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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 23 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du vendredi 22 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat «...».

Rappel au règlement «...»

M. René Dosière.

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 4 (suite) «...»

Amendements n°s 103 de M. Giacobbi et 94 rectifié de M. d'Aubert : Mme Ségolène Royal, MM. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejets.
Amendement n° 6 de M. Garrigue : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques n°s 104 de M. Giacobbi et 128 de M. Mariton, et amendements n°s 129 de M. Mariton et 116 de M. Piron : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejets.
Amendement n° 33 de M. Zuccarelli : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements n°s 130 de M. Mariton et 105 de M. Giacobbi : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejets.
Amendement n° 7 de M. André : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 180 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Mme Ségolène Royal.
Adoption, par scrutin, de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 «...»

Amendement n° 77 de Mme Royal : Mme Ségolène Royal, le rapporteur, garde des sceaux. - Rejet par scrutin.
Amendements n°s 81 rectifié de Mme Royal et 181 de M. Chassaigne : MM. Victorin Lurel, André Chassaigne, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 81 rectifié ; rejet de l'amendement n° 181.

Article 5 «...»

Mme Ségolène Royal, MM. Victorin Lurel, René Dosière, André Chassaigne, Augustin Bonrepaux.
Amendement n° 54 de M. Myard : M. Jacques Myard. - Retrait.
Amendements n°s 90 de M. Roman, 141 de M. Myard et 203 de Mme Royal, avec le sous-amendement n° 220 de M. Montebourg : MM. Augustin Bonrepaux, Jacques Myard, Mme Ségolène Royal, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejets.
Amendement n° 168 de M. Dosière : MM. René Dosière, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques n°s 79 de Mme Royal et 126 de Mme Comparini : Mme Ségolène Royal, MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 143 de M. Bourdouleix : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 80 de Mme Royal : Mme Ségolène Royal, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 169 de M. Dosière : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 144 de M. Bourdouleix : MM. Augustin Bonrepaux, Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois ; le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 182 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, le vice-président de la commission, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 37 de M. Zuccarelli : MM. Augustin Bonrepaux, le vice-président de la commission, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements n°s 38 rectifié de M. Zuccarelli, 93 de M. d'Aubert et 28 rectifié de M. Daubresse : MM. Augustin Bonrepaux, le vice-président de la commission, le garde des sceaux. - Rejets.
Amendement n° 183 de M. Chassaigne : MM. André Chassaigne, Pierre Cardo, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 170 de M. Dosière : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 92 de M. d'Aubert : MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Mme Ségolène Royal, M. André Chassaigne.
Adoption de l'article 5.

Article 6 «...»

Mme Ségolène Royal, MM. Jean-Pierre Balligand, Augustin Bonrepaux, René Dosière, Victorin Lurel, André Chassaigne, Joël Beaugendre, Mme Marie-Anne Montchamp, pour la commission des finances.
Amendement de suppression n° 184 de M. Gerin : MM. Jacques Brunhes, le rapporteur, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales ; Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Balligand. - Rejet.
M. le président.
Amendement n° 82 de Mme Royal : Mme Ségolène Royal, MM. le rapporteur, le ministre, Augustin Bonrepaux, René Dosière.
Sous-amendement n° 219 de M. Arnaud Montebourg : MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le vice-président de la commission, le ministre. - Rejet par scrutin.
Sous-amendement n° 241 de M. Bonrepaux : MM. Augustin Bonrepaux, le vice-président de la commission, le ministre, Mme Ségolène Royal. - Rejet par scrutin.
Sous-amendement n° 240 de M. Bonrepaux : MM. Augustin Bonrepaux, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 82.
Amendement n° 190 de M. Balligand : MM. Jean-Pierre Balligand, le rapporteur, le ministre, Mme Ségolène Royal. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 23 rectifié de la commission des finances : MM. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis ; le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 155 de M. Blessig : M. Emile Blessig. - Retrait.
Amendement n° 135 de M. de Courson : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 134 de M. de Courson : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 55 corrigé de M. Myard : MM. Jacques Myard, le rapporteur, le rapporteur général de la commission des finances, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 55 corrigé repris par M. Bonrepaux : MM. Augustin Bonrepaux, le président, le ministre, Mme Ségolène Royal. - Rejet.
Amendement n° 138 de M. de Courson : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 139 de M. de Courson. - Rejet.
Amendement n° 140 de M. de Courson. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.
2.  Modification de l'ordre du jour prioritaire «...».
3.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
4.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi
constitutionnelle adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376).
    Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et a commencé l'examen des amendements à l'article 4.
    M. René Dosière. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58-1, concernant le déroulement de la séance.
    Monsieur le président, le groupe socialiste se réjouit que vous puissiez présider la séance de ce soir. Nous avons, en effet, été très choqués de constater que c'est à l'initiative du président de la commission des lois constitutionnelles que les pouvoirs de l'Assemblée nationale ont été diminués au profit du Sénat. Or, vous n'ignorez pas que, seule assemblée élue au suffrage universel, l'Assemblée nationale est détentrice de la souveraineté populaire, alors que le Sénat est élu au scrutin indirect. Nous nous sommes efforcés, en vain, de combattre cette diminution des pouvoirs de l'Assemblée, et nous n'avons guère été écoutés. Nous avons d'ailleurs constaté que le président de la commission des finances ne l'était pas plus et que ses tentatives pour réduire la portée de cette diminution de nos pouvoirs n'ont pas été plus fructueuses.
    Monsieur le président, nous en avons appelé à votre autorité, non seulement pour que vous présidiez la séance, mais pour que vous représentiez, défendiez, entraîniez les forces de notre assemblée afin d'éviter qu'on ne date de votre présidence cette très grave diminution de nos pouvoirs. Le texte n'est pas encore définitif, mais nous craignons beaucoup que, une fois voté, il ne retourne au Sénat et soit voté conforme. Nous n'aurions ainsi plus l'occasion d'y revenir.
    Pour notre part, nous sommes tristes de cette diminution, même si nous avons bien conscience des efforts qui ont été tentés sur certains bancs de la majorité pour la réduire. Il n'en reste pas moins que les pouvoirs de l'Assemblée nationale sont diminués et que nous ne pouvons l'accepter.
    Mme Ségolène Royal. Très bien !

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Nous poursuivons l'examen des amendements à l'article 4.

Article 4 (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'article 4 :
    « Art. 4. - L'article 72 de la Constitution est ainsi rédigé :
    « Art. 72. - Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant, en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.
    « Les collectivités territoriales ont vocation à exercer l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.
    « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.
    « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.
    « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles à organiser les modalités de leur action commune.
    « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 103 et 94 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 103, présenté par M. Giacobbi et Mme Taubira, est ainsi libellé :
    « Substituer au dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution le paragraphe suivant :
    « II. - L'article 22 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. »
    L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. d'Aubert, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution :
    « Le représentant de l'Etat, représentant de tous les membres du Gouvernement à l'échelon territorial, a la charge des intérêts nationaux et veille au respect des lois. »
    L'amendement n° 103 est-il défendu ?
    Mme Ségolène Royal. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable.
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Garrigue André, Alain Cousin, Mme Aurillac, MM. Godfrain, Guédon, Guibal, Guillet, Mme Le Brethon, MM. Piron, Schneider, Schreiner et Terrot, ont présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution, substituer aux mots : "représentant de l'Etat le mot : "préfet. »
    La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.
    M. Jean-Luc Warsmann. Défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, n°s 104, 128, 129 et 116, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 104 et 128 sont identiques.
    L'amendement n° 104 est présenté par M. Giacobbi et Mme Taubira ; l'amendement n° 128 est présenté par M. Mariton.
    L'amendement n° 128 est présenté par M. Mariton.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution, supprimer les mots : ", représentant de chacun des membres du Gouvernement,. »
    L'amendement n° 129, présenté par M. Mariton, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution, supprimer les mots : "de chacun des membres. »
    L'amendement n° 116, présenté par M. Piron, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution, substituer aux mots : "de chacun, les mots : "l'ensemble. »
    Ces amendements sont-ils défendus ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Les amendements n°s 128, 129 et 116 sont défendus.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 104 et 128.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 33, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution, après le mot : "a, insérer les mots : "en particulier ».
    La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir cet amendement.
    M. Victorin Lurel. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 130 et 105, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 130, présenté par M. Mariton, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution, supprimer les mots : du "contrôle administratif ».
    L'amendement n° 105, présenté par M. Giacobbi et Mme Taubira, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution, substituer aux mots : "du contrôle administratif, les mots : "du contrôle de légalité. »
    La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir l'amendement n° 130.
    M. Jean-Luc Warsmann. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. André Garrigue, Mme Aurillac, MM. Alain Cousin, Godfrain, Guédon, Guibal, Guillet, Mme Le Brethon, MM. Piron, Schneider, Schreiner et Terrot ont présenté un amendement, n° 7, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72 de la Constitution par la phrase suivante :
            « Il a autorité sur l'ensemble des services de l'Etat. »
    La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Luc Warsmann. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Chassaigne, Brunhes, Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 180, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 72 de la Constitution par l'alinéa suivant : "L'Etat est garant de la cohésion nationale, de l'égalité devant la loi et de l'égal accès des citoyens aux services publics. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Notre amendement a pour objet de faire apparaître dans l'article 72 de la Constitution, qui a trait aux collectivités territoriales, que l'Etat demeure le garant de la cohésion nationale, de l'égalité devant la loi et de l'égal accès des citoyens aux services publics.
    Dans la mesure où, on peut le dire, chacun des articles de ce projet contribue à l'éclatement de l'unité nationale, au point que l'Etat perdra progressivement ses missions essentielles en matière d'éducation, d'emploi, d'action économique, d'environnement, de lutte contre l'exclusion, cette précision au sein même de cet article contribuerait à rappeler les principes fondamentaux et essentiels de notre République. Il ne s'agit pas là d'une précision inutile, dans la mesure où elle permettrait peut-être de rassurer les citoyens qui s'inquiètent des menaces que ce texte fait peser sur l'égalité devant la loi.
    En outre, il est également indispensable de préciser dans cet article de la Constitution que l'Etat est également le garant de l'égal accès des citoyens aux services publics. L'action gouvernementale déjà entreprise et à venir menace en effet gravement nos services publics sur l'ensemble du territoire. Est-il besoin de répéter ici l'attachement des Français à leur service public ? Est-il besoin de rappeler l'utilité, l'efficacité de ces services publics ? Est-il besoin enfin de répéter qu'ils jouent un rôle essentiel pour l'aménagement du territoire ?
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur Chassaigne, je ne méconnais pas l'intérêt des concepts de votre amendement. Mais, à mes yeux, ils seraient beaucoup plus à leur place dans le préambule qu'au milieu de la Constitution. De plus, nous n'avons pas examiné cet amendement : à titre personnel, j'y suis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement. Je voudrais répéter - j'ai déjà eu l'occasion de le dire depuis le début du débat - que ces principes figurent déjà dans la Constitution, notamment dans son article 1er, pour ce qui concerne l'égalité. Il n'y a pas lieu de les développer de cette façon dans la suite du texte constitutionnel.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Avant de donner la parole à Mme Ségolène Royal pour une explication de vote, j'indique qu'à la demande du groupe socialiste, le vote sur l'article 4 aura lieu par scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Madame Royal, vous avez la parole.
    Mme Ségolène Royal. Une fois de plus, à l'occasion de l'examen de cet article, aucun amendement de l'opposition n'a été retenu. Un pouvoir de dérogation législative et réglementaire va être créé par la Constitution au profit des collectivités territoriales : nous entrons dans un système où, par dérogation législative, il pourra être porté atteinte à l'égalité devant la loi, où la loi ne sera plus la même sur l'ensemble du territoire national. Nous ne pouvons pas l'accepter, dans la mesure où nous ignorons ce que contiendra la loi organique qui organisera ces expérimentations législatives et réglementaires. Les Français, je crois, attendent des transferts simples de compétences, qui règlent les problèmes de leur vie quotidienne. Ces transferts de compétences doivent porter sur les savoir-faire des régions, des départements, des communautés de communes et des communes.
    Compte tenu de l'imprécision des textes, nous aurions voulu que le principe de l'égalité devant les services publics soit réaffirmé dans la Constitution, de même que la règle selon laquelle le pouvoir de dérogation ne peut conduire qu'à une dérogation en mieux, et certainement pas en moins. Autrement dit, nous refusons cette expérimentation législative libérale qui va créer une République à plusieurs vitesses où la loi ne sera plus la même sur l'ensemble du territoire.
    Nous n'avons pas eu d'explications claires sur les types de jurisprudences du Conseil constitutionnel que cette insertion dans la Constitution allait remettre en cause. On nous dit, d'un côté, que tout cela n'est pas dangereux, puisque l'expérimentation existe déjà, et, d'un autre côté, que ce pouvoir de dérogation législative est introduit dans la Constitution pour tenir en échec la jurisprudence du Conseil d'Etat sur l'égalité devant la loi et devant les services publics.
    Je crois que le texte qui nous est soumis n'est pas à la hauteur de notre loi fondamentale et ne reflète pas non plus une ambition décentralisatrice, si l'on entend par-là une vision de l'organisation du pays. On nous propose plutôt une désorganisation du pays, avec une véritable insécurité juridique. Les citoyens, qui ont déjà du mal à comprendre l'enchevêtrement des compétences et l'accumulation des différents niveaux de responsabilités, y verront encore moins clair lorsque, d'un département à l'autre, d'une région à l'autre, au gré des exécutifs locaux, la loi ne sera plus la même pour tous.
    Il aurait été plus judicieux, en tout cas plus sérieux, qu'une loi de décentralisation commence par définir où s'arrêtent et où commencent le périmètre et les missions de l'Etat, quel bloc de compétences il estime pouvoir ou devoir transférer, quelles améliorations seront apportées à l'action publique et aux services rendus. Or on nous demande d'avaliser un texte qui ne prendra tout son sens qu'à la lumière des lois organiques qui définiront les règles d'expérimentation, mais dont l'ébauche, je le rappelle une fois de plus, ne nous est même pas présentée et sur lesquelles le Gouvernement n'a fourni aucune explication précise. La rapidité orchestrée du débat, la façon dont nous sommes sommés de nous hâter, tout est organisé pour obtenir un vote conforme à celui du Sénat alors qu'une seconde délibération à l'Assemblée nationale serait tout à fait essentielle dans la mesure où aucun amendement fort, lourd, qu'il émane de la majorité ou de l'opposition, n'a été accepté. Tout dans votre action manifeste une sorte d'improvisation, de précipitation, de Meccano technocratique.
    M. Pierre Cardo. Ça a été comme ça pendant cinq ans !
    Mme Ségolène Royal. Nous ne pouvons pas accepter que la loi fondamentale soit modifiée dans de telles conditions.
    On nous parle d'une effervescence créatrice. En réalité, tout a été promis à tout le monde en fonction des interlocuteurs : les régions prendront ce qu'elles voudront, les départements s'occuperont ensuite de ce qu'ils souhaitent, et les communes ne seront pas oubliées, ni bien sûr les communautés de communes. Bref, il y en aura pour tout le monde.
    M. Pierre Cardo. Ça s'appelle la voie contractuelle !
    Mme Ségolène Royal. Il y a de quoi avoir le tournis dans les méandres de ces compétences virtuelles. On commence déjà à se disputer les morceaux nobles. Nous n'avons pas encore réformé la Constitution que déjà des réunions se tiennent tous azimuts, dans lesquelles chacun vient piocher au gré de ses compétences, de ses affinités, ou en fonction d'on ne sait trop quelle hiérarchie.
    M. Pierre Cardo. Ça, c'est sûr que ça dérange la technocratie !
    Mme Ségolène Royal. Tout cela se passe sous les yeux des citoyens ébahis qui n'y comprennent plus rien et qui attendent simplement de nous que l'on simplifie l'exercice des pouvoirs...
    M. Pierre Cardo. C'est une vision un peu anachronique !
    Mme Ségolène Royal. ... qu'on les rende plus efficaces et qu'on dise ce qui va changer et qui payer.
    M. Pierre Cardo. Vous ne vous êtes pas trop posé la question pendant cinq ans !
    Mme Ségolène Royal. Or, il faudrait ici répondre à une injonction de nous dépêcher, de ne pas discuter. Aucun amendement ne serait recevable.
    M. Jean-Luc Warsmann. Quel tissu de mensonges !
    Mme Ségolène Royal. Au bout du compte, vous êtes en train d'organiser un entrecroisement compliqué des compétences, des transferts qui ne sont pas clairs et qui, en tout cas, ne clarifient pas, par leur complexité et par leur flou, l'ambition réelle du Gouvernement. A la limite, il vaudrait mieux l'assumer.
    Ce qui est gênant, c'est qu'à aucun moment on ne nous dise clairement : Oui, le Gouvernement a fait le choix d'une décentralisation libérale, du chacun pour soi...
    M. Pierre Cardo. Le contractuel n'a jamais été le chacun pour soi !
    Mme Ségolène Royal. ... où l'on secoue le cocotier et où l'on voit ce qui tombe : chacun expérimente, on verra ensuite ce qui marche et on remettra en cause ce qui ne marchera pas. Qui le croirait, d'ailleurs ? On n'expérimente pas sur des êtres humains en se disant que, si cela ne marche pas, on reviendra en arrière.
    M. Pierre Cardo. Quelle présentation !
    Mme Ségolène Royal. Peut-on vraiment nous faire croire qu'on va expérimenter sur l'enseignement supérieur et que, si cela ne marche pas, on rendra la compétence à l'Etat ? Ce n'est pas sérieux.
    Je rappelle que l'assemblée générale du Conseil d'Etat a été extrêmement sévère envers le texte du Gouvernement. Nous avons tenté de l'améliorer par différentes propositions : aucune n'a été accepté. Nous sommes donc inquiets de voir le Gouvernement refuser même l'inscription dans la Constitution de principes très simples, comme celui de l'égalité devant le service public. Par ce refus, il fait le choix de l'inégalité devant le service public, pensant sans doute que, en organisant la compétition ou la concurrence, en écartant la demande non solvable à l'égard d'un certain nombre de services, ceux-ci seront plus efficaces.
    Nous ne voulons pas de cette décentralisation à l'aveugle, où nous ignorons tout des textes d'application, puisqu'on nous dit à la fois que tout sera dans les lois à venir et que la réforme de la Constitution est absolument nécessaire. Nous ne voulons pas de ces réformes qui partent d'en haut et n'ont pour seul objectif que des déclarations de principe, qui veulent faire croire aux Français que leur vie va changer parce que l'on a mis dans la Constitution tel mot plutôt que tel autre. Et nous les voulons d'autant moins qu'aucune de nos propositions n'est prise en considération, à seule fin de ne pas contrarier le Sénat, qui vient d'obtenir ce qu'il réclamait. Le président de la commission des lois a en effet soutenu, sans sourciller, l'augmentation des pouvoirs du Sénat aux dépens de l'Assemblée nationale élue au suffrage universel direct.
    Je crois que ce qui est en train de se passer est extrêmement grave. Nous sommes dépositaires de la souveraineté populaire.
    M. Jérôme Bignon. Nous y sommes aussi attachés que vous !
    Mme Ségolène Royal. Nous avons la responsabilité, sur tous ces bancs, de défendre cette souveraineté et cette légitimité. Nous n'avons pas pu le faire ensemble. Un certain nombre de parlementaires siégeant sur les bancs de la droite n'étaient pas en séance parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec ce qui était en train de se voter. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Comment le savez-vous ?
    M. Jérôme Bignon. Ça suffit !
    M. Pierre Cardo. Arrêtez de penser à notre place !
    Mme Ségolène Royal. Ils nous l'ont dit, ils ne s'en sont pas cachés. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, relayant ce qu'a dit tout à l'heure René Dosière, je souhaite que vous puissiez exercer toute votre autorité pour qu'il y ait une seconde lecture à l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'article 4 du projet de loi, modifié par les amendements adoptés.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   44
Nombre de suffrages exprimés   44
Majorité absolue   23
Pour l'adoption   30
Contre   14

    L'Assemblée nationale a adopté.

Après l'article 4

    M. le président. Mme Royal et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 77, ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « L'article 24 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le mandat de député et le mandat de sénateur sont incompatibles avec l'exercice d'une fonction exécutive locale. »
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Cet amendement prévoit le non-cumul entre le mandat de député ou de sénateur et l'exercice d'une fonction exécutive locale. En effet, la décentralisation va augmenter les charges de travail des exécutifs locaux, notamment les présidents de conseils généraux, les présidents de conseils régionaux et les maires des grandes agglomérations. Cette charge de travail est incompatible avec l'exercice d'un mandat à plein temps de député ou de sénateur.
    Par ailleurs, dans la mesure où le Gouvernement reconnaît aux exécutifs locaux un pouvoir législatif expérimental, il est bien évident que cette reconnaissance rend désormais inacceptable la confusion des fonctions entre le législateur national et le législateur local, qui serait alors juge et partie. Comment pourrait-on accepter qu'un sénateur, puisque c'est le Sénat qui désormais aura l'essentiel du pouvoir dans ce domaine, puisse voter une loi organique octroyant, par exemple, aux départements - les présidents de conseils généraux sont nombreux à siéger au Sénat - un pouvoir législatif qu'il exercera dans le cadre d'un exécutif local ?
    Pour les deux raisons que je viens d'évoquer, une nette séparation entre le pouvoir législatif national et l'exécutif local est absolument indispensable.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 77, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 77.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   43
Nombre de suffrages exprimés   41
Majorité absolue   21
Pour l'adoption   13
Contre   28

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je suis saisi de trois amendements, n°s 81 rectifié, 164 et 181, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 81 rectifié, présenté par Mme Royal, M. Roman et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après l'article 5, insérer l'article suivant :
    « I. - Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-1 ainsi rédigé :
    « Art. 72-1. - Le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des conseils des collectivités territoriales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
    « II. - L'article 88-3 de la Constitution est supprimé. »
    L'amendement n° 164, présenté par M. Yves Cochet, Mme Billard et M. Mamère, est ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, après l'article 72 de la Constitution, un article 72-1 ainsi rédigé :
    « Art. 72-1. - Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
    L'amendement n° 181, présenté par MM. Chassaigne, Brunhes, Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Après l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-1 ainsi rédigé :
    « Art. 72-1. - Le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
    J'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 81 rectifié, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l'amendement n° 81 rectifié.
    M. Victorin Lurel. Nous tenons à donner une pleine citoyenneté aux résidents installés sur le sol de France, puisqu'une discrimination inadmissible a été introduite en 1992, me semble-t-il.
    M. Jérôme Bignon. C'est vous qui étiez au pouvoir en 1992 !
    M. Victorin Lurel. Les étrangers d'origine communautaire ont obtenu le droit de vote...
    M. Guy Geoffroy. Avec comme condition la réciprocité !
    M. Victorin Lurel. ... ce qui a créé un découplage entre citoyenneté et nationalité. Ce découplage était une bonne chose, mais on a oublié au passage les étrangers non communautaires installés depuis longtemps sur le sol de France, qui participent à la vie nationale. Ils ont déjà des droits civils, économiques et sociaux. Ils ont le droit d'être membres de syndicats, de participer aux conseils élus du travail. Ils ont aussi des droits, reconnus en Europe depuis 1960, en termes de salaires, de protection sociale, de retraite, d'indemnités de chômage. Pourtant nous n'en sommes toujours pas arrivés au droit de vote.
    Je vous rappelle, chers collègues, que la Suède, la Norvège, quelques cantons suisses, les Pays-Bas ont accordé le droit de vote aux étrangers non communautaires, mais bien entendu, seulement aux élections locales. Car il n'est pas question...
    M. Pierre Cardo. Pour l'instant !
    M. Victorin Lurel. ... de leur « octroyer », pour employer un terme connoté, le droit de vote aux élections nationales et de leur permettre ainsi l'accès à des fonctions liées à l'exercice de la souveraineté nationale. On peut le comprendre.
    Mais il reste que donner des droits économiques, civils et sociaux à ces étrangers tout en leur refusant dans le même temps le droit de vote et donc la possibilité de participer à la vie politique, c'est en faire des citoyens de seconde zone, des « citoyens passifs », comme on les appelait en 1791.
    Reconnaître qu'une nouvelle citoyenneté peut se vivre, c'est renouer avec ce qu'il y a de plus fondamental dans les valeurs de la Révolution française. Lorsque vous contribuiez à l'oeuvre de la Révolution, vous receviez un brevet de citoyenneté. Souvenez-vous du glorieux citoyen Paine, qui était américain.
    La France a eu sa Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais aux Etats-Unis, jusqu'en 1914, dans vingt-deux Etats américains, alors que les Noirs et les femmes n'avaient pas le droit de vote, les étrangers pouvaient participer aux élections locales, aux élections étatiques et aux élections fédérales.
    Je pense sincèrement qu'il serait tout à l'honneur de la République française d'accorder le droit de vote aux résidents installés, respectant nos valeurs, nos coutumes, ayant des droits bien entendu, mais surtout ayant des pratiques et des loyautés.
    Nous nous honorerions en leur accordant le droit de vote, à l'instar de ce qui se fait partout.
    L'Europe avance, certains pays européens avancent sur ce sujet-là. Il me semble que quelques voix se sont fait entendre sur les travées de la majorité. Il est peut-être temps de joindre les actes aux déclarations. On pourrait dire, ainsi, que le sujet est trans-politique, trans-courants.
    La France s'honorerait, donc, en accordant le droit de vote aux résidents installés. Tel est l'objet de l'amendement qui vous est soumis.
    M. Pierre Cardo. Je ne suis pas sûr que dans ce domaine, on cherche les honneurs, mais enfin, bon.
    M. le président. L'amendement n° 164 de M. Yves Cochet n'est pas défendu.
    La parole est à M. Chassaigne, pour défendre l'amendement n° 181.
    M. André Chassaigne. Le 4 mai 2000, je dis bien le 4 mai 2000, notre assemblée a adopté une proposition de loi constitutionnelle donnant le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers résidant en France, aux élections municipales. Ce texte s'est vraisemblablement perdu durant le jeu des navettes : il n'y a jamais été donné suite. C'est pourquoi,...
    M. Pierre Cardo. C'était pourtant sous un gouvernement socialiste, dont on dit qu'il avait de la suite dans les idées.
    M. André Chassaigne. Je découvre des choses, je vois que certains font de l'instruction civique.
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Chassaigne.
    M. André Chassaigne. C'est pourquoi, disais-je, nous vous proposons d'inscrire dans notre Constitution ce principe. Aujourd'hui, la France persiste dans son refus de reconnaître le droit de vote à ces citoyens qui participent à la cité. Elle persiste à nier leur rôle dans la vie sociale. Chaque personne qui choisit de vivre sur le sol français, quelle que soit sa nationalité, doit être reconnue comme citoyenne ou citoyen.
    M. Pierre Cardo. Quelle bonne conscience on se donnerait vis-à-vis de l'intégration !
    M. André Chassaigne. Leur accorder le droit de vote permettrait de donner un signe fort de reconnaissance à tous ceux qui vivent dans notre pays, souvent depuis longtemps. L'histoire de notre pays est aussi faite de celle de ces millions d'étrangers qui l'ont construit et qui l'ont souvent défendu pour ses valeurs de liberté et de fraternité.
    Il y a dix ans, nous modifiions notre Constitution pour reconnaître le droit de vote aux ressortissants de l'Union européenne, aux élections municipales. Avec l'élargissement de l'Europe, ils seront de plus en plus nombreux à voter pour ces élections. Il apparaît donc complètement injuste et paradoxal que ce droit ne soit pas reconnu aux étrangers qui ont choisi de vivre et de s'investir dans nos communes. Notre amendement a pour objet de corriger cette injustice.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission des lois a été saisie la semaine dernière d'une proposition de loi ayant le même objet que ces amendements présentés par le groupe socialiste, les députés écologistes et le groupe communiste et républicain. Lors de l'examen en commission de cette proposition, nous avons fait observer que les pays de l'Union européenne, dans cette affaire, avaient des dispositions très diverses. L'Espagne refuse. Au Danemark, il faut parler la langue. Bref, il n'y a aucune obligation qui naîtrait de notre appartenance à l'Union européenne.
    Quoi qu'il en soit, les dispositions proposées n'ont pas recueilli l'adhésion de la majorité de la commission des lois.
    Je dirai simplement pour finir, monsieur Chassaigne, que si le texte adopté par l'Assemblée en mai 2000 n'a pas eu de suite, ce n'est pas parce qu'il se serait perdu dans la navette parlementaire. C'est parce que le gouvernement socialiste d'hier, après le vote de l'Assemblée nationale, n'a pas eu le courage politique de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat. C'est cela, la vérité.
    M. Pierre Cardo. Exactement ! Et il y a des gens dans cet hémicycle qui faisaient partie de ce gouvernement !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Aujourd'hui, donner des leçons et nous demander de voter ces amendements fait sourire.
    La commission des lois s'est prononcée contre la proposition de loi qui a été récemment déposée. Elle se prononce évidemment contre ces amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements. Je ne rentrerai pas dans la discussion sur le fond, puisque dans quelques jours, une proposition de loi sera examinée ici-même, et le débat aura lieu. Par ailleurs, le présent texte est relatif à la décentralisation et non pas au vote des étrangers non communautaires.
    Je voudrais simplement faire remarquer que l'amendement de Mme Royal, M. Roman et les membres du groupe socialiste a ceci de paradoxal que s'il était adopté, les étrangers non communautaires auraient plus de droits que les ressortissants de l'Union européenne. Il prévoit en effet que ceux-là pourraient voter à l'ensemble des élections concernant les collectivités territoriales, alors que ceux-ci ne peuvent voter qu'aux municipales.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 81 rectifié.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   48
Nombre de suffrages exprimés   48
Majorité absolue   25
Pour l'adoption   12
Contre   36

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je mets aux voix l'amendement n° 181.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

    M. le président. « Art. 5. - Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-1 ainsi rédigé :
    « Art. 72-1. - La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence.
    « Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité.
    « Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi. »
    Sur l'article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Nous abordons là des éléments qui touchent à la démocratie participative. Cet article va dans le bon sens. Nous le voterons, en espérant, bien sûr, que le Gouvernement reviendra à son texte initial, puisque celui-ci a été édulcoré par le Sénat en ce qui concerne le droit de pétition.
    Force est de constater que, aujourd'hui, c'est sans doute la vie politique qui a le moins évolué dans la société française. Tout bouge : la famille, l'école, la culture, les relations interpersonnelles, l'entreprise, et sans doute la vie politique est-elle celle qui est restée la plus statique. Dans le grand mouvement d'évolution de notre démocratie, il y a finalement deux grands piliers. Il y a la démocratie représentative - et nous, élus, avons toujours tendance à penser que la démocratie s'identifie exclusivement aux pouvoirs des élus. Mais il y a aussi la démocratie participative, qui fonde la démocratie représentative, loin de la menacer, comme le croient trop souvent les tenants de la démocratie représentative. Je crois qu'il est temps de dépasser ces craintes et ces oppositions. Il est temps d'aller de l'avant, et même de mettre la France à la hauteur de la plupart des pays d'Europe et d'au-delà, et même de bien au-delà.
    Au-delà du droit de pétition, qui est dans le texte gouvernemental et qui constitue une avancée, au-delà du référendum d'initiative locale, il y a, dans différents pays, d'autres modes de démocratie participative, très variés. Il y a, par exemple, les référendums abrogatifs, comme en Italie. Il y a les budgets participatifs, comme au Brésil. Il y a les jurys citoyens, comme en Suède. Bref, il y a là des pistes de réflexion, d'investigation et de progrès pour cette démocratie participative qui doit permettre, sans doute, de lutter contre l'abstentionnisme, contre le zapping électoral, et de réintroduire du lien civique entre les décideurs et les citoyens associant ceux-ci directement aux décisions qui les concernent.
    Bref, les pannes de notre démocratie obligent à un effort d'imagination. C'est pourquoi nous souhaitons que, dans la Constitution, il y ait, au-dessus des deux principes prévus par l'article 5, l'affirmation d'un principe général qui pourrait permettre à des lois futures de donner un contenu à d'autres méthodes de démocratie participative. Ce chapeau général pourrait être le suivant : « La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité participent directement à l'élaboration des projets délibérés par leur conseil. »
    Cela nous donnerait un peu de temps pour continuer le débat et pour réfléchir à la façon dont nous pourrions enrichir toutes les méthodes et toutes les procédures de démocratie participative.
    Nous devons faire, en tant qu'élus, cet effort de réflexion et d'imagination, en prenant exemple sur ce qui se passe dans d'autres pays, car c'est aussi une réponse aux événements du 21 avril et une façon de remédier à l'éloignement des citoyens de la vie publique. Cette démarche-là, nous pouvons l'accomplir, en prévoyant d'inscrire ce principe dans la Constitution. Cela nous permettrait d'afficher que si nous sommes soucieux de transférer des pouvoirs aux élus locaux, nous sommes prêts, parallèlement, à faire le même effort pour transmettre aux citoyens des éléments de cette démocratie participative.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, je reviens sur l'amendement précédent, parce que cet article 5 qui parle de droit de pétition, parle donc aussi de citoyenneté.
    Je tiens à dire d'où je parle, monsieur le président.
    Je suis jeune élu, mais je sais ce que c'est d'être enfermé dans la couleur de sa peau. Ayant vécu et travaillé ici pendant dix ans, j'ai eu à supporter le regard de l'autre. Et pourtant je suis et je me sents français. Je partage les valeurs de la France.
    Je crois très sincèrement qu'aujourd'hui naît une nouvelle citoyenneté, qu'il faut vivre autrement. Tous ensemble, au-delà de nos différences, nous devons faire un pas les uns vers les autres. Il faut découpler nationalité et citoyenneté : on ne peut pas vivre de manière mutilée, avec des droits économiques et sociaux et pas de droits politiques.
    Bien sûr, il ne faut donner des droits politiques qu'aux étrangers qui respectent nos valeurs et nos lois, et qui résident depuis un certain temps sur le sol national. Au temps de l'esclavage, l'esclave était affranchi dès qu'il touchait le sol de France, sans discussion : c'était vraiment un droit du sol.
    Il est bon de donner un droit de pétition à tous les citoyens, même s'il est un peu compliqué à exercer - mais puisqu'on ne veut pas faire l'effort de l'améliorer, tant pis. Mais au-delà, il faut faire de la citoyenneté un droit attaché à la personne. Il s'agit d'une question philosophique : il s'agit d'obtenir l'exercice d'un droit de l'homme, non un passe-droit, ou une faveur faite aux étrangers, et surtout pas à ceux qui sont en situation irrégulière. La meilleure façon d'intégrer, c'est de donner le droit de vote aux étrangers qui respectent nos valeurs.
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le ministre, l'article 5 inscrit dans la Constitution un nouvel article qui vise à favoriser une participation plus active des citoyens à la gestion des affaires publiques locales, notamment par le droit de pétition et le référendum décisionnel local, dont les modalités seront fixées par une loi ultérieure.
    Les intentions de cet article sont tout à fait sympathiques, puisqu'ils s'agit de résoudre une véritable difficulté : le désintérêt croissant des électeurs vis-à-vis des affaires locales, dont témoignent les taux élevés d'abstention aux élections cantonales et régionales, et qui ne cessent d'augmenter aux élections municipales.
    De nombreuses mesures, décidées dans le cadre des lois de décentralisation votées par la gauche, ont traduit la volonté de rendre le pouvoir aux citoyens, selon l'heureuse formule de François Mitterrand : consultations locales, débat d'orientation budgétaire, conseils d'usagers, communication plus large et plus facile des documents publics, extension des conseils de quartier, démocratisation des enquêtes d'utilité publique, entre autres.
    Pourtant, les effets de ces dispositions demeurent modestes et limités, tout simplement parce que seules des mesures radicales susceptibles de combattre ce désintérêt.
    Celui-ci a d'abord, en effet, des raisons d'organisation électorale. S'agissant des élections cantonales, quelle peut être leur lisibilité en milieu urbain, là où le canton n'est rien de plus qu'une simple circonscription électorale découpée au gré des rues ? Les électeurs ignorent dans quel canton ils vivent, et même quand ils doivent voter, puisque les élections ont lieu par moitié. La participation serait plus élevée si elles avaient lieu au même moment et si le mode de scrutin cantonal en milieu urbain était modifié. Quant aux régions, un mode de scrutin qui s'appuie sur le département n'est naturellement pas de nature à favoriser l'apparition de l'espace politique régional. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons modifié le mode de scrutin en l'étendant à la région.
    Il a ensuite des raisons financières. Le fait est que le nombre d'électeurs qui ne sont plus contribuables locaux, en particulier au titre de la taxe d'habitation, ne cesse d'augmenter - phénomène qu'ont connu tous les gouvernements qui se sont succédé depuis une vingtaine d'années. La rupture de ce lien ne peut que déresponsabiliser les citoyens. J'aimerais savoir si vous envisagez de stopper cette évolution.
    Mais ce désintérêt a aussi des motifs structurels. Je le répète, le fonctionnement institutionnel de nos collectivités est beaucoup trop rigide, ce qui bride les démarches citoyennes. Je pense notamment à la confusion des pouvoirs exécutif et législatif dans la même personne, le maire dans les communes de plus de 3 500 habitants et le président au niveau régional et départemental, à l'exception de la Corse, confusion à laquelle s'ajoutent les effets du cumul des mandats. C'est une cause importante des comportements féodaux que l'on voit apparaître au niveau local. Si vous voulez, monsieur le garde des sceaux, favoriser la participation des populations locales, il faut d'abord briser ces féodalités. Bref, là où nous avons besoin d'une révolution, vous ne faites que « changeotter », pour reprendre le mot de Charles Péguy.
    Je termine mon propos en soulignant que le conservatisme du Sénat, qui a pratiquement vidé cet article de son contenu, promet beaucoup pour l'avenir, lorsque les textes concernant les collectivités locales lui seront soumis en priorité.
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Les débats qui ont eu lieu au Sénat lors de l'examen du texte ont montré - faut-il s'en étonner ? - combien une partie de la droite craignait l'intervention des citoyens.
    Nous n'avons pas attendu, quant à nous, ce projet de loi pour défendre des propositions précises, comme celle d'un droit de pétition visant à obtenir l'inscription à l'ordre du jour d'une assemblée délibérante d'une question relevant de sa compétence ; ou encore le principe du référendum d'initiative locale. Nous ne pouvons donc qu'insister sur la nécessité d'avancées concrètes en ce domaine.
    De même, nous sommes convaincus que l'exigence d'une République moderne appelle de profonds changements institutionnels.
    En revanche, nous sommes des plus réservés quant aux menaces que fait peser le troisième alinéa de l'article sur la pérennité de l'architecture territoriale de la République.
    Nous sommes, et depuis longtemps, attachés au développement de nouvelles formes de démocratie participative, de nouveaux droits favorisant la participation des citoyens au fonctionnement et au contrôle des institutions. Pour nous, approfondir avec audace la démocratie de participation est la condition pour revivifier une démocratie représentative aujourd'hui largement en crise.
    C'est pourquoi nous pensons que la décentralisation ne saurait s'arrêter à l'échelon de l'élu local. Elle doit signifier, pour le citoyen aussi, plus de pouvoir effectif d'intervention sur toutes les questions le concernant. C'est à l'aune de cette exigence essentielle de démocratisation de la vie politique que doit être jugé le sens même d'une réforme de décentralisation.
    Cette démocratisation passe aussi par la déprofessionnalisation de la vie publique et par un véritable partage des responsabilités. Cela suppose un statut de l'élu et la reconnaissance du rôle essentiel des syndicats, des partis et des associations.
    Nous refusons, par exemple, que, sous couvert d'une consultation facultative ou formelle des citoyens, puisse être mise en cause l'architecture territoriale de notre pays, soit par la suppression des départements, soit par la constitution de nouvelles régions à l'échelon européen.
    C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à supprimer le troisième alinéa de l'article 5.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous prétendez par cet article favoriser la démocratie participative, sans vous rendre compte à quel point l'oubli de l'intercommunalité, qui marque l'ensemble du texte, va lui porter préjudice. Car c'est certainement dans le cadre de l'intercommunalité qu'on peut le plus rapprocher le pouvoir de décision des citoyens. Déjà, les désignations se font au second degré, ce qui éloigne l'administration intercommunale des citoyens. Or voilà qu'il n'est prévu aucune possibilité de recourir au droit de pétition pour demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée intercommunale d'une question relevant de sa compétence. Pourquoi éloigner encore les citoyens de cette assemblée, quand on sait combien ses compétences sont importantes, puisque c'est l'intercommunalité qui assure de plus en plus le fonctionnement des services publics de proximité que ce texte prétend développer. Voilà une grave erreur dont vous devez mesurer toute la portée. J'espère que l'examen de l'article 5 nous permettra de la corriger.
    M. le président. M. Myard a présenté un amendement, n° 54, ainsi rédigé :
    « Supprimer le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution. »
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Monsieur le président, je souhaiterais, si vous en êtes d'accord, défendre également l'amendement n° 141.
    M. le président. Je vous en prie.
    M. Jacques Myard. Le droit de pétition est un droit constitutionnel, chacun en conviendra, inscrit dans une des constitutions révolutionnaires et prévu par l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Vous souhaitez pourtant l'inscrire directement dans la Constitution : pourquoi pas ?
    Le texte n'en est pas moins rédigé de telle sorte qu'y figure non seulement le principe, mais aussi l'obligation d'inscrire à l'ordre du jour des assemblées des collectivités territoriales les questions que nos concitoyens souhaiteraient voir débattre. Prévoir une telle obligation sans qu'en soient fixées les modalités de mise en oeuvre me fait craindre, ainsi qu'à de très nombreux élus, des risques de déstabilisation de la démocratie représentative. La démocratie représentative a, en effet, besoin de stabilité et de sérénité pour pouvoir travailler. C'est pourquoi, loin de contester ce droit de pétition, je pense cependant qu'il n'est pas souhaitable que l'on ignore les modalités effectives. S'il est légitime d'inscrire ce droit dans la Constitution, il faudrait donc renvoyer à une loi, ordinaire ou organique, les modalités de mise en oeuvre.
    Chacun aura compris que je pense au risque de voir certains groupes radicaux, pour ne pas dire extrémistes, assaillir les assemblées locales de pétitions, surtout le conseil municipal, parce que le conseil départemental et le conseil régional sont plus éloignés. En cumulant pétitions sur pétitions, ils réussiront à investir le conseil municipal. S'agissant d'élus de proximité, ils seront sensibles à ses pressions et je crains que de tels groupes ne parviennent à paralyser le système.
    Tous les élus locaux de cette assemblée savent bien qu'il faut, dans des matières aussi sensibles que l'urbanisme par exemple, avoir le courage d'imposer certains choix collectifs qui répondent à l'intérêt général : il n'est pas toujours facile de faire voter un projet de logements sociaux, de lycée, de route. Il serait possible en la matière de faire pression sur la représentation municipale, départementale ou régionale, en faisant un usage systématique du droit de pétition pour contraindre au débat. C'est pourquoi je crains que nous ne fassions pas véritablement oeuvre intelligente pour la démocratie de proximité, et que nous fragilisions la démocratie représentative qui, je le répète, a besoin de stabilité, de sérénité et de durée pour remplir ses missions.
    C'est la raison pour laquelle j'avais, dans un premier temps, demandé la suppression de ce point, avant de me raviser - cela était, d'ailleurs, contraire à ce que je souhaite personnellement. Je propose donc, monsieur le président, de retirer l'amendement n° 54, et que nous débattions plutôt de l'amendement n° 141, qui a pour objet de renvoyer à une loi organique le soin de fixer les modalités de ce droit de pétition.
    J'en appelle, monsieur le ministre, à votre expérience d'élu local, car vous l'avez été et le redeviendrez sans doute un jour - ce qui ne signifie pas que je souhaite que vous ne soyez plus ministre ! Nous devons bien peser ce que nous souhaitons et éviter la pure démagogie, pour faire oeuvre véritablement utile. Oui au droit de pétition, mais pas de n'importe quelle manière !
    M. le président. Monsieur Myard, vous voulez donc retirer l'amendement n° 54, et vous avez, du même coup, défendu l'amendement n° 141 ?
    M. Jacques Myard. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.
    Je suis saisi de trois amendements, n°s 90, 141 et 203, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 90, présenté par M. Roman, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi les deux premiers alinéas du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution :
    « La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité ou groupement de collectivités peuvent, par exercice du droit de pétition, obtenir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité ou de ce groupement d'une question relevant de sa compétence.
    « Dans les conditions prévues par la loi organique, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale ou d'un groupement peuvent, à son initiative, être soumis par la voie du référendum à la décision des électeurs inscrits dans le ressort de cette collectivité ou de l'ensemble des collectivités constituant le groupement. »
    L'amendement n° 141, présenté par M. Myard, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution :
    « Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles les citoyens peuvent exercer leur droit de pétition dans les domaines de compétence des collectivités territoriales. »
    L'amendement n° 203, présenté par Mme Royal et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Substituer au premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution les deux alinéas suivants :
    « La loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale participent directement à l'élaboration des projets délibérés par leurs conseils.
    « Elle fixe également les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, obtenir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence. »
    Sur cet amendement, M. Montebourg a présenté un sous-amendement, n° 220, ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 203 par l'alinéa suivant :
    « Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles est organisé un statut de l'opposition des élus des collectivités territoriales. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir l'amendement n° 90.
    M. Augustin Bonrepaux. Je l'ai déjà en grande partie défendu lors de mon intervention sur l'article 5, monsieur le président. Cependant, je voudrais insister sur la nécessité d'offrir aux groupements intercommunaux la même possibilité qu'aux autres collectivités d'organiser la démocratie participative, car ne pas le faire serait porter préjudice aux progrès de l'intercommunalité. Or il faut au contraire rapprocher les structures intercommunales des citoyens : leurs membres étant élus au second degré, si les citoyens élisent des conseillers municipaux, ils ne savent plus qui les représentent au sein de l'intercommunalité. C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes également favorables à l'élection de ces représentants au suffrage universel direct.
    Cela dit, offrir aux structures intercommunales la possibilité de procéder à des référendums d'initiative locale et d'organiser le droit de pétition est indispensable car, de plus en plus, l'intercommunalité gère des dossiers extrêmement importants relatifs au développement économique ou à bon nombre de services publics - les services à l'enfance ou les services sociaux, par exemple. C'est pourquoi les groupements intercommunaux doivent pouvoir consulter la population au même titre que les autres collectivités.
    Ne pas reconnaître à l'intercommunalité le statut de collectivité territoriale nous éloigne des citoyens. Il ne suffit pas de dire, comme M. Devedjian tout à l'heure, que nous sommes favorables à l'intercommunalité, il faut le prouver, et cet amendement vous en donne l'occasion.
    M. le président. L'amendement n° 141 a donc été défendu, monsieur Myard ?
    M. Jacques Myard. Oui, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour soutenir l'amendement n° 203.
    Mme Ségolène Royal. Un député nous a expliqué tout à l'heure qu'il fallait supprimer les préfets parce qu'ils gênaient le travail des élus. Maintenant, c'est M. Myard qui, même s'il a finalement retiré son amendement, nous dit qu'il faut supprimer les citoyens ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. C'est vous qui avez dissous le peuple !
    M. Pierre Cardo. Nous n'avons pas demandé le retour de la royauté !
    Mme Ségolène Royal. Si l'on continue à tenir ce type de discours selon lequel les citoyens seraient des irresponsables, que des « démagos » risqueraient d'envahir les salles des conseils municipaux,...
    M. Jacques Myard. Vous verrez quand vous serez maire !
    Mme Ségolène Royal. ... d'enquiquiner les élus et de les empêcher de décider, c'est que l'on n'a vraiment rien compris.
    Il est vrai que pour nous, élus, il est toujours plus difficile de consulter et de mettre en place des procédures associant les citoyens aux décisions qui les concernent.
    M. Jacques Myard. Parlez avec intelligence et responsabilité !
    Mme Ségolène Royal. Ne restons pas en retrait par rapport au texte du Gouvernement qui, lui-même, a déjà reculé au Sénat. Evitons les discours comme celui que vous venez de tenir et qui, d'ailleurs, augurent mal de ce qui se passera lorsque le Sénat sera saisi en première lecture : par définition, les citoyens seraient des enquiquineurs et on ne voudrait voir les électeurs qu'au moment des élections. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Restez correcte !
    Mme Ségolène Royal. Sinon, nous aurons du mal à remettre du lien entre les élus que nous sommes et les citoyens.
    Nous avons l'occasion de réformer la Constitution. Allons de l'avant, remettons-nous en cause ; et cela vaut pour moi comme pour les autres. Car nous travaillons beaucoup, nous sommes fatigués, et quand un, puis deux, puis trois électeurs viennent revendiquer, nous nous disons parfois qu'on a fait pour le mieux, qu'on ne va pas encore discuter et perdre du temps. Eh bien si ! Je crois que l'enjeu est là.
    D'autres pays européens sont allés beaucoup plus loin que nous en matière de démocratie participative, notamment sur les budgets participatifs. Or ce n'est pas simple, un budget participatif ; cela signifie qu'un groupe d'électeurs va pouvoir dire son mot, décider de l'engagement d'une partie du budget d'une collectivité territoriale. Seulement, convaincre, expliquer, défendre son point de vue, permet de consolider le lien social. Et alors les électeurs ont envie d'aller voter. Je dis cela aussi pour toutes les générations de jeunes qu'il faut associer très tôt aux décisions qui les concernent.
    Tout cela est difficile, certes, mais c'est ainsi qu'on arrivera à rebâtir et à consolider la démocratie représentative. Aujourd'hui, il faut réconcilier les deux démocraties : la participative et la représentative. Il convient de faire preuve d'audace s'agissant des moyens que nous allons mettre à la disposition des citoyens.
    Voilà pourquoi je soutiens l'amendement n° 90 de M. Roman. Voilà pourquoi nous souhaitons inscrire dans cet article 5 un principe général qui permettra à des lois ultérieures d'intervenir pour fixer de nouvelles modalités de démocratie participative. J'en ai évoqué quelques-unes tout à l'heure.
    Parmi elles, il y a le référendum abrogatif, qui a notamment permis aux femmes, en Italie, d'accéder à l'information sur la contraception. Les associations s'étaient mobilisées pour demander l'abrogation d'une délibération qui interdisait une telle information. Grâce à une mobilisation citoyenne, le débat a été reposé sur la place publique et les élus se sont dit qu'ils n'avaient peut-être pas eu une bonne idée. La précédente délibération a donc été abrogée et une nouvelle délibération a eu lieu, qui a donc permis aux femmes d'accéder à l'information sur la contraception. Ce n'est pas rien !
    Plus on donnera aux citoyens de possibilités de s'exprimer, plus il le feront avec maturité. Plus on se méfiera des citoyens, plus ils adopteront des attitudes revendicatives ou contestataires.
    Nous soutenons le Gouvernement pour les avancées qu'il permet. Et nous souhaitons qu'il soit attentif à notre proposition. Ou alors nous en tirerons, une fois de plus, les conséquences.
    S'agissant du droit de pétition, il faudrait qu'on rétablisse l'« obtention » de l'inscription et qu'on ne se contente pas de la « demande » de l'inscription. Ce serait un minimum.
    M. le président. Madame Royal, je considère que vous avez défendu en même temps le sous-amendement n° 220 de M. Montebourg ?
    Mme Ségolène Royal. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Dans cet article 5, le Gouvernement a choisi deux moyens pour rapprocher les élus et les institutions de nos concitoyens - un des enjeux de ce texte.
    Le droit de pétition est une excellente chose. On sent bien qu'ici et là, les gens veulent s'exprimer et participer ; ils ne se contentent pas de désigner des élus dans les communes, les départements, les régions, d'en désigner au niveau national et de les revoir à la fin de leur mandat.
    Ce sera le moyen de faire réagir l'opinion publique et de nouer un dialogue quotidien, permanent et vivant entre l'électeur et l'élu.
    Pour autant, le Sénat a choisi d'encadrer ce droit de pétition afin d'éviter le harcèlement des électeurs, qui pourrait nuire au principe de la démocratie directe. C'est pour cela que votre commission des lois a choisi de suivre le Sénat.
    Mme Ségolène Royal. C'est bien décevant !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. L'objectif de cet article, et cela me permettra de répondre aux amendements, est de favoriser la démocratie directe en parallèle à la décentralisation.
    Trois moyens sont proposés : le droit de pétition, le référendum délibératif et le référendum consultatif.
    S'agissant du droit de pétition, le Gouvernement avait proposé une formule qui pouvait contraindre l'exécutif à inscrire une question à l'ordre du jour. Le Sénat a souhaité que la pétition se contente d'exprimer un souhait, et c'est sur ce texte que vous êtes sollicités.
    S'agisant de l'amendement de M. Roman, le Gouvernement est défavorable : cette nouvelle rédaction complexifie considérablement le projet.
    S'agissant de l'amendement n° 141, le Gouvernement est également défavorable. Nous nous sommes expliqués avec M. Myard, et le souhait qu'il a exprimé me paraît assez largement satisfait. La loi explicitera la mise en oeuvre de ce droit de pétition et, à l'occasion du débat sur l'une des lois d'application de ce texte constitutionnel, vous aurez l'occasion d'en débattre. Des points très importants restent à fixer, comme la participation, le quorum, l'organisation du débat.
    S'agissant de l'amendement n° 203 déposé par Mme Royal et du sous-amendement n° 220, le Gouvernement y est également défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Dans le texte qu'il a adopté, le Sénat fixe le droit à l'inscription. Pourquoi pas ? Le problème, c'est que, actuellement, on n'en connaît pas les modalités.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Le Sénat a fait l'inverse. On peut « demander » sans forcément « obtenir » cette inscription à l'ordre du jour.
    M. Jacques Myard. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas nouveau. Très souvent, on a accédé à certaines demandes. Mais pour bien saisir, il eût fallu connaître les modalités pratiques du dispositif. Car en cette matière, la procédure est tout aussi importante que le droit lui-même.
    Personne ici, madame Royal, ne « tangente » la participation, et vos propos sont indignes !
    Mme Ségolène Royal. Vous l'avez pourtant dit vous-même !
    M. Jacques Myard. Il y a quand même des limites ! Vous n'avez qu'à venir dans ma commune, madame, et vous verrez le nombre de réunions que j'organise avec mes concitoyens et le nombre de personnes que je reçois...
    Mme Ségolène Royal. Pourquoi en avez-vous peur, alors ?
    M. Jacques Myard. Vos leçons, vous pouvez vous les garder ! Nous sommes tous des républicains et des démocrates.
    Je suis convaincu, madame, que si vous aviez en face de vous, dans la commune que vous gérez dans le souci du bien public, un groupuscule extrémiste qui vous assaille constamment, qui vous déstabilise à longueur de temps, il ne vous suffirait pas de dialoguer avec eux pour désamorcer le conflit... La démocratie, cela consiste aussi à prendre des décisions et à les mener à terme.
    Aujourd'hui, les élus locaux croulent sous les procédures et sous le travail. Il ne s'agit pas d'entraver leur action mais de faire avancer un certain nombre de projets pour assurer l'équilibre sociologique de la commune. Cela représente du temps et du travail, mais il faut avancer. Si le Gouvernement nous dit que la loi organique permettra un véritable encadrement et que ce texte n'aura pas pour conséquence le harcèlement des élus locaux, je le rejoindrai.
    Il n'en demeure pas moins que j'aurais inscrit dans la Constitution le droit de pétition, qui est un droit sacré et que j'ai moi-même utilisé à plusieurs reprises, notamment dans cette assemblée, lorsque j'avais des difficultés dans ma commune, afin d'appeler l'attention du Gouvernement. Je continue à penser que c'est en fonction de la procédure qui sera mise en oeuvre que nous pourrons véritablement apprécier ce droit de pétition. Je maintiens donc mon amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 220.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 203.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Dosière a présenté un amendement, n° 168, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution, substituer au mot : "électeurs, le mot : "habitants. »
    La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Mon intervention vaudra pour les deux amendements qui viendront ultérieurement car ils ont le même objet.
    Je n'ai pas d'illusion sur le sort qui va être réservé à cet amendement, mais je voudrais appeler tout de même l'attention de la majorité de l'Assemblée sur le fait que les processus de démocratie locale - droit de pétition, référendum locaux - permettent de faire de la pédagogie démocratique. C'est bien à l'échelon local que l'on peut responsabiliser les citoyens et assurer, en quelque sorte, leur éducation civique.
    Faire participer tous les habitants qui résident dans la commune depuis un certain temps - pas trois semaines ou six mois, bien entendu - et les associer, quelle que soit leur nationalité, à la pratique des affaires locales me paraît être un excellent moyen d'intégration. Il ne s'agit pas de leur permettre de voter à certaines élections, nationales ou autres, il s'agit de favoriser leur intégration.
    J'ajoute qu'un certain nombre d'habitants - donc d'étrangers - qui résident sur notre sol depuis longtemps, qui travaillent dans la commune, payent souvent des impôts, au moins dans la même proportion que les citoyens français. Le paradoxe est d'ailleurs que les étrangers qui payent des impôts locaux n'ont pas le droit de s'exprimer sur ce qui se passe dans leur commune, alors qu'un certain nombre de citoyens français qui ne paient plus d'impôts locaux - à peu près la moitié - ont, eux, le droit de s'exprimer. Le fait d'avoir déconnecté la notion de contribuable de celle d'électeur a d'ailleurs abouti à ce qu'on vote de moins en moins.
    Pour améliorer l'intégration des étrangers, et je sais que vous êtes plusieurs dans la majorité à être favorables à cette idée, les faire participer au processus de démocratie locale peut être un excellent moyen.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement de M. Dosière n'a pas été examiné par la commission. Il est, à mes yeux, mal rédigé, parce que le mot « habitant » est difficile à cerner.
    M. René Dosière. On pourrait le préciser. Nous sommes dans la Constitution.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Justement, nous sommes dans la Constitution...
    De plus, la jurisprudence du Conseil d'Etat va dans le sens opposé à ce que vous souhaitez puisque, dans un arrêt récent, il a considéré que par « habitants » on ne désignait que les électeurs.
    L'amendement de M. Dosière est posé sous deux formes : la première fois s'agissant du droit de pétition, la deuxième fois s'agissant du référendum. Ce qui m'amène à poser ces deux questions : est-ce que les non-électeurs d'une commune pourront pétitionner s'ils y sont domiciliés ? Est-ce que les électeurs de l'Union européenne pourront participer à une consultation référendaire ? Cet amendement a, au moins à mes yeux, le mérite de nous amener à clarifier certains points.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable à l'amendement, pour des raisons exposées par le président de la commission des lois.
    Je répondrai au président de la commission des lois que le texte du projet est parfaitement clair, puisqu'il fait allusion aux électeurs. Cela veut dire qu'il faut raisonner en fonction de la collectivité. Les communes ont des électeurs qui sont Français ou issus de l'Union européenne. Ce n'est le cas ni des départements ni des régions. Voilà la réponse juridique, qui est parfaitement nette.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Merci, monsieur le ministre.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques n°s 79, 106 et 126.
    L'amendement n° 79 est présenté par Mme Royal et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 106 est présenté par M. Giacobbi et Mme Taubira ; l'amendement n° 126 est présenté par Mme Comparini, M. Albertini et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution, substituer au mot : "demander le mot : "obtenir. »
    J'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 79, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Ségolène Royal, pour soutenir l'amendement n° 79.
    Mme Ségolène Royal. Je déplore que le Gouvernement n'ait pas accepté l'amendement visant à poser un principe général de démocratie participative. Cela ne coûtait pas très cher de faire cet effort !
    Cela nous conforte dans l'opinion que l'initiative parlementaire de l'Assemblée est muselée. Manifestement, vous avez instruction de n'accepter aucun amendement qui pourrait s'écarter un tant soit peu de ce qu'a décidé le Sénat. Voilà qui augure mal de ce qu'entraînera la prééminence que vous venez de lui accorder.
    Nous avons exprimé notre inquiétude concernant la remise en cause du pouvoir d'amendement de l'Assemblée nationale. Cela se vérifie au cours de ce débat, à l'occasion de chaque amendement et à chaque article. C'est vraiment désolant. Malgré tout, nous continuerons à tenter d'améliorer ce texte. Tel est l'objectif de cet amendement n° 79, qui vise à revenir au texte initial du Gouvernement.
    Monsieur Clément, il faudrait éviter d'utiliser à l'égard des électeurs des mots tels que « harcèlement ». Si l'on considère que les électeurs nous harcèlent, autant changer d'activité et renoncer au mandat d'élu. Tant que nous parlerons des électeurs de cette façon-là, nous n'aurons rien compris à ce qui s'est passé, à ce qui est en train de se passer et dont on n'a peut-être pas vu le bout : je veux parler du désintérêt de nos concitoyens à l'égard de la chose publique.
    De même, évitons de dire que les électeurs sont forcément des groupuscules qui viennent s'agiter. C'est vrai que cela existe. Mais la démocratie française est aujourd'hui assez mûre pour nous permettre de prendre un peu de risques avec la démocratie participative. Plus on respecte les citoyens, plus ils sont respectables et plus ils participent correctement aux pouvoirs qu'on leur donne. Alors, donnons-leur un minimum de pouvoirs.
    Le droit de pétition, ce n'est pas grand-chose. Il s'agit simplement d'obtenir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante d'une question relevant de sa compétence. La liberté de délibération reste totale pour cette assemblée. L'avantage est de mettre sur la place publique un débat sur un sujet important qui concerne les électeurs. Et la loi qui suivra déterminera le nombre des pétitionnaires.
    A-t-on à ce point peur des électeurs qu'on édulcore le texte initial du Gouvernement ? Celui-ci vient de refuser l'inscription du principe légitimant la démocratie participative. C'est vraiment désolant et je regrette que la commission des lois n'ait pas eu le courage de revenir au texte initial du Gouvernement pour s'aligner, une fois de plus, sur le Sénat.
    M. le président. L'amendement n° 106 n'est pas défendu.
    L'amendement n° 126 l'est-il ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 79 et 126 ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. M'adressant à la majorité, je lui confirme que la commission des lois a suivi le Sénat, parce qu'elle considère comme lui qu'il faut encadrer le droit de pétition en raison du risque de harcèlement. Estimant le texte désormais équilibré, elle vous demande à tous de voter contre ces amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. L'Assemblée comprendra que le Gouvernement s'en remette à sa sagesse...
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques n°s 79 et 126.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   50
Nombre de suffrages exprimés   50
Majorité absolue   26
Pour l'adoption   22
Contre   28

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. René Dosière. Le Gouvernement nous trahit et se trahit !

    M. le président. M. Bourdouleix a présenté un amendement, n° 143, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution par la phrase suivante : "Cette possibilité est offerte aux électeurs relevant du ressort des communes appartenant à une communauté urbaine, d'agglomération ou de communes pour les compétences leur ayant été transférées. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Il l'est.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Et du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Royal et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 80, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution :
    « Dans les conditions prévues par une loi, les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence de l'assemblée d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité. La délibération ou l'acte qui recueille une majorité de bulletins favorables est directement adoptée lorsque la moitié au moins des électeurs inscrits a participé au scrutin. »
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. D'abord, je déplore ce qui vient de se passer, c'est-à-dire l'alignement de l'Assemblée nationale sur le Sénat. Même lorsque le Gouvernement s'en remet à leur sagesse, les députés ne savent pas s'affranchir de la tutelle de la commission des lois pour revenir au texte initial du Gouvernement. Cette docilité, je tiens à le redire, augure mal de la prééminence accordée au Sénat. Ce n'est pas la République des citoyens que l'on nous prépare, mais le renforcement des féodalités. Si vous avez même peur du droit de pétition, franchement, ce n'est pas cette décentralisation-là que nous voulons !
    L'amendement n° 80 prévoit que « la délibération ou l'acte qui recueille une majorité de bulletins favorables lors d'un référendum est directement adopté lorsque la moitié au moins des électeurs inscrits a participé au scrutin ». En effet, le résultat du référendum doit être incontestable et il faut inciter les exécutifs qui l'organisent à se mobiliser pour obtenir une forte participation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable également. Je crois vraiment, madame Royal, que ces précisions ne sont pas du domaine de la Constitution. Je comprends très bien que la question se pose et qu'il faut en débattre, mais nous le ferons plutôt lors de l'examen des textes législatifs d'application de la réforme constitutionnelle.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Dosière a présenté un amendement, n° 169, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution, substituer au mot : "électeurs, le mot : "habitants. »
    Cet amendement a été défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Bourdouleix a présenté un amendement, n° 144, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution par la phrase suivante : "Les communautés urbaines, d'agglomération ou de communes bénéficient dans des conditions identiques de la même prérogative pour les compétences qui leur ont été transférées par les communes adhérentes. »
    Vous souhaitez défendre cet amendement, monsieur Bonrepaux ?...
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, monsieur le président, car il me semble important et il montre que, sur tous les bancs, on souhaite combler un vide juridique en donnant aux structures intercommunales la possibilité de mieux consulter les citoyens.
    L'intercommunalité permet le transfert de compétences des communes aux communautés et celles-ci les exercent en plénitude par l'intermédiaire de conseils dont les membres sont élus par les conseils municipaux, donc éloignés des citoyens. Ne pas reconnaître le droit de pétition aux électeurs, en tant que ressortissants d'une communauté, et le droit de référendum aux communautés exclurait du champ de ces procédures des compétences entières et de plus en plus nombreuses, du fait du renforcement continu et encouragé des structures intercommunales.
    Faute d'adopter cet amendement, nous voterons un texte qui deviendra de moins en moins utile puisque les compétences exercées par l'intercommunalité s'accroissent constamment. Mais je ne suis pas tellement surpris que vous refusiez cette extension car, en réalité, vous refusez le droit de pétition lui-même.
    M. Pierre Cardo. Comment ça ?
    M. Augustin Bonrepaux. Vous vous ridiculisez ! Quel risque y aurait-il, pour une collectivité, à instaurer un débat à la suite d'une pétition ? Pourtant, vous n'êtes même pas capables de créer ce droit au débat.
    M. Pierre Cardo. Vous n'en avez pas été capables pendant cinq ans !
    M. Augustin Bonrepaux. Même cela, vous le refusez aux citoyens. C'est pire que sous la royauté !
    M. Jean-Pierre Balligand. Bientôt les lettres de cachet !
    M. Augustin Bonrepaux. Les citoyens sont juste autorisés à « demander » un débat.
    Mme Ségolène Royal. A genoux !
    M. Augustin Bonrepaux. Franchement, c'est ridicule d'inscrire cela dans la loi constitutionnelle !
    M. Pierre Cardo. Quand vous dénoncez le ridicule, c'est une autocritique !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement de M. Bourdouleix soutenu par M. Bonrepaux ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. La commission y est défavorable, car elle craint notamment que les électeurs ne soient ainsi amenés à trancher des conflits entre un maire ou un conseil municipal et la communauté dont la commune est membre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 132 de M. Delattre n'est pas défendu.
    MM. Chassaigne, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 182, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Dans la continuité des positions que nous avons défendues cet après-midi sur l'article 5, nous souhaitons supprimer son dernier alinéa. Comme vous le savez, nous sommes opposés à la mention des collectivités à statut particulier, mais nous sommes aussi très inquiets devant le risque de voir disparaître des départements ou des régions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Défavorable.
    M. le président. Et du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 165 et 37, qui auraient pu être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 165 de M. Yves Cochet n'est pas soutenu.
    L'amendement n° 37, présenté par M. Zuccarelli, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution :
    « Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale en lieu et place de l'une des collectivités citées par la Constitution ou d'en modifier l'organisation ou le périmètre, la loi prévoit, pour chacune des collectivités concernées, la consultation préalable de électeurs inscrits dans cette collectivité. Elle prévoit également la consultation des assemblées locales concernées. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir cet amendement.
    M. Augustin Bonrepaux. Il paraît essentiel de recueillir le consentement des électeurs de chacune des collectivités concernées à l'occasion d'un changement de statut ou du remplacement d'une collectivité citée par la Constitution par une autre ou encore lorsque plusieurs collectivités se regroupent ou modifient leur périmètre. La loi devrait alors prévoir des consultations locales pour les électeurs de chacune d'entre elles.
    D'autre part, les assemblées locales devraient être consultées dans les collectivités intéressées afin de donner une légitimité démocratique à toute modification de l'organisation territoriale de la République.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Défavorable.
    M. le président. Et du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 38 rectifié, 93 et 28 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Zuccarelli, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution :
    « Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale en lieu et place d'une ou plusieurs collectivités prévues au premier alinéa de l'article 72, ou de modifier son organisation, le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, peut décider dans les conditions prévues par la loi de consulter les électeurs inscrits dans le ressort des collectivités intéressées. »
    L'amendement n° 93, présenté par M. d'Aubert, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution :
    « Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier, la loi impose la consultation des électeurs inscrits dans les collectivités intéressées, s'il s'agit de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de les consulter. »
    L'amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Daubresse, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution :
    « Lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale en lieu et place d'une ou plusieurs collectivités prévues au premier alinéa de l'article 72, ou de fusionner des collectivités entre elles, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans le ressort des collectivités territoriales.
    L'amendement n° 38 rectifié est-il défendu ?
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Et l'amendement n° 93 ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Il l'est également, de même que l'amendement n° 28 rectifié.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable : cette consultation s'inscrit dans le processus législatif et il nous paraît normal que ce soit le Parlement qui en décide.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Chassaigne, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 183, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution, substituer aux mots : "peut être, le mot : "est. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Il s'agit d'un amendement de repli, Je vous épargnerai la lecture du troisième alinéa de l'article 5, même si elle est édifiante. Mais écrire qu'il « peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits », c'est le pompon !
    Cela signifie que des décisions essentielles pour l'organisation territoriale, qui pourraient aller jusqu'à des regroupements de communes, voire de départements ou de régions, pourraient être prises sans consulter les électeurs. En écrivant « il est décidé », au lieu de « il peut être décidé », nous rendons la consultation obligatoire.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Cette succession d'amendements m'inspire deux remarques.
    Premièrement, il faut faire bien peu confiance aux élus locaux pour tenter d'imposer de telles dispositions. Or, depuis la décentralisation, les maires ont beaucoup progressé en termes de concertation et de consultation. S'ils n'avaient pas développé ces pratiques, je pense qu'ils ne jouiraient pas d'une telle popularité.
    Deuxièmement, je comprends très bien la position de M. Chassaigne. Je lui signale cependant - c'est une situation qu'il doit connaître - que, pour certains regroupements de communes, il arrive qu'une petite commune soit le mouton noir au milieu de voisines très riches qui ne veulent pas vraiment d'elle. S'il y a un référendum, je connais le résultat. Dans ces conditions, quand les maires ont le courage d'accepter le regroupement en y incluant des communes en difficulté, il serait parfois dangereux que le référendum soit obligatoire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement de M. Chassaigne ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Dosière a présenté un amendement, n° 170, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution, substituer au mot : "électeurs, le mot : "habitants ».
    J'indique dès à présent que sur le vote de cet amendement, déjà défendu par M. Dosière, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je me suis, moi aussi, déjà exprimé sur cet amendement en indiquant que la commission y était défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable également.
    M. le président. Mes chers collègues, nous allons attendre quelques minutes que le délai réglementaire soit écoulé.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 170.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   51
Nombre de suffrages exprimés   51
Majorité absolue   26
Pour l'adoption   12
Contre   39

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. d'Aubert a présenté un amendement, n° 92, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-1 de la Constitution, substituer aux mots : "peut également donner, le mot : "donne ».
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Augustin Bonrepaux. Bien sûr !
    M. le président. Il est normal, monsieur Bonrepaux, que j'interroge d'abord les collègues de M. d'Aubert.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais c'est moi qui suis obligé de défendre les idées intéressantes qui émanent de la majorité, ce qui prouve qu'elle est divisée à propos de ce texte.
    M. Pierre Cardo. Que l'on soit pour ou contre la rédaction du Sénat, on a toujours tort !
    M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement a le même objet que celui qu'a excellemment défendu notre collègue du groupe communiste, mais pour la phase suivante. Je pense moi aussi qu'il faut rendre la consultation obligatoire. Certes, elle ne présente pas de caractère décisionnel, comme le Gouvernement l'a rappelé au Sénat. Mais la modification des limites d'une collectivité territoriale est une décision si importante qu'il paraît indispensable d'y associer le plus étroitement possible les citoyens concernés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission n'a pas été saisie de cet amendement mais, pour ma part, je suis sensible à la proposition de M. d'Aubert qui tend à passer de la faculté à l'obligation.
    M. André Chassaigne. Alors, pourquoi la commission s'est-elle opposée à notre amendement précédent ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Tout le problème est de savoir si un conseil municipal doit être habilité à décider seul la fusion ou le changement de périmètre d'une commune. Personnellement, je n'en suis pas convaincu mais je n'en dirai pas plus.
    M. Jacques Brunhes. Que n'avez-vous voté notre amendement !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour une explication de vote sur l'article 5.
    Mme Ségolène Royal. Une fois de plus, la discussion de l'article 5 aura montré que le Gouvernement n'a accepté aucun amendement venant tant de la droite que de la gauche. Pire, l'Assemblée nationale s'est alignée sur une rédaction du Sénat qui manifeste la méfiance de celui-ci à l'égard des citoyens. Que le Sénat ait peur des électeurs, cela se comprend puisque ses membres sont élus au suffrage universel indirect. Mais que les députés n'aient même pas le courage de revenir au texte du Gouvernement, c'est-à-dire de donner aux citoyens ayant signé une pétition le droit à un débat, je pense que c'est grave.
    Cela est grave, parce que c'est finalement la victoire de ceux qui n'ont rien compris, de ceux qui n'ont rien appris, de ceux qui préfèrent des citoyens qui se désintéressent de la chose publique et qui se taisent, à d'autres plus actifs, donc plus revendicatifs. Or je ne pense pas que ce soit par cette méfiance affichée à l'égard des électeurs, lesquels ont une grande maturité quand on les associe aux décisions qui les concernent, que l'on arrivera à remettre du lien civique dans ce pays.
    M. Jacques Myard. C'est parce que vous avez perdu que vous proposez de reprendre la rédaction du projet !
    Mme Ségolène Royal. Je regrette d'ailleurs que le Gouvernement n'ait pas tenu plus fermement au retour à son texte initial et se soit contenté de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Nous aimons beaucoup les électeurs, et c'est réciproque !
    Mme Ségolène Royal. Je regrette aussi que, une fois de plus, le principal souci du président de la commission des lois et du Gouvernement soit de parvenir à un texte que le Sénat pourra adopter conforme afin de priver l'Assemblée nationale d'une seconde lecture.
    Ce texte est donc vidé de ce qu'il n'avait pourtant avancé que timidement. Le principe général de la démocratie participative n'a pas été retenu non plus. Malgré la faiblesse de l'avancée, le groupe socialiste votera cet article, mais j'espère que nous aurons d'autres occasions pour faire progresser les idées auxquelles nous croyons.
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Nous voterons contre cet article. Nous avons fait des propositions précises qui n'ont pas été retenues. Nous pensons que, dans sa formulation, il est extrêmement dangereux, notamment parce qu'il risque de permettre le regroupement de collectivités territoriales sans consultation des électeurs.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
    (L'article 5 est adopté.)

Article 6

    M. le président. « Art. 6. - Après l'article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-2 ainsi rédigé :
    « Art. 72-2. - Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
    « Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.
    « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.
    « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création de nouvelle compétence est accompagnée de ressources déterminées par la loi.
    « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à compenser les inégalités entre collectivités territoriales. »
    Sur l'article 6, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. L'article 6 traite du nerf de la guerre, c'est-à-dire des transferts de ressources.
    Nous estimons d'ailleurs qu'ils doivent être beaucoup plus clairs que ceux qui sont prévus, puisque la décentralisation n'aura de sens que si les recettes de l'Etat suivent les transferts de compétences. C'est pourquoi nous allons proposer une rédaction très précise de l'article 6, prévoyant qu'à chaque transfert de compétence corresponde un transfert des moyens, par prélèvement sur les ressources et sur les impôts d'Etat, ce transfert étant indexé et correspondant à l'exercice effectif des compétences transférées. En la matière nous ne voulons pas que l'Etat se limite à opérer une certaine péréquation, car cela reviendrait à prendre à certaines régions pour donner à d'autres. Nous refusons que l'on déshabille des régions pour en habiller d'autres. Nous désirons au contraire que l'Etat assure son rôle de redistribution et de compensation à partir des recettes fiscales nationales.
    Afin que soit fixée une règle de compensation claire et indiscutable, nous demandons que le coût des compétences transférées soit évalué par des commissions indépendantes et que, une fois accomplie par l'Etat sa mission de compensation, l'écart entre les différentes collectivités d'une même catégorie ne soit pas supérieur à 20 %.
    Telle est, monsieur le ministre, notre approche du financement de la décentralisation.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. En matière de décentralisation, le problème est difficile parce que notre système de fiscalité locale est au bout de ses capacités.
    Il faut désormais - peut-être le Gouvernement en a-t-il l'intention, mais cela n'est pas simple - modifier sensiblement la taxe d'habitation, qui est désormais totalement déconnectée de la réalité. Il conviendrait ainsi de revaloriser les bases cadastrales et de revoir les écarts entre communes, car ce système très ancien est aujourd'hui totalement obsolète.
    Des problèmes comparables existent pour le foncier non bâti et pour la taxe professionnelle. Certes, un système de liaison des taux avait été mis en place pour éviter de trop grandes distorsions entre communes de même catégorie. Cette atteinte à la liberté des taux avait été consentie sous le septennat de M. Giscard d'Estaing.
    Quant à la taxe professionnelle, elle a progressivement été allégée pour éviter que les entreprises soient trop taxées. Je souligne d'ailleurs, pour faire pièce aux propos de certains collègues, et non des moindres, comme le président de la commission des lois, que c'est nous qui avons le plus baissé la taxe professionnelle, tout simplement parce qu'il fallait réduire les charges pesant sur les entreprises.
    Il ne faut donc pas prétendre tout et son contraire. Désormais la taxe professionnelle n'est plus fondée que sur les investissements productifs et les investissements improductifs, c'est-à-dire les bâtiments.
    Notre système de fiscalité locale est donc arrivé au bout de sa logique. Il ne sera pas du tout en mesure d'assumer de futurs transferts de charges de l'Etat, qu'il s'agisse de routes, de formation ou d'autres domaines. L'Etat doit donc avoir une nouvelle philosophie en matière de transfert de charges. Il conviendrait, en particulier, de prévoir un engagement de la fiscalité d'Etat en préservant une quote-part aux collectivités territoriales. Tel est d'ailleurs l'avis de beaucoup de spécialistes de ces questions. A cet égard, nous voudrions que le Gouvernement se prononce clairement, même s'il est vrai que nous n'examinerons les dispositions financières que dans le cadre de projets de loi ultérieurs.
    L'article 6 traitant du nerf de la guerre, comme l'a dit Ségolène Royal, j'aimerais que le Gouvernement s'explique sur sa philosophie, car nous ne la connaissons pas encore.
    En ce qui concerne ensuite la péréquation, il faut surtout éviter qu'elle ne soit trop incantatoire. Elle a déjà fait l'objet, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, de grands discours, et des dispositions la concernant ont même été incluses dans la loi Pasqua sur l'aménagement du territoire.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il s'agit de la péréquation nationale.
    M. Jean-Pierre Balligand. Or, à l'exception de la mise en place de formules pour alimenter les fonds routiers, aucun des engagements qui figuraient dans ce texte n'a été tenu. Pourtant, vous avez présenté, en 1995, 1996 et 1997, trois lois de finances alors que vous étiez aux affaires. Je souhaite donc que vous nous disiez comment vous allez organiser la péréquation.
    En la matière, le groupe socialiste a accompli modestement un petit travail qui l'a conduit à déposer plusieurs amendements pour essayer de muscler un peu l'article 6 tout en tenant compte de sa philosophie. Nous voudrions surtout donner des orientations en matière de péréquation, en particulier sur des transferts de fiscalité d'Etat chaque fois qu'une compétence sera donnée à tel ou tel niveau de collectivité.
    Ceux qui ont lu les travaux du Sénat ont pu constater qu'il avait aussi essayé de donner un véritable contenu à l'article 6, même si le résultat n'a pas été celui que beaucoup de sénateurs espéraient. Mais c'est un autre débat.
    J'aimerais donc bien vous entendre sur ce sujet, monsieur le ministre, parce que c'est l'un des enjeux de la décentralisation. Cette question soulève des interrogations chez de nombreux responsables de collectivités. C'est pourquoi nous voulons connaître les orientations du Gouvernement en la matière. Il faut sortir du domaine de l'incantatoire pour en venir au concret. Vous avez aujourd'hui l'occasion de vous expliquer pour éviter les procès d'intention.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Cet article mérite des précisions parce que, s'il semble avoir pour objectif de garantir l'autonomie des collectivités locales, on peut se demander si ce n'est pas une pétition de principe. Ne se traduira-t-il pas que par des transferts de charges vers les collectivités locales, donc finalement par une augmentation des impôts locaux ? Par ailleurs, monsieur le ministre, il faudra que vous nous expliquiez comment se fera la péréquation.
    D'abord, cet article dispose que les recettes fiscales et les autres ressources propres devront représenter une part déterminante de leurs ressources. A cet égard, je serais ravi que le Gouvernement m'explique ce que signifie l'adjectif « déterminante ». Peut-être faudra-t-il saisir l'Académie pour modifier le sens de ce mot, car les explications que j'ai trouvées dans le Littré, ou dans le Robert, sont lapidaires. En substance, elles disent qu'est déterminant ce qui détermine !
    M. René Dosière. Cela ne vaut pas le dictionnaire de l'Académie française !
    M. Augustin Bonrepaux. Quant au verbe « déterminer », il signifie « définir de manière précise ». Monsieur le ministre, il va vous falloir déterminer ce que signifie « déterminante » ! (Sourires.)

    Parce que vous ne voulez pas de l'adjectif « prépondérant », préférant « déterminant » qui reste très vague, vous allez laisser encore une fois la part belle à l'appréciation du Conseil constitutionnel, qui, même en recourant au Littré, au Robert - le grand ou le petit - ne trouvera pas à quoi correspond « déterminant ».
    Le deuxième aspect inquiétant de ce texte tient à la manière dont sont présentés les transferts de compétences, puisqu'il dispose qu'ils s'accompagnent « de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». A ce propos, je tiens à citer le rapport du président de la commission des finances qui rappelle que « les règles applicables en matière de compensation financière des transferts de compétences sont actuellement fixées par le code général des collectivités territoriales, qui précise que "tout accroissement de charges résultant des transferts de compétences est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences. » Cela est très différent puisque là ou vous écrivez « étaient attribuées » le code général des collectivités territoriales prévoit « les ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences ».
    Pour illustrer mon propos, je reviens sur un exemple que j'ai déjà utilisé.
    Le transfert des ATOSS sera-t-il opéré sur la base de la situation de 1992 où leur nombre était déjà insuffisant, puisque nous avons des problèmes dans la plupart des établissements, voire sur les chiffres de 1993, c'est-à-dire après réduction des crédits, ou encore sur d'autres bases ? En effet, l'emploi de l'imparfait pour « étaient consacrées » laisse ouvert le choix de l'époque.
    Par ailleurs on peut douter que ce choix permette l'exercice normal des compétences transférées. Tous les élus locaux savent bien que cela aboutit finalement à un transfert de charges sur les collectivités locales.
    Enfin, nous sommes aussi dans le vague pour ce qui est de la péréquation. A ce propos, je tiens à rappeler, car cela est un peu oublié dans cette assemblée, que tous les progrès en la matière ont été dus à la gauche, que vous le vouliez ou non. Tel a été le cas pour la première loi en 1985, dont le rapporteur était Louis Besson ; pour la loi qui a créé la DSU et établi les corrections vis-à-vis des départements en 1991 ; pour la loi de décentralisation de 1992 qui a corrigé les déséquilibres régionaux et interrégionaux, et instauré la dotation de solidarité rurale, la DSR, et la dotation de développement rural ; enfin, pour l'amélioration de la péréquation opérée en 1997.
    J'ajoute que, entre 1996 et 2001, la péréquation de la DGF a fortement augmenté, passant de 8,29 % à 14,23 %, alors que la DSU et la DSR ont progressé chaque année de près de 5 %.
    En revanche nous avons relevé, dans le budget voté pour 2003, un recul de la péréquation que vous ne pouvez nier, monsieur le ministre.
    Certes, je vous ai entendu affirmer que la DSU progresserait de 3 %. D'abord, vous devriez vous mettre d'accord avec le ministre du budget qui, quand je l'ai interrogé, m'a fourni le chiffre de 2,5 %. Le fait que des membres du Gouvernement ne soient pas en mesure de donner le même chiffre prouve que vous n'êtes pas encore très au fait de cette augmentation. Mais, surtout, ce taux de 3 % ou de 2,5 % est partiellement dû au fait que, au titre de 2002, vous avez opéré une régulation d'à peu près 1 %. L'augmentation réelle au regard de la dotation initiale n'est donc déjà plus que de 1,5 %, voire 2 % si l'on choisit votre chiffre. Comme vous faites en outre un prélèvement sur la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la progression de cette dotation sera en fait inférieure à l'inflation.
    On pourrait tenir le même raisonnement pour la DSR que vous annoncez en accroissement de 1,5 %. En effet, si l'on retranche la même régulation de 1 % au titre de 2002, on tombe à 0,50 %. Et si l'on ajoute le prélèvement sur la DCTP, on constate que la hausse ne couvre pas l'inflation. Vous pouvez sourire, monsieur le ministre...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. J'ai déjà répondu hier !
    M. Augustin Bonrepaux. Faites-le en donnant des chiffres et à condition qu'ils soient les mêmes que ceux du ministre des finances.
    Donc la péréquation recule. Vous annoncez que vous allez la faire, mais il aurait mieux valu commencer par donner l'exemple cette année, en faisant en sorte que la réalité précède vos incantations. On ne peut donc qu'être inquiet sur cette péréquation que vous remettez en cause, ce qui va finalement se traduire par une diminution des recettes des collectivités locales.
    Par ailleurs, monsieur le ministre, vous nous avez expliqué, lors de la réunion du comité des finances locales, que l'on ne pouvait pas faire la distinction entre les communes pauvres et les communes riches. Vous avez indiqué que le prélèvement sur la DCTP serait le même pour toutes les communes parce qu'il pose problème aux communes aisées. Croyez-vous que tel n'est pas le cas pour les communes les plus défavorisées, celles qui perçoivent la DSU ou la DSR ? Et si vous ne parvenez pas à faire la distinction entre les communes défavorisées et les autres, comment allez-vous opérer la péréquation ? Est-ce que ce sera en prélevant sur les communes plus aisées que les autres ou en mettant davantage de crédits dans la DGF ?
    A cet égard, je vous rappelle que le président de la commission des finances ne cesse de nous dire que cette péréquation doit se faire à enveloppe constante. Il s'agit d'un problème important. Au moment où l'on veut faire figurer ce mot dans la Constitution, il serait nécessaire de savoir quel usage vous allez en faire : concrètement, comment envisagez-vous cette péréquation ?
    Je rappelle que la fameuse loi Pasqua sur l'aménagement du territoire comportait un article important qui prévoyait la création d'un indice synthétique tenant compte à la fois des ressources et des charges. Le Gouvernement de l'époque s'était engagé à mettre en place ce dispositif en 1996. Vous aviez alors une majorité écrasante dans cette assemblée, mais vous n'avez rien fait ! Comment pouvez-vous penser qu'il suffit d'inscrire ce terme dans la Constitution pour nous convaincre que vous allez engager la péréquation ? Surtout, comment allez-vous la faire ?
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Il est toujours difficile de parler après un homme aussi passionné et compétent qu'Augustin Bonrepaux.
    L'article 6 concerne les aspects financiers de la décentralisation que vous envisagez. Je m'en tiendrai à deux aspects.
    De nombreux orateurs ont évoqué la « recentralisation fiscale », c'est-à-dire le remplacement de nombreux impôts locaux par des dotations de l'Etat. Permettez-moi à ce propos une parenthèse. Si j'avais pu faire breveter cette formule, puisque j'ai été, dût ma modestie en souffrir, l'un des premiers à l'utiliser, il y a plus de quinze ans, j'aurais touché des dividendes élevés. Il s'agit en effet d'un phénomène ancien, qui, comme les rapports que j'ai présentés chaque année sur le budget du ministère de l'intérieur l'ont montré, s'est accentué ces cinq dernières années. Je n'ai donc aucune difficulté à traiter de cette question.
    Je ferai tout d'abord remarquer que le mode de calcul et l'indexation de ces compensations n'ont pas pour l'instant diminué les ressources des collectivités locales. A chaque compensation, l'opposition de l'époque - la droite - a saisi le Conseil constitutionnel et celui-ci a, à chaque fois, reconnu qu'elles ne remettaient pas en cause l'autonomie des collectivités. Notre collègue Laffineur, qui n'appartient pas au même parti que moi, a, dans son rapport budgétaire pour 2003, fait la même constatation et a même reconnu que le pacte de croissance et de solidarité avait considérablement amélioré les ressources des collectivités locales par rapport aux contrats précédents. C'était un bel hommage rendu à la politique que nous avons menée en faveur des collectivités locales.
    Quoi qu'il en soit, vouloir sanctuariser dans la Constitution les ressources propres des collectivités locales est tout à fait positif.
    La substitution que tout le monde condamne a une origine toute simple : elle résulte de notre incapacité à effectuer une véritable réforme de la fiscalité locale alors que le caractère injuste et archaïque de celle-ci et, en particulier de la taxe d'habitation, est de plus en plus évident. Nous verrons si la position de la droite sera différente en la matière que celle qu'elle a eue hier.
    Si la révision des valeurs locatives réclamée par Gilles Carrez n'a pu se mettre en place en 1994, c'est tout simplement parce que la majorité issue des élections de mars 1993 a été incapable de le faire. Elle avait trouvé en arrivant un projet de loi et des simulations permettant de procéder à la révision des valeurs locatives qui datent de 1970, mais elle n'a pas eu la volonté politique de mettre en application cette réforme qui, pourtant, avait été votée à l'unanimité. Nous verrons si demain elle fera preuve de plus de courage.
    J'ajoute que la droite a combattu la seule réforme fiscale de la Ve République dont l'Assemblée nationale était à l'origine : je veux parler de la taxe départementale sur le revenu. Le conservatisme a d'ailleurs fini par gagner le groupe socialiste puisqu'il y a renoncé.
    Des problèmes se posent donc.
    Le second point sur lequel je voudrais m'attarder est la formulation que vous employez pour les compensations financières qui seront accordées à l'occasion des transferts de compétences.
    Il est prévu, dans le texte que vous nous soumettez, que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». Mais c'est ce qui se fait depuis 1982. Je le sais d'autant mieux que j'ai siégé pendant longtemps à la commission consultative d'évaluation des charges.
    Cette formulation est celle que l'on trouve dans la loi. Si elle ne donne pas satisfaction, une autre loi pourrait facilement la changer. Dès lors que vous constitutionnalisez cette formule, vous la rendez obligatoire, et je comprends pourquoi vous souhaitez le faire. Qu'a-t-on en effet constaté depuis 1982 ? Lorsque le Gouvernement transfère une compétence dont il assurait à peu près correctement le financement avant le transfert - par exemple, l'action sociale -, le transfert se passe correctement. Mais, lorsqu'il transfère une compétence qu'il était incapable de financer ou qu'il finançait très mal - comme c'est le cas, par exemple, des collèges et des lycées -, le transfert se traduit par une augmentation des impôts locaux. Or c'est ce qui est à craindre. Je ne doute pas de vous, monsieur le ministre. Je sais à quel point le ministre chargé des libertés locales est attentif aux besoins des collectivités locales. Mais je sais également qu'il y a à Bercy un autre ministre dont les préoccupations ne sont pas exactement les mêmes.
    Je prends un exemple. On parle beaucoup du transfert de la médecine scolaire. Quand vous aurez transféré celle-ci aux départements, par exemple, tous les citoyens vont réclamer qu'il y ait suffisamment d'infirmières et de médecins scolaires dans les établissements. Comme, aujourd'hui, la médecine scolaire ne fonctionne peut-être qu'à moitié ou au tiers de ce qu'elle devrait, cela veut dire que les élus locaux devront la mettre à niveau. Et comment le feront-ils si ce n'est en augmentant les impôts locaux ?
    Constitutionnaliser cette formule revient donc en quelque sorte à programmer la hausse des impôts locaux. Il y a donc un risque considérable. Je suggère, monsieur le ministre, pour éviter ce risque, que vous complétiez la formulation en indiquant qu'avant tout transfert de compétences, il y aura une remise à niveau de la compétence transférée...
    M. Jérôme Bignon. On ne transférera jamais dans ces conditions !
    M. René Dosière. ... afin de permettre à la collectivité de pouvoir faire face à ses nouvelles responsabilités.
    M. Jérôme Bignon. C'est sympathique, mais irréaliste.
    M. René Dosière. Tels sont les deux aspects de l'article que je voulais évoquer.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, messieurs les ministres, je remarque tout d'abord que, pour une révision constitutionnelle d'une telle importance, nous ne sommes pas très nombreux dans l'hémicycle. J'ai compté que nous étions à peu près douze députés de l'outre-mer pour en discuter. Je trouve ahurissant que la représentation nationale n'y accorde pas plus d'importance. Du coup, nous procédons à la va-vite, de manière précipitée, et la rédaction est un peu lourde et laborieuse.
    M. le président. Monsieur Lurel, ne faites pas de reproches à ceux qui sont présents.
    M. René Dosière. C'est comme à la messe ! On remarque ceux qui ne sont pas là.
    M. Victorin Lurel. Au contraire, monsieur le président, je félicite mes collègues de l'outre-mer d'être présents ainsi que celles et ceux qui comprennent l'importance de ce texte. (Sourires.)
    En tout cas, j'espère qu'on ne va pas expédier le volet consacré à l'outre-mer à cinq heures du matin, monsieur le président.
    M. le président. Monsieur Lurel, vous me connaissez encore mal...
    M. Victorin Lurel. J'ai appris à vous apprécier, monsieur le président.
    M. René Dosière. C'est un nouveau député !
    M. le président. Ne perdons pas de temps !
    M. Victorin Lurel. J'espère cependant que nous n'aurons pas à procéder à cet examen à la hussarde...
    Je partage les craintes de mes collègues que le transfert de compétences ne s'accompagne pas des ressources adéquates. Il y a un risque à sanctuariser dans la Constitution des dispositifs auxquels ne seraient pas consacrés les moyens nécessaires.
    Une fois de plus, l'outre-mer fait figure de laboratoire. J'aimerais savoir ce que les ministres, et en particulier la ministre de l'outre-mer, entendent par « part déterminante » des ressources fiscales et des ressources propres des collectivités de l'outre-mer.
    Je suis maire d'une commune disposant d'un budget de 80 millions, dont à peu près 10 millions de recettes fiscales.
    M. Bertho Audifax. En euros ?
    M. Victorin Lurel. Non, en francs français : je n'ai pas encore le logiciel pour traduire en euros. (Sourires.)
    Que sont exactement les ressources propres ? Si elles doivent représenter une part déterminante, ce qui veut dire pour moi plus de 50 %, alors cela se traduira forcément par une augmentation des impôts.
    Nous savons quelle est la pression fiscale en Guadeloupe. Et cela vaut aussi pour la Martinique et la Guyane. Pour la Réunion, je ne sais pas.
    En Guadeloupe, dix-sept communes sur trente-quatre sont en procédure avec la chambre régionale des comptes. Ce n'est pas parce que les élus de l'outre-mer sont de mauvais gestionnaires, ou sont laxistes ou électoralistes. C'est parce que nous avons des retards considérables - les usines ont fermé, les hôtels connaissent des difficultés - si bien que les communes ont recruté.
    Et l'on nous demande encore d'ajouter une couche d'intercommunalité qui va se traduire par du personnel supplémentaire, pour ne pas dire supplétif. Nous avons un vrai problème pour financer tout ça. Il faudra donc ajouter une nouvelle louche de fiscalité.
    Comment entendez-vous appliquer ces dispositions à l'outre-mer où la pression fiscale est déjà si lourde ? La richesse fiscale par habitant et le potentiel fiscal y sont plus faibles que dans l'Hexagone. Nous aimerions avoir quelques éclaircissements. Ne connaissant par les lois organiques, nous n'avons pas de visibilité ! Nous ne pouvons nous faire une idée exacte de ce que vous nous proposez. Nous ne savons pas, si je puis m'exprimer ainsi, à quelle sauce vous voulez nous manger !
    Quid de l'octroi de mer ? Actuellement cette taxe un peu spéciale sur tout ce qui entre dans les départements d'outre-mer est répartie par le conseil régional entre les communes et sert à financer le développement économique. Comment sera-t-il réparti après la réforme ? On peut s'attendre à des conflits de compétence.
    Le fonds spécial d'investissement routier, le FSIR - je rappelle pour celles et ceux qui ne le savent pas - finance les routes départementales, les routes communales et les routes régionales. La Guadeloupe est sillonnée d'à peu près 1 000 kilomètres de routes communales, 650 kilomètres de routes départementales et de 300 kilomètres de routes régionales. Or deux tiers du FSIR sont affectés au conseil régional. Alors comment faire ? Qu'est-ce qu'une part déterminante ?
    Comment fixer l'assiette ? Comment fixer les modalités de recouvrement ? Comment distribuer et répartir cette manne ?
    Nous avons demandé à plusieurs gouvernements de revoir la clef de répartition pour la rendre plus équitable ? Nous n'avons pas eu gain de cause.
    J'aimerais avoir des éclaircissements sur toutes ces questions car, je vous le rappelle, l'octroi de mer et le FSIR représentent pratiquement la moitié des budgets des communes des départements d'outre-mer. Votre texte laisse planer des incertitudes que nous aimerions voir clarifier.
    Il faut encore savoir que, en Guadeloupe - et c'est probablement la même chose en Martinique -, deux tiers de la taxe professionnelle sont accaparés par une seule commune. Et j'ai lu dans le programme d'un parti politique proche de la majorité qu'il était question de s'accaparer de l'octroi de mer de la ville de Baie-Mahault pour le répartir.
    Je suis d'accord pour faire jouer la solidarité, mais comment faire quand on sait que le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle ne joue pas tout à fait son rôle en Guadeloupe ? Comment péréquer quand deux tiers de la taxe professionnelle sont affectés à une seule commune ?
    Nous aimerions voir clarifier toutes ces incertitudes pour que la décentralisation que vous voulez mettre en oeuvre soit équitable et préserve l'égalité entre les territoires. Il faut absolument que l'Etat garantisse des ressources aux collectivités et qu'une partie des impôts nationaux directs et indirects leur soit attribuée sur le long terme pour leur permettre d'exercer leurs compétences, les nouvelles comme les anciennes. C'est l'objet des amendements que nous avons déposés.
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, mes chers collègues, l'article 6 est particulièrement important, car il participe à la définition des relations financières à venir entre l'Etat et les collectivités territoriales.
    Depuis le début du débat, nous mettons en garde contre le fait que, sous couvert de décentralisation, soit validée une situation marquée par de profondes disparités entre les collectivités tant au plan des situations économiques et sociales auxquelles elles sont confrontées que des ressources dont elles disposent pour y faire face. Nous mettons également en garde contre le risque d'une concurrence fiscale accrue qui ne ferait qu'accentuer des disparités originelles et ouvrirait en fait la voie à ce qu'on peut appeler le dumping fiscal.
    J'exposerai brièvement nos objectifs.
    Nous sommes très attachés à l'égalité des citoyens devant l'impôt. Il faut qu'elle soit une véritable obsession dans les décisions que nous aurons à prendre et dans les lois organiques que nous aurons à voter.
    Malheureusement, tel qu'il nous est proposé, le texte ne permet pas de garantir cette égalité et risque même d'aggraver la situation. Cela impose donc de repenser la fiscalité des collectivités territoriales.
    Le pacte de croissance et de solidarité mis en oeuvre par le gouvernement précédent, s'il a constitué à cet égard un progrès, n'a pas été suffisant pour supprimer le décalage entre les dotations versées et ce qui aurait été nécessaire pour éviter que les collectivités locales ne soient obligées de recourir encore plus fortement à la fiscalité pour répondre à leurs besoins.
    De la même façon, le produit de la taxe foncière et de la taxe d'habitation est aujourd'hui supérieur à celui de la taxe professionnelle dans plus de soixante départements.
    Quant à la révision des valeurs locatives, elle n'a jamais vu le jour, chacun le sait ici, parce qu'on appelait à la solidarité les seuls contribuables de la taxe d'habitation et de la taxe foncière.
    C'est dire la nécessité de nouvelles relations financières entre l'Etat et les collectivités locales. Celles-ci doivent intégrer la remise à plat de la fiscalité locale.
    De ce point de vue, certaines solutions souvent avancées, comme le partage de la TVA ou de la TIPP, ne feraient que transférer sur le consommateur le financement des collectivités locales. Notre approche, qui se situe d'ailleurs dans la logique et dans la continuité de tout ce que nous avons défendu depuis le début de cette discussion sur la loi de décentralisation, est la suivante : l'Etat doit assumer la péréquation et la solidarité et la décentralisation doit se conjuguer avec la réaffirmation d'une responsabilité publique nationale forte dans les domaines essentiels de la vie économique, sociale et culturelle du pays et, bien entendu, dans le domaine de la fiscalité. La solution ne réside donc pas dans la répartition des seuls prélèvements obligatoires aujourd'hui disponibles. Nous serons amenés à faire des propositions.
    Premièrement, il faut repenser le rôle et le mode de calcul de la taxe professionnelle. Les entreprises où se créent les richesses doivent continuer à participer aux investissements mis en oeuvre par les collectivités pour répondre à leurs besoins et à ceux de leurs salariés. Soyons attentifs à ne pas succomber aux revendications provocatrices du MEDEF, qui sont tout à fait inacceptables.
    Deuxièmement, le rendement de cette taxe doit être amélioré en incitant à des choix de gestion plus favorables à l'investissement productif et à l'emploi qu'aux placements financiers. C'est ce que nous proposons avec la taxation faible et modulée des actifs financiers détenus par les entreprises.
    Pour résumer, on ne peut songer à décentraliser sans engager une profonde réforme de la fiscalité locale. L'article 6 n'annonce pas cette réforme mais tend au contraire à organiser une compétition ruineuse entre les territoires qui ne peut que mettre encore plus à mal l'égalité des citoyens devant l'impôt.
    Je ferai, pour terminer, deux remarques qui concernent sans doute davantage les lois organiques à venir que le texte d'aujourd'hui.
    La première porte sur les transferts de compétences. Ceux-ci doivent être accompagnés du transfert des ressources nécessaires pour assurer ces compétences. Mais il faut également tenir compte de l'expérience. Une compétence transférée n'est pas figée. Les ressources qui doivent accompagner le transfert de compétences doivent donc prendre en compte l'évolution de celles-ci. Le cas du transfert des lycées et des collèges cité par un intervenant est un bon exemple. Il a été suivi par un éclatement des dépenses, parce que les besoins avaient évolué et que la proximité incite à répondre aux besoins. Il faudra être attentif à cet aspect des choses.
    Deuxième remarque : la péréquation par la solidarité nationale ne doit pas être simplement calculée de façon purement arithmétique ; elle doit également tenir compte des besoins réels. Il ne s'agit pas de se borner à constater la richesse ; encore faut-il constater les besoins, eux-mêmes liés à la situation spécifique de chaque commune.
    M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre.
    M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais tout d'abord saluer le courage et la détermination du Gouvernement.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Très bien !
    M. Joël Beaugendre. Il entreprend aujourd'hui un vaste chantier de modernisation qui s'inscrit dans la droite ligne des engagements du Président de la République vis-à-vis de l'outre-mer. Les citoyens français ultramarins sont bien au coeur de ce débat essentiel pour les collectivités territoriales. Et je ne peux que déplorer les critiques démagogiques de ceux qui n'ont pas eu d'ambition pour leur collectivité et tout particulièrement pour la Guadeloupe qui, bien qu'éloignée de la métropole, est partie intégrante du territoire national.
    Madame la ministre, monsieur le ministre, la loi constitutionnelle que vous nous proposez introduit une réforme utile, qui améliorera l'efficacité de l'action de l'Etat et des collectivités locales. L'article 72 de la Constitution pose le principe de la libre administration, principe vaste et imprécis dont l'application n'a jusqu'à présent donné lieu qu'à un transfert de compétences qui, sur le plan local, a montré ses limites, faute d'avoir été accompagné de moyens substantiels. Aussi ne puis-je que me féliciter de voir désormais inscrites dans notre Constitution les conditions financières dans lesquelles désormais les collectivités territoriales s'administreront librement. Leur permettre de percevoir des impôts locaux, leur transférer une partie des impôts nationaux, leur garantir la libre disposition de leurs ressources, voilà une vraie décentralisation, fondée sur une réelle coresponsabilité.
    Enfin, l'Etat accorde de manière effective sa confiance aux élus locaux. Je puis vous assurer que les élus de l'outre-mer sont à la hauteur de la tâche. Nos capacités de gestionnaire ont trop souvent été remises en cause alors que nous sommes sur le terrain, au fait de la réalité locale, des spécificités de chacune de nos communes, de nos départements et de nos régions. L'initiative locale avait été ces dernières années reléguée au second plan, voire niée, cédant le pas à un assistanat qui n'encourageait en rien la créativité.
    M. Jean-Pierre Balligand. Il ne faut pas raconter n'importe quoi !
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Allons ! Ecoutez plutôt !
    M. Joël Beaugendre. Le projet dont nous discutons aujourd'hui la remet au coeur de l'action de chaque collectivité. L'élargissement des compétences locales ne peut que participer à l'efficacité des décisions locales pour assurer un développement pragmatique et durable de nos économies et le bien-être de nos compatriotes ; car ce sont bien les populations d'outre-mer qui sont au coeur de ce projet qui veut rapprocher les citoyens de leurs élus et, de ce fait, les impliquer davantage encore.
    Les moyens financiers sont évidemment le pendant de ce plein exercice des compétences, qu'elles soient existantes ou appelées à être prochainement dévolues. Encore faut-il qu'ils soient effectifs et suffisants pour satisfaire les besoins réels que celui-ci implique. On ne saurait prétendre que l'état actuel des finances de nos collectivités locales y réponde de manière satisfaisante. Il m'apparaît essentiel de préciser que les ressources qui accompagneront le transfert des compétences de l'Etat aux collectivités territoriales devront correspondre en volume à l'ampleur des compétences transférées, mais aussi et tout particulièrement aux besoins réels de chacune des collectivités.
    Ces dernières années, nos collectivités territoriales ont subi une baisse de leurs recettes fiscales, qui a aggravé d'autant le retard de développement de nos régions. La lourdeur administrative de la mise à disposition des crédits a rendu notre situation de non-développement plus criante encore. Augmenter les ressources des collectivités des régions d'outre-mer ne peut que renforcer l'effectivité du principe de la libre administration.
    Je compte, madame le ministre, monsieur le ministre, sur votre engagement pour que cette réforme soit utile et pragmatique et qu'elle ne reste pas à l'état de pur principe constitutionnel. Les transferts de moyens financiers pour les collectivités d'outre-mer doivent être effectifs et opérationnels. La prochaine loi organique devra en préciser les règles. Sachez, madame le ministre, monsieur le ministre, que les élus des régions de l'outre-mer, et en particulier de la Guadeloupe, veilleront à ce que, cette fois-ci, les promesses soient tenues et ne se bornent pas aux simples affirmations décentralisatrices traditionnelles. Il y va du devenir de nos régions.
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour la commission des finances.
    Mme Marie-Anne Montchamp, pour la commission des finances. Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 6 vise les ressources des collectivités locales. Il consacre cinq principes-clés : l'existence de ressources propres, l'existence d'impositions affectées, le principe de part déterminante de ces ressources dans l'ensemble des recettes, l'obligation des transferts de ressources en cas d'extension des compétences des collectivités territoriales et le principe de péréquation.
    L'inscription de ces principes dans la Constitution interdira au législateur de les nier par la suite : il crée une obligation de les respecter. Le législateur disposera du choix des moyens, mais il lui sera interdit de descendre au-dessous d'un seuil minimal garanti. C'est ainsi qu'il faut lire la notion de « part déterminante », s'agissant des ressources propres.
    Cette part est appréciée par catégorie de collectivités. Si cette formule impliquait, en clair, que le poids de la fiscalité locale soit plus important que l'apport des dotations de l'Etat, la situation actuelle de la fiscalité locale ne permettrait pas d'y parvenir. C'est la raison pour laquelle la notion de « part prépondérante » n'a finalement pas été retenue par la commission des finances. Il faut donc considérer que le dispositif vise simplement à réaffirmer la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel.
    Les règles fiscales ne sauraient avoir pour effet de diminuer les ressources des collectivités territoriales ni de réduire la part des recettes fiscales dans ces ressources « au point d'entraver leur libre administration ». Cette formulation vague implique que la part de la fiscalité locale dans l'ensemble des ressources ne baisse pas au-dessous d'un certain seuil. Le Conseil constitutionnel condamne donc la disparition de la fiscalité en tant que ressource propre, mais il admet des aménagements pouvant aller jusqu'à la suppression compensée d'une recette fiscale précise.
    L'essentiel est que l'autonomie ne soit entravée ni par l'appauvrissement global des collectivités territoriales, ni par une restriction excessive de la part des recettes fiscales dans le total des ressources.
    Si l'on avait été jusqu'à exiger que la part fiscale l'emporte dans le total des ressources au point de devenir prépondérante, on aurait manqué de réalisme.
    Il en va tout autrement s'il s'agit de garantir un niveau global de fiscalité propre qui soit déterminant, notamment parce qu'il déclencherait, par exemple des compensations d'exonérations ou parce qu'un changement de ce niveau bouleverserait le budget d'une catégorie de collectivités. Dès lors, on comprend mieux la notion de part déterminante.
    En toute hypothèse, il est prévu qu'une loi organique fixe les conditions de mise en oeuvre de cette règle. La commission des finances s'est interrogée sur la nécessité de recourir à une loi organique pour fixer cette notion de part déterminante. La loi organique, qui complète la Constitution, se définit par son champ, qui est exclusif : la mise en oeuvre de la notion de part déterminante ne relèvera donc plus de la compétence de la loi ordinaire. C'est là une garantie : la notion de part déterminante aura un contenu fort et difficile à modifier.
    M. Jean-Luc Warsmann. Très bien !
    M. le président. MM. Gerin, Brunhes, Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 184, ainsi rédigé :
    « « Supprimer l'article 6. »
    La parole est à M. Jacques Brunhes.
    M. Jacques Brunhes. L'article 6, comme l'a excellemment dit mon collègue André Chassaigne, est une composante essentielle de votre réforme. Il touche au devenir des finances des collectivités territoriales ; surtout, il consacre les profondes inégalités de ressources qui les séparent. Il donne à leur compétition fiscale une vertu quasiment constitutionnelle et aggrave les inégalités entre citoyens devant l'impôt.
    Considérer que recettes fiscales, ressources d'exploitation et dotations nées des transferts entre collectivités territoriales constituent une part déterminante des ressources des collectivités ne peut que consacrer la déshérence des dotations budgétaires de l'Etat. En effet, l'essentiel des ressources dont disposent les collectivités locales, notamment en zone rurale, tient précisément aux dotations budgétaires.
    En adoptant cet article, vous allez donc nous priver du moyen de péréquation le plus pertinent, malgré ses multiples imperfections que nous ne nions pas. Encore celles-ci procèdent-elles non de la nature des dotations, mais de l'importance des prélèvements de recettes. Qu'adviendra-t-il des dotations nationales aux collectivités territoriales ? Les seules auxquelles le texte fait allusion sont celles qu'elles reçoivent d'autres collectivités territoriales.
    Votre projet de finances pour 2003, adopté cette semaine sans les voix de l'opposition ni celles des députés communistes et républicains,...
    M. Jacques Myard. Vous vous situez à part ?
    M. Jacques Brunhes. ... montre quel est votre objectif : le désengagement progressif de l'Etat de sa responsabilité à garantir la solidarité nationale. Votre projet de décentralisation le consacre.
    Il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français : les collectivités territoriales vont être contraintes de prendre le relais d'un Etat démissionnaire qui renonce à répondre aux besoins en matière d'éducation, de santé, de logement, de culture, de recherche. Les citoyens ne seront donc plus égaux ; tout dépendra de la région où ils vivront. Parce que nous sommes attachés à l'égalité de traitement des citoyens sur l'ensemble du territoire, nous demandons la suppression de l'article 6.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il ne surprendra pas l'Assemblée que, s'agissant d'un article prévoyant des ressources pour les collectivités locales, nous soyons totalement défavorables à sa suppression, quand bien même la commission n'a pas examiné cet amendement.
    M. René Dosière. Il prévoit aussi des charges !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. L'article 6 consacre un transfert de charges sur les collectivités locales, sans plus de précisions, sans même reprendre la législation qui prévalait jusqu'alors. Il faudrait tout de même, messieurs, commencer par nous apprendre ce que signifie le mot « déterminante » que les uns et les autres utilisez avec beaucoup de facilité, mais qui ne correspond pas à la définition de l'Académie française ! Etes-vous en train d'inventer un nouveau langage ? Auquel cas, il faut nous le traduire et nous expliquer comment vous déterminez ce « déterminante »... Car pour l'instant, je ne comprends pas.
    J'ai l'impression qu'il s'agit uniquement d'un affichage. La représentante de la commission des finances a indiqué que ce texte se bornait à réaffirmer la jurisprudence. Si tel est le cas, pourquoi l'inscrire dans la Constitution ? A quoi cela sert-il ?
    J'aimerais aussi qu'on nous explique pourquoi on n'utilise pas le vocabulaire habituellement usité pour désigner les transferts de moyens et de charges aux collectivités locales. Pourquoi préférer des termes en retrait au lieu d'écrire que vous leur transférez les ressources nécessaires à l'exercice normal de leurs compétences ?
    Si M. le rapporteur de la commission des lois s'amuse et discourt pendant que je parle, il vaut mieux que je m'arrête, monsieur le président ! C'est un débat important qui devrait retenir l'attention de tout le monde. Or je m'aperçois que nous parlons pour ne rien... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Oh, le lapsus !
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, nous parlons pour rien ! (Mêmes mouvements.) Vous pouvez applaudir, mais vous feriez mieux d'écouter, monsieur Clément !
    Que sommes-nous en train de faire ? Est-ce uniquement de la communication ? Si c'est le cas, il faut le dire ! Mais si c'est d'une loi constitutionnelle que nous discutons, cela mérite davantage d'attention, monsieur le président de la commission des lois. J'espère en tout cas que vous nous apporterez les précisions si vous voulez que l'on vous croie, que cette loi atteigne l'objectif que vous poursuivez et que nous devrions poursuivre ensemble.
    M. le président. Monsieur Balligand, vous m'avez demandé la parole pour répondre au Gouvernement, je vous la donne.
    M. Jean-Pierre Balligand. Vous êtes fort aimable, monsieur le président.
    M. le président. J'applique le règlement, monsieur Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Je m'en doutais. Mais cela ne m'empêche pas d'être moi-même aimable.
    M. le président. J'avais remarqué. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Balligand. Je voulais seulement dire au Gouvernement que ce n'est pas en ne répondant jamais aux questions posées qu'il nous permettra d'avancer dans ce débat.
    Je reprendrai simplement le mot « déterminante ». Ensuite, nous verrons. Nous avons déposé des amendements qui portent, encore une fois, sur le contenu, sur les transferts de compétences et sur les transferts concomitants de fiscalité d'Etat. Nous avons dit tout à l'heure que la fiscalité locale était pratiquement à bout de souffle, et que, par voie de conséquence, il fallait être clair : il n'est pas pensable du traiter du problème des ressources dans un grand article 6, pendant de l'article 4, sans davantage de précisions. Votre texte, tout votre texte, est cousu d'ambiguïtés. Tous les juristes en sont d'accord. Lisez ce qu'en dit Didier Maus aujourd'hui même. C'est consternant ! Et pourtant, ce n'est pas un constitutionnaliste proche de nos idées.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il ne parlait pas de l'article 6 !
    M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président de la commission des lois, je ne vous interromps jamais. Alors, ne commencez pas...
    M. le président. Monsieur Balligand, allons !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... surtout vous, qui ne consultez guère les professeurs de droit constitutionnel de ce pays. Ce ne sont pourtant pas vos compétences en la matière qui vous autorisent à faire abstraction de leurs conseils... Il y a des limites à la plaisanterie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Restez courtois, monsieur Balligand !
    M. Jean-Pierre Balligand. Je reste toujours courtois. Simplement, il faut que le président de la commission sache se taire quand il n'a pas la parole. Vous ne lui avez pas donné, que je sache !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Je prends le mot « déterminant ». Qu'est-ce que cela veut dire ? Tout ce texte, depuis le début, depuis l'article 1er, est cousu d'ambiguïtés. Ce qui veut dire que le juge constitutionnel devra, bien évidemment, se substituer à l'Assemblée nationale.
    M. Jacques Brunhes. C'est le bazar !
    M. Jean-Pierre Balligand. Non seulement le Sénat a déjà ramassé la mise avec l'article 3, mais tous les termes de ce projet ont tout simplement été mal écrits - je dis bien « mal écrits » - et par voie de conséquence susceptible de recours et d'interprétation devant le Conseil constitutionnel. Tout le monde en est d'accord. Votre projet ouvre la voie à la « juridiciarisation » constitutionnelle.
    Il faut quand même que l'on sache ce que veut dire ce « déterminant ». Prenons le Littré : « qui détermine », y est-il écrit.
    Mme Ségolène Royal. Avec cela, on est bien avancés !
    M. Jean-Pierre Balligand. Heureusement, il n'y a pas que cela ! Le Littré accompagne sa définition d'une citation des Confessions de Jean-Jacques Rousseau : « J'expose celles de mes raisons que je pouvais dire sans compromettre Mme Levasseur et sa famille, car les plus déterminantes venaient de là. » Tout est dit : « déterminant » pris seul n'a pas de sens. Que va-t-il arriver ? Tout simplement que c'est le juge constitutionnel, si vous employez un tel mot dans la loi fondamentale, la Constitution, qui déterminera la part des ressources. Autrement dit, qui déplacera le curseur. Vous imaginez la source de contentieux que cela représente. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on ne précise pas cette terminologie. On s'en va droit dans le mur et on va déplacer le lieu d'interprétation. C'est consternant !
    Vous pouvez, de façon cavalière, ne jamais répondre lorsqu'on vous pose des questions, mais il n'y a pas que nous qui nous interrogeons. Cela fait presque un mois et demi que les professeurs de droit constitutionnel ne cessent de dire la même chose, avec beaucoup de sérieux. Comme personne ne les a écoutés, de toute évidence, nous avons un problème. Il faut donc essayer d'avancer, on ne peut pas rester comme ça !
    M. René Dosière. Entre le Sénat et le Conseil constitutionnel, qu'est-ce qui va nous rester ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Balligand, je vous ferai d'abord quelques petites observations de forme, si vous me le permettez. Jusqu'à maintenant, le Gouvernement, moi en tout cas à chaque fois que j'ai été là, a essayé de répondre à vos questions. Ne dites donc pas que, depuis l'article 1er, nous ne répondons pas. Chaque fois que vous avez demandé des explications, je vous en ai donné. Elles ne vous ont peut-être pas convenu, mais c'étaient mes explications, celles du Gouvernement. Sur l'article 6, c'est la première fois que le Gouvernement a l'occasion de s'exprimer, c'est le premier amendement qui est examiné. Donc il est un peu excessif de dire que le Gouvernement ne répond jamais.
    M. Jean-Pierre Balligand. M. Perben est membre du Gouvernement !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il n'est pas là pour l'article 6 !
    M. Jean-Pierre Balligand. Avant, il était là.
    Mme Ségolène Royal. C'est comme ça depuis le début !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Que vous demandiez des explications, c'est tout à fait légitime, je me mets à votre place, mais quand c'est sur le ton de l'injonction, j'ai tendance à ne pas bien entendre et à avoir les oreilles un peu chargées. Quand le débat prend un tour plus courtois, je réponds bien volontiers.
    Puisque vous avez lu attentivement les travaux du Conseil constitutionnel et ceux du Sénat, vous avez dû voir que le Gouvernement a répondu à ces questions. Je vais recommencer, naturellement, mais sans doute parce que les réponses ne vous satisfont pas, vous avez malheureusement tendance à réclamer sans arrêt de manière répétitive que l'on vous donne des explications que l'on vous a déjà données.
    Quant aux constitutionalistes, nous les avons consultés,...
    M. Jean-Pierre Balligand. Je m'en doute !
    M. René Dosière. Pas la commission des lois !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... y compris ceux que vous citez. Je ne dirai pas ce que Napoléon disait des juristes, puisque je suis moi-même juriste et que ce n'était pas très flatteur...
    M. Jacques Brunhes. Si, si, dites !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Pour répondre à votre question, « déterminant », cela veut dire « qui donne un sens ». En l'occurrence, il s'agit d'assurer l'autonomie financière des collectivités locales. Il faut que la part des ressources propres soit d'un montant tel qu'elle détermine la liberté des collectivités.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. J'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 82, du sous-amendement n° 219, de l'amendement n° 190, de l'amendement n° 192, des sous-amendements n°s 233 à 239, des amendements n°s 191, 194, 193, 195, 196, 197 rectifié, 198 et 199, et de l'article 6, je suis saisi par le groupe socialiste de demandes de scrutins publics.
    Il en va de même pour deux sous-amendements n°s 241 et 240 qui viennent d'être déposés.
    Ces scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Mme Royal, MM. Balligand, Bonrepaux, Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 82, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution :
    « Art. 72-2. - Pour assurer leur libre administration, les collectivités locales bénéficient de ressources dont elles disposent librement dans les conditions fixées par la loi.
    « Ces ressources sont constituées de tout ou partie du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer, dans les limites qu'elle détermine, le taux et l'assiette ainsi que d'autres ressources propres et des dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités locales.
    « Elles sont également constituées, pour accompagner la décentralisation, de prélèvements sur les recettes de l'Etat.
    « Le produit des impositions de toute nature représente une part prépondérante, régulièrement évaluée, de ces ressources.
    « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne d'un transfert, pour tout ou partie d'un impôt, de fiscalité nationale, nécessaire à l'exercice effectif et continu de ces compétences. La loi organique détermine les conditions dans lesquelles le Parlement est associé à la détermination de ce transfert.
    « La loi fixe les règles de la redistribution des ressources entre les territoires. Elle détermine les conditions qui permettent d'éviter une surimposition des contribuables. Elle assure l'égalité des conditions de développement dans l'étendue de la République. Les ressources d'une collectivité rapportées à sa population ne peuvent ainsi être inférieures de plus de vingt pour cent à la moyenne des ressources de la catégorie à laquelle elle appartient ou excéder de plus de vingt pour cent cette moyenne. »
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Nous sommes au coeur du dispositif de transfert des ressources. Je regrette que le ministre n'ait pas répondu plus précisément aux questions d'Augustin Bonrepaux et de Jean-Pierre Balligand. Peut-être le fera-t-il à l'occasion du texte que nous proposons.
    M. René Dosière. N'en doutons pas !
    Mme Ségolène Royal. La question est là, vous le savez, monsieur le ministre, puisque vous avez participé à de nombreuses assises : l'Etat va-t-il transférer les ressources en même temps que les compétences ? N'est-il pas en train de solder un certain nombre de ses compétences avant même que la décentralisation n'ait lieu ? On le voit tous les jours dans l'éducation nationale ! Le ministre de l'éducation nationale a ainsi annoncé qu'il supprimait les surveillants et les emplois-jeunes dans la perspective de la décentralisation.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela ne fait pas le compte !
    Mme Ségolène Royal. Mais si, puisqu'il y a aussi les surveillants, les emplois-jeunes, les éducateurs, les auxiliaires d'intégration et les ATOSS. Puisque tout cela sera décentralisé, l'Etat a déjà supprimé les financements relatifs à ces emplois.
    Nous avons appris aujourd'hui que l'Etat gelait les bourses d'enseignement. Les bourses seront-elles également décentralisées ? Le financement de l'Etat pour les contrats éducatifs locaux baisse de 30 % dans le projet de loi de finances. Cela signifie-t-il que vous avez déjà décidé de transférer ces contrats sans transférer les moyens correspondants ?
    Bref, nous sommes inquiets. C'est la raison pour laquelle nous proposons une autre rédaction de l'article 6. Comme vous le savez - nous nous répétons, mais les élus locaux se posent beaucoup de questions à ce sujet -, nous aurions souhaité connaître vos projets pour la réforme de la fiscalité locale. Nous aurions pu alors savoir si la part des recettes fiscales était déterminante ou prépondérante. Le Conseil d'Etat vous l'a d'ailleurs fait une fois de plus observer assez sévèrement puisqu'il a disjoint de l'article 6 cette notion de seuil qualifié de déterminant en vous disant que, en l'état actuel de la fiscalité locale, on ne pouvait en assurer le respect.
    Avant d'inscrire des principes dans la Constitution, encore faudrait-il nous expliquer comment vous avez l'intention de les faire respecter par les lois qui vont venir. J'entends bien que vous prévoyez une loi organique. Pouvez-vous nous dire dans quel délai elle sera présentée au Sénat et votée. Nous aimerions savoir, en effet, si ces transferts de ressources auront un contenu ou resteront virtuels...
    M. René Dosière. Il ne peut pas savoir !
    M. le président. Madame Royal, terminez votre intervention.
    Mme Ségolène Royal. Le ministre n'a pas la réponse. Nous rasons donc gratis puisque nous ne savons pas comment ni à quelle date ils seront effectués.
    Nous souhaitons que des garanties financières soient clairement apportées dans la Constitution. Nous proposons que, pour assurer leur libre administration, les collectivités locales bénéficient de ressources constituées de tout ou partie du produit des impositions de toutes natures, et également constituées, pour accompagner la décentralisation, de prélèvements sur les recettes de l'Etat. Le produit des impositions doit représenter une part non pas déterminante, mais prépondérante, régulièrement évaluée de ces ressources, et tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagner d'un transfert, pour tout ou partie d'un impôt, de fiscalité nationale, nécessaire à l'exercice effectif et continu de ces compétences. Vous aurez noté que chaque mot est pesé !
    Il paraît que vous faites des simulations sur la TIPP, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la façon dont une partie de cette taxe serait transférée ? Envisagez-vous aussi un transfert de l'impôt sur le revenu, qui est finalement l'impôt le plus juste ? Bref, pouvez-vous éclairer l'Assemblée nationale sur les études ou simulations diverses et variées que les ministères organisent actuellement ?
    On a aussi entendu dire que vous faisiez des évaluations par l'intermédiaire de l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, pour décentraliser une partie du financement des hôpitaux. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ces simulations ? Y aura-t-il une décentralisation d'une partie de l'assurance maladie ? Si les régions prennent en charge une partie des hôpitaux et des plateaux techniques, cela rentre dans le prix de journée de l'hôpital, et c'est donc financé par la branche maladie de la sécurité sociale. Quel type d'expérimentation envisagez-vous dans ce domaine ?
    Enfin, nous souhaitons que la loi fixe les règles de redistribution des ressources entre les territoires. Nous reprenons là un dispositif d'une loi que votre majorité avait adopté mais jamais appliqué. Nous proposons que la loi détermine les conditions qui permettent d'éviter une surimposition de certains contribuables, assure l'égalité des conditions de développement dans l'étendue de la République. Les ressources d'une collectivité rapportées à sa population ne peuvent pas s'écarter de plus ou moins 20 % des ressources de la catégorie à laquelle elle appartient. Vous aurez reconnu un des dispositifs de la loi Pasqua !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement de Mme Royal et de M. Balligand réécrit la totalité du texte proposé pour l'article 72-2.
    Mme Ségolène Royal. On a bien travaillé !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Absolument ! Tous les mots sont pesés, a expliqué Mme Royal.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. On connaît les grandes qualités de juriste de M. Balligand. Voici un morceau choisi : « La loi détermine les conditions qui permettent d'éviter une surimposition des contribuables. » C'est superbe !
    Mme Ségolène Royal. C'est très important !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Et vous ne comprenez pas ce que veut dire « déterminant » ? Votre proposition, c'est un voeu pieux, c'est beau comme l'Antique, ça n'a rien à voir avec la loi, encore moins la loi constitutionnelle. Je pense qu'il faut vous remettre au travail !
    La commission est défavorable à l'amendement.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. René Dosière. C'est un peu rapide !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
    Après y avoir réfléchi, madame Royal, nous n'avons pas retenu le mot « prépondérant », parce qu'il signifie « qui pèse le plus ». Il aurait alors suffi que l'Etat baisse ses propres dotations pour que les ressources propres des collectivités deviennent prépondérantes.
    Mme Ségolène Royal. C'est spécieux !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. C'eût été une facilité, mais c'était contraire à notre but.
    Mme Ségolène Royal. Vous auriez fait ça ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous, certainement pas, mais qui sait si un autre gouvernement...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eux, sûrement !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Après le vote de la réforme constitutionnelle, le Gouvernement abordera la loi organique qui organisera la procédure applicable aux droits énoncés dans la réforme de la Constitution. Ensuite viendront les lois de transfert de compétences et des lois sur l'expérimentation.
    Dans le même temps, le Gouvernement engagera, avec le comité des finances locales, une étude sur la mise en oeuvre de la réforme fiscale. Il a commencé à y travailler. Vous comprendrez que je ne sois pas en mesure de vous dire aujourd'hui où en sont les projets.
    Je précise, pour couper court à certain bruits, que nous avons exclu un financement par la TVA, qui n'est pas compatible avec la directive européenne. Il est clair que le taux ne peut varier suivant les régions. Nous étudions la possibilité d'utiliser la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Les études sont intéressantes. Rien n'est encore finalisé et je ne suis donc pas en mesure de vous en indiquer les conclusions. Là encore, cela ne peut se faire que dans le cadre de la concertation avec le Comité des finances locales.
    Mme Ségolène Royal. Et l'impôt sur le revenu ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous n'avons pas retenu cette hypothèse.
    Les principes financiers inscrits dans l'article 6 seront des principes directeurs pour conduire la réforme de la fiscalité locale. Celle-ci, j'en conviens bien volontiers, monsieur Balligand, est à bout de souffle, et une remise en ordre est nécessaire, mais ayons l'honnêteté de dire qu'aucun gouvernement n'y a procédé, ni le précédent, ni ceux qui l'ont précédé.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour répondre à la commission.
    M. Augustin Bonrepaux. Sur un texte aussi important, il est déplorable que la commission nous fasse des réponses aussi vides. Nous avons fait remarquer que le mot « déterminant » laissait le pouvoir d'appréciation au Conseil constitutionnel, et la réponse de M. le ministre ne nous rassure pas. Vous nous dites, monsieur le ministre, qu'il s'agit de déterminer le degré de liberté, mais qui le détermine ? Ce n'est plus l'Assemblée. Nous laissons ce pouvoir au Conseil constitutionnel comme on a abandonné un certain nombre de pouvoirs au Sénat, ce matin, à travers l'article 3.
    Nous proposons, nous, que la loi détermine les conditions qui permettent d'éviter une surimposition des contribuables. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le président de la commission des lois, c'est beaucoup plus précis car cela se mesure. On peut faire des comparaisons entre les contribuables, pour peu, bien sûr, que l'on réévalue les bases d'imposition, ce que vous deviez faire avant 1997.
    Par ailleurs, monsieur le ministre, je crains tout de même des transferts de charges sur les collectivités locales, et l'exemple du budget pour 2003 qui vient d'être voté est significatif : vous réduisez les crédits dans les domaines que vous souhaitez transférer.
    J'ai pris l'exemple des ATOSS des collèges ou des lycées, dont vous allez réduire le nombre et les crédits. Au moment où ils seront transférés, vous ne transférerez pas les moyens nécessaires à leur fonctionnement normal, comme le prévoit le code des collectivités locales, mais seulement les moyens qui étaient utilisés pour leur exercice, c'est-à-dire que nous n'avons pas la garantie que le transfert permettra d'exercer ces compétences d'une façon convenable.
    J'ai cité hier un autre exemple, celui des routes nationales. On va les transférer aux départements, mais, sur l'exercice 2002, l'Etat n'est pas en mesure d'en assurer l'entretien. Aussi, la route nationale 20, qui est un itinéraire européen, est fermée de vingt et une heures à six heures du matin. Les populations françaises qui sont au-delà - elle va vers l'Espagne et vers l'Andorre, mais il y a des Français au-delà - n'ont pas droit au secours du médecin ou aux services de secours.
    Les crédits seront encore réduits dans le budget pour 2003 puisque l'on supprime 700 emplois supplémentaires. Finalement, quels moyens seront affectés à ces transferts ? Il y a là un risque qu'on transfère des charges sur les collectivités locales, qu'on augmente les impôts locaux. Or, comme l'on sait, les impôts locaux sont tout de même les plus injustes, avec des bases obsolètes. Vous voyez où nous allons !
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous auriez pu les changer !
    M. le président. La parole est à M. René Dosière pour répondre au Gouvernement.
    M. René Dosière. Monsieur le ministre, à deux reprises, je vous ai posé une question précise - la première fois dans la discussion générale et la seconde dans mon intervention sur l'article 6 - et j'aimerais que vous puissiez répondre. Il est vrai que ce n'est pas vous qui avez répondu à la discussion générale et que votre collègue n'a pas daigné faire référence aux questions que j'avais pu poser et que, me semble-t-il, vous aviez trouvées intéressantes. Peut-être est-ce enfin pour vous l'occasion de répondre. Comment envisagez-vous de compenser les transferts de compétences ?
    Dans le texte que vous nous proposez, il est stipulé que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». Si je comprends bien, chaque fois qu'une compétence sera transférée, on regardera les sommes que l'Etat consacrait à cette compétence dans son budget et on transférera le montant des ressources correspondantes. Cette méthode de calcul, appliquée depuis 1982 pour les transferts de compétences, a montré ses limites dans plusieurs domaines. Mon collègue Bonrepaux vient de souligner que, en cas de transfert d'une compétence pour laquelle l'Etat ne consent pas un effort suffisant, il y aura nécessairement une charge supplémentaire pour la collectivité. C'est donc bien ainsi qu'il faut le comprendre. Dans l'amendement de nos collègues socialistes, la formulation est un peu différente, puisqu'il y est d'abord question de la compensation nécessaire à l'exercice effectif et continu de ces compétences, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. D'autre part, on précise la nature des ressources qui seront transférées, puisqu'il est dit que ces ressources seront un transfert, pour tout ou partie, de fiscalité nationale. Ainsi, on est sûr que ces ressources seront davantage évolutives.
    Autrement dit, monsieur le ministre, notre amendement tire les leçons de ce que nous avons fait dans le passé et dont nous avons constaté les insuffisances. Mais je ne comprends pas pourquoi vous voulez reprendre ce dont on sait que ça ne marche pas toujours et que vous avez régulièrement critiqué. Les élus socialistes se sont aperçus à l'usage que ce système de compensation, que l'on pouvait imaginer correct au moment où il a été fixé, est insuffisant et se traduit par une augmentation de la fiscalité locale. Pourquoi vous obstinez-vous à le maintenir ? Vous n'avez pas l'excuse qu'avaient nos prédécesseurs qui ignoraient ce que cela allait donner. Aujourd'hui, vous le savez parfaitement. Pourquoi ne pas en tirer les leçons ? Pourquoi, au contraire, rigidifier ce système ? Aujourd'hui, si vous voulez le changez, il suffit de modifier la loi. Mais, lorsque vous l'aurez inscrit dans la Constitution, on ne pourra pas changer la Constitution uniquement parce que la compensation sera insuffisante. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
    M. le président. Sur l'amendement n° 82, M. Montebourg a présenté un sous-amendement, n° 219, ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 82 par l'alinéa suivant :
    « Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles les citoyens exercent un contrôle de l'usage des finances publiques par les collectivités territoriales. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour soutenir le sous-amendement.
    M. Augustin Bonrepaux. Il s'agit là d'une idée intéressante.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Elle est bien bonne !
    M. Augustin Bonrepaux. En effet, si l'on veut que les citoyens acceptent la contribution, il faut qu'ils sachent comment elle est utilisée et qu'ils puissent effectuer un contrôle, et c'est ce que souhaite notre collègue en proposant que les citoyens exercent un contrôle sur l'usage des finances publiques par les collectivités territoriales.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis défavorable.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement n° 219.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   52
Nombre de suffrages exprimés   52
Majorité absolue   27
Pour l'adoption   12
Contre   40

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Bonrepaux a présenté un sous-amendement, n° 241, ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 82 par l'alinéa suivant :
    « Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles est évaluée et contrôlée l'utilisation des dépenses publiques. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. On peut regretter que le sous-amendement de notre collègue Montebourg présente une difficulté d'application et je comprends que le Gouvernement n'y ait pas été favorable.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Ah !
    M. Augustin Bonrepaux. Cependant, nous avons tous, dans cette assemblée, le souci de contrôler l'utilisation des crédits. Vous, vous pensez qu'il faut de plus en plus réduire l'impôt et que, malgré cela, on pourra faire fonctionner les services publics. Nous, nous ne voyons pas comment c'est possible ni comment on peut assurer la solidarité dans ces conditions. Cela dit, nous nous rejoignons sur le souci de contrôler et d'évaluer les dépenses afin que les citoyens comprennent et apprécient comment sont utilisées les contributions qu'on leur demande. Pour répondre à cette exigence, nous avons créé la commission d'évaluation et de contrôle. Vous allez la reprendre et nous y participerons, parce que, comme vous, nous avons le souci de contrôler et de faire en sorte que les deniers publics soient utilisés aussi efficacement que possible. Ne devons-nous pas avoir le même souci vis-à-vis des collectivités locales ? La loi ne pourrait-elle pas décider que, dans chaque collectivité locale, une commission, associant la majorité et l'opposition, présente un rapport évaluant l'efficacité des politiques, expliquant la nécessité des dépenses et la raison des augmentations d'impôts locaux.
    Il me semble que cela peut se mettre en oeuvre, pour mieux faire comprendre aux citoyens comment sont utilisés les crédits et réhabiliter, en fin de compte, les notions d'efficacité et de nécessité de l'impôt.
    Nous pourrions nous rejoindre sur ces sous-amendements afin que les citoyens prennent conscience que nous avons tous le même souci de transparence, de contrôle et d'évaluation des dépenses publiques.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Monsieur le président, ce sous-amendement vient d'être déposé et n'a pas été examiné. Je signale seulement à l'Assemblée que la décision de faire un rapport n'a rien à voir avec la Constitution. A titre personnel, j'émets un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable pour les mêmes raisons : cela n'a pas sa place dans la Constitution.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour répondre au Gouvernement.
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, je voudrais aimablement suggérer au Gouvernement et au représentant de la commission des lois d'arrêter de dire que les amendements que nous proposons n'ont pas leur place dans la Constitution.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais c'est la vérité !
    Mme Ségolène Royal. Les trois quarts des articles que vous proposez, le Conseil d'Etat vous l'a dit avec une grande sévérité, n'ont pas leur place dans la Constitution. Alors, de grâce, monsieur Devedjian, arrêtez de dire la même chose de chacun de nos amendements !
    A partir du moment où vous faites bavarder la Constitution de façon désordonnée,...
    M. Jacques Myard. C'est une affirmation gratuite !
    Mme Ségolène Royal. ... vous souffrirez que nous cherchions à apporter quelques limites, quelques repères, quelques garde-fous au dispositif inconséquent et dangereux que vous proposez.
    Je le répète, le Conseil d'Etat a été très sévère avec vous. Seules une ou deux dispositions sont constitutionnelles. Vous le savez, monsieur Devedjian, vous qui êtes un fin juriste.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Justement, j'apprécie l'avis du Conseil d'Etat.
    Mme Ségolène Royal. Il vous faut donc répondre avec précision à nos questions. Car, si nous les posons, c'est que les élus locaux nous les posent, à nous autres parlementaires. Quand nous tenons nos réunions sur la loi de décentralisation, je puis vous dire que les quatre cinquièmes des questions - et vous le savez bien - portent sur le transfert financier. Ni les élus ni les citoyens ne veulent d'un marché de dupes.
    M. Pierre Cardo. Vous leur en avez pourtant donné l'exemple !
    Mme Ségolène Royal. Ils ne veulent pas que la décentralisation se traduise par une hausse des impôts locaux, ni qu'elle se ramène à une débudgétisation.
    Monsieur le ministre, vous avez évoqué un examen de la TIPP. Je vous remercie d'avoir un peu levé le voile devant l'Assemblée nationale. Concernant la TVA, vous avez affirmé qu'il ne pouvait y avoir des taux différenciés entre les différentes régions : envisagez-vous en revanche des taux différenciés pour la TIPP ? Le prix de l'essence sera-t-il différent d'une région à l'autre, dans l'hypothèse que vous êtes en train d'examiner ?
    M. le président. Madame, avez-vous terminé votre intervention ?
    Mme Ségolène Royal. Oui. Le ministre peut-il me répondre ?
    M. le président. Madame, je vous remercie de vous asseoir. Le ministre fait ce qu'il a envie de faire et ne vous répond que s'il a envie de vous répondre.
    Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, le sous-amendement n° 241.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   56
Nombre de suffrages exprimés   56
Majorité absolue   29
Pour l'adoption   14
Contre   42

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Bonrepaux a présenté un sous-amendement, n° 240, ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 82 par l'alinéa suivant :
    « Un rapport est présenté chaque année à l'assemblée délibérante en séance publique sur l'évaluation de l'efficacité des politiques publiques et l'utilisation des crédits publics. »
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Je défends le sous-amendement n° 240 avec d'autant plus de conviction que ni le Gouvernement ni la commission n'ont répondu à nos questions, faute d'arguments valables.
    Monsieur le ministre, vous pourriez au moins faire preuve d'ouverture. Vous nous dites que nos amendements n'ont pas leur place dans la Constitution, mais une grande partie de ce que vous y inscrirez n'y aura pas sa place non plus.
    Monsieur le ministre, au-delà de ce seul argument, êtes-vous pour ou contre le contrôle et l'évaluation des dépenses publiques ? Depuis le début de ce débat, on nous répète que l'intercommunalité dépense sans compter et augmente les impôts locaux. N'est-il donc pas possible d'instituer un contrôle, une évaluation par les élus eux-mêmes, associant la majorité et l'opposition ?
    Vous avez rejeté mon sous-amendement, ce qui prouve que vous n'avez guère le souci de ce contrôle indispensable. C'est pourquoi j'en propose un autre. Je sais ce que vous allez me dire : cela n'a pas sa place dans la Constitution. Qu'on mette donc dans la loi qu'« un rapport est présenté chaque année à l'assemblée délibérante en séance publique sur l'évaluation » - je dis bien l'assemblée, mais cela peut être une commission obligatoire de l'assemblée. Ne me dites pas que ce n'est pas possible : il suffit de décider que, dans chaque assemblée, une commission associant majorité et opposition présente un rapport sur l'évaluation de l'efficacité des politiques publiques et sur l'utilisation des crédits publics. Cela ne va-t-il pas dans le sens de ce que vous souhaitez ? Vous dites qu'il faut réduire la dépense publique. Comment la réduire, si ce n'est en en contrôlant l'efficacité ? Nous essayons de le faire au niveau national, mais, avant que cela ne descende au niveau du terrain, il y a, vous vous en rendez compte, bien des filtres à franchir, alors même que les collectivités locales sont directement en prise avec la réalité et qu'on pourrait associer les citoyens à ce contrôle par la présentation de ce rapport. Cela contribuerait en outre à réduire la fiscalité, ou à marquer une pause. Les citoyens sauraient exactement ce qu'on fait de leurs deniers. S'ils souhaitent davantage de services publics, il est normal qu'ils y participent. Cette mesure judicieuse réhabiliterait en tout cas à leurs yeux la fiscalité et le rôle de l'impôt.
    Monsieur le ministre, au lieu de nous répéter que cela n'a pas sa place dans la Constitution, dites-nous plutôt ce que vous comptez faire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, le sous-amendement n° 240.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   59
Nombre de suffrages exprimés   59
Majorité absolue   30
Pour l'adoption   14
Contre   45

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. René Dosière. C'est stable !
    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l'amendement n° 82 de Mme Royal.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   60
Nombre de suffrages exprimés   60
Majorité absolue   31
Pour l'adoption   14
Contre   46

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    MM. Balligand, Bonrepaux, Migaud et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 190, ainsi rédigé :
    « Au début du premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, insérer les mots : "Pour assurer leur libre administration,. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Nous allons, dans toute cette série d'amendements, reprendre des termes essentiels pour nous, comme le mot « prépondérant » que nous souhaitons substituer au mot « déterminant ». Ainsi, la référence à la libre administration doit nécessairement figurer dans le projet de loi constitutionnelle et dans la Constitution. Nous n'allons pas revenir sur les discussions qui ont eu lieu, au Sénat et ailleurs, avant ce projet de loi, sur la place de la fiscalité. Pour formuler un critère juridique significatif, il faut reprendre une terminologie à laquelle sont attachés tous les élus locaux et inscrire la libre administration des collectivités locales dans le texte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable parce que totalement inutile. Monsieur Balligand, vous glosez sur notre insuffisance rédactionnelle. Puis-je vous faire remarquer que votre texte, disant que « les communes peuvent disposer librement de leurs ressources pour assurer leur libre administration », peut paraître un peu lourd ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. M. Balligand est un grand juriste !
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Le principe de libre administration a quelque chose à voir avec la fiscalité locale, monsieur le ministre, et je vais reposer ma question : envisagez-vous des taux différenciés pour la TIPP ? Le prix de l'essence sera-t-il différent selon les régions ? Est-ce envisageable ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela n'a rien à voir !
    Mme Ségolène Royal. Si, cela a à voir avec la libre administration.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Cela n'a rien à voir avec l'amendement !
    M. le président. Laissez Mme Royal s'exprimer, monsieur le ministre : je vous donnerai la parole après.
    Mme Ségolène Royal. Nous sommes à l'article 6. Nous trouvons déjà suffisamment grave que les scénarios de réforme fiscale ne soient pas mis sur la table. Je vous ai lu tout à l'heure une déclaration que M. Raffarin avait faite lorsqu'il était président de l'association des régions de France et dans laquelle il exigeait d'avoir communication des textes financiers. Il avait quitté la commission Mauroy parce qu'il estimait que les informations sur les transferts financiers n'étaient pas suffisantes. Souffrez que nous pensions comme lui.
    M. Jean-Luc Warsmann. Mme Royal a un conflit personnel avec M. Raffarin ! On se demande bien pourquoi ! On ne peut rien y faire, c'est comme ça !
    Mme Ségolène Royal. Vous savez que, toutes ces questions, les élus locaux se les posent. Je comprends que vous ne vouliez pas polluer le débat constitutionnel, qui est très symbolique, qui dépasse les concepts constitutionnels. Mais nous débattons ici, au sein de l'Assemblée nationale, à propos de l'article 6, de transferts de ressources. Monsieur Devedjian, je vous repose donc ma question : envisagez-vous des taux de TIPP différenciés d'une région à l'autre ? Et, sinon, quel type de taxe additionnelle envisagez-vous ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Changez de disque !
    Mme Ségolène Royal. Pouvez-vous nous apporter des précisions, des informations, des éclairages sur cette question essentielle ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Madame Royal, il est inutile de répéter à l'infini la même question. Je vous ai apporté une réponse tout à l'heure. Je conçois qu'elle ne vous satisfasse pas, ce n'est pas une raison pour la répéter éternellement. Je n'ajouterai rien à la réponse que je vous ai donnée tout à l'heure.
    Mme Ségolène Royal. La gêne du Gouvernement est quand même manifeste !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l'amendement n° 190.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   48
Nombre de suffrages exprimés   48
Majorité absolue   25
Pour l'adoption   14
Contre   34

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Méhaignerie, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, a présenté un amendement, n° 23 rectifié, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, substituer aux mots : "bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement, les mots : "disposent librement de ressources. »
    La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisie pour avis, pour soutenir cet amendement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, saisie pour avis. Il s'agit d'un amendement de simplification rédactionnelle.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous n'avons pas examiné cet amendement, monsieur le président.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis. C'est un excellent amendement !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est un amendement uniquement rédactionnel, si j'ai bien compris. Sagesse.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Il s'agit en effet d'un amendement rédactionnel, mais je trouve que, au moins au plan du style, la rédaction proposée est plutôt moins bonne que celle du Gouvernement. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, sous le bénéfice de cette observation.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis. Cet amendement a le mérite de simplifier la rédaction, et je pense que ce texte nécessite que l'on supprime un certain nombre de mots chaque fois qu'on peut le faire.
    M. René Dosière. Très bien, monsieur le rapporteur général !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le président, je me permets de dire que ponctuer la phrase par le mot « librement », cela a plus de force - parce que le concept de liberté est mis en valeur - que de le placer au milieu de la phrase.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Blessig, Bur, Christ, Ferry, Mme Grosskost, MM. Herth, Hillmeyer, Lett, Meyer, Reiss, Schneider, Schreiner et Sordi ont présenté un amendement, n° 155, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution par le mot : "organique. »
    La parole est à M. Emile Blessig.
    M. Emile Blessig. J'ai déja eu, au cours du débat, l'occasion de poser la question de l'utilité de la loi organique, le Gouvernement m'a répondu. Je retire donc cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 155 est retiré.
    M. de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 135, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution par la phrase suivante : "Les dotations affectées sont abrogées. »
    La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir cet amendement.
    M. Gilbert Gantier. Les collectivités territoriales bénéficient de dotations de l'Etat, qui sont très importantes, puisqu'elles représentent pratiquement le tiers de leurs ressources. La mise en oeuvre du principe de libre administration des collectivités territoriales a progressivement conduit à la diminution des dotations affectées. Mais, comme il en reste encore quelques-unes, notre collègue Charles de Courson estime qu'il est préférable, pour assurer la libre utilisation de leurs ressources par les collectivités territoriales, de préciser que les dotations affectées sont abrogées.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 134, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début de la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution : "Dans le cadre des lois de finances, la loi peut... (Le reste sans changement.) »
    La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir cet amendement.
    M. Gilbert Gantier. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Myard a présenté un amendement, n° 55 corrigé, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, supprimer les mots : "l'assiette et. »
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Le texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution donne aux collectivités territoriales la faculté de déterminer, dans les conditions fixées par la loi, l'assiette de l'impôt. L'assiette, c'est la base de l'impôt, c'est ce à quoi on applique un taux. Cette faculté, même si elle est encadrée, risque de créer un certain nombre d'inégalités entre les collectivités territoriales, les plus riches risquant de minorer l'assiette, les plus pauvres risquant de l'augmenter, en y appliquant des taux encore plus importants. C'est pourquoi je m'interroge fortement sur la nécessité d'une telle disposition. Aujourd'hui, les collectivités peuvent fixer les taux, c'est un trait bien connu de notre fiscalité locale. Pour ce qui est de la faculté de fixer l'assiette, je m'interroge. Mais j'aimerais entendre le Gouvernement sur ce point.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Très honnêtement, je ne me souviens pas que cet amendement ait été examiné par la commission. Mais il porte sur l'une des réformes très importantes que propose le texte. Demain, les collectivités locales pourront non seulement jouer sur les taux, mais aussi sur l'assiette. Or, vous le savez bien, cher collègue Myard, les taux ne montent pas jusqu'au ciel, et les assiettes sont bien souvent fortement sous-estimées. Cette réforme apportera donc certainement un peu de justice fiscale, car il y a beaucoup trop d'assiettes qui ne correspondent pas à la réalité et la valeur du bien. Il s'agit donc pour moi d'un vrai progrès, et je suis très attaché à ce que les collectivités puissent enfin fixer l'assiette et pas simplement le taux. L'avis est donc défavorable.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement, mais je voudrais indiquer à notre collègue Myard que, d'ores et déjà, dans le droit actuel, les collectivités locales peuvent jouer sur l'assiette, par le biais des abattements.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mais toujours dans le même sens.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, saisie pour avis. En outre, il ne sera possible de faire évoluer à l'avenir les dispositifs de dégrèvement et d'exonération que si les collectivités ont une liberté d'agir, de jouer sur l'assiette. Je pense donc que ce serait une erreur que de supprimer cette marge de liberté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis défavorable, monsieur le président.
    Monsieur Myard, les inégalités d'assiette existent déjà, et elles sont considérables. C'est notamment le cas pour la valeur locative, qui est réévaluée lorsque la construction fait l'objet d'un réaménagement, par exemple, d'adjonctions de confort. Vous avez donc des inégalités d'assiette. L'inégalité est aujourd'hui très structurelle dans ce domaine.
    Il importe de remettre à plat la fiscalité des collectivités territoriales, monsieur Myard. Nous allons le faire en concertation avec le comité des finances locales, et nous souhaitons avoir des outils à notre disposition. Par votre amendement, vous demandez au Gouvernement de faire un exercice difficile.
    Je préférerais que vous retiriez votre amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Je suis désolé, mais je ne vous suis pas. D'abord, pour autant que j'aie compris la fiscalité française, les abattements, monsieur le rapporteur général du budget, sont extrêmement encadrés. Et surtout, la question des abattements est différente de celle de l'assiette et ne se pose qu'après que celle-ci est fixée. Définir l'assiette, c'est désigner les éléments taxables. Il ne s'agit pas de savoir si on va appliquer un abattement à tel bien imposable. Il s'agit de savoir si on va taxer les portes et fenêtres ou si on va taxer les chiens.
    Les choses sont extrêmement complexes, j'en conviens. Je veux bien admettre qu'il faut une plus grande souplesse. Mais il faut aussi être extrêmement vigilant quant aux conséquences d'une disposition qui risque de créer des inégalités.
    M. André Chassaigne. Les conséquences possibles sont terribles !
    M. Jacques Myard. Cela dit, je veux bien retirer l'amendement. Mais je m'interroge véritablement : cette faculté laissée aux collectivités territoriales n'est-elle pas la porte ouverte à certains abus ?
    M. le président. Retirez-vous votre amendement ou pas, monsieur Myard ?
    M. Jacques Myard. Oui, je le retire, parce que, visiblement, le débat sur ce point va aller très loin.
    M. le président. L'amendement n° 55 corrigé est retiré.
    M. Augustin Bonrepaux. Je le reprends, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement est repris par M. Augustin Bonrepaux, qui a la parole.
    M. Augustin Bonrepaux. Je reprends cet amendement pour poser une question au Gouvernement. Sans partager tout à fait, au fond, les préoccupations de M. Myard, je pense que son amendement soulève un point important. Monsieur le ministre, si vous voulez bien m'écouter quelques secondes,...
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais je vous écoute toujours, monsieur Bonrepaux. Je ne peux guère faire autrement, d'ailleurs. Vous vous répétez tellement que je ne peux pas ne pas vous comprendre !
    M. Augustin Bonrepaux. Je ne me répète pas tant que cela. Et je dis des choses nouvelles.
    Lors de la réunion du Comité des finances locales, vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que vous alliez organiser la révision des valeurs locatives par chaque collectivité locale, en laissant à chacune le soin de les évaluer. Cela renvoie un peu à la préoccupation de M. Myard. Car si chaque collectivité locale doit fixer l'assiette, comment faire des comparaisons nationales pour mettre en oeuvre, ensuite, la péréquation que vous inscrivez dans la Constitution ? Il y a là, quand même, un problème de fond.
    M. le président. Je vais mettre aux voix...
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je souhaiterais avoir une réponse du Gouvernement. Je vais retirer l'amendement, bien sûr, mais je voudrais quand même qu'on réponde à mes questions !
    Monsieur le président, il est quand même anormal que dans un débat aussi important, quand on pose des questions précises - et celle que je viens de poser en est une -, on n'ait pas de réponse. Mme Royal a posé une question précise et elle n'a pas eu de réponse non plus. Mais ce n'est pas cela, le débat ! Et j'ai déjà eu l'occasion de le dénoncer. Les uns et les autres, sur les différents bancs, nous parlons, mais ensuite, nous n'avons pas de réponse précise du Gouvernement.
    Et sur cette question, monsieur le ministre, je voudrais bien avoir une réponse. Parce que cette question, je ne l'avais pas encore posée. Vous voyez que chaque fois il y a un point nouveau qui apparaît.
    Cela dit, je vais retirer l'amendement.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, conformément au règlement, vous ne pouvez retirer un amendement après l'avoir repris.
    M. Augustin Bonrepaux. Alors, nous allons voter !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je veux dire simplement à M. Bonrepaux qu'il ne doit pas s'étonner qu'on ne réponde pas toujours à ses questions. D'une part, parce que si elles veulent avoir un caractère lancinant et répétitif, elles ne font en réalité que participer à une manoeuvre d'obstruction, comme la demande générale de scrutins publics.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est une question sérieuse, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. J'ai la parole, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'avez pas le droit de dire que c'est de l'obstruction ! C'est une vraie question !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous n'avez pas la parole. Je vous l'ai donnée suffisamment pour que vous écoutiez une seconde.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Bonrepaux, si vous ne voulez pas me laisser parler, ne me posez plus de question. Je m'arrêterai là !
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le président, je demande la parole pour répondre au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jérôme Bignon. Mais le ministre n'a rien dit !
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, puisqu'elle veut répondre au ministre.
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le ministre, vous nous sommez de ne plus poser de question.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Je ne vous ai pas dit cela !
    Mme Ségolène Royal. Nous essaierons donc de nous discipliner, mais vous conviendrez tout de même que nous sommes ici à l'Assemblée nationale. Nous sommes là pour débattre.
    Nous vous avons posé des questions très précises.
    M. Jean-Luc Warsmann. Elles n'ont pas de rapport avec le débat. Nous discutons d'une loi constitutionnelle et vous posez des questions d'ordre financier et budgétaire !
    Mme Ségolène Royal. Je comprends qu'elles vous embarrassent, parce que vous ne voulez pas nous dire ce soir ce que vous savez sur vos intentions en matière de hausse de la fiscalité locale, en matière de transfert d'impôts nationaux et en matière de différences de pression fiscale entre les différents territoires. Vous ne voulez pas répondre parce que ces questions vous gênent.
    Nous étions déjà dans un théâtre d'ombres puisque nous avons compris que nous n'aurions pas de seconde lecture. Nous avions déjà un débat virtuel. On nous a déjà priés d'accepter que notre droit d'amendement soit étouffé.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est complètement faux !
    Mme Ségolène Royal. Et maintenant, voilà que le Gouvernement refuse de répondre à nos questions.
    M. le président. Madame Royal, je n'ai pas étouffé votre droit de parole ni votre droit d'amendement.
    Mme Ségolène Royal. Pas vous, monsieur le président, mais le comportement du Gouvernement et du président de la commission des lois, qui refusent absolument tous les amendements qui n'ont pas été auparavant verrouillés avec le Sénat, que ces amendements viennent de la droite ou de la gauche d'ailleurs, ce comportement, donc, augure mal de la suite.
    J'ai une autre question précise, monsieur Devedjian. Vous avez annoncé tout à l'heure cinq ou six textes de loi : les lois organiques, les lois simples, les transferts de compétences, l'expérimentation, les transferts financiers, la réforme de la fiscalité locale. Tous ces textes vont-ils venir en première lecture au Sénat ? Comment le Gouvernement va-t-il organiser l'ordre du jour du Sénat ?
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est une question de pure mauvaise foi ! Nous surprenons une fois de plus Mme Royal en flagrant délit de mauvaise foi !
    Mme Ségolène Royal. En faisant adopter l'article 3, vous avez prévu que l'ensemble de cette machinerie, de cette usine à gaz, viendrait en première lecture au Sénat. L'Assemblée nationale aura-t-elle aussi peu de réponses aux questions qu'elle posera au Gouvernement et aussi peu de droit d'amendement ? Ma question est très précise.
    M. Jean-Luc Warsmann. Cette question a été posée ce matin et M. Perben y a répondu très longuement !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Madame Royal, je vais vous dire : je considère que le Gouvernement a le devoir politique de répondre aux questions de l'opposition quand elles sont en relation directe avec le texte qui est en discussion. De plus,...
    Mme Ségolène Royal. Elles le sont ! Les transferts financiers sont au coeur du texte !
    M. le ministre délégué aux libertés locales. ... vous voyez qu'il est impossible de vous répondre !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 138, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "recettes fiscales, insérer les mots : "après dégrèvements. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Gilbert Gantier. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Même avis défavorable que pour l'amendement précédent du même auteur.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 139, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "les autres ressources propres, insérer les mots : "hors emprunts. »
    Même avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 139.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 140, ainsi rédigé :
    « I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article 72-2 de la Constitution, après les mots : "pour chaque catégorie de collectivités, insérer les mots : "et pour ce qui concerne les communes, y compris leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. »
    « II. - En conséquence, dans la première phrase du quatrième alinéa de ce même article, après les mots : "collectivités territoriales, insérer les mots : "et, pour ce qui concerne les communes, y compris leurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. »
    Même avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 140.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE
DU JOUR PRIORITAIRE

    M. le président. J'ai reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement la lettre suivante :

« Paris, le 23 novembre 2002.        

            « Monsieur le président,
    « J'ai l'honneur de vous informer qu'en application de l'article 48 de la Constitution, le Gouvernement demande que la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République se poursuive le mardi 26 novembre 2002, après les questions au Gouvernement, l'après-midi et le soir.
    « Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. »
    L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 22 novembre 2002, de M. le Premier ministre, en application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000), un rapport du conseil d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

4

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Mardi 26 novembre 2002 (*), à neuf heures, première séance publique :
    Discussion de la proposition de loi constitutionnelle, n° 341, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France :
    M. Bernard Roman, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 379).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement.
    Fixation de l'ordre du jour.
    Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, n° 369, relatif à l'organisation décentralisée de la République :
    M. Pascal Clément, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 376),
    M. Pierre Méhaignerie, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 377).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    (*) Lettre de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement en date du 23 novembre 2002.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le samedi 23 novembre, à une heure cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 3e séance
du vendredi 22 novembre 2002
SCRUTIN (n° 54)


sur l'article 4 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (libre administration des collectivités territoriales).

Nombre de votants

44


Nombre de suffrages exprimés

44


Majorité absolue

23


Pour l'adoption

30


Contre

14

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 30 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Contre : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 55)


sur l'amendement n° 77 de Mme Royal après l'article 4 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (incompatibilité entre les mandats de député ou de sénateur et l'exercice d'une fonction exécutive locale).

Nombre de votants

43


Nombre de suffrages exprimés

41


Majorité absolue

21


Pour l'adoption

13


Contre

28

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 4. - MM. Yves Censi, Christian Decocq, Georges Fenech et Gérard Grignon.
    Contre : 26 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstentions : 2. - MM. Emile Blessig et Jacques Briat.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 2. - MM. Patrick Lemasle et Victorin Lurel.
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 56)


sur l'amendement n° 81 rectifié de Mme Royal après l'article 4 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (droit de vote et d'éligibilité des étrangers non ressortissants de l'Union européenne).

Nombre de votants

48


Nombre de suffrages exprimés

48


Majorité absolue

25


Pour l'adoption

12


Contre

36

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 36 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 57)


sur l'amendement n° 79 de Mme Royal et l'amendement n° 126 de Mme Comparini à l'article 5 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (droit de pétition).

Nombre de votants

50


Nombre de suffrages exprimés

50


Majorité absolue

26


Pour l'adoption

22


Contre

28

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 8. - MM. Emile Blessig, Jacques Briat, Yves Censi, Christian Decocq, Jean-Pierre Door, Georges Fenech, Gérard Grignon et Jean-Luc Warsmann.
    Contre : 28 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 9 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
    Pour : 1. - M. Alfred Marie-Jeanne.

SCRUTIN (n° 58)


sur l'amendement n° 170 de M. Dosière à l'article 5 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (extension de la consultation aux habitants de la collectivité territoriale concernée par l'acquisition d'un statut particulier ou par une modification de son organisation).

Nombre de votants

51


Nombre de suffrages exprimés

51


Majorité absolue

26


Pour l'adoption

12


Contre

39

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 39 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 59)


sur le sous-amendement n° 219 de M. Montebourg à l'amendement n° 82 de Mme Royal à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (contrôle par les citoyens de l'usage des finances publiques par les collectivités locales).

Nombre de votants

52


Nombre de suffrages exprimés

52


Majorité absolue

27


Pour l'adoption

12


Contre

40

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 38 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 60)


sur le sous-amendement n° 241 de M. Bonrepaux à l'amendement n° 82 de Mme Royal à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (conditions d'évaluation et de contrôle de l'utilisation des dépenses publiques).

Nombre de votants

56


Nombre de suffrages exprimés

56


Majorité absolue

29


Pour l'adoption

14


Contre

42

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 40 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 61)


sur le sous-amendement n° 240 de M. Bonrepaux à l'amendement n° 82 de Mme Royal à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (rapport annuel à l'Assemblée nationale et au Sénat sur l'utilisation des crédits publics).

Nombre de votants

59


Nombre de suffrages exprimés

59


Majorité absolue

30


Pour l'adoption

14


Contre

45

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 43 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 62)


sur l'amendement n° 82 de Mme Royal à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (fixation de principes visant à garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales).

Nombre de votants

60


Nombre de suffrages exprimés

60


Majorité absolue

31


Pour l'adoption

14


Contre

46

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 44 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 63)


sur l'amendement n° 190 de M. Balligand à l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (corrélation entre les principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités locales).

Nombre de votants

48


Nombre de suffrages exprimés

48


Majorité absolue

25


Pour l'adoption

14


Contre

34

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 32 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).