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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 22 JANVIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 21 janvier 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

SÉCURITÉ
À L'OCCASION DE MATCHS DE FOOTBALL «...»

MM. Pierre-Christophe Baguet, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. François Liberti, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

SOMMET DU G 8 À ÉVIAN «...»

MM. Claude Birraux, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

SALARIÉS DE METALEUROP «...»

MM. Albert Facon, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

ASSISTANTS D'ÉDUCATION «...»

MM. Jean-Louis Christ, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. Christian Jeanjean, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

CLONAGE HUMAIN «...»

MM. Alain Claeys, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

QUARANTIÈME ANNIVERSAIRE
DU TRAITÉ D'AMITIÉ FRANCO-ALLEMAND «...»

M. Jean-Yves Besselat, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

POLITIQUE SPATIALE «...»

M. Jean Diébold, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU «...»

MM. François Loncle, Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

URGENCES SOCIALES «...»

M. Jean-Claude Abrioux, Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.

FILIÈRE AUTOMOBILE À SOCHAUX-MONTBÉLIARD «...»

M. Marcel Bonnot, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

2.  Décisions du Conseil constitutionnel sur des requêtes en contestation d'opérations électorales «...».
3.  Sécurité intérieure. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 16 «...»

M. Noël Mamère.
Amendement de suppression n° 151 de M. Gerin : MM. André Gerin, Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Noël Mamère. - Rejet.
Amendement n° 271 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre, Pierre Cardo. - Rejet.
Amendement n° 478 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 85 rectifié de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 272 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 273 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 16 modifié.

Article 17 «...»

M. Noël Mamère.
Amendement de suppression n° 274 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre, André Gerin. - Rejet.
Amendement n° 86 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
L'article 17 est ainsi rédigé.

Article 17 bis «...»

M. Christophe Caresche, Mmes Ségolène Royal, Martine Lignières-Cassou.
Amendement n° 87 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies, Mme Martine Lignières-Cassou. - Adoption.
Amendement n° 88 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 22 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 275 de M. Montebourg : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 17 bis modifié.

Après l'article 17 bis «...»

Amendement n° 278 corrigé de Mme Martine Lignières-Cassou, avec le sous-amendement n° 484 de Mme Boutin : Mme Martine Lignières-Cassou, MM. le rapporteur, le ministre, Mmes Christine Boutin, Martine Billard, Ségolène Royal, M. Jean-Christophe Lagarde. - Retrait du sous-amendement.
MM. Noël Mamère, Alain Vidalies, le ministre, Jean-Marie Le Guen, Claude Goasguen, le rapporteur. - Rejet de l'amendement n° 278 corrigé.
L'amendement n° 279 de Mme Lignières-Cassou n'a plus d'objet.
Amendement n° 276 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 277 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre, Noël Mamère. - Rejet.
Amendement n° 196 corrigé de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Articles 17 ter, 17 quater et 17 quinquies. - Adoptions «...»
Article 17 sexies «...»

Amendement n° 458 de M. Clément : MM. Pascal Clément, président de la commission des lois ; le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 17 sexies modifié.

Articles 17 septies, 17 octies, 17 nonies, 17 decies
et 17 undecies. - Adoptions «...»

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Avant d'entendre le premier orateur, je vous rappelle qu'il n'y aura pas, demain, de séance de questions d'actualité, puisque nous nous retrouverons à Versailles avec nos collègues du Bundestag.
    Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

SÉCURITÉ À L'OCCASION DES MATCHS DE FOOTBALL

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    Certains matchs de football qui se déroulent au stade du Parc des Princes ne sont plus la fête familiale et sportive qu'ils devraient être, mais se transforment en guerre de rue. Pour faire face, les forces de l'ordre sont toujours plus nombreuses et les mesures contre les riverains toujours plus restrictives. Pour le match Paris-Saint-Germain-OM du 26 octobre dernier, des mesures exceptionnelles, qui devraient être celles de la dernière chance, n'ont pas suffi : 2 000 policiers, deux procureurs, fermeture des commerces alentour, interdiction de vente d'alcools, match avancé à dix-sept heures et, pour des milliers de riverains, enlèvement des voitures dès six heures trente du matin jusqu'à vingt-trois heures, invitation à ne pas sortir de leur domicile dès treize heures trente. Malgré cela : soixante et une arrestations, douze personnes placées en garde à vue et l'utilisation de flash-balls. Aussi, l'annonce d'un nouveau PSG-OM, samedi, mais cette fois en coupe de France, donc éliminatoire et, de surcroît, à vingt heures quarante-cinq, est une nouvelle provocation. Mon collègue Claude Goasguen, le sénateur-maire de Boulogne-Billancourt et moi-même ne pouvons plus accepter la réponse qu'on nous fait depuis sept ans et selon laquelle les intérêts financiers prévalent sur la liberté des hommes. Il est urgent qu'un gouvernement se saisisse enfin de ce dossier.
    Avant de devoir descendre à leur tour dans la rue, calmement mais déterminés à défendre les droits républicains, les riverains, les associations et tous les élus excédés vous demandent très solennellement d'agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison,...
    M. Bernard Derosier. Tout le monde a donc toujours raison ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... la situation est devenue inacceptable.
    Avec Jean-François Lamour, j'ai pris contact avec les dirigeants du football français amateur et professionnel, et avec les dirigeants des deux clubs.
    Qui peut ici se satisfaire que des racistes envahissent nos stades et profitent de matchs de football pour se livrer à de véritables ratonnades ? Qui peut accepter que des matchs amateurs donnent lieu à des bagarres de rue ? Et qui peut accepter que les stades où se déroulent les matchs de football, qui sont, par définition, des spectacles familiaux, soient devenus des lieux où l'on ait peur d'aller ou de laisser aller ses enfants ? Qui peut comprendre que, pour le match PSG-OM, qui devrait être une fête, nous devions mobiliser pas moins de 2 000 fonctionnaires, qui sont pris ailleurs, là où l'on aurait besoin d'eux pour des choses plus sérieuses qu'encadrer des supporters ? Ceux de Marseille ont bien le droit de venir encourager leur équipe sans que les supporters de Paris considèrent cela comme un crime. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) La situation est d'autant plus inacceptable qu'elle ne concerne pas seulement - et je parle sous le contrôle du ministre des sports - les grands événements médiatisés. On aurait tort de désigner à la vindicte un club plutôt qu'un autre alors qu'il y a quelques jours, à l'occasion du match Rennes-Guingamp, on a vu les supporters d'une équipe agresser les supporters de l'autre équipe qui repartaient en car.
    Nous allons prendre des mesures très fermes, et pas plus tard que lors du débat des deux jours qui viennent, en déposant des amendements tendant à durcir les condamnations contre ceux qui se comportent comme des voyous. Se comporter comme un voyou, c'est condamnable : dans un stade, c'est encore pis.
    Enfin, je demanderai au garde des sceaux de bien vouloir organiser une réunion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) avec les présidents de clubs, le ministre des sports, les procureurs de la République et moi-même. Il ne sert à rien de voter des lois si elles ne sont pas appliquées, et les dirigeants de clubs m'ont indiqué qu'ils étaient prêts à s'associer à cette politique déterminée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Glavany. C'est le nouveau Premier ministre ! Il y a donc deux Premiers ministres ?

RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. François Liberti. Monsieur le Premier ministre, avant de vous poser ma question sur la réforme des retraites, je tiens à vous faire part de la profonde indignation des député-e-s communistes et républicains à l'égard du comportement prédateur du groupe Metaleurop qui met en cause, aujourd'hui, 2 000 emplois, illustrant une fois de plus le mépris des grands groupes industriels et financiers envers les salariés et les intérêts économiques de nos régions et de notre pays.
    Je vous informe que notre groupe dépose une demande de commission d'enquête sur les agissements voyous de ces groupes.
    J'en viens à ma question. La réforme des retraites doit être l'occasion d'engager de vraies avancées sociales, et c'est dans cet esprit que nous voulons aborder le débat. Cependant, nous éprouvons les plus grandes inquiétudes car, si l'on en juge d'après les déclarations du Gouvernement, il prépare plutôt de véritables reculs sociaux : alignement du public sur le privé, niveau des pensions revu à la baisse, augmentation du taux et de la durée des cotisations, amorce de fonds de pension.
    A l'inverse, nous formulons d'autres propositions attendues par les salariés qui manifesteront massivement le 1er février et donneront une dimension de progrès à cette réforme : la consolidation du système par répartition, pour absorber les perturbations démographiques, et le rejet catégorique des fonds de pension voulus par le MEDEF...
    M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
    M. François Liberti. ... une politique qui vise le plein emploi pour accroître le nombre de cotisants avec la lutte contre les licenciements, une politique de sécurité-emploi-formation, la lutte contre l'emploi précaire, le retour à trente-sept ans et demi de cotisations pour tous, la prise en compte dans les années de cotisation des périodes d'apprentissage, d'études, de formation, et la pénibilité du travail...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
    M. François Liberti. ... le maintien des dispositifs des préretraites et, pour les fonctionnaires, la prise en compte des primes dans le calcul des pensions.
    M. Lucien Degauchy. La question !
    M. François Liberti. Quelle attention, monsieur le Premier ministre, comptez-vous manifester à ces propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Si M. Degauchy pouvait rester calme, cela m'arrangerait ! (Sourires.)
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, comme le Premier ministre s'y était engagé à l'occasion de son discours de politique générale, nous avons, dès le début de cette année, enclenché la réforme des retraites. Un premier consensus rassemble, je crois, toutes les formations politiques siégeant dans cette assemblée, autour de la nécessité de la réforme. Les chiffres sont éloquents, notamment ceux publiés par le conseil d'orientation des retraites : à partir de 2005, on comptera plus de 300 000 retraités supplémentaires chaque année, l'augmentation de la durée de la vie sera, selon les estimations, de six ans pour la prochaine décennie. En l'absence de réforme, une impasse financière conduirait, en 2040, soit à réduire de moitié les pensions, soit à augmenter de 50 % les cotisations.
    Tous les pays européens ont engagé, depuis plusieurs années déjà, un processus souvent consensuel de réforme. A notre tour, nous allons nous essayer à cet exercice. C'est dans cet esprit que, avec Jean-Paul Delevoye, nous avons commencé à recevoir les partis politiques. Il y a quelques jours, nous avons pu débattre avec Mme Buffet et M. Bocquet du parti communiste, sur les idées que vous défendez en matière de réforme des retraites.
    Le 3 février prochain, le Premier ministre présentera devant le Conseil économique et social le cadrage général de la concertation qui va s'engager avec les partenaires sociaux et qui durera tout au long des mois de février et mars.
    A l'issue de cette concertation, le Gouvernement présentera un projet de loi qui sera débattu par le Parlement. Il comportera des principes, des mesures immédiates dans leur application, un processus et peut-être des structures permettant un pilotage continu de la réforme des retraites, comme l'ont fait d'ailleurs la plupart de nos voisins européens.
    Je tiens à remercier le parti communiste d'être disponible pour participer à ce débat. Il ne faut pas nous y tromper : vous et nous, nous serons jugés par les Français sur notre courage et sur notre capacité à dégager des solutions durables pour le financement des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

SOMMET DU G 8 À EVIAN

    M. le président. La parole est à M. Claude Birraux.
    M. Claude Birraux. Monsieur le Premier ministre, dans un peu plus de quatre mois, la France accueillera à Evian le sommet du G8. C'est une manifestation très importante, et je ne doute pas que le Gouvernement de la France mette tout en oeuvre pour en assurer le succès. De nombreuses personnes - délégations, représentants de la presse et accompagnants divers - sont attendues à Evian. Ces sommets attirent aussi de nombreux manifestants anti-mondialisation. A cet égard, nos concitoyens ont gardé en mémoire les images de violence d'un précédent sommet, qui s'était tenu dans un pays voisin et ami. De tels incidents ne sauraient se reproduire.
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous, d'une part, faire le point sur l'état de préparation de ce sommet du G8 d'Evian et, d'autre part, nous dire quelles initiatives le Gouvernement entend prendre pour préserver un espace d'expression pluraliste entre ceux qui participent au G8 et ceux qui viendront pour manifester leur opposition, afin que l'écoute, le dialogue et, pourquoi pas si l'on est optimiste, la compréhension fassent reculer cette violence que l'on a connue par ailleurs ?
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il est vrai que, dans un passé récent, on a vu les sommets du G7 et G8, déclencher des affrontements terribles. Et nous voulons éviter que la France, qui se bat justement pour l'humanisation de la mondialisation, ne donne l'image d'un pays où l'on ne peut débattre démocratiquement.
    Nous aurons notamment deux grands rendez-vous internationaux. A Evian, au mois de juin, se tiendra le G8 ; et nous recevrons le Forum social européen dans la région parisienne en novembre. Ce forum social, vous l'avez vu, avait mobilisé des dizaines de milliers de participants et plus de cinq mille associations organisatrices à Florence.
    Nous avons voulu avoir un dialogue très ouvert avec l'ensemble des partenaires de ces différents débats. A Evian, naturellement, nous organiserons le débat du G7 et du G8 ; et nous y participerons avec nos idées, puisque, grâce au Président de la République, nous avons mis à l'ordre du jour des sujets qui nous tiennent à coeur, pour une économie responsable, et notamment pour l'aide au développement de l'Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais nous veillerons à ce que, à côté de ce grand débat, le G7 et le G8 ne donnent pas l'image d'un directoire du monde, que les populations et les associations qui le souhaitent puissent participer à des débats ouverts à tous. Nous veillerons donc à ce que les uns et les autres puissent s'exprimer.
    De même, nous avons reçu diverses organisations partenaires du Forum social européen, car nous voulons donner l'image d'une démocratie ouverte. Nous nous battons pour cette humanisation de la mondialisation. Nous voulons que le France reste le pays des droits de l'homme. On comprend très bien qu'il y a des inquiétudes, que de nombreux partenaires, dans le monde entier, s'interrogent sur cette mondialisation, qui, par certains côtés, est sauvage. Nous voulons faire en sorte que chacun puisse s'exprimer sur la terre de France.
    Au-delà des vieux clivages idéologiques, soyons attachés à cette place de l'homme dans le monde moderne.
    M. François Hollande. C'est vous qui les provoquez, ces clivages !
    M. le Premier ministre. C'est pour cela que le Gouvernement enverra une délégation aussi bien au forum de Davos qu'à Porto Allegre...
    M. André Gerin. Oh !
    M. le Premier ministre. ... où nous serons représentés, avec les parlementaires, auprès de toutes les associations...
    M. Bernard Roman. Le MEDEF !
    M. le Premier ministre. ... qui veulent défendre la place de l'homme dans la mondialisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

SALARIÉS DE METALEUROP

    M. le président. La parole est à M. Albert Facon, pour le groupe socialiste.
    M. Albert Facon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le ministre, après la disparition des cokeries de Drocourt et de ses 700 salariés, en juin 2001, après les 400 ouvriers de Sollac Biache, que vous avez licenciés en tant que président d'Arcelor, viennent s'ajouter aujourd'hui les 832 salariés de Metaleurop Nord à Noyelles-Godault.
    En effet, le vendredi 17 janvier, sept actionnaires de Metaleurop SA, réunis dans un bureau parisien, ont décidé de lâcher leur filiale Metaleurop Nord. Ce secteur a déjà un taux de chômage supérieur à 20 %. Metaleurop Nord n'a même pas les moyens d'assurer la paie du mois de janvier. Le dépôt de bilan est annoncé. Huit cent trente-deux salariés sont jetés à la porte du jour au lendemain, sans plan social et sans perspective de retrouver du travail. A cela s'ajoutera la disparition indirecte d'un millier d'emplois dans les entreprises sous-traitantes.
    Metaleurop n'a recherché aucune solution pour sauver un seul emploi. Les actionnaires veulent se défiler de leurs responsabilités, car ce site est l'un des plus pollués de France. Depuis un siècle, les rejets de plomb, de zinc et d'autres métaux s'accumulent dans le sol sur quarante-cinq kilomètres carrés. 31 % des enfants en bas âge ont un taux de plombémie dans le sang trois à quatre fois supérieur à la norme autorisée, et certains sont atteints de saturnisme.
    Monsieur le ministre, trop, c'est trop. Je vous demande, à vous et à vos collègues du Gouvernement, d'obliger les actionnaires de Metaleurop SA à assurer le passif de Metaleurop Nord sur le plan financier et sur le plan de la dépollution. Comme les voyous des mers, les voyous de l'industrie doivent payer.
    Je voudrais aussi connaître les mesures économiques que vous comptez prendre pour venir très rapidement en aide à ces milliers de victimes du capitalisme boursier et contre la multiplication des plans de licenciement sur le territoire national. Qu'attendez-vous pour agir...
    M. le président. Monsieur Facon, veuillez conclure.
    M. Albert Facon. ... plutôt que de faire de grandes déclarations de compassion et de soutien aux ultra-libéraux du MEDEF ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, dont plusieurs députés se lèvent, et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Christian Bataille. C'est M. Raffarin qui doit répondre, si M. Mer est absent !
    M. le président. Monsieur Bataille, vous n'avez pas la parole !
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés...
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est Raffarin qu'on attendait !
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'est pas normal !
    M. Christian Bataille. Raffarin ! Raffarin !
    M. le président. Monsieur Bataille, taisez-vous ! Poursuivez, monsieur le ministre !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Facon, je vous ai rencontré samedi matin pour voir avec vous comment analyser cette situation que j'ai qualifiée d'inextricable. (« Raffarin ! Raffarin ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Comment accepter un seul instant que, au moment où vous demandez l'appui du Gouvernement, vous ne vouliez pas l'entendre s'exprimer sur un sujet aussi grave que la disparition de 800 emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur Facon, dès samedi matin, ensemble, nous avons travaillé pour analyser les responsabilités des dirigeants. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Comme je vous l'ai indiqué, j'ai demandé au directeur de l'usine : êtes-vous complice ou victime de la tentative d'une société mère d'échapper avec cynisme à ses responsabilités en matière environnementale, sociale et économique ?
    M. Christian Bataille. On va vous voir à l'oeuvre !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Et je tiens à remercier ma collègue Roselyne Bachelot, qui a réagi très rapidement et m'a immédiatement assuré qu'elle ferait engager des poursuites judiciaires afin que soient déterminées les responsabilités en matière d'environnement et qu'elle mobiliserait à cette fin des avocats spécialisés. Je remercie également Mme Nicole Fontaine et M. Francis Mer qui, eux aussi, m'ont immédiatement assuré de leur soutien et ont exprimé leur indignation.
    Nous n'acceptons pas ce type de comportement. Cela étant, nous ne pouvons pas être responsables de 150 ans de pollution ni du passif environnemental de 150 millions d'euros. Nous avons été trompés, vous et nous. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je rappelle également que, début 2001, sous le gouvernement de la gauche, un plan social avait été accepté (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et que, en 2002, un deuxième plan social avait aussi été accepté !
    M. Lucien Degauchy. Il a raison !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous devons à la fois exprimer notre indignation et nous mobiliser. N'injurions pas l'avenir !
    Ne mettons pas non plus dans le même panier tous les dirigeants qui ont compris que, pour assurer le développement économique, il fallait concilier l'économique et le social, l'économique et l'environnemental.
    Et puisque vous citez le cas de Biache, je vous rappelle que c'est Francis Mer lui-même qui a créé la Sodi, une société de reconversion, et que, après la fermeture de la Sollac, Mme Génisson et moi-même avons signé à la préfecture du Pas-de-Calais un accord portant sur 100 emplois avec un groupe italien et un groupe japonais.
    M. Christian Bataille. Tartufe !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Aujourd'hui, nous devons à la fois partager votre indignation et mobiliser toutes nos forces pour rebondir sur cette fatalité que nous n'acceptons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Roman. Que faites-vous ?

ASSISTANTS D'ÉDUCATION

    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Christ, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jean-Louis Christ. Monsieur le ministre de l'enseignement scolaire, jeudi dernier, votre collègue chargé de l'éducation nationale a annoncé la décision du Gouvernement de recruter 16 000 assistants d'éducation pour la prochaine rentrée.
    M. Alain Néri. Il n'a pas de quoi les payer !
    M. Jean-Louis Christ. Cette annonce traduit la volonté du Gouvernement de donner un caractère prioritaire au chantier éducatif, contrairement à ce que voudrait laisser entendre l'opposition.
    Ces nouveaux postes permettront de faire face aux besoins de surveillance, de mieux assurer les fonctions d'assistance éducative et de renforcer la scolarisation des enfants handicapés.
    De plus, le Gouvernement fait le choix, pour les assistants d'éducation, d'un statut d'agent public. Cela leur permettra de sortir de la précarité dans laquelle les avait placés le statut d'emplois-jeunes et leur garantira notamment la possibilité de faire valider leur expérience professionnelle.
    Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser le cadre général du nouveau dispositif pour les assistants d'éducation, ainsi que les modalités et le calendrier de ce recrutement ?
    Enfin, vous avez annoncé l'ouverture de 30 000 postes d'enseignant pour la prochaine rentrée : qu'en est-il exactement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, vous avez raison de le souligner, la priorité accordée à l'éducation nationale reste lisible dans les décisions qui viennent d'être prises. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Alain Néri. Il manque 6 000 postes !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Le recrutement comporte deux aspects. En effet, les pics de départ des enseignants ne coïncident pas : c'est ainsi que les professeurs du premier degré seront les plus nombreux à partir à la retraite durant la période 2003-2004, alors que, à l'inverse, les professeurs du second degré seront plus nombreux à partir durant la période 2006-2009.
    Nous avons donc pris deux décisions en fonction de ces deux éléments.
    En ce qui concerne le premier degré, nous allons recruter tout de suite 12 000 nouveaux professeurs, ce qui permettra non seulement de recruter poste pour poste (Protestations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Alain Néri. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... mais surtout d'éviter que perdure un dispositif absolument injuste qui faisait que, faute de suffisamment de postes ouverts aux concours, jusqu'à 6 300 professeurs du premier degré étaient recrutés sur des listes complémentaires, c'est-à-dire sans avoir réussi le concours et sans avoir reçu une formation. Nous voulons que les professeurs du premier degré que nous recruterons soient désormais formés.
    En ce qui concerne le second degré, évidemment, il aurait été tentant de diminuer un peu les effectifs. Toutefois, comme nous savions que, dans les années à venir, nous allions nous trouver face à des demandes considérables, nous avons décidé de maintenir cette année le niveau de recrutement de l'année précédente, soit 18 000 postes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), sachant qu'il y aura 16 384 départs à la retraite. Cela évitera de décourager le vivier du recrutement. J'insiste beaucoup devant la représentation nationale sur cet aspect des choses : en effet, vous savez que, aujourd'hui, pour certains concours, il y a plus de postes proposés que de candidats. Nous ne devons donc pas permettre que s'installe une sorte de désespérance chez ceux qui sont susceptibles d'être recrutés. Il ne doit pas y avoir d'effets « accordéon ».
    Pour ce qui est des surveillants, des emplois appartenant à divers dispositifs d'encadrement, en particulier les emplois-jeunes, vous savez que nous avons décidé de mettre progressivement un terme au dispositif des maîtres d'internat et d'externat, parce que ce dispositif était inadapté, y compris aux yeux des surveillants eux-mêmes, et de supprimer le dispositif des emplois-jeunes. (« Malheureusement ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous avons décidé de substituer à ces dispositifs un nouveau dispositif, celui des assistants d'éducation, qui seront au nombre de 16 000. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Christian Bataille. Comment allez-vous les payer ?
    M. Alain Néri. Vous supprimez des postes !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Ce dispositif simple et clair permettra de rendre les mêmes services que les précédents.
    M. le président. Merci.
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Enfin, vous le savez, la représentation nationale sera invitée cette année à participer à un grand débat sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Christian Jeanjean, pour le groupe de l'UMP.
    M. Christian Jeanjean. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, vous avez, avec les partenaires sociaux et les présidents des commissions des affaires sociales des deux assemblées parlementaires, entamé un « tour d'Europe des retraites ». Ainsi, vous vous êtes rendu en Allemagne, en Suède, en Finlande et, jeudi prochain, vous franchirez les Pyrénées pour voir nos amis espagnols. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    A chaque étape, vous avez l'occasion d'appréhender une nouvelle manière de régler le problème des retraites tel qu'il s'est posé, se pose ou se posera chez chacun de nos voisins européens.
    Alors qu'une réforme des retraites est essentielle pour l'avenir de notre pays, que l'urgence se fait de plus en plus sentir après des années d'inaction socialiste, alors qu'une telle réforme ne saurait aboutir sans réel dialogue, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment ce « tour d'Europe » s'inscrit dans votre démarche de concertation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, je me suis, en effet, rendu la semaine dernière en Allemagne, en Suède et en Finlande, accompagné de représentants de quatre organisations syndicales - CFDT, Force ouvrière, CGC et CFTC - ainsi que des deux présidents des commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat.
    Je veux d'ailleurs voir dans la participation des organisations syndicales à ce déplacement le signe de leur très grande disponibilité dans l'effort de réforme que nous engageons.
    Ce voyage était d'ailleurs une première car jamais un ministre des affaires sociales ne s'était déplacé en Europe pour évoquer un sujet comme celui-là en étant accompagné de représentants de différentes organisations syndicales.
    Les pays que nous avions choisis ne l'avaient pas été au hasard. Ce sont des pays qui ont une forte tradition sociale et où ont été réalisées de grandes réformes - plutôt réussies - des régimes de retraite, et en conduisant celles-ci de manière très consensuelle, même si elles ont donné lieu à des débats extrêmement vifs.
    Nous ne sommes pas partis dans ce déplacement à la recherche d'un modèle. Chaque pays a ses traditions, et nous n'allons pas écrire la réforme des retraites à partir d'une page blanche, même si des idées doivent être retenues dans les réformes que nous avons examinées - je pense en particulier au droit à l'information dès l'âge de vingt-neuf ans, qui existe dans la réforme des retraites en Suède.
    Je tire deux enseignements de ce voyage. Le premier, c'est qu'il n'y a pas eu en Europe de réforme réussie des retraites sans un considérable effort de dialogue social, notamment pour donner de la continuité, de la pérennité aux mesures mises en oeuvre.
    Le second enseignement, c'est que, dans tous les pays que nous avons visités et qui ont choisi d'engager ces réformes, a été retenue une dynamique de réforme du système des retraites plutôt qu'une réforme définitive pour les quarante années à venir.
    Enfin, ce déplacement a eu, me semble-t-il, un résultat très positif, car il a permis, par le biais des médias, d'engager dans notre pays un débat sur les réformes conduites dans les autres pays européens. Les Français ont pu se rendre compte à cette occasion que tous les autres pays européens avaient pris en compte l'allongement de la durée de la vie et avaient engagé des réformes très ambitieuses, ce qui montre que nous avons du retard et qu'il va nous falloir faire preuve de beaucoup d'ambition et de beaucoup de courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

CLONAGE HUMAIN

    M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Claeys. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Lors de la précédente législature, notre assemblée a qualifié de crime le clonage reproductif. Elle a fixé des sanctions pénales qui permettent de réprimer cet acte, y compris dans le cas où il serait le fait de l'un de nos ressortissants hors de nos frontières.
    Votre Gouvernement a fait part de son intention de renforcer les sanctions pénales.
    Pour autant, la nécessité d'aboutir le plus rapidement possible à une interdiction universelle de tels dévoiements éthiques demeure plus que jamais. Aussi, votre Gouvernement envisage-t-il de relancer l'initiative que la France et l'Allemagne ont prise en commun, pour obtenir que les membres de l'ONU garantissent l'interdiction du clonage reproductif humain...
    M. Christine Boutin. Et thérapeutique !
    M. Alain Claeys. ... et, bien évidemment, du seul clonage reproductif humain ?
    Mme Christine Boutin. Non, des deux !
    M. Alain Claeys. Pour leur part, les chercheurs, comme les malades, ne comprendraient pas que l'on puisse prendre prétexte de ces possibles dévoiements pour refuser la possibilité d'approfondir en France, à des fins thérapeutiques, les connaissances dans le domaine du vivant et d'abord dans celui des cellules souches.
    Le Gouvernement a-t-il l'intention de remettre en cause la recherche sur l'embryon telle que notre assemblée l'avait strictement autorisée, encadrée et contrôlée sous la précédente législature ?
    Il convient, enfin, de ne pas méconnaître les dérives qui pourraient résulter d'exigences économiques excessives conduisant à une insuffisante préoccupation éthique dans le domaine de la brevetabilité du vivant.
    Sous la précédente législature, ces préoccupations avaient été exprimées conjointement auprès de la Commission européenne par le président de la République et par le Premier ministre.
    Votre Gouvernement a-t-il l'intention d'agir en vue d'obtenir une renégociation de la directive européenne sur la brevetabilité du vivant, compte tenu de l'enjeu exceptionnel de cette brevetabilité au regard des principes qui fondent notre éthique et notre vie en société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député Claeys, en tant que rapporteur du projet de loi sur la bioéthique en janvier dernier, vous êtes bien placé pour savoir que nous avons unanimement condamné le clonage reproductif en le punissant effectivement de vingt ans de détention criminelle.
    Compte tenu des développements récents, et quels que soient les mises en scène ou les mensonges, il faut aller plus loin. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a donc décidé de renforcer les mesures à cet égard. C'est ainsi que Dominique Perben et moi-même allons proposer une nouvelle incrimination qui prendra sa place entre le crime contre l'humanité et celui contre la personne : il s'agira d'un crime contre l'espèce humaine, qui sera assorti, naturellement, de l'imprescriptibilité et, bien sûr, de l'extraterritorialité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    S'agissant du clonage thérapeutique, nous nous en tiendrons au texte qu'une majorité de l'Assemblée avait voté, quels que soient les bancs, et qui interdit le clonage thérapeutique. Naturellement, la discussion pourra rejaillir plus tard, mais ce texte avait interdit le clonage thérapeutique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous me parlez des cellules souches embryonnaires. A cet égard, vous vous souvenez probablement de ce que je disais à l'époque : j'hésitais, j'attendais que les cellules souches adultes fassent leurs preuves. Eh bien, finalement, je préfère encadrer l'usage des cellules souches embryonnaires pour la recherche plutôt que d'avoir l'hypocrisie d'en interdire la production en France mais d'en autoriser l'importation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Glavany. Absolument !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Pour ce qui concerne la brevetabilité, je trouve tout de même étrange que vous retourniez la situation de cette façon-là ! Car, en 1998, c'est bien le gouvernement précédent qui a signé et entériné la directive 98/94/CEE ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cela dit, je ne cherche pas à polémiquer. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avions d'ailleurs discuté de cette question avec le ministre Schwartzenberg, qui avait proposé une transposition de la directive, sans l'article 5. Aujourd'hui, j'entends que vous avez évolué, et j'en suis heureux.
    Pour notre part, ce que nous voulons, c'est que le dépistage du cancer du sein puisse se faire sans être dépendants des Etats-Unis. Nous demanderons donc des licences d'office, des licences obligatoires et nous réaffirmerons que le génome humain est un patrimoine commun de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

QUARANTIÈME ANNIVERSAIRE DU TRAITÉ D'AMITIÉ
FRANCO-ALLEMAND

    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Besselat, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Jean-Yves Besselat. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, demain 22 janvier, nous célébrerons le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée, qui scellait la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Le général de Gaulle et Konrad Adenauer, tournant l'une des pages les plus douloureuses de notre histoire, définissaient ensemble les conditions d'une coopération fructueuse entre deux pays qui s'étaient longtemps affrontés. Ces deux grands hommes d'Etat signaient ensemble l'un des actes les plus importants de l'histoire de nos deux pays.
    Quarante ans après, il faut souligner la réussite de ce traité. Le couple franco-allemand est désormais l'un des grands moteurs de l'histoire du continent européen et plus largement de l'histoire du monde.
    Le développement des échanges économiques, humains et artistiques a créé des liens très forts entre nos deux nations. Ce traité a été en profondeur un traité de paix.
    Toutefois, à l'occasion de cette célébration, il est utile de souligner dans nos relations bilatérales, excellentes dans l'ensemble, deux insuffisances qui, semble-t-il, doivent être surmontées.
    M. le président. Votre question, monsieur Besselat !
    M. Jean-Yves Besselat. J'y arrive, monsieur le président.
    Première insuffisance : les échanges entre jeunes, chaleureux au début du traité, se sont ralentis. Comment peut-on, madame la ministre, les redynamiser ?
    Deuxième insuffisance : sur le plan de la langue, l'allemand est de moins en moins enseigné en France, et il en est de même du français en Allemagne. Quelles mesures peut-on envisager de prendre pour remettre en place les instruments d'un enseignement actif de nos langues respectives des deux côtés du Rhin ?
    M. le président. Monsieur Besselat, Mme Lenoir a entendu votre question.
    M. Jean-Yves Besselat. L'harmonie entre nos deux pays repose largement sur la qualité des échanges entre les hommes et sur la capacité de parler la langue de chacun. Ces questions, monsieur le président, mes chers collègues, sont très importantes pour l'avenir de nos deux pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Vous allez avoir la réponse.
    La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, votre question est, en effet, très importante et vous avez raison de souligner l'impact de la relation franco-allemande dans l'histoire européenne et dans la construction européenne. En témoignent d'ailleurs toutes les initiatives qui ont été prises au cours de ces six derniers mois et qui toutes ont été suivies par l'ensemble de nos autres partenaires de l'Union.
    Les deux thèmes que vous venez d'évoquer sont au coeur des discussions entre nos deux pays.
    L'échange des jeunes, d'abord. A cet égard, il faut souligner que le bilan est positif puisque, depuis quarante ans, ce sont plus de 7 millions de jeunes qui ont bénéficié du programme de l'Office franco-allemand de la jeunesse et que le rythme des échanges s'est maintenu à plus de 200 000 jeunes par an.
    La question la plus préoccupante, vous avez raison de le souligner, est celle de la langue. On constate un déclin très inquiétant de l'enseignement de l'allemand en France alors que, parallèlement, l'enseignement du français en Allemagne se maintient très bien puisqu'un jeune Allemand sur quatre apprend le français.
    Cette question est au coeur de nos préoccupations et les deux gouvernements ont la ferme volonté politique d'aller de l'avant. Mes collègues M. Ferry et M. Darcos et moi-même avons d'ailleurs engagé une réflexion sur l'enseignement des langues étrangères dès l'école primaire et je ne doute pas que le Parlement des jeunes, qui réunira après-demain à Berlin 500 000 jeunes Français et Allemands, émettra le voeu, dans ses propositions au Chancelier allemand et au Président de la République, que les échanges, qui permettent de tisser des liens très forts pour l'avenir entre nos deux pays, soient encore renforcés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE SPATIALE

    M. le président. La parole est à M. Jean Diébold, pour le groupe UMP.
    M. Jean Diébold. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, porte sur la politique spatiale de la France.
    L'heure est grave, et les personnes qui travaillent dans le secteur spatial, notamment à Toulouse, sont inquiètes pour leur avenir. Le Gouvernement a mis en place une commission, présidée par M. Bonnet, ancien directeur scientifique de l'Agence spatiale européenne. Celui-ci vous a remis vendredi dernier son rapport sur la politique spatiale nationale, l'état du CNES et son rôle dans l'Europe de l'espace.
     Ce rapport conclut à la nécessité du maintien d'une agence spatiale forte en France, tout en préconisant une profonde réorganisation. Il souligne les carences de la politique spatiale conduite ces dernières années - manque d'ambition, en particulier pour l'espace militaire, qui est une priorité pour les Etats-Unis, désintérêt des pouvoirs publics pour l'industrie des télécommunications et le haut débit par satellite, pourtant essentiel, incohérence du budget spatial, qui menace cette industrie créatrice d'emplois et de richesses. Il appelle enfin le pouvoir politique à se réapproprier ce secteur essentiel par la création d'un Conseil de l'espace présidé par le chef de l'Etat.
    Madame la ministre, ma question est donc simple : le Gouvernement va-t-il renouer avec une politique spatiale ambitieuse au service des intérêts français et européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelle technologies. Monsieur le député, vous avez rappelé à juste titre la situation critique que connaît l'ensemble du secteur spatial. Celui-ci doit faire face à des difficultés économiques, en particulier dans le secteur des télécommunications, des difficultés financières, du fait notamment de la surprogrammation du CNES et de la recapitalisation d'Ariane Espace, et des difficultés techniques, avec l'échec récent d'Ariane 5. (« Personne n'entend rien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Je me suis très vite rendu compte, en tant que ministre chargée de l'espace au sein du Gouvernement, après discussion avec les acteurs institutionnels et les acteurs privés, de l'importance de ces enjeux, aussi bien en termes d'indépendance et de souveraineté que pour l'ensemble des politiques sectorielles concernées par le spatial.
    M. Jean-Paul Bacquet. Articulez !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. J'ai donc pris la décision avec Michèle Alliot-Marie de mettre en place une commission de réflexion sur la politique spatiale. Le constat de cette commission est précis et sans ambiguïté. Bien sûr, nous héritons d'une situation très difficile, parce que l'environnement est changeant (« On ne comprend rien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste)...
    M. le président. Madame, une seconde, s'il vous plaît. Mes chers collègues, vous entendriez sans doute mieux si vous étiez plus silencieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Je disais que le constat du rapport présenté par la commission est précis et sans ambiguïté : la politique spatiale conduite jusqu'à présent souffre d'un manque de vision stratégique. Nous avons hérité d'un environnement changeant, les décisions qui ont été prises n'ont pas tenu compte de certains impératifs qui s'imposaient. Nous devons donc maintenant restructurer en profondeur les différents secteurs.
    D'abord, il faut restructurer le CNES, pour le renforcer, et tout le secteur public. Le Gouvernement doit prendre en compte les modalités et le périmètre de l'action publique. Il doit également apporter un soutien incitatif au développement des nouvelles technologies. Vous avez évoqué l'Internet et le haut débit satellitaire, mais d'autres technologies, Galileo en particulier, méritent d'être aidées.
    Ensuite, nous devons procéder à une restructuration du secteur industriel parce que, en trente ans, celui-ci a réussi à occuper, en Europe et en France, une position tout à fait privilégiée.
    Enfin, il faut mettre en valeur l'excellence scientifique de ce secteur et favoriser le développement et la maîtrise des nouvelles technologies. C'est important.
    Devant ce constat, nous avons décidé de mettre en place, dans le cadre d'une concertation interministérielle, un plan d'action que nous vous présenterons. Vous l'avez souligné, la recherche, n'est pas seule concernée, la défense, l'industrie, les relations internationales sont également touchées par la politique spatiale. Je veux une politique ambitieuse, une politique rigoureuse et je proposerai même que ces acquis soient pris en compte dans une compétence au niveau du traité de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DE L'ONU

    M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste.
    M. François Loncle. Nous écoutions tout à l'heure avec intérêt M. le Premier ministre évoquer notre attachement collectif aux droits de l'homme. Mais s'il y avait un oscar du cynisme, de la dérision, de l'hypocrisie en politique internationale...
    M. Jean Leonetti. On le donnerait au parti communiste !
    M. François Loncle. ... la France aurait, malheureusement, toutes ses chances aujourd'hui. (Protestations et claquements de pupitres sur plusieurs bancs de l'Union pour la majorité présidentielle. - « Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment pouvez-vous expliquer que notre pays se soit abstenu lors du vote qui a désigné la Libye pour présider la commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies ? (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine Billard, M. Noël Mamère et M. Emile Zuccarelli. Très bien !
    M. François Loncle. Bien évidemment, le quai d'Orsay s'est empressé de dire qu'il s'agissait d'une position européenne. (« Ben voyons ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C'est un mauvais procédé. Chaque fois que la France prend une décision qui heurte l'opinion publique, ses dirigeants se défaussent sur l'Europe, bouc émissaire de nos petites lâchetés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    De son côté, le gouvernement de Tripoli n'a pu s'empêcher de triompher en affirmant que « cette victoire éclatante représentait une reconnaissance mondiale historique du dossier vierge de la Libye dans le domaine des droits de l'homme ». Curieuse conception de la virginité !
    Au moment où la convention que préside M. Giscard d'Estaing envisage d'intégrer la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans la future Constitution européenne, comment pouvez-vous, monsieur le ministre, justifier l'injustifiable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine Billard, M. Noël Mamère et M. Emile Zuccarelli. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je réponds au nom de M. de Villepin qui participe en ce moment à une réunion de la convention sur les questions européennes, comme vous le savez.
    Monsieur le député, vous connaissez suffisamment les questions de politique internationale pour savoir qu'il est quelquefois facile de céder à certains excès de langage. Le sens des responsabilités, vous en conviendrez avec moi, est, dans ces matières, nécessaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je vous rappelle que, dans le cadre de la rotation de la présidence de la commission des droits de l'homme, qui est une rotation annuelle, les différents groupes régionaux proposent et désignent un président pour un an. Cette fois-ci, le groupe africain, suivi par la plupart des pays dits du tiers-monde, a soutenu la candidature de la Libye à la présidence.
    M. Hervé Mariton. Hélas !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. D'ordinaire, cette présidence est décidée par consensus. Cette fois-ci, pour la première fois, cette formule n'a pas été acceptée et un vote a été demandé.
    Mme Martine David. On pouvait voter contre !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Vingt pays sur cinquante-trois ont choisi de ne pas soutenir la candidature présentée par le groupe africain : la France fait partie, avec ses partenaires européens, des dix-sept pays qui ont choisi de s'abstenir et trois autres pays - trois seulement - ont voté contre. (« C'est une honte ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ce vote a un sens.
    M. Christian Bataille. Il est scandaleux !
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. D'abord, il prend acte d'une situation de fait qui est celle de la majorité d'une commission.
    M. Bernard Roman. On ne s'abstient pas contre le terrorisme !
    M. Richard Mallié. On en reparlera !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. En second lieu, il marque une distance, et je voudrais insister sur ce point.
    Ce que je puis vous assurer c'est que le Gouvernement restera très vigilant et très exigeant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) sur la façon dont la présidence de cette commission sera assurée.
    M. Christian Bataille. Vous avouez !
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Et de même, la France continuera...
    Mme Martine David. A s'abstenir !
    M. Emile Zuccarelli. C'est indéfendable !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. ... de surveiller l'évolution des droits de l'homme en Libye...
    Mme Martine David. Mais enfin !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. ... comme d'ailleurs elle l'a fait lors de la précédente commission mixte franco-libyenne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman. Maigres applaudissements !

URGENCES SOCIALES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Abrioux, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Claude Abrioux. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.
    La récente vague de froid qui s'est abattue sur la France a douloureusement mis en lumière le péril auquel sont exposés de nombreux « sans domicile fixe ». Je tiens avant tout à rendre hommage aux professionnels, aux associations et à tous les bénévoles qui se sont mobilisés pour leur venir en aide, face à une situation météorologique particulièrement difficile. Ils ont fait preuve de beaucoup de persévérance pour briser l'isolement de SDF souvent si désocialisés qu'ils refusent l'aide qui leur est proposée. Les terribles échecs qu'ils ont parfois rencontrés ne doivent pas occulter leur élan de solidarité qui a souvent été rendu efficace grâce à la mise en oeuvre très anticipée, madame le secrétaire d'Etat, de votre plan « grand froid ».
    Cependant, beaucoup de choses ont été dites sur les mesures que vous avez mises en place rapidement, alors même que vos prédécesseurs restaient passifs. Pouvez-vous nous détailler le contenu de ce dispositif, qui risque malheureusement de devoir être réactivé avec le retour du gel ?
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion.
    Mme Dominique Versini, secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Vous venez de le rappeler, monsieur le député, une vague de très grand froid a frappé la France les deux premières semaines de janvier. Dès cet été, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer à la représentation nationale, j'avais mis en place un plan de renforcement en prévision d'une période de grand froid. (« Et la CMU ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Ce plan « grand froid » prévoit une mobilisation sans précédent de l'ensemble des ministères pour permettre la mise à disposition de 5 700 places supplémentaires d'hébergement d'urgence qui s'ajoutent aux 82 000 places offertes habituellement, une mobilisation des numéros d'urgence pour les sans-abri, le 115 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et l'ouverture la nuit de lieux ouverts le jour sur l'ensemble du territoire.
    M. Alain Néri. Et la CMU ?
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Sur la question des sans-abri pendant les périodes de grand froid...
    Mme Martine David. La CMU en fait partie !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. ... vous admettrez avec moi que ce dispositif, sans précédent par sa dimension, a été efficace en termes de places offertes, d'urgence sociale, de téléphonie sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maxime Gremetz. A Neuilly !
    Mme la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Toutes les associations ont été mobilisées et nous avons constaté que le nombre des places d'hébergement était suffisant partout en France. Nous avons également interpellé l'ensemble de nos concitoyens grâce à un partenariat avec la météo et les chaînes de télévision. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Sans doute ne regardez-vous pas les émissions « météo » ? (Exclamations sur les mêmes bancs.) Sinon, vous sauriez que nos concitoyens ont été invités à appeler le 115 !
    Cela dit, ce dispositif, que les associations reconnaissent efficace, se heurte à un problème de taille - il s'agit d'un problème de société qui peut intéresser l'ensemble de la représentation nationale : un certain nombre de nos concitoyens refusent d'accepter toute aide, tout hébergement. Pour eux, nos institutions sont aux limites de leur savoir-faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION DE LA FILIÈRE AUTOMOBILE
À SOCHAUX-MONTBÉLIARD

    M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot, pour le groupe de l'UMP.
    M. Marcel Bonnot. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie, a trait à la filière automobile.
    Le nombre de voitures neuves vendues en France a sensiblement baissé en 2002. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    A Sochaux-Montbéliard, où se trouve un des sites les plus importants de production automobile - Peugeot automobile PSA -, cette situation inquiète d'autant plus celles et ceux qui y travaillent qu'entre 1981 et 1998, ce site de production a connu la perte de 25 000 emplois, sous l'indifférence relative des gouvernements de gauche qui se sont succédé dans le même temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Or, sur ce même site de production automobile, une nouvelle suppression de 5 000 emplois vient d'être annoncée, tandis qu'à quelques pas de là un équipementier, la société Faurecia, envisage de supprimer 500 emplois. Et Belfort, à quelques encâblures, connaît les mêmes vicissitudes sociales et économiques.
    Je suis conscient de la détermination du Gouvernement à juguler ces problèmes économiques et sociaux, il m'apparaît cependant essentiel que la représentation nationale puisse avoir connaissance de ses intentions sur les moyens qu'il est à même d'apporter à l'industrie automobile pour faire face à cette baisse de marché.
    S'agissant plus spécialement du site de Sochaux-Montbéliard, j'aimerais connaître les mesures préventives que le Gouvernement est susceptible de mobiliser. La perspective d'une telle dégradation économique et sociale sur cet espace régional que constituent le Nord et la Franche-Comté ne justifie-t-elle pas le recours à des moyens relevant du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, votre question concerne l'évolution de la filière automobile en France.
    La comparaison entre les années 2001 et 2002 doit être maniée avec précaution. Nous savons en effet que l'année 2001 a été une année record, qui faisait elle-même suite à deux années de forte croissance. Le dynamisme du groupe PSA est remarquable. Il est dû à la fois au succès de ses modèles, à son organisation, à sa compétitivité. En 2002, ce groupe a augmenté ses parts de marché de 0,7 % en Europe alors que l'ensemble des autres pays européens ont vu leurs parts de marché baisser de 3 %. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    S'agissant plus particulièrement du site de Sochaux, je puis vous assurer que les perspectives sont encourageantes : 432 000 voitures en sont sorties en 2002 et, pour 2003, l'objectif est de 470 000 voitures.
    M. Bernard Roman. Et alors ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Certes, une réorientation de ce site sur la gamme moyenne inférieure est nécessaire. Elle suppose un réaménagement des productions et de fortes exigences pour améliorer le rapport productivité-prix.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est incroyable !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vous avez parlé de risques de pertes d'emplois, je puis tout à fait vous rassurer : la rumeur de 5 000 suppressions d'emplois n'est pas, fort heureusement, fondée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il y aura peut-être des transferts volontaires de postes, des reclassements internes, mais aucun licenciement.
    Que compte faire le Gouvernement ?
    M. François Hollande. Rien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement entend poursuivre résolument sa politique pour renforcer la productivité, la compétitivité de l'ensemble de l'industrie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR DES REQUÊTES EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

    M. le président. En application de l'article LO 185 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication de cinq décisions de rejet relatives à des contestations d'opérations électorales.
    Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

3

SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, pour la sécurité intérieure (n°s 381, 508).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles et s'est arrêtée à l'article 16.

