent pauvres.
    M. Jean-Jack Queyranne. Au bénéfice de l'emploi !
    M. Gilles Carrez. Au passage, et sans que personne ne le remarque, l'Etat a confisqué, pour faire des économies, les maigres ressources qui alimentaient le fonds national de péréquation. Or les disparités de recettes entre communes, départements et régions sont considérables. Par exemple, au sein de l'Ile-de-France, et malgré l'existence d'un fonds de péréquation spécifique, il n'est pas rare que les écarts aillent du simple au double...
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. Gilles Carrez. ... au triple, voire au quadruple entre des communes pourtant limitrophes.
    M. René Dosière. Quel est l'écart entre Neuilly et Le Perreux ?
    M. Gilles Carrez. Comme le temps m'est compté, je vais immédiatement formuler quelques propositions, pour rompre avec un héritage du passé, c'est-à-dire avec la sédimentation progressive de réformes inopérantes qui nous font d'ailleurs remonter à la taxe locale d'avant 1968.
    M. René Dosière. Restez-en à la TDR !
    M. Gilles Carrez. D'ailleurs, savez-vous, chers collègues, quelles sont les deux communes de France qui ont la DGF par habitant la plus importante ?
    M. René Dosière. Paris !
    M. Jean-Jack Queyranne. Neuilly !
    M. Gilles Carrez. Non ! Lourdes et Vichy !
    M. René Dosière. Celle de Paris n'est pas mal non plus !
    M. Gilles Carrez. Tel est l'héritage du passé ! Madame la ministre, messieurs les ministres, il faudra de l'audace, beaucoup d'audace, pour que le souffle de la décentralisation fasse bouger nos finances locales.
    Il faudra donc moderniser et spécialiser nos impôts locaux, aujourd'hui saucissonnés entre quatre niveaux, hélas ! intangibles : communes, intercommunalité, départements et régions ; échapper au saucissonnage ; remettre à plat la politique de dégrèvements et d'exonérations dans le sens de la transparence, de l'équité et de la responsabilité ; transférer aux régions tout ou partie d'impôts d'Etat modernes, mais en donnant aux régions une vraie capacité à décider du taux et de l'assiette.
    M. Charles de Courson. Très bien !
    M. Gilles Carrez. Il conviendra aussi de territorialiser et de simplifier les dotations de l'Etat pour rapprocher monde rural et urbain et atténuer les disparités. Vous connaissez tous l'aristocratie de la DGF que sont les communautés urbaines, la roture que sont les communautés de communes avec un écart de un à six. N'est-ce pas, monsieur de Courson ?
    M. Charles de Courson. Absolument !
    M. Gilles Carrez. Nous nous battons sur ce sujet depuis des années.
    M. Charles de Courson. J'ai parlé d'un système d'Ancien Régime !
    M. Gilles Carrez. Il sera enfin indispensable d'engager une véritable péréquation qui pourrait être décentralisée à partir des régions, de sorte qu'elle corrige au plus près les disparités si diverses et multiples de nos dizaines de milliers de collectivités locales. Il n'est pas question dans mon esprit d'un égalitarisme forcené, mais d'une simple équité.
    Si la décentralisation devait conduire à rendre plus forts les puissants et plus vulnérables les faibles dans l'exercice des compétences transférées, elle n'aurait à coup sûr pas fait progresser la République décentralisée que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Approbations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. François d'Aubert.
    M. François d'Aubert. Madame la présidente, madame et messieurs les ministres, la décentralisation est une nécessité aussi incontestable que son corollaire : la promotion des libertés locales. En la matière comme en d'autres, nous avons besoin de simplification, de réactivité. En effet, il est anormal de devoir attendre sept ans pour ouvrir un département dans un IUT ou plus de trois ans pour obtenir la « déconstruction » de HLM, comme on dit dans le jargon du ministère de l'équipement. De plus, en ce cas, la décision est prise dans les bureaux du ministère du logement. Si l'on veut davantage de proximité, il faut accroître la liberté locale.
    La réussite de la décentralisation nécessite la réunion de plusieurs conditions dont la première est le renforcement de l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Il faut affirmer clairement que leurs ressources doivent comporter une part prépondérante de recettes fiscales propres. En effet, le système des dotations de l'Etat n'est pas une bonne solution, chacun peut le constater. Elles sont en effet les résultantes de calculs compliqués, de négociations budgétaires au plan national qui n'ont généralement rien à voir avec les besoins réels des collectivités, d'indices plus compliqués les uns que les autres. En fait, cela aboutit à des transferts de charges mal financés et à des compensations insuffisantes.

    Ainsi, par exemple, la suppression de la part salariale de la taxe professionelle s'est traduite par une diminution des ressources financières des collectivités locales au travers de la dotation de compensation, car il y a eu une mauvaise indexation.
    La meilleure des recettes serait sans doute un impôt spécifiquement affecté aux collectivités territoriales avec la région comme pilier, un impôt dynamique, moderne, lié à l'activité économique. Ce pourrait être la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Un tel transfert permettrait d'assurer une sorte de cadrage budgétaire, de façon à éviter le risque, non négligeable, d'un dérapage des dépenses locales liées à des blocs de compétences transférés.
    Ainsi, tout le monde parle du transfert des compétences ferroviaire en matière de transport régional. Or il faut savoir que, dans une région comme la nôtre, on est parti d'une dépense initiale de 10 millions de francs pour atteindre aujourd'hui 100 millions, soit une multiplication par dix. Cela démontre qu'il est indispensable d'instaurer un système qui permette, en cas de transfert de compétences, de calibrer la capacité dépensière des collectivités territoriales en fonction des compétences transférées.
    Sur cet impôt transféré, il faudrait également prévoir un système de péréquation et envisager une certaine progressivité dans le transfert de la ressource.
    Ensuite, le succès de la décentralisation implique - on ne le répétéra jamais assez - une profonde réforme de l'Etat. Inversement d'ailleurs, la décentralisation sera, si elle est réussie, un puissant levier pour réformer l'Etat. En effet, on assiste, depuis quelques années, à une très forte recentralisation. Or le développement de nouvelles libertés locales nécessite une réduction des pouvoirs et des moyens des administrations centrales, si grandes productrices de cette littérature d'Etat que constituent circulaires, arrêtés et textes interprétatifs qui sont souvent synonymes de complexité et de lenteurs.
    Il faudra également diminuer les pouvoirs et les moyens des échelons déconcentrés de l'Etat qui ont tendance à se démultiplier et à s'additionner. A-t-on étudié l'efficacité de certaines directions régionales par rapport à des directions départementales et inversement ?
    La réussite de la décentralisation implique aussi des transferts des compétences et un allégement des tutelles, qu'elles soient administratives, financières ou techniques. Or, aujourd'hui, tout élu local peut constater un retour en force des tutelles techniques, un retour pernicieux, toujours préventif, restituant à l'ensemble des corps techniques de l'Etat un pouvoir d'empêcher, sur le fondement apparent d'une loi anodine ou générale, faisant l'objet d'interprétations plus ou moins officielles, d'une lecture tour à tour simpliste ou alambiquée,...
    M. Jean Michel. Très bien !
    M. François d'Aubert. ... d'une méthodologie discutable que les administrations de l'Etat assènent comme des vérités premières confondant la loi elle-même et la directive d'un chef de service national ou local. Le paysage du contrôle technique et de la tutelle technique est évidemment à revoir.
    Quant au contrôle de légalité, il a une valeur constitutionnelle, mais il souffre aujourd'hui d'un triple défaut : il est trop lourd, trop sélectif et il glisse assez souvent vers le contrôle d'opportunité.
    M. Gilles Carrez. Absolument !
    M. René Dosière. Il est surtout inefficace !
    M. François d'Aubert. Au titre du contrôle de légalité, 7,7 millions d'actes sont transmis chaque année par les communes et les collectivités publiques aux préfectures. N'est-ce pas un peu trop ? Une ville comme Laval, monsieur le ministre, a transmis l'année dernière 9 520 actes à la préfecture, ce qui représente un volume administratif certain !
    M. Jean-Pierre Balligand. On est un peu trop contrôlé !
    M. René Dosière. Combien ont été déférés ?
    M. François d'Aubert. Combien cela mobilise-t-il de personnes ? Est-ce bien nécessaire ? Ne pourrait-on pas revoir la liste des actes soumis à l'obligation de transmission ? Est-il légitime, par exemple, que la mairie soit dans l'obligation de transmettre les arrêtés de recrutement de personnels saisonniers...
    M. François Dosé. Oui, sinon on recrute les petits copains.
    M. René Dosière. Cela évite les emplois fictifs !
    M. François d'Aubert. ... ou tous les avancements de grade et d'échelon ? Cela a quelques chose d'absurde, voire d'ubuesque.
    M. René Dosière. Les emplois fictifs, cela existe, monsieur d'Aubert !
    M. François d'Aubert. D'ailleurs, on relève en la matière une grande sélectivité. Chaque préfecture semble avoir des domaines privilégiés pour ses lettres d'observation. Alors que certaines visent surtout le contrôle des marchés, d'autres s'intéressent essentiellement au contrôle du statut des personnels ou aux questions d'urbanisme. Il faudrait donc un peu moins de sélectivité, mais davantage d'équité et de justice.
    Enfin, ce contrôle de légalité, conçu initialement pour succéder au système de la tutelle, est devenu à son tour une véritable tutelle, puisqu'il se prononce de plus en plus souvent sur l'opportunité des actes. Par exemple, dans certains départements, dès qu'une mairie veut externaliser certains investissements, la préfecture se précipite sur les conventions, parce qu'elle est fondamentalement hostile au principe d'une adminsitration par délégation de service public. Cela est tout à fait anormal et contraire à l'idée même de liberté d'administration des collectivités territoriales.
    M. Gilles Carrez. Absolument !
    M. René Dosière. Ah ! Ce serait bien s'il n'y avait pas de contrôle du tout !
    M. François d'Aubert. Je ne pense pas que les mairies socialistes soient bien placées pour donner des leçons dans ce domaine.
    M. René Dosière. Allez voir à Paris !
    M. François d'Aubert. Certes, pour réussir la décentralisation, un contrôle est nécessaire, mais il ne faut pas qu'il devienne une tutelle. Cela serait contraire à l'esprit des lois de décentralisation de 1982, qui ont très clairement marqué qu'il ne devait plus y avoir de tutelle de l'Etat, mais seulement un contrôle a posteriori.
    M. Alain Gest. Absolument !
    M. François Dosé. A l'époque, étiez-vous pour, monsieur d'Aubert ?
    M. François d'Aubert. Revenons-en donc à la notion même de contrôle a posteriori, ce qui suppose une modification de l'article 72 de la Constitution, afin de limiter les pouvoirs du délégué du Gouvernement à la protection des intérêts nationaux, le contrôle administratif lui-même devant être confié, de préférence, à la juridiction administrative.
    Au terme de ces réflexions sur la décentralisation et sur la nécessaire promotion des libertés locales, il me semble indispensable que plusieurs conditions doivent être remplies si nous voulons construire cette République décentralisée que nous souhaitons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Toucher à la Constitution n'est pas chose anodine, et encore moins chose facile. C'est un événement qui demeure rare, malgré la relative inflation législative observée depuis quelques années dans ce domaine, et dont la portée symbolique est forte, dans la mesure où cela touche aux fondements de notre République et induit des effets sur le long terme.
    S'agissant d'un thème dont vous savez qu'il m'est particulièrement cher et auquel je pense avoir modestement apporté ma pierre au fil de mes mandats, vous pouvez facilement imaginer avec quelle particulière attention je me suis penché sur le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis en première lecture.
    Vous n'aurez donc pas de mal à imaginer combien, au regard de nos attentes, grande aussi a été notre déception et plus grande encore est notre inquiétude. En effet, faire avancer la décentralisation dans notre pays, qui plus est lorsque l'on décide de toucher à la Constitution, revient un peu à opérer à coeur ouvert nos institutions et notre démocratie. Il faut pour cela de la maîtrise, de l'expérience et, surtout, un véritable projet fondé sur un diagnostic et bâti sur une finalité. Or de ce projet, nous ne voyons pas la moindre trace dans le texte qui nous est proposé.
    Je l'ai dit, hier, nous savons bien qu'aucun texte aujourd'hui ne circule ni dans la sphère des professeurs de droit, ni au sein des différents partis politiques ou institutions s'occupant de la décentralisation. Il n'y a pas de texte de loi organique, mais, surtout, pas de texte de loi ordinaire, là où l'on parlera réellement du transfert de compétences. C'est une situation proprement inédite concernant une modification constitutionnelle.
    M. Alain Gest. C'est moderne !
    M. Jean-Pierre Balligand. De deux choses l'une, par conséquent, ou bien cette absence de projet, d'objectif, de dessein, en un mot de politique est fortuite, et c'est alors une grave erreur ou une lacune impardonnable.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Non, c'est de l'honnêteté !
    M. Jean-Pierre Balligand. Car si la loi constitutionnelle ne contruit pas un grand projet autour de la décentralisation, si le nouveau partage des pouvoirs qui se dessine n'est pas entouré par elle d'une ambition politique, quel autre texte le fera ? Sûrement pas, en tout cas, la loi ordinaire, dont personne dans cette enceinte, je le répète, n'est encore capable de tracer seulement les contours.
    Ou bien - et ce serait, en un sens, une réalité plus pernicieuse - cette absence de dessein est le projet politique du Gouvernement. Je m'explique. Nous nous trouverions devant un texte qui éluderait volontairement toute perspective d'ensemble...
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Oh !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... alors qu'il conforte une expérimentation individuelle tous azimuts - je parle de votre texte originel, monsieur le ministre, avant écrémage par le Sénat, car, au départ, il s'agissait bien de cela -, un texte qui nierait tout ambition collective au profit d'une dérégulation institutionnelle autrement plus dangereuse. En d'autres termes, un texte d'essence profondément libérale...
    M. Alain Gest. Nous y voilà !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... avec les dangers que cela comporte, sous couvert d'une neutralité de façade.
    M. François d'Aubert. La liberté, c'est dangereux, monsieur Balligand !
    M. Jean-Pierre Balligand. Vous vous apprêtez donc, mes chers collègues, à graver dans le marbre un texte qui réussit le pari d'être à la fois allusif et inconséquent, tout en éludant soigneusement les aspects qui auraient dû, ou du moins pu, justifier son existence.
    M. François d'Aubert. Jacobin primaire !
    M. Jean-Pierre Balligand. Le Conseil d'Etat n'a pas dit autre chose en suggérant au Gouvernement de supprimer plusieurs points clés du dispositif. Un de ses avis - cela aussi doit être souligné dans cette enceinte - n'a d'ailleurs pas été pris en considération avant l'examen au Parlement.
    Une imprécision rédactionnelle caractérisée entoure d'abord plusieurs des notions contenues dans ce texte, depuis l'expérimentation à l'article 2, qui n'est jamais clairement définie, jusqu'au problème de l'équilibre des ressources, article 6, qui fait l'objet d'une pétition de principe - j'y reviendrai - là où l'on attendait un engagement ferme de l'Etat.
    La notion même de décentralisation, complexe je vous l'accorde, ne fait l'objet d'aucune tentative de définition ou de clarification.
    Je fais partie de ces députés qui, face à leur propre majorité, lorsqu'ils n'étaient pas d'accord, n'ont jamais hésité à s'exprimer.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Balligand. Depuis vingt et un ans que je siège dans cet hémicycle, je sais que cela n'a pas souvent été le cas sur quelque banc que ce soit. Alors, souvenons-nous. La loi Galland en 1986 n'a pas fait avancer la décentralisation par rapport aux textes de 1982-1983. Ayons l'honnêteté de le reconnaître !
    Quant à la loi Pasqua, cinéma à la mise en scène incantatoire, on y évoquait déjà la péréquation ; c'était en 1994. Et en 1995 et 1996 ? Je ne fais pas cette énumération pour vous rappeler de mauvais souvenirs, car, de notre côté aussi, certains textes ont posé des problèmes.
    M. Alain Gest. Le mauvais souvenir, c'est la loi Voynet !
    M. Jean-Pierre Balligand. Alors, regardons avec honnêteté et lucidité dans quel état se trouve la décentralisation, et admettons que nous avons besoin de clarification. Cela a été dit tout à l'heure, y compris à l'aide de flash back !
    M. Alain Gest et M. Jean-Jacques Descamps. Voilà !
    M. Jean-Pierre Balligand. Ensuite, nous chercherons comment aller plus loin. Mais, pour cela, nous devons savoir dans quelle direction nous marchons.
    M. Alain Gest et M. Jean-Jacques Descamp. Absolument !
    M. Guy Geoffroy. Nous sommes bien d'accord !
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est ce que nous essayons de vous expliquer, en vain. Nous sommes des décentralisateurs, comme un grand nombre d'entre vous, même si certains sont des des convertis de dix ou vingt ans. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce n'est pas le cas pour toutes les familles !
    M. Alain Gest. Il n'y a plus qu'une famille !
    M. Jean-Pierre Balligand. Mais cela ne me gêne pas qu'il y ait des convertis.
    La notion même de décentralisation, disais-je - complexe - ne fait l'objet d'aucune tentative de définition et de clarification. Cela conduit naturellement à brouiller les cartes, alors que le rôle de l'Etat est lui-même laissé dans une quasi-obscurité. Il suffit pour cela de relire le troisième alinéa de l'article 4 : « Les collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. » De quelles compétences s'agit-il ? Les fonctions régaliennes de l'Etat pourraient-elles être concernées ?
    M. René Dosière. Evidemment !
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est ici que les difficultés de forme - par ailleurs déjà longuement évoquées en commission et justement soulevées lors de l'examen du texte au Sénat - rejoignent, ce qui est plus grave, les nombreux problèmes de fond qui font courir le risque d'une instabilité institutionnelle et d'une rupture d'égalité des citoyens et des collectivités elles-mêmes devant la loi.
    C'est bien le comble, concernant une démarche décentralisatrice supposée, au contraire, rééquilibrer et aplanir le poids respectif des différents acteurs institutionnels !
    L'article 1er est sur ce point éloquent : plusieurs juristes, et non des moindres, ont souligné en quoi l'intégration du principe d'une « organisation décentralisée » aux côtés des grands principes invariants, que sont l'indivisibilité de notre République, la laïcité, la démocratie ou l'égalité, portait en germe une irruption de conflits encore inimaginables aujourd'hui, que le juge, et non le législateur, aurait seul à trancher...
    M. René Dosière. Hélas !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... et qui favoriserait in fine l'établissement d'une hiérarchie des principes constitutionnels ! Sans compter les risques de confusion entre organisation de l'Etat et organisation des services de l'Etat. Autant dire que le Gouvernement, avec cet article 1er, met entre les mains des constitutionnalistes et des juridictions un insoluble casse-tête.
    M. Jean-Jack Queyranne. Absolument !
    M. Jean-Pierre Balligand. Le démagogique article 3 constitue à lui seul une aberration - je le dis de manière « transpolitique » - (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité plurielle) et fait peser la menace d'un éclatement du bicaméralisme tel que nous l'avons connu jusqu'ici, en instituant indûment une obligation de débuter au Sénat l'examen des textes ayant pour objet « la libre administration des collectivités territoriales », c'est-à-dire précisément ceux sur lesquels les représentants de la Haute Assemblée seront les plus partiaux ! Cet article est une manière outrageante de dévaluer la représentativité du suffrage universel direct, dont l'Assemblée nationale est seule détentrice.
    M. Arnaud Montebourg. Très bien !
    M. René Dosière. C'est du vrai corporatisme !
    M. Jean-Pierre Balligand. Mes collègues socialistes et moi-même sommes déjà intervenus publiquement sur ce point, car il est, selon nous, inacceptable. Bien loin de son aspect apparemment anodin,...
    M. Arnaud Montebourg. C'est une agression caractérisée !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... cet article entre, en effet, en contradiction totale avec les principes fondamentaux de notre République, notamment l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - laquelle, jusqu'à preuve du contraire, reste le Préambule de la Constitution de 1946 comme de celle de 1958 -, qui énonce que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». On ne peut pas être plus clair : le texte qui nous est présenté revient à outrepasser la prééminence de l'Assemblée du peuple que nous constituons.
    Mme la présidente. Veuillez conclure.
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est tellement vrai que la commission des finances a repris cette argumentation.
    Le riche article 4 présente également des risques insoupçonnés, puisqu'il introduit dans notre système le principe de subsidiarité, avec un certain nombre de concepts encore difficilement discernables.
    Mon analyse pourrait continuer ainsi longtemps, mais elle aurait le tort de dissimuler du même coup ce qui, à mes yeux, fait le principal défaut du projet qui nous est présenté : il pèche plus encore par ses omissions que par ses propositions. Et l'importance des premières renforce malheureusement l'inadéquation des secondes.
    J'irai à l'essentiel : ne pas mentionner une seule fois les structures intercommunales dans un projet de loi qui traite de décentralisation me choque profondément et choquera tous les décentralisateurs qui se respectent - ils se reconnaîtront ! - quels que soient les bancs où ils siègent.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Elles sont citées à plusieurs reprises !
    M. Jean-Pierre Balligand. Ce point d'achoppement sur la rédaction du futur article 72 de la Constitution constitue d'ailleurs un véritable échec de votre ambition décentralisatrice. En n'incluant pas les établissements publics de coopération intercommunale, dont on sait quel succès est le leur depuis la loi Joxe de 1992...
    Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. ... et depuis la loi Chevènement de 1999, le texte dont nous débattons fige au sens propre du terme une organisation territoriale déjà dépassée. Et tenter de modifier ainsi l'organisation politique sans modifier l'organisation territoriale sur laquelle elle repose, ce n'est pas un exploit, c'est au contraire courir droit à l'échec !
    M. René Dosière. C'est du conservatisme !
    M. François d'Aubert. Vous n'aimez pas la liberté !
    Mme la présidente. Monsieur Balligand, vous avez largement dépassé votre temps de parole ; concluez s'il vous plaît !
    M. Alain Gest. Le maire de Vervins est en verve ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Balligand. Certes, faire entrer les régions dans la Constitution est une démarche appréciable... (« Ah » ! sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Il est honnête !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... et constitue un premier pas logique pour qui veut dresser un état des lieux des pouvois locaux. Mais les besoins en matière de décentralisation sont plus vastes, plus nombreux et aussi parfois plus simples : clarifier les reponsabilités de chacun, rendre lisible et compréhensible par tous l'action publique locale, donner, enfin, une logique à la structure institutionnelle de notre pays et recentrer du même coup l'action de l'Etat sur les terrains qui sont les siens. Il y a donc bien une place pour l'innovation, mais elle n'est pas celle que le présent gouvernement lui accorde. Il s'agit moins de « libérer les initiatives » - la loi est-elle faite d'ailleurs pour cela ? - que de rééquilibrer sur tous les plans, financier, institutionnel, social, politique et même culturel, le cadre de l'action territoriale. Voilà notre conception de l'innovation.
    Mme la présidente. Monsieur Balligand, s'il vous plaît, concluez !
    M. Jean-Pierre Balligand. Ne pas saisir l'occasion que nous donne la perspective d'une réforme constitutionnelle pour remédier comme il faudrait à ces errances dont nous convenons tous, les citoyens plus encore que les élus : voilà l'erreur historique qui risque d'être commise si ce texte est adopté en l'état. Nous aurions alors, une fois encore, laissé échapper notre chance de faire aboutir la décentralisation positive et constructive que j'appelle de mes voeux avec mes amis, c'est-à-dire un partenariat - pas nécessairement constitutionnel, d'ailleurs - entre un Etat garant et des collectivités responsables. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

    Mme la présidente. J'informe l'Assemblée que la commission de la défense nationale et des forces armées a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 382).

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, n° 369, relatif à l'organisation décentralisée de la République :
    M. Pascal Clément, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 376) ;
    M. Pierre Méhaignerie, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 377).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT