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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 5 FÉVRIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 4 février 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président.
1.  Questions au Gouvernement «...».

IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE «...»

MM. Michel Vergnier, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

POLITIQUE SPATIALE «...»

M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

PLANS SOCIAUX «...»

MM. Michel Vaxès, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

CÔTE D'IVOIRE «...»

MM. Philippe Briand, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

MARCHE DES FEMMES «...»

M. Georges Mothron, Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

RETRAITES «...»

MM. Dominique Dord, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

FERMETURE D'UNE USINE PECHINEY DANS L'ARIÈGE «...»

M. Augustin Bonrepaux, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS «...»

Mmes Béatrice Pavy, Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

EMPLOI «...»

MM. Francis Falala, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

GEL DE CRÉDITS BUDGÉTAIRES «...»

MM. Jean Le Garrec, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

MINES DE GARDANNE «...»

M. Richard Mallié, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

POLLUTION DU PRESTIGE «...»

M. Daniel Poulou, Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

2.  Initiative économique. - Discussion d'un projet de loi «...».
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale, pour les articles non fiscaux.
M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale, pour les articles fiscaux.
M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Eric Besson, Luc-Marie Chatel, Daniel Paul, François Sauvadet, Michel Vergnier. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Alain Bocquet : M. Maxime Gremetz, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Vergnier, Rodolphe Thomas. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)
    M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos deux collègues élus dimanche dernier, Mme Annick Lepetit et M. Georges Mothron. (Applaudissements.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

IMPÔT DE SOLIDARITÉ SUR LA FORTUNE

    M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.
    M. Michel Vergnier. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    En effet, monsieur le Premier ministre, je dois avouer que l'on s'y perd un peu entre vos diverses déclarations. Nous aurions même parfois besoin d'un décodeur ! (Murmures sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ainsi on ne sait pas bien quelle est la ligne que vous défendez. En matière fiscale, par exemple, vous nous dites que vous n'êtes favorable à aucune réforme, mais, après vos discours, vous agissez caché. Tel est notamment le cas pour la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune : vous affirmez que vous n'en voulez pas mais vous la mettez en oeuvre sous couvert d'une prétendue aide à l'emploi. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Qui espérez-vous tromper, monsieur le Premier ministre, en évoquant votre politique de l'offre, qui profite surtout aux cinq mille ménages payant cet impôt, et en essayant de faire croire que cela permettra de sauver l'emploi de milliers de personnes, aujourd'hui menacé ? Vous avez d'ailleurs une conception très personnelle de l'offre : sacrifices, patience, plans sociaux pour les salariés, urgence et allégements fiscaux pour les actionnaires. Il y a là de petits arrangements en famille que nous combattrons résolument. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur le Premier ministre, vous vantez le « parler vrai ». Dès lors, ne vous cachez pas derrière les parlementaires de votre majorité ; dites clairement que vous voulez vider l'ISF de sa substance. C'est d'ailleurs ce que vous réclame le MEDEF. Mais c'est, dans les circonstances actuelles, parfaitement indécent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Allez-vous cesser d'abuser les Françaises et les Français et accepter de revenir sur les amendements proposés et adoptés en commission par votre majorité lors de l'examen du projet de loi dont nous allons entamer la discussion à l'issue de la séance des questions au Gouvernement ?
    M. le président. Monsieur Vergnier...
    M. Michel Vergnier. Je dois dire, monsieur le Premier ministre, que j'en doute sérieusement après la réunion de commission qui vient d'avoir lieu, puisque nous avons été avisés d'un amendement du Gouvernement qui tend à rendre plus difficile l'imposition et à exonérer davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'abord d'excuser l'absence de Jean-Pierre Raffarin et de répondre à sa place.
    Monsieur le député, nous avons une politique et nous la mettons en oeuvre.
    Mme Martine David. Celle des stock-options !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette politique résulte du constat, que dans le monde d'aujourd'hui, seule l'entreprise est à l'origine du développement économique et de la création d'emplois. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Ces entreprises, quelle que soit leur taille, qu'elles soient grandes ou petites, ont besoin d'un soutien de la part de l'environnement tant administratif que fiscal.
    Toutes les mesures actuellement mises en oeuvre pour promouvoir l'initiative économique, accélérer la croissance des entreprises et faciliter leur transmission n'ont qu'un objectif : celui d'instaurer, dans la durée, les conditions pour que notre pays ait un nombre croissant d'entreprises, d'entreprises rentables, d'entreprises en développement, donc d'entreprises créant des emplois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Dans ce contexte, il est clair que l'un des obstacles majeurs que nous rencontrons dans notre pays est l'absence de fonds propres dans de nombreuses entreprises. Il est au moins aussi clair que nous avons également intérêt à ce que les moyens financiers dont disposent certains de nos compatriotes soient utilisés pour prospérer non pas à l'étranger mais dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pour atteindre cet objectif, nous ne devons pas hésiter à modifier tel ou tel aspect de notre législation fiscale. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Emile Blessig. Eh oui !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il faut inciter les détenteurs de cet argent à investir en fonds propres à long terme dans le développement des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Ce sont celles-ci, en effet, qui, quelle que soit la conjoncture, créeront les conditions pour que, progressivement, nous passions mieux les phases négatives et profitions davantage des périodes fastes.
    Voilà ma réponse, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

POLITIQUE SPATIALE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s'adressait originellement à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, mais chacun sait qu'elle représente aujourd'hui la France à Houston pour l'hommage aux victimes du drame qui a eu lieu ce week-end, et auquel l'ensemble de la représentation nationale s'associe certainement.
    Nous avons en effet des craintes quant à l'avenir de la station orbitale européenne puisque, dès avant ce drame, des questions se posaient déjà à propos de cette station et de la poursuite des vols habités. Par ailleurs, nous avons eu, nous aussi, Français et Européens, notre propre échec il y a quelques semaines, moins dramatique, puisqu'il concerne un engin non habité, avec la nouvelle version d'Ariane 5 dont l'accident est survenu à un bien mauvais moment. Certes, la semaine prochaine aura lieu le dernier tir d'Ariane 4, mais l'Europe sera ensuite singulièrement dénuée de capacités de lancement dans l'espace. Pourtant les enjeux non seulement économiques, mais également d'indépendance politique pour l'Europe sont grands en la matière et le manque de soutien des gouvernements européens à Arianespace pose aujourd'hui problème.
    Alors que, par exemple, 80 % des tirs réalisés aux Etats-Unis par la NASA découlent de commandes gouvernementales, ce taux est inférieur à 15 % en France et en Europe. C'est dans un contexte où le nombre de tirs commerciaux va diminuer qu'Arianespace est obligée de requalifier la nouvelle version d'Ariane 5 pour un coût d'environ 1,2 milliard d'euros et de trouver les moyens d'une recapitalisation. Il appartient donc à l'Etat de faire face à ses responsabilités en la matière.
    C'est pourquoi nous souhaiterions connaître la stratégie du Gouvernement dans le domaine de l'espace, en particulier en ce qui concerne Arianespace et le CNES, qu'il s'agisse de la station orbitale ou des vols d'Ariane, qui semblent aujourd'hui en difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Comme vous venez de le dire, monsieur le député, Claudie Haigneré représente aujourd'hui le Gouvernement...
    Mme Martine David et M. Bernard Roman. La France, pas le Gouvernement !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... à la cérémonie organisée à la mémoire des sept astronautes décédés dans la tragédie de la navette Columbia. En raison de ces circonstances exceptionnelles, elle aurait souhaité, et je l'aurais souhaité avec elle, que vous puissiez différer votre question jusqu'à demain, car elle aurait aimé vous répondre directement.
    Nous n'avons pas attendu cette horrible tragédie pour nous pencher sur l'avenir de la filière spatiale dans ses dimensions économiques, scientifiques et, bien évidemment, géostratégiques. Ainsi, un rapport d'experts a été remis à Mme Haigneré et à Mme Alliot-Marie le 16 janvier dernier. Il fait aujourd'hui l'objet d'une étude approfondie et nous pensons que Mme Haigneré pourra présenter une communication au conseil des ministres dès le mois de mars.
    Parallèlement, nous essayons de favoriser la dimension internationale. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à l'Union européenne que la politique spatiale soit inscrite, dans le cadre de la future convention, parmi les politiques de compétence partagée. Cette dimension nouvelle nous permettra de donner à la politique spatiale l'ambition qu'elle mérite. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

PLANS SOCIAUX

    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre ou, en son absence au ministre qui le représentera.
    La marée noire des plans sociaux déferle sans cesse sur l'ensemble du territoire. Tous les jours des fermetures d'usines sont annoncées et, pour certaines, dans des conditions scandaleuses. L'année 2002 s'est ainsi terminée avec une progression spectaculaire du chômage : plus de 100 000 chômeurs supplémentaires, soit une augmentation de près de 5 % en un an.
    M. Lucien Degauchy. La faute à qui ?
    M. Michel Vaxès. L'année 2003 s'ouvre malheureusement, pour beaucoup de familles, avec le spectre de la perte d'un emploi.
    Vous dites ne pas avoir de compassion pour les patrons voyous et vouloir agir. Pourtant qu'avez-vous fait ? Je cite : suspension de la loi de modernisation sociale,...
    M. François Goulard. On a bien fait !
    M. Michel Vaxès. ... suppression des emplois-jeunes,...
    M. François Goulard. On a bien fait !
    M. Michel Vaxès. ... suppression des CES et CEC, suppression du contrôle de l'utilisation des aides publiques aux entreprises. Mieux encore, vous allégez l'impôt sur la fortune, mais vous refusez l'augmentation des salaires, des minima sociaux et des pensions de retraite.
    En définitive, vous ne faites rien pour améliorer la situation des salariés, des retraités, des chômeurs, des gens en situation précaire. Vous tenez toujours le même discours patelin, mais vous donnez tout au patronat et rien aux producteurs c'est-à-dire à l'immense majorité de ceux qui font la richesse de la France. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Moins d'emplois c'est aussi moins de financement pour les retraites, vous le savez, et cela explique votre silence sur le financement de votre réforme. Sans moyens nouveaux pris sur la spéculation financière, sans politique réelle de l'emploi, parce que le niveau d'emploi est la seule garantie de notre système de retraite par répartition, votre réforme conduira inévitablement à l'allongement des durées de cotisation, à l'augmentation des cotisations et à une diminution des pensions. Mais, au bout du compte, ne serait-ce pas ce que vous cherchez ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. La question !
    M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous agir concrètement pour sanctionner ces patrons voyous...
    M. le président. Monsieur Vaxès, posez votre question !
    M. Michel Vaxès. ... qui privilégient la rentabilité financière, au détriment du développement économique et de l'emploi dans notre pays ?
    M. le président. Monsieur Vaxès, terminez !
    M. Michel Vaxès. Le groupe des député-e-s communistes et républicains a fait des propositions.
    M. le président. Merci monsieur Vaxès, vous avez dépassé votre temps de parole.
    M. Michel Vaxès. Vous ne pouvez les ignorer aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, face aux plans sociaux que notre pays connaît, le Gouvernement agit sans mentir aux salariés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Agir c'est avoir la volonté de reclasser chaque salarié concerné par ces plans sociaux.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Agir, c'est avoir la volonté de revitaliser et de réindustrialiser les bassins d'emploi touchés par les difficultés. Tel est l'objet du contrat de site que le Gouvernement a décidé de mettre en place et que je présenterai au conseil des ministres mercredi de la semaine prochaine.
    M. Maxime Gremetz. Magneti Marelli !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Agir c'est vouloir repenser avec les partenaires sociaux, qui viennent d'accepter de le faire, les modalités des plans de licenciement. Tel est l'objet de la suspension de la loi inutile dite de modernisation sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    En revanche, mesdames, messieurs les députés, mentir c'est faire le choix de manifester après avoir gouverné pendant cinq ans (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) avec les résultats économiques et sociaux que l'on connaît. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mentir, c'est faire le choix contre-productif de proposer, au moment où la croissance a besoin d'être soutenue, d'augmenter les dépenses publiques et le nombre de contrats aidés...
    M. Jean-Claude Lenoir. Exact !
    M. Richard Mallié. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ou de passer, comme l'a suggéré le groupe communiste il y a quelques semaines, aux 33 heures ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Moi, mesdames et messieurs les députés, je veux bien me montrer modeste face au problème de l'emploi.
    Mme Martine David. Oui, vous pouvez !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je veux bien accepter les leçons, d'où qu'elles viennent, sauf des bancs de ceux qui, pendant cinq ans, ont chargé la barque de l'économie française (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) en mettant en place les 35 heures, en augmentant les charges et la fiscalité qui pèsent sur les entreprises, et qui nous ont placés dans une situation où notre économie est handicapée par rapport aux autres économies européennes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas 33 heures, c'est 32 !

CÔTE D'IVOIRE

    M. le président. La parole est à M. Philippe Briand, pour le groupe de l'UMP.
    M. Philippe Briand. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Jean-Claude Lefort. Ah ! Enfin !
    M. Philippe Briand. Monsieur le ministre, vous avez organisé en France une conférence sur la paix en Côte d'Ivoire. Elle a rassemblé l'ensemble des forces en présence, avec comme objectif premier d'éviter la généralisation de la guerre civile et de permettre le retour à la paix.
    Aujourd'hui, la situation est confuse et préoccupante, notamment pour nos compatriotes qui vivent en Côte d'Ivoire. Dans ces moments difficiles, la communauté nationale doit rester soudée et appuyer les efforts de la France pour assurer un règlement pacifique de cette crise qui pourrait embraser toute une région. Il est regrettable, monsieur le ministre, que cette position ne soit pas partagée par tous les responsables politiques français.
    Dans ce contexte, pouvez-vous nous rappeler la position générale de la France ? Que compte faire notre pays pour contribuer davantage à l'effort de paix ?
    M. Christian Bataille. Qu'il commence par corriger ses erreurs !
    M. Philippe Briand. Quelle initiative comptez-vous prendre pour mobiliser la communauté internationale, afin d'inciter les protagonistes à retrouver le chemin de la paix ? Quelle est la mission des forces françaises ? Enfin quelles sont les perspectives de règlement de cette crise ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Christian Bataille. Vous vous êtes plantés !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, rappelons d'abord que la Côte d'Ivoire est un pays coupé en deux, un pays qui n'évite la guerre que grâce à la présence de nos soldats sur la ligne de cessez-le-feu.
    Nous avons en effet réuni à Marcoussis l'ensemble des forces politiques ivoiriennes. Un accord a été signé à l'unanimité, accepté par le président Gbagbo, garanti par la communauté internationale, avec le secrétaire général des Nations unies. A Paris, le président Gbagbo a choisi lui-même son Premier ministre. Il a accepté de former un gouvernement d'union nationale, avec la participation des mouvements rebelles. Ce n'est pas le choix de la France, mais celui des Ivoiriens. C'est le prix de la réconciliation, le prix de l'intégrité territoriale, du désarmement des rebelles.
    Aujourd'hui, nous pensons qu'une solution acceptable par tous est possible. Elle peut être trouvée si chacun fait sa part du chemin.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est à Marcoussis qu'il fallait les convaincre ! Le problème ne se pose pas ici !
    M. le ministre des affaires étrangères. La communauté internationale unanime remercie la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et demande au président Gbagbo de respecter ses engagements.
    Nous comprenons l'inquiétude de la communauté française installée en Côte d'Ivoire, qui aime ce pays et qui entend y rester. Aujourd'hui nous voulons assurer sa sécurité ainsi que celle de toutes les communautés étrangères. Telle est la mission de notre dispositif militaire et c'est pour cela que nous l'avons renforcé.
    Nous restons mobilisés pour sortir du blocage actuel et parvenir à la réconciliation, en liaison avec l'ensemble des chefs d'Etat africains.
    M. Yves Fromion. Très bien !
    M. le ministre des affaires étrangères. C'est dans cet esprit que je me rendrai prochainement dans la région. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Malheureusement, j'entends des voix qui s'élèvent, ici et là, mais a-t-on le droit de parler d'un échec de la France (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) quand la France prend le risque de la paix et de la réconciliation ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Bien sur, cela est difficile, mais c'est notre devoir, c'est notre honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Là comme ailleurs, vous pouvez compter sur la France pour rester fidèle à elle-même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

MARCHE DES FEMMES

    M. le président. La parole est à M. Georges Mothron, pour le groupe de l'UMP. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Georges Mothron. Merci chers collègues.
    Madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, le 4 octobre dernier, la jeune Sohane était brûlée vive à Vitry-sur-Seine par un petit caïd dont elle refusait l'autoritarisme. C'est du lieu de ce terrible drame qu'est partie, samedi dernier, une marche des femmes contre les ghettos et pour l'égalité.
    A travers cette manifestation inédite, des jeunes filles dénoncent les violences sexistes, le machisme, le ghetto social et sexuel qu'elles subissent. Leur cri d'alarme ne peut être qu'écouté et, en tant que député de la circonscription d'Argenteuil-Bezons (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), je me dois de témoigner de la nécessité absolue de les entendre. Il est en effet essentiel que l'égalité républicaine soit appliquée partout, dans tous les quartiers de nos villes et que soit témoigné à ces jeunes femmes le respect auquel elles ont droit.
    Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si le Gouvernement envisage de s'associer à cette démarche ? Si oui, de quelle manière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
    Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Comment ne pas être sensible à votre témoignage, monsieur le député, et vous en remercier ? Mais je suis persuadée que toute la représentation nationale aura elle aussi compris cette marche des jeunes femmes des cités, qui est tout à la fois une prise de conscience et un acte de responsabilité.
    Je partage naturellement avec vous la révolte de ces jeunes filles qui attendent légitimement de la République l'affirmation de leurs droits, de leur dignité, de leur liberté, de leur souci d'égalité. C'est évidemment l'engagement du Gouvernement tout entier. Il passe par un combat intransigeant contre toutes les formes de discrimination et de violence, quelles qu'elles soient. Il passe par le rétablissement de l'Etat de droit et la réaffirmation de nos valeurs républicaines. Il passe aussi par la mobilisation de tous les moyens pour améliorer l'insertion sociale et professionnelle et par la volonté enfin de permettre à toutes ces jeunes femmes d'être entendues, reconnues et respectées.
    Je compte naturellement mobiliser, et j'ai commencé à le faire, l'ensemble des moyens disponibles, avec les ministères concernés et les partenaires locaux, élus et associations, pour répondre tous ensemble à cette urgence sociale et politique et faire en sorte que les femmes, qui restent les premiers vecteurs d'une intégration réussie, ne soient plus, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui, les premières victimes en cas d'échec. Le contrat par l'intégration devra conduire à formaliser un certain nombre de droits mais, vous l'avez très bien dit, c'est dès maintenant qu'il faut agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Dominique Dord. Ma question s'adresse à M. François Fillon.
    Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, un consensus national assez exceptionnel semble petit à petit se dessiner sur le dossier des retraites, pourtant très difficile. Nous ne pouvons que nous en réjouir. (Vives exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Gilbert Meyer. Mis à part les communistes !
    M. le président. Continuez, monsieur Dord.
    M. Dominique Dord. Je m'étonne que le consensus vous gêne à ce point, mes chers collègues. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    Ce consensus tient en trois points. Premièrement, les Français sont très attachés, et ils le disent, au régime par répartition, c'est-à-dire au financement par chaque salarié des pensions de nos retraités.
    M. Jacques Desallangre. Il n'y a pas que les salariés !
    M. Dominique Dord. Deuxièmement, ils ont conscience que ce régime par répartition est en pleine crise et ils nous font savoir leur inquiétude.
    Troisièmement, mes chers collègues, ils nous demandent de faire notre métier d'élus, à savoir de sauver le régime auquel ils sont attachés.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas un métier !
    M. Dominique Dord. Ce consensus, que je trouve pour ma part très courageux, honore et oblige, me semble-t-il, chaque Français. Il nous honore en consacrant un principe de générosité, autrement dit le principe de solidarité entre les générations.
    Mme Muguette Jacquaint. Et de justice !
    M. Dominique Dord. Il nous oblige à nous engager clairement dans une réforme difficile, qui nécessitera un effort équitable de chaque salarié au profit de nos retraités.
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait. Pour une fois, c'est bien !
    M. Dominique Dord. Autrement dit, faudra-t-il cotiser plus, ou plus longtemps ? Ces charges nouvelles seront-elles obligatoires ? Quelle part de liberté restera dans le régime de chacun ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quelle progressivité aura la réforme ? Sur quelle base sera calculée la pension des retraités ?
    M. Jacques Desallangre. Et la participation des employeurs ?
    M. Dominique Dord. C'est à nous, Gouvernement, partenaires sociaux et parlementaires qu'il revient désormais de fixer ces modalités. Monsieur le ministre, nous sommes prêts à apporter notre contribution au moment d'arrêter ces choix difficiles.
    Reste toutefois une question, que je me permets de vous poser (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et qui conditionne à mon sens le degré de prise en compte de chacun de ces paramètres.
    M. le président. Justement, monsieur Dord, posez votre question, s'il vous plaît.
    M. Jean-Claude Lefort. Lui, on ne le coupe pas !
    M. le président. Monsieur Lefort, je vous en prie !
    M. Dominique Dord. L'objectif d'équilibre visé doit-il permettre d'anticiper les situations démographiques de 2010, autrement dit de demain matin, ou celles de 2020, objectif déjà plus ambitieux, ou encore de 2040, comme je l'ai entendu, ce qui paraît évidemment encore plus lointain ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, ainsi que chacun a pu le constater, le Premier ministre a donné hier le coup d'envoi de la réforme des retraites.
    M. Lucien Degauchy. Enfin !
    M. Gilbert Biessy. Et les salariés l'ont fait dès samedi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Après dix années de tergiversations, il y a aujourd'hui consensus sur au moins un point : l'urgence à engager cette réforme.
    Jean-Pierre Raffarin a indiqué hier quelle serait la méthode du Gouvernement : d'abord, la concertation avec les partenaires sociaux,...
    M. Maxime Gremetz. Prenez Balladur !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui commencera dès jeudi prochain, ensuite, la concertation avec l'ensemble des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Vous devriez être plus calmes sur ce sujet, mesdames et messieurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le Gouvernement n'a pour l'instant, pas encore proposé de solution définitive ; et vos critiques apparaissent donc strictement partisanes. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Le débat national doit s'instaurer autour de cette question. Le Gouvernement a demandé au CESR de chaque région de l'organiser, mais il souhaite l'accompagner d'une grande campagne d'information nationale, afin que tous les Français puissent être...
    M. Jean-Pierre Dufau. Dans la rue !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... parfaitement au fait des problèmes qui poussent aujourd'hui à la réforme des retraites.
    Au printemps, le Gouvernement présentera ses propositions. Elles seront de nouveau soumises à la concertation avec les formations politiques...
    M. Patrick Lemasle. Au référendum ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et les partenaires sociaux.
    M. Jean-Claude Perez. Mais quand ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Toutefois, le Premier ministre a clairement indiqué que s'il voulait donner du temps à la négociation et à la concertation, il ne pouvait pas donner de temps au temps : autrement dit, avant l'été, un texte sera déposé devant l'Assemblée nationale pour réformer nos retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le Premier ministre a aussi indiqué hier quel serait le cadre de la concertation. C'est d'abord, vous l'avez dit, le maintien du principe de la répartition. Il ne s'agit pas de changer notre système de retraite, mais de faire en sorte qu'il soit sécurisé.
    M. Maxime Gremetz. Avec un zeste de fonds de pension !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous le ferons au nom de trois principes. D'abord le principe de sécurité, qui suppose l'équilibre des comptes, car il n'y aura pas de sécurité sans équilibre financier, mais aussi la garantie du niveau des retraites. Les Français doivent pouvoir savoir à combien se montera leur retraite. Vient ensuite le principe d'équité, et enfin le principe de liberté.
    J'appelle chacun d'entre vous à participer à ce grand débat national sans se réfugier dans une critique en forme d'échappatoire, en prenant finalement exemple sur les partenaires sociaux,...
    M. Maxime Gremetz. En allant dans la rue !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui hier ont fait preuve d'ouverture et de sérénité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

FERMETURE D'UNE USINE PECHINEY DANS L'ARIÈGE

    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.
    M. Augustin Bonrepaux. Madame la ministre déléguée à l'industrie, la France connaît actuellement un véritable raz-de-marée social. Les plans sociaux se multiplient. Entre 50 000 et 70 000 emplois sont en jeu.
    La situation se dégrade et conduit légitimement la population à s'inquiéter de l'efficacité de l'action de votre gouvernement. Si les suppressions d'emplois sont toujours douloureuses, elles se transforment en de véritables séismes économiques lorsqu'elles frappent les zones rurales ou les vallées de montagne. La fermeture de l'usine Pechiney d'Auzat dans l'Ariège va supprimer 350 emplois directs, soit plus des deux tiers des emplois de la vallée, avec des conséquences dramatiques pour tous.
    Elle risque d'avoir des conséquences ailleurs, à Compiègne, à Aubagne, à Issoire. Pourtant, Pechiney réalisera encore en 2002 un résultat net ajusté de 211 millions d'euros. Mais il faut toujours plus de profit, sans aucune considération pour l'emploi et la population.
    Madame la ministre, nous avons besoin de réponses concrètes. Vous avez suspendu la loi de modernisation sociale. Que faites-vous pour prévenir ces plans sociaux ? Que faites-vous pour les zones rurales en difficulté où ces suppressions d'emplois ne font qu'accélérer la désertification ? (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Pour Auzat, toute reconversion est vouée à l'échec, d'autant que l'attractivité de Toulouse a été renforcée par la création d'une zone franche. Pourtant, une modernisation de l'usine est possible et permettrait même de maintenir toute la filière. Son coût est estimé à 15 millions d'euros par Pechiney. Le département et la région sont prêts à y participer. Le Gouvernement peut assurer la réussite de ce projet en attribuant à ce territoire les mêmes conditions dérogatoires que celles consenties aux zones franches et en demandant à EDF de lui accorder un tarif préférentiel.
    Madame la ministre, l'avenir de 350 emplois, la vie de toute une vallée sont entre les mains du Gouvernement. Je vous conjure de les sauver. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, votre question porte sur les annonces faites par Pechiney de la fermeture de l'usine d'Auzat.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Bravo, elle a compris !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je vous demande de m'écouter calmement. Le Gouvernement, vous le savez bien, n'est pas indifférent à ces situations. Vous en connaissez les causes : le gouvernement précédent porte une lourde responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Face à ces situations, François Fillon vient de le dire, notre gouvernement oriente sa politique autour de quatre axes.
    Mme Martine David. Comme pour les retraites ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le premier, c'est l'anticipation. Et vous savez très bien, vous qui connaissez parfaitement le dossier, que le comportement d'anticipation de Pechiney dans cette affaire a été irréprochable.
    Mme Martine David. Bref, tout va bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le deuxième, c'est l'accompagnement. Priorité au reclassement, priorité à la formation. Sous la responsabilité plus directe de François Fillon, nous avançons dans ces domaines.
    M. Augustin Bonrepaux. Répondez à ma question ! Mais répondez !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Vient ensuite la revitalisation du territoire. Vous êtes bien placé pour savoir que celle-ci est en bonne voie, puisque vous être cosignataire de la convention que nous avons initiée ! (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, le Gouvernement continuera à poursuivre résolument une politique de compétitivité des entreprises et une politique de relance économique dont nous espérons qu'elle portera très rapidement ses fruits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS

    M. le président. La parole est à Mme Béatrice Pavy, pour le groupe UMP.
    Mme Béatrice Pavy. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    La France a lancé lundi à Rennes l'Année européenne pour les personnes handicapées, dont la situation a été déclarée priorité nationale du quinquennat du Président de la République.
    « L'année 2003 est une année de mobilisation pour la pleine reconnaissance par la société des droits, des besoins, des richesses de personnes handicapées », a affirmé le président Jacques Chirac dans un message que vous y avez lu, madame le secrétaire d'Etat.
    Le Gouvernement, représenté par quatre de ses ministres, François Fillon, Luc Ferry, Gilles de Robien, Jean-François Mattei et vous-même, a précisé lors de ce colloque, intitulé « Ensemble, tout naturellement », sa volonté de s'atteler à ce dossier notamment en matière d'éducation et d'accès au travail des personnes handicapées. Parallèlement, votre collègue ministre de l'éducation nationale, a mis l'accent sur la nécessité d'une plus grande scolarisation des personnes handicapées.
    Permettre une véritable insertion des personnes handicapées au sein de la société passe d'abord et avant tout par leur parfaite intégration au système scolaire. Pour cela, le Gouvernement a décidé de lancer un plan pluriannuel de cinq ans qui, dès la rentrée prochaine, donnera les moyens et les objectifs à l'ensemble des acteurs de l'éducation afin de répondre à l'attente des personnes handicapées et de leurs familles. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous préciser ces objectifs et ces moyens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Un constat, des convictions et des actions concrètes.
    Le constat, c'est que la pleine intégration des personnes handicapées passe par une bonne insertion scolaire. Or, sur ce plan, la situation n'est guère brillante. Parce qu'ils sont handicapés, 10 000 à 15 000 enfants sont aujourd'hui exclus du système scolaire. Parce qu'ils sont handicapés, plusieurs milliers d'entre eux ne bénéficient que de quelques heures de scolarité par semaine. Et parce qu'ils sont handicapés, des milliers d'enfants ne peuvent suivre une scolarité au-delà du primaire.
    La conviction, partagée par les ministres en charge de l'éducation nationale et par moi-même, est forte : c'est que l'éducation nationale a le devoir d'accueillir tous les enfants, sous une forme ou sous une autre.
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Viennent ensuite les actions concrètes, lancées d'abord par Luc Ferry et Xavier Darcos. Quelles sont-elles ? C'est le financement, dès la rentrée prochaine, de 6 000 auxiliaires de vie scolaire. C'est également la création sous cinq ans de 1 000 classes spécialisées en primaire et surtout en secondaire avec les unités pédagogiques d'intégration. C'est aussi une sensibilisation de tous les enseignants aux problèmes du handicap et une formation plus poussée pour ceux qui sont appelés à devenir des enseignants spécialisés.
    Cet énorme effort de l'éducation nationale est accompagné par la décision que nous avons prise, M. Jean-François Mattei et moi-même, d'inscrire au projet de loi de financement de la sécurité sociale 1 000 places supplémentaires de services d'éducation spécialisée et de soins à domicile.
    Je ne suis pas sûre, madame la députée, que toutes ces actions seront suffisantes. Mais je puis vous assurer que cet effort sera poursuivi dans les années à venir, jusqu'à ce que tous nos enfants, y compris les enfants handicapés, soient accueillis comme ils le méritent avec, au besoin, des moyens adaptés au sein de l'éducation nationale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

EMPLOI

    M. le président. La parole est à M. Francis Falala, pour le groupe UMP.
    M. Francis Falala. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, le Premier ministre le rappelait encore hier soir : la bataille pour l'emploi est une exigence nationale. C'est à ce titre qu'elle est au coeur de la politique du Gouvernement.
    Mme Martine David. Encore faudrait-il qu'il se mette au travail !
    M. Francis Falala. Certes, les difficultés économiques de telle ou telle entreprise conduisent parfois à des choix socialement regrettables. Néanmoins, vous avez décidé de vus battre là où vous avez le pouvoir d'agir efficacement. Ainsi, vous avez d'ores et déjà pris d'importantes mesures en faveur de l'emploi des jeunes...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Lesquelles ?
    M. Francis Falala. Ainsi en est-il du contrat jeunes en entreprise, qui a remporté un réel succès avec 35 000 contrats signés à ce jour.
    Vous avez sans cesse réaffirmé votre volonté d'engager une action résolue pour débrider la création d'emplois dans notre pays,...
    Mme Martine David. Ce sont les licenciements qui sont débridés !
    M. Francis Falala. ... en supprimant de nombreuses contraintes, souvent héritées de nos prédécesseurs socialistes, qui pesaient sur les entreprises. Pouvez-vous nous détailler la politique que vous entendez mener en faveur du développement de l'emploi en France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, face à une conjoncture internationale et européenne morose, le Gouvernement agit au présent et prépare l'avenir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Nous répondons concrètement aux plans sociaux, je l'ai dit tout à l'heure, nous assurons un droit au reclassement aux salariés touchés, nous faisons respecter la loi et le droit, ce qui n'a pas toujours été le cas, et nous mettons en place des contrats de site, que je présenterai au conseil des ministres la semaine prochaine.
    Nous préparons aussi l'avenir en rassemblant toutes les conditions de la croissance et de l'emploi, parce que notre politique n'est pas conjoncturelle, mais structurelle.
    M. François Hollande. Elle est « déstructurelle » !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avons actionné l'instrument de l'offre en assouplissant les 35 heures, en baissant les charges, notamment pour les jeunes - et ce ne sont pas 35 000, mais 45 000 contrats jeunes qui ont été signés jusqu'à ce jour (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) -, et en facilitant la création d'entreprises, notamment avec le texte que Renaud Dutreil va défendre devant vous.
    Nous actionnons l'instrument de la demande, avec l'augmentation du SMIC au mois de juillet prochain, avec la baisse des impôts de 6 % depuis notre arrivée. Enfin, nous allons actionner l'instrument de la formation, parce que la formation et la qualification constituent la meilleure réponse au chômage et au manque de compétitivité.
    Comme vous le savez, le Premier ministre m'a demandé de rassembler dans quelques jours l'ensemble des partenaires sociaux pour parler de la formation, de l'insertion professionnelle des jeunes et du maintien des salariés âgés dans le travail. Je vais les réunir au début du mois de mars pour agir dans ce sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

GEL DE CRÉDITS BUDGÉTAIRES

    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.
    M. Jean Le Garrec. Aujourd'hui, monsieur le ministre de l'économie et des finances, est annoncé un gel de 4 milliards d'euros dans la dépense publique. C'est un montant énorme,...
    M. François Goulard. C'est moins que les déficits que vous avez laissés !
    M. Jean Le Garrec. ... car on va ainsi couper, vous le savez très bien, dans les dépenses d'avenir et les dépenses d'investissement...
    Mme Sylvia Bassot. C'est vrai, mais avec le bilan que vous nous avez laissé !
    M. Jean Le Garrec. ... - l'emploi, la formation, le logement, la ville, l'aménagement du territoire, la culture -, et, bien entendu, dans les contrats de plan.
    Quatre milliards, c'est un montant très important, car cela équivaut, à peu de chose près, aux 4,6 milliards d'euros de dépenses nouvelles supplémentaires votées en décembre dernier. En définitive, un mois et demi après le vote du budget, vous proposez un plan de rigueur...
    Mme Martine David. Quel bilan !
    M. Jean Le Garrec. ... car vous savez très bien que ce gel se transformera en annulation pure et simple des crédits.
    Quelle est la situation ? L'investissement privé se ralentit, la consommation s'affaiblit, et, aujourd'hui, vous coupez dans les dépenses publiques !
    Mme Martine David. Quel bilan désastreux !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Merci les socialistes !
    M. Jean Le Garrec. Cette situation aura des conséquences extrêmement lourdes sur au moins deux plans : le budget de la sécurité sociale, dont nous aurons à reparler,...
    M. Maxime Gremetz. Ah oui !
    M. Jean Le Garrec. ... et, bien entendu, la dégradation des politiques de l'emploi et l'augmentation du nombre de chômeurs.
    En définitive, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas en permanence, comme vous le faites, rejeter la responsabilité sur d'autres. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Edouard Landrain. C'est un spécialiste qui parle !
    M. Jean Le Garrec. En cinq ans, nous avons créé deux millions d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. C'étaient des emplois précaires !
    M. Jean Le Garrec. En sept mois, vous avez 70 000 chômeurs de plus, et des plans sociaux sont annoncés tous les jours. Ayez le courage, maintenant, devant les Français, d'assumer la réalité de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, avant de répondre sur la question des réserves de précaution, permettez-moi de vous dire que ce n'est pas le Gouvernement qui crée des emplois : ce sont les entreprises ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Reconnaissons leurs mérites. Elles ont besoin d'être encouragées,...
    M. Maxime Gremetz. Les salariés aussi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... elles sont la chance de la France. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cela étant, monsieur le député, il ne faut pas confondre l'application du principe de précaution et la rigueur que vous avez évoquée.
    Mme Martine David. Vous allez nous faire la leçon ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le principe de précaution, c'est tout simplement se mettre en état de respecter ses engagements, envers le Parlement...
    Mme Martine David. C'est pour cela que vous gelez les crédits ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et envers les Français.
    Les mesures de précaution qui ont été prises représentent un montant d'environ quatre milliards d'euros, comme vous l'avez indiqué, soit 1,5 % des crédits qui ont été votés.
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas le problème !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il s'agit purement et simplement de faire ce que fait toute personne responsable, qu'il s'agisse des entreprises ou des ménages. Qui donc irait dépenser dans la première semaine la totalité de son salaire ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Les socialistes !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La mesure prise par le Gouvernement est une mesure de sagesse que les Français vont parfaitement comprendre et soutenir. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La seule différence par rapport aux années qui viennent de s'écouler, c'est que le Gouvernement annonce les mesures de précaution qu'il prend et les soumet au Parlement, alors que le précédent le faisait en catimini. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous ne sommes pas en période de rigueur, bien au contraire.
    M. Alain Néri. Qu'est-ce que ce sera !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous voulons en effet soutenir la croissance, comme nous l'avons fait, soutenir l'emploi,...
    M. Jean-Pierre Balligand. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et c'est le contraire de l'austérité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

MINES DE GARDANNE

    M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe UMP.
    M. Richard Mallié. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Vendredi dernier, à Gardanne, la gendarmerie a procédé aux premières constatations dans ma permanence de député saccagée par des voyoux qui se disent mineurs.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Scandaleux !
    M. Richard Mallié. Samedi et dimanche, nous remettions en état et en ordre mon cabinet parlementaire.
    Cet acte de vandalisme est condamnable, et je suis sûr que le ministre de l'intérieur et le ministre de la justice feront ce qu'il faut, mais il n'est le fait que de quelques-uns et il montre l'exaspération et les inquiétudes de l'ensemble des salariés du secteur minier, du charbon ou d'autres substances.
    En effet, le gouvernement précédent, après avoir baladé les syndicats de mineurs pendant des années (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...
    M. Guy Teissier. Il a raison !
    M. Jean-Claude Perez. Mais non !
    M. Richard Mallié. ... a produit, le 2 avril 2002 - serait-ce un hasard ? je ne sais - un projet de loi et de décret portant création d'un établissement public administratif pour garantir l'avenir du statut des mineurs.
    Aujourd'hui, la mine de Gardanne, dernière du Midi, vient d'arrêter l'exploitation du charbon deux ans plus tôt que prévu, en dépit de l'inquiétude des 500 mineurs restants.
    M. Maxime Gremetz. Vous ne les défendez pas ! Roger Meï les défendait, lui !
    M. Richard Mallié. Cet arrêt, initialement prévu en 2005, a été avancé au 1er février 2003 par les Charbonnages de France.
    Ce dossier recouvre de nombreux aspects, comme l'actualisation du pacte charbonnier, qui date de 1994, et la problématique environnementale. Pouvez-vous, madame la ministre, afin de rassurer l'ensemble des mineurs, nous annoncer les mesures qui seront mises en place afin d'assurer une bonne gestion de l'après-mine ? De plus, de nombreuses communes de France s'inquiètent du devenir du sous-sol et des conséquences sur l'environnement, en surface, après le départ des Charbonnages de France et la rétrocession des concessions à l'Etat. Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter les problèmes que nous avons connus, notamment en Moselle, où vous vous êtes rendue au cours de ces dernières heures ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Sachez, monsieur le député, que je déplore fortement les événements désastreux qui se sont déroulés et notamment le saccage de votre permanence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Notre gouvernement est très attentif à l'avenir de l'après-mine. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est la raison pour laquelle j'étais, en effet, hier, à Metz, participant à une réunion que j'avais souhaité tenir avec les responsables des associations des victimes des dégâts miniers. J'ai pu mesurer l'intensité de l'angoisse et du désespoir de ces dernières et j'ai demandé au préfet qu'avant la fin du mois de février, des indemnisations justes leur soient proposées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Alain Néri. Elles sont rassurées, alors !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. S'agissant de l'après-mine, le problème ne se pose bien sûr pas de la même façon à Gardanne. Il nous faut donc regarder l'avenir dans toute sa dimension, et notamment sa dimension sociale. Nous avons demandé au président de Charbonnages de France de revoir le pacte charbonnier afin d'y apporter les adaptations nécessaires, et j'accueille avec beaucoup d'intérêt les propositions de loi que vous avez déposées avec M. Sordi, qui vont permettre de mieux structurer la gestion des droits sociaux des mineurs.
    Enfin, nous souhaitons relancer la concertation au niveau local et au niveau national. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité réactiver l'Agence de surveillance et de gestion de l'après-mine, élargir son domaine de compétences afin qu'elle puisse être pour notre gouvernement une force de proposition qui permettra de manifester la solidarité de l'ensemble de la nation à l'égard des mineurs, profession qui, pendant des années, a été l'un des fleurons de l'économie française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

POLLUTION DU PRESTIGE

    M. le président. La parole est à M. Daniel Poulou, pour le groupe UMP.
    M. Daniel Poulou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Les côtes basques et landaises ont été gravement polluées ce week-end. Le Samathéo a pêché, dimanche, plus d'une demi-tonne d'hydrocarbures près de Biarritz et repéré des nappes importantes qui menacent directement plages et roches. La zone la plus menacée s'étend des plages des Landes, au nord, à celle d'Hendaye, la plus au sud. Biarritz est au coeur de cette zone. Près de 300 personnes - militaires, pompiers, employés municipaux - sont opérationnels depuis lundi, et l'accès aux plages est désormais interdit au public sur toute la côte basque.
    La population riveraine, les professionnels de la mer, les bénévoles et tous ceux qui sont affectés au nettoyage nous ont fait part, tout au long de ce week-end, de leur interrogation et de leur inquiétude sur la composition des hydrocarbures. Vous comprendrez qu'il est important d'informer et de rassurer tous ceux qui oeuvrent sur nos côtes. Aussi aimerions-nous connaître exactement la composition du pétrole du Prestige. Est-il dangereux par inhalation et par contact ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au développement durable.
    Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le député, je vous prie d'abord d'excuser l'absence de Mme Bachelot, retenue au Sénat.
    La question de la toxicité du fioul du Prestige et des risques encourus par les intervenants a été prise en compte par le Gouvernement dès le naufrage du pétrolier. Un groupe d'experts, constitué le 19 novembre, s'est réuni le 6 décembre au ministère de l'écologie et du développement durable. Les analyses et données disponibles confirment que le fioul du Prestige est similaire à celui de l'Erika. Il s'agit de fioul lourd, constitué, pour une bonne part, d'hydrocarbures aromatiques, et notamment d'hydrocarbures aromatiques polycycliques dont la toxicité, en particulier à long terme, est bien connue. Ce fioul pose principalement des problèmes d'irritation en cas de contact avec la peau ou les muqueuses. Le risque d'intoxication par inhalation existe également, en particulier lors du nettoyage des rochers.
    Des consignes précises ont immédiatement été données aux préfets, puis dans une circulaire du ministère de la santé du 7 janvier 2003, pour que tous les intervenants soient informés sur les précautions à prendre et soient équipés de protections adéquates. Le respect strict de ces consignes permet de prévenir le risque d'intoxication. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)

PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

INITIATIVE ÉCONOMIQUE

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour l'initiative économique (n°s 507 rectifié, 572).
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le 27 février 2002, à Saint-Cyr-sur-Loire, le Président de la République dressait ainsi le tableau économique de notre pays : « Au cours des dernières années, la France a bénéficié d'une croissance mondiale exceptionnelle. Dans ce contexte, nos entreprises, nos commerçants, nos artisans ont su créer de nombreux emplois, ce qui a permis à beaucoup de Français de retrouver du travail. [...] Aujourd'hui, la situation économique a changé. La croissance s'est arrêtée ; au quatrième trimestre 2001, la production a même reculé. Le chômage a repris. L'investissement de nos entreprises est en baisse. La France tourne au ralenti. Porté pendant quatre années par la conjoncture mondiale, le Gouvernement n'a pas suffisamment préparé l'avenir et il s'est laissé surprendre. »
    Il ajoutait : « Pour renforcer notre dynamisme, il faut mobiliser les énergies en faveur de l'entreprise créatrice d'emplois et de richesses. [...] Pour cela, je souhaite un effort massif en faveur de la création d'entreprise. »
    Redresser la situation économique dégradée que nous avons trouvée il y a quelques mois à peine et qui nous prive de bien des marges de manoeuvre, la redresser malgré une croissance mondiale et une conjoncture internationale incertaines, préparer l'avenir en augmentant la capacité de nos entreprises, de nos PME, de nos artisans, de nos commerçants, de nos professions libérales de créer des emplois en permettant à plus d'entreprises de naître, de se développer et de se transmettre, préparer l'avenir en refondant le pacte républicain sur un dynamisme économique incontestable pour que la France soit le moteur de l'Europe, telle est l'ambition du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
    Cet objectif, il l'a clairement formulé ici même le 3 juillet 2002, dans son discours de politique générale, et il le poursuit fermement depuis, en dépit des difficultés conjoncturelles.
    Depuis quelques mois se met en place cette nouvelle politique de croissance active, qui marque une rupture avec la politique économique précédente non seulement par les réformes qu'elle met en place, mais aussi par son volontarisme, pas sa foi dans le talent des Français. La nouvelle politique de croissance active est un appel à l'action et à la mobilisation des Français pour l'emploi, une politique résolument antidéflation, anti-récession, anti-morosité dans un pays dont le potentiel de croissance est très fort.
    L'allégement des charges qui pèsent sur le travail, instrument le plus efficace pour réduire le chômage, est résolument engagé.
    La revalorisation du travail est en marche avec l'augmentation prévue du SMIC et celle - immédiate - de la prime pour l'emploi, ainsi qu'avec la réduction substantielle et immédiate de l'impôt sur le revenu.
    Cette revalorisation passera aussi par une action sur l'entrée dans la vie active en direction des jeunes. A cet égard, le Premier ministre m'a demandé d'engager une réflexion sur l'apprentissage, sujet essentiel à l'heure où l'on compte tant de jeunes sans emplois et d'emplois sans jeunes.
    Par ailleurs, le contrat jeune en entreprise est déjà un succès, tandis que la réforme du CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale, se prépare.
    La politique conduite agira également sur la sortie de la vie active. C'est l'objet du débat sur les retraites que le Premier ministre a ouvert hier avec lucidité et détermination.
    Il faut revaloriser le travail. Chaque jour, je vois les effets des 35 heures non seulement sur la productivité de nos entreprises, mais également sur les mentalités. Paradoxalement, les 35 heures ont, pour un coût exorbitant en impôts et un résultat discutable en matière d'emploi, rendu le travail plus pénible, accru le stress au travail, démotivé un grand nombre de nos concitoyens, sans pour autant leur donner les moyens financiers d'« enrichir » le temps ainsi libéré.
    Le travail de demain, celui qu'une majorité moderne peut construire aujourd'hui, ne ressemblera pas à celui d'hier : il devra être plus riche en créativité et en relations humaines, plus épanouissant pour la personne, plus efficace pour la collectivité nationale.
    Nous voyons bien que les Français sont en quête non de la fin du travail, mais d'une nouvelle conception du travail, plus personnalisée, plus conforme à leurs aspirations individuelles. Le présent projet de loi, tout en étant une réforme pour la croissance économique, répond aussi à cette aspiration sociale forte.
    Selon une enquête réalisée par l'IFOP pour le Salon des entrepreneurs, plus d'un quart des Français - 27 % exactement - souhaitent créer une entreprise. Nous voyons bien, derrière ce désir, celui d'une autre forme de travail en même temps qu'une forte aspiration à la liberté et à la réussite sociale dans une société trop souvent bloquée.
    Les 35 heures ont fait souffler sur notre pays l'esprit de renoncement : renoncement à réformer le travail, renoncement de la France à briguer la première pace en Europe.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique. Très juste.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Oui, de l'emploi a été créé entre 1997 et 2000, mais il n'y a pas eu de politique active pour l'emploi ! Oui, il y a eu de la croissance entre 1997 et 2000, mais il n'y a pas eu de politique active pour la croissance !
    Le projet de loi que vous allez examiner, mesdames, messieurs les députés, est porté par l'esprit de réussite : réussite individuelle, et réussite collective pour notre pays.
    L'esprit d'entreprise n'est pas l'apanage du seul monde des entreprises, il doit se diffuser dans toute la société, en particulier à l'école, car notre système éducatif a engendré une école des programmes plus qu'une école des projets, des pratiques et des métiers. C'est ainsi qu'avec Luc Ferry - et cette action est à mes yeux aussi essentielle que les mesures que nous débattons aujourd'hui -, nous allons veiller à ouvrir largement l'école, les universités, les IUT, les lycées et les collèges sur l'entreprise. Une convention sera signée sur ce point le 3 mars prochain.
    Le projet de loi sur l'initiative économique a trois objectifs principaux, qui tous concourent à la création d'emplois nouveaux.
    Premièrement, nous devons au minimum retrouver un rythme de 200 000 créations d'entreprises chaque année, et, mieux encore, nous devons améliorer la pérennité des entreprises créées,...
    M. Michel Vergnier. Ça, c'est intéressant.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... ce qui suppose de favoriser l'accompagnement des créateurs. Créer 100 000 entreprises par an, c'est créer 160 000 emplois la première année, 270 000 cinq ans après !
    Deuxièmement, nous devons développer les entreprises existantes car, trop souvent, les capacités de croissance de nos entreprises sont entravées, le niveau de notre investissement est trop faible et l'épargne des Français, soit 17 % du revenu disponible brut, est insuffisamment dirigée vers les placements productifs de croissance et d'emplois.
    M. Augustin Bonrepaux. Il a l'air content de lui !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Troisièmement, nous devons faciliter la transmission des entreprises françaises, car 500 000 chefs d'entreprise vont passer la main dans les dix années à venir. Il est urgent de préparer cette mutation qui va mettre en jeu des centaines de milliers d'emplois. Le projet de loi mobilise plus de 300 millions d'euros à cette fin.
    M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique, pour les articles fiscaux, et M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ce projet, mesdames et messieurs les députés, doit beaucoup à Francis Mer et à Alain Lambert,...
    M. Eric Besson. Ce n'est pas gentil pour eux ! (Sourires.)
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... et qui, tous deux, lui ont apporté leur soutien et l'ont doté de crédits budgétaires élevés. Je tenais à les associer étroitement à cette réforme.
    Ce projet a été bâti avec les organisations professionnelles, les réseaux d'accompagnement, les conseillers naturels des entreprises, les chambres de métiers et de commerce et de nombreuses associations que passionnent les sujets que nous allons traiter.
    Il a reçu une approbation franche et large de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, représentent les forces économiques de notre pays ou les acteurs de l'accompagnement des entreprises.
    M. Michel Vergnier. Il a surtout reçu une approbation franche du MEDEF !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ainsi, le réseau Force, qui représente huit acteurs essentiels de la création d'entreprises - l'Assemblée des chambres de commerce, l'Assemblée des chambres de métiers, l'ADIE, France active, France Initiative réseau,...
    M. Augustin Bonrepaux. Et tous ceux qui sont contre ?
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... le conseil supérieur des experts comptables, le réseau des boutiques de gestion et le réseau Entreprendre -, a exprimé, par la voix de Christian Sautter (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Michel Vergnier. Surtout sur l'ISF !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... devant la commission spéciale, le 20 décembre dernier, son adhésion aux principes essentiels du texte.
    La CGPME, le MEDEF et l'UPA ont également indiqué combien ce texte allait globalement dans le bon sens pour les entreprises qu'elles représentent.
    Nos concitoyens sont réceptifs au nouveau langage que nous tenons sur l'initiative. Selon un sondage IFOP APCE pour le salon des entrepreneurs, plus de la moitié des Français - 57 % d'entre eux exactement - ont entendu parler des nouvelles mesures annoncées par le Gouvernement. Cette même étude place la France au quatrième rang pour l'attractivité en matière de création d'entreprise, à condition, souligne-t-elle, que soit adopté le présent projet de loi.
    Une étude d'opinion de la SOFRES, réalisée début décembre pour l'Association française de capital investissement, pour Croissance plus et pour la CDC-PME auprès d'entrepreneurs,...
    M. Augustin Bonrepaux. Jusque-là, tout va bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... de porteurs de projet et d'accompagnateurs, indique que « 80 % des personnes interrogées estiment que les mesures proposées vont stimuler la création et la transmission en France » et cite parmi les mesures plébiscitées la création de nouvelles sources de financement, à commencer par les fonds d'investissement de proximité - les FIP - la réduction de la fiscalité sur les mutations,...
    M. Michel Vergnier. Les arrangements en famille !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... la transition progressive du statut de salarié vers le statut de créateur d'entreprise, le différé de charges sociales et l'amélioration de l'accompagnement du créateur.
    Le présent projet de loi a été élaboré sans oeillères ni idéologie, avec le seul souci de mettre en oeuvre ce qui marche. Preuve de mon ouverture d'esprit, s'il en fallait une, j'ai repris, en les amplifiant, certaines des dispositions qui figuraient dans le projet de loi Patriat et qui me paraissaient aller dans le bon sens. J'ai également consulté nombre de rapports riches de propositions diverses et passé beaucoup de temps sur le terrain avec des acteurs économiques.
    Bien des réponses que ce texte apporte ont été proposées par ceux qui ont voulu, sans a priori, faire oeuvre utile.
    Aujourd'hui, alors que ce texte fait l'objet d'un quasi-consensus, l'opposition s'oppose. Alors que le texte est connu depuis le 7 octobre et que je n'avais rien entendu depuis cette date, elle émet des critiques de dernière minute, pour se conformer à son statut d'opposant. Mais celui-ci est bien lourd à assumer lorsqu'il conduit à critiquer aujourd'hui ce que l'on proposait hier...
    M. Michel Vergnier. Vous en savez quelque chose !
    M. le ministre d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... et que, du reste, on n'a pas pu ou pas voulu mettre en oeuvre !
    M. Michel Vergnier. On reparlera de ce que vous avez dit il y a six mois !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Le groupe socialiste a choisi comme porte-parole sur ce texte M. Eric Besson, qui, le 14 septembre 1999, a remis un rapport sur la création d'entreprises. Relire ce rapport à peine vieux de trois ans est instructif :
    M. Besson recommandait de mobiliser l'épargne locale vers les entreprises, comme le font les Américains et les Canadiens, par des fonds de capital-risque solidaire ; il s'oppose aujourd'hui à la création des fonds d'investissement de proximité.
    M. Eric Besson. Ce n'est pas une profession de foi !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il soulignait hier la nécessité de sécuriser le créateur, notamment pour la transition entre deux statuts ; il critique aujourd'hui les nombreuses mesures qui renforcent ou apportent cette sécurisation.
    M. Eric Besson. C'est faux !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Par exemple, la prolongation pendant un an de l'allocation spécifique de solidarité, de l'allocation de parent isolé, de l'allocation veuvage - un an au lieu de six mois - ou l'extension du dispositif Eden aux demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans, sans parler des statuts de bi-activité prévus par le texte.
    M. Eric Besson. C'est scandaleux de dire ça !
    M. Philippe Auberger. Où est la cohérence ?
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il rappelait le souhait des entrepreneurs individuels de bénéficier d'une protection de leur patrimoine individuel en cas d'échec ; il critique aujourd'hui la protection que nous mettons en place - une vraie révolution pourtant - qui va protéger la plupart des entrepreneurs individuels.
    M. Philippe Auberger. Il a retourné sa veste.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il se plaint que nous accordions des incitations fiscales fortes à ceux qui investissent dans les entreprises nouvelles ou en développement, mais il se faisait l'avocat de ces mêmes mesures il y a quatre ans.
    J'ai trouvé intéressant ce rapport de 1999 qui, rétrospectivement, conforte le projet que je vous présente. Il est dommage que le gouvernement précédent n'ait pas jugé bon de lui donner suite.
    M. Jean-Yves Chamard. Eh oui !
    M. Patrick Ollier. C'est bien vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. S'il s'était intéressé à ce sujet, peut-être n'aurions-nous pas connu cette surprenante stagnation de la création d'entreprises en France entre 1997 et 2002, dont le chiffre est resté bloqué à 270 000 alors que la croissance mondiale aurait dû susciter davantage de vocations d'entrepreneurs. Notre niveau d'emploi serait peut-être plus haut qu'il ne l'est aujourd'hui, si un effort plus important avait été entrepris en faveur de la création et du développement des entreprises.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est sûr !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Mon propos est de souligner que ce projet répond à des problèmes qui ont été relevés par tous, avec des solutions pratiques qui, la plupart du temps, ont été appelées par tous, et des moyens juridiques et budgétaires maîtrisés, à la hauteur de ces solutions.
    On peut discuter de telle ou telle modalité technique, on peut regretter que telle mesure fiscale, qui va dans le bon sens, n'aille pas encore plus loin, mais nous avons le sentiment d'avoir, dans ce texte, plus qu'on ne l'a fait ces vingt dernières années, abordé le problème dans sa globalité, sous tous les angles, et avec une franche audace.
    Je voudrais à cet instant saluer le travail qu'a effectué la commission spéciale de l'Assemblée nationale, son président, Hervé Novelli, ses deux rapporteurs, Catherine Vautrin et Gilles Carrez, ainsi que tous les députés qui ont étudié et proposé d'amender ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Au-delà des améliorations techniques ou rédactionnelles que la commission spéciale et ses rapporteurs ont proposées au Gouvernement, et qui préservent la force et la cohérence du projet, ce dont je les remercie, ils ont souhaité l'enrichir de nouvelles réformes : en matière fiscale, notamment, sur la fiscalité du patrimoine, et en matière de simplification des formalités administratives liées aux charges sociales, le guichet social unique, le titre emploi salarié.
    M. Michel Vergnier. Ce sont des reprises !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ces dispositions, le Gouvernement a prévu de les inscrire dans une ordonnance de simplification à venir. La complexité, c'est vrai, reste un obstacle à la création et au développement de nos entreprises, comme à l'attractivité de notre territoire.
    A l'heure où le Gouvernement s'apprête à doubler les zones franches, avec l'ambition de créer entre 80 000 et 100 000 emplois, il faut tout faire pour alléger ce prélèvement de temps et d'énergie que constituent les embûches administratives.
    M. Michel Vergnier. Vous ne faites pas la vraie réforme !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ce sont les plus faibles qui pâtissent le plus de la complexité. Comme le disait Rabelais, les lois sont comme les toiles d'araignée, les petits moucherons s'y font prendre, les gros frelons passent à travers.
    M. Eric Besson. Vous êtes un spécialiste !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ce projet prête une attention particulière aux très petites entreprises.
    M. Michel Vergnier. Et l'artisanat, il est où ?
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je rappellerai tout d'abord cette évidence qu'aucune entreprise ne naît grande, que 40 % des entreprises les plus importantes de la cote de New York n'existaient pas en 1960, que multiplier le nombre d'entreprises de petite taille, c'est augmenter notre chance de créer les champions de demain, pourvoyeurs de futurs emplois.
    M. Jean-Jacques Descamps. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Notre tissu économique est avant tout un tissu de petites entreprises : 93,1 % des entreprises ont moins de dix salariés, 99,8 % moins de deux cents salariés et ces dernières emploient 56,6 % des salariés. Ce sont les petites entreprises qui, aujourd'hui, créent de nouveaux emplois, non les grandes.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Tout à fait !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Les entreprises de moins de dix salariés ont créé 2 millions d'emplois entre 1991 et 1998. Les entreprises de plus de cent salariés, dans le même temps, en ont détruit 1,2 million ! La création d'entreprise a contribué pour les deux tiers aux emplois ainsi créés. Qui peut dire que la loi sur l'initiative économique, dont les mesures concernent pour l'essentiel les petites entreprises, n'est pas une loi pour l'emploi ?
    Le projet de loi porte toute son attention sur toutes les entreprises, qu'elles soient en personnes physiques, 1,4 million d'entreprises, ou en société, 1 million d'entreprises, qu'elles soient artisanales, commerciales, de services, dans le secteur des professions libérales ou dans l'industrie.
    La libre détermination du capital social, la protection du patrimoine de l'entrepreneur individuel, le relèvement du seuil d'exonération des plus-values de cession, j'insiste sur cette disposition qui représente le coût le plus important du projet de loi et qui va concerner 83 % des cessions, l'impôt passant de 26 % à zéro - voilà une mesure qui va beaucoup plus loin que ce qui avait été imaginé précédemment -, l'amélioration des conditions de domiciliation chez soi de son entreprise, le différé de charges sociales la première année, autant de mesures qui sont faites pour les très petites entreprises, même si les moyennes entreprises, en particulier grâce à l'aménagement de la fiscalité sur les mutations, ne sont pas oubliées.
    Ce projet entend répondre en second lieu au problème du financement.
    Vous le savez, mesdames et messieurs les députés, le manque de moyens financiers est, pour deux tiers des porteurs de projet, le principal frein à la création d'entreprise. C'est aussi pour l'ensemble de nos entreprises, quelle que soit leur taille, une faiblesse, faiblesse des fonds propres notamment qui les surexpose aux risques de retournement conjoncturel, les rend trop dépendantes du crédit bancaire et pénalise leur essor.
    Jamais autant de dispositions n'ont été prises pour drainer l'argent des Français vers les entreprises, pour leur création, leur développement, leur transmission.
    Les fonds d'investissement de proximité permettront aux épargnants d'une ou deux régions d'investir dans l'économie locale, tout en bénéficiant d'un avantage fiscal très incitatif de 5 000 euros par foyer et d'une exonération des plus-values à la sortie. Les collectivités territoriales seront associées au lancement de ces fonds.
    Le triplement de l'avantage fiscal lié à l'investissement direct dans une société permettra à un foyer de déduire jusqu'à 10 000 euros de son impôt sur le revenu, ce qui répond à une exigence de la création : en France, la première source de financement lorsque l'on crée une entreprise est l'argent des proches du créateur !
    Le risque des investisseurs de proximité sera mieux couvert par le doublement du seuil de déductibilité des pertes. Ce que l'on peut appeler la socialisation du risque entrepreneurial doit être engagé, car ceux qui prennent des risques doivent être soutenus !
    M. Jean-Yves Chamard. Bien sûr !
    M. Michel Vergnier. On ne prête qu'aux riches !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. L'amélioration du régime de déduction des intérêts d'emprunts souscrits pour une reprise de société favorisera la transmission, notamment pour ceux qui n'ont pas les moyens de souscrire un emprunt sans être aidés fiscalement, monsieur Vergnier.
    M. Jean de Gaulle. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. De même, les allégements de la fiscalité des donations et des transmissions favoriseront la transmission d'une génération à l'autre. N'oublions pas que lorsqu'une entreprise est reprise, ce sont des emplois qui sont sauvegardés, et que lorsqu'une entreprise est vendue à des intérêts étrangers, ce sont des emplois qui peuvent être mis en danger. Il faut donc, là encore pour l'emploi, préserver la patrimonialité française de nos PME : elle est une assurance de maintien d'emplois sur notre territoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    J'ajoute que le différé de charges sociales, y compris CSG et RDS, de la première année d'activité représente une aide nouvelle à la trésorerie, que l'on peut évaluer à 5 000 euros par an et par créateur, sans effet de ressaut grâce à la possibilité d'étaler le remboursement sur cinq ans.
    Enfin, le Gouvernement a jugé utile à la création d'emplois de déposer un amendement à son texte pour intéresser les personnes disposant d'un patrimoine plus élevé au financement des PME : les souscriptions en numéraire au capital des PME bénéficieront d'une franchise de l'ISF.
    Cet aménagement est conforme à l'esprit de la loi : créer des emplois, transformer l'argent dormant en argent fertile et créateur d'emplois. Comme le disait Gilles Carrez récemment : « Il ne s'agit pas de supprimer un impôt, mais d'éliminer ses effets destructeurs sur l'emploi. »
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. J'ai d'ailleurs relevé que cet amendement gouvernemental correspondait à un voeu du porte-parole du groupe socialiste.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. En effet, M. Besson, dans son rapport de 1999, après avoir indiqué que « lors de son déplacement aux Etats-Unis, le rapporteur avait été frappé par l'importance des fonds mobilisés pour la création d'entreprises » - ce qui prouve que les voyages ne forment pas que la jeunesse (Sourires)...
    M. Philippe Auberger. Mais si, il est toujours jeune !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... soulignait que cette forte contribution « s'explique en particulier par une fiscalité avantageuse », et qu'il faudrait « sensibiliser les personnes disposant d'un patrimoine important à la création d'entreprises ».
    M. Patrick Ollier. Ecoutez, monsieur Migaud, ça vous intéresse !
    M. Charles de Courson. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Il poursuivait : « une telle incitation pourrait passer par un aménagement de l'impôt de solidarité sur la fortune ».
    M. Charles de Courson. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Et il concluait que « l'investissement en fonds propres dans une entreprise nouvelle pourrait bénéficier d'une exonération ».
    M. Charles de Courson. Il avait raison !
    M. Patrick Ollier. C'est M. Migaud qui a dit ça !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je crois, monsieur Besson, que le Gouvernement, avec cet amendement, vous donne satisfaction. De fait, nombreux sont ceux, à droite comme à gauche - je pense notamment au rapport Charzat, ou au rapport Lavenir remis à Laurent Fabius - qui ont préconisé de telles adaptations.
    M. Michel Vergnier. Ah, nous y voilà ! On va vous répondre.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Entre la peur superstitieuse d'un impôt et la nécessité de créer de l'emploi, il n'y a pas à hésiter, il faut choisir l'emploi.
    J'ajoute, pour ceux que cet aspect inquiéterait, que le coût budgétaire de cette mesure sera largement compensé par les ressources que l'argent ainsi mobilisé ne tardera pas à susciter. Ce projet de loi ne coûtera pas cher au contribuable : ce qu'il sème aujourd'hui produira demain bien plus qu'il ne coûte au budget de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. On va apprendre à investir dans notre pays ! C'est bien.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Enfin, j'indique à l'Assemblée que le Gouvernement veillera à développer les PCE, prêts à la création d'entreprise, et les PRE, prêts à la reprise d'entreprise, trop peu nombreux encore - 30 000 étaient prévus, 10 000 seulement fonctionnent aujourd'hui - prêts qui sont adaptés au financement des entrepreneurs individuels. La SOFARIS, Société française de garantie des financements des petites et moyennes entreprises, a également été largement dotée, et continuera de l'être.
    De même, le Gouvernement mettra en place des mesures particulières en faveur de l'innovation, à l'instigation de Claudie Haigneré et Nicole Fontaine, pour rattraper les années de retard technologique : seront créés dans ce cadre la société de capital-risque unipersonnelle, le guichet unique de l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, et le statut de la jeune entreprise innovante.
    Au-delà des polémiques convenues qui font couler plus de salive et d'encre dans les médias qu'elles ne créent d'emplois, et à un moment où toutes les ressources de notre pays doivent être mobilisées pour l'emploi, il s'agit de savoir si, oui ou non, nous voulons créer de la croissance, savoir si nous préférons voir les emplois et les capitaux fuir notre territoire, chassés par l'excès des prélèvements obligatoires, ou si nous sommes capables de comprendre qu'entre la contribution obligatoire et l'investissement volontaire dans les entreprises c'est le second qui, bien souvent, sert le mieux l'intérêt général !
    Ce projet de loi, enfin, ouvre une voie nouvelle à la réussite pour tous les Français, une voie encore trop peu explorée, la voie de la réussite par l'entreprise.
    Notre société est une société encore inégalitaire. Contrairement à ce qu'indique le principe d'égalité qui figure dans la devise de la République, la chance de réussir n'est pas la même pour tous : vous le savez, c'est bien souvent la trajectoire scolaire qui détermine la réussite sociale, et cette trajectoire est largement fonction des origines sociales :
    Dans notre société où le « patrimoine de savoir » compte autant que le patrimoine matériel, ceux qui ont le plus de chance d'atteindre le niveau bac général ou technologique sont les enfants d'enseignants : 84,8 %, selon les ministère de l'éducation nationale, contre 23,3 % pour les enfants d'inactifs, 31,2 % pour les enfants d'ouvriers non qualifiés, 38,7 % pour les enfants d'ouvriers qualifiés. L'accès au savoir n'est donc pas équitablement ouvert à tous.
    Il en découle que l'accès à la fonction publique, par exemple, qui est largement tributaire du parcours scolaire, est en réalité fermé à toute une partie de la population, dont le mérite, l'énergie, la qualité humaine se trouvent ainsi mal reconnus.
    En promouvant la création d'entreprise, la réussite par l'entreprise, le Gouvernement entend élargir cette autre voie de la réussite individuelle, celle de l'initiative économique qui, bien sûr, est influencée par le parcours scolaire mais qui apparaît plus ouverte, plus accessible au mérite personnel.
    Voyez les faits : près de 40 % des créateurs seulement ont exercé des responsabilités d'encadrement, alors que 43 % étaient employés ou ouvriers avant de créer ou de reprendre une activité économique ; 55 % des créateurs d'entreprise n'ont pas le niveau baccalauréat et 20 % n'ont aucun diplôme ; un créateur sur trois est demandeur d'emploi.
    L'entreprise n'est pas et ne doit pas être une voie réservée à une minorité ; elle doit permettre à chacun de se réaliser, quelle que soit son origine ethnique, géographique, sociale, culturelle.
    C'est pour cela que le Gouvernement entend améliorer la formation des créateurs, en réduire le coût, dans les chambres de métiers et de commerce, et encourager l'accompagnement. Dès cette année, j'ai augmenté de 50 % les subventions aux réseaux d'accompagnement auxquels le projet de loi étend le régime fiscal de mécénat d'entreprise et nous mettons en place, pour la première fois, un régime juridique légal de l'accompagnement à la création d'activités économiques qui stimulera autant l'essaimage stratégique des salariés des grandes entreprises ou des PME que le portage de projets très sociaux.
    Dans le coeur de nos villes, dans nos quartiers victimes de l'exclusion économique, là où le Gouvernement crée les zones franches, en milieu rural, le projet de loi offrira de nouvelles perspectives à ceux qui ont un projet, il offrira aux territoires, grâce aux fonds d'investissement de proximité, des outils de développement maîtrisés, il permettra surtout à nos énergies, si nombreuses, de se diriger mieux qu'avant, plus vite qu'avant, vers la création de richesses et d'emplois. D'ici à quelques jours, à Marseille, au coeur des quartiers nord, en pleine zone franche, je lancerai une campagne nationale, « Tremplin pour entreprendre », pour ouvrir l'initiative économique aux plus défavorisés.
    Ce projet de loi sera suivi à la fin de l'année 2003 d'un second projet de loi qui traitera de sujets aujourd'hui en discussion : le problème de l'accès des PME aux marchés publics, qui est en débat au sein de l'Union européenne, l'apprentissage, qui va faire l'objet d'une large concertation dans les semaines qui viennent avec les partenaires sociaux, le statut de l'entrepreneur et de conjoint du l'entrepreneur...
    M. Michel Vergnier. Dommage de l'avoir pas fait avant !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. ... qui nécessite que le problème des retraites ait été préalablement résolu. Tous ces sujets ne sont pas mûrs aujourd'hui, ils réclament une concertation approfondie avec les partenaires sociaux avant que vous puissiez légiférer.
    M. Michel Vergnier. Si vous nous aviez écoutés, on n'en serait pas là aujourd'hui !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Mesdames et messieurs les députés, en votant ce projet de loi, en l'amendant comme vous vous apprêtez à le faire, vous donnerez à notre pays de nouveaux outils de développement, en même temps qu'un nouveau souffle, le souffle de la liberté de choisir sa vie et d'entreprendre, le souffle d'une nouvelle égalité des chances ouverte à tous, le souffle de la croissance pour que notre pays s'engage résolument sur le chemin de la réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Vergnier. Comme j'aimerais que vous ayez raison !
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique, pour les articles non fiscaux.
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale sur le projet de loi pour l'initiative économique, pour les articles non fiscaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, toutes les enquêtes, tous les sondages en attestent, 15 millions de Français rêvent de créer leur entreprise. C'est une véritable évolution, voire une révolution culturelle, dans notre pays à la tradition salariale fortement ancrée.
    L'entreprenariat dépasse les seules vertus économiques, c'est un enjeu social, la réponse de la proximité à la mondialisation, un facteur incontestable d'aménagement de nos territoires.
    Près de 300 000 emplois nouveaux sont, chaque année, le fruit de créations d'entreprises, leur valeur ajoutée représente près de 19 milliards d'euros, soit près de 2 % de la valeur de notre économie. Les petites entreprises ont un rôle économique déterminant : de 1997 à 2002, alors que les PME ont créé 1,2 million d'emplois, les grandes entreprises en ont perdu plus de 800 000.
    La vitalité d'une économie tient particulièrement au dynamisme des facteurs de production que sont le travail, le capital, l'investissement et l'innovation. L'acteur qui combine à lui seul ces différents facteurs, c'est l'entrepreneur, d'où la nécessité de faciliter la démarche entrepreneuriale.
    Au cours des dernières années, divers rapports et études confirmant la tendance à la création ou la reprise d'entreprise se sont multipliés et entassés sur les rayons des bibliothèques. Le temps de l'analyse est révolu, les mesures à prendre sont à présent bien identifiées, arrive désormais celui de l'action.
    L'enjeu est de réussir la conjonction d'une volonté nationale et d'un contexte politique. En d'autres termes, nous devons saisir cette opportunité, vecteur de croissance, et faire preuve de responsabilité en l'encourageant.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est vrai !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. C'est dire, monsieur le secrétaire d'Etat, si ce texte est opportun.
    Les mesures proposées par le projet de loi sur l'initiative économique s'inscrivent dans le respect des valeurs de responsabilité du monde de l'entreprise et s'appuient sur l'initiative, l'autonomie, la prise de risque et la volonté de réussite.
    Fini l'écueil de l'économie mixte par la multiplication des aides et des subventions. Il s'agit désormais, pour le Gouvernement, moins d'aider que de facilier, moins d'intervenir que d'accompagner.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Tout à fait !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Ce projet est fondé sur un travail d'analyse interne et externe. Il est indispensable de placer notre politique entrepreunariale dans le contexte international. La règle, dans les pays qui ont mené une politique forte en faveur de la création, est fondée sur trois principes de base : protéger le patrimoine de l'entrepreneur en vue de sécuriser le choix de l'indépendance ; établir un système de calcul de perception des cotisations sociales ; mobiliser une épargne de proximité.
    Par ses deux volets, économique et financier, le texte propose la mise en place d'un dispositif global visant à redonner à l'entreprise l'image d'outil de production qu'elle est en réalité.
    Le projet de loi répond à une situation préoccupante : alors que notre pays a connu une période de croissance soutenue au cours des dernières années, la création d'entreprises est atone. C'est le paradoxe qui distingue, malheureusement, la France de ses principaux partenaires et voisins. Cette situation est d'autant plus malvenue que notre pays va se trouver rapidement confronté au départ de toute une génération de chefs d'entreprise qui ont apporté une contribution décisive à son développement.
    En outre, les comparaisons internationales montrent notre retard par rapport à nos principaux partenaires, aussi bien en termes de flux qu'en termes de stocks. Chaque année, nous créons 44 entreprises pour 10 000 habitants, contre 62 aux Etat-Unis, 65 en Italie, 88 en Espagne. La France figure parmi les pays dans lesquels la création d'entreprise est le choix professionnel le moins spontanément envisagé.
    Parce que l'entreprise favorise l'expression des talents et de l'esprit d'initiative, parce qu'elle conditionne la création de richesses et d'emplois, parce qu'elle irrigue les territoires et diffuse l'innovation, parce qu'elle est un vecteur d'intégration sociale et une chance de réussite, le Gouvernement a placé la création d'entreprise au coeur de son projet économique.
    L'objectif poursuivi est clair : permettre la création de plus d'un million d'entreprises nouvelles à l'horizon de cinq années.
    Ce programme ambitieux tranche avec les atermoiements du précédent gouvernement, qui avait attendu les tout derniers jours de la précédente législature pour faire discuter en première lecture à l'Assemblée nationale un projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat...
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Nicolas Forissier. Ce fut le dernier texte de la précédente législature !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. ... dont le moins que l'on puisse dire est qu'il avait laissé les milieux concernés largement sur leur faim !
    Le Président de la République l'a rappelé : « la France a perdu ces dernières années en compétitivité, en attractivité et en capacité à faciliter la création de richesse. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Les entreprises sont des lieux de parcours riches et variés pour les chefs d'entreprise comme pour les salariés. Nous voulons mettre en avant l'entreprise et son idéal de réussite : 55 % des créateurs d'entreprise n'ont pas le bac, 43 % étaient ouvriers ou employés. Voilà le véritable ascenseur social ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très juste !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Nous avons vécu trop longtemps dans une logique d'affrontement social qui opposait de manière caricaturale employés et chefs d'entreprises.
    M. Nicolas Forissier. Très juste !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Tout en tirant les leçons des expériences passées, le projet de loi aborde la création d'entreprise de manière pragmatique et concrète, levant plusieurs freins qui gênaient la création. Ce texte a vocation à libérer les créateurs d'entreprise des contraintes administratives...
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. ... inhérentes à la création ou à la reprise d'une entreprise et à offrir un dispositif social, financier et fiscal attractif.
    Pour la première fois, un projet de loi prend en compte la création d'entreprise dans ses différents aspects.
    S'agissant, d'abord, de la préparation du projet de création, phase de réflexion et de validation, le texte prévoit des dispositions d'aménagement de temps partiel pour les salariés, pose le principe de bi-activité, qui constitue un filet de sécurité, et ménage la possibilité d'une période transitoire pendant laquelle le créateur reste salarié.
    Le contrat d'accompagnement du créateur et le renforcement des couveuses sont autant de mesures qui permettent de conforter le futur créateur dans sa démarche.
    Quant au temps de la création, ensuite, une simplification des démarches, une plus grande facilité pour la domiciliation, une meilleure protection du patrimoine personnel du chef d'entreprise sont prévues.
    La solution proposée pour assurer cette protection constitue une avancée considérable pour les familles de petits entrepreneurs individuels, qui sont particulièrement concernés par le projet de loi. Elle permettra d'assurer au créateur et à ses proches un minimum de sécurité.
    M. Patrick Ollier. Excellent !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. L'acte de création demeure un acte de prise de risque mais, avec ce texte, le risque est mieux calculé.
    La commission spéciale s'est félicitée des nombreuses avancées permises par le texte et a souhaité poursuivre la démarche.
    Lors de la préparation du projet, les CFE, les centres de formalités des entreprises, offrent des prestations de conseils très intéressantes pour le créateur. Ils sont conduits à participer à l'élaboration du dossier et il est donc logique de leur permettre également de délivrer le récépissé de création d'entreprise.
    M. Patrick Ollier. C'est le bon sens !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Afin que chacun mesure son risque, la commission a souhaité renforcer la protection des personnes qui se portent caution. Il n'est pas rare, en effet, que des proches de l'entrepreneur se retrouvent dans une situation critique à la suite d'une défaillance en raison d'engagements dont ils n'avaient pas toujours mesuré la portée.
    Elle a également adopté un amendement exigeant l'accord des deux conjoints mariés sous un régime de communauté pour créer une entreprise individuelle et engager ainsi le patrimoine commun.
    Afin de développer l'impact de la création d'entreprise sur l'emploi, la commission a retenu le principe du chèque-emploi entreprises, inspiré du dispositif du chèque-emploi service ouvert aux particuliers. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plus d'un million d'entreprises n'ont pas de salariés. Les encourager à embaucher, c'est générer un réel potentiel d'emplois.

    Grâce à ce chèque, l'employeur pourra s'acquitter d'un certain nombre d'obligations et verra les déclarations, le calcul et le paiement des charges sociales simplifiés.
    Le chèque-emploi entreprises sera utilisable par les entreprises comptant au plus trois salariés et par toutes les entreprises, sans condition d'effectifs, pour leurs salariés employés moins de cent jours par an.
    Cette mesure est à mettre en rapport avec un autre amendement instaurant la centralisation à un guichet unique du recouvrement des charges sociales liées à l'emploi de salariés.
    M. Patrick Ollier. Bonne mesure !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Ce guichet assurera pour les employeurs concernés la plupart des obligations déclaratives liées à la conclusion du contrat de travail. Il calculera en outre les charges sociales qui feront l'objet d'un versement unique.
    M. Patrick Ollier et M. François Sauvadet. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Une politique ambitieuse de création d'entreprise doit absolument tenir compte des entrepreneurs existants et de la pérennité de leur activité.
    La commission spéciale a adopté un amendement affirmant solennellement la soumission du salarié créateur à l'obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La commission a souhaité préciser le régime propre du principe de bi-activité afin d'éviter toute ambiguïté et tout litige dans sa mise en oeuvre et permettre ainsi une application de ce droit qui soit respectueuse de la bonne marche des entreprises existantes.
    Dans le cadre du contrat d'accompagnement, elle a adopté deux amendements destinés à éviter une coresponsabilité inconditionnelle de l'entreprise accompagnante face aux agissements du bénéficiaire. Il importe en effet que l'entreprise soit non seulement accompagnée, mais aussi responsabilisée dans sa démarche.
    Dans cette logique, la commission a encouragé le passage du statut de salarié à celui de créateur d'entreprise par l'adoption de trois amendements.
    Le premier autorise le passage à temps partiel des agents publics qui souhaiteraient créer leur entreprise.
    M. Charles de Courson. Excellent !
    M. Patrick Ollier. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il est temps d'opérer un décloisonnement entre le monde de l'entreprise et celui du salariat.
    Le deuxième amendement donne une base juridique au portage salarial.
    Quant au troisième, il permet de revenir sur une modification apportée par la loi Aubry II : il s'agit de retrouver la présomption de non-salariat pour les travailleurs indépendants.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La suppression de cette présomption, créée par la loi Madelin de 1994, avait fréquemment conduit le juge à requalifier en contrat de travail la relation contractuelle entre une entreprise et un travailleur indépendant.
    Les entreprises matures peuvent pourtant jouer un rôle fondamental de coaching et même d'apport de chiffre d'affaires.
    L'externalisation est un outil de la création d'entreprise à ne pas négliger.
    M. Patrick Ollier. Très juste !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. En matière de financement, l'article 17 visait à assouplir les conditions de prêt aux entreprises, par un relèvement du taux de l'usure pour les seules personnes morales effectuant une activité économique.
    Les arguments avancés en faveur de cet article reposaient sur l'idée que le taux de l'usure actuel excluait l'accès au crédit des entreprises présentant les niveaux de risque les plus élevés. Le relèvement du taux de l'usure était donc censé permettre aux banques d'accepter de financer des projets plus risqués.
    L'efficacité, difficile à mesurer, du dispositif n'a pas semblé suffisamment probante au regard du risque qu'il génère de relèvement des taux pratiqués à l'encontre des entreprises existantes. La commission a donc adopté un amendement de suppression de l'article.
    La commission a mis en place un système optionnel de calcul des cotisations sociales, dit « de forfaitisation »,...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. ... dont l'objet est d'asseoir le calcul sur une assiette la plus proche possible des revenus réels et de supprimer les décalages dans le temps liés au système actuel.
    Enfin et de façon cohérente avec l'approche proposée pour l'entreprise individuelle, un amendement parallèle tend à mettre en place un guichet unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales applicables aux travailleurs non salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Nicolas Forissier. Il faudra voter tous ces amendements !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Les dispositions du projet telles qu'elles ont été enrichies par l'examen en commission sont marquées par la volonté d'offrir aux employeurs, aux salariés, à ceux qui aspirent à passer d'une catégorie à l'autre, un cadre juridique souple et efficace, qui permette à chacun de contribuer au développement de l'emploi.
    Avec ce texte, nous souhaitons redonner confiance aux entrepreneurs. Pour nous, l'entreprise n'est ni une vache à lait, ni un bouc émissaire, mais elle est le pivot de la création de richesse d'un pays.
    M. François Sauvadet. Très juste !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. L'esprit d'entreprise et d'initiative doit retrouver une place de choix au sein des valeurs de notre société.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. L'Etat peut créer des conditions favorables et tel est le sens de votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais il faut ensuite qu'il soit relayé par les entrepreneurs eux-mêmes qui, seuls, peuvent susciter l'envie, et par l'école, qui peut expliquer et stimuler.
    Le dynamisme des entreprises est un formidable levier pour l'emploi. En associant des dispositions financières attractives à un volet économique conséquent, le projet de loi constitue clairement l'un des piliers de la politique économique du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale, pour les articles fiscaux.
    M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale, pour les articles fiscaux. Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon, un excellent projet de loi.
    Il s'agit d'un excellent projet de loi parce qu'il part d'une analyse juste des freins à la création d'emplois dans notre pays et parce qu'il prend bien en compte la place déterminante tenue par les petites et moyennes entreprises dans la création d'emplois.
    Il s'agit d'un excellent projet de loi parce qu'il est équilibré, à la fois dans ses objectifs et dans ses moyens.
    En effet, vous avez su tenir compte des impératifs qui s'attachent à la création d'entreprises plus nombreuses, mais sans ignorer qu'il faut tout autant maintenir et développer les entreprises qui existent. Alors que toute une génération d'entrepreneurs va arriver à l'âge où il lui faudra trouver des successeurs, la nécessité de permettre la transmission la plus harmonieuse possible des petites et moyennes entreprises doit être au coeur de nos préoccupations. Le projet de loi répond à cette situation.
    Il s'agit aussi d'un texte équilibré dans les moyens qu'il propose de mettre au service de la création et du développement de l'activité et de l'emploi. A côté d'un volet de mesures fiscales cohérent, il comporte d'importantes mesures de simplification et d'amélioration des conditions de la transition entre l'activité de salarié et celle de créateur ou de repreneur d'entreprise.
    Notre collègue Catherine Vautrin a présenté ces dernières mesures. Je n'y reviendrai donc pas.
    Quant à son volet fiscal, le texte traduit un véritable effort d'allégement de prélèvements excessifs. Dans ces temps budgétaires difficiles, vous avez su convaincre le Gouvernement, et en particulier votre collègue Alain Lambert, de la nécessité de mettre l'outil fiscal au service du dynamisme à long terme de l'économie. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, et la commission spéciale vous apporte son appui car il s'agit d'un bon investissement qui, en créant la confiance, va multiplier les initiatives, procurer à notre économie plus d'emplois, c'est-à-dire moins d'assistanat, plus de ressources individuelles et donc, à terme, de nouvelles recettes fiscales.
    M. Eric Besson. Trop beau, trop joli !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Les mesures financières et fiscales que vous nous proposez constituent un ensemble dont il faut souligner la cohérence.
    L'idée de créer un nouvel instrument financier destiné à drainer l'épargne locale vers les PME a fait l'objet depuis bien des années de nombreuses propositions. Aujourd'hui, celles-ci trouvent enfin leur traduction avec la création des FIP, les fonds d'investissement de proximité. Il s'agit de mobiliser l'épargne locale au bénéfice du développement régional.
    Ces fonds auront les caractéristiques des fonds communs de placement à risque et devront intervenir dans la zone géographique régionale choisie par la société de gestion : 60 % de l'actif de ces fonds se fera dans les fonds propres de PME implantées dans la zone régionale.
    Il est proposé que les souscripteurs des FIP puissent bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 25 % de l'investissement avec un plafond de 10 000 ou 20 000 euros.
    Le projet de loi propose ensuite de relever fortement le seuil de recettes permettant l'exonération de l'imposition des plus-values réalisées par les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu : 250 000 euros, contre 152 600 actuellement, pour les activités relevant du régime des bénéfices industriels et commerciaux ou encore agricoles, et 90 000 euros, contre 54 000, pour les titulaires de bénéfices non commerciaux, notamment les professions libérales. Ainsi, et ce chiffre est essentiel, 83 % des entreprises cédées seront de la sorte exonérées.
    Il s'agit d'une mesure très attendue, tout particulièrement pour le maintien des commerces en centre-ville ou en zone rurale, préoccupation partagée par tous nos collègues maires, soucieux du bon équilibre de leur territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Mme Catherine Vautrin, rapporteure, et M. Nicolas Forissier. Très juste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. En outre, le projet de loi prévoit un dispositif de lissage partiel de l'imposition, à concurrence de la moitié ou du quart, lorsque le montant de recettes dépasse excède les seuils d'exonération.
    Le projet se propose enfin de rendre plus attractifs plusieurs dispositifs d'allégement fiscal, notamment de réduction d'impôt, soit pour inciter les épargnants à investir dans les fonds propres des PME, soit pour faciliter la transmission d'entreprise.
    Je tiens à souligner tout l'intérêt que présente l'extension aux donations du dispositif actuellement prévu pour les successions, lequel permet de les exonérer de la moitié des droits d'enregistrement lorsque des engagements sont pris pour la conservation des biens transmis et la poursuite de l'entreprise. Il s'agit là, en fait, de l'extension aux donations de l'excellent dispositif de Didier Migaud pris pour les successions. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Nicolas Forissier. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Quant à la mobilisation de l'épargne en direction des fonds propres des PME, elle est un vecteur essentiel de la politique du Gouvernement pour le développement de l'emploi.
    La commission a cherché à améliorer le projet de loi tout en restant fidèle à son esprit.
    Dans le domaine fiscal, elle a été attentive à ne pas compromettre le caractère attractif des placements dans les FIP, tout en exprimant son souhait de prendre en compte la spécificité des besoins des petites entreprises ainsi que des entreprises individuelles.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est pourquoi nous avons prévu que ces fonds puissent participer au capital d'organismes de caution des prêts aux entreprises.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. C'est très important !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Ils bénéficieront du même avantage fiscal à l'entrée que celui apporté pour les FCPI, les fonds communs de placement pour l'innovation.
    La commission propose enfin d'assouplir les conditions de sortie du plan d'épargne en actions au bénéfice du financement de la création d'entreprise.
    Le Gouvernement et la commission spéciale ont aussi eu le courage de s'attaquer aux effets destructeurs d'emplois de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Roland Chassain. Aïe !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Mes chers collègues, face à la défense de l'emploi, les tabous de l'idéologie doivent sauter et le souci des réalités l'emporter. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La réalité est, hélas, inquiétante : peu à peu, sous l'effet d'une fiscalité du patrimoine confiscatoire, nos PME familiales, bien implantées dans nos régions, fierté de notre savoir-faire national et de nos traditions industrielles, se vendent à des multinationales, de plus en plus souvent d'origine étrangère. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Et, pour l'emploi, un scénario immuable, un engrenage infernal se met en place : regroupement et transfert des fonctions de direction dans un premier temps ; réduction et délocalisation des activités de production, ensuite. Ces dernières années, 10 000 emplois ont ainsi été perdus, dans des entreprises aussi anciennes que prestigieuses, dont les noms parlent à chacun d'entre nous : les biscuits Saint-Michel - qui n'a jamais mangé une de ces fameuses galettes ? (Sourires) - ; les jus de fruits Joker ; dans le secteur de l'habillement, pour les hommes Eminence et, pour les femmes, Weill ; Salomon, Pomagalski, le laminage du cuivre avec Griset,...
    M. Charles de Courson. Des maisons de vins de Champagne !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... VMC Pêche, le spécialiste de l'hameçon triple - tous les pêcheurs de l'hémicycle connaissent cette entreprise.
    La liste est longue, trop longue. Nous devons sauver nos entreprises familiales ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Assurément !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Ce constat accablant a une cause clairement identifiée : les actionnaires minoritaires de ces PME bien françaises sont placés du fait de l'ISF dans une situation insupportable...
    M. Pierre Méhaignerie. Très juste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... qui, à terme, finit, à leur corps défendant, par provoquer la vente de l'entreprise.
    Leurs parts n'étant pas considérées comme un bien professionnel et eux-mêmes ne pouvant tous exercer une fonction de dirigeant dans l'entreprise, ils en sont réduits à payer l'ISF sur leurs revenus personnels. Et si, pour remédier à cette difficulté, la PME verse des dividendes au moins égaux à l'ISF, c'est elle qui s'appauvrit...
    M. Nicolas Forissier. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... et, faute de réinvestir son bénéfice dans la recherche et le développement, elle devient une proie vulnérable pour les acquisitions. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. C'est le bon sens !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Ayons la lucidité de reconnaître que cette évolution catastrophique a été accélérée par le « plafonnement du plafonnement » introduit en 1996.
    M. Nicolas Forissier. Malheureusement !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Il est aujourd'hui urgent d'endiguer l'hémorragie de nos emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. Il faut le faire !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. C'est courageux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Sortons de l'idéologie ou du réflexe politicien qui consisterait à invoquer la dure réalité des plans sociaux pour dénoncer toute réforme de l'ISF. Nous voulons au contraire éviter demain des plans sociaux à l'initiative d'entreprises multinationales sur lesquelles les pouvoirs publics n'ont pas de prise.
    Rappelons-nous Lionel Jospin qui, devant les salariés de Lu à Evry, il y a à peine deux ans, déclarait : « Il ne faut pas tout attendre de l'Etat. »
    C'est pour éviter ces plans sociaux de multinationales que nous devons tout faire pour que nos PME familiales ne basculent pas sous la coupe de ces grands groupes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Adopter l'ISF en faveur de ces PME et de leurs actionnaires constitue un formidable levier au bénéfice de l'emploi. Les amendements adoptés par la commission spéciale s'inscrivent dans la ligne des propositions lancinantes des différents rapports publiés ces dernières années : celui de mon prédécesseur Didier Migaud en 1998, Pour plus de justice et d'efficacité, que je vous invite à lire, celui de notre collègue Eric Besson en 1999 (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) Pour un plan d'urgence d'aide à la création de très petites entreprises, ou encore celui de Michel Charzat.
    Le premier propose de faire bénéficier d'une exonération de moitié de l'ISF les actionnaires minoritaires liés par un pacte d'actionnaires, c'est-à-dire un engagement collectif de conservation des titres d'au moins six ans, dès lors qu'ils représentent 25 % ou 34 % du capital. Il s'agit, ni plus ni moins, d'étendre à l'ISF le dispositif Migaud mis en oeuvre en 2000, pour les droits de succession. Didier Migaud en avait rêvé à l'époque, c'est nous qui la réalisons aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gérard Bapt. N'en faites pas trop !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Quant au second, il envisage, face à la singulière réticence des Français à investir dans les fonds propres de leurs PME, si bien dénoncée par un Eric Besson touché par la grâce après un voyage aux Etats-Unis, d'exonérer d'ISF les apports en numéraire dans nos PME en développement.
    Nul doute, avec ces amendements, que l'attractivité de notre territoire ne soit en partie restaurée, au moins pour nos PME, ce qui me paraît la première des priorités.
    M. Jean-Claude Sandrier. Mais à quel prix ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Certains collègues de la majorité risquent de nous trouver trop suivistes par rapport à nos prédécesseurs socialistes (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Nicolas Forissier. Il faut aller bien au-delà !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... et donc trop timorés dans notre remise en cause du tabou de l'ISF.
    Je leur rappellerai qu'il ne s'agit pas ici de chambouler l'ISF ni, a fortiori, de le supprimer, mais seulement d'en éliminer les effets pervers sur l'emploi.
    D'ailleurs, le coût fiscal pour l'Etat sera faible : 100 millions d'euros...
    M. Gérard Bapt. Ce sera beaucoup plus !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... sur les 2,2 milliards que rapporte l'ISF avec, à la clé, la sauvegarde de plus de 10 000 emplois, ce qui en fait le meilleur des investissements.
    Quant à nos collègues socialistes, hier convaincus mais aujourd'hui paralysés par leur congrès qui approche, je leur rappelle ce que Tony Blair déclarait ici-même il y a quatre ans : « la gestion de l'économie n'est ni de gauche, ni de droite,...
    M. Nicolas Forissier. Très juste !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... elle est bonne ou elle est mauvaise ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'ajustement de l'ISF que nous proposons est bon pour l'emploi et surtout, monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble de votre projet de loi pour l'initiative économique constitue un formidable appel d'air pour toutes nos PME.
    Le débat qui s'ouvre aujourd'hui est au coeur du projet de société que la nouvelle majorité a soumis aux Français : une société créative et généreuse, solidaire et travailleuse, pragmatique et républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. Excellent rapporteur !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous présentez un très bon texte et il arrive opportunément, à un moment où la croissance économique ralentit en raison de l'incertitude internationale, et où de nombreux plans sociaux sont annoncés, entraînant des suppressions d'emplois, parfois dans des conditions extrêmes. Or, comme l'a dit Gilles Carrez, c'est précisément dans une conjoncture difficile qu'il faut se donner ce que j'appellerai un accélérateur de croissance interne en la personne du créateur, du petit et du moyen entrepreneur.
    Depuis quelques années, on l'a dit il y a quelques instants, les créations d'entreprise stagnent dans notre pays, autour de 180 000 depuis trois ans. Plus préoccupant encore, la France accuse un retard par rapport à ses voisins européens, Catherine Vautrin l'a rappelé, puisque l'Espagne et l'Italie, pour ne citer qu'elles, créent chaque année deux fois plus d'entreprises que la France à population comparable. En outre, l'écart se creuse chaque année entre les Français qui manifestent un intérêt pour l'initiative et ceux qui passent effectivement à l'acte. Si la France connaissait une densité entrepreneuriale équivalente à celle du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, elle compterait respectivement 3,4 millions ou 4,4 millions d'entreprises, contre 2,4 milions en réalité. Un chiffre, mes chers collègues : 30 000 créations d'entreprises supplémentaires par an - c'est le défi que nous devons relever ces cinq prochaines années -, et c'est l'assurance de la compensation, au moins, de l'ensemble des plans sociaux décidés la même année.
    Face aux difficultés, au chômage, non seulement ce texte exprime une philosophie, comme l'a excellemment rappelé Gilles Carrez, en considérant le créateur d'entreprise, l'entrepreneur comme une réponse majeure aux difficultés de notre pays en matière d'emploi, mais il apporte aussi, de manière plus importante encore, une solution concrète aux problèmes posés de façon lancinante, depuis des années, aux créateurs et aux entrepreneurs. Dans votre projet, monsieur le secrétaire d'Etat, le créateur d'entreprise est reconnu comme un élément fondamental de l'architecture économique, il est soutenu personnellement dans sa démarche.
    J'en fournirai trois exemples :
    Premièrement, on facilite le « passage à l'acte » pour créer l'entreprise. Tel est l'objet des premiers articles du texte évoqués par Catherine Vautrin.
    M. Michel Vergnier. Ils seront sans effet !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Deuxièmement, le succès est récompensé puisque l'article 22 relève le plafond d'exonération des plus-values professionnelles en cas de cession de l'entreprise individuelle.
    Mais, troisièmement, en cas d'échec, on permet de ne pas saisir l'habitation principale, offrant ainsi une deuxième chance.
    M. Michel Vergnier. Quelles seront les garanties fournies, alors ?
    M. Hervé Novelli, président de la commission. Le créateur est non seulement enfin reconnu mais il est aussi encouragé. En effet, le titre premier du projet de loi simplifie la création d'entreprise ; le deuxième concerne les salariés en facilitant leur passage au statut d'entrepreneur ; le troisième favorise le financement de la plus petite entreprise en permettant de mobiliser l'épargne de proximité ; le quatrième comporte des mesures à caractère social telles que le report du paiement des charges sociales dues au titre de la première année, pour permettre un meilleur accompagnement des entrepreneurs ; enfin, le dernier chapitre vise à permettre une meilleure transmission de l'entreprise en améliorant les régimes financiers et fiscaux.
    C'est donc, monsieur le secrétaire d'Etat, un projet de loi très complet que vous nous avez proposé et que la commission spéciale, que j'ai eu l'honneur de présider, a examiné ces dernières semaines.
    M. Michel Vergnier. Très rapidement !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Près de quinze heures d'auditions et plus de 240 amendements, mes chers collègues, dont près de 80 ont été adoptés démontrent à la fois l'intérêt qu'ont porté les parlementaires au texte et la richesse du débat parlementaire en commission.
    M. François Sauvadet. Très juste !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. La majorité de la commission spéciale a souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, s'inscrire dans la logique même de votre texte et a tenté, chaque fois que cela était nécessaire, de le préciser ou de le compléter. Les deux rapporteurs, Catherine Vautrin, pour les articles non fiscaux, et Gilles Carrez, pour les articles fiscaux, nous en ont détaillé les principales dispositions. Pour ma part, je voudrais insister sur deux aspects sur lesquels la commission s'est engagée de manière complémentaire.
    Le grand chantier de la simplification, d'abord. Certes, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous le savons bien, le Gouvernement prépare un projet de loi d'habilitation pour pouvoir simplifier par ordonnances. Mais la majorité de la commission spéciale a estimé qu'il fallait dès maintenant afficher une ambition dans ce domaine. La simplification sociale, avec la « forfaitisation » des charges sociales, tant attendue dans la micro-entreprise, le chèque emploi salarié, le guichet unique social, forment un train ambitieux de mesures de simplification. La volonté de voir le Gouvernement déposer chaque année, dans le sillage de ces ordonnances, un projet de loi de simplification a, elle aussi, été réaffirmée et souhaitée, comme en témoignent les amendements déposés.
    Un autre volet a été ajouté, qui vise à favoriser l'investissement dans la création et le développement des petites et moyennes entreprises. Il s'agit des quatre amendements concernant l'ISF adoptés par la commission spéciale dont a excellemment parlé notre collègue Gilles Carrez. Je ne résiste pas, monsieur le secrétaire d'Etat, au plaisir de citer l'un des membres de la commission spéciale qui a indiqué qu'il convenait « de réfléchir sur les moyens de sensibiliser les personnes disposant d'un patrimoine important à la création d'entreprise et de les inciter à investir dans ce domaine. Une telle incitation pourrait passer par un aménagement de l'impôt sur la fortune. Cet aménagement prendrait la forme d'une exonération du montant de l'investissement réalisé en faveur d'une entreprise en création à hauteur d'un certain plafond...
    M. Michel Vergnier. Allez jusqu'au bout !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. ... sur le modèle de celles applicables aux biens professionnels qui ne sont pas pris en compte dans l'assiette de l'ISF. »
    La commission spéciale a approuvé ce jugement porté par un de ses membres puisqu'elle a adopté ces quatre amendements qui seront examinés ultérieurement, au nom du principe simple qu'il vaut mieux investir dans les petites et moyennes entreprises créatrices d'emplois que de laisser l'argent dormir, par exemple, dans des oeuvres d'art non taxées !
    M. Michel Vergnier. Il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Ce jugement figure dans l'excellent rapport d'information déposé par M. Eric Besson à la fin de l'année 1999. Il n'y a rien à redire à ce constat, monsieur Besson.
    M. Nicolas Forissier. Il va voter pour !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. En conclusion, mes chers collègues, deux menaces se profilent aujourd'hui, auxquelles il convient de répondre de manière très ferme.
    La première serait d'adopter, à la faveur des suppression d'emplois qui se produisent aujourd'hui dans nombre de grandes entreprises, une attitude globalement anti-entrepreneuriale. Bien évidemment, il convient de ne pas y céder. Je rappelle que l'entreprise est le lieu unique de création de richesse et un facteur privilégié de la création d'emplois dans une économie moderne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mieux encore, mes chers collègues, la figure de l'entrepreneur individuel, petit ou moyen, doit être une des figures de proue de notre société, car il incarne la création, la prise de risque. Il subit la sanction économique en cas d'échec, mais en contrepartie, il doit recevoir une rétribution méritée en cas de succès. Ce texte, monsieur le secrétaire d'Etat, le reconnaît et le valorise.
    M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. La seconde menace consisterait à rester au milieu du gué et à ne pas se donner tous les moyens d'obtenir l'accélération de l'initiative économique que vous appelez de vos voeux.
    M. Eric Besson. C'est exact !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Face à ces deux menaces, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, et la majorité de la commission spéciale avec vous, décidé de mener l'offensive, en vous appuyant sur les 14 millions de Français qui veulent créer leur entreprise, sur les 300 000 emplois nouveaux créés chaque année pour les petites entreprises et qu'il faut augmenter, face aux ravages - je n'hésite pas à employer ce terme - créés par les funestes lois socialistes :...
    M. Michel Vergnier. Oh ! là ! là ! Un peu de tendresse !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. ... les 35 heures, la loi de modernisation sociale, la loi sur les nouvelles régulations économiques. Vous avez, au contraire, décidé de miser sur les millions de Français qui, parce que vous leur en donnerez les moyens, déclineront demain au quotidien les beaux mots de « liberté » et de « création ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Eric Besson.
    M. Eric Besson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre de ce que nous appellerons dans quelques semaines ou dans quelques mois, lorsqu'elle aura été promulguée, la « loi Dutreil ». Tout ministre, et c'est bien légitime, aime qu'une loi porte son nom, témoignant ainsi de la contribution qu'il apporte à l'édification de la règle du jeu collective. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je ne suis pas de ceux-là.
    M. Eric Besson. L'honneur doit être d'autant plus grand que le ministre est jeune. Or, vous l'êtes. Je me permets de rendre hommage à votre jeunesse, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous avez choisi d'y faire une allusion, au demeurant ambiguë. Peut-être me l'expliquerez-vous hors de cet hémicycle. (Sourires.)
    Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, pensez-vous sincèrement que, dans quelques mois ou quelques années, vous revendiquerez cette oeuvre ? (« Bien sûr » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Oui !
    M. Eric Besson. Croyez-vous vraiment que vous vous réjouirez de voir votre patronyme accolé à un texte partiel, inachevé (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.),...
    M. Charles de Courson. Il faut reconnaître ses enfants !
    M. François Sauvadet. Une fois voté, ce sera une loi de la République.
    M. Eric Besson. ... bancal, contraire, à cause de ses excès en matière d'exonération fiscale, à nos principes républicains et constitutionnels, contraire même, à cause de son à-peu-près et parfois de ses gadgets, à la cause juste qu'il prétend défendre, celle de la création d'entreprises ? Une fois votre texte connu, j'ai, comme d'autres membres de la commission spéciale, passé ces derniers jours et encore ce week-end à discuter avec des créateurs d'entreprises,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo !
    M. Eric Besson. ... avec des artisans, des commerçants, des chefs de petites entreprises et des réseaux d'accompagnement de la création d'entreprise.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Eric Besson. J'ai parfois entendu, disons-le franchement, des échos positifs, par exemple sur l'étalement des cotisations sociales ou sur des avancées nécessaires, comme le guichet unique ou le titre emploi salarié. Je tiens à faire remarquer qu'elles ont été largement préparées par vos deux prédécesseurs, Marylise Lebranchu, ici présente, et François Patriat, alors qu'elles ne figuraient pas dans votre texte d'origine...
    M. Gérard Hamel. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait alors ?
    M. Michel Vergnier. Au moins, reconnaissez-le.
    M. Eric Besson. Comme nous en déplorions l'absence, nous avions préparé des amendements que votre majorité a préféré reprendre, ce qui est légitime.
    Remerciez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, les députés de la majorité d'avoir donné un peu de chair à une carcasse bien nue, en acceptant leurs amendements sur ce point, car ils vous auront au moins aidé à présenter une façade en trompe-l'oeil qu'il était pourtant difficile d'imaginer jusqu'à l'examen de votre texte en commission spéciale.
    Mais j'ai surtout entendu s'exprimer une grande déception et un grief majeur : en consentant des exonérations fiscales massives et en acceptant d'ouvrir, par le biais de ce texte, le chantier de démolition de l'ISF, vous avez donné le sentiment que la création d'entreprises était affaire de fortune.
    M. Xavier de Roux. Pas de fortune, mais de capital !
    M. Roland Chassain. Caricature !
    M. Eric Besson. Vous en avez fait une affaire de riches, alors que la création de petites, voire de toutes petites entreprises, est souvent la deuxième, la troisième, voire la dernière chance donnée à ceux auxquels le marché du travail et la vie n'ont pas permis de s'intégrer et qui, dans l'immense majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité des cas, créent leur entreprise avec moins de 100 000 francs d'apport, comme nous le disions jusqu'il y a moins de treize mois, soit moins de 15 000 euros. Ces petites entreprises, les artisans, les commerçants, les entrepreneurs individuels sont les grands oubliés de votre texte.
    Leur déception est à la fois légitime et fondée. Vous l'avez vous-même en grande partie suscitée, en tous cas le gouvernement auquel vous appartenez.
    Comme certains de nos collègues ici présents, j'ai encore dans l'oreille les propos tenus par votre collègue Bédier, en octobre dernier, alors que les députés de la majorité voulaient tailler en pièces des pans entiers de notre législation économique, sociale et fiscale notamment la loi « nouvelles régulations économiques », qui annonçait dans ce langage, pardonnez-moi, à la fois ampoulé et supposé « communicant » qu'affectionne le Gouvernement, « une grande loi sur l'attractivité de la maison France » que vous, monsieur le secrétaire d'Etat, défendriez en ce début d'année devant le Parlement. Nous y sommes.
    Nous l'attendions avec à la fois curiosité et gourmandise cette loi sur « l'attractivité ».
    Nous étions d'abord curieux de voir comment un gouvernement se réclamant du libéralisme allait prétendre transformer d'un coup de baguette législative, une attractivité dont nous pensons, nous, qu'elle est le fruit complexe d'une alchimie où la qualité de l'éducation, de la formation, la sécurité juridique, la qualité des infrastructures et des investissements publics jouent, à côté de la compétitivité des entreprises, de la richesse de l'innovation, de la qualité de l'environnement ou des atouts culturels, un rôle majeur. Notre curiosité est en partie satisfaite : votre conception de la compétitivité est bien aussi réductrice que nous le pensions.
    En vertu des dogmes libéraux que vous célébrez, l'attractivité signifie moins de charges - vous ne parlez plus que de « charges », jamais de cotisations sociales - moins d'impôts, moins d'Etat, moins de règles, moins de droit du travail,...
    M. Gérard Hamel et M. Xavier de Roux. Oui !
    M. Eric Besson. Vous confirmez ce que j'étais en train de dire. C'est parfait.
    Bref, moins de tout ce que vous ne qualifiez, vous, que de carcan, de contraintes ou de rigidités.
    M. Roland Chassain et M. Xavier de Roux. Oui !
    M. Eric Besson. Cette ligne de pente - si l'on peut encore, du haut de cette tribune, utiliser le mot « pente », désormais associé à une pénétrante formule dont l'auteur est persuadé qu'elle lui vaudra la postérité, formule dont on peut d'ailleurs noter qu'elle pourra se prêter à bien des déclinaisons, car ces jours-ci la route paraît moins droite et la pente plus raide -, cette ligne de pente, donc, de la course au moins-disant fiscal et social, qui est celle dans laquelle le Gouvernement inscrit son action,...
    M. Xavier de Roux. Oui !
    M. Eric Besson. ... est parfaitement illustrée par votre texte et par les amendements que vous vous apprêtez à accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Méhaignerie. C'est idiot !
    M. Eric Besson. Monsieur Méhaignerie, nous vous avons connu plus nuancé !
    M. Pierre Méhaignerie. Je suis attaché à l'entreprise !
    M. Eric Besson. Très bien, mais n'utilisez pas des adjectifs que l'on n'a pas l'habitude d'entendre dans votre bouche et qui pourraient vous être retournés dans d'autres domaines.
    Au fond, monsieur le secrétaire d'Etat, avec vous la création et la transmission d'entreprise c'est simple : une bonne dose d'exonérations fiscales et tout devrait aller pour le mieux. Nous attendions votre texte non seulement avec curiosité, mais aussi avec gourmandise, car nous pensions que vous alliez devoir nous présenter un bilan, un diagnostic, votre diagnostic sur la situation économique française, sur sa compétitivité, son attractivité. Nous pensions que cela allait devoir vous obliger, votre Gouvernement et votre majorité, à quitter les approximations de la campagne électorale et les propos de café du commerce - « Plus personne ne travaille en France », « Notre pays est confronté à une hémorragie permanente de capitaux et de talents »,...
    M. Nicolas Forissier. C'est la vérité !
    M. Eric Besson. ... « Plus personne ne veut investir en France » -, tous ces fantasmes que vous cultivez à longueur de journée et que vous auriez, enfin, cherché à justifier. L'exercice était certes délicat, car aucun rapport sérieux ne vient étayer ces thèses. Vous n'auriez pas pu ici, devant l'Assemblée nationale, prétendre accorder le moindre crédit au fameux classement sur la compétitivité proposé par le forum de Davos, classement dont tous les économistes, y compris ceux de droite, ont bien dit ce qu'il avait de ridicule eu égard aux critères et à l'échantillon retenus. Nous aurions pu comparer ce classement de Davos, dont les députés de la majorité ont fait des gorges chaudes ces dernières semaines, avec les rapports plus crédibles de l'INSEE ou de l'OCDE. Vous auriez dû nous expliquer pourquoi la France, dont nous sommes supposés avoir tant dégradé la compétitivité,...
    M. Xavier de Roux. Ah ça, oui !
    M. Eric Besson. ... a créé plus d'emplois et connu une croissance plus soutenue que ses partenaires européens de 1997 à 2002, alors qu'elle avait fait moins bien qu'eux de 1993 à 1997. Vous auriez dû nous dire pourquoi l'année 2000 fut une année exceptionnelle de croissance, d'investissements étrangers en France et d'emplois créés : 500 000 emplois créés en 2000, soit le record du siècle !
    M. Nicolas Forissier et M. Charles de Courson. Vous n'y êtes pour rien !
    M. Eric Besson. Mais les faits, les chiffres ne vous importent guère. Vous préférez, dans ce domaine comme dans tant d'autres, jouer sur des impressions, sur des sentiments. Vous ferez de la communication, ce qui paraît logique pour un gouvernement qui se vit d'abord comme une grande agence de communication. Lorsque nous parlerons d'exonérations fiscales - les rapporteurs y ont déjà fait allusion -, a fortiori lorsque nous traiterons de l'impôt sur la fortