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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 5 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 4 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

CRÉDITS DE L'ÉDUCATION NATIONALE
ET DE LA RECHERCHE «...»

MM. François Liberti, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

RISQUES DE MARÉE NOIRE «...»

MM. Edouard Landrain, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

SUPPRESSIONS DE POSTES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE «...»

Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

ÉLIMINATION DES STOCKS
DE FARINES ANIMALES «...»

M. Jean Lassalle, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

DÉMOGRAPHIE MÉDICALE «...»

MM. Jean-Claude Lemoine, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

ENLÈVEMENTS INTERNATIONAUX
D'ENFANTS DE COUPLES MIXTES «...»

MM. Pierre Cardo, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

LICENCIEMENTS ET PLANS SOCIAUX «...»

MM. Alain Néri, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

SÉCURITÉ
DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES «...»

MM. Alain Merly, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

INSERTION PROFESSIONNELLE DES HANDICAPÉS «...»

M. Georges Colombier, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

AVENIR DES EMPLOIS-JEUNES «...»

Mme Claude-Anne Darciaux, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

INDEMNISATIONS DES VICTIMES DE L'ÉRIKA «...»

Mmes Marguerite Lamour, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

RÉFORME DE L'ÉNA «...»

MM. Jacques-Alain Bénisti, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Rappel au règlement «...».
MM. Jean-Marc Ayrault, le président.
3.  Saisine du Conseil constitutionnel «...».
4.  Organisation décentralisée de la République. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi constitutionnelle «...».
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

Mme
Ségolène Royal,
MM.
Jean Lassalle,
André Chassaigne,
Jérôme Bignon.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»

5.  Programmation militaire pour les années 2003 à 2008. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi «...».
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.
M. Guy Teissier, président de la commission de la défense, rapporteur.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Francis Hillmeyer,
Jean-Claude Sandrier,
Michel Voisin,
Jean-Michel Boucheron.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

6.  Résolution adoptée en application de l'article 88-4 de la Constitution «...».
7.  Négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Gaëtan Gorce, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Rappel au règlement «...»

MM. Maxime Gremetz, le président.

Reprise de la discussion «...»

Question préalable (suite) : MM. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Pierre Morange, Maxime Gremetz, Mme Hélène Mignon, M. Francis Vercamer. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
8.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

CRÉDITS DE L'ÉDUCATION NATIONALE
ET DE LA RECHERCHE

    M. le président. La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    Monsieur le ministre, à l'occasion du débat budgétaire je vous avais fait part, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, de toutes les inquiétudes exprimées par les enseignants, les organisations syndicales et les parents d'élèves au sujet du budget de l'éducation nationale, qualifié de « transitoire » et qui n'est plus prioritaire pour le Gouvernement.
    A l'heure où les problèmes de l'insécurité et de la violence scolaire sont surmédiatisés, vous restez arc-bouté sur la suppression de 20 000 aides-éducateurs et de plus de 5 000 postes de surveillants, ce qui va aggraver considérablement la situation des établissements et pénaliser les étudiants dont l'emploi sera supprimé. Je vous rappelle quand même que ce statut représente le seul moyen pour certains d'entre eux de mieux préparer leur cursus universitaire.
    Il ne manquait plus à ce tableau que de vouloir transformer les établissements scolaires en casernes clôturées. C'est fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est d'abord la jeunesse qui fait les frais de vos décisions.
    Enfin, le désengagement de l'Etat sur l'enseignement scolaire, l'enseignement supérieur et la recherche est confirmé dans la perspective d'un projet qui ne doit rien à la décentralisation mais relève du démantèlement de la République, du service public (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) avec à la clé une aggravation sans précédent des inégalités.
    Le 17 octobre dernier, partout en France, la communauté éducative a manifesté son mécontentement, affichant fièrement un mot d'ordre significatif, « L'éducation : une priorité nationale ». Le 8 décembre, à l'occasion d'une nouvelle journée d'action, le mécontentement sera encore plus fort, et le rassemblement encore plus large.
    Je vous demande, monsieur le ministre, de répondre à l'attente de toutes celles et de tous ceux qui, dimanche, vont se mobiliser pour l'école. Quelle mesures comptez-vous engager pour une révision urgente et nécessaire de vos choix budgétaires ? (Applaudissements sur les bancs groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, le budget de l'éducation nationale, j'ai eu souvent l'occasion de le dire ici, reste le premier budget de l'Etat, et augmente de 2,2 % cette année. Nous n'allons pas revenir une fois encore sur les chiffres. Si vous le permettez, je voudrais vous répondre sans polémique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Quand on arrive dans un ministère comme celui dont j'ai l'honneur d'avoir la charge et qu'on examine les questions budgétaires, on est extrêmement frappé de constater que 95 % du budget est d'emblée « mangé », si j'ose dire, par les traitements des personnels.
    Quand on ajoute les crédits de fonctionnement, les crédits pédagogiques et les autres crédits, on atteint très vite 98 % ou 99 % du budget. Et puis, avec les surnombres que connaît le ministère de l'éducation nationale, on s'aperçoit avec un certain désespoir que le budget est en réalité déjà « mangé » à 102 % ou 103 % avant qu'on ait commencé à faire quoi que ce soit. Voilà la réalité des choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce budget de l'éducation nationale, comme je le disais hier encore dans cette assemblée, a augmenté de 25 % en dix ans sans que les résultats suivent, et alors même que les effectifs des élèves diminuaient. C'est là une question véritablement sérieuse. Si nous voulons retrouver des marges de manoeuvre pour la politique, et si nous ne voulons pas - et je crois que c'est votre cas - que l'économie détermine tout, nous ne devons pas être en permanence dans une situation de déficit budgétaire.
    M. Jean-Jack Queyranne. Il y a quand même des priorités !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Deuxièmement, vous avez évoqué à très juste titre la question de la violence. Mais pensez-vous qu'il suffise de traiter les effets ? A la limite, dans ce cas-là, pourquoi ne pas nommer un aide-éducateur par élève ? (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pourquoi ne pas multiplier leur nombre par deux ou par trois ? Nous pensons, quant à nous, qu'il faut traiter les causes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est pourquoi nous proposons de doubler le nombre de classes-relais, de tripler le nombre d'ateliers-relais. Nous créons 6 500 places d'internat, qui avaient été supprimées au cours des dix ou quinze dernières années. Voilà des mesures concrètes et réelles, qui améliorent la vie des établissements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Arnaud Montebourg. Des salonnards !
    M. Michel Delebarre. Qu'en pense Marie-Caroline ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Nous, nous avons choisi, je le répète, de nous attaquer aux causes et pas seulement aux effets.
    M. Christian Bataille. Dilettantisme !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Enfin, troisièmement, pouvez-vous, monsieur le député, me donner le nom d'un ministre de l'éducation nationale qui n'ait pas connu de manifestations ? Si vous le pouvez, je veux bien être pendu sous un fraisier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

RISQUES DE MARÉE NOIRE

    M. le président. La parole est à M. Edouard Landrain, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Édouard Landrain. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Monsieur le Premier ministre, la nappe d'hydrocarbures échappée lors du naufrage du pétrolier poubelle Prestige, après avoir souillé les côtes portugaises et espagnoles, s'approche des côtes françaises : elle serait à 250 kilomètres. Déjà, des oiseaux mazoutés sont découverts le long des côtes aquitaines.
    Très judicieusement, le Gouvernement a immédiatement activé le volet maritime du plan Polmar. Pouvez-vous nous dire quelles sont, par ailleurs, les mesures et dispositions prises pour faire face à une éventuelle marée noire sur notre littoral et rassurer nos populations maritimes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Landrain, comme un certain nombre d'entre vous, j'ai manifesté derrière les banderoles « Erika, plus jamais ça ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Je me souviens de la situation que nous avons vécue, les uns et les autres, dans nos régions. Je me souviens des activités touristiques effondrées, de la conchyliculture dévastée, de toutes ces difficultés majeures et des années nécessaires pour restaurer l'image des territoires ainsi abîmés. Tout cela est encore au plus profond de nous-mêmes.
    C'est pour cela, d'abord, que nous avons exprimé notre profonde solidarité avec les autorités espagnoles et les autorités régionales de Galice, où Mme Bachelot s'est rendue immédiatement.
    M. Arnaud Montebourg. Nous sommes sauvés !
    M. le Premier ministre. Nous avons, ensuite, fait notre travail en proposant à l'Union européenne les véritables décisions d'avenir, des décisions que nous sommes déjà prêts, en ce qui nous concerne, nous, la République française, à assumer, en faisant en sorte que notre armée puisse mettre les bateaux poubelles à 200 milles de nos côtes pour faire respecter la protection de notre littoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Sur cette catastrophe menaçante, les informations ne sont pas aujourd'hui pessimistes, nous ne sommes pas face à une situation d'extrême urgence. Cependant, j'ai décidé de créer un comité interministériel permanent de vigilance, de manière que l'ensemble des partenaires de l'action nationale puissent suivre l'évolution des nappes qui menacent nos côtes. Nous mettons en place une mobilisation à la fois environnementale, scientifique,...
    M. Henri Emmanuelli. Il faut les moyens !
    M. le Premier ministre. ... et financières. Les moyens seront là ! Quand on veut, on met les moyens nécessaires ! Et c'est ce que nous ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. On met combien ?
    M. le Premier ministre. Mais je tiens aussi à dire que l'ensemble des dispositions sont prises en concertation avec les professionnels de la mer, qui connaissent mieux que d'autres cet environnement naturel. Nous travaillons avec les pêcheurs, avec les conchyliculteurs, avec l'ensemble des acteurs de notre littoral, pour dégager tous les moyens nécessaires.
    On a constaté, dans le passé, que de telles catastrophes prenaient les gouvernements par surprise.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. le Premier ministre. Je ne souhaite pas que le gouvernement que j'ai l'honneur de diriger soit, sur ce sujet, surpris par les événements. C'est pourquoi Roselyne Bachelot sera dès dimanche prochain sur le littoral, avec l'ensemble des acteurs, pour nous préparer à toute éventualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

suppressions de postes
dans l'éducation nationale

    M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste.
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, hier après-midi, mon collègue Yves Durand vous a posé un certain nombre de questions auxquelles vous n'avez pas répondu (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), tout en dénigrant une fois de plus la qualité de notre système éducatif, en contradiction d'ailleurs avec les déclarations du Premier ministre sur la réussite de notre école. Il me paraît donc indispensable que la représentation nationale puisse entendre de votre part une réponse précise à la question concrète qui se posera dans toutes les écoles, dans tous les collèges et dans tous les lycées dès la rentrée prochaine, suite à la suppression des 5 000 emplois de professeurs d'enseignement secondaire, des 500 emplois de professeurs d'enseignement supérieur, des 1 000 emplois d'ATOS, des 19 000 postes de professeurs ouverts aux concours, et au non-remplacement de 5 600 postes de surveillant et des 20 000 aides-éducateurs que vous avez supprimés. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Jean Marsaudon. Bon, il n'y a plus personne alors ?
    M. Richard Mallié. Plus il y a de monde, moins il y a de résultats !
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les raisons que vous évoquiez lors de la discussion budgétaire pour repousser notre demande de rétablir les crédits nécessaires au maintien de ces postes de surveillants et d'aides-éducateurs ne sont pas sérieuses. Vous nous dites en effet qu'un crédit de quatorze millions d'euros est prévu pour cofinancer vos « assistants d'éducation ».
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Or quatorze millions d'euros ne couvrent que quelques centaines de postes, alors que vous en supprimez plus de 25 000.
    Un député du groupe socialiste. Eh oui !
    Mme Martine Carrillon-Couvreur. Alors, monsieur le ministre, soyez rigoureux, et dites-nous enfin clairement sur quels crédits vous allez financer votre nouvelle promesse de fournir autant de surveillants à la rentrée 2003 qu'en 2002 alors que votre collègue du budget a déjà annoncé un gel des crédits dès janvier prochain. Par quels impôts locaux supplémentaires allez-vous contraindre les collectivités territoriales (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) à compenser votre désengagement sur l'école ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Alain Néri. Ferry le petit !
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Très drôle ! Madame la députée, je vais vous répondre très précisément.
    Sur le premier point, d'abord : nous avons, c'est vrai, renoncé à créer non pas les 5 000, mais les 2 000 postes qui étaient prévus dans le second degré, parce que nous avons décidé de faire plus sur le premier degré, et moins, en effet, sur le second degré.
    M. Jean-Jack Queyranne. Il faut faire plus partout !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ah oui ! Faire plus partout, ça c'est intelligent ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Glavany. C'est la France d'en haut qui parle ! Celle qui est plus intelligente que tout le monde !(Sourires.)
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Cela dit, je maintiens que les 3 000 titularisations qui étaient prévues auront bien lieu, et elles se feront sur emplois vacants.
    En ce qui concerne les aides-éducateurs, je dois vous préciser qu'il en restera 37 000 à la rentrée 2003.
    M. Yves Durand. Vous ne répondez pas à la question !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Ce qui est vrai, c'est que nous ne renouvellerons pas les aides-éducateurs sur le même dispositif, mais sur deux autres dispositifs, qui sont meilleurs.
    M. Bernard Roman. C'est quoi, ces dispositifs ?
    Mme Martine David. Ce n'est pas la question !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Le premier est le dispositif CIVIS, dont le Président de la République a annoncé hier qu'il comporterait déjà - voilà un chiffre concret - 6 000 aides pour les enfants handicapés scolarisables.
(« On les paie comment ? » sur les bancs du groupe socialiste.).
Le deuxième dispositif que nous mettrons en place, et que nous préciserons probablement dans les quinze jours à venir est celui des assistants d'éducation,...
    M. Jean Glavany. Combien ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... qui à mon avis sera meilleur sur quatre points. Premièrement, il y aura un recrutement de proximité. Deuxièmement, il y aura une validation des acquis de l'expérience professionnelle.
    M. Claude Gatignol et M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Troisièmement, il y aura une vraie formation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quatrièmement, nous proposerons d'encourager le mi-temps (Protestations sur les bancs du groupe socaliste) afin d'aider plus d'étudiants, qui seront davantage présents dans les établissements et à qui nous voulons permettre de passer leurs examens dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Mais il n'a absolument pas répondu ! C'est incroyable !
    M. Christian Bataille. Salonnard !
    M. le président. Merci, monsieur Bataille, de ne pas trop crier.

ÉLIMINATION DES STOCKS DE FARINES ANIMALES

    M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Jean Lassalle. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je voudrais attirer votre attention sur le très délicat problème des farines animales. Vous savez qu'actuellement, on construit un peu partout en France un certain nombre de centres de stockage - notamment dans le Calvados, et c'est la raison pour laquelle j'associe à ma question mon collègue Claude Leteurtre.
    Ces centres de stockage suscitent une certaine inquiétude de la part des paysans, mais aussi des élus locaux et de l'ensemble des populations. Nous savons qu'aujourd'hui à peu près un quart des farines animales sont brûlées dans des cimenteries. Pour le reste, des centres d'incinération doivent être construits en 2004 ou 2005. Mais ce délai est long, et les élus locaux s'inquiètent devant la construction de centres de stockage. Celui que j'ai en tête prévoit vingt-trois hectares, qui seront pris dans la campagne, dans des villages qui verront passer cent cinquante camions par jour.
    Alors, madame la ministre, monsieur le ministre, que pensez-vous faire pour qu'on puisse régler d'une manière définitive ce très délicat problème ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député Jean Lassalle, cette question relève plus, en effet, de la responsabilité de mon collègue ministre de l'agriculture, mais en tant que ministre de l'écologie et du développement durable, je suis très heureuse de vous répondre.
    Outre le stockage transitoire des farines animales qui ne peuvent pas encore être brûlées dans les cimenteries, il a été développé un programme d'appel à projets, avec deux filières : une valorisation énergétique ou une valorisation non-énergétique. Trente-quatre projets ont été retenus et analysés. Pour l'instant, quatre projets nous ont paru mériter d'être retenus, dans l'Orne, dans la Meurthe-et-Moselle, dans l'Ille-et-Vilaine et dans les Deux-Sèvres.
    M. Bernard Roman. Enfin !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ces quatre projets ont un taux de valorisation énergétique d'au moins 70 %. Maintenant, monsieur le député, ce sont simplement des projets. Ils seront analysés au titre des installations classées et, bien entendu, ils ne pourront être validés qu'après autorisation de la Commission européenne. Si ces projets étaient retenus, ce qui n'est pas encore le cas, ils pourraient recevoir de la part de l'Union européenne, de l'Etat et des collectivités territoriales un financement pour l'investissement. Ils pourraient également recevoir un financement par tonne éliminée, avec un taux dégressif sur cinq ans, comme pour les cimenteries, et ils bénéficieraient de l'obligation d'achat par EDF dans le cadre des énergies renouvables.
    Voilà, monsieur le député, ce que je peux vous dire, pour l'instant, de ce dossier. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jean-Claude Lemoine. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et concerne la démographie médicale.
    Si le nombre global de médecins est suffisant, la plupart des départements ruraux, comme vous le savez bien, monsieur le ministre, manquent cruellement de professionnels de santé, ce qui ne permet plus d'assurer un niveau suffisant de sécurité sanitaire.
    Dans mon département, par exemple, dont la population est de 500 000 habitants, cinquante généralistes ont pris leur retraite ou leur préretraite - en vertu d'une mesure aujourd'hui heureusement supprimée - sans avoir de successeur. Une clinique chirurgicale et une maternité ont dû fermer leurs portes faute d'anesthésiste ou d'accoucheur. De même, un certain nombre de postes hospitaliers ouverts ne sont pas pourvus.
    Monsieur le ministre, confronté à cette situation que vous avez héritée, vous avez demandé un rapport au professeur Berland. Pourriez-vous nous faire part des conclusions de ce rapport...
    M. Christian Bataille. Ah, c'est une question ce « Allô » !
    M. Jean-Claude Lemoine. ... et nous indiquer les différentes actions que vous envisagez pour faire en sorte que l'offre de soins soit partout suffisante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, il est vrai que vous avez été un des premiers (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) à attirer l'attention sur la pénurie de médecins, car, comme vous venez de le signaler, cinquante généralistes de votre département sont partis en retraite sans être remplacés.
    Dès que la responsabilité du ministère de la santé m'a été confiée, je me suis intéressé à ce problème de la démographie médicale. Après cinq mois de travail, le doyen Berland vient de me remettre le rapport établi à ce sujet par le groupe d'étude qu'il présidait. Ce rapport comporte un certain nombre de propositions ; j'en citerai les principales.
    Premièrement, ce rapport met l'accent sur la pénurie qui s'annonce et qui va encore s'accentuer à l'avenir. Le doyen Berland insiste sur la nécessité de remonter le numerus clausus des étudiants de 5 100 à 8 000 en cinq ans, si l'on ne veut pas connaître des désordres graves à l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Deuxièmement, il souligne les inégalités régionales. Il faudra mettre en place l'observatoire national de la démographie médicale, tout en prévoyant des relais dans les régions.
    Troisièmement, ce rapport insiste sur la nécessité absolue, dont nous avons déjà parlé, d'inciter à l'installation dans les zones menacées de désertification, notamment rurales,...
    M. François Goulard. C'est nécessaire !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... ou dans certaines banlieues. Les aides apportées en ce domaine ne doivent pas être conjoncturelles, mais véritablement incitatives et attractives.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Par ailleurs, à l'instar de ce que j'ai proposé, il préconise de faciliter l'ouverture de cabinets secondaires dans les milieux ruraux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quatrièmement, ce rapport souligne que l'exercice des professionnels de santé va connaître une profonde mutation - c'est une donnée dont nous devons être conscients. Pour faire face à cette mutation, il préconise d'encourager la constitution de cabinets de groupe, de structures pluridisciplinaires et de maisons médicales.
    M. René Couanau. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Cinquièmement, enfin, il suggère de redéfinir le cadre des compétences des professions de santé, au moins à titre expérimental.
    Je vais étudier ces propositions, poursuivre la concertation et prendre les décisions qui s'imposent avec le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ENLÈVEMENTS INTERNATIONAUX
D'ENFANTS DE COUPLES MIXTES

    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe de l'UMP.
    M. Pierre Cardo. Monsieur le garde des sceaux, nous nous sommes entretenus à plusieurs reprises ces dernières semaines du douloureux problème des enlèvements internationaux d'enfants au sein des couples mixtes et plus particulièrement des couples franco-allemands, problème pour lequel votre ministère m'a mandaté comme médiateur, avec Pervenche Berès, député européen, et le sénateur de Villepin.
    Les drames douloureux vécus par les conjoints et les enfants concernés vous ont amené à reconduire notre mission de médiation, installée en 1999 par Mme Guigou, et à renforcer les moyens de la mission d'aide à la médiation internationale pour les familles, créée plus récemment.
    En dépit de ces dispositions prises par la France, de votre soutien et du travail que nous menons avec nos trois homologues allemands, parlementaires eux aussi, un blocage de plus en plus sensible résultant de décisions de certains tribunaux nationaux ne respectant ni les accords ni les instruments internationaux a freiné ces derniers mois le règlement des conflits.
    Vendredi dernier, à Bruxelles, vous avez, monsieur le ministre, rencontré vos homologues européens de la justice et réussi, semble-t-il, à emporter leur adhésion sur un accord qui clarifierait les procédures européennes sur les conditions de jugement, d'audition des parents, de droit de visite et d'hébergement.
    Pourriez-vous préciser à la représentation nationale le contenu de cet accord ?
    Celui-ci présage-t-il l'élaboration d'une législation européenne sur la famille ?
    Quelle est aujourd'hui la position de la ministre allemande de la justice, dont le prédécesseur avait jusqu'alors bloqué, avec les pays du nord de l'Europe, toute avancée en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Cardo, je tiens d'abord à vous remercier pour le travail que vous accomplissez depuis des mois (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) pour participer au règlement de ce problème extraordinairement difficile et extrêmement douloureux pour un très grand nombre de familles.
    Je rappelle à l'Assemblée nationale que plus de 200 dossiers, connus du ministère de la justice, sont aujourd'hui pendants et en attente de décision.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous aussi, nous attendons des décisions !
    M. le garde des sceaux. L'accord intervenu vendredi est effectivement un accord politique, pris par les ministres européens de la justice. Ceux-ci ont voulu mettre un terme à un douloureux problème et faire en sorte que l'Europe de la justice réponde enfin de manière concrète à une préoccupation concrète d'un grand nombre de familles européennes.
    Je tiens à remercier la nouvelle ministre allemande de la justice, grâce à qui cet accord a été rendu possible. Je l'avais rencontrée d'une manière bilatérale, quatre jours avant la signature, pour lui indiquer qu'il était nécessaire que la position du Gouvernement allemand évolue sur cette affaire, car plus personne ne comprenait la position de la justice allemande.
    Quel est le contenu de cet accord ? D'abord, il enferme dans un délai de six semaines la décision de la juridiction du pays dans lequel l'enfant a été enlevé pour décider ou non du renvoi de celui-ci dans son pays d'origine : six semaines et pas plus !
    Ensuite, il prévoit une notification automatique par l'intermédiaire des autorités judiciaires des deux pays concernés auprès de la justice du pays de résidence normale de l'enfant, afin qu'une décision définitive soit prise par la juridiction de résidence habituelle. Cet accord politique reconnaît cette juridiction comme étant celle qui doit prendre la décision définitive, étant précisé que celle-ci est immédiatement exécutoire dans l'autre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Voilà, mesdames et messieurs les députés, le contenu d'un accord politique qui me paraît répondre à une véritable attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

LICENCIEMENTS ET PLANS SOCIAUX

    M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Néri. Monsieur le président ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Nous savons aujourd'hui, à travers nos rencontres régulières avec les salariés et leurs organisations syndicales,...
    M. Jean-Michel Fourgous. Il était temps !
    M. Alain Néri. ... que se prépare une vague de plans sociaux et de licenciements sans pareil à travers tout le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) L'inquiétude est grande.
    M. Richard Mallie. Ce sont les dispositions prises par les socialistes qui sont la cause de ces licenciements !
    M. Alain Néri. Monsieur le Premier ministre, votre majorité ne dit-elle pas tout bas ce que le Gouvernement n'ose pas dire tout haut ?
    La suspension de la loi de modernisation sociale n'est-elle pas, en réalité, une abrogation pure et simple que vous n'avez pas le courage d'annoncer clairement aux Français, contrairement d'ailleurs à M. Seillière ?
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Alain Néri. Le vote par votre majorité d'un amendement qui vise à supprimer l'obligation faite à l'employeur, en cas de plan social, de reclasser les salariés au sein de l'entreprise ou du groupe, c'est-à-dire l'abrogation de « l'amendement Samaritaine », répond à ce que réclame le MEDEF.
    De même, comment accepter la suppression pure et simple de « l'amendement Michelin », qui fait obligation de passer aux 35 heures avant tout plan social et tout licenciement dans l'entreprise ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Votre décision de suspendre pendant dix-huit mois les éléments protecteurs des salariés figurant dans la loi de modernisation sociale en cas de licenciements et de plans sociaux ne peut conduire qu'à la perte d'emplois dans notre pays. (Prostestations sur les mêmes bancs).
    M. André Gerin. Il a raison !
    M. Alain Néri. Nous vous l'avons déjà dit, nous vous le répétons, mais vous ne voulez pas écouter ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. Christian Bataille. C'est vrai !
    M. Alain Néri. Vous parlez constamment de négociations avec les partenaires sociaux. Alors chiche, monsieur le Premier ministre !
    En attendant, allez-vous enfin renoncer à la suppression de mesures indispensables à la protection des salariés ? (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Allez-vous, pendant toute cette période, vous opposer à la multiplication des plans sociaux et des licenciements, dont vous et votre majorité serez les seuls et uniques responsables puisque vous détenez tous les pouvoirs ? (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Richard Mallié. C'est l'héritage !
    M. le président. Monsieur Néri, voulez-vous poser votre question ?
    M. Alain Néri. Ce n'est pas l'arrogance de votre majorité, l'intégrisme de certains de ses membres (Huées et claquements de pupitre sur les mêmes bancs.) et le désir de revanche sociale d'autres...
    M. le président. Monsieur Néri !
    M. Alain Néri. ... qui peuvent contribuer à la concertation et au dialogue social dont vous nous parlez sans cesse. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Merci, monsieur Néri ! Nous avons compris votre question.
    M. Alain Néri. Monsieur le Premier ministre, le pays attend de votre part une réponse claire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, vous venez de donner une nouvelle fois une belle démonstration de l'arrogance et de la suffisance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) avec laquelle vous traitez les problèmes économiques de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Vous parlez d'or !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La loi de modernisation sociale, qui a été arrachée au groupe socialiste par M. Gremetz et par les communistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), qui n'a pas été mise en oeuvre par le gouvernement précédent,...
    M. Richard Mallié. C'est exact !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... lequel n'a publié que quatre décrets d'application sur les trente qui étaient nécessaires, n'a que des effets négatifs sur l'économie ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est une loi qui pénalise les entreprises en les empêchant de s'adapter à la situation économique ! C'est une loi qui laisse les salariés dans l'incertitude pendant de longues périodes, au lieu de leur permettre de se réadapter et de se reconvertir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    C'est une loi qui a été critiquée par toutes les organisations syndicales sans exception ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est une loi qui n'a d'équivalent dans aucun autre pays européen et dans aucun autre pays du monde. (Mêmes mouvements.)
    Alors oui, nous allons la suspendre !
    M. Augustin Bonrepaux. Non, vous allez la supprimer !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et si nous avons décidé de la suspendre, monsieur Néri, c'est parce que nous ne voulons pas faire comme vous : nous ne voulons pas imposer aux partenaires sociaux une solution sans concertation !
    Mme Martine David. Et au patronat ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous voulons au contraire demander aux partenaires sociaux de négocier, comme ils le font d'ailleurs dans beaucoup d'entreprises, les conditions de la formation des salariés et celles de la reconversion.
    Aujourd'hui, dans beaucoup d'entreprises, des accords quant à la méthode ont été passés par les organisations syndicales,...
    M. Jacques Barrot. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... parfois à l'unanimité, en contradiction avec la loi de modernisation sociale et en contradiction avec la position archaïque que vous continuez à défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

    M. le président. La parole est à M. Alain Merly, pour le groupe de l'UMP.
    M. Alain Merly. Monsieur le garde des sceaux, depuis le plan Chalandon de 1986-1988, rien n'avait été fait pour l'institution pénitentiaire, avant que vous ne preniez des mesures d'urgence et que nous votions, cet été, un plan de grande envergure pour rattraper le retard pris par la gauche. Cependant, la situation dans nos prisons reste préoccupante. Il se pose des problèmes de locaux, de surpopulation carcérale, et d'insécurité. Et les événements récents de la semaine dernière sont le témoignage des difficultés existant dans nos prisons.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer dès à présent des mesures que vous allez prendre et des moyens que vous allez mettre en place pour renforcer la sécurité dans les établissements pénitentiaires, afin de garantir de meilleures conditions de travail aux personnels de ces établissements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je voudrais d'abord rendre hommage au courage et à la détermination des personnels pénitentiaires qui, il y a quelques jours, à Arles, ont mis en échec une tentative d'évasion (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) au cours de laquelle ont été utilisés des moyens considérables et, en particulier, des armes de guerre. J'ai eu l'occasion d'aller féliciter sur place ces surveillants, qui risquent leur vie pour assumer leurs obligations professionnelles.
    Je tiens ensuite à vous indiquer que si nous avons, avec Pierre Bédier, annoncé la construction de vingt-huit établissements pénitentiaires nouveaux dans les cinq ans, c'est bien parce que nous souhaitons disposer d'un parc pénitentiaire suffisamment moderne et sécurisé pour mieux répondre aux nécessités de sécurité des personnels et aussi, bien sûr, pour rendre acceptables les conditions d'accueil des prisonniers.
    En ce qui concerne le court terme, nous avons pu dégager, dans le budget pour 2003, 12,5 millions d'euros afin de renforcer la sécurité des établissements actuellement en activité, en particulier pour améliorer la sécurité des miradors, la sécurité technologique de nos établissements, la sécurité des parloirs, en un mot pour améliorer à la fois la sécurité en termes de lutte contre les tentatives d'évasion et la sécurité des personnels - ce qui est indispensable, compte tenu d'une évolution préoccupante du comportement d'une partie de la population carcérale.
    Par ailleurs, nous avons installé, à la direction de l'administration pénitentiaire, un état-major « sécurité », qui fonctionne en permanence et qui est renforcé automatiquement en cas de crise : il a ainsi fonctionné lors des événements d'Arles.
    Enfin, un cadre supérieur de l'administration pénitentiaire s'est vu confier récemment par Pierre Bédier une mission technique d'évaluation des conditions de sécurité de chaque établissement, pour faire en sorte que, à très brève échéance, les conditions minimales de sécurité soient effectivement assurées dans l'ensemble de nos établissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

INSERTION PROFESSIONNELLE DES HANDICAPÉS

    M. le président. La parole est à M. Georges Colombier, pour le groupe de l'UMP.
    M. Georges Colombier. Madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, le Président de la République a annoncé, lors de l'installation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, réuni à l'Elysée, que la priorité serait donnée à l'aide personnalisée et à l'intégration professionnelle et sociale des personnes handicapées. Il a rappelé que ce combat qui vous rassemble est aussi le sien. Après avoir annoncé, le 14 juillet dernier, qu'il entendait faire de l'insertion des handicapés l'un des trois grands chantiers de son quinquennat, M. Jacques Chirac a donc montré qu'il n'avait pas oublié ses promesses.
    Un député du groupe socialiste. Brosse à reluire !
    M. Georges Colombier. Aussi, madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous préciser comment vous comptez mettre en oeuvre la vaste réforme sur le handicap, préconisée par le Président et tant attendue sur le terrain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    M. Arnaud Montebourg. Un ectoplasme ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le député, je vous remercie de votre question, que vous posez effectivement au lendemain de l'intervention du Président de la République devant le nouveau Conseil national consultatif des personnes handicapées. A cette occasion, le Président a rappelé la nécessité de réformer la loi de 1975, précisant que cette réforme sera vraisemblablement présentée en conseil des ministres avant l'été prochain et pourrait être discutée au Parlement dès l'automne 2003.
    Vous l'avez rappelé, il s'agit en effet d'aller vers une intégration totale des personnes handicapées, intégration qui passe notamment par des aides personnalisées et par une meilleure insertion professionnelle et sociale. Vaste chantier ! Je compte le mener avec Jean-François Mattei, en concertation régulière avec toutes les personnes intéressées : familles, collectivités locales, associations, professionnels et, bien sûr, Conseil national consultatif des personnes handicapées, lequel a déjà, dès hier, mis en place un certain nombre de groupes de travail qui doivent rendre leurs conclusions d'ici à trois mois.
    Ce vaste chantier, je compte également le mener en étroite collaboration avec les membres du Gouvernement. De nombreux ministères sont en effet concernés par le handicap et certains de mes collègues ont déjà pris des initiatives à ce sujet, ce dont je les félicite.
    Enfin, j'attends beaucoup du groupe d'étude sur le handicap qui vient de se constituer à l'Assemblée nationale sous la présidence de Jean-François Chossy.
    A ce jour, monsieur le député, je n'ai que deux certitudes : la première est que nous avons l'impérieuse obligation, le devoir absolu de rattraper notre retard, qui est important, en matière d'intégration des personnes handicapées ; la seconde, c'est qu'il s'agit d'un sujet qui transcende, me semble-t-il, les clivages politiques, et sur lequel nous ne réussirons que si nous travaillons tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

AVENIR DES EMPLOIS JEUNES

    M. le président. La parole est à Mme Claude Darciaux, pour le groupe socialiste.
    Mme Claude-Anne Darciaux. Avant de poser ma question, qui s'adresse à M. Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité...
    M. Pierre Lellouche. Très bon ministre des affaires sociales !
    Mme Claude-Anne Darciaux. ... je voudrais faire remarquer que, une fois de plus, le ministre de l'éducation nationale fuit les questions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ma collègue l'interroge sur le financement de ses effets d'annonce. Et elle n'obtient aucune réponse ! Et pour cause : M. Lambert a déjà annoncé un gel des crédits pour janvier.
    M. Hervé Novelli. Scandaleux !
    Mme Claude-Anne Darciaux. Monsieur le ministre...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Lequel ?
    Mme Claude-Anne Darciaux. ... je souhaite attirer votre attention sur le problème de la pérennisation des emplois jeunes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) rattachés aux collectivités locales et aux associations.
    L'objectif de ces emplois jeunes était bien de créer des emplois nouveaux (« Non ! » sur les mêmes bancs) pour répondre à des besoins de services publics non satisfaits. Par votre volonté, les employeurs, et plus particulièrement les associations, devront à l'avenir, faute de moyens, renoncer à certaines activités. Dans plusieurs domaines tels que le social, le sport et l'environnement, le manque sera particulièrement cruel et dramatique. Il mettra en péril l'avenir des politiques innovantes mises en place dans le cadre de ce dispositif.
    M. François Goulard. Avec quel argent ?
    Mme Claude-Anne Darciaux. Ce programme permettait d'élaborer une réelle politique de formation et de qualification des jeunes, tout en développant de nouveaux services aux usagers.
    M. Richard Mallié. Il créait surtout des postes de fonctionnaires supplémentaires.
    Mme Claude-Anne Darciaux. Je tiens plus particulièrement à vous interpeller sur la situation des emplois jeunes recrutés en qualité d'ambassadeurs du tri dans les établissements publics intercommunaux compétents en matière de traitement des déchets ménagers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
    Mme Claude-Anne Darciaux. La mise en oeuvre du tri sélectif représente un combat de tous les jours...
    M. le président. Madame, s'il vous plaît...
    Mme Claude-Anne Darciaux. ... et un travail de proximité avec la population. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
    Consciente des graves difficultés qui naîtront de ces disparitions, monsieur le ministre...
    M. le président. Madame, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît !
    Mme Claude-Anne Darciaux. J'y arrive, monsieur le président.
    M. le président. Alors, allez-y !
    Mme Claude-Anne Darciaux. ... j'aimerais que vous puissiez nous faire part des mesures que vous comptez prendre quant à l'avenir de ces emplois.
    Par ailleurs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)...
    M. le président. Non, madame...
    Mme Claude-Anne Darciaux. ... ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, que la nécessaire pérennisation de ces emplois dans les collectivités territoriales (Exclamations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)...
    M. le président. Merci, madame, nous avons compris.
    Mme Claude-Anne Darciaux. ... n'aggrave la fiscalité locale et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, la première question qui se pose est de savoir où est l'intérêt des jeunes.
    M. François Hollande. Et l'emploi ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'intérêt des jeunes aujourd'hui est-il d'avoir un véritable emploi (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), c'est-à-dire un CDI dans le secteur marchand avec de réelles perspectives de carrière, ou bien d'être enfermé dans une situation qui n'offre aucune issue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    C'est en réfléchissant à cette question que le Gouvernement a mis en place le contrat jeune en entreprise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et je suis heureux d'annoncer à l'Assemblée nationale qu'un mois et demi après la mise en place de ce contrat, le vingt-deux millième vient d'être signé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. Ce n'est rien du tout !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. S'agissant des emplois jeunes, l'objectif du gouvernement était bien, comme vous l'avez dit, madame, de créer de nouveaux emplois et de nouveaux services. Mais la pérennisation des emplois jeunes ne peut être le fait que des associations ou des collectivités ou des collectivités locales qui les créent. L'Etat n'a pas vocation à financer éternellement des emplois qui s'inscrivent normalement dans le marché du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine David. C'est une aide pour le patronat !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'autant que se pose une question à laquelle vous devriez être extrêmement attentifs : celle du statut des personnels qui occupent ces emplois. Car comment expliquer sur la longue durée que, dans une collectivité locale, il y ait des fonctionnaires territoriaux avec un statut protégé et, de l'autre côté, des jeunes engagés pour cinq ans, payés au SMIC et ne disposant pas de la sécurité d'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous allons aider les associations pendant trois années supplémentaires pour leur permettre de s'organiser. Nous allons mettre en place pour les associations un CIVIS qui permettra de répondre à nombre des besoins que vous avez évoqués.
    M. Augustin Bonrepaux. Avec quel argent ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais s'agissant des collectivités locales, mesdames et messieurs les députés, il faut dorénavant, alors que le dispositif des emplois-jeunes va se terminer en sifflet, que chacun assume ses responsabilités. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. Augustin Bonrepaux. Avec quels moyens ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, ne m'obligez pas à vous dire ce que j'ai dit hier à M. Degauchy ! (Sourires.)

INDEMNISATIONS DES VICTIMES DE L'ÉRIKA

    M. le président. La parole est à Mme Marguerite Lamour, pour le groupe UMP.
    Mme Marguerite Lamour. Ma question s'adresse à Mme Bachelot, ministre de l'écologie.
    Madame le ministre (« La ministre ! » sur les bancs du groupe socialiste), maire de Ploudalmézeau, commune du Finistère rendue célèbre voici plus de vingt-quatre ans par l'échouement du pétrolier Amoco Cadiz, je suis très sensibilisée à toutes les démarches ayant trait à la prévention des pollutions, mais aussi à l'indemnisation des victimes. La marée noire qui vient de souiller les côtes espagnoles démontre, s'il en était besoin, que nous devons rester constamment vigilants.
    La date limite donnée aux victimes du naufrage de l'Erika pour assigner le FIPOL en justice et ainsi préserver leurs droits à indemnisation est fixée au 12 décembre prochain. Le plafond du FIPOL est actuellement de 183 millions d'euros. Les demandes d'indemnisation présentées par les victimes s'élèvent à 247 millions d'euros, mais un quart seulement de cette somme a été à ce jour effectivement versé. Cependant, l'Etat, qui a pris en charge le nettoyage et la restauration du littoral pollué, aurait lui-même dépensé environ 150 millions d'euros. Quant à Total, qui a financé le pompage de la cargaison, une partie du nettoyage ainsi que le traitement des déchets, ses dépenses s'élèveraient à 170 millions d'euros.
    Un accord conclu sous le précédent gouvernement a prévu que l'Etat et Total ne présenteraient pas de demande d'indemnisation tant que les autres demandes, celles des victimes directes, n'auraient pas été indemnisées à 100 %.
    Mes questions sont les suivantes. L'Etat va-t-il assigner le FIPOL avant le 12 décembre et lui présenter sa créance ? Maintient-il, cependant, son engagement de se situer volontairement en créancier de second rang ? Si, comme il est probable, l'Etat n'est pas remboursé des dépenses et frais engagés par ses services dans le cadre du FIPOL, va-t-il s'engager dans d'autres voies, judiciaires par exemple, pour éviter que les dépenses Erika demeurent fort injustement à la charge de la collectivité nationale ?
    Enfin, tirant la leçon de l'expérience Erika, n'est-il pas envisagé de renverser les rôles en cas de pollution par les hydrocarbures, en imposant à l'industrie pétrolière de prendre en charge le nettoyage et la restauration du littoral pollué sous la surveillance de la collectivité, comme c'est la règle aux Etats-Unis, alors qu'aujourd'hui, ce sont les représentants des victimes qui doivent prendre en charge ces opérations sous le contrôle du FIPOL et des pétroliers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la députée, vous m'avez posé des questions précises.
    L'Etat va-t-il assigner le FIPOL avant le 12 décembre et présenter sa créance ? A cette question, je réponds oui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'Etat va-t-il accepter de se situer en créancier de deuxième rang pour laisser en premier rang les collectivités territoriales et les créanciers privés ? A cette deuxième question, je réponds oui. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    L'Etat voudra-t-il aller plus loin dans ses actions judiciaires ? Ma réponse sera un peu plus technique. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Sur le plan pénal, nous pouvons ester contre le commandant du navire, cela ne nous emmenera pas très loin. Sur le plan civil, nous pouvons ester contre l'armateur, mais les conventions sur la responsabilité, les conventions CLC, limitent l'indemnisation à 12,5 millions de dollars. Et, dans le cadre de la convention FIPOL, l'action en justice ne nous mènerait à rien.
    Par ailleurs, vous me demandez s'il ne faudrait pas quitter la convention FIPOL pour obtenir une meilleure indemnisation ? Avec mon collègue Dominique Bussereau, nous souhaitons plutôt améliorer le FIPOL. D'ores et déjà, le plafond de l'indemnisation, qui était fixé à 1,2 milliard de francs, est passé à 1,8 milliard de francs, c'est-à-dire 275 millions d'euros. La France veut porter ce plafond à 1 milliard d'euros.
    M. René Couanau. Très bien !
    Mme la ministre de l'environnement et du développement durable. De plus, alors qu'à l'heure actuelle, l'indemnisation ne porte que sur les dommages économiques, nous voulons aussi toucher les dommages écologiques. C'est pourquoi j'ai demandé préventivement un état des lieux écologique à Mmes et MM. les préfets de façon à être prêts à demander des indemnisations dans le cas où une marée noire se produirait.
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mais nous voulons aller beaucoup plus loin, avec l'appui des autres pays de l'Union européenne, même si certains sont réticents. Tel est le sens du paquet franco-espagnol de Malaga que nous présenterons aux autres pays européens, pour mieux réparer les dommages qui ont cruellement touché votre département, madame la députée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME DE L'ÉNA

    M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le groupe UMP.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    Monsieur le ministre, lors de la discussion budgétaire qui s'est tenue le 7 novembre dernier dans cette enceinte, vous vous étiez engagé personnellement à réformer l'Ecole nationale d'administration. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs de mes collègues de l'UMP, en particulier Louis Giscard d'Estaing, ici présent, rapporteur spécial de la commission des finances, ont souhaité conduire ce débat afin de donner aux élèves de l'ENA une meilleure formation.
    M. Jean Glavany. On leur a donné un nouveau directeur, c'est déjà pas mal !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ce débat avait pour objectif de nous permettre - Parlement et Gouvernement - de réfléchir ensemble au bien-fondé de cette école, notamment au regard des besoins actuels et surtout futurs de la fonction publique.
    M. Jean Le Garrec. Ah !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, qu'un sondage récent fait apparaître que, si les Français sont attachés à l'existence de cette grande école, ils souhaitent vivement qu'elle évolue.
    Aujourd'hui, nous apprenons la nomination d'un nouveau directeur à la tête de cette école. Je sais que le Premier ministre vous a donné pour mission d'être avant tout efficace. Mais nous sommes agréablement surpris par la rapidité de votre réaction après le débat qui a eu lieu dans cet hémicycle. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Devons-nous en déduire, monsieur le ministre, que cette nomination est le commencement du début de la réforme de l'Etat que bon nombre d'entre nous attendent ? Le cas échéant, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale l'esprit qui vous anime et la méthode que vous entendez adopter pour mener cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - « Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, effectivement nous avons eu sur l'ENA un débat que je qualifierai de riche. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) avec vous-même, M. Louis Giscard d'Estaing et d'autres. J'ai pris des engagements, je les respecte.
    J'annoncerai dans quelques jours la mise en place d'une commission. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Arnaud Montebourg. Nous ne voulons plus de commission !
    M. René Couanau. Giscard président !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Présidée par une personnalité de dimension européenne et associant les parlementaires, cette commission devra se pencher sur l'évolution nécessaire de nos outils de formation pour les cadres supérieurs de la fonction publique.
    Les exigences du service public, vous avez raison d'insister, sont grandes en matière de formation initiale et continue. Je souhaite, pour ma part, introduire, ou réintroduire, à l'Ecole nationale d'administration, la dimension européenne, la dimension de l'entreprise, la dimension des ressources humaines, la dimension du territorial. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Arnaud Montebourg. Une commission par dimension !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je ne conçois pas que quelqu'un qui est appelé à exercer de hautes fonctions administratives puisse ignorer, à sa sortie de l'Ecole, la culture des administrés dont il aura la charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Telles sont les réponses que je peux vous apporter. Elles signifient changement de stratégies, changement de direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, relatif à l'organisation et au déroulement de nos travaux.
    L'Assemblée nationale ne travaille pas dans de bonnes conditions. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je voudrais, tout d'abord, évoquer l'attitude de plus en plus méprisante et brutale des députés de la majorité à l'égard des députés de l'opposition. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Cette attitude prive nos débats de la sérénité qui leur est nécessaire. J'en donnerai un seul exemple : hier soir, en défendant une exception d'irrecevabilité sur le projet de loi visant à suspendre la loi de modernisation sociale, notre collègue Jean Le Garrec a été constamment empêché de s'exprimer par les interruptions répétées des députés de la majorité.
    Les droits de l'opposition doivent être garantis tout au long de nos débats, ce qui n'est pas le cas. Je vous ai d'ailleurs écrit, monsieur le président, pour vous demander de saisir le Bureau de cette question.
    Par ailleurs, l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale prévoit, pour cette semaine, l'examen en première lecture de deux textes importants : le projet de loi de suspension de la loi de modernisation sociale et le collectif budgétaire. Il apparaît aujourd'hui que le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002, qui traduit le caractère irréaliste du budget pour 2003, ne pourra, au mieux, que commencer le vendredi 6 décembre. Je vous demande de reporter cet examen à la semaine prochaine. Nos collègues socialistes de la commission des finances sont même prêts à siéger dès lundi, dans un esprit constructif.
    Nous réfutons l'argument du Gouvernement selon lequel nous serions responsables de cette situation parce que nous aurions prolongé la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République.
    Il lui appartenait en effet de mieux organiser l'examen de cette réforme, qu'il a voulu faire passer à la sauvette en trois jours, comptant sur une majorité muselée.
    Vous-même, monsieur le président, vous avez exprimé votre souhait de mieux organiser les travaux législatifs. Nous partageons ce souhait, mais nous ne pouvons qu'être inquiets du programme de travail de l'Assemblée nationale pour les trois prochaines semaines, puisque celle-ci devra examiner le collectif budgétaire - rien de moins que six textes, et non des moindres - en première lecture avant Noël, concernant notamment l'ouverture du marché de l'énergie, les juges de proximité, le mandat d'arrêt européen, la responsabilité civile médicale. Et je ne parle pas de la deuxième lecture du projet de loi d'abrogation des 35 heures notre dernier jour de séance, ni des textes issus de commissions mixtes paritaires, comme le projet de loi de finances pour 2003.
    A cet ordre du jour surchargé s'ajoute la volonté du Gouvernement et de la majorité d'empêcher le dépôt d'amendements au projet de loi pour la sécurité intérieure. En effet, le rapport sur ce texte sera distribué en pleine trêve des confiseurs. Peut-être est-ce là pour le Gouvernement une façon de maîtriser les initiatives les plus réactionnaires des députés de l'UMP. (Exclamations sur les mêmes bancs.) C'est en tout cas une mise en cause inadmissible des droits de l'opposition.
    Au-delà - ce sera mon dernier mot -, c'est la démocratie parlem entaire qui est en cause : concentration des pouvoirs dans les mains du Président et du Premier ministre, majorité de droite à l'Assemblée nationale et au Sénat (Exclamations sur les mêmes bancs),...
    M. Charles Cova. Ce n'est pas notre faute si les Français vont ont fichus dehors !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... urgence déclarée sur presque tous les textes, votes conformes ou commissions mixtes paritaires, avec une majorité aux ordres. On empêche l'opposition de s'exprimer. Telle est la réalité que nous vivons. (Murmures sur les mêmes bancs.)
    Monsieur le président, je vous le répète, nous sommes inquiets. Il est pour nous hors de question que l'Assemblée nationale devienne la chambre à coucher de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Tout cela est risible !
    M. le président. Monsieur Ayrault, je prends acte de votre rappel au règlement.
    J'ai moi-même rappelé au Gouvernement hier, lors de la conférence des présidents, la nécessité de s'interroger sur une meilleure organisation de nos travaux. Cette question est récurrente : elle se pose sous chaque gouvernement. On ne peut donc reprocher au gouvernement actuel d'être moins bien organisé que le précédent.
    J'ai également rappelé à plusieurs reprises la nécessité d'avoir des débats apaisés, en espérant que mon appel soit entendu sur tous les bancs de cet hémicycle.

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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003.

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ORGANISATION DÉCENTRALISÉE
DE LA RÉPUBLIQUE

Explication de vote et vote sur l'ensemble
d'un projet de loi constitutionnelle

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République (n°s 369, 376).
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en engageant la discussion générale, j'avais souligné combien cette réforme constitutionnelle était ambitieuse pour notre pays. Les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle ont permis à chacun d'entre vous d'en mesurer pleinement l'enjeu et de s'exprimer.
    Avec sa sensibilité propre, la majorité a manifesté son adhésion aux choix fondamentaux du Gouvernement. Je l'en remercie, tout comme je remercie particulièrement M. le président de la commission des lois, M. Pascal Clément, et M. le président de la commission des finances, M. Pierre Méhaignerie : en rapportant ce texte au nom de leur commission respective, ils ont apporté un éclairage toujours juste et pertinent à nos débats, ils ont également contribué à la clarté et à la précision indispensables à la norme constitutionnelle.
    Le texte issu de ces quelques jours - et de ces quelques nuits - de discussion traduit à la fois une convergence réelle avec le Sénat et un souci légitime d'améliorer le texte. Ainsi, la rédaction des articles 1, 1 bis et 2 est identique, qu'il s'agisse du principe de l'organisation décentralisée de la République ou de l'expérimentation d'Etat.
    Quant aux dispositions restant en discussion, elles procèdent d'ajouts ou de modifications positives. Ainsi, le deuxième alinéa du nouvel article 72, relatif aux compétences que les collectivités territoriales ont vocation à exercer, marque désormais, avec netteté, leur pouvoir décisionnel dans les domaines que le législateur leur assigne.
    S'agissant du droit à l'expérimentation reconnu aux collectivités territoriales comme à l'Etat, vous avez opportunément souhaité ajouter deux précisions : l'objet et la durée de l'expérimentation devront être limités ; et celle-ci ne sera pas possible lorsque les conditions essentielles d'exercice, tant d'une liberté publique que d'un droit constitutionnellement garanti, seront en cause.
    Au nouvel article 72-2, s'agissant de l'autonomie financière des collectivités territoriales, le principe de compensation a été utilement enrichi. La référence à l'extension des compétences des collectivités territoriales évitera tout risque de détournement de l'esprit du texte.
    Enfin, s'agissant des collectivités d'outre-mer, les hypothèses de consultation de leurs électeurs ont été opportunément complétées. L'ensemble du champ des questions susceptibles de justifier une telle consultation est désormais couvert.
    Vos débats ont également utilement éclairé la question de fond portant sur la distinction entre les collectivités territoriales et leurs groupements. La notion de collectivité territoriale de la République, telle qu'elle est définie par le premier alinéa de l'article 72, demeure dans la continuité de la conception traditionnelle qui a prévalu jusqu'à aujourd'hui. Celle-ci repose étroitement sur l'idée que l'assemblée délibérante d'une telle collectivité procède du suffrage universel direct. Toutefois, cette réforme ne ferme aucune porte pour l'avenir. La faculté offerte au législateur de créer une nouvelle catégorie de collectivités territoriales lui donnera la possibilité, le moment venu, de prendre parti sur l'assimilation de tel ou tel groupement à une collectivité territoriale à part entière.
    Néanmoins, les groupements de collectivités, et notamment les intercommunalités, ne pouvaient être laissés à l'écart de cette réforme. C'est pourquoi, à la suite d'un premier mouvement initié par le Sénat, il vous est apparu opportun de leur reconnaître, chaque fois que cela était pertinent, l'exercice des capacités que la Constitution confère aux collectivités territoriales elles-mêmes. Le Sénat l'avait fait pour le droit à l'expérimentation, vous l'avez fait pour la conduite de projets nécessitant le concours de plusieurs collectivités. Vous avez ainsi conjugué l'attachement légitime à la conception traditionnelle des collectivités territoriales et la nécessité pragmatique d'accompagner le mouvement très important de l'intercommunalité.
    Je n'oublie pas votre contribution sur la disposition relative aux prérogatives du Sénat. Nous avons, désormais, trouvé un juste équilibre entre deux aspects fondamentaux de notre Constitution : d'une part, le rôle de « représentation des collectivités territoriales de la République », que l'article 24 de notre loi fondamentale assigne au Sénat ; d'autre part, la prééminence que l'élection au suffrage universel direct confère nécessairement à l'Assemblée nationale.
    M. René Dosière. Vous abaissez l'Assemblée !
    M. le garde des sceaux. Mais, vous le savez, ce projet de loi constitutionnelle n'est que la première étape de la construction d'une nouvelle architecture de la République. Dès que la réforme constitutionnelle sera entrée en vigueur, vous aurez à débattre des trois grandes lois organiques destinées à encadrer et à préciser trois mesures phares : le droit à l'expérimentation des collectivités territoriales et de leurs groupements, le référendum décisionnel local et la mise en oeuvre progressive du rééquilibrage des finances locales, en application du principe désormais inscrit au nouvel article 72-2 et que je rappelle : « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représenteront, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. »
    M. René Dosière. On ne sait pas ce que cela recouvre.
    M. le garde des sceaux. Avec ces textes, vous avez commencé à dessiner les contours de l'acte II de la décentralisation.
    Enfin, les nouveaux textes sur le transfert des compétences apporteront la troisième pierre à l'édifice. Le droit à l'expérimentation que vous avez reconnu sera un outil décisif pour préparer ces futurs transferts quand une évaluation préalable à ceux-ci sera nécessaire. Ce faisant, nous construirons, grâce à un dialogue constant avec les élus locaux, l'architecture de la nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales.
    Je souhaite, à cet égard, redire toute l'importance que le Gouvernement attache à la concertation et à l'écoute du terrain. Les assises des libertés locales qui se tiennent depuis le mois dernier témoignent abondamment de la richesse des propositions et des observations des élus en matière de compétences nouvelles. L'organisation décentralisée de la République...
    M. Pierre Forgues. La désorganisation !
    M. le garde des sceaux. ... qui en découlera est bien l'enjeu central de la révision constitutionnelle que je vous demande aujourd'hui d'approuver en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué aux libertés locales, mes chers collègues, je voudrais d'abord remercier l'Assemblée tout entière pour les cinquante heures passées ensemble lors de l'examen de ce texte sur la loi fondamentale, texte qui revêt pour nous une solennité particulière. Je le reconnais, il nous a réservé quelques surprises. Personnellement, j'étais de ceux qui pensaient que l'opposition nous ferait plutôt le reproche de ne pas aller assez loin. Or j'ai cru comprendre que c'était l'inverse.
    M. René Dosière. Nous refusons l'abaissement de l'Assemblée !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Après avoir suivi les campagnes présidentielles des uns et des autres. Je m'étais dit qu'au moins sur ce sujet nous allions être d'accord pour ouvrir l'acte II de la décentralisation, pour reprendre le terme du garde des sceaux. Ma foi, cela ne s'est pas passé comme je l'avais prévu. Pour autant, merci à tous d'y avoir participé. Même si les six heures de suspension et de rappels au règlement ont pu paraître longues à certains d'entre nous...
    Je désire revenir sur certains amendements que nous avons adoptés lors des différentes séances qui ont permis - ou permettront dans quelques instants, je l'espère - l'adoption de ce texte.
    Nous avons adopté quinze amendements.
    M. René Dosière. Moins qu'au Sénat !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Remarquons qu'il s'agit d'une loi constitutionnelle qui, si l'on veut bien y réfléchir quelques instants, n'est pas de celles qui méritent d'être le plus amendées. Un tel texte a vocation à s'inscrire dans notre charte fondamentale : on ne peut pas trop en changer ni les termes, ni le sens, ni les orientations. L'Assemblée nationale, après le Sénat, n'en a pas moins amélioré le texte.
    L'un des points qui a fait question était l'article 3. Le texte initial présenté par le Gouvernement prévoyait que tout ce qui relevait non seulement de la libre administration des collectivités territoriales, mais aussi de leurs compétences et de leurs ressources serait inscrit en première lecture au Sénat. Aujourd'hui, après les discussions de l'Assemblée nationale, seuls les textes ayant trait à l'organisation des collectivités territoriales le seront. Et encore : nous avons bien précisé que le droit d'amendement inscrit dans l'article 44 de notre Constitution serait préservé pour l'Assemblé nationale.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Il ne saurait y avoir aucune priorité en la matière.
    M. René Dosière. On ne transige pas avec les principes !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Tout le monde le dit, mais il faut tout de même le rappeler, cela ne met pas en cause l'essentiel de l'esprit de la Ve République, qui donne le dernier mot à l'Assemblée nationale.
    M. Claude Gatignol. Heureusement !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur En cas de désaccord, même si le Sénat est saisi en première lecture, l'Assemblée aura de toute façon le dernier mot.
    M. Jacques Brunhes. Vous avez mangé votre chapeau, avouez-le !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Cette affaire s'est conclue sur un équilibre, dans le respet de la Haute assemblée élue par les élus territoriaux de France et dans le respect de la Ve République. C'est un point important qui permettra, je l'espère, un vote conforme de la Haute assemblée.
    Mme Ségolène Royal. Quel aveu !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous avons voulu préciser le principe de subsidiarité. Je vous ai ainsi proposé un amendement qui réserve aux collectivités territoriales le droit de prendre les décisions - et pas simplement l'exécution, comme il était prévu - relatives à l'exercice des compétences. Je rappelle néanmoins que ce principe ne peut pas s'appliquer à un Etat unitaire. C'est une grille de lecture indispensable permettant de savoir quelle est la collectivité la mieux à même d'exécuter telle ou telle disposition législative. Mais nous ne sommes pas dans un Etat fédéré, où l'on part de la base pour monter vers le sommet. Nous restons dans un Etat unitaire. Même décentralisé, c'est lui qui décide de déléguer à la base. A cet égard, il ne peut y avoir aucune ambiguïté.
    Plusieurs amendements concernant les groupements ont pris en compte des demandes issues du groupe socialiste, tant au Sénat qu'à l'Assemblée. Je rappelle que le Sénat avait accordé aux groupements le droit à l'expérimentation. L'Assemblée leur a permis d'être chefs de file. Nous avons ainsi salué l'existence des groupements de communes, sans aller jusqu'à les constitutionnaliser - leur périmètre n'étant pas encore défini et le mode de scrutin dont ils sont issus n'étant pas le suffrage universel direct.
    Enfin je voudrais saluer le président Pierre Méhaignerie et la commission des finances qui ont introduit deux amendements extrêmement importants à nos yeux.
    M. Augustin Bonrepaux. M. Méhaignerie n'a rien pu obtenir !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. L'un concernait l'extension des compétences des collectivités locales. Le Gouvernement ne pourra pas se contenter de dire qu'il va compenser ; il sera obligé de passer par la loi et la loi devra déterminer les ressources affectées à cette extension de compétences. Tout le monde comprend de quoi il s'agit. On ne veut plus revoir de loi du type « aide personnalisée à l'autonomie », qui a été intégralement financée par les conseils généraux, à la place de l'Etat. C'est pour l'éviter que la commission des finances a très justement parlé d'extension.
    Le principe de péréquation a été réécrit par la commission des finances. Il convient de « favoriser l'égalité entre collectivités territoriales » - thème du congrès des maires de cette année.
    Enfin, les dispositions concernant l'outre-mer, à un ou deux amendements près, semblent avoir donné satisfaction. Je voudrais saluer Mme Girardin et les élus d'outre-mer qui avaient, manifestement, longuement préparé ce texte en amont. Celui auquel nous avons abouti permet de prendre en compte à la fois la spécificité de l'outre-mer et l'unité de la République.
    A la demande de notre collègue René-Paul Victoria, député de la Réunion, a été voté un très bel amendement soulignant l'identité propre des populations d'outre-mer tout en confirmant l'unicité du peuple français. Il nous évitera de retrouver ce distinguo - qu'avait même fait le Conseil constitutionnel dans une des ces décisions - entre les peuples d'outre-mer et le peuple français.
    M. René Dosière. Voilà qui satisfait nos collègues de la Réunion !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Mais parlons de la Réunion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai souhaité faire en sorte que les élus de la Réunion puissent, conformément à leur volonté politique, ne pas pouvoir déroger au statut du département français type. C'est leur choix. Je considère qu'il vaut mieux ne pas être plus réunionnais que les Réunionnais !
    M. René Dosière. Qui fait la loi ?
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. C'est ce qui m'a amené à retirer cet amendement.
    En conclusion, mes chers collègues, cette loi est la pierre angulaire d'une réforme de l'Etat que nous appelons tous de nos voeux. Elle sera suivie par des lois organiques.
    M. Jacques Brunhes. Quand connaîtra-t-on leur contenu ? On travaille à l'aveugle !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Nous aurons à y préciser les conditions d'expérimentation des collectivités locales. Nous y définirons la « part déterminante » - le mot a fait florès - des ressources et les modalités du référendum local.
    Au-delà, des lois simples détermineront les compétences nouvelles transférées aux départements, aux régions ou aux groupements de communes.
    Ces lois ne seront pas « octroyées » aux élus locaux. Les assises qui sont actuellement animées par le ministre des collectivités locales et le Premier ministre permettront de faire remonter du terrain la volonté des élus locaux. Ce dialogue fera émerger les nouvelles compétences qui seront données à la France « d'en bas ». (Très bien ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Voilà l'esprit de cette loi constitutionnelle. C'est une avancée...
    M. André Chassaigne. Un recul !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. ... dont j'estime que nous devrions tous être fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Messieurs les ministres, vous aviez prévu d'expédier ce débat en cinq heures quinze minutes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), juste le temps nécessaire pour communiquer. L'opposition vous en a imposé presque dix fois plus, soit quarante-huit heures et trente minutes.
    M. Lionnel Luca. Et les 35 heures ? (Rires.)
    Mme Ségolène Royal. La décentralisation méritait mieux que ce débat brouillon, sur un texte au contenu constitutionnel contestable : débat auquel les Français n'ont rien compris.
    L'Assemblée nationale a été transformée en un théâtre d'ombres, son droit d'amendement a été étouffé dans un faux débat resté virtuel, faute d'en connaître les enjeux financiers. La manoeuvre a surtout consisté à obtenir de l'Assemblée nationale un vote conforme - le président de la commission des lois vient d'ailleurs de l'avouer - avec le Sénat, objet de toutes vos sollicitudes,...
    M. Lionnel Luca. Et de votre haine !
    Mme Ségolène Royal. ... et face auquel votre majorité, dans une passivité coupable, a accepté d'amputer la représentation nationale et son droit futur d'initiative et d'amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jérôme Bignon. Mensonge !
    Mme Ségolène Royal. Oui, messieurs les ministres, le législateur constitutionnel a été maltraité. Votre décentralisation se résume en une phrase : c'est une décentralisation inégale, au sein d'une République en morceaux, préemptée par les plus offrants. (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. Vous faites dans la nuance !
    Mme Ségolène Royal. Comment en êtes-vous arrivés là ? D'abord par une méthode autoritariste, ensuite par un état d'esprit sectaire et enfin par une vision rétrograde, puisqu'à aucun moment vous n'avez tracé les lignes d'horizon de la France de l'avenir. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. C'est excessif !
    M. Jean Ueberschlag. C'est du harcèlement !
    Mme Ségolène Royal. Une méthode autoritariste d'abord. On a vu, au cours de ce débat virtuel, des sénateurs et des députés de droite - et non des moindres puisque M. Méhaignerie, président de la commission des finances, en faisait partie - retirer sans gloire leurs amendements devant les injonctions gouvernementales.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. François Liberti. Ce n'est pas beau !
    Mme Ségolène Royal. On a assisté au refus de reconnaître l'intercommunalité, échelon de base de la démocratie locale avec les communes, malgré les promesses faites par le Premier ministre à Pierre Mauroy et à Jean-Claude Gaudin.
    Tout au long du débat, vous vous êtes opposés à toute transparence en refusant de communiquer les grandes lignes des lois organiques et des lois simples et en vous obstinant de façon choquante à ne pas répondre clairement sur les règles de transfert de ressources et sur les réformes fiscales, préparées dans le secret.
    Vous avez fait preuve d'un état d'esprit sectaire. L'opposition a été méprisée, ignorée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Aucune proposition d'amendement n'a été retenue, malgré les promesses initiales d'un Premier ministre qui déclarait encore il y a peu : « nous ne sommes pas bornés ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    D'abord, l'inscription dans la Constitution des principes d'égalité devant les services publics et d'unicité de la République, qui sont les deux piliers indispensables pour équilibrer la décentralisation, a été rejetée. Le principe de démocratie participative, ensuite, c'est-à-dire l'assurance de contre-pouvoirs indispensables dans une République moderne, a été refoulé. Le principe de la compensation financière que nous proposions pour assurer une égalité de développement sur tout le territoire de la République a été piétiné. Nous avons cherché à élaborer une loi simple, et fait des propositions concrètes sur la formation professionnelle, l'enseignement supérieur, les transports, le développement économique pour les régions et l'action sociale pour les départements. Nous n'avons pas été entendus.
    Enfin, s'agissant de l'outre-mer, tous les amendements ont été refusés. Sur la Nouvelle-Calédonie, vous avez refusé de rétablir la définition du corps électoral restreint, telle qu'elle résulte des accords de Nouméa...
    M. Jean Le Garrec. Ça, c'est très grave !
    M. Michel Delebarre. A la limite du scandale !
    Mme Ségolène Royal. ... et du vote quasi-unanime du Parlement. Une telle attitude est lourde de conséquences, car elle peut conduire à la remise en cause des accords de Nouméa et au retour de la violence sur le territoire. (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Vous avez fait prévaloir une vision rétrograde. Comme l'écrivait récemment un historien dans un quotidien du matin : le général de Gaulle voulait décentraliser en supprimant le Sénat (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ; vous, vous l'avez fait en lui accordant des faveurs, sans avoir le courage de le réformer. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Ce déséquilibre institutionnel est inquiétant. Il est également lourd de conséquences.
    M. Dominique Dord. Tout cela est très modéré !
    Mme Ségolène Royal. Cette vision rétrograde se traduit également dans l'expérimentation législative à la carte, qui ouvre un vaste marché de surenchère locale dont la nation sortira affaiblie, puisque la loi ne sera plus la même sur l'ensemble du territoire. L'éducation nationale a d'ailleurs commencé à « solder les stocks » en supprimant plus de 30 000 emplois dans les établissements scolaires sous prétexte de décentralisation et de subsidiarité.
    Nous sommes donc fondés à vous le dire : votre programme, c'est l'insécurité territoriale (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), le pouvoir des féodalités locales complaisamment renforcé sans faire progresser les contre-pouvoirs,...
    M. Michel Herbillon. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
    Mme Ségolène Royal. ... la mise à mal du principe constitutionnel d'égalité, l'alourdissement des impôts locaux, notamment sur les territoires les moins riches,...
    M. Michel Herbillon. Ennui et embarras sur les bancs du groupe socialiste !
    Mme Ségolène Royal. ... et enfin le déséquilibre des institutions aux dépens de l'Assemblée nationale et du suffrage universel direct.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est le Bazar de l'Hôtel de Ville !
    Mme Ségolène Royal. Mais c'est surtout le mépris des personnels concernés par ces transferts : éducation nationale, équipement, services sociaux... On entend déjà leurs inquiétudes. A aucun moment, ils n'ont été évoqués dans le débat. Avec une autre méthode et un autre contenu, vous auriez sans doute pu obtenir un consensus. Le groupe socialiste, passionnément décentralisateur (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), approuve le franchissement d'une nouvelle étape dans le transfert de compétences en direction des régions. Il a voté au cours de ce débat les timides avancées sur la démocratie directe, tout en déplorant le recul sur le droit de pétition.
    M. Michel Herbillon. C'est long, monsieur le président !
    Mme Ségolène Royal. Le groupe socialiste, compte tenu de ce médiocre débat, sans ambition, sans clarté - aucune réponse n'a été donnée à ses questions précises -...
    M. Michel Herbillon. Le groupe socialiste est très embarrassé !
    Mme Ségolène Royal. ... vous demande d'organiser le référendum promis, afin que les Français puissent exiger et obtenir, dans le débat public auquel vous serez dès lors contraints de vous soumettre, des réponses enfin claires sur ce sujet qui méritait mieux. Car votre mission, ce n'est pas de vous servir de la Constitution, c'est de servir la France, une France que nous voulons solidaire, irriguée de démocratie directe, farouchement attachée à l'égalité républicaine devant les services publics.
    M. Jérôme Bignon. Votez le texte, alors !
    Mme Ségolène Royal. Et c'est forts de cette conviction que nous voterons contre votre texte, et que nous demeurons tout aussi vigilants sur les textes suivants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.
    M. Jean Lassalle. Je vais essayer, comme vous l'avez demandé, monsieur le président, de faire une déclaration apaisante et apaisée. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre des collectivités locales, mes chers collègues nous arrivons au terme d'un long débat de quarante-cinq heures qui a montré, je crois, la ferme volonté de notre assemblée de conjuguer une France cohérente et solidaire, et une France qui s'ouvre et se décentralise.
    Le texte que nous allons voter est important, mais beaucoup de travail reste à faire pour réconcilier le citoyen et le législateur. Depuis un certain nombre d'années, tels certains vieux couples qui ne se parlent plus beaucoup, ils ne s'entendent pas forcément très bien. Une série de lois, relatives à l'aménagement du territoire, se sont succédé. Force est de constater que nos concitoyens, nos électeurs, n'y comprennent pas grand-chose, et qu'ils y voient plus un empilage, une série de bonnes intentions, qu'un vrai et grand élan pour notre pays.
    C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faudrait aujourd'hui profiter du travail très important que nous avons engagé, avec la réforme de la Constitution qui comporte en son sein des principes importants, pour essayer de les réconcilier, c'est-à-dire de faire participer, beaucoup plus profondément, les Françaises et les Français...
    Mme Muguette Jacquaint. C'est mal parti !
    M. Jean Lassalle. ... afin qu'ils fassent de cette loi un peu la leur, et qu'ils se l'approprient. Finalement - moi qui suis un jeune député, je le découvre -, on travaille beaucoup à l'Assemblée nationale ! Et la France d'en bas ne le sait pas forcément !
    M. Michel Delebarre. C'est certain !
    M. Jean Lassalle. La France d'en bas attend beaucoup de ses élus, mais elle ne voit rien venir. Ne pourrions-nous pas précisément, profiter des semaines et des mois qui viennent pour essayer de renouer avec elle des liens profonds, étroits, de confiance, qui nous permettront de libérer les énergies d'un peuple qui s'est assoupli depuis un certain temps, il faut dire les choses comme elles sont ? Il faut nous efforcer de redonner confiance et élan à des élus locaux qui ne demandent qu'à prendre des initiatives mais ne veulent pas être engloutis par une bureaucratie qui les dépasse totalement.
    Enfin, essayons d'associer par le dialogue, d'associer toutes celles et ceux qui ont le sentiment de faire quelque chose pour notre pays de n'être jamais entendus. Nous avons aujourd'hui, monsieur le président, une occasion historique d'y parvenir. Nous devons aller dans ce sens.
    J'exprimerai simplement un petit regret personnel, que vous comprendrez de la part d'un Pyrénéen, qui côtoie chez lui des Basques et des Béarnais : nous aurions pu être un peu plus courageux sur les langues régionales (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe socialiste.)
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    M. Jean Lassalle. Cela étant, le groupe UDF votera volontiers le texte que vous nous proposez et fera de son mieux, pour que les lois qui le prolongeront apportent le grand souffle et l'élan que notre pays attend. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Néri. Ah, les Pyrénéens !
    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. André Chassaigne pour le groupe de député-e-s communistes et républicains.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au terme de plusieurs dizaines d'heures de débat sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la décentralisation, je suis au regret de vous dire, messieurs les ministres, que nous ne sommes pas plus informés qu'avant de vos intentions réelles.
    M. Edouard Landrain ! Il fallait écouter !
    M. André Chassaigne. A toutes nos questions visant à éclaircir un texte flou et imprécis, vous n'avez apporté aucune réponse digne de ce nom. Au grand mépris du débat démocratique, vous avez tenu la représentation nationale à l'écart de toute information concernant les futurs projets de loi organique et ordinaire auxquels renvoient sans cesse les articles du projet. Seuls les initiés du groupe UMP y ont eu droit.
    M. René Couanau. Ça sert d'être dans la majorité ! (Sourires.)
    M. André Chassaigne. Votre mutisme aggrave toutes nos inquiétudes quant à vos motivations réelles et aux conséquences dramatiques de la révision constitutionnelle sur le caractère unitaire et solidaire de la République, qui, de toute évidence, dépassent le cadre d'une simple décentralisation.
    S'il s'était agi d'avancer vers une vraie décentralisation, une relative unanimité se serait faite sur nos bancs. S'il s'était agi de donner plus de droits et de pouvoirs aux citoyens et aux citoyennes de ce pays, il y aurait eu un élan positif. S'il s'était agi de donner aux collectivités territoriales les moyens de répondre aux attentes de la population française, vos propositions auraient recueilli un large soutien.
    Mais, pour obtenir un tel résultat, il aurait fallu, messieurs les ministres, renoncer à la philosophie de votre texte et accepter de revoir votre copie.
    M. Jacques Brunhes. Les ministres n'écoutent pas !
    M. André Chassaigne. Il aurait fallu éviter une modification constitutionnelle ; elle n'est pas nécessaire aux dires mêmes du président de l'Assemblée nationale.
    M. Maurice Leroy. Bravo !
    M. André Chassaigne. Il aurait fallu, au lieu d'intégrer un principe d'organisation administrative de la République dans le corpus de ses principes fondateurs, envisager l'expérimentation dans un esprit de responsabilité partagée et encadrée, et non comme un véritable appel à la concurrence entre les hommes et les territoires. Il aurait fallu ne pas accorder des pouvoirs exorbitants au Sénat - chambre qui n'est pas élue au suffrage universel et qui n'est donc pas dépositaire de la légitimité démocratique - ne pas non plus remettre en cause la notion de compétences générales aux collectivités territoriales, mais annoncer une vraie réforme de la fiscalité locale et prendre des engagements clairs sur la péréquation et sur les moyens transférés. Il aurait tout simplement fallu faire confiance aux femmes et aux hommes élus dans les collectivités, à commencer par ceux de la nation.
    Au contraire, retranchés derrière vos objectifs eux-mêmes dissimulés par le vocabulaire que vous utilisez, arc-boutés sur vos certitudes, assurés d'une majorité à vos ordres, vous avez refusé toute évolution. Nous avons pourtant, article après article, amendement après amendement, démontré le caractère nuisible de votre projet et tenté de l'atténuer. Mais vous êtes restés hermétiques à toute critique, comme à toute proposition d'amélioration. Sur plus de 200 amendements déposés, seuls dix ont été adoptés...
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Quinze !
    M. André Chassaigne. ... émanant tous de la majorité et, de surcroît, préalablement négociés avec le Sénat.
    Pour aboutir un tel résultat, nous avons assisté au retrait en cascade de maints amendements de votre propre camp, y compris ceux des présidents de la commission des lois et des finances. Pourrait-il y avoir preuve plus flagrante d'une majorité soumise, tel un bataillon de députés, le petit doigt sur la couture du pantalon ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est que vous ne voulez décidément à aucun prix d'une deuxième lecture à l'Assemblée nationale, alors que l'enjeu de ce texte est pourtant crucial pour le pays. Quel paradoxe de faire la démocratie locale au préjudice de la démocratie tout court !
    Vous agissez comme si la Constitution était votre bien ! Non, messieurs les ministres, la Constitution n'est pas la propriété d'un groupe, fût-il majoritaire ! La Constitution est la règle commune. C'est un contrat social destiné à fonder un vivre ensemble, en créant du lien plutôt qu'en en détruisant ! C'est pourquoi, messieurs les ministres, nous ne vous laisserons pas faire en catimini ce coup d'Etat institutionnel ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. René Dosière. Bravo !
    M. André Chassaigne. Nous ne laisserons pas croire aux Français qu'avec cette loi nous allons vers plus de démocratie et plus de proximité ! Nous ne voulons pas isoler cette modification constitutionnelle du contexte politique et social dans lequel elle s'inscrit. Nous ne voulons pas que les Français se réveillent sans s'être rendu compte qu'on a, à la sauvette, changé la Constitution !
    Nous nous plaçons dans la tradition des constituants depuis 1792, au rang desquels figure le fondateur de la Ve République, Charle de Gaulle (Applaudissements sur les mêmes bancs), qui n'avait pas peur de consulter le peuple français chaque fois qu'il proposait de modifier la Constitution ! Certes, nous l'avons combattu, mais nous lui reconnaissons ce courage ! L'adage qui veut que seul le peuple puisse défaire ce qu'il a lui-même voulu vaut pour votre texte. Nous exigeons qu'il soit ratifié par référendum. Cette procédure vous obligera à expliquer vos motivations aux Français et à leur présenter tous les éléments de la réforme pour leur permettre de faire un choix dans la clarté, ce que vous avez refusé à la représentation parlementaire.
    A notre tour de refuser le vote à l'aveugle !
    Le groupe des député-e-s communistes et républicains se prononcera contre votre texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, la parole est à M. Jérôme Bignon.
    M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre aux libertés locales, mes chers collègues, Jacques Chirac, alors candidat à la présidence de la République, avait souhaité au printemps dernier, à Rouen, qu'une évolution profonde de l'architecture des pouvoirs locaux soit mise en oeuvre après l'élection présidentielle.
    Un député du groupe socialiste. Il a promis aussi un référendum !
    M. Jérôme Bignon. Dès le 2 juillet, dans son message au Parlement, il écrivait : « Je souhaite une réforme profonde du titre XII de notre Constitution qui traite des rapports de l'Etat et des collectivités locales en métropole, comme outre-mer. » Dès lors, et quelles que puissent être les bonnes raisons invoquées pour ne pas modifier la Constitution, ou pour repousser la révision de la loi fondamentale, au terme du processus de décentralisation, ou pour la mener de pair avec l'élaboration de la loi organique et des lois ordinaires, la voie était tracée et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'y est engagé. Dès lors, en dépit de la pertinence du débat juridique et malgré les interrogations surprenantes des chantres de la décentralisation qui veulent surtout aujourd'hui ne rien changer, le débat était lancé.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bignon, derrière vous ! La statue du commandeur ! (Rires.)
    M. le président. Monsieur Brard ! J'ai appelé à un débat serein !
    M. Jérôme Bignon. Le Gouvernement que le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle soutient sans état d'âme, riche de toutes ses sensibilités qui ont pu s'exprimer, a soumis au Sénat, puis à notre assemblée, un texte sur lequel nous avons travaillé longuement en commission et dans cet hémicycle.
    J'aurais pour ma part préféré que le temps que nous y avons consacré soit plus utile, plus serein aussi.
    M. Jean-Jack Queyranne. Il ne tenait qu'à vous !
    M. Jérôme Bignon. Le débat a eu lieu davantage chez nous, au sein de la majorité, qu'avec l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Jack Queyranne. Vous vous êtes couchés, surtout !
    M. Jérôme Bignon. Ecoutez-moi ! Alors qu'elle revendique la paternité de la première vague de la décentralisation, l'opposition s'est crispée sur des positions stériles, se bornant aux procès d'intention et à un débat incantatoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    On me dit que c'est le jeu républicain. Or de retour dans cet hémicycle après un certain temps d'absence (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous retournerez chez vous plus vite que vous ne le pensez !
    M. Jérôme Bignon. ... j'avoue que j'ai un peu de mal à me convaincre que j'ai assisté à un débat républicain. Je le dis sans ambages : j'ai trouvé ce débat assez décalé...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous n'êtes pas obligé de rester !
    M. Jérôme Bignon. ... assez démodé, assez désuet. (Mêmes mouvements.)
    Ce débat manichéen que nous avons vécu de votre fait n'était justifié par rien, d'autant qu'aucune opposition idéologique ne sous-tendait vos positions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Dominique Dord. Ils sont contre la décentralisation !
    M. Jérôme Bignon. Vos discours dans les assises locales des libertés le démontrent : chaque fois qu'ils sont intervenus que ce soit à Lille, à Amiens, à Rouen, à Nantes,...
    M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. Jérôme Bignon. ... vos représentants ont pris des positions intelligentes, constructives, soutenant la démocratie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. Quand on leur a donné la parole !
    M. Jérôme Bignon. En revanche, dans l'hémicycle, vous ne pensez qu'à essayer de rétablir vos forces en crispant le débat, ce que nous regrettons ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Dérisoire !
    M. Jérôme Bignon. Nos concitoyens attendent un débat plus responsable, plus respectueux, moins sectaire. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois, rapporteur. Très bien !
    M. Jacques Desallangre. Moins d'incriminations et plus d'arguments !
    M. Jérôme Bignon. Nos concitoyens attendent cette République des proximités qui permettra de traiter tous les territoires d'une façon équitable.
    M. Jacques Desallangre. Des arguments !
    M. Jérôme Bignon. Nos concitoyens attendent ce surcroît de démocratie qui, par la pétition ou par le référendum local, leur permettra de s'exprimer sur les sujets de leur vie quotidienne.
    Nos concitoyens attendent une législation adaptée qui, grâce à l'expérimentation, sera non plus le résultat d'une pensée technocratique venue d'en haut, mais le fruit d'une expérience de terrain menée dans la concertation par les acteurs les plus concernés.
    M. Marc Laffineur et M. André Schneider. Très bien !
    Mme Martine David. C'est laborieux !
    M. Jérôme Bignon. Nous avons voulu donner valeur constitutionnelle aux grands principes de la décentralisation. Nous avons voulu inscrire la région dans la Constitution. Nous avons ouvert un droit constitutionnel à l'expérimentation, tant pour l'Etat que pour les collectivités locales. Nous accomplissons d'immenses progrès pour garantir l'autonomie financière des collectivités locales que vous avez si souvent mise à mal. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle - Protestation sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Desallangre. On verra !
    M. Jérôme Bignon. Nous renforçons les procédures de démocratie directe au niveau des collectivités locales, ouvrant ainsi un champ formidable à la démocratie directe que nos concitoyens attendent.
    L'ensemble de ces avancées concerne non seulement la France métropolitaine, mais aussi celle de l'outre-mer dont la contribution a été importante dans ce débat ainsi que le souhaitait le Président de la République.
    Mes chers collègues, en votant cette loi constitutionnelle nous ne dénaturons pas, comme voudraient le faire croire nos collègues de l'opposition, la Constitution de la Ve République.
    M. Maxime Gremetz. Si !
    M. Jean Glavany. Si, c'est M. Debré lui-même qui l'a dit !
    M. Jérôme Bignon. Nous ne déséquilibrons en aucune manière notre équilibre institutionnel, notamment grâce à la contribution, partagée, de la commission des lois et de son président rapporteur, et de la commission des finances et de son président rapporteur que je salue.
    Monsieur le premier ministre, le groupe de l'UMP attend maintenant avec impatience la prochaine étape (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)...
    M. Jacques Desallangre. Jamais assez !
    M. Jérôme Bignon. ... celle qui consacrera la synthèse des réflexions, concertations et débats qui se dérouleront dans notre pays à l'occasion des assises locales et qui se poursuivront grâce à notre contribution dans chacune de nos circonscriptions, dans chacune de nos collectivités.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est beau !
    M. Jérôme Bignon. Pour permettre au Gouvernement de préparer cette nouvelle étape, le groupe de l'UMP, au nom duquel j'ai l'honneur de m'exprimer, votera la loi constitutionnelle qui lui est proposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   513
Nombre de suffrages exprimés   503
Majorité absolue   252
Pour l'adoption   346
Contre   157

    L'Assemblée nationale a adopté.
    (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de vous exprimer, au nom de tout le Gouvernement, notre profonde gratitude pour la qualité de vos travaux.
    Nous avons accompli ici la première étape d'une démarche stratégique qui permettra à notre République d'être davantage partagée avec tous les territoires de France. Il est évident que notre tâche n'est pas terminée. Le débat national continuera avec les lois organiques, afin que, tous ensemble, au printemps prochain, nous soyons capables de mener cet acte II de la décentralisation que le pays attend. Merci à chacun et à chacune d'entre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.

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PROGRAMMATION MILITAIRE 2003-2008

Explications de vote et vote sur l'ensemble
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n°s 187, 383).
    La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Mesdames, messieurs les députés, je tiens, en commençant cette intervention, à remercier une nouvelle fois le président de la commission de la défense, les rapporteurs des deux autres commissions concernées et l'ensemble des députés qui ont participé, jusqu'à une heure avancée de la nuit, au débat de jeudi dernier, pour la qualité de leurs travaux, de leurs interventions, et pour l'intérêt qu'ils ont manifesté, au-delà même de la loi de programmation, à celles et ceux qui relèvent du ministère de la défense, lui apportant leurs compétences, leur expertise et, surtout, leur dévouement.
    Le moment est venu, pour votre assemblée, de se prononcer solennellement sur cette loi de programmation militaire. Vous me permettrez auparavant d'appeler une dernière fois votre attention sur la portée de ce texte.
    Se conjuguant avec le projet de loi de finances pour 2003 que vous avez examiné il y a peu, ce projet de loi de programmation traduit une orientation politique majeure du Gouvernement.
    Il est, d'abord, l'expression d'une volonté ferme de restaurer l'autorité de l'Etat. Ce dernier doit, en effet, se doter des moyens de remplir ses responsabilités. L'obligation d'assurer la sécurité de notre territoire et celle de nos concitoyens, en France et à l'étranger, est une expression essentielle de la responsabilité d'un grand Etat.
    Ce projet de loi de programmation est ensuite la manifestation d'une ambition légitime, celle de voir la France tenir sa place, toute sa place, sur la scène européenne et internationale.
    M. Bernard Deflesselles. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Vous avez été un certain nombre à regretter que la politique européenne de sécurité et de défense n'avance pas plus rapidement ou de manière plus nette. A cet égard je peux vous assurer que cette loi de programmation, en redonnant de la crédibilité au discours de la France - grâce aux moyens matériels que nous prévoyons - lui permettra de jouer à nouveau son rôle d'entraînement. En la matière je peux porter témoignage des changements d'attitude que j'ai constatés au cours de mes déplacements aussi bien à Bruxelles que dans le cadre de l'OTAN.
    M. Bernard Deflesselles. Très bien !
    Mme la ministre de la défense. Enfin, le texte qui vous est soumis apporte une réponse pertinente aux menaces qui caractérisent la situation internationale actuelle, qu'il s'agisse de la montée des crises régionales lors desquelles nos ressortissants peuvent être pris en otages et nos intérêts menacés - l'actualité la plus récente nous fournit malheureusement des illustrations de ces risques - ou de l'émergence d'un terrorisme de masse qui peut - nous l'avons malheureusement constaté aussi il y a peu - frapper n'importe où et n'importe qui.
    Certes, dans un monde en changement permanent, il est indispensable de poursuivre inlassablement notre analyse des menaces, d'affûter nos concepts, comme certains d'entre vous en ont d'ailleurs exprimé le souhait. Toutefois les moyens et les capacités dont la programmation prévoit de doter nos armées à l'horizon de 2008 n'en demeurent pas moins parfaitement adaptés aux défis que nous posent le terrorisme international, la multiplication des crises régionales et la prolifération des armes de destruction massive.
    Ce projet de loi répond à la volonté du Gouvernement et du Président de la République. Je vous rappelle que ce dernier a souhaité, dès le début de son mandat, redresser la situation de notre défense. En effet, après avoir assumé avec courage et compétence la professionnalisation et ses conséquences, elle s'est trouvée confrontée à une baisse de ses crédits, notamment ceux du titre V, ce qui a entraîné une dégradation de la disponibilité de nos matériels que plusieurs d'entre vous ont signalée dans des interventions fort pertinentes.
    M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !
    Mme la ministre de la défense. A partir de ce constat et de la volonté exprimée par le Président de la République, le Gouvernement s'est attaché à définir les objectifs et les moyens de parvenir à une armée qui réponde à l'ensemble des missions que la nation lui confie. En acceptant ce projet de loi de programmation, votre assemblée en fera l'expression de la volonté des Français, et elle enverra un signal fort à nos partenaires européens et mondiaux. Elle lancera aussi un message d'estime et de reconnaissance à celles et ceux qui, sous l'uniforme, acceptent risques et contraintes pour nous protéger et pour défendre les valeurs de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la défense nationale et des forces armées, rapporteur.
    M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'environnement dans lequel s'inscrit aujourd'hui notre stratégie de défense, et donc les moyens de sa mise en oeuvre, a été bouleversé par les évolutions récentes.
    L'ennemi en effet n'est plus, comme jadis, identifiable car le rapport n'est plus binaire : les menaces qu'il fait peser sur nous sont multiples, diffuses, parfois confuses, et nous imposent d'être à la fois réactifs et adaptables ; bref, la tâche que nous devons mener pour assurer la défense de la patrie est devenue complexe.
    Pour relever ce défi sans précédent, il faut nous doter d'une panoplie de moyens aussi large que possible, ambition qui, à elle seule, légitime l'effort demandé par le Président de la République et le Gouvernement ; il se traduit par une réelle rupture dans la loi de programmation qui nous est proposée par rapport aux précédentes.
    Pour s'en tenir aux chiffres, ce sont 87,85 milliards d'euros qui sont prévus pour nos matériels au cours des six prochaines années, soit une annuité moyenne de 14,64 milliards, alors que le niveau était tombé à 11,86 milliards en 2001, en budget exécuté.
    Mais, au-delà du montant des crédits, il convient de souligner l'ambition des objectifs qui les sous-tendent. Cette loi de programmation se veut un moteur de la construction européenne. Par son effort financier, la France veut jouer un rôle d'entraînement - vous venez de le dire, madame la ministre - et d'exemple auprès de ses partenaires de l'Union qui ne consentent pas encore assez d'efforts en direction d'une défense européenne.
    La France soutient aussi la construction de l'Europe de la défense par sa participation active à divers projets concrets, et d'abord la constitution d'une force de réaction rapide européenne, dans laquelle nous prendrons une part prépondérante avec 12 000 hommes sur les 60 000 prévus. Elle y apportera toutes ses capacités, notamment en jouant le rôle de nation-cadre pour conduire des opérations européennes.
    La réalisation des grands programmes de systèmes d'armes ne peut plus se concevoir aujourd'hui au strict niveau national ; il y faut des coopérations industrielles, que la programmation permet pour les programmes nouveaux, ou renforce pour les programmes anciens. Pour faciliter ces mises en commun, la France soutient sans réserve le projet de création d'une agence européenne de l'armement qui prendra la suite de l'OCCAR, l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement.
    Pour avancer dans cette voie, et le plus vite possible, il conviendra sans doute d'en passer par des coopérations renforcées entre les partenaires qui le veulent et surtout qui le peuvent ; c'est le chemin que doit désormais emprunter la construction de l'Europe de la défense.
    Il faut aussi agir immédiatement pour remettre sur pied notre défense. Le rattrapage des objectifs reniés dans la programmation précédente s'imposait ; rattrapage dans la disponibilité technique opérationnelle des matériels, tombée à des niveaux dramatiquement bas. Rattrapage aussi pour la relance de programmes essentiels pour nos capacités de projection, de protection et de prévention.
    Le second volet de la structuration de notre défense, ce sont les fabrications nouvelles trop longtemps sacrifiées ; ce seront donc les missiles de croisières Scalp, les avions de chasse Rafale et de transport A 400 M, les nouvelles frégates multi-missions et le clou de notre défense, le second porte-avions.
    Bien que cette loi de programmation concerne d'abord les équipements - et soit exprimée en crédits de paiement - je voudrais souligner les mesures de dépenses ordinaires prises en faveur du personnel. Deux raisons, au moins, militent en faveur de cette démarche. En premier lieu, après une phase de transition remarquablement conduite par les hommes et les femmes de la défense, la professionnalisation entre désormais dans un régime de croisière, mais cela est plus délicat. Les moyens prévus au Fonds de consolidation de la professionnalisation doivent permettre de disposer des ressources humaines suffisantes en quantité comme en qualité ; ce qui est vrai pour les professionnels l'est aussi pour les réservistes qui doivent trouver leur juste place dans une défense active de notre nation.
    Il fallait aussi montrer à la communauté militaire la réelle considération que lui porte la nation dont nous sommes les représentants. Les serviteurs de la défense ont souffert du sort qui leur a été fait ces dernières années, au point de douter de la reconnaissance de notre société pour leur dévouement, leur disponibilité et leurs compétences - et au point même de descendre dans la rue ! Ce projet de programmation, mais plus encore son exécution, sont donc attendus avec impatience, mais aussi avec vigilance, tant il conditionnera l'avenir de notre défense.
    Cet avenir, nous voulons y croire madame la ministre, mes chers collègues. Nous croyons que cette programmation va redonner à la France le rang qu'elle était sur le point de devoir abandonner. Le Président de la République et le Gouvernement ont rejeté une telle perspective de recul et ont voulu que notre effort de défense reprenne pour les matériels comme pour les hommes. Il conviendra cependant que tous ces engagements soient respectés.
    Parce que ce projet marque un effort remarquable, et que cet effort est destiné à soutenir l'ambition de la France dans le monde, nous voterons cette loi de programmation militaire. (Appaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

    M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer pour le groupe UDF.
    M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 témoigne d'un effort indispensable en faveur de notre défense et de notre sécurité intérieure dans un climat d'instabilité internationale et alors que des menaces terroristes planent sur les grandes démocraties.
    Parce qu'il programme un réarmement - nécessaire - de nos forces armées, notamment en ce qui concerne le renouvellement et l'entretien des matériels, aujourd'hui indisponibles pour certains à plus de 60 %, il contribuera, s'il est respecté, à un véritable réarmement moral de nos troupes et de notre nation. Le groupe UDF et apparentés partage sans ambiguité cette volonté politique qui doit se traduire par une fermeté sans faille quant aux promesses budgétaires. Beaucoup de mes collègues vous ont mis en garde contre les mirages des prévisions de crédits d'une loi de programmation militaire. Aucune n'a été à ce jour totalement exécutée, loin s'en faut, et personne ici n'est dupe des difficultés qui vous attendent dans vos rapports avec Bercy, madame la ministre.
    C'est pour moi l'occasion de saluer les initiatives du président de la commission de la défense, M. Guy Teissier, qui a obtenu que le ministère des finances remette un rapport trimestriel sur l'exécution du budget de la défense. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Sans parler de la budgétisation en loi de finances initiale des OPEX, qui permettra de préserver les crédits du titre V. Nous veillerons à ce que tous ces engagements soient respectés.
    J'ai bien conscience que les engagements que nous prenons aujourd'hui en votant ce texte nous contraignent à la vigilance pour les cinq années à venir. Je vous le dis sans détours, madame la ministre, nous nous opposerons à tout budget de la défense ou toute loi de finances rectificative qui contreviendraient à la bonne réalisation de la loi de programmation militaire, elle-même indexée sur le modèle armées 2015, qu'il faut impérativement réaliser dans les délais prévus.
    Permettez-moi de rappeler brièvement les deux axes que les élus UDF ont développé lors des précédentes interventions : l'Europe de la défense - sujet également développé par le président Teissier - et la participation de la population à la sécurité du territoire.
    Sur le premier point, nous avons pu hier entendre avec satisfaction les propos du président de la Convention pour l'avenir de l'Europe : « La reconnaissance de la nécessité d'une politique européenne de défense commune est unanime », disait M. Valéry Giscard d'Estaing. Nos députés européens feront des propositions majeures dans ce sens, et le groupe UDF s'en fera l'écho à l'Assemblée nationale. La France doit jouer un rôle de premier plan dans la construction de l'Europe de la défense, avec des objectifs audacieux et lisibles. François Bayrou le disait hier à cette tribune : « Le domaine de l'Europe, c'est le domaine de la souveraineté régalienne que les Etats ne peuvent plus exercer seuls et qu'ils ne retrouveront qu'ensemble. » Aucun progrès ne sera fait en termes financiers, logistiques ou d'influence sans l'Europe de la défense.
    Pour ce qui est du renforcement du lien entre la nation et ses armées, le groupe UDF est particulièrement attaché au développement des réserves. Il faut plus d'audace dans ce domaine : la Journée nationale du réserviste est une bonne initiative, mais il faudra parvenir rapidement à un véritable statut du réserviste qui permette aux volontaires de donner de leur temps sans être pénalisés sur le plan professionnel.
    Il en va de même pour la création d'un service civil et humanitaire que nous avions proposé. Ce service, réalisable en une ou plusieurs périodes pour ne pas pénaliser les études ou le travail, permettra de répondre aux demandes de plus en plus nombreuses des jeunes Français et Françaises qui souhaitent donner de leur temps pour aider les autres, que ce soit dans les ONG à l'étranger ou dans les associations sur notre territoire. Aider les plus défavorisés, c'est aussi contribuer au réarmement moral de notre nation.
    En conclusion, madame la ministre, je crois que nous étions nombreux dans cette assemblée, et même sur les bancs des socialistes d'après ce que j'ai pu lire dans la presse, à attendre une loi de programmation militaire aussi ambitieuse, pour restaurer la confiance de nos armées, mais aussi de la population dans les capacités de nos forces de protection et d'intervention. Ne nous payons plus de mots en parlant de la « grandeur de la France » ; soyons réalistes, responsables et efficaces en mettant un terme à la longue déchéance de notre système militaire.
    Vous l'avez compris, madame la ministre, le groupe UDF votera ce projet. Mais nous vous demandons de poursuivre les réformes exemplaires déjà entreprises en vous appuyant sur de nouvelles règles budgétaires. Vous pouvez compter sur le soutien des parlementaires pour rendre ces efforts financiers considérables moins virtuels, plus performants et plus utiles à l'ensemble de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Sandrier. Madame la ministre, pour déterminer une politique de sécurité et de défense efficace, il y a un préalable : dire quelles sont les causes de ce qui nous menace et pourquoi nous en sommes arrivés à ce degré d'insécurité, dans le monde et en France. Rien dans votre projet de loi de programmation militaire ne répond à cette question. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Continuez, monsieur Sandrier !
    M. Jean-Claude Sandrier. Or, tous les experts l'affirment, ce qui est en cause c'est une mondialisation qui accroît gravement les inégalités, un laissez-faire total du marché et de la circulation de l'argent, guidé par des intérêts commerciaux et financiers particuliers, entraînant chômage, précarité, dissolution sociale, violences urbaines, conflits ethniques, voire famine et pandémies, véritable terreau du terrorisme.
    M. Richard Cazenave. Qu'est-ce que vous avez fait quand vous étiez au pouvoir ?
    M. Jean-Claude Sandrier. L'ancien conseiller du président Clinton, prix Nobel d'économie, a même précisé : « Bien sûr, les Etats-Unis ont été l'un des grands coupables de cette situation. »
    Oui, ce monde est malade. Il faut avoir le courage de le reconnaître et, en même temps, de dire que la sécurité et la stabilité du monde ne dépendent plus aujourd'hui prioritairement des militaires, mais qu'on les assurera en refusant une conception du monde guidée par le FMI et la banque mondiale. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Aider ceux qui sont exclus de la mondialisation, c'est non seulement une exigence humaine mais la clef de notre sécurité.
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Que ne l'avez-vous fait !
    M. Jean-Claude Sandrier. Les Etats-Unis ont choisi de traiter la violence produite par une société injuste, en menant une politique de puissance, de suprématie, assise avant tout sur l'action militaire.
    M. Richard Mallié. Le problème n'est pas là !
    M. Jean-Claude Sandrier. Je voudrais d'ailleurs à ce propos poser une question concernant l'Irak. Que va faire le gouvernement français, alors qu'il paraît évident que M. Bush a décidé la guerre, et que les provocations de toute nature ont commencé et vont continuer pour la justifier.
    La chance politique exceptionnelle de la France et de l'Europe aujourd'hui, et ce qui fera leur force demain dans le monde, c'est de ne pas emprunter ce chemin. L'arrimage de notre politique de sécurité au concept américain n'est pas un objectif d'avenir. Il conduirait la France et l'Europe à n'être qu'un « clone » des Etats-Unis.
    De plus, quelle signification peut bien avoir ce souci de rattraper les deux pays qui consacrent le plus grand pourcentage de leur PIB à leur armement, alors même que ce sont aussi ceux qui, dans le monde industrialisé, ont le plus fort pourcentage de leur population vivant sous le seuil de pauvreté ? Est-ce vraiment un exemple à suivre ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    C'est sur trois grands piliers que doit reposer une nouvelle politique de sécurité et de défense indépendante.
    En premier lieu, il faut réorienter la mondialisation vers plus de justice, de solidarité, d'égalité. Cela suppose de mettre fin au laisser-faire destructeur des marchés financiers.
    M. Richard Mallié. Comme l'ont fait les Soviétiques !
    M. Jean-Claude Sandrier. En deuxième lieu, il conviendra de réorienter notre défense en mettant en veille le nucléaire, en transformant la projection copiée sur le modèle américain et en mettant la priorité sur trois axes : la protection de nos populations et du territoire national et européen, la mise en place d'une force française et européenne d'interposition, de prévention et d'action, dont l'intervention se ferait selon des critères humanitaires fixés internationalement et légitimés par une ONU démocratisée, la création d'un service volontaire civil et militaire pour le soutien à la sécurité intérieure et à la sécurité civile.
    Enfin, troisième grand pilier, il faut donner un coup d'arrêt à cette fuite en avant de l'industrie de l'armement vers une « marchandisation » totale, une industrie soumise à une loi du marché aveugle et souvent truquée, ce qui la conduit à être de plus en plus phagocytée dans tous les domaines par l'industrie américaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. Fermons le GIAT !
    M. Jean-Claude Sandrier. A considérer l'armement comme une marchandise comme une autre, non seulement on ouvre grand les portes à la prolifération, mais aussi à une « transatlantisation » inexorable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Si seulement on avait des communistes dans le Gouvernement !
    M. Gérard Hamel. Vous n'avez donc rien appris de l'histoire !
    M. Jean-Claude Sandrier. Créer un pôle public de l'armement, notamment avec GIAT et DCN, et garantir la préférence communautaire sont les conditions sine qua non d'une politique française et européenne vraiment autonome.
    En saluant les personnels civils et militaires de notre pays, je voudrais dire que nous sommes attentifs à leurs droits et à leurs légitimes revendications.
    M. Richard Cazenave. Tout de même !
    M. Jean-Claude Sandrier. Parce que ce projet de loi de programmation militaire est inadapté aux réalités de la mondialisation, au contexte international, parce qu'il ne correspond pas à une politique nationale et européenne de sécurité et de défense autonome...
    M. Bernard Deflesselles. Mais si !
    M. Jean-Claude Sandrier. ... et ne répond pas aux aspirations des peuples à la paix et à la justice sociale, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Catéchisme surréaliste !
    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Michel Voisin pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote auquel nous allons procéder dans quelques instants constituera un moment fort dans la vie de la nation. Le projet de loi de programmation militaire sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer aujourd'hui se caractérise à la fois par une rupture et par un renouveau, renouveau se situant dans une certaine continuité.
    En premier lieu, une rupture, rupture avec une pratique et avec un comportement : une pratique qui a entraîné une baisse permanente, budget après budget, au cours des cinq dernières années, des crédits que notre pays consacrait à sa défense,...
    Mme Sylvia Bassot. C'est vrai !
    M. Gérard Hamel. Vous aviez oublié de le dire, monsieur Sandrier !
    M. Michel Voisin. ... un comportement, pour ne pas dire une idéologie, en fonction duquel tout ce qui touche à l'armée et à la nation semble relever d'une vision passéiste, pour ne pas dire anachronique du monde et de son évolution.
    M. Bernard Deflesselles. Tout à fait.
    M. Michel Voisin. Ce monde, mesdames et messieurs de l'opposition, vous êtes bien obligés de faire ce constat avec nous, n'est ni sûr ni pacifique.
    M. Bernard Deflesselles. Absolument !
    M. Michel Voisin. Le totalitarisme, l'intolérance, le fanatisme et le terrorisme y côtoient les droits de l'homme, la démocratie, l'ouverture sur l'autre, vertus républicaines auxquelles nous sommes ici tous très attachés. Votre projet de loi, madame la ministre, ne peut pour ces raisons que recueillir notre totale adhésion.
    En second lieu, un renouveau dans une certaine continuité : continuité en effet avec la politique volontariste voulue avec clairvoyance et conviction par le général de Gaulle. Il a voulu doter la France d'instruments et de moyens à même de lui permettre de garantir son indépendance et sa sécurité ainsi que celle de sa population, d'assurer sa souveraineté et de tenir sa place et son rôle sur la scène internationale. Cette politique a été poursuivie avec plus ou moins de constance par ses successeurs immédiats, y compris lors du premier septennat de François Mitterrand.
    La chute du mur de Berlin et la disparition de la menace que faisait peser sur l'ensemble de la planète l'existence d'un régime communiste à l'est de l'Europe ont constitué un tournant dans l'approche des questions de sécurité internationale. D'anciens clivages politiques ont resurgi. La gauche, trop heureuse de retourner à son antimilitarisme originel (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), y a vu la possibilité de toucher les dividendes de la paix et de dilapider les économies réalisées sur le dos de notre sécurité au profit d'une pseudo-solidarité.
    M. Dominique Dord et Mme Sylvia Bassot. C'est vrai !
    M. Michel Voisin. L'actuelle majorité, elle, au cours des alternances successives, a toujours eu conscience de ses responsabilités et a toujours souhaité, en conséquence, faire en sorte qu'en toute circonstance, la France ait les moyens de ses ambitions et de ses obligations.
    M. Jean-Claude Sandrier. Démago !
    M. Michel Voisin. Votre projet de loi, madame la ministre, correspond point par point à cette vision. Il ne peut, pour ces raisons, que recueillir notre total soutien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Enfin, vous avez compris que des moyens matériels, sans les femmes et les hommes qui les servent, ne seraient rien ! C'est ainsi que votre projet comporte un volet social concernant les personnels de la défense. Il était grand temps, alors que la majorité des salariés ont bénéficié d'améliorations considérables, parfois irréalistes, que le Gouvernement envoie un signal fort en direction de nos militaires. Ils ne pouvaient être laissés pour compte des récentes évolutions. Votre projet de loi répond aux attentes des personnels. Il ne peut, pour ces raisons, que recueillir notre totale approbation.
    Parce que le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008, voulu par le Président de la République et élaboré par vous, s'inscrit dans la vision globale d'un destin pour la France, en lui donnant les moyens nécessaires, le groupe UMP le votera sans réserve aucune. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais (Exclamations sur divers bancs)...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Mais ?...
    M. Michel Voisin. Mais, madame la ministre, nous serons d'une vigilance extrême (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)...
    M. Jacques Desallangre. Oh là, on a peur !
    M. Michel Voisin. ... envers tout gel ou annulation de crédits, et cela dès le prochain examen de la loi de finances rectificative. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. Quelle indépendance chez les députés de l'UMP !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Michel Boucheron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette loi de programmation militaire souffre de nombreux déficits. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Lellouche. A commencer par le vôtre !
    M. Jean-Michel Boucheron. Elle souffre d'abord d'un lourd déficit de financement, ce que j'appellerai un déficit de sincérité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Taux de croissance et recettes fiscales ont été surestimés. Les financements nécessaires manqueront. La semaine dernière déjà, dans le collectif, 321 millions d'euros ont été annulés. Où est la fameuse détermination dont on nous parle ?
    M. Bernard Deflesselles. Ce sont les conséquences de votre gestion !
    M. Jean-Michel Boucheron. La régulation budgétaire annoncée en janvier confirmera si la défense sera ou non sanctuarisée.
    Cette loi de programmation militaire ne sera sans doute qu'une simple loi d'affichage, qui ne sera pas appliquée.
    M. Richard Mallié. On ne fera pas comme vous !
    M. Jean-Michel Boucheron. Il est du rôle de l'opposition de le dénoncer. Les acteurs du monde de la défense nous reprocheraient à juste titre de ne pas avoir alerté l'opinion sur ce leurre législatif. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    D'autres critiques peuvent être portées sur cette loi et notamment son lourd déficit de volonté européenne.
    Les efforts de défense des différents pays européens sont très peu coordonnés. Les programmes en coopération avancent tous à la vitesse imposée par le pays le moins motivé.
    Le manque de cohérence est évident. Une loi de programmation militaire européenne est une impérieuse nécessité, tout comme une puissante coordination des programmes de recherche et de développement.
    M. Bernard Deflesselles. On va le faire !
    M. Jean-Michel Boucheron. En effet, le gap technologique qui se creuse entre l'Amérique et l'Europe, dans un grand nombre de secteurs émergents, est un défi aux conséquences civiles et commerciales gigantesques.
    M. Gérard Hamel. Cinq ans d'immobilisme !
    M. Dominique Dord. Où étiez-vous il y a six mois !
    M. Jean-Michel Boucheron. Tous ceux qui ont étudié le texte en détail savent que, dans ces domaines, il n'existe rien de significatif dans cette loi.
    Peu de coordination des efforts, peu de mutualisation des capacités, peu de mise en commun des moyens.
    M. Bernard Deflesselles. Vous n'êtes pas crédibles !
    M. Jean-Michel Boucheron. A l'heure où l'on parle du renforcement de la lutte contre le terrorisme et de la nécessaire coopération des services de renseignement européens, il n'existe toujours pas de mutualisation réelle de l'utilisation des capteurs d'information, qu'ils soient spatiaux, aéronautiques ou terrestres.
    Cette loi souffre aussi d'un immense déficit de réactivité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La liste des programmes prévus montre que les armes de la guerre froide, nombreuses et coûteuses, sont encore trop présentes et étouffent les nouveaux équipements nécessaires au monde dans lequel nous entrons.
    Il y a dans cette loi l'énorme pesanteur des choix qui ont été faits il y a bien longtemps, alors que le contexte a totalement changé.
    Enfin et surtout, cette loi souffre d'un énorme déficit d'adaptation aux défis du futur.
    Le monde stratégique est bouleversé et la situation internationale connaît des évolutions extrêmement rapides.
    La toute-puissance militaire de l'Occident, son invincibilité, ont suscité naturellement l'utilisation par ses adversaires de moyens asymétriques dont le 11 septembre a été la démonstration.
    Le terrorisme transnational efface les notions de guerres, de frontières, de victoires, d'armistices, de traités de paix. Les armes et les acteurs changent de nature.
    Il faut relire la liste de nos programmes majeurs avec ce nouveau prisme et se poser la question récurrente : tel type d'équipement participe-t-il ou non à la protection de nos populations ou à la rétorsion contre les centres de pouvoir du terrorisme ?
    Il est plus qu'urgent, mes chers collègues, d'intégrer les moyens militaires du renseignement, de la protection civile et de la défense opérationnelle du territoire.
    Nous sommes à un tournant de l'histoire et cette loi de programmation militaire pourrait être l'énumération des matériels dont il aurait été nécessaire de disposer lors de la période précédente.
    L'heure que nous vivons est inquiétante. L'Amérique a changé de doctrine. Elle inclut officiellement dans ses probabilités d'action l'utilisation d'armes nucléaires miniaturisées dans le cadre de frappes préventives. L'association de ces deux concepts peut nous entraîner dans un monde où il n'y a plus de tabou, plus de loi, plus d'équilibre stratégique.
    Il est temps de savoir quelle est exactement la doctrine de la France, sans oublier de dire à nos alliés américains que, si la lutte contre le terrorisme nécessite des moyens militaires, la lutte contre la popularité du terrorisme nécessite des moyens politiques qui s'appellent soutien aux démocrates, coopération économique, respect des cultures.
    La France n'a pas vocation à participer à une fracture du monde entre le bien et le mal qui aurait été définie et décidée par d'autres.
    Mes chers colllègues, ce sont sans doute ces dernières raisons qui nous incitent le plus à nous opposer à cette loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. René André. Cela n'a rien à voir !

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   427
Nombre de suffrages exprimés   418
Majorité absolue   210
Pour l'adoption   328
Contre   90

    L'Assemblée nationale a adopté.
    (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante est reprise à dix-huit heures sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

6

RÉSOLUTION ADOPTÉE
EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION

    M. le président. J'informe l'Assemblée qu'en application de l'article 151-3, alinéa 2, du règlement, la résolution sur la réforme de la politique commune de la pêche (n°s E 2039 à E 2041, E 2044 à E 2046 et E 2075), adoptée par la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, est considérée comme définitive.

7

NÉGOCIATION COLLECTIVE
SUR LES RESTRUCTURATIONS
AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n°s 375, 386).

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    Mme Catherine Génisson. C'est quand même impressionnant, ce vide dans l'hémicycle ! On pourrait presque nommer tous les députés de la majorité qui sont présents !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, je vais peut-être vous surprendre en vous disant que je n'ai pas tout approuvé dans la loi de modernisation sociale. J'aborderai donc ce débat avec une grande humilité au regard de ce que nous avons fait ou tenté, réussi ou manqué. Je n'en serai que plus à l'aise, puisqu'il n'y aura dans mon expression aucun amour-propre d'auteur déçu, aucune amertume du législateur qui voit le tissu juridique auquel il a patiemment travaillé mis en pièces en quelques jours ou en quelques semaines.
    Cependant, j'aborderai aussi ce débat avec une grande sévérité, monsieur le ministre, à votre égard et à l'égard du texte que vous nous présentez. Vous avez choisi, depuis le début de ce débat, d'adopter la posture de l'accusateur. Tout au long des premières discussions, hier soir, vous et votre rapporteur avez choisi de faire en quelque sorte la leçon, d'accumuler les reproches plutôt que les propositions. Dans cette assemblée, et cela a été dit avant moi, et dans des conditions bien différentes, il n'y a pas les professeurs d'un côté et les élèves de l'autre.
    M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Il y a une majorité et une opposition, réunies pour rechercher le point d'intersection qui constitue l'intérêt général, l'intérêt de la collectivité que nous représentons, chacun à notre place. En plaçant le débat sur le terrain du « qui a raison ? », vous avez perdu l'occasion d'une véritable discussion, sur un sujet dont la complexité mérite mieux que les anathèmes que j'ai entendus hier soir, lors de l'intervention de mon collègue et ami Jean Le Garrec. Pourquoi, d'ailleurs, ne pas avoir choisi d'engager ce débat sur une base autrement plus solide, à partir d'une évaluation de la législation dont nous débattons, qui aurait pu associer les partenaires sociaux, les élus, les experts, plutôt que de s'appuyer sur des critiques toutes faites ou, en quelque sorte, préfabriquées ? Nous devons faire le choix d'examiner la question qui nous est posée, sans doute l'une des plus difficiles dans le domaine de la législation sociale, avec le maximum d'objectivité, en tout cas avec la préoccupation de rechercher le point d'équilibre entre des préoccupations contradictoires : celle de la compétitivité, d'un côté, et celle de la solidarité et du droit à l'emploi, de l'autre.
    C'est précisément ce souci d'équilibre qui nous conduit à juger très sévèrement votre texte. Celui-ci nous est présenté, je le répète, dans un esprit essentiellement polémique, que votre propos d'hier, monsieur le ministre, a très vite illustré. Vous nous invitez, dans un bel élan - que nous aimerions partager -, à surmonter les clivages partisans, mais ce n'est qu'une clause de style : presque aussitôt, vous vous livrez à votre charge habituelle contre la précédente majorité. Vous dites que, sur ces sujets, il ne faut plus mentir aux Français, et c'est aussitôt pour éluder toute réponse concrète à la question posée.
    Ce débat mérite mieux que l'esprit polémique avec lequel vous avez choisi de l'engager. Vous vous appuyez sur de faux prétextes pour attaquer la loi, démontrant par-là le peu de solidité de vos arguments. Vous avancez ensuite des faux-semblants pour atténuer votre responsabilité. Vous multipliez, enfin, les faux-fuyants pour esquiver le véritable débat.
    M. Jean Le Garrec. Tout à fait !
    M. Gaëtan Gorce. Les faux prétextes, d'abord. Vous faites reproche à la loi de modernisation sociale d'avoir été votée dans des conditions qui suffiraient à la condamner : une pression forte issue des rangs de la majorité plurielle, dans un contexte social agité, marqué par l'annonce d'une multiplicité de plans sociaux défrayant la chronique et heurtant l'opinion. Mais votre texte intervient dans un contexte tout aussi prégnant et sous d'autres pressions, peut-être moins visibles, mais pas forcément très avouables. Quelle honte y aurait-il eu - il faudra que vous nous l'expliquiez - pour le législateur de 2001 et de 2002 à légiférer sous la pression d'événements mettant en question l'avenir de dizaines, de centaines, voire de milliers de salariés directement touchés par des plans de restructuration ? Pourquoi leur préoccupation n'aurait-elle pas la même valeur, la même importance que celle exprimée par les représentants du patronat et à laquelle, en réalité, vous voulez répondre aujourd'hui ? Car au fond, c'est bien à l'insistance du MEDEF que, pour une part, le Gouvernement veut répondre, même s'il ne le fait jamais complètement ou à sa totale satisfaction. J'ai en tête la déclaration de M. Seillière pendant la campagne présidentielle, qui disait dans Le Figaro, avec une belle assurance - qui n'est pas aujourd'hui démentie - que la loi de modernisation sociale serait une loi « qu'il ferait naturellement abroger » après les élections et le changement de majorité. Les termes ont changé, mais l'objectif est demeuré, et la réalité, c'est que ce voeu sera finalement exaucé.
    Pourquoi les préoccupations des salariés n'auraient-elles pas autant, sinon davantage de valeur que les pressions de votre majorité, qui vous conduit - ou vous conduira, nous verrons cela durant la discussion - à accepter des amendements votés, j'allais presque dire à la sauvette, au titre de l'article 88 de notre règlement hier après-midi, en commission, sans débat et certainement sans concertation.
    Vous aurez bien du mal, monsieur le ministre, à reprocher à la gauche plurielle d'avoir vivement débattu de la loi de modernisation sociale. J'ai bien compris que c'était là une antienne de votre intervention : rappeler sans cesse un contexte politique qui aurait été excessif, qui aurait donné lieu à des divisions et des surenchères. Mais au moins ce débat avait-il le mérite d'être mené dans cet hémicycle, en public, devant l'opinion...
    M. Jean Le Garrec. Très juste !
    M. Gaëtan Gorce. ... et donc dans un contexte qui en garantissait le caractère démocratique. Alors qu'aujourd'hui, vous cédez à des revendications souterraines, discutées dans le secret de votre cabinet et des réunions de l'UMP.
    Alors que nous avons commencé l'examen de ce texte, il y a une quinzaine de jours, nous avons brusquement découvert hier, lors de la réunion que la commission a tenue au titre de l'article 88 de notre règlement, des amendements qui n'avaient jamais été abordés jusqu'alors. Et nous avons bien gardé en tête les propos que vous avez tenus, selon lesquels vous limiteriez le nombre d'articles de la loi de modernisation sociale dont vous alliez proposer la « suspension ».
    En réalité, vous reproduisez ce que vous vous croyez autorisé à reprocher à la précédente majorité, mais naturellement en pire.
    Autre faux prétexte, autre faux procès, vous prétendez que la loi de modernisation sociale serait responsable d'une augmentation spectaculaire des faillites et des dépôts de bilan. Il s'agit, comme à chaque fois, d'arguments d'autorité, d'une de ces prétendues évidences que vous nous assenez sans jamais chercher à la démontrer, et sans d'ailleurs pouvoir véritablement le faire. C'est la stratégie du bouc émissaire, rôle joué précédemment par les emplois-jeunes, par la réduction du temps de travail, et aujourd'hui par la loi de modernisation sociale.
    Mais comment reprocher à cette loi d'avoir provoqué des dépôts de bilan quand votre rapporteur a souligné que la plupart de ses dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur au moment où nous parlons ? Vous avez vous-même dit cet après-midi, répondant à une question d'actualité, que ces décrets n'étaient pas parus. Vous avez même indiqué à propos de trente décrets - qui concernent l'ensemble de la loi, et pas seulement la partie dont nous débattons : vous avez un peu élargi la palette - que le gouvernement sortant n'avait pas souhaité les publier. Là aussi, il faut rétablir la réalité. Concernant la partie dont nous débattons, celle qui touche aux licenciements, six décrets étaient nécessaires, cinq décrets pris en Conseil d'Etat et un décret simple. Les cinq premiers ont été transmis au Conseil d'Etat, qui a eu le temps d'en examiner deux, qui ont été publiés, avec le décret simple, avant le second tour de l'élection présidentielle. Ces éléments n'ont pas un très grand intérêt, mais puisque vous en faites un argument, je crois qu'il est quand même préférable de mettre les choses au point. D'un côté, vous nous dites que la loi s'applique, et qu'elle met en danger les entreprises. De l'autre, vous nous dites que le gouvernement précédent n'a même pas eu la volonté de l'appliquer, puisque les décrets n'étaient pas publiés. Il faudra que vous choisissiez !
    Qu'un débat soit nécessaire sur ces questions, soit. Que la loi de modernisation sociale ait comporté, comme toute législation - celle que vous ferez comme celle que nous avons faite -, des dispositions pouvant justifier une évaluation et donc une discussion, soit. Mais, de grâce, pas de ces procès en sorcellerie qui abaissent le débat parlementaire et nous éloignent du sujet !
    Les faux procès ne vous suffisent pas : vous y ajoutez malheureusement les faux-semblants.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Les faux quoi ?
    M. Gaëtan Gorce. Les faux-semblants, monsieur le rapporteur. Je vous remercie de votre attention. (Sourires.) Je constate que vous avez choisi une autre stratégie que celle d'hier, ce qui me permettra de m'exprimer dans un calme nettement mieux assuré, pour l'instant en tout cas.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous nous provoquez, monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. En tout état de cause, j'essaierai de me faire entendre.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je n'ai jamais interrompu l'orateur !
    M. Gaëtan Gorce. Je vous en remercie, monsieur le rapporteur.
    Pour en venir à ces faux-semblants, donc, vous nous parlez non pas d'abrogation, mais de « suspension » de la loi de modernisation sociale. S'agissant des mots, monsieur le ministre, vous avez de curieuses pudeurs. Vous êtes une sorte de M. Jourdain de la révision sociale, mais un M. Jourdain qui a conscience de ce qu'il fait. Dans votre bouche, l'anéantissement des 35 heures devient un simple « assouplissement ». La réduction du nombre de contrats emploi-solidarité devient un simple « différé », qui sera compensé par de futurs reports budgétaires. Et naturellement, l'abrogation de la loi de modernisation sociale devient une simple « suspension ».
    Mais au-delà de ces tics, ou de ces trucs, de langage - qui traduisent sans doute votre prudence, et probablement aussi votre inquiétude, puisque vous n'assumez pas ouvertement devant l'opinion le fond de votre politique -, il y a une sorte, pardonnez-moi l'expression, de filouterie juridique qui doit être ici clairement et nettement dénoncée. Car une simple suspension signifierait que ces dispositions pourraient éventuellement, en cas d'échec ou d'insuffisance de la négociation qui va s'engager pendant ces dix-huit mois, être rétablies dans leur intégralité. Or, le moins que l'on puisse dire est que vous n'avez jamais clairement manifesté votre intention en ce sens.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ça, c'est sûr !
    M. Gaëtan Gorce. Je doute que ce soit le cas. Si vous nous dites le contraire, alors le mot « suspension » n'était pas justifié. Car si vous souhaitiez rétablir ces dispositions faute d'en avoir trouvé de meilleures au terme de la négociation, ne serait-ce pas alors admettre qu'elles n'étaient pas si mauvaises et qu'elles pouvaient parfaitement continuer à s'appliquer dans l'intervalle des discussions entre les partenaires sociaux ?
    Il ne s'agit donc pas d'une véritable suspension, mais d'une abrogation qui cache son nom, procédé que vous avez déjà utilisé à l'occasion des textes précédents. Je voulais préciser ce point au moment de commencer notre débat, car je crois qu'il est toujours préférable, lorsque l'on aborde des questions aussi graves, qui mettent en jeu l'avenir des entreprises mais aussi celui des salariés, de dire les choses comme elles sont, avec clarté, si possible avec franchise, et de ne pas chercher à les masquer sous des artifices.
    Après les faux procès et les faux-semblants, les faux-fuyants : vous entretenez la confusion sur le véritable périmètre de notre discussion.
    Est-il anormal, monsieur le ministre, de vouloir répondre à l'attente, à l'angoisse, parfois au désespoir des salariés victimes des plans sociaux ? Comme les égrènent souvent certains de nos collègues, sur les bancs de gauche de cette assemblée, Danone, Whirlpool, Moulinex, Marks & Spencer, et tant d'autres ne sont pas des gros mots, mais des réalités sociales. Faut-il considérer que la préoccupation qu'expriment les salariés, celle du maintien de l'emploi, celle de conserver un salaire et la dignité qui s'y rattache - vous qui prétendez défendre la valeur du travail -, faut-il considérer que leur demande est illégitime ?
    Sans doute avons-nous la responsabilité, j'allais dire le devoir, de ne jamais brandir face à ces situations de détresse des remèdes qui seraient prétendument miracles. Nous avons ce devoir - et d'abord par respect à l'égard des salariés concernés - de ne jamais prétendre apporter des solutions qui régleraient tout comme par enchantement. Les difficultés du débat que nous avons eu dans cet hémicycle sous la précédente majorité montrent bien que telle n'était d'ailleurs pas notre intention, ni même le prétexte à ces discussions : nous cherchions des solutions qui pouvaient permettre d'améliorer la situation. Et nous savons que l'intervention de la loi, pas plus celle du juge, ne pourra régler comme par enchantement les difficultés d'une entreprise.
    Mais cette responsabilité politique et sociale de ne pas entretenir ces illusions n'implique pas un devoir d'abstention ou de résignation. Dès lors que nous sommes investis de responsabilités publiques, nous ne pouvons nous en tenir, comme vous le faites, au rôle de simple commentateur. Nous avons la responsabilité de chercher des solutions susceptibles d'assurer un équilibre entre deux droits qui s'affrontent et se heurtent : le droit à l'emploi et la liberté d'entreprendre.
    Il appartient à la collectivité publique de veiller à ce que les droits de l'ensemble des parties soient ainsi bien pris en compte et préservés. Il y a le droit de l'entreprise à se réorganiser, à se développer, à préserver sa compétitivité et à mener sa vie économique, mais il y a aussi le droit du salarié à ne pas être considéré, si je puis dire, comme la dernière roue du carosse et traité comme un vulgaire élément de l'actif, dont on pourrait se débarrasser comme on le fait d'une autre valeur. Nous avons encore en mémoire quelques événements qui se sont produits ces dernières années. Je pense par exemple à cette entreprise qui annonçait leur licenciement aux salariés quasiment dans la minute qui précédait leur départ, en commandant même des taxis pour les inviter à quitter l'entreprise !
    Le monde de l'entreprise n'est ni tout noir ni tout blanc. Il nécessite sans doute des éléments d'équilibre, qui passent par la loi et par la négociation. C'est bien de cela que nous devons débattre, sans chercher à esquiver la question avec des faux-fuyants ou en entretenant des confusions, comme cela a parfois été fait en commission.
    Votre majorité a, par exemple, prétendu que la loi de modernisation sociale aggraverait la situation des entreprises confrontées à des difficultés économiques, et pour lesquelles la mise en oeuvre d'un plan social constituerait un élément de survie. Mais telle n'est pas réalité.
    Vous ne pouvez pas dire, non plus, que la loi de modernisation sociale avait pour effet d'étouffer les PMI-PME ! Pour l'essentiel, en effet, les dispositions que vous suspendez sont celles qui visent les grands licenciements : l'étude d'impact concerne les licenciements de plus de 100 salariés, tout comme le recours au médiateur. C'est là un ordre de grandeur qui n'a rien de comparable avec la situation des plus petites entreprises de ce pays.
    Il y a certes bien des problèmes à traiter sur lesquels je reviendrai, mais, fondamentalement, le problème central, celui qui agite l'opinion, qui l'intéresse et nous interpelle tous, c'est celui des entreprises qui, réalisant des résultats - et tant mieux pour elles -, voyant leur compte d'exploitation s'améliorer et distribuant des dividendes à leurs actionnaires, décident néanmoins, en fonction de la stratégie de compétivité qu'elles se donnent, de réduire, de compresser leurs effectifs et de licencier des centaines, voire des milliers de salariés. Ce sont ces licenciements qui choquent l'opinion, laquelle ne comprend ni n'admet que l'on puisse licencier des salariés tout en distribuant des dividendes aux actionnaires. Cessez, par conséquent, de vous cacher derrière le paravent commode de la petite entreprise, des PMI-PME, et abordons de front la véritable question qui nous est posée, celle que le législateur a voulu aborder avec la loi de modernisation sociale, et que votre texte soulève nécessairement.
    Celui-ci appelle en effet bien des commentaires. Je m'en tiendrai à trois : il est injustifiable dans le contexte économique et social que nous connaissons ; il n'est pas à la hauteur des enjeux que nous avons à traiter ; et il est contestable dans la méthode proposée, tant du point de vue de l'efficacité que de la sécurité recherchée.
    Comment expliquer, comment justifier tout d'abord qu'au moment où le flot du chômage recommence à monter, vous fassiez le choix d'ouvrir les vannes du licenciement ? Toute votre action depuis cinq mois se situe ainsi à l'opposé de ce que recommanderait le simple bon sens. Je ne me lasserai pas, monsieur le ministre, de vous le rappeler tout au long de ces séances, cet enjeu, cette exigence. L'opposition n'exerce pas d'autre ministère que celui de la parole.
    M. Hervé Novelli. Elle en abuse !
    M. Gaëtan Gorce. Je sais bien que cela a parfois le don de vous agacer, ce qui est le cas pour l'essentiel de votre majorité et de beaucoup d'autres ministres,...
    M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Nous n'avons rien dit !
    M. Gaëtan Gorce. ... mais nous ne faisons là qu'assumer les responsabilités qui nous ont été confiées, c'est-à-dire vous rappeler à certains engagements et vérifier aussi que vous ne vous éloignez pas trop de l'intérêt général. Nous ne pouvons utiliser de ce point de vue que de notre droit d'alerte, sans pouvoir en rien influer sur la réalité de votre action.
    Votre majorité semble d'ailleurs bien indifférente aux conséquences des décisions qu'elle prend. En témoigne, je l'évoquais tout à l'heure, la série d'amendements adoptés hier, et sur lesquels nous aurons peut-être plus d'explications que ce qui nous a été dit par le rapporteur et par le président de la commission, et qui biffe d'un trait de plume des années de travail du juge, comme du législateur.
    Votre parti pris idéologique - j'aurais bien dit « dogmatique », mais vous avez décidé de confisquer le terme - est tel que, contrairement à la fausse humilité qu'affichent le Premier ministre et votre gouvernement, vous semblez ne pas douter un instant de la pertinence de vos choix, en dépit des mises en garde qui surgissent de tous côtés.
    En bloquant la mise en oeuvre des 35 heures, en renvoyant plus de 200 000 emplois-jeunes vers le chômage, en réduisant les crédits affectés aux politiques de l'emploi, chacun s'accorde à dire que vous vous privez des moyens de contrer la remontée du chômage et d'entretenir la confiance dont vous sapez les bases. Mais vous n'en avez cure.
    Vous savez pourtant qu'avec la baisse de l'emploi c'est la consommation qui risque de fléchir. Et bien que celle-ci constitue aujourd'hui le seul pilier de la croissance, vous ne changez pas d'attitude. Bien plus, en laissant se creuser les déficits, en « tangentant » les 3 % de déficit public, vous savez pourtant que vous prenez le risque de dissuader la Banque centrale européenne de baisser les taux d'intérêt, bloquant toute perspective de relance de l'investissement.
    Je crois, monsieur le ministre, que la coordination des politiques économiques, la préoccupation que nous pouvons avoir d'agir sur la monnaie à travers les bons choix que nous faisons à l'échelon national sur le plan budgétaire, cela n'est pas indifférent. Mais il est vrai que cela ne semble pas préoccuper le Gouvernement.
    En suspendant la loi de modernisation sociale, vous donnez un signal aux entreprises, qui ne pourra être interprété autrement que comme une sorte d'autorisation politique à licencier, avant que de nouvelles règles, de nouvelles garanties ne soient établies. Vous donnez aux entreprises une fenêtre de tir de dix-huit à trente mois et conduisez une politique à risque, qui joue avec le feu, qui joue surtout avec l'emploi.
    Votre politique, ou ce qui en tient lieu, va inéluctablement grossir le flot montant du chômage. Et il ne suffira pas d'augmenter spectaculairement les radiations administratives pour que cela y fasse réellement quelque chose.
    M. Pierre Morange. Caricature !
    Mme Nadine Morano. Vous êtes orfèvre en la matière, monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. Vous pouvez encore aujourd'hui prétendre au bénéfice du doute. L'opinion et la presse vous ménagent encore, mais les rendez-vous avec la réalité s'approchent et il vous faudra alors collectivement rendre des comptes.
    Depuis le début de cette année, le chômage a augmenté en moyenne de 10 000 personnes supplémentaires par mois. Le taux de 9 % a de nouveau été atteint. L'industrie s'est remise à détruire des emplois que la croissance persistante des services permet à peine de compenser.
    En clair, la dynamique que nous avons connue ces cinq dernières années est en train de s'inverser. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Les annonces de plans sociaux se succèdent.
    M. Hervé Novelli. Quelle dynamique ? Celle qui vous a fait perdre les dernières élections ?
    M. Gaëtan Gorce. Celle qui a permis de créer, mon cher collègue, deux millions d'emplois entre 1997 et 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Des emplois fictifs !
    M. Gaëtan Gorce. Les emplois fictifs, c'est une autre affaire, et je vous en laisse la responsabilité.
    Mais pour ce qui concerne les emplois créés, c'est sans doute le meilleur résultat que l'économie française ait jamais réalisé. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Mme Nadine Morano. Les emplois créés avec de l'argent public ne sont pas de vrais emplois ! Vous avez gâché la croissance !
    M. Gaëtan Gorce. Cela dit, comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer à cette tribune en parlant de la réduction du temps de travail, ces emplois, nous ne nous en attribuons pas la paternité de manière systématique et de manière unilatérale. Nous considérons que c'est là le résultat d'un contexte et d'une politique qui ont permis de libérer, comme vous prétendez le faire, des énergies et de créer des emplois, c'est-à-dire pour l'essentiel, plus de deux millions d'emplois. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Mme Nadine Morano. Allez faire un stage en entreprise, cela vous fera du bien !
    M. Gaëtan Gorce. Je trouverais tout de même plus raisonnable, plutôt que de passer votre temps à dénigrer non pas notre bilan, mais la situation de ce pays, que vous vous appuyiez sur les réalités à partir desquelles vous avez à bâtir votre politique.
    Ces réalités peuvent présenter parfois certaines difficultés, comporter peut-être certains obstacles par rapport à vos orientations idéologiques, mais, pour l'essentiel, elles, vous permettent de bénéficier d'une situation qui n'a rien à voir avec celle que nous avons connue en 1997. Cela dit, je ne vais pas à nouveau égrener la litanie des chiffres concernant la situation et l'héritage qui nous avaient été légués alors. Franchement, je préfère l'héritage que vous avez reçu de la gauche plurielle que celui que nous avait laissé M. Juppé mêmes. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Hervé Novelli. Les Français en ont jugé !
    M. Gaëtan Gorce. Ça dépend quelle conception on se fait de la France et comment on veut la faire avancer.
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Il est clair, comme je le disais, que la dynamique que nous avons connue ces cinq dernières années - elle me paraît peu contestable objectivement, même si on peut le faire politiquement -, est en train de s'inverser. Les annonces de plans sociaux se succèdent : plus de 1 000 pour 2001, chiffre qui est déjà dépassé en septembre 2002 ; 245 000 licenciements secs l'année dernière ; déjà plus de 200 000 aujourd'hui sans compter les fins d'intérim et de CDD.
    C'est pourtant le moment que vous choisissez, non pour réformer le droit du licenciement, mais pour qu'il soit désormais possible, au rebours du droit existant, de licencier plus facilement et de manière plus discrétionnaire.
    Pour expliquer l'inexplicable, vous n'hésitez pas à recourir au paradoxe ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Au même titre que le SMIC menacerait l'emploi des non-qualifiés, au même titre que la réduction du temps de travail se retournerait contre les conditions de travail des salariés, vous prétendez aujourd'hui que les protections contre les licenciements provoqueraient en réalité des liquidations et des dépôts de bilan et décourageraient l'embauche. Vous êtes pourtant bien en peine, en dehors de statistiques très générales et qui ne font que traduire l'évolution d'une conjoncture, d'apporter le moindre argument tangible, le moindre exemple illustratif à l'appui d'une telle incantation.
    M. Hervé Novelli. Nous allons le faire !
    M. Gaëtan Gorce. On attend avec impatience vos arguments sur le sujet.
    M. Hervé Novelli. Nous les exposerons après votre intervention !
    M. Gaëtan Gorce. J'espère qu'ils seront d'une autre nature que ceux que nous avons entendus hier soir.
    Voilà déjà plus de dix ans, M. Gattaz, le président du MEDEF d'alors, avait promis la création de centaines de milliers d'emplois si l'autorisation administrative de licenciement était supprimée. Vous entonnez un air connu qui n'a cependant jamais véritablement convaincu personne. Votre démonstration est d'autant plus hasardeuse que la loi de modernisation sociale, comme je l'ai indiqué, avait à peine commencé de s'appliquer.
    Comment ne pas observer que votre action consiste, et c'est cela sans doute le plus préoccupant, non en une série d'additions de textes nouveaux, de moyens nouveaux, de crédits nouveaux, mais, au contraire, en une série de soustractions. Ce que nous observons depuis cinq à six mois, c'est moins de réduction du temps de travail, moins d'emplois-jeunes, moins de moyens dans le budget de l'Etat et, aujourd'hui, moins de garanties contre le licenciement et, naturellement, demain, moins d'emplois !
    Vous allez devenir au fil des mois, monsieur le ministre, « Monsieur moins » pour l'emploi et « Monsieur plus » pour le chômage ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Mme Nadine Morano. Ce serait plutôt l'inverse !
    M. Gaëtan Gorce. C'est d'ailleurs parce que vous pouvez difficilement esquiver ces contradictions qu'au fil de nos échanges, vous multipliez les réponses évasives, approximatives, les faux-fuyants politiques, au lieu d'accepter une véritable confrontation des points de vue.
    Vous avez, ces derniers mois, concentré vos attaques sur les lois votées au cours de la précédente législature. En effet, j'observe qu'à l'exception notoire des contrats jeunes, dont la mise en oeuvre tarde à se concrétiser, nous n'avons jamais débattu d'une proposition concrète, d'une avancée réelle, de quelque chose de positif dans l'action de ce gouvernement. Au contraire, nous avons assisté en permanence à la remise en cause, à la remise en question, à la démolition de ce qui avait été fait par la précédente majorité. Au lieu de vous appuyer sur ce qui existe, vous cherchez simplement à le supprimer. En faisant cela, vous cherchez à vous défausser de votre responsabilité. (Protestations sur les mêmes bancs.) Vous êtes là depuis six mois, vous devez désormais l'assumer ! Avec la rhétorique du déclin que vous utilisez, vous êtes dans la même stratégie de fuite ou d'évitement.
    J'ai bien en tête le débat que nous avons eu sur les 35 heures, au cours duquel vous avez nié avec la dernière énergie que les 35 heures auraient permis la création d'au moins 300 000 emplois, ce que prétendait pourtant la DARES et que vient maintenant de confirmer l'INSEE.
    De la même manière, voici quelques jours, pour prétendre que la France reculait en termes de compétitivité, votre gouvernement, le Premier ministre lui-même dans cet hémicycle, s'est emparé de façon choquante d'un sondage commandé par les participants au forum de Davos, d'une consultation organisée par des responsables, pour l'essentiel américains, en direction de chefs d'entreprise. Vous avez trouvé là l'argument nécessaire pour justifier la remise en cause de la plupart des lois sociales votées sous la précédente majorité. Mais votre argument fait long feu : l'OCDE y apporte un démenti cinglant en notant que la France avait connu en 2001 le plus fort rythme d'augmentation des investissements directs étrangers, alors que dans l'ensemble du monde la tendance était à la baisse.
    M. Jean Le Garrec. C'est exact !
    M. Gaëtan Gorce. Sans vouloir, évidemment, exagérer les choses, comment ne pas voir que vous cherchez à toute force des arguments - qui, malheureusement, ne sont confortés par aucune analyse sérieuse - simplement pour justifier votre politique, alors qu'elle devrait trouver au contraire sa justification dans la qualité des orientations que vous retenez et dans celle des résultats que vous en attendez. Mais j'observe, là encore, que vous ne faites jamais la moindre allusion aux objectifs que vous vous assignez. Vous êtes sans doute l'un des premiers ministres de l'emploi à ne pas dire ce que vous attendez de l'évolution de la situation de l'emploi à travers les actions que vous envisagez.
    Personne ne sait et personne ne saura quelles sont réellement les perspectives de ce gouvernement en matière de croissance, M. Mer multipliant les contradictions. En tout cas, personne ne sait et personne ne saura jamais quelles sont les perspectives de ce gouvernement en matière d'emploi !
    Vous utilisez de grosses ficelles qui ne feront illusion qu'un temps. Que direz-vous aux salariés touchés par des plans sociaux au cours des prochains mois et auxquels auront été retirés les moyens de se défendre ou de s'exprimer ? Leur expliquerez-vous les vertus de votre « libéralisme social » ? Vous aurez alors des comptes à rendre, et nous serons là pour vous les demander.
    M. Hervé Novelli. Quelle impudence !
    M. Gaëtan Gorce. Au-delà de ce constat, comment ne pas voir en effet que votre texte n'est pas à la hauteur des enjeux ? Car, au fond, au-delà des polémiques dans lesquelles nous sommes en permanence entraînés en raison des conditions dans lesquelles s'engagent cette discussion, c'est là la véritable question.
    Votre texte, malheureusement, ne contribue en rien à faire progresser notre droit du licenciement puisqu'il esquive les véritables questions qui nous sont posées.
    Le premier véritable enjeu, c'est bien de chercher à concilier l'emploi et la compétitivité - ce ne sont pas des ennemis qui s'opposeraient - et à adapter le droit du licenciement quand des licenciements sont décidés alors que les bilans économiques et financiers sont bons et qu'ils auront des conséquences qui frapperont de plein fouet non seulement les politiques sociales, quel que soit le gouvernement, mais aussi les efforts de développement local. Je veux parler de ces licenciements qui reportent sur les salariés, sur l'Etat et sur les collectivités le coût d'adaptations décidées au nom d'une stratégie de compétitivité légitime, mais que l'entreprise a sans doute les moyens de financer ! Cela pose plus globalement le problème du rôle de l'entreprise, de sa mission et peut-être aussi de son mode de fonctionnement.
    Notre société a toujours voulu affirmer que la logique économique, la logique de résultats, incontournable, devait être sans cesse conciliée avec une autre logique, une logique sociale, une logique de solidarité indispensable. Ces deux logiques ne doivent pas se neutraliser, mais se compléter : la liberté d'entreprendre doit être conciliée avec les droits des salariés, garantis par les collectivités, et le premier de ces droits, c'est le droit à l'emploi. Le rôle de la législation et de la négociation, c'est de veiller à ce qu'aucun des deux ne prenne le pas sur l'autre, c'est-à-dire ne joue l'un contre l'autre.
    Cela revient à dire que la législation sociale ou les garanties conventionnelles ne constituent pas en quelque sorte une voiture balai du licenciement. Elles ne peuvent constituer seulement un ensemble de mesures de réparation ou de compensation. La préoccupation sociale doit être au contraire intégrée à la gestion de nos entreprises. Ce qui signifie que les exigences de reconversion, de reclassement doivent être intégrées dans la stratégie de celle-ci, et que les conséquences sociales et humaines d'un licenciement ne doivent pas être déléguées, transférées sur d'autres, mais prises en compte le plus en amont possible, comme l'un des éléments de la décision.
    Il est vrai que les changements du monde, les mouvements de l'économie ont modifié non les termes de la question posée, mais ceux de la réponse qu'il faut y apporter.
    Contrairement à ce que vous prétendez, à ce que prétend votre majorité, la mondialisation, le durcissement des règles de la concurrence ne doivent pas servir de prétexte à un désengagement des partenaires sociaux et au retrait du droit.
    Une telle attitude signifierait, en effet, que les citoyens organisés n'ont plus aucune prise sur leur destin économique et social, qu'ils doivent se résigner à une loi immanente : la main invisible du marché qui pourrait les frapper aveuglément. Il y aurait dans cette thématique des lois « implacables » de la mondialisation, tant pratiquée malheureusement par certains patrons, l'expression d'une sorte de fatalité qui ne serait au fond qu'un appel à la résignation ou, au contraire, à une opposition radicale : tout l'inverse de ce sur quoi ont été bâties nos sociétés démocratiques.
    Cette mutation du monde, ce durcissement de la compétition mondiale appelle au contraire un effort supplémentaire de régulation pour garantir désormais à une échelle plus large, européenne et internationale, que les équilibres nécessaires entre l'économique et le social ne seront pas durablement rompus. C'est la condition même de la cohésion de nos sociétés et, pour tout dire, de leur efficacité, car on ne peut pas séparer l'une et l'autre.
    La régression, le retour en arrière n'apporte aucune réponse. Nous sommes confrontés : Etat et partenaires sociaux à un véritable devoir d'invention. La loi de modernisation sociale allait-elle dans ce sens ? Ce qui est sûr, c'est que le texte que vous nous présentez n'y va pas !
    Le nouveau capitalisme qui se met en place est, en effet, en proie à une véritable contradiction. Il demande toujours plus aux salariés, toujours plus d'engagement ; il fait toujours plus appel à leur mobilisation, à leurs compétences, à leur savoir-faire, à leur disponibilité, à leur capacité à se former et à s'adapter. Dans le même temps, il veut toujours plus de flexibilité, de facilité à licencier.
    Si le salarié constitue une ressource pour l'entreprise - et avec le développement du secteur tertiaire ou des nouvelles technologies, comment douter que ce soit le cas - cela ne suppose-t-il pas, au contraire, qu'il se voie reconnaître de vraies garanties, de vrais avantages, une véritable prise en compte, qui dépasse le caractère très polémique des débats que nous avons ici ?
    Frapper d'illégitimité a priori toute tentative visant à mieux définir et à mieux protéger le statut professionnel des salariés reviendrait à nier cette exigence et cette nécessité.
    Or il y a, dans votre majorité et même parfois au sein du Gouvernement, beaucoup de ces nouveaux intégristes de la libre entreprise, qui voient rouge dès qu'on leur parle de règles, de procédures, de garanties, bref de tout ce qui est soupçonné, accusé de freiner dans son élan le flot libérateur de l'initiative privée.
    Ces nouveaux intégristes sont présents, ils sont là dans cet hémicycle et participent à ce débat. Et nous les retrouverons lors de l'examen des amendements.
    M. Hervé Novelli. J'espère bien !
    M. Gaëtan Gorce. Ne voyez-vous pas là les aspects caricaturaux d'une attitude qui fait pendant à ceux de l'attitude opposée qui ne raisonne que par le contrôle systématique, la contrainte et l'interdiction ?
    M. Hervé Novelli. Ah oui !
    M. Gaëtan Gorce. A l'évidence, ces questions font bien clivage entre nous.
    A écouter, comme je l'ai fait en commission, vos soutiens parlementaires et à vous entendre aussi commenter la loi dont nous débattons, nous avons bien compris, monsieur le ministre, que, pour vous, le social était un fardeau. Un fardeau que l'on faisait porter à l'entreprise, un fardeau nécessaire sans doute, mais un fardeau qu'il faudrait à toute force alléger. C'est un paradoxe, surtout au moment où les difficultés sociales augmentent.
    Pour notre part, il nous paraît plutôt utile, dans ces circonstances, de redéfinir, d'adapter et d'ajuster les protections des salariés.
    Vous nous accusez bien souvent, et vous l'avez encore fait hier, de vouloir opposer les salariés à l'entreprise, alors que vous n'avez de cesse d'opposer l'entreprise aux salariés, en présentant les droits de ceux-ci comme une charge, un obstacle, un frein au développement et à l'emploi. Ce faisant, vous nourrissez les résistances au changement dont vous prenez prétexte ensuite.
    Cela me laisse penser que votre succès sera peut-être de courte durée - si, naturellement, la gauche sait se retrouver -, c'est que vous n'avez pas au fond véritablement changé, que votre majorité reste attachée à une vision archaïque du social (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Pierre Morange. Pas du tout !
    M. Gaëtan Gorce. ... fondée sur une opposition entre l'économique et le social, entre le public et le privé, alors que notre société ne peut avancer que par une articulation intelligente entre les deux.
    M. Jean-Paul Anciaux. Nous sommes d'accord !
    M. Gaëtan Gorce. Je serais curieux de voir comment vous traduirez cela dans les faits lorsque nous discuterons des amendements.
    Peut-être, monsieur le ministre, faites-vous des efforts pour échapper à cette vision. Cela reste à démontrer. Nous avons bien compris que, dans ce débat, vous étiez moins soucieux de l'opposition, à laquelle vous vous donnez parfois la peine de répondre, que de votre majorité, dont vous devez contenir les excès.
    Laissez venir les amendements, monsieur le ministre, et apparaîtra à la surface la vérité de l'UMP, beaucoup plus libérale, beaucoup moins sociale que le pays n'est prêt à l'accepter.
    Ecrivant cette intervention, je faisais d'ailleurs le pari que vous auriez l'habileté de laisser porter par votre majorité les amendements symboliques que vous n'aurez pas voulu assumer, comme par exemple la suppression de « l'amendement Michelin ».
    M. Alain Néri. Il ne manquerait plus que cela !
    M. Gaëtan Gorce. Ce qui s'est passé hier après-midi en commission m'en a apporté la confirmation anticipée. Ce faisant, si vous me permettez et tout respect gardé pour André Gide, vous entrez dans le débat par la porte étroite. (Sourires.)
    Oui, monsieur le ministre, cette question du licenciement va bien au-delà d'un débat de procédure et soulève le problème de la société même dans laquelle nous voulons vivre, la question des rapports entre la démocratie et le marché.
    Vous qui aimez rappeler le défi à notre démocratie qu'a représenté le vote du 21 avril, comment pouvez-vous prétendre y répondre si vous expliquer à nos concitoyens que la politique ne peut plus rien face à l'économie, que sa logique nous dépasse et que le salarié licencié, ou l'élu directement touché, doit se résigner à se voir appliquer la fatalité qui le frappe sans explications, et surtout sans contreparties.
    S'il y a un clivage entre nous, il est bien ici. Il consiste à considérer qu'il appartient aux responsables politiques d'assurer l'équilibre entre la démocratie et le marché, et que, pour y parvenir, il faut introduire dans les procédures, dans les mécanismes économiques, les éléments d'expertise, de dialogue, de contradiction et d'information, qui sont indispensables.
    L'avenir, nous ne le voyons pas dans la confrontation entre l'entreprise et le salarié. Nous ne le voyons pas non plus dans la résignation des salariés face à l'évolution de l'emploi. Nous le voyons dans la concertation, dans la consultation, dans la négociation encouragée, encadrée, s'il le faut, par la loi.
    Quelles sont alors les questions auxquelles il nous faut répondre, et auxquelles, malheureusement, ce débat ne nous permettra pas d'apporter des réponses précises ? La difficulté est ici de deux ordres.
    Le droit du licenciement est indissociable du droit du travail dans son ensemble. Y toucher, c'est toucher aux prérogatives de l'employeur : prérogatives économiques, contractuelles, disciplinaires, tout le droit du travail peut être ébranlé, en tout cas concerné par une modification du droit du licenciement.
    Le droit du licenciement est par ailleurs inséparable de l'évolution de la situation de l'emploi, ce qui renvoie à l'appréciation que nous portons sur la conjoncture. J'observe d'ailleurs que vous devez être extrêmement optimiste sur l'évolution de l'emploi et des plans sociaux dans les mois qui viennent pour vous permettre ainsi de supprimer un certain nombre de règles et de procédures qui avaient justement pour objectif de limiter, de réduire le nombre des plans sociaux et de protéger la collectivité contre ce flot montant des licenciements.
    C'est avec cette double contrainte à l'esprit qu'il nous faut aborder ces questions du licenciement, qui ne sont en aucune manière traitées dans le texte.
    La première porte sur la prévention du licenciement. A ce stade, le paradoxe n'est-il pas que le contrôle du motif économique se fasse en aval, par le juge, plutôt que d'être discuté en amont par les acteurs de l'entreprise, ce qui correspond d'ailleurs à toutes les réflexions qui sont menées à l'échelle européenne ? La définition du motif économique est fixée, vous le savez, par l'article L. 321-1 du code du travail, qui qualifie de licenciement économique celui prononcé « pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». La jurisprudence de la Cour de cassation s'est saisie de cette notion pour considérer comme justifié le licenciement lié à la réorganisation de l'entreprise dans le but de sauvegarder sa compétitivité. L'appréciation devient alors - et c'est bien normal - presque subjective. Cette évolution est à rapprocher de celle de la loi, qui en supprimant, en 1986, l'autorisation administrative de licenciement, a en réalité déplacé le centre de gravité de notre législation du contrôle du licenciement par l'administration sur la réalité du motif économique, au respect de l'obligation de reclassement, tant au niveau des procédures que des moyens mis en oeuvre.
    Ce retrait de l'administration et des partenaires sociaux a eu une conséquence : le vide juridique ainsi laissé a aussitôt été comblé par le juge, qui a développé autour du motif économique une construction jurisprudentielle intéressante, souvent pertinente, qui doit d'ailleurs beaucoup au doyen Waquet, mais dont on ne peut pour autant se féliciter totalement. Est-il préférable que l'appréciation des enjeux de compétitivité de nos entreprises revienne aux juges plus qu'aux acteurs économiques et aux partenaires sociaux ? Pour notre part, nous ne le pensons pas.
    M. Hervé Novelli. Aubry, elle, le pensait ! Ce n'est pas cohérent !
    M. Gaëtan Gorce. Cela suppose en tout cas que l'on réintroduise dans le processus de décision qui aboutit au licenciement économique le principe d'une réflexion collective et d'une consultation des salariés ou de leurs représentants. En effet, tous ceux qui se sont penchés sur les conditions de la prise de décision à l'intérieur de l'entreprise ou du groupe ont noté l'extrême opacité de ce processus et les formidables a priori dont ils sont marqués.
    Il est d'ailleurs étonnant que, dans une société démocratique comme la nôtre, toutes les décisions puissent être discutées, sauf celles qui seraient arrêtées dans le seul intérêt de l'entreprise, par le chef d'entreprise, seul au regard de la collectivité.
    Un spécialiste de l'entreprise, Mme Beaujolin, qui a pris soin d'étudier ce processus de l'intérieur, faisait observer dans un ouvrage paru en 1999 - je vous rassure, ce n'est pas une énarque, c'est quelqu'un qui a travaillé dans l'entreprise et qui y est resté. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)...
    Mme Nadine Morano. Vous devriez y aller vous aussi !
    M. Gaëtan Gorce. Ah, je savais que cela vous ferait réagir.
    Je cite Mme Beaujolin : « Dans ses décisions, l'entreprise se livre peu sur elle-même et les voiles posés sur l'analyse des processus de décision en matière de réduction des effectifs s'avèrent singulièrement opaques. A vouloir explorer l'analyse de ses logiques internes et des processus de décision qui régissent les réductions d'effectifs, on est confronté sans cesse à des zones d'ombre et de secret. Les entreprises déploient des trésors de diplomatie et de résistance pour ne pas avoir à aborder leur décision en matière de suppression d'emploi. »
    Il est vrai que la décision est prise, généralement, à l'échelon stratégique du groupe, par un petit nombre de personnes dont l'expertise ne fait l'objet d'aucune véritable discussion.
    M. Jean-Jacques Descamps. Comme au PS...
    M. Gaëtan Gorce. Plutôt comme à l'UMP !
    Les échelons périphériques en sont tenus éloignés, même si c'est à leur niveau que s'effectuera leur mise en oeuvre. Ce n'est souvent qu'à ce stade que sont consultés les partenaires sociaux. Cette opacité et cette centralisation sont d'autant plus contestables qu'elles s'appuient sur des a priori jamais remis en question, et qui font de l'emploi, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'ennemi de la compétitivité.
    Il est frappant d'observer, dans toutes les situations décrites par les observateurs, que, confrontés à des difficultés ou à une baisse de rentabilité qui affectent la valeur de l'entreprise, la réponse des dirigeants va trop souvent dans le même sens : en priorité, vers la compression des effectifs et, par conséquent, les licenciements collectifs.
    Un sociologue de l'entreprise rapporte ainsi cet exemple d'une grande chaîne hôtelière, dont la perte de rentabilité résultait manifestement de mauvais choix financiers, et qui a préféré faire porter sur les salariés le coût des ajustements nécessaires, bien qu'à l'évidence la structure d'emploi correspondait à sa taille et au niveau du service exigé par ses clients.
    Sans recourir à l'image de la Bourse, qui monte quand on prononce des licenciements, comment ne pas noter combien l'impératif de rentabilité fait du licenciement une sorte de décision réflexe, à laquelle on songe spontanément et que l'on s'efforce ensuite, à coups de ratios bâtis pour l'occasion, de justifier.
    M. Hervé Novelli. Caricature !
    M. Jean-Jacques Descamps. Cela dénote une méconnaissance complète de l'entreprise !
    M. Gaëtan Gorce. Je ne fais que citer. Nous avons déjà eu cette discussion à de nombreuses reprises, mais j'ai bien noté, messieurs, qu'hier vous n'avez pas cessé d'interrompre l'orateur du groupe socialiste, M. Le Garrec, qui a d'ailleurs travaillé dans une entreprise, sur ce thème, selon lequel la seule légitimité pour parler de l'entreprise serait le chef d'entreprise, jamais le salarié ou le syndicaliste. La légitimité pour parler de problèmes de santé reviendrait nécessairement au médecin, et ainsi de suite ? Comme si nous avions de cette assemblée une vision qui devrait être uniquement corporatiste et professionnelle, comme si nous n'étions pas élus pour débattre au nom de l'intérêt général, et non pour défendre tel ou tel intérêt particulier qu'on nous aurait invité à représenter.
    M. Pierre Morange. Il a bon dos, l'intérêt général.
    M. Gaëtan Gorce. Il faut resituer les choses en la matière, car tel que vous l'engagez, ce débat dérive et vous poussera certainement à commettre des erreurs. Nous attendons que cela commence, cela ne devrait pas tarder. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Nadine Morano. Il détient la vérité absolue !
    M. Gaëtan Gorce. Le licenciement dans le cadre d'un plan social est encore, selon la formule employée par un directeur des ressources humaines, là encore je ne fais que citer, la solution qui présente le « meilleur retour sur l'investissement » : 200 000 francs en moyenne pour solde de tout compte et par emploi, amortissable, en quelque sorte, sur un an.
    En disant cela, nous ne contestons pas, bien au contraire, que la décision doive relever du chef d'entreprise. Nous sommes dans un système fondé sur l'initiative privée. Ce que nous contestons, c'est que sa décision puisse être, a priori, considérée comme la seule ou la meilleure possible, sans qu'il n'y ait aucun élément de discussion ou de négociation.
    La cascade des plans sociaux à laquelle nous avons assisté dans les années quatre-vingt-dix a d'ailleurs montré l'écart entre l'ampleur de ces plans et les stricts besoins des entreprises. A l'évidence, cela pose un problème, comme dirait le Premier ministre, de gouvernance de l'entreprise.
    Comment apprécier, par exemple, la capacité du chef d'entreprise à résister aux injonctions des actionnaires - car, naturellement, je parle toujours des grandes entreprises et des grands groupes - uniquement soucieux de la valeur, lorsque l'on sait qu'une partie de sa rémunération est désormais de plus en plus souvent formée par des stocks-options ? Autrement dit, ce chef d'entreprise, appelé à décider des licenciements, a toutes chances de voir la valeur des actions qui lui ont été remises au titre de rémunération augmenter à proportion de l'importance des effectifs qu'il pourra décider de supprimer.
    Nous sommes là dans une dérive perverse. Cette situation n'est bonne ni pour notre société, qui paie cash les conséquences de ces décisions, ni pour l'économie, ni pour l'entreprise. Car les effets collatéraux du licenciement ne sont jamais discutés, ni évalués, et pourtant, ils sont bien présents. Démoralisation des salariés qui restent jusqu'à la prochaine charrette, perte de compétences et de savoir-faire, mais aussi amertume des salariés licenciés qui vont parfois préférer se reconvertir plutôt que de conserver leur ancien métier, quitte à poser aux entreprises du secteur concerné, en cas de reprise, de vrais problèmes de recrutement. On l'a bien vu pour le bâtiment.
    Cette contradiction apparaît tout à fait nettement dans les déclarations de tel ou tel chef d''entreprise qui n'hésite pas à évoquer - et pourquoi mettre en cause leur sincérité ? - l'entreprise citoyenne, la responsabilité morale qui serait la leur et qui, en même temps, après avoir vanté la motivation de leur personnel, justifie les réductions d'effectifs pour faire de la valeur.
    Nous sommes là au coeur de la question, et c'est bien à ce stade qu'il faut tenter d'apporter un premier élément de réponse. Si l'on récuse un contrôle encore plus poussé du juge ou du législateur, à travers une définition trop restrictive du motif économique, alors, quelles options retenir pour introduire dans ce processus, en amont de décisions un peu de transparence et de concertation, pour assurer une meilleure prévention du licenciement ?
    La première solution est d'abord celle qui s'appuie sur le dispositif traditionnel de notre droit social, qui distingue les instances de décision, occupées par les seuls actionnaires des instances de consultation où siègent des représentants du personnel. Le code du travail, la Cour de cassation, dans son arrêt Sietam, ont rappelé la double nature de la consultation du comité d'entreprise : sociale sur le plan de reclassement au titre du livre III, mais aussi économique au titre du livre IV.
    La loi de modernisation sociale n'a fait au fond que tirer toutes les conséquences sur cette double consultation en la séparant en deux temps distincts et surtout en donnant au comité d'entreprise les moyens d'une véritable expertise par le recours, dès la première phase, à un expert-comptable. Comment contester cette logique qui consiste à permettre au comité d'entreprise de disposer des moyens d'exercer ses compétences, d'exprimer son avis sur la stratégie de l'entreprise dont il a justement à juger des conséquences ? Comment contester du même mouvement l'importance de l'étude d'impact que vous suspendez pourtant, visant à informer les organes de direction de l'entreprise des conséquences sociales et territoriales des orientations qu'ils prennent ?
    Une telle solution présente certes l'inconvénient d'allonger les procédures, certains diront de les alourdir. Mais cette critique, qui peut être justifiée dans l'hypothèse d'un licenciement motivé par des difficultés économiques est moins acceptable si le licenciement s'inscrit, au contraire, dans une orientation de la stratégie de l'entreprise, à laquelle ne s'attache alors aucun caractère d'urgence. C'est pourtant bien cette logique que vous remettez en cause, sans apporter, d'ailleurs, la moindre explication, la moindre démonstration de sa prétendue nocivité.
    Votre opposition à cette formule de consultation renforcée du comité d'entreprise n'aurait, en réalité, de sens que si elle avait pour objet de lui substituer l'une des deux autres solutions envisageables dans ce contexte et utilisées d'ailleurs par nos partenaires européens, à savoir le recours à la négociation, malheureusement récusé par la plupart des organisations syndicales, ou la représentation des salariés à l'intérieur des organes de direction de l'entreprise ou du groupe.
    Cette voie aurait pour effet d'introduire dans le débat stratégique le point de vue des salariés, en le mettant au même niveau, sinon en lui donnant le même poids que celui des actionnaires. Elle aurait également un double effet pédagogique, incitant chacune des parties à entendre, et sans doute progressivement à comprendre leur point de vue respectif, sans être naturellement forcée de le partager.
    Force est de constater que vous n'allez pas aussi loin. Vous remettez en question les pouvoirs du comité d'entreprise, mais à aucun moment vous n'envisagez la représentation des salariés dans les conseils d'administration ou les conseils de surveillance. Ce faisant, vous restez attachés, je le répète, à une vision nécessairement conflictuelle de l'entreprise, qui exclut a priori tout échange d'information, toute consultation en amont des procédures.
    M. Jean-Paul Anciaux. Non, pas l'information !
    M. Gaëtan Gorce. Une autre piste concerne la question de la gestion prévisionnelle de l'emploi, qui n'a manifestement pas votre faveur ni d'ailleurs celle des employeurs depuis sa mise en place en 1989 et sa relance récente par la loi de modernisation sociale. Peut-être pourrait-elle être relancée au travers de l'obligation d'adaptation qui figure dans la loi sur la réduction du temps de travail. Au-delà de la mise en oeuvre du plan social, cette obligation pourrait conduire l'employeur à préparer très en amont ses salariés à l'évolution des métiers, y compris au risque qui y sont liés, c'est-à-dire la disparition des emplois concernés.
    Cette obligation sera d'autant plus stimulante qu'elle pourra désormais être conçue et utilisée comme un élément du contrat de travail. Qui n'a pu observer, ces dix dernières années, les effets ravageurs des plans de licenciement renvoyant sur le marché du travail des salariés d'exécution, dont les tâches n'avaient jamais varié depuis leur recrutement ? Embauchés souvent à seize ans, ils ont été rivés pendant vingt-cinq ou trente ans au même poste, se retrouvant, une fois le licenciement prononcé, totalement démunis, sans qualification reconnue, sans savoir-faire réutilisable. C'est la réalité vécue sur le bassin d'emploi, en tout cas, c'est celle que je connais.
    M. Alain Néri. Oui !
    M. Gaëtan Gorce. Ce gâchis social et humain n'est pas acceptable. Il faut pousser encore plus loin l'obligation d'adaptation, qui constituera un des éléments appréciés par le juge quand il se prononcera sur l'existence et le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Mais, là aussi, sur ce sujet, vous êtes silencieux.
    La troisième question est enfin de savoir comment rendre efficace l'obligation de reclassement et de reconversion introduite par la jurisprudence et reprise par la loi. Le juge n'a eu de cesse, depuis une quinzaine d'années, que d'en enrichir le contenu et les conséquences, et la loi de modernisation sociale n'a fait de ce point de vue qu'en reprendre les grandes orientations. L'entrepreneur a ainsi à sa charge une obligation de moyens qui doit être appréciée en fonction de ses capacités financières et de la taille de l'entreprise.
    La loi est allée jusqu'à prévoir la mise en place de congés de reclassement ayant pour effet de ne pas rompre le contrat de travail pendant la durée de mise en oeuvre de la procédure. Nous sommes, là aussi, sans doute à un point crucial de la réflexion et de la définition des responsabilités respectives de l'employeur, des représentants du personnel et des collectivités. Peut-on accepter comme normal que les salariés soient licenciés et renvoyés sur le marché du travail sous la seule responsabilité humaine, sociale, financière, des pouvoirs publics ?
    Pour notre part, nous considérons que toute réforme de licenciement doit nécessairement inclure une réflexion sur une responsabilisation de l'employeur, en particulier dans les mois qui suivent la décision de rupture du contrat de travail. Cette responsabilisation devrait s'appliquer aux petites comme aux grandes unités, à la différence près que pour les premières, elle devrait être naturellement mutualisée. Il y a sur ce sujet beaucoup à apprendre des expériences menées sur certains bassins d'emplois ou chez nos partenaires de l'Union européenne. Toutes ces expériences ont en commun d'apporter la démonstration que le reclassement comme la reconversion sont beaucoup plus efficaces lorsqu'elles impliquent, au-delà de la rupture voire de la simple suspension du contrat de travail, l'ensemble des partenaires.
    C'est une formule suédoise, que l'on retrouve également en Autriche, et parfois en Italie. Dès lors que l'on considère que le licenciement n'a pu être évité, tout doit être entrepris pour en limiter, en atténuer, en corriger, en compenser les conséquences sans que le statut professionnel des salariés n'en soit en quelque sorte modifié. Perte d'emploi sans doute, mais pas perte de l'ensemble des droits qui y sont attachés, à commencer par le droit à la formation.
    On le voit, les enjeux de cette discussion vont bien au-delà de la polémique engagée par votre majorité sur la loi de modernisation sociale, qui nous renvoie à de vieux conflits, à de vieux clichés qui ignorent l'évolution réelle des relations économiques et de la situation des entreprises. Celles-ci sont de plus en plus concentrées sur leur noyau dur de salariés dont elles exigent toujours plus de compétences, de motivation et d'efficacité. Elles organisent le travail autour de ce noyau dur en recourant de plus en plus largement aux formes atypiques d'emplois que sont les CDD, l'intérim, voire le travail indépendant. Elles se sont structurées en réseaux, plaçant souvent sous leur dépendance une multiplicité de petites entreprises qui sont dans les deux tiers des cas, vous le savez bien, des sous-traitants qui se situent dans un rapport déséquilibré par rapport à leurs donneurs d'ordres.
    La grande victime de cette situation, c'est indiscutablement le droit du travail, les droits des salariés. Le durcissement de la concurrence à l'échelle mondiale s'est accompagné d'une exigence de flexibilité et de mobilité qui s'est attaquée aux bases mêmes de leur statut professionnel. C'est ce statut professionnel qu'il faut rebâtir à travers un nouveau compromis social à négocier dont la notion, par exemple, de droits de tirage sociaux, de droits de transition donne une première esquisse. C'est dans cet esprit, qui associe nouvelle gouvernance, pour reprendre cette formule, de l'entreprise et mise en place de nouvelles formes de relations sociales, qu'il nous faudrait travailler, une telle approche devant a priori exclure toute caricature, toute précipitation et tout excès.
    Ce n'est manifestement pas la voie que vous avez choisie. Plutôt que de vous inscrire dans une perspective longue, vous avez choisi d'y aller à la hache. Cela nous amène tout naturellement à la question de la méthode que vous avez choisi d'employer.
    Observons, tout d'abord, combien vous ignorez la dimension européenne de la question des licenciements et des restructurations, alors qu'elle s'impose manifestement à nous.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. On aura tout entendu !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vraiment ! Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. Gaëtan Gorce. Mais je serais ravi d'écouter les réponses du Gouvernement sur ce sujet, d'engager un véritable débat sur la question, de sortir enfin des critiques, des procès de la précédente majorité pour travailler un peu sur l'avenir. J'aimerais, par exemple, que vous nous disiez ce que vous entendez faire sur le plan européen à propos de la prévention du licenciement, du développement du reclassement et de la reconversion.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est un procès d'intention !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il faut relire le rapport !
    M. Gaëtan Gorce. A ce sujet d'ailleurs, puisque votre attention a été appelée un petit instant pendant cet échange, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer, toujours dans le souci d'informer notre assemblée, ce que vous entendez faire d'un des décrets qui auraient pu être publiés et qui ne l'ont pas été, et qui concernent l'obligation de reconversion des bassins industriels à la charge des grands groupes ? Avez-vous l'intention de le publier ou, au contraire, celui-ci restera-t-il dans les tiroirs de votre ministère ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce décret est tout simple, il faut regarder les choses avant de les critiquer : il consiste simplement à dire qu'un grand groupe industriel, qu'une grande entreprise qui dispose des ressources adaptées doit assumer les conséquences économiques, sociales et humaines des décisions qu'elle prend lorsqu'elle affaiblit un bassin d'emplois.
    M. Hervé Novelli. Cela n'a rien à voir ! Les entreprises l'ont fait !
    Mme Catherine Génisson. Oui, il y en a !
    M. Gaëtan Gorce. Je pourrais vous citer une bonne dizaines d'exemples dans mon département d'entreprises - je pense à Total, à Epeda, mais il y en a beaucoup d'autres qui sont en situation d'assumer ces reconversions mais qui ne le font pas parce qu'elles n'en ont pas aujourd'hui l'obligation. Certaines ont introduit dans leur mode de fonctionnement cette responsabilité par rapport au bassin d'emplois, mais beaucoup d'autres ne le font pas. Ce n'est pas juste ni d'un point de vue social et humain, ni d'un point de vue financier. Elles ont les moyens de le faire mais elles préfèrent faire supporter le coût de cette opération sur la collectivité.
    M. Jean Le Garrec. Vous avez l'appui de M. Goulard ! (Sourires.)
    M. Gaëtan Gorce. Comme maire de Vanne ou comme député ?
    M. Jean Le Garrec. Comme maire de Vanne !
    M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Vous n'utilisez la comparaison européenne que pour instruire, une fois de plus, les procès et compléter vos caricatures, selon lesquels la France serait, au regard de nos partenaires européens, une terrible exception qui serait préjudiciable à notre compétitivité.
    M. Hervé Novelli. Eh oui !
    M. Gaëtan Gorce. J'ai d'ailleurs été à cet égard profondément choqué - j'ai eu l'occasion de le dire dans cet hémicycle - par les déclarations d'un ancien Premier ministre qui, à peine élu à la tête de l'UMP, s'est précipité à Londres pour dire, devant un parterre de chefs d'entreprise, tout le mal qu'il pensait de notre législation sociale, n'hésitant pas à présenter notre pays comme « un repoussoir pour les investisseurs » ! Comme quoi on peut aspirer aux plus hautes charges de l'Etat sans être capable de prendre toujours la hauteur voulue.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Ce n'est pas très correct, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Missionné en 2000 par la délégation pour l'Union européenne de notre assemblée pour étudier les risques de dumping social auxquels pouvaient être confrontés les pays de l'Union, j'ai pu observer combien, au-delà de la réelle diversité des systèmes sociaux existant entre les Quinze, les tendances à la convergence étaient fortes.
    J'ai pu observer aussi combien cette diversité n'avait pas provoqué de véritable distorsion de concurrence.
    Dans ce document, d'ailleurs approuvé par toutes les composantes de la délégation, je faisais observer que l'étude conduite sur la diversité des règles de travail en Europe montrait que les contraintes en matière de licenciement individuel étaient globalement plus fortes dans certains pays comme le Portugal, la Norvège, l'Espagne ou l'Italie, plus faibles en Finlande, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Irlande, la France restant dans la moyenne.
    Sur les licenciements collectifs, la conclusion était la même : alors que la Belgique, le Danemark, la Finlande, l'Irlande, le Luxembourg ou le Royaume-Uni affichaient des indices inférieurs à la moyenne, l'indice du Portugal culminait à dix alors que celui de la France se situait, comme celui de l'Espagne, à une position médiane.
    Cette diversité traduit un même niveau de préoccupation et de protection, même si elle conduit les pays, selon leur culture nationale, à mettre l'accent plutôt sur tel ou tel volet de la législation.
    Une récente étude de la DARES en a témoigné. Elle démontre par exemple que, pour le seuil de déclenchement de la législation sur le licenciement économique, la loi française est moins exigeante pour les petits établissements, contrairement à une idée répandue sur ces bancs, que les législations italienne, suédoise ou espagnole.
    Pour un établissement de cinquante salariés, le seuil est de cinq licenciements en un mois pour l'Allemagne et la Suède, de dix en trois mois pour l'Espagne.
    En ce qui concerne l'ordre des départs, la législation française est aussi l'une des plus souples. Elle laisse l'employeur maître de l'ordre des licenciements,...
    M. Jean Le Garrec. Exact !
    M. Gaëtan Gorce. ... à la différence de nombreuses législations qui appliquent de manière stricte le principe du « dernier entré, premier sorti ».
    M. Jean Le Garrec. Très intéressant !
    M. Gaëtan Gorce. La nécessité d'informer et de consulter les représentants du personnel est partout présente. Elle fait d'ailleurs l'objet d'une directive européenne. Dans tous les cas, cette obligation inclut les deux volets que prévoit la législation française, l'un portant sur le motif économique, l'autre sur les conséquences sociales.
    Le principe d'une médiation, qui a provoqué tant de réactions de votre part et que vous voulez suspendre, est également présent en Italie, en Espagne, en Allemagne et même en Suède.
    Enfin, les délais sont partout, lorsque tout se passe bien, de l'ordre du trimestre et, lorsque les choses se passent moins bien, souvent de l'ordre du semestre.
    L'exception française est par conséquent beaucoup plus limitée que vous ne le prétendez.
    M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    M. Gaëtan Gorce. Elle porte essentiellement sur deux points.
    Elle privilégie, tout d'abord, le reclassement par rapport à l'indemnisation du salarié,...
    M. Jean Le Garrec. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. ... ce qui, de notre point de vue, est plutôt une bonne chose - même s'il n'en faut pas moins améliorer l'indemnisation et probablement renchérir le licenciement. Elle fait aussi moins de place à la négociation, ce qui a pour effet de rendre les procédures plus complexes, et certainement moins sûres.
    Cette dernière observation mérite qu'on s'y arrête. La procédure de licenciement reste vécue, en France, comme essentiellement conflictuelle, pour deux raisons majeures : en amont, l'absence de concertation, qui place les salariés devant le fait accompli et, en aval, l'insuffisance des moyens du comité d'entreprise, en termes tant d'expertise que de discussion, laquelle, il est vrai, conduit souvent les syndicats à utiliser la procédure plutôt pour retarder le licenciement que pour en discuter les modalités et en atténuer les conséquences.
    Cette particularité française, si l'on veut la traiter, devrait être prise en compte au moment d'engager une véritable réforme. Elle ne peut, en revanche, servir de prétexte à des déclarations enflammées, à des condamnations ou à des procès en hérétisme. Elle doit plutôt faire l'objet d'une réflexion approfondie si l'on veut trouver les solutions appropriées qui puissent, à l'évidence, par le recours à la négociation, faire progresser, mais je reviendrai sur ce point.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il parle depuis une heure et quart !
    M. Gaëtan Gorce. Je n'en suis qu'à une heure cinq, monsieur le rapporteur. Si vous appréciez le texte aussi mal que vous comptez le temps, je suis inquiet pour la suite de notre débat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Le Garrec. M. Gorce fait des comparaisons intéressantes !
    M. Gaëtan Gorce. Je suis prêt à admettre que ce domaine n'est pas forcément enthousiasmant,...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Mais si !
    M. Gaëtan Gorce. ... et que mon exposé peut paraître un peu...
    M. Paul-Henri Cugnenc. Théorique ? caricatural ?
    M. Jean-Jacques Descamps. Professoral !
    M. Gaëtan Gorce. Professoral ? Jugez-en comme bon vous semble. J'essaie simplement de traiter la question au fond plutôt que par la polémique comme je l'ai entendu faire. Nous verrons bien ce qui nous différencie - car nous avons des éléments de différence, et c'est tant mieux !
    Au-delà de ces oppositions factices, qui font qu'on voit bien que la plupart des pays européens se situent, en réalité, dans un même spectre d'orientation, la question posée est bien celle de la méthode, c'est-à-dire de la place qui doit être faite respectivement à la loi et à la négociation.
    Je reviendrai très brièvement sur la remarque que m'a adressée tout à l'heure notre rapporteur.
    L'opposition ne dispose d'aucun autre moyen d'expression.
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Nous pourrons encore nous exprimer à l'occasion d'une autre motion de procédure et des amendements. Il ne me paraît donc pas anormal que nous utilisions la totalité du temps de parole qui nous est laissé pour exposer notre point de vue. Je ne crois pas que l'opposition soit si importante dans cet hémicycle qu'elle puisse vous mettre en danger au moment du vote du texte. Il est donc normal que nous puissions avoir un échange approfondi.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Absolument !
    M. Jean Le Garrec. Ils l'ont fait avant nous ! Vous n'avez pas à vous justifier !
    M. Gaëtan Gorce. Si nul ne peut nier la légitimité de la négociation interprofessionnelle dans ce domaine, encore faut-il que celle-ci ne soit pas le faux nez d'une volonté gouvernementale déjà arrêtée sans concertation.
    Vous avez choisi, comme je l'ai indiqué précédemment, de suspendre la loi de modernisation sociale et vous avez justifié cette suspension par le fait que vous renverriez à la négociation sociale le soin de trouver les solutions appropriées à la question du licenciement. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que cette approche ne résiste pas à l'examen.
    En premier lieu, pourquoi vous fallait-il absolument suspendre - en fait, abroger - les dispositions de la loi de modernisation sociale avant toute concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux ? Ces dispositions étaient-elles à ce point nocives qu'il fallait s'en débarrasser avant que le débat ne puisse aller plus loin ? Si ces dispositions sont si menaçantes, j'aimerais que l'on m'explique pourquoi c'est la suspension et non l'abrogation qui a été choisie.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous vous répétez, mais on va vous l'expliquer !
    M. Gaëtan Gorce. Il faut toujours recommencer, vous le savez bien : c'est la base de la pédagogie !
    Y avait-il, au contraire, urgence à trouver de nouvelles solutions et, en effaçant les premières, voulait-on inciter à aller plus vite dans l'élaboration des secondes ? Mais alors, pourquoi avoir donné dix-huit mois à cette négociation pour aboutir, éventuellement complétés de douze mois supplémentaires ? L'urgence ne jouerait donc que dans un sens - supprimer les avantages acquis en matière de licenciements -, mais elle ne vaudrait plus lorsqu'il s'agirait d'en élaborer de nouveaux.
    Ou alors cela signifie-t-il que les dispositions qui figurent dans le texte et qui n'avaient pas été demandées par les syndicats mais que ceux-ci défendent - personne n'était vraiment demandeur d'une négociation sur le licenciement - étaient à vos yeux trop favorables aux salariés ? Auriez-vous souhaité mettre les organisations syndicales dans une position moins favorable au moment d'engager la discussion et la négociation en ne leur permettant pas de s'appuyer sur les avancées du droit existant ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'observe en second lieu que vous avez fait comme par raccroc le choix de la négociation. Il est de notoriété publique, monsieur le ministre, que vous n'avez accepté la négociation interprofessionnelle que sous la pression des organisations syndicales, de l'une d'entre elles en particulier (Très discrètement ! Monsieur le ministre fait un geste de dénégation), et qu'elle ne figurait pas dans le premier document que vous aviez élaboré et qui a été soumis à la concertation. Des reproches vous ont même été adressés publiquement par de nombreuses organisations qui ne comprenaient pas l'absence d'une telle négociation interprofessionnelle dès lors qu'il fallait rebâtir un droit du licenciement.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quelle mauvaise foi !
    M. Gaëtan Gorce. Pour autant, cette concession n'a rien changé à votre stratégie. Celle-ci n'a pas pour but de prendre en compte ces exigences : vous n'aviez pas prévu la négociation, vous ne l'aviez pas voulue et vous ne ferez au fond rien pour qu'elle aboutisse rapidement. Vous vous êtes en effet donné les délais nécessaires, et mon collègue Alain Vidalies a rappelé tout à l'heure à quels aléas pouvait être soumise cette négociation, ou les ministres qui pouvaient y être associés. Votre but était d'abroger le plus rapidement possible plusieurs dispositions de la loi de modernisation sociale pour rendre plus facile le licenciement. Vous vous tiendrez à cette position sauf si les partenaires sociaux sont capables, ce que je souhaite, par leur unité, de vous imposer une autre orientation.
    M. Dominique Dord, rapporteur. De « proposer » plutôt ! N'exagérons pas !
    M. Gaëtan Gorce. J'observe par ailleurs que le recours à la négociation interprofessionnelle ne doit pas servir de prétexte à l'Etat pour se départir totalement de ses responsabilités.
    Mme Hélène Mignon. Absolument !
    M. Gaëtan Gorce. D'abord parce qu'il appartient aux pouvoirs publics de garantir la hiérarchie des normes, y compris des normes conventionnelles entre elles. Or comment ne pas observer que, dans votre texte, vous avez placé sur le même plan la négociation menée à l'échelle nationale, interprofessionnelle, et les négociations pouvant être conduites au niveau des entreprises, même mâtinées de garanties majoritaires. Que vaudront les accords majoritaires prévus à votre article 2, signés dans les entreprises, au regard de l'accord interprofessionnel prévu à l'article 1er, sachant notamment qu'il y a des différences dans la chronologie de l'application de ces dispositions ? Continueront-ils à s'appliquer, même s'ils sont dérogatoires, une fois un accord national trouvé ? Et que penser de ces accords qui seront signés dans l'entreprise sous la pression de l'événement, s'ils le sont, c'est-à-dire, à l'évidence, non pas comme les accords de méthode que vous évoquez et qui sont déjà possibles, mais comme des accords visant à s'appliquer à des procédures en cours auxquelles ils pourront déroger ?
    Il est clair, là encore, que le rapport de force sera par définition, même avec la contrepartie majoritaire, défavorable aux organisations syndicales. Cela ne suffira pas à le rééquilibrer.
    Surtout, vous introduisez ce faisant une modification dans la hiérarchie des normes, d'ailleurs réclamée par le MEDEF, qui consiste à considérer que la base du droit social - combien de fois ne l'avons-nous entendu depuis deux ans - que là où le droit social doit se construire, ce n'est plus au niveau de la branche et encore moins de l'interprofession, mais c'est dans l'entreprise, où l'on sait bien pourtant que les syndicats sont les moins bien représentés.
    L'Etat ne peut renoncer à exercer l'ensemble de ses compétences. L'Etat ne peut, sur ces sujets qui concernent pour une part l'ordre public social, renoncer à indiquer ce que sont ses orientations.
    Entrer dans une négociation sans que les pouvoirs publics, sans que le ministre du travail, sans que le Gouvernement aient fait connaître les grands axes de leurs réflexions,...
    M. Jean Le Garrec. Très bon argument !
    M. Gaëtan Gorce. ... sans que cela puisse en quoi que ce soit contraindre les partenaires sociaux, et indiquer simplement ce qu'est votre politique, dont vous avez la responsabilité, cela ne s'est jamais vu !
    Si l'on peut comprendre que l'Etat souhaite s'en remettre aux partenaires sociaux pour définir les grands axes, pour préciser les modalités, pour trouver les bons équilibres, il n'est pas normal que l'Etat renonce à sa responsabilité pour indiquer ce qui lui paraît être la voie normale dans laquelle s'engager !
    M. Hervé Novelli. Archaïsme !
    M. Jean-Jacques Descamps. Vieille idée marxiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Gaëtan Gorce. Je vois que votre lecture de Marx est un peu rapide, et sans doute un peu datée ! (Sourires.)
    M. François Liberti. Il ne l'a pas lu, voyons !
    M. Gaëtan Gorce. C'est le ministre qui a le premier abordé ce sujet. Je pense que M. Gremetz pourra lui envoyer les oeuvres complètes de Marx, de façon qu'il puisse vérifier la réalité de votre commentaire !
    Quant à moi, j'évoquerai surtout les questions concrètes.
    Comment imaginer que soit laissée à la seule appréciation des négociateurs la définition du rôle de l'administration et du contrôle que celle-ci doit exercer sur les licenciements ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Lisez le texte au lieu de dire des bêtises !
    M. Gaëtan Gorce. Si c'est le contraire, vous nous le préciserez !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il y a des limites !
    M. Gaëtan Gorce. J'observe, monsieur le ministre, que vous prétendez que l'opposition dit des bêtises...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui, je le dis !
    M. Gaëtan Gorce. On voit là l'esprit de tolérance dans lequel vous abordez ce débat : vous ne voulez jamais vous expliquer, comme je l'ai déjà relevé à plusieurs reprises. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous préférez l'invective à l'explication !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Oh, ça suffit !
    M. Dominique Dord, rapporteur. On vous connaît par coeur !
    M. Gaëtan Gorce. Nous, nous restons corrects avec vous, monsieur le ministre !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Voilà plus d'une heure que vous faites de la provocation systématique !
    M. Gaëtan Gorce. Quand nous considérons que vous faites des bêtises, ce qui est le cas, nous vous le disons de cette tribune ! Mais, ce faisant, nous ne mettons jamais en cause qui que ce soit dans votre gouvernement ou dans votre majorité.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous provoquez sans arrêt !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et M. Le Garrec viendra se plaindre de l'atmosphère délétère !
    M. Gaëtan Gorce. Vous nous l'expliquerez car vous êtes là pour ça ! J'imagine que vous êtes venu devant cette assemblée pour dire que les craintes que nous exprimons sont infondées, pour nous rassurer ! Vous aurez l'occasion de le faire en réponse aux questions que je vous ai posées, et notamment sur ce point précis.
    Permettez-moi d'observer que, tel qu'il est rédigé, le I de votre article 2 pose d'abord le principe d'une exception générale aux livres III et IV du code du travail. Il faut attendre le paragraphe suivant pour connaître les limites que vous y posez.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous voyez une autre solution ?
    M. Gaëtan Gorce. Mais j'aimerais que vous nous précisiez quelles sont exactement ces limites.
    Je ne crois pas, en posant cette question, faire autre chose que mon travail de parlementaire qui demande au Gouvernement les explications qu'il doit !
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai donné les précisions hier !
    M. Gaëtan Gorce. Eh bien, vous les répéterez, monsieur le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non !
    M. Gaëtan Gorce. Si le fait d'être présent dans cet hémicycle vous coûte, s'il vous est difficile de débattre avec l'opposition, alors dites-le ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est simplement que j'ai trop de respect pour vous : je n'aime pas vous entendre dire des bêtises !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Ça suffit maintenant !
    Mme Chantal Bourragué. En tout cas, ce qu'il dit n'intéresse pas beaucoup ses collègues et amis du groupe socialiste, vu leur nombre !
    M. Gaëtan Gorce. Si nous pouvons comprendre que la négociation trouve ainsi ses espaces, comment admettre que le principe même de la consultation puisse faire l'objet d'une dérogation conventionnelle ? Comment comprendre, à l'inverse - mais vous nous apporterez sur ce point des précisions, monsieur le ministre, avec la patience dont vous saurez faire preuve -, que des questions aussi déterminantes que la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle de l'emploi ou le reclassement des salariés qui ne bénéficient pas de plans sociaux ne figurent pas dans le champ de la négociation ? (M. le ministre proteste.) Cela est dommageable.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Le ministre s'est exprimé sur ce point hier ! Il faut écouter avant de critiquer !
    M. Gaëtan Gorce. Ne serait-il pas souhaitable que la négociation sur la formation professionnelle soit couplée à celle qui va s'engager sur le licenciement afin que ces questions, qui sont interdépendantes, soient traitées en même temps ?
    On me dit que vous vous êtes exprimé sur ce point. Moi, j'ai entendu le MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), qui s'est exprimé clairement...
    M. Dominique Dord, rapporteur. M. Fillon, ce n'est pas le MEDEF !
    M. Jean-Jacques Descamps. Ce n'est pas pareil !
    M. Gaëtan Gorce. Vous ne pourrez pas mener de négociations entre le patronat et les syndicats sans le MEDEF. Or le MEDEF a dit très clairement qu'il ne souhaitait pas de négociation sur ce point et que, s'il était prêt à des discussions, il dissociait très clairement les deux éléments du débat.
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est ça, une négociation, par définition !
    M. Gaëtan Gorce. Pardonnez-moi mais, je ne fais que rappeler un certain nombre d'éléments qui sont publics et sur lesquels vous aurez la possibilité de vous exprimer et de préciser votre point de vue.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vos observations sont partielles !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et partiales !
    M. Gaëtan Gorce. J'observe enfin que la méthode de consultation retenue... (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Que voulez-vous, nous sommes dans l'opposition et nous ne sommes pas forcément du même avis que vous...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cela ne doit pas vous empêcher d'être de bonne foi !
    M. Gaëtan Gorce. ... et c'est ce que vous avez du mal à accepter. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
    Il faudra vous contraindre à de gros efforts.
    La méthode de consultation que vous avez retenue, disais-je,...
    M. Jean-Paul Anciaux. Heureusement pour la France !
    M. Gaëtan Gorce. ... loin d'améliorer la sécurité juridique des entreprises... (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Hier, vous avez essayé d'empêcher mon collègue Jean Le Garrec de parler. Vous avez cherché à l'impressionner mais vous n'y avez pas réussi. Vous ne réussirez pas non plus aujourd'hui. Nous ne sommes pas dans une situation très simple, c'est vrai : nous sommes peu nombreux et il n'est pas difficile de couvrir notre voix car vous êtes quatre cents alors que nous sommes cent soixante-dix-sept...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous avez quand même le micro !
    M. Gaëtan Gorce. ... mais nous pouvons nous exprimer et dire ce que nous avons à dire !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Etre de bonne foi, ça ne mange pas de pain !
    M. Gaëtan Gorce. Je ne porte pas de jugement de valeur, monsieur le rapporteur.
    La méthode de consultation retenue, loin d'améliorer la sécurité juridique des entreprises,...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il en est à une heure vingt-cinq !
    M. Gaëtan Gorce. ... va au contraire contribuer à la dégrader. Je crois qu'il s'agit là d'un sujet qui vous préoccupe, monsieur le ministre. Vous indiquez que la loi, telle que vous nous la présentez, serait de nature à faire disparaître des éléments d'insécurité juridique et qu'elle serait donc de ce point de vue plus favorable. Mais le texte aboutira en réalité à multiplier les complexités et les insécurités et il suscitera des interrogations et des contestations sans fin.
    D'abord, votre loi provoquera un éclatement du droit de licenciement entre plusieurs catégories de salariés. Vous avez suffisamment critiqué ce qu'il en était pour le SMIC que j'espère de votre part des explications. Il y aura inégalité entre ceux qui resteront soumis à la LMS au titre des procédures en cours, et les autres, qui seront soumis aux dispositions antérieures. Il y aura inégalité entre ces derniers et ceux qui seront soumis à des accords dérogatoires. Il y aura inégalité parmi ces derniers, puisque le contenu desdits accords, n'étant pas encadré, sera variable. Et demain, il y aura inégalité entre les salariés soumis au futur droit commun et ceux qui resteront soumis aux accords dérogatoires, puisque ceux-ci seront prolongés au-delà de la mise en place de l'accord interprofessionnel et de la nouvelle loi.
    Il y a là une source inépuisable de contentieux, une incertitude juridique et une complexité qui porteront votre marque. Cette complexité est sans doute plus subie que voulue. Elle traduit l'état d'impréparation dans lequel vous avez abordé ce débat.
    Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer, votre objectif tient tout entier dans l'abrogation des articles de la loi de modernisation sociale, rien de plus. Vous n'avez introduit la négociation que par surcroît. Et si vous l'accompagnez de tant d'imprécisions, c'est qu'elle n'a pas réellement requis et qu'elle ne requerra pas votre attention.
    Vous voulez imposer une abrogation de la loi de modernisation sociale et le texte que vous nous présentez vous permet d'y parvenir dans des conditions malheureusement bien discutables tant du point de vue du droit que de celui de l'intérêt des salariés et des entreprises.
    On a rarement vu un gouvernement entrer dans un tel débat avec une telle vacuité de propositions et d'orientations.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Ben voyons !
    M. Gaëtan Gorce. Je sais bien qu'à cela vous répondrez que vous ne voulez pas vous substituer aux partenaires sociaux. L'argument serait peut-être recevable si vous n'aviez pas déjà décidé à leur place plus d'une fois, et sans doute cette fois-ci encore.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous parlez en connaisseur !
    M. Gaëtan Gorce. De toute façon, cet argument ne vous exonérerait pas de l'obligation d'assumer vos responsabilités qui consistent, pour l'Etat, à faire connaître le champ de ses orientations et l'axe de ses préoccupations qui devraient réellement aller au-delà de la simple remise en question des préoccupations et des orientations de ses prédécesseurs.
    Les sujets pourtant ne manquent pas. J'en ai déjà évoqué de nombreux tout au long de cette intervention auxquels votre projet est loin de répondre. Il n'a d'ailleurs pas pour objet de le faire.
    Il est dommageable de ce point de vue que notre assemblée ne puisse se faire l'écho des réflexions importantes et nombreuses qui sont conduites sur le sujet et qui, compte tenu de la méthode que vous avez retenue, n'auront ici pas droit de cité puisque vous avez déclaré l'urgence sur votre texte.
    Sur le plan européen, par exemple, le problème des restructurations constitue toujours une des préoccupations majeures de la CES, mais aussi des parlementaires, universitaires et spécialistes qui travaillent sur ces sujets.
    Un premier travail utile à été effectué - je devrais presque dire « arraché » - à travers l'actualisation de la directive sur la formation et la consultation des travailleurs, qui indique clairement, n'en déplaise à la majorité, que la consultation des représentants du personnel constitue une valeur commune à l'ensemble de l'espace social européen.
    Au-delà, c'est une valorisation des bonnes pratiques qu'il conviendrait d'engager. Pour notre part, nous serions favorables à la constitution, sur le plan européen, d'une autorité sociale paritaire, dont la mission serait de faire vivre un code de bonne conduite négocié par les partenaires sociaux en matière de restructurations et de délocalisations.
    Revenons au plan national. Sans doute serait-il souhaitable d'aller vraiment au fond du problème et de parvenir enfin, ce qui résoudrait bien des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, à distinguer ce qui relève d'un licenciement conjoncturel et ce qui relève d'un licenciement d'adaptation, décidé en vue d'une stratégie à moyen ou à long terme d'un groupe ou d'une entreprise. Il ne paraît ni souhaitable, ni nécessaire que ces deux situations relèvent des mêmes procédures et des mêmes règles. La jurisprudence l'a d'ailleurs presque involontairement fait ressortir lorsqu'elle a cherché à soumettre à la procédure d'un plan social une simple intention de l'entreprise susceptible de déboucher, en cas de refus du salarié d'accepter, par exemple, une mutation ou une modification d'emploi, sur des licenciements. Comme l'a récemment préconisé un rapport officiel, l'idée de définir ce qui pourrait être une procédure et un plan d'adaptation intégrant un même niveau mais d'autres formes d'information et de consultation du personnel répondrait à la différence des situations observées. Cela présenterait l'avantage subsidiaire de vous retirer ce faux argument - que vous n'hésitez pourtant pas à brandir - selon lequel ce serait justement parce que le licenciement conjoncturel est soumis à des règles trop lourdes, justifiées uniquement pour des licenciements plus structurels, qu'il faut casser la loi de modernisation sociale et, par là même, les garanties apportées aux salariés. Mais je crois que sur ces questions, comme sur d'autres, nous resterons sur notre faim.
    La question du reclassement fait également partie de celles que nous ne devrions pas pouvoir éviter ; peut-être en parlerons-nous, d'ailleurs, à la faveur d'un amendement qui est en retrait par rapport à ce qui existe aujourd'hui, alors qu'il faudrait aller de l'avant.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Que ne l'avez-vous fait ?
    M. Gaëtan Gorce. Notre droit laisse encore trop de marge entre le niveau de garantie apporté par le plan social aux salariés qui en bénéficient, et la faiblesse des moyens qui sont mobilisés en cas de licenciement, hors plan social, ce qui est le cas de huit licenciements sur dix : licenciements prononcés dans les entreprises de moins de cinquante salariés ou dans des procédures impliquant moins de dix salariés. Dans cette intervention, j'ai esquissé quelques pistes sur lesquelles il serait utile de concentrer une partie de nos débats ; je pense notamment à la mutualisation des droits.
    La question de la reconversion, enfin, reste pendante. Qu'allez-vous faire des dispositions de la loi précisant en la matière les nouvelles responsabilités des grandes entreprises ? Etes-vous prêts à sortir le décret concerné ?
    Force est de constater que l'un des enjeux réside bien dans la mobilisation et dans l'association de tous les partenaires. Pourquoi, dès lors, ne pas imaginer la mise en place systématique de comités locaux de l'emploi réunissant les représentants des salariés des entreprises et des collectivités territoriales autour des services publics de l'emploi et chargés, à titre permanent, de suivre le reclassement des salariés licenciés et la reconversion des bassins éventuellement frappés ? Ils s'appuieraient pour ce faire, sur des ressources bien définies et clairement déléguées et mobiliseraient les fonds mutualisés issus des entreprises comme des contributions de l'Etat et des autres collectivités publiques. C'est là que se trouve l'urgence, monsieur le ministre, plutôt que dans l'abrogation ou la suspension de la loi de modernisation sociale ! Certes, il faut faire progresser notre droit du licenciement, mais pas par l'initiative que vous prenez aujourd'hui et que nous combattons.
    J'ai déjà eu l'occasion d'indiquer ce qu'il convenait de penser du terme de « suspension ». J'observe d'ailleurs qu'il n'a pratiquement jamais été utilisé devant notre Parlement, sinon dans quatre cas, toujours pour organiser la suspension de clauses pénales et jamais en droit social.
    Quand à la déclaration d'urgence, particulièrement choquante dans ce débat, elle n'a d'autre but que de vous débarrasser d'un problème avant que l'opinion ait pu réaliser les conséquences de ce que votre Gouvernement entreprend.
    Quelle urgence y avait-il à supprimer des dispositions qui commencent à peine à appliquer, et dont plusieurs même attendent leurs décrets, en instance au Conseil d'Etat.
    Quelle urgence y-avait-il à supprimer une loi à laquelle vous proposez de trouver une alternative dans deux ans et demi ?
    Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à demander au Gouvernement de revoir sa copie ; à l'inviter à clarifier ses orientations, à susciter une véritable négociation et à revenir devant cette Assemblée, une fois ces différentes conditions réunies.
    Ce texte n'a pas pour objet de traiter du droit de licencier. Il n'a d'ailleurs pas pour effet de faire progresser la négociation sociale. Il vise à répondre aux fantasmes d'une majorité qui veut croire que notre économie serait affaiblie, mise en danger par l'ensemble des lois ou des initiatives de la majorité précédente (« Impensable ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.). Il vise à calmer les ardeurs de l'UMP pour laquelle vous n'en ferez jamais assez contre la gauche.
    Vis-à-vis de l'opinion, son rôle est un peu plus subtil. Il vise à entretenir l'idée que la France aurait perdu de sa force, de sa vigueur, de sa compétitivité parce qu'elle se serait laisser aller à penser que progrès économique et progrès social pouvaient avancer du même pas. Aussi n'hésitez-vous pas à noircir le tableau sur les emplois jeunes, sur la réductions du temps de travail, et, aujourd'hui, sur les licenciements.
    Monsieur le ministre, une telle stratégie présente une double faiblesse. D'abord, elle ne pourra durer qu'un temps. Vous aurez bientôt à ce point dilapidé notre héritage que vous n'aurez plus en rayon quoi que ce soit à nous reprocher. (« Quel héritage ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ensuite, elle n'apporte pas de solution au problème qu'elle prend pour prétexte de traiter. Vous ne faites que repousser devant vous, que remettre à plus tard le traitement des difficultés que vous passez votre temps à égrener. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous ayez mesuré ces risques. Mais vous ne pourrez pas les différer sans cesse. En déposant cette question préalable, notre seule ambition était de vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames messieurs les députés, j'ai tout à l'heure interrompu M. Gorce. J'ai eu tort de le faire - on a toujours tort d'interrompre un orateur - M. Gorce. Moi qui ai été parlementaire depuis un peu plus de vingt ans, qui ai été au Gouvernement, qui ai présidé une commission parlementaire, qui ai été dans l'opposition et dans la majorité, personne ne peut me reprocher de mépriser l'opposition. Reste que je suis malheureux lorsque je vois que le débat parlementaire est inutile, lorsque j'entends des discours qui ne recoupent jamais avec les réalités, des orateurs qui ne tiennent jamais compte de ce qu'on leur a présenté.
    M. Alain Vidalies. C'est un jugement de valeur !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tout à l'heure, M. Gorce a accusé le Gouvernement de vouloir restreindre le champ de la négociation des partenaires sociaux. Or, dans mon introduction, j'avais précisé très clairement que le Gouvernement n'entendait en aucun cas limiter l'objet et le champ de la négociation, mais qu'il souhaitait au contraire les étendre.
    De même M. Gorce a indiqué que les partenaires sociaux pourraient se mettre d'accord sans que le Gouvernement ne puisse ou ne veuille intervenir pour défendre les droits de l'administration et ses prérogatives en matière de contrôle du plan social : or c'est exactement le contraire de ce que signifie le texte. Je peux à la rigueur admettre que M. Gorce ait interprété le texte, mais pas qu'il ait interprété les propos que j'ai tenus au début de cette séance, sauf s'il ne les a pas entendus.
    J'en viens maintenant au fond de son intervention, que j'ai écoutée avec beaucoup d'intérêt. Les arguments que vous avancez ressemblent étrangement à ceux tenus au printemps 2001 par Maxime Gremetz. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle). Ils ne manqueront pas d'interpeller amèrement le parti communiste qui, à l'époque, avait dû menacer de quitter la majorité plurielle pour se faire entendre.
    M. Jean-Paul Anciaux. Tout à fait !
    M. Hervé Novelli. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les temps ont changé : voici maintenant le parti socialiste courant derrière l'ombre du parti communiste. C'est une revanche ironique de l'histoire. (Rires et applaudissements sur les mêmes bancs - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Christian Bataille. Répondez sur le fond !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sur cette question difficile et complexe des licenciements, la surenchère politique...
    Mme Catherine Génisson. Tout cela ne vole pas haut !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il y a un instant, vous ne supportiez pas la moindre interruption de la part de la majorité. Mais dès que le Gouvernement s'exprime, vous l'interrompez. Une telle attitude ne peut pas conduire à un débat équilibré...
    M. Augustin Bonrepaux. Mais que faisons-nous donc ? Nous vous écoutons !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ni montrer à l'opinion publique que le Parlement est un lieu où l'on se respecte et où l'on s'écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Catherine Génisson. Répondez sur le fond !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette surenchère ne nous fera pas oublier ce qui fut dit à l'époque de cette loi dite de modernisation sociale. Permettez-moi un bref rappel que vous n'allez sans doute pas aimer...
    D'abord, sur la méthode qui fut employée pour élaborer cette loi. Le 13 janvier 2002, la CFDT déclare, après la décision de censure du Conseil constitutionnel :...
    M. Hervé Novelli. Oh, je sens que ça va être cruel !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... « Cette décision traduit l'échec d'une méthode. Nous avions mis en garde le Gouvernement contre la faiblesse de la concertation, en particulier sur la nouvelle définition des licenciements économiques. » La confédération ajoute : « Cette nouvelle définition aurait même conduit les entreprises à contourner le dispositif au moyen de licenciements individuels et aurait privé les salariés de plans sociaux qui leur offrent des garanties de formation ou de reclassement. » (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Force ouvrière déclare, pour sa part : « Le Gouvernement a cru possible de définir par la loi des règles qui régissent les initiatives économiques des entreprises, en négligeant la concertation et en cédant à des pressions électoralistes ».
    M. Hervé Novelli. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La CFTC précise que « rien ne peut être résolu dans le domaine des licenciements sans la négociation entre les parties concernées ».
    Enfin, pour la CGT, il est « un fait que le Gouvernement ne reconnaît pas suffisamment l'espace que devraient occuper les organisations syndicales avant l'élaboration des textes législatifs ». Et elle conclut : « C'est une critique que nous avons formulée depuis des mois ».
    M. Jean-Louis Idiart. Et que disent aujourd'hui ces organisations syndicales ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Voilà ce qui fut dit par les principaux intéressés sur la méthode utilisée pour élaborer ce texte, conçu dans les coulisses de l'ancienne majorité plurielle.
    A cet égard, dans une interview en mai 2001, le président du groupe socialiste révèle l'ambiance florentine qui règne alors en reprochant à Robert Hue « d'être tenté pour des raisons tactiques par un retour en arrière ».
    Voilà le paysage dans lequel s'est inscrit le débat sur la LMS. On était bien loin de la réalité économique et sociale vécue par les entreprises et par les salariés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ensuite, sur le contenu même du projet, je renvoie l'opposition aux propos tenus en juin 2001 par Laurent Fabius, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Celui-ci estimait que le nouveau dispositif sur les licenciements suscitait « des questions sérieuses, notamment celle de l'adaptation d'une nouvelle réglementation aux nécessités d'une économie moderne qui, dans l'intérêt même des salariés, doit être rapide, réactive et compétitive ».
    M. Jean-Paul Anciaux. Il avait raison !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il ajoutait qu'il craignait que la mise en application de cette loi ne conduise à accélérer les suppressions d'emploi et qu'elle n'ait un effet dissuasif sur l'investissement et sur le recrutement.
    M. Hervé Novelli. Quelle prescience !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. De façon à peine sibylline, tout était dit sur cette partie de la loi dont nous vous proposons précisément de suspendre l'application.
    Alors que s'engagent nos débats, et que certains semblent tentés de s'adosser sur cette loi de modernisation sociale pour prétendre au monopole du coeur, un tel rappel historique méritait d'être fait, car le Gouvernement n'entend pas recevoir sans broncher des leçons de compassion !
    Mme Odile Saugues. Les salariés n'ont pas besoin de compassion !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, réviser de façon ciblée la loi de modernisation sociale, ce n'est pas ouvrir les portes aux licenciements incontrôlés. Ce n'est pas non plus faire preuve d'une absence de vigilance ou d'incompréhension à l'égard des travailleurs.
    M. Alain Vidalies. Alors ne prétendez pas que la loi empêchait les licenciements ! C'était bien cela, la démonstration ?
    M. le président. Monsieur Vidalies, vous n'avez pas la parole !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Chacune de ces interruptions justifie celles de la majorité lorsque vous parlez, messieurs !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous n'êtes pas là pour arbitrer !
    M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre.
    M. Jean-Louis Idiart. Quel donneur de leçons !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette réalité, l'opposition refuse de la voir. Elle refuse de voir que cette loi, à cause de sa complexité, est un appel au contournement, et cela aux dépens des salariés. Elle refuse de mesurer la nature du combat économique, désormais européen et mondial, que notre pays et nos entreprises livrent au quotidien. Elle refuse de comprendre les centaines de milliers de responsables d'entreprise confrontés à des problèmes d'adaptation.
    A entendre certains des arguments qui ont été développés tout à l'heure par M. Gorce, tout employeur semble être un « licencieur » en puissance, un adversaire de ses salariés.
    M. Hervé Novelli. Quelle caricature !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce diagnostic est caricatural. Ce n'est pas ainsi que fonctionne notre économie. Et ce n'est pas avec une approche aussi binaire que l'on réconciliera les intérêts économiques et les exigences sociales. Il existe certes des abus, monsieur Gorce, que nul n'ignore. Les lois, les administrations compétentes, les partenaires sociaux, les prud'hommes sont là pour les dissuader et pour les circonscrire.
    Mesdames et messieurs les députés, la question relative aux modalités de licenciement doit être abordée avec sérieux et avec gravité, parce que derrière chaque perte d'emploi, c'est un parcours de vie qui est ébranlé.
    M. Jacques Desallangre. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Moi aussi, je suis un élu de terrain, monsieur Gorce. Et j'ai souvent eu à gérer, y compris lorsque vous étiez au pouvoir, des situations douloureuses. Je connais le regard des salariés de Moulinex ou de Philips dans ces moments difficiles. Mais cette question ne se prête ni à l'abstraction dogmatique ni aux surenchères.
    Il faut imaginer d'autres solutions, d'autres méthodes que celles que vous avez proposées. Et avec ce projet, notre méthode est claire.
    Mme Odile Saugues. C'est celle du Medef !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle est innovante et différente de celle de nos prédécesseurs - et c'est d'ailleurs ce qui vous dérange le plus. C'est celle du dialogue social.
    M. Jean-Louis Idiart. Tu parles !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous suspendons, puis nous renvoyons aux partenaires sociaux la charge, non pas de légiférer à la place du Parlement, mais d'élaborer des solutions que le Gouvernement se propose d'examiner et de reprendre le moment venu.
    Au passage, j'indique à nouveau que c'est la suspension de cette loi, et non son abrogation, qui permet d'ouvrir le chemin de la réflexion et de la négociation entre les partenaires sociaux.
    M. Jean-Louis Idiart. On va le voir avec le Medef !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ceux qui, de bonne foi, pensent que l'abrogation aurait pu être suivie de négociations procèdent à une extrapolation dont les fondements sont bien fragiles.
    En revanche, la suspension, c'est la quasi-nécessité pour les acteurs sociaux de bouger. Ils ont d'ailleurs commencé à le faire. C'est également une façon originale de repenser l'exercice du pouvoir comme vecteur d'un changement plus participatif que coercitif. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce processus créatif que nous favorisons aboutira-t-il à des solutions innovantes et consensuelles ? Franchement, je le crois.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est cela...
    Mme Odile Saugues. On en reparlera dans quelques mois !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ferai tout, rien ne me fera dévier de cette route, pour que les partenaires sociaux reprennent l'habitude, qu'ils ont perdue pendant ces cinq dernières années, de s'asseoir autour de la même table pour discuter des solutions à trouver aux problèmes de notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Louis Idiart. Vous devriez devenir consultant !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les expériences passées, que j'ai citées d'ailleurs dans mon discours d'hier, et qui, comme par hasard, concernent toutes des périodes où notre majorité était au pouvoir, montrent que c'est possible. Les partenaires sociaux savent trouver des terrains d'entente, dès lors qu'ils sont placés en position de forte responsabilité. C'est ici le cas. Les critiques de l'opposition sur le prétendu moins-disant social auquel aboutirait la suspension de certaines clauses de la loi de modernisation sociale relève d'un procès d'intention, intenté, non au Gouvernement, mais aux partenaires sociaux, puisque ce sont eux qui sont chargés de nous présenter des propositions.
    Mme Catherine Génisson. On connaît ce raisonnement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous privilégions une méthode empirique, qui revendique le pragmatisme et requiert une certaine humilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous n'avons pas choisi, monsieur Gorce, d'élaborer une cathédrale législative et administrative qui porterait notre nom, mais de lancer un processus destiné à porter la signature des partenaires sociaux.
    Cette conception du changement est fondée sur une double confiance : confiance dans les acteurs sociaux, qui doivent animer un espace social aujourd'hui insuffisamment charpenté ; confiance dans les vertus du terrain. C'est dans cet esprit que nous entendons innover dans les entreprises en introduisant le principe majoritaire.
    Notre objectif constant est de responsabiliser les partenaires sociaux, afin de poser progressivement les bases d'une société que nous souhaitons plus participative. Cet objectif n'est pas le fruit d'un troc partisan, mais d'une vision de ce que devrait être la société française au vingt et unième siècle : une société qui, à côté d'un Etat moderne, serait capable de construire par elle-même, et de négocier pour elle-même les conditions du changement. C'est cette société participative qui rénovera les liens de la solidarité, qui les réinventera.
    Je poursuis depuis longtemps un objectif politique, et je n'en dévierai pas. Je cherche à réconcilier la dynamique du progrès économique et les exigences du progrès social. Entre le socialisme conservateur et le capitalisme sans coeur, il existe un espace politique que la France doit s'efforcer de définir et d'occuper.
    Je n'accepte pas la critique de régression sociale qui nous est adressée par l'opposition. Cette critique grossière n'est là, en réalité, que pour marquer le vide intellectuel qui a saisi la gauche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Cette gauche qui a privatisé tous azimuts et simultanément choisi de se dédouaner en rigidifiant l'espace économique et social. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mesdames et messieurs les députés, le temps est donc venu de penser l'avenir avec plus de franchise et d'efficacité. Face aux mouvements de l'économie contemporaine qu'il convient de réguler, il faut, au-delà des lois et des règlements, placer le principe de responsabilité partagée au coeur du contrat social.
    C'est notre méthode, c'est le cap que nous suivons, et c'est la raison pour laquelle je vous invite à repousser cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Rappel au règlement

    M. Maxime Gremetz. Rappel au règlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Bref, le ministre vient de dire, chers collègues, qu'il fallait s'écouter les uns les autres...
    M. le président. Oui, allez-y, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. ... et tout de suite après, dès que je me lève, vous commencez. Je n'avais pourtant pas encore dit un mot ! Si vous voulez, je m'en vais tout de suite !
    M. Jean-Louis Idiart. Oui, écoutez-le !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Bon, on vous écoute, Maxime ! (Sourires.)
    M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Avec ce rappel au règlement, fondé sur l'article 58, je souhaite attirer l'attention non seulement de M. le ministre, mais aussi celle du représentant du président de l'Assemblée nationale. Nous parlons beaucoup ici de protéger les salariés, soit, mais il faut savoir que, dans cette maison, la nôtre, deux ouvriers qui travaillent ici depuis cinq ans, à la satisfaction de tout le monde, viennent de recevoir leur lettre de licenciement. Ah évidemment, ce ne sont pas des énarques, sinon ils n'auraient sans doute pas reçu de lettre de licenciement. Ce sont simplement deux plombiers, et peut-être est-il plus facile de les mettre "dans le tuyau.
    M. Franck Gilard. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Michel Hunault. Monsieur le président, il faut faire respecter le règlement !
    M. le président. Monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Normalement, nous sommes là dans le cadre de la loi de résorption de la précarité dans la fonction publique. Ces employés exercent des emplois d'exécution de catégorie C, leur intégration est prévue par le décret que vous connaissez, n° 2002-121 du 31 janvier 2002.
    M. Michel Hunault. Monsieur le président ! Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Maxime Gremetz. Pourtant, l'administration, sans recevoir personne, pas même les syndicats,...
    M. le président. Monsieur Gremetz, je vous en prie.
    M. Maxime Gremetz. - Oui, je termine. L'administration envoie une lettre de licenciement. Il en va de l'honneur, de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire du nôtre.
    M. le président. Monsieur Gremetz, si vous permettez...
    M. Maxime Gremetz. Je vous demande, monsieur le président, d'attirer l'attention de M. le président de l'Assemblée nationale pour qu'on ne laisse pas faire cela.
    M. Michel Hunault. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. le président. Monsieur Gremetz, votre demande sera transmise au président. Mais il ne s'agit pas d'un rappel au règlement. Le problème ne relève pas du présent débat, qui est d'ordre beaucoup plus général.
    M. François Liberti. Pourtant, c'est un très bon exemple !

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je ne sais pas si la coutume veut que le rapporteur parle après le ministre mais il aurait peut-être mieux valu pour moi que je parle avant, parce que je me sens « petit garçon » après l'avoir entendu.
    M. Jean-Louis Idiart. Oui, forcément ! (Sourires.)
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je voulais tout de même répondre à notre collègue Gorce et, au-delà, à nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste. Sur la méthode d'abord. Vous vous plaignez - et c'était l'objet d'un rappel au règlement de votre président de groupe tout à l'heure - que les droits de l'opposition seraient bafoués...
    M. François Liberti. C'est vrai.
    M. Dominique Dord, rapporteur. ... que la majorité vous insulterait, ne respecterait pas votre droit d'expression. Bref, vous nous accusez d'une certaine violence démocratique.
    M. Gaëtan Gorce. Oui, et ça continue !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je vous l'avoue, cette critique me touche. Mais j'ai ressenti moi-même dans votre propos, monsieur Gorce, beaucoup de violence dans les mots que vous avez employés, j'en ai dressé la liste pour que vous ne puissiez pas m'accuser de procès d'intention. La voici :...
    M. Michel Hunault. Epargnez-nous, de grâce !
    M. Jacques Desallangre. Vous savez, à côté de ce que vous avez fait, vous, au moment du PACS !...
    M. Alain Vidalies. Adressez-vous à M. Clément, monsieur Dord !
    M. le président. Monsieur Vidalies ! Laissez s'exprimer le rapporteur. Chacun doit pouvoir s'exprimer : vous disposerez tout à l'heure d'un moment pour les explications de vote de votre groupe. Pour l'instant, la parole est au rapporteur.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je vais énumérer les mots de M. Gorce. Si cela ne vous fait pas peur à entendre, vous n'avez aucune raison de craindre ce que je vais dire ! Et si je me trompe, vous le direz !
    M. Jacques Desallangre. Non, pas vous ! Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous avez ouvert, monsieur Gorce, sur une note qui aurait pu être de tendresse si elle s'était inspirée d'une variation de Brassens sur une histoire de faussaire, que vous connaissez sans doute. Mais ce que vous avez dit manquait singulièrement de tendresse !
    M. Gaëtan Gorce. Ma tendresse je la réserve à d'autres.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous nous avez accusé successivement d'intenter de faux procès, d'user de faux-semblants, de faux fuyants et un peu plus avant dans votre exposé, de nous affubler de faux nez. Vous avez dans votre exposé utilisé ving-deux fois le mot caricature ! Vous avez parlé de fantasmes.
    M. François Loncle. Des fantasmes, c'est plutôt affectueux, ça ! (Sourires.)
    M. Dominique Dord, rapporteur. Et vous avez multiplié ainsi les jugements de valeurs. Très franchement, monsieur Gorce, il ne faut pas trop vous étonner, mais votre naïveté est sans doute feinte, après avoir employé de tels mots qui traduisent une certaine violence, de susciter des réactions dans l'hémicycle.
    Vous avez parlé, monsieur Gorce - ce sont vos propres termes entendus dans votre bouche, et écrits dans votre exposé - et rapportés déjà dans les journaux, à propos du texte présenté par François Fillon...
    M. François Loncle. Vous en entendrez d'autres...
    M. le président. Monsieur Loncle !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je n'ai interrompu personne. J'essaie de dire les choses comme elles sont, ou du moins comme je les ai ressenties. Je comprends que cela ne vous convienne pas, mais je tiens à aller jusqu'au bout de mon propos. Vous avez parlé, monsieur Gorce, de « filouterie juridique ». Le mot est dur, très dur ! Il frise l'insulte. Vous ne devez donc pas vous étonner de voir, en face de vous, des comportements passablement exaspérés.
    M. Augustin Bonrepaux. On ne peut plus rien dire, ici ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. A se demander même - et au fond, c'est peut-être l'explication -, si ce n'est pas ce que vous cherchez... (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le censeur, bonsoir !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Mes chers collègues, vous voulez un débat serein ? J'ai essayé, moi, dans l'exposé de dix minutes que j'ai fait hier, de faire preuve de sérénité - il faut non seulement dire, sur le fond, des choses qui soient le plus juste possible, mais aussi, sur la forme, veiller à ne pas agresser trop les gens qui ne pensent pas comme vous dans cet hémicycle...
    M. Gaëtan Gorce. Je n'ai agressé personne !
    M. Augustin Bonrepaux. On ne peut plus rien dire !
    M. Dominique Dord, rapporteur. ... même si c'est fait avec beaucoup de talent, je vous l'accorde.
    Parlons du fond, maintenant.
    M. Gaëtan Gorce. Mais...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur Gorce, vous avez parlé pendant une heure et demie, je vais peut-être pouvoir parler trois minutes !
    M. Alain Vidalies. Prenez votre temps !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous aurez ensuite l'occasion d'intervenir dans la discussion générale. Sur un certain nombre de sujets, si nous avions un débat serein, nous pourrions tomber d'accord : au moins sur le drame que constitue toujours, pour ceux qui en sont victimes, une mesure de licenciement économique. J'ai parlé de perte d'identité, de rupture professionnelle et familiale.
    M. Jacques Desallangre. Il n'y a pas que ça !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Mais attendez ! Mais écoutez-nous !
    M. Augustin Bonrepaux. Faisons-nous autre chose ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. J'ai l'impression de vous gêner en disant cela !
    M. Augustin Bonrepaux. Oh non !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il n'y a pas que vous à avoir le droit de ressentir ce genre de situation, à avoir un peu d'émotion, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Desallangre et M. Augustin Bonrepaux. Bon. Et après l'émotion ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Nous avons aussi le droit de ressentir dans nos tripes ce genre de situation !
    M. Augustin Bonrepaux et M. Jacques Desallangre. Soit, mais après ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur Bonrepaux, au nom de quoi n'aurais-je pas le droit de dire cela ?
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, oui, vous en avez le droit, mais après ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est incroyable ! Respectez simplement les personnes que nous sommes, nous aussi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Bref, le drame que ressentent ces personnes, nous avons aussi le droit de le comprendre, de l'exprimer, de le vivre et de nous en faire les porte-parole dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Augustin Bonrepaux. Vous en avez le droit. Qu'est-ce que vous en faites ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je dirai à M. Gorce, qui est parti maintenant - voilà qui est significatif - que nous sommes d'accord sur un autre sujet : nous cherchons tous ici le nécessaire point d'équilibre entre la protection du salarié et la liberté d'entreprendre. C'est tout l'enjeu du débat. Nous sommes tous choqués - qui d'entre nous pourrait ne pas l'être ? - et nous éprouvons tous le même malaise face aux licenciements boursiers. Dans le même temps, mes chers collègues, il nous faut aussi prendre acte de la libre circulation des capitaux, sinon...
    M. Alain Vidalies. C'est encore vrai, mais après ?
    M. Augustin Bonrepaux. Voilà ! Que faites-vous ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Monsieur Bonrepaux, au cours des vingt dernières années, vous avez été quinze ans au pouvoir ! Alors, si la décision était si simple, il fallait la prendre avant ! Vous n'êtes tout de même pas très fondés à nous donner aujourd'hui des leçons en la matière ! (Applaudissements sur les banc du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Si nous partons des mêmes constats, vous verrez que progresserons ensemble. Nous étions d'accord aussi, mes chers collègues - il est dommage que M. Gorce soit parti - avec votre position avant l'adoption de la loi dite de modernisation sociale. Nous partagions vos réticences. Nous étions moins d'accord avec le groupe communiste qui, et je lui reconnais cette cohérence, y a toujours été favorable, il était même en pointe sur le sujet.
    Je suis aussi tout à fait d'accord - et j'imagine que tel est le cas sur tous les bancs - avec le constat de M. Gorce sur la situation économique depuis le début de l'année 2002. C'est pour vous faire preuve d'une forme d'honnêteté et d'humilité que de reconnaître que, depuis le 1er janvier 2002, la situation économique s'est dégradée c'est-à-dire depuis que les emplois-jeunes tournent à plein régime et que toutes les entreprises sont censées être passées aux 35 heures, autrement dit au moment où votre action en matière d'emploi a pris son essor. Là-dessus, mes chers collègues, nous sommes d'accord. (Oui, oui ! sur les bancs du groupe socialiste.) Nous faisons le même constat de divergence que M. Gorce. Nous le savons, vous pensez que la régulation, les procédures, la contrainte, le rôle de l'Etat, les délais supplémentaires permettraient de régler le problème.
    M. Henri Nayrou. M. Gorce est revenu, monsieur le rapporteur !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Oui, son retour ne m'avait pas échappé ! Nous pensons, quant à nous - mais nous pouvons nous écouter les uns et les autres, même si nous ne sommes pas d'accord -, que tout ce que je viens d'énumérer ne constitue en rien une réponse au drame que j'évoquais. Il n'est pas question là de reclassement, ni même de formation, on parle délai, procédure, expertise !
    M. Jean-Louis Idiart. Et on reparlera tout à l'heure du MEDEF !
    M. Dominique Dord, rapporteur. On ne parle pas là de la situation des salariés touchés dans leur chair, dans leur vie professionnelle, dans leur vie familiale par les mesures de licenciement économique.
    M. Maxime Gremetz. Oui, un peu de passion, c'est bien, mais ne l'exagérez pas...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Notre désaccord porte évidemment, monsieur Gorce, sur votre position actuelle à l'égard de la loi de modernisation sociale. Vous l'avez combattue, vous avez tout fait pour l'empêcher, et voilà que vous nous présentez une défense et illustration de cette loi modèle ! C'est un peu tardif !
    M. Maxime Gremetz. Mais ils ont progressé à mon contact ! (Sourires.)
    M. Dominique Dord, rapporteur. Les députés communistes s'amusent en coulisse de la position qui est la vôtre, aujourd'hui, mes chers collègues !
    M. Jean-Paul Anciaux. Pas seulement en coulisse : ils se marrent franchement !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Nous sommes également en désaccord sur les politiques en matière d'emploi. Je voudrais répondre à une question, dont M. Fillon a un peu parlé sur l'idée de suspension, que vous avez mise en cause, en la présentant comme s'il s'agissait d'un monstre juridique, une idée qui n'aurait pas de sens. Vous vous demandez : « Pourquoi la suspension » ? Je vais vous l'expliquer. (« Bien, merci ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Jean-Louis Idiart. C'est ça, expliquez-nous !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je vais vous expliquer notre raisonnement si vous voulez bien toutefois vous donner la peine de m'écouter une minute.
    Nous avons opté pour la suspension parce qu'elle n'est ni un statu quo, ni une abrogation.
    M. Maxime Gremetz. Bon, c'est comme le « ni, ni » (Sourires.)
    M. Gaëtan Gorce. Il faut convaincre aussi certains de vos collègues, ils ne sont pas tous d'accord !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Assimiler suspension et abrogation montre que vous n'avez pas écouté les revendications des partenaires sociaux, monsieur Gorce : certains d'entre eux ne comprennent pas - et ils l'écrivent - pourquoi n'abrogeons-nous pas ?
    M. Jean-Louis Idiart. Quels partenaires sociaux ? On se le demande !
    M. Maxime Gremetz. Personne ne l'a demandé à part le MEDEF !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Pourquoi réclameraient-ils l'abrogation, si les deux revenaient au même ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Il y a Guillaume qui le demande ! (Sourires.)
    M. Dominique Dord, rapporteur. Ah, vous commencez à vous échauffer ?
    M. le président. Laissez parler M. Dord, s'il vous plaît.
    M. Maxime Gremetz. Il est provocant ! (Sourires.) Je veux bien garder mon calme, monsieur le président, mais c'est de la provocation !
    M. Dominique Dord, rapporteur. A ce sujet, il y a en effet une divergence entre nous. (« Pas avec Guillaume ? » sur les bancs du groupe socialiste.) Je ne veux pas prolonger davantage. Beaucoup a déjà été dit et nous y reviendrons.
    Mais j'ai eu une lueur d'espoir, monsieur Gorce, en vous entendant dire que l'avenir des relations sociales se trouvait dans la concertation et la consultation. Et si vous avez lu le texte, l'article 1er et l'article 2, c'est-à-dire les deux tiers du projet, ils font appel vous le voyez, à la concertation et à la consultation. Malheureusement, mais cela ne m'étonne pas, vous avez vite abandonné vos bonnes intentions pour simplement critiquer et « descendre » ces deux appels. François Fillon a rappelé dans quel cadre avait été élaborée la loi de modernisation sociale. En matière de concertation et de consultation, vous êtes bien mal placés pour nous donner des leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en venons aux explications de vote.
    La parole est à M. Pierre Morange, pour le groupe UMP.
    M. Pierre Morange. Le groupe UMP votera contre la question préalable. Je ne reprendrai pas les excellents arguments tout à la fois développés par M. le ministre et notre excellent rapporteur.
    Quel est l'objet d'une question préalable ? En fait, c'est de nous convaincre de ne pas légiférer. Or justement, il y a lieu de légiférer quand on voit les effets de la loi de modernisation sociale. Contrairement à ce que pourrait laisser croire son titre trompeur, la loi dite « de modernisation sociale » n'a de moderne que le nom. Elle se caractérise en effet par une complexité inédite, sans pour autant fournir au salarié une protection renforcée. Vous avez parlé de mondialisation et de la nécessaire attention que les responsables politiques devaient porter au respect des droits sociaux des salariés. Nous en sommes tout à fait d'accord. Mais la loi de modernisation sociale, dont vous vous faites aujourd'hui le défenseur en l'érigeant en parangon de toutes les vertus - des vertus que vous vous appropriez - se retourne au bout du compte, à cause de ses multiples effets pervers, contre les salariés qu'elle était censée protéger.
    Nous en avons beaucoup parlé de l'économie mondialisée, de l'intégration de la Chine au sein de l'Organisation mondiale du commerce et de l'élargissement de l'Europe : l'économie mondialisée pour tout pays ne disposant pas d'un dispositif fiscal, administratif, réglementaire et social, accueillant engendre une compétition dont les délocalisations sont malheureusement la sanction quotidienne. Voici un exemple tout à fait concret d'inadaptation. Au cours du premier semestre 2002, les plans sociaux ont augmenté de près de 40 %. Initiée sous le précédent gouvernement, la loi de modernisation sociale ne répond pas justement aux besoins des salariés que vous prétendez défendre et l'allongement des procédures n'aboutit pas à empêcher les licenciements. Vous avez agi comme les médecins de Molière, qui cassaient le thermomètre pour ne pas voir la fièvre du patient !
    M. Alain Vidalies. Vous savez, à l'époque de Molière, les thermomètres...
    M. Pierre Morange. En revanche, l'allongement des procédures risque d'aggraver les difficultés de l'entreprise, voire de précipiter celle-ci vers le dépôt de bilan. Je ne me priverai pas du plaisir de rappeler, d'ailleurs, que le ministre de l'économie de l'époque, M. Laurent Fabius,...
    M. Alain Vidalies. Vous l'aimez bien, hein ?
    M. Pierre Morange. ... déclarait que cette loi avait un effet dissuasif aussi bien sur l'investissement que sur le recrutement. Il ne faut pas oublier ses propos. Ainsi, tant pour des raisons de fond, qui me semblent tout à fait essentielles, que pour des raisons de forme, nous voyons bien que la démarche de ce gouvernement va à l'inverse du fil conducteur de votre loi « de modernisation sociale », qui, finalement, privilégiait la procédure au détriment de la recherche d'un accord collectif.
    J'en veux pour preuves les différents projets de lois que le Gouvernement a présentés, comme celui qui prévoyait l'assouplissement des 35 heures, où apparaissait également le fil rouge remarquable, à savoir la primauté donnée au dialogue conventionnel. C'est le même esprit que nous retrouvons dans le dispositif qu'il nous propose aujourd'hui et, il importe de le souligner, comme l'ont fait, de façon tout à fait unanime, l'ensemble des partenaires sociaux.
    Le Gouvernement actuel veut affirmer radicalement sa différence avec l'infantilisation, la surdité et la cécité sociales qui ont été la marque de fabrique du gouvernement précédent au cours des cinq dernières années, et responsabiliser les partenaires sociaux. Voilà un véritable dialogue social, mature et responsabilisant.
    Nous avons encore observé que la loi de modernisation sociale - ce fameux enfant dont vous êtes si fier ! - ne procédait, en fin de compte, pas même d'un débat idéologique, mais manifestement d'une négociation au sein de la majorité plurielle dont le seul ciment était une volonté frénétique de garder le pouvoir. Eh bien, elle s'est, là encore, heurtée à la réalité économique !
    En conclusion, le groupe UMP votera, bien évidemment, contre la question préalable,...
    M. Maxime Gremetz. Oh, quel dommage !
    M. Pierre Morange. ... puisque notre propos est la défense de notre tissu entrepreneurial, de notre économie, de nos salariés et, tout simplement, de l'emploi en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présientielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous l'aurez observé, je vous ai écoutés attentivement et calmement.
    M. Pierre Morange. Religieusement ?
    M. Maxime Gremetz. Parce que c'est une question importante. D'abord, je récuse absolument ce qui a été dit. La vérité seule est révolutionnaire ! Effectivement, nous avons dû nous battre, et contre tout le monde, d'ailleurs. (« Contre les socialistes ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Oui, contre vous aussi ! Et puis contre Robert Hue. Ah, ça faisait du monde ! (Rires.) Mais on a gagné ! (« Sauf contre Chirac ! » sur les mêmes bancs.)
    Je dis souvent, je vous le rappelle pour mémoire, qu'il ne s'agit pas d'une question idéologique. A quel moment, précisément, cette loi a-t-elle été proposée ? Elle a été prise, cette loi, sous la pression du mouvement populaire et des restructurations. Danone, Marks & Spencer, des milliers de licenciements. Voilà la vérité !
    M. Michel Hunault. Et vous étiez au pouvoir !
    M. Maxime Gremetz. Des hommes et des femmes, créateurs et créatrices de richesses, de savoir-faire, ont été jetés dehors parce que les actionnaires estimaient insuffisante la rentabilité de leurs capitaux.
    Cela n'est ni idéologique ni tactique. Nous avions déjà mené cette bataille, chacun le sait bien, notamment en déposant une proposition de loi sur les licenciements prétendument économiques, boursiers en vérité. Elle ne venait pas de nulle part et nous l'avions élaborée en collaboration avec toutes les organisations syndicales, avec les meilleurs juristes du travail, les frères Lyon-Caen. Je vous cite des noms pour que vous puissiez vérifier. Il ne faut donc pas prétendre que cette mesure a été improvisée. Non ! Nous avions préparé cette proposition de loi depuis des années et nous l'avions même soumise à l'Assemblée dans le cadre notre niche parlementaire. Elle avait été refusée, mais, quand la situation s'est aggravée, la pression a été si forte que nous avons été entendus.
    Je tenais à le souligner parce qu'il ne faut pas dénaturer l'histoire. On doit la regarder telle qu'elle est.
    Au coeur du problème il y a des gens, des salariés qui, toute leur vie, donnent leur dynamisme, leur créativité, souvent leur santé, ...
    M. Jean-Jacques Descamps. Quelle caricature !
    M. Maxime Gremetz. ... mais on les jette quand on n'en a plus besoin, au nom des actionnaires et des 16 % de rentabilité qu'il faut atteindre. Alors on délocalise, on va s'installer ailleurs. Si vous voulez que je vous donne des exemples, j'en ai beaucoup. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Hunault. C'est de la provocation !
    M. Maxime Gremetz. Par ailleurs vous avez évoqué le dialogue social.
    M. Michel Hunault. C'est nouveau pour vous !
    M. Maxime Gremetz. Ne me dites pas cela à moi qui ai été licencié par un ministre du travail !
    M. Hervé Novelli. C'était un ministre socialiste !
    M. Maxime Gremetz. Je sais ce qu'est le dialogue social ! J'ai été délégué du personnel chez Ferodo, promu et refusant une promotion, licencié parce que délégué du personnel, membre du comité d'hygiène et de sécurité. Mon licenciement a été refusé par le comité d'entreprise puis par l'inspecteur du travail, et c'est votre ministre, M. Grandval, qui m'a licencié en 1963. Je connais donc bien le dialogue social ! Si je n'avais pas été licencié, je ne serais certainement pas ici, et vous seriez peut-être bien contents en vérité ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Donc, ne parlez pas de dialogue social, s'il vous plaît. Moi, je traite régulièrement avec M. Sarkozy, Guillaume de son prénom, le frère (Exclamations sur les mêmes bancs), qui est l'un des représentants du MEDEF de la Somme. Nous avons la même qualité : nous sommes picards tous les deux ; nous disons donc la vérité tous les deux. Lui dit : « Je m'en fous, licenciez, délocalisez, j'en suis fier ; l'essentiel, c'est que le fric rentre. » Voulez-vous que je reprenne la citation entière ? (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Revenez au texte, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Vous nous dites souvent que nous n'avons pas le monopole du coeur, mais avouez que j'ai plus de coeur que M. Guillaume Sarkozy : alors qu'il a un coffre-fort à la place du coeur, j'aurais plutôt le coeur à la place du coffre-fort ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Gremetz, revenez au sujet !
    M. Maxime Gremetz. Mais j'y suis ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Pas du tout ! M. Sarkozy n'a rien à voir avec le texte en discussion.
    M. Maxime Gremetz. Puisqu'il a été question de dialogue social, j'appelle votre attention sur le fait qu'il est absolument nécessaire. Or il a manqué, et c'est une critique majeure...
    M. le président. Concluez, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. ... que j'ai adressée au Premier ministre de l'époque quand il est venu s'exprimer devant notre groupe. Je lui est déclaré que le dialogue social était totalement insuffisant, et que l'on n'accordait pas assez de droits nouveaux aux salariés dans les entreprises. Il y a des témoins.
    M. le président. Monsieur Gremetz, votre temps de parole est écoulé, et nous devons encore entendre d'autres orateurs.
    M. Maxime Gremetz. Excusez-moi !
    M. le président. M. Morange a respecté son temps de parole, il serait normal que vous respectiez le vôtre.
    M. Pierre Morange. Merci !
    M. Maxime Gremetz. Je suis sans cesse interrompu !
    M. le président. Non ! Vous n'avez pas été interrompu, vous avez fait beaucoup de digressions...
    M. Maxime Gremetz. Je suis interrompu sans arrêt !
    M. le président. Non, tout le monde vous a écouté !
    M. Maxime Gremetz. J'ai été obligé de rétablir la vérité historique. Cela ne devrait pas compter dans le temps qui m'est imparti ! (Rires.)
    M. le président. Eh bien merci, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Attendez !
    Comment pouvez-vous me demander, à moi qui était délégué du personnel,...
    M. le président. C'est votre conclusion, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. ... d'élaborer avec le patronat, avec le MEDEF, des règles pour licencier des salariés ? Quel syndicat, quel syndicaliste digne de ce nom accepterait-il de se prêter à ce jeu ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cela existe ! Ce n'est pas nouveau !
    M. Maxime Gremetz. Cela voudrait dire que nous aurions arrêté ensemble la manière de licencier les copains et la liste. Ce n'est pas possible ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Enfin...
    M. le président. Non ! Vous avez très largement dépassé votre temps de parole !
    M. Maxime Gremetz. ... je veux évoquer le principe de l'accord majoritaire sur lequel j'aurai l'occasion de revenir.
    M. le président. Vous avez terminé !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cela suffit ! Il aura tout le temps pour s'exprimer en défendant la question préalable !
    M. Maxime Gremetz. Soyons clairs : la portée du principe est très limitée. Cela ne jouera pas pour tous les accords,...
    M. le président. C'est fini !
    M. Maxime Gremetz. ... qu'ils soient d'entreprise ou de groupe ; il ne sera admis que dans le cadre d'un licenciement économique...
    M. le président. Merci !
    M. Maxime Gremetz. ... pour l'information des salariés et l'examen des plans de licenciement.
    M. Jean-Jacques Descamps. Gremetz intermittent du spectacle !
    Mme Catherine Génisson. Un peu de respect !
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.
    Mme Hélène Mignon. Monsieur le ministre, si, dans 80 % des cas, les licenciements sont effectivement le fait d'entreprises amenées à cesser complètement leurs activités, nous savons aussi que les licenciements sont souvent devenus, au fil des années, un mode de gestion pour des entreprises qui dégagent des profits, ce qui n'était pas le cas, mon cher collègue, de Molière et de son thermomètre !
    Souvenons-nous de l'annonce publique par Marks & Spencer, au printemps 2001, de la fermeture des magasins et de la suppression de 4 000 emplois, les salariés l'apprenant par voie de presse ! Nous n'avons pas été les seuls choqués, puisque la Commission européenne elle-même a stigmatisé une pratique jugée indigne. Les décisions des groupes Danone ou Michelin ont aussi montré la nécessité de protéger davantage les salariés.
    Alors que de nouveaux cas comparables apparaissent encore, vous nous proposez, monsieur le ministre, de mettre en sommeil le volet de la loi de modernisation qui concerne les licenciements en abandonnant les procédures allongeant la durée des négociations au prétexte qu'elles seraient contournées par les responsables d'entreprise. Pourtant, au cours de la soirée d'hier, nous avons clairement et fortement entendu dire, dans vos rangs, que cette loi n'était que virtuelle.
    Il y aura moins de moyens de proposition et d'action pour le comité d'entreprise, moins de pouvoir d'intervention pour l'administration du travail. Quant au dialogue, que vous prônez tant, il se déroulera dans les entreprises, mais avec pour objectif de revoir à la baisse les avantages des salariés. Un accord d'entreprise pourra même faire échec au code du travail. Une telle nouveauté est inadmissible.
    Je persiste à penser que la loi de modernisation était une chance pour l'entreprise et pour les salariés. Elle donnait plus de poids aux salariés pour contester la fermeture d'une entreprise, pour obtenir de meilleurs reclassements. Elle offrait à l'entreprise la possibilité de revoir l'organisation du travail et responsabilisait davantage les employeurs dans la mise en place de véritables alternatives au licenciement. Est-il normal que, dans nos pays, les restructurations industrielles soient essentiellement opérées par le retrait du marché du travail de milliers d'emplois et à coup de gros chèques ?
    Monsieur le ministre, nous n'avons pas besoin de recevoir de leçons et nous ne les admettons pas. Vous n'avez pas à distribuer de bons et de mauvais points. Vous êtes au banc des ministres pour assumer pleinement votre politique avec votre majorité et nous l'expliquer.
    J'ai l'habitude, monsieur le président, d'avoir des propos mesurés. Mais je ne suis pas sûre de tenir longtemps dans ce registre devant les agressions dont nous avons été victimes de la part du rapporteur après les propos de M. le ministre. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour tous les arguments que j'ai développés je vous demande avec gravité, mes chers collègues, de voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Monsieur Gorce, vous savez dans quel contexte a été votée cette loi de modernisation sociale qui, comme l'un de mes collègues l'a souligné, n'a de moderne que le nom. La disposition en cause a été introduite sous la pression d'une minorité interne à votre ancienne majorité et - je suis bien placé pour le savoir - sans dialogue social alors qu'il est extrêmement important dans le monde du travail. Rappelez-vous que ce sont les partenaires sociaux qui appliquent le code du travail dans les conseils de prud'hommes.
    Nous avons choisi la voie de l'abrogation - je m'en expliquerai dans la discussion générale - parce qu'il nous semble important de laisser aux partenaires sociaux les moyens de négocier. Nous avons choisi l'abrogation plutôt que la suspension, également parce que nous considéront que cette loi est mauvaise, pour deux raisons essentielles.
    Premièrement, elle ne fait pas de différence entre la majorité des entreprises qui ont de réelles difficultés - l'oratrice du groupe socialiste vient d'indiquer elle-même que 85 % des entreprises n'étaient pas concernées (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et celles qui abusent parfois de la situation. Rien que pour cela, il faut la réformer.
    Deuxièmement, cette loi de modernisation sociale a jeté l'anathème sur l'entreprise, opposant une nouvelle fois salariés et dirigeants d'entreprise comme cela a souvent été le cas avec les lois votées notamment par la précédente majorité.
    C'est pour cela que le groupe UDF votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

8

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi n° 375, relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi :
    M. Dominique Dord, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 386).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 4 décembre 2002
SCRUTIN (n° 91)


sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation décentralisée de la République.

Nombre de votants

513


Nombre de suffrages exprimés

503


Majorité absolue

252


Pour l'adoption

346


Contre

157

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :     Pour : 317. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, Philippe Auberger, François d'Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Etienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mme Chantal Bourragué, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Philippe Briand, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Pierre Cardo, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Jean-Marc Chavanne, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Edouard Courtial, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Lucien Degauchy, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Édouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Daniel Mach, Alain Madelin, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Denis Merville, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Jean-Marie Morisset, Etienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jean-Marc Nesme, Yves Nicolin, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mme Béatrice Pavy, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Eric Raoult, Jean-François Régère, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Vincent Rolland, Jean-Marie Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Michel Roumegoux, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Michel Voisin, Gérard Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Eric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
    Contre : 6. - M. Yannick Favennec, Mmes Brigitte Le Brethon, Muriel Marland-Militello, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean Tiberi et François Vannson
    Abstentions : 7. - Mme Christine Boutin, MM. Francis Delattre, Nicolas Dupont-Aignan, Daniel Garrigue, Lionnel Luca, Jacques Myard et Jean-Sébastien Vialatte
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 4. - MM. Damien Alary, Paul Giacobbi, Paul Quilès et Simon Renucci     Contre : 124. - Mme Patricia Adam, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mmes Claude Darciaux, Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Forgues, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Bruno Le Roux, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin , Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, M. Jean-Jack Queyranne, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Roger-Gérard Schwartzenberg, Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira, MM. Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, André Vallini, Manuel Valls, Alain Vidalies et Jean-Claude Viollet
    Abstention : 1. - M. Joël Giraud.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Pour : 23. - MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Philippe Folliot, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Yvan Lachaud, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer et Gérard Vignoble.
    Abstention : 1. - M. Jean-Christophe Lagarde.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 21. - MM. Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (13).
    Pour : 2. - MM. Alfred Marie-Jeanne et Joël Sarlot.
    Contre : 6. - Mmes Huguette Bello, Martine Billard, MM. Yves Cochet, Noël Mamère, Pierre-Jean Samot et Emile Zuccarelli.
    Abstention : 1. - M. François-Xavier Villain.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    MM. Paul-Henri Cugnenc, Bernard Depierre, Mme Brigitte Le Brethon, Muriel Marland-Militello, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean Tiberi et François Vannson, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « pour ».
    MM. Damien Alary et Paul Quilès, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 92)


sur l'ensemble du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

Nombre de votants

427


Nombre de suffrages exprimés

418


Majorité absolue

210


Pour l'adoption

328


Contre

90

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :     Pour : 313. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, François d' Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Etienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, Marcel Bonnot, René Bouin, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Victor Brial, Jacques Briat, Mmes Maryvonne Briot, Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Pierre Cardo, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean Charroppin, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Jean-Marc Chavanne, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Pascal Clément, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Pierre Hellier, Michel Herbillon, Patrick Herr, Antoine Herth, Patrick Hoguet, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Sébastien Huyghe, Edouard Jacque, Christian Jeanjean, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Edouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Alain Madelin, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Martin , Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Etienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Robert Pandraud, Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Etienne Pinte, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Éric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Jean Roatta, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Vincent Rolland, Jean-Marie Rolland, Philippe Rouault, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Éric Woerth et Mme Marie-Jo Zimmermann
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Contre : 69. - MM. Jean-Marc Ayrault, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Jean-Claude Bateux, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Thierry Carcenac, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Gilles Cocquempot, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, René Dosière, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Laurent Fabius, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Paul Giacobbi, Jean Glavany, Gaétan Gorce, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Jérôme Lambert, François Lamy, Jean Launay, Mme Marylise Lebranchu, MM. Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Michel Liebgott, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Mme Chantal Robin-Rodrigo, MM. Bernard Roman, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, MM. Michel Sainte-Marie, Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira, MM. Pascal Terrasse, Michel Vergnier et Alain Vidalies.
    Abstentions : 5. - MM. Jean-Claude Beauchaud, Joël Giraud, Gilbert Le Bris, Jean Michel et Jean-Claude Viollet
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Pour : 15. - MM. Pierre Albertini, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Philippe Folliot, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Hervé Morin, Rudy Salles, André Santini et Francis Vercamer.
    Abstentions : 2. - MM. Gilles Artigues et François Rochebloine.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 20. - MM. Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (13) :
    Contre : 1. - M. Noël Mamère
    Abstentions : 2. - MM. Gérard Charasse et Emile Zuccarelli.