Article 16

    M. le président. « Art. 16. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
    1° Après l'article 55, il est inséré un article 55-1 ainsi rédigé :
    « Art. 55-1. - L'officier de police judiciaire peut procéder, ou faire procéder sous son contrôle, sur toute personne concernée par la procédure, aux opérations de prélèvements externes nécessaires à la réalisation d'examens techniques et scientifiques de comparaison avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête.
    « Il procède, ou fait procéder sous son contrôle, aux opérations de signalisation nécessaires à l'alimentation et à la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun de ces fichiers.
    « Le refus de se soumettre aux opérations de prélèvement ordonnées par l'officier de police judiciaire est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. » ;
    2° Après l'article 76-1, il est inséré un article 76-2 ainsi rédigé :
    « Art. 76-2. - Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire peut faire procéder aux opérations de prélèvements externes prévues par l'article 55-1.
    « Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 55-1 sont applicables. » ;
    3° Après l'article 154, il est inséré un article 154-1 ainsi rédigé :
    « Art. 154-1. - Pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, l'officier de police judiciaire peut faire procéder aux opérations de prélèvements externes prévues par l'article 55-1.
    « Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 55-1 sont applicables. »
    La parole est à M. Noël Mamère, premier orateur inscrit sur l'article.
    M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, mes chers collègues, quelques mots sur l'article 16, qui est dans la continuité de l'article précédent, sur le fichier des empreintes génétiques.
    L'article 16 est évidemment extrêmement dangereux puisqu'il permet de procéder à des prélèvements externes « sur toute personne concernée par la procédure ». Nous considérons que le champ d'application de ces prélèvements est bien trop étendu et que la sanction qui frappe la personne qui refuse de se soumettre à ces opérations porte atteinte au principe de la présomption d'innocence.
    On perçoit les dangers que fait courir la création d'un fichier, même si elle semble inspirée par les meilleures raisons du monde - protéger les enfants des assassins et des violeurs, par exemple.
    Le fichier dont il est ici question est devenu une machine infernale, qui s'étend inéluctablement à une partie de la population et qui se retournera contre ceux qui étaient favorables à sa création, convaincus qu'ils étaient qu'il servirait à innocenter les non-coupables. Or c'est tout le contraire qui se produit : le FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, servira, du fait de sa conception, que l'on peut qualifier de tentaculaire, à confondre les présumés innocents. En effet, comme en cas de refus de prélèvement génétique, une sanction d'un an d'emprisonnement est prévue par l'article 16 en cas de refus de prélèvement externe, comme un prélèvement de salive. Cela signifie que les suspects de vols à la tire ou de dégradations volontaires devront, comme les simples témoins de tels faits, se soumettre à l'éprouvette ou à la garde à vue et subir le cas échéant un emprisonnement d'un an. Il est donc recommandé à tout Français de ne pas se trouver près d'une manifestation ou dans les quartiers considérés comme difficiles.
    Prenons l'exemple de ce qui pourrait arriver à un jeune homme de dix-sept ans, que nous allons prénommer Lucien, qui aurait été interpellé, parmi d'autres, pour avoir participé à une action de fauchage de plants de maïs transgénique au nom de la désobéissance civile. Sous peine d'une sanction de prison, il aurait dû se soumettre au moment de son interpellation ou lors de sa garde à vue à un prélèvement de salive, par exemple, aux fins d'une expertise par empreintes génétiques.
    Imaginons que vingt ans plus tard, alors qu'il n'y a maintenant plus de prescription des actes commis par des mineurs, après des études brillantes d'histoire de l'art, ce garçon postule à un poste de conservateur de musée. Eh bien ! Sa candidature sera refusée parce qu'il figurera au fichier national des empreintes génétiques.
    La nouvelle loi aura inventé un nouvel adage : « Qui dégrade un champ de maïs lacérera un tableau de Rembrandt. »
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
    M. Noël Mamère. C'est pour combattre cet amalgame et cette dérive que nous estimons qu'il faut purement et simplement supprimer l'article 16, qui s'inscrit dans une logique de contrôle social consistant à faire de chaque Français un suspect.
    D'ailleurs, on a déjà pu constater de nombreuses fois grâce à l'intervention de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, que des victimes apparaissaient dans le fichier alors que ce devrait être tout le contraire.
    N'ayant pas encore épuisé les cinq minutes qui me sont accordées, je dénoncerai, en conclusion, un élément scandaleux de la démarche qui inspire le projet de loi : rien, dans ce texte, de ce qui concerne les fichiers et les empreintes génétiques n'a fait l'objet de concertation. On n'a même pas pris la précaution de consulter la CNIL, qui s'est auto-saisie du projet de loi et qui, comme le savent les parlementaires et le Gouvernement, a émis les réserves les plus fortes sur les conséquences dramatiques que peut avoir un tel dispositif sur le plan des libertés, du respect des droits et de la présomption d'innocence, qui a déjà, malheureusement, été écornée par des lois précédentes.
    M. le président. Puisque M. Le Roux vient de me faire savoir qu'il renonçait à s'exprimer sur l'article 16, nous en venons aux amendements.
    MM. Gerin, Brunhes, Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 151, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 16. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. L'article 16 traite des prélèvements externes opérés sur les personnes concernées par la procédure. L'officier de police judiciaire a le droit de réaliser ces prélèvements ou de la faire réaliser par des personnes placées sous son contrôle. Le refus de se soumettre à ces prélèvements est passible de six mois d'emprisonnement. La commission des lois propose de porter la condamnation à un an.
    M. Estrosi précise dans son rapport que « les prélèvements visés peuvent être de tous ordres. Il peut également s'agir de prélèvements buccaux, aux fins d'une expertise par empreintes génétiques ». Il ajoute qu'il peut aussi s'agir « d'empreintes digitales ou de prélèvements quelconques ».
    Notre rapporteur précise enfin que « l'ensemble des personnes concernées par la procédure, c'est-à-dire aussi bien les témoins que les suspects, devront se soumettre à ces prélèvements ».
    A la simple lecture de ces précisions, l'article  16 nous paraît dangereux. Il est inquiétant que seul l'officier de police judiciaire ou son délégué puisse procéder à un prélèvement sans même le contrôle d'un magistrat.
    L'officier de police judiciaire aura entre les mains un moyen énorme de pression sur toutes les personnes mêlées à l'enquête puisque le refus est passible d'une condamnation de six mois à un an d'emprisonnement et à 7 500 euros d'amende.
    Ces nouveaux pouvoirs accordés aux policiers nous paraissent démesurés. Les conditions des prélèvements ne sont pas, selon nous, explicites et je pense qu'elles portent atteintes, comme les dispositions de l'article 15, au principe de la présomption d'innocence.
    Dans ces conditions, nous proposons de supprimer l'article 16 du projet de loi.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 151.
    M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, permettez-moi, avant de donner l'avis de la commission, de réagir à l'intervention de M. Mamère.
    Monsieur Mamère, vous vous appuyez sur l'article 16 pour tenter de désinformer la représentation nationale et, plus grave encore, l'opinion publique. En fait, en voulant intervenir sur l'article 16, vous n'avez parlé que de l'article 9, qui porte sur le STIC, le système de traitement des infractions constatées, et sur l'article 15, qui traite du FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques, deux articles dont nous avons longuement débattu ici même, de manière très constructive, sur tous les bancs de cette assemblée. Mais j'ai relevé que vous étiez alors absent...
    M. Noël Mamère. Pas toujours !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Quoi qu'il en soit, l'article 16 ne concerne en aucun cas le STIC ni le FNAEG. Il ne s'agit dans cet article que de prélèvements...
    M. Noël Mamère. Externes !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... de tous ordres, qu'ils touchent aux empreintes génétiques ou à l'écriture, autant d'éléments qui peuvent contribuer à faire évoluer efficacement un certain nombre d'investigations.
    Vous dites que les prélèvements seraient dangereux, alors que tant de drames et de crimes odieux ne sont pas résolus et que la police technique et scientifique pourra disposer de moyens d'investigation modernes pour élucider tant d'éléments restés dans l'ombre au cours des années passées.
    En fait, ce qui est dangereux pour vous, c'est de pouvoir élucider un certain nombre de crimes en procédant à des prélèvements qui permettent d'apporter des réponses concrètes à tous ces problèmes.
    Vous avez dénoncé le FNAEG, qui a déjà été évoqué à l'article 15, comme étant dangereux pour les libertés individuelles, pour les droits de l'homme et que sais-je encore ? Vous avez craint que l'on ne consulte le FNAEG dans le cadre d'un recrutement au sein d'une entreprise, par exemple. Vous traduisez là une grande méconnaissance du contenu du texte. En effet, la loi n'autorise en aucun cas la consultation du FNAEG. Vous confondez le FNAEG avec le STIC. Le FNAEG est un fichier non codant qui ne peut être utilisé pour avoir une information sur quelque citoyen que ce soit. Je vous dénie donc le droit d'affirmer que l'on consulterait le FNAEG dans le cadre d'un recrutement au sein d'une entreprise.
    Vous avez affirmé que la CNIL aurait dénoncé le projet de loi comme remettant en cause le principe de présomption d'innocence et portant atteinte aux libertés individuelles. Or la CNIL, dont la commission des lois a auditionné les représentants - mais vous n'étiez pas présent - est venue nous dire qu'elle souscrivait pleinement aux objectifs fixés par ce texte, tant en ce qui concerne le STIC que le FNAEG.
    Ainsi, votre démonstration contredit totalement tous ceux qui, depuis la CNIL jusqu'à ceux qui ont à gérer le STIC et le FNAEG, ont, en alimentant la réflexion, contribué d'une manière importante à la préparation du texte.
    Monsieur Gerin, vous nous avez proposé, en restant quant à vous, je vous reconnais ce mérite, dans le cadre des dispositions proposées, de supprimer l'article 16. Vous considérez que, par cet article, nous élargirons beaucoup trop les possibilités de prélèvements.
    Mais qu'il s'agisse d'un prélèvement buccal, destiné à alimenter le fichier national automatisé des empreintes génétiques, ou d'un simple prélèvement d'écriture, ce sont là autant d'éléments qui, pour la police technique et scientifique, peuvent grandement contribuer à l'établissement des faits dans le cadre d'une enquête.
    Je voudrais vous rassurer : lorsqu'un prélèvement sera opéré aux fins d'une expertise par empreintes génétiques, les seuls rapprochements qui pourront se faire ne concerneront que les empreintes génétiques des suspects. En aucun cas on ne pourra faire de rapprochement avec les empreintes génétiques d'un témoin - je dis bien : en aucun cas. Cela ne concernera que les suspects.
    Telles sont les précisions que je voulais apporter.
    Bien évidemment, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement de suppression.
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et les libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 151.
     Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement a le même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le rapporteur, vous voudriez me voir partout, mais je n'ai pas le don d'ubiquité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Christian Vanneste. Vous n'êtes pas souvent là !
    M. Noël Mamère. Nous sommes trois députés Verts non inscrits et ce n'est pas ma faute si le précédent gouvernement et le vôtre n'ont pas voulu instiller un peu de proportionnelle dans notre loi électorale, interdisant ainsi une juste représentation des familles politiques dans cet hémicycle. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Jean-Marc Roubaud. Hors sujet !
    M. Noël Mamère. Vous m'avez reproché de ne pas être présent en commission des lois lors d'une certaine audition. Mais si je suis membre de la commission des affaires étrangères, je ne suis pas membre de la commission des lois...
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Vous y avez été invité !
    M. Noël Mamère. C'est parce que j'ai lu avec attention le projet de loi que j'estime que les explications que vous venez de donner ne peuvent satisfaire personne.
    Je pourrai vous mettre au défi de demander à ceux qui suivent nos débats des tribunes ce qu'ils ont pu retenir de votre intervention.
    Savent-ils ce que sont le FNAEG et le STIC ou ce que signifie « croiser » des fichiers ?
    Après vous avoir entendu, je doute fort que l'on ait le sentiment que nos libertés sont protégées. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Vous ne pouvez m'accuser de m'être trompé d'article car dans tout le texte c'est de toute façon le même état d'esprit qui est défendu et, quoi que vous en disiez, le STIC et le fichier JUDEX de la gendarmerie peuvent être croisés. Vous pouvez toujours nous assurer que toutes les précautions seront prises, mais on sait ce que peut être la force du pouvoir scientifique par rapport à l'Etat de droit et aux barrières que nous essayons d'ériger.
    Tout à l'heure, mon collègue Alain Claeys a posé une question sur le clonage. Pouvez-vous me dire en conscience si le législateur que nous sommes a été capable d'ériger des barrières pour empêcher des apprentis sorciers de jouer avec l'identité de l'espèce humaine ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    La réponse à cette interrogation est évidemment négative car nous sommes en retard.
    Avec le projet de loi que vous défendez, vous ouvrez la porte à des apprentis sorciers, à des gens qui, non controlés démocratiquement - des crises politiques peuvent survenir -, pourront se servir de ce que vous aurez voté pour porter encore un peu plus atteinte aux libertés en mettant notre pays sous contrôle.
    Dans le meilleur des mondes, tout ira bien.
    Quant à nous, nous ne voterons pas votre texte.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Le Roux, Mme David et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 271, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 55-1 du code de procédure pénale :
    « Art. 55-1. - Si la nature du crime ou du délit est telle qu'il y a lieu de procéder à des prélèvements externes sur toute personne qui paraisse avoir participé au crime ou au délit, l'officier judiciaire peut y procéder, ou y faire procéder sous son contrôle, après autorisation du procureur de la République.
    « Afin de procéder à la réalisation d'examens techniques et scientifiques de comparaison des prélèvements ainsi recueillis avec les traces et indices prélevés pour les nécessités de l'enquête, il procède également, ou fait procéder sous son contrôle, aux opérations de signalisation nécessaires à l'alimentation et à la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun des fichiers.
    « Le refus de se soumettre aux opérations de prélèvement ordonnées par l'officier de police judiciaire sur autorisation du procureur de la République est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, j'ai renoncé à m'exprimer sur l'article 16 car j'ai préféré, comme nous l'avons fait depuis le début de la discussion, exposer la philosophie générale des amendements, au nombre de trois que nous avons déposés.
    Monsieur le ministre, ce qui est dangereux, ce ne sont pas les prélèvements : en l'occurrence, ce qui peut être dangereux, c'est le cadre dans lequel on autorise ces prélèvements.
    Puisque nous avons un fichier, il nous semble nécessaire qu'il puisse y avoir des prélèvements et que ceux-ci soient circonscrits au cadre de l'enquête elle-même. Différentes procédures doivent être prévues, liées aux différents cadres d'enquêtes : le flagrant délit, l'enquête préléminaire, l'exécution d'une commission rogatoire.
    Notre amendement n° 271 prévoit, comme le préconisaient les recommandations du rapport Delmas-Marty, l'intervention d'un magistrat qui autorise un prélèvement portant atteinte tant à la liberté individuelle qu'à l'intégrité de la personne.
    La référence « à toute personne concernée par la procédure » nous semble floue. Nous pensons qu'il est plus précis de viser les personnes qui paraissent avoir participé au crime et au délit dont il s'agit.
    Quant au refus de se prêter à un prélèvement, il nous semble que, par analogie avec le refus de se prêter aux prises d'empreintes digitales ou de photographies, il n'est pas nécessaire de prévoir plus de trois mois d'emprisonnement et 3 750 EUR d'amende.
    Comprenons-nous bien : il existe trois cadres d'enquête différents et nous souhaitons qu'il y ait des possibilités de prélèvements dans ces trois cadres. Mais ces prélèvements devront être bien encadrés pour respecter les libertés publiques. En dehors du flagrant délit, le contrôle d'un magistrat devra pouvoir s'exercer dès le début de la procédure. Nos amendements ne s'opposent pas à la prise d'empreintes, mais ils précisent la procédure mise en oeuvre.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Le Roux, vous avez parlé de fichier. Or, l'article 16 porte sur les prélèvements. Il ne définit pas une catégorie de fichier sur les prélèvements. La rédaction proposée par le Gouvernement est très précise : l'officier de police judiciaire « procède, ou fait procéder sous son contrôle, aux opérations de signalisation nécessaires à l'alimentation et à la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun de ces fichiers. » Cela signifie bien que si l'on s'aperçoit, au cours de l'enquête, qu'il convient d'abandonner cette démarche, les prélèvements ne seront jamais intégrés à aucun fichier. J'ai l'impression que vous avez opéré une légère confusion.
    Cela dit, votre amendement a été repoussé par la commission, car il restreint de façon excessive la portée du dispositif en limitant son champ d'application aux personnes qui paraissent avoir participé au crime ou au délit, c'est-à-dire, dans des termes peu juridiques, aux suspects. Néanmoins, je suis prêt à faire une partie du chemin avec vous, car sans doute faut-il préciser la rédaction de l'article 16. C'est pourquoi d'ailleurs Thierry Mariani a déposé un amendement permettant de renforcer la sécurité juridique du texte.
    En effet, l'article 16 concerne à la fois les suspects, les témoins et les personnes extérieures à la procédure, alors que l'amendement Mariani, qui reprend une partie du vôtre, vise à extraire du champ d'application de cet article les personnes extérieures à la procédure. C'est une démarche à laquelle je suis favorable.
    Par ailleurs, l'amendement n° 271 tend à aligner la sanction prévue par l'article 16, en cas de refus de se soumettre à un prélèvement, sur celle applicable en cas de refus de se soumettre à la prise d'empreintes digitales.
    Ce parallèle est peu convaincant, car la bonne référence en la matière est celle prévue pour les empreintes génétiques à l'article 706-56 du code de procédure pénale. Je vous propose donc, monsieur Le Roux, de retirer votre amendement au profit de l'amendement Mariani.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vous remercie, monsieur Le Roux, d'être revenu au coeur du débat, car, sans vouloir être désagréable, j'avais l'impression que nous en étions largement sortis.
    Vous souhaitez limiter l'application de l'article 16 à certains crimes ou délits, sans préciser lesquels, ce qui rend impossible l'adoption de cet amendement en l'état.
    Ensuite, vous nous demandez de retenir la notion de personne paraissant avoir participé au crime ou au délit, ce qui ne correspond à aucune notion connue dans le code de procédure pénale. Cela dit, je reconnais bien volontiers que l'on pourrait faire le même reproche à l'expression « toute personne concernée par la procédure » qui figure dans le projet de loi. Voilà pourquoi je fais miennes les remarques du rapporteur et j'attends l'amendement de M. Mariani, qui vise à préciser utilement la formulation du Gouvernement. Je ne suis donc pas favorable à votre amendement, même si je comprends le sens de vos suggestions.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Je sais bien, monsieur le rapporteur, que nous ne sommes pas là dans le cadre de la constitution d'un fichier. Néanmoins, le projet de loi précise bien que les prélèvements vont servir à « l'alimentation » du fichier, pas seulement à sa consultation. Ils ne seront donc pas uniquement comparés. Disons les choses clairement ! Dans un premier temps, toutes les empreintes relevées sur les lieux où cela vous paraîtra nécessaire constitueront la base du ficher national automatisé des empreintes génétiques, c'est-à-dire que le prélèvement tel que nous allons l'autoriser sera la source principale d'alimentation de ce fichier. S'il ne s'agit que de consultation, alors il faut retirer du texte le concept d'« alimentation ». Je pense avoir fait la bonne analyse. Il s'agit bien là d'un mécanisme qui permettra la confrontation des empreintes à des fins non simplement de comparaison, mais aussi d'alimentation du fichier.
    M. le président. La parole est à Pierrre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Monsieur Le Roux, il me semble que vous êtres là en contradiction avec la loi sur la présomption d'innoncence que vous avez défendue il n'y a pas si longtemps. En effet, la rédaction que vous proposez est beaucoup plus stigmatisante que celle du Gouvernement ou de M. Mariani. Lorsque vous parlez de toute personne qui paraît avoir participé au crime ou au délit, j'y vois déjà une certain suspicion. C'est une notion beaucoup trop restrictive. Il serait préférable d'envisager que toute personne pouvant apporter des éléments par rapport à l'enquête puisse faire l'objet de prélèvements. Pour ma part, je ne voterai donc pas cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani a présenté un amendement, n° 478, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 55-1 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "sur toute personne concernée par la procédure les mots : "sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause, ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. L'article 16 est particulièrement important puisqu'il encadre les opérations de prélèvements externes et de signalisation que les officiers de police judiciaire sont appelés à réaliser dans le cadre des enquêtes judiciaires.
    Afin de ne pas atténuer l'efficacité du texte, il convient de ne pas utiliser la notion de « personne concernée par la procédure », nouveauté de ce projet de loi. En effet, elle risque de faire l'objet de controverses jurisprudentielles, car elle est ambiguë et floue. Il me semblerait plus judicieux de préférer l'utilisation des expressions déjà présentes dans le code de procédure pénale aux articles 53 et suivants, c'est-à-dire celle de « personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause » ou de « personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction ».
    M. Richard Cazenave. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission, mais, comme je l'ai indiqué précédemment, je suis personnellement très favorable à son adoption, car il vise à renforcer la sécurité juridique d'un dispositif qui doit s'appliquer uniquement aux témoins et aux suspects.
    J'en profiterai pour répondre à M. Le Roux qu'en aucun cas les empreintes ne feront systématiquement l'objet d'un rapprochement sur le fichier. Elles obéiront aux règles de fonctionnement de chaque fichier. A aucun moment l'empreinte d'un témoin ne sera utilisée. Cela sera simplement le cas pour les suspects. Donc, ne généralisez pas, monsieur Le Roux ! L'amendement de M. Mariani vise quant à lui à apporter des précisions utiles et des garanties juridiques suffisantes.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est un débat très utile qui n'est qu'apparemment technique.
    Prenons l'exemple de l'affaire Caroline Dickinson. Dans le souci de voir la vérité se manifester, le juge avait organisé des prélèvements sur toute la population de Pleine-Fougères. Vous vous souvenez certainement du débat à l'époque ! Ces prélèvements, qui ont été utiles car ils ont permis d'innocenter des présumés coupables, n'ont pu être faits que dans le cadre du volontariat, car il n'y avait pas de base juridique. Et justement, tout ce que nous souhaitons faire, même si notre discussion peut paraître un peu absconse, c'est instaurer cette base juridique, car il n'est pas normal que l'on soit sur la base du volontariat dans des affaires de cette gravité.
    La rédaction proposée par M. Mariani est bien meilleure que celle du Gouvernement parce qu'elle reprend une notion qui figure déjà dans le code de procédure pénale. Il serait en effet parfaitement inutile, et même contre-productif, de voir coexister plusieurs notions, nous pouvons tous ici en convenir. Monsieur Mariani, dans le respect du code de procédure pénale, votre amendement permettra à un magistrat, dans une affaire comme le viol de la petite Caroline Dickinson, de faire des prélèvements non pas sur la base du volontariat, ce qui est ridicule, mais en disposant d'une base juridique certaine. Le Gouvernement y est donc favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 478.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, et M. Gérard Léonard ont présenté un amendement, n° 85 rectifié, ainsi rédigé :
    « A la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 55-1 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende les mots : "d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Il s'agit simplement de relever le niveau des sanctions prévues à l'encontre des personnes qui refusent de se soumettre à un prélèvement externe dans le cadre d'une enquête judiciaire.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Le Roux, Mme David et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 272, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 76-2 du code de procédure pénale :
    « Art. 76-2. - Si la nature du crime ou du délit est telle qu'il y a lieu de procéder à des prélèvements externes sur une personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction, avec son assentiment, l'officier de police judiciaire peut y procéder ou y faire procéder sous son contrôle.
    « Cet assentiment doit faire l'objet d'une déclaration écrite de la main de l'intéressé ou, si celui-ci ne sait pas écrire, il en fait mention au procès-verbal ainsi que de son assentiment.
    « La disposition du deuxième alinéa de l'article 55-1 est applicable. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Il est peu cohérent de prévoir, dans le cadre de l'enquête préliminaire, un prélèvement externe sans l'assentiment de la personne concernée. En enquête préliminaire, la perquisition et la saisie de pièces à conviction ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Cet amendement a été repoussé par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je reprendrai l'exemple de l'affaire Dickinson, monsieur Le Roux. Votre amendement aurait permis à certains habitants de Pleine-Fougères de refuser le prélèvement ! C'est un vrai débat. Le tout c'est de savoir si, quand on cherche le coupable d'un viol, on veut donner priorité à la liberté de refuser un prélèvement, ou si l'on trouve parfaitement normal de pouvoir décider d'effectuer celui-ci parce que l'on veut trouver le coupable. Ce n'est pas un débat médiocre ! En tout cas, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
    M. le président. La parole est à M. Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Il est vrai, monsieur le ministre, que les personnes auraient la possibilité de refuser le prélèvement dans un premier temps, mais le magistrat pourrait intervenir ensuite, dans le cadre de l'enquête préliminaire, pour que ce prélèvement soit effectué. Ce serait simplement une garantie. On ne pourrait certes pas tout faire au même moment, mais cela permettrait de respecter les différents stades de l'enquête et la capacité du magistrat à intervenir. Je ne suis pas convaincu que l'on perdrait du temps pour autant et les choses se passeraient ainsi dans le respect total de toutes les libertés.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est un choix !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Le Roux, Mme David et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 273, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 154-1 du code de procédure pénale :
    « Dans le cadre de l'exécution de la commission rogatoire, l'officier de police judiciaire peut procéder, ou faire procéder sous son contrôle, à un prélèvement externe sur une personne sur autorisation exprès du juge d'instruction saisi des faits. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Eu égard à la nature du « prélèvement externe », il nous semble normal que le juge d'instruction autorise cet acte. Dans une information judiciaire, l'officier de police ne doit pas exercer de contrainte sans l'accord du magistrat instructeur. Cet amendement a également le mérite de respecter les recommandations de la commission Delmas-Marty.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 273.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Article 17

    M. le président. Je donne lecture de l'article 17 :

Chapitre V
Dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme

    « Art. 17. - L'article 22 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne est ainsi modifié :
    « 1° Au premier alinéa, les mots : "les dispositions du présent chapitre, à l'exception de l'article 32, sont adoptées pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2003 sont remplacés par les mots : "les dispositions du présent chapitre, à l'exception des articles 32 et 33, sont adoptées pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2005 ;
    « 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
    « Le Parlement sera saisi par le Gouvernement, avant le 31 décembre 2003 et avant le 31 décembre 2005, d'un rapport d'évaluation sur l'application de l'ensemble de ces mesures. »
    La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l'article.
    M. Noël Mamère. Bien évidemment, nous ne voterons pas cet article puisque nous avions voté contre la loi relative à la sécurité quotidienne au cours de la précédente législature. En effet, l'article 17 vise à proroger jusqu'en 2005 les exceptions au droit pénal prévues par cette loi. Il s'agit, pour certaines infractions, d'autoriser le juge des libertés et de la détention à procéder, au cours d'enquêtes préliminaires, à des fouilles et des perquisitions hors des locaux d'habitation, ce qui nous semble contraire à l'idée que nous nous faisons des libertés. Pour illustrer les dangers de cette loi relative à la sécurité quotidienne, j'évoquerai la récente affaire du bagagiste de Roissy, qui avait été accusé de terrorisme pour avoir détenu des armes dans son coffre de voiture, alors qu'il s'agissait d'un complot familial.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est autre chose !
    M. Noël Mamère. Cela conduit à s'interroger sur la nocivité de l'extension de toutes ces procédures policières d'exception,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous confondez !
    M. Noël Mamère. ... d'autant que M. le garde des sceaux s'apprête à nous proposer, dans le cadre de son prochain projet de loi, une prolongation de la garde à vue jusqu'à quatre-vingt-seize heures avec la présence d'un avocat autorisée à la trente-sixième heure seulement. Cela confirme que la politique pénale et la politique dite de tranquillité publique sont axées sur la présence policière apparente, sur la répression, mais que rien n'est prévu pour protéger nos libertés, bien que nous soyons dans un pays démocratique.
    M. le président. MM. Le Roux, Blazy, Mme David et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 274, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 17. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, pourquoi donc vous acharnez-vous à briser le consensus qui, dans cette assemblée, lors de l'examen de la loi relative à la sécurité quotidienne, avait permis l'adoption de mesures dérogatoires au droit pénal et à la procédure pénale pour lutter contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants - nous avions ainsi pu éviter la saisine du Conseil constitutionnel sur une question dont il aura très certainement à débattre - à condition que le Parlement se saisisse à nouveau du problème au plus tard le 31 décembre 2003 ? Certes, la menace terroriste existe toujours et elle doit nous amener à faire preuve de la plus grande des responsabilités, à mesurer l'efficacité de ce dispositif, à en discuter. S'agissant de mesures dérogatoires à la procédure pénale, au droit pénal, nous devons néanmoins exercer une surveillance approfondie, et les résultats produits par ces mesures doivent être lisibles. C'est pourquoi il nous paraît justifier de pouvoir demander avant le 31 décembre 2003 aux services de police, à la justice, comment elles auront été appliquées. Nous ne comprenons pas pourquoi vous allez vers la pérennisation de ce dispositif en proposant un aussi long délai, au lieu de rester dans le cadre dérogatoire qui avait fait consensus dans cette assemblée il y a maintenant quelques mois.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Le Roux, vous nous parlez de rompre avec le beau consensus qui s'était établi au Parlement dans le cadre de la loi relative à la sécurité quotidienne. Mais nous vous invitons, au contraire, aujourd'hui à prolonger ce consensus. Nous étions alors dans l'opposition et nous n'avions pas hésité un seul instant, au lendemain du 11 septembre, à suivre la propositions du Gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme, parce qu'il y allait de l'intérêt majeur de la nation et de la protection de nos concitoyens. Ne me dites pas qu'aujourd'hui la menace terroriste est moins réelle qu'elle ne l'était au lendemain du 11 septembre ! C'est bien la raison pour laquelle le Gouvernement nous propose de proroger de 2003 à 2005 - nous sommes déjà en 2003 ! - les articles 24, 25, 26, 29, 30 et 31 de la loi relative à la sécurité quotidienne qui touchent aux perquisitions, aux visites par des agents de sécurité privée et surtout à la conservation des données. Qui plus est, alors que vous laissez supposer qu'il n'y aura pas eu de débat au Parlement au 31 décembre 2003, le Gouvernement s'engage à présenter au Parlement un rapport d'évaluation avant cette date. Je vous demande donc aujourd'hui de prolonger ce consensus que nous avions été capables d'établir avec vous à l'époque et de retirer votre amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En ce qui concerne d'abord l'affaire du bagagiste, il est clair que quinze jours de prison pour un innocent, c'est quinze jours de trop. Mais le fait que la police ait pu penser, au vu des éléments concrets, qu'il s'agissait d'une affaire liée au terrorisme a permis à la vérité d'éclater au grand jour plus tôt que s'il s'était agi, par exemple, d'une affaire de grand banditisme. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Toute personne qui examine ce dossier avec un peu de bonne foi comprend, et nous devrions le reconnaître tous ensemble. Les moyens que la police a mis en oeuvre pour trouver la vérité étaient à la mesure du risque qu'elle pensait avoir décelé, compte tenu des explosifs trouvés dans la voiture.
    On ne peut donc prétendre en aucun cas que la police ait mal travaillé. Tout ce que l'on peut dire, c'est que ce bagagiste malheureux avait une belle famille qu'on ne souhaite à personne de rencontrer ! (Sourires.) La police a mis quinze jours, soit ! Mais il faut savoir qu'il y a eu de nombreuses perquisitions, y compris chez l'oncle du suspect, lequel était parti à l'étranger, en l'occurrence en Algérie. Les policiers ont fait un travail remarquable, ce qui a d'ailleurs été accrédité par l'avocat du bagagiste. J'ai eu l'occasion de rencontrer Martine Monteil, hier, à la préfecture de police, et je lui ai demandé de transmettre toutes mes félicitations aux enquêteurs. Mais la qualité de leur travail n'enlève rien au fait que quinze jours de prison pour un innocent, c'est naturellement intolérable.
    Sur le fond, comme l'a rappelé le rapporteur, je déposerai un compte rendu sur l'application de ces mesures le 31 décembre 2003, ainsi que le 31 décembre 2004. Mais peut-être, monsieur Le Roux, m'autoriserez-vous à inverser le raisonnement. Vous me demandez de faire un rapport pour savoir si ces mesures sont utiles. Je pourrais vous renvoyer le compliment en vous priant de me démontrer en quoi elles ont porté atteinte aux libertés.
    Car qu'est-ce que je fais ? Je reprends des mesures proposées par mon prédécesseur socialiste et adoptées par l'Assemblée. Elles n'étaient pas, alors, attentatoires aux libertés. Mais vous, monsieur Le Roux, orateur talentueux du groupe socaliste, venez me dire : attention ! démontrez-nous que cela vous sert à quelque chose. Voici donc ma réponse : vous avez eu tout le temps de me démontrer qu'il y avait atteinte aux droits de l'homme ; puisque vous ne l'avez pas fait et que la menace terroriste est toujours la même, pourquoi ne pas continuer d'appliquer la très bonne idée de mon prédécesseur ? Je ne me sens que dans la pâle copie (Sourires), dans la continuité parfaite.
    Vous aviez voté pour il y a deux ans. Alors, je vous le dis amicalement : encore un petit effort, camarades, vous devez pouvoir voter pour maintenant ! (Sourires sur de nombreux bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman. Le camarade Sarkozy...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le compagnon Sarkozy !
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. J'ai tout à coup l'impression de me retrouver ailleurs ! (Sourires.)
    M. Bernard Roman. Quelque part où la sérénité règne toujours ! (Sourires.)
    M. Bruno Le Roux. Cela dit, monsieur le ministre, je ne peux pas souscrire à votre raisonnement, parce qu'il s'agit de mesures dérogatoires au code pénal et au code de procédure pénale, qui font disparaître une partie des protections normalement prévues. Nous devons bien entendu, en tant que législateurs, nous préoccuper en toute occasion de la lutte contre le terrorisme, mais nous sommes en droit de demander au Gouvernement comment ont été appliqués les textes votés par l'Assemblée nationale, avant de décider s'il est nécessaire de les pérenniser ou de les proroger. Il ne faut pas inverser les choses. Vous nous dites : prorogeons d'abord et faisons ensuite l'évaluation. Non, en matière de mesures dérogatories, ce qui nous semble le bon principe, c'est d'évaluer d'abord et de proroger ensuite.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Malgré les propos séducteurs du ministre, je pense qu'il convient de donner au Parlement la capacité d'expertiser ces mesures. C'est une proposition de sagesse, avant de décider une éventuelle pérennisation.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, et M. Gérard Léonard ont présenté un amendement, n° 86, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 17 :
    « L'article 22 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne est ainsi rédigé :
    « Art. 22. - Les dispositions du présent chapitre répondent à la nécessité de disposer des moyens impérieusement nécessaires à la lutte contre le terrorisme alimenté notamment par le trafic de stupéfiants et les trafics d'armes et qui peut s'appuyer sur l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Toutefois, les articles 24, 25 et 26 sont adoptés pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2005.
    « Le Parlement sera saisi par le Gouvernement, avant le 31 décembre 2003, d'un rapport d'évaluation sur l'application des dispositions du présent chapitre adoptées pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2005. Un second rapport lui sera remis avant le 31 décembre 2005. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Prorogation ou pérennisation ? Dans l'article 17 du projet du Gouvernement, il n'est question que de proroger. Dans mon amendement, par contre, je propose de pérenniser certaines des dispositions visées, celles qui touchent à la conservation et au déchiffrement des données informatiques, c'est-à-dire à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication par la cybercriminalité. Je vous ai soumis précédemment un amendement tendant à instituer de nouveaux délits pour donner à la police des moyens d'action dans la lutte contre la cybercriminalité et les réseaux qui s'y rattachent. Il me paraît justifié de profiter de l'examen de cet article pour pérenniser des dispositions qui seront de plus en plus utiles à l'avenir, aux forces de l'ordre pour mener à bien leurs investigations en matière de lutte contre toutes les formes de trafics : drogue, armes, pédophilie, prostitution, blanchiment d'argent.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, ce texte devient l'article 17.

Article 17 bis

    M. le président. Je donne lecture de l'article 17 bis :

Chapitre V bis

Dispositions relatives à la lutte contre la traite
des êtres humains et le proxénétisme

    « Art. 17 bis. - Après l'article 225-4 du code pénal, il est inséré une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis
« De la traite des êtres humains

    « Art. 225-4-1. - La traite des êtres humains est le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne, que celle-ci soit consentante ou non, des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit.
    « La traite des êtres humains est punie de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende.
    « Art. 225-4-2. - L'infraction prévue à l'article 225-4-1 est punie de dix ans d'emprisonnement et de 1 500 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise :
    « 1° A l'égard d'un mineur ;
    « 2° A l'égard d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
    « 3° A l'égard de plusieurs personnes ;
    « 4° A l'égard d'une personne qui se trouvait hors du territoire de la République ou lors de son arrivée sur le territoire de la République ;
    « 5° Lorsque la personne a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications ;
    « 6° Dans des circonstances qui exposent directement la personne à l'égard de laquelle l'infraction est commise à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
    « 7° Avec l'emploi de menaces, de contraintes, de violences ou de manoeuvres dolosives visant l'intéressé ou sa famille ;
    « 8° Par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne victime de l'infraction prévue à l'article 225-4-1 ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
    « 9° Par une personne appelée à participer, de par ses fonctions, à la lutte contre la traite ou au maintien de l'ordre public.
    « Art. 225-4-3. - L'infraction prévue à l'article 225-4-1 est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise en bande organisée.
    « Art. 225-4-4. - L'infraction prévue à l'article 225-4-1 commise en recourant à des tortures ou à des actes de barbarie est punie de la réclusion criminelle à perpétuité et de 4 500 000 euros d'amende.
    « Art. 225-4-5. - Lorsque le crime ou le délit qui a été commis ou qui devait être commis contre la personne victime de l'infraction de traite des êtres humains est puni d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle de l'emprisonnement encouru en application des articles 225-4-1 à 225-4-3, l'infraction de traite des êtres humains est punie des peines attachées aux crimes ou aux délits dont son auteur a eu connaissance et, si ce crime ou délit est accompagné de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances aggravantes dont il a eu connaissance.
    « Art. 225-4-6. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions prévues à la présente section. Les peines encourues par les personnes morales sont :
    « 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
    « 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39.
    « Art. 225-4-7. - La tentative des délits prévus à la présente section est punie des mêmes peines. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    En l'absence de M. Noël Mamère et de Mme Martine Lignières-Cassou, la parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Nous abordons avec l'article 17 bis un sujet fondamental et particulièrement sensible : le trafic des êtres humains et la prostitution.
    Le principal reproche que l'on peut adresser au texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre, est qu'il n'appréhende cette question que sous l'angle de l'ordre public. En adoptant une telle démarche, on résume de façon très lapidaire la problématique de la prostitution, qui ne saurait se réduire à l'aspect des nuisances, même si, évidemment, ce problème d'ordre public existe. En tant qu'élu du XVIIIe arrondissement de Paris, je ne le méconnais certes pas. Je ne fais pas partie des belles âmes qui nient cette réalité, d'autant plus d'ailleurs qu'elles en vivent éloignées...
    Mais les riverains qui ont à subir ces nuisances dans leur vie quotidienne reconnaissent eux-mêmes que les prostituées vivent dans des conditions insupportables de misère et de détresse. Et il est vrai aussi que le texte que vous nous présentez laisse apparaître un risque de stigmatisation de ces prostituées, démarche qui ne correspond pas à la façon dont les gens, y compris les victimes des nuisances, voient les choses.
    En second lieu, les gens ont le sentiment qu'en se limitant à une pure approche d'ordre public, on ne fait finalement que déplacer le phénomène. Là aussi, je ferai appel à mon expérience parisienne ; j'ai moi-même constaté que les opérations de police dans le bois de Boulogne avaient eu pour principale conséquence de renvoyer les prostituées sur les boulevards des Maréchaux, où elles sont apparues au début des années 90.
    Je plaide personnellement pour une approche globale. Il serait souhaitable que, comme les parlements d'autres pays l'ont fait - je pense à la Suède, aux Pays-Bas ou à l'Allemagne -, notre assemblée ouvre un débat sur la prostitution dans un autre cadre, qui permette à la France de définir une véritable orientation. Ainsi l'action publique pourrait s'appuyer sur des principes et ne plus s'en tenir à une simple réactivité par rapport à des phénomènes de nuisance.
    Bien évidemment, la question posée est aussi celle du respect du droit de chacun à disposer de son corps. C'est une liberté que je reconnais, mais dans la prostitution, surtout de la manière dont elle se pratique aujourd'hui, la question qui me semble essentielle est de savoir si l'on peut disposer du corps des autres. Il y a la liberté et il y a l'exploitation.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ah bon ?...
    M. Christophe Caresche. Dans le système prostitutionnel d'aujourd'hui, c'est largement l'exploitation qui domine. Et c'est d'abord à elle que nous devons répondre, à cette véritable forme de barbarie qui se développe depuis quelques années.
    Pour ma part, je le dis clairement, je souhaite que notre pays confirme l'orientation abolitionniste qui est la sienne depuis l'après-guerre. Il est difficile d'engager ce débat de fond au détour de simples mesures d'ordre public et je pense qu'un débat plus général serait nécessaire. Mais je voulais réaffirmer très fortement cette conviction.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. J'interviendrai dans le même sens que M. Caresche. Il est vrai que l'on ne peut aborder la question de la prostitution sans aller jusqu'au bout de la réflexion sur ce qu'elle signifie dans une société comme la nôtre.
    On nous dit que l'esclavage, que la traite des femmes augmente, mais si l'offre augmente, c'est bien pour répondre à une demande. Et l'on sait bien que la question la plus difficile à traiter est celle des clients. Ce sujet délicat, vous ne l'abordez pas, monsieur le ministre. Nous en avons discuté en commission, mais je pense moi aussi qu'il faudrait un autre débat, beaucoup plus large.
    Il est vrai que la répression du proxénétisme doit être renforcée, et nous vous suivrons sur ce point. La non-pénalisation des femmes prostituées fait aussi l'unanimité, et nous voudrions d'ailleurs qu'elles soient mieux aidées. Mais je pense que l'on ne peut pas aborder le sujet de la prostitution sans poser courageusement, au risque d'être incompris momentanément, la question des inégalités entre hommes et femmes.
    L'anthropologue Françoise Lheritier a prodigieusement démontré comment, à travers les époques et sur tous les continents, l'histoire de la domination masculine est d'abord fondée sur la volonté de domination du pouvoir de fécondité des femmes et ipso facto de leur sexualité, avec comme corollaire le plaisir qui naît de l'acte sexuel. Cette lutte constante pour s'approprier la fécondité - poussée à l'extrême dans les pratiques d'excision et d'infibulation, où le sexe des femmes est consu ou détruit pour s'approprier leur fécondité et mutiler leur plaisir sexuel - a imposé une conviction, érigée à tort au rang d'évidence : la pulsion masculine est licite et ne doit ni ne peut être réprimée dans son expression.
    M. Lionnel Luca. Mais qui dit cela ? C'est incroyable !
    Mme Ségolène Royal. Une autre version de cette idée reçue est la fameuse expression, que j'ai toujours dénoncée, selon laquelle la prostitution serait le plus vieux métier du monde. Non, la prostitution n'est pas le plus vieux métier du monde.
    Ce n'est que récemment que la légitimité absolue de la pulsion masculine a été enfin remise en cause, justement au nom de la protection des victimes. Je citerai les lois contre le crime de pédophilie, qui était même inconcevable au début de ce siècle ; la lutte contre le crime de tourisme sexuel ; l'institution par notre assemblée du crime de prostitution des mineurs ; et enfin l'adoption du délit de harcèlement sexuel. Autrement dit, la société évolue dans le bon sens puisqu'elle se pose progressivement la question de la légitimité absolue de la pulsion sexuelle des hommes.
    D'une certain façon, le débat sur la pornographie, sur le modèle des viols collectifs qu'elle véhicule, sur l'exhibition du corps des femmes comme marchandise dans la publicité, relève de la même question : celle d'une société qui incite au passage à l'acte. Les enquêtes effectuées auprès de jeunes collégiens et lycéens montrent une profonde dégradation des relations entre garçons et filles, une mise en valeur de la violence, comme si le contre-modèle pornographique servait d'éducation sexuelle. Les filles en sont victimes à travers les atteintes à la dignité qu'elles subissent, le harcèlement et la peur. Mais les garçons aussi sont victimes du modèle qu'on leur impose.
    Il faut extirper de l'inconscient collectif l'idée de la toute-puissance virtuelle des hommes, de la légitimité de toutes leurs pulsions, de leur droit sur des corps offerts à leur usage, bref l'idée de l'homme prédateur. Or notre société n'a jamais autant adulé l'encouragement des pulsions, tout en dissertant sur les droits des femmes et des victimes.
    Bien sûr, la question est difficile. Entre, d'une part, la responsabilité éducative d'une société qui assume le fait que l'éducation d'un adolescent, notamment, c'est d'abord la maîtrise de ses pulsions, que ce soit le vol, l'atteinte aux autres ou la pulsion sexuelle, et, d'autre part, l'ordre moral, où mettre le curseur, où fixer la frontière ?
    Je crois qu'il faut changer les constructions mentales archaïques par l'information, par l'éducation, en disant à tous que 90 % des prostituées sont des esclaves qui subissent les séquestrations, les coups, les mutilations, les exécutions. On a retrouvé l'année dernière, en Italie, seize corps de prostituées étrangères non identifiées, mutilées ou écrasées sur les autoroutes. En France aussi, cela existe sans doute, mais nous n'avons pas les chiffres. Dans ce contexte, la femme est une marchandise.
    Monsieur le ministre, on réprime sans discussion la pulsion de vol, de possession d'un objet d'autrui. Alors pourquoi tant de réticence à réprimer la pulsion sexuelle exercée sur une femme esclave ? On nous dit que la différence réside dans le paiement, que l'homme s'affranchirait de sa culpabilité par l'argent. Mais si le paiement affranchit peut-être celui qui paie, il asservit assurément la femme esclave.
    M. le président. Merci de conclure, madame.
    Mme Ségolène Royal. La problématique de la pénalisation du client va nécessairement être évoquée. Nous en avons voté le principe dans le cas de la prostitution des mineurs. Mais je pense qu'il est difficile de punir quelqu'un qui est persuadé de son bon droit puisque la société l'encourage à penser de la sorte. En revanche je pense que, comme en Suède depuis 1956 - car les Suédois ont attendu quarante ans avant de pénaliser le client -, un énorme travail d'éducation, d'information, un gigantesque travail pédagogique doit être fait, à l'éducation nationale, à la télévision, à l'intention des parents, afin que chacun sache que les prostituées, pour 90 % d'entre elles, sont des esclaves, et que recourir à un esclavage, c'est finalement y contribuer.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Puis-je intervenir maintenant, monsieur le président ? J'étais inscrite sur l'article.
    M. le président. En logique pure, lorsque l'on a passé son tour, on n'a pas le droit à une seconde chance. Cependant, pour la qualité du débat et compte tenu de l'importance du sujet, je veux bien vous donner la parole. Mais à bon entendeur pour la prochaine fois !
    Mme Martine Lignières-Cassou. Merci de votre courtoisie.
    Comme viennent de le dire les collègues qui m'ont précédée, notre réflexion est la conséquence de l'augmentation massive de la traite des êtres humains à des fins de prostitution. De ce point de vue, nous nous félicitons que le Sénat ait repris, aux articles 17 bis et suivants, le contenu de la proposition de loi sur la lutte contre l'esclavage moderne que nous avions votée au printemps dernier à l'Assemblée nationale, dispositions qui permettront de pénaliser lourdement les activités des réseaux de prostitution.
    Il s'agit d'un phénomène massif et collectif puisque, selon des estimations faites en l'an 2000, le nombre de prostituées en France s'élève à environ 15 000  et la part des prostituées étrangères, déjà de 70 %, est en très forte augmentation.
    La prostitution est en effet une source de profits pour les réseaux mafieux. Selon Interpol, le profit moyen pour un proxénète est de 100 000 euros par personne prostituée et par an. Cette somme constitue un capital de base, qui est ensuite réinvesti dans le trafic d'armes ou de drogue.
    Comme l'a rappelé à l'instant Ségolène Royal, le quotidien de ces femmes prostituées appartenant à des réseaux relève véritablement de la barbarie. Les auditions auxquelles la délégation avait procédé étaient éloquentes.
    Pour nous, il ne s'agit pas d'une question d'ordre moral, car la liberté est une valeur fondamentale. De ce point de vue, l'acte de se prostituer n'est pas illégal, d'autant qu'il ne nuit pas à autrui. C'est la raison pour laquelle nous condamnons toute logique répressive envers les personnes prostituées. Certes, la société n'a pas à régir les comportements des individus. Elle a toutefois le devoir d'affirmer des valeurs collectives. Une démocratie, ça vit avec un projet et des valeurs. A cet égard, nous refusons la « marchandisation » des êtres humains.
    Pour combattre efficacement les réseaux mafieux, il faudra donc interpeller le troisième acteur, qui est le client. Notre démarche consiste à poser une sanction symbolique du client comme moyen de penser l'éducation de la société dans son ensemble. Il s'agit non pas de stigmatiser, mais d'éduquer pour parvenir à un rapport homme-femme fondé sur l'égalité et le respect de l'autre. Nous avons commencé à mettre fin au sentiment d'impunité du client qui avait recours à des prostituées mineures dans la loi du 4 mars 2002. Il faut à présent élargir ce débat et dépasser le cadre des prostituées vulnérables, comme propose de le faire le texte.
    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, a présenté un amendement, n° 87, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 225-4-1 du code pénal, supprimer les mots : ", que celle-ci soit consentante ou non,. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Je veux tout d'abord rappeler à toutes fins utiles que nous n'en sommes pas encore à l'article 18 relatif à la prostitution. Les différents intervenants ont d'ores et déjà ouvert un débat que nous ne manquerons pas de reprendre dans quelques instants. Pour l'heure, nous en sommes à l'article 17 bis introduit par le Sénat avant les dispositions concernant les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine.
    Madame Royal, s'agissant des conditions d'esclavage dans lesquelles sont maintenues de nombreuses femmes, je ne peux que partager votre sentiment. J'observe toutefois que les situations que vous avez décrites sont davantage liées à la prostitution, même si l'on peut considérer que, pour certaines, cela relève de l'esclavage moderne. Permettez-moi également de souligner que 30 % des prostitués sont des hommes.
    L'article 17 bis, voté à l'unanimité par le Sénat, reprend la plupart des dispositions de la proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l'esclavage aujourd'hui, issue des travaux de la mission d'information sur les diverses formes de l'esclavage moderne, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale sous la précédente législature. La définition du délit de traite des êtres humain adoptée par le Sénat prévoit que l'infraction est constituée que la personne « soit consentante ou non ». L'amendement n° 87 vise à supprimer cette précision car, en France, seul compte le constat de faits caractérisés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement fait siennes les remarques du rapporteur. J'ajouterai que le nombre de personnes se livrant à la prostitution dans notre pays est évalué entre 15 000 et 18 000 et que, selon les services de police, les faits de proxénétisme ont progressé de 30 % en 2002. Ces deux chiffres me semblent éloquents. Ils montrent à la représentation nationale que le phénomène, loin d'être anecdotique, s'aggrave dans des proportions considérables. Peut-être en déduira-t-elle qu'il nous faut agir.
    A cet égard, je n'ai jamais prétendu que ce texte réglait tous les problèmes : il a vocation à en régler une partie seulement. Un certain nombre d'orateurs m'expliquent qu'il faut continuer à réfléchir et à travailler. C'est sûr et j'y suis prêt. Mais qu'eux-mêmes acceptent de commencer à agir. Les deux chiffres que je viens de citer sont suffisamment éloquents.
    L'article 17 bis tend à insérer dans le code pénal une section comportant sept articles pour le mettre en conformité avec la convention de Palerme. Celle-ci oblige en effet tous les Etats parties et signataires - et c'est un progrès des droits de l'homme - à ériger en dispositions spéciales le trafic des personnes dont son article 2 fixe la définition. Cette obligation internationale porte sur l'esclavage, la servitude, l'exploitation de la prostitution d'autrui, le travail forcé, les agressions et atteintes sexuelles et les prélèvements d'organes.
    Le Gouvernement ne s'opposera pas à l'amendement n° 87 qui peut néanmoins paraître curieux car, en droit pénal français, l'infraction est constituée même si la victime est consentante. C'est donc pour être en conformité avec la convention de Palerme que la commission propose cet amendement qui, en strict droit pénal français, n'a pas d'utilité.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, j'ai l'impression que vous avez fait une confusion. C'est le problème inverse qui se pose.
    M. Bernard Roman. Oui !
    M. Alain Vidalies. C'est l'amendement de M. Estrosi qui vise à supprimer la précision « que celle-ci soit consentante ou non », qui figure dans la rédaction du Sénat.
    Cette question est fondamentale. Je souhaite que le rapporteur et ceux qui ont voté cet amendement en commission comprennent bien que son adoption va entraîner de grandes difficultés. Une forme de juridisme exacerbé a conduit à proposer la suppression de cette précision qui n'est pas dans la tradition juridique française.
    Monsieur le ministre, même si vous avez fait le raisonnement à l'envers, vous avez eu raison de souligner que l'objectif était de se mettre en conformité avec une convention internationale qui a été ratifiée par le Gouvernement. Ayant été le rapporteur de la mission d'information sur l'esclavage moderne, je peux vous dire qu'il était essentiel que l'ensemble des Etats acceptent la définition proposée à Palerme. C'était le coeur de la discussion. Il serait extraordinaire que la France aujourd'hui fasse machine arrière.
    L'adoption de cet amendement ne manquera pas, en effet, d'interpeller les juristes et des leçons en seront tirées, soit en droit interne, soit en droit international. Pourquoi prendre un risque aussi grand alors que nous partageons tous les mêmes objectifs ? La représentation nationale devrait repousser cet amendement qui obéit à des principes juridiques purement formels et qui va à l'encontre de l'objectif poursuivi.
    M. Bernard Roman. C'est convaincant !
    M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Comme vient de le rappeler Alain Vidalies, le débat a porté à Palerme sur le problème du consentement ou non des prostituées certains pays reconnaissant la prostitution et n'étant pas abolitionnistes comme nous. Il a justement fallu introduire cette précision sur le consentement pour tenir compte des législations des différents pays. Certes, en France, cette distinction - « qu'elle soit consentante ou non » - n'a pas d'objet. Il n'empêche que si nous devons nous référer à une convention internationale, nous aurions peut-être intérêt à reprendre le texte tel qu'il a été arrêté à Palerme...
    M. Christophe Caresche. Et ratifié ici !
    Mme Martine Lignières-Cassou. ... et ratifié ici, en effet.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Vidalies, je vous rappelle que nous reprenons ici la rédaction du texte que vous aviez soumis au vote de l'Assemblée nationale...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le texte de Mme Lazerges !
    M. Bruno Le Roux. Mais qui n'avait pas encore été ratifié !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... et dont la rédaction nous paraissait meilleure que celle proposée par le Sénat. En outre, la notion de consentement ou non n'a pas d'objet dans le droit français. Seul le fait caractérisé importe. Si nous ne supprimons pas cette précision concernant le consentement à l'article 17 bis, nous allons être obligés de l'introduire dans tous les autres articles du code pénal où il est question de faits caractérisés.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Telle est la raison qui nous a conduits à en revenir à la rédaction que vous aviez vous-même proposée au vote de l'assemblée et qui nous paraissait plus correcte.
    M. Bernard Roman. Vous étiez de bonne foi, mais, depuis, il y a eu Palerme !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Comme l'a dit le rapporteur la commission a repris le texte de la précédente majorité. Certes, c'était avant la réunion de Palerme qui a donné lieu à des débats extrêmement intéressants et qui a pu mettre en lumière des problèmes juridiques - à cet égard, même dans un état de droit les foudres de M. Mamère ne sont pas loin ! Mais sur le fond, ce qui compte c'est que tous les Etats signataires prévoient des incriminations. J'ai donné un avis favorable au nom du Gouvernement à l'amendement de la commission parce que le fait que la personne soit consentante ou non ne change rien en droit pénal français.
    En tout état de cause, convenez que ce n'est quand même pas un point fondamental de la discussion. L'important est que cette incrimination de la traite des êtres humains soit retenue sans que nous ayons à créer une nouvelle conception. C'est déjà assez compliqué comme cela - M. Vidalies le sait parfaitement. La proposition de la commission va précisément dans le sens de la simplicité puisqu'elle ne remet pas en cause, fût-ce à la demande de Palerme, un principe existant.
    Le raisonnement du Gouvernement était simple : on reprenait la convention de Palerme, on ne compliquait pas notre droit pénal et on s'alignait en plus sur une proposition de loi socialiste. C'était, à mon sens, trois motifs de satisfaction. Apparemment, cela ne suffit pas ! (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Estrosi, rapporteur, a présenté un amendement, n° 88, ainsi rédigé :
    « A la fin du 7° du texte proposé pour l'article 225-4-2 du code pénal, substituer aux mots : "ou sa famille les mots : ", sa famille ou une personne étant en relation habituelle avec lui. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Cet amendement a pour objet de compléter la liste des circonstances aggravantes du délit de traite des êtres humains par la référence à l'usage de menace ou de manoeuvres dolosives à l'encontre d'une personne étant en relation habituelle avec la victime.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani a présenté un amendement, n° 22, ainsi rédigé :
    « Dans le 9° du texte proposé pour l'article 225-4-2 du code pénal, après le mot : "participer, supprimer le mot : "de. »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à éviter une redondance à un moment où un effort de simplification du langage administratif est consenti. Il est plus judicieux de substituer « par ses fonctions » à « de par » ses fonctions, expression dont le Littré explique qu'elle est issue d'une confusion avec l'ancienne forme « de part le roi », c'est-à-dire de la part du roi. » Plus « républicainement », l'expression « de par ses fonctions » n'est utilisée qu'une seule fois dans le code pénal à l'article 225-7, tandis que l'expression « par ses fonctions » est préférée aux articles 434-4, 434-33 et 434-35 du même code.
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas très clair !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Montebourg a présenté un amendement, n° 275, ainsi rédigé :
    « Après le texte proposé pour l'article 225-4-7 du code pénal, insérer l'article suivant :
    « Art. 225-4-8. - Le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant aux infractions prévues aux articles 225-4-1 à 225-4-6 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Bruno Le Roux. Oui.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La commission a accepté cet amendement de M. Montebourg...
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Cela explique peut-être l'absence de M. Montebourg ! Il était gêné que la commission ait accepté son amendement ! (Sourires.)
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... qui allège les modalités de la charge de la preuve en matière de lutte contre la traite des êtres humains. S'inspirant des dispositions applicables en matière de proxénétisme, il nous semble pouvoir renforcer l'efficacité de la répression. Nous y sommes donc favorables.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. L'absence de M. Montebourg ne doit pas décourager les bonnes volontés ! (Sourires.) Cet amendement me semble intéressant dans la mesure où il prévoit une incrimination qui existe déjà aussi en matière de trafic de stupéfiants. Mais peut-être faudrait-il prévoir que l'inversion de la charge de la preuve doit concerner non seulement les personnes vivant avec les auteurs de traite des êtres humains, mais également les victimes de celle-ci.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 17 bis, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 17 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 17 bis

    M. le président. Mme Lignières-Cassou, Mme Bousquet et M. Caresche ont présenté un amendement, n° 278 corrigé, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 bis, insérer l'article suivant :
    « Le code pénal est ainsi modifié :
    « 1° L'intitulé de la section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II est complété par les mots : "ou d'un majeur ;
    « 2° Après l'article 225-12-4, il est inséré un article 225-12-5 ainsi rédigé :
    « Art. 225-12-5. - Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de 3 750 euros d'amende. Avec l'accord du condamné, la juridiction peut substituer à la peine d'amende une obligation d'effectuer un stage ou une formation dans un service ou organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois. »
    Sur cet amendement, Mme Boutin a présenté un sous-amendement, n° 484, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 278 corrigé par les mots : "ou l'obligation de suivi d'un traitement médical ou psychologique. »
    La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour soutenir l'amendement n° 278 corrigé.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Ainsi que je l'ai indiqué en intervenant sur l'article 17 bis, la démarche que j'ai suivie, avec mes collègues Mme Bousquet et M. Caresche, pose la sanction symbolique du client comme moyen de penser l'éducation de la société dans son ensemble. Il ne s'agit pas de stigmatiser le client mais de l'éduquer à un rapport homme - femme fondé sur l'égalité et le respect de l'autre, selon une méthode déjà suivie en Suède ou aux Etats-Unis.
    Nous n'avons pas d'autre moyen que celui de poser l'acte comme étant un délit pour pouvoir proposer des stages alternatifs à l'amende, avec l'accord du client, bien entendu. Cet amendement tend donc à sensibiliser et à responsabiliser le client.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Votre amendement, madame Lignières-Cassou, a été repoussé par la commission, mais il est intéressant à bien des égards, d'autant qu'il anticipe sur l'article 18 en abordant le problème de la prostitution.
    En effet il propose de punir, dans le cadre du chapitre relatif à la traite, de 3 750 euros d'amende le fait de recourir aux services d'une prostituée. C'est-à-dire que, avant que nous n'abordions l'article 18 sur la prostitution, vous voulez introduire la notion de sanction à l'égard des clients.
    Le débat sur la prostitution aura lieu dans quelques instants, même si vous l'avez déjà largement anticipé, et vous voulez pénaliser le racolage sous toutes ses formes.
    Néanmoins quelques réflexions s'imposent à ce moment de notre débat.
    D'abord, traiter de la question de la prostitution dans le cadre du chapitre relatif à la traite est une idée très intéressante, madame Lignières-Cassou, parce qu'elle est conforme aux intentions du Gouvernement. Toutefois, ce choix est difficile à mettre en oeuvre pour des raisons pratiques. En effet, il faudrait reprendre l'intégralité des mesures proposées par le Gouvernement, ce que ne fait pas votre amendement et accepter, en conséquence, que tous les amendements dans l'article 18, déposés par des députés de tous les groupes de cette assemblée sur la question de la prostitution tombent, ce qui ne me paraît pas très respectueux du Parlement.
    Il serait dommage d'adopter votre amendement à cet instant alors que nous allons, j'en suis convaincu, avoir, dans quelques instants, un débat passionnant sur l'article 18 et sur la prostitution, dans lequel chacun aura à coeur d'apporter sa contribution. Or l'adoption de votre amendement ferait tomber toutes les autres propositions, rendant inutile le travail effectué par les parlementaires.
    M. Michel Pajon. Ce n'est pas convaincant !
    Mme Martine Lignières-Cassou. Et sur le fond ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Ensuite, la pénalisation des clients proposée par l'amendement a soulevé autant de protestations que la pénalisation du racolage proposée par le Gouvernement.
    M. Bruno Le Roux. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. D'ailleurs, un article important, après d'autres, dans un grand quotidien du soir, renvoie la droite et la gauche dos à dos à cet égard. Il semble même que l'opposition soit divisée sur ce sujet. Sur vos bancs, en effet, j'ai entendu certains réagir à cette proposition pourtant présentée par des députés socialistes. Elle ne fait pas l'unanimité, c'est le moins que l'on puisse dire. Cela montre bien que le problème est complexe et qu'il est préférable d'être modeste sur ce sujet.
    Par ailleurs, la sanction contre le client est un choix qui permet de se donner bonne conscience, mais qui me paraît inadapté et inefficace. La sanction est qualifiée de symbolique par M. Caresche dans la tribune publiée par ce même quotidien. Il s'agit tout de même de 3 750 euros : c'est un symbole un peu coûteux, monsieur Caresche !
    M. Christophe Caresche. Vous connaissez l'échelle des peines !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Elle interdirait de facto la prostitution, une évidence, bien que vous vous en défendiez dans l'article précité. C'est un choix, c'est un jugement moral, mais la majorité, plus modeste sans doute, se contente d'agir contre les réseaux pour que cette activité ne puisse pas se développer dans des conditions qui s'apparentent à de l'esclavagisme.
    Nous avons fait le choix de la lutte contre les réseaux, alors que vous avez fait celui de la lutte contre les clients et contre la prostitution elle-même, mais cela ne permettra pas d'agir pour aider les victimes. La prostitution ne disparaîtra pas pour autant, vous le savez bien. En revanche, les forces de l'ordre n'auront plus aucun moyen d'action pour soustraire certaines personnes de la voie publique et obtenir des informations, dans le cadre d'une garde à vue notamment.
    En définitive, si l'objectif commun est bien de lutter contre les réseaux mafieux qui exploitent la misère d'autrui, la seule solution réellement efficace ressort de l'article 18 proposé par le Gouvernement. Cet amendement permettrait sans doute de déstabiliser à la marge le milieu de la prostitution mais, malheureusement, sans réelle efficacité, notamment pour les victimes. La commission l'a donc rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement va demander le rejet de l'amendement, mais je veux souligner que l'une des difficultés en matière de prostitution tient à l'existence de véritables écoles de pensée. Certes, chacun a ses convictions, mais ces écoles de pensée ont un côté absolu qui oblige à choisir entre des inconvénients et à se positionner en fonction des solutions proposées pour combattre ce fléau.
    J'ai essayé de proposer une démarche plus pragmatique dans la ligne de ce qui existe. Ainsi le code pénal punit déjà les clients qui paient des prostituées mineures. J'ai donc demandé, par instructions écrites, aux services de police et de gendarmerie d'appliquer rééllement cette disposition qui, convenons-en, demeurait souvent théorique. Depuis, des décisions judiciaires sont intervenues en la matière, monsieur Caresche ; cela faisait bien longtemps que le tribunal correctionnel de Paris n'avait pas eu à sanctionner des clients de prostituées mineures.
    M. Claude Goasguen. C'est exact !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous vous proposons d'aller un peu plus loin, sans pour autant choisir telle ou telle stratégie. Ainsi l'article 18 donnera la possibilité de sanctionner les clients de prostituées en état de particulière vulnérabilité, en particulier les prostituées enceintes et les prostituées handicapées. Nous venons d'ailleurs de démanteler un réseau scandaleux de malheureuses prostituées sourdes et muettes. Nous considérons, en effet, qu'il faut vraiment sanctionner les clients de prostituées en état de particulière vulnérabilité.
    En fait, nous demandons à l'Assemblée nationale d'accepter un développement progressif de la pénalisation des clients, sans pour autant lui donner un aspect moral général. Je ne dis pas pour autant que tous les partisans de la sanction du client soient animés par ce sentiment ; respectons les convictions des uns et des autres. Evaluons le résultat de cette évolution et voyons ce qu'elle donne. A cet égard, l'expérience suédoise, que j'ai étudiée avec beaucoup d'intérêt, n'est pas très concluante. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine Lignières-Cassou. Si !
    Mme Ségolène Royal. Ce n'est pas vrai ! La prostitution a énormément diminué !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'essaie de trouver une voie qui fasse abstraction de toute considération idéologique. Je vous propose donc de développer la pénalisation pour certains clients puis d'en évaluer les résultats avant de décider ce qu'il conviendra de faire.
    D'aillleurs, j'ai le sentiment que le débat sur la prostitution et sur la façon de lutter contre elle ne sera pas épuisé par la discussion d'aujourd'hui. En tout cas, nul ne pourra prétendre que nous ne faisons rien, les uns et les autres, face à ce fléau.
    M. Lionnel Luca. Absolument !
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre le sous-amendement n° 484.
    Mme Christine Boutin. C'est la première fois que je prends la parole dans la discussion de ce texte sur la sécurité intérieure, projet important puisqu'il peut permettre la clarification des fondamentaux de notre société.
    Alors que, pour certains, il s'agit d'un texte exclusivement répressif, pour d'autres, dont je suis, il participe à rétablir l'autorité de l'Etat qui va centrer ses préocupations sur les plus faibles, les victimes en particulier.
    En ce qui concerne la prostitution, les orientations retenues sont bonnes dans leurs principes. Toutefois, monsieur le ministre, je m'étonne que rien ne soit clairement proclamé contre le client. La gauche s'est exprimée sur ce sujet, s'arrogeant le droit, comme chaque fois qu'elle édicte des limites aux libertés, de justifier sa décision par la nécessité pour tous les membres de la société édicte de partager des valeurs communes. En revanche, lorsque d'autres agissent avec la même préocupation, elle parle d'ordre moral. Je voudrais que l'on en finisse avec le totalitarisme de cette formule.
    Qui est contre l'ordre ? Pas nous. Et la morale ? Quand on s'appuie sur des valeurs, on parle, mesdames et messieurs de la gauche, aussi, de morale.
    Mon amendement tend donc à traduire ma préoccupation que soit respectée la dignité de toute personne en plaçant tous les acteurs à égalité. En effet, dans la prostitution, il y a, a minima, deux partenaires. Il convient donc que le client soit sanctionné afin de montrer que la volonté de la France est de tendre vers l'abolition de la prostitution.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Dès lors que la commission a été hostile à l'amendement, elle aurait été défavorable à ce sous-amendement qu'elle n'a pas examiné.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Il est vrai que ce débat transcende les clivages politiques traditionnels. Il partage chacune des familles politiques, ainsi d'ailleurs que le mouvement associatif qui travaille sur la question de la prostitution.
    Certes nous sommes pratiquement tous favorables à la disparition de la prostitution, tant des femmes, d'ailleurs, que des hommes, puisque celle-ci se développe. Les Verts considèrent même que la prostitution constitue une oppression pour la personne prostituée.
    La première question qui mérite d'être posée est celle de savoir s'il s'agit simplement de faire disparaître la visibilité de la prostitution ou si l'on veut agir pour aider les personnes prostituées à en sortir.
    En effet, les réponses varient en fonction du choix opéré. Certes, ayant été élue pendant six ans du xxe arrondissement de Paris, avec le cas bien connu du cours de Vincennes et des boulevards extérieurs, je ne mésestime pas les conséquences de la prostitution sur certains quartiers. Néanmoins, ce problème spécifique peut être traité autrement qu'en s'en prenant aux personnes prostituées, notamment en accroissant les moyens des associations qui essaient d'aider ces dernières. Il faut mener avec elles un travail en commun, par exemple, pour éviter que les résidents doivent ramasser les préservatifs ou que les enfants soient les premiers au spectacle. Cela est possible si l'on renforce l'action de ces associations.
    A première vue, la proposition de sanctionner le client peut paraître séduisante : considérant que les prostituées sont des victimes, il semble normal de frapper ceux qui sont la cause de la prostitution. Malheureusement, comme nous ne sommes pas dans une société idéale, cela va aboutir au passage des prostituées dans la clandestinité. Cette critique vaut d'ailleurs également pour l'article 18, car toute mesure qui pousse à la clandestinisation de la prostitution, loin de réduire le poids des réseaux de prostitution, les renforce et fragilise les personnes qui se livrent à la prostitution en les plaçant dans une situation de dangerosité.
    Par conséquent, si nous sommes d'accord pour renforcer la lutte contre les réseaux de prostitution, nous sommes hostiles à l'aggravation des peines contre les prostituées ainsi que le prévoit l'article 18. D'ailleurs, je n'estime pas que l'amende de 3 750 euros proposée par l'amendement soit vraiment symbolique ! A cet égard, l'article 18, qui prévoit aussi ce montant d'amende, y ajoute la possibilité de six mois d'emprisonnement.
    Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, nous ne considérons pas que l'article 18 soit la base d'une vraie lutte contre les réseaux. Il ne fera qu'accroître le danger pour les prostituées, sans régler la question.
    C'est pourquoi nous sommes opposés tant à cet amendement qu'à l'article 18, bien que nous soyons favorables au renforcement de la lutte contre les réseaux de prostitution.
    Quant au sous-amendement, si j'ai bien compris, il semble considérer que toutes les personnes qui vont voir les prostituées sont des malades mentaux. Dans d'autres pays, ce raisonnement a parfois abouti à leur enfermement. Cela peut effectivement être une solution, mais je ne crois pas qu'une telle vision de la situation corresponde à la réalité.
    De plus en plus souvent, malheureusement, dans notre société, certains se retrouvent seuls, enfermés. Ils peuvent donc chercher une solution dans des agences matrimoniales ou dans des réseaux de petites annonces, mais d'autres préfèrent essayer la prostitution. La lutte contre la prostitution passe donc aussi par la lutte pour une société plus humaine, favorisant les rencontres entre les gens afin que ces derniers ne soient pas amenés à rechercher ce type de relation pour essayer de combler un manque affectif.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Je m'abstiendrai dans le vote sur cet amendement, mais je veux souligner qu'il a eu le mérite d'ouvrir un débat intéressant.
    Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, la volonté de placer la disposition proposée dans le chapitre du code pénal relatif à la traite des êtres humains est judicieuse, car il s'agit bien de la prostitution forcée - j'aurais d'ailleurs aimé que cela apparaisse plus clairement - il est question non pas de toutes les personnes qui se livrent à la prostitution mais de celles qui sont victimes de la prostitution forcée.
    J'ai bien entendu l'argument selon lequel la pénalisation du client risque de renvoyer les prostituées à la clandestinité. Il nous avait déjà été opposé quand nous voulions lutter contre la prostitution des mineurs. Néanmoins, il ne me paraît pas dirimant. Au contraire, l'idée de pénaliser les clients, sur laquelle il faut continuer à travailler, me semble très utile, parce qu'elle est dissuasive pour les proxénètes.
    Cette décision, monsieur le ministre, a été très efficace en Suède, non pas parce que beaucoup d'hommes ont été condamnés, mais parce que les proxénètes ont eu peur. Elle a donc eu un effet dissuasif sur le proxénétisme. D'ailleurs, qu'il s'agisse de femmes ou d'hommes prostitués, les clients sont toujours des hommes. C'est pourquoi je n'avais pas donné cette précision tout à l'heure, monsieur le rapporteur.
    Par ailleurs, de nombreuses femmes ont dit que si la prostitution avait été interdite, elles n'auraient pas été mises sur le trottoir. La sanction des clients proposée vise non pas la prostitution en général, mais la prostitution forcée, laquelle est proche de la traite des êtres humains et représente 90 % de la prostitution aujourd'hui en France.
    Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, je ne crois pas qu'il y ait plusieurs écoles de pensée dans ce domaine. En effet, nous sommes tous d'accord pour condamner l'esclavage, et c'est bien de cela qu'il s'agit. Par conséquent, toute personne achetant un service qui renforce l'esclavage a une responsabilité. Tel est le message qui doit passer. Or, actuellement, dans la société française, il n'est pas donné. Nous vivons même dans un système complètement hypocrite, puisque l'Etat prélève des recettes fiscales sur les prostituées. Le message n'est donc pas clair, mais on ne peut pas passer brutalement d'une société hypocrite à une société qui pénalise le client.
    Pour faciliter l'évolution, il faudrait, monsieur le ministre, engager un travail d'éducation et de communication extrêmement fort, comme cela a été fait en Suède où, dans les écoles et à la télévision, ont été martelés des messages sur l'égalité entre les sexes et l'illégitimité d'acheter un corps. En France, cela ne devrait pas être très difficile : puisque la vente du sang ou d'organes est interdite, celle d'un corps doit l'être aussi et elle doit être condamnée en tant que telle comme une atteinte intolérable à l'intégrité des victimes.
    Cela étant, il faudra, un jour, en venir à la pénalisation des clients. Ce travail doit donc être poursuivi, mais il faut préciser qu'il s'agit de la prostitution forcée. Cela pourrait être précisé par un sous-amendement à l'amendement n° 278 corrigé.
    En tout état de cause, je souhaite que soit engagée une campagne, à l'image de ce qui a eu lieu en Suède. Dans la ligne de ce débat, il faut montrer clairement que nous n'adhérons pas à cette idée archaïque de la pulsion légitime, de l'homme prédateur, des corps à vendre, de la société qui banalise le passage à l'acte. Autrement dit, l'éducation doit enseigner la maîtrise des pulsions, le respect de la vie des autres, le fait qu'un corps ne s'achète pas. Cela c'est essentiel, et si ce débat nous a permis de progresser dans cette voie, il n'aura pas été inutile.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. D'abord, je vous remercie, madame Royal, de la façon dont vous évoquez cette question. Je crois qu'aucun de nous ne pense détenir la vérité ! Oui, il y a beaucoup d'hypocrisie, parce que tous ceux qui sont en situation de responsabilité ont du mal à voir comment s'attaquer au problème sans franchir des lignes jaunes, et il faut en sortir, vous avez raison, mais que dire alors de cette hypocrisie qui fait que le racolage actif est puni pénalement mais pas le racolage passif, pour lequel on ferme les yeux ?
    Il y a des arguments en faveur de la pénalisation du client, mais convenons que, si on pénalise la demande, on doit aussi pénaliser l'offre.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. On ne peut laisser aucune ouverture aux proxénètes.
    Vous dites à juste titre que les signaux ne sont pas envoyés clairement. Que dire alors de proxénètes qui peuvent mettre sur nos trottoirs des malheureux ou des malheureuses, prisonniers de filières scandaleuses ? Que voudrait dire l'Assemblée nationale si elle assimilait la prostitution à de l'esclavagisme mais fermait les yeux sur l'exposition de la prostitution ? Si la prostitution, c'est de l'esclavagisme, ne laissons pas les proxénètes mettre leur « produit » gratuitement sur nos trottoirs sans rien dire !
    M. Claude Goasguen. Tout à fait !
    M. Jean-Marie Le Guen. Cela me paraît clair.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dans la lutte contre l'hypocrisie, croyez-bien que je répondrai présent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    On risque alors de les pousser en hôtel, peut-on dire, Cet argument n'est pas faux, et je reconnais bien volontiers que ce que je vous propose peut avoir des conséquences non voulues, mais mieux vaut prendre le risque - et on s'attaquera aussi au proxénétisme en chambre d'hôtel ou en appartement - que de ne rien faire.
    Je ne comprendrais pas que l'on se scandalise du sort de ces malheureuses et que l'on demande à la police et à la gendarmerie de les laisser sur le trottoir sans s'en occuper. La lutte contre l'hypocrisie doit avoir lieu à tous les niveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est évidemment difficile de légiférer sur un tel sujet. La société a souvent du mal à se regarder elle-même quand il s'agit de sexualité, et encore plus pour la prostitution.
    En fait, le Gouvernement nous propose de faire évoluer la législation principalement parce que les formes de proxénétisme et de prostitution, les formes de réseaux de traite humaine, ont évolué ces dernières années, on l'a vu très souvent dans les médias, avec l'arrivée de réseaux mafieux d'une violence inouïe à l'encontre des femmes ou des hommes qui en sont les victimes.
    Il nous est proposé dans cet amendement de pénaliser le client. Nous étions réservés quand le Gouvernement a proposé une pénalisation de la prostitution, et le ministre vient d'ailleurs d'exprimer lui-même les doutes que l'on peut avoir à ce sujet. Le débat a eu lieu en commission et nous sommes désormais convaincus que c'est un moyen de sauver quelques personnes parce que, aujourd'hui, face à ce type de prostitution, nous n'avons pas la réponse dans l'arsenal législatif, mais nous ne croyons pas que la pénalisation du client soit une bonne solution. Vous avez raison sur le caractère moral de la mesure...
    Mme Ségolène Royal. Je ne parle pas de morale !
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... mais on cherche l'efficacité. Ne soyons pas hypocrites. Une telle mesure concernera celui qui, en voiture, sur le bord d'un trottoir, s'adresse à une prostituée, mais la prostitution mondaine, celle que l'on trouve dans les salons, qui se paie beaucoup plus cher et qui n'est jamais sur un trottoir, ne sera pas touchée. J'entendais des discours sur les inégalités. Il y en une là aussi !
    Par ailleurs, que signifie vouloir interdire la prostitution alors que l'on trouve en vente libre, chez n'importe quel marchand de journaux, des magazines dans lesquels on voit des jeunes hommes ou des jeunes femmes assez largement dénudés avec leur numéro de téléphone et que l'on sait parfaitement que ce sont des prostitués qui reçoivent à domicile. Que veut dire alors racolage actif ou racolage passif ?
    L'exemple de la Suède n'est pas si convaincant que cela. Il existe d'autres expériences comme celle qui ont eu lieu dans certains Etats aux Etats-Unis. Il est difficile de considérer le client comme un délinquant, mais il faut lui expliquer ce qu'il est en train de faire. Les personnes arrêtées sont amenées devant d'anciennes prostituées qui leur expliquent ce qu'elles ont vécu, qui les mettent en face d'une vérité absolue, c'est qu'ils n'ont pas un « tas de viande » en face d'eux, mais des êtres humains utilisés et exploités. C'est un peu ce qu'on fait parfois pour les accidents de la route. Certains pensent que c'est facile, qu'en lâchant quelques euros ils obtiennent ce qu'ils n'arrivent pas à trouver ailleurs. On veut leur démontrer qu'ils ne sont pas en train d'acheter une marchandise, mais qu'ils agressent gravement une personne qui n'est pas forcément volontaire.
    C'est davantage vers un tel travail social en direction du client que nous devrions nous orienter. Bien sûr, il y a une réalité de la prostitution ; ce n'est pas le plus vieux métier du monde, mais c'est sans doute une des plus vieilles réalités du monde et elle ne disparaîtra pas du jour au lendemain. C'est le meilleur moyen de montrer que ce n'est pas un acte simple et innocent d'aller voir une prostituée et qu'en payant on dégrade la personne qu'on a en face de soi. Nous préférons un tel système à la pénalisation. C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.
    Mme Martine Lignières-Cassou. D'abord, monsieur Lagarde, on ne légifère pas sur la sexualité, je vous rassure.
    Monsieur le rapporteur, il est faux d'opposer lutte contre les réseaux et responsabilité du client.
    Monsieur le ministre, on ne peut pas établir un parallèle entre la pénalisation du client et celle des prostituées. Je trouve votre discours contradictoire. Vous n'avez cessé de dire que les prostituées étaient des victimes, et vous voulez en plus les pénaliser !
    Non, madame Boutin, le client n'est pas un malade, il n'est pas déréglé. Comme vient de le dire M. Lagarde, il est inconscient : dans la mesure où il paie, il est quitte. C'est la raison pour laquelle les actions de sensibilisation menées aux Etats-Unis me paraissent très intéressantes. Mais, pour pouvoir mener de telles actions, nous sommes obligés de pénaliser le client. C'est le seul moyen juridique que nous ayons. Nous n'avons aucune envie de stigmatiser le client, parce que c'est bien un travail d'éducation et de responsabilisation qu'il nous faut faire, mais, pour cela, il nous faut reconnaître que l'achat de service est un délit. Je suis d'accord avec vous sur la nécessité d'une démarche éducative au sein de l'école, de campagnes de responsabilisation, de communication sur le respect de l'autre, mais il faut aussi agir envers le client. Moi je n'oppose pas la lutte contre les réseaux mafieux et la responsabilité du client.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame Lignières-Cassou, nous avons un point de désaccord : en pénalisant le racolage, on pénalise le proxénète et pas la prostituée.
    M. Dominique Le Mèner. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si l'on suit votre raisonnement, la prostituée n'est pas libre, elle est esclave. Elle n'est donc pas sur le trottoir de son plein gré. C'est le proxénète qui l'y a mise.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le fait d'être sur le trottoir n'est pas un acte de liberté, vous l'avez dit vous-même. En pénalisant le racolage, on pénalise le proxénète et pas la prostituée.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est clair !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je le répète, je ne prétends pas détenir la vérité, j'essaie de trouver une piste.
    Comme l'a dit Mme Royal, la prostitution n'est pas le plus vieux métier du monde. Ce n'est pas une activité normée. Ce n'est pas une liberté que de pouvoir se mettre sur un trottoir pour faire des rencontres sordides. On peut avoir d'autres idées mais, pour moi, si le racolage n'est pas pénalisé, on favorise le proxénète...
    M. Lionnel Luca. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... qui peut en toute liberté mettre des produits sur le trottoir.
    Il y a au moins, reconnaissez-le, une logique et une cohérence dans la politique que je vous propose : puisque ces filles ou ces hommes sont des esclaves, on va frapper au portefeuille les proxénètes qui les mettent sur le trottoir. En rendant impossible la mise sur le trottoir, on rend la vie impossible aux proxénètes et pas à ces malheureuses.
    Second argument, ces prostituées étrangères qui sont dans notre capitale ou nos villes ne connaissent personne, ne parlent pas un mot de français, et vivent dans des chambres sordides, menacées physiquement par des proxénètes sans scrupules. Si on les sort du trottoir, on les sort de ces réseaux et on pourra les sortir de l'esclavagisme. Il est totalement contradictoire de dire qu'elles sont esclaves mais qu'on peut les laisser sur les trottoirs.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Un dernier mot, vous ne m'avez pas dit en quoi il était logique de garder la situation actuelle : un racolage actif pénalisé et un racolage passif légalisé. Ce n'est pas moi qui invente la pénalisation du racolage, elle existe. Qu'il soit actif ou passif, traitons-le de la même façon. Sinon, pour mettre un terme à l'hypocrisie, que le racolage ne soit pas du tout pénalisé !
    La situation actuelle est monstrueuse d'hypocrisie, je dirai même qu'elle laisse à la police un pouvoir d'appréciation qui ne correspond pas à l'idée que je me fais des droits de l'homme. Depuis des années, et je retrouve mon métier d'origine, avocat, c'est la police et elle seule qui détermine si c'est du racolage actif ou du racolage passif. Je préférerais que l'Assemblée nationale prenne une décision. Supprimons toute interprétation : ou le racolage est pénalisé, solution que je propose, ou il est légalisé. La situation qu'on connaît aujourd'hui est absurde, choquante et par-dessus tout hypocrite. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.
    Mme Christine Boutin. Monsieur le ministre, il y a certain nombre d'années que je suis parlementaire et je crois que c'est la première fois que nous avons un débat aussi sérieux sur le problème posé par la prostitution, que nous en parlons de façon aussi responsable les uns et les autres. Je vous en remercie. Je crois que c'est aussi la première fois qu'on parle clairement du client. C'est un tabou qui est levé dans la société française. J'apprécie votre façon d'aborder la question : je ne suis pas certain du résultat mais je vous propose une piste. Moi, je suis prête à vous suivre.
    Je comprends les critiques de certains contre mon sous-amendement, qui n'est pas rédigé tout à fait comme je l'aurais souhaité au départ. Effectivement, comme l'a expliqué M. Lagarde, il y a un problème culturel. Il faut savoir quelle est la place de l'Homme dans notre société. Actuellement, quand on fait de la prostitution, on fait du commerce. On s'imagine que cela n'a pas d'importance, qu'on achète un service. Il faut éduquer notre pays pour que la dignité de toute personne soit respectée.
    Après cette discussion, monsieur le président, je retire mon sous-amendement.
    M. le président. Le sous-amendement n° 484 est retiré.
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Le débat est très intéressant, il prouve que le clivage n'est pas forcément entre la gauche et la droite, mais qu'il peut aussi y en avoir à l'intérieur de chaque camp.
    Avec son habileté bien connue, M. le ministre a pris en quelque sorte à leur propre piège ceux qui, sans le dire, en particulier à gauche, défendent la prohibition. Puisque la prostitution, c'est selon vous de l'esclavage, explique-t-il, nous ne pouvons accepter qu'au bas de chez nous, des esclaves fassent le trottoir, et il faut donc pénaliser.
    Dans votre projet, monsieur le ministre, vous pénalisez encore un peu plus le racolage, puisque vous inventez à l'article 18 le délit de racolage passif.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais non !
    M. Noël Mamère. Pourtant, tout à l'heure vous avez prétendu que, en tant qu'avocat, vous auriez défendu l'idée selon laquelle on ne peut pas laisser un policier apprécier de façon totalement arbitraire ce qu'est le racolage passif, suivant la manière dont on est habillé, l'heure, le quartier, etc.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est la situation actuelle !
    M. Noël Mamère. Tout cela pour dire qu'il y a une sorte d'équivoque à vouloir réduire la prostitution à l'esclavage. Je pourrais reprendre la phrase employée par Bertold Brecht en 1953 face à la tentative de révolution du peuple allemand contre les dictateurs communistes : « Si vous n'aimez pas le peuple, changez de peuple. »
    Regardons la réalité en face. Il y a des hommes et des femmes poussés à la prostitution à cause de leur environnement économique et social ou de leur histoire familiale. Dans ce pays comme dans d'autres, il y a des hommes et des femmes, ceux que vous appelez les clients et que vous êtes en train de transformer en boucs émissaires de vos propres renoncements, qui sont atteints de misère sexuelle (Protestations sur divers bancs)... Ça existe dans tous les milieux, et pas particulièrement dans les milieux pauvres !
    Mme Ségolène Royal. C'est une conception du xixe siècle !
    M. Noël Mamère. Celle que vous défendez est une conception du xixe siècle, qui consiste à criminaliser le client et à criminaliser les personnes prostituées, comme si elles étaient toutes étrangères et comme si elles étaient toutes sous la dépendance d'un proxénète.
    Il n'y a rien dans le projet sur la manière d'essayer de casser les filières du proxénétisme. Il n'y a rien sur les conditions sanitaires et sociales que l'on doit créer pour aider les personnes prostituées. C'est la raison pour laquelle, même si, dans l'absolu, on doit tendre vers l'abolition, nous ne pouvons pas, nous, législateur, décréter que la prostitution ne doit pas exister, et condamner les prostituées et leurs clients, la France étant ainsi plus propre.
    Je suis donc contre les amendements qui demandent la pénalisation du client, comme je suis contre le texte du Gouvernement qui veut pénaliser le racolage, et les articles qui incitent les personnes prostituées à aller dénoncer leur proxénète à la police. Quand on sait les conditions dans lesquelles se trouvent certaines d'entre elles, on comprend très bien qu'on va aggraver leur fragilité et leur vulnérabilité.
    Si, comme l'a dit Mme Boutin tout à l'heure, notre souci premier, c'est de nous préoccuper de la condition humaine, de la condition dans laquelle vit chacun d'entre nous sur ce territoire, où il doit être considéré pour ce qu'il est et non pas pour ce qu'il représente, notre devoir de défense de l'Etat de droit et de l'intérêt général est d'essayer de faire en sorte que ces personnes puissent trouver d'autres moyens que d'utiliser leur corps. Cela dit, elles peuvent l'utiliser librement, on est encore libre dans ce pays, et je ne suis pas d'accord avec vous, madame Royal. Autant les sanctions contre les personnes adultes qui abusent de mineurs doivent être renforcées, autant vous ne pouvez pas, au nom des libertés qui sont les nôtres dans une société démocratique, appliquer le même raisonnement pour des personnes adultes, soit celles qui utilisent leur corps, soit celles qui en sont les clients.
    Je m'oppose à l'idée qui consiste à réduire purement et simplement la prostitution à l'esclavage, et je ne suis pas d'accord avec les amendements que vous êtes un certain nombre à déposer sur cette question.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Si, dans ce débat, chacun exprime ses certitudes, la confusion des concepts ne nous conduit pas moins dans une impasse. Nous avons déjà mesuré ce risque lorsque nous avons réfléchi à la question de l'esclavage moderne : quand on se confronte avec la réalité, on peut glisser de la notion d'esclave à la notion de prostituée. Certes, il faut réagir contre la traite des êtres humains, et certaines des dispositions que nous avions proposées sont reprises dans votre texte, monsieur le ministre, mais la notion a une définition précise. La traite, c'est la vente d'un individu par un tiers. Or le texte que vous nous proposez aujourd'hui et le protocole de Palerme comportent des définitions de la traite qui ne peuvent pas s'appliquer à la prostitution, à moins de considérer que, en réalité, toute personne qui se prostitue - et je ne porte aucun jugement moral - le fait dans le cadre d'un de ces réseaux esclavagistes qui vous préoccupent à juste titre au premier chef.
    Dès lors que cette confusion perdure, nous sommes passés d'un débat sur la traite des êtres humains à un débat sur la question de la prostitution et de sa légalité. Alors se posent à chacun d'entre nous des questions morales. Nous pouvons partager cette sorte de désarroi collectif que vous exprimez, monsieur le ministre, puisque, lorsque nous réfléchissions à la manière de lutter contre ces réseaux, lorsque, préparant les rapports que, je le suppose, vous avez lus, plusieurs députés de la majorité et de l'opposition se déplacèrent sur le terrain et allèrent même jusqu'en Moldavie et en Ukraine, nous avons été confrontés à ce que nous n'imaginions pas : des marchés aux femmes. Il existe en Europe des endroits où l'on vend les femmes aux enchères. Cette découverte a modifié la rédaction de notre proposition de loi sur la traite.
    Nous n'avions aucun cadre pour la prostitution, et c'est pourquoi, peut-être, nous passions facilement de l'un à l'autre. Votre cheminement législatif n'est pas un cas unique. Nous l'avons connu, nous aussi. Vous partez d'un texte dans lequel un chapitre s'intitulait à l'origine « Dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publique », et vous finissez par pénaliser la prostituée. Monsieur le ministre, vous avez bien compris les limites de l'exercice, et ce n'est pas là, lorsque vous avez dit qu'il fallait aussi s'attaquer à l'offre - alors que nous sommes en train de parler des victimes -, que vous avez été le plus convaincant. C'est tout de même une situation sans précédent. Nous sommes tous d'accord pour considérer que ces malheureuses sont des victimes, mais, en plein désarroi, ne sachant trop quoi faire, nous décidons de les pénaliser.
    Vous êtes de bonne foi, le rapporteur et vous, lorsque vous dites qu'il faut créer un délit pour permettre la garde à vue : alors, la prostituée sera protégée de ces réseaux, il se passera peut-être des choses positives au cours de la garde à vue, mais il ne s'agit évidemment pas de les condamner. Bref, nous sommes en train de créer un délit dont on nous explique qu'il n'est pas véritablement un délit mais l'expression d'un désarroi de la puissance publique qui ne sait si elle peut effectivement relever ce défi. Monsieur le rapporteur, je vous ai vu, dans une émission de télévision - sur Canal Plus -, et vous aviez un comportement très humain. Vous alliez sur le terrain, vous étiez confronté à une prostituée qui vous disait qu'elle pratiquait la prostitution traditionnelle. A en juger par son apparence, elle entrait parfaitement dans le cadre du délit de racolage qu'on s'apprête à créer. Comme vous lui demandiez si elle était là depuis longtemps, elle répondit : « Depuis plusieurs années ». Vous lui avez alors dit : « Ce n'est pas de vous qu'on s'occupe, vous ne serez pas inquiétée. » On est dans l'arbitraire absolu : on crée un délit pour réprimer des comportements dont vous-même, dans cette émission, avez dit qu'il ne seront pas poursuivis.
    Monsieur le ministre, vous avez repris ces arguments en commission en disant que c'est le but recherché. Et même dans le rapport, l'argumentaire est différent selon qu'elle concerne la traite des êtres humains ou la prostitution. Vous dites en effet, monsieur le ministre, qu'il faudrait renvoyer la plupart d'entre elles dans leur pays d'origine.
    M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Je vais conclure. Excusez la passion avec laquelle je parle de ces sujets.
    Monsieur le ministre, je connais toutes les difficultés qui se présentent à vous. De nombreuses dispositions que vous avez reprises, d'autres que vous avez ajoutées ou aggravées - notamment les saisies - sont efficaces dans la lutte contre les réseaux. Quand vous augmentez le nombre de postes budgétaires à l'OCRET, vous nous renvoyez à nos insuffisances et vous avez raison. En réalité, c'est bien cela qu'il faudrait faire. Ce n'est pas parce qu'on éprouve un certain désarroi lorsqu'il s'agit de définir une action policière efficace, ce n'est pas parce que la construction européenne s'est d'abord préoccupée de questions économiques avant d'exiger des pays qu'ils aient un niveau d'organisation policière permettant une coopération efficace, ce n'est pas parce que Europol et Eurojust ont aujourd'hui pris du retard sur les réseaux, que nous devons baisser les bras et imaginer que la seule réponse possible est de pénaliser les victimes et les clients. Il faut, au contraire, arrêter les proxénètes, c'est-à-dire les esclavagistes.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je demande à l'Assemblée de bien vouloir m'excuser, mais notre débat est extrêmement important : mais qu'il me soit permis de rajouter une composante pour le complexifier encore. Les grands absents de notre débat, ce sont...
    M. Jean-Christophe Lagarde. Les services fiscaux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... les habitants de ces quartiers.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Exactement !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous n'avons pas parlé d'eux. Ils nous appellent au secours, vous, monsieur Vidalies, vous, monsieur Caresche, comme vous tous, sur tous les bancs de cette Assemblée. Rien ne ressemble plus à un habitant de quartier qu'un autre habitant de quartier. Ils se moquent bien que leur maire soit de gauche ou de droite. Depuis neuf mois que je suis ministre de l'intérieur, j'ai vu des maires, y compris des maires socialistes, à Lyon par exemple, mais ailleurs aussi, disant : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir,...
    Mme Maryse Joissains-Masini. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... la prostitution est interdite ». Certains élus parisiens m'ont même dit qu'il fallait interdire les prostituées aux abords des écoles pour protéger les enfants, comme s'il n'y avait des enfants que sur les trottoirs devant les écoles ! A-t-on vu plus hypocrite ? Je ne mets personne en cause. Mais tout cela n'a aucun sens. C'est bien dans ce contexte que j'ai été obligé de proproser à l'Assemblée d'agir. En effet, que nous disent les habitants de ces quartiers qui, pour rentrer chez eux, doivent passer entre deux colonnes de prostituées, de proxénètes et tout ce qui va avec ? A quoi rime l'Etat de droit si vous nous laissez tomber ? Si encore on était dans la situation où la prostitution est réservée à quelques « quartiers traditionnels ». Mais elle a gagné toutes les portes de la capitale et de nombreux quartiers parisiens où les gens nous disent : « Assez avec vos beaux discours et vos belles idées !
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Sommes-nous condamnés à rentrer chez nous en franchissant un porche où une prostituée est en train de faire une passe ? C'est très triste pour la prostituée et très triste pour le client. Mais nous qui habitons là, nous qui ne sommes pas les plus favorisés, que faites vous pour nous, vous, législateurs ? » Il ne faut pas les abandonner, car, eux aussi, ils sont victimes de la situation.
    Monsieur Mamère, je n'ai pas décelé de connotation morale dans les discours de ceux qui proposaient de pénaliser le client. Je ne suis pas entièrement de leur avis, mais je ne leur reproche pas cela. Je suis de ceux qui pensent que, quand on en est réduit, pour subsister, à vendre son corps, ce n'est pas l'expression d'une grande liberté. Et il faudra se donner du mal pour me convaincre de cette idée qui pousse la liberté jusqu'à l'absurde. Quand une personne - homme ou femme, jeune ou vieux - n'a comme seule ambition, comme seule possibilité, que de vendre son corps, on ne peut pas dire qu'elle soit libre. Peut-être croit-elle l'être, mais on ne se bat pas pour construire une société qui réduit les gens à cela. Je ne veux pas penser que M. Mamère puisse une minute considérer cela comme juste.
    On arrive au coeur du débat. Je ne vous propose pas d'éradiquer la prostitution. J'ai moins d'ambition que cela. C'est peut-être là que se situe la ligne de partage. Il y a ceux qui, très honnêtement, ont cette ambition, et ceux qui, comme moi, veulent d'abord contenir le phénomène. Nous ne pouvons pas assister chaque année depuis dix ans à une augmentation sans précédent du nombre de prostituées, du nombre de malheureuses, à l'aggravation d'une situation que plus personne ne contrôle.
    Enfin, nous participons tous à de grandes soirées contre le sida, ce qui est très utile, mais nous fermons ensuite les yeux sur ce qui se passe au bois de Boulogne ou au bois de Vincennes, où 90 % des malheureux travestis sont malades. N'est-ce pas le comble de l'hypocrisie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pourquoi ne dit-on rien ? Parce qu'on ne le voit pas ? Parce que c'est dans le bois ? A quoi bon lutter contre cette épouvantable maladie qu'est le sida, pour, ensuite, laisser faire ça ?
    Mme Martine Billard. Ce n'est pas parce que vous les mettrez en prison que cela changera quelque chose !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne pense pas qu'on va éradiquer. Je ne pense pas non plus choquer qui que ce soit en disant cela. Je n'accuse personne. Mais je vais vous dire ce que je vais faire concrètement.
    M. Noël Mamère. Donnez des moyens aux associations !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est le deuxième complément que je voulais donner. J'ai apprécié l'intervention de M. Vidalies, d'une honnêteté scrupuleuse ; monsieur le député, vous nous renvoyez à nos propres insuffisances, avez-vous dit. C'étaient les nôtres aussi. En 2002, à l'OCRET, j'ai trouvé 18 fonctionnaires de police qui luttaient contre la prostitution. Croyez-moi, personne ne peut donner de leçons. Je porterai les effectifs à 50 en 2003. Je ne dis pas que c'est la panacée. Mais 50, ce n'est pas 18. A Paris, à la brigade de répression du proxénétisme, j'ai trouvé 20 personnes : 20 policiers pour tout Paris ! Monsieur Goasguen, je porterai les chiffres de 20 à 50. Monsieur Vidalies, je ne me glorifie pas de ces chiffres, que je vous donne scrupuleusement et dont je pense qu'ils sont encore insuffisants. En tout cas, personne ne pourra dire que nous n'allons pas dans le bon sens, car il va de soi que, si l'on ne renforce pas les effectifs, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on propose ne servira à rien. Ce premier pas devra être poursuivi en 2004. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Martine Billard. Et pour les associations ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'y reviendrai dans le débat !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Merci, monsieur le ministre, d'avoir rappelé les raisons et les circonstances de notre débat d'aujourd'hui. Certains riverains se sont plaints de la situation difficile qu'ils connaissent. Si nous contestons les moyens que vous employez, nous constatons, avec vous, qu'il y a des situations délicates. Elles le sont souvent parce que des choix - y compris pour ce qui concerne la police - ont été faits pour concentrer les difficultés dans certains quartiers.
    Mais la manière dont ce débat a été posé devrait éclairer, pour l'ensemble de nos collègues, les conditions dans lesquelles il se déroule. J'aurais aimé, pour ma part, que, au-delà des idées qui sont les nôtres, nous engagions un travail plus approfondi sur ce type de problème.
    M. Claude Goasguen. Ah non !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je n'ai pas demandé un renvoi en commission, monsieur Goasguen. (Sourires.) Je dis simplement que nous arrivons parfois avec des idées préconçues, qui ne tiennent pas compte de la réalité. Je ne sais pas si ce que j'ai entendu, au cours d'une réunion organisée à l'Assemblée nationale, de la part des diverses associations, est la réalité, mais, en tout cas, nous avons tous constaté une croissance considérable des phénomènes de traite de la personne humaine et d'esclavagisme. Cela a changé la nature de notre débat : nous sommes désormais confrontés à des problèmes de prostitution qui sont d'une autre nature que ceux que nous avons connus.
    Vous avez annoncé, monsieur le ministre, l'augmentation des moyens. Je m'en réjouis. Je crois même, très sincèrement, que vous serez amené à aller bien au-delà, car ce problème va devenir suffisamment grave et douloureux pour que nous soyons amenés à le traiter avec encore plus de moyens.
    J'en viens à l'idée qui sous-tend ce débat. D'une part, il y a confusion entre un impératif moral, qui nous incite à refuser l'idée de nous mobiliser sur la dénonciation et un impératif politique. D'ailleurs, l'idée d'abolitionnisme ne me choque pas sur le plan de l'action politique. Cette confusion permanente entre l'impératif moral et l'impératif politique est toujours, à mon avis, une source de désillusions, parfois même à l'origine de positionnements extrêmement dangereux.
    Nous ne pouvons pas ignorer que les prostituées, regroupées dans des associations, se sont largement exprimées. Il est des femmes dont on ne peut nier ni l'existence ni la parole, qu'on ne peut traiter comme des non-êtres, et qui disent, d'une façon assez claire, qu'elles exercent librement. Pensons-nous qu'elles soient libres ? Sans doute pas, selon nos conceptions individuelles. Mais est-ce que nous avons le droit de décider de ce qu'est la liberté ?
    Le dernier point sur lequel je veux intervenir, c'est la manière dont on traite certaines questions de société et qui m'inquiète beaucoup. J'ai entendu Mme Boutin proposer de médicaliser le problème.
    Mme Christine Boutin. J'ai retiré cette proposition !
    M. Jean-Marie Le Guen. Très honnêtement, ce n'est pas acceptable. J'ai entendu aussi le mot de « pulsions » sur d'autres blancs.
    M. Lionnel Luca. C'était Mme Royal !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je ne pense pas que l'instauration d'un ordre médical soit souhaitable. Ne mettons pas du pathologique partout. Le psychologique n'est pas forcément pathologique. Mais je ne crois pas non plus - et je le crois même encore moins - que le traitement des phénomènes sociaux incombe à la loi et à la répression policière ou judiciaire. Nous sommes dans une approche extrêmement régressive si notre propos n'est pas simplement de traiter la question d'ordre public posée par la présence des prostituées en bas de certains immeubles.
    M. le président. Monsieur Le Guen !
    M. Jean-Marie Le Guen. Je conclus, monsieur le président. Si notre propos est de traiter la question de la prostitution et d'apporter une aide à certaines de ces femmes, alors ce n'est pas, et ce ne sera jamais, avec des méthodes d'ordre policier et juridique, ni avec des méthodes d'ordre médical. Nous serons amenés, toujours, à avoir une approche sociale de la chose. Reculer à ce point dans le traitement des questions sociales, des questions qui sont à la marge de notre société, pour les traiter simplement dans le cadre de la répression, fût-ce au nom des meilleures intentions, est, me semble-t-il, une grave régression dans la pensée, en tout cas une régression dans ce qui a fait vivre un peu la République sociale dans notre pays.
    M. Charles Cova. C'est beau de s'écouter parler !
    Mme Maryse Joissains-Masini. Qu'est-ce qu'on prend comme leçons !
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Si je reconnais que l'intérêt de ce débat est très grand, je ne suis pas sûr que le fait de le placer sur le plan d'une réflexion théorique permette de le faire avancer.
    Personnellement, j'ai été toujours sceptique quant à l'assimilation qui pouvait être faite de la prostitution à la traite des êtres humains et sur les conséquences qui pouvaient en résulter. J'ai lu des choses fort intéressantes sur le sujet dans le rapport précédent, mais il me semble qu'en faisant une telle assimilation on arrive au coeur d'une contradiction.
    En réalité, un certain nombre de problèmes se posent, et il faut avoir le courage d'en parler.
    Il est vrai que, dans le cadre d'émissions publiques, des femmes s'adonnant à la prostitution ont dit le faire, comme l'a rappelé M. Le Guen, en toute liberté. Pour ma part, je suis l'élu d'une circonscription qui souffre d'une très forte augmentation et d'un changement de nature de la prostitution, ce qui entraîne une gêne considérable pour des habitants qui n'avaient pas l'habitude de voir sous leurs fenêtres ou dans les parkings des alentours des pratiques aussi agressives et aussi barbares. Et, après m'être renseigné auprès d'experts, notamment de ceux très éminents du ministère de l'intérieur, je suis absolument sceptique quant à la notion d'indépendance en matière de prostitution.
    Je ne crois pas que les prostituées qui annoncent être indépendantes et libres le soient réellement, et ce pour des raisons qui me paraissent évidentes. D'abord, les experts du ministère de l'intérieur le démentent. Ainsi, le directeur du service qui s'occupe de cette question au ministère de l'intérieur affirme que, selon lui, a priori 95 % de la prostitution est sous l'emprise des proxénètes. Quant aux 5 % restants, qui concernent la prostitution via les moyens informatiques et Internet, la police ne dispose pas encore de tous les éléments nécessaires pour dire s'ils sont, eux aussi, soumis au proxénétisme.
    S'agissant de la prostitution sur les boulevards ou dans les rues de Paris et des autres grandes villes, des écrivains, des artistes et des sociologues ont parfaitement démonté qu'elle était soumise à un proxénétisme très violent.
    En réalité, il n'y a pas de proxénète qui ne soit préoccupé de l'occupation du terrain - permettez-moi d'employer ce terme - par une femme ou par un homme, puisque désormais la prostitution à Paris est pour 30 % le fait d'hommes, et qui, par conséquent, ne profère des menaces physiques envers toute inconnue qui occuperait un espace qu'il considère comme étant le sien.
    Par conséquent, je considère que toute personne qui pense que l'on peut, à Paris, se prostituer en toute indépendance pour son propre compte, ou que les maisons closes sont des paradis d'indépendance où l'on peut venir faire une passe de temps à autre pour compléter ses fins de mois, a une conception idyllique de la prostitution, qui date du xixe siècle. Comment peut-on croire que la prostitution puisse ne pas être soumise à la lourde machinerie des réseaux proxénètes qui imposent leur violence, leurs menaces, voire leur volonté de tuer les personnes qui ne se soumettent pas ?
    Cessons de parler de cette espèce de libre-arbitre de la prostitution quand il s'agit en réalité du phénomène le plus violent qui puisse exister à l'égard des individus !
    M. Guy Geoffroy. Très juste !
    M. Claude Goasguen. Une fois posé ce terme, la démonstration du ministre de l'intérieur devient aveuglante de simplicité et, je dirais, de nécessité.
    De quoi s'agit-il ? Si l'on veut bien adopter mon raisonnement, il s'agit de femmes qui vivent sous la menace, qui sont soumises à des chantages permanents et qui ne sont pas libres. Aussi j'aimerais que l'on m'explique comment on peut gêner l'exercice du proxénétisme sans gêner celui du racolage ! Si quelqu'un peut m'expliquer comment cela peut se faire, je serai d'accord avec tous les amendements de la terre. Mais ayant mené quelques enquêtes en ce domaine et ayant vu, après avoir essayé avec un certain nombre de personnes appartenant à des paroisses de ma circonscription d'expliquer à des prostituées que des possibilités d'asile leur étaient offertes, ces mêmes prostituées lardées de coups de rasoir le lendemain matin, car leurs proxénètes avaient surveillé depuis le trottoir d'en face le dialogue qu'elles avaient eu avec nous, je dis que la seule manière de gêner les proxénètes violents qui soumettent ces femmes à la terreur, c'est encore de gêner l'exercice du racolage.
    M. le président. Monsieur Goasguen,...
    M. Claude Goasguen. Je termine, monsieur le président.
    M. le président. Rapidement !
    M. Claude Goasguen. Je ne suis pas encore intervenu dans ce débat, mais si vous le voulez, je reprendrai la parole plus tard.
    M. le président. Vous n'êtes peut-être pas encore intervenu, mais vous avez épuisé vos cinq minutes de temps de parole.
    M. Claude Goasguen. Alors, je m'arrête !
    M. le président. Vous pouvez conclure en une phrase, mais vous pouvez aussi faire la mauvaise tête. En tout cas, ne voyez dans mon intervention aucune mauvaise manière de ma part. D'ailleurs, vous aurez l'occasion d'intervenir sur le même sujet à l'occasion de l'examen de l'article 18, si vous demandez la parole.
    M. Claude Goasguen. Je ne vous reproche rien, monsieur le président.
    M. le président. Sachez, monsieur Goasguen, que j'ai fait preuve d'une très grande largesse dans l'octroi de la parole sur ce sujet qui le méritait. Toutefois, vous êtes arrivé un peu plus tard que vos collègues, et je ne peux pas accepter de mise en cause.
    M. Claude Goasguen. Je n'ai rien dit. Je ne vous permets pas de préjuger !
    M. le président. En tout cas, vous ne pouvez pas prendre la parole sans que je vous l'ai donnée. J'ajoute que vous aurez la possibilité, si vous la demandez, d'intervenir sur l'article 18 qui traite du même sujet.
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. En effet, monsieur le président, la lutte contre le proxénétisme est abordée dans l'article 18. Cela dit, certains, notamment nos collègues socialistes, par le biais de leurs amendements, ont choisi d'aborder ce débat dès maintenant en le rattachant à celui qui concerne la traite des êtres humains. Pourquoi pas ?
    Pour autant, la traite des êtres humains telle que nous la concevons va bien au-delà de la prostitution elle-même.
    M. Lionnel Luca. Eh oui !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. A cet égard, je pourrais faire référence à ce phénomène que nous avons connu ces dernières années où des petits infirmes roumains étaient exploités à tous les carrefours de nos rues par des chefs mafieux sans foi ni loi. Je pourrais aussi faire référence à l'esclavage domestique, qui, comme nous le savons, est largement pratiqué dans certains milieux diplomatiques ou à d'autres pratiques.
    Puisqu'il a été largement débattu de ce problème, permettez-moi d'apporter ma modeste contribution. Ainsi que M. le ministre l'a indiqué, il s'agit d'abord d'un problème de sécurité intérieure. Ce texte, qui se caractérise par un parfait équilibre entre les mesures répressives et celles permettant de traiter humainement les victimes, aborde le problème de la prostitution avec beaucoup d'humanisme tout en apportant les réponses répressives nécessaires.
    Ce sujet fait l'objet d'avis différents, même dans les rangs des députés socialistes. En tout cas, j'ai entendu beaucoup de choses intéressantes. Cela dit, je considère que le Gouvernement propose des solutions tout à fait équilibrées aux problèmes qui se posent. Aussi la commission a-t-elle eu la volonté non seulement de préserver cet équilibre, mais également de le renforcer. Ainsi, à l'article 18, des amendements de la commission, mais aussi du Gouvernement, visent à renforcer le dispositif prenant en compte la situation des prostituées, que l'on peut considérer, comme nombre d'entre vous l'ont fait, comme des victimes.
    Monsieur Vidalies, vous avez rappelé que, dans le cadre d'une émission télévisée, je me suis rendu porte de Vincennes...
    M. Bruno Le Roux. Enfin, vous le reconnaissez !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. ... pour y dialoguer avec des prostituées. Si je l'ai fait, c'est parce que j'estimais que c'était mon devoir de rapporteur. Du reste, la commission a auditionné des représentantes des mouvements de prostituées, et j'ai été invité à aller en rencontrer sur le terrain. Aussi ai-je souhaité, avec un certain nombre de parlementaires qui ont largement participé à ces auditions, jouer pleinement le jeu pour bien comprendre les choses, mais aussi pour bien faire prendre conscience aux prostituées que ce n'était pas à elles que nous souhaitions nous attaquer, que nous ne souhaitions pas, contrairement à ce qu'a dit M. Mamère, les criminaliser, les pénaliser, mais que nous voulions d'abord nous attaquer aux réseaux.
    Je constate avec satisfaction que, alors qu'il y a encore quelques semaines, notamment lors de l'ouverture des débats sur ce texte au Sénat, un certain nombre de prostituées, qui n'avaient pas bien compris le sens des mesures proposées, se mobilisaient contre celles-ci et faisaient largement entendre leurs voix, aujourd'hui, elles ne se font plus entendre ou elles s'expriment de manière beaucoup plus modérée, car nous avons pu leur faire mesurer que nous souhaitions considérer avec humanité leur situation et que notre véritable objectif était la sécurité intérieure, la protection des hommes et des femmes qui, hélas, étaient en situation d'esclavage ou de victimes, et, tout simplement, la protection des citoyens français. Le ministre l'a rappelé : pour un certain nombre de riverains, la situation devient intolérable. Nous sommes sollicités, dans nos circonscriptions, les uns et les autres, et il est de notre devoir d'apporter des réponses, ce que nous faisons par ce texte.
    Reprenons l'historique de la question. Que s'est-il passé dans notre pays depuis 1992, date à partir de laquelle le racolage passif a cessé d'être un délit poursuivi pénalement, pour devenir une contravention de cinquième catégorie ? Eh bien, la prostitution a augmenté de près de 80 % !
    M. Lionnel Luca. Voilà le problème !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Voilà, la réalité ! L'assouplissement de notre législation dans ce domaine a favorisé le développement de la prostitution et de toutes les conséquences qui en découlent. Cette réalité est incontestable.
    M. Bruno Le Roux. Non, ce sont deux choses mises bout à bout, mais qui ne sont pas forcément liées !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. M. Goasguen a eu raison de rappeler les chiffres. Ainsi, la ville de Paris, l'Ile-de-France plus généralement, la région lyonnaise et la Côte d'Azur, plus particulièrement le département des Alpes-Maritimes, sont identifiés comme les lieux de France où la prostitution, étrangère notamment, s'est développée très largement ces dernières années. Les chiffres sont authentifiés par les services de police ainsi que par les services sociaux qui traitent les prostituées à titre individuel et tentent de leur apporter des réponses en matière sociale.
    Ainsi, au début des années 90, on dénombrait une centaine de prostituées Promenade des Anglais, à Nice. Aujourd'hui, on en répertorie 450, dont 80 % viennent de Bulgarie, de Roumanie, d'Albanie, d'Ukraine ou de Slovénie.
    Maintenant, regardons concrètement ce qui se passe sur le terrain. Que peuvent faire les forces de l'ordre ? Que peut faire la police ? Rien du tout ! En effet, les proxénètes qui dirigent la manoeuvre, souvent à l'extérieur de nos frontières car ils ne prennent pas le risque de venir sur notre territoire, expliquent très clairement à ces prostituées étrangères les règles du jeu en leur indiquant qu'elles ne doivent pas se livrer à du racolage actif. Et dès lors qu'elles ne font pas de racolage actif, la police n'a même pas le droit de contrôler leur identité. Elle n'a pas le droit de leur demander leurs papiers !
    M. Jean-Marie Le Guen. Comment pouvez-vous dire cela ? Il n'y a pas de contrôle d'identité sur le territoire ?
    M. Alain Néri. Regardez comment cela se passe à la sortie du métro, monsieur Estrosi !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Il n'est pas possible de contrôler l'identité d'un citoyen qui se promène sur un trottoir et n'est pas en situation de racolage actif. Telle est la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne pouvez pas nous le répéter !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Je vous le répète volontiers.
    M. le président. Monsieur Le Guen, laissez M. le rapporteur poursuivre sa démonstration.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Le Guen, vous savez parfaitement que, dans notre pays, pour pouvoir contrôler une identité, il faut des circonstances exceptionnelles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous plaisantez ?
    M. Noël Mamère. Alors, il y a des circonstances exceptionnelles toutes les minutes !
    M. Claude Goasguen. Il y a tout de même des avocats !
    M. Gérard Léonard. Et une réglementation sur les contrôles d'identité !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Si vous n'êtes pas en situation de racolage actif, il n'y a aucune raison qu'un policier vienne contrôler votre identité, je le confirme, sauf si un juge d'instruction a délivré une commission rogatoire ou si le procureur de la République a autorisé une perquisition.
    M. Noël Mamère. Et les jeunes qui prennent le métro ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La commission des lois a fait un travail très approfondi en ce domaine. Acceptez mes arguments, car ils découlent des auditions de magistrats, de représentants des forces de l'ordre, de juristes et d'avocats auxquelles nous avons procédé.
    Et quand bien même vous disposez d'une commission rogatoire délivrée par un juge d'instruction ou d'un droit de perquisition délivré par le procureur et que vous contrôlez l'identité d'une prostituée étrangère, ils ne débouchent généralement sur rien car celle-ci dispose d'un visa touristique de trois mois.
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Oui, elles sont généralement en règle.
    M. Claude Goasguen. Absolument !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Elle est en règle. Le proxénète s'entoure en effet de toutes les garanties pour que la prostituée qu'il fait travailler sur le territoire français ne soit pas dans l'illégalité, ne soit pas en situation d'infraction vis-à-vis de la législation française. Dès lors, il est terriblement difficile d'agir et de pouvoir mener des investigations pour remonter les filières, remonter les réseaux et arriver jusqu'aux plus hauts niveaux.
    Dans ce texte, il est simplement proposé de donner à la fois aux forces de l'ordre et aux magistrats les moyens leur permettant de pénétrer à l'intérieur de ces réseaux en vue de les démanteler. Je vous l'assure, mes chers collègues, le problème est grave. Des indications nous confirment que des réseaux sont en train de gangrener notre société tout entière.
    Mme Martine Lignières-Cassou. C'est vrai !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. De véritables multinationales de la criminalité s'organisent sur notre sol, avec la branche prostitution, la branche trafic de drogue, la branche trafic d'armes, la branche blanchiment de l'argent sale à travers des opérations immobilières douteuses. Dans mon seul département, le TRACFIN a dénoncé je ne sais combien d'opérations immobilières douteuses intervenues au cours de ces dernières années. Et partout, nous retrouvons les mêmes noms, les mêmes filières qui s'entrecroisent.
    Mme Françoise Imbert. Nous sommes d'accord !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Les moyens que nous nous donnons à travers ce texte pour pouvoir porter atteinte à ces réseaux, non pas en criminalisant ou en pénalisant la prostitution, mais en ciblant les réseaux mêmes, nous permettront demain de frapper aux plus hauts sommets de la chaîne, d'atteindre les proxénètes eux-mêmes à l'extérieur de nos frontières, et de mettre hors d'état de nuire ces réseaux.
    Enfin, c'est aussi un problème économique. Nous ne pouvons pas admettre que, dans ce pays de droit où n'importe quel petit commerçant peut subir chaque année des contrôles fiscaux particulièrement tâtillons et doit rendre systématiquement des comptes en matière de droit du travail et de droit fiscal, il soit possible, comme cela a été le cas l'an dernier, de transférer à l'étranger, via la Western Union, près de 167 millions d'euros provenant du seul marché de la prostitution. Il faut que, grâce à ce texte, nous nous donnions les moyens nous permettant de démanteler les réseaux de prostitution et de mettre un terme à cette économie souterraine qui se développe sur notre territoire national.
    Tels sont les pistes qui sont ouvertes par ce texte et les moyens qu'il vise à nous donner. C'est la raison pour laquelle je souhaite vivement que le Parlement français donne au Gouvernement les moyens lui permettant de mettre un terme à l'ensemble de ces dérives qui gangrènent notre société et qui sont particulièrement graves pour la sécurité des personnes et des biens sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je rappelle que cet important et long débat est intervenu à la suite de l'examen de l'amendement n° 278 corrigé, présenté par Mme Lignières-Cassou, et que le sous-amendement n° 484, présenté par Mme Boutin, a été retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 278 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 279 de Mme Lignières-Cassou tombe.
    M. Le Roux, M. Vidalies et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 276, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 bis, insérer l'article suivant :
    « Le code pénal est ainsi modifié :
    « 1° A la fin de l'intitulé de la section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II, substituer aux mots : "d'un mineur les mots : "de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables ;
    « 2° L'article 225-12-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Est puni des mêmes peines le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. » ;
    « 3° Dans le 1° de l'article 225-12-2, le mot : "mineurs est remplacé par le mot : "personnes ;
    « 4° Dans le 2° de l'article 225-12-2, les mots : "le mineur a été mis sont remplacés par les mots : "la personne a été mise. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. L'amendement n° 276 propose d'intégrer dans ce chapitre sur l'esclavage moderne la pénalisation des échanges sexuels avec des personnes présentant une particulière vulnérabilité - un amendement similaire sur les faits de mendicité sera examiné après. En effet, j'aurai l'occasion de m'en expliquer à l'article 18, il nous semble que les dispositions relatives à la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme peuvent s'appliquer utilement à ces personnes. Cela nous permet en outre d'aborder plus largement la question de la prostitution comme nous venons de le faire - encore que ce débat intéressant aurait mérité un examen plus attentif en commission afin d'élaborer un texte qui puisse être soumis aux différentes délégations de notre assemblée qui peuvent être concernées par la thématique de la prostitution. Sur une question aussi fondamentale que celle-ci, on ne peut pas légiférer à partir de l'information qui est la nôtre aujourd'hui. Le débat doit être élargi. L'amendement n° 276 propose donc d'introduire dans le chapitre sur la traite les dispositions intéressantes de l'article 18 pour supprimer ultérieurement la pénalisation du racolage passif.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La commission est défavorable. L'amendement déplace la question de la prostitution dans le chapitre relatif à la traite - en soi, ce n'est pas une mauvaise idée - mais il ne prend en compte qu'une partie des mesures proposées plus loin, ce qui est moins bien.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Le Roux, Mme David et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 277, ainsi rédigé :
    « Après l'article 17 bis, insérer l'article suivant :
    « Le code pénal est ainsi modifié :
    « I. - Après l'article 225-12-4, sont insérées les dispositions suivantes :

« Section 2 ter
« De l'exploitation de la mendicité

    « Art. 225-12-5. - L'exploitation de la mendicité est le fait par quiconque de quelque manière que ce soit :
    « 1° D'organiser la mendicité d'autrui en vue d'en tirer profit ;
    « 2° De tirer profit de la mendicité d'autrui, d'en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la mendicité ;
    « 3° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité, ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle mendie ou continue de le faire.
    « Est assimilé à l'exploitation de la mendicité le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en exerçant une influence de fait, permanente ou non, sur une ou plusieurs personnes se livrant à la mendicité en vue d'en tirer un profit.
    « L'exploitation de la mendicité est punie de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 45 000 euros.
    « Art. 225-12-6. - L'exploitation de la mendicité est punie de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75 000 euros lorsqu'elle est commise :
    « 1° A l'égard d'un mineur ;
    « 2° A l'égard d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
    « 3° A l'égard de plusieurs personnes ;
    « 4° A l'égard d'une personne qui a été incitée à se livrer à la mendicité soit hors du territoire de la République, soit à son arrivée sur le territoire de la République ;
    « 5° Par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la personne qui mendie ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
    « 6° Avec l'emploi de la contrainte, de violences ou de manoeuvres dolosives sur la personne se livrant à la mendicité ou sur sa famille ;
    « 7° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices.
    « Art. 225-12-7. - L'exploitation de la mendicité d'autrui est punie de dix ans d'emprisonnement et de 1 500 000 euros d'amende lorsqu'elle est commise en bande organisée.
    « I bis. - Dans le premier alinéa de l'article 225-20, les mots : "2 et 2 bis sont remplacés par les mots : "1 bis, 2, 2 bis et 2 ter.
    « II. - Dans l'article 225-21, les mots : "à la section 2 sont remplacés par les mots : "aux sections 1 bis, 2 et 2 ter.
    « III. - L'article 227-20 est abrogé. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Cet article additionnel concerne la mendicité. Le traitement de l'exploitation de personnes dont la faiblesse résulte de l'âge ou d'une vulnérabilité apparente a sa place, pensons-nous, dans le chapitre V bis.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Il est identique à celui émis pour l'amendement n° 276. Celui-ci aurait dû se raccrocher à l'article 18. Mais l'amendement qui touche à la mendicité aurait été, me semble-t-il, plus judicieux à l'article 22. Bien que le fait d'appréhender la question de la mendicité dans le cadre du chapitre relatif à la traite corresponde à l'orientation du projet de loi, nous proposons donc son rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je ne reprendrai pas le développement que nous avons eu tout à l'heure à propos de la prostitution, mais je pense que l'on ne peut pas réduire la question de la mendicité à l'esclavage. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Luca a présenté un amendement, n° 196 corrigé, ainsi libellé :
    « Après l'article 17 bis, insérer l'article suivant :
    « Après la section 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section 2 ter comprenant un article 225-12-5 ainsi rédigé :

« Section 2 ter
« De la traite des êtres humains
ou l'esclavage moderne »

    « Art. 225-12-5. - La traite des êtres humains est le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer ou de l'accueillir, pour la mettre à la disposition d'un tiers même non identifié, afin, soit de permettre la commission contre cette personne d'infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteinte sexuelles, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit.
    « La traite des êtres humains est punie de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende et est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 d'euros d'amende lorsqu'elle est commise en bande organisée et punie de réclusion à perpétuité et de 4 500 000 euros d'amende s'il y a recours à des tortures ou des actes de barbarie. »
    La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Cet amendement n'a plus de raison d'être. Je l'avais déposé avant même l'examen du texte au Sénat. Or celui-ci a repris la proposition de loi que nous avions adoptée à l'unanimité il y a un an, le 24 janvier dernier. Cette proposition de loi incriminait la traite des êtres humains, certes sous l'angle de la prostitution, mais en envisageant aussi d'autres aspects.
    Je profite de l'occasion donnée pour souligner le travail considérable accompli par la mission d'information sur les différentes formes d'esclavage moderne. M. Alain Vidalies en a parlé. Un travail efficace entre parlementaires d'opinions un petit peu différentes au départ a permis d'aboutir à un texte commun, puis au vote, à l'unanimité, d'une proposition de loi.
    Alors je vous en avais parlé lors de notre premier débat au mois de juillet dernier, vous en avez tenu compte, monsieur le ministre, et je vous en remercie. En effet, au lieu de laisser cette proposition de côté sous prétexte qu'elle venait de l'autre bord, le Sénat l'a reprise. En dépit de la caricature que certains ont voulu dessiner la semaine dernière, il est possible de se retrouver sur des choses concrètes.
    Au-delà de la prostitution se pose le problème du travail clandestin et du travail domestique qu'il ne faudrait pas oublier. Les dispositions qui figurent désormais dans le chapitre 5 bis me paraissent très utiles pour lutter contre les réseaux. Il ne faudrait pas que la prostitution soit non pas l'arbre mais la forêt qui cache une autre forêt qui, bizarrement, n'est plus dans l'actualité. Le travail clandestin est un fléau, dans la région parisienne mais également dans d'autres grandes villes. Dans mon département, que M. Estrosi connaît comme moi, le travail domestique de mineurs venus de pays en voie de développement et leur « emploi » à des fins inavouables me paraissent trop souvent oubliés.
    Voilà une occasion de renforcer nos textes avec quelques principes : la vulnérabilité, dont nous avons longtemps discuté au sein de la mission, le renforcement des peines, la confiscation des biens. Tout cela participe du bon sens.
    Je profite de l'occasion, monsieur le ministre, pour me féliciter de ce que votre texte reprenne ce que, pendant de longues années, nous avons souhaité les uns et les autres. Le gouvernement précédent avait mis sur pied la mission en fin de législature ; nous avons la chance de profiter sans attendre, en début de législature du travail acquis. Nous ne criminalisons pas les victimes mais, bien au contraire, ceux qu'il faut vraiment poursuivre. Jusqu'à présent, à force de vouloir défendre au nom de la liberté, au nom du respect de certaines formes de la légalité, on défendait surtout l'inaction.
    M. André Gerin. C'est vilain !
    M. Lionnel Luca. La situation est devenue insupportable, elle nous dépasse.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est du racolage actif !
    M. Lionnel Luca. Les moyens sont peut-être imparfaits mais, comme l'a dit le ministre de l'intérieur tout à l'heure, ils ont au moins le mérite de poser les problèmes - et de donner des solutions - même s'ils en créent d'autres sans doute, auxquels nous devrons trouver des solutions, comme c'est notre rôle.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Christian Estrosi, rapporteur. La commission n'a pas retenu cet amendement parce qu'il nous a paru satisfait par l'article 17 bis. Cela étant, c'est l'occasion pour moi de souligner le travail remarquable que notre collègue Lionnel Luca a accompli en tant que porte-parole l'opposition, dans le débat sur l'esclavage moderne. Ce travail est un peu à l'origine de l'article 17 bis tel qu'il a été voté par le Sénat.
    La commission n'a évidemment aucune raison de retenir dorénavant son amendement, je crois qu'il en convient lui-même parfaitement, mais c'était l'occasion de rappeler ce fait.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 196 corrigé est retiré.

Articles 17 ter, 17 quater et 17 quinquies

    M. le président. « Art. 17 ter. - Dans l'article 225-13 du code pénal, les mots : "en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance sont remplacés par les mots : "dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, et les mots : "deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende sont remplacés par les mots : "cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. »
    Je mets aux voix l'article 17 ter.
    (L'article 17
ter est adopté.)
    « Art. 17 quater. - Dans l'article 225-14 du code pénal, les mots : "en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance sont remplacés par les mots : "dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, et les mots : "deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende sont remplacés par les mots : "cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. » - (Adopté.)
    « Art. 17 quinquies. - L'article 225-15 du code pénal est ainsi modifié :
    « 1° Les mots : "cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende sont remplacés par les mots ; "sept ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende .
    « 2° Cet article est complété par deux alinéas ainsi rédigé :
    « Lorsqu'elles sont commises à l'égard d'un mineur, elles sont punies de sept ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende.
    « Lorsqu'elles sont commises à l'égard de plusieurs personnes parmi lesquelles figurent un ou plusieurs mineurs, elles sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. » - (Adopté.)

Article 17 sexies

    M. le président. « Art. 17 sexies. - Après l'article 225-15 du code pénal, il est inséré un article 225-15-1 ainsi rédigé :
    « Art. 225-15-1. - Pour l'application des dispositions des articles 225-13 et 225-14, sont notamment considérés comme des personnes vulnérables ou en situation de dépendance les mineurs ou les personnes qui ont été victimes des faits décrits par ces articles à leur arrivée sur le territoire national. »
    M. Clément a présenté un amendement, n° 458, ainsi rédigé :
    « Dans le texte proposé pour l'article 225-15-1 du code pénal, supprimer le mot : "notamment. »
    La parole est à M. Pascal Clément.
    M. Pascal Clément, président de la commission. La commission des lois, traditionnellement, fait la chasse à l'adverbe « notamment », comme le Conseil d'Etat. En l'espèce, c'est plus important encore, puisqu'il s'agit de permettre une incrimination pénale. Or, l'incrimination pénale est très strictement encadrée...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis favorable. (Rires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et non moins précisément par les articles 111-3 et 111-4 du code pénal. Bref, il fallait corriger cette petite imperfection.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je suis d'accord !
    M. le président. Nous avons bien compris la position du Gouvernement. (Sourires.)
    Je mets aux voix l'amendement n° 458.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article n° 17 sexies, modifié par l'amendement n° 458.
    (L'article 17 sexies, ainsi modifié, est adopté.)

Article 17 septies, 17 octies,
17 nonies
, 17 decies et 17 undecies

    M. le président. « Art. 17 septies. - Après l'article 225-24 du code pénal, il est inséré un article 225-25 ainsi rédigé :
    « Art. 225-25. - Les personnes physiques et morales reconnues coupables des infractions prévues aux sections 1 bis et 2 du présent chapitre encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
    Je mets aux voix l'article 17 septies.
    (L'article 17
septies est adopté.)
    « Art. 17 octies. - Dans l'article 8 du code de procédure pénale, après la référence : "222-30,, il est inséré la référence : "225-4-2,, et, après la référence : "225-7,, il est inséré la référence : "225-15,. » - (Adopté.)
    « Art. 17 nonies. - L'article 706-30 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
    « 1° Dans le premier alinéa, les mots : "le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui sont remplacés par les mots : "le juge des libertés et de la détention ;
    « 2° Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national. » - (Adopté.)
    Art. 17 decies. - Après l'article 706-36 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-36-1 ainsi rédigé :
    « Art. 706-36-1. - En cas d'information ouverte pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-34 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, la confiscation prévue par l'article 225-25 du code pénal, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.
    « La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
    « La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
    « Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national. » - (Adopté.)
    « Art. 17 undecies. - Le deuxième alinéa de l'article L. 611-1 du code du travail est complété par les mots : "et les infractions prévues par les articles 225-13 à 225-15-1 du même code. » - (Adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 381, pour la sécurité intérieure :
    M. Christian Estrosi, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 508) ;
    Mme Marie-Jo Zimmermann, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 459).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT