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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 6 DÉCEMBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 5 décembre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Modification de l'ordre du jour prioritaire «...».
2.  Négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Maxime Gremetz, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Jean-Paul Anciaux, Mme Muguette Jacquaint, MM. Francis Vercamer, Alain Vidalies. - Rejet par scrutin.
M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance «...»
DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 179 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; le ministre, Maxime Gremetz, Mme Chantal Bourragué. - Rejet.
Amendement n° 178 corrigé de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 17 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies, Hervé Novelli. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 15 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 16 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 13 de M. Desallangre : M. Maxime Gremetz.
Amendement n° 18 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 18 ; rejet de l'amendement n° 13.
Amendement n° 14 de M. Desallangre : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 19 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 20 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 21 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 22 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 23 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 24 de M. Gremetz : Mme Muguette Jacquaint. - Retrait.
Amendement n° 58 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

MODIFICATION DE L'ORDRE
DU JOUR PRIORITAIRE

    M. le président. J'ai reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement une lettre m'informant que le Gouvernement a décidé de fixer ainsi l'ordre du jour prioritaire du mardi 10 décembre, l'après-midi, après les questions au Gouvernement, et le soir :
    - Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi ;
    - Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
    L'examen de ce dernier texte commencera donc mardi, et l'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

2

NÉGOCIATION COLLECTIVE
SUR LES RESTRUCTURATIONS
AYANT DES INCIDENCES SUR L'EMPLOI

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (n°s 375, 386).

