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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 28 NOVEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 27 novembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Organisation décentralisée de la République. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle adopté par le Sénat «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 7 (suite) «...»

MM. Augustin Bonrepaux, le président.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

Rappel au règlement «...»

MM. Augustin Bonrepaux, le président.

Reprise de la discussion «...»

Amendement n° 188, deuxième rectification, de M. Victoria : MM. René-Paul Victoria, Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur ; Mme la ministre, M. Victorin Lurel, Mme Christiane Taubira. - Adoption.
Amendement n° 29 de M. Almont : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la ministre, M. Victorin Lurel. - Adoption.
Adoption, par scrutin, de l'article 7 modifié.

Article 8 «...»

M. Victorin Lurel, Mmes Christiane Taubira, Gabrielle Louis-Carabin, MM. Bertho Audifax, René Dosière.
Amendement n° 83 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre, Christiane Taubira. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 148 de M. Marie-Jeanne : Mme Christiane Taubira, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 147 de M. Marie-Jeanne : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mmes la ministre, Christiane Taubira. - Rejet.
Amendement n° 18 de la commission des lois : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Amendement n° 19 de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement n° 19 rectifié.
Amendement n° 84 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 85 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mmes la ministre, Christiane Taubira. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 117 corrigé de M. Marie-Jeanne : Mme Christiane Taubira, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 204 de M. Marie-Jeanne : Mme Christiane Taubira, M. le rapporteur, Mme la ministre.

Rappel au règlement «...»

Mmes Christiane Taubira, la ministre.

Reprise de la discussion «...»

Rejet de l'amendement n° 204.
Adoption, par scrutin, de l'article 8 modifié.

Article 9 «...»

M. René Dosière, Mme Béatrice Vernaudon.
Amendement n° 211 de M. Clément : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 20 de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Adoption, par scrutin, de l'article 9.

Après l'article 9 «...»

Amendements n°s 185 de M. Brunhes et 87 de M. Dosière : MM. André Chassaigne, René Dosière, le rapporteur, Mmes la ministre, Christiane Taubira. - Rejet de l'amendement n° 185 ; rejet, par scrutin, de l'amendement n° 87.

Article 10 «...»

M. Victorin Lurel.
Amendement de suppression n° 186 de M. Brunhes : MM. André Chassaigne, Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois ; Mme la ministre, M. René Dosière. - Rejet.
Adoption, par scrutin, de l'article 10.

Après l'article 10 «...»

Amendement n° 118 de M. Kamardine : MM. Bertho Audifax, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Article 11 «...»

M. Victorin Lurel.
Amendement n° 119 de M. Giacobbi : Mme Christiane Taubira.
Amendement n° 120 de M. Giacobbi : Mme Christiane Taubira, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des amendements n°s 119 et 120.

Rappel au règlement «...»

MM. Alain Néri, le rapporteur, le président.

Reprise de la discussion «...»

Amendement n° 86 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Adoption de l'article 11.

Après l'article 11 «...»

Amendement n° 145 de Mme Louis-Carabin : Mme Gabrielle Louis-Carabin. - Retrait.
Amendement n° 206 de M. Beaugendre : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Rappel au règlement «...»

MM. Didier Migaud, le président, le rapporteur, Mme la ministre.
L'Assemblée, consultée, rejette la demande de seconde délibération de l'amendement n° 11 de la commission des lois et du sous-amendement n° 39 de M. Méhaignerie, ainsi que de l'article 3.
Renvoi des explications de vote et du vote, par scrutin, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle à une prochaine séance.
2.  Dépôt de projets de loi «...».
3.  Dépôt d'un rapport «...».
4.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi
constitutionnelle adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 188, deuxième rectification, à l'article 7.

Article 7 (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'article 7 : « Art. 7. - Après l'article 72 de la Constitution, sont insérés deux articles 72-3 et 72-4 ainsi rédigés :
    « Art. 72-3. - La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l'article 73 pour les départements et les régions d'outre-mer, et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l'article 73, et par l'article 74 pour les autres collectivités.
    « Le statut de la Nouvelle-Calédonie est régi par le titre XIII.
    « La loi détermine le régime législatif et l'organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises.
    « Art. 72-4. - Aucun changement, pour tout ou partie de l'une des collectivités mentionnées au premier alinéa de l'article 72-3, de l'un vers l'autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l'alinéa suivant. Ce changement de régime est décidé par une loi organique.
    « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut décider de consulter les électeurs d'une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation ou à son régime législatif. Lorsque la consultation porte sur un changement prévu à l'alinéa précédent et est organisé sur proposition du Gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d'un débat. »
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président,...
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    M. Augustin Bonrepaux. ... lorsque j'ai demandé la parole tout à l'heure pour un rappel au règlement, on m'a prié d'attendre. J'ai attendu.
    M. René Dosière. Et vous n'avez rien vu !
    M. Eric Raoult. Le président ne peut pas vous donner la parole après qu'il l'a donnée à la ministre.
    M. le président. Eh bien, monsieur Bonrepaux, connaissant votre patience, je vous demande d'attendre encore un peu. J'ai donné effectivement la parole à Mme la ministre.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais j'attends depuis dix-huit heures ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Encore un peu de patience : votre intervention n'en sera que plus réfléchie.
    Madame la ministre, vous avez la parole.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, je vais essayer d'être brève, pour permettre à M. Bonrepaux de s'exprimer.
    M. Augustin Bonrepaux. Je vous remercie, madame la ministre.
    M. le président. Vous pouvez vous exprimer librement, madame la ministre ; M. Bonrepaux interviendra ensuite.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je sais que la longueur des débats a pu provoquer une grande impatience.
    Je voudrais tout d'abord remercier tout particulièrement l'ensemble des députés d'outre-mer, qui ont fait preuve ces derniers jours de beaucoup de patience.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. Absolument !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je crois qu'ils ont vu arriver l'article 7 avec soulagement.
    Je voudrais aussi remercier tous les députés métropolitains qui assistent à notre débat.
    M. René Dosière. Très bien !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je vois dans leur assiduité la manifestation de la part très grande de l'outre-mer dans la République, et son intégration parfaite dans notre nation.
    M. René Dosière. Tout à fait !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je n'entrerai pas dans les détails car l'examen des amendements me donnera l'occasion de répondre plus précisément à certains points. Je souligne néanmoins que le dispositif proposé par cet article et les articles suivants reflète très fidèlement les engagements qui ont été pris par le Président de la République lors de ses grands discours, à Madiana en Martinique, ou au théâtre du Champfleuri à la Réunion, et que certains d'entre vous ont cités.
    L'article 7 comporte deux grandes nouveautés : d'une part, l'ancrage très fort de nos dix collectivités d'outre-mer dans la République, d'autre part, de sérieuses garanties démocratiques pour toute évolution institutionnelle que souhaiterait telle ou telle collectivité.
    Beaucoup d'entre vous ont bien voulu souligner l'importance de ces éléments, notamment René-Paul Victoria ou Joël Beaugendre, ainsi que Mansour Kamardine, par la voix de Béatrice Vernaudon, et Gérard Grignon. Je tiens à les remercier d'avoir relevé cet apport important qui fait pour l'outre-mer de cette réforme de notre Constitution une réforme historique.
    Je m'étonne toutefois que certains aient cru utile d'ironiser sur la mention nominative de nos dix collectivités d'outre-mer dans la Constitution.
    M. René Dosière. Ce n'était pas de l'ironie !
    Mme la ministre de l'outre-mer. M. Grignon a souligné à juste titre à quel point il n'était pas évident de faire admettre à un ressortissant, à un de nos concitoyens d'outre-mer, qu'une collectivité d'outre-mer est bien française. Cela suscite parfois un étonnement. D'ailleurs, il n'y a pas si longtemps, dans certains programmes électoraux, l'outre-mer était traité au chapitre des relations extérieures.
    M. Eric Raoult. Eh oui ! Chez vous, messieurs les socialistes !
    M. Victorin Lurel. C'était il y a bien longtemps !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Même si certaines choses apparaissent évidentes, je crois préférable de les dire, et plus encore, de les écrire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Très bien !
    M. Victorin Lurel. Pourquoi cette polémique ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je prendrai un exemple plus concret. J'invite ceux qui ne semblent pas mesurer l'importance de cette mention explicite à avoir un échange avec nos compatriotes de Mayotte, dont le nom figure encore aujourd'hui dans la Constitution des Comores.
    M. René Dosière. Est-ce de notre responsabilité ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Non, mais le fait que Mayotte sera désormais inscrite dans la Constitution française est un événement historique.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Tout à fait !
    M. le président. Messieurs, laissez Mme la ministre s'exprimer !
    M. René Dosière. Elle nous provoque !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je pourrais également rappeler qu'en 1975...
    M. René Dosière. Il y a vingt-sept ans !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... l'opposition de l'époque avait saisi le Conseil constitutionnel pour savoir si Mayotte avait le droit de choisir de rester française. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Jack Queyranne. C'est nous qui avons engagé la consultation à Mayotte !
    M. René Dosière. Pourquoi pas remonter à 1946 ?
    M. Jean-Louis Idiart. Elle est toujours en campagne électorale !
    Mme la ministre de l'outre-mer. C'est pourquoi, je le répète, il n'est pas inutile de mentionner explicitement nos collectivités dans la Constitution.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est tout ce que vous avez comme argument ?
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Laissez Mme la ministre s'exprimer !
    Mme la ministre de l'outre-mer. S'agissant de la deuxième nouveauté introduite par l'article 7, à savoir les garanties démocratiques, je rappelle à M. Queyranne - sans aucun esprit polémique (« Oh non ! » sur les bancs du groupe socialiste)  -, que la loi d'orientation dont il a pris l'initiative en tant que ministre a ouvert un débat tout à fait utile. Je ne l'ai jamais contesté et j'ai d'ailleurs affirmé à plusieurs reprises que je n'avais nullement l'intention de jeter aux oubliettes les travaux tout à fait intéressants qui ont été menés par les différents congrès. Mais, vous le savez, la loi d'orientation n'était pas une nécessité, puisque nos amis Guyanais s'étaient réunis en congrès avant même son adoption.
    M. René Dosière. C'est comme cette loi constitutionnelle : elle n'était pas indispensable !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Si je ne critique pas de façon sectaire et systématique tout ce qui s'est passé avant mon arrivée - cela n'a jamais été mon état d'esprit -, je reconnais que notre méthode, sur ce point, est différente de la vôtre. Le Premier ministre vous a d'ailleurs rappelé tout à l'heure, à l'occasion des questions au Gouvernement, que nous sommes en train d'écrire l'acte I de la décentralisation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. René Dosière. C'est au moins l'acte II !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Nous considérons qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. C'est la sagesse !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Il faut fixer au préalable un cadre constitutionnel modernisé, des règles du jeu à l'intérieur desquelles chaque collectivité pourra faire son choix si elle souhaite évoluer ; si ce n'est pas le cas, personne ne l'y obligera.
    Vous avez fait allusion, monsieur Queyranne, au contenu d'une interview. Je ne faisais que constater - et il ne s'agissait pas d'une critique, contrairement à ce que vous avez insinué - que la méthode utilisée précédemment, en l'absence de fixation préalable des règles, avait suscité dans de nombreuses collectivités affolement, inquiétude et faux espoirs.
    M. Jean-Jack Queyranne. Sans doute pas autant que la déclaration de Basse-Terre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Elle a eu son mérite, cette déclaration !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Si l'on en juge par le résultat de certaines motions issues des congrès, il est légitime de s'interroger sur les faux espoirs qui ont pu être donnés.
    M. Jean-Louis Idiart. Vous aviez pourtant bien commencé !
    Mme la ministre de l'outre-mer. A l'évidence, certaines dispositions ne cadraient pas avec l'unité et les principes de la République.
    M. Eric Raoult. Très juste !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Vous aviez effectivement envisagé dans la loi d'orientation la possibilité de consulter les populations, et sur ce point je n'émets aucune critique. Simplement, je vous fais remarquer que nous, nous rendons la consultation obligatoire. La consultation devient une obligation constitutionnelle. Pour changer soit l'organisation, soit les compétences, soit le régime législatif d'une collectivité, les populations doivent être consultées. Nous allons même plus loin : nous instituons un véritable droit de veto.
    M. René Dosière. Et vive l'Assemblée nationale !
    Mme la ministre de l'outre-mer. M. Chassaigne l'a remarqué tout à l'heure pour s'en féliciter, m'a-t-il semblé : désormais, nous ne pourrons plus rien faire sans que la population consultée ait donné son accord. Ce droit de veto me paraît très important. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Gérard Grignon l'a rappelé : tout à l'heure, le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon a été modifié à plusieurs reprises par une simple loi ordinaire sans que la population ait eu son mot à dire. Une fois, le conseil général, qui n'avait pas été consulté, avait voté une motion pour protester contre la modification statutaire qu'on voulait imposer à l'île. Eh bien, il n'a pas été tenu compte de ce vote et le changement est tout de même intervenu.
    Cette grande nouveauté que nous introduisons dans la Constitution va, je crois, changer bien des choses. En tout cas, c'est une garantie démocratique qui me paraît essentielle.
    M. Victorin Lurel. Il faut dire ça à la Réunion !
    M. Gérard Grignon. La population de Saint-Pierre-et-Miquelon était contre !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Quant au processus menant à cette consultation, il est vrai qu'il a suscité quelques critiques ou interrogations. Il faut faire preuve d'une grande souplesse. L'essentiel est de constater un consensus local. La Guyane, par exemple, a engagé un débat sur l'évolution institutionnelle, mais le processus ne sera pas forcément le même qu'en Martinique ou en Guadeloupe car, en Guyane, les « forces vives » sont associées ; il n'y a pas que les partis politiques ou les élus.
    Monsieur Queyranne, lorsque vous avez engagé la consultation sur le nouveau statut de Mayotte, vous avez aussi bénéficié d'une certaine souplesse, puisque l'ensemble des partis politiques était signataire des documents,...
    M. Jean-Jack Queyranne. Bien sûr !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... tandis que les deux parlementaires étaient restés en dehors du consensus.
    M. Jean-Jack Queyranne. Ils étaient même contre !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Il faut là aussi s'adapter aux situations. Dans un cas, on peut recueillir le consensus en consultant largement, dans d'autres, la situation peut nécessiter une approche différente. Pour ma part, je souhaite que le processus ne soit pas rigidifié.
    Des amendements proposent que ce soit le congrès qui décide et nous aurons donc l'occasion d'y revenir. Je crois qu'avant de proposer au Président de la République de décider une consultation, il faut que le Gouvernement s'assure, en ayant toute liberté pour apprécier, la façon dont le consensus a pu être obtenu, que cela répond bien à une demande consensuelle émanant du terrain.
    M. Queyranne a évoqué le problème juridique de Saint-Barthélemy. Mais l'énumération de toutes les collectivités vise à constitutionnaliser des espaces géographiques, non des personnes publiques. L'article 72-4 permet, grâce à l'expression « tout ou partie », de déroger expressément à cette liste.
    M. Jean-Jack Queyranne. Je ne suis pas convaincu !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Donc, si les électeurs le souhaitent, Saint-Barthélemy pourra se détacher de la Guadeloupe et devenir une collectivité régie par l'article 74.
    M. Jean-Jack Queyranne. La Constitution ne fait pas de la géographie, elle fait du droit !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Enfin, je voudrais rassurer M. Grignon à propos de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Aujourd'hui, cette île a un statut complètement hybride, n'étant ni DOM, ni vraiment TOM, avec un mélange d'assimilation et de spécialité législative, celle-ci pouvant concerner des domaines importants : la fiscalité, l'urbanisme, le logement. En 1991, alors que le statut de l'île n'était déjà pas très sûr, un élément est intervenu, qui a encore accru l'insécurité juridique.
    En effet, le 9 mai 1991, le Conseil constitutionnel a indiqué, dans une décision relative à la Corse, qu'il était interdit aux collectivités qui ne sont pas des TOM de disposer de pouvoirs normatifs dans le domaine de la loi. Cette décision du Conseil constitutionnel a ainsi introduit une fragilité juridique dans le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, que la révision constitutionnelle d'aujourd'hui permettra de corriger.
    Désormais, Saint-Pierre-et-Miquelon relèvera clairement de l'article 74 et non de l'article 73, qui sera réservé en quelque sorte aux collectivités concernées par le régime complet d'assimilation législative.
    L'article 74 ne sera pas uniquement réservé aux anciens TOM, la catégorie des TOM n'existant plus, mais à toutes les collectivités qui ne sont pas à 100 % dans le régime de l'assimilation législative, parce qu'ils bénéficient soit d'une spécialité législative à 100 % - c'est le cas des anciens TOM - soit d'un panachage ou d'une spécialité législative modulée ou d'un mélange d'assimilation et de spécialité, comme Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte.
    Nous sécurisons donc fortement le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon et le doute introduit par la décision du Conseil constitutionnel est levé.
    Concrètement, cette révision constitutionnelle ne modifie en rien le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui n'empêchera bien évidemment pas, comme vous l'avez souhaité, de le moderniser, de le faire évoluer, selon la procédure prévue dans la Constitution. La population de Saint-Pierre-et-Miquelon pourra obtenir toutes les adaptations souhaitées, à condition que celles-ci entrent dans le cadre constitutionnel.
    M. Gérard Grignon. Et pour l'assimilation ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Vous conserverez votre assimilation dans les domaines très nombreux déjà concernés jusqu'à présent et vous ne serez plus soumis à l'insécurité juridique dans les domaines où vous bénéficiez d'une spécialité législative, comme la fiscalité, l'urbanisme ou le logement.
    M. Gérard Grignon. D'accord.
    Mme la ministre de l'outre-mer. J'ajoute que l'appartenance de Saint-Pierre-et-Miquelon à la catégorie de l'article 74 renforcera aussi sa sécurité juridique, puisque seule une loi organique pourra désormais modifier son statut, et non plus une simple loi ordinaire.
    M. Gérard Grignon. Très bien !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Enfin, le cas de la Nouvelle-Calédonie a été évoqué par plusieurs d'entre vous. Il est tout à fait clair que le statut de la Nouvelle-Calédonie reste régi par le titre XIII de la Constitution et que notre réforme ne le remet en cause en rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Rappel au règlement

    M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
    M. le président. Je vous demanderai de ne pas abuser de cette possibilité,...
    M. René Dosière. Nous n'en abusons jamais !
    M. le président. ... vous êtes suffisamment sage pour le comprendre...
    M. Eric Raoult. Ce n'est pas sûr !
    M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement est fondé sur les articles 52 et 73.
    L'article 52 confère au président de séance la direction de nos travaux. Si les parlementaires doivent respecter le règlement, il en est de même pour le président.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ça commence bien !
    M. Augustin Bonrepaux. Or l'article 58 dispose que les rappels au règlement ont toujours priorité sur la question principale et en suspendent la discussion. J'ai demandé à faire un rappel au règlement à dix-huit heures et M. Raoult m'a demandé de surseoir. Je me suis plié à sa demande, mais j'aurais dû pouvoir m'exprimer dès le début de la séance de ce soir puisque les rappels au règlement ont priorité.
    M. Eric Raoult. Ils n'ont pas priorité sur le ministre !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'avez donc pas appliqué le règlement, monsieur le président.
    Par ailleurs, un autre point, relatif à la séance d'hier après-midi, mérite d'être soulevé, puisqu'il sera évoqué lors de la prochaine conférence des présidents.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Tout cela est du pur formalisme !
    M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais donner des arguments à la présidence. D'abord, l'intervention du président du groupe UMP se justifiait tout à fait. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il y rappelait l'attachement que nous portons tous à cette institution qu'est l'Assemblée nationale et estimait qu'il faut donner à notre pays l'image d'une démocratie responsable et adulte. Nous partageons tout à fait ce point de vue, mais ceux qui suivent nos débats depuis le début auront pu remarquer que si M. le président de l'Assemblée, comme M. Daubresse et vous-même, avez accordé la parole très largement, tant à la majorité qu'à l'opposition, sans aucune remarque, de la part de Mme Guinchard-Kunstler, ce n'était plus supportable,... peut-être parce que c'est une femme. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Louis Idiart. Très bien !
    M. Guy Geoffroy. Vous êtes vraiment à court d'arguments !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais il y a plus grave. Mes chers collègues, hier, vous étiez absents.
    M. Guy Geoffroy. J'étais là et j'ai entendu toutes vos billevesées !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous étiez absents, et je vous recommande de lire le compte rendu analytique de l'après-midi.
    M. le président. Veuillez terminer, monsieur Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Une insulte inqualifiable a été proférée par M. de Courson à l'adresse de notre collègue Ségolène Royal.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ils ne sont là ni l'un ni l'autre.
    M. Augustin Bonrepaux. Je ne vous lirai pas ces propos grossiers mais vous pourrez en prendre connaissance à la page 20. Avant de donner des leçons à autrui, il faut se regarder dans la glace !
    Et ce n'est pas tout, monsieur le président. L'intervention de M. Barrot, qui voulait ramener un peu de calme dans cette assemblée, a eu l'effet inverse. Vous pourrez remarquer que les propos les plus virulents ont été ceux qui cherchaient à nous empêcher de parler, à restreindre notre temps de parole. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Vous faites de l'obstruction systématique !
    M. Augustin Bonrepaux. Quand vous prendrez connaissance des dernières pages du compte rendu analytique, pages 21 et 22, vous pourrez constater - je l'ai d'ailleurs immédiatement fait remarquer - qu'un membre de l'UMP a injurié la présidence.
    M. Guy Geoffroy. Ça recommence !
    M. Augustin Bonrepaux. Je ne vois pas, monsieur le président, demander l'application de l'article 73 du règlement ; il appartient au président d'en juger. Je vous demande simplement de bien vouloir, en conférence des présidents, expliquer à M. Barrot...
    M. Eric Raoult. M. de Courson n'appartient pas au groupe UMP !
    M. Augustin Bonrepaux. ... que nous sommes d'accord pour donner l'image d'une démocratie responsable et adulte, mais que les faits d'hier n'y contribueront pas. Nous sommes d'accord pour appliquer le règlement,...
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, je vous en prie, arrêtez : cela ne sert à rien !
    M. Guy Geoffroy. Exactement !
    M. Augustin Bonrepaux. ... mais à condition que notre droit d'amendement et de sous-amendement ne soit pas remis en cause, comme cela a été le cas vendredi sur un article extrêmement important, l'article 3 !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est faux !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes d'accord pour appliquer le règlement,...
    M. Jean-Luc Warsmann. De toute façon, il sera appliqué.
    M. Augustin Bonrepaux. ... si l'on tolère que l'opposition puisse s'exprimer, même quand ses interventions déplaisent à la majorité, il doit certes être difficile d'entendre rappeler toutes vos promesses non tenues et d'être confrontés à vos propres contradictions.
    M. Maurice Giro. Il n'en est rien !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, permettez-moi de vous faire quelques remarques.
    Première remarque : vous êtes un parlementaire trop averti et trop conscient de la responsabilité de l'Assemblée pour ne pas contribuer à un déroulement ordonné et précis du débat.
    M. Eric Raoult et M. Philippe Vitel. Très bien !
    M. René Dosière. C'est ce que nous essayons de faire depuis le début !
    M. le président. Deuxième remarque : avant que vous ne demandiez à intervenir pour un rappel au règlement, j'avais donné la parole à Mme la ministre. La moindre des courtoisies républicaines était d'écouter Mme la ministre, qui répondait aux orateurs sur un article très important.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le président. Je vous en prie : vous n'avez pas à m'approuver.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien.
    M. le président. Je fais ce que je dois faire, c'est tout !
    Troisième remarque : je vous félicite de venir au secours de Mme Ségolène Royal et de Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'ai invité Mme Ségolène Royal à intervenir à la fin de la séance en question pour un fait personnel. Puis j'ai demandé à M. de Courson de réagir et il a fait ce qu'il devait faire.
    M. René Dosière. Au contraire !
    M. le président. C'est inscrit au compte rendu et je n'y reviens donc pas.

Reprise de la discussion

    M. le président. Avant d'appeler les amendements dont je suis saisi, j'annonce que, sur l'article 7, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    MM. Victoria, Audifax, Thien Ah Koon, Quentin et Grignon ont présenté un amendement, n° 188, deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Au début du texte proposé pour l'article 72-3 de la Constitution, insérer l'alinéa suivant :
    « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité. »
    La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René Victoria. « Je ne connais qu'un seul peuple, je ne reconnais qu'une seule nation au sein de la République : le peuple français et la nation française. La richesse de ce peuple et de cette nation, c'est sa diversité, la pluralité de ses cultures, la force de ses identités. » Ainsi s'exprimait Jacques Chirac, Président de la République, dans son discours prononcé à la Martinique, le 6 avril 2002.
    Force est malheureusement de constater que les propos du chef de l'Etat ne reflètent pas la réalité du droit constitutionnel français. En effet, le Conseil constitutionnel a, de manière discutable, distingué le peuple français - dont il reconnaissait dans le même temps le caractère constitutionnel de l'existence et de l'unité - des peuples d'outre-mer. Je cite la décision du Conseil, n° 91-290 du 9 mai 1991, rendue à propos de la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse : « La Constitution de 1958 distingue le peuple français des peuples d'outre-mer, auxquels est reconnu le droit à la libre détermination. »
    L'universalité du peuple français s'étend naturellement aux citoyens français résidant dans les collectivités d'outre-mer, auxquels on ne saurait reconnaître sans danger pour l'unité de la République le caractère de peuple distinct du peuple français. Au nom de quoi les habitants de la Réunion, par exemple, feraient-ils moins partie du peuple français que les habitants de la Corse, de la Corrèze ou de la Loire ? Faut-il admettre l'idée que les parlementaires d'outre-mer, qui représentent, à l'Assemblée nationale et au Sénat, la nation tout entière, puissent être les élus d'un peuple autre que le peuple français ?
    Une telle discrimation constitutionnelle entre citoyens français n'est pas admissible. Il est donc temps d'y mettre fin, et ce texte, qui récrit en profondeur les dispositions constitutionnelles, en offre l'occasion. Il vous est ainsi proposé d'écrire, dans l'article 72-3 de la Constitution : « La République reconnaît, au sein du peuple français » - la précision est importante -, « les populations d'outre-mer ». L'adoption de cet amendement marquera la fin définitive d'une époque liée à la colonisation et affirmera notre ancrage au sein de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelle, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 188, deuxième rectification.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je ne m'exprimerai qu'à titre personnel, puisque M. Victoria a déposé son amendement après l'examen des articles en commission.
    C'est un très bel amendement, qui m'a touché dès que je l'ai lu. Il est si beau que je ne résiste pas au désir de le relire : « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité. » Insérer cette phrase au début de l'article 72-3 de la Constitution grandira incontestablement la représentation nationale.
    M. René-Paul Victoria. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La mention de la reconnaissance par la République une et indivisible de l'identité propre des populations d'outre-mer au sein du peuple français n'est assurément pas superflue.
    Je voudrais observer qu'il s'y ajoute un aspect juridique auquel j'ignore si M. Victoria sera sensible. Le Conseil constitutionnel a en effet distingué le peuple français et les peuples d'outre-mer, auxquels il reconnaît un droit d'autodétermination. Le Conseil s'est notamment appuyé sur le second alinéa du préambuble de la Constitution, qui n'est plus adapté à la réalité politique et juridique des collectivités d'outre-mer.
    Votre amendement, monsieur Victoria, obligera le Conseil constitutionnel à adopter une autre jurisprudence. Il est donc doublement intéressant : sur le plan symbolique et sur le plan juridique.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je partage entièrement l'avis du président de la commission sur cet amendement, qui est effectivement très beau. Il était vraiment temps d'actualiser la Constitution pour donner cette dimension à l'outre-mer.
    Je tiens à féliciter chaleureusement M. René-Paul Victoria et les coauteurs de cet amendement, MM. Bertho Audifax, André Thien Ah Koon, Didier Quentin et Gérard Grignon (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), car je n'hésite pas à dire qu'il s'agit d'un amendement historique. J'émets donc un avis extrêmement favorable. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour répondre au Gouvernement.
    M. Victorin Lurel. Pour répondre au Gouvernement et pour m'étonner de la manière dont cet amendement arrive en discussion.
    Vendredi 22 novembre, en donnant son avis sur mon amendement n° 107, tendant à supprimer le mot « race » de la Constitution, le président Clément m'avait assuré qu'il me donnerait satisfaction sur une des problématiques developpées, car il venait de recevoir un de mes collègues de l'outre-mer à ce propos. C'était précisément celle-là. Je crois être l'un des seuls parlementaires à avoir soulevé la question de la dialectique entre le concept de peuple et celui de population. J'ai évoqué ce problème, le 10 septembre au ministère de l'outre-mer, devant Mme la ministre. A l'époque, personne n'y pensait.
    M. Jean-Luc Warsmann. Oh !
    M. Victorin Lurel. Les préambules des Constitutions de 1946 et de 1958 disposent pratiquement qu'il existe deux peuples : le peuple français, comprenant les hommes et les femmes de l'Hexagone, de la Corse et de l'outre-mer, et les peuples de l'outre-mer qui ont vocation à la libre détermination. M. Clément parle d'« autodétermination », c'est la même chose. La France accompagne ces peuples vers une évolution démocratique et sociale.
    Mais un problème jurisprudentiel s'est posé à la faveur de la consultation organisée à Mayotte. Une décision du 4 mai 2000 faisait référence aux « peuples de l'outre-mer ». Le Conseil Constitutionnel - heureusement, dirais-je - est revenu sur ce point dans une décision du 7 mai 2000, où il est question des « populations de l'outre-mer », bénéficiant toujours du droit à la libre détermination. C'est un problème de cohérence avec les acquis historiques. Le préambule de 1946 évoquait l'« Union » de la France avec ses colonies - l'union franco-africaine - et celui de 1958 citait les territoires d'outre-mer. L'affaire a donc été interprétée au sens géographique : on englobait les DOM et les TOM dans un même ensemble.
    Ce qui me gêne, je l'avoue, c'est que le président Clément ait levé la forclusion en confiant le soin de déposer cet amendement à nos amis de la Réunion. Il eût été de bonne politique, même politicienne, de le faire aussi cosigner par mes collègues de la Guadeloupe, Gabrielle Louis-Carabin et Joël Beaugendre, puisque j'avais soulevé le problème.
    A mon sens, vous le réglez de mauvaise manière. Vous flattez celles et ceux qui ont peur. Peut-être Mme la ministre de l'outre-mer ne connaît-elle pas l'histoire récente de mon petit pays, la Guadeloupe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Cessez de polémiquer !
    M. Victorin Lurel. Après l'explosion de plusieurs bombes, en Guadeloupe, entre 1980 et 1987, comme en Corse, le Président de la République, François Mitterrand, est venu haranguer les foules à Petit-Bourg. Il leur a dit : « Toi, mon frère guadeloupéen, tu as ta place au sein de la République ! » Et les gens ont accepté de déposer les armes, de discuter. Jusqu'à présent, le dialogue a été maintenu. Il ne faut pas fermer cette dernière petite fenêtre ! La meilleure arme, c'est le dialogue républicain. Mais aujourd'hui, pour donner quelques gages à des amis de la Réunion, vous créez une ambiance délétère, et même mortifère, oserai-je dire, en Guadeloupe, voire en Guyane. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je le dis comme je le pense !
    Affirmer que l'on appartient au peuple français ne suscite aucune polémique. Alors, pourquoi ne pas parler de peuple amérindien, martiniquais ou guadeloupéen ? Si le peuple français reconnaissait la population corse, bretonne, languedocienne, alsacienne ou basque,...
    M. René Dosière. Ou picarde !
    M. Victorin Lurel. ... je puis vous assurer qu'il y aurait des bombes en Corse, que les « nuits bleues » se multiplieraient... On ne légifère pas sur la base de la peur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Il n'est pas question de cela !
    M. Eric Raoult. Vous polémiquez encore !
    M. Victorin Lurel. Mesdames, messieurs, ce débat est important. Il ne s'agit pas de polémique, mais de droit et d'histoire. Vous voulez figer l'histoire dans le granit de la Constitution, mais vous rencontrerez de multiples problèmes à la Guadeloupe et dans toute la Caraïbe. Je comprends bien : vous voulez donner des gages à un électorat frileux.
    M. Jean-Luc Warsmann. Oh !
    M. Victorin Lurel. Il faut dire la vérité ! La Réunion a peur et vous lui avez accordé trois mesures, tout comme vous en avez accordé au Sénat, pour geler la situation et empêcher l'alternance démocratique.
    M. le président. Monsieur Lurel, je vous demande de bien vouloir conclure.
    M. Victorin Lurel. La Réunion a donc obtenu que soit cités nominativement nos départements, et j'en félicite le Gouvernement. Nous n'avons pas polémiqué, mais je n'ai pas apprécié que certains évoquent ce qui s'est passé en 1971. Le Président Chirac, au Caire, n'a-t-il pas parlé d'indépendance ?
    M. le président. Monsieur Lurel, concluez rapidement, je vous prie.
    M. Victorin Lurel. Pardonnez-moi, monsieur le président, je finis, mais c'est important !
    Donc, après avoir procédé à une inscription nominative, après avoir donné des gages à la Réunion, voilà que l'on raye d'un trait de plume l'aspect historique et sociologique culturel. Nous sommes donc devenus un agrégat d'individus ! Nous sommes des atomes, pas une molécule ! Par un amendement coupable et liberticide, on dissout la notion de peuple guadeloupéen, martiniquais, guyanais et réunionnais.
    M. Eric Raoult. C'est du verbiage !
    M. Victorin Lurel. C'est une grave responsabilité. Comme Francis Fukuyama, on veut supprimer le mouvement historique, le conflit, pour donner quelques gages à des électeurs frileux qui ont peur de la République. La meilleure preuve de notre appartenance à la nation française,...
    M. le président. Monsieur Lurel, je vous en prie !
    M. Victorin Lurel. ... c'est l'affection, c'est le vouloir vivre ensemble ! On est en train de supprimer le plébiscite de 350 ans d'histoire pour donner des gages à des réactionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Pas d'autre demande d'intervention ?
    Mme Christiane Taubira. Si, monsieur le président.
    M. le président. Il était temps, madame Taubira ! Vous avez la parole pour répondre à la commission.
    Mme Christiane Taubira. Pardonnez-moi, monsieur le président, si j'ai manqué de célérité, mais je suis presque traumatisée par ce débat.
    M. le président. Ne le soyez pas ! Cela ne correspond d'ailleurs pas à votre tempérament !
    Mme Christiane Taubira. A ceux qui sont terrorisés par certains termes, je veux dire que l'autodétermination des peuples est simplement inscrite dans le droit international. Ce n'est donc pas une grande révolution de poser aujourd'hui le principe de la libre détermination des peuples qui le souhaitent. Pour moi, la « population », c'est un concept statistique, alors que le « peuple » est un concept historique. Et je ne peux pas concevoir que l'on passe par pertes et profits l'histoire de nos territoires, de nos peuples, la construction de nos identités dans une histoire extrêmement douloureuse et violente, une histoire qui nous déchire tous, parce que nous en sommes les descendants.
    Nous ne pouvons passer par pertes et profits des générations de résistances, de proclamations d'identité, de construction de syncrétismes religieux, de langues forgées, de techniques inventées, de savoirs et de savoir-faire inventés et transmis. Nous ne le pouvons pas simplement pour rassurer - pardonnez-moi la brutalité du propos, mais la violence qui nous est faite avec cet amendement la justifie ! - les plus poltrons d'entre nous (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), ceux qui sont tétanisés lorsque l'on parle de liberté et de responsabilité, parce que la responsabilité est chevillée à la liberté.
    Nous n'avons pas le droit aujourd'hui, face à l'histoire, face à nos enfants qui liront ces débats dans vingt ans, de laisser dans la banalité inscrire : « les populations d'outre-mer », alors que nous savons que, sur nos territoires, il y a des peuples qui ont construit leur histoire, qui ont forgé leur propre légitimité, qui se sont inscrits dans l'humanité et qui, aujourd'hui, vivent le pacte républicain sans que celui-ci soit jamais formulé et soumis à leur consentement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'outre-mer. J'ai écouté M. Lurel et Mme Taubira et je ne peux laisser dire de telles choses ! Je veux préciser que le fondement de la déclaration du Président de la République au Caire, c'est le deuxième alinéa du préambule de la Constitution, qui demeure en vigueur et qui mentionne la libre détermination des peuples. Je vous rappelle également que l'article 53 de la Constitution répond aux préoccupations que vous avez exprimées s'agissant des scrutins d'autodétermination. Donc, ne confondons pas tout et évitons de dire des choses inexactes ! Je souhaitais donner ces précisions pour qu'il n'y ait pas de confusion dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Victorin Lurel. L'article 53 ne s'applique pas aux DOM !
    M. le président. Ce débat a été de qualité. Chacun a exprimé sa position. Mme la ministre a répondu. Je vais maintenant procéder au vote.
    Je mets aux voix l'amendement n° 188, deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. M. Almont a présenté un amendement, n° 29, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 72-4 de la Constitution, après les mots : "son organisation, insérer les mots : ", à ses compétences. »
    La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Luc Warsmann. Je l'ai déjà défendu hier.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Cet amendement a été accepté par la commission. Le Sénat a prévu que le Président de la République pourrait procéder à la consultation des électeurs des collectivités situées outre-mer sur une question relative à l'organisation ou au régime législatif de leur collectivité en suivant la même procédure que pour le changement de catégorie juridique. Ainsi, la consultation des électeurs ultramarins sur les évolutions institutionnelles de leur collectivité ne néccessitera plus l'adoption d'une loi, ce qui introduit davantage de souplesse. Le Président appellera directement les hommes et les femmes du département ou du territoire concerné à se prononcer. Cet amendement vise donc à étendre le champ de la consultation aux compétences des collectivités concernées. La consultation pourra ainsi porter sur l'ensemble des éléments constitutifs de l'organisation des collectivités situées outre-mer.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement, qui vise à apporter une précision très utile quant au champ d'application de la procédure du référendum consultatif institué par l'article 72-4. Les populations des départements français d'Amérique, notamment, pourront ainsi être consultées sur un projet institutionnel global et les électeurs se prononceront en toute connaissance de cause sur l'avenir de leur collectivité, s'ils le souhaitent.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Nous sommes d'accord avec cet amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous avons engagé un débat constructif, même si Mme la ministre a tenu des propos polémiques sur trente ans d'histoire. Nous voulions un débat technique et de qualité ce soir.
    M. le président. Je vous remercie d'être concis, monsieur Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas compris le sens de nos interventions et l'esprit dans lequel nous les faisons. Nous acceptons cet amendement parce qu'il améliore le texte du Gouvernement, mais la loi d'orientation pour l'outre-mer était autrement plus large et plus généreuse. Comme l'a dit M. Queyranne, mais vous n'avez pas voulu l'entendre - c'étaient pourtant des arguments juridiques, pas des invectives -, le Conseil constitutionnel avait validé tout le texte en disant que l'on pouvait consulter sur l'ensemble des éléments concernant le statut. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, la consultation pourra porter sur trois choses seulement : l'organisation administrative, les compétences et le régime législatif. C'est une restriction. Le « périmètre » de la consultation rétrécit, alors que nous demandions de l'élargir. Certains ont évoqué le lapin ou l'âne que l'on achetait dans un sac, et nous ne savons pas aujourd'hui ce que seront les lois organiques. On va consulter le peuple de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane - je ne parle pas de celui de la Réunion : il ne veut pas changer de statut, c'est son affaire ! - sur une question sans avoir toutes les précisions nécessaires, contrairement à ce que permettait la LOOM.
    J'ai en outre entendu des propos qui ne sont pas justes, et c'est un euphémisme dans ma bouche. On a dit que le Président de la République, au Caire, n'avait pas évoqué la possibilité de l'indépendance des départements d'outre-mer. Mais le texte de ses déclarations prouve le contraire. Vous ne pouvez réécrire l'histoire !
    Par ailleurs, vous ne pouvez pas évoquer l'article 53 concernant l'indépendance. Maintenant, si vous voulez l'indépendance pour les DOM, dites-le tout de suite, mais ce n'est pas la question ! Lorsque nous évoquons le peuple martiniquais, nous ne voulons pas de fédéralisme. Nous disons simplement que c'est un peuple qui a sa culture, son histoire. Vous venez de raturer d'un trait de plume le peuple guadeloupéen. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je parle au nom de la nation, que je représente. Vous venez de prendre une décision liberticide. Un député du nom de Paul Valentino a eu la prescience de dire ici : « Faites attention, vous transformez les quatre vieilles colonies en départements d'outre-mer ! Vous allez y perdre en matière de politique économique, de fixation de l'impôt ! » Eh bien, nous y sommes cinquante ans plus tard ! Lorsque le général de Gaulle est venu chez nous et en Martinique en 1958, avec André Malraux, il a dit : « Vous pourrez adapter les lois de la République et y déroger. » Eh bien, quarante-quatre ans plus tard, on en est toujours au même point et on répète les mêmes erreurs par sectarisme idéologique ! (Protestations sur les bancs du groupe de Union pour la majorité présidentielle.)
    Une Constitution doit transcender les clivages partisans. On ne fait pas une Constitution pour récompenser ses amis au Sénat ou à la Réunion ! Ce que vous venez de faire est grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 29.
    Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, pourrais-je expliquer notre vote d'un mot ?
    M. le président. Non, monsieur Chassaigne, le vote a déjà été annoncé ! (« Très bien » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Eric Raoult. Ça, c'est un président !
    M. le président. Je ne vous demande pas de faire des commentaires !
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement n° 29.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   61
Nombre de suffrages exprimés   59
Majorité absolue   30
Pour l'adoption   45
Contre   14

    L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Article 8

    M. le président. « Art. 8. - L'article 73 de la Constitution est ainsi rédigé :
    « Art. 73. - Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
    « Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y sont été habilitées par la loi.
    « Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.
    « Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique.
    « La disposition prévue aux deux précédents alinéas n'est pas applicable au département et à la région de la Réunion.
    « Les habilitations prévues aux alinéas précédents sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique.
    « La création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu'ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l'article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je vais faire dans la répétition, dans le psittacisme, puisque le mot a eu du succès ! S'il le faut je martélerai même ce que j'ai déjà dit, tellement nous avons été choqués, pour ne pas dire blessés, par ce qui vient de se passer par l'adoption, subrepticement, d'un amendement non examiné par la commission.
    M. Michel Roumegoux. Il ne faut pas exagérer, quand même !
    M. Victorin Lurel. S'agissant de l'article 8, j'aimerais rappeler à Mme la ministre que la LOOM n'avait pas que des mauvais côtés, même si l'on récuse tout, même si, apparemment, l'héritage est lourd. Un congrès a eu lieu chez moi, à la Guadeloupe, réunissant soixante-quinze personnes. Auparavant, il y avait eu la déclaration de Basse-Terre à la suite d'une alliance passée avec les nationalistes, le « projet guadeloupéen », deux résolutions du congrès, plus une motion du conseil général transmise d'abord au gouvernement de M. Jospin, ensuite à celui de M. Raffarin. Ces textes exprimaient la volonté des représentants du peuple guadeloupéen. Le même processus s'est déroulé à la Martinique et en Guyane, et peut-être Christiane Taubira le dira-t-elle tout à l'heure.
    Nous avions demandé, après consultation, une assemblée unique en posant quatre conditions préalables, que vous avez fort heureusement reprises : le dispositif doit être mis en place à l'intérieur de la République, à l'intérieur de l'Union européenne, avec un consentement préalable des populations et sans régression des droits sociaux. Et puis, soixante-treize élus de la Guadeloupe on demandé un pouvoir législatif encadré, mais le président Clément n'en parle pas dans son rapport. La Martinique a fait de même, ainsi que la Guyane, mais je ne veux pas m'exprimer au nom de la Guyane. A une époque où on parle beaucoup de la « France d'en bas », je m'étonne que toutes les initiatives soient laissées à la « France d'en haut », qu'il faille s'adresser au Gouvernement pour obtenir la moindre petite chose. Il faudra d'abord une loi d'habilitation. C'est une usine à gaz.
    On connaît l'histoire! L'ordonnance de 1960, permettait d'avoir une départementalisation adaptée, mais nous ne l'avons jamais eue ! La même chose risque de se produire. Pour répondre au problème des transports, par exemple, si nous avions pu prendre une initiative à l'époque, nous aurions élaboré un texte que nous aurions envoyé au Gouvernement ou au Parlement qui nous auraient dit s'il était bon ou pas.
    Nous approuvons certaines choses - nous ne sommes pas là pour faire de l'opposition systématique ! -, mais je suis porteur d'une revendication qui a été formulée par soixante-treize élus guadeloupéens, droite-gauche confondues. Alors que nous avons su faire l'unité sur ce point, le Gouvernement fait l'impasse ! Il ne répond pas aux demandes de la base, de la France de là-bas et de la France d'en bas !
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. L'article 8 contient des choses étranges. Il reprend l'esprit de l'article 299, alinéa 2, du traité d'Amsterdam, par exemple, mais en périphrases. Il ne contient pas les éléments, et surtout pas les mots, permettant de concevoir que serait constitutionnalisé ce droit permanent à dérogation qui est inscrit dans le traité consolidé de l'Union européenne. En outre, il donne une idée de la course d'obstacles qu'il faudra accomplir pour mettre en oeuvre le droit d'adaptation législative.
    Il traduit aussi la frayeur du Sénat qui, après avoir dressé une liste exhaustive des domaines exclus des lois d'habilitation, par crainte d'avoir oublié un quart de virgule, a ajouté : « Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique. » Comme nous ignorons ici quelles sont les missions régaliennes de l'Etat, on nous rappelle que les capacités d'adaptation et les habilitations législatives ne pourront surtout pas porter sur toute une série de dispositions ! Cela préjuge évidemment de la réalité des peuples, qui ont été raturés, comme vient de le dire Victorin Lurel, de la réalité de la République française. Mais cette obsession de niveler les choses, de les homogénéiser contre la vitalité normale, ne tient pas face à la réalité.
    En effet, qu'est-ce que la République française aujourd'hui ? Evidemment c'est la Corse, la Bretagne, avec toutes ces identités régionales, toutes ces langues que l'on s'obstine à asphyxier et qui rejaillissent toujours plus magnifiques. Mais la République française, c'est aussi l'outre-mer avec la Nouvelle-Calédonie et son statut de souveraineté partagée - une originalité -, c'est la Polynésie française qui attend toujours sa fameuse citoyenneté, parce que dans le chariot de textes qui devaient être soumis au Congrès il y avait celui sur la magistrature, et que le Président de la République a refusé de convoquer le Congrès. C'est aussi Wallis-et-Futuna et ses trois rois. C'est Mayotte avec sa population musulmane. C'est tout ça, la République française aujourd'hui !
    Alors, à quoi rime cette frayeur, qui mène au nivellement ? Qui mène à inscrire dans la Constitution qu'outre-mer - au-delà des mers, dans la Caraïbe, aux Amériques, dans l'océan Indien, dans le Pacifique - il n'y aurait que des populations statistiques et non cette richesse de l'humanité ? Ces peuples, dans toute leur diversité, dans toute leur richesse, donnent à la France non seulement son originalité, mais encore la légitimité de parler comme pays résident dans l'océan Indien, dans la Caraïbe, aux Amériques, dans le Pacifique et non en puissance étrangère invitée. C'est cela, l'outre-mer !
    Cet article 8 traduit les frayeurs du Sénat, les frayeurs de nos amis de la Réunion, qui ont décidé de verrouiller le libre arbitre des générations à venir. Il porte en germe toutes les difficultés que nous aurons pour faire éclore les processus locaux de consultation, de concertation et de proposition. Cet article ne fait pas honneur à ceux qui ont réfléchi à la façon d'ouvrir et d'assouplir le dialogue entre l'outre-mer et la mère partie, mais l'expression est incongrue après ce que nous avons entendu tout à l'heure...
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. C'est bien la patrie. Dire que vous avez été candidate à la présidence de la République !
    M. le président. Laissez Mme Taubira terminer son intervention !
    Mme Christiane Taubira. Mme Louis-Carabin appartient à un siècle révolu depuis si longtemps (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), que je me demande si je n'ai pas pris la machine à remonter le temps !
    M. le président. Madame Taubira, je vous en prie.
    Mme Christiane Taubira. Madame la ministre, je n'ai pas vos frayeurs et c'est certainement un de mes grands atouts. Je n'ai pas peur de l'avenir. (« Nous non plus ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je reconnais aux générations futures le droit d'agir sur leur avenir.
    M. Victorin Lurel. Parlons plutôt de la fossilisation qu'on leur propose !
    Mme Christiane Taubira. Oui, tout cela manque de courage.
    Mme la ministre nous a expliqué pourquoi les départements et les régions étaient inscrits nominativement dans la Constitution. Nous connaissons la logique de ce geste : il vise à rassurer ceux qui sont inquiets.
    L'un des grands arguments est que Mayotte serait encore inscrite dans la Constitution des Comores. Pourquoi une telle peur panique ? Dois-je vous informer que la Guyane est inscrite sur certaines cartes d'état-major du Brésil ? J'avoue que je me couche tous les soirs sans craindre une invasion brésilienne en Guyane.
    Il est important de le noter, l'article 8 est un agglomérat de frayeur, de panique, d'inquiétudes et surtout de blocages pour l'avenir. La responsabilité et la dignité appellent à voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains).
    M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Monsieur le président, madame la ministre, on a voulu faire croire que certains élus de l'outre-mer n'étaient dans l'hémicycle que pour s'occuper des affaires de l'outre-mer. Je rappelle à nos collègues de l'opposition que mon collègue Beaugendre et moi-même sommes souvent là à faire la majorité, sur des sujets qui n'intéressent pas toujours l'outre-mer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. René Dosière. Et nous, nous sommes là depuis huit jours !
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. En tant que députés de la nation française, nous avons le devoir d'être là.
    Personnellement, depuis la semaine dernière, je suis le débat sur ce projet ambitieux. J'estime que ce texte est homogène car il concerne l'organisation décentralisée de la France hexagonale comme de la France de l'outre-mer. Encore une fois, la France ne s'arrête pas aux frontières de l'Hexagone. Mme Taubira vient de le dire : l'outre-mer fait la diversité et la richesse de notre pays.
    S'agissant de l'article 8, je me félicite de l'audace et de la détermination du Gouvernement. Aujourd'hui, il faut inscrire la Constitution dans la réalité locale en y apportant les précisions nécessaires au développement économique et social des régions de l'outre-mer. Il faut ancrer ce texte dans la modernité.
    Ce texte ne me fait pas peur.
    M. Victorin Lurel. C'est nouveau !
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. L'article 8 donne aux collectivités locales de nos régions les moyens d'une action efficace puisqu'il leur permet d'adapter les textes de loi aux réalités locales, dans le cadre de leurs compétences. Le régime d'assimilation législative auquel les régions de l'outre-mer sont soumises est enfin assoupli, réduisant ainsi les échelons de décision.
    Je salue, madame la ministre, la confiance que vous accordez, ainsi que votre gouvernement, aux élus locaux.
    M. Victorin Lurel. Oh là là !
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Nous sommes des élus de terrain, à même d'évaluer les besoins de nos concitoyens.
    Appliquer des lois en décalage avec nos particularités relève du non-sens. Je pense par exemple, et Victorin Lurel en a parlé, au problème de la réglementation des transports en Guadeloupe, qui mérite une adaptation réaliste tenant compte des usages.
    On peut être citoyen français tout en étant soumis à des règles distinctes qui ne font que répondre aux caractéristiques des régions diverses de la nation française.
    M. Victorin Lurel. Ah ! Quand même !
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. En érigeant en principe constitutionnel la création d'une seule et même collectivité ou l'institution d'une assemblée unique délibérante, vous tenez compte des revendications des élus de l'outre-mer.
    Cette proposition vise à éradiquer le gaspillage, les lourdeurs administratives, autant d'entraves à l'efficacité des politiques du développement de nos régions.
    Par ailleurs, l'accord des électeurs pour l'instauration d'une collectivité et d'une assemblée unique est une garantie démocratique qui tient compte du rôle du citoyen guadeloupéen, lié au devenir de son pays.
    Je terminerai mon propos en insistant sur l'importance de responsabiliser chacun et de faire évoluer les mentalités. En ce qui me concerne, je suis prête, et je pense que la grande majorité des élus de l'outre-mer le sont aussi. Comme ils ne manqueront pas de le rappeler, tous ces grands principes constitutionnels ne doivent pas rester en l'état mais devront s'inscrire dans la dynamique de la politique de développement que les élus de la Guadeloupe attendent de pouvoir mettre en oeuvre.
    Je n'ai pas besoin que l'on me conforte par un texte : je suis grande et je sais ce que veut la population de la Guadeloupe.
    Par ailleurs, je demande à mon collègue Victorin Lurel d'arrêter de toujours parler de bombes. On dirait qu'il voudrait que des bombes éclatent encore en Guadeloupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Victorin Lurel. C'est pour les prévenir, afin que soit organisé le débat démocratique !
    M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax.
    M. Bertho Audifax. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans la discussion générale, j'ai souligné la particulière sensibilité des Réunionnais aux changements institutionnels. Je n'y reviendrai pas mais je souhaite éclairer l'Assemblée sur les conséquences de l'amendement déposé par M. Jean-Paul Virapoullé et approuvé à une très large majorité par la Haute assemblée.
    Cet amendement, pour lequel le Gouvernement s'en était remis à la sagesse du Sénat, garantit à la Réunion un droit constitutionnel constant. On suggère, à gauche, qu'il bloque la Réunion dans une sorte d'intégrisme et d'obscurantisme constitutionnels.
    M. René Dosière. Oui, on le dit !
    M. Bertho Audifax. Il n'en est rien, monsieur Dosière.
    Rien n'interdit à l'Etat d'exercer ses pouvoirs réglementaires ou législatifs pour défendre la Réunion contre toutes lois ou tous règlements préjudiciables aux intérêts de la Réunion. C'est même son devoir et c'est à ce titre qu'ont été prévues des adaptations aux particularités des régions et territoires d'outre-mer dans l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Le projet de loi de réforme constitutionnelle reprend l'esprit de cet article et élargit le champ des adaptations ou règlements que peuvent faire le législatif et l'exécutif. Il y a là une source de cohérence et d'efficacité que les Réunionnais approuvent totalement.
    Rien n'interdira demain au conseil général ou au conseil régional de demander des adaptations réglementaires, mais celles-ci se feront dans le champ de leurs compétences et après autorisation législative.
    Rien n'interdira demain l'expérimentation législative, qui relèvera de l'article 37-1 lorsqu'elle sera à l'initiative de l'Etat et de l'article 72-4 lorsqu'elle sera à l'initiative des collectivités locales.
    Il n'y a aucun paradoxe à vouloir une assimilation adaptée - et même auto-adaptée - dans les matières relevant de la compétence du département ou de la région d'outre-mer - et à refuser l'auto-dérogation. L'assimilation adaptée tient compte des contraintes et caractéristiques particulières. L'auto-dérogation tient compte de « spécificités », expression distincte, prise en compte dans l'article 74. La position réunionnaise est donc d'une totale cohérence juridique.
    Oui, la Réunion refuse l'autonomie, c'est-à-dire la règle que l'on se fixe à soi-même dans les matières réglementaires et législatives de l'Etat, mais accepte totalement l'adaptation élargie.
    L'article 72-4 a fait l'objet de réticences importantes de la part de nos concitoyens, mais les verrous qu'il prévoit - notamment, le consentement préalable de la population réunionnaise - et les assurances données par Mme et MM. les ministres lors de la discussion générale nous paraissent suffisants. Nous resterons toutefois vigilants sur le contenu de la loi organique.
    Enfin, sur le plan financier, j'ai entendu à de multiples reprises les élus de gauche redouter que, dans le cadre de l'expérimentation, des inégalités économiques se creusent entre régions aisées et moins aisées. Curieusement, personne sur les mêmes bancs ne semble craindre qu'à travers les articles 73 et 74 délégant de larges compétences aux départements, régions et collectivités d'outre-mer, des disparités énormes n'apparaissent entre régions hexagonales et régions d'outre-mer. Auriez-vous, mes chers collègues, des craintes pour l'égalité des régions hexagonales, que vous n'avez pas pour l'outre-mer ? Personnellement, cela ne m'étonne pas. Mais avouez que cela contraste singulièrement avec vos envolées dans ce débat. C'est vrai qu'avec vous, il y a toujours loin de la coupe aux lèvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je voudrais remercier M. le président de la commission des lois et rapporteur de ce projet...
    M. René Dosière. C'est fondamental !
    M. Bertho Audifax. ... d'avoir tenu compte de la volonté des Réunionnais. La sagesse du Gouvernement confirme les engagements du Président de la République, dont nous n'avons jamais douté, nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président de l'Assemblée nationale - j'espère que mes propos lui seront rapportés - a témoigné, hier soir encore, son attachement aux régions d'outre-mer ; mais il est vrai qu'il est tombé dans la marmite quand il était petit. (Sourires.)
    Nos collègues de la majorité, qui sont restés hier soir jusqu'au bout à nos côtés ont fait la preuve de leur solidarité et nous ont ainsi confortés dans notre rôle plein et entier d'élus de la nation. Personnellement, je ne doute pas de ma qualité d'élu national. Mais ce témoignage d'amitié restera dans ma mémoire et je vous dis merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Comme c'est moi qui préside ce soir, j'apporte aussi mon témoignage d'amitié aux populations d'outre-mer.
    La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Le Sénat a adopté, à l'article 8, un amendement qui exclut le département et la région de la Réunion du champ de la nouvelle rédaction de l'alinéa 3 de l'article 73 de la Constitution. Ainsi, la Réunion, et elle seule, sera privée de la possibilité de fixer des règles à sa demande, et non à celle de l'Etat, dans un nombre limité de matières, pour répondre à des situations locales spécifiques. Une telle exclusion pourrait s'avérer préjudiciable aux intérêts même de la Réunion. Madame la ministre, vous aurez reconnu vos propos, par exemple en ce qui concerne le logement et l'aménagement du territoire.
    Au demeurant, inscrire dans la Constitution cette exclusion, que la loi organique pourrait, si nécessaire, fixer, constitue une rigidité nouvelle. Une de plus ! C'est donc à juste titre, monsieur Clément, que la commission des lois avait adopté un amendement qui supprimait cette réserve du Sénat. Or nous avons assisté ensuite à une opération politicienne de la droite réunionnaise : le 12 novembre, la commission des lois a donc adopté un amendement de suppression ; le 18 novembre, avant même que l'Assemblée nationale se réunisse pour l'examen de cet article, le président du conseil général de la Réunion a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé que le président de la commission des lois avait pris devant lui l'engagement de retirer l'amendement en question.
    Sur le plan des principes, est-il acceptable qu'un élu local - fût-il président de conseil général - non seulement obtienne le retrait d'un amendement, mais encore fasse savoir publiquement avant même que notre assemblée en soit informée ? C'est lourd de signification. Cela confirme que la rigueur juridique imposée par une révision constitutionnelle n'a pas résisté devant des raisons de pure politique politicienne.
    Pour quelle raison argumente-t-on contre l'amendement pour, en fin de compte, adopter une position contraire ? Le sens historique peut-il s'effacer devant celui de l'opportunité en matière de révision constitutionnelle ? Dans ces conditions, quel est le sérieux des travaux du Parlement ? L'amendement sénatorial n'est pas acceptable.
    D'abord, il inscrit dans la Constitution une disposition concernant un seul département, en l'occurrence la Réunion. Est-ce bien conforme à l'esprit de la Constitution ? A ce moment-là, pourquoi pas une République morcelée, avec des dispositions expresses pour le Limousin, l'Aquitaine ou la Picardie ?
    Ensuite, cet amendement introduit une disposition d'exclusion. Cela signifie que le Parlement va prendre la responsabilité de fermer la porte à la région et au département de la Réunion pour bénéficier de futures avancées en matière de décentralisation, et ce pour toujours - enfin, pour longtemps, car la Constitution a vocation à durer.
    Enfin, sur le fond, il faut avoir présent à l'esprit que, depuis le dépôt du texte, la droite réunionnaise a fait surgir un faux débat sur la question statutaire, jouant sur la peur du « largage ». Elle a pris le pari devant l'opinion que ses représentants au Parlement sauveraient la Réunion de l'aventure institutionnelle.
    En fait, l'amendement Virapoullé est un amendement intégriste (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) qui sert de façade.
    Il a un seul mérite : pouvoir être utilisé contre la gauche réunionnaise, PS et PCR, qui, s'étant exprimée contre l'amendement Virapoullé et pour le vôtre, monsieur le président de la commission des lois, se fait accuser d'autonomisme. Le président Clément, un autonomiste !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ce n'est pas crédible !
    M. René Dosière. Nous aurons vraiment tout vu !
    Voilà, mes chers collègues, une illustration concrète de ce que je disais tout à l'heure.
    Qui fait la loi ? (« Nous ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Certains élus réunionnais de droite ou la représentation nationale ?
    M. René André. Les élus réunionnais ne sont ni de droite ni de gauche : ce sont des élus de la République !
    M. René Dosière. Je regrette, monsieur le président de la commission des lois, que vous vous soyez prêté à une telle comédie à l'occasion d'une révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. le président. M. Lurel et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 83, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution.
    « Ils peuvent faire l'objet d'adaptations et de mesures spécifiques nécessitées par leurs caractéristiques et contraintes particulières. »
    Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Le texte de cet amendement est directement inspiré de la rédaction de l'article 299-2 du traité sur l'Union européenne, donnant au législateur la possibilité d'adapter plus largement les textes à la réalité des départements et régions d'outre-mer. Il donne davantage de marge au législateur pour prendre des mesures spécifiques, au-delà des adaptations « octroyées », comme je l'ai entendu de la bouche d'un ministre. Cela me rappelle la Charte « octroyée » par Louis XVIII, à la Restauration.
    L'objet de cet amendement est de permettre de répondre aux demandes formulées par la base, par les Français d'en bas, et donc de permettre au législateur de mieux coller à la réalité de nos régions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement n° 83 tend à confier au législateur non seulement le pouvoir d'adaptation, déjà prévu expressément par la Constitution, mais aussi la faculté de déroger directement au principe d'assimilation. Cette précision, monsieur Lurel, est inutile : d'ores et déjà, les lois d'orientation qui se sont succédé montrent que le législateur peut adopter des dispositions spécifiques à l'outre-mer.
    Le vrai sujet aujourd'hui, c'est que chaque DOM puisse adopter les mesures spécifiques requises par sa situation propre. Le véritable enjeu, c'est la prise en compte de la diversité des DOM dans notre édifice juridique, au-delà du label unificateur de DOM et de ROM. Or qui est mieux à même que les collectivités territoriales concernées d'adapter ces mesures ? Tel est le dispositif retenu dans le projet de loi qui, par application d'un principe qui s'apparente à la subsidiarité, prévoit que chaque collectivité adopte, sur habilitation législative, les mesures dont elle aura décidé. C'est en vertu de ce principe que la commission a repoussé l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement émet un avis défavorable parce que la notion de mesure spécifique se confond naturellement avec celle d'adaptation. Adapter, c'est prendre des mesures spécifiques, et prendre des mesures spécifiques, c'est adapter les lois et les règlements aux caractéristiques et contraintes particulières.
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. Le refus d'adopter cet amendement maintient la Constitution, pourtant opportunément révisée, en deçà du traité sur l'Union européenne. L'article 8 du projet ne retient en effet que des « adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités », alors que l'article 299-2 du traité d'Amsterdam se réfère à des « mesures spécifiques nécessitées » par des situations pérennes. L'outre-mer est définitivement là où il se trouve ! La dérive des continents n'est pas à l'échelle de la révision de la Constitution ! Par conséquent, se contenter « d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières », comme s'il s'agissait simplement de réagir au lendemain d'un cyclone ou d'un raz-de-marée, ce n'est pas vraiment à la mesure de l'ouverture législative nécessaire. Ce sont des règles générales qui devraient pouvoir être édictées quand il s'agit de répondre aux situations spécifiques de l'outre-mer.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 83.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   55
Nombre de suffrages exprimés   55
Majorité absolue   28
Pour l'adoption   16
Contre   39

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Marie-Jeanne a présenté un amendement, n° 148, ainsi rédigé :
    « Dans le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution, substituer aux mots : "un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi, les mots : "les matières relevant du domaine de la loi et non énumérées à l'alinéa suivant. »
    Cet amendement est-il soutenu ?
    Mme Christiane Taubira. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable également car, comme j'ai eu l'occasion de le dire, le titre XII de la Constitution distingue désormais deux grands ensembles : les collectivités de l'article 73, qui relèvent de l'assimilation législative, et celles de l'article 74, dont la spécificité, plus ou moins modulée, peut aller jusqu'au régime d'autonomie. Cet amendement me paraît dénaturer le statut départemental. Si une collectivité veut élargir davantage le champ des dérogations, elle doit indiquer clairement qu'elle préfère être régie par l'article 74.
    Mme Christiane Taubira. Puis-je répondre d'un mot, monsieur le président ?
    M. le président. Pourquoi n'êtes-vous pas intervenue en défendant l'amendement ?
    Mme Christiane Taubira. Vous refusez, monsieur le président ?
    M. le président. Non, madame Taubira, mais à condition que vous soyez brève et concise.
    M. Michel Voisin. Le président se laisse attendrir !
    Mme Christiane Taubira. Mme la ministre vient de confirmer dans sa réponse que les articles 7 et 8 sont des textes de fermeture. Au lieu de tenir compte de l'histoire, de l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer, à l'instar de la Nouvelle-Calédonie avec son statut de souveraineté partagée, au lieu de comprendre que, cinquante-six ans après la loi de départementalisation, il y a d'autres options possibles entre la départementalisation à outrance, qui a asphyxié nos économies, et la rupture brutale qui, pour l'instant, n'est encore réclamée par aucune force qui puisse s'exprimer à une tribune officielle, au lieu de nous présenter toute la palette des possibilités qui existent entre ces deux extrêmes, que nous propose-t-on ? Une réforme qui nous impose de rester un département, avec d'éventuelles adaptations, mais à des conditions tellement drastiques qu'elles en sont désespérantes ! Et même si l'on ne se décourage pas, même si un référendum local est positif, le Parlement - Mme la ministre l'a confirmé en commission - ne sera pas tenu de légiférer !
    C'est un chantage implicite : ou bien vous restez fermement dans l'identité législative, en sachant qu'il faudra escalader une montagne de savon pour déroger à la législation nationale, ou bien vous optez pour l'article 74. Ce n'est pas à la hauteur de l'attente et des espérances des peuples d'outre-mer !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Marie-Jeanne a présenté un amendement, n° 147, ainsi rédigé :
    « Après le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution, insérer l'alinéa suivant :
    « Ces collectivités sont aussi habilitées par la loi à fixer les règles applicables en matière de coopération régionale. »
    La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir cet amendement.
    M. Victorin Lurel. Le texte soumis à l'agrément de la représentation nationale - en lui laissant bien peu de possibilités d'amendement et moins encore pour ce qui concerne notre assemblée - ne dit pas un traître mot de la coopération régionale. La LOOM avait pourtant ouvert un chapitre intéressant sur la coopération décentralisée. Une polémique a été déclenchée par un élu de la Guadeloupe sur la représentation de la France à l'Association des Etats de la Caraïbe. Jusqu'à présent, cette divergence d'interprétation n'a pas été juridiquement tranchée. Mais c'était la volonté du gouvernement de l'époque de voir les départements français d'Amérique - Guadeloupe, Martinique et Guyane - jouer un rôle actif dans leur environnement immédiat, la Caraïbe, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud. Bien entendu, il ne s'agissait pas, pour ces départements, de s'approprier des attributs de la souveraineté nationale, ils voulaient simplement parler au nom de la France, mais la chose n'a pas pu se faire.
    Je regrette donc que ce texte constitutionnel n'ait pas consacré un chapitre, un article ou même simplement quelques lignes à la coopération régionale. C'est cette lacune que l'amendement de M. Marie-Jeanne tend à combler. Les départements et régions d'outre-mer seraient habilités à fixer les règles applicables en matière de coopération régionale. Encore une fois, il n'est pas question de se substituer à l'Etat, qui garderait bien entendu le monopole de sa représentation. Mais, s'il existe déjà une coopération en matière de recherche agronomique, de recherche universitaire, d'échange de sportifs, de transport aérien ou de tourisme, elle est limitée pour l'essentiel aux domaines techniques. Il faut lever ces limitations. C'est le sens de l'amendement n° 147.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement de M. Marie-Jeanne a un seul défaut à mes yeux : il ne relève pas de la Constitution. Commencer à décliner dans la loi constitutionnelle tout ce qui pourrait figurer dans la loi organique, c'est très bien, mais cela relève précisément de la loi organique. Avis défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. J'ajouterai aux arguments de M. le rapporteur une information qui intéressera sans doute l'Assemblée. Si M. Marie-Jeanne ne peut être parmi nous ce soir, c'est tout simplement parce qu'il dirige la délégation française et s'exprime donc au nom de la France au sommet de Belize de l'Association des Etats de la Caraïbe, réunion que nous avons préparée ensemble lorsque je me suis rendue au sommet des régions ultrapériphériques aux Canaries, il y a quelques semaines. Nous avons travaillé avec nos amis guadeloupéens et guyanais, en présence des présidents de région, à la préparation de ce sommet. Vous voyez donc, monsieur Lurel, que la coopération régionale n'a pas besoin de loi, c'est avant tout une décision politique.
    En revanche, déterminer les règles relatives à la coopération régionale relève de la politique étrangère. C'est donc une matière régalienne qui ne peut être déléguée aux collectivités territoriales. Mais l'Etat - le Gouvernement auquel j'appartiens y est particulièrement attaché - autorise, dans le cadre des règles qu'il édicte, les élus d'outre-mer, et notamment les présidents de région, à mener des actions de coopération régionale, à s'exprimer au nom de la France et à signer éventuellement des accords en son nom. C'est le cas en ce moment même.
    Je n'ai rien à ajouter, sinon que cet amendement reçoit un avis défavorable du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. Madame la ministre, c'est de très longue date que des élus d'outre-mer dirigent des délégations dans les rencontres avec les institutions régionales, que ce soit la Commission de l'océan Indien ou l'AEC. Nous demandons simplement plus de souplesse pour pouvoir mieux réagir. L'exposé des motifs de l'amendement énonce divers domaines où ce besoin de réactivité se fait particulièrement sentir. La pêche est un bon exemple, car les conflits de limites territoriales sont permanents entre les îles de la Caraïbe, qui sont très proches les unes des autres. On nous refuse aujourd'hui cette souplesse, mais nous espérons faire valoir notre point de vue lors de la discussion de la loi organique.
    M. le président de la commission nous explique qu'énoncer une matière n'est pas du domaine de la Constitution. Je doute que le Sénat ait été prévenu de cette objection, car il a ajouté à l'article 8 l'énoncé exhaustif des matières où il ne pourra être dérogé à la loi : la nationalité, les droits civiques, la justice, la capacité des personnes... Si M. Clément a raison, qu'est-ce que cette liste vient faire dans la Constitution ?
    M. Gérard Bapt. Eh oui !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Clément, rapporteur, a présenté un amendement, n° 18, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution, substituer aux mots : "alinéas précédents, les mots : "deuxième et troisième alinéas. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Amendement de clarification rédactionnelle.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Clément, rapporteur, a présenté un amendement, n° 19, ainsi rédigé :
    « Compléter la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution par les mots : "et d'un droit constitutionnellement garanti. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je propose d'abord une rectification tendant à substituer le mot « ou » au mot « et » pour harmoniser la rédaction de l'article 8 du projet avec celle de l'article 4.
    Sur le fond, il s'agit de clarifier le régime d'habilitation instauré à l'article 73 de la Constitution. Non seulement ces habilitations ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique, mais tel serait également le cas dès lors que seraient en cause les conditions essentielles d'exercice d'un droit constitutionnellement garanti.
    Mais je reconnais que, là aussi, la précision est quasiment rédactionnelle, et je me rangerai donc à l'avis du Gouvernement.
    M. le président. Le mot « ou » remplace donc le mot « et ».
    Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 19 ainsi rectifié ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Lurel et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 84, ainsi rédigé :
    « Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution, insérer l'alinéa suivant :
    « Les collectivités régies par le présent article disposent du pouvoir de fixer les règles applicables dans leur domaine de compétence. Si celles-ci interviennent dans un des domaines régis par l'article 34 de la Constitution, le texte adopté par la collectivité est transmis dans le mois suivant son adoption au Parlement pour ratification. Une loi organique fixe les conditions d'application de cet article. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Notre amendement tend à donner aux départements et régions d'outre-mer le pouvoir de fixer les règles applicables dans leur domaine de compétence. Il s'agit d'un pouvoir législatif encadré, comme le Congrès des élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe l'a demandé à une écrasante majorité. Il en a été de même en Martinique et, je crois pouvoir le dire, en Guyane.
    Ce projet nous donne le pouvoir d'expérimentation, d'adaptation, de dérogation. C'est très bien. Mais tout cela nous vient d'en haut et ne procède pas de l'initiative locale. On nous rétorque que l'initiative locale ferait éclater l'unité de la République. Tel n'est pas notre dessein. Nous précisons en effet que le texte dérogatoire élaboré sur place serait ensuite transmis au Parlement pour ratification, selon une procédure comparable à celle des ordonnances, mais en quelque sorte inversée puisque c'est le Parlement qui resterait maître de la décision.
    Cet amendement obéit à la même logique que l'amendement n° 83, qui tendait à autoriser des mesures spécifiques nécessitées par les contraintes particulières de nos régions. Pour reprendre le mot de Mme Taubira, nous aurions ainsi une meilleure réactivité. Plus besoin d'attendre une hypothétique loi dont les délais d'élaboration nous empêcheraient de répondre à l'urgence ! Pour le tourisme, par exemple, on nous propose une loi de programme sur quinze ans. En attendant, les entreprises déposent leur bilan ou sont quasiment en état de cessation de paiement. C'est déjà le cas d'établissements publics, de l'université de Guadeloupe, ou encore de la SOSUMAG, à Marie-Galante, qui a transféré sa direction générale en Alsace ! Nous sommes actuellement incapables de faire face aux urgences locales. Si on donnait aux collectivités d'outre-mer, quel que soit le statut qu'elles choisiront, le pouvoir de réagir vite, d'être réactives, de répondre aux urgences et de satisfaire sans délai les demandes de leurs populations, on ferait un grand pas sans mettre en cause l'unité de la République.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur Lurel, votre amendement n° 84 me surprend. Dans votre amendement n° 83, en effet, vous laissiez au législateur le pouvoir de déroger au principe d'assimilation législative, conformément au texte du projet selon lequel c'est la loi d'habilitation qui décline les compétences. Maintenant, vous vous contredisez puisque vous demandez que les départements et régions d'outre-mer décident eux-mêmes des dérogations.
    Sur le fond, si l'on peut admettre des exceptions limitées au principe d'assimilation législative, ce qui correspond au statut des DOM dans la loi constitutionnelle, reconnaître un pouvoir d'initiative législative aux DOM et aux ROM signifierait ni plus ni moins vider le principe de son contenu et enlever au Parlement la compétence des compétences.
    Tel n'est pas du tout le choix fait dans ce texte, lequel repose au contraire sur un équilibre entre unité et diversité : unité via la réaffirmation de l'assimilation législative - vous en êtes d'accord, je crois -, mais aussi diversité grâce aux deux procédures d'habilitation par le Parlement dans une loi qui, précisément, délègue la compétence. Cela contredit votre amendement précédent.
    Avis défavorable.
    M. Victorin Lurel. Nous ne faisons pas la même lecture des textes !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Outre tout ce que l'on peut objecter sur le fond à cet amendement, il relève de toute façon de la loi organique et non de la Constitution.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 85, ainsi rédigé :
    « Substituer au dernier alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution les deux alinéas suivants :
    « La création par la loi d'une assemblée délibérante unique pour gérer un département ou une région d'outre-mer ne peut intervenir que sur proposition de ces collectivités après un vote concordant des deux assemblées exprimé à la majorité absolue. Les électeurs des collectivités intéressés sont consultés sur cette évolution.
    « Une collectivité unique à statut particulier dotée de compétences et d'une organisation particulières, en lieu et place d'un département et d'une région d'outre-mer, peut être créée par une loi organique sur laquelle les électeurs sont consultés. Cette création ne peut intervenir sans le consentement des électeurs des collectivités intéressées convoqués par le Président de la République sur proposition du Gouvernement après un vote concordant des deux assemblées exprimé à la majorité absolue. »
    Je vous indique d'ores et déjà que, sur cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement tend à permettre à une assemblée délibérante unique ou à une collectivité à statut particulier qui pourrait, demain, émerger en application des textes que nous sommes en train d'adopter, de prendre l'initiative de la demande. Il s'agirait d'une sorte de dispositif d'amorçage. En effet, dans le projet qui nous est soumis, seul le Président de la République, après consultation du Gouvernement, peut décider de soumettre ou non une telle proposition aux populations intéressées.
    N'oublions pas que la loi d'orientation, qui n'a pas été abrogée, nous permet d'avoir des élus. Comme elle l'avait dit au Sénat, Mme la ministre vient de rappeler dans ses réponses qu'à Mayotte un accord était intervenu avec les formations politiques. Je veux bien, mais je pense néanmoins qu'il convient de laisser voix au chapitre, sinon une certaine prééminence, à la représentation élue. Or tel ne serait pas le cas avec la rédaction actuelle.
    Je ne fais pas de procès au Gouvernement mais je souhaite que l'on mette en place un dispositif qui implique les élus d'une manière semblable à celle qui permet au Congrès de solliciter le Gouvernement.
    Bien entendu, le Gouvernement resterait toujours maître de la décision. J'en veux pour preuve que, malgré les avis, les dossiers et les résolutions transmis aux gouvernements de M. Jospin et de M. Raffarin, le Gouvernement a choisi une autre voie. C'est son droit mais, aujourd'hui, on ne sait plus très bien où nous en sommes. Certes, on nous a répété fréquemment qu'il ne fallait pas rigidifier la Constitution. Cependant, si le texte reste en l'état, on pourra à la limite consulter des formations politiques qui ne sont pas forcément représentatives. Les élus ne seraient alors consultés qu'à la marge si j'ose dire ; il y aurait une consultation que nous ne maîtriserions. En tout cas, l'initiative ne pourrait être prise par les élus que nous sommes.
    A l'inverse, cet amendement tend à ce que l'initiative vienne d'abord des élus, sinon exclusivement du moins essentiellement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable également. J'ai déjà eu l'occasion de répondre sur ce point à M. Lurel. Je suis tout de même un peu étonnée de cette obstination à vouloir introduire une procédure rigide. Le gouvernement que vous avez soutenu il y a quelque temps...
    M. René Dosière. M. Lurel n'était pas député !
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'était pas élu !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... a justement manifesté une grande souplesse pour Mayotte en consultant, comme vous venez de le critiquer à l'instant, les formations politiques qu'il avait retenues pour représenter les Mahorais.
    Laissons au Président de la République et au Gouvernement les mains libres afin qu'ils puissent choisir la procédure la plus adaptée au contexte local de chaque collectivité d'outre-mer.
    Avis défavorable.
    M. Gérard Bapt. Ce n'est pas de la compétence du Président ! c'est un coup d'Etat !
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. C'est justement parce que le Président de la République et le Parlement auront les mains libres que nous n'avons aucune garantie. Ainsi, même en cas de référendum local positif, le Parlement serait saisi.
    On se rend bien compte que l'article 8 projette dans le temps une sérénité inébranlable, qui ne prend en considération ni les processus déjà engagés, dont certains, par exemple en Guyane, ont presque cinq ans d'âge, ni des revendications qui remontent à plusieurs générations. On semble croire que la réflexion outre-mer a encore besoin d'une longue maturation de quelques décennies.
    Cela serait justifié si l'histoire ne montrait pas qu'une revendication d'assouplissement des règles est exprimée au moins depuis les années 50 et qu'elle pourra être prise en compte à partir du moment où le Gouvernement s'engagera à y faire droit dans les prochaines lois, organiques ou ordinaires. Cela signifie qu'il doit prendre sérieusement en considération les revendications locales exprimées soit par les collectivités élues, donc légitimes, soit par les populations éventuellement consultées par référendum.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je me permets de dire à Mme la ministre qu'elle ne m'avait pas encore répondu à ce sujet puisque la question ne lui avait pas été posée directement. Néanmoins, j'ai eu connaissance des réponses qu'elle a faites au Sénat.
    Par ailleurs, il ne s'agit pas du tout de dessaisir le Président de la République du pouvoir de décider de consulter les électeurs des régions intéressées.
    Je rappelle enfin à Mme la ministre que le code général des collectivités territoriales est toujours en vigueur et que le Congrès est toujours inscrit dans les textes.
    A quoi rime de laisser perdurer un dispositif qui ne sera jamais utilisé, alors que le congrès des élus départementaux et régionaux existe ?
    On me répond qu'il faut laisser la liberté au Président. Or mon amendement la préserve, et il demeurera libre d'agir comme il le veut. Je souhaite simplement que l'on insère les élus dans le dispositif afin que le choix vienne aussi d'en bas. Cela répondrait à la demande formulée par vos amis politiques outre-mer, notamment dans la fameuse déclaration de Basse-Terre.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 85.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   62
Nombre de suffrages exprimés   62
Majorité absolue   32
Pour l'adoption   17
Contre   45

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Avant d'appeler les deux derniers amendements sur cet article, je vous informe que, sur le vote de l'article 8, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. Marie-Jeanne a présenté un amendement, n° 117 corrigé, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 73 de la Constitution, substituer aux mots : "se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités, les mots : "unique se substituant à un département et une région d'outre-mer. »
    La parole est à Mme Christiane Taubira pour soutenir cet amendement.
    Mme Christiane Taubira. Cet amendement vise à clarifier la disposition relative au référendum prévue par l'article 8, qui est un peu restrictive.
    Au lieu de la rédaction : « se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités », qui paraît en effet relativement lourde, M. Marie-Jeanne propose la rédaction : « unique se substituant à un département et une région d'outre-mer », considérant qu'en tout état de cause, à partir du moment où une collectivité se substitue à deux collectivités existantes, c'est qu'on aura affaire à une assemblée délibérante unique.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement proposé mélange deux processus distincts. Soit les actuels DOM et ROM décideront de se fondre en une seule collectivité, et le corollaire implicite sera évidemment l'instauration d'une assemblée unique ; soit ils seront juridiquement maintenus mais décideront de confier la gestion de leurs compétences à une assemblée unique. Il est nécessaire de maintenir la possibilité pour les DOM et les ROM de choisir entre les deux branches de l'alternative.
    Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable également pour les raisons exprimées par le président de la commission.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, je vous demande, par avance la parole pour une explication de vote sur cet article.
    M. le président. Monsieur Chassaigne, le règlement ne prévoit pas d'explications de vote sur les articles.
    M. André Chassaigne. Pourtant, cela se faisait jusqu'à présent.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Vous aurez surtout fait de l'obstruction !
    M. le président. Monsieur Chassaigne, c'est moi qui préside aujourd'hui. Vous aurez d'autres occasions pour vous exprimer.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'était sans doute une faiblesse de la présidence.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Marie-Jeanne a présenté un amendement, n° 204, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 73 de la Constitution par l'alinéa suivant :
    « Dans les conditions visées à l'article 72, alinéa 1, une collectivité à statut particulier peut être mise en place tout en gardant les modalités et principes d'intervention envisagés au présent article. »
    La parole est à Mme Christiane Taubira pour défendre cet amendement.
    Mme Christiane Taubira. Il est soutenu ; son sommaire est éclairant.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'espère que ma réponse éclairera également l'Assemblée : défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je serai un peu plus explicite, car, visiblement, Mme Taubira ne sait pas de quoi il s'agit. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Marie-Jeanne a en effet posé une question à laquelle il faut répondre. Je lui indique donc que son amendement est entièrement satisfait par le texte proposé pour les articles 72-3 et 73.
    M. Gérard Bapt. C'est pour cela que Mme Taubira n'a pas insisté !
    M. le ministre de l'outre-mer. Il va de soi que la collectivité qui résultera de la fusion éventuelle d'un DOM et d'une ROM demeurera régie par l'article 73. Ce point a d'ailleurs été opportunément précisé à l'article 72-3 par un amendement adopté au Sénat. Cette collectivité nouvelle aura bien un statut particulier au sens de l'article 72, alinéa premier, mais elle demeurera soumise au régime défini à l'article 73. Elle continuera donc à se trouver dans le champ d'application de cet article et bénéficiera bien entendu des pouvoirs normatifs qui y sont prévus.
    Comme les préoccupations exprimées par M. Marie-Jeanne sont déjà prises en compte, le Gouvernement émet un avis défavorable à l'adoption cet amendement.

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour un rappel au règlement.
    M. Bertho Audifax. Fondé sur quel article ?
    Mme Christiane Taubira. Vous avez été promu président, mon cher collègue ? Par quel mystère ? Peut-être l'effort considérable que nous avons consenti a-t-il tellement détendu l'atmosphère que nous avons trop baissé notre garde. Ainsi, nous écartons tous les obstacles, y compris ceux de notre règlement.
    J'ai été étonnée d'entendre Mme la ministre, habituellement si courtoise, prétendre que je ne savais pas de quoi je parlais. Je suis une parlementaire...
    M. René Dosière. Expérimentée !
    Mme Christiane Taubira. ... représentant une frange conséquente du peuple de Guyane convoqué pour les élections législatives. Il mérite le respect à travers ses parlementaires.
    Madame la ministre, je ne suis pas ici pour m'exposer à vos jugements de valeur sur la qualité du travail que je fournis dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je suis désolée, madame Taubira, que vous ayez pris mes propos de cette façon. Je voulais simplement expliciter le point de vue de M. Marie-Jeanne, qui m'avait parlé de ce problème, et je me suis exprimée surtout par correction vis-à-vis de lui. Il me semblait en effet regrettable que l'on n'explicite pas davangage dans l'hémicycle l'objet de cet amendement. Mon propos n'était absolument pas dirigé contre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentelle.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'était un procès d'intention !
    M. le président. Je crois que les choses se sont apaisées. C'est bien !

Reprise de la discussion

    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 204.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'article 8.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   68
Nombre de suffrages exprimés   68
Majorité absolue   35
Pour l'adoption   51
Contre   17

    L'Assemblée nationale a adopté.

Article 9

    M. le président. « Art. 9. - L'article 74 est ainsi rédigé :
    Art. 74. - Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République.
    « Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :
    « - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;
    « - les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;
    « - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;
    « - les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.
    « La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie, les conditions dans lesquelles :
    « - le Conseil d'Etat exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;
    « - l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;
    « - des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;
    « - la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'Etat, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.
    « Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. »
    La parole est à M. René Dosière, inscrit sur l'article.
    M. René Dosière. Monsieur le président, madame la ministre, en 1988, la Nouvelle-Calédonie était en guerre civile. Il a fallu toute l'intelligence politique de Michel Rocard pour renouer le dialogue entre les communautés kanak et européenne. La clairvoyance et le courage manifestés tant par Jacques Lafleur au nom du RPCR que par Jean-Marie Tjibaou pour le FLNKS, soucieux de conduire leurs troupes plutôt que de se laisser conduire par elles, a abouti aux accords de Matignon le 26 juin. Michel Rocard dira : « Chacun a accepté de convaincre et non plus de vaincre. »
    Ce texte sera approuvé lors du référendum du 8 novembre 1988 par 80 % des votants, mais ce pourcentage ne sera que de 57 % sur le territoire, grâce d'ailleurs au vote kanak. Cela a ouvert une période de paix de dix ans, puisqu'un référendum d'autodétermination était prévu pour 1998, avec la précision que seuls pourraient voter les Calédoniens ayant alors dix ans de résidence, cette disposition était donc déjà au coeur des revendications kanaks.
    Malgré l'assassinat, un an plus tard, de Jean-Marie Tjibaou et de Yewéné Yewéné, le processus de Matignon a tenu bon et la stabilité politique a favorisé le développement économique. Certes, à l'approche de l'échéance de 1998, l'incertitude quant à l'avenir a inquiété les investisseurs et les responsables politiques mais, une nouvelle fois, Jacques Lafleur a fait preuve de courage politique en proposant une nouvelle négociation qui a abouti aux accords de Nouméa, signés le 5 mai 1998. Il convient d'ailleurs de souligner la volonté politique du Premier ministre Lionel Jospin, qui a permis de surmonter les obstacles d'ordre minier que le précédent gouvernement n'avait pu résoudre.
    Que contiennent ces accords ?
    D'abord ils repoussent le scrutin d'autodétermination à l'horizon 2013, voire 2018, ouvrant ainsi une nouvelle période de stabilité politique et économique.
    Ensuite ils précisent que, durant cette période, un fonctionnement institutionnel tout à fait original et singulier sera mis en place, s'appuyant sur les provinces sur un gouvernement territorial associant à la proportionnelle les deux forces politiques signataires des accords, sur une autonomie de plus en plus poussée grâce à des transferts irréversibles de compétences et de moyens financiers.
    Ils donnent aussi au territoire la faculté de voter, dans les domaines les plus importants, des lois de pays soumises non plus à l'Assemblée nationale, mais au Conseil constitutionnel. Ce pouvoir législatif accordé à une assemblée locale constitue une première dans l'histoire de notre République. Désormais, en Calédonie, la souveraineté est partagée.
    Enfin, troisième pilier des accords de Nouméa, la citoyenneté calédonienne vient s'ajouter à la citoyenneté française et non remplacer, du moins dans l'immédiat ce qui se traduit par une dissociation du corps électoral. Alors qu'aux élections nationales, présidentielles et législatives, le droit de vote est général, aux élections locales, qui conditionnent l'avenir du territoire - votes dans les provinces et référendum d'autodétermination -, le corps électoral est restreint. Ce corps électoral restreint, qui comprend les électeurs ayant des attaches profondes et non occasionnelles avec la Calédonie, fonde la citoyenneté calédonienne. Cette disposition étant hors normes constitutionnelles, il a été nécessaire de procéder à une révision de la Constitution, qui fut adoptée à la quasi-unanimité du Congrès le 6 juillet 1998 : 827 voix pour, 31 voix contre.
    Les accords de Nouméa ont ainsi été constitutionnalisés. Le 8 novembre suivant, les citoyens calédoniens ont exprimé massivement leur approbation par 72 % des votants et 51 % des inscrits. Cette fois-ci, même à Nouméa, le oui l'a emporté avec 58 %. Une loi organique a ensuite été votée, là encore à l'unanimité du Parlement.
    A cette occasion, le Conseil constitutionnel a émis une réserve interprétative sur le « corps électoral restreint », se prononçant pour une restriction liée à la seule ancienneté sur le territoire - dix ans -, ce que l'on appelle le « corps électoral glissant », alors que les accords de Nouméa figeaient le corps électoral en le restreignant à ceux qui possédaient cette ancienneté à la date du 8 novembre 1998.
    Afin de respecter scrupuleusement les accords de Nouméa, le Parlement est amené, de nouveau à la quasi-unanimité, à préciser son interprétation initiale. L'article déposé à cet effet au Sénat est adopté, par scrutin public, par 306 voix contre 7. Mais ce texte constitutionnel ne pourra aboutir, la réunion du Congrès à Versailles étant annulée au dernier moment par le Président de la République, pour des raisons étrangères à la Nouvelle-Calédonie.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est bien dit !
    M. René Dosière. Tel est le contexte dans lequel se pose la question du corps électoral de la Nouvelle-Calédonie.
    Je défendrai tout à l'heure un amendement tendant à rétablir le texte que le Parlement a voté deux fois déjà à la quasi-unanimité, et qui n'a pas été repris dans cette révision constitutionnelle. Alors qu'à l'article 9, vous avez repris les dispositions concernant la Polynésie qui figuraient dans ce texte constitutionnel, vous avez laissé de côté celles relatives au corps électoral de la Nouvelle-Calédonie. Lors de l'examen de l'amendement, je montrerai l'importance politique que cet oubli peut avoir.
    Je voulais dès à présent rappeler le contexte de ce problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Didier Migaud. Vous avez raison !
    M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.
    Mme Béatrice Vernaudon. Madame la ministre, mes chers collègues, pour l'ensemble de l'outre-mer français, le projet de loi constitutionnelle que nous nous apprêtons à adopter est un texte essentiel, une réforme dynamique, propre à régénérer sa relation avec la République. Il marquera l'histoire en inscrivant nominativement dans la Constitution chacune des collectivités d'outre-mer.
    Au-delà d'un symbole, cet ancrage est pour l'outre-mer un gage non seulement de sécurité, de garantie démocratique et de stabilité, mais surtout de reconnaissance et de confiance.
    Plus encore, la Constitution accorde désormais à chaque collectivité le droit d'évoluer à son rythme, et différemment, au sein de la République, par la mise en oeuvre d'une procédure stricte et équilibrée, dont le consentement de la population concernée, recueilli par un vote, constituera un maillon nécessaire et indispensable.
    Pour la Polynésie, ce texte est doublement fondateur. En effet, la Constitution reconnaît désormais son autonomie et prévoit qu'une loi organique viendra la compléter. Cette loi organique permettra à l'assemblée de Polynésie de sécuriser ses actes juridiques, de prendre des mesures particulières en faveur de sa population en matière foncière ou de protection de l'emploi, et de participer, sous le contrôle de l'Etat, à l'exercice de certaines compétences que conserve ce dernier.
    Le statut d'autonomie, que certains ont, à tort, assimilé à du séparatisme ou à un nationalisme exacerbé, nous a été octroyé par l'Etat en 1977. Au cours des vingt-cinq années passées, à la suite de demandes appuyées et répétées de nos élus, des lois organiques ont élargi à trois reprises ce statut - en 1984, 1990 et 1996 - au fur et à mesure que nous, les élus, nous nous estimions fondés à réclamer et capables d'exercer des responsabilités nouvelles. De ce statut, nous avons fait, je crois, un bon usage, gérant nous-mêmes une large part des affaires de notre collectivité, qui compte maintenant 240 000 habitants.
    Après trente années de mutations économiques, sociales et culturelles profondes, liées aux essais nucléaires sur le territoire, notre statut d'autonomie s'est révélé un outil particulièrement utile et adapté pour effectuer notre reconversion économique et réinventer une cohésion sociale.
    Depuis 1996, grâce à notre statut d'autonomie et à la solidarité nationale, qui a pleinement joué, nous avons fait de notre territoire un véritable laboratoire d'expérimentations et d'innovations, sans avoir recours ni au RMI, ni aux 35 heures, ni même aux allocations chômage, mais en garantissant toutefois, depuis 1995, l'accès aux soins et aux prestations sociales à tous les habitants.
    Nous sommes particulièrement fiers du développement de la perliculture et du tourisme, qui a permis, entre autres, d'inverser le flux de population entre les îles et la capitale. Durant les essais nucléaires, en effet, de nombreuses populations des archipels étaient venues s'entasser dans la capitale, Papeete, où elles vivaient souvent dans des conditions extrêmement précaires. Le développement du tourisme et de la perliculture non seulement a fourni des ressources à une partie des Polynésiens, mais surtout a permis le retour de ces populations dans leurs îles.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission. Très bien !
    Mme Béatrice Vernaudon. Aujourd'hui, par la réforme que vous proposez, notre autonomie atteint sa pleine maturité. Cette nouvelle étape institutionnelle sera suivie dans les prochains mois par d'autres évolutions, notamment par la modernisation du statut de nos quarante-huit communes, qui n'a pas évolué depuis leur création en 1972, et dont la tutelle s'exerce toujours a priori.
    Ces évolutions, qui sont autant de chantiers collectifs très attendus, viendront consolider notre développement, dans un souci de proximité, de démocratie participative et de responsabilisation en veillant à impliquer notre jeunesse nombreuse.
    Parallèlement au développement économique et au progrès social, nous avons le souci de protéger notre environnement - exceptionnel, mais vulnérable - et de préserver nos valeurs culturelles, familiales et communautaires.
    En conclusion, je tiens à vous dire que nos populations sont reconnaissantes pour la solidarité nationale qui s'est manifestée et de la confiance qui a été accordée à leurs institutions et à leurs élus par le statut d'autonomie. En retour, la conscience d'appartenir à la République et l'attachement à celle-ci ont grandi et mûri. Nous avons à coeur, aujourd'hui, d'être dans la région océanienne, les témoins des idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité, que nous partageons.
    Je voterai donc pour l'article 9 du projet en toute tranquillité car, pour nous, l'article 74 de la Constitution n'a rien d'une rupture, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure. Au contraire, c'est un gage de confiance et de responsabilité dont nous continuerons à nous montrer dignes.
    Avec mon collègue Michel Buillard et notre président-sénateur, M. Gaston Flosse, seront très heureux de vous accueillir en Polynésie, pour vous faire découvrir une collectivité d'outre-mer dotée d'autonomie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous irons !
    M. le président. Vous êtes consciente, madame, que vous avez invité un nombre assez important de députés (Sourires)...
    J'indique dès à présent que, sur le vote de l'article n° 9, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    L'amendement n° 167, déposé par M. Yves Cochet, n'est pas défendu, non plus que l'amendement n° 56, déposé par M. Jacques.
    M. Clément a présenté un amendement, n° 211, ainsi rédigé :
    « Dans le neuvième alinéa du texte proposé pour l'article 74 de la Constitution, supprimer les mots : ", saisi notamment par les autorités de la collectivité, ».
    La parole est à M. Pascal Clément.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'ai déposé à titre personnel cet amendement, par souci de symétrie. Tout le monde sait que, depuis 1974, le chef de l'Etat, le Premier ministre, le président du Sénat ou de l'Assemblée nationale, ou encore soixante députés ou autant de sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Or il est prévu dans le projet de révision que les autorités des collectivités d'outre-mer pourraient saisir celui-ci directement. C'est peu symétrique par rapport à la saisine actuelle prévue par notre droit. Je m'étais donc dit qu'il ne serait pas mauvais que les autorités en question passent par le Premier ministre. Comme celui-ci fait partie des personnalités pouvant saisir le Conseil constitutionnel, nous resterions dans le cadre de la saisine prévue jusqu'ici par la Constitution.
    C'est donc par souci d'harmoniser le nouveau droit accordé aux autorités des collectivités d'outre-mer avec le droit commun de saisine du Conseil que j'ai déposé cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. La finalité de la procédure de déclassement des lois qui auront empiété sur la compétence d'une collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie est d'abord la protection des compétences de cette collectivité. Il importe donc que cette dernière, si elle estime qu'une loi a empiété sur ses compétences, puisse saisir librement le juge compétent pour trancher la question.
    Instituer une procédure de filtrage de cette saisine par une autorité de l'Etat aboutirait à conférer à ce dernier le droit de s'opposer à la contestation de sa propre compétence, et donc à être tout à la fois juge et partie.
    Faut-il craindre pour autant que le Conseil constitutionnel soit saisi trop fréquemment ? Je ne le crois pas, et ce pour plusieurs raisons.
    La première est que la catégorie des collectivités de l'article 74 dotées de l'autonomie se réduira sans doute encore longtemps à la seule Polynésie française. Je ne vois actuellement pas de demande de statut identique se profiler à l'horizon.
    Ensuite, la procédure ne concernera que les lois promulguées postérieurement à l'adoption de la loi organique statutaire. Les lois promulguées avant cette date seront naturellement déclassées de plein droit par l'intervention de cette loi organique en tant qu'elles portent sur des matières transférées à la collectivité.
    Il faut aussi préciser que la procédure de déclassement par le Conseil constitutionnel n'est pas d'application immédiate. Elle n'entrera en vigueur qu'une fois adoptées les dispositions organiques qui en préciseront les modalités d'organisation.
    Enfin, je fais confiance aux élus concernés pour ne pas abuser de la nouvelle procédure qui va être instituée.
    J'ajoute que la loi organique précisera naturellement que la saisine du Conseil constitutionnel devra être entourée d'une certaine solennité. Il faudra soit une délibération collégiale du gouvernement local, soit un vote de l'assemblée délibérante.
    Au bénéfice de ces observations, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement.
    M. le président. Ah ! Surprise, monsieur le président de la commission !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Moi qui rêvais de cette disposition depuis des nuits, me voilà en effet bien surpris. (Sourires.)
    M. René Dosière. Il faut rester couché, monsieur le rapporteur !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Madame la ministre, dans mon esprit, cette saisine n'était que formelle. Je n'imaginais pas une seconde que le Premier ministre puisse entraver la saisine originelle du responsable de la collectivité, il était en quelque sorte une boîte à lettres.
    Cela étant, je ne peux que me ranger à votre argumentation. On ne peut imaginer que le Premier ministre ne saisisse pas le Conseil pour se protéger lui-même.
    Là encore, la sagesse m'inspirant (Ah ! sur les bancs du groupe socialiste), je considère qu'il ne faut pas avoir raison contre les Polynésiens, pas plus que je n'ai voulu avoir raison contre les Réunionnais. (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Restons couché !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. J'applique donc ma jurisprudence et retire mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. L'amendement n° 211 est retiré.
    M. Clément, rapporteur, a présenté un amendement, n° 20, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 74 de la Constitution par les mots : "et des droits constitutionnellement garantis. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de pure coordination.
    Il peut paraître superfétatoire, mais je l'ai déposé par souci de coordination.
    M. le président. Sur le fond, vous n'avez rien à ajouter, monsieur le président de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Non, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Il ne s'agit pas, malheureusement, d'un amendement de pure coordination. Nous avons certes accepté ce type de formulation dans d'autres articles de notre révision constitutionnelle mais, dans ce cas précis, s'agissant de l'article 74 et compte tenu de l'endroit où cette mention est faite, la précision nous paraît juridiquement inutile. Il va de soi que la participation d'une collectivité autonome à l'exercice des compétences régaliennes de l'Etat doit s'inscrire dans le respect des droits constitutionnellement garantis. Il en va de même pour l'Etat lui-même, lorsqu'il exerce ces compétences, il doit naturellement respecter ceux-ci.
    Je demande donc à nouveau au président Clément de bien vouloir retirer son amendement.
    M. le président. Monsieur le président de la commission, retirez-vous votre amendement ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Avec plaisir !
    M. René Dosière. Le plus difficile, c'est la première fois !
    M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.
    Je vais maintenant procéder au vote de l'article 9.
    Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir respecter vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'article 9.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   71
Nombre de suffrages exprimés   71
Majorité absolue   36
Pour l'adoption   55
Contre   16

    L'Assemblée nationale a adopté.

Après l'article 9

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements n°s 185 et 87, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 185, présenté par M. Brunhes, M. Chassaigne et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Après l'article 9, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
    « Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
    L'amendement n° 87, présenté par M. Dosière et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après l'article 11, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé :
    « Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
    J'indique dès à présent que, sur l'amendement n° 87, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. André Chassaigne pour soutenir l'amendement n° 185.
    M. André Chassaigne. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner enfin la parole. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Il s'agit d'un différend entre M. Chassaigne et moi.
    M. André Chassaigne. L'amendement n° 185 vise à insérer dans la Constitution une disposition clé de l'accord de Nouméa ayant trait au corps électoral et au tableau annexe. Certes, cette disposition, approuvée par le Parlement, a été censurée par le Conseil constitutionnel en mars 1999.
    M. René Dosière. A tort !
    M. André Chassaigne. Mais, en juin de la même année, un projet de loi constitutionnelle a été adopté qui a rétabli le texte dans la mouture initiale de l'accord. Cependant, ce projet de révision constitutionnelle n'a jamais été soumis au congrès du Parlement ou à référendum.
    Compte tenu de l'enjeu de cette question, il est essentiel que nous saisissions l'occasion qui nous est offerte.
    Je rappelle, après notre collègue René Dosière, que l'accord de Nouméa, conclu en 1998 entre le RPCR, le FLNKS et l'Etat, a été approuvé par 72 % de la population de Nouvelle-Calédonie. Il consacre le processus historique d'émancipation et de décolonisation engagé par la France en faveur du peuple kanak et institue un compromis fragile qui a évité la guerre civile et permet aux populations de contruire ensemble, non sans heurts, l'avenir de leur pays.
    Le retour à la disposition originelle de l'accord concernant le gel du corps électoral est un impératif, non seulement parce que, ce faisant, nous respectons les engagements pris au terme de longues et difficiles négociations par l'ensemble des signataires de l'accord sur cette question centrale du corps électoral, mais aussi parce que cette disposition, constituant le point d'équilibre de l'accord, conditionne la réussite du processus de Nouméa.
    Si la France ne respecte pas son engagement, comme l'a laissé entendre Mme la ministre en commission, nous allons au-devant de grandes difficultés à cause des risques de blocage politique que cela ferait courir.
    L'argument que vous avez évoqué, madame la ministre, ne nous paraît pas du tout convaincant. En effet, vous prenez prétexte d'un recours intenté contre la République française devant la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fondé sur les modalités de détermination du corps électoral. Or ce recours a été introduit dès 1998, alors que la révision constitutionnelle que le gouvernement précédent avait engagée, avec l'accord, je le rappelle, du Président de la République, date de 1999, le projet de loi de révision ayant été approuvé par le Parlement cette année-là. Vous revenez donc sur la parole de la France.
    Par ailleurs, l'arrêt de la Cour européenne est déclaratoire, et son autorité est bien relative sur le plan strictement juridique, car il ne vaut pas titre exécutoire sur le territoire de l'Etat mis en cause.
    L'opposition à notre amendement, par conséquent, ne peut se fonder sur un argument juridique, mais bien sur un raisonnement politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n° 87.
    M. René Dosière. Monsieur le président, si je monte à la tribune pour présenter cet amendement,...
    M. le président. C'est votre droit, monsieur Dosière.
    M. René Dosière. ... c'est pour en souligner toute la portée.
    En tant que rapporteur de la loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, choisi par la commission des lois constitutionnelles - tout au moins l'ancienne - pour suivre le processus des accords de Nouméa, je crois devoir mettre en garde et informer précisément l'Assemblée sur le fait que le Gouvernement n'a pas saisi l'occasion de cette réforme constitutionnelle pour reprendre la disposition que nous avions déjà votée concernant la Nouvelle-Calédonie ; seule a été introduite la partie de l'article 9 concernant la Polynésie.
    Mon amendement n° 87 propose d'inclure dans la Constitution la disposition des accords de Nouméa telle qu'elle résulte de la volonté clairement exprimée par l'ensemble de la représentation nationale, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, ignorée par le Conseil constitutionnel et à nouveau exprimée très clairement par le Sénat et par l'Assemblée nationale.
    Quelle est la signification de cet amendement ?
    Le Kanaks partisans de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie ont accepté pour accéder à cette indépendance un processus lent et légaliste, c'est-à-dire basé sur le suffrage universel. Mais ils ont fait ce choix à une seule condition : que la communauté kanak cesse enfin d'être marginalisée par les politiques de peuplement qui n'ont jamais cessé sur ce territoire, depuis que la France en a pris possession le 24 septembre 1853.
    Aujourd'hui, la Nouvelle-Calédonie est une société pluricommunautaire dans laquelle aucun groupe ethnique ne peut revendiquer la majorité absolue. Les Mélanésiens, très fortement indépendantistes, représentent 44 % de la population ; les Européens, fortement anti-indépendantistes, 34 %. Parmi les autres communautés, les Wallisiens, soit 10 % de la population, se partagent entre les deux camps.
    Les Kanaks savent que l'accession à l'indépendance exige l'adhésion d'une partie substantielle du corps électoral européen. C'est la raison pour laquelle ils ont signé les accords de Nouméa, qui ont pour objectif de faciliter l'apparition d'une communauté de destin au niveau des institutions et du corps électoral fondant ainsi la citoyenneté calédonienne.
    Les Européens de passage ou ceux qui viennent vivre en Calédonie pour y perpétuer une société coloniale n'ont pas à décider de l'avenir du territoire au détriment de ceux qui y sont profondément enracinés. Le corps électoral restreint comprend tous ceux - Kanaks et Européens - qui, électeurs lors de la consultation du 8 novembre 1998 qui a remplacé le scrutin d'autodétermination initialement prévu par les accords de Matignon, y comptaient déjà dix ans de présence. S'ajoutent à ces électeurs tous ceux qui, arrivés avant le 8 novembre, devront attendre dix ans de présence pour voter. Par contre, toutes les personnes arrivées après le 8 novembre 1998 ne peuvent plus décider de l'avenir du territoire, même si elles conservent bien entendu le droit de vote pour les élections nationales.
    Comme l'exprime l'organe d'information du PALIKA, l'une des composantes du FLNKS : « En acceptant la participation de ceux qui sont arrivés entre l'accord de Matignon et l'accord de Nouméa, nous, peuple kanak, victimes au fil du temps d'une colonisation de peuplement visant à nous rendre minoritaires dans notre propre pays, nous avons fait un geste fort, dans la tradition d'accueil commune aux peuples d'Océanie : les métropolitains de passage dans le pays peuvent participer aussi aux élections municipales, ce que la France n'a toujours pas accordé à ses propres immigrés. »
    Mes chers collègues, je voudrais insister, pour vous y sensibiliser, sur l'enjeu de ces deux amendements identiques. Refuser d'inscrire, à l'occasion de cette réforme constitutionnelle, un texte déjà voté à l'unanimité par notre assemblée et par le Sénat serait renier la parole de la France. Ecoutez la plainte des Kanaks qui écrivent : « Avec l'accord de Nouméa, une étape nouvelle des relations entre le peuple kanak et la France a été franchie. Un processus de décolonisation négociée est en marche. Un accord est un accord. Il engage les parties. Une parole donnée est une parole donnée, nul ne peut la reprendre. »
    Je voudrais que chacun soit conscient de l'enjeu du vote qu'il va émettre. Soit nous respectons la parole de la France et il faut accepter cet amendement que la représentation nationale, je le répète, a déjà voté, auquel cas les accords de Nouméa continueront de s'appliquer et la paix règnera en Nouvelle-Calédonie pendant encore au moins vingt ans. Soit vous reniez la parole de la France en refusant ce texte et les Kanaks trahis mettront fin aux accords de Nouméa. L'instabilité politique et économique reviendra mais, faute de solution pacifique, je crains fort que la voie ne soit de nouveau ouverte à la violence.
    Mes chers collègues, je vous en prie : avant d'exprimer votre vote, réféchissez à cet enjeu fondamental pour la France et la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ces amendements sont identiques, tout au moins sur le fond. M. Dosière m'en a déjà entretenu plusieurs fois ; je sais qu'il y tient particulièrement. L'Assemblée est parfaitement au courant de ce qui s'est passé au nom de la citoyenneté calédonienne, à savoir le gel du corps électoral. Une loi, votre collègue l'a rappelé, a été votée. Le Conseil constitutionnel a formulé une réserve interprétative concernant le corps électoral spécial pouvant participer aux élections du congrès et des assemblées de province. Ensuite, le gouvernement Jospin y est revenu et, à l'occasion d'une loi constitutionnelle relative non à la Nouvelle-Calédonie, mais à la Polynésie, a ajouté un article pour essayer de restreindre une nouvelle fois le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie. Il convenait ensuite de soumettre cette loi constitutionnelle au Congrès, ce qui n'a jamais été fait.
    On pourrait aller plus loin, monsieur Dosière, si l'on suivait votre argumentation, mais ce n'est pas l'objet de mon intervention. Malheureusement, un recours a été introduit devant la Cour européenne des droits de l'homme, et la France risque de perdre dans cette affaire. Mme la ministre nous donnera sûrement des détails sur l'évolution de cette procédure ; quoi qu'il en soit, tant que la France n'a pas la certitude d'être dans les clous de la Convention européenne des droits de l'homme, que nous avons ratifiée et dont nous sommes par voie de conséquence obligés de suivre et l'esprit et la lettre, nous ne pouvons prendre aucun risque. Nous attendrons l'arrêt de la Cour, avec sérénité ou inquiétude, suivant les cas, mais, pour le moment, il ne saurait être question d'adopter ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. J'ai l'impression que les défenseurs de ces amendements se trompent de débat. Je n'ai absolument rien à ajouter à ce qui vient d'être dit. Le Gouvernement est fermement déterminé à appliquer l'accord de Nouméa et à veiller à sa bonne application. IL n'y a aucune divergence à craindre de notre côté.
    Mais, comme vient de le préciser le président de la commission des lois, depuis la révision constitutionnelle de 1999 qui n'a pas abouti, des événements extérieurs sont survenus sous la forme notamment d'un recours introduit le 15 décembre 2000 par M. Bruno Py devant la Cour européenne des droits de l'homme. Ce vendredi même, le 29 novembre, nous allons produire notre mémoire en défense. Notre objectif, vous l'avez compris, est d'éviter une condamnation de la Cour européenne.
    L'aspect politique de cette affaire est incontestable. Je n'entends pas ouvrir un débat sur ce sujet ; tout le monde sait à quel point il est sensible en Nouvelle-Calédonie et nous devons nous garder de toute polémique à cet égard. Tâchons plutôt d'examiner la situation le plus sereinement possible afin de ne pas commettre d'erreur de stratégie.
    Nous sommes en fait victimes du calendrier. En recevant, il y a un an, tous les partenaires de l'accord de Nouméa, le Président de la République avait donné son accord à une nouvelle révision constitutionnelle, mais en prévenant que nous serions tenus d'attendre la décision de la Cour. Malheureusement, depuis le 15 décembre 2000, les choses n'ont pas été très vite. La Cour s'est enfin saisie de cette question. Nous déposerons, je le répète, notre mémoire en défense après-demain. Ce serait, tout le monde peut le comprendre, la dernière des provocations d'adopter un texte aggravant les dispositions du texte incriminé, et nous aurions toutes les chances de nous voir condamner. Ce serait une erreur fondamentale de stratégie politique et vous seriez d'ailleurs tout à fait fondés à nous le reprocher par la suite.
    Essayez de vous mettre deux secondes à la place des juges de la Cour européenne : deux jours avant de présenter sa défense, la France aggrave le texte en cause. Ce serait, à n'en pas douter, fort mal perçu et nous prendrions un risque énorme. Ce n'est évidemment pas notre objectif. Nous voulons absolument éviter une condamnation ! ou on ne saurait prendre à la légère un jugement de la Cour européenne. Ainsi que l'a rappelé le président Clément, la Convention européenne des droits de l'homme est un traité international que la France a ratifié. Or, aux termes mêmes de la Constitution, dont nous parlons ce soir, le Président de la République est tenu de faire respecter les traités internationaux ratifiés par la France.
    Nous ne pouvons que regretter ce calendrier à l'évidence très mauvais et qui peut donner lieu à force interprétations contre lesquelles je veux m'inscrire en faux : le Gouvernement n'a aucunement l'intention d'essayer de torpiller cette affaire. Le sujet est trop grave. Nous cherchons seulement à éviter le faux pas.
    Le moment n'est donc pas opportun pour opérer cette révision constitutionnelle. Attendons de pouvoir reprendre cette affaire dans la sérénité, aussitôt que la Cour se sera prononcée. Au demeurant, le problème du corps électoral ne se posera réellement, vous le savez fort bien, qu'à partir de novembre 2008. Il n'y a donc pas urgence. La sagesse et le souci d'aboutir avec succès dans cette affaire nous imposent de ne pas nous précipiter au pire moment ; nous indisposerions à coup sûr les juges de la Cour européenne et nous serions condamnés. Non seulement nous nous retrouverions à devoir gérer la crise politique que vous craignez, mais on nous reprocherait de surcroît, et sans doute à juste titre, je le répète, de ne pas avoir fait preuve de finesse dans notre stratégie et de n'avoir pas su gérer efficacement ce dossier.
    Tels sont les éléments que je voulais vous apporter afin d'éviter toute mauvaise interprétation de la position du Gouvernement sur ce sujet très sensible. Je ne veux pas entrer dans le débat de fond sur la question de savoir si la position était réellement consensuelle au moment de la signature de l'accord de Nouméa. Je n'étais pas chargée de cette négociation. Certes, à lire la presse locale et à entendre les déclarations des différents partenaires calédoniens, il semble que ce sujet ne soit plus vraiment consensuel. Reste qu'il faut absolument régler cette affaire, et il faut vraiment que tout le monde y mette la meilleure bonne volonté. Nous avons, je le répète, un peu de temps devant nous. Evitons tout faux pas et ne prenons pas le moindre risque. Il suffit simplement de différer quelque temps cette révision constitutionnelle concernant le droit électoral. J'espère qu'une solution pourra être trouvée avant 2008, à la satisfaction de tous. En tout cas, le Gouvernement est déterminé à tout faire pour sortir de la difficulté qui se pose à nous aujourd'hui. Je reconnais que nous nous heurtons à un calendrier épouvantable ces jours-ci, mais il ne saurait être question d'arrêter l'ordre du jour de la Cour européenne et il n'est pas non plus facile de programmer notre action au jour près. Je ne peux que déplorer ce malencontreux télescopage de calendrier. C'est donc pour des raisons d'ordre exclusivement technique que le Gouvernement émet un avis défavorable ; il y va, je le crois vraiment, de l'intérêt de tous les Calédoniens.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. René Rosière.
    M. René Dosière. Madame la ministre, l'accord de Nouméa prévoit le corps électoral restreint. Le Parlement, saisi de cet accord, l'a explicitement confirmé et cette interprétation a été acceptée par les signataires de l'accord au moment de la loi organique. Il est vrai que, du côté du RPCR, cette concession ne suscitait manifestement pas l'enthousiasme, mais le FNLKS avait lui aussi fait des concessions pour parvenir à un compromis. Le Parlement a reconnu, par deux fois et à l'unanimité, que le corps électoral restreint était bel et bien prévu dans l'accord...
    Mme la ministre de l'outre-mer. Personne ne dit le contraire ! Le problème n'est pas là !
    M. René Dosière. ... et ce malgré l'interprétation du Conseil constitutionnel, qui a obligé le Parlement à revenir sur cette question pour préciser sa pensée.
    Pourquoi y a-t-il urgence, contrairement à ce que vous dites, madame la ministre, et pourquoi faut-il dès aujourd'hui rétablir cette disposition ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Vous tenez vraiment à ce que nous nous fassions condamner ?
    M. René Dosière. Premièrement, nous ne faisons pas de réforme constitutionnelle tous les jours, et celle-ci comporte tout un volet dédié à l'outre-mer. Si nous n'adressons pas un signe fort aux Kanaks sur ce sujet, nous prenons de grands risques.
    Madame la ministre, vous nous avez donné une explication un peu plus longue qu'au Sénat. Je ne sais pas si c'est un avantage ou un inconvénient, mais, contrairement à vous, je suis un élu. De plus, je suis allé en Nouvelle-Calédonie à de nombreuses reprises. Je reçois régulièrement les Kanaks, je les écoute et je les vois chez eux. J'ai donc une perception très concrète de leur sensibilité et de leur sentiment.
    Vous faites référence à la Cour européenne des droits de l'homme : cela ne me convainc pas et je me demande si ce n'est pas un prétexte, une dérobade. L'affaire est très sérieuse et il faut savoir de quoi nous parlons. Les décisions de la Cour de justice européenne s'imposent à la France dans le cadre du droit communautaire. La Cour européenne des droits de l'homme, liée au Conseil de l'Europe, n'a aucune possibilité d'imposer quoi que ce soit à l'un quelconque des quarante-cinq Etats qui en sont membres. Certes, ceux-ci peuvent être sensibles à ses recommandations lorsqu'elles concernent par exemple la manière dont les gens sont traités en prison ou la longueur des procédures de police, mais ces recommandations ne s'accompagnent d'aucune obligation et ne peuvent entraîner aucune modification de notre législation. Dans le cas présent, et à supposer même que la Cour européenne reconnaisse la validité de cette réclamation, la France ne serait nullement obligée de se ranger à son avis. Pour ma part, je considère que, même dans ce cas, des motifs d'intérêt supérieur, concernant la parole donnée, l'avenir de la Calédonie et la place de la France dans le Pacifique, imposeraient que l'on ne tienne pas compte d'une recommandation de la Cour européenne allant dans le sens contraire de ce que nous avons voté.
    M. Didier Migaud. Exactement !
    M. René Dosière. J'observe, d'autre part, qu'une requête semblable a déjà été examinée et repoussée par une instance analogue, le Comité des droits de l'homme de l'ONU.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Ce n'est pas la même chose !
    M. René Dosière. La Cour européenne prend en compte, dans l'examen des requêtes qui lui sont soumises, les décisions rendues par des organismes internationaux ayant la même vocation. Or, voici ce que dit le Comité de l'ONU : « Le Comité a pris note du fait que les scrutins locaux s'inscrivaient dans le cadre d'un processus d'autodétermination des populations de Nouvelle-Calédonie. Le Comité estime que les critères de définition des corps électoraux restreints permettent de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations objectivement différentes au regard de leurs attaches avec la Nouvelle-Calédonie. » Il estime que « les critères établis sont raisonnables dans la mesure où ils s'appliquent strictement et uniquement à des scrutins s'inscrivant dans un processus d'autodétermination ». Je vous rappelle que ces dispositions ne s'appliquent pas aux scrutins nationaux, élections présidentielles, législatives et européennes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. M. Dosière disposait de cinq minutes, monsieur le président !
    M. René Dosière. Le comité rappelle au passage que, « dans tout processus d'autodétermination, des limitations du corps électoral sont légitimées par la nécessité de s'assurer d'un ancrage identitaire suffisant ». En conséquence, il considère que les critères de définition des corps électoraux ne sont pas discriminatoires, mais reposent sur des motifs de différenciation objectifs, raisonnables et compatibles avec les dispositions du Pacte.
    Je ne dis pas que la Cour européenne va admettre cette position, mais vous voyez que l'on a déjà formulé ce type d'argumentation.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Mettons toutes les chances de notre côté !
    M. René Dosière. L'important est ailleurs, madame la ministre. Ce qui compte, c'est la parole de la France. Or nous n'avons pas entendu votre parole. Etes-vous partisane du corps électoral restreint ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est un autre débat !
    M. le président. Monsieur Dosière, je sais que ce débat est important, mais...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un débat très important qui mérite un développement ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jérôme Bignon. Le règlement est le même pour tous !
    M. René Dosière. Je termine, monsieur le président.
    Que dira le Gouvernement, après-demain, en défendant sa position ? S'appuiera-t-il sur le vote du Parlement pour dire qu'il est favorable au corps électoral restreint ? Les Kanaks attendent que la parole de la France soit respectée. Malheureusement, dans toutes les explications, elles aussi fort longues...
    M. le président. Merci, monsieur Dosière.
    M. René André. Les arguments ont été développés !
    M. René Dosière. ... que vous avez données, je ne vous ai pas entendu dire si vous étiez pour le respect de la parole de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je suis pour les accords de Nouméa.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Monsieur Dosière, ni Mme la ministre ni moi-même n'avons abordé la question de fond, car ce n'est pas le moment. Mme la ministre, dont j'ai écouté les explications avec une grande attention, nous a bien expliqué que le mémoire de défense devait être envoyé après-demain - nous espérons qu'il est déjà rédigé - et que, d'ici-là, toute prise de position du Parlement ou du Gouvernement serait dénoncée comme une provocation de la part de la France.
    M. André Chassaigne. C'est du pipeau !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La vérité, c'est que M. Chassaigne et M. Dosière n'acceptent pas l'Etat de droit.
    M. René Dosière. Mais pas du tout !
    M. Didier Migaud. C'est une caricature ! De la part d'un président de la commission des lois !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je ne critique pas. Vous me faites penser à ce célèbre député de l'Indre qui disait : « Vous avez juridiquement tort car vous êtes politiquement minoritaires. »
    M. Jean-Louis Idiart. Vous avez un train de retard !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La loi ne se fait pas qu'à l'Assemblée nationale : c'est cela, l'Etat de droit ! Si vous considérez, monsieur Dosière, que la loi ne se fait qu'au Parlement, c'est que vous ne croyez pas à l'Etat de droit. Au-dessus de la loi, certains principes s'imposent à nous, des traités, des conventions,...
    M. André Chassaigne. Justement !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... et la loi ne peut pas contredire ces principes généraux du droit, ces traités, ces conventions.
    M. René Dosière. Et la Constitution ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Or vous expliquez que, dès lors que quelque chose a été voté ici, cela peut contredire ce qui est au-dessus et que, pour ma part, je respecte philosophiquement, l'Etat de droit. Vous expliquez que vous ne souhaitez pas le respecter.
    M. Didier Migaud. Pas du tout !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est votre droit et, en disant cela, je ne vous insulte pas, je ne fais que constater.
    D'autre part, puis-je me permettre de vous faire remarquer une contradiction ? Les tenants de la peine de mort sont aujourd'hui minoritaires en France, mais ils furent longtemps majoritaires. Lorsqu'ils demandaient son rétablissement, tous les gouvernements, y compris ceux que vous souteniez, avaient le même argument, et rappelaient qu'on ne pouvait pas remettre en cause l'abolition de la peine de mort car la France avait ratifié la Convention européenne des droits de l'homme et ne pouvait revenir sur sa parole.
    M. Jean-Claude Lemoine. C'est vrai !
    M. Alain Cousin. C'est la même chose !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Quant il s'agit de la peine de mort, l'argument est recevable, mais pas quand il s'agit d'un problème qui, je le conçois, vous est cher, puisque, vous l'avez dit, il met en jeu la parole de la France.
    M. René Dosière. C'est la paix ou la guerre en Nouvelle-Calédonie !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je vous répète que, dans un Etat de droit, le législateur ne peut rien imposer qui soit contraire à une convention, à un traité ou à des principes généraux du droit. C'est cela, l'Etat de droit !
    M. Victorin Lurel. Nous devons faire face à un risque de guerre !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il n'y a là rien d'insultant, mais, pour l'instant, nous ne pouvons pas bouger.
    M. Victorin Lurel. Comment préserver, dans ce cas, la paix ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous attendrons l'arrêt, puis, Mme la ministre nous l'a laissé entendre, nous continuerons dans le sens que vous avez souhaité. Mais ne demandez pas des déclarations : ce serait contre-productif.
    L'heure n'est pas à la polémique : nous devons tâcher de respecter les accords, et, pour cela, rien ne vaudrait le silence et le retrait de vos amendements ; c'est mon avis le plus amical du monde.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est ça : on rentre à la maison !
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. Monsieur le président de la commission des lois, tous les juristes, tous les constitutionnalistes, ont admis que le statut de la Nouvelle-Calédonie et les accords de Nouméa avaient fait évoluer le droit interne en France. Ne l'oublions jamais : l'Etat de droit n'est pas un Etat figé. Le droit est une discipline extrêmement vivante qui élabore les règles communes de notre vie ensemble. Arguer du fait que la Cour européenne des droits de l'homme est sur le point d'examiner un recours pour ne pas légiférer relève de l'autocensure à laquelle nous assistons depuis le début de l'examen de ce texte. En effet, j'ai constamment entendu M. Clément, en commission, justifier le rejet de nos amendements en disant : « Le Gouvernement ne souhaite pas », « Le Gouvernement préfère », « Le Gouvernement veut que ». Je croyais même m'être trompée de salle.
    M. Jérôme Bignon. On n'a jamais dit ça !
    Mme Christiane Taubira. Vous n'avez peut-être pas assisté à toutes les réunions de la commission des lois.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cela ne figure pas dans le compte rendu !
    Mme Christiane Taubira. Pour ma part, je n'ai pas d'hallucinations et, à plusieurs reprises, j'ai entendu le président de la commission des lois dire cela. Et il ajoutait parfois : « Vous pourrez représenter vos amendements en séance publique et vous aurez peut-être satisfaction, mais, pour l'instant, le Gouvernement ne souhaite pas accéder à votre demande. »
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La convention européenne, ce n'est pas le Gouvernement !
    Mme Christiane Taubira. Quelle est l'ambition du Parlement ? Moins de 20 % des textes législatifs sont d'origine parlementaire.
    M. Michel Bouvard. Moins que ça !
    Mme Christiane Taubira. Tout à fait ! Avons-nous pour ambition de renoncer totalement à la mission législative qui nous est confiée par le suffrage universel ?
    Le droit a évolué. Mais l'arrêt Sarran du Conseil d'Etat n'a pas empêché que les négociations et les discussions se poursuivent. Il a révélé au contraire qu'il y avait primauté du droit interne sur le droit international. Aujourd'hui, nous ne sommes pas dans ce cas de figure. On ne peut pas se prévaloir du fait que la Cour européenne des droits de l'homme va examiner un recours pour refuser de légiférer alors qu'on nous a expliqué qu'il était impératif, extrêmement nécessaire, de donner la préséance au Sénat pour l'examen des textes concernant les collectivités, que c'était une urgence fondamentale pour l'équilibre du monde.
    Aujourd'hui, pour la Nouvelle-Calédonie, des accords ont été signés. Qu'on ne nous dise pas que l'un des signataires n'a plus tout à fait la même position. Quel sera le poids de la parole de l'Etat si celui-ci se met à considérer des projets de parjure ? Nous ne pouvons donc accepter cet argument et il faut très clairement, soit s'engager à légiférer, en toute responsabilité, dans le respect scrupuleux des termes de l'accord de Nouméa, soit y renoncer, mais ouvertement. On ne peut pas nous dire qu'il faut de la finesse et de la stratégie. Lorsqu'on prend un engagement politique au nom de l'Etat, on l'assume en tant que tel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Il ne s'agit pas, cette nuit, de polémiquer, car l'affaire est trop grave. M. Dosière, qu'on peut remercier pour la transparence et la vigueur de ses propos, nous a bien expliqué à quel point la situation pouvait avoir de graves conséquences pour la Nouvelle-Calédonie, pour la France et pour la paix.
    Les arguments qui ont été avancés ne nous ont absolument pas convaincus : c'étaient de longues explications qui consistaient à répéter plusieurs fois la même chose.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Vous vous y connaissez !
    M. André Chassaigne. Du reste, en vous écoutant, monsieur Clément, je me disais que vous étiez décidément très habile pour faire trois baignoires de mousse avec un gramme de savon. (Sourires.) Par vos artifices oratoires, vous avez esquivé le problème de fond, qui n'est pas juridique, mais politique.
    Dans ses explications un peu embarrassées, Mme la ministre a, quant à elle, eu une phrase malheureuse, en disant qu'il n'y avait plus de consensus en Nouvelle-Calédonie. En fait, par vos refus, par les avis défavorables que vous donnez aux amendements, vous montrez que vous en faites une question politique.
    M. Jean Besson. C'est un procès d'intention !
    M. André Chassaigne. Et celle-ci pourrait avoir des conséquences extrêmement graves. Mesdames, messieurs de la majorité, vous avez pu, depuis plusieurs jours, refuser tous les amendements que nous avons proposés ; mais aujourd'hui, avant de refuser celui-ci, mesurez les conséquences de votre décision.
    M. le président. Je crois que chacun s'est librement et complètement exprimé sur le fond du problème et sur la nature des enjeux. L'Assemblée va maintenant prendre ses responsabilités.
    M. Jérôme Bignon. Nous sommes très largement éclairés !
    M. le président. Je vais tout d'abord mettre aux voix l'amendement n° 185 de M. Brunhes.
    M. André Chassaigne. Les amendements n°s 185 et 87 sont identiques !
    M. le président. Certes, mais ils ne s'insèrent pas au même endroit du projet de loi et sont en discussion commune : je les mets donc aux voix séparément. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je mets aux voix l'amendement n° 185.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Sur l'amendement n° 87, je rappelle que j'ai été saisi d'une demande de scrutin public.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 87.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   68
Nombre de suffrages exprimés   67
Majorité absolue   34
Pour l'adoption   18
Contre   49

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. René Dosière. Vive la paix quand même !

Article 10

    M. le président. « Art. 10. - Après l'article 74 de la Constitution, il est inséré un article 74-1 ainsi rédigé :
    « Art. 74-1. - Dans les collectivités d'outre-mer visées à l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement peut, dans les matières qui demeurent de la compétence de l'Etat, étendre par ordonnances, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative en vigueur en métropole, sous réserve que la loi n'ait pas expressément exclu, pour les dispositions en cause, le recours à cette procédure.
    « Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis des assemblées délibérantes intéressées et du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles deviennent caduques en l'absence de ratification par le Parlement dans le délai de dix-huit mois suivant cette publication. »
    La parole est à M. Victorin Lurel, inscrit sur l'article.
    M. Victorin Lurel. L'article 10 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour appliquer le droit outre-mer. Député d'outre-mer, j'allais presque dire « citoyen de l'ultra-périphéricité », je comprends cette volonté d'appliquer le plus vite possible le droit dans les collectivités relevant de l'article 74. Mais, législateur, je ne peux que m'élever contre ce dessaisissement du rôle du Parlement.
    Je sais bien que d'autres gouvernements, et notamment celui que je soutenais, ont pu légiférer par ordonnances. Mais inscrire cela dans la Constitution signifie que le Parlement n'aurait même plus à se prononcer, qu'il n'aurait plus l'initiative, au début de la procédure, et cela me paraît particulièrement grave.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est inexact !
    M. Victorin Lurel. Il y a là un grave détournement. Le Parlement n'aurait donc plus à autoriser le Gouvernement à faire la loi. Je me rappelle l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».
    Si je peux comprendre l'objectif, je ne peux pas approuver les moyens pour y parvenir. Ce dessaisissement permanent du Parlement me gêne. J'avoue que je suis un peu mal à l'aise face à la rédaction de cet article. Je rappelle que ce gouvernement, par le fameux article 22 de la loi d'amnistie, a refusé de ratifier un plan de modernisation du secteur des transports dans les départements français d'Amérique. On a botté en touche et, aujourd'hui, on attend la révision de la Constitution pour permettre très hypothétiquement aux départements, autorités organisatrices, de prendre des mesures. En attendant, le problème perdure.
    J'ai été très attentif aux déclarations de Mme la ministre, qui a envisagé la possibilité de déroger à la loi Sapin. Mais la loi Sapin est une des lois fondamentales de la République car elle permet de lutter contre la corruption. Par ailleurs, je rappelle que l'on veut privatiser les services publics ou des missions de service public. Tout cela m'inquiète beaucoup point, et je tenais à attirer votre attention sur tous ces points.
    Enfin, puisqu'il s'agit de l'article 74, je rappelle les inquiétudes exprimées par mon collègue Jean-Jack Queyranne. Les réponses de Mme la ministre sur Saint-Pierre-et-Miquelon et sur Saint-Barthélemy ne nous ont pas satisfaits.
    Nous sommes d'acord pour que Saint-Barthélemy et Saint-Martin expriment leur différence. Mais quel sera leur statut juridique ? Quel sera leur avenir ? Nous n'avons pas de réponse claire. Même chose pour Mayotte. Telles sont les inquiétudes que je tenais à exprimer.
    M. le président. J'informe dès maintenant l'Assemblée que, sur l'article 10, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    MM. Brunhes, Chassaigne, Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 186, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 10. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. L'article 10 donne au Gouvernement une habilitation permanente pour légiférer par ordonnances afin d'actualiser le droit applicable aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74.
    Nous nous opposons au principe même des ordonnances, pratique antidémocratique qui prive le Parlement de son rôle législatif. Je rappelle que, selon la Constitution, la loi est votée par le seul Parlement. Le domaine des ordonnances est quant à lui strictement limité, et les conditions dans lesquelles elles peuvent habiliter le Gouvernement à agir dans le domaine de la loi sont très encadrées.
    M. Didier Migaud. C'est vrai !
    M. André Chassaigne. Or vous demandez une habilitation ad vitam aeternam. Il n'y a aucune raison pour que le Parlement, riche de la présence des représentants des collectivités régies par l'article 74, soit ainsi privé de la possibilité de débattre des adaptations à apporter aux mesures législatives avant leur extension à ces territoires. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 10.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.
    Il convient certes de toujours manier avec beaucoup de précautions la procédure des ordonnances mais je vous fais remarquer, mon cher collègue, que le Parlement est aux deux extrémités de la procédure. En amont, parce que les lois qu'il s'agit d'étendre auront été préalablement discutées et votées par le Parlement ; en aval, parce qu'un amendement introduit par le Sénat impose une ratification dans un délai de dix-huit mois.
    La disposition qui nous est proposée à l'article 10 vise à permettre l'adaptation la plus rapide possible des lois à l'outre-mer, sous le contrôle du Parlement, puisque celui-ci sera obligatoirement saisi.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous déshabillez en réalité le Parlement !
    M. Didier Migaud. Pourquoi ne pas faire de même dans tous les domaines !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable également.
    Sans doute l'article 10 est-il mal compris.
    M. Augustin Bonrepaux. Il traduit surtout une drôle de conception de la démocratie !
    Mme la ministre de l'outre-mer. La procédure instituée par le nouvel article 74-1 de la Constitution vise à réparer les conséquences dommageables du retard constamment pris dans l'extension aux collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative des textes relevant de la compétence de l'Etat. Je m'étonne que l'on veuille supprimer une procédure si utile et qui, entourée de toutes les garanties, ne concerne que l'extension de textes déjà applicables en métropole. Veut-on laisser perdurer des situations de droit à double vitesse dénoncées par tout le monde, et qui portent atteinte à la crédibilité de l'Etat ?
    M. Jérôme Bignon. Non !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Le Parlement n'est en aucune manière dessaisi. Conformément à un amendement que nous avons accepté sans problème au Sénat, il sera appelé à ratifier les ordonnances dans un délai de dix-huit mois.
    M. André Chassaigne. Sans problème ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. L'obligation ainsi instaurée ne se limite donc pas au seul dépôt du projet de ratification.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas une sécurité
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Nous voterons bien entendu cet amendement de suppression.
    Avec l'article 10, c'est un pan supplémentaire de ses pouvoirs que l'on retire au Parlement.
    M. Michel Bouvard. Et la transposition des directives européennes ?
    M. René Dosière. L'article 3 a déjà donné la priorité au Sénat pour examiner les textes concernant les collectivités. Si je le rappelle, c'est parce que certains semblent croire que le sous-amendement de M. Méhaignerie demandant que le Sénat ne se saisisse que des projets de loi ayant pour objet exclusif les collectivités territoriales a été adopté. Or il n'en est rien : à la demande pressante du Gouvernement, il a été repoussé, et ce que votre parti écrit sur ce point est donc erroné.
    Nous avons donc abaissé les pouvoirs de l'Assemblée nationale, et cela constitutionnellement.
    M. Guy Geoffroy. Mais non !
    M. Jérôme Bignon. Fantasme !
    M. René Dosière. Aujourd'hui, le Gouvernement peut faire ce qu'il veut.
    M. Jérôme Bignon. Caricature !
    M. René Dosière. Il peut déjà, s'il le veut, déposer les textes en premier lieu au Sénat.
    M. Jérôme Bignon. On le sait !
    M. René Dosière. Ce qui est nouveau, avec le présent projet, c'est la constitutionnalisation de ce principe. Même le président de l'Assemblée nationale est opposé à cette démarche.
    M. Jérôme Bignon. Nous ne sommes plus à l'article 3.
    M. René Dosière. L'article 10, lui, vise à constitutionnaliser la possibilité de légiférer par ordonnances.
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. Cette possibilité existe déjà.
    M. René Dosière. Il nous est ainsi demandé d'abandonner une autre partie de notre pouvoir. Le Gouvernement n'a pas besoin, s'il veut légiférer par ordonnances dans ce domaine, de constitutionnaliser ce principe.
    Ce texte traduit une volonté manifeste d'abaissement de l'Assemblée nationale qui n'est pas défendable. En l'acceptant, vous prenez une lourde responsabilité vis-à-vis de l'histoire de la Ve République. Pour notre part, nous ne pouvons pas l'accepter.
    M. Jérôme Bignon. Nous assumons !
    M. René Dosière. Madame la ministre, je vous invite à mesurer la portée de vos propos : il est certain en effet que si l'on supprimait le Parlement, tout irait beaucoup plus vite.
    Le fait de devoir passer devant le Parlement implique de consacrer du temps à la discussion. Nous voyons ce texte que vous cherchez à ce que tout aille plus vite. Reviendra-t-il en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale ? Sans doute pas, car tout est fait pour que le Sénat l'adopte conforme. Voilà comment les choses se passeront désormais.
    Nous n'acceptons pas, je le répète, cet abaissement de l'Assemblée nationale, qui est la seule dépositaire de la souveraineté populaire.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Il s'agit seulement d'une extension.
    M. Jérôme Bignon. Enfin vous défendez la Ve République !
    M. Michel Bouvard. Nous sommes heureux de vous la voir défendre avec autant d'ardeur !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 10. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   51
Nombre de suffrages exprimés   50
Majorité absolue   26
Pour l'adoption   28
Contre   22

    L'Assemblée nationale a adopté.

Après l'article 10

    M. le président. M. Kamardine a présenté un amendement, n° 118, ainsi libellé :
    « Après l'article 10, insérer l'article suivant :
    « L'article 75 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Une loi organique, prise après avis de l'assemblée délibérante des collectivités territoriales d'outre-mer intéressées, détermine les règles relatives au statut personnel, à l'exception du statut civil coutumier en Nouvelle-Calédonie. »
    La parole est à M. Bertho Audifax, pour soutenir cet amendement.
    M. Bertho Audifax. L'article 75 pose plusieurs questions juridiques relatives aux modalités d'une éventuelle renonciation au statut personnel applicable dans les collectivités d'outre-mer.
    Par ailleurs, cet article soulève des interrogations quant à la confrontation de ce statut particulier aux libertés publiques, et plus particulièrement à la Convention européenne des droits de l'homme.
    Le présent amendement a pour objet de renvoyer à une loi organique le règlement de ces questions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il existe, c'est certain, une confusion quant à la détermination des règles relatives au statut personnel que les ultramarins peuvent conserver en vertu de l'article 75 de la Constitution. Toutefois, ces questions doivent être réglées par la loi ordinaire. Le recours à une loi organique serait à notre avis trop lourd.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Comme l'a indiqué le président de la commission des lois, l'amendement de M. Kamardine aurait pour conséquence de hisser au niveau de la loi organique des règles qui relèvent de la loi ordinaire. Il ne serait dès lors plus possible d'utiliser la procédure des ordonnances, qui peut se révéler fort utile pour réformer cette matière.
    Que les règles qui gouvernent le statut personnel de droit local de l'article 75 soient parfois mal définies et de portée incertaine, c'est une évidence et je partage tout à fait le jugement porté par M. Kamardine : il conviendra d'apporter le moment venu les précisions nécessaires. Mais la loi organique ne paraît pas être le moyen le plus approprié pour traiter de ces délicates questions juridiques. La loi ordinaire y pourvoira et le Gouvernement accueillera bien sûr avec intérêt toutes les propositions qui lui seront faites pour moderniser les règles applicables au statut personnel ; cela ne devra pas conduire à restreindre les droits reconnus par la Constitution et par les engagements internationaux.
    En tout état de cause, la conciliation entre les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et les règles de fond du statut personnel ne peut pas résulter d'une loi organique car une loi ne peut pas définir le champ d'application d'un traité, lequel résulte du traité lui-même. Le cas échéant, il appartient au juge d'écarter une norme de droit interne contraire à un accord international.
    Après ces explications, je souhaite que M. Kamardine, par la voix de son porte-parole Bertho Audifax, puisse retirer cet amendement.
    M. Bertho Audifax. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 118 est retiré.

Article 11

    M. le président. « Art. 11. - I. - Au premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, les mots : "le deuxième dimanche suivant sont remplacés par les mots : "le quatorzième jour suivant.
    « II. - Au troisième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les mots : "les représentants du Gouvernement dans les territoires d'outre-mer sont remplacés par les mots : "les représentants de l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie.
    « III. - A l'article 60 de la Constitution, après les mots : "des opérations de référendum, sont insérés les mots : "prévues aux articles 11 et 89. »
    La parole est à M. Victorin Lurel, inscrit sur l'article.
    M. Victorin Lurel. L'article 11 modifie l'article 7 de la Constitution, en organisant le deuxième tour de l'élection présidentielle, dans les départements français d'Amérique la veille du jour du vote en métropole. On ne peut que se féliciter de cette marque de respect élémentaire pour les citoyens de ces collectivités. Cependant, outre le fait qu'elle est tardive, elle est insuffisante, ce qui m'a conduit à déposer l'amendement que je défendrai tout à l'heure.
    En effet, elle n'intéresse que l'élection présidentielle, et seulement au deuxième tour. Mais, il y a d'autres scrutins nationaux qui se déroulent sur l'ensemble du territoire de la République : les référendums, les élections européennes, les élections législatives. Or vous connaissez l'importance des élections législatives, ce sont elles qui déterminent la majorité de cette assemblée, et donc le Gouvernement. Il convient de corriger cette asymétrie, cette inégalité régulièrement dénoncée par le Conseil constitutionnel. A l'occasion des dernières élections législatives, il a d'ailleurs jugé cette situation « particulièrement regrettable ».
    Si ce décalage est acceptable pour les élections locales - la connaissance du résultat des élections municipales en métropole n'a pas d'influence sur le vote dans ces régions -, il est en revanche de nature à fausser la sincérité du scrutin lors des élections pour lesquelles le territoire de la République forme une circonscription unique.
    M. le président. M. Giacobbi et Mme Taubira ont présenté un amendement, n° 119, ainsi libellé :
    « Au début de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - A. - Après la première phrase du premier alinéa de l'article 7 de la Constitution, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Le premier tour de scrutin a lieu dans les départements d'outre-mer le samedi précédant le premier tour. »
    Acceptez-vous, madame Taubira, de défendre l'amendement n° 120 en même temps ?
    Mme Christiane Taubira. Volontiers, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement, n° 120, présenté par M. Giacobbi et Mme Taubira, est ainsi rédigé :
    « Compléter le I de l'article 11 par les mots : "sur le territoire métropolitain, et le samedi suivant dans les départements d'outre-mer. »
    Vous avez la parole, madame Taubira.
    Mme Christiane Taubira. Comme vient de le souligner M. Lurel, il convient de lutter contre la connaissance prématurée des résultats de l'élection présidentielle dans les départements d'outre-mer, en tout cas dans ceux qui se situent à l'ouest. Cette connaissance prématurée est liée au développement des technologies de l'information et de la communication. En transgression de tous les textes, qu'il s'agisse de la loi de 1962, de celle de février 2002, des décrets de mars 2001 ou de janvier 2002 et de l'article L. 52-2 du code électoral, des résultats partiels ou définitifs sont connus outre-mer avant la fermeture des bureaux de vote, et pas un quart d'heure plus tôt, mais parfois cinq ou six heures.
    Les citoyens et résidents d'outre-mer, ainsi que les Français de l'étranger vivant à l'ouest, notamment sur le continent américain, se trouvent donc en situation d'inégalité, voire en rupture d'égalité, dans l'exercice d'un droit civique fondamental. Le code électoral est muet sur cette question alors que l'article 3 de la Constitution précise bien que le suffrage doit être « universel, égal et secret ». Il n'y a plus de débat sur cette question. Le Conseil constitutionnel, qui annule rarement les élections, reconnaît lui-même que les recours ne sont souvent pas recevables parce que les citoyens qui les déposent n'ont en général pas pensé, faute d'information, que leurs remarques devaient être portées sur les procès-verbaux le jour de scrutin. Ou alors, le Conseil constitutionnel s'intéresse à l'écart du nombre de voix. Il n'empêche que, dans ses bilans, qui l'engagent moins, juridiquement parlant, il reconnaît que la situation est irritante, et même insupportable.
    Le législateur a quant à lui considéré qu'il fallait encadrer davantage la loi sur les sondages, et il a renforcé, par la loi du 19 février 2002, la loi de juillet 1977. Il a ainsi pris en considération le fait que les sondages pouvaient avoir une influence sur les électeurs, ici, en France dite hexagonale, et que les citoyens d'outre-mer se retrouvent exposés non pas à des sondages, mais à des résultats partiels ou définitifs.
    Or ni le texte du Gouvernement ni la modification introduite par le Sénat ne nous rassurent concernant le premier tour de l'élection présidentielle. Si nous avions un doute, il suffirait de se reporter au rapport de M. le rapporteur, accessoirement en ce moment président de la commission des lois. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Luc Warsmann, vice-président de la commission des lois. C'est l'inverse !
    Mme Christiane Taubira. Vous trouvez le mot « accessoirement » péjoratif ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Alors, je le retire, je n'avais aucune mauvaise intention à l'égard de M. le président, rapporteur, et j'ai bien d'autres griefs à son encontre !

    La page 134 de son rapport précise bien qu'il s'agit de l'organisation du deuxième tour de l'élection. Or, dès le premier tour, la connaissance prématurée des résultats de métropole est de nature à perturber le scrutin, à augmenter l'abstention et à nuire à la sincérité du vote. Je propose donc que l'outre-mer puisse voter la veille, aussi bien au premier qu'au deuxième tour de l'élection présidentielle.
    A moins que l'on nous explique que le premier tour n'est qu'un tour de manège et qu'il n'y a - ce qui revient à insulter l'avenir - aucun risque, ou aucune chance, que les résultats d'outre-mer soient susceptibles de modifier les conditions de qualification des candidats pour le deuxième tour...
    M. le président. Monsieur le président et rapporteur, quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 119 et 120 ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je laisserai à Mme la ministre le soin de donner une réponse détaillée, mais très honnêtement, Mme Taubira a satisfaction. Et toutes ses observations me laissent sans voix.
    M. Alain Néri et M. Didier Migaud. Inespéré !
    M. André Chassaigne. Quelle séduction !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Madame Taubira, sans vouloir être du tout désagréable à votre égard,...
    Mme Christiane Taubira. Je riposterai !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... je dois reconnaître que ces amendements sont inutiles. En effet, si vous lisez bien le projet de loi qui vous est soumis, en supprimant le mot dimanche de l'article 7 de la Constitution et en renvoyant à la loi organique le soin de fixer le jour du scrutin présidentiel, tout en maintenant un délai incompressible de quinze jours entre les deux tours, nous remplissons tout à fait les conditions et nous réglons le problème que vous venez d'exposer.
    En outre, pardonnez-moi de vous dire que les amendements que vous présentez sont quelque peu déficients : vous parlez des départements d'outre-mer, mais la Réunion, dont on n'a cessé de rappeler le caractère départemental, n'a pas de problème de décalage horaire. Nos amis réunionnais votent le même jour que la métropole.
    Le problème est d'ordre général, tout le monde en convient ; c'est le décalage horaire des résultats. Il faut donc le traiter aussi pour la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que pour les Français de l'étranger votant sur le continent américain. Cela aurait dû être fait depuis bien longtemps et c'est ce que nous faisons avec ce texte, dans un esprit de consensus. Merci, monsieur Lurel, de l'avoir noté.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Très bien !
    M. le président. Madame Taubira, êtes-vous convaincue ?
    Mme Christiane Taubira. Non ! Et je trouve que Mme la ministre devient vraiment déplaisante ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Madame Taubira, personne ne songe à être déplaisant à votre égard !
    Mme Christiane Taubira. Vous avez parlé de « déficience » et d'« inutilité », madame la ministre.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Ce sont vos amendements qui sont déficients !
    Mme Christiane Taubira. Osez franchir un dernier pas minuscule et renvoyez-moi donc chez moi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Madame Taubira, allons !
    Mme Christiane Taubira. « Déficiente » et « inutile » ! Je n'ai plus qu'à m'inscrire dans un IME ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Madame Taubira, venez-en au fond.
    M. Charles de Courson. Inscrivez-vous plutôt à l'UMP !
    Mme Christiane Taubira. Je suis moins douée que vous, monsieur de Courson, mais surtout moins insolente. Peut-être impertinente, mais moins insolente ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Charles de Courson. Ce n'est pas sûr !
    M. le président. Madame Taubira, ne débattez pas avec M. de Courson : j'ai suffisamment à faire avec Mme Royal !
    Mme Christiane Taubira. Je sais que je risque gros avec M. de Courson !
    M. le président. Madame Taubira !
    Mme Christiane Taubira. Il m'a été répondu que la disparition du mot dimanche donnait davantage de latitude, quinze jours plus tard, pour échapper à la contrainte du dimanche. Je demande des explications complémentaires.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ce sera dans la loi organique !
    M. Jean Besson. Absolument !
    Mme Christiane Taubira. Peut-être ai-je des déficiences, prouvez-le-moi, mais je n'ai pas compris où était la garantie pour le premier tour. Du reste, dans le rapport, page 134, il est bien précisé qu'il s'agit de régler le problème du deuxième tour.
    Je sais bien que, pour les présidentielles, il faut toucher à la Constitution, alors que, pour les autres consultations, une loi suffit. C'est pourquoi mon amendement ne vise que les élections présidentielles.
    Par ailleurs, on ne peut pas me faire grief que le Gouvernement ne se soit pas encore saisi de la question pour ce qui concerne les Français résidant ailleurs que dans un territoire français d'outre-mer. J'ai moi-même évoqué tout à l'heure le continent américain. Il faudrait aussi régler le problème de la Polynésie française. Quant à la Réunion, je le précise, elle a deux heures d'avance sur Paris et ne se trouve par conséquent pas dans la même situation que la Guyane. Ne m'opposez pas de tels arguments. Dites-moi plutôt explicitement que, pour le premier tour des présidentielles, l'élection aura lieu un jour, et que, pour le second tour, vous vous en tenez à la disposition actuellement inscrite dans le texte. Pourquoi cela vous coûte-t-il tant de le dire ?
    M. Alain Néri. Elle a raison !
    M. le président. Madame Taubira, je crois que tout le monde a compris.
    Madame la ministre, voulez-vous donner une explication susceptible de convaincre Mme Taubira ?
    M. Guy Geoffroy. Non !
    M. René Dosière. Le problème des îles Kerguelen est-il réglé ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Oui, pour les pingouins !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Les habitants des îles Kerguelen ne votent pas sur place.
    Je vais donner une précision supplémentaire. Le projet de loi constitutionnelle, en modifiant l'article 7 de la Constitution, renvoie à la loi organique le soin de fixer le jour du scrutin présidentiel.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est pourtant clair !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Une loi organique fixera donc le samedi comme jour du vote dans toutes les collectivités où les électeurs se prononcent actuellement après la métropole.
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est limpide !
    M. le président. Maintenez-vous vos deux amendements, madame Taubira ?
    Mme Christiane Taubira. Il faudrait que je consulte M. Giacobbi, qui en est cosignataire (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission, rapporteur. Vous ne nous faites pas rire !
    Mme Christiane Taubira. Si même ma liberté de rire est censurée, où va-t-on ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mon Dieu, qu'elle est pénible, pour ne pas dire insupportable.
    M. le président. Ne soyez pas de mauvaise foi, madame Taubira !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Allons-y, monsieur le président ! Il est minuit et demi et nous sommes ennuyés depuis des jours et des jours ! Y'en a marre !
    M. Didier Migaud. Allez donc vous coucher, monsieur le président de la commission !
    M. Jean-Luc Warsmann. Au vote !
    M. le président. Répondez, sans quoi nous allons passer au vote, madame Taubira ! Décidez-vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Christiane Taubira. Il n'y a qu'à dissoudre le Parlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je demande la parole pour un rappel au règlement !
    M. le président. Non !
    Mme Christiane Taubira. Je maintiens mes amendements !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

    M. Alain Néri. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est une honte !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Fondé sur quel article ?...
    M. le président. Je vous donne la parole, monsieur Néri, mais pour une intervention brève.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Reconnaissez que, jusqu'à présent, nous avons été raisonnables !
    M. Alain Néri. Monsieur le président, je serai très bref.
    Nous sommes tous d'accord, il faut avancer, et je crois que Mme Taubira faisait preuve de sens civique et républicain en acceptant de retirer ses amendements.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Elle ne les a pas retirés !
    Mme Christiane Taubira. J'allais les retirer ! J'ai tout de même le droit de réfléchir !
    M. le président. Je crois, monsieur Néri, que vous n'avez pas tout à fait suivi le fil du débat.
    M. Alain Néri. Mais si ! Mme Taubira vient de le dire : elle était sur le point de les retirer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ce n'est pas avec des hurlements que vous bâillonnerez l'opposition ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Je vous en prie !
    M. Alain Néri. Mme Taubira était en train de réfléchir ! C'est tout de même un sujet important !
    Depuis le début de l'examen de ce texte, nous avons pris l'habitude d'essuyer des réflexions désobligeantes, parfois même très désobligeantes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jérôme Rivière. Vous n'avez vraiment plus rien à dire !
    M. Alain Néri. Il n'est pas acceptable que M. le président de la commission des lois, par exemple, ne puisse se contenir et s'exclame : « Y'en a marre ! » Nous demandons qu'il retire ses propos.
    M. Jean-Louis Idiart. Très bien !
    M. le président. Ces propos sont retirés, monsieur Néri.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je voudrais ajouter un mot, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission, puisqu'il insiste.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je retire volontiers mes propos mais, auparavant, je veux vous livrer quelques informations. Avant la séance de ce soir, nous avons débattu pendant quarante-trois heures trente,...
    M. Alain Néri et M. Didier Migaud. C'est normal !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... dont cinq heures trente de rappels au règlement et suspensions de séance.
    M. Jean-Louis Idiart. A cause de vous !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mes propos ont peut-être été un peu vifs, mais cette réalité ne peut pas être contestée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur le président de la commission, voulez-vous bien reconnaître que, ce soir, il n'y a eu que deux rappels au règlement ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Absolument, et j'en remercie la présidence.
    M. le président. Je pensais que Mme Taubira réfléchissait très vite. Je regrette de ne pas lui avoir laissé le temps suffisant.

Reprise de la discussion

    M. le président. M. Lurel, M. Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 86, ainsi libellé :
    « Après le III de l'article 11, insérer un IV ainsi rédigé :
    « IV. - Le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : "Pour ne pas altérer la sincérité du scrutin, nul ne doit avoir connaissance ou estimation des résultats avant la fin du vote sur l'ensemble du territoire de la République. »
    Vous avez la parole, monsieur Lurel, pour une courte intervention, car vous êtes déjà intervenu sur l'article.
    M. Victorin Lurel. Je n'ai pas trouvé les explications que je cherchais dans les réponses de Mme la ministre. J'ai pour ma part une conception très parlementariste de notre régime, et j'insiste sur les élections législatives, qui déterminent la majorité de cette assemblée et par conséquent la composition du Gouvernement. Notre amendement tend à interdire toute information dans l'intervalle des quatre, cinq ou six heures qui séparent la métropole des départements français d'Amérique et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce serait valable pour tous les scrutins organisés sur l'ensemble du territoire de la République : référendums, élections européennes, élections présidentielles, élections législatives. Nous aimerions obtenir une réponse.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'amendement n° 86 a été repoussé par la commission, quoique son objectif soit louable. Le sujet ne relève en effet pas de la Constitution, mais de la loi.
    Dans l'article 11 du projet de loi constitutionnel il n'est répondu au problème du décalage horaire entre la métropole et les collectivités d'outre-mer que pour l'élection présidentielle, mais le législateur devra assouplir et harmoniser les délais prévus pour l'ensemble des élections nationales et les référendums dans les territoires où la question du décalage horaire se pose, tout en garantissant le secret des résultats. Cette réponse permettra à Mme Taubira de comprendre le problème, du moins je l'espère...
    M. le président. Monsieur Lurel, maintenez-vous votre amendement ?
    M. Victorin Lurel. Non, je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 86 est retiré.
    Je mets aux voix l'article 11.
    (L'article 11 est adopté.)

Après l'article 11

    M. le président. Mme Louis-Carabin et M. Beaugendre ont déposé un amendement, n° 145, ainsi libellé :
    « Après l'article 11, insérer l'article suivant :
    « Après le troisième alinéa de l'article 7 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Toutefois, la date de ces scrutins est avancée d'un jour dans les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon où l'application de la règle ci-dessus conduirait les électeurs concernés à voter en ayant connaissance des résultats du territoire métropolitain de la République. »
    La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour soutenir l'amendement n° 145.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Je le retire, puisque Mme la ministre nous a rappelé que la Constitution ne fixe que les modalités de l'élection présidentielle.
    M. le président. L'amendement n° 145 est retiré.
    M. Beaugendre a déposé un amendement, n° 206, ainsi libellé :
    « Après l'article 11, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 88-4, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :
    « Art. 88-5. - La République reconnaît les spécificités des régions ultrapériphériques françaises. »
    La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour soutenir cet amendement.
    M. Jean-Luc Warsmann. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis défavorable. Nos départements d'outre-mer, au sein de l'Union européenne, ont le statut de régions ultrapériphériques. La France est ainsi parvenue à faire reconnaître leur spécificité au niveau communautaire. Au demeurant, la Constitution avait consacré leur spécificité bien avant la signature des traités communautaires.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. La préoccupation exprimée dans cet amendement par M. Beaugendre est entièrement couverte par notre texte puisque l'article 73 de la Constitution reprend la terminologie de l'article 299-2 du traité de Rome, modifié par celui d'Amsterdam, relatif aux caractéristiques et contraintes particulières qui fondent des mesures d'adaptation spécifiques aux régions ultrapériphériques. Le droit national sera ainsi en conformité avec le droit communautaire. Il est donc mis fin à ce paradoxe qui conduisait à ce que le droit communautaire soit plus ouvert à l'adaptation aux réalités locales que le droit national. J'émets par conséquent un avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud pour un rappel au règlement.
    M. Didier Migaud. En application de l'article 101, alinéa 1, je demande, monsieur le président, une seconde délibération sur l'article 3, ainsi que sur l'amendement n° 11 de M. le président de la commission des lois et sur le sous-amendement n° 39 de M. Pierre Méhaignerie.
    René Dosière l'a dit, certains de nos collègues croient que le sous-amendement de Pierre Méhaignerie a été adopté. Malheureusement, il n'en est rien, et nous estimons qu'il s'agit là d'un recul des droits de l'Assemblée nationale, recul qui peut être lourd de conséquences.
    M. Guy Geoffroy. L'Assemblée nationale a voté !
    M. Didier Migaud. Oui, mais peut-être pas en toute connaissance de cause ! Et il y a un règlement !
    M. Jérôme Bignon. Il ne vous autorise pas à demander une seconde délibération !
    M. Didier Migaud. Nous souhaitons voter une seconde fois pour que vous assumiez vos responsabilités et pour en prendre acte. L'article 3 choque non seulement le président de l'Assemblée nationale...
    M. Guy Geoffroy. Il n'a pas besoin que vous preniez sa défense !
    M. Didier Migaud. ... mais aussi beaucoup d'entre vous, nous nous en apercevons au fil des discussions.
    M. Bertho Audifax. Absolument pas !
    M. Didier Migaud. Il suffit de lire le journal !
    M. Jérôme Bignon. Cessez de penser à notre place, c'est énervant à la fin !
    M. Didier Migaud. Evidemment, certains députés ne sont pas gênés lorsqu'ils mettent en cause les pouvoirs de l'Assemblée nationale ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jérôme Bignon. La majorité a tranché ! Nous ne pouvons tolérer que tout soit remis en cause en permanence !
    M. Didier Migaud. Voilà pourquoi, monsieur le président, je souhaite que notre assemblée puisse délibérer une seconde fois sur l'article 3, l'amendement n° 11 et le sous-amendement n° 39.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Non !
    M. Didier Migaud. Vous êtes peut-être pressée de vous coucher, madame, mais, lorsque les droits de l'Assemblée nationale sont en cause, pour notre part, nous avons tout notre temps ! C'est une différence avec le président de la commission des lois et avec un certain nombre d'entre vous !
    M. le président. Monsieur Migaud, votre rappel au règlement se fonde sur l'article 101, alinéa 1. Mais le deuxième alinéa dispose : « La seconde délibération est de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond, ou si celle-ci l'accepte. »
    La parole est à M. le président de la commission des lois.
    Mme Christiane Taubira. Un geste, monsieur Clément !
    M. Alain Néri. Quel suspense !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je reconnais que le suspense est insoutenable.
    Je voudrais d'abord saluer l'obstruction sans précédent pratiquée par le groupe socialiste. Dieu sait qu'il est arrivé à votre serviteur d'être dans l'opposition, mais je ne me souviens pas que l'article 101 ait jamais été utilisé.
    M. Didier Migaud. Vous avez la mémoire si courte !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Je salue donc l'innovation.
    Autre performance, je le répète : sur quarante-trois heures de débats, cinq heures cinquante ont été consacrées à des rappels au règlement. Bravo !
    M. Jean-Luc Warsmann et M. Jérôme Rivière. C'est digne du Livre Guinness des records !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cela dit, je considère que l'Assemblée est très largement informée sur tous les articles, y compris l'article 3. Nous y avons consacré plusieurs heures et je trouve cette demande superfétatoire. Vous voulez tout simplement retarder encore le débat.
    M. Didier Migaud. La seconde délibération pourrait être rapide.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Certains aiment les nuits blanches. Vous m'accusez de ne pas les aimer : eh bien, vous avez raison !
    M. le président. M. le président de la commission n'est donc pas favorable à une seconde délibération.
    Qu'en pensez-vous madame la ministre ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. J'y suis également défavorable.
    M. le président. Il me reste à consulter l'Assemblée.
    (L'Assemblée, consultée, rejette la demande de seconde délibération.)
    Mme Christiane Taubira. Quelle docilité !
    M. Alain Néri. C'est pire que Munich !

Reprise de la discussion

    M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles.
    Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle auraient lieu le mercredi 4 décembre, après les questions au Gouvernement.

2

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 27 novembre 2002, de M. le Premier ministre, un projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.
    Ce projet de loi, n° 402, est renvoyé à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 27 novembre 2002, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre.
    Ce projet de loi, n° 403, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 27 novembre 2002, de M. Yves Bur, un rapport, n° 317, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi de M. Yves Bur visant à protéger les mineurs contre la diffusion de programmes comprenant des scènes de violence gratuite ou de pornographie (n° 317).

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 27 novembre 2002, de M. le Premier ministre, en application de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1050 du 6 août 2002), le trente-neuvième rapport de la commission des comptes des transports de la nation retraçant et analysant l'ensemble des flux économiques, budgétaires et financiers attachés au secteur des transports.

5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique :
    Discussion de la proposition de loi, n° 380, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à protéger certaines catégories d'étrangers des mesures d'éloignement du territoire :
    M. Christophe Caresche, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 395).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Discussion du projet de loi, n° 187, relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 :
    M. Guy Teissier, rapporteur au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (rapport n° 383) ;
    M. Pierre Lellouche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (avis n° 384) ;
    M. François d'Aubert, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 385).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le jeudi 27 novembre 2002 à zéro heure quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
MODIFICATIONS À LA COMPOSITION
DES GROUPES
(Journal officiel, Lois et Décrets, du 28 novembre 2002)
Groupe Union pour la démocratie française
(27 membres au lieu de 26)

    Ajouter le nom de M. Yvan Lachaud.

Groupe de l'Union pour la majorité présidentielle
(351 membres au lieu de 352)

    Supprimer le nom de M. Yvan Lachaud.

annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du mercredi 27 novembre 2002
SCRUTIN (n° 82)


sur l'article 7 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (régime des collectivités situées outre-mer).

Nombre de votants

61


Nombre de suffrages exprimés

59


Majorité absolue

30


Pour l'adoption

45


Contre

14

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 45 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Contre : 14 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Abstentions : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 83)


sur l'amendement n° 83 de M. Lurel à l'article 8 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (mesures légales et réglementaires spécifiques applicables dans les départements et régions d'outre-mer).

Nombre de votants

55


Nombre de suffrages exprimés

55


Majorité absolue

28


Pour l'adoption

16


Contre

39

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 2. - M. Marc Le Fur et Mme Béatrice Vernaudon.
    Contre : 39 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    M. Marc Le Fur et Mme Béatrice Vernaudon, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 84)


sur l'amendement n° 85 de M. Lurel à l'article 8 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (création légale d'une assemblée délibérante unique dans un département ou une région d'outre-mer).

Nombre de votants

62


Nombre de suffrages exprimés

62


Majorité absolue

32


Pour l'adoption

17


Contre

45

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 2. - MM. Jean-Claude Lenoir et Jean-Louis Léonard.
    Contre : 45 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 13 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 85)


sur l'article 8 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (régime des départements et régions d'outre-mer).

Nombre de votants

68


Nombre de suffrages exprimés

68


Majorité absolue

35


Pour l'adoption

51


Contre

17

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 47 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 2. - MM. Christian Decocq et Jean-Pierre Decool.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 4. - MM. Michel Destot, René Dosière, Laurent Fabius et Jean Glavany.
    Contre : 13 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 86)


sur l'article 9 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (régime constitutionnel des collectivités d'outre-mer).

Nombre de votants

71


Nombre de suffrages exprimés

71


Majorité absolue

36


Pour l'adoption

55


Contre

16

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 55 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Contre : 14 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 87)


sur l'amendement n° 87 de M. Dosière après l'article 9 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (composition du corps électoral en vue des élections aux assemblées de province et aux congrès de la Nouvelle-Calédonie).

Nombre de votants

68


Nombre de suffrages exprimés

67


Majorité absolue

34


Pour l'adoption

18


Contre

49

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 2. - MM. Jean-Claude Lenoir et Jean-Louis Léonard.
    Contre : 49 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - Mme Béatrice Vernaudon.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 14 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 88)


sur l'article 10 du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République (habilitation permanente pour actualiser le droit applicable outre-mer par ordonnances).

Nombre de votants

51


Nombre de suffrages exprimés

50


Majorité absolue

26


Pour l'adoption

28


Contre

22

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (363) :
    Pour : 28 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 6. - MM. Jérôme Bignon, Michel Bouvard, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Patrick Delnatte et Pierre-Louis Fagniez.
    Abstention : 1. - M. Emile Blessig.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Contre : 14 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (28).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    MM. Jérôme Bignon, Michel Bouvard, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Patrick Delnatte, Pierre-Louis Fagniez, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « pour ».