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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 27 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 26 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Vote et éligibilité des étrangers aux élections locales. - Discussion d'une proposition de loi constitutionnelle «...».
M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Manuel Valls,
Rudy Salles,
André Gerin,
Thierry Mariani,
Philippe de Villiers,
Mme
Elisabeth Guigou,
MM.
Etienne Pinte,
Bruno Le Roux,
Jean Leonetti,
Michel Destot,
Georges Siffredi,
Yves Jego,
Pierre Cardo,
Eric Raoult.
Clôture de la discussion générale.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois.
M. le rapporteur.
M. le secrétaire d'Etat.

Rappel au règlement «...»

M. Jean-Marc Ayrault.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. le secrétaire d'Etat.

VOTE SUR LE PASSAGE
À LA DISCUSSION DE L'ARTICLE UNIQUE «...»

MM.
Claude Goasguen,
Jean Le Garrec,
André Gerin,
Rudy Salles.
L'assemblée, consultée par scrutin, décide de ne pas passer à la discussion de l'article unique ; la proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

VOTE ET ÉLIGIBILITÉ DES ÉTRANGERS
AUX ÉLECTIONS LOCALES
Discussion d'une proposition de loi
constitutionnelle

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (n°s 341, 379).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, mes chers collègues, le groupe socialiste vous soumet ce matin une proposition de loi constitutionnelle qui vise à accorder aux résidents étrangers non ressortissants de l'Union européenne le droit de vote et d'égibilité aux élections des conseils des collectivités territoriales : conseils municipaux, généraux et régionaux, Assemblée de Corse et conseils des collectivités territoriales d'outre-mer.
    Nous avons longuement débattu la semaine dernière - et nous poursuivons cette discussion cet après-midi - de cette « République des proximités » chère au coeur du Premier ministre. Il est vrai qu'il s'agit surtout pour M. Raffarin d'une République sénatoriale.
    M. Michel Hunault. Cela commence bien !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Nous préférons quant à nous que la proximité s'adresse aux citoyens, et c'est dans ce cadre que s'inscrit le texte que nous présentons.
    M. Jean Leonetti. Vous auriez pu attendre un peu avant de déraper, monsieur Roman !
    M. Michel Hunault. On commence tôt le mardi ! (Sourires.)
    M. Bernard Roman, rapporteur. Permettez-moi, mes chers collègues, de présenter, du haut de la tribune de l'Assemblée nationale, les convictions que j'ai à défendre au nom de mon groupe,...
    M. Michel Hunault. Vous n'êtes pas très nombreux !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... même si vous ne les partagez pas et que vous vous y opposez.
    M. Manuel Valls. Très juste !
    M. Thierry Mariani. Cela veut-il dire qu'il vous reste des convictions ?
    M. Bernard Roman, rapporteur. Le Président de la République et le Premier ministre ont récemment assuré vouloir améliorer l'accueil des étrangers en situation régulière. C'est pourquoi je m'étonne des réticences de la majorité à soutenir notre proposition. Aujourd'hui, 3,2 millions d'étrangers résident en France, dont 80 % disposent d'un titre de séjour d'une durée de validité de dix ans.
    M. Robert Pandraud. L'étonnant, c'est que vous en soyez étonné !
    M. Bernard Roman, rapporteur. La démocratie de proximité restera un processus inachevé aussi longtemps que ces personnes verront leurs droits s'arrêter à la porte des bureaux de vote, alors qu'elles sont intégrées, paient leurs impôts et leurs cotisations sociales, participent à la vie de l'entreprise, s'engagent dans des mouvements associatifs et sont, pour l'essentiel, parents d'enfants français.
    La question pour ces résidents étrangers n'est pas, et depuis longtemps, celle de l'intégration. Elle est celle de l'égalité des droits. Et s'ils ne sont pas, pour des raisons diverses, Français, ils appartiennent, tout autant que d'autres, à « la France d'en bas », dont vous assurez comprendre les préoccupations.
    Ainsi, ils attendent de nous que nous leur donnions ce droit qui leur manque : celui de choisir leurs représentants dans les collectivités locales, ou de s'y engager eux-mêmes. En prenant en compte cette espérance, ce texte est donc plus que jamais d'actualité.
    Ce texte est aussi nécessaire, car une véritable rupture d'égalité existe en France depuis la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, qui a accordé le droit de vote et d'éligibilité aux ressortissants communautaires pour les élections municipales.
    Il est de plus en plus anachronique de laisser persister une situation qui a pour effet de stigmatiser davantage les personnes venant de pays extérieurs à l'Union européenne. Car si l'association des étrangers à l'exercice de la démocratie locale est mise en oeuvre à l'initiative de certains maires, bien souvent de gauche d'ailleurs, au sein de structures de concertation et de consultation, notamment des conseils de quartier, ces initiatives ne sont plus suffisantes. En effet, le juge administratif a systématiquement censuré les délibérations de communes organisant les élections de conseillers associés représentant les résidents étrangers, de même que les délibérations prises par les conseils municipaux en leur présence.
    La majorité de gauche avait proposé, lors de l'examen du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, par le biais d'un amendement déposé par notre collègue M. Dosière, que la consultation des habitants de la commune soit ouverte à toute personne concernée par les décisions communales. C'etait un progrès, et l'Assemblée d'alors avait voté cette disposition. Toutefois, l'opposition du Sénat nous avait empêchés d'aller plus loin.
    Le présent texte est donc opportun et nécessaire,...
    M. Thierry Mariani. Que ne l'avez-vous proposé avant ?
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... mais il est aussi urgent. En effet, en ce domaine, nous sommes la lanterne rouge de l'Europe.
    M. Thierry Mariani. C'est faux ! C'est une contre-vérité !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Vous présenterez vos arguments, tout à l'heure, monsieur Mariani. En tout cas, je vous renvoie à mon rapport écrit, dans lequel figure un tableau précis de toutes les avancées qui existent en la matière dans les pays de l'union européenne.
    La France est un des rares pays européens à ne pas avoir avancé en la matière, avec le Luxembourg, la Grèce et l'Autriche.
    M. Thierry Mariani. Et l'Allemagne !
    M. Bernard Roman, rapporteur. L'Irlande, la Suède, le Danemark et les Pays-Bas accordent d'ores et déjà - et certains de ces pays depuis longtemps - le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers qui résident dans le pays depuis une période plus ou moins longue. L'Allemagne, monsieur Mariani, s'apprête à le faire...
    M. Thierry Mariani. C'était déjà dans le programme du SPD il y a quatre ans, et il n'a rien fait !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... et devrait prochainement attribuer ce droit à tous les résidents étrangers vivant dans le pays depuis au moins un an.
    M. Thierry Mariani. Les socialistes allemands ne tiennent pas plus leurs promesses que les socialistes français ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Mariani, laissez parler le rapporteur !
    M. André Gerin. M. Mariani est intolérant !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Monsieur le président, si l'idée que l'on puisse, dans notre pays, accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales chatouille certains de nos collègues, M. Mariani, lui, est tout excité ! (Sourires.)
    M. Alain Vidalies. Très juste !
    M. Thierry Mariani. Je le répète, les socialistes allemands ne tiennent pas plus leurs promesses que les socialistes français !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Notre pays, qui s'est historiquement distingué pour son action en faveur des droits de l'homme, risque désormais de se singulariser - et de s'isoler - par son inaction et ses discriminations.
    J'entends - et j'ai entendu en commission des lois - vos critiques et parfois vos sarcasmes, mesdames et messieurs de la majorité. Vous feignez l'incompréhension : pourquoi, dites-vous, les socialistes n'ont-ils pas inscrit à l'ordre du jour du Sénat la proposition de loi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale le 3 mai 2000 ? Mais pourquoi l'aurions-nous inscrite, monsieur Mariani ?
    M. Thierry Mariani. Je n'ai rien dit !
    M. Bernard Roman, rapporteur. C'est vous qui avez posé la question, y compris en commission. Pourquoi l'aurions-nous inscrite, disais-je, puisqu'elle ne pouvait aboutir, étant donné l'hostilité avérée affichée de la seconde chambre ?
    Puis-je vous rappeler - mais je suppose que les députés appartenant à la majorité et le représentant du Gouvernement le savent - que, sous la précédente législature, le Sénat était sans doute moins conciliant qu'aujourd'hui avec la majorité de notre assemblée ! Le Gouvernement de Lionel Jospin - et il a eu raison - a donc privilégié les textes susceptibles d'être définitivement adoptés.
    J'entends aussi votre argumentation sur le lien entre la nationalité et la citoyenneté. Vous en faites un dogme. Eh bien, pas moi ! Sans doute ce lien peut-il se justifier s'agissant d'élections nationales qui mettent en jeu l'exercice de la souveraineté, mais il perd sa cohérence quand il ne s'agit que d'élections locales.
    Au niveau local, ce qui doit primer, c'est l'universalité du suffrage universel. J'attends que vous m'expliquiez pourquoi vous en refusez l'exercice à des femmes et des hommes installés régulièrement dans notre pays, et depuis très longtemps pour certains d'entre eux. N'oublions jamais, mes chers collègues, que pour une grande majorité d'entre eux, c'est nous qui sommes allés les chercher parce que notre pays avait besoin d'eux.
    M. Thierry Mariani. C'était il y a quarante ans. Ce n'est plus vrai aujourd'hui !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Les maintenir au rang de citoyens de seconde zone est tout simplement scandaleux !
    Tout le monde peut admettre qu'au niveau local, la citoyenneté se fonde sur la résidence et non la nationalité. Les conseils des collectivités territoriales, qui gèrent quotidiennement la vie de leurs habitants, doivent être l'expression de l'ensemble de ceux-ci. D'ailleurs, dans l'ensemble de nos collectivités, notamment dans nos communes, le nombre de conseillers est fixé en fonction de la population recensée par l'INSEE, indépendamment de la nationalité des habitants. Dans certaines de nos banlieues, la proportion d'habitants privés du droit de vote peut atteindre 20 à 40 % ; or ces 20, 30 ou 40 % d'habitants privés de droit de vote sont pris en compte pour le calculer le nombre des conseillers municipaux qui représenteront la population !
    M. Jean Marsaudon. Et alors !
    M. Bernard Roman, rapporteur. C'est pourquoi nous proposons d'accorder un statut de citoyenneté de résidence pour les étrangers installés régulièrement et durablement en France, lequel pourrait être acquis au terme de cinq années de résidence.
    Nous sommes, nous les membres du groupe socialiste, les héritiers de Jaurès (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Claude Goasguen. Vous ne l'avez jamais lu !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... et, comme lui, nous voulons la « démocratie jusqu'au bout ». Dans une démocratie aboutie, le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales est nécessaire à la reconnaissance d'une pleine citoyenneté des résidents étrangers.
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Bernard Roman, rapporteur. C'est pourquoi nous le plaçons au début plutôt qu'au terme d'un processus.
    Le Premier ministre a récemment confirmé qu'il préfère privilégier l'acquisition de la nationalité.
    M. Robert Pandraud. Il a raison !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Il s'agit naturellement d'un objectif nécessaire, et il est important de faciliter les procédures. Toutefois, ce ne peut être un objectif exclusif et encore moins une obligation. La citoyenneté, à tout le moins au niveau local, ne se réduit pas à la nationalité. Si ce qui est vrai pour les ressortissants européens ne peut pas l'être pour les non-Européens, alors, il faudra que vous nous expliquiez le sens que vous donnez à cette différenciation, je pourrais dire à cette discrimination. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Claude Goasguen. La différence, c'est l'Europe. C'est facile à comprendre !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Mes chers collègues, cette proposition de loi fait appel aux convictions les plus fondamentales de chacun d'entre nous. le groupe socialiste présente ce texte au nom d'un idéal républicain. Nous pensons que les mêmes droits doivent être reconnus à toutes les femmes et à tous les hommes qui vivent dans notre pays,...
    M. Jean-Marc Ayrault. Très bien !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... pourvu que leur résidence soit régulière, durable,...
    M. Thierry Mariani. Pendant combien d'années ?
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... ce qui est bien le cas des personnes auxquelles s'adresse la réforme que nous proposons ce matin.
    Le principe d'égalité auquel se réfère notre République ne s'accommode pas de la moindre discrimination ! Nous nous honorerions en l'admettant, en faisant nôtre cet écrit d'Albert Camus dans ses Carnets : « Si l'homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Thierry Mariani. Vous avez échoué longtemps et cela va continuer !
    M. Manuel Valls. M. Mariani est convaincu !
    M. Claude Goasguen. Vous avez consulté le Dictionnaire des citations à la rubrique « Camus », monsieur Roman ? Cette citation peut s'appliquer à n'importe quoi !
    M. André Gerin. Vous, monsieur Goasguen, vous mériteriez de figurer dans le Guiness des records.
    M. Manuel Valls. En tout cas, lui n'y est pas !
    M. Claude Goasguen. J'y serai certainement avant vous, mon cher ami !
    M. Manuel Valls. Ce n'est pas sûr !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.
    M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi qui vous est soumise par M. Roman et par ses collègues du groupe socialiste vise à modifier notre Constitution afin de conférer aux étrangers qui résident en France et ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne le droit de vote et le droit d'éligibilité pour l'élection des conseils de toutes les collectivités territoriales.
    Avant de vous faire part de l'avis du Gouvernement sur cette proposition de loi constitutionnelle et évoquer le contexte social et institutionnel dans lequel elle s'inscrit, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du garde des sceaux, Dominique Perben, retenu loin de Paris par des engagements prévus de longue date.
    La France, vous l'avez dit, monsieur le député, est un pays de migrations. Une partie importante de la population française est d'ailleurs issue de l'apport continuel de ces migrants qui ont construit notre pays au cours des siècles. Ces migrations se sont poursuivies, et, aujourd'hui, vous l'avez d'ailleurs rappelé, plus de 4 millions d'étrangers vivent sur notre sol. En outre, notre pays reste un lieu de destination pour de nombreux étrangers, aux origines de plus en plus diverses.
    La tradition républicaine d'accueil de la France à l'égard des étrangers s'est toujours accompagnée d'une volonté d'intégration, et même d'assimilation, des populations étrangères dans la société française : c'est là une donnée fondamentale de l'idée républicaine de la nation.
    Force est cependant de constater, et d'avoir le courage de reconnaître, que cette volonté d'intégration a aujourd'hui, hélas ! plus d'assise dans les mots que dans les faits. Le modèle d'intégration républicaine est en panne, monsieur le député. Plus grave, la République se fissure parce que beaucoup de ceux qui la composent ne se parlent plus, ne s'écoutent plus et ne se respectent plus, et parce que ceux qui avaient vocation à la diriger ont privilégé trop longtemps le silence gêné ou les leçons de morale déplacées.
    M. Claude Goasguen. Bravo !
    M. Jean Leonetti. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Dans ce contexte, la conviction du Gouvernement est double. D'une part, nous pensons que cette proposition de loi fait fausse route : elle ne répond pas à l'objectif qu'elle prétend poursuivre et elle ne répond pas non plus aux besoins de notre République. D'autre part, nous avons la ferme conviction que ce dont notre pays a besoin, c'est de ressouder son pacte républicain, et cela passe d'abord par une véritable politique d'intégration, à la fois généreuse, réaliste et ambitieuse. Afin que les choses soient tout à fait claires sur ce sujet complexe, je voudrais évoquer avec vous successivement ces deux points.
    La proposition de loi constitutionnelle qui vous est soumise contient un certain nombre de contradictions et d'incohérences juridiques fortes. Mais, plus grave encore, elle ne me semble pas répondre aux objectifs que ses auteurs lui assignent, et ceci pour une raison simple que je détaillerai dans quelques instants : elle rompt un lien capital à nos yeux, le lien qui, sans discontinuer en France depuis 1789, unit la nationalité et la citoyenneté.
    M. Jean Leonetti. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Avant d'aborder cette question de fond, je voudrais vous faire part d'un certain nombre d'observations qui visent à mettre en évidence plusieurs insuffisances, contradictions ou incohérences du texte qui est proposé.
    D'abord, monsieur le député, je voudrais observer que votre proposition de loi est relative à des ressortissants étrangers qui, par leur nationalité, conservent un lien d'allégeance avec leur Etat d'origine.
    Or le principe essentiel, fondamental, qui gouverne les relations entre les Etats et leurs ressortissants, c'est celui de la réciprocité. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je crois pourtant comprendre que, dans l'esprit du texte que vous proposez, il ne s'agirait à aucun moment d'exiger l'application de ce principe de réciprocité. Ainsi, un citoyen de nationalité algérienne ou marocaine, par exemple, pourrait voter à la fois dans son pays d'origine et dans le nôtre, alors qu'un citoyen français installé en Algérie ou au Maroc ne pourrait exercer ce même droit dans ces pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman, rapporteur. Comme les doubles nationaux aujourd'hui !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. En l'état de nos engagements internationaux, le processus de construction d'une citoyenneté européenne est le seul fondement cohérent de la reconnaissance à des étrangers du droit d'être électeur, voire d'être éligible.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Or votre proposition a un champ beaucoup plus étendu que les textes qui ont autorisé des étrangers ressortissants de l'Union européenne à participer à certains scrutins politiques, au moins à deux égards.
    Premièrement, monsieur le député, le texte que vous présentez vise à accorder le droit de vote et le droit d'éligibilité aux étrangers extra-communautaires à tous les scrutins locaux : élections des conseils municipaux, des conseils généraux et des conseils régionaux.
    M. André Gerin. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Ainsi, ce que notre charte fondamentale, en conformité avec nos engagements internationaux, n'a pas reconnu aux étrangers de l'espace européen, vous proposez de le donner ici aux ressortissants des autres Etats du monde.
    M. Ghislain Bray. Voilà !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Je relève le paradoxe de cette proposition de loi constitutionnelle, qui justifiait sans doute quelques réactions tout à l'heure dans cet hémicycle, qui ne tient aucunement compte de l'état d'avancée du processus de la citoyenneté européenne.
    M. Claude Goasguen. Très juste !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. A telle enseigne qu'elle vient à conférer moins de droits à ses détenteurs qu'aux personnes qui lui sont extérieures. C'est d'ailleurs sans doute pour tenter d'y remédier que vous avez déposé in extremis un amendement.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Pas in extermis, en même temps que le texte, monsieur le secrétaire d'Etat !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Au-delà du paradoxe qu'il y aurait à inscrire dans la Constitution française une telle incohérence, il est permis de se demander si cette dernière ne pourrait pas être qualifiée de discrimination en droit communautaire, exposant ainsi la France à une censure de la Cour de justice. Vous conviendrez avec moi que cela serait un comble.
    Deuxièmement, je relève que contrairement à la rédaction retenue par le constituant, le 25 juin 1992, la présente proposition de loi ne prévoit aucune limitation relative à l'exercice des fonctions de maire, d'adjoint au maire et de toute fonction qui appelle leurs titulaires à participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs.
    La rédaction de l'article 88-3 de la Constitution, vous le savez, prévoit pourtant expressément cette réserve en ce qui concerne les étrangers ressortissants d'un Etat de l'Union européenne, réserve qui trouve précisément sa raison d'être dans la combinaison des articles 3 et 24 de la Constitution.
    M. Manuel Valls. Arguties juridiques !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Ces deux articles laissent aux seuls citoyens français le soin de désigner les sénateurs, lesquels exercent la souveraineté nationale.
    Or les délégués des conseillers municipaux, les conseillers généraux, les conseillers régionaux et les conseillers de l'assemblée de Corse participent à l'élection des sénateurs.
    L'adoption du texte que vous proposez reviendrait donc à provoquer une seconde contradiction dans notre ordre constitutionnel, laquelle aurait pour effet fâcheux de conférer davantage de droits aux ressortissants d'Etats qui ne se sont pas engagés avec la France dans le processus de construction de la citoyenneté européenne, qu'aux nationaux des Etats qui, eux, poursuivent cet objectif. Cela commence, vous en conviendrez, à faire beaucoup.
    J'ajouterai qu'il ne me paraît pas possible d'établir une comparaison avec la participation des étrangers à des élections non politiques. Vous le constatez, monsieur le député, nous avons le souci d'évoquer librement avec vous tous ces aspects.
    Comme vous le soulignez dans l'exposé des motifs de la présente proposition de loi constitutionnelle, les étrangers sont d'ores et déjà titulaires du droit de vote et du droit d'éligibilité en matière sociale : ils peuvent désigner et être élus délégués syndicaux, délégués du personnel, membres de comités d'entreprises, représentants des assurés sociaux.
    Mais enfin, il s'agit là de la participation à des élections professionnelles et non à des scrutins politiques. Or ces élections professionnelles sont détachables de la qualité du citoyen et renvoient à l'exercice par chaque électeur d'une profession ou d'une activité.
    L'exercice des droits civiques ne peut évidemment pas se confondre avec la contribution que chacun apporte à la vie économique et sociale. Les droits et obligations qui sont attachés à l'un comme à l'autre sont différents. C'est bien la souveraineté politique qui est en cause aujourd'hui, et vous-même devez en être au moins partiellement convaincu puisque je n'ai pas eu le sentiment que cet argument était le plus fort de votre exposé.
    M. Manuel Valls. Tous les arguments sont forts !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Mais l'opposition du Gouvernement à ce texte ne se fonde pas seulement sur la série d'observations que je viens de faire. Elle repose sur une raison plus profonde encore. Votre texte, s'il était adopté, provoquerait la rupture du lien entre la nationalité et la citoyenneté, et sur ce point nous marquons un désaccord majeur.
    La présente proposition de loi fait fausse route, en ce sens qu'elle risque de manquer l'objectif qu'elle dit poursuivre, en inversant la logique éprouvée de l'intégration. Le véritable enjeu, pour les étrangers durablement installés sur notre territoire, est celui de l'insertion dans la communauté nationale. Et nous ne souhaitons pas, pour notre part, que cette intégration s'opère au rabais, sous la forme d'une espèce de « sous-citoyenneté ». Pour nous, cette insertion dans la communauté nationale repose sur une citoyenneté à part entière, grâce à l'acquisition de la nationalité française. Celle-ci se traduit par l'appartenance à une communauté humaine nationale, ce qui constitue un enjeu symbolique et réel beaucoup plus large que la seule participation à la vie locale à travers le droit de vote. L'accès à la nationalité française confère en effet un ensemble de droits et de devoirs communs à tous les ressortissants. Il confère en outre une communauté de valeurs vécue à la fois comme un facteur et comme un aboutissement du processus d'intégration des étrangers.
    A cet égard, notre droit de la nationalité est particulièrement ouvert.
    D'une part, il n'exige pas que la personne étrangère, qui peut être légitimement attachée à ses origines, renonce systématiquement à sa nationalité première en devenant française. Notre droit interne admet en effet le principe de la binationalité, sauf à l'égard de certains Etats européens auxquels la France est liée par la convention du Conseil de l'Europe du 6 mai 1963.
    D'autre part, notre droit prévoit de multiples procédures permettant aux personnes étrangères de devenir françaises selon des conditions particulièrement favorables, si on les compare notamment à celles de nos voisins européens. Ainsi, les jeunes étrangers nés en France et y ayant résidé durant cinq ans peuvent accéder à la nationalité française à leur majorité. De même, la personne étrangère mariée à un conjoint français peut, sous certaines conditions, accéder à la nationalité française. Enfin, s'agissant des personnes qui n'ont vocation à devenir françaises ni par la naissance en France ni par le mariage, le droit commun de l'acquisition de la nationalité française est la naturalisation.
    C'est précisément sur l'amélioration du traitement des procédures de naturalisation que le Gouvernement entend porter ses efforts.
    A cet égard, il convient de rappeler que tout étranger majeur vivant en France depuis cinq ans, et dans certains cas depuis une plus courte période, peut demander à être naturalisé français, dès lors qu'il est en situation régulière, n'a pas subi de condamnations et qu'il justifie d'une autonomie matérielle et d'une aptitude minimale à l'usage de la langue.
    La procédure de naturalisation a déjà fait l'objet de mesures de rationalisation, et le ministre des affaires sociales prépare des mesures de même nature, afin d'accélérer le traitement des dossiers pour parvenir à un délai d'instruction raisonnable, de l'ordre d'une année, et en tous cas inférieur à dix-huit mois. Cela aussi contribue à la vocation qui est la nôtre de réduire ces situations insupportables de non-droit.
    Le même effort doit être fait pour réduire les délais d'instruction des demandes de droit d'asile. J'y reviendrai dans un instant.
    Pour toutes ces raisons, nous avons la ferme conviction que le texte que vous proposez n'apporte pas la réponse que notre pays attend. L'approche doit être d'une autre nature, monsieur le député. Pendant trop longtemps, on a fermé les yeux, on a laissé notre République se fissurer en silence. Et ce dont la France a aujourd'hui besoin, c'est d'une véritable politique publique de l'intégration...
    M. Guy Geoffroy. Très bien.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... structurée et coordonnée, capable de recréer ce « vouloir vivre ensemble » qui fonde la cohésion d'une nation, que beaucoup semblent aujourd'hui oublier. Car comme l'a rappelé le Premier ministre, « la Marseillaise sera d'autant moins sifflée qu'elle sera entonnée par tous ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Une politique de l'intégration, c'est d'abord un objectif politique : c'est faire que les enfants de l'immigration qui vivent dans notre pays aient tous les mêmes droits et les mêmes devoirs. C'est aussi faire en sorte que les enfants de l'immigration puissent échapper à cette alternative sans issue entre deux images : celle de Zidane, c'est-à-dire l'inaccessible, et celle du jeune dealer du quartier qui gagne plus qu'un jeune diplômé, c'est-à-dire l'inacceptable. C'est donc faire en sorte que les enfants de l'immigration, comme tous les enfants qui grandissent en France, puissent tracer leur chemin de vie et de réussite, pour eux-mêmes, pour leur famille, et pour leur seul pays, la France.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Ceux-là sont Français. Ce n'est pas d'eux qu'il s'agit.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Cette refondation repose sur trois piliers.
    D'abord, c'est une politique de l'immigration assumée, à la fois humaine et ferme, ouverte et réaliste. Cela consiste à avoir le courage de dire qu'il est impossible d'accueillir sur notre sol tous ceux qui le désireraient et d'être capable de réformer la procédure du droit d'asile, afin de réduire les délais qui sont devenus insupportables, inacceptables, inhumains. Le Gouvernement s'est ainsi engagé à réduire les délais d'instruction des demandes d'asile d'ici au 1er janvier 2004 : l'objectif est de réduire ces délais - qui, vous le savez, monsieur le député, atteignent aujourd'hui deux ans en moyenne - dans un premier temps à une moyenne de deux mois, puis à terme à un mois. Enfin, en corollaire de cette réforme, il nous faudra organiser efficacement la politique de retour en multipliant les accords avec les pays-source. Le ministre de l'intérieur a déjà mis en place, vous le savez, des « filières positives » avec la Roumanie et l'Afghanistan, d'autres accords sont en cours, par exemple avec le Mali ou la Bulgarie. Dans ce domaine aussi, le pragmatisme reste au coeur de notre méthode. Pour la première fois, un Gouvernement gère le dossier de l'immigration à sa racine, en amont.
    Mme Hélène Mignon. A sa façon !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Et ce n'est pas par hasard si la France a fait pression, à Johannesburg, auprès de la communauté internationale, pour relancer l'aide publique au développement, en commençant d'ailleurs à montrer elle-même l'exemple, comme le prouve le budget 2003, puisque les crédits consacrés à l'aide au développement, après avoir été quelque peu malmené, ces dernières années, progressent de 24 %.
    Le deuxième pilier sur lequel nous voulons nous appuyer, c'est le « contrat d'intégration » que le Président de la République a proposé à Troyes le 14 octobre dernier. Celui-ci a vocation à définir les droits et les devoirs des étrangers arrivant sur notre sol : tout nouvel immigrant sera inscrit dans un parcours lui donnant notamment accès à une formation et à l'apprentissage du français.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Ce n'est pas d'eux qu'il s'agit !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il ouvrira droit à une série de prestations de formation au français, d'orientation vers la formation professionnelle et d'accès au service public de l'emploi. Il devra aussi contribuer à faire connaître et partager les valeurs de la société française, dans le respect de la diversité de chacun.
    Oui, mesdames, messieurs les députés, notre ambition est de recréer un lien social, ce lien dont l'affaiblissement fragilise la nation tout entière. Ce « contrat d'intégration » y contribuera, en suscitant une volonté renouvelée d'adhésion à la République, en assurant l'égalité des droits et en rétablissant l'égalité des chances.
    Cela nous conduit au troisième et dernier pilier de notre politique : la lutte contre toute forme d'intolérance et de discrimination. Il s'agit de combattre tous les jours les mille et une discriminations de la vie quotidienne : accès à l'emploi, au logement, au loisir... Dans cet esprit, le Gouvernement a engagé des démarches en vue de créer une autorité administrative indépendante : ce sera une structure de médiation chargée de lutter contre toutes formes de discriminations. Nous nous attacherons aussi à valoriser et à promouvoir l'exemplarité en mettant à l'honneur les talents et les savoirs des hommes et des femmes issus de l'immigration et qui sont l'honneur de la France.

    Voilà en quelques mots, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les grandes lignes de notre politique d'intégration. Nous la voulons à la fois généreuse et réaliste. Cette recherche de pragmatisme, à l'opposé de tous les dogmes et de toutes les idéologies qui paralysent depuis trop longtemps notre république, sera un gage d'efficacité. C'est, avec le rétablissement de l'autorité de l'Etat, la meilleure réponse à apporter au message que nous ont adressé les Français le 21 avril dernier.
    Quant au droit de vote, ce débat ne doit pas occulter, je le répète, celui plus fondamental sur l'acquisition de la nationalité. Il y a aujourd'hui 100 000 acquisitions de nationalité par an dans notre pays. La réponse la plus adéquate consiste à clarifier les conditions d'attribution de la nationalité française aux étrangers vivant en France depuis longtemps et qui aspirent à participer plus activement à la vie locale de leur cité. C'est sur ce terrain-là que le Gouvernement entend agir en matière d'intégration des personnes étrangères durablement installées en France. Ainsi que le Premier minsitre l'a indiqué en installant le Haut Conseil à l'intégration le 24 octobre dernier : « N'ouvrons pas la porte du droit de vote aux étrangers pour refermer celle de l'accès à la nationalité ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Manuel Valls.
    M. Eric Raoult. Il est commis d'office ?
    M. Manuel Valls. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, chers collègues, le moment semble venu d'avoir un débat serein et dépassionné sur le vote et l'éligibilité des étrangers non communautaires. La contribution d'Yves Jégo, qui vient s'ajouter, après d'autres, aux propos de Gilles de Robien ou de Jean-Louis Borloo, vos collègues, monsieur le secrétaire d'Etat, rend pertinente l'inscription d'un tel débat à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale aujourd'hui.
    M. Eric Raoult. Un mardi matin ?
    Mme Hélène Mignon. Pour nous, c'est le seul moment possible !
    M. Manuel Valls. Les esprits ont évolué, et nos concitoyens semblent désormais prêts à une telle avancée. J'espère simplement que chacun en est conscient.
    M. Thierry Mariani. Vous avez eu cinq ans pour le faire !
    M. Eric Raoult. Et même vingt-deux ans !
    M. Claude Goasguen. Ils n'ont pas osé !
    M. Manuel Valls. Mais, au-delà du vote en lui-même, c'est bien la construction d'un nouveau rapport à la nation et à la République qui est en jeu. L'idée de nation est en crise. Les Français ne comprennent plus ce que nous entendons par vivre ensemble. Et c'est notre pacte républicain, vous le disiez il y a un instant, monsieur le secrétaire d'Etat, qui s'en trouve miné.
    En n'adaptant pas notre conception à la mondialisation...
    M. Pierre Cardo. L'internationale socialiste, c'est cela, la mondialisation ?
    M. Manuel Valls. ... à la construction européenne, mais surtout aux évolutions de notre société, nous n'avons pas, collectivement, servi l'idée de la nation.
    M. Guy Geoffroy. La belle affaire ! Vous en êtes seuls responsables !
    M. Manuel Valls. Nous l'avons même affaiblie, ce qui a fait le jeu du Front national. (« Quel aveu ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Abandonner cette thématique, les valeurs communes, aux extrémistes, est proprement insupportable.
    M. Rudy Salles. C'est vous qui dites cela ?
    M. Manuel Valls. C'est donc aux politiques de reprendre l'initiative pour redonner du sens. Si nous présentons à nouveau une proposition de loi constitutionnelle aujourd'hui, malgré le vote positif de l'Assemblée nationale le 3 mai 2000, à l'initiative de notre collègue Noël Mamère et grâce à la gauche, c'est bien parce que nous pensons que nous n'avons pas fait preuve, les uns et les autres, de suffisamment d'audace sur ces questions.
    M. Eric Raoult. Il dit cela sans rire !
    M. Manuel Valls. C'est tout à l'honneur de notre groupe et de Bernard Roman de reprendre le fil du débat.
    M. Jean Marsaudon. Quel courage !
    M. Manuel Valls. Oui, la nation, si je reprends la définition de Renan, reste un principe spirituel mais elle ne doit pas être une affaire de couleur de peau, de religion ou d'origine.
    M. Claude Goasguen. Nous, nous n'avons jamais dit ça.
    M. Georges Siffredi. En plus, ça n'a rien à voir.
    M. Manuel Valls. La nation, c'est un avenir commun à construire. Il faut rétablir l'ascenseur social.
    M. Eric Raoult. C'est le bulletin de salaire qui compte, pas le bulletin de vote !
    M. Manuel Valls. Par l'école, d'abord, qui doit être au coeur du pacte. Il faut enseigner la citoyenneté, le respect, et transmettre la mémoire mais aussi redonner leur force à la loi et à l'autorité républicaine. Ce sont quelques-unes des composantes qui participeraient à la résurgence de nouveaux repères consolidant ainsi la communauté nationale.
    Derrière la bataille du vote se profile le défi de l'intégration.
    M. Guy Geoffroy. L'intégration passe par la naturalisation !
    M. Manuel Valls. L'intégration à la française marche mal ou ne marche plus. Notre modèle n'assimile plus, il n'intègre pas, il exclut. Nous cumulons les inconvénients du système anglo-saxon, son communautarisme, d'ailleurs sans ses avantages qui assurent des formes de promotion sociale, et les blocages de notre modèle républicain d'intégration.
    M. Thierry Mariani. C'est le bilan de cinq ans de Jospin !
    M. Manuel Valls. Monsieur Mariani, au vu des résultats aux élections cantonales d'Orange, nous n'avons pas de raison d'être très fiers ni les uns ni les autres.
    M. Thierry Mariani. Surtout quand on voit les résultats de la gauche : les deux candidats ont fait moins de 15 % !
    M. Manuel Valls. C'était un canton de droite, monsieur Mariani !
    La blessure coloniale, qui n'est toujours pas refermée faute d'une clarification de notre pays sur des heures troubles de son histoire, la mise en oeuvre d'une ségrégation sociale, territoriale, ethnique, voilà dont souffrent principalement - et elles ne sont pas les seules - les populations qui bénéficieront de l'extension du vote aux extra-communautaires.
    La France ne doit pas se contenter d'exiger, elle doit aussi donner.
    Les populations issues de l'immigration installées depuis longtemps sont surtout une richesse. Leur apport est incontestable. Nous devons donc nous donner les moyens de les intégrer pleinement à la communauté nationale.
    M. Yves Censi. Nous sommes d'accord là-dessus.
    M. Guy Geoffroy. L'intégration, c'est la naturalisation !
    M. Manuel Valls. Dire ce que je viens de dire, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas renoncer à maîtriser les flux migratoires, à lutter avec détermination contre les réseaux favorisant l'immigration clandestine. Une politique européenne d'immigration...
    M. Pierre Cardo. Vous l'avez laissée cinq ans dans vos tiroirs !
    M. Manuel Valls. ... et de véritables mécanismes de coopération et d'aide au développement avec le Sud sont, nous le savons, plus que jamais indispensables.
    Ce contrat, cette démarche que certains d'entre vous proposent, fixant les droits à l'éducation, au logement, à la santé, et les devoirs, respect de nos règles et de nos lois - et la démarche, je le répète, est intéressante - ne peut pas se limiter aux seuls nouveaux arrivants.
    Ce contrat doit s'étendre à ceux qui sont installés sur notre territoire depuis au moins cinq ans. C'est la condition de l'établissement de la « citoyenneté de résidence » que Bernard Roman a défendue avec conviction.
    Les droits de vote et d'éligibilité s'inscrivent naturellement dans ce cadre. Notre modèle d'intégration en a besoin et c'est bien ce que vous ne semblez pas comprendre car les populations issues de l'immigration extra-européenne sont aussi oubliées par la République. Promotion sociale : oubliée par la République ! Egalité : oubliée par la République ! Droit d'exercer son culte : oublié par la République ! Reconnaissance de la culture : oubliée par la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman, rapporteur. C'est vrai !
    M. Thierry Mariani N'importe quoi !
    M. Manuel Valls. La ségrégation territoriale - c'est le maire d'une ville de banlieue qui vous parle - est terrible. Elle surdétermine les parcours de chacun. Un enfant grandissant en ZUP a beaucoup moins de chances que d'autres de devenir médecin, ingénieur, député.
    M. Pierre Cardo. Le droit de vote y changerait-il quelque chose ?
    M. Manuel Valls. Cela concerne toutes les familles populaires de ces quartiers, quelles que soient leurs origines.
    M. Jean Le Garrec. C'est évident !
    M. Manuel Valls. Je préconise la mise en oeuvre d'une discrimination positive fondée sur des bases territoriales. Il n'est pas nécessaire de recourir à des politiques de quotas fondées sur des critères ethniques contraires à nos principes républicains. Il faut donc orienter notre action à partir de critères territoriaux et sociaux comme ceux en vigueur dans les zones d'éducation prioritaire, mais en étant plus volontariste - je pense en particulier à l'accès à la fonction publique.
    M. François Hollande et M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. Manuel Valls. Nous avons d'ailleurs du mal, monsieur le ministre, à entendre le Gouvernement et la majorité affirmer leur volonté de mettre en oeuvre une politique d'intégration, compte tenu des signes non négligeables qui ont été donnés,...
    M. Pierre Cardo. Croyez-vous avoir donné l'exemple ?
    M. Manuel Valls. ... alors que, dans le même temps vous faites le choix, dans les quartiers populaires, d'une politique injuste socialement, qui remet notamment en cause la priorité donne à l'éducation nationale et les autres services publics pourtant indispensables pour assurer l'égalité des chances. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Gerin. Bravo !
    M. Pierre Cardo et M. Guy Geoffroy. Caricature !
    M. Manuel Valls. A la ségrégation territoriale vient s'ajouter, pour les populations issues de l'immigration, une ségrégation parfois invisible mais que chacun ressent. Ces populations, ces jeunes, Français pour la plupart, qui sont aussi l'avenir du pays, sont victimes du jugement au faciès, notamment pour l'emploi et le logement. Il faut dès lors renforcer avec la plus grande détermination la lutte contre les discriminations.
    Enfin, nous devons assumer pleinement la diversité de notre République. Longtemps confiné aux caves, l'islam s'éveille dans notre pays.
    M. André Gerin. Bravo !
    M. Manuel Valls. Il est désormais la deuxième religion de notre pays.
    M. Pierre Cardo. Cela n'a pas de rapport direct avec le texte !
    M. Manuel Valls. Nous devons l'aider à organiser son culte et à se doter de véritables institutions représentatives dans le respect de la laïcité et de la neutralité religieuse.
    La fin d'une lecture rigide de la loi de 1905 et la reconnaissance par la République du fait religieux doivent, comme le préconise Régis Debray, permettre de redonner tout son sens à la laïcité,...
    M. Thierry Mariani. Justement ! Parlons-en de la laïcité !
    M. Manuel Valls. ... respectueuse des choix et de l'histoire de chacun.
    Les pistes de construction d'une nouvelle intégration sont donc nombreuses : apprentissage du français, restauration de la promotion sociale, ouverture de la fonction publique, lutte contre les discriminations,...
    M. Pierre Cardo. On connaît les résultats de votre action !
    M. Manuel Valls. ... plus grande solennité de l'acte de naturalisation, reconnaissance culturelle et cultuelle.
    M. Guy Geoffroy. Cela n'a rien à voir avec le texte !
    M. Manuel Valls. Voter, parce que c'est une accession à l'expression, est une marque suprême de considération.
    M. Rudy Salles. Qu'avez-vous fait lorsque vous étiez dans la majorité ?
    M. Manuel Valls. Oui, voter c'est aller vers l'intégration.
    M. Pierre Cardo. Allez donc voir dans les quartiers comment les choses se passent !
    M. Manuel Valls. L'attribution de la nationalité française est une des conditions qui favorisent l'intégration - c'est le choix que j'ai fait -, mais en accordant le droit de vote à tous les résidents, nous élargirions le champ de la citoyenneté à ceux qui restent attachés à leurs anciennes racines - c'est le choix de mes parents.
    Donner le droit de vote à la première génération, c'est faire passer un message aux suivantes, c'est leur dire que la France a de la considération pour leurs parents ou leurs grands-parents, que notre pays veut l'intégration, qu'il ne se contente pas de la proclamer mollement, qu'il montre sa reconnaissance à ceux qui lui ont tant apporté, souvent sur les chaînes des usines automobiles, dans les mines, dans la sidérurgie...
    M. Claude Goasguen. Quel rapport avec le texte ?
    M. Jean Ueberschlag. Il se prend pour Zola !
    M. Manuel Valls. ... ou encore dans le bâtiment, et aussi à ceux qui sont morts pour notre pays.
    Ce n'est pas désacraliser le vote que de considérer que voter est aussi un vecteur d'intégration. Si c'était une désacralisation, monsieur le ministre, il faudrait revenir sur le vote des résidents communautaires.
    M. Guy Geoffroy et M. Claude Goasguen. Non !
    M. Manuel Valls. Soyons logiques ! Comment accepter qu'un Algérien, un Malien ou un Sénégalais - considérons les liens qui sont les nôtres avec ces pays frères -, comment accepter que ces femmes et ces hommes en France depuis des décennies n'aient pas les mêmes droits qu'un Danois venu travailler pour quelques années seulement ?
    M. André Gerin. Ils payent eux aussi des impôts !
    M. René Dosière. Et les parents de certains d'entre eux sont morts pour la France !
    M. Manuel Valls. Comment accepter que des femmes et des hommes payant leurs impôts, participant pleinement à la vie de leur commune, de leur département, de leur région, n'aient pas la possibilité de s'exprimer sur leur devenir et de gérer ces collectivités ?
    Comment accepter qu'ils n'aient pas la possibilité d'être acteurs de la vie de la cité au moment même où nous réfléchissons à l'approfondissement de notre démocratie locale ?
    M. André Gerin. M. Valls a raison !
    M. Claude Goasguen. C'est l'impôt qui fait le droit de vote, maintenant ? Pour être social, c'est social !
    M. Manuel Valls. Aujourd'hui, les droits que nous reconnaissons aux étrangers résidents s'arrêtent à la porte des bureaux de vote. Une telle discrimination est indéfendable !
    Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce débat ne pourrait pas supporter la stigmatisation des positions des uns et des autres au cours des vingt dernières années.
    M. Claude Goasguen. On ne vous le fait pas dire !
    M. Manuel Valls. Cette question a déjà trop servi les querelles stériles et les arrière-pensées politiciennes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Gerin. C'est la vérité !
    M. Eric Raoult. Merci Mitterrand !
    M. Guy Geoffroy. Qui a voulu instrumentaliser le vote des étrangers ?
    M. Manuel Valls. Il faut que cela change ! La France, et je conclurai par là, est une nation ; elle crée des repères communs ; elle s'enrichit des apports des nouveaux venus ; elle évolue. C'est vrai pour chacun d'entre nous : on ne naît pas Français, on le devient, on apprend à le devenir.
    Alors, ne brisons pas le mouvement ! Accordons le droit de vote à tous les résidents aux élections locales !
    La France est une République, un acte permanent de confiance en l'homme, selon la formule de Jean Jaurès. Faisons confiance et réactivons la République des possibles, une République qui, jusqu'à sa représentation nationale, chers collègues, corresponde mieux à ce qu'est la société française. C'est là, monsieur le ministre, une réponse qu'il faut donner au 21 avril et à la crise de confiance que traverse notre pays.
    Pour entamer la reconstruction du rapport à l'idée « France », pour la faire aimer, faire aimer ses valeurs, nous devons faire un geste pour offrir des repères sur le chemin de l'intégration, un geste pour que rapidement ceux qui, comme l'enfant dans le poème de Senghor, « ont grandi à l'ombre » de la France sentent mieux qu'ils appartiennent à une communauté de destin, à un projet commun, à un projet collectif.
    Ensemble, saisissons cette chance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Noël Mamère. Belle intervention !
    M. Eric Raoult. Ah ! Si Jospin avait parlé comme ça !
    M. Claude Goasguen. Ils auraient perdu les élections ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début de mon intervention, je ne peux m'empêcher de penser aux nombreux débats que nous avons eus dans cet hémicycle sur les problèmes relatifs à la nationalité, aux droits de la personne, qui sont des problèmes essentiels dans une démocratie et qui relèvent exclusivement du Parlement en vertu de l'article 34 de la Constitution.
    Dans tous ces débats, nous avons eu l'occasion de confronter des visions différentes de la société, de la place de l'homme dans celle-ci, de la responsabilité individuelle dans le choix qui appartient à chacun de déterminer, en conscience, son avenir.
    Mon regret est que, sur le problème touchant au droit de vote des étrangers, on ne recherche pas le consensus et que l'on aille systématiquement à l'affrontement idéologique, avec les conséquences poliltiques que cela induit.
    M. Patrice Martin-Lalande. Vous avez raison !
    M. Rudy Salles. Vous savez comme moi, mes chers collègues, que nous sommes là dans un domaine très sensible qui a permis aux extrêmes d'exister et de propérer.
    M. Guy Geffroy. Tout à fait !
    M. Rudy Salles. Sans vouloir polémiquer, je voudrais rappeler qu'au début des annés 80 l'extrême droite représentait moins de 1 % des voix aux élections...
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. Rudy Salles. ... alors qu'en 2002 Jean-Marie Le Pen s'est retrouvé au second tour de l'élection présidentielle. Cela est en grande partie le résultat de politiques menées de 1981 à 1986, de 1988 à 1993 et de 1997 à 2002 (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Manuel Valls. Caricatural ! C'est honteux de dire des choses pareilles !
    M. Rudy Salles. ... et probablement d'affichages très forts en matière de politique d'immigration, s'apparentant d'ailleurs davantage à un laxisme très poussé qu'à une politique équilibrée.
    M. Valls déclare lui-même aujourd'hui dans Libération : « Nous n'avons pas servi l'idée de la Nation »...
    M. Manuel Valls. C'est ce que je viens de dire !
    M. Rudy Salles. ... nous l'avons même affaiblie, ce qui a fait le jeu du fanatisme du Front national ». Bel aveu, monsieur Valls !
    M. Manuel Valls. Cela vous concerne aussi !
    M. Rudy Salles. Mais cela fait vingt ans que nous le disons. Il aurait fallu nous écouter ! On aurait ainsi pu éviter vingt ans d'errements qui nous ont amenés à la situation difficile que nous connaissons. La situation actuelle est le résultat de vingt ans d'aveuglement idéologique.
    Cette proposition de loi n'est, à mes yeux, qu'un nouveau chiffon rouge pour rappeler l'une de ces vieilles propositions de la gauche, sans cesse agitée, mais jamais appliquée, en dépit de quinze ans d'exercice du pouvoir.
    Je pense que le sujet mérite mieux qu'un chiffon rouge et qu'il devrait faire l'objet d'une réflexion approfondie et la plus large possible.
    Sur la méthode d'abord, je me permets de dire à nos collègues socialistes que le dépôt d'une proposition de loi, dans le cadre de la fenêtre parlementaire, est totalement inadapté et relève de la stratégie du chiffon rouge. Vous venez susciter des réactions comme pour provoquer une opinion qui, vous le savez, est très divisée sur ce type de réforme.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Ce n'est pas nous qui en avons parlé d'abord : c'est le Sénat !
    M. Rudy Salles. Au passage, vous braquez les projecteurs sur la population étrangère qui vit dans notre pays et qui, finalement, risque fort de faire les frais de votre agitation. Je dénonce ici le fait que, sur un tel sujet, la gauche joue aux apprentis sorciers, et depuis très longtemps.
    M. Bernard Roman, rapporteur. C'est un vieux thème !
    M. André Gerin. C'est vous qui êtes des sorciers !
    M. Rudy Salles. Mais venons-en au fond du sujet : le droit de vote des étrangers aux élections locales. C'est une question sur laquelle certains s'interrogent et le débat devrait être plus pragmatique que dogmatique. Malheureusement, la gauche en a toujours fait un sujet idéologique...
    M. Jean-Pierre Dufau. Le droit de vote est idéologique ?
    M. Rudy Salles. ... n'acceptant pas que l'on puisse développer des argumentations différentes pour tendre vers une finalité qui devrait nous être commune à tous : je veux parler de l'intégration des étrangers dans notre pays. Car l'intégration des étrangers en France est un défi qui nous est lancé à tous et que nous devrons relever. Ce défi passe-t-il par le droit de vote accordé aux étrangers ?
    M. Jean-Pierre Dufau. Oui !
    M. Rudy Salles. Je n'en suis pas sûr. Je pense en outre qu'il ne s'agit pas d'un préalable. En effet, je relèverai d'abord que le nombre d'étrangers à demander le droit de vote aux élections locales est le fait d'une extrême minorité.
    M. Patrice Martin-Lalande. Exactement !
    M. Rudy Salles. On peut même dire que, quand cette occasion leur est offerte dans le cadre de l'élection des conseils de quartiers, conformément à la loi du 27 février 2002, leur nombre à participer à ce type de consultation est infime.
    M. Manuel Valls. Alors, il faut supprimer le droit de vote aux Français !
    M. Charles Cova. Il faudrait plutôt rendre leur vote obligatoire !
    M. Rudy Salles. L'intégration est, à mon sens, une idée qui fait appel a des notions dépassant les étrangers eux-mêmes. Le résultat de l'intégration est étroitement lié à notre capacité de transmettre les valeurs de la République. Les réussites ou les échecs de l'intégration des étrangers en France sont en quelque sorte le reflet de nos propos réussites et de nos propres échecs pour faire aimer et respecter la France. ( « Très juste ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quand je vois des jeunes gens insulter notre pays, quand je vois quelques centaines ou quelques milliers d'individus siffler la « Marseillaise » au Stade de France...
    M. Jean-Pierre Dufau. Quel rapport ?
    M. Bernard Roman, rapporteur. Ils sont tous français, ceux-là ! C'est de leurs parents qu'il s'agit, pas d'eux !
    M. Rudy Salles. ... en présence d'un Premier ministre sans réaction (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), je me dis que l'intégration recule car les symboles eux-mêmes sont bafoués, et pas seulement pour les étrangers. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi tendant à condamner à 7 500 euros d'amende quiconque insulte le drapeau ou l'hymne national, cette condamnation pouvant être aggravée d'une peine de prison quand le délit est commis en réunion. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.)
    Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que j'avais déposé cette proposition de loi au cours de la précédente législature, bien avant le match de football France-Algérie.
    En revanche, quand, dans le même Stade de France, des milliers de jeunes agitent des drapeaux tricolores et chantent la « Marseillaise » en acclamant l'équipe de football black-blanc-beur,...
    M. Manuel Valls. Il faut leur donner une prime ?
    M. Rudy Salles. ... je me dis que l'intégration progresse. Pour moi, l'intégration se nourrit davantage de symboles que de bulletins de vote. (« Très bien ! » et applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Je crains en outre que l'octroi du droit de vote aux étrangers résidant en France ne se retourne contre les étrangers concernés eux-mêmes. En effet, cette mesure, qui peut apparaître comme un droit nouveau conférant aux étrangers un statut gratifiant, pourrait rapidement faire entrer ces derniers dans une catégorie de citoyens de seconde zone. Je pense en effet que le meilleur moyen d'intégrer un étranger est de lui conférer la nationalité française avec tous les droits et tous les devoirs qui s'y rattachent. C'est d'ailleurs le cas pour plusieurs milliers d'entre eux chaque année.
    Je crois très sincèrement qu'en la matière notre législation a besoin de la plus grande clarté. La création de plusieurs catégories de citoyens, ajoutée à la complexité des modes de scrutin, ne me semble pas aller dans cette direction.
    Je rappelle les propos que je tenais, il y a quelques années, au garde des sceaux lors du débat que nous avions eu sur la nationalité. Je considérais et je considère toujours que l'acquisition de la nationalité française doit être un moment qui marque la vie d'un homme ou d'une femme. Ce moment doit revêtir une solennité particulière ; il ne doit pas se réduire à recevoir dans sa boîte aux lettres, entre une facture d'électricité et des publicités de grandes surfaces, un certificat de nationalité.
    M. Pierre Cardo et M. Eric Raoult. Très juste !
    M. Rudy Salles. Comme pour le mariage, il devrait y avoir une véritable cérémonie durant laquelle le Français naturalisé s'engagerait, devant témoins, par un contrat moral à respecter la France et les valeurs républicaines.
    M. Eric Raoult. Absolument !
    M. Rudy Salles. Et je ne serais pas choqué que l'on demande au nouveau citoyen français de chanter ou de réciter le refrain et le premier couplet de la « Marseillaise », à l'instar de ce que prévoit la législation des Etats-Unis, pays d'immigration par excellence. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je ne serais pas choqué non plus si l'hymne national était enseigné dans les écoles à tous les enfants, français ou non. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Dès cet instant, le Français naturalisé deviendrait un citoyen à part entière qui devrait être reconnu comme tel par l'ensemble de la communauté française.
    Ce sont là des symboles forts, aux vertus intégratrices évidentes mais que le garde des sceaux de l'époque a bien entendu rejetés, voyant l'expression de tendances nationalistes là où il y a, au contraire, la volonté généreuse de partager avec d'autres l'un de nos biens les plus chers : la nationalité.
    Parmi les arguments maintes fois développés par la gauche afin de donner le droit de vote aux étrangers pour les élections locales, il y a le fait que les citoyens non-Français membres de l'Union européenne puissent bénéficier de ce droit. C'est à mes yeux une situation tout à fait différente car, dans ce cas, il y a déjà entre ces citoyens et nous un début de citoyenneté commune. J'ai d'ailleurs du mal, mes chers collègues, à parler d'« étrangers » à propos des membres de l'Union européenne. En effet, nous partageons tant de valeurs communes, notamment dans le domaine des droits de la personne, valeurs fondatrices de l'Union ! Nous avons aussi un passeport commun et, depuis près d'un an, une monnaie commune, et il y a, entre les quinze pays de l'Union, une communauté de destin, une communauté de projet, qui créent une forme de citoyenneté européenne. En outre, il existe une totale réciprocité entre les différents pays, en vertu de laquelle un droit reconnu par l'un est bien entendu reconnu par l'autre. Or ce n'est évidemment pas le cas pour les pays étrangers qui ne sont pas membres de l'Union européenne.
    C'est pourquoi je regrette très sincèrement le dépôt de ce texte, qui non seulement ne résout rien mais qui, de surcroît, rend plus compliquée une situation qui nécessite la plus grande transparence.
    Que l'on ne compte donc pas sur nous pour être les complices de la « politique du chiffon rouge », qui est la pire ennemie de l'intégration.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très juste !
    M. Rudy Salles. Nos considérations sont humanistes, dans le respect de la tradition française, et elles ne répondent à aucune pression politicienne.
    Je constate qu'après quinze ans de gouvernement de gauche, se soldant par la faillite d'une politique qui a fait reculer l'intégration dans des proportions inquiétantes, la gauche renoue avec la politique politicienne consistant à monter des coups médiatiques sans lendemain.
    La gauche attendait sans doute que la majorité vienne se déchirer à la tribune de l'Assemblée nationale.
    M. Marc Le Fur. C'est raté !
    M. Rudy Salles. Eh bien, l'opposition en sera pour ses frais, et son opération politicienne aura fait long feu.
    M. Marc Le Fur. Très juste !
    M. Rudy Salles. Je considère que ce texte est inopportun et que cette démarche est dérisoire, voire humiliante pour ceux, et nous sommes ici nombreux dans ce cas, qui considèrent l'intégration comme un grand sujet, une priorité nationale.
    Ce débat, organisé à la sauvette dans le cadre d'une niche parlementaire, est indécent.
    M. Thierry Mariani. Absolument !
    M. Rudy Salles. Les enjeux de l'intégration méritaient largement mieux que cette mascarade.
    C'est pourquoi le groupe UDF, qui préfère que les grands problèmes fassent l'objet de vrais débats, dénonce l'attitude politicienne du groupe socialiste,...
    M. Alain Vidalies. Qu'est-ce que vous proposez ?
    M. Manuel Valls. Vous pensez à M. Jego, à M. de Robien, ou à M. Borloo ?
    M. Rudy Salles. ... qui décide d'agiter les chiffons rouges qui lui tiennent lieu de projets.
    Le groupe Union pour la démocratie française refuse donc tout naturellement de s'associer à cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'objet du texte soumis à notre examen est important et symptomatique des débats ou des faux débats, des nombreuses questions qu'il soulève, des tabous et autres spéculations politiciennes autour du thème des étrangers.
    L'antique peur de l'étranger est un fonds de commerce prospère pour le populisme incarné par Le Pen et par les politiciens de tous bords. Il est aussi prospère au sens financier pour les réseaux mafieux qui utilisent la misère et la crédulité des populations d'ailleurs, afin de leur tendre un piège, le miroir aux alouettes des pays occidentaux.
    Les mafias de tout acabit ne sont-elles pas le corollaire d'un capitalisme mortifère ?
    D'autres ont versé dans l'angélisme face aux problèmes de sécurité dans les cités, avec l'accumulation des difficultés sociales, économiques, et la concentration de populations immigrées et défavorisées. La gauche a eu ce dernier travers.
    Depuis quelques années, les réalités éclatent dans les villes et les différents pays européens. Chez nous, quelle que soit la posture idéologique, nous avons pratiqué la politique de l'autruche, en agitant de temps en temps le bâton et en laissant pourrir la situation sur les questions concernant l'intégration des personnes d'origine étrangère de nationalité française souffrant de nombreuses exclusions, l'intégration des deuxième et troisième générations, la socialisation et l'insertion des jeunes immigrés, l'arrivée de nouveaux migrants de toutes nationalités, l'arrivée par des réseaux mafieux d'étrangers dits clandestins.
    L'article unique du texte vise à accorder le droit de vote et d'éligibilité pour les élections des conseils des collectivités territoriales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, disposition qu'il s'agit d'insérer après l'article 72 de la Constitution. D'emblée, je vous l'annonce ; les députés communistes et républicains approuvent cette mesure sur le droit de vote des étrangers, qu'ils revendiquent depuis longtemps et cela pour une raison qui devrait suffire et qui figure dans nos textes fondamentaux - Déclaration des droits de l'homme et préambule de la Constitution de 1948 -, à savoir le principe d'égalité entre les êtres humains : égalité des droits et des devoirs.
    Les personnes de nationalité étrangère travaillent, cotisent, paient l'impôt sur le revenu, la TVA, les autres impôts directs et sont soumises aux mêmes lois de la République. Rappelons que 3,2 millions d'étrangers résident en France, dont plus de 80 % possèdent un titre de séjour de dix ans. Comme l'a souligné justement M. le rapporteur, un étranger peut, par exemple, diriger une association, être administrateur dans une caisse de sécurité sociale, être délégué syndical et participer aux élections prud'homales. Il serait donc légitime, juste, de leur reconnaître le droit de vote après cinq années de résidence. Cela permettrait de renforcer la cohésion nationale, d'encourager l'intégration, de lutter contre les discriminations vis-à-vis des ressortissants européens, de faire vivre les valeurs d'égalité, de fraternité et de laïcité de notre pacte républicain. Plusieurs pays ont déjà accordé ce droit.
    Je ferai deux remarques. D'abord, pourquoi intégrer ce nouveau droit après l'article 72 qui figure dans le titre XII intitulé « Des collectivités territoriales » relatif à l'organisation de celles-ci et non aux droits des individus ? Il serait préférable d'ajouter un alinéa à l'article 3 de la Constitution portant sur la souveraineté, le suffrage, le droit à être électeur. Cela serait plus respectueux et ne laisserait pas sous-entendre qu'il existe encore des citoyens de seconde zone.
    Ma seconde remarque porte sur le droit de vote aux élections européennes. Je pense que les étrangers doivent accéder à ces élections, car la plupart des décisions prises au niveau européen sont déclinées localement et ont des conséquences sur la vie de tous les habitants de notre pays. Ce droit peut être aligné sur celui des ressortissants européens, comme le stipule l'article LO 286-1 du code électoral n'autorisant pas la participation au collège électoral sénatorial.
    Ce texte aurait pu être adopté sous le gouvernement précédent. En mai 2000, une proposition de loi déposée par des députés Verts a été votée par notre assemblée, mais est restée sans suite faute d'avoir été inscrite à l'ordre du jour du Sénat. La gauche l'a payé le 21 avril 2002. Il y a eu dérobade aux promesses faites aux citoyens. Je pense en particulier à la fermeture des centres de rétention depuis 1981 et à l'abrogation des lois Pasqua-Debré, aux budgets consacrés à l'aide aux pays en voie de développement ils ont été ridicules.
    M. Charles Cova. Et toc pour les socialistes !
    M. Eric Raoult. Ce sont eux que vous critiquez, pas nous !
    M. André Gerin. J'ai toujours eu ma liberté de parole ! J'estime que l'expérience acquise ces dernières années doit nous amener à plus de sincérité, à une véritable autocritique et nous inciter à procéder à un inventaire de l'action menée ces vingt dernières années,...
    M. Eric Raoult. Très bien.
    M. André Gerin. ... pour aboutir à la construction de véritables convictions politiques à gauche, de convictions communistes en ce qui concerne mon affinité politique. Il faut s'attaquer à la loi du marché, au libéralisme, à l'américanisation de la France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est en trouvant une alternative au capitalisme prédateur (Mêmes mouvements) que nous prouverons à nos concitoyens qu'ils doivent voter pour participer à la vie sociale et politique de notre pays. Ce texte ne sera pas voté car, invoquant l'article 94 de notre règlement, la commission des lois a décidé de ne pas formuler de conclusions. La droite et le Gouvernement Raffarin ne se gênent pas pour utiliser les tactiques de l'UMP-godillot pour abaisser la représentation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Charles Cova. C'est un communiste qui parle de parti godillot !
    M. André Gerin. Oui, UMP : godillot ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Pas vous ! (Sourires.)
    M. André Gerin. L'UMP-godillot utilise le fonds de commerce de l'extrême droite et veut faire de l'Etat la voiture-balai du libéralisme économique, comme elle l'a fait dans les années 70. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Censi. Parlez-nous du parti communiste des années 70 !
    M. André Gerin. Il serait intéressant de faire le bilan des trente dernières années, la critique de la gauche et le bilan des quinze ans de la droite !
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Eric Raoult. Et le stalinisme ?
    M. André Gerin. Je condamne le stalinisme comme le fascisme. (« Rires et applaudissements ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Et je le dis publiquement tous les 8 mai et pour la commémoration de la libération de Vénissieux.
    M. Guy Geoffroy. Cela n'a pas toujours été le cas !
    M. André Gerin. Dans le discours, il faut bien reconnaître l'habileté de la droite à évoquer tous les sujets sans tabou, du moins en apparence. Les annonces de contrats d'intégration qui semblent ne concerner que les primo-arrivants peuvent sembler intéressantes, mais la prudence est de mise, car les déclarations d'intention pleuvent. Les problèmes de l'immigration sont devant nous. Il faut avoir en tête que l'Europe est aujourd'hui la plus grande région d'immigration du monde, devant l'Amérique du Nord et l'Australie, avec 1,5 million d'immigrés légaux par an. Les illusions de l'immigration zéro et de l'immigration libre doivent tomber. Le problème doit être traité aux niveaux français et européen, en osant une politique audacieuse en matière de droit d'asile et en cessant de passer la patate chaude aux maires et aux collectivités locales. Ce n'est pas en cassant la loi sur la mixité sociale en matière de logement...
    M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !
    M. André Gerin. ... et en refusant le droit de vote aux élections locales que l'on va donner aux immigrés les moyens de s'insérer socialement et civilement. Et que dire de la double peine !
    M. Claude Goasguen. Quel rapport ?
    M. André Gerin. C'est vous, députés de l'UMP, de la droite, qui avez voté ces lois rétrogrades, liberticides (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle) que sont les lois Pasqua de 1993 et Debré de 1996 !
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bonnes lois !
    M. André Gerin. Ce sont des lois liberticides qui ont stigmatisé l'immigration ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) J'ai entendu les arguments que vous avez donnés, monsieur le secrétaire d'Etat, pour justifier le rejet de cette proposition de loi. Ce gouvernement stigmatise les immigrés des quartiers populaires. (Protestations sur les mêmes bancs.)Certes, il y a plusieurs sortes d'immigrés : ceux des quartiers populaires et ceux du XVIe, des émirats et autres.
    M. Eric Raoult. Nous avons plus d'élus que vous dans les quartiers populaires !
    M. André Gerin. Il faut voir, cher ami ! Un tiers dans ma commune ! Cela vous gêne !
    La France doit mener une politique d'intégration digne de ce nom. Les précédentes vagues d'immigrés ont réussi elles-mêmes leur intégration à travers l'école et le service national, le travail et le militantisme. Ces enfants de France depuis longtemps, ou fils d'immigrés de nationalité française, sont néanmoins victimes d'exclusions, d'inégalités, notamment dans le travail, de pauvreté endémique. Ils se sentent français, mais ils se sentent de trop, car la société ne les reconnaît pas comme membres de la communauté nationale à part entière. Pour un islam digne, tolérant, populaire et des mosquées dignes de ce nom. Cela permettrait cette reconnaissance symbolique, forte, nécessaire à la cohésion de la République.
    M. Claude Goasguen. Cela n'a rien à voir avec le texte !
    M. André Gerin. Vous le refusez au nom d'une politique. Quand j'entends le discours de la droite sur cette question, j'ai vraiment l'impression qu'elle confond bonapartisme et République ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. André Gerin. Malgré les propos rassurants qu'il tient, nous voyons de plus en plus ce gouvernement comme un gouvernement de l'insolence, de l'insolidarité vis-à-vis de notre peuple et des familles les plus défavorisées.
    M. Guy Geoffroy. Vous n'avez pas d'arguments nouveaux ?
    M. André Gerin. Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera cette proposition de loi déposée par les députés socialistes, parce qu'elle est une main tendue à tous ceux qui veulent que la France de demain soit une France solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Claude Goasguen. Voilà un expert !
    M. André Gerin. Comment va Saddam Hussein ?
    M. Thierry Mariani. La question du droit de vote des étrangers fait partie des serpents de mer de la vie politique français depuis son apparition, en 1973, au programme du parti socialiste.
    M. Alain Vidalies. Jusque-là, ça va !
    M. Thierry Mariani. En mai 2000, nous avons déjà eu le débat que les socialistes ont à nouveau souhaité aujourd'hui. A l'époque, quatre propositions de loi sur ce thème avaient été traitées à la hâte, dans une niche parlementaire, et - ne le niez pas ! - suite à un marchandage entre les composantes multiples de leur défunte majorité plurielle.
    M. Eric Raoult. C'etait du bricolage !
    M. Thierry Mariani. Et une fois cette « petite loi » adoptée, vous n'avez même pas pris la peine de l'inscrire à l'ordre du jour du Sénat ! C'est dire à quel point vous y teniez !
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. Jean-Luc Warsmann. Eh oui ! Il a raison !
    M. Thierry Mariani. Votre démarche aujourd'hui se veut donc purement médiatique, idéologique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est qu'une petite manoeuvre politicienne. D'ailleurs, comment expliquer autrement le contenu de cette nouvelle proposition, monsieur le rapporteur ?
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. Thierry Mariani. La « petite loi » que vous avez adoptée le 3 mai 2000 - il y a à peine deux ans - ne visait qu'à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux seules élections municipales, et encore, à condition de ne pas exercer les fonctions de maire ou d'adjoint au maire et de ne pas participer à la désignation des grands électeurs aux élections sénatoriales ! Aujourd'hui, vous voulez accorder aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité à toutes les élections locales - municipales, régionales, cantonales - sans aucune restriction.
    M. Eric Raoult. Mais pas au congrès du PS !
    M. Thierry Mariani. Au diable le peu de raison que vous aviez il y a deux ans à peine !
    En réalité, sous votre idéal d'ouverture au monde, sous vos appels généreux à la « cohésion nationale et au respect des exigences d'égalité et de fraternité » se cachent de petits calculs politiciens. C'est ainsi que vous voulez masquer votre incapacité chronique de ces dernières années à résoudre la question de l'intégration des étrangers demeurant sur notre sol.
    M. Pierre Cardo. C'est bien vrai, hélas !
    M. Thierry Mariani. En revanche, en tenant ce genre de discours irresponsable, vous continuez, aujourd'hui comme hier, à faire le lit du Front national. Le 21 avril 2002 ne vous aura donc rien appris ! Par cette proposition de loi, vous essayez de mettre en exergue des dissensions qui pourraient exister dans notre majorité. Vous n'en trouverez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bruno Le Roux. Elles existaient il y a deux ans !
    M. Manuel Valls. C'est le débat, ce n'est pas grave !
    M. Thierry Mariani. Tout au plus verrez-vous des nuances sur le contrat d'intégration. Mais sachez que, sur la question du droit de vote, notre position est claire : le droit de vote passe par la nationalité et la nationalité française ne se brade pas ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et permetez-moi de vous remercier, au nom du groupe de l'UMP, de nous permettre ainsi d'exprimer une position largement partagée par nos concitoyen. Vous expliquez, monsieur Roman, dans l'exposé des motifs de la proposition de loi, que « le droit de vote n'est certes pas une condition suffisante à l'intégration », mais qu'il apporte des réponses aux blocages actuels.
    M. Manuel Valls. C'est vrai !
    M. Thierry Mariani. Mais qui est responsable des blocages actuels ? Qui était au pouvoir ces cinq dernières années ?
    M. Manuel Valls. Et alors ?
    M. Guy Geoffroy. Assumez !
    M. Thierry Mariani. Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, votre échec en matière d'intégration ne vous autorise guère aujourd'hui à nous donner des leçons. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. Alain Vidalies. C'est le débat !
    M. Thierry Mariani. Vous pouvez en revanche vous féliciter de nous avoir montré de manière claire et précise ce qu'il ne fallait pas faire. Votre texte est en effet inefficace, dangereux et inacceptable tant sur la forme que sur le fond.
    Sur la forme, sans nier l'importance de l'initiative parlementaire, renforcée par Philippe Séguin, je le rappelle, nous considérons que les séances réservées à l'ordre du jour fixé par notre assemblée doivent être consacrées à des réformes directement applicables, qui ne bouleversent pas les institutions. Or, vous utilisez votre première niche parlementaire de la mandature pour présenter un texte polémique, uniquement destiné à produire des effets médiatiques. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Présenté dans un cadre inadapté, ce texte est par ailleurs laconique et inachevé.
    M. Claude Goasguen. Pour le moins, oui !
    M. Thierry Mariani. Pour l'essentiel, vous renvoyez les conditions d'application de votre proposition à une loi organique virtuelle. Vous n'avez même pas pris la peine d'y ajouter les conditions de la petite loi votée il y a deux ans : interdition pour les étrangers élus de participer aux élections sénatoriales et d'exercer les fonctions de maire et d'adjoint au maire. Vous ne fixez pas davantage de délai de résidence.
    M. Manuel Valls. Vous pouvez toujours amender la proposition de loi !
    M. Thierry Mariani. Et vous ne dites pas si ce texte s'appliquerait sous réserve de réciprocité, comme pour les ressortissants de l'Union européenne ? Toutes ces incertitudes montrent bien que votre objectif est uniquement politicien.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. Thierry Mariani. Ce texte est un leurre. Les manoeuvres politiciennes ne grandissent jamais ceux qui les ont imaginées. Vous avez oublié très vite le premier tour des élections présidentielles !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il sait de quoi il parle !
    M. Manuel Valls. C'est un spécialiste !
    M. Bruno Le Roux. Et Bagdad, c'était quoi ?
    M. Thierry Mariani. Au fond, votre texte heurte toute notre tradition constitutionnelle. La conception républicaine française de la citoyenneté a toujours été de réserver le droit de vote aux nationaux et à eux seuls. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Depuis la Révolution, toutes les constitutions de notre pays ont lié droit de vote, nationalité et citoyenneté. Seule la Constitution montagnarde de 1793, jamais appliquée, prévoyait la possibilité d'accorder le droit de vote à des étrangers.
    M. Manuel Valls. C'était la meilleure !
    M. Thierry Mariani. Ce texte qui, selon certains auteurs, a fortement influencé les constitutions révolutionnaires marxistes, n'a été, comme le souligne le professeur Favoreu, qu'une « utopie dans le droit public français ». C'est à cette utopie que votre idéologie vous conduit ; puisque votre texte nous propose une « citoyenneté de résidence » !
    Pour nous, la citoyenneté n'est pas liée à la résidence. Votre conception de la citoyenneté est liée à la nationalité, une nationalité choisie, une volonté de participer à la vie d'un pays et à la construction de son avenir, à un destin partagé. Voilà notre conception de la citoyenneté, de la nationalité ! Notre conception de la citoyenneté est celle de la Constitution de 1958 telle que l'a appréhendée le Conseil constitutionnel. Faut-il encore une fois vous rappeler ce qu'a dit celui-ci, dans sa décision du 9 avril 1992 : « Seuls les "nationaux français ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections effectuées pour la désignation de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale de la République et notamment pour celle des conseillers municipaux » ?
    J'entends bien vos arguments pour tenter de justifier votre proposition : ils paient des impôts, participent à la vie sociale et... il faut rétablir l'égalité entre les étrangers ! Selon vous, toute personne payant des impôts en France doit pouvoir bénéficier du droit de vote en contrepartie de son tribut. Mais lier les deux, c'est réintroduire le suffrage censitaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Guy Geoffroy. Absolument ! Quelle régression !
    M. Thierry Mariani. C'est revenir à l'Ancien Régime. Est-ce cela la grande avancée sociale que vous nous proposez ? Faudrait-il priver de leurs droits civiques tous ceux de nos concitoyens qui ne paient pas l'impôt, soit un foyer sur deux ? L'argument de l'impôt ne tient donc pas la route ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    Vous prétendez qu'il y aurait rupture d'égalité entre les ressortissants de l'Union européenne et ceux des Etats tiers. Mais l'Union européenne est une réalité économique, politique et institutionnelle. Dans la mesure où la France et ses partenaires sont engagés depuis maintenant plusieurs décennies dans un destin commun, il est tout à fait acceptable d'attacher à cette construction des droits politiques tels que le droit de vote des ressortissants de l'Union aux élections municipales, d'autant que ces droits sont accordés en application d'un traité international, celui de Maastricht, et qu'ils sont soumis à une stricte réciprocité dans chacun des Etats membres. Tout cela n'a aucun rapport avec une proposition qui vise à accorder le droit de vote et d'éligibilité à toutes les élections locales, et non seulement municipales, aux étrangers non ressortissants de l'Union, sans restriction, ni réciprocité, ni contrepartie !
    Non, monsieur le rapporteur, la France n'est pas la lanterne rouge. Nous contestons l'argument selon lequel de nombreux pays membres de l'Union accordent le droit de vote aux étrangers pour les élections locales. Cette conception est très minoritaire. L'Autriche, la Grèce et le Luxembourg n'accordent pas le droit de vote aux étrangers non ressortissants de l'Union.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Ce sont les seuls !
    M. Thierry Mariani. La Belgique a modifié sa Constitution en 1998, mais n'a jamais voté de loi organique pour mettre en application cette modification.
    En Allemagne, la situation est absolument identique à celle de la France. Vous dites que cela va changer parce que cette proposition figure dans le programme de la majorité qui vient d'être élue il y a quelques semaines. Vous savez mieux que moi ce qu'il en est des programmes des partis socialistes ! Cette proposition figurait déjà, il y a quelques années, dans le programme du SPD. Elle n'a pa été appliquée et j'espère qu'elle ne le sera pas non plus, cette fois-ci.
    L'Italie a envisagé d'accorder ce droit en 1998 mais, là aussi, le projet n'est resté qu'au stade de vagues discours et rien n'a été voté.
    Dans les huit autres pays membres de l'Union, ce droit est soit le résultat d'une particularité historique non transposable en France, soit fortement encadré.
    Ainsi, au Royaume-Uni, les ressortissants des pays du Commonwealth peuvent voter aux élections locales dès lors qu'ils détiennent une adresse légale. Mais cette disposition spécifique vis-à-vis des anciennes colonies britanniques se justifie par le fait que la reine règne encore sur certains pays du Commonwealth. De plus, cette disposition ne concerne que quarante-deux Etats sur les 176 inscrits à l'ONU ne faisant pas partie de l'Union européenne.
    Au Portugal, la loi électorale peut, au bout d'un délai de deux à trois ans et sous réserve de réciprocité, accorder à des étrangers qui résident sur le sol de ce pays le droit de vote et d'éligibilité pour l'élection des membres des organes des collectivités locales. Mais ne sont concernés - vous le savez, monsieur Roman - que des étrangers originaires de dix pays, dont l'Estonie et le Cap-Vert.
    Vous nous avez expliqué qu'en Espagne le droit de vote était ouvert aux étrangers pour les élections locales. Vous savez pourtant que ce droit est extrêmement limité. Les traités et les lois espagnoles peuvent en effet accorder un droit de suffrage aux étrangers extracommunautaires pour les élections municipales, sous réserve de réciprocité. Mais seuls les Norvégiens en bénéficient. Cela signifie que les ressortissants de 175 pays en sont exclus. On ne peut donc dire, dans ces conditions, que le droit de vote est ouvert aux étrangers !
    Au Pays-Bas, depuis 1985, les étrangers extracommunautaires peuvent voter aux élections municipales après cinq années de résidence et s'ils ne sont pas au service d'un autre Etat, ce sont là deux conditions de poids qui ne figurent pas dans votre proposition. En outre, il est impossible de détenir une double nationalité dans ce pays. Que je sache, celle-ci n'est pas une exception en France !
    Autre exemple : celui du Danemark où, depuis le 30 mars 1981, le droit de vote aux élections municipales est accordé à tous les ressortissants étrangers âgés de plus de dix-huit ans résidant sur le territoire national depuis plus de trois années. Mais, là encore, vous le savez, la situation est différente, puisque le droit du sang domine très largement en matière d'acquisition de la nationalité : la naissance au Danemark ne donne pas droit à la nationalité. Le mariage avec un Danois ne le confère pas non plus automatiquement, pas plus que l'adoption. De plus, les règles de naturalisation sont bien plus contraignantes qu'en France : il faut sept années de résidence ininterrompues, ne pas être arrivé sur le territoire après l'âge de cinquante ans, être bien intégré à la société, maîtriser la langue.
    Dois-je rappeler qu'en Suède, il ne faut avoir été passible d'aucune condamnation pour être naturalisé et qu'en Finlande, une simple amende suspend le processus de naturalisation ? Faut-il aussi vous apprendre que ces pays n'accordent le droit de vote aux étrangers qu'avec une condition de résidence, condition qui n'existe pas dans votre proposition de loi ?
    Bref, les exemples étrangers ne peuvent être transposés et vous le savez bien. La France n'est pas à la remorque. Elle n'est pas, comme vous le prétendez, la lanterne rouge.
    Et puis, pardonnez-moi cette incidente, vous n'êtes pas l'arbitre de l'élégance. Même si un seul pays devait réserver le droit de vote à ses nationaux, c'est encore le droit de la France d'être celui-là !
    M. Manuel Valls. Assumez votre position !
    M. Thierry Mariani. L'octroi du droit de vote aux étrangers serait, de surcroît, à la fois inutile et dangereux.
    M. Manuel Valls. Assumez. Dites votre avis !
    M. Claude Goasguen. Assumez, vous aussi, votre position !
    M. Thierry Mariani. Il serait inutile à la fois parce que la proposition confond intégration et droit de vote, parce que la France a des règles souples d'acquisition de nationalité française et parce qu'une meilleure application des procédures de naturalisation suffira à régler la question.
    Tout d'abord, ne mélangez pas intégration et droit de vote. La France a toujours su intégrer les populations qui ont souhaité s'y installer de façon stable et durable.
    Vous pensez qu'accorder le droit de vote à ceux qu'on appelle les immigrés de la première génération serait « un signe de reconnaissance et de confiance ».
    Mme Elisabeth Guigou. Oui.
    M. Thierry Mariani. Mais vous vous trompez. Ce qui facilite l'intégration, c'est de les aider à participer à la vie sociale et, bien sûr, de leur permettre, quand ils le souhaitent et sous certaines conditions, d'accéder à la nationalité française.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Très bien !
    M. Thierry Mariani. Quand des étrangers viennent voir le maire que je suis, c'est pour me demander de les aider à obtenir un logement, un travail, une aide ou d'accélérer la procédure de naturalisation. Depuis treize ans que je suis maire, aucun étranger n'est jamais venu me demander le droit de vote. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Manuel Valls. Parce qu'ils connaissent vos positions ! Ils sont lucides !
    M. Thierry Mariani. S'ils ne demandent pas le droit de vote, c'est parce que, contrairement à ce que vous prétender, il n'y a pas de rupture d'égalité en leur défaveur. Les étrangers en France ont droit à la même protection sociale que les nationaux. Le code du travail exige l'égalité de traitement quelle que soit la nationalité. Ils peuvent aussi participer aux élections professionnelles, aux élections des conseillers prud'homaux, être administrateurs de la sécurité sociale, représentants des locataires au conseil d'administration des organismes HLM et représentants des parents d'élèves.
    Votre proposition de loi est inutile, ensuite, car l'acquisition de la nationalité française est, vous le savez, relativement simple en France. En effet, notre pays connaît plusieurs modes d'acquisition de la nationalité largement ouverts à tous les étrangers : par mariage, par la naissance et du fait de la résidence en France. Les derniers chiffres publiés par le ministère de la justice prouvent bien, avec 150 025 acquisitions de nationalité française en 2000, contre à peine plus de 98 000 en 1993, qu'il est aujourd'hui assez aisé de devenir français si on le souhaite.
    De plus, nous allons créer le contrat d'intégration qui mentionnera les devoirs et les obligations civiques du nouvel immigrant à l'égard de la France. Celui-ci devra s'engager à adhérer à notre mode de vie et à nos valeurs républicaines. En contrepartie, l'Etat offrira des services diversifiés allant de l'apprentissage du français à un appui social et professionnel. Ce n'est qu'à l'issue de ce contrat, si l'étranger a rempli toutes ces conditions et s'il le souhaite, que nous faciliterons son accession à la nationalité française.
    Nous ne donnerons pas le droit de vote aux étrangers. En effet, nous refusons de leur délivrer une citoyenneté au rabais, comme nous refusons de leur accorder un droit de vote et d'éligilité partiel. Ils méritent mieux que cela, et ce n'est pas les respecter que de leur faire aumône. Etre citoyen français, cela passe par l'acquisition de la nationalité française.
    Et les étrangers vivant en France depuis longtemps, nous demanderez-vous ? Pour ceux-là, nous clarifierons et simplifierons les conditions d'attribution de la nationalité française. Mais jamais, nous n'ouvrirons la porte du droit de vote aux étrangers pour leur fermer celle de la nationalité. Nous préférons maintenir cette idée fondamentale que nationalité et citoyenneté sont inséparables, que la France est une communauté de destin, ouverte à tous ceux qui, avec nous, veulent la partager.
    Votre proposition est également dangereuse.
    Elle est dangereuse, d'abord, car elle ouvrirait, à terme, la porte au droit de vote des étrangers aux élections nationales. Or comment imaginer que des étrangers, même installés en France depuis un certains temps, puissent accéder au droit de vote aux élections nationales, et ainsi décider des choix fondamentaux de notre Nation, une nation à laquelle ils n'auraient d'ailleurs pas choisi d'adhérer.
    Elle est dangereuse, encore, car votre proposition de loi serait la première pierre de l'édifice communautariste. Lorsque vous aurez donné, demain, le droit de vote à une communauté étrangère sur notre sol national, elle ira, vous le savez, voter sur des base communautaristes.
    M. Jean Le Garrec. Mais non ! C'est faux !
    M. Manuel Valls. Ce serait le cas déjà !
    M. Pierre Cardo. Ça commence !
    M. Thierry Mariani. Elle est dangereuse, enfin, car comment imaginer que des pays souvent très éloignés de la démocratie puissent disposer, demain, par l'intermédiaire de leurs ressortissants résidant en France, d'un puissant moyen de pression sur notre pays ?
    M. Manuel Valls. C'est scandaleux !
    M. Thierry Mariani. En résumé, votre proposition de loi est démagogique et contraire à nos principes constitutionnels. Sous couvert de pseudo-générosité, vous jouez, à des fins politiciennes, avec les étrangers eux-mêmes, à qui vous faites, comme en 1981 et en de multiples autres occasions, de fausses promesses.
    M. Manuel Valls. Parlez de l'avenir ! Arrêtez de parler du passé.
    M. Guy Geoffroy. Cela vous arrangerait, hein que l'on ne parle plus du passé !
    M. Charles Cova. Comme la gauche n'a plus d'avenir...
    M. Claude Goasguen. Eh oui, les hommes de gauche sont des hommes du passé !
    M. Thierry Mariani. Quant à nous, notre position est claire : nous refusons d'accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires et nous persistons à affirmer que citoyenneté et nationalité restent indéfectiblement liées.
    Telle est la position du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, que j'ai eu l'honneur de défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe de Villiers.
    M. Manuel Valls. M. de Villiers va être un modéré, à côté de M. Mariani !
    M. Pierre Cardo. Attendez, il ne faut pas préjuger !
    M. Claude Goasguen. Pas de terrorisme !
    M. Philippe de Villiers. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gauche a une longue mémoire et, quand elle va mal,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oh, ça commence mal !
    M. Philippe de Villiers. ... elle retrouve le vieux système Mitterrand.
    M. Pascal Clément. Très bien !
    M. Manuel Valls. Je me suis trompé !
    M. Philippe de Villiers. Mitterrand a un jour écrit qu'il fallait absolument, quand la gauche allait mal, retendre le piège de l'immigration, pour le refermer sur la droite. C'est en faisant prospérer l'immigration, et notamment l'immigration clandestine, que la gauche, à plusieurs reprises, a réussi à battre la droite, alors qu'intellectuellement, et depuis longtemps, le marxisme est une idéologie morte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Manuel Valls. Je me suis trompé ! Qu'on nous rende Mariani ! (Sourires.)
    M. Philippe de Villiers. Je parle du marxisme, parce qu'en fait, vous croyez trouver dans l'immigration aujourd'hui un Lumpenproletariat de substitution, une sorte de masse de manoeuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Claude Goasguen. Bien sur, il a raison.
    M. Philippe de Villiers. Vous êtes des « passeurs d'électeurs » comme il y a des passeurs de clandestins. Vous vous servez de l'immigration. Vous l'exploitez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je m'étonne qu'à l'Assemblée nationale, nous n'ayons pas un débat sur le problème de l'immigration...
    Mme Hélène Mignon. Vous avez raison.
    M. Philippe de Villiers. ... qui est le premier problème de France. Un intellectuel de gauche,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pléonasme !
    M. Philippe de Villiers. ... qui, parmi beaucoup d'autres en ce moment revient sur les vieilles lunes dans lesquelles vous croyez encore mais dans lesquelles les Français ne croient plus, disait récemment que la société française ressentait aujourd'hui un grand malaise en liaison avec un triple sentiment de dépossession : par l'Europe, par l'immigration musulmane et par la mondialisation.
    Nous devons affronter des problèmes de grande ampleur, et que nous proposez-vous ? Un débat sur le droit de vote des immigrés !
    Mme Elisabeth Guigou. Vous êtes rouillé, monsieur de Villiers ! (Exclamations sur les bancs des groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Cela vous va bien de dire cela, madame !
    M. Philippe de Villiers. Madame Guigou, après la défaite que vous avez subie au printemps dernier, vous devriez être beaucoup plus modeste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Thierry Mariani. M. de Villiers n'a pas eu besoin de se servir de l'immigration et de changer de circonscription pour être élu, lui !
    M. Philippe de Villiers. M. Mariani a raison, votre seule chance de revenir au pouvoir, c'est de vous servir du droit de vote des immigrés.
    M. Charles Cova. Absolument !
    M. Philippe de Villiers. C'est pour cela que vous avez suscité ce débat ce matin. En réalité, vous voulez mettre la pagaille dans notre pays. Vous prospérez sur le désordre. Vous avez cru que l'insécurité vous laisserait au pouvoir, elle s'est retournée contre vous.
    M. Manuel Valls. Robespierre revient !
    M. Philippe de Villiers. Aujourd'hui, le droit dans tous les pays du monde réaffirme deux différences fondamentales entre le statut de citoyen et le statut de l'étranger, à savoir, d'une part, la pérennité du séjour, d'autre part, le droit de vote.
    Sur la pérennité du séjour, tout le monde se souvient de la fameuse phrase de François Mitterrand : « Les étrangers sont chez eux en France ». C'est là tout le problème : il y a une différence entre les lois de l'hospitalité et le droit à perpétuelle demeure. Depuis des années et des années, la gauche a tout fait quand elle était au pouvoir pour permettre aux étrangers, qui sont nos hôtes, d'avoir la pérennité du séjour. Vous y êtes pratiquement parvenus et, aujourd'hui, avec le droit de vote, vous voulez faire sauter le dernier obstacle qui distingue les étrangers et les citoyens français. Or, on peut le dire avec la force que confère l'expérience, le droit de vote est un principe qui est lié à notre démocratie, à la nationalité. S'il n'y a pas de nationalité, il n'y a pas de souveraineté. S'il n'y a pas de souveraineté, il n'y a pas de nationalité. Le droit de vote, c'est une implication personnelle en termes de souvenir et d'avenir, qui va beaucoup plus loin qu'un simple geste civique. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter ce débat dans sa forme actuelle.
    M. Charles Cova. Très bien !
    M. Philippe de Villiers. Sur le plan des principes, la dissociation à laquelle vous voulez procéder est mortelle pour notre démocratie et a pour conséquence d'encourager tous les communautarismes contraires au principe de l'assimilation. En fait, est en train de s'installer dans notre pays, à l'instar de la Belgique ou des Pays-Bas, un ethno-communautarisme destructeur.
    Le problème de la France aujourd'hui est que l'intégration va mal, très mal. Comment peut-on intégrer à une communauté qui se désintègre ? Alors qu'il faut réaffirmer avec force les notions d'identité, de souveraineté et de fierté nationale, il nous est proposé ce matin un débat indigne par des gens qui cherchent à retrouver le pouvoir en divisant l'opposition. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pardon, la majorité.
    Mme Elisabeth Guigou. C'est que vous êtes bien fragiles alors !
    M. Philippe de Villiers. L'opposition d'aujourd'hui est à la recherche de ses idées perdues. Ce débat est hors sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.
    M. Guy Geoffroy. Ah, la Seine-Saint-Denis !
    M. Charles Cova. Les beaux quartiers !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel mépris !
    Mme Elisabeth Guigou. Comme vous le voyez, je ne crains pas de boire dans le verre de M. de Villiers ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy. Attention aux virus !
    M. Manuel Valls. Non, elle est immunisée !
    Mme Elisabeth Guigou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 2 mai 2000, j'ai eu l'honneur, en tant que garde des sceaux, d'apporter le soutien du gouvernement Jospin à la proposition de loi en faveur du vote des étrangers aux élections locales déposée par les groupes socialiste, communiste, Vert et radicaux de l'ancienne majorité.
    M. Guy Geoffroy. Qu'en reste-t-il ?
    M. Claude Goasguen. C'était une proposition des Verts ! Vous n'avez pas de mémoire !
    Mme Elisabeth Guigou. Je suis fière d'avoir participé à ce débat et d'avoir modestement contribué à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Guy Geoffroy. Vous n'êtes pas allée jusqu'au bout !
    M. Claude Goasguen. Ça ne l'a pas empêchée d'être battue aux municipales !
    M. Guy Geoffroy. Et de quelle manière !
    Mme Elisabeth Guigou. Ce rappel parce que cette adoption a été oubliée ! Et pourquoi l'a-t-on oubliée ? Peut-être parce que le texte approuvé par la majorité à l'Assemblée nationale d'alors n'a pas pu aller au-delà. Il s'est heurté à l'opposition de la majorité sénatoriale.
    M. Claude Goasguen. Il fallait le déposer d'abord !
    M. Guy Geoffroy. Il fallait assumer. Vous n'avez pas eu le courage d'aller au bout !
    Mme Elisabeth Guigou. Or, sans accord du Sénat, impossible de faire aboutir ce texte.
    M. Pierre Cardo. Ce n'était donc pas la peine de le faire voter à l'Assemblée !
    Mme Elisabeth Guigou. Comme toutes les réformes constitutionnelles, il doit en effet être approuvé dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et par le Sénat.
    M. Jean Leonetti. Le Sénat aurait-il changé depuis ?
    Mme Elisabeth Guigou. Le verrou à l'époque a été le Sénat et le verrou aujourd'hui reste le Sénat. (« Alors, pourquoi continuer ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. Guy Geoffroy. Décidément, vous ne l'aimez pas !
    Mme Elisabeth Guigou. De plus, votre majorité ne veut pas de cette réforme en dépit de la clairvoyance de quelques-uns d'entre vous qui ont eu le courage de prendre position en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    La droite a toujours refusé cette réforme. Nous, nous continuons à la vouloir. Et je vais vous dire pourquoi nous continuerons jusqu'à ce qu'elle soit un jour adoptée, à la défendre.
    M. Thierry Mariani. Ça, il fallait le dire à Avignon !
    M. Manuel Valls. Elle sera un jour adoptée !
    Mme Elisabeth Guigou. D'abord, il n'y a aucune raison de ne pas donner les mêmes droits à tous les étrangers sur notre sol, quelle que soit leur origine.
    M. Claude Goasguen. Bien pour l'Europe ! Bravo !
    Mme Elisabeth Guigou. Les étrangers qui vivent depuis longtemps chez nous ont le droit de participer par leur vote à la vie locale, alors même qu'ils acquittent de l'impôt...
    M. Guy Geoffroy. De nouveau le droit de vote censitaire !
    Mme Elisabeth Guigou. ... sont actifs dans les associations, participent à la vie économique de nos cités et de notre pays par leur travail.
    M. Guy Geoffroy. Et pourquoi ne demandent-ils pas la nationalité française ? Elle leur sera accordée !
    Mme Elisabeth Guigou. C'est justement parce qu'un premier pas a été fait en 1992 pour les étrangers de l'Union européenne, qui s'appelait alors Communauté européenne, qu'il faut accorder ce droit à tous. Rien ne justifie cette discrimination.
    M. Claude Goasguen. Vous, vous n'avez rien justifié, en tout cas !
    Mme Elisabeth Guigou. Ensuite, il faut admettre que des étrangers vivent chez nous en gardant leur nationalité d'origine. Ils n'ont pas, de ce fait, le droit de vote aux élections nationales.
    M. Guy Geoffroy. C'est leur choix !
    Mme Elisabeth Guigou. Ne mélangeons pas tout ! Le droit de vote aux élections nationales va en effet de pair avec la nationalité.
    M. Guy Geoffroy et M. Claude Goasguen. Nous sommes heureux de vous l'entendre dire !
    Mme Elisabeth Guigou. Mais, participant à la vie locale, ils doivent avoir le droit de vote aux élections locales.
    M. Michel Delebarre. Très bien !
    Mme Elisabeth Guigou. La naturalisation est la seule réponse à cette aspiration, dites-vous. Je réponds non. Souvenons-nous de l'histoire. Qu'ils soient de l'Union européenne ou d'Afrique ou d'ailleurs, le projet de ces étrangers qui gardent leur nationalité et qui vivent chez nous depuis des années n'a jamais été d'abandonner leur nationalité d'origine.
    M. Thierry Mariani. Dans ce cas, ils ne votent pas !
    M. Guy Geoffroy. C'est leur choix ! Il faut assumer ses choix !
    Mme Elisabeth Guigou. Ces étrangers d'Afrique, c'est nous qui les avons fait venir dans les années soixante-dix pour des raisons économiques.
    M. Thierry Mariani. C'est terminé, c'était il y a quarante ans ! Aujourd'hui, 5 % seulement viennent avec leur carte de travail !
    Mme Elisabeth Guigou. A l'époque, leur projet était de retourner chez eux. Puis ils sont restés, parce que leurs enfants sont nés ici, et parce que leurs enfants sont français, ils ont abandonné leur projet de retour. Pour ces parents comme pour les enfants français de ces parents-là, reconnaître le droit de vote aux élections locales, c'est une question de dignité, de reconnaissance pour ce qu'ils ont apporté, c'est marquer notre volonté d'intégration.
    M. Claude Goasguen. Mais ils ont droit à la nationalité !
    Mme Elisabeth Guigou. L'intégration, voilà le vrai sujet. Pour réussir l'intégration sociale et culturelle, il faut un geste qui reconnaisse l'histoire de ces étrangers maghrébins et africains. De la même façon qu'en 1998 nous avons rétabli le droit du sol que vous aviez supprimé...
    M. Claude Goasguen. Mais enfin, vous racontez n'importe quoi !
    Mme Elisabeth Guigou. ... et qui a été un signe de reconnaissance et d'intégration : il nous faut faire aujourd'hui un autre geste pour nos jeunes Français d'origine africaine ou maghrébine, donner le droit de vote aux élections locales à leurs parents, c'est saluer leur parcours personnel, c'est leur restituer leur histoire.
    M. Claude Goasguen. Mais, puisqu'on vous répète qu'ils ont droit à la nationalité !
    Mme Elisabeth Guigou. Leurs grands-pères sont morts pour la France. Je pense en particulier, comme je l'ai fait ici en défendant le droit du sol, à ces goumiers marocains qui ont pris le Monte Cassino à l'arme blanche, et dont pas un n'est revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Claude Goasgen. Rappelez-vous le débat sur les légionnaires !
    M. Thierry Mariani. Vous avez refusé le droit de vote aux légionnaires !
    M. Claude Goasgen. C'est inadmissible ! Scandaleux !
    Mme Elisabeth Guigou. Ce sont leurs enfants qui sont aujourd'hui chez nous. Leurs parents ont tout quitté pour venir en France et ces jeunes eux-mêmes n'ont d'autre avenir qu'ici. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Laurent Cathala. Allez-vous laisser faire cela, monsieur le président ?
    M. le président. Laissez poursuivre Mme Guigou, s'il vous plaît !
    M. Laurent Cathala. Elle a le droit de parler, tout de même !
    Mme Elisabeth Guigou. Reconnaître leur histoire, c'est reconnaître à ces jeunes leur avenir, leur dire qu'avec leur propre histoire ils ont toute leur place chez nous. Voter ce texte, c'est la meilleure façon de lutter contre le communautarisme. C'est le signe le plus fort pour l'intégration dans la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à respecter votre temps de parole.
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a près de quarante ans, je n'étais pas français. Il y a près de quarante ans, mon seul titre de séjour était une carte de résident, précaire d'abord, de dix ans ensuite. C'était la première étape de mon intégration dans la communauté française.
    Après des études supérieures en France, après un premier emploi à temps partiel, après avoir épousé une Française, le temps du choix librement consenti de solliciter ou non la nationalité française est naturellement arrivé. Ce fut la deuxième étape de mon parcours vers une adhésion plus complète à ce pays qui m'accueillait.
    Naturalisé en 1963, j'ai accompli mes obligations militaires en France. C'est ainsi que mes enfants sont nés d'un père français. Ce fut l'aboutissement d'un chemin normal, naturel, souhaité. J'ai eu la joie de voter pour la première fois de ma vie en France. Me suis-je senti frustré de ne pas avoir bénéficié de ce droit de vote avant l'acquisition de la nationalité française ? Franchement non. Ce n'était pas, je l'avoue, ma préoccupation première. Mon objectif était à l'époque d'entrer dans la fonction publique française. Cette attente, cette période probatoire sans droit de vote ne m'a pas empêché, après ma naturalisation, d'être élu député, de devenir l'un des vôtres, puis maire de l'ancienne capitale royale de la France.
    Au-delà de mon expérience personnelle, je voudrais également vous faire part d'un autre exemple très instructif sur le sujet qui nous préoccupe ce matin. Il y a une vingtaine d'années, nous avons accueilli dans ma ville - Versailles - des boat people. Il était normal que la ville des droits de l'homme et du citoyen tende la main à plus déshérités que nous. Que demandaient ces familles étrangères totalement démunies ? Apprendre notre langue, envoyer leurs enfants dans nos écoles, trouver un logement, subvenir grâce à notre aide à leurs besoins essentiels. C'était la première étape de leur parcours dans la communauté française, l'étape de l'accueil, celle proposée par le Premier ministre.
    Après le temps de l'accueil, ils ont trouvé du travail. Ils se sont apprivoisés à la société française et sont devenus des acteurs appréciés et reconnus dans nos entreprises et dans notre tissu économique et social. Ce fut la deuxième étape de leur cheminement, celle de l'intégration, celle proposée par le Président de la République.
    Enfin, ils détiennent entre leurs mains la liberté de franchir, s'ils le souhaitent, une étape supplémentaire dans leur adhésion à notre communauté nationale : celle de solliciter la nationalité française.
    A aucun moment, à aucune étape de leur longue marche, le droit de vote n'a été réclamé. Je dirai même que l'acquisition de notre nationalité est souvent moins recherchée pour bénéficier du droit de vote que pour obtenir une garantie de protection juridique pour le cas où les autorités de leurs pays d'origine leur chercheraient des ennuis lorsqu'ils y retournent pour visiter leurs familles. Dès lors, pourquoi vouloir accorder automatiquement le droit de vote à des personnes de nationalité étrangère qui, pour la grande majorité d'entre elles, ne le sollicitent pas ? Est-ce par sentiment de culpabilité ou d'échec de n'avoir pu résoudre les problèmes bien plus urgents, bien plus cruciaux, de l'accueil et de l'intégration ?
    Comment se présente la situation de nos concitoyens étrangers ? Nous accueillons régulièrement chaque année 100 000 personnes étrangères. Sont-elles toujours bien accueillies ? Non. Nous naturalisons chaque année 100 000 nouveaux concitoyens. Sont-ils toujours bien intégrés ? Non. Oser écrire dans votre proposition que l'enjeu n'est plus de parler de leur intégration est non seulement malhonnête, mais aussi désespérant pour tous ceux qui sont en quête de non-discrimination dans les domaines de l'emploi, de l'habitat ou de la formation.
    M. Manuel Valls. Vous tordez la phrase ! Vous avez mal lu !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Absolument !
    M. Etienne Pinte. Relisez vous-mêmes votre texte à la page 8. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Roman, rapporteur. Relisez ce qui est avant, il ne faut pas sortir une phrase de son contexte ! C'est une mascarade !
    M. Etienne Pinte. Cela fait, hein, mal lorsque je touche à vos incapacités !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Quelle malhonnêteté !
    M. le président. Laissez parler l'orateur !
    M. Jean Glavany. Ce n'est pas digne de vous, monsieur Pinte !
    M. Noël Mamère. Pourquoi, alors, ne demandez-vous pas la suppression de la double peine ?
    M. Etienne Pinte. C'est la raison pour laquelle j'adhère entièrement aux engagements du Premier ministre qui, en installant le Haut Conseil de l'intégration, a proposé un contrat d'accueil, un contrat républicain qui ouvrira droit à une série de prestations en termes de formation linguistique, d'orientation vers la formation professionnelle et d'accès au service public de l'emploi. Ce contrat républicain devra aussi contribuer à faire partager, à faire connaître les valeurs de la société française.
    M. le président. Monsieur Pinte, il faut conclure, s'il vous plaît.
    M. Etienne Pinte. A cet égard, je trouve scandaleuse l'affirmation de la proposition de loi selon laquelle la citoyenneté serait refusée aux personnes de nationalité étrangère au prétexte qu'elles ne détiennent pas le droit de vote. La majorité actuelle, elle, leur reconnaît la qualité de citoyens. Le Premier ministre lui-même n'a-t-il pas déclaré, le 24 octobre dernier, que chaque individu a capacité à se considérer comme membre d'une communauté de citoyens, même lorsqu'il est étranger ?
    M. Noël Mamère. Alors, allez jusqu'au bout et supprimez la double peine !
    M. Etienne Pinte. Pour toutes ces raisons, et en particulier parce que j'ai vécu personnellement de près l'acquisition de la nationalité et son corollaire, le droit de vote plein et entier, je suis défavorable à votre proposition qui ne répond pas aux véritables attentes et souhaits de nos concitoyens de nationalité étrangère.
    M. Alain Néri. Il ne faut pas faire un cas général d'un cas particulier !
    M. Etienne Pinte. La naturalisation, la nationalité française sont les seules voies dignes de l'accession au droit de vote à part entière de nos concitoyens de nationalité étrangère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Noël Mamère. Incohérence totale !
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est un long débat, qui touche à la fois à la question du droit et des droits, de la citoyenneté et de la démocratie. C'est aussi une grande revendication pour toute une génération qui est venue à la politique en faisant du combat contre le racisme et pour l'égalité des droits un principe fondateur de son engagement, une génération qui a souvent trouvé, d'ailleurs, la gauche bien frileuse sur cette question du droit de vote des étrangers.
    Deux ans et demi après le 2 mai 2000, nous avons à débattre du même thème, parce qu'il y a blocage au Sénat, parce qu'il y a nécessité à entretenir le débat sur cette question et à essayer de surmonter tous les blocages.
    Il est donc utile de constater que malgré les déclarations entendues depuis quelques semaines, qui pouvaient laisser penser que vous aviez évolué, le blocage est désormais aussi le fait de notre assemblée. Raison de plus pour reprendre ce débat afin de voir comment les arguments des uns et des autres ont évolué - ou regressé.
    Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a aujourd'hui une grande opportunité à discuter ce texte. Nous sommes un des derniers pays d'Europe à toujours ignorer cette question. Aucune élection n'est prévue à court terme. On nous a souvent reproché de relancer ce débat juste avant les élections ; ce n'est pas le cas cette fois-ci. Nous devons nous mettre en phase avec les Français sur cette affaire. Et surtout, nous devons prendre acte de ce que, le 1er mai dernier, beaucoup de ceux qui manifestaient dans la rue n'avaient pas le droit de vote. Et pourtant, ils étaient attachés à notre démocratie, ils étaient attachés à la victoire du Président de la République.
    Ce débat et sa répétition ont bien montré le caractère dépassé de certains de vos arguments. Non, le droit de vote n'est pas lié à la nationalité. Je ne referai pas ici en cinq minutes l'excellente démonstration du rapporteur. Si nous avons accordé le droit de vote aux résidents européens au motif que nous partagerions une culture commune européenne - à noter que cet argument résiste assez mal au futur élargissement -, comment oublier l'histoire commune que nous avons avec tant d'autres pays ?
    On ne saurait évidemment arguer de l'atteinte à la souveraineté nationale : il n'y en a aucune. Nous ne parlons ici ni du Parlement ni du Gouvernement. Et parmi tous les maires réunis il y a quelques jours au congrès de l'AMF, je n'en ai pas entendu un faire état, dans le flou des projets que vous leur détaillez sur la décentralisation, d'une once de souveraineté nationale qui leur ait été concédée. Ces mêmes maires, ceux en tout cas, de droite comme de gauche, qui ont mis en place des structures associées à leurs conseils municipaux, souhaitent aujourd'hui avoir de plein droit quelque chose qui corresponde à l'engagement de ces gens qui depuis des années participent à la vie de leur cité.
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Bruno Le Roux. Alors qu'ils sont électeurs et éligibles dans les entreprises, électeurs aux prud'hommes, électeurs et éligibles pour la sécurité sociale, électeurs et éligibles dans les HLM, électeurs et éligibles dans les conseils d'école, pourquoi les étrangers devraient-ils obligatoirement passer par la case naturalisation pour les seules élections municipales ?
    Vous évoquez le débat sur l'intégration. Nous sommes prêts à le soutenir, à y apporter notre contribution,...
    M. Jean Leonetti. Tardive !
    M. Bruno Le Roux. ... nous l'avons nous-mêmes mené, mais il est devenu nécessaire de l'approfondir. Nous sommes prêts à le faire. Mais, alors que vous prétendez vouloir le rouvrir, vous ne donnez pas de preuve que vous voulez l'aborder en donnant de véritables nouveaux droits à ceux qui en manquent tant dans nos cités !
    Le droit de vote, entendez-le bien, est l'acte le plus fort qui exprime le refus d'enfermer le résident étranger dans son appartenance ethnique, au risque de le pousser progressivement vers une logique d'exclusion du groupe national. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    C'est tout le contraire de la logique communautariste évoquée par M. Mariani il y a quelques minutes.
    Voter pour notre proposition de loi, c'est montrer la reconnaissance de notre pays, c'est faire vivre notre démocratie, c'est montrer notre attachement au combat pour l'égalité des droits.
    Je voudrais saluer à cette tribune ceux qui, depuis des années, militent inlassablement pour la cause du droit de vote, les militants qui, à l'initiative du MRAP, de la Fédération nationale Léo-Lagrange et de beaucoup d'autres associations ont créé un collectif...
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Bruno Le Roux. ... dénommé « Même sol, mêmes droits, mêmes voix » qui permettra un jour, je l'espère, de surmonter le blocage de ces deux assemblées conservatrices.
    La question de l'impôt a été évoquée il y a quelques minutes. Vous nous faites toujours le procès d'avoir sur ce sujet une vision censitaire. Mais c'est inverser les termes du débat : ce n'est pas tant parce qu'ils paient l'impôt qu'ils doivent voter que parce qu'une grande idée démocratique établit depuis 1789 que nul ne doit payer l'impôt à moins de l'avoir consenti directement ou par ses représentants... Cette thématique de l'impôt ne traduit en aucune manière, contrairement à ce qu'affirme régulièrement M. Goasguen, un retour à un suffrage censitaire. C'est tout au contraire devenu un élement fondateur de la démarche citoyenne.
    Mes chers collègues, le dépôt de ce texte contribue à alimenter le mouvement de la montée de la démocratie. Inspiré par les idées de la Réforme, des Lumières et de la Révolution...
    M. le président. Monsieur Le Roux, il faut conclure.
    M. Bruno Le Roux. Je conclus, monsieur le président. Ce texte s'appuie sur les grandes lois républicaines aujourd'hui centenaires : syndicats, associations, écoles, laïcité. Il sera jugé un jour, et pourquoi pas aujourd'hui, que c'est faire acte de discrimination que de rendre, à l'instar de la loi du 22 décembre 1789 votée à l'initiative de Sieyès, les citoyens actifs ou passifs selon leur lieu de naissance.
    Mes chers collègues, ne laissons personne hors du vote, faisons de la cité la chose de tous, sans exception, parce qu'en l'état, une exception, c'est une discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.
    M. Jean Leonetti. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis de ceux qui pensent qu'il est bon que ce débat arrive aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Jean Leonetti. D'abord, parce qu'il permet au groupe majoritaire de l'UMP de préciser ses positions, mais aussi parce qu'il masque un débat plus profond, plus grave : celui de l'intégration, de l'assimilation, de la citoyenneté, de la nation, de la République.
    L'intégration est-elle réussie ? C'est probablement une réussite sur le plan économique, plus mitigée sur le plan social. Mais très certainement un échec sur le plan des valeurs communes et sur le plan humain. Ajoutons qu'un risque de communautarisme se fait jour dans les territoires où la concentration de béton, de misère, de délinquance place des populations hors les lois de la République et hors de l'espoir de la République.
    On constate aussi souvent que les repères fondamentaux nécessaires à la volonté de vivre ensemble sont perdus et que la famille, l'école, l'autorité en général ne parviennent pas à les restaurer.
    On constate enfin et peut-être surtout que, contrairement à ce que disait M. Noël Mamère en mai 2000, l'extrême droite n'est pas durablement affaiblie dans notre pays.
    A qui et pourquoi l'intégration ? Quitte à froisser les uns et les autres, j'aurais tendance à penser que l'intégration s'adresse à toute la population...
    M. Daniel Vaillant. Très bien !
    M Jean Leonetti. ... dès l'instant où, dans notre pays, l'intégration se fait sur des valeurs et que pour les nationaux comme pour les fils d'immigrés ou les étrangers l'intégration doit être totale et complète dès l'instant où elle est morale.
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous sommes d'accord !
    M. Jean Leonetti. Je pense aussi que cette intégration doit se faire à quelque chose. Or ce quelque chose, c'est bien évidemment les valeurs de la République et cette volonté non seulement de résider ensemble, mais de bâtir ensemble une destinée commune. Quant à la citoyenneté, mes chers collègues, j'ai le sentiment que nous en avons trop parlé et que nous ne l'avons pas réalisée sur le terrain,...
    Mme Hélène Mignon. Tarte à la crème !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a de ça !
    M. Jean Leonetti. ... ce qui n'est pas sans poser aujourd'hui de difficiles problèmes.
    Vous avez à mon avis choisi la plus simple et probablement la moins efficace en donnant une mauvaise réponse à un faux problème. En effet, comme le soulignait le Haut Comité à l'intégration, le droit de vote n'est ni nécessaire ni suffisant pour l'intégration.
    Reprenons une partie de votre argumentation. On ne peut obéir, dites-vous, qu'aux lois qu'on a votées. Est-ce à dire que l'on puisse être délinquant dans tout pays étranger où l'on résiderait ? Les étrangers votent dans des élections prud'homales. Mais pensez-vous qu'un maire ne soit rien d'autre qu'un président de syndicat de copropriétaires ou d'une corporation ?
    La souveraineté est, à notre avis, différente de la citoyenneté. Mme Guigou évoquait les divers degrés de souveraineté. Mais tant qu'il y aura un degré de souveraineté dans une élection, il y aura souveraineté ; et dès lors qu'il y a souveraineté, cela s'adresse obligatoirement aux nationaux.
    M. Michel Terrot. En effet !
    M. Jean Leonetti. Enfin, Mme Guigou s'est en quelque sorte contredite,...
    Mme Hélène Mignon. Pas du tout !
    M. Jean Leonetti. ... puisqu'elle déclarait, le 2 mai 2000 : « Les ressortissants communautaires sont dans une relation particulière avec les citoyens français qui ne permet pas de parler de discrimination au détriment des étrangers non communautaires. Accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires, ce n'est pas mettre fin à une rupture d'égalité. »
    Nous avons mieux à proposer : créer d'abord un contrat d'intégration pour les étrangers qui arrivent régulièrement sur notre sol, avec des droits et des devoirs ; lutter contre les discriminations de toute nature, et contre l'immigration clandestine ; agir dans les quartiers, comme le fait Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine,...
    M. Manuel Valls. M. Borloo est pour le vote des étrangers !
    M. Jean Glavany. Il change souvent d'avis !
    M. Jean Leonetti. ... qui considère à juste titre qu'il s'agit d'une mission nationale prioritaire, et réformer le droit d'asile.
    De notre côté, nous avons le sentiment qu'il faut respecter l'avis de chacun, parce que nous ne sommes pas des dogmatiques, contrairement à ceux qui siègent dans la partie gauche de cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)
    Nous proposons aussi de simplifier et de clarifier les procédures de naturalisation.
    Vous avez dit en commission des lois, monsieur Roman, que deux conceptions s'affrontaient dans cet hémicycle. Vous avez raison : il y a les dogmatiques du verbe, que vous êtes, et les pragmatiques de l'action, que nous sommes !
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
    M. Jean Leonetti. Il y a ceux qui pensent qu'on peut être citoyen à différents degrés, à plusieurs vitesses, un peu « à la carte » : des citoyens usagers, consommateurs...
    M. Alain Néri. La France d'en bas et la France d'en haut, en somme !
    M. Jean Leonetti. ... et qu'il existe une citoyenneté locale participative, comme le disait Mme Guigou...
    M. Alain Néri. Ça, c'est vrai !
    M. Jean Leonetti. ... ou une citoyenneté de résidence, éventuellement secondaire, comme l'a bien remarqué monsieur Roman, une citoyenneté de passage, comme le pense effectivement le groupe socialiste.
    Nous, nous pensons que la citoyenneté est de plein droit. Elle se conforme à la nationalité, une et indivisible, comme la République. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il y a ceux qui croient qu'il suffit de présenter quelques propositions de loi de temps à autre et de ne surtout pas les appliquer, pour avoir bonne conscience et obtenir de bonnes moeurs. Pour notre part, à l'instar de Montesquieu, nous pensons qu'il vaut mieux avoir de bonnes moeurs, et ensuite faire de bonnes lois.
    Votre proposition de loi est trop petite par rapport au projet ambitieux, humaniste et républicain que nous avons pour régler à la fois le problème de l'intégration et de l'immigration.
    Parce que nous croyons encore à la République et à la France, nous voterons contre votre proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Destot.
    M. Michel Destot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que de fois en vingt ans n'a-t-on - et encore aujourd'hui - accusé ceux qui revendiquaient le droit de vote pour les résidents étrangers d'agiter le chiffon rouge devant les électeurs de Jean-Marie Le Pen !
    M. Guy Geoffroy. Mais c'est bien ça !
    M. Claude Goasgen. Puisque vous le reconnaissez vous-mêmes...
    M. Michel Destot. Il en fut de même, mes chers collègues, avant l'adoption de l'abolition de la peine de mort. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) On nous disait : la population n'y est pas prête. Et pourtant aujourd'hui des voix s'élèvent de toute part pour dire que, tout compte fait, il serait sans doute temps d'accorder aux ressortissants des Etats tiers ce qu'on a concédé à ceux de l'Union européenne, et de leur octroyer des droits correspondant à leurs devoirs.
    M. Claude Goasgen. Vraiment, vous n'avez plus rien à dire !
    M. Michel Destot. Car c'est l'essence même du pacte républicain français, fondé sur le « vouloir-vivre ensemble ».
    M. Claude Goasgen. Sur la nation ! Sur l'appartenance à la nation ! C'est la Constitution, monsieur Destot !
    M. Michel Destot. Comme tous les résidents, les étrangers non communautaires apportent indéniablement beaucoup à notre nation sur le plan économique, social et culturel. Reconnaissons, chers collègues, la diversité de notre République...
    M. Claude Goasgen. Alors, vous aller voter la décentralisation !
    M. Michel Destot. ... car cette diversité, source d'enrichissement, et cette reconnaissance de tous renforceront, n'en doutons pas, le respect de nos valeurs républicaines, celles de liberté, d'égalité et, surtout, de fraternité.
    M. Guy Geoffroy. Oui, mais avec les deux pieds dans la République, pas un dedans et un dehors !
    M. Michel Destot. Dans une ville aussi cosmopolite que Grenoble, terre d'accueil, qui compte plus de quarante communautés étrangères, la participation des quelque huit mille résidents étrangers n'était plus satisfaisante, et ce malgré la tradition souvent pionnière de notre ville en matière de démocratie participative. C'est pourquoi nous avons doté notre ville d'un conseil consultatif des résidents étrangers. Composé de membres non communautaires désignés à titre individuel par les associations, il est chargé d'organiser la participation des résidents étrangers et d'émettre des avis sur certains projets communaux.
    Pourtant, même si c'est une avancée importante, à la mesure, je crois, de ce que peut faire une collectivité locale dans le cadre actuel, ce n'est pas suffisant : il faut aller au-delà. La véritable participation démocratique, c'est le vote, le vote et son corollaire l'éligibilité, car c'est l'un des leviers de l'intégration que de participer aux décisions qui concernent directement la vie quotidienne, d'être partie prenante, avec tous les autres habitants, du choix des équipements et des services publics locaux. La citoyenneté doit dépendre du lieu où l'on s'installe, où l'on paie ses impôts, où l'on élève ses enfants et doit donc être attachée à la personne elle-même.
    Les étrangers disposent, cela a déjà été dit, du droit de vote dans de nombreuses élections régies par le droit social - élections des délégués du personnel ou des comités d'entreprise. Quelle logique y a-t-il à autoriser leur participation à la vie de l'entreprise tout en la refusant quand il s'agit de traiter des affaires courantes, relevant de la gestion d'une commune, d'un département ou d'une région ?
    M. Claude Goasguen. Ce n'est pas pareil, tout simplement !
    M. Michel Destot. Le débat que nous avons aujourd'hui, j'en suis sûr, ne suscite plus l'incompréhension d'une part majoritaire de nos concitoyens, comme ce fut le cas dans le passé. Les dernières enquêtes d'opinion sont là pour en témoigner, notamment chez les jeunes. Et, pour beaucoup, l'absence de droit de vote pour les étrangers non communautaires constitue une lacune cruelle de notre démocratie.
    Comme d'autres villes, Grenoble, qui milite depuis longtemps pour l'octroi de ce droit, a décidé avec son conseil consultatif des résidents étrangers d'apporter son soutien à la campagne nationale organisée par les collectifs « Même sol : mêmes droits, même voix », « Pour une véritable citoyenneté européenne » et « Un résident, une voix ». Des urnes seront déposées dans plusieurs lieux de la ville pour faire voter le plus grand nombre de personnes en leur permettant de répondre par oui ou par non à la question : « Etes-vous pour la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections locales ? ». Beaucoup de Grenoblois, je l'espère, iront voter en pensant, par exemple, que dans les maquis de l'Isère, pendant la Seconde Guerre mondiale,...
    M. Jean Claude Mathis. N'importe quoi !
    M. Michel Destot. ... on ne demandait pas aux résistants du Vercors, de l'Oisans et d'ailleurs, leur nationalité ! Ils étaient Français, ils étaient Polonais, Ukrainiens, Russes, Espagnols, Italiens, Africains ou Américains.
    M. Claude Goasguen. Cela n'a aucun rapport !
    M. Michel Destot. Ils étaient juifs, chrétiens, musulmans ou athées.
    M. Claude Goasguen. Mais c'est scandaleux, cela n'a rien à voir !
    M. Michel Destot. Ils ont libéré leur ville, ils ont libéré leur pays. Certains y ont laissé leur vie. A jamais, grâce à eux aussi, Grenoble, capitale des maquis selon la belle expression de la BBC, est devenue Compagnon de la Libération. Est-il concevable, soixante ans après, que leurs enfants ou leurs petits-enfants ne puissent élire le maire de Grenoble, même s'ils ne sont pas de nationalité française ou ressortissants européens ?
    Mais, allez-vous me dire, à quoi bon faire voter par les députés un texte qui sera de toute façon bloqué au Sénat ? La question est effectivement légitime, tant le Sénat, sur cette question comme sur d'autres, reste arc-bouté sur ses positions conservatrices.
    M. Claude Goasguen. Vous-même n'avez pas déposé de texte lorsque vous étiez au pouvoir !
    M. Michel Destot. Mais il faut se souvenir que le droit de vote des femmes a été bloqué six fois par le Sénat avant d'être finalement adopté à la Libération. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. C'est de Gaulle qui l'a souhaité !
    M. Michel Destot. Alors, pourquoi ne pas rêver, mes chers collègues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Destot, d'avoir respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Georges Siffredi.
    M. Georges Siffredi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, aborder la question d'une possible égalité des droits politiques pour tous les résidents d'un Etat nous amène nécessairement à nous interroger sur la pertinence des concepts de nation, de nationalité, d'Etat et de citoyenneté.
    La question de fond qui se pose est celle de la compatibilité entre, d'une part, l'élargissement des droits politiques des étrangers et, d'autre part, le maintien de la nation en tant que fondement de l'Etat. Il y a contradiction entre l'exercice des droits politiques par les citoyens, par lesquels ils font leurs choix et décident de leurs orientations pour l'avenir, et l'inclusion dans cet exercice des résidents étrangers qui, par définition, ne font pas partie de la nation.
    Nous comprenons que des étrangers, qui vivent légalement en France, veuillent s'intégrer et appartenir à notre communauté de vie et de destin. Mais rien ne les en empêche aujourd'hui : cela s'appelle tout simplement la naturalisation.
    Le droit de vote est un de nos droits essentiels et il ne doit pas être galvaudé. Il est la conséquence de l'intégration par naturalisation au sein de la communauté nationale et non pas un simple facteur d'intégration. La naturalisation, c'est la conclusion d'un parcours personnel d'intégration d'hommes et de femmes qui ont décidé de partager avec les Français cette communauté de vie et de destin dont je viens de parler.
    Il y a, en France, un peu plus de 100 000 naturalisations chaque année. Cela prouve que le processus actuel fonctionne bien, que des milliers d'étrangers rejoignent tous les ans notre communauté par une démarche volontaire. Ces nouveaux citoyens jouissent ainsi de tous les droits conférés par leur appartenance et non d'une citoyenneté au rabais.
    Je rappelle, en outre, que le droit de vote doit être basé sur le principe de la réciprocité. C'est d'ailleurs ce même principe qui, le plus souvent, est exigé par les pays d'Europe du Nord, qui ont étendu le droit de vote à certains résidents non communautaires. J'ajouterai que, lorsque l'on étudie de plus près ces pays, on constate qu'ils n'ont pas la même culture d'assimilation des communautés que nous. Ils pratiquent le droit du sang, et l'acquisition de la nationalité y est difficile. C'est sans doute pour cela que les étrangers peuvent y obtenir le droit de vote. A l'inverse, en France, où nous pratiquons le droit du sol, les modalités d'acquisition de la nationalité sont plus souples. Il n'est donc pas nécessaire de donner un tel droit de vote aux étrangers.
    M. Jean-Jacques Guillet. Très bien !
    M. Georges Siffredi. En Suède ou en Grande-Bretagne, on vous fait citoyen parce que l'on ne veut pas vous naturaliser. La conséquence de cette pratique, c'est le communautarisme, c'est-à-dire la constitution de communautés étrangères organisées en forces d'oppression et d'action.
    M. Manuel Valls. Cela n'a rien à voir !
    M. Georges Siffredi. Regardez ce qui se passe en Grande-Bretagne entre les communautés indienne et pakistanaise. Est-ce vraiment cela que vous voulez en France ?
    M. Bernard Roman, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
    M. Georges Siffredi. Une idée, sous-jacente à la proposition de loi, est celle selon laquelle il existerait des différences entre les mandats électifs, certains revêtant un caractère politique, car ils ne toucheraient pas directement à la vie quotidienne des citoyens, et d'autres un caractère bureaucratique, au sens étymologique du terme. Ainsi, votre proposition de loi introduirait une discrimination entre les élus des collectivités territoriales et les députés.
    Eh bien, non ! Le maire, le président du conseil général et le président du conseil régional ne sont pas de simples présidents de syndicats d'administrés.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. Georges Siffredi. Ne vous en déplaise, il font partie intégrante de la souveraineté nationale.
    Et instituer une citoyenneté de résidence, par opposition à la citoyenneté de nationalité, ce serait créer une citoyenneté itinérante, à la carte.
    M. Guy Geoffroy. Au rabais !
    M. Georges Siffredi. S'inscrire sur les listes électorales, ce serait comme s'inscrire à la bibliothèque ou à un club sportif. Cela est inadmissible. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Marsaudon. Il a raison !
    M. Georges Siffredi. La vérité, c'est que vous exigez pour les étrangers extracommunautaires des droits qu'ils ne souhaitent pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Leurs attentes, leurs besoins se situent au niveau de la société civile. Mais, dans ce domaine, dois-je rappeler que de nombreux scrutins sont ouverts à nos hôtes, que ce soit dans l'entreprise, aux prud'hommes, à la sécurité sociale, dans les HLM ou à l'école. Pourtant, que je sache, les problèmes d'intégration existent toujours. Est-ce en généralisant, en galvaudant notre droit de vote politique que nous règlerons ces problèmes ? Bien évidemment non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Votre proposition de loi constitutionnelle sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers me semble plutôt constituer une opération de pure communication politicienne.
    M. Claude Goasguen. En effet ! Quelle médiocrité !
    M. Philippe Pomezec. Absolument ! Démagogie !
    M. Georges Siffredi. Mais quand, mesdames et messieurs les députés de gauche, accepterez-vous de tirer les leçons du 21 avril (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Daniel Vaillant. Vous y avez une bonne part de responsabilité.
    M. Georges Siffredi. ... et vous préoccuperez-vous enfin des attentes des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Jego.
    M. Yves Jego. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, « parce qu'elle met en cause l'idée même que nous nous faisons de notre vie en commun, l'intégration réclame plus et mieux que des polémiques politiciennes ».
    Je crains que les auteurs de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui n'aient pas assez mesuré la force et les conséquences de ce propos que j'emprunte pourtant à une chronique parue récemment dans la presse, sous la plume d'un ancien Premier ministre socialiste.
    Une fois de plus, une partie de la gauche cherche à utiliser l'arbre du droit de vote pour dissimuler la forêt des questions réellement posées par notre passé et par des années d'absence de mobilisation efficace sur les grands sujets que sont ceux de l'immigration, de l'intégration et des luttes contre les discriminations.
    Une fois de plus, il s'agit dans ce texte d'imposer un droit nouveau sans jamais faire référence aux devoirs, alors que les Français espèrent et demandent une politique équilibrée autour de ces deux notions républicaines indissociables.
    Vouloir, à tout prix, faire de cette question un préalable, sans contrepartie, ne peut qu'aboutir à refermer brutalement le débat et à arrêter le vaste chantier ouvert récemment avec courage, notamment par le Président de la République dans son discours de Troyes.
    Oui, nous avons besoin de temps et d'un climat plus serein pour faire vivre le débat s'agissant d'une problématique que nous avons tous beaucoup trop abandonné depuis vingt ans à la seule démagogie des extrémismes.
    Aborder ce débat à travers le seul droit de vote n'a pas de ce sens puisqu'il affaiblit l'attention que nous devrions porter au sort des 3 400 000 étrangers qui vivent légalement sur notre territoire et, d'une manière bien plus large, à tous ceux qui, bien que français, subissent des discriminations en raison de leurs origines.
    Chacun sent bien au fond de lui qu'il s'agit ici d'un enjeu de première importance pour l'avenir même de la France ; que sa place demain dans l'Europe, mais également dans le concert international, est intimement liée à la capacité qu'elle aura d'enraciner les jeunes générations, quelle que soit leur origine, et de leur proposer un projet commun.
    C'est dans cet esprit que le Premier ministre en régénérant le Haut Conseil à l'intégration a fixé clairement un ordre de route et des priorités : d'abord, enrichir cette notion innovante et porteuse d'espoirs qu'est le contrat d'intégration pour les nouveaux arrivants, puis étendre à tous les étrangers des dispositifs efficaces et sérieux de protection, en particulier en luttant contre les discriminations raciales.
    L'enjeu principal d'une politique d'intégration ne réside-t-il pas en priorité dans l'accès au logement dans tous les quartiers de notre pays, aux concours administratifs et aux postes de la fonction publique, aux responsabilités politiques, culturelles, médiatiques et économiques ?
    Nous devons aussi, dans le même temps, et avec la même force, imposer clairement les notions de devoirs et de laïcité. En effet, le fait religieux angoisse une grande partie de nos concitoyens, et rien ne se fera de durable en matière d'intégration des étrangers issus du monde musulman si la République n'est pas plus exigeante pour faire respecter son caractère laïc.
    L'apprentissage du français, la connaissance et le respect des lois de notre pays, l'acceptation de notre culture et de nos traditions, doivent aussi à l'évidence faire partie de nos attentes contractuelles vis-à-vis de ceux que nous accueillons sur notre territoire.
    Or je n'ai rien trouvé sur tous ces sujets, pourtant fondamentaux, dans le texte qui nous est proposé aujourd'hui.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Parce que c'est une proposition de loi constitutionnelle !
    M. Yves Jego. Si nous réussissons, au cours des années qui viennent, à faire réellement progresser toutes ces questions sur une base équilibrée de droits garantis et de devoirs acceptés, alors, à titre personnel, je suis persuadé que l'extension du droit de vote aux élections locales aux étrangers non communautaires se posera dans des termes différents de ceux d'aujourd'hui. Et surtout si, dans le même délai, nous avons réussi à démontrer à nos compatriotes notre capacité à maîtriser les phénomènes de migrations qui sèment, il est vrai, la confusion dans leur esprit, en mêlant immigration légale et illégale.
    Le texte qui nous est proposé n'est qu'une loi de circonstance. En réduisant à l'extrême ce vaste débat, après d'ailleurs avoir été bien discret lors des dernières échéances électorales sur ces sujets, une partie du PS voudrait à l'évidence faire un « coup politique ».
    Ne faisons pas fausse route ! La tâche qui attend notre assemblée pour rendre de la considération et de l'espoir à des millions d'hommes et de femmes déracinés, qui ont beaucoup donné pour construire notre pays et enrichir notre culture, dépasse évidemment la seule question du droit de vote.
    Si nous voulons être à la hauteur de son enjeu et de notre histoire et répondre aux angoisses des Français, cette tâche devrait nous mobiliser tous, bien au-delà des clivages partisans, dans le calme et la dignité qu'exige un aussi noble sujet de société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Cette proposition de loi me rappelle le vieux dicton : « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais », ou plutôt ce que je n'ai pas osé faire hier. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous souhaitez aujourd'hui, mesdames, messieurs les socialistes, avec plus de vigueur que lorsque vous étiez au Gouvernement, obtenir pour les étrangers non communautaires le droit de vote aux élections locales ainsi que leur éligibilité dès lors qu'ils auraient cinq ans de résidence régulière en France, le motif de votre démarche étant, pour résumer votre long plaidoyer, que ce serait le meilleur moyen de favoriser leur intégration.
    Je commencerai mon bref exposé par l'analyse du texte et je le terminerai par celle de son objet.
    Si dans l'exposé des motifs vous précisez bien qu'il s'agit d'étrangers résidant régulièrement en France, je ne retrouve plus cette précision dans le texte que vous voulez intégrer à la Constitution. Le juge constitutionnel pourrait ultérieurement y voir une contradiction avec la loi qui, elle, le préciserait.
    Selon votre texte, l'étranger non communautaire aura plus de droits que l'étranger de la Communauté européenne. Peut-on admettre que le Luxembourgeois ou l'Espagnol soit électeur et éligible uniquement aux élections municipales, sans mandat exécutif, ou aux élections européennes, alors que l'Américain ou l'Angolais pourrait être élu ou éligible en mairie, au conseil général ou régional avec mandat exécutif ? Ne voyez-vous pas les dérives qui pourraient s'ensuivre dans des secteurs où des populations étrangères sont majoritaires ? Si, majoritairement, elles ne voulaient pas la nationalité et contestaient la République, que se passerait-il d'après vous ? Le risque pour la cohésion nationale est trop fort, d'autant qu'avec la décentralisation le pouvoir des collectivités locales va être renforcé.
    M. André Gerin. C'est faux !
    M. Pierre Cardo. On verra par la suite. Pour terminer cette première analyse, je conteste fortement ce principe soi-disant généreux qui consiste à donner, sans accord de réciprocité, un droit à un ressortissant étranger, ce qui revient à l'autoriser à voter deux fois quand le citoyen français ou européen ne votera qu'une fois.
    M. Bernard Roman, rapporteur. C'est déjà le cas !
    M. Pierre Cardo. Et que dire de la dévalorisation du droit de vote accordé aux étrangers ayant réussi un vrai parcours d'insertion et d'intégration en devenant français ?
    Je reviens maintenant à l'objectif affiché de votre proposition. Vous affirmez que notre politique d'intégration doit concerner les étrangers installés en France depuis un certain temps et que leur refuser le droit de vote est un déni d'intégration. Je suis surpris qu'après tant d'années de gouvernement, vous découvriez cette évidence que notre politique d'intégration concerne les étrangers.
    M. Jacques Myard. C'est le syndrome de l'autruche !
    M. Pierre Cardo. Je comprends dès lors mieux pourquoi cette politique a si peu réussi. Cette proposition de loi est en fait de votre part un aveu d'échec et une bataille d'arrière-garde pour vous donner bonne conscience, vous qui avez voté en 1992 l'exclusion des étrangers de la fonction publique.
    Depuis que j'exerce des responsabilités politiques ou associatives dans les quartiers à forte population étrangère, j'ai dû répondre à des demandes très nombreuses concernant le logement, l'emploi, la sécurité, le secours, une école où les enfants peuvent réussir, mais jamais le droit de vote. Cela m'a toujours semblé être le cadet des soucis des populations non intégrées, qu'elles soient d'ailleurs étrangères ou françaises. Car des problèmes, les étrangers en ont comme tous ceux qui vivent autour d'eux, mais qui ont le droit de vote et qui ne l'utilisent même plus tant ils sont certains que la République n'est pas faite pour eux.
    Alors le droit de vote, facteur d'intégration ? Sûrement, le jour où la sécurité, le social, l'emploi, le logement, l'école de la réussite seront à la portée de tous dans ce pays, Français comme étrangers. Ce doit donc être l'aboutissement d'une démarche et non un préalable.
    Cette démarche, pour l'instant, la France n'a pas su la faire réussir à nombre de ceux qu'elle a accueillis sans compter mais qu'elle a jetés pêle-mêle dans nos quartiers, nous laissant le soin à nous, élus locaux et associatifs, de compenser l'insuffisance et l'inadaptation de ses institutions pour tenter cette mission d'intégration qui n'est qu'une étape.
    Je ne voterai donc pas cette proposition de loi qui, au-delà son objectif purement politicien, relève plus de l'incantation que d'une conviction partagée ou d'une volonté affirmée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Eric Raoult, dernier orateur inscrit.
    M. Eric Raoult. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un mardi matin, jour de grève syndicale, nous sommes réunis pour une niche parlementaire du groupe socialiste.
    M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas à cause de nous, la grève !
    M. Eric Raoult. « Niche », rien que le mot pourrait faire sourire tant il paraît comme une plaisanterie pour un sujet aussi sérieux. Cette proposition de loi socialiste n'est pas réclamée, n'est pas demandée, c'est une manipulation.
    M. Claude Goasguen. Absolument !
    M. Eric Raoult. Les gouvernants socialistes d'hier se sont aujourd'hui mués en donneurs de leçons.
    M. François Lamy. Toujours dans la nuance !
    M. Eric Raoult. Vous faites preuve, mesdames, messieurs, d'une mauvaise foi idéologique et vous faites un petit coup médiatique.
    M. Guy Geoffroy. Vraiment petit !
    M. Eric Raoult. Hélas ! en dépit de toute la fausse bonne volonté des orateurs,...
    M. Manuel Valls. Rendez-nous Mariani !
    M. Eric Raoult. ... vous n'êtes pas du tout crédibles.
    M. Jacques Myard. Pléonasme pour les socialistes !
    M. Eric Raoult. Quel meilleur argument que le droit de vote donné aux étrangers pour restaurer l'unité politique du parti socialiste, à l'intérieur du parti mais également à l'extérieur avec les Verts et le PC.
    M. Laurent Cathala. Enfin, un vrai analyste !
    M. Eric Raoult. Il est vrai que M. Ayrault n'a rien inventé. Il copie François Mitterrand, ...
    M. Manuel Valls. Il y a pire !
    M. Eric Raoult. ... ses différents programmes. Après Le Coup d'Etat permanent, voici venu le coup d'éclat permanent du parti socialiste. (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Lamy. Quels arguments !
    M. Eric Raoult. Vous vous servez des étrangers mais vous ne servez pas l'intégration.
    M. Claude Goasguen. Coup d'épée dans l'eau !
    M. Eric Raoult. Vous nous refaites le coup de 1996 avec les sans-papiers en disant tout et son contraire.
    M. Jean Glavany. C'est ce qui s'appelle la finesse politique de l'hippopotame !
    M. Eric Raoult. Je n'ai pas l'habitude, monsieur Glavany, de faire des attaques personnelles.
    M. Jean Glavany. Moi non plus ! Si vous saviez quelle affection je porte aux hippopotames ! (Sourires.)
    M. Bernard Derosier. C'est gentil les hippopotames !
    M. Eric Raoult. Je ne vous attaque pas sur votre taille et sur votre échec de directeur de campagne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialistes.) Ne m'attaquez pas sur mon poids. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Glavany. Parlez du fond !
    M. Eric Raoult. En promettant, vous faites des amalgames et, faisant des amalgames, vous suscitez des mécontents.
    Le droit de vote des étrangers, ce n'est pas pour vous une conviction.
    M. Jacques Myard. Ils n'en ont pas !
    M. Eric Raoult. C'est une manipulation que vous présentez au gré des circonstances. Vous présentez la mesure à l'extrême-gauche quand vous êtes dans l'opposition, par des positions dogmatiques, et aujourd'hui vous êtes pris en otage par vos alliés idéologiques.
    M. André Gerin. Ce n'est pas brillant !
    M. Eric Raoult. Vous vous placez au centre quand vous êtes dans la majorité. Vous avez bloqué la proposition de M. Mamère en l'an 2000.
    M. Claude Goasguen. Absolument !
    M. Eric Raoult. Pourquoi ne pas être allés jusqu'au bout ? L'idéologie de M. Mamère qui vous choque...
    M. Claude Goasguen. C'était avant les élections municipales !
    M. Eric Raoult. ... quand il intervient sur l'immigration vous aurait-elle fait peur ? La preuve que non : vous la reprenez aujourd'hui à votre compte. Pourquoi relancer le débat que vous avez refusé en 1981 et en l'an 2000 ?
    M. François Lamy. C'est le bouquet final !
    M. Eric Raoult. En fait, votre proposition de loi flatte la dérive communautaire car elle apporte une fausse réponse électorale à une vraie demande de dignité et de reconnaissance.
    M. Bernard Roman, rapporteur. C'est scandaleux !
    M. Eric Raoult. Les étrangers souhaitent simplement être intégrés dans leur quartier, travailler, avoir un logement et mener une vie sociale équilibrée.
    Certains orateurs expliquent que, maires de banlieue, ils comprennent la situation des étrangers. Dans mes réunions de quartier, c'est un débat que nous n'avons jamais entendu. C'est scandaleux, avez-vous dit monsieur Roman. Vous êtes élu de Lille. Vous faites des réunions de quartier.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Oh oui !
    M. Eric Raoult. Avez-vous déjà entendu parler du droit de vote avec Mme Aubry ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est faux !
    M. Albert Facon. Il y a quartier et quartier ! Vous ne parlez pas des mêmes !
    M. Eric Raoult. J'observe simplement, en tant que responsable local, que ces communautés étrangères estiment que le droit de vote est la conséquence d'une intégration réussie.
    M. André Gerin. Démago !
    M. Bernard Derosier. Vous étiez meilleur quand vous n'étiez pas élu ici !
    M. Eric Raoult. Avant, il faut réussir l'intégration que vous avez ratée depuis vingt ans. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. André Gerin. Démagogie !
    M. Eric Raoult. Vous agissez par slogans et par effets d'annonce en allant sur le terrain des extrêmes. Il est temps que vous retourniez sur le terrain que vous avez perdu : celui de la République.
    M. François Lamy. Qu'avez-vous fait ?
    M. André Gerin. Et les lois Pasqua et Debré ?
    M. Eric Raoult. Les courants et les congrès, c'est bien. Les cages d'escalier et les ascenseurs, c'est mieux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Vous n'avez pas été ministre ?
    M. Bernard Derosier. Il ne s'en souvient plus !
    M. Jean Glavany. Vous êtes amnésique, monsieur Raoult !
    M. Eric Raoult. Vous devriez retourner aux sources de la gauche, celle qui, au début du siècle dernier, défendait si fortement et si fièrement le modèle républicain d'intégration.
    Votre problème correspond en fait à une inversion des priorités. Vous confondez citoyenneté et nationalité. En inversant leur ordre, vous faites des amalgames douteux, irresponsables et illogiques.
    En fait, votre proposition est une nouvelle fois irresponsable. Vivre en France, ce ne sont pas que des droits. C'est, je l'ai dit, le résultat de valeurs, d'une culture, d'une communautés de vues et de destin.
    D'un point de vue politique, vous critiquez ce gouvernement dont vous devriez pourtant être jaloux...
    Mme Hélène Mignon. Alors, là !
    M. Eric Raoult. ... car il a mieux compris que vous ce défi de la considération, en nommant deux ministres d'origine maghrébine et musulmane, ce que vous n'avez jamais fait en vingt ans de politique d'intégration. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Votre méthode reste idéologique, d'autres que moi l'ont dit, c'est agiter le chiffon rouge des extrêmes. Ce texte, c'est en fait le brouillard rouge, après le chiffon rouge !
    En conclusion, j'aimerais ici rappeler quelques évidences. Les processus d'intégration en France sont simples : avant le bulletin de vote, il y a le bulletin de salaire, il y a l'apprentissage de la langue, des modes de vie et des valeurs collectives. Ce que les étrangers attendent de nous, ce n'est pas le droit de vote, c'est le respect et l'assurance de vivre dans une société libre et harmonieuse où la dignité sociale leur est reconnue. Ils n'attendent pas des instruments de reconnaissance juridique, mais la reconnaissance humaine, un travail, un logement, une école pour leurs enfants. Voilà ce à quoi nous devons nous atteler avec le Gouvernement.
    L'attitude du groupe socialiste, outre les attaques personnelles, monsieur Glavany, est pitoyable et regrettable. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Derosier. Vous n'êtes pas complexé, vous !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Il a raison !
    M. Eric Raoult. Abasourdi par sa défaite, il se sert de l'intégration pour sortir de son coma idéologique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Faute de retrouver un chef, il souhaite retrouver une virginité. Il veut séduire les jeunes des quartiers qui, en outre, peuvent déjà voter et dont les parents, d'ailleurs, ne voteraient pas pour vous.
    Cette proposition de loi veut octroyer un droit et un bulletin, alors que c'est un vrai contrat qui est demandé.
    M. André Gerin. Discours populiste !
    M. Eric Raoult. Le voilà le vrai chantier, et ce n'est pas cette petite niche politicienne que nous refuserons. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pluieurs députés du groupe socialiste. A la niche !
    M. André Gerin. Populiste !
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après ce débat récurrent qui, d'une manière devenue un peu traditionnelle, pour ne pas dire répétitive, revient dans notre hémicycle, je voudrais en quelques mots essayer de tirer quelques conclusions.
    D'abord, je fais crédit à la gauche et à la droite, bref à la totalité de l'Assemblée nationale, de n'avoir qu'un but : faciliter l'intégration des étrangers de notre pays,...
    M. Bernard Derosier. Très bien !
    M. Christian Paul. Ce propos nous change de Raoult !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ..., mais pour y parvenir, manifestement, les moyens ne sont pas les mêmes. Dans un cas, l'on souhaite donner plus de droits, pensant ainsi favoriser l'intégration, dans l'autre, à droite de l'hémicycle et de la société française, on a la certitude qu'il faut au contraire favoriser l'intégration pour faire naître le désir de naturalisation.
    Telle est effectivement la question de fond qu'il faut poser : est-ce l'intégration de donner de nouveaux droits, au point même de rapprocher tellement le statut de l'immigré de celui du national que l'on peut se demander ce qu'apporte de plus une demande la naturalisation si l'on a quasiment les mêmes droits ? Pour les droits sociaux, c'est réglé par une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Maintenant, il s'agit des droits politiques.
    S'il est une urgence, c'est bien d'essayer de refléchir sur ce qui divise au fond la droite et la gauche. C'est une vision probablement différente de la psychologie des Français.
    La première question à se poser toujours, et la réponse est heureusement très satisfaisante, c'est à mes yeux la suivante : le Français, dans sa tradition culturelle, est-il raciste ? On peut le répéter aujourd'hui comme hier, comme avant-hier, la réponse est non.
    Pourquoi alors voit-on ces attitudes de repli sur soi d'une grande partie de la population française ? C'est parce que les Français ne tolèrent pas les immigrés qui se replient en communautés étrangères au sein de la terre française. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ils ne tolèrent pas les étrangers qui, non seulement ne font pas d'efforts pour s'intégrer, mais veulent au contraire, en l'affichant clairement, rester étrangers au sein de la terre française, tout en y restant durablement.
    Les Français qui se replient se révoltent contre la psychologie de certains immigrés : nous en tirons le bénéfice mais nous n'apportons rien en retour à la communauté puisque nous ne voulons pas être français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    C'est cela qui fait la différence et l'antagonisme entre la droite et la gauche. Vous, mesdames, messieurs de l'opposition, vous pensez guérir en donnant plus. Nous, nous pensons guérir...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. En donnant moins !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... en favorisant l'intégration.
    L'urgence que vient de rappeler le Président de la République n'est pas de donner des droits nouveaux, mais - et quel examen de conscience vous pouvez faire, vous qui avez été beaucoup plus longtemps que nous au pouvoir au cours des vingt dernières années - de nous demander ce que nous avons fait pour favoriser l'intégration, qu'il s'agisse de mesures linguistiques, de mesures non seulement sociales, mais d'adaptation sociale, de mesures permettant aux étrangers d'aimer la France et donc de vouloir être naturalisés.
    Quelle erreur psychologique n'avez-vous pas faite en supprimant la loi qui obligeait les étrangers à manifester leur volonté de devenir français ! Rien n'est pire que l'automaticité dans ce domaine. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    C'est le désir d'être français qui permettra de réussir l'intégration ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.) C'est parce que tout le monde aura la même volonté de l'être. Vouloir que les uns l'aient et considérer que les autres n'en ont pas besoin, c'est créer le clivage, c'est créer la séparation et la ségrégation.
    C'est en ce sens que nous ne sommes pas d'accord. Tout le monde, je le répète, souhaite améliorer l'intégration, mais les moyens, c'est clair, diffèrent fortement. Pour nous, il n'y a qu'un vrai moyen : faire naître le désir de devenir français...
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... chez tout étranger qui veut durablement rester sur notre sol. Telle est notre ambition, qui devrait être celle de chacun dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, à l'issue de ce débat, je crois que nous n'avons pas à regretter d'avoir déposé cette proposition de loi. Si je laisse de côté un certain nombre d'outrances qui ont été entendues et que je me centre sur l'essentiel, la démonstration est faite qu'il existe dans cet hémicycle, et c'est sans doute légitime, deux conceptions diamétralement opposées de la République. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés des groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Pas de la République !
    M. Guy Geoffroy. Elle a bon dos la République !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Certaines déclarations avaient conduit à troubler quelque peu la ligne de partage mais elle a été très clairement réaffirmée ce matin. Aussi, je voudrais formuler simplement trois observations.
    Puisque c'est la première niche du groupe socialiste de la législature,...
    M. Eric Raoult. Le mot est bien choisi !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... je voudrais nous mettre en garde collectivement, car certains d'entre nous ont utilisé des termes qui ne vont pas dans le sens de la valorisation du Parlement.
    La niche, c'est l'initiative parlementaire, et cette initiative appartient autant à la droite qu'à la gauche, à la majorité qu'à l'opposition. Plus que jamais, après les débats de la semaine dernière, il nous faut avoir une haute idée du rôle de l'Assemblée nationale : pour cela, nous devons respecter nous-mêmes cette initiative parlementaire.
    M. Jean Glavany. Très bien !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Chaque groupe a le droit de choisir le texte qu'il souhaite inscrire dans la niche. Parler d'inutilité, de texte présenté à la sauvette, ne contribue pas à valoriser le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Deuxième observation : il était utile d'entendre l'avis du Gouvernement - et pas seulement celui de la majorité parlementaire -...
    M. Claude Goasguen. C'est la même chose !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... puisque, si je ne m'abuse, plusieurs membres de ce Gouvernement, qui auraient pu être aujourd'hui à côté de M. le secrétaire d'Etat - je pense à M. de Robien, à M. Borloo -, ont semblé ne pas partager l'idée que vous avez défendue ici et selon laquelle, dans notre République, nationalité et citoyenneté sont inéluctablement liées. M. de Robien et M. Borloo ont en effet considéré qu'il était aujourd'hui utile d'engager cette réforme et d'accorder le droit de vote aux immigrés. Monsieur Copé, vous avez exprimé la position du Gouvernement : cette clarification était nécessaire. M. Borloo et M. de Robien sont donc deux trublions d'une droite qui, sur ce plan-là, reste conservatrice.
    M. Jean Marsaudon. C'est scandaleux !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Il était, je crois, important de le noter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cardo. Heureusement qu'ils sont là pour vous applaudir, car ce n'est pas de très haut niveau !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Enfin, vous nous reprochez - car, dans votre bouche et dans celle de nombreux intervenants, c'était bien un reproche - d'adopter une position idéologique. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est vrai, elle est idéologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Ils ne savent pas ce que ça veut dire !
    M. Pierre Lellouche. Elle est démagogique !
    M. Pierre Cardo. Elle est cynique !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Chers collègues, consultez le dictionnaire que vous voulez, le Larousse, le Robert, n'importe quelle encyclopédie, vous y lirez que l'idéologie, c'est la force des idées. Nous sommes ici pour faire vivre ces idées (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Guy Geoffroy. C'est l'immobilisme !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... et, en l'occurrence, celle que nous avons de la République (Protestations sur les mêmes bancs) et du lien entre citoyenneté et nationalité.
    On a stigmatisé les jeunes qui ont provoqué les troubles au Stade de France et qui n'étaient que quelques centaines sur des millions.
    M. Pierre Lellouche. Ben voyons !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Ce n'est pas d'eux qu'il s'agit. Le droit de vote aux étrangers ne les concerne pas, puisque 95 % d'entre eux sont déjà français.
    M. François Goulard. Et ils ne votent pas !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Mais il s'agit de leurs parents. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Goulard. Que fait-on pour leurs grands-parents ?
    M. Bernard Roman, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que la nationalité, c'était non seulement des droits, mais aussi des devoirs. Pouvez-vous m'expliquer s'il est un devoir qu'un étranger, simple résident en France, à qui l'on refuse le droit essentiel de s'exprimer sur son avenir local, ne doit pas remplir vis-à-vis de sa commune et auquel serait astreint un citoyen français ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Et ailleurs ? Et la réciprocité ?
    M. Claude Goasguen. Ce sont des tautologies !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Il s'agit donc des parents de ces jeunes.
    M. Claude Goasguen. C'est la naturalisation ascendante !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Ce débat est très sérieux : vous devez vous interroger sur l'image que nous donnons à ces jeunes en refusant d'accorder le droit de vote à leurs parents. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Marc Le Fur. Ce n'est pas un problème d'image !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Chers collègues, je le disais, c'est un débat politique et idéologique.
    M. Guy Geoffroy. Politicien !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Une clarification était nécessaire : elle a eu lieu.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Tout à fait ! Votons !
    M. Bernard Roman, rapporteur. Il y a deux conceptions de la République : celle que nous préconisons, qui est celle...
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Du n'importe quoi !
    M. Pierre Cardo. C'est de l'incantation idéologique !
    M. Bernard Roman, rapporteur. ... d'une France ouverte, d'une démocratie vivante (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), donnant sa place à chacun ; et il y a celle d'une France fermée, recroquevillée sur elle-même. (« Caricature ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman, rapporteur. Entre les deux conceptions, les Français jugeront. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ils vous ont déjà jugés !
    M. Eric Raoult. Lamentable ! Ce sont des propos indignes d'un rapporteur !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'ai écouté très attentivement le long et intéressant débat sur la proposition de loi constitutionnelle présentée par le groupe socialiste, et je voudrais, au nom du Gouvernement, vous faire part de quelques commentaires.
    J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer notre position et notre opposition très ferme à cette proposition de loi, qui fait fausse route et porte en elle les germes d'une citoyenneté au rabais...
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... ne correspondant pas à l'idée que nous nous faisons du droit de vote et de la citoyenneté à travers la notion de nationalité.
    M. François Goulard. Excellent !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. En écoutant certains orateurs, ce matin, j'ai pu mesurer les différences très claires qui opposent les uns et les autres à ce sujet.
    M. Valls, par exemple, a tenu, au nom du groupe socialiste, des propos qui, à certains égards, m'ont étonné, car ils dressent, en définitive, un diagnostic identique au nôtre : la République se fissure. Monsieur Valls, ce qui me surprend, c'est que vous arriviez tardivement à ce constat. Ce qui me surprend plus encore, c'est que, à aucun moment, il ne vous soit venu à l'esprit que vous y ayez quelque part de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je ne crois pas que la bataille du vote soit celle de l'intégration. Je ne crois pas non plus que cette formule, si souvent utilisée par vos amis politiques, ait servi à autre chose qu'à éviter d'aborder, au sein de votre famille, les sujets qui fâchent.
    M. François Goulard. Bravo !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur Valls, c'est parce que vous continuez de croire que le droit de vote peut conditionner la réussite de l'intégration que les Français vous ont désavoué.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Nous sommes très nombreux à l'avoir constaté sur le terrain et à pouvoir en témoigner dans cet hémicycle.
    Monsieur Valls, vous avez indiqué, avec un esprit un peu polémique, que vous pouviez ainsi remettre en cause la politique sociale que, d'après vous, menait le Gouvernement dans les quartiers difficiles, et vous avez cité l'exemple de l'éducation. Monsieur Valls, pas vous, pas ça ! Le gouvernement précédent, que vous souteniez ardemment...
    M. François Goulard. Il le conseillait !
    M. Guy Geoffroy. On a vu avec quel succès !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... a saboté les zones franches, a condamné, avec une application méthodique, toutes les actions que nous essayions de mener en matière de sécurité, de développement économique, d'action sociale. Quand je vous entends instruire ce procès-là concernant la politique que nous conduisons, je ne peux m'empêcher de penser que nous ne vivons pas sur la même planète.
    Vous avez encore déclaré que la nation est affaiblie.
    M. Daniel Vaillant. Avec vous, oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Mais à qui la faute ? Qui a conduit aux extrémismes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Glavany. Qui est Président de la République depuis cinq ans ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Qui, aujourd'hui, parle du contrat d'intégration pour lequel, je le regrette un peu, vous n'avez pas eu un seul mot positif ?
    Mme Martine David. C'est quoi, ce truc ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Ce contrat d'intégration, proposé par le Président de la République, il y a bien longtemps que nous en parlons, et déjà lorsque nous étions dans l'opposition.
    Mme Martine David. Inspecteur Gadget !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. A aucun moment, nous ne vous avons vu mettre en oeuvre ne serait-ce que le début de ce que nous proposons.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Enfin, je le redis, parce que c'était l'axe central de votre intervention, le droit de vote ne peut pas être un laissez-passer : c'est un aboutissement logique après que l'on a accédé à la nationalité française (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) par une démarche volontaire d'adhésion aux valeurs communes de notre République, faites de droits et de devoirs que nous devons sans cesse rappeler aux uns comme aux autres.
    Monsieur Rudy Salles, je suis bien d'accord avec vous, cette proposition de loi est un chiffon rouge à visée strictement idéologique : j'ai d'ailleurs constaté avec intérêt que M. le rapporteur Roman pensait exactement la même chose.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il n'est pas réaliste de faire de cette mesure un préalable, une condition a priori de l'intégration. Oui, je vous rejoins bien volontiers, monsieur Salles, les symboles sont importants. Offrir un droit de vote automatique ne garantit pas l'adhésion spontanée à la Marseillaise et au drapeau. C'est un travail de fond qu'il faut engager. Le contrat d'intégration que le Gouvernement propose de mettre en oeuvre s'inscrit bien sûr dans cette démarche.
    Monsieur Gerin, vous avez, pour le groupe communiste, évoqué un argument qui m'a un peu surpris.
    M. Manuel Valls. Il était pourtant excellent !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Vous avez parlé du principe d'égalité des droits et des devoirs qui, à lui seul, justifierait qu'on attribue le droit de vote aux étrangers. Et vous fixez une condition de durée de résidence de cinq ans. Mais pourquoi cinq ans, monsieur Gerin ? Pourquoi pas dix ans ou dix jours ?
    M. Pierre Cardo. Tout de suite !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Où placer le curseur ? A partir de quand considérez-vous que le principe d'égalité serait respecté ? En quoi, d'ailleurs, de ce point de vue, rétablissez-vous l'égalité ? Le seul critère qui vaille, monsieur le député, je le répète encore, c'est la nationalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    J'ai, par ailleurs, apprécié à sa juste valeur - et je n'étais sans doute pas le seul dans cet hémicycle - la séquence autocritique de la politique que vos amis n'ont pas conduite.
    M. Eric Raoult. Il l'a pourtant votée !
    Mme Martine David. S'ils ne l'ont pas conduite, il ne l'a pas votée !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Vous l'avez rappelé, vous n'avez pas aboli les lois Pasqua. Pour ma part, je ne le regrette pas, mais j'aurais bien aimé que vous les appliquiez.
    J'ai également regretté que vous ne résistiez pas au dérapage de ces amalgames douteux qui sont si fréquents dans votre formation politique et qui consistent à associer de manière assez scabreuse l'action conduite par l'actuelle majorité parlementaire et le Front national. (« Tout à fait ! », sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je trouve cela d'autant plus choquant que je suis de ceux qui considèrent que l'honneur de la droite républicaine et du centre est d'avoir toujours su refuser l'alliance avec le Front national (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et d'avoir ainsi cassé le jouet diabolique du mitterrandisme. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et Soisson ?
    M. Albert Facon. Et Blanc ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur Mariani, vous avez raison, on peut se demander si la gauche a retenu les leçons du 21 avril.
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Le lien entre la nationalité et la citoyenneté, que vous avez judicieusement rappelé, est bien le seul qui vaille, le seul qui garantisse la cohésion nationale et le respect des valeurs républicaines. Et vous avez bien raison, l'argument des élections professionnelles, qui avait également été brandi par M. Gerin, n'est pas très pertinent. Heureusement, la qualité de citoyen est détachable de celle de salarié ou de celle de contribuable. De la même manière, vous avez parfaitement démontré que la France n'est pas la lanterne rouge, bien au contraire, et que rien ne sert d'ouvrir la porte du vote pour refermer celle de la nationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur de Villiers, vous avez rappelé que le problème de la pérennité du séjour est un point majeur de l'argumentaire de gauche et que, de ce point de vue, la confusion de ce problème avec celui du droit de vote est porteur de toutes les difficultés, de tous les risques, y compris celui du communautarisme. Il est temps de le dire une bonne fois ici ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Madame Guigou, l'argument qui consiste à faire croire que le recul du précédent gouvernement est dû au Sénat commence à être usé. Car, après tout, vous n'aviez qu'à déposer votre texte au Sénat. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais peut-être craignez-vous les combats difficiles. En tout cas, j'ai l'impression que cela vous a bien arrangée de cacher derrière le Sénat vos contradictions et celles de vos amis.
    Mme Martine David. C'est minable !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Car enfin, où étaient, ce matin, les si nombreux députés socialites soi-disant favorables à ce texte ? Nous les voyons à présent, mais je les ai longtemps cherchés sur vos bancs : je n'ai vu ni M. Hollande, ni M. Dray, ni M. Fabius, et je n'ai pas vu non plus M. Strauss-Kahn, pourtant si prompt à se défiler et à annuler un débat télévisé quand les circonstances sont difficiles. (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray et M. François Hollande. Nous sommes là !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais ils sont là !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Détendez-vous, je n'ai pas terminé ! (Exclamations prolongées sur les mêmes bancs.)
    M. Julien Dray. Qu'est-ce c'est que ça ? Où vous croyez-vous ? Qu'est-ce que c'est que ces mises en cause personnelles ?
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. J'ai bien noté la présence de M. Hollande... (Huées sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Monsieur le ministre, vous avez la parole.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Voilà ce qu'on appelle un débat serein !
    M. le président. Laissez parler monsieur le ministre.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur Pinte, vous avez raconté...(Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Monsieur Dray, vous venez d'arriver : il aurait été utile que vous entendiez le débat. Cela vous aurait permis de vous détendre un peu.
    M. Julien Dray. Quand vous ne venez pas en commission à la région, qu'est-ce que je dis, moi ?
    M. le président. Monsieur Dray, calmez-vous ! Ça ne sert à rien.
    Mme Martine David. C'est le guignol !
    M. Julien Dray. Où sommes-nous ? Dans un conseil municipal ?
    M. le président. Laissez conclure le ministre, qui ne fait que vous répondre.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Ces sujets méritent un peu plus de respect et de détente. On se demande vraiment où sont l'écoute et la tolérance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. Minable !
    Un député du groupe socialiste. Petit roquet !
    M. Julien Dray. A la niche, Copé !
    M. Jean Glavany. Il n'est pas digne d'exercer ses fonctions !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Et, encore une fois, je vous demande pardon d'exister.
    Monsieur Pinte, vous avez magnifiquement raconté, à travers votre propre chemin de vie, un formidable parcours d'intégration réussie. Vous avez rappelé avec émotion combien l'acquisition de la nationalité accordait beaucoup plus qu'un simple droit de vote : la nationalité donne à celui qui l'acquiert un ensemble de droits et de devoirs, ceux du citoyen, ce qui permet de la placer sous la protection des lois de la République. Cela mérite d'être médité bien au-delà de ce climat d'injure et d'insulte qui nous permet de mieux comprendre pourquoi l'opposition en est arrivée où elle est. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Christian Paul. Provocateur !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur Le Roux, je ne peux pas vous laisser dire que le fait qu'un étranger n'ait pas le droit de vote constitue une discrimination. Je sais bien que, parfois, on est tenté de ne reculer devant aucun sacrifice pour défendre l'indéfendable, mais quelle injure pour ceux qui sont victimes de véritables discriminations racistes ou xénophobes !
    Jean Leonetti a rappelé avec beaucoup de précision combien était important le lien entre la nationalité et la citoyenneté. Il a fait l'éloge du contrat d'intégration, et je ne peux qu'approuver ses propos.
    Grâce à M. Destot, on est monté toujours plus haut dans la catégorie des amalgames. Après la discrimination, voici l'amalgame avec la peine de mort. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Daniel Vaillant. Pour qui se prend-il ?
    M. François Lamy. C'est incroyable !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il n'est pas très facile de s'exprimer dans l'hémicycle aujourd'hui. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer. Allez-y, partez, messieurs !
    M. Claude Goasguen. A leur place, je sortirais ! (Sourires.)
    M. Daniel Vaillant. C'est à lui de sortir ! C'est honteux !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Sans doute seriez-vous plus calmes si j'expliquais que j'étais d'accord avec vous. Malheureusement, ce n'est pas tout à fait le cas.
    M. Julien Dray. Ne nous traitez pas comme cela ! Vous êtes un voyou !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur Destot, lorsque vous avez fait la comparaison avec la peine de mort, il nous a semblé qu'il y avait là un sérieux décalage de perspective.
    M. Christian Paul. Vous êtes lamentable !
    Mme Martine David. Il ne sait même pas quoi répondre !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Vous parliez de votre expérience d'élu de Grenoble. Nous avons tous des expériences d'élus locaux et nous avons appris que, en réalité, le droit de vote ne règle pas à lui tout seul les problèmes locaux liés au travail, loin s'en faut. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. Nous sommes d'accord, nous l'avons déjà dit !
    M. Albert Facon. On ne fait pas voter les morts, nous !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Dans ce domaine-là, je crois que nous avons quelques raisons d'être choqués lorsque vous revendiquez, comme vous le faites, ce droit de vote.
    M. Christian Paul. C'est vous qui choquez le Parlement !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Nous avons été quelques-uns aussi à réagir lorsque vous avez évoqué la référence à ceux qui se sont battus aux côtés des Français et qui étaient de nationalité étrangère lors des heures tragiques de notre histoire. Car, enfin - et tant pis si cela aussi vous irrite -, nous avions été nombreux, ici comme ailleurs, à être choqués par la manière dont vous aviez réagi lorsqu'il s'agissait de la naturalisation des légionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Votre attitude nous avait alors paru tout à fait déplacée.
    Mme Martine David. C'est vous qui êtes déplacé !
    M. Jean Marsaudon. Rappelez-vous, quand le roi du Maroc est venu, ils sont tous restés assis !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Non, vraiment, rien dans vos arguments ne nous paraissait convaincant.
    Monsieur Siffredi, je fais volontiers mien votre raisonnement sur le processus de naturalisation. Il est vrai que les procédures doivent être améliorées dans ce domaine, qu'elles conduisent à un accord ou à un refus, mais il ne nous paraît pas sain de ne pas passer par ce processus.
    Quant à la distinction entre élus locaux et élus nationaux, elle me choque également. C'est une discrimination de plus, comme dirait peut-être M. Le Roux.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Je suis d'accord avec vous, monsieur Yves Jego, l'arbre du droit de vote ne doit pas dissimuler la forêt de l'échec de l'intégration. Le contrat d'intégration et la lutte contre les discriminations les plus concrètes, auxquels, je le sais, monsieur le député, vous oeuvrez, constituent un vrai, grand et noble défi pour notre République.
    De la même manière, je partage vos propos, monsieur Pierre Cardo. Oui, le non-respect du principe de réciprocité est un véritable obstacle de droit, et surtout de fond.
    J'ai écouté attentivement vos propos, monsieur Eric Raoult,...
    M. André Gerin. Ce n'était pas brillant !
    M. Albert Facon. Il peut mieux faire !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... et, comme vous, je pense que l'initiative du groupe socialiste est un petit coup médiatique.
    Nous n'avons pas de leçon de morale à recevoir, et surtout pas sur l'intégration ! Vous l'avez dit, monsieur le député, deux ministres musulmans de grand talent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) participent à ce gouvernement. Voilà ce qui témoigne de la force de la République. Voilà aussi ce que vous n'avez pas fait, mesdames et messieurs de l'opposition ! (Vives protestations sur les mêmes bancs.)
    Mme Christine Boutin. Très juste !
    M. Jean Glavany. C'est quoi un ministre musulman ? Vos propos sont honteux !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Discuter dans les salons parisiens, c'est mode, c'est tendance, mais agir, c'est tout de même mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    La rupture du lien entre la nationalité et la citoyenneté constitue effectivement un point de différence majeure entre la gauche et la majorité. Le véritable combat à mener c'est celui de l'intégration et de la réussite de celle-ci. Le désir d'accéder à la nationalité, comme l'a rappelé le président de la commission, est le combat essentiel. La Marseillaise sera d'autant moins sifflée qu'elle sera entonnée par tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) N'ouvrons pas aux étrangers la porte du droit de vote pour refermer celle de l'accès à la nationalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je voudrais demander au Gouvernement et à la majorité si nous avons encore le droit de déposer une proposition de loi !
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe pour la majorité présidentielle. Oui !
    M. Jean-Marc Ayrault. On nous a dit ce matin, tout au long du débat, que notre proposition de loi constituait un mauvais choix.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Marc Ayrault. Mais appartient-il au Gouvernement et à la majorité de décider des textes que nous devons déposer ? Je pose la question ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Ollier. De quel article du règlement s'agit-il ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Allons-nous procéder comme au Sénat, où c'est le Sénat lui-même qui décide ce qui doit être ou non inscrit à l'ordre du jour ? Je vous rappelle que nous avons conquis des droits, et que ceux-ci valent aussi bien pour la majorité que pour l'opposition.
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Guy Geoffroy. Sur quel article est-il fondé ?
    M. Claude Goasguen. Monsieur le président, faites respecter le règlement !
    M. Jean-Marc Ayrault. Ainsi, en dehors de l'ordre du jour prioritaire, dont le Gouvernement a la maîtrise, les groupes parlementaires peuvent, en fonction du nombre de leurs membres, déposer des propositions de loi.
    M. Bernard Accoyer. Mais ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Marc Ayrault. C'est ce que nous avons fait, au moment où venait notre tour. Nous revendiquons ce droit et nous le défendrons sur quelque question que ce soit. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà pour ma première remarque.
    M. Guy Geoffroy. Quelle belle bataille !
    M. Jean-Marc Ayrault. Par ailleurs, nous pensions que le Gouvernement et la majorité avaient évolué.
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous allez voir. Nous aurions aimé un débat serein, mais celui-ci a été particulièrement difficile à obtenir à cause non seulement de la teneur des propos des orateurs de la majorité mais aussi, nous venons de le constater à l'instant, de la volonté de polémique et de provocation manifestée par le représentant du Gouvernement. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est inacceptable, vous êtes allé trop loin, monsieur le secrétaire d'Etat. (Huées sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'était de la provocation !
    Mme Martine David. Les propos de M. le secrétaire d'Etat étaient scandaleux !
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez dit, je le rappelle, que l'honneur de ce gouvernement était d'avoir en son sein deux ministres musulmans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Derosier. De tels propos étaient scandaleux !
    M. Jean Glavany. Ce dérapage était inacceptable !
    M. Jean-Marc Ayrault. Pourquoi pas catholiques, protestants, juifs ou athées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer. Ça suffit !
    M. Jean-Marc Ayrault. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes tous ici des représentants du peuple français, quelles que soient notre conviction et notre religion. Vous n'avez pas à opérer une telle distinction. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Ollier. Monsieur le président, ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous le constatons : malgré les écrans de fumée qu'elle dresse sur l'intégration (Vives exclamations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. le président. Monsieur Ayrault, veuillez conclure,...
    M. Jean-Marc Ayrault. ... la droite reste ce qu'elle est. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et de groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. ... en vous en tenant à la question du déroulement de la séance.
    M. Jean-Marc Ayrault. Aussi, monsieur le président, compte tenu de la gravité des propos de M. le secrétaire d'Etat, du climat qu'il a instauré à la fin de ce débat, que nous voulions, je le répète, serein, je demande une demi-heure de suspension de séance pour réunir mon groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour quelques minutes.
    (La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Pour présenter ses excuses !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais simplement, en quelques mots,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Présenter des excuses ?
    M. Charles Cova. S'excuser de quoi ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... répondre au président Ayrault.
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. En aucun cas, je ne voudrais qu'il y ait de malentendu ou d'ambiguïté sur le terme que j'ai utilisé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il va de soi, dans mon esprit, qu'il ne s'agissait pas, bien sûr, de polémique. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Il est bon que, sur des sujets difficiles, chacun se parle ouvertement. Je le répète, il ne s'agit en aucun cas, pour moi, de vouloir entrer dans une polémique ou de laisser subsister la moindre ambiguïté. Par conséquent, je retire bien volontiers le terme que j'ai utilisé et qui ne correspond pas à l'esprit dans lequel je voulais inscrire mon propos.
    Je voulais simplement dire que, au sein de notre équipe gouvernementale, il y a des gens qui sont issus de l'immigration récente et qui ont effectué un formidable parcours au sein de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Daniel Vaillant. En tout cas, le lapsus était révélateur !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Je voulais le signaler au titre de l'exemplarité sans aller au-delà, bien entendu.
    Ce rappel était nécessaire afin que, je le répète, aucune ambiguïté ne subsiste dans les propos que j'ai tenus précédemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur le passage à la discussion
de l'article unique

    M. le président. La commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion de l'article unique du texte initial de la proposition de loi constitutionnelle.
    Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion de l'article unique, la proposition de loi constitutionnelle ne sera pas adoptée.
    Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Claude Goasguen. J'appelle évidemment la majorité de cette assemblée à voter contre le passage à la discussion de l'article unique de la proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mon explication de vote sera très rapide. En effet, si, ce matin, nous avons entendu parler de Camus, de Senghor ou de Jaurès, nous n'avons entendu, en revanche, aucun argument en faveur du texte lui-même. Ceux qui le soutiennent se sont contentés, pendant de longues heures, d'énoncer des tautologies du genre : « il faut voter parce qu'il faut voter ».
    Mme Martine David. Avons-nous encore le droit de parler ?
    Vos longues interventions ont permis de dévoiler les véritables motivations qui vous ont poussés à déposer ce texte dans cette niche parlementaire : fidèles à la tradition, vous vous servez aujourd'hui du vote des étrangers comme vous vous en êtes servis hier.
    Rappelez-vous, en l'an 2000, la proposition de M. Mamère a été votée alors que se préparaient les élections municipales. En tendant la main à moitié à M. Mamère - car vous vous êtes bien dispensés de déposer le texte au Sénat - vous espériez aplanir les difficultés. On a vu les résultats de ces alliances municipales peu de temps après. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. A Paris, par exemple ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Claude Goasguen. En ce sens, vous étiez bien dans la tradition et vous l'êtes toujours.
    M. François Hollande. Vous aussi, vous êtes bien dans la tradition.
    M. Claude Goasguen. Car je vois deux raisons au dépôt de ce texte.
    La première, la plus immédiate, c'est que vous avez cru déceler au sein de la majorité parlementaire des dissensions sur ce sujet.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Oh, vous croyez !
    M. René Dosière. Est-ce possible ?
    M. François Hollande. Sur ce seul sujet ?
    M. Claude Goasguen. Adoptant une démarche politicienne, comme d'habitude, vous avez voulu utiliser la niche parlementaire comme sondage - ce qui n'est pas sa vocation. Eh bien, la réponse est non ! Il n'y a pas de dissensions dans la majorité parlementaire. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La seconde raison, plus profonde, au fait que vous ayez souhaité agiter, une fois de plus, le chiffon, qui n'est même plus rouge, tant il est délavé...
    Mme Martine David. Guignol !
    M. Claude Goasguen. ... c'est votre tentative, désespérée, de mobiliser votre électorat et vos militants : « Rassemblez-vous derrière le pavois du vote. » Ça a marché en 1982, ça a failli marcher en 2000, alors peut-être le congrès du parti socialiste se déroulera-t-il mieux au printemps prochain grâce à ce texte ?
    Mme Martine David. Politicard !
    M. Claude Goasguen. Voilà la nature profonde de vos arguments. Et si vous ne me croyez pas, écoutez les enregistrements de vos propos.
    La faiblesse de l'argumentation que vous avez développée prouve à quel point vous ne croyez pas vous-même au bien-fondé de cette proposition. Une fois de plus, vous vous servez des étrangers (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) pour essayer de rassembler un électorat de gauche en déshérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Martine David. Et les « ministres musulmans » ?
    M. Claude Goasguen. Je ne me place pas, monsieur le président, sur un plan juridique pour critiquer l'utilisation de la niche parlementaire.
    M. François Lamy. Parlez sur le fond !
    M. Claude Goasguen. J'observe simplement que lorsque nous étions, nous, dans l'opposition, nous avons, à plusieurs reprises réussi à faire adopter des propositions de loi en associant la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. René Dosière. Des lois sectaires ?
    M. Claude Goasguen. Mais si ! Rappelez-vous la proposition de M. Mattei, que vous avez votée. C'est cela, l'esprit des propositions de loi.
    M. François Hollande. C'est ça la tolérance de la majorité !
    M. Claude Goasguen. Cela n'a rien à voir avec la magouille parlementaire à vocation politicienne que vous utilisez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean Glavany. Parole d'expert !
    M. Claude Goasguen. Nous ne sommes pas dupes de la sincérité de vos propos. Mais, surtout, vous oubliez un élément primoridial, c'est que la République est fondée sur le libre choix des individus. Avant de déposer une proposition de loi, vous devriez d'abord interroger les étrangers dont vous parlez tant pour savoir s'ils sont demandeurs.
    Mme Martine David. On a le droit de faire ce que l'on veut quand même !
    M. Claude Goasguen. Or nous avons une référence. En l'an 2000, lorsque vous tendiez la demi-main à M. Mamère, vous aviez fait signer une pétition. Celle-ci avait recueilli 8 000 signatures, sur un corps électoral potentiel de 3 millions d'individus. Où est la nécessité politique de cette proposition de loi ?
    M. Jérôme Chartier. Grotesque !
    M. Patrick Ollier. Ridicule !
    M. Claude Goasguen. Comment pouvez-vous prétendre que les étrangers demanderaient en masse de pouvoir voter aux élections locales ?
    En réalité, le choix que font certains étrangers de vouloir conserver leur nationalité est tout aussi républicain que celui de vouloir leur proposer une nationalité sans qu'ils aient de démarche à faire.
    La citoyenneté et la nationalité ne se trouvent pas dans une pochette surprise. (« Oh ! là ! là ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    La nationalité et la citoyenneté, cela demande un effort, c'est un choix. Mais, bien sûr, vous ne le comprenez pas !
    Mme Martine David. Le secrétaire d'Etat a donné le ton !
    M. Claude Goasguen. D'ailleurs, vous vous étiez les premiers engagés dans cette voie avec la loi de Mme Guigou, qui avait substitué au libre choix l'automaticité de la nationalité.
    M. Bernard Roman, rapporteur. Une explication de vote, c'est cinq minutes, monsieur le président !
    M. Claude Goasguen. Vous ne comprenez pas cet aspect de la République.
    Mme Martine David. Assez !
    M. Claude Goasguen. Vous invoquez des exemples étrangers, d'ailleurs sans y croire. Mais vous savez bien qu'à l'étranger le choix de la citoyenneté implique la réciprocité ou un droit de la nationalité plus difficile à acquérir qu'en France.
    M. Jean Glavany. Cinq minutes !
    M. Claude Goasguen. Je voudrais dire pour terminer (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    Je vous remercie. Si vous pouvez même vous exclamer plus vivement, cela réconforte l'électorat de droite de voir que nous ne sommes pas d'accord avec vous. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je vous en prie, recommencez !
    Mme Martine David. Assez !
    M. Claude Goasguen. Vous voulez la différence ? Vous l'avez ! Et vous l'aurez pendant longtemps, croyez-moi ! (Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Henri Nayrou. C'est l'heure, monsieur le président !
    M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre, pour que nos débats n'aient pas été inutiles, je voudrais appeler votre attention sur un point particulier.
    Mme Martine David. Monsieur le président, depuis combien de temps parle-t-il ?
    M. Claude Goasguen. Je vous demande de faciliter l'application du droit à la naturalisation.
    Je vous demande, parce que c'est consensuel, de faire en sorte que le code civil soit appliqué, notamment l'article 21.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Goasguen !
    M. Claude Goasguen. Je conclus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !
    M. Claude Goasguen. Plus fort ! J'adore vos cris ! Ils me stimulent ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Voilà ! Ça marche !
    Mme Hélène Mignon. Vous n'êtes pas au théâtre !
    M. le président. Concluez, monsieur Goasguen !
    M. Claude Goasguen. Il faut absolument que vous permettiez aux étrangers qui veulent la nationalité française de bénéficier de la règle...
    Mme Martine David. Guignol !
    M. Claude Goasguen. Madame, je n'apprécie pas du tout votre remarque. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Lamy. Ce n'est pas grave !
    M. Claude Goasguen. Vous étiez plus chatouilleux tout à l'heure, sur vos bancs, à propos des insultes qu'on vous adressait. Vous devriez tourner votre langue dans votre bouche avant de parler. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, d'appliquer l'article 21 du code civil qui exige que les formalités administratives soient appliquées en dix-huit mois. Ce sera le seul intérêt de cette triste première niche parlementares. Si vous saviez, mesdames, messieurs, la satisfaction que nous avons de vous voir dans cet état ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Sur le passage à la discussion de l'article unique, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, nous pouvions espérer que les intervenants dans ce débat fassent preuve d'une certaine maturité et d'une hauteur de vue pour prendre en compte notre histoire.
    M. Ghislain Bray. On n'est pas des poires !
    M. Jean Le Garrec. Malheureusement, l'intervention de M. Goasguen, que je viens d'écouter, ne va vraiment pas dans ce sens-là.
    M. Claude Goasguen. Tant mieux !
    M. Bernard Accoyer. Il a tout compris !
    M. Jean Le Garrec. J'ajoute que l'intervention caricaturale, excessive, totalement erronée de M. de Villiers ne va pas non plus dans ce sens.
    M. Charles Cova. Il a donc touché juste !
    M. Jean Le Garrec. Quant à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas à donner de leçon, je voudrais simplement faire remarquer, j'en ai le droit, que votre intervention était excessive.
    M. Jean Marsaudon. Elle était très, très bonne !
    M. Jean Glavany. Non, choquante ! Indigne !
    M. Jean Le Garrec. Elle ne correspond pas au respect que doit témoigner au Parlement un membre du Gouvernement, qui ne représente pas seulement une majorité, mais aussi la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    M. Jean Glavany. Oui, mais ça ne s'apprend pas à l'ENA, cela !
    M. Bernard Accoyer. Rappelez-vous Guigou quand elle était à cette place !
    M. Claude Goasguen. Qui nous a insultés sans raison ?
    M. Jean Le Garrec. J'utiliserai pour ma part, dans ce débat, que je veux digne par respect pour le sujet dont nous parlons, trois mots.
    M. Claude Goasguen. Et le respect du Parlement alors ?
    M. Jean Le Garrec. Je vous demande de m'écouter. Ces trois mots, ce sont ceux de « nécessité », de « lutte contre les discriminations » et de « confiance ».
    Nécessité ? M. le secrétaire d'Etat a parlé d'aboutissement. Oui, je considère que le débat d'aujourd'hui est l'aboutissement d'une histoire.
    M. Claude Goasguen. C'est n'importe quoi !
    M. Ghislain Bray. Une histoire d'amour ?
    M. Jean Le Garrec. C'est l'aboutissement de l'histoire de notre pays, de son histoire coloniale. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) militaire et économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés-e-s communistes et républicains. - Nouvelles protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Thierry Mariani. Grotesque !
    M. Jacques Myard. Vive la coloniale !
    M. Charles Cova. Vive les marsouins !
    M. Jean Le Garrec. Voilà les trois éléments qui sont à l'origine de ce débat.
    Histoire coloniale et histoire militaire sont tragiquement liées.
    M. Claude Goasguen. C'est n'importe quoi !
    M. Jean Le Garrec. Il faudra bien, un jour, que notre pays se retourne sur le passé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Marsaudon. C'est scandaleux d'entendre çà ! Après on s'étonne que la Marseillaise soit sifflée !
    M. Jean Le Garrec. Quant à l'histoire économique, j'ai encore en mémoire la politique des années 1970-1980, plus particulièrement des années 1972-1973, où l'on faisait venir 200 000 personnes par an, parce que la France avait besoin de ces immigrés (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) pour se reconstruire...
    M. François Hollande. C'est vrai ! Quelle responsabilité !
    M. Jean Le Garrec. ... La France avait besoin de ces immigrés pour construire le port de Dunkerque (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), pour construire la sidérurgie. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Charles Cova. Ce n'est pas le sujet !
    M. Jean Le Garrec. J'ai eu entre les mains des documents d'entreprises qui montrent que celles-ci passaient commande à des « traiteurs » qui recrutaient presque de force dans les pays les femmes et surtout les hommes dont ils avaient besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. Des exploiteurs !
    M. Claude Goasguen. Et Mitterrand ?
    M. Jean Le Garrec. Monsieur Goasguen, je mène ce combat depuis vingt-cinq ans.
    M. Claude Goasguen. Vous le menez mal !
    M. Jean Marsaudon. C'est de la provocation !
    Mme Christine Boutin et M. Thierry Mariani. Et ça n'a rien à voir !
    M. Jean Le Garrec. Vingt-cinq ans, monsieur Goasguen ! C'est moi qui ai créé un certain nombre de droits concernant par exemple le droit d'association en supprimant l'autorisation préalable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Claude Goasguen. Rien à voir !
    M. Jean Le Garrec. C'est moi qui ai travaillé auprès de Mme Geneviève Anthonioz de Gaulle, auprès de l'abbé Pierre...
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Ça n'a rien à voir !
    M. François Goulard. Et Mitterrand ?
    M. Jean Le Garrec. ... pour que l'on prenne en compte les conditions d'accueil, de logement, de travail, d'emploi, de précarité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Claude Goasguen. Vous êtes des hommes du passé !
    M. Jean Le Garrec. Mes chers collègues, poser ce problème aujourd'hui comme l'aboutissement d'une histoire, c'est grandir notre pays et grandir la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Lequiller. Il fallait soutenir Mamère !
    M. Jean Le Garrec. Deuxième remarque, sur la discrimination.
    Je suis très fier d'avoir déposé, en novembre 2001, au nom du groupe socialiste, une proposition de loi cosignée par le président du groupe sur les discriminations, elle a été votée avec l'appui d'Elisabeth Guigou. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est, je crois, une loi fondamentale. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
    Je suis l'élu d'une circonscription où l'on retrouve toutes les strates de cette immigration maghrébine, comorienne, turque, africaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Les jeunes - et là je rejoins ce qu'a écrit Laurent Fabius - sont français et ils sont intégrés.
    M. Pierre Cardo. Pas assimilés.
    M. Jean Le Garrec. Mais ils rencontrent d'énormes difficultés dans les domaines de l'emploi, du logement, de l'accueil.
    M. Pierre Cardo. Eh oui !
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La faute à qui ?
    M. Claude Goasguen. Hors sujet !
    M. Jean Le Garrec. Par rapport au regard que l'on porte sur eux, et l'on sait l'importance du regard. Ils vivent des difficultés avec un sentiment de terrible injustice. Pour eux - car j'en parle avec eux, je les réunis...
    M. Bernard Accoyer. Nous aussi !
    M. Jean Le Garrec. ... la première des injustices, c'est la non-reconnaissance de ce que leurs parents ont fait en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Leonetti. Qu'ont fait les socialistes au pouvoir pendant cinq ans ? Elle est là l'injustice !
    M. Jean Le Garrec. L'injustice, c'est la non-reconnaissance de ce qu'a été la vie du père qui s'est « crevé au boulot » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), qui a accompli les tâches les plus difficiles. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.) L'injustice, c'est la non-reconnaissance de ce qu'a été la vie de la mère, élevant les enfants dans des conditions de logement souvent pitoyables ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    En matière de lutte contre les discriminations, ce qu'ils réclament en priorité, c'est qu'on reconnaisse l'action de leurs parents et qu'on leur accorde le droit de vote aux élections municipales. Voilà ce qu'ils nous demandent ! (« Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Car ils vivent douloureusement cette situation ! Vous ne voulez pas l'admettre, soit ! Cela m'indiffère et vous ne m'impressionnez pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - « Vous non plus ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Cardo. Ça ne coûte pas cher !
    M. Jean Le Garrec. Troisième et dernière remarque.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Le temps est écoulé, monsieur le président !
    M. Jean Le Garrec. J'aurais voulu dire à M. le président de la commission des lois, mais il n'est pas là, que ce n'est pas un débat d'ordre psychologique. En revanche, monsieur Raoult, vous qui employez ce terme comme si c'était une injure, il s'agit bien d'un débat idéologique, c'est-à-dire d'un débat d'idées,...
    M. Claude Goasguen. Non, c'est un débat politicien !
    M. Jean Le Garrec. ... fondamental pour l'action politique.
    J'ai parfois l'impression, quand nous débattons sur ce problème, que vous avez peur de vous-mêmes (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), peur de regarder l'avenir. Vous avez de la République une vision rétrécie, repliée sur elle-même.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Absolument !
    M. Jean Le Garrec. Je le dis très clairement, si nous voulons faire réduire les inégalités, si nous voulons lutter contre les discriminations, il nous faut transcender les difficultés et diffuser les valeurs que ces jeunes portent. C'est en cela, d'ailleurs, que, contrairement à vous, nous faisons confiance à la République et c'est pourquoi nous demandons de voter le passage à la discussion de l'article unique pour que le débat continue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cardo. Dans quel état l'avez-vous mise, la République !
    M. Pierre Lequiller. Vous avez eu peur de Mamère !
    M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. André Gerin. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais à mon tour protester contre...
    M. François Goulard. Qu'est-ce qu'il attend ? Il ne sait pas contre quoi protester !
    M. André Gerin. ... contre le rabaissement de l'Assemblée nationale et de la représentation nationale...
    M. Michel Herbillon. Les donneurs de leçons, ça suffit !
    Mme Nadine Morano. C'est vous qui la rabaissez !
    M. André Gerin. ... qui donne à notre débat un parfum de monarchie. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Quant aux interventions des représentants de cet UMP godillot (« Oh ! » sur les mêmes bancs), elles avaient des parfums de populisme et de colonialisme. (« Ah ! » sur les mêmes bancs.)
    M. Bernard Carayon. C'est le parti de l'étranger qui parle !
    M. André Gerin. C'est vrai que le débat de ce matin était important pour la clarification du débat gauche-droite. Comme je l'ai dit dans mon intervention, je voterai cette proposition. Toutefois, je pense que, pour la gauche parte, demain, à la reconquête, il faut qu'elle aille beaucoup plus loin. Il faut qu'elle remette en cause les lois Pasqua-Debré.
    M. Jean Marsaudon. Allez, camarade !
    M. François Goulard. Et la loi Chevènement ?
    M. André Gerin. Il faut qu'elle remette en cause les centres de rétention. Or j'ai entendu ce matin la droite et le secrétaire d'Etat se « gaver » de vertus tout à fait nouvelles.
    Allez-vous remettre en cause la politique des charters...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non !
    M. André Gerin. Allez-vous remettre en cause les lois liberticides Pasqua-Debré ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non !
    M. Charles Cova. Au contraire !
    M. André Gerin. Je le dis au nom des député-e-s communistes et républicains, en tenant compte de mon expérience d'élu : porter aujourd'hui les valeurs universelles et singulières de la France, ce n'est pas confondre la République et le bonapartisme ! Or, malgré tous ses beaux discours, le Gouvernement cultive, dans la réalité, l'insolence et « l'insolidarité ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant eu l'occasion de m'exprimer dans la discussion générale, je me contenterai de faire quelques remarques.
    D'abord, une remarque de forme. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que la forme qui a été utilisée pour introduire le débat n'est pas la bonne. Ce n'est pas en abordant la question à l'occasion d'une niche parlementaire, c'est-à-dire par le mauvais bout de la lorgnette qu'on pourra régler le problème de l'intégration. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce problème est beaucoup plus vaste, il nous interpelle tous, parce que la mauvaise intégration des étrangers sur notre territoire nous renvoie notre image.
    Donnons-nous nous-mêmes l'exemple d'aimer la France, de la défendre et de faire respecter notre pays ? Si la réponse est non, comment pouvons-nous attendre des étrangers qui sont sur notre territoire qu'ils nous imitent ? C'est pourquoi je dis que nous avons un très gros travail à faire en ce domaine : l'intégration est un sujet beaucoup plus vaste que la proposition que vous nous proposez d'examiner ce matin.
    Le problème de l'intégration n'est pas un problème droite-gauche : il nous interpelle tous et nous aurons à le traiter les uns et les autres sur tous les bancs de cette assemblée.
    La question que je pose à la gauche est la suivante : mesdames, messieurs, qu'avez-vous fait pendant quinze ans ? Depuis quinze ans, l'intégration a malheureusement reculé dans ce pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. Qu'ils aillent voir dans le « neuf-trois » ! (Sourires.)
    M. Rudy Salles. Le seul point dont on puisse se féliciter, c'est que ce débat aura permis aux Français de voir se confronter des points de vue très divergents et, surtout, deux conceptions de la politique et de la société fort différentes, comme pourront s'en rendre compte les Françaises et les Français qui nous auront entendus ou qui lisent la presse.
    M. Manuel Valls. Ils auront entendu M. Copé !
    M. Rudy Salles. Vous voulez distribuer des droits comme on distribue des sucres d'orge ! Or ce n'est pas notre vision de la politique : pour nous, le droit de vote est un droit lié à la nationalité. Nous sommes prêts à le partager avec d'autres, mais à condition qu'ils soient naturalisés et qu'ils acceptent non seulement les droits, mais aussi les devoirs qu'implique la nationalité française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. Pierre Cardo. Il faut un engagement !
    M. Rudy Salles. La gauche nous a fait ce matin le procès de ne pas la laisser s'exprimer dans cet hémicycle, où elle serait bien mal traitée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je suis dans cette maison depuis quinze ans et j'ai siégé plus longtemps dans l'opposition que dans la majorité. Je me souviens de débats très importants, en particulier sur la nationalité qui nous a mobilisés ici pendant des jours et des nuits. Je me souviens que nous avions déposé deux mille amendements, dont pas un seul n'a été accepté. Alors, permettez-moi de vous dire qu'en matière de respect des droits de l'opposition, la gauche est mal placée pour donner des leçons à la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mes chers collègues, considérant que tout a été dit, je crois qu'il n'est pas intéressant de poursuivre le débat.
    Le groupe UDF votera contre le passage à la discussion de l'article unique de la proposition de loi.
    M. le président. Je vais mettre aux voix le passage à la discussion de l'article unique de la proposition de loi.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   345
Nombre de suffrages exprimés   345
Majorité absolue   173
Pour l'adoption   124
Contre   221

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion de l'article unique, la proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Fixation de l'ordre du jour ;
    Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, n° 369, relatif à l'organisation décentralisée de la République :
    M. Pascal Clément, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 376) ;
    M. Pierre Méhaignerie, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 377).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du mardi 26 novembre 2002
SCRUTIN (n° 64)


sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

Nombre de votants

345


Nombre de suffrages exprimés

345


Majorité absolue

173


Pour l'adoption

124


Contre

221

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Contre : 219 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : 2. - MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 121 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13) :
    Pour : 1. - M. Noël Mamère.