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, monsieur le rapporteur permettez-moi tout d'abord de saluer tous les absents qui ne vont pas manquer d'arriver, comme chacun le sait. (Sourires.)
    Je dois avouer, pour commencer mon propos, mon étonnement, certes mesuré, quant à la volonté et à la logique qui animent le Gouvernement avec ce projet de loi. Vous motivez la présentation de votre texte, monsieur le ministre, par le fait que la loi de modernisation sociale se caractérise par « une complexité pour le droit au licenciement » et par « les multiples difficultés d'application qu'elle engendre ». A vous entendre, elle serait à l'origine de tous les maux de notre société en matière d'emploi, de compétitivité, comme l'était hier la loi sur les 35 heures. Mais que je sache, cette loi n'a toujours pas été appliquée ? Pourtant, l'a-t-elle été chez France Télécom, qui va être privatisée. Ses actionnaires et ses salariés vont payer et l'Etat va devoir débourser 9 milliards.
    Oui, monsieur le ministre, et croyez bien que je le regrette, la loi de modernisation sociale n'a pas encore été appliquée. Les principaux décrets n'ont pas été pris. Je déplore tout aussi vivement que la précédente majorité n'ait pas pris plus tôt la décision de légiférer sur les licenciements économiques. Comme je l'ai rappelé hier, dès 1998, nous avions déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale une proposition de loi visant précisément à contrôler et à encadrer les licenciements dits économiques.
    A cet égard, ne mélangeons pas tout. Ne mettons pas toutes les entreprises sur le même plan. Il n'y a rien de commun entre la grande entreprise qui procède à des licenciements économiques et la petite qui ferme. Le petit patron qui est obligé de mettre la clé sous la porte est malheureux, le pauvre. Je viens d'apprendre, par exemple, qu'APPI, petite entreprise sous-traitante de Whirlpool située à Vignacourt, va déposer son bilan le 31 décembre prochain parce que Whirlpool, qui était son seul client, a délocalisé à Poprad en Slovaquie, pour satisfaire ses actionnaires.
    Alors, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne faisons pas comme si. Ayons un débat sérieux, sans affirmations gratuites. En ce qui me concerne, j'ai ici des fiches, des documents, qui reprennent des études sérieuses et indépendantes que je tiens à votre disposition. Mais surtout n'oublions pas que, quand on parle de licenciements, ce n'est pas seulement de chiffres qu'il est question. Il s'agit avant tout d'hommes et de femmes qui produisent des richesses, de gens qui, en perdant leur emploi, perdent leur dignité, et pour certains leur raison de vivre. C'est pour eux que nous nous sommes toujours battus, et non pour des raisons électoralistes. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls. Nous devons légiférer sur les licenciements économiques pour contrer les mouvements de restructurations internationaux et la constitution de grands groupes multinationaux, qui conduisent aux délocalisations. Nous sommes loin des dépôts de bilan ou des difficultés rencontrées par les petites entreprises. Ce qui est en cause, c'est la stratégie du capitalisme mondial, dont le seul objectif est la recherche du profit, la spéculation, les placements destinés à gagner de l'argent en dormant, comme disait quelqu'un et non en travaillant ou en investissant.
    Non, monsieur le ministre, on ne peut pas accuser la loi de modernisation sociale de tous les maux puisqu'elle n'a pas été appliquée. Mon étonnement a donc encore grandi quand je vous ai entendu dire que cette loi était la cause des nombreux plans sociaux et qu'elle serait responsable des charrettes de licenciements que nous constatons avec gravité et dépit tous les jours. La carte de France des licenciements est terrible à regarder. Ce n'est pas seulement une région, un secteur donné de l'économie qui sont concernés. Ce sont toutes les régions, tous les secteurs, ancien, moins ancien et même ultramoderne qui sont touchés. Ce n'est donc pas une question de modernité, et vous le savez bien. Du reste, le phénomène de la bulle financière et les faillites dans la communication et l'informatique, en témoignent ! Voyez, je ne schématise pas. Je prends au contraire en compte la complexité des choses.
    Encore une fois, comment une loi non appliquée, faute de temps, pourrait-elle être à l'origine de cette situation ? Et quand je dis faute de temps, je pourrais ajouter aussi : faute de volonté de publier les décrets, car on aurait pu et en aurait dû le faire. Je suis d'ailleurs souvent intervenu en ce sens et ma colère était grande.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Vous avez raison, mais ce n'est pas notre faute !
    M. Maxime Gremetz. Vous le savez, ma colère est grande et je suis intervenu à plusieurs reprises sur le sujet : quand on vote une loi, bonne ou mauvaise, on doit sortir les décrets.
    Monsieur le ministre, soyons sérieux, les licenciements économiques abusifs ne datent pas d'hier et ils n'ont cessé de progresser en l'absence de l'application de la loi. Les chiffres publiés par la presse confirment mon propos pour qui veut bien les voir. J'ai ici une étude de la DARES. C'est indiscutable. En dix ans, la DARES - le service de la statistique de votre ministère ou plutôt du ministère de l'emploi que vous occupez aujourd'hui - a recensé jusqu'au mois de septembre plus de 3,4 millions de licenciements économiques. Et nous savons que ce chiffre ne reflète pas, loin s'en faut, la réalité des pertes d'emplois, car il ne prend en compte que les plans sociaux, alors qu'il y a les autres licenciements économiques.
    Vous ne pouvez donc pas accuser la loi de modernisation sociale pour justifier les pratiques ignobles des grands groupes. En 2000, la loi de modernisation sociale n'existait pas mais on comptait déjà près de 900 plans dits sociaux. En 2001, alors que la loi venait d'être promulguée mais ne pouvait pas être appliquée, on dénombrait encore 1 053 plans sociaux et 245 000 licenciements économiques - toujours selon la DARES - je ne fais que la citer.
    Jusqu'en septembre 2002, toujours dans l'attente des décrets d'application, on comptait 208 000 licenciements, soit une augmentation de 17 %. A la fin août, le nombre de plans sociaux atteignait 676, soit une hausse de 6,4 % par rapport à la même période de 2001. Incontestable, chers collègues ! Les chiffres sont là ! Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.
     En un an, on a enregistré plus de 1,9 million inscriptions à l'ANPE pour les fins de CDD et de missions d'intérim et 400 000 licenciements autres qu'économiques. Toujours selon la DARES.
    Vous le voyez bien, monsieur le ministre, chers collègues, et vous devez le reconnaître, la loi de modernisation sociale n'y est pour rien puisqu'elle ne s'applique nulle part en France.
    La raison d'être de cette loi est toute trouvée : il s'agit pour nous de mettre un coup d'arrêt à ces situations dramatiques pour les salariés et leurs familles.
    Enfin, vous motivez votre choix de réformer cette loi par la situation prétendument catastrophique de notre pays et surtout par la vision terrible qu'en ont les autres pays et qui refroidirait tous les investisseurs. Encore une fois, monsieur le ministre, je ne comprends pas...
    M. le Premier ministre s'est illustré lors de la séance des questions d'actualité du 14 novembre dernier en affirmant que notre pays avait perdu de sa superbe en matière économique, de sa compétitivité et donc perdu, « une dizaine de places entre 2000 et 2011 ». Ou encore que « nous avons perdu plus de 17 places depuis 1998 ». Et il en a conclu « qu'aujourd'hui la compétitivité de la France, et donc la valeur du travail des Français, est affaiblie par rapport à celle des autres pays ». Voilà la déclaration qu'a faite M. le Premier ministre de la France ici - le Journal officiel en atteste.
    Surprenant ! Alors que les dirigeants d'entreprise - des grandes entreprises, pas les petits patrons - interrogés par le forum économique mondial lors des rencontres dites de Davos s'accordent pour rétrograder la France de la vingtième à la trentième place en matière de compétitivité, notre pays apparaît comme étant l'un des rares à avoir attiré plus d'investissements étrangers en 2001 qu'en 2000. Ce n'est pas Maxime Gremetz, ce n'est pas le groupe communiste, ce n'est pas L'Humanité qui le dit, c'est une étude de l'OCDE que j'ai ici, que je tiens à votre disposition. Et en général, l'OCDE fait référence. Par conséquent, la loi de modernisation sociale, et contrairement à ce que certains pensaient peut-être ou à ce que veut faire croire le Gouvernement, n'a pas fait peur.
    M. Dominique Dord, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Evidemment, elle ne s'appliquait pas !
    M. Maxime Gremetz. Vous avez une réponse, moi j'ai la mienne. Et en tout état de cause, je cite les chiffres de l'OCDE. Je suis neutre moi. Dans son rapport, l'Organisation de coopération et de développement économiques, estime à 52,6 milliards de dollars le montant des investissements directs étrangers en France en 2001. Rendez-vous compte, l'année de la naissance de la loi de modernisation sociale ! Je suppose que c'est elle qui a attiré tous ces investisseurs étrangers. « Enfin, on a une réglementation claire, précise, non procédurale », se sont-ils dit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous voyez, je peux retourner vos arguments ! Soyons sérieux, la loi de modernisation sociale n'a agi ni dans un sens ni dans l'autre. La vérité, c'est qu'elle n'était pas appliquée et que les investisseurs étrangers ont continué à investir plus que jamais : 23 % de plus qu'en 2001. Ce n'est pas mal pour une loi qui fait peur...
    Alors même que le rapport de la CNUCED - je l'ai sous la main, vous pouvez vérifier - comme celui de l'OCDE d'ailleurs, évalue à plus de 50 % la baisse des investissements étrangers dans l'ensemble des pays développés en 2001, ils ont augmenté de 18 % en France. Comme quoi, il s'est bien passé quelque chose. Moi je crois, entre nous soit dit, puisqu'il faut toujours parler franc, que la politique de gauche du gouvernement, disons plutôt la politique du gouvernement de gauche ne faisait pas peur aux investisseurs étrangers. C'est clair. Elles les rassurait même plutôt, car avoir à la fois moins de conflits sociaux et autant de libéralisme, c'est bon !
    Mieux, au regard des intentions d'investissement des dirigeants d'entreprise dans le monde, la France qui avait déjà progressé, je le rappelle car il n'est pas bon de jeter le discrédit sur notre pays, de la douzième à la dixième position entre 2000 et 2001, a continué sur cette lancée pour parvenir à la cinquième place en 2002 ! Vous devriez être contents et sauter de joie ! Eh oui, c'est la vérité !
    Si vous voulez que je sorte mes fiches pour confirmer ces chiffres, je vais le faire. Il ne faut pas parler pour ne rien dire. Moi, je ne parle jamais pour ne rien dire ; j'aime bien faire état d'éléments précis, certifiés.     M. Jean-Paul Anciaux. Certifiés conformes !
    M. Maxime Gremetz. Les documents sont là. Regardez-les, même si je sais que cela vous gêne !
    M. Jean-Paul Anciaux. Pas du tout !
    M. Maxime Gremetz. On ne peut pas dire des bêtises et, après, refuser d'être confondu par des documents officiels ! Quand on dit des bêtises, il faut les assumer, n'est-ce pas ?
    La France est donc plus attractive que jamais selon le classement de l'OCDE. Voici le classement pour les investissements étrangers en 2002 : après la Chine, 1,99, les Etats-Unis, 1,89, le Royaume-Uni, 1,51 et l'Allemagne, 1,50, la France arrive en cinquième position avec 1,29. De la douzième place nous sommes passés à la cinquième ; c'est tout de même un bon résultat, non ? En tout cas c'est mieux que la Coupe du monde de foot ! (Sourires.)
    M. Hervé Novelli. Ce n'était pas difficile !
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    Chaque fois, je vous donnerai les textes et les chiffres officiels de l'OCDE, laquelle, je le rappelle, n'est pas l'organisation des économistes communistes du monde, comme chacun le sait.
    M. Jean-Paul Anciaux. Certes !
    M. Hervé Novelli. Ce n'est pas la Bible non plus !
    M. Maxime Gremetz. En ce qui concerne la productivité, on entend souvent dire que les Français sont moins productifs que les autres. Là il s'agit d'une affirmation gratuite et il faut y regarder de plus près. Un document, que je vais retrouver dans mes papiers pour vous le montrer, indique que la productivité des salariés français est de 12 % supérieure à la moyenne constatée dans la Communauté européenne. Et vous allez dire que nous ne travaillons pas assez, nous, les ouvriers français ? C'est une affirmation gratuite, complètement gratuite !
    Mme Muguette Jacquaint. Pas si gratuite que ça !
    M. Maxime Gremetz. On entend toujours répéter les mêmes choses. C'est la pensée unique que quelqu'un a dénoncée fortement et vertement ! On répète avec une foi sans précédent et sans doute parfois de bonne foi - tout au moins certains - ce qu'on a entendu, au lieu de travailler, de regarder, d'étudier. Il est si facile de répéter, surtout quand on veut justifier une politique. Non, il faut travailler ! Il faut regarder les dossiers ! Il ne faut pas dire de contrevérités ! Je vais retrouver ce document, car j'ai décidé de faire, aujourd'hui, oeuvre de pédagogie : aucune affirmation, toujours des démonstrations. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord, rapporteur. Bien dit !
    M. Maxime Gremetz. Je n'ai pas dormi, car j'ai passé la nuit à préparer mes fiches. (Sourires.) Je ne suis pas professeur ; je ne suis qu'un ouvrier mais je peux vous montrer que quand on regarde les choses d'un peu près, on peut trouver.
    M. Jean-Paul Anciaux. On va trouver !
    Maxime Gremetz. Je vais le trouver, n'ayez pas peur. Je l'ai trouvé !...
    Ce document est assez extraordinaire puisqu'il indique que la productivité horaire des salariés en France a été supérieure de 14,2 % - de mémoire, je n'avais parlé que de 12 % ! - à la productivité horaire moyenne dans les pays de l'Union européenne. Les Français sont donc plus productifs que les Allemands, que les Anglais ou que les Italiens, contrairement à ce qu'on dit et malgré ce que vous appelez des handicaps formidables comme les 35 heures - une catastrophe, selon vous - et le spectre de la loi de modernisation sociale. Nous aurions donc dû mourir écrasés ! Eh bien non, ce n'est pas le cas, au contraire !
    M. Hervé Novelli. Pour supporter tout cela, nous sommes forts !
    M. Maxime Gremetz. Vous comprenez peut-être maintenant mon étonnement concernant vos propos et votre logique. Vous accusez la loi de modernisation sociale d'être un handicap pour la vie économique de notre pays. En réalité, rien ne lui est imputable. On peut seulement lui reprocher de ne pas avoir vu le jour plus tôt pour endiguer les licenciements. Voilà la vérité.
    Monsieur le ministre, vous peignez un tableau noir - je ne sais pas si vous le faites de bonne foi ou si vous êtes entouré d'énarques qui vous donnent de mauvais chiffres (Sourires) - pour mieux faire avaler la pilule de votre entreprise de démolition, car, avec ce nouveau projet de loi, telle est bien la raison d'être de votre gouvernement qui se précise : il s'agit véritablement de tout démolir en matière de législation sociale et d'assurer la bonne exécution des desiderata du MEDEF. Vous visez la démolition de tout ce que la gauche a fait de bien pour les travailleurs et le pays - cela a déjà été si limité que ce n'est pas la peine d'en rajouter ! - et même la démolition des conquêtes économiques et sociales depuis la Libération.
    Vous avez commencé par la mise en cause des 35 heures. Je rappelle cependant que vous allez avoir beaucoup de mal à aller jusqu'au bout de vos ambitions en la matière. Vous avez aussi, à l'occasion du budget, mis en cause les emplois-jeunes que vous allez complètement supprimer. Vous avez taillé à la hache dans les budgets destinés à favoriser l'insertion et la formation des travailleurs les plus en difficulté, notamment les jeunes. Aujourd'hui, vous voulez supprimer les mesures adoptées il y a moins d'un an pour contribuer à prémunir les salariés contre les licenciements économiques abusifs, autrement dit les licenciements boursiers.
    En 2003, vous allez être également surchargé pour exécuter le carnet de commandes du MEDEF.
    D'abord, vous allez revoir les règles de la négociation collective avec l'objectif central de rendre la législation du travail supplétive, en permettant aux accords de branche ou d'entreprise de déroger aux lois qui protègent les salariés face à l'arbitraire patronal.
    Ensuite vous allez aussi mettre en cause notre régime de retraite. Ah, si j'avais un peu de temps, je ferais toute une série de citations plus remarquables les unes que les autres où l'on parle du dialogue social ! Or chacun annonce sa mesure et lorsqu'on va arriver au dialogue social sur les retraites, tout aura été décidé !
    En fait M. Sarkozy est là pour vous faire valoir.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Lequel !
    M. Maxime Gremetz. Selon lui, il faut repousser l'âge de la retraite de six ou sept ans, sinon le système explosera ! Sarkozy, toujours Sarkozy !
    M. Jean-Paul Anciaux et M. Hervé Novelli. Guillaume !
    M. Maxime Gremetz. Comme je vous l'ai déjà dit il est picard, comme moi. Il dit la vérité, comme moi ! Ce projet est donc bien le vôtre !
    Vous ne pouvez pas reprocher aux Picards de ne pas dire la vérité. Ce sont peut-être ainsi des empêcheurs de tourner en rond parce que là où il faudrait faire preuve de diplomatie, prendre des tournants, ils vont tout droit, ils sont directs.
    Sarkozy et Maxime Gremetz sont comme ça !
    M. Jean-Paul Anciaux. Sarkozy, Gremetz, même combat ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. On sait désormais à quoi s'en tenir. Lui, il dit la vérité. Votre projet est donc bien de repousser de six ou sept ans l'âge de la retraite.
    Le Conseil de Barcelone, a déjà été une étape : soixante-trois ans au lieu de soixante ans. Lui il en rajoute. C'est normal : il est le représentant du MEDEF ! Même Picard, il est représentant du MEDEF ! Il en rajoute donc en proposant de porter l'âge du départ légal en retraite de soixante à soixante-six ou soixante-sept ans. C'est le progrès ! On n'arrête pas le progrès, surtout pas le progrès social !
    Mme Muguette Jacquaint. Si c'est cela le progrès !
    M. Maxime Gremetz. C'est le progrès à la sauce patronale ; vous aviez compris ! (Sourires.)
    Les déclarations sont là. Je n'invente rien ! Regardez, Sarkozy est en photo dans tous les journaux ! Il n'est d'ailleurs pas le seul !
    M. Jean-Paul Anciaux. Il y a aussi Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Non ! On cite aussi le ministre !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Sans photo !
    M. Maxime Gremetz. Certes il n'y a pas sa photo, mais il y a beaucoup de texte sous le titre : « M. Fillon dévoile ses pistes pour réformer les retraites. »
    Il dit ainsi qu'il faudra de toute façon augmenter le nombre des annuités de cotisation. D'ailleurs au nom de l'égalité on fait pareil pour les femmes et pour les hommes. A ce propos, souvenez-vous que, au nom de l'égalité professionnelle, une directive européenne a indiqué que, les hommes travaillant de nuit dans les entreprises, les femmes devaient également travailler de nuit pour être égales ! Et je précise que je parle bien de l'industrie et pas de certaines professions particulières comme les infirmières.
    Pour l'industrie, c'est un retour en arrière de plus de cent ans puisque la suppression du travail de nuit des femmes dans les entreprises a été décidée en 1892. Et pour quoi faire ? Pour mettre des petits pois en conserve, monter des vélos ou des pédaliers, comme si cela était stratégiquement important. Ce n'est plus à feu continu, c'est à travail continu !
    Toujours au nom de l'égalité, M. Balladur ayant porté de trente-sept à quarante le nombre des annuités nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein dans le privé, vous allez prendre la même mesure pour le secteur public. C'est l'égalité mais par le bas, pas par le haut.
    Je ne veux pas faire un discours sur les retraites. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais je vise la méthode.
    Chacun fait des annonces. Ainsi, au cours d'un entretien avec M. Roubaud, le Premier ministre lui indique que sa philosophie est faite : il faut allonger la durée des cotisations pour les retraites, remettre en cause les régimes spéciaux, aligner la fonction publique sur le privé. Vingt-quatre heures plus tard cela commence à faire du bruit dans Landerneau. Alors, on fait une mise au point pour démentir que M. Raffarin a discuté des retraites avec M. Roubaud, affirmer qu'ils ont parlé de tout autre chose : de la pêche, du temps, du machin... On dit même, à Matignon, que les mots « retraite » et retraités » n'ont pas été prononcés !
    Monieur Roubaud, vous êtes donc un menteur. Vous racontez des histoires. Vous êtes le président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, que, je crois, certains ici défendent. (« Ah ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous ne le saviez pas ? Vous voilà donc informés !
    Telle est la méthode, mais attention : c'est dangereux. A ce propos, je vous conseille de lire le supplément Forum social paru avec L'Humanité de ce matin. Réalisé en collaboration avec la SOFRES, elle comporte une étude sur l'état d'esprit au regard de la politique gouvernementale et des mouvements sociaux qui se préparent. Croyez-moi - je vous le dis tranquillement -, vous avez du souci à vous faire.
    Peut-être ne voulez-vous pas acheter L'Humanité, mais vous devriez le faire ! J'achète bien, moi, Le Figaro, La Tribune, Les Echos et tous les journaux, parce que je suis un homme de pluralisme ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Paul Anciaux. Vous avez les moyens !
    M. Maxime Gremetz. Je les paie de mes deniers car, si on veut être informé, il faut tout lire.
    Vous allez donc mettre en cause notre régime de retraite, et vous venez d'annoncer que, aussitôt après, le chantier de la sécurité sociale sera l'objet de vos bons soins, avec l'instauration d'une protection sociale à deux vitesses (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    Ah non ? Et la suppression des petits risques, et les 830 médicaments qu'on ne rembourse plus, et le remboursement au prix du générique, qui touche surtout les plus défavorisés, tout cela ne traduit-il pas la mise en place d'une protection sociale à deux vitesses ?
    La sécurité sociale, créée à la Libération par Ambroise Croizat et le général de Gaulle, ce n'était pas ça !
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'ordre inverse !
    M. Maxime Gremetz. Non ! Disons les deux ensemble. En effet c'est le ministre qui était en charge de ce dossier et pas le général de Gaulle - pour lequel j'ai beaucoup de respect - qui a mis au point le système. C'est de l'histoire. Ayant relu tous les débats de l'époque j'ai constaté que certains se sont vivement opposés au projet. Heureusement, Ambroise Croizat a eu le soutien total du général de Gaulle. Celui-ci était évidemment au-dessus du ministre mais il ne faisait pas le boulot à sa place.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il a montré la voie !
    M. Maxime Gremetz. Non, ce n'est pas lui qui a montré la voie. C'est Ambroise Croizat qui lui a proposé le projet. Il l'a trouvé très bien et lui a indiqué qu'il le soutiendrait contre tous les conservateurs qu'il y avait dans l'hémicycle.
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est vrai ! Et aujourd'hui on vous propose un dialogue social nouveau !
    M. Maxime Gremetz. Nous avons donc eu une grande réforme qui reste encore en place aujourd'hui. C'est l'histoire, et on ne peut pas réécrire l'histoire.
    M. Maurice Giro. C'est vrai, c'est l'histoire !
    M. Maxime Gremetz. J'ai donc rappelé vos intentions en matière de retraite et de protection sociale.
    Enfin vous maintenez vos projets de privatisation. Vous les accélérez même au point que, cette nuit, j'ai dû modifier mon discours. Hier soir, j'aurais dit : « Vous maintenez vos projets de privatisation des plus belles réussites économiques et sociales du secteur public, EDF, France Télécom, la SNECMA. Seule la mauvaise conjoncture boursière actuelle freine vos ardeurs. » Quand je suis rentré cette nuit, j'ai appris que l'Etat pourrait devenir minoritaire dans le capital de France Télécom, voire privatiser cette entreprise. On peut évidemment vendre les bijoux de famille, mais à force d'en vendre, on n'en aura plus !
    A cet égard aussi vous devriez réfléchir à ce que disait le général de Gaulle qui prônait la nationalisation pour tout ce qui était d'intérêt général, car il considérait que tout ce qui est fondamental pour le pays et pour la nation doit relever de la responsabilité publique. Malheureusement vous l'avez oublié !
    En ce qui concerne l'EDF, je ne sais pas si vous avez lu le récent rapport indiquant que, dans le monde, 1,4 milliard de gens n'ont pas l'électricité.
    M. Jean-Paul Anciaux. Quelle chance nous avons !
    M. Maxime Gremetz. Et on nous dit : privatisons EDF ! Vous croyez que les intérêts privés vont s'embêter à amener l'électricité là où ce n'est pas rentable et à fournir en énergie les pays en développement ? Mais vous rêvez !
    Voilà quelles sont vos intentions. Vous frappez vite et fort pour remodeler la société française, conformément aux exigences, vous l'avez dit hier, de la mondialisation capitaliste.
    C'est une véritable révolution conservatrice à laquelle se livre votre gouvernement, à un retour en arrière de plus de cinquante ans dans des domaines essentiels. En effet, ça ne veut rien dire réforme et révolution. On a connu des révolutions conservatrices et des réformes régressives. Tout dépend du contenu.
    M. Jean-Paul Anciaux. Bien sûr !
    M. Maxime Gremetz. Sur le plan économique et social, c'est la tendance la plus à droite, la plus libérale que vous incarnez.
    Je vous rappelle que vous n'avez pas été élus pour détruire la sécurité sociale, pour casser les services publics, pour abîmer les régimes de retraite, pour mettre en cause le SMIC et le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent. Vous n'avez pas été élus pour aggraver la précarité de l'existence de millions de nos concitoyens, pour provoquer une nouvelle explosion du chômage avec ses conséquences dramatiques dans tous les domaines.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Ça, c'est vous !
    M. Maxime Gremetz. Vous dites : le suffrage universel a tranché ! Moi, je vous dis : vous n'avez pas gagné, c'est la gauche qui a perdu. Et ceux qui ont gagné, ce sont les 13 millions de Françaises et de Français qui ne sont pas allés voter. Vous devriez toujours avoir cela à l'esprit, car c'est un problème pour tous les démocrates, pour vous comme pour nous. N'oubliez pas non plus toutes les exigences sociales qui demeurent insatisfaites sous les gouvernements de droite comme de gauche. Sinon, il y aura, à mon avis, des réveils très difficiles. Pour qui ? Pas pour vous ni pour nous - on ne compte pas - mais pour la France, pour la société française, pour le devenir de la nation française et son rayonnement international. C'est sur ce plan-là qu'il faut poser les problèmes et pas au petit niveau politicien. Ah, le pouvoir ! Je vais être méchant si je dis ce que j'en pense : le pouvoir corrompt et son approche nous empêche souvent, vous le savez bien, de voir les réalités concrètes. Quand ils approchent le pouvoir, les hommes subissent une transformation ahurissante : ils ne voient plus les mêmes choses. C'est pourquoi il ne faut jamais être au pouvoir ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Bien sûr, il y a des gens compétents, à qui cela ne fait pas tourner la tête, et ils sont nécessaires. En tous les cas, moi, je ne veux pas risquer ça ! (Sourires.) Ce n'est pas mon truc !
    M. Jean-Paul Anciaux. Vous êtes un homme d'opposition !
    M. Maxime Gremetz. Non, de construction ! Et on construit moins quand on est ministre que quand on est libre. Un ministre est obligé de respecter le collectif. Il n'est pas tout à fait libre. Nous le savons bien, nous, qui avons regretté que certains se soient retrouvés pieds et poings liés pendant cinq ans, solidarité gouvernementale oblige !
    M. Dominique Dord, rapporteur, et M. Jean-Paul Anciaux.
    Qui ? Des noms !
    M. Maxime Gremetz. En tous les cas, pas moi, vous le savez ! Faites un petit effort... et vous comprendrez !
    M. Alain Vidalies. Maxime, tu es meilleur quand tu dis du mal de la droite !
    M. Maxime Gremetz. Seule la vérité est révolutionnaire, je me permets de vous le rapeler, cher ami. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Lénine n'a pas dit que des bêtises !
    M. Pierre Morange. Staline non plus !
    M. Maxime Gremetz. Face à la crise du système, monsieur le ministre, vous choisissez la fuite en avant dans un libéralisme débridé où tout serait permis pour les riches. Vous vous êtes fait élire en promettant la sécurité, alors que vous développez l'insécurité du lendemain pour de plus en plus de Français.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. C'est faux !
    M. Maxime Gremetz. J'ai dit : l'insécurité du lendemain, cher collègue !
    Vous vous gargarisez de la « valeur travail » mais vous conduisez une politique qui favorise l'augmentation des profits financiers et aggrave le chômage. En réalité, vous faites la promotion de l'argent gagné sans travailler grâce à la spéculation en bourse.
    M. Alain Vidalies. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Quand le modèle est l'argent facile, comment s'étonner que certains s'en inspirent et aillent chercher illégalement cet argent dans la rue,...
    M. Alain Vidalies. Voilà !
    M. Maxime Gremetz. ... les victimes étant encore une fois, le plus souvent, des travailleurs ? Et ils le sont doublement victimes : de l'exploitation capitaliste d'abord, des délinquants ensuite, profiteurs eux aussi. Al Capone n'a t-il pas commencé sa carrière comme nervi briseur de grèves ? Vous savez, souvent, l'histoire se répète.
    Votre politique économique et sociale met le feu et vous envoyez M. Sarkozy pour l'éteindre. Vous êtes un gouvernement de pompiers pyromanes.
    La question principale qui se pose maintenant est de savoir si les Français vont vous laisser faire, s'ils vont admettre un tel écart entre les promesses électorales et la politique destructrice que vous mettez en oeuvre. Les citoyens vont-ils se rendre compte à temps que, derrière la bonhomie du Premier ministre, se cache la boulimie de profits du baron Seillière et de ses acolytes ? Il semble bien que oui, et c'est heureux !
    Je l'avais écrit, ça aussi mais j'étais prudent, je n'affirmais rien. Le sondage publié ce matin dans Forum social le confirme. C'est ce que montrent les mouvements de ces derniers jours chez les agriculteurs, les ouvriers du transport routier, les ouvriers, employés, techniciens et ingénieurs des services publics, les salariés victimes ou menacés de plans de licenciement.
    Pour notre part, nous nous employons à faire tomber les masques. Et, là, je ne peux pas ne pas céder au plaisir de vous citer un de vos maîtres à penser, à tous !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Lequel ?
    M. Maxime Gremetz. Ce cher Guillaume !
    M. Jean-Paul Anciaux. Le Picard têtu !
    M. Maxime Gremetz. Eh oui ! Je vous donnerai le texte, parce que vous devriez l'avoir toujours dans votre poche, pour vous rappeler ce qu'il fait faire !
    « Je suis fier », a déclaré M. Guillaume Sarkozy, « d'être un patron industriel qui délocalise. » Vous voyez, il s'en moque, lui, de la loi de modernisation sociale. Il délocalise !
    M. Jean-Paul Anciaux. Il a délocalisé à Chauny ?
    M. Maxime Gremetz. « Assez de faux-semblants », poursuit-il. En d'autres termes, dites la vérité ! Et de continuer : « La perte d'emploi, la déstabilisation industrielle, c'est normal, c'est l'évolution. » Autrement dit le profit passe avant tout.
    Heureusement M. Jean-François Roubaud, dont, entre parenthèses, M. le Premier ministre dit qu'il ne lui a pas dit ce qu'il dit qu'il lui a dit concernant les retraites - vous m'avez suivi ? -, sauve l'honneur. Il a condamné cette déclaration. « Si la politique salariale menée toutes ces dernières années a conduit à la destruction de milliers d'emplois, comment peut-on s'en satisfaire ? Si les chefs d'entreprise ont été contraints de fermer leurs entreprises, de licencier, avec toutes les conséquences humaines qui s'ensuivent » - M. Roubaud parle des PME, lui, pas des groupes multinationaux -, « comment peut-on en être fier ? », s'est-il interrogé dans un communiqué. Je tiens celui-ci à votre disposition, monsieur le ministre. Sa lecture est un plaisir. Il dit en effet très clairement ce qu'il faut penser des propos de M. Guillaume Sarkozy.
    Je rappelle que, en 1999, devant le nombre des délocalisations et des plans de licenciement, le groupe communiste à l'Assemblée nationale bâtissait une proposition de loi pour offrir de très sérieuses garanties contre les licenciements économiques, notamment les licenciements ayant pour but l'augmentation des profits, appelés aussi - et l'expression est passée maintenant dans le langage courant parce qu'elle est tout à fait révélatrice et correspond bien à la réalité - les « licenciements boursiers ». Après une âpre bataille au sein même de la gauche plurielle - je le rappelais hier -, une partie importante de nos propositions étaient retenues, sous forme d'amendements à la loi de modernisation sociale, à tel point que le volet licenciements de cette loi en devenait la dimension principale.
    Quelqu'un a dit que la loi de modernisation sociale était un fourre-tout. Soyez prudent. Tous les gouvernements, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont eu recours à un moment donné aux projets de loi portant DDMOS. Ceux-ci permettent de régler toute une série de choses et de rafler des crédits.
    M. Hervé Novelli. C'est caricatural !
    M. Maxime Gremetz. Vous savez que ce n'est pas là-dessus qu'il faut faire porter le débat. Vous savez que, malheureusement, les gouvernements et les présidents de l'Assemblée se suivent et se ressemblent, n'est-ce pas ? (Sourires.)
    Tout d'abord, une nouvelle définition du licenciement économique dans la loi de modernisation sociale permettait de circonscrire les possibilités de licenciement aux seules situations où cette mesure s'avérait indispensable. Le licenciement était ainsi conçu comme la mesure utlime, le dernier recours.
    Le Conseil constitutionnel a alors inventé - ça lui arrive d'inventer et c'est normal -, une liberté constitutionnelle nouvelle : la liberté d'exploiter pour s'opposer au droit au travail contenu dans notre Constitution et que notre texte permettait de concrétiser.
    Vous avouerez quand même ! Il y a vraiment, d'un côté, la liberté des puissants, des entrepreneurs et, de l'autre, pour les salariés, celle d'être licenciés et de se faire exploiter sans rien dire.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Oh ! là ! là !
    M. Maxime Gremetz. C'est la conception qui a prévalu au Conseil constitutionnel, au nom de la liberté d'entreprendre.
    Selon, la Constitution, nous sommes égaux en droits et en devoirs. Eh bien ce n'est pas comme ça dans la réalité : il y a deux poids, deux mesures. Etre riche et possédant vaut mieux que d'être pauvre, malheureux et malade.
    M. Hervé Novelli. C'est une lapalissade !
    M. Maxime Gremetz. La loi de modernisation sociale contient aussi nombre de dispositions qui offrent des garanties contre les abus, limitent les capacités de nuire des groupes financiers et les responsabilisent, et donnent la parole aux salariés par l'intermédiaire de leurs élus.
    La loi fait d'abord de la négociation sur la réduction du temps de travail un préalable à tout licenciement. Comment, en effet, admettre que l'on puisse réduire à zéro heure le temps de travail des licenciés, pendant que d'autres font des heures supplémentaires chaque semaine et travaillent y compris le samedi et le dimanche ?
    La loi de modernisation sociale organise ensuite avec les articles 97 et 98 la responsabilité des représentants des actionnaires et leurs échanges avec le comité d'entreprise. L'entreprise est tenue d'établir une étude sur les conséquences territoriales de ses décisions de suppression d'emplois sur le principe que l'entreprise ne peut plus se désintéresser du résultat de son action. Soyons clairs et concrets.
    Quand Magneti Marelli décide de fermer son site d'Amiens, ce sont 750 salariés, qui sont concernés, dont une majorité de femmes, 750 salariés qui y travaillaient depuis trente ans et qui ont donc fait la richesse de ce groupe, qui appartient au groupe Fiat. Ce n'est pas vous (L'orateur désigne M. Jean-Charles Tangourdeau), c'est le groupe Fiat.
    Après avoir reçu 230 millions de fonds publics de la part de l'Etat français, des collectivités, de nous tous, en somme, puisque cette somme provient des impôts, le groupe décide de délocaliser et de retourner en Italie. Résultat : 550 salariés licenciés !
    Pour faire passer la pilule, on promet d'en garder 150. Or, nous avons fait le point avec le directeur départemental de l'emploi, le représentant du préfet, vendredi dernier. Je vous l'enverrai, monsieur le ministre. Il n'y a pas 10 % des salariés qui sont reclassés !
    En même temps, on nous annonce une nouvelle fois la vente de la société, ayant repris les 150 salariés de chez Magneti Marelli. Et à qui ? A une société de service, SODIE, spécialisée dans la reconversion d'entreprises et la création d'activités. Il y a un seul patron mais le problème est qu'il n'a pas d'usine. Cela signifie la mort des 150 salariés qui restaient.
    Whirpool non plus, ce n'est pas vous. (L'orateur désigne de nouveau M. Jean-Charles Taugourdeau.) J'ai reçu un coup de téléphone m'indiquant que ce sera la sécurité sociale, l'Unedic qui va payer pour sa filiale ! Qu'est-ce qu'on propose comme reclassements ? La retraite ou le congé de longue maladie ! On découvre au bout de trente ans que des gens doivent être placés en congé de longue maladie et même d'invalidité ! Mais dans quelle société vivons-nous ? A Whirpool, on ne parle pas de licenciements - non ! mais de suppression d'emplois ! - Et cela en concerne, excusez du peu, 510 ! De sorte que, dans l'agglomération amiénoise, on compte aujourd'hui 16 000 demandeurs d'emploi pour 130 000 habitants. Et on nous parle de sécurité, de tranquillité !
    Whirpool a reçu 320 millions de francs de fonds publics. Quel contrôle fait-on de l'utilisation de ces fonds ? Bien que les décrets soient parus, la loi n'est toujours pas appliquée. Pourquoi ?
    Selon la loi sur le bon usage des fonds publics, les parlementaires peuvent saisir la commission nationale. Or la commission nationale, je ne sais pas où elle est, je ne sais même pas si elle existe, elle ne répond jamais ! La commission régionale non plus !
    Ah, quand c'est un petit qui n'a pas payé cinquante francs de loyer, on lui envoie l'huissier ! Mais ceux-là... Excusez-moi pour la passion que j'y mets, mais cet état de chose est complètement inconséquent. Il faut aller se frotter à ces seigneurs,...
    M. François Goulard. Ces saigneurs !
    M. Maxime Gremetz. ... les Magneti, les Whirpool, et leur demander des comptes.
    Si on leur disait que l'utilisation des fonds publics fait l'objet d'un contrôle, ça les ferait réfléchir au moins ! C'est notre argent, non ? Ensuite, il faudrait leur rappeler ce qui est prévu dans la loi de modernisation sociale, à savoir qu'ils ont le droit de partir mais également le devoir de contribuer à la réindustrialisation de la ville ou de la région qu'ils abandonnent. Ecoutez, dans la même ville et sur une période de huit mois, Honeywell a décidé de retourner aux Etats-Unis ; Magneti Marelli, en Italie,...
    M. Jean-Marie Binetruy. Et pourquoi ?
    M. Maxime Gremetz. ... et Whirpool a déclaré s'en aller à Proprad, en Slovaquie, parce qu'une rentabilité financière de 16 % l'intéressait davantage que 12 % ...
    M. Jean-Marie Binetruy. Nous sommes dans un système de concurrence, monsieur Gremetz ! Or nous avons perdu dix points d'activité en une année !
    M. Maxime Gremetz. Un système de concurrence ! Mais vous n'avez aucune morale, ce n'est pas possible ! Il ne s'agit pas de la concurrence des coffres-forts, tout de même ! Hier, c'est Hitler qu'on a choisi plutôt que le Front populaire, au nom de la concurrence ! Et aujourd'hui, c'est quoi ? S'installer n'importe où pourvu que cela rapporte et que cela remplisse les coffres-forts ! Peu importent les gens, les salariés, les régions, le développement, l'aménagement du territoire ? C'est cela que vous voulez ? C'est ça, la mondialisation capitaliste ? Si vous estimez que c'est bien, tant mieux pour vous, mais alors ne venez pas vous plaindre. Ah, la libre concurrence !
    Demandez aux PME si elles ont la libre concurrence avec ces grands trusts ? Elles dépendent de ces grandes sociétés. Et les banques ne prêtent qu'aux riches, dans ce pays ! (« Ça, c'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) A qui prête-t-on ? A Valeo ! A Magneti Marelli ! Mais on dit non à un petit patron qui veut produire, et innover, car « on ne veut pas prendre de risque ».
    M. Jean-Yves Cousin. C'est vrai !
    M. Jean-Charles Taugourdeau. C'est ce que je disais hier !
    M. Maxime Gremetz. C'est ça votre système ! Et les difficultés des petites et moyennes entreprises, c'est bien de là qu'elles viennent !
    Excusez-moi d'y mettre de la passion, mais c'est bien normal : ce sont des hommes qui sont derrière tout cela !
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Et des femmes !
    M. Maxime Gremetz. Je suis pour la libre concurrence (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), mais dans les mêmes conditions : que le meilleur gagne sous réserve que l'on bénéficie des mêmes conditions !
    M. Hervé Novelli. Et qu'on ait les mêmes charges !
    M. François Goulard. Je signe des deux mains !
    M. Maxime Gremetz. Or, ce n'est jamais le cas ! Quand les Américains, disent : nous avons des difficultés, nous voulons nous protéger pour développer notre industrie, regardent-ils à la libre concurrence ? Non, protectionnisme à tout crin ! Et nous, que disons-nous ? Amen ! Mais moi, je n'ai pas l'habitude de dire Amen (Rires)...
    M. François Goulard. Certes !
    M. Maxime Gremetz. ... même si ça fait du bien, pour se libérer !
    Donc la loi de modernisation contient aussi nombre de dispositions qui offrent des garanties contre les abus, limitent la capacité de nuire des groupes financiers et les responsabilisent, en donnant la parole aux salariés par l'intermédiaire de leurs élus.
    La loi fait d'abord de la négociation sur la réduction du temps de travail un préalable à tout licenciement. C'est bien normal ! Comment, en effet, admettre que l'on puisse réduire à zéro heure le temps de travail des licenciés pendant que d'autres font des heures supplémentaires chaque semaine ?
    Puis elle organise, dan les articles 97 et 98, la responsabilité des représentants des actionnaires et leurs échanges avec le comité d'entreprise. L'entreprise est tenue d'établir une étude sur les conséquences territoriales de ses décisions de suppression d'emploi, selon le principe qu'elle ne peut plus se désintéresser du résultat de son action. Cette mesure permettait aussi aux élus locaux de jouer mieux leur rôle en faveur des populations de leur commune ou de leur département. Vous supprimez cette avancée de démocratie sociale et locale.
    Avec les articles 99 et 101, le comité d'entreprise était mis en situation de mieux appréhender les données économiques de l'entreprise, de faire valoir son point de vue, de faire des propositions, puisqu'il fallait d'abord que les procédures de consultation sur toutes les questions de sa compétence en matière économique soient achevées avant d'envisager le dépôt d'un projet de licenciement. Ces procédures étaient elles mêmes organisées
    Vous vous dites partisan de l'amélioration du dialogue social. En vérité, vous le torpillez en supprimant ce progrès dans la prise en compte de l'avis des représentants. A ce propos, je vous renvoie encore à une documentation très intéressante. On nous dit : en France, il y a trop de charges et trop de procédures ! Examinons donc les études et faisons des comparaisons.
    M. Hervé Novelli et M. François Goulard. Les sources !
    M. Maxime Gremetz. Voici, entre autres, une étude de l'INSEE, donc indiscutable.
    M. Hervé Novelli. Oh non !
    M. Maxime Gremetz. Nombre des défaillances d'entreprises en France chaque année - puisque vous prétendez que la loi de modernisation sociale met tout le monde en faillite : 48 607 en 1997 - vous suivez bien ? -, 42 437 en 1998, 38 743 en 1999, 35 381 en 2000.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Pourquoi, alors, avez-vous fait cette loi ?
    Mme Muguette Jacquaint. Elle n'a pas été appliquée !
    M. Maxime Gremetz. Laissez parler les études au lieu de dire des bêtises ! (Rires.) Il faudrait être toujours plus intelligent. Moi, je ne suis pas intelligent ; simplement, je regarde les études ! En 2001 : 34 876 défaillances d'entreprises. Par conséquent, la loi de modernisation sociale n'est pas appliquée et les faillites et les dépôts de bilan diminuent !
    M. Hervé Novelli. De quoi se plaint-on ?
    M. Maxime Gremetz. M. le ministre a eu beau répéter qu'avec notre loi, il y avait plus de dépôts de bilan et que les entreprises préféreraient s'en aller ailleurs, les chiffres lui répondent que c'est faux : les dépôts de bilan et les faillites ont reculé jusqu'en 2001.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Il n'y avait donc pas besoin de la loi !
    M. Maxime Gremetz. Je vous fais observer, mon cher collègue, qu'on en aurait bien besoin pour Whirlpool, pour Magneti Marelli, pour Honeywell, et pour des centaines de plans sociaux.
    « Des plans sociaux » : quel langage absurde ! On devrait plutôt dire des plans « antisociaux », puisqu'on prive les gens de leur travail, de leur salaire, de leur dignité, de leur raison de vivre.
    Je tiens les chiffres de l'INSEE à votre disposition, si vous le souhaitez, pour que chacun puisse se faire une opinion. Je ne veux convaincre personne, j'essaie simplement de rassembler un peu les choses, avec une documentation serrée, pour qu'on ne dise pas n'importe quoi. Je crois qu'on peut se rendre plus intelligent, ensemble.
    Le MEDEF se prétend, lui aussi, partisan du dialogue. Mais finalement, c'est à condition que le premier partenaire soit le patron et le deuxième partenaire soit... le patron. Comme vous partagez cette vision, vous rayez l'article 106.
    L'article 109 donnait enfin du sens à la possibilité pour l'autorité administrative de constater la carence du plan social à tout moment de la procédure. Jusqu'alors, l'autorité administrative devait intervenir dans les huit jours de la première réunion, autrement dit, dans des délais intenables qui ne permettaient pas une étude sérieuse, et sans avoir connaissance des débats entre les élus du comité d'entreprise et l'employeur. En supprimant l'article 109, vous privez les décisions de l'autorité administrative de toute efficacité et du sérieux nécessaire.
    Franchement, ces articles n'étaient vraiment pas révolutionnaires, ils amélioraient simplement les possibilités de concertation, ils donnaient plus de pouvoir d'intervention aux salariés, à leurs représentants élus et à des acteurs extérieurs à l'entreprise. Ils permettaient de mieux s'opposer aux licenciements abusifs. Mais c'était encore trop pour vous !
    Pourtant c'est loin d'être révolutionnaire, puisque ça existe dans certains pays à nos portes. Le droit d'opposition du comité d'entreprise, je ne l'ai pas inventé, je l'ai vu fonctionner. Et puisque vous cherchez toujours des modèles et que vous n'avez à la bouche que l'axe franco-allemand, eh bien, c'est en Allemagne !
    Je le répète, ce n'est pas révolutionnaire. La révolution, pour moi, c'est autre chose !
    M. Jean-Paul Anciaux. Pol Pot ?
    M. Maxime Gremetz. Il faut bannir les idées reçues, toutes les idées reçues. Quand on dit que, chez nous, le droit d'opposition a pour objet d'alourdir la procédure, regardons encore les études, car beaucoup de bêtises sont dites là-dessus aussi. Affirmation, vérification, puis confirmation ou infirmation : c'est ça la pédagogie !
    Quelles règles ont adoptées les autres pays européens ? La directive communautaire sur les travailleurs impose l'élaboration d'un plan social ainsi que le respect des procédures. Les Etats présentent néanmoins une certaine diversité en matière de législation et de pratiques. La France, où le seuil de déclenchement de la procédure de licenciement collectif est de dix salariés en un mois, est moins exigeante envers les petits établissements que l'Allemagne et la Suède où le seuil est de cinq en un mois, ou encore que l'Espagne où il est de dix sur trois mois.
    Vous avez bien entendu : la France est moins exigeante, elle est plus souple ; cinq salariés chez les autres, dix chez nous. Vous voyez bien qu'on n'est pas si mal traité en France ! Ailleurs, c'est pire.
    Continuons, c'est très intéressant, n'est-ce pas ? Et ce n'est pas moi qui le dit.
    Autre différence, en France, en Belgique, au Royaume-Unis et en Suède, la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise n'est pas axée sur la recherche d'un accord, contrairement à ce que fixe la directive européenne. L'accord est, en revanche, obligatoire - obligatoire ! - en Allemagne, en Italie et en Espagne,...
    M. Alain Vidalies. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. ... dernier pays où subsiste l'autorisation administrative de licenciement. Alors, êtes-vous réellement maltraités ? Vous avez tous les droits, vous bénéficiez d'une souplesse affreuse. Et vous vous plaignez ?
    Poursuivons la lecture de ces documents officiels. Je vous donnerai mes références et vous pourrez vérifier que je ne les ai pas inventées ni trouvées dans L'Humanité.
    « Objet de vaste polémique en France, la durée de la procédure, rallongée par la loi de modernisation sociale qui peut la porter à un peu moins d'un semestre, n'est pas en fait la plus longue en Europe. »
    Là, monsieur le ministre, je vous demande de m'écouter avec attention parce que vous en parlez souvent.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'écoute toujours avec attention !
    M. Maxime Gremetz. « Si la durée de la procédure est d'un à trois mois au minimum, selon les cas, au Royaume-Uni, de deux à trois mois en Belgique, elle peut aller jusqu'à six mois en Allemagne, et de cinq à neuf mois, voire plus, en Suède. »
    Quand on lit cela, les bras vous en tombent ! Surtout quand on a entendu répéter l'inverse. Mon expérience m'a appris que de répéter une contrevérité n'en fait pas une vérité ! Jamais ! Je tiens à votre disposition cet autre document, dont vous pourrez faire des photocopies.
    Je me suis promis de répondre à tout ce qui a été dit, de vérifier les choses pour que l'on sorte de ce débat un peu mieux informé et que l'on puisse réfléchir en toute connaissance de cause. Car on peut se tromper de bonne foi. Or a priori, je vous crois de bonne foi. Aussi je vous donne des éléments pour vous faire votre opinion. Comme je ne suis pas un professeur, je consulte les études des organismes publics compétents, c'est tout.
    Votre seul argument pour abroger ces textes protecteurs, c'est que, comme ils imposent des contraintes insupportables, les patrons seraient conduits inexorablement à déposer leur bilan parce qu'ils n'auraient pas pu licencier à temps. On connaît le refrain : ce sont les contraintes de toutes sortes - salaires, cotisations sociales, droits des travailleurs, législation - qui brident les entreprises et qui causent le chômage. Il est usé jusqu'à la corde ! Prenons un seul exemple. Dans les années 80, les patrons disaient : « Supprimez cette autorisation administrative de licenciement, nous embaucherons 350 000 salariés et le chômage reculera. » L'autorisation a été supprimée, mais le sous-emploi, sous toutes ses formes, n'en finit pas d'augmenter.
    Vous savez bien que l'autorisation administrative de licenciement n'était qu'un cache-sexe. En outre, c'est M. Séguin, avec M. Chirac, qui l'a inventée ! C'était une mesure administrative. Mais moi, ce n'est pas une mesure administrative que je veux, c'est donner des droits aux comités d'entreprise et aux salariés ! Le dialogue social, c'est ça ! Pierre Bérégovoy disait que l'autorisation administrative de licenciement, les patrons n'avaient pas à s'en plaindre, puisqu'on donne l'autorisation de licencier dans 90 % des cas, à cause du chantage au chômage : « Si vous ne me donnez pas l'autorisation de licencier, je ferme la porte. » C'est ça l'ultralibéralisme ! C'est le chantage permanent !
    L'autorisation a donc été supprimée, mais le sous-emploi a augmenté. En fait, le MEDEF se comporte, je le disais, toujours plus comme un maître-chanteur, et ses victimes n'ont jamais fini de payer. Le Gouvernement et le MEDEF prétendent vouloir la concertation, mais personne ne doit intervenir dans la gestion des entreprises !
    J'entends bien, monsieur le ministre, quand vous dites que l'entreprise, ce ne devrait pas être seulement les actionnaires ou les administrateurs car, pour moi, elle est composée de gens qui investissent et qui ont le droit de vivre normalement de cet effort, mais aussi de salariés qui actionnent les machines, créent les richesses et qui ont le droit de vivre dignement, respectés, et avec des droits. Or, vous savez bien que ce n'est pas le cas. Nous en avons déjà discuté ; je vous renvoie aux débats parlementaires. Deux thèses s'affrontent. Il y a ceux qui pensent qu'il faut laisser la liberté aux patrons de décider seuls s'il faut licencier ou non. Pour nous - et ce n'est pas une thèse mais une réalité - l'entreprise, pour se développer, être efficace, et compétitive, a besoin de toutes les énergies, de tous les savoir-faire, de toutes les connaissances, de toute la créativité tant de l'entrepreneur que des salariés.
    M. Hervé Novelli. Nous sommes d'accord !
    M. Maxime Gremetz. Et c'est précisément un des grands problèmes chez nous : les salariés sont considérés comme des pions à qui on ne demande aucune initiative, au contraire, ils sont « parcellisés », on n'utilise pas toutes leurs compétences. Comment s'étonner, dès lors, d'avoir un si bas niveau de formation dans ce pays ? Moi qui suis pour la compétitivité de l'industrie, des services et de la technologie français, je dis qu'on ne l'obtiendra pas en séparant ainsi la tête et les jambes, ceux qui donnent des ordres et les autres. Si l'on pense cela, on se trompe complètement. En tous les cas, c'est mon expérience qui parle.
    Le Gouvernement et le MEDEF prétendent vouloir la concertation, mais personne ne doit intervenir dans la gestion des entreprises : ni les salariés, ni le syndicat, ni le comité d'entreprise, ni les élus locaux, ni l'inspecteur du travail, ni le juge, et même pas un médiateur.
    Le patron, le PDG représentant des actionnaires, sait mieux que quiconque dans ce pays ce qui est bon pour l'entreprise, les autres ne sont que des ignorants. Les salariés ne sont pas crédibles : ils ne pensent qu'à tout conserver, même leur travail, rendez-vous compte ! Mais nous pensons, nous, qu'ils ont raison, pour eux-mêmes, pour leurs familles et pour notre pays.
    Monsieur le ministre, c'est au moment où les projets de licenciements se multiplient partout et dans tous les secteurs, c'est au moment où le chômage et la précarité continuent de s'étendre que vous choisissez de supprimer des garanties contre les licenciements injustifiés. Vous allez encourager les actionnaires à accélérer le mouvement. En quelque sorte, vous dites : « Lâchez-vous, les amis, je vous couvre. »
    Au contraire, la situation, comme je l'ai dit, ne permet pas cette fantaisie.
    Il n'y a qu'à reprendre la liste noire des licenciements. Je vous ai parlé de cette liste, elle a été publiée dans plusieurs journaux et tous les jours, elle s'allonge. J'attire votre attention là-dessus. Tout montre qu'il faut intervenir et mieux encadrer ces licenciements.
    L'explosion du chômage provoque une situation d'insécurité sociale pour une part grandissante des salariés et de leurs familles.
    L'angoisse gagne la majorité de nos concitoyens. Une étude récente indique que trois Français sur quatre craignent pour leur emploi ou celui d'un membre de leur famille. Toute la société se trouve ainsi fragilisée par l'extension continue du nombre de sans-emploi. Outre les conséquences humaines, psychologiques et financières désastreuses que provoque le chômage pour des millions d'individus, cette politique encourage également la précarité.
    J'attire votre attention là-dessus : est-ce que c'est un hasard si ce sont des jeunes ouvriers, mais pas seulement des ouvriers, des jeunes qualifiés, des jeunes techniciens, qui sont réduits à la précarité permanente, qui votent le plus Front national ? Est-ce qu'on a réfléchi à cela ? Des jeunes qui ont une qualification non reconnue comme qualification, qui ne sont pas reconnus comme salariés, qui sont précaires, qui n'ont aucune reconnaissance, aucune certitude pour l'avenir, comment voulez-vous qu'ils puissent imaginer leur avenir et l'avenir de la société française ? Ils ne sont pas racistes, ils ne sont pas fascistes, mais il ont un sentiment de révolte à l'égard des politiques - je dis bien : des politiques - qui ne font rien, qui sont inertes. La précarité, c'est un mal terrible !
    A cela s'ajoutent la pression sur les salaires et la dégradation des conditions de travail, prouvée par la hausse des accidents de travail. Une étude vient de paraître sur ce point. Vous voyez, c'est drôle l'histoire. On a connu le taylorisme.
    M. Jean-Charles Taugourdeau. On a aussi connu le stakhanovisme !
    M. Hervé Novelli. Oui, mais le stakhanovisme, c'était bien mieux pour certains !
    M. Maxime Gremetz. Or, les études montrent que le taylorisme revient, y compris dans les services. Progrès, progrès, quand tu nous tiens ! On pensait que c'était dépassé avec les technologies nouvelles. Et pourtant ! Moi j'ai connu le taylorisme : j'étais sur la chaîne, je faisais les trois huit. C'était vraiment du taylorisme. Aujourd'hui on pourrait dire que c'est un taylorisme d'un type nouveau, dans les services, dans les centres d'appel, avec les cadences, le travail répétitif. Une étude récente montre que dans des services différents, très différents, c'est la chaîne, c'est le même travail répétitif, non intéressant : les cadences, les maladies professionnelles, le nombre d'accidents du travail qui augmente ! Et les nouvelles maladies professionnelles ! Il y a des toubibs qui étudient l'impact psychologique des conditions de travail, de la manière dont on traite les gens. Je suppose que comme moi vous avez lu ces études et qu'elles vous intéressent.
    Les licenciements économiques n'ont rien d'inéluctable. Ils relèvent le plus souvent directement de la logique adoptée par les grands groupes, lesquels exercent une domination sur les PME. Ne pensez pas, les PME, que vous soyez indépendantes ! Bien au contraire, vous n'avez jamais été aussi dépendantes des marchés financiers et des grands groupes qui occupent le marché. L'externalisation, voilà leur grand mot d'ordre ! Pour tout ce qui n'est pas suffisamment rentable, on crée une société ! C'est vrai même à l'Assemblée nationale, je vous l'ai dit hier : on externalise, on privatise tous les services. Ici, à l'Assemblée nationale ! Pour le nettoyage, on fait appel à une entreprise privée d'intérim. Pour les travaux d'entretien on fait appel à une entreprise extérieure privée.
    M. Edouard Jacque. Et pourquoi pas ?
    M. Maxime Gremetz. Et que fait-on des compétences qui sont là ? Ces ouvriers dont je vous ai parlé, qui travaillent ici depuis cinq ans, on leur dit : « A la porte » !
    M. Edouard Jacque. C'est faux !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai ? Ne parlez pas à la place du président de l'Assemblée nationale !
    M. Edouard Jacque. Je dis que c'est faux !
    M. Maxime Gremetz. Je ne sais pas à quel titre vous dites que c'est faux. C'est gratuit. Démontrez-moi que c'est faux ! Je vous donne la parole, allez-y !
    M. le président. Monsieur Gremetz, ce n'est pas vous qui donnez la parole.
    M. Maxime Gremetz. Non, mais il me dit que c'est faux ! Moi j'aimerais bien savoir pourquoi c'est faux.
    M. le président. Il vous reste neuf minutes pour vous acheminer vers votre conclusion.
    M. Maxime Gremetz. Oui, oui, mais ne vous inquiétez pas, je vais respecter...
    M. le président. Je vous connais, vous allez respecter votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Mais oui, vous le savez bien.
    M. le président. Donc poursuivez, je vous prie.
    M. Maxime Gremetz. Deux heures et demie, cela me suffit largement !
    M. Hervé Novelli. Deux heures et demie ?
    M. Maxime Gremetz. Alors pourquoi, vous dites que c'est faux, monsieur Jacque ? Moi je me tais quand je suis incapable de démontrer. C'est facile de dire que c'est faux, mais c'est plus difficile à démontrer. Alors vous viendrez me voir et on en discutera. Mais ne dites jamais des choses, comme ça, en l'air.
    Les licenciements économiques n'ont rien d'inéluctable. Pour nous, il est impossible de se résigner à voir se succéder les plans de licenciements et de fermetures d'entreprises.
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Au lieu d'un recul de la législation, c'est au contraire un renforcement de celle-ci qui est nécessaire. Nous proposons, bien sûr, le maintien de toutes les dispositions de la loi de modernisation sociale, qui, comme vous l'avez dit, est un compromis. Il a fallu se battre pour l'avoir. On n'a pas pu tout imposer. Mais nous pensons qu'il faut aller plus loin pour améliorer son efficacité. C'est pourquoi nous proposons dans nos amendements l'adoption de mesures complémentaires. Certaines de celles que nous présentons sont directement issues des propositions que nous avions faites en 1999 et qui n'avaient pas été retenues par le gouvernement précédent, à notre grand regret. D'autres sont des solutions nouvelles et audacieuses pour garantir l'effectivité du droit des travailleurs et combatre les positions de domination des grands groupes.
    Nous demandons tout d'abord la suppression des trois articles de votre projet de loi, pour toutes les raisons que je viens d'exposer.
    Mais, comme il semble bien que la majorité des députés donnera satisfaction, comme le Gouvernement, aux revendications du MEDEF, nous interviendrons sur votre texte, et je vais vous dire de quelle façon, pour que vous ne soyez pas surpris.
    Vous dites que vous ne faites que suspendre, et qu'un nouveau texte sera proposé à partir des négociations entre patrons et syndicats. Vous proposez aussi qu'on puisse, dans les enteprises, modifier les procédures après accord d'entreprise et que pour cela il faudrait un accord majoritaire. Sur ce point, vous avez été très sensible, et je vous en remercie, à une grande revendication du mouvement syndical, qui est aussi la nôtre. Nous avons été surpris - encore, je dirai - que cette notion d'accord majoritaire surgisse soudainement à votre initiative alors que le mois dernier vous nous disiez qu'il n'était pas possible d'aborder cette question maintenant, qu'il fallait attendre 2003 et la concertation avec les organisations syndicales. Je ne pense pas que vous ayez été subitement touché par la grâce, pas par la nôtre en tout cas. (Sourires.) Votre revirement révèle plutôt les objectifs que vous poursuivez : concéder dans certains cas l'accord majoritaire, mais pour mettre en pièces le code du travail. Mais je peux me tromper, monsieur le ministre, je ne veux pas vous faire de procès d'intention. Et si je me trompe, vous me détromperez en soutenant nos amendements.
    Tout d'abord, une question aussi importante que les règles régissant les licenciements économiques ne peut être tranchée à la suite d'accords qu'à condition que ces accords soient largement représentatifs des secteurs d'activité. C'est pourquoi il faudrait que les branches concernées représentent au moins les trois quarts des salariés. Les quelques personnes qui négocient l'accord des fabricants de chapeaux ou de boutons ne peuvent se substituer à la représentation nationale.
    Il faudrait ensuite que les syndicats signataires soient eux-mêmes majoritaires : les résultats des prochaines élections prud'homales feraient un excellent critère. Cette règle majoritaire pourrait alors être étendue à l'ensemble des accords de branche ou interprofessionnels. Nous défendrons un amendement qui tend à permettre cette négociation, sans cependant autoriser n'importe quoi.
    Nos deux autres amendements sur le sujet autorisent aussi la négociation d'entreprise à propos des licenciements, mais à condition que ce soit pour améliorer la loi et non pour la détruire. Nous retenons donc votre volonté de l'accord majoritaire, mais à la condition expresse que ce soit pour faire mieux que la loi, et nous étendons le principe à tous les accords d'entreprise, puisque vous nous dites que cela est possible sans attendre 2003.
    Notre objectif est également - et c'est une continuité chez nous - de proposer des droits nouveaux pour les salariés et leurs représentants, qui leur permettent de s'opposer aux licenciements abusifs et de mieux agir pour l'emploi.
    Il s'agit, d'abord, de délimiter le champ concerné par les licenciements économiques.
    En premier lieu, l'autorisation du licenciement pour motif économique doit être réservée aux situations où il n'existe aucune autre solution, aux cas où les difficultés ne pourraient être surmontées par tout autre moyen que la réduction des dépenses en salaire. Bien souvent, par exemple, il serait possible d'éviter les licenciements en diminuant les prélèvements opérés par le capital.
    Les exigences actuelles des marchés financiers font de ces ponctions des prélèvements obligatoires qui tuent l'économie et l'emploi. Comme les seigneurs de l'Ancien Régime qui passaient prélever une partie de la récolte dans les champs des paysans, les marchés financiers prélèvent une partie de la richesse produite au détriment de l'emploi et des salaires de ceux qui produisent. La capacité de nuisance de ces prédateurs doit être absolument réduite.
    D'autre part, on ne peut admettre plus longtemps que le recours à l'emploi précaire, intérim et CDD, soit utilisé par des chefs d'entreprise pour échapper aux procédures de licenciement économique. Les faits le démontrent encore une fois, l'essentiel des ajustements des effectifs se fait, en réalité, en se séparant des salariés dont l'ancienneté est inférieure à un an, c'est-à-dire en contrat précaire !
    De plus, leur protection est quasiment nulle : l'allocation chômage est liée à la durée de l'emploi, le minimum requis étant quatre mois de travail au cours des douze derniers mois. Or, la durée moyenne du travail des intérimaires sur un an est de trois mois ! Là aussi, c'est une étude qui le montre, et je la tiens à votre disposition. Cela aggrave davantage leur situation, surtout quand on sait que les fins de CDD, qui représentent aujourd'hui sept embauches sur dix, constituent l'écrasante majorité des motifs d'inscription comme demandeurs d'emploi, soit 1 175 000 en un an.
    Il faut réagir, monsieur le ministre, et nous vous le permettons en proposant des solutions.
    J'ajoute que le code du travail interdit normalement cette pratique. C'est la prohibition du marchandage. Mais force est de constater que la législation actuelle, malgré les efforts de l'inspection du travail et des tribunaux, est inefficace. La loi n'est pas appliquée, je le vois tous les jours, et nous ne pouvons pas demander aux directions départementales du travail de faire respecter la loi, parce qu'elles n'en ont pas les moyens humains.
    Les grandes entreprises ne se cachent même plus pour dire que l'emploi précaire sert de volant pour éviter les procédures. Je ne citerai que l'exemple de Renault qui, en octobre, a mis à la porte du jour au lendemain 900 intérimaires. Nous proposons par conséquent qu'au-delà d'une certaine proportion, la suppression des emplois précaires soit considérée comme des licenciements. A une époque où se développe le concept de tolérance zéro contre la petite délinquance, l'Etat doit se donner des moyens efficaces pour lutter contre la grande délinquance patronale, qui met en cause l'emploi, le droit et la cohésion sociale.
    Nous suggérons ensuite d'inverser ce qu'avait imposé le plan quinquennal de M. Balladur en ce qui concerne la modification du contrat de travail. Nous considérons que les modifications doivent faire l'objet d'une acceptation expresse.
    Actuellement, le salarié est censé avoir accepté s'il ne refuse pas par écrit dans un délai d'un mois. Cela est préjudiciable à des salariés fragilisés par la menace de licenciement et la situation du sous-emploi. Il faut être vraiment courageux pour oser écrire un refus à son patron ! Dans aucune autre relation contractuelle on n'admet les modifications tacites lorsque les enjeux sont importants. Or, qui y a-t-il de plus important que l'emploi ?
    Nous voulons également mettre fin aux pratiques fréquentes qui consistent, pour s'affranchir des procédures, à...
    M. le président. Monsieur Gremetz, il faut conclure.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, vous savez à quelle heure nous avons commencé ?
    M. le président. Oui, monsieur Gremetz, vous avez donc dépassé l'heure et demie qui est vous accordée. Vous avez commencé à neuf heures cinq précises, et il est dix heures trente-six,...
    M. Maxime Gremetz. Non, pas du tout !
    M. le président. ... et, comme le montre la réglette, qui est devant vous, vous devez conclure. Merci de le faire.
    M. Maxime Gremetz. Non, non ! J'attends depuis hier soir, vous savez.
    M. le président. Oui, je n'en doute pas.
    M. Maxime Gremetz. Il faut donc ajouter à mon temps, évidemment, celui que nous avons perdu hier et que j'avais proposé d'utiliser.
    M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, soyez cool, comme on dit chez les jeunes, car cela risque de durer très, très longtemps. Pour gagner quelques minutes maintenant, vous pouvez perdre des heures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est une menace ! C'est du chantage !
    M. Maxime Gremetz. Non, ce n'est pas une menace. J'ai dit hier que je voulais gagner du temps. J'étais prêt à défendre cette motion hier soir,...
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est vrai.
    M. Maxime Gremetz. ... ce n'est pas ma faute si le président ne l'a pas souhaité. Nous étions d'accord pour le faire. J'étais plein de bonne volonté.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il faut le rester !
    M. Maxime Gremetz. Alors, que la bonne volonté soit partagée !
    M. Dominique Tian. Mais c'est l'Evangile !
    M. le président. Bien des choses peuvent être partagées, monsieur Gremetz, mais vous allez conclure.
    M. Maxime Gremetz. Ecoutez, je fais des démonstrations, études à l'appui, pour qu'on sorte d'ici un peu plus intelligent qu'on y est entré et pour éviter qu'on dise et qu'on répète des bêtises. Vous devriez me dire merci ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Alors, arrêtez ! Il faut que je rétablisse des faits, des chiffres, des données, et il faut en même temps que je dise ce que nous proposons. Avouez que c'est un rude travail ! Mais il faut le faire !
    M. Jean-Charles Taugourdeau. La division du travail, ça existe !
    M. Maxime Gremetz. Alors, quand même ! J'ai travaillé toute la nuit pour apporter tous ces éléments à l'Assemblée nationale, pour qu'elle soit plus intelligente, mieux informée et mieux éclairée. Vous, hier, vous avez doublé votre temps de parole et je n'ai rien dit. C'était tellement intéressant que je n'ai rien dit.
    M. le président. Monsieur Gremetz, concluez, s'il vous plaît.
    M. Dominique Tian. D'un mot !
    M. Maxime Gremetz. S'il vous plaît ! Je disais donc que nous voulons mettre fin aux pratiques fréquentes qui consistent, pour s'affranchir des procédures, à supprimer les emplois par paquets de neuf. C'est pourquoi nous proposons que les procédures collectives dans les entreprises de cinquante salariés et plus s'appliquent à partir de deux licenciements. La croissance exponentielle des plans sociaux - je viens d'énumérer les chiffres - passe encore sous silence les centaines de milliers de salariés qui se retrouvent au chômage sans bénéficier d'aucun des filets de sécurité qu'apportent les procédures collectives au travers de ce que l'on appelle un « plan de sauvegarde de l'emploi ». Déjà, parmi les licenciés économiques, seuls 15 % à 20 % ont bénéficié d'un tel plan, selon la DARES. Les autres sont issus d'entreprises de moins de cinquante salariés, ou bien ont été licenciés par groupes de moins de dix, deux situations dans lesquelles l'employeur n'est pas soumis à l'obligation légale d'une procédure de plan social. Il faut intervenir sur ces situations.

    En second lieu, pour que le point de vue des salariés soit réellement pris en compte, les procédures doivent permettre une véritable concertation pour que le point de vue des salariés soit véritablement pris en compte. C'est une exigence que nous partageons avec les organisations syndicales. De ce point de vue, je vous conseille encore la lecture d'une autre étude, monsieur le ministre. Hier, vous avez estimé, à juste raison, que la faiblesse des organisations syndicales n'était pas bonne pour la démocratie et pour le pays. Mais je viens de prendre connaissance d'une étude, parue il y a trois jours, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, ces dernières années, le nombre de licenciements, y compris de délégués du personnel, a encore augmenté.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non !
    M. Maxime Gremetz. Il ne suffit pas de dire « non » ! Vous vous croyez les plus malins ! Vous êtes extraordinaires !
    M. le président. Monsieur Gremetz, concluez, s'il vous plaît ! Un poème russe dit :
    « Kosi, kosa, poka rosa,
    Rosa doloj, i my domoj. »
    Ce qui, en substance, signifie : « Rien ne sert de couper le blé quand l'heure de la moisson est passée. » Concluez, s'il vous plaît. (Sourires. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Tian. M. Gremetz va tout de suite comprendre ! Il sait parler le russe !
    M. Maxime Gremetz. C'est lui, l'homme de Moscou, c'est évident ! (Sourires.) Moi, je suis d'une autre planète. A moi de vous citer un proverbe chinois. Quand je suis allé en Asie pour la première fois, le ministre des affaires étrangères du Vietnam, qui est devenu un grand ami, m'a expliqué une chose que j'ai toujours retenue : si l'on veut comprendre quelque chose à l'Asie, il ne faut pas regarder en haut quand les mains s'agitent en haut, mais regarder les coudes, car c'est par là que ça se passe. Ainsi, quand le MEDEF agite un chiffon rouge, ce n'est pas le chiffon qu'il faut regarder, mais en dessous... M. le ministre a parfaitement compris ce que je veux dire. (Murmures.)
    Quant à nous, nous émettons des propositions concrètes, que je n'énumèrerai pas, puisque M. le président ne m'en laisse pas le temps. C'est bien regrettable. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Muguette Jacquaint. Nous aurons l'occasion d'y revenir avec nos amendements !
    M. Maxime Gremetz. Nous aurons en effet le temps de développer nos propositions en défendant nos amendements.
    Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, je répète que je tiens toutes mes fiches, ainsi que les études officielles, à votre disposition. Pour ne pas dire des bêtises, il faut les consulter. Et j'en viens à ma conclusion, puisque M. le président me presse.
    Un, la loi de modernisation sociale n'est pas responsable de tous les maux, j'en ai fait la démonstration.
    Deux, il est absolument nécessaire d'encadrer les licenciements boursiers.
    Trois, vous prétendez être favorable au dialogue social, mais la méthode préconisée par M. Guillaume Sarkozy, qui consiste à accepter le débat à condition d'imposer toutes ses propositions, n'a rien à voir avec le dialogue social.
    Si les organisations syndicales ont critiqué la loi de modernisation sociale - et elles avaient bien raison -, ce n'est pas parce qu'elles étaient opposées au principe, comme vous le prétendez, mais pour les deux raisons suivantes : le texte avait été élaboré sans concertation et il n'allait pas assez loin. La preuve, quand la majorité propose de remettre en cause le droit d'opposition du comité d'entreprise et la protection contre le harcèlement moral...
    M. le président. Monsieur Gremetz, concluez ou je vous retire la parole !
    M. Maxime Gremetz. Voyons, monsieur le président. Si vous ne me donnez pas cinq minutes supplémentaires, vous perdrez trois heures au cours du débat, vous le savez bien !
    M. Dominique Tian. Certainement pas !
    M. le président. Laissez M. Gremetz conclure, mon cher collègue !
    M. Maxime Gremetz. Ils ne sont capables que de m'interrompre ! Ils ne démontrent jamais rien !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous non plus !
    M. le président. Monsieur Gremetz, passez à votre dernière page et concluez, s'il vous plaît !
    M. Maxime Gremetz. Sachez que je tiens toujours parole. Or je vous ai déjà prévenu : à l'allure où nous allons et vu la manière dont le débat est mené, nous risquons de terminer vendredi soir. Je vous le confirme, afin que vous puissiez prendre vos dispositions. En tous cas, j'ai déjà pris les miennes... Monsieur le président, je vous promets un vrai débat, sur des faits réels, et pas sur des appréciations.
    Ah ! Précisément, monsieur le ministre, je viens de retrouver le chiffre dont je vous parlais tout à l'heure.(Sourires.) L'écart de productivité horaire entre la France et les Quinze est de 14,2 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On ne se lasse pas de vous écouter, monsieur Gremetz, surtout à droite. Il n'y avait en effet guère de monde pour vous soutenir, ce matin, sur les bancs de la gauche, ce qui n'est pas étonnant, car vous ne faites pas de concessions à vos alliés. Vous avez ainsi démontré une nouvelle fois que la loi de modernisation sociale était votre loi, que vous l'aviez arrachée à vos alliés et qu'elle était surtout inspirée par une philosophie politique et économique refusant - c'est votre droit - l'économie de marché et la libre concurrence.
    Votre sincérité est incontestable : vous souhaitez que l'économie soit la plus administrée possible. Vous êtes favorable à une économie planifiée, dans laquelle les entreprises publiques seraient les plus nombreuses et les plus grandes possible. Mais ce système serait complètement déconnecté du monde réel car l'économie de marché oblige aujourd'hui les entreprises à s'adapter, avec une extrême réactivité, à la croissance économique mondiale et aux évolutions technologiques. Il est toujours préférable d'aider une entreprise à prendre des mesures courageuses et à survivre pour se développer demain, plutôt que de lui imposer des contraintes qui l'empêcheront de s'adapter.
    Monsieur Gremetz, l'économie de marché, c'est comme la démocratie : c'est le moins mauvais des systèmes.
    M. Maxime Gremetz. Le débat est ouvert !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour en avoir testé d'autres, vous devriez le reconnaître !
    Je voudrais aussi corriger deux erreurs que j'ai relevées... parmi toutes celles que vous avez sans doute commises.
    Premièrement, il faut rendre à César ce qui lui appartient : Philippe Séguin n'a pas créé l'autorisation administrative de licenciement ; il l'a supprimée.
    Deuxièmement, je dois rétablir la vérité à propos de l'accord majoritaire. Il n'y a pas l'ombre d'une contradiction entre la position du Gouvernement sur l'assouplissement des 35 heures et celle qu'il défend sur ce texte. Je vous ai déjà expliqué, et vous l'avez très bien compris, que les branches et les interprofessions, au contraire des entreprises, sont dans l'impossibilité d'obtenir un accord majoritaire, car il est impossible d'y mesurer la représentativité.
    Et, puisque vous nous avez surtout fait une revue de presse...
    M. Maxime Gremetz. Pas du tout ! J'ai cité des études officielles !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... je citerai à mon tour deux articles.
    Dans son numéro de ce matin, L'Humanité, journal que vous aimez bien et que vous avez abondamment cité...
    M. Dominique Tian. Pourtant, L'Humanité licencie !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... publie un sondage sur le climat social. Vous en avez évoqué la première partie, dans laquelle les Français estiment majoritairement que des difficultés sociales surviendront dans les prochains mois - il faut dire qu'ils entendent ce refrain depuis si longtemps. Mais vous auriez dû pousser un tout petit peu plus loin l'analyse du sondage :...
    M. Maxime Gremetz. Le président m'en a empêché. (Sourires.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... 71 % des Français répondent « oui » lorsqu'on leur demande si leur situation est bonne.
    Je ne résiste pas non plus au plaisir de citer Libération du 9 septembre 2002, qui titrait, à propos de la loi de modernisation sociale : « Une loi qui rate sa cible », « Licenciements au long cours », « La LMS est dans une impasse ». Je ne lirai qu'un paragraphe : « Ce faisant, la gauche a raté une autre voie, plus prometteuse, plus réaliste et plus ambitieuse, car ce n'est pas tant le licenciement qui révulse les salariés que le fait qu'il entraîne pour eux un déclassement social, voire la galère, l'exclusion. Plutôt que d'interdire les licenciements, solution qui renvoie la responsabilité sur d'autres, le Gouvernement aurait pu bâtir les éléments d'une nouvelle sécurité sociale, comme la CGT l'appelle de ses voeux, faite de droits transmissibles, c'est-à-dire que le salarié conserve au long de sa vie professionnelle la qualification, la formation. Au lieu, comme aujourd'hui, de devoir tout recommencer à zéro lorsqu'il se retrouve sur le carreau, le droit à la formation sous la forme d'un compte épargne formation, valable d'une entreprise à l'autre, est un exemple de ce que pourraient être ces droits transmissibles. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. C'est ce que nous proposons !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Voilà précisément ce que nous allons mettre en oeuvre, mesdames, messieurs les députés de l'opposition.
    Pour le reste, monsieur Gremetz, reconnaissez avec moi que rien, dans votre longue et brillante intervention, ne justifiait le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe de l'UMP.
    M. Jean-Paul Anciaux. Mon cher collègue Gremetz, vous avez défendu une motion de renvoi en commission conforme à ce que nous pouvions attendre de votre part. La LMS est votre enfant, l'oeuvre communiste, imposée aux socialistes, à la hussarde ou la cosaque - je vous laisse choisir.
    M. Maxime Gremetz. A la picarde !
    M. Jean-Paul Anciaux. Vous avez annoncé, la nuit dernière, que vous continuriez à la défendre, envers et contre tout. Cete cohérence se heurte aux réalités économiques et, surtout, elle vous empêche de sortir du schéma de la lutte des classes, absolument archaïque, qui n'a plus cours au XXIe siècle. Je vous rappelle que l'essentiel des richesses et des emplois, en France, est créé par les entreprises, et notamment par les petites entreprises.
    M. Maxime Gremetz. Plutôt par les salariés !
    M. Jean-Paul Anciaux. Quiconque connaît l'entreprise ne peut croire qu'on licencie de gaieté de coeur.
    Mme Hélène Mignon. Ah bon ?
    M. Jean-Paul Anciaux. Loin de moderniser les rapports sociaux, la superposition des procédures et des consultations prévues dans la loi de modernisation sociale ne fait que complexifier les relations dans l'entreprise, sans pour autant renforcer la protection sociale des salariés. En alourdissant le code du travail, en y ajoutant des articles, en complexifiant les procédures, vous ne servez pas la cause des travailleurs. C'est en favorisant, en encourageant le dialogue que vous arriverez à vos fins.
    Plus de justice sociale, moins de gâchis économique, plus de transparence dans l'utilisation des fonds publics, voilà ce que vous souhaitez.
    Mme Catherine Génisson. Oui !
    M. Jean-Paul Anciaux. Nous aussi, mais nous n'avons pas le même cheminement : nous faisons confiance aux hommes et aux femmes, responsables ou salariés.
    Mme Odile Saugues. Parfois aussi aux actionnaires !
    Mme Hélène Mignon. Les salariés sont responsables, mais pas les patrons !
    Mme Catherine Génisson. Observez ce que font les grands groupes !
    M. Jean-Paul Anciaux. Les dispositions introduites dans la LMS génèrent allongement des procédures et insécurité juridique.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Parfaitement ! Et il aurait fallu encore créer des postes de fonctionnaires !
    M. Jean-Paul Anciaux. Dans un contexte difficile, tout délai supplémentaire peut conduire l'entreprise au dépôt de bilan, donc à des suppressions d'emplois en plus grand nombre, vous le savez bien.
    Mme Hélène Mignon. Nous savons surtout que vous êtes un libéral !
    M. Jean-Paul Anciaux. Il faut au contraire privilégier la souplesse, pour que les entreprises soient suffisamment réactives. L'entreprise, monsieur Gremetz, est une entité vivante, composée d'hommes et de femmes, dirigeants ou salariés, dont le droit au travail n'a de sens que si elle est en mesure d'offrir de véritables perspectives de maintien et de développement d'activités.
    Mes chers collègues, le texte du Gouvernement est le deuxième signal positif qu'attendent les entreprises, après celui donné avec l'assouplissement de la RTT. C'est une occasion de donner enfin toute sa place au dialogue social dans notre pays, après des années de mise à l'écart. C'était du reste le principal reproche des partenaires sociaux envers le gouvernement précédent, que vous souteniez, monsieur Gremetz : ils se sentaient tenus à l'écart de toutes les réflexions intéressant l'avenir des salariés.
    Je conclurai en vous indiquant que le choix de demander aux partenaires sociaux l'ouverture de négociations au niveau interprofessionnel est la preuve patente que le Gouvernement souhaite créer des conditions nouvelles, permettant que se dégage le consensus le plus large possible. Tous les acteurs économiques, salariés ou chefs d'entreprise, sont responsables.
    C'est pour ces raisons évidentes que le groupe UMP votera contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, vous l'aurez compris en entendant mon ami Maxime Gremetz défendre cette motion, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera pour le renvoi en commission.
    Les chiffres qui ont été révélés par Maxime Gremetz sont tirés de la presse, je vous l'accorde, mais celle-ci fait systématiquement référence à des études. Ce débat est trop sérieux pour minimiser l'enjeu auquel nous sommes confrontés.
    Je ne voudrais pas noircir la situation mais reconnaissez qu'elle est très inquiétante : les plans de licenciement et les plans sociaux ne cessent de se succéder, dans tout le pays. Dans ces conditions, quel signe donnera l'assouplissement de la loi contre les licenciements ? Le même évidemment, le même que celui donné par M. Guillaume Sarkozy : « Nous sommes courageux, nous, parce que nous sommes fiers de licencier, d'externaliser, de délocaliser » ! Voilà le message que vous voulez faire passer !
    Mme Maryse Joissains-Masini. Vingt ans de socialisme, vingt ans d'erreurs, vingt ans de faillite !
    Mme Muguette Jacquaint. Je ne vois pas où est le courage. Permettez-moi de penser, monsieur le ministre, que le groupe des député-e-s communistes et républicains est autrement courageux lorsqu'il prévient les gens des conséquences sociales et humaines prévisibles des licenciements annoncés. Dans quelques temps, les sondages sur le taux du moral des Français seront moins positifs, croyez-moi.
    Parlons aussi de la précarité, qui progresse de façon galopante dans notre pays et constitue l'une des causes de la pauvreté. Toutes les associations caritatives en témoignent, on peut désormais être salarié tout en figurant parmi les plus pauvres. Dans quelques jours, monsieur le ministre, vous allez rendre publiques des propositions pour lutter contre l'exclusion, et je m'en félicite. Mais l'explosion du nombre de licenciements et l'aggravation de la précarité auront des conséquences directes sur les chiffres de l'exclusion et de la pauvreté.
    Je ne pense pas que l'adoption d'un texte tendant à réduire les droits des salariés soit de nature à maintenir à son niveau actuel la concertation avec les partenaires sociaux, à laquelle vous vous référez pourtant quotidiennement, M. le Premier ministre et vous-même. Quelle peut être la teneur des négociations avec les organisations syndicales quand vous donnez le feu vert aux licenciements ? Je ne pense pas qu'un tel discours, dont M. Guillaume Sarkozy tire sa fierté, puisse aider les négociations.
    Nous ne sommes pas d'accord avec les propositions de la droite et du MEDEF. Et alors ? Nous en sommes fiers, car elles se résument à l'exigence de rentabilité financière, au mépris des ravages sur le plan social et humain.
    M. Richard Mallié. Les cinq minutes sont dépassées !
    Mme Muguette Jacquaint. Je n'ai pas grande illusion quant à ce débat ; peu d'amendements sont susceptibles d'être acceptés, vous l'avez annoncé. Mais je souhaite qu'il suscite un grand mouvement social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Francis Vercamer. Monsieur Gremetz, je dois saluer la constance de vos propos. En janvier déjà, vous aviez lancé une quasi OPE inamicale contre le projet de loi de modernisation sociale. Vous continuez aujourd'hui, mais j'espère que cette fois-ci l'opération ne réussira pas. Vous nous avez gratifiés d'une revue de presse...
    M. Maxime Gremetz. Non, pas une revue de presse !
    M. Francis Vercamer. ... partielle, mais intéressante. Cela dit, si la revue de presse était partielle, l'analyse, quant à elle, était partiale.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'était pas une revue de presse, c'était un catalogue !
    M. Francis Vercamer. Bien entendu, je ne la partage pas. Je n'évoquerai qu'un seul point, celui qui concerne les dépôts de bilan. On peut en effet se réjouir de leur diminution puisque leur nombre est passé de 50 000 à 30 000. Néanmoins, 30 000 dépôts de bilan, c'est encore beaucoup...
    M. Maxime Gremetz. Bien sûr, mais il y a une tendance à la diminution !
    M. Francis Vercamer. ... d'autant que, depuis 2002, la tendance est de nouveau à la hausse, sous l'effet conjugué de la loi sur les 35 heures et de la loi de modernisation sociale.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Absolument !
    M. Francis Vercamer. Je ne suis donc pas du tout d'accord sur cette analyse.
    M. Maxime Gremetz. Ce sont les chiffres de l'INSEE !
    M. Francis Vercamer. Là où je suis d'accord avec vous en revanche, et cela mérite d'être souligné, c'est lorsque vous dites que les forces vives de l'entreprise doivent travailler ensemble à la protection des salariés et à la sauvegarde de l'emploi.
    M. Muguette Jacquaint. Aventis !
    M. Francis Vercamer. Il faut que les employeurs et les salariés se retrouvent autour d'une table. C'est la définition même du dialogue social. Je suis d'accord avec vous.
    Mme Muguette Jacquaint. Voilà !
    M. Francis Vercamer. Mais vous vous êtes contredit immédiatement après en accusant le patronat de grande délinquance et en opposant employeurs et salariés, chose que je vous ai reprochée hier et que je reprochais au gouvernement précédent.
    J'ai indiqué hier que le groupe UDF estimait que la loi de modernisation sociale était une mauvaise loi, notamment parce qu'elle avait été élaborée en l'absence de dialogue social. Aujourd'hui, vous prouvez encore que vous êtes animés par des considérations politiques. Le groupe UDF, vous vous en doutez bien, votera contre votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. Je n'en attendais pas moins de vous !
    M. Bernard Schreiner. Vous n'êtes pas déçu !
    M. Maxime Gremetz. Cela me rassure : l'attitude contraire aurait signifié que j'aurais dit beaucoup de bêtises ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Vidalies. Cette demande de renvoi en commission, dont l'objectif est de vérifier si toutes les conditions sont réunies pour la poursuite de la discussion ou si le travail parlementaire ne nécessite pas d'ores et déjà des éclaircissements de fond, me paraît tout à fait justifiée car plusieurs questions mériteraient d'être approfondies par la commission avant que nous passions à l'examen des articles.
    D'abord, s'agissant des conditions d'ouverture de la négociation, vous justifiez la suspension de certaines dispositions législatives, monsieur le ministre, au motif que vous allez engager des négociations nationales interprofessionnelles. Je ne vois par très bien comment vous pouvez continuer à nous vendre ce scénario, alors que les organisations syndicales des salariés ont d'ores et déjà exprimé, dans une institution officielle - la sous-commission des conventions et accords - leur opposition à ce que l'on continue à présenter à la représentation nationale comme les conséquences de la loi qu'elle va voter. Je vous prie d'excuser mon absence lors de votre réponse hier soir, mais j'en ai pris connaissance. Dans mon intervention, j'avais lu les déclarations très hostiles à cette procédure de trois des cinq organisations représentatives. Vous avez répondu à la tribune que ma présentation était partielle et que au moins d'eux d'entre elles étaient d'accord, ce qui, de votre point de vue, n'était pas si mal.
    J'avais évoqué la position de la CGT, ainsi que celles de Force ouvrière et de la CGC. Et, puisque vous m'y incitez, monsieur le ministre, je vais vous rappeler la position de la CFTC, qui figure dans le document officiel dont nous disposons : « Faute d'une démarche préalable vers les partenaires sociaux pour s'assurer de leur volonté de négocier, il y a tout lieu de craindre que cette démarche soit vouée à l'échec sous cette forme. Pourquoi les organisations patronales nationales négocieraient-elles alors qu'elles obtiennent l'essentiel : la suspension sans risque de retour à la loi de modernisation sociale ? » Convenez, monsieur le ministre, que cela fait donc quatre organisations syndicales représentatives sur cinq qui ont ainsi manifesté une hostilité totale à la procédure que l'on demande à la représentation nationale d'avaliser. Autrement dit, nous nous trouvons dans une situation tout à fait paradoxale. Vous nous présentez un dispositif purement virtuel, auquel vous faites semblant de croire. Cessez de nous dire que cette grande négociation va avoir lieu,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est pourtant ce qui va se passer !
    M. Alain Vidalies. ... puisque tant de représentants des salariés n'accordent aucune crédibilité à vos propositions ! La commission devrait reprendre ses travaux sur ce point.
    La seconde vérification à laquelle nous pourrions procéder porte sur les conditions de la négociation. En effet, un élément nouveau est intervenu avec la question des conditions de représentativité des organisations syndicales et l'affaire de l'accord majoritaire. J'admets d'ailleurs que nous partageons la responsabilité avec l'actuel gouvernement en la matière. Le législateur n'a pas fait son travail s'agissant de cette lancinante question relative à la démocratie sociale et, la nature ayant horreur du vide, le juge a tranché. La Cour de cassation a ainsi décidé hier qu'une partie des dispositions arrêtant les conditions de la représentativité, qui gèrent notre droit social depuis tant d'années, ne s'appliquaient finalement pas et, faisant application d'un principe de réalité, elle a éliminé deux des critères les plus anciens pour retenir deux critères d'évidence et, de fait, organiser la représentativité en l'état du syndicat SUD, et semble-t-il aussi du syndicat UNSA. Nous sommes la représentation nationale et la Constitution prévoit que c'est à nous de définir ces critères. C'est essentiel.
    Nous ne l'avons pas fait et je plaide coupable, mais, monsieur le ministre, il y a maintenant urgence. Nous pourrions prendre acte de cette évolution jurisprudentielle majeure en commission. Vous nous dites que la conséquence de la loi doit être la négociation, mais les conditions de la tenue de cette négociation ne sont pas remplies, puisque les salariés et leurs organisations estiment que c'est un traquenard. De plus, qui va négocier ? Qui va parler ? Devons-nous nous en tenir aux organisations syndicales répondant aux critères du décret de 1966 ? Plus nous perdons de temps, plus la réalité et la jurisprudence nous rattrapent !
    En outre, vous nous dites in fine, monsieur le ministre, qu'il ne pourrait y avoir d'accord majoritaire faute de définition de la représentativité. C'est sans doute la question majeure de notre discussion. Si vous aviez évoqué ne serait-ce que la possibilité d'un accord majoritaire, nous aurions regardé votre démarche d'un oeil intéressé. Mais, en réalité, vous savez bien que l'on risque d'aboutir à un accord minoritaire, qui pourrait n'être signé que par une seule organisation syndicale et qui s'imposerait au reste des salariés. Notre travail sera alors sans rapport avec les besoins des salariés touchés par un plan social. Je vous rappelle que pas moins de 150 000 salariés l'ont été entre le 1er septembre 2002 et aujourd'hui,...
    Mme Maryse Joissains-Masini. C'est le résultat de vingt ans de gestion socialiste !
    M. Alain Vidalies. ... ce qui est énorme. Ils pourraient nous reprocher légitimement de ne pas avoir fait notre travail de législateur. C'est donc à juste titre que Maxime Gremetz a sollicité la poursuite de ce travail en commission. Le groupe socialiste votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande un scrutin public.
    M. le président. Vous auriez pu le faire plus tôt !
    M. Richard Mallié. Il joue la montre !
    M. le président. Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   63
Nombre de suffrages exprimés   63
Majorité absolue   32
Pour l'adoption   13
Contre   50

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je constate un net progrès dans le débat. Je tiens à préciser que j'ai cité non pas des articles de journalistes, mais des études de l'INSEE et de la DARES qui sont à la disposition de chacun.
    Par ailleurs, je demande une suspension de séance, car le sujet est grave et nous devons réunir notre groupe afin de voir comment il nous sera possible, dans un débat démocratique, de convaincre nos collègues de la justesse de nos propositions.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.
    (La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt.)
    M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 179, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Au début de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 225-27 du code de commerce, les mots : "Il peut être sont remplacés par les mots : "Il est. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à modifier les dispositions de l'article L. 225-27 du code du commerce relatif aux statuts des sociétés anonymes.
    Il est aujourd'hui possible de stipuler dans ces statuts que des administrateurs, élus par le personnel de la société ou de ses filiales, représentent les salariés au conseil d'administration. Nous souhaitons rendre obligatoire la présence de ces administrateurs salariés. Il s'agit d'une question majeure pour le fonctionnement de notre économie et notre approche de la réalité des entreprises.
    Pourquoi n'y aurait-il pas systématiquement, dans les organes chargés de prendre les décisions, des salariés élus dans le cadre syndical ? Le fait que l'on soit aujourd'hui en mesure de présenter cet amendement est une avancée importante, et il faut saluer la capacité de réflexion des grandes organisations syndicales.
    M. Gaëtan Gorce. Il serait souhaitable de procéder au vote maintenant : les bancs de la majorité sont presque vides !
    M. Alain Vidalies. Les conditions me semblent en effet favorables. Votre visage traduit d'ailleurs une certaine inquiétude, monsieur le ministre. Mais nous n'allons pas profiter de cette situation, car nous voulons que le débat se déroule sérieusement. Nous allons donc laisser aux députés de droite le temps de revenir...
    Monsieur le ministre, vous avez fait observer que nous n'étions pas nombreux ce matin. Il semble, à voir les bancs devant lesquels je m'exprime, que l'enthouiasme de la majorité soit limité dans le temps !
    M. Maxime Gremetz. Ils ne sont pas bons, c'est tout !
    M. Richard Mallié. Ne vous inquiétez pas, monsieur Gremetz ! Nous n'avons pas encore sorti toutes les cartes de notre poche.
    M. Alain Vidalies. Je vais donc poursuivre mes explications. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    C'est probablement une des questions sur lesquelles, aujourd'hui, nous pourrions collectivement avancer. Il n'allait pas de soi, en effet, dans les années précédentes, d'obtenir l'accord des grands organisations syndicales françaises quant à leur présence dans les conseils d'administration des SA. Or cet engagement est aujourd'hui acquis. Aussi bien à la CFDT qu'à la CGT, on souhaite officiellement que la force de travail en tant que telle, en tant que constitutive de l'entreprise au même titre que le capital, soit présente dans les conseils d'administration, au travers - et c'est là point important - de ses organisations syndicales, et non par l'intermédiaire de salariés représentant uniquement les salariés actionnaires - fonds de pensions ou autres.
    Cette évolution de notre droit va, me semble-t-il, pour ce qui est de la conception de l'entreprise en France, dans un sens positif. Je comprendrais difficilement que cette avancée ne soit pas appréciée sur tous les bancs.
    Nous souhaitons donc tirer les conséquences de cette évolution et de cette demande exprimée par les grands organisations syndicales de salariés. Je n'imagine pas un instant que la position très archaïque et restrictive du patronat sur un partage, qui n'est pas celui du pouvoir - ce serait là une grande chose - mais celui de l'information au sein de l'entreprise, soit défendue par la droite.
    Par le biais de cet amendement, j'espère que nous pourrons aujourd'hui avancer collectivement.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 179.
    M. Dominique Dord, rappporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L'idée selon laquelle l'information de tous les partenaires de l'entreprise doit se faire le plus en amont possible s'accorde à notre état d'esprit qui vise à l'institution d'un grand dialogue social.
    Cela dit, cette proposition arrive un peu tôt. Les partenaires sociaux s'en saisiront dans le cadre du grand dialogue qui s'engagera, en vue de la rédaction du futur projet de loi annoncé dans les dix-huit mois.
    Le code de commerce prévoit déjà une telle possibilité. Vous voulez la rendre obligatoire, mais vous ne l'aviez pas fait dans la loi de modernisation sociale, si ce n'est pas l'article 217 - qui n'a pas été suspendu ; celui-ci rend en effet obligatoire la présence d'administrateurs salariés lorsque le personnel détient plus de 3 % des actions.
    Laissons donc le dialogue social se dérouler. Comme vous l'avez dit, les partenaires sociaux - du moins les salariés - reprendront certainement cette proposition qui fera l'objet d'une discussion et viendra ensuite éclairer le projet de loi que nous adopterons dans dix-huit mois.
    Enfin, nous sommes plutôt favorables à la souplesse et à l'adaptation qu'à la contrainte. Nous préférons la rédaction actuelle à celle que vous proposez. La redynamisation du dialogue dans les entreprises devrait permettre d'atteindre l'objectif que vous poursuivez.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Vidalies nous a longuement expliqué qu'il fallait renvoyer ce projet devant la commission, parce qu'il n'avait pas fait l'objet de suffisamment de réflexions et d'études. Maintenant, il nous propose, à la faveur d'un amendement, de réformer le statut des conseils de surveillance des sociétés anonymes, sujet qui n'a que peu de choses à voir avec le texte qui nous occupe, lequel est lié à la suspension des articles de la loi de modernisation sociale concernant les licenciements économiques.
    Je propose donc à l'Assemblée de repousser cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je soutiens cet amendement, et je vais vous dire pourquoi.
    Au terme d'une grande discussion, M. Fabius, auquel vous vous référez souvent, s'était engagé à rendre obligatoire la présence de représentants des salariés, élus par les salariés, dans les conseils d'administration.
    Regardez la composition actuelle des conseils d'administration, ça en vaut la peine ! Il y a des études sur ce point : je vous en indiquerai une qui montre qu'on retrouve toujours les mêmes personnes dans les conseils d'administration de la plupart des grandes entreprises. Et les jetons de présence qu'elles touchent à cette occasion leur permettent de vivre dans l'opulence et le luxe. Si vous saviez dans combien de conseils d'administration siègeait le célèbre M. Messier ! En plus de ses 5 millions de francs de salaires mensuels, il touchait les jetons de présence que lui valaient ses représentations dans les conseils d'administration. Je n'invente rien...
    Je ne vois pas pourquoi, au moment où l'on parle de « nouvelle gouvernance » des entreprises, les salariés, qui sont majoritaires, qui produisent les richesses, ne seraient pas dignes d'être représentés dans les conseils d'administration. Sinon qu'on revient toujours à la même conception : « Travaille et tais-toi, sois exploité et tais-toi, sois licencié et tais-toi. C'est à nous, les bien-pensants, les gens intelligents, les gens bien payés - grâce à de formidables jetons de présence - de penser, de décider pour toi. Dors tranquille sur tes deux oreilles »...
    Si cela ne change pas, on pourra toujours parler de dialogue social, de démocratie sociale, de tout et de rien, mais la vieille pratique qui date de la révolution industrielle continuera : les patrons de droit divin disposent de tout. Remarquez, maintenant, c'est plutôt les actionnaires qui tiennent le haut du pavé. C'est ceux qui sont dans les conseils d'administration et qui, sans produire de plus-value, comme aurait dit Marx, mènent la grande vie.
    Les salariés ne pourraient-ils pas donner un petit avis, en s'installant autour de la table du banquet ? De toute façon comme ils ne sont pas majoritaires, on ne les écouterait pas beaucoup. Cela ne changerait pas la réalité du pouvoir dans les entreprises. L'engagement pris par M. Fabius, auquel vous avez fait référence à plusieurs reprises, n'était vraiment pas révolutionnaire. Mais M. Fabius n'a pas eu le temps de le concrétiser. Réparez donc cette injustice en faisant droit à cette demande.
    M. Gaëtan Gorce. Je trouve cela très élégant de votre part, monsieur Gremetz.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Ce débat est étonnant, mais assez révélateur. Certes, et nous le verrons à propos d'autres amendements, il est normal que nous nous oposions en raison de nos engagement politiques respectifs. Mais, en l'occurrence, où est l'archaïsme et où la modernité ? Nous proposons simplement que des représentants des salariés siègent de manière systématique dans les conseils d'administration des entreprises françaises. C'est le cas dans la plupart des autres pays.
    Aujourd'hui, nous pouvons faire cette proposition parce que les organisations ont évolué et le demandent. Or vous vous y opposez.
    Le rapporteur a eu l'obligeance d'essayer de répondre. Sauf qu'il a conclu en s'en tenant au droit positif, et en disant qu'il préférait la souplesse à l'obligation. Le problème, c'est que cette souplesse, en l'espèce, est à la disposition des mêmes : de ceux qui rédigent les statuts.
    Ce sont les détenteurs du capital - qui siègent, eux, de droit en fonction de notre code de commerce - qui peuvent décider d'inviter à la table de la discussion les organisations syndicales. Quelle conception archaïque ! Un tel droit date du début du XIXe siècle.
    Je ne vois pas pourquoi ce qui serait possible dans la quasi-totalité des pays d'Europe ne le serait pas aujourd'hui chez nous.
    Vous avez décidé de ne pas faire droit à cette demande et vous vous abritez derrière l'excuse de la négociation. Mais lorsqu'il s'est agi de modifier le fonctionnement des entreprises françaises, en permettant par exemple le cumul des mandats d'administrateur - déraisonnable parce que impossible à assumer -, vous l'avez fait sans consulter personne ! La première loi votée lors de cette session a ainsi permis à des gens qui siègent dans les conseils d'administration de multiplier les jetons de présence. On a réuni le Parlement, le premier jour, à la première heure, en urgence. La première chose à faire dans ce pays était de permettre à certains de siéger dans les conseils d'administration des filiales non cotées !
    Monsieur le rapporteur, je vous donne acte de votre tentative de réponse. Mais il y a une vraie divergence entre nous. Et permettez-moi de vous renvoyez le « compliment » que vous nous faites si souvent : cette frilosité et cet archaïsme n'honorent pas votre majorité.
    Monsieur le ministre, franchement, les conditions dans lesquelles s'engage ce débat ne me semblent pas satisfaisantes.
    Que nous mettions de la détermination, de la vigueur dans nos propos ou que nous n'en mettions pas, que nous essayions de vous proposer des amendements raisonnables, argumentés ou non, vous ne nous opposez qu'une certaine distance et vous vous dispensez de nous répondre. Nous en prenons acte.
    Nous ne sommes pas ici dans un colloque, mais bien à l'Assemblée nationale. Par votre attitude, vous engagez la responsabilité de l'ensemble du Gouvernement. Quant à nous, nous pouvions attendre, au moins, sur ce type d'amendement, d'autres réponses.
    M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué.
    Mme Chantal Bourragué. Le groupe UMP, bien évidemment, ne votera pas cet amendement qui crée encore plus de contraintes.
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    Mme Chantal Bourragué. D'ailleurs, on peut se demander pourquoi vous n'avez pas fait cette proposition au moment de l'examen de la loi de modernisation sociale.
    En outre, il y a déjà, dans beaucoup d'entreprises, des accords internes qui permettent aux salariés d'être représentés dans les conseils d'administration.
    M. Maxime Gremetz. Des noms !
    Mme Chantal Bourragué. Restons-en donc à nos objectifs de proximité et de modernité.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 178 corrigé, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 122-14 du code du travail, le mot : "cinq est remplacé par le mot : "quinze. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement porte sur les conditions d'information des salariés dans les petites entreprises. D'une manière générale, le texte que nous examinons ne concerne que les plans sociaux. Or, on ne le rappelle pas suffisamment, 80 % des licenciements, y compris pour motif économique, échappent à la procédure issue de la loi de modernisation sociale.
    En l'état du droit positif, lorsque un entrepreneur veut procéder à un licenciement mais qu'il n'y a pas d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, il doit notifier dans un délai de cinq jours le projet de licenciement au salarié et lui indiquer dans la lettre le convoquant pour l'entretien préalable qu'il peut se faire assister par ce qu'on appelle le conseiller du salarié.
    A ce propos, je rappellerai que lorsqu'on parle de ces questions, il faut se méfier des fausses évidences sur l'impossibilité de faire avancer les relations sociales et le droit dans notre pays. Le conseiller du salarié, pour ceux qui connaissent l'histoire du droit social, a été institué à la suite d'une proposition de loi que j'avais rédigée. Elle avait été accueillie avec scepticisme et par les organisations patronales et par les syndicats qui ne croyaient pas que cela puisse fonctionner. Mais, après le vote de cette mesure en 1989, progressivement, le fait d'offrir là où il y avait un défaut de dialogue une possibilité de médiation par une personne qualifiée, choisie dans une liste fixée par la préfecture, a changé les choses. Aujourd'hui avec treize ans de recul, on peut dire que tout le monde, y compris dans le camp patronal et parmi les petites entreprises, reconnaît que cette institution permet parfois d'éviter que les procédures finissent devant des conseils des prud'hommes. On a donc tout intérêt à en améliorer le fonctionnement.
    C'est pourquoi nous proposons de porter de cinq jours à quinze jours le délai en question. Le délai actuel est trop court pour que le salarié puisse bénéficier de manière satisfaisante de la présence du conseiller, qui, je le rappelle, est un bénévole.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Nous comprenons le principe de cet amendement il s'agit d'allonger les délais. Nous en comprenons aussi le fondement : il s'agit de permettre au salarié d'avoir une meilleure défense. Mais il n'est pas possible de réviser tous les délais de procédure sous prétexte qu'ils sont un peu trop courts et que des délais plus longs amélioreraient les choses.
    Vous avez adopté la loi de modernisation sociale il y a une année à peine. Vous y étiez d'ailleurs plutôt défavorable, pour un certain nombre de dispositions, comme cela a été rappelé. Je veux bien que maintenant vous en rajoutiez un peu. On peut facilement passer quinze jours sur ce genre d'amendement. Mais je ne suis pas sûr qu'allonger le délai entre la convocation et l'entretien préalable satisfasse vraiment les salariés. Mettez-vous donc dans l'état d'esprit du salarié qui reçoit la convocation et vous verrez que lui demander d'attendre dix jours de plus ne paraît pas judicieux. En outre, il me semble qu'en cinq jours la procédure peut se dérouler dans des conditions sérieuses. Nous ne pouvons donc pas accepter cet amendement.
    M. Alain Vidalies. Mais entre cinq et quinze jours, il y a une solution intermédiaire !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, j'observe que ce délai de cinq jours est commun à toutes les entreprises qui ne disposent pas d'institution représentatives du personnel. En outre, lorsqu'il y en a, le code du travail ne fixe pas de délai, mais la jurisprudence conseille de préserver un délai raisonnable.
    Je crois qu'il est illusoire de considérer qu'allonger les délais entre la convocation et l'entretien préalable constitue une garantie pour le salarié. Il faut sortir d'une logique où la défense du salarié implique l'allongement des procédures. Les faits nous montent que ce délai est suffisant pour que le conseiller prenne connaissance du dossier afin d'organiser l'appui du salarié. Dans ce genre de procédure, c'est avant tout l'incertitude qui ajoute de la difficulté à la situation du salarié.
    En revanche, le sort des salariés des PME licenciés pour motif économique soulève de vraies questions que la loi de modernisation sociale, précisément, n'a pas abordées : comment favoriser leur reclassement ? Comment apporter des garanties aux salariés hors de tout plan de sauvegarde de l'emploi ? Sur ce sujet, le Gouvernement sera particulièrement attentif aux solutions que proposeront les partenaires sociaux.
    Je souhaite donc que l'Assemblée repousse cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement n° 17, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après le premier alinéa de l'article L. 122-14-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Lorsque le licenciement est prononcé pour une cause non réelle ou sérieuse ou sans respect des procédures prévues légalement ou conventionnellement, le tribunal, si un salarié en fait la demande, prononce la nullité du licenciement et ordonne la poursuite du contrat de travail sous astreinte de la valeur de deux jours de travail par jour de retard ».
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Nous, notre objectif est d'accorder aux salariés non pas des mesures bureautiques ou administratives, mais des droits nouveaux. Pour nous, cela est synonyme de progrès pour la démocratie, et faire pénétrer la démocratie dans l'entreprise, c'est aussi un gage d'efficacité.
    Nous vous présenterons au fil des débats des amendements qui visent à répondre à cette attente largement partagée par les organisations syndicales et par les salariés.
    Le présent amendement propose simplement de calquer notre législation sur celle d'un pays voisin, l'Italie, en sanctionnant par la réintégration du salarié un licenciement abusif légalement constaté par le juge. C'est du simple bon sens. Il est tout à fait naturel de réintégrer le salarié si son licenciement est abusif. Sinon on donne une prime à ceux qui agissent dans l'illégalité la plus totale.
    Mme Muguette Jacquaint. Toujours en train de glousser, ceux-là !
    M. Maxime Gremetz. Qui ?
    M. le président. Continuez, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Ils nient, mais ça, c'est une preuve de faiblesse.
    Mme Catherine Génisson. Ça, c'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. Quand on se contente de dire non, sans faire de démonstration, on fait preuve de faiblesse. Si vous me demandez pourquoi je dis oui ou non, je vous l'expliquerai à chaque fois.
    Mme Muguette Jacquaint. Quelle démonstration ? Ils ne savent que glousser !
    M. Christian Kert. Nous, nous ne disons rien !
    M. Richard Mallié. On vous écoute, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Nous aimons la ruralité,...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Surtout en Picardie !
    M. Maxime Gremetz. ... mais pas les gloussements. (Sourires.) Aujourd'hui, la législation ne prévoit pas la réintégration qui ne revient pourtant qu'à remettre le salarié dans son droit initial. Non, on préfère lui offrir une petite compensation, alors qu'on lui gâche sa vie ! Après l'avoir sanctionné, on reconnaît qu'il n'y avait aucune raison de le faire, mais on se contente d'une indemnité. Et pas une indemnité à la Messier : il ne s'agit pas de jetons de présence dans les conseils d'administration !
    La dignité ne s'achète pas, elle n'a pas de prix. Ce système n'est pas juste.
    Selon nous, le principe du droit à l'emploi doit être réaffirmé avec force dans ce contexte, car les dommages et intérêts ne sauraient couvrir le préjudice que représente pour le salarié la perte de son emploi, qui est essentiel, vous le savez bien, une perte de surcroît abusive et illégale.
    Il s'agit donc de créer comme en Italie - Berlusconi n'est pourtant pas un grand révolutionnaire ! - un droit absolu à la réintégration dans l'emploi lorsque le licenciement est reconnu abusif par les tribunaux, à l'instar de ce que peut exister dans d'autres domaines de notre légilation.
    M. Richard Mallié. C'est long, monsieur le président !
    M. Maxime Gremetz. Dans l'administration, quand un fonctionnaire est injustement santionné, je ne crois pas qu'on lui attribue une indemnité. On le réintègre dans son emploi, dans son grade et dans sa fonction. Eh bien, puisque vous voulez l'équité et l'égalité - et je préfère ce dernier terme - nous proposons que les droits soient les mêmes partout.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Avec cet amendement, monsieur Gremetz, vous êtes tout à la fois dans votre logique et en contradiction avec vous-même.
    Vous êtes dans votre logique, dans la mesure où, au moment des discussions sur la modernisation sociale, vous aviez obtenu le droit à la réintégration du salarié en cas d'absence de plan de reclassement constatée par les tribunaux. C'est le fameux amendement « Samaritaine ».
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Vous voulez aller plus loin encore, en estimant que toute irrégularité constatée par le juge doit être sanctionnée par la poursuite du contrat de travail, sous peine d'astreinte.
    Mais en même temps, vous êtes contradictoire dans la mesure où, alors que vous nous avez dit qu'il fallait absolument veiller à garantir l'équilibre établi dans notre code du travail, vous le remettez assez fortement en cause. Vous mettez dans le même sac l'absence du respect de la procédure, qui est un vice de forme, et l'absence de cause réelle et sérieuse, beaucoup plus grave puisque qu'elle touche au fondement même au licenciement. Vous êtes, d'une certaine manière, en train de casser l'édifice du code du travail qui prévoit une gradation avec, d'abord, sur la forme, le non-respect de la procédure qui entraîne une indemnisation pour le salarié ; ensuite, sur le fond, l'absence de cause réelle et sérieuse, qui est sanctionnée de manière plus grave ; et enfin, l'absence d'un plan de reclassement qui induit la réintégration.
    On ne peut pas mettre dans le même panier les défauts de forme et les défauts de fond. Il faut garder une gradation. Je propose donc que votre amendement soit repoussé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, le rapporteur a remarquablement défendu l'avis du Gouvernement.
    M. Maxime Gremetz. Ah ! Ah !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement tente de répondre à un problème qui est très préoccupant. C'est le seul cas de figure dans notre droit où, après une décision du juge, selon laquelle le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, les principes généraux du droit ne s'appliquent pas. Il n'y a pas de retour à la situation antérieure pour la victime qui se voit imposer une solution, celle des dommages et intérêts.
    C'est une question qui touche au droit des victimes dont le Gouvernement aime à parler. La décision du juge a été prise - qu'il s'agisse d'un conseil des prud'hommes, ou de magistrats professionnels - le licenciement a été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse et pourtant la victime n'a pas le choix. On doit même parfois lui dire : « Eh bien oui, vous êtes victime d'un licenciement abusif, rentrez chez vous avec un chèque, vous n'avez pas le droit de retrouver votre travail. »
    Il ne me paraît pas possible de tenir un discours sur la valeur du travail et d'insister sur le fait qu'il est un facteur majeur d'intégration dans notre société - appréciation que je partage entièrement - sans en tirer les conséquences pour les conflits de cette nature.
    Je suis d'accord, monsieur le rapporteur, sur le fait qu'on ne peut pas appliquer cette proposition sans distinguer entre le fond et la forme. On aurait donc effectivement pu la nuancer. Mais je vous assure - je parle d'expérience, pour avoir dû le faire pendant longtemps - que lorsque vous expliquez à un salarié, à l'issue de la procédure, qu'il a raison, mais qu'il devra se contenter d'être indemnisé, vous vous rendez compte qu'on est resté enfermé dans une vision du droit du travail marquée d'un très grand archaïsme. En ce sens, la proposition qui est faite par M. Gremetz s'inscrit dans une démarche de modernité à laquelle nous souscrivons.
    M. le président. Sur l'amendement n° 17, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    (Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, je vous ai entendu essayer de vous expliquer mais ne mélangez pas tout.
    Vous vous trompez. Ça arrive.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Eh oui.
    M. Maxime Gremetz. Et quand on se trompe de bonne foi, on est à moitié pardonné, dit-on.
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est ce qu'on dit.
    M. Maxime Gremetz. Mais je ne suis pas sûr que vous soyez vraiment de bonne foi.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Oh !
    M. Maxime Gremetz. Un salarié est licencié, il fait appel, parce qu'il en a le droit, et le tribunal en toute indépendance décide que son licenciement n'est pas justifié. Là, vous semblez dire qu'il est normal qu'il soit réintégré. Sinon ce serait encourager les directions d'entreprise à renvoyer un salarié dès qu'il les ennuie. Mais vous dites aussi que quand il y a erreur de procédure, ce n'est pas pareil. Excusez-moi, mais il ne peut pas y avoir deux justices !
    Quand un tribunal reconnaît qu'il y a une faute de procédure, que fait la Cour de cassation ? Elle casse et elle renvoie, il y a un nouveau jugement. Je ne vois pas pourquoi les salariés n'auraient pas les mêmes droits devant un tribunal du travail ou un tribunal de grande instance. C'est trop facile : les directions, si elles font une erreur de procédure, de toute façon, n'auront qu'une indemnité à payer. C'est un encouragement au crime car pour moi un licenciement, c'est presque un crime.
    Votre argumentation ne tient pas, monsieur le rapporteur. Le droit est le même pour tous. Quand la justice reconnaît qu'il y a eu faute, celle-ci doit toujours être réparée. Autrement, où va-t-on ? C'est pourquoi sur cet important amendement, j'ai demandé un scrutin public.
    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. Je suis contre cet amendement qui prévoit que, lorsque le licenciement est prononcé sans cause réelle ni sérieuse, il faut réintégrer le travailleur après une décision de justice.
    M. Maxime Gremetz. Et cet élément est important !
    M. Hervé Novelli. J'ajouterai en effet à l'argumentation du rapporteur qu'aux termes du code du travail, ce sont les prud'hommes qui doivent intervenir dans ce cas-là.
    M. Maxime Gremetz. Non !
    M. Hervé Novelli. Si l'on met sous l'abri judiciaire l'ensemble de notre code du travail, les relations sociales et le règlement systématique des conflits, les conseils de prud'hommes n'auront plus aucune utilité. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Odile Saugues. Ils ne sont pas à l'abri des lois !
    M. Hervé Novelli. Je m'élève, pour ma part, contre la judiciarisation outrancière qui, finalement, vide peu à peu les relations sociales de tout sens.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est outrancier pour vous, mais ça ne l'est pas !
    M. Hervé Novelli. C'est vers la revitalisation des relations sociales qu'il faut aller et non devant le juge.
    M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   38
Nombre de suffrages exprimés   38
Majorité absolue   20
Pour l'adoption   11
Contre   27

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre, et les membres du groupe des député-é-s communistes et républicains, ont présenté un amendement, n° 15, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 125-4 du code du travail, il est inséré un article L. 125-4 bis ainsi rédigé :
    « Art. L. 125-4 bis. - Engagent leur responsabilité civile les sociétés commerciales qui achètent des biens ou des services à des entreprises industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles à un prix tel que le vendeur ou fournisseur expose son entreprise à des difficultés économiques pouvant conduire soit à sa disparition, soit à des suppressions d'emploi, soit au non-respect de la législation. Une telle action pourra être engagée par le vendeur, le fournisseur, leurs salariés ou toute organisation syndicale représentative. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Je voudrais appeler l'attention sur une question qui mine l'emploi et le développement économique : la sous-traitance.
    Le conflit dans les transports routiers, comme celui d'ailleurs qui a opposé les agriculteurs et la grande distribution, renvoie aux abus générés par les positions dominantes des grands groupes de l'industrie et de la distribution. La déréglementation, l'externalisation, les délocalisations pèsent sur les salaires, sur les conditions de travail et l'emploi. Cela implique la mise en concurrence des salariés en France, mais aussi au niveau européen et mondial, et conduit à une véritable loi de la jungle pour la fixation des prix, et donc des rémunérations des producteurs, qu'ils soient indépendants ou salariés.
    La revendication des routiers est justifiée. Ceux qui profitent de leur travail ont les moyens de satisfaire les demandes d'amélioration des salaires et des conditions de travail. Pour dire non, les employeurs mettent en avant les difficultés qu'ils doivent surmonter du fait des prix imposés par les donneurs d'ordres et de la concurrence internationale. Pour les grandes entreprises du secteur, notamment celles qui sous-traitent à des plus petites, cette situation sert de prétexte. Mais pour la masse des petits transporteurs, cette difficulté est bien réelle.
    L'Etat, dans cette affaire, ne peut ignorer ses responsabilités. Des solutions existent pour limiter les capacités de nuisances des grands donneurs d'ordres. La loi peut empêcher, par exemple, les pratiques de prix qui menacent l'existence des entreprises, provoquent les licenciements ou conduisent au non-respect des lois, règlements, conventions et accords collectifs de travail, concernant notamment les salaires. Il est également possible de s'attaquer à la sous-traitance abusive dont le seul objectif est, on le sait, le dumping social et les profits par une pression sur les salaires et sur les conditions de travail. On en mesure les conséquences sur nos routes car les conducteurs sont en quelque sorte poussés à conduire dangereusement, au détriment de leur vie et de celle des autres.
    Les dispositions visant à lutter contre le dumping social et cette surexploitation peuvent aussi concerner les importations qui nuisent à l'emploi et aux salaires. Enfin, on peut encourager les conventions de partenariat favorables à l'emploi et au salaires qui ouvriraient droit à des prêts bancaires à taux réduit pour des investissements utiles.
    L'adoption, aujourd'hui, de nos propositions tendant à combattre ces abus commis par la grande industrie et la grande distribution conduiraient à remplacer la concurrence sauvage par des coopérations utiles à l'emploi et aux conditions de vie de chacun dans des secteurs comme les transports routiers, le BTP, la filière agro-alimentaire, ou même la confection - nous savons les dégâts et les ravages que cela cause dans cette industrie. Un engagement public du Gouvernement sur ces propositions ôterait tout motif ou prétexte aux employeurs de s'opposer aux revendications qui pourraient ainsi être immédiatement satisfaites.
    Pour répondre à cette préoccupation, nous avons présenté deux amendements relatifs à la sous-traitance qui, sans résoudre tous les problèmes, permettent au moins d'apporter quelques réponses.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Votre logique n'est pas la nôtre. Si vous me permettez de faire dans le régionalisme monsieur Gremetz, le Savoyard que je suis s'oppose au Picard, qui serait bien avisé de faire comme le Savoyard. (Sourires.) Mon département, qui est proche de l'Italie, vit principalement de l'activité du tourisme. Or, si dans les vallées, et en particulier dans la ville dont je suis le maire, les entreprises travaillant avec les stations ne font pas l'effort de s'adapter au niveau de prestations souhaité par les stations, celles-ci, qui sont de grands donneurs d'ordres, iront de l'autre côté de la montagne chercher des partenaires en Italie.
    Mme Muguette Jacquaint. Justement, ce ne sont pas les petites entreprises !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Et la catastrophe sera encore plus grande. C'est toute l'activité de ma ville et du chef-lieu du département, en l'occurrence Chambéry, qui s'effrondrera.
    Alors, bien sûr, dans une logique d'économie fermée, on peut tout imaginer. Si la France décidait de ne plus commercer avec les pays tiers, on pourrait envisager de prendre les mesures que vous proposez. Pourquoi pas ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais nous sommes, je vous le rappelle car je sais que vous le refusez, dans une économie ouverte. Et dans ce cadre, sauf à imposer ce genre de dispositions sur l'ensemble des territoires avec lesquels nous pouvons commercer - et là, cela devient très difficile - cet amendement est suicidaire pour une partie de notre économie. (Mêmes mouvements.)
    Mme Muguette Jacquaint. Ne pas le voter serait suicidaire pour combien de milliers d'autres ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, s'il était adopté, cet amendement poserait un problème considérable de mise en oeuvre, dans la mesure où l'acheteur du bien ou du service ne dispose pas des informations lui permettant de déterminer le niveau de prix assurant la pérennité de l'activité d'une entreprise offrant ses services. En outre, il n'est pas possible de demander aux entreprises de fournir à leurs clients des informations précises sur leur situation sans risquer de fausser les règles de la concurrence. Il convient enfin de rappeler que le respect des règles du droit du travail relève de la responsabilité de chaque chef d'entreprise et que ce dernier ne peut pas se libérer de son obligation en mettant en jeu la responsabilité d'un tiers.
    Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 16, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article L. 125-4 du code du travail, il est inséré un article L. 125-4 ter ainsi rédigé :
    « Art. L. 125-4 ter. - La sous-traitance abusive est interdite. La sous-traitance abusive consiste, pour une entreprise, à faire traiter par un tiers la production de biens ou services correspondant à son objet social, ou faire traiter par un tiers des tâches concourant à cette production lorsque cela a pour but ou pour effet de causer un préjudice aux salariés ou d'éluder l'application des dispositions de la loi, des règlements ou des conventions ou accords collectifs du travail notamment en exerçant de fait une pression à la baisse sur les salaires ou sur les conditions d'emploi ou de travail des salariés exerçant sur le territoire national ou dans un pays étranger.
    « Nonobstant les sanctions pénales prévues, les employeurs qui recourent à la sous-traitance abusive peuvent voir leur responsabilité civile engagée de ce fait par les salariés qui en sont victimes ou par les organisations syndicales de salariés. »
     La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Il s'agit là encore d'encadrer la sous-traitance, qui ne cesse de se développer. La stratégie des groupes vise en effet de plus en plus à créer de multiples sociétés, présentés sans lien juridique entre elles. L'externalisation est un de leurs grands principes. Par ce biais, ils se débarrassent de tout ce qui n'est pas rentable sans être pour autant responsables de ce qui se passe dans ces entreprises, dont ils sont pourtant les vrais patrons. Quand il s'agit de licencier, ils créent une société et licencient par paquet. Les grands donneurs d'ordres, qui cherchent à faire le maximum de profit, organisent le dumping social et ont une part de responsabilité.
    Alors, vous prétendez que nous raisonnons dans le cadre d'une économie fermée. C'est absolument faux. Nous ne sommes pas favorables à ce système qui, d'ailleurs, n'est pas envisageable. Mais puisque vous parlez beaucoup de concurrence et compte tenu de l'importance du marché asiatique - je pense en particulier à la Chine et à ses 1,3 milliard d'habitants - allez donc jusqu'au bout de votre logique et faites en sorte que le coût du travail soit le même ici et là-bas. Nous serons alors concurrentiels avec le marché asiatique. C'est cela que vous voulez ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Mais non !
    M. Maxime Gremetz. Si, monsieur le rapporteur, c'est bien votre logique. Mais ce serait, bien sûr, une erreur car cela ne marche qu'un temps. C'est sur la qualité, l'efficacité et les produits à haute valeur ajoutée que la France est compétitive. Cela n'empêche pas pourtant certains grands groupes de délocaliser. Comme je ne veux pas jouer les délateurs, je me bornerai simplement à reprendre l'exemple de Whirlpool qui vient de créer une société de sous-traitance, ce qui va conduire APPI, petite entreprise qui détenait ce marché à déposer son bilan. Demain, ce sera la nouvelle société sous-traitante qui fermera, mais on dira alors qu'elle n'a rien à voir avec Whirlpool. Même chose pour Valeo et Magneti Marelli.
    Pour bénéficier de plus de souplesse, les grands groupes n'hésitent pas à créer des sociétés écrans. Il en résulte un manque de transparence évident, une absence de démocratie et des catastrophes humaines. C'est précisément pour éviter cela que nous avions défini, avec le professeur Lyon-Caen, la notion simple de responsabilité des groupes donneurs d'ordres pour tout ce qui concerne leurs sociétés sous-traitantes ou leurs filiales.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il s'agit de nous prononcer sur la sous-traitance abusive. Or ce concept nouveau, qui sera bien difficile à définir, donnera lieu à d'interminables querelles d'interprétation. C'est pourquoi je propose de rejeter cet amendement.
    Deux mots, monsieur Gremetz, sur la sous-traitance en général. Si elle vise à organiser l'opacité, vous avez raison, bien sûr. Mais la sous-traitance massive peut être aussi génératrice d'emplois dans la mesure où elle permet de spécialiser des entreprises par métier et de leur donner une capacité de concourir avec des entreprises faisant le même métier éventuellement dans d'autres pays, et donc de créer de l'emploi chez nous en France.
    La commission est défavorable à cet amendement, d'une part, parce que la notion de sous-traitance abusive est difficile à interpréter, va entraîner des débats sans fin et une judiciarisation accrue, et, d'autre part, parce que la sous-traitance massive ne me paraît pas nécessairement ou en tout cas systématiquement anti-économique. C'est même probablement l'inverse. Mais peut-être que je me trompe. Nous avons là aussi une divergence d'appréciation sur l'organisation du travail dans les entreprises.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'abord, cet amendement est inutile dans la mesure où la sous-traitance abusive, pour ce qui concerne ses effets sur la relation du travail, est déjà interdite par les articles L. 125-1 et suivants du code du travail. L'article L. 125, alinéa 1, proscrit, en outre, expressément le marchandage, c'est-à-dire du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif.
    Ensuite, cet amendement est dangereux, parce qu'il introduirait, s'il était adopté, une source d'insécurité juridique. Il mêle, en effet, à des notions précises - « éluder l'application de la loi, des règlements ou des conventions ou des accords collectifs » - des éléments totalement subjectifs : « exerçant de fait une pression à la baisse sur les salaires ou sur les conditions d'emploi ou de travail ».
    Je demande donc à l'Assemblée de le rejeter.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Desallangre, Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 13, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 131-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement collectif économique effectué alors que la société a réalisé des profits, constitué des réserves ou distribué des dividendes au cours des derniers exercices. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 18.
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 18, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le premier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail est ainsi rédigé :
    « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement rendu inévitable par un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant soit d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail dues à des difficultés économiques qui n'ont pu être surmontées par tout autre moyen que la réduction des coûts salariaux, soit à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l'entreprise. »
    Vous avez la parole, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. J'essaie de faire gagner du temps à l'Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je suis un homme efficace. On voit que j'ai travaillé à la chaîne !
    Ces deux amendements portent sur la définition qu'il faut donner aujourd'hui au licenciement pour motif économique. C'est une question fondamentale. On pourra objecter que le Conseil constitutionnel s'est déjà opposé à cette disposition que nous avions fait adopter. Mais le Conseil constitutionnel peut se tromper. Il n'est pas infaillible. Personne n'est infaillible.
    M. Bernard Schreiner. Sauf les communistes ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Il peut aussi décider de revenir sur sa position. En tout cas, tout le monde s'accorde à dire, et en particulier les juristes du travail, qui sont chargés de ces dossiers, que cette notion de licenciement économique, telle qu'elle existe aujourd'hui, est trop restrictive et ne permet pas de porter une appréciation précise sur le motif réel, économique, du licenciement. C'est la raison pour laquelle nous demandons à l'Assemblée d'accepter ces précisions que la jurisprudence et les juristes du travail considèrent comme nécessaires pour éviter les contentieux et les litiges permanents. Il s'agit d'avoir la meilleure lecture possible.
    Voici donc la nouvelle définition du licenciement économique que nous proposons :
    « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement rendu inévitable par un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant soit d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail dues à des difficultés économiques qui n'ont pu être surmontées par tout autre moyen que la réduction des coûts salariaux, soit à des mutations technologiques indispensables à la pérennité de l'entreprise. »
    Telle est la définition adoptée démocratiquement par la majorité de l'Assemblée nationale mais contestée par le Conseil constitutionnel. Cela étant, il a contesté bien d'autres choses qui ont été revues à la lumière des faits et de la vie.
    Nous voulons en revenir à cette conception très claire, très précise qui permet à chacun de juger en son âme et conscience.
    J'ai ainsi défendu les deux amendements et en peu de temps !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Merci, monsieur Gremetz, d'avoir regroupé les amendements n°s 13 et 18 et de les avoir défendus, en effet, en peu de temps.
    Nous ne sommes évidemment pas favorables à ces définitions du licenciement pour motif économique. M. Gremetz a d'ailleurs rappelé ce qu'il était advenu de la première définition inscrite dans la loi de modernisation sociale. Je n'y reviens pas.
    De toute façon on voit assez mal comment le juge pourrait, et sur quels critères, juger qu'un licenciement aurait pu être évité et que les difficultés économiques auraient pu être surmontées autrement. Ce n'est ni le métier ni la fonction du juge, et je ne pense pas qu'il faille aller dans ce sens. L'équilibre qu'a trouvé aujourd'hui la jurisprudence en matière de licenciement économique nous paraît plutôt satisfaisant.
    Quant aux licenciements dits boursiers que vise l'amendement n° 13, j'ai dit ce que j'en pensais dans mes interventions précédentes. Je me borne donc à répéter qu'une proposition de ce genre est au coeur des contradictions qui existent encore dans votre positionnement politique, monsieur  Gremetz, car, dans le même temps vous vous dites favorable à une économie ouverte. Or la principale conséquence d'une économie ouverte est la libre circulation des capitaux. Ainsi leurs détenteurs peuvent les placer où bon leur semble. Ils vont, en effet, chercher à les rentabiliser au meilleur taux, partout où cela est possible.
    M. Maxime Gremetz. Ils ne sont pas patriotes !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Non, les capitaux ne sont pas patriotes : ils circulent dans une économie ouverte.
    M. Maxime Gremetz. Ceux qui les utilisent ne sont pas patriotes !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Il faudrait donc sanctionner plutôt l'absence de patriotisme.
    Si vous acceptez cette économie ouverte, vous ne pouvez pas prendre le risque que des capitaux qui, par nature, peuvent circuler, ne viennent plus en France parce que les mesures en vigueur y réduiraient leur rentabilité. A ce propos vous êtes dans une contradiction que vous n'avez pas encore tranchée alors que les socialistes me semblent l'avoir fait.
    M. Maxime Gremetz. On ne pense pas de la même façon !

    M. Dominique Dord, rapporteur. Si, de votre point de vue, cet amendement est logique. il n'est pas acceptable dans notre économie ouverte. Il créerait même un vrai risque pour nos entreprises.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, permettez-vous que je pose une question au rapporteur ?
    M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous que M. Gremetz s'adresse d'abord au rapporteur ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Bien sûr !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que les capitaux se baladent, comme s'ils se baladaient tout seuls ! (Sourires.) Vous êtes drôle !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je pensais à ceux qui les détiennent !
    M. Maxime Gremetz. Qui décide que ces capitaux se baladent et vont à tel endroit plutôt qu'à tel autre ? Expliquez-moi, car, à vous entendre, on a l'impression qu'ils se baladent d'une place financière à une autre, tout seuls, comme si personne ne décidait !
    Pourtant cela répond bien à des choix économiques, financiers ou politiques. Qui les fait ?
    M. Jean-Paul Anciaux et M. Hervé Novelli. C'est le marché !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas le marché, ce sont les actionnaires !
    M. Jean-Paul Anciaux. Si ! Le marché commande !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas le marché, ne confondons pas !
    M. Dominique Dord, rapporteur. C'est le marché financier !
    M. Maxime Gremetz. Réponse facile ! Non ! En fait il y a des gens qui décident. Ces capitaux ne sont pas des libellules ! (Rires.)
    M. le président. Précision utile !
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je n'ai jamais pensé que les capitaux circulaient ainsi, en apesanteur ou comme des libellules ! Il y a en effet des gens qui les détiennent !
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Et je ne conteste pas que ce sont eux qui prennent les décisions.
    Je vous ai décrit ce qu'est actuellement notre économie. On peut évidemment combattre ce système et, si tel est le cas, vos amendements procèdent d'une certaine logique. En revanche, vous ne pouvez défendre ce type d'amendement en vous déclarant favorable à une économie ouverte où circulent librement les hommes, les biens et les capitaux. Ce serait même criminel pour nos entreprises.
    M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sans entrer dans la querelle sur la question de savoir si les libellules échappent à la pesanteur (Sourires), le Gouvernement est défavorable à toute modification de la définition du licenciement économique, telle qu'elle résulte finalement de la décision du Conseil constitutionnel. Nous aurons la sagesse de nous en tenir à cette définition, et le Gouvernement s'opposera à toutes les modifications de cette définition, qui seront proposées au cours du débat.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le rapporteur, dans un débat aussi important, on ne peut pas développer une argumentation qui ne correspond en rien à la réalité. On ne saurait se borner à répondre à ceux qui s'interrogent sur les conditions dans lesquelles on pourrait gérer les licenciements, qui ne sont consécutifs ni à des difficultés économiques ni à des mutations technologiques, en les renvoyant à une conception passéiste de la société. Si vous vous en tenez là, vous allez avoir quelques problèmes avec certains de nos voisins.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Mais non, nous n'avons pas de problèmes !
    M. Alain Vidalies. Je vous rappelle, en effet - d'autant que cela figure en partie dans votre rapport - que, dans des pays auxquels vous faites souvent référence d'ailleurs dans d'autres débats, comme l'Espagne, voire l'Allemagne, la législation donne à l'autorité administrative la capacité de prendre la décision finale d'autoriser ou non les licenciements.
    Ainsi que je l'ai rappelé hier, M. Jean-Louis Debré, confronté dans sa circonscription au problème du renvoi d'une telle décision à l'autorité administrative et de la pénalisation des entreprises pratiquant ce type de licenciement, a lui-même distingué entre les licenciements économiques ou uniquement dus à des difficultés financières, et ceux effectués dans le seul but d'accroître les profits. Il est vrai qu'à l'époque il était en campagne électorale et qu'il devait répondre à des gens venus lui demander ce que la politique pouvait faire pour eux ! Or personne ici, ni vous ni nous, ne peut se contenter de répondre : rien.
    En effet, lorsque des personnes licenciées par une entreprise qui fonctionne bien, a des marchés, réalise des profits, mais délocalise car elle espère en faire davantage ailleurs, viennent interroger le politique, vous ne pouvez pas vous contenter de leur répondre que c'est la loi du marché, et que vous ne pouvez rien faire pour eux. Sinon, il ne faudra pas s'étonner que, la politique se désintéressant de leur vie, les gens finissent par se désintéresser totalement de la politique. Peut-être est-ce l'une des explications de ce qui s'est passé le 21 avril ?
    Je ne nie pas la difficulté. Elle existe depuis longtemps et elle n'est pas résolue par ces amendements, d'autant que pèse sur nous la nécessité de respecter les décisions du Conseil constitutionnel. Néanmoins il faudra bien, un jour, distinguer entre les licenciements consécutifs à des difficultés économiques ou technologiques, et ceux que M. Gremetz a appelé de « troisième type » mais que l'on pourrait qualifier par le fait qu'ils répondent uniquement à la volonté d'accroître les profits. Au-delà de la difficulté juridique, le politique doit répondre à la question de savoir ce qu'il peut faire en ce cas.
    A cet égard il ne faut pas écarter définitivement la possibilité d'opérer une dinstinction entre ces deux types de licenciement. L'une des solutions peut être de confier l'appréciation objective de la situation à une administration, même s'il ne s'agit pas de revenir à l'autorisation administrative de licenciement. Cette piste, même difficile, peut être soumise aux partenaires sociaux.
    Dans tous les cas, actons que la situation d'aujourd'hui n'est absolument pas satisfaisante.
    M. Maxime Gremetz. Nous demandons un scrutin public sur l'amendement n° 18.
    M. le président. Sur l'amendement n° 18, je suis donc saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 18.
    Le scrutin est ouvert.

    (M. Jean Le Garrec remplace M. Marc-Philippe Daubresse au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   40
Nombre de suffrages exprimés   35
Majorité absolue   18
Pour l'adoption   4
Contre   31

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    On peut considérer que ce vote est également valable pour l'amendement n° 13 qui a été longuement présenté et qui a fait l'objet d'avis défavorables de la commission et du Gouvernement.
    Il n'est donc pas adopté.
    MM. Desallangre, Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 14, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er insérer l'article suivant :
    « L'article L. 131-1 du code du travail est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
    « Les actionnaires des entreprises prospères, cotées ou non en Bourse, qui procèdent à des licenciements font l'objet d'une restitution sociale. Son montant est calculé selon la formule suivante : "Montant du salaire et des charges sociales de chaque travailleur licencié X nombre d'année restant avant l'âge légal de la retraite de chaque travailleur licencié.
    « Pour payer la restitution sociale, l'entreprise avance la somme et la verse en une seule fois, un mois au plus après l'annonce des licenciements, à un fonds géré par la caisse des dépôts dénommé Fonds de gestion de la restitution sociale. Pour honorer son paiement, l'entreprise peut faire appel à ses fonds propres, procéder à une émission obligatoire ou contracter un emprunt bancaire.
    « Afin de rembourser l'entreprise, les actionnaires ne touchent aucun dividende pendant une période dont la durée est déterminée par la formule suivante : "Nombre d'années = Montant de la pénalité/Bénéfice distribuable aux actionnaires, réserves comprises. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 19, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 321-1-2 du code du travail est ainsi rédigé :
    « Art. L. 321-1-2. - Lorsque l'employeur envisage, pour l'un des motifs énoncés par l'article L. 321-1, une modification du ou des contrats de travail, il en informe chaque salarié par lettre recommandée avec accusé de réception.
    « La lettre de notification précise le ou les motifs de la modification envisagée et informe le salarié qu'il dispose d'un délai de réflexion d'un mois. A défaut d'un accord écrit express du salarié avant l'expiration de ce délai, la modification est réputée refusée.
    « Les dispositions du présent article s'appliquent à toutes les modifications du contrat pour motif économique, qu'elles résultent de propositions directes de l'employeur ou de candidatures des salariés à des offres de modification faites par l'employeur à l'ensemble du personnel. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Il s'agit de modifier la législation existante, en inversant la charge de l'acceptation ou du refus d'une modification du contrat de travail.
    Aujourd'hui lorsque l'employeur envisage une modification du contrat de travail, il en informe le salarié. Ce dernier dispose alors d'un mois pour motiver son refus. A défaut, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. Or cela fait peser une forte pression sur le salarié. Bien souvent, en effet, les modifications, identifiées comme substantielles du contrat de travail, sont engagées alors même que la procédure a été parfois douteuse et ambiguë.
    Il s'agit donc d'inverser la charge de l'initiative de la modification du contrat de travail en décidant qu'elle doit être acceptée expressément par le salarié. Nous proposons donc que la modification ne soit considérée comme acceptée qur si le salarié donne son accord avant l'expiration du délai. S'il ne se manifeste pas, la modification proposée sera réputée refusée par le salarié.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Avis défavorable. Je ne suis d'ailleurs pas très sûr qu'une telle proposition soit conforme à l'intérêt du salarié. Dans la situation actuelle, en effet, il a au moins deux choix : accepter formellement pour manifester son accord, mais aussi ne rien dire pour bien montrer qu'il n'accepte qu'un peu contraint et forcé. Avec votre amendement vous lui ôtez une possibilité et vous le contraignez à accepter expressément.
    A mon avis, cela ne correspond pas à l'intérêt du salarié. Je suis hostile à cet amendement et je pense que, même dans votre logique, Madame Jacquaint, vous devriez vous interroger sur sa pertinence.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 20, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 321-2-1 du code du travail est ainsi rédigé :
    « Art. L. 321-2-1. - Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, où le comité d'entreprise n'a pas été mis en place, et dans les entreprises employant plus de dix salariés où aucun délégué du personnel n'a été mis en place, tout licenciement pour motif économique s'effectuant de ce fait sans que les obligations d'information, de réunion et de consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel puisse être respectées est nul. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le rapporteur, je ne partage pas du tout votre opinion. Je suis persuadée que ma proposition est conforme à ce que souhaitent les salariés. Si cela ne correspondait pas à ce que nous entendons depuis des semaines et allait dans le sens des désirs du MEDEF, je ne vois pas pourquoi on s'acharnerait à assouplir le texte de la loi de modernisation sociale ou à supprimer certaines de ses dispositions.
    L'amendement n° 20 tend à écrire dans le code du travail qu'est considéré comme irrégulier tout licenciement pour motif économique intervenu sans qu'aient été mises en place des institutions représentatives du personnel. Il vise en fait à introduire dans la législation une jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, dans son arrêt du 7 décembre 1999, la chambre sociale de celle-ci a considéré qu'un employeur ne pouvait se prévaloir de l'absence d'une institution représentative du personnel pour se dérober à ses obligations. L'employeur est en effet tenu d'en mettre en place dans son entreprise et il doit informer et les consulter notamment en cas de licenciement pour motif économique.
    L'absence de ces institutions, garantes du respect des droits et de la démocratie dans l'entreprise, entraînera la mise en cause de la responsabilité de l'employeur et la procédure de licenciement sera considérée comme irrégulière. L'absence de ces institutions - qui, vous l'admettrez, sont indispensables pour que puissent avoir lieu la concertation et la négociation qui vous sont, dites-vous, si chères - peut être le fait d'une attitude volontairement hostile de l'employeur ou simplement s'expliquer par sa négligence. Dans ces cas, tout licenciement prononcé jusqu'à la mise en place des institutions représentatives du personnel est nul.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Sur l'amendement lui-même, qui est un peu différent de la présentation que vous en avez faite, madame Jacquaint, il me semble que deux problèmes se posent.
    D'une part, vous ne prévoyez même pas le constat de carence, qui est pourtant un acquis important de notre droit du travail...
    Mme Muguette Jacquaint. N'aggravons pas les carences, monsieur le rapporteur.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Mais vous ne le prévoyez pas dans votre texte ! Cela me paraît une faute sur le plan juridique.
    D'autre part, en cas d'absence d'institutions représentatives, il est prévu dans l'amendement que le licenciement doit être considéré comme nul et non comme irrégulier comme il ressort de votre plaidoyer. Sur cette notion d'irrégularité, je vous rejoins assez, mais elle a déjà été introduite, sur proposition du groupe communiste, à l'article 110 de la loi de modernisation sociale, que le Gouvernement ne nous propose pas de suspendre. Avec la notion de « nullité » figurant dans l'amendement, on passe de la forme au fond et j'ai déjà dit ce que j'en pensais tout à l'heure.
    Donc, si l'on s'en tient à ce que vous avez dit, la mesure existe déjà. Si l'on s'en tient à ce qui est écrit, l'amendement me semble poser au moins deux problèmes juridiques.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 21, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le premier alinéa de l'article L. 321-4-1 du code du travail est ainsi rédigé :
    « Dans les entreprises employant au moins cinquante salariés, lorsque le nombre de licenciements pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 321-1 est au moins égal à deux dans une même période de trente jours, l'employeur doit établir et mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre, et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment des salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion particulièrement difficile. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 22, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après le cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L'action portée devant le juge de première instance, statuant comme en matière de référé et tendant à voir constater la non-conformité du plan aux dispositions du présent article, suspend la procédure de licenciement jusqu'au jour du jugement sans préjudice des mesures susceptibles d'être ordonnées par le juge des référés. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Avec cet amendement, nous souhaitons renforcer la législation en accordant aux salariés le pouvoir de suspendre la procédure de licenciement en cas de contestation de la conformité du plan social. Il s'agit de permettre à tout salarié concerné par un projet de plan social de saisir le conseil des prud'hommes lorsque l'employeur n'a pas respecté l'obligation de négociation comme préalable à l'établissement dudit plan social.
    Plutôt que de réserver exclusivement cette saisine au comité d'entreprise et aux délégués du personnel, nous proposons d'ouvrir ce droit à tout salarié concerné, de manière à laisser toute latitude au juge qui pourra ainsi être de nouveau saisi en cas de refus de l'employeur de négocier de manière loyale et sérieuse.
    Nous pensons qu'il convient de ne pas insérer dans la loi le droit de saisine du juge des référés, dont la compétence se doit de rester pragmatique pour faire face à l'ensemble des cas de figure qui peuvent se présenter. De plus, l'utilité de cet amendement tient aussi au rappel de la compétence du juge des référés prud'homal.
    Nous entendons aussi compléter la législation en renforçant les obligations de consultation du comité d'entreprise ou des représentants des salariés en amont de tout plan social. Nous sommes favorables à l'amélioration de la législation qui ordonne et organise le débat contradictoire sur les projets de restructuration, préalablement à toute procédure de licenciment collectif pour motif économique. Nous souhaitons, cependant, lui conférer une réelle efficacité en dotant les élus du personnel et les syndicats d'un droit de contestation leur permettant de faire prendre en compte leurs avis et leurs propositions. Le cas échéant, le juge des référés pourrait prendre une mesure immédiatement exécutoire pour contraindre la direction de l'entreprise à interrompre tout projet de réduction d'emplois qui s'avérerait illicite ou infondé au regard des critiques et autres choix présentés par les salariés. En effet, ces derniers ne doivent pas avoir seulement le droit à la parole - ce qui est pas mal -, mais aussi le pouvoir d'infléchir les décisions prises unilatéralement par les conseils d'administration ou les conseil de surveillance. La jurisprudence est éclairante sur ce point.
    Nous nous inscrivons dans cette démarche et avons la volonté de créer un véritable droit d'intervention pour les salariés et pour les syndicats. Trop souvent, le jugement définitif sur le fond intervient longtemps après le terme de la procédure de licenciement, parfois trois ou quatre mois après la fermeture d'un site ou la rupture de fait d'un contrat de travail. On comprendra qu'une fois le site fermé et le contrat rompu, il n'y a plus beaucoup de possibilités pour les salariés, comme pour leurs représentants, de faire valoir leurs droits, en premier lieu celui au travail.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Mme Jacquaint m'a demandé de ne pas faire de remarques sur ses motivations. Je lui dirai quand même que je comprends qu'elle présente un amendement de ce type, parce qu'il s'inscrit tout à fait dans sa logique politique et je ne pense pas que ma remarque soit insultante pour elle, au contraire.
    Mme Muguette Jacquaint. Non, pas du tout, j'en suis même assez fière !
    M. Dominique Dord, rapporteur. Tant mieux !
    Cela étant, nous sommes opposés à cette logique. Le Gouvernement en propose une autre, qui consiste non pas à ajouter des obligations supplémentaires, qui alourdiraient les mesures existantes, mais à nous en remettre à la négociation et aux avis des partenaires sociaux. J'imagine que ceux qui vous sont les plus proches, madame Jacquaint, apporteront un certain nombre d'arguments voisins des vôtres sur la table des discussions. C'est au vu de ce que nous diront les partenaires sociaux - après accord nous l'espérons - que le Gouvernement et notre assemblée seront amenés à statuer.
    Je considère que l'amendement n'est pas recevable en l'état.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je suis défavorable à cet amendement parce qu'il est en contradiction avec l'objectif recherché par le Gouvernement au travers du texte qu'il présente,...
    Mme Muguette Jacquaint. Ah ça, c'est clair !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui est d'organiser la négociation sur l'aménagement des règles entourant la procédure de licenciement économique. De plus, je pense que, s'il était adopté, cet amendement serait en pratique extrêmement limité, puisque la suspension de la procédure ne s'appliquerait que pendant les quelques jours qui séparent la saisine du juge statuant en matière de référé et le jugement. Il me paraît, par conséquent, préférable de le rejeter.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 23, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le début du sixième alinéa de l'article L. 321-4-1 du code du travail est ainsi rédigé :
    « Ce plan doit prévoir des mesures pertinentes au regard des objectifs recherchés, autres que... (le reste sans changement). »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Il s'agit de préciser, conformément à la jurisprudence, la portée des obligations des employeurs. Beaucoup s'acquittent en effet a minima de leur obligation de reclassement. D'autres n'en proposent pas, ou peu, comme nous l'avons vu malheureusement avec Moulinex : un an après le plan social, de nombreux salariés sont encore à la recherche d'un emploi. Nous observons également que les propositions se font en deça des possibilités des entreprises. Pour éviter que les employeurs ne se défilent devant cette obligation, il est proposé de préciser que les mesures qui seront contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi doivent être « pertinentes au regard des objectifs recherchés », afin qu'elles soient réellement à la hauteur du préjudice subi par le salarié. Il s'agit en fait, de réhausser le niveau qualitatif du reclassement. Nous savons à quoi ont mené ceux qui ont été proposés ces dernières années à la suite de plans sociaux. Bien souvent, les salariés se sont retrouvés à l'ANPE, au chômage et certains cherchent toujours un emploi. Nous voulons donc améliorer en ce sens le texte qui nous est proposé.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je ne voudrais pas faire insulte aux auteurs de l'amendement mais celui-ci me semble de portée assez faible. Il a un caractère plus littéraire que contraignant ou juridiquement efficace. C'est déjà sur la pertinence des mesures au regard des objectifs recherchés que le juge est appelé à se prononcer. Je ne vois pas sur quoi d'autre il pourrait le faire. Ce qui est demandé est déjà la réalité. D'ailleurs je ne vois pas un employeur prendre le risque de ne pas proposer des mesures pertinentes au regard des objectifs recherchés. Le juge étant saisi, il serait obligé de recommencer la procédure à zéro.
    L'amendement est vraiment de portée juridique faible. Je ne crois pas qu'il faille alourdir notre code du travail avec de telles dispositions.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le rapporteur, nous avons un débat serein. Cela a d'ailleurs toujours été mon habitude. Vous ne pouvez pas laisser entendre que vos réflexions et vos propositions seraient pertinentes, alors que les miennes ne le seraient pas.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je n'ai pas dit cela !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous défendez une politique fondée sur les lois du marché, et la libre circulation des capitaux. Selon vous, il n'y a plus besoin de rien faire contre les capitaux qui voyagent. Ils sont la conséquence directe de la crise, et des difficultés que nous connaissons aujourd'hui...
    M. Dominique Dord, rapporteur. Cela n'a rien à voir avec l'amendement.
    Mme Muguette Jacquaint. Ce sont quand même eux qui orientent la politique de l'emploi. Soit on mène une véritable politique de l'emploi, créatrice d'emplois, soit on accepte de licencier pour satisfaire les mouvements de capitaux.
    A votre analyse, à vos propositions, à votre politique, j'oppose une autre analyse, d'autres propositions, une autre politque et je le répète, j'en suis fière.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Personne ne vous le conteste !
    Mme Muguette Jacquaint. J'aimerais qu'il ne soit pas dit dans cet hémicycle que les questions et les propositions pertinentes ne viennent que de vous et que celles des autres ne sont qu'archaïques, anti-moderne ou contraires à l'emploi.
    M. Dominique Dord, rapporteur. Je n'ai pas dit cela.
    M. Richard Mallié. Ce sont simplement des propositions d'un autre millénaire !
    Mme Muguette Jacquaint. Nous verrons dans quelques mois les résultats de la politique que vous proposez en matière d'emploi.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Liberti, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 24, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « La première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-4-1 du code du travail est complétée par les mots : "ainsi qu'aux unions locales ou, à défaut, départementales, des syndicats représentatifs au niveau national. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Je retire l'amendement.
    M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
    MM. Gorce, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 58, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré, après l'article L. 321-4-1 du code du travail, un article L. 321-4-1 bis ainsi rédigé :
    « Art. L. 321-4-1 bis. - Lorsque l'employeur envisage un projet de licenciement collectif visant moins de dix salariés, il établit un document dans lequel il expose les raisons qui justifient le licenciement économique, les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements ainsi que les dispositions prises pour favoriser les reclassements.
    « Le document, prévu au premier alinéa est soumis à la consultation du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel huit jours au moins avant l'engagement de la procédure de l'entretien préalable au licenciement prévue à l'article L. 122-14. En l'absence d'institutions représentatives, ce document est affiché dans l'entreprise dans le même délai.
    « L'employeur transmet au salarié licencié le document indiquant les raisons du licenciement économique qui est joint à la lettre de licenciement. Il transmet également ce document à l'autorité administrative compétente avec l'information des licenciements prononcés. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'objet de cet amendement est avant tout, là encore, de provoquer le débat sur une question importante.
    Il concerne les licenciements qui interviennent sans plan social et pour lesquels l'information des salariés n'est pas aujourd'hui organisée. Je précise que c'est le cas de 80 % des licenciements pour motif économique dans les petites entreprises.
    L'amendement tend à préciser que l'employeur qui procède à ce type de licenciement doit assurer aux représentants du personnel une information sur les motifs économiques de celui-ci et sur les conséquences des décisions qu'il prend. De manière plus générale, et même si la loi de modernisation sociale n'avait pas pour vocation de traiter directement ces sujets, il est important que nous précisions que le licenciement hors plan social dans les petites entreprise entre bien dans le champ de la négociation.
    A travers cet amendement nous souhaitons, comme nous le ferons sur l'article 1er, appeler l'attention du Gouvernement afin que, sous l'impulsion de cette assemblée, il veille à ce qu'il en soit bien ainsi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Dominique Dord, rapporteur. J'ai bien compris que cet amendement a pour but principal d'interpeller le Gouvernement, lequel j'imagine, y répondra.
    Je ferai observer quant à moi que, si l'on s'en tient à la logique du texte, le sujet évoqué par l'amendement a toute sa place dans la négociation qui va avoir lieu, et que le ministre souhaite la plus large possible. D'ailleurs les partenaires sociaux que nous avons auditionnés nous en ont parlé. Il est important que les entreprises employant moins de dix salariés fassent partie de la négociation collective.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'objectif du texte qui vous est proposé est bien de renvoyer aux partenaires sociaux le soin de cadrer le débat sur les licenciements et la mise en oeuvre des plans sociaux. Comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, le Gouvernement n'entend en rien limiter le champ de leurs négociations. Le sujet évoqué par l'amendement en fait évidemment partie. Par contre, la procédure qui consisterait à voter dans le cadre de ce texte des mesures préjugeant le débat qu'auront les partenaires sociaux n'a pas le soutien du Gouvernement. Il est donc défavorable à tous les amendements de cet ordre.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 375, relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi :
    M. Dominique Dord, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 386).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 1re séance
du jeudi 5 décembre 2002
SCRUTIN (n° 93)


sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Bocquet, du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi.

Nombre de votants

63


Nombre de suffrages exprimés

63


Majorité absolue

32


Pour l'adoption

13


Contre

50

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Contre : 48 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 9 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 94)


sur l'amendement n° 17 de M. Gremetz avant l'article 1er du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (nullité du licenciement prononcé pour une cause non réelle ou sérieuse ou pour procédure irrégulière).

Nombre de votants

38


Nombre de suffrages exprimés

38


Majorité absolue

20


Pour l'adoption

11


Contre

27

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Contre : 25 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Pour : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).

SCRUTIN (n° 95)


sur l'amendement n° 18 de M. Gremetz avant l'article 1er du projet de loi relatif à la négociation collective sur les restructurations ayant des incidences sur l'emploi (définition du licenciement économique).

Nombre de votants

40


Nombre de suffrages exprimés

35


Majorité absolue

18


Pour l'adoption

4


Contre

31

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (362) :
    Contre : 31 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (147) :
    Abstentions : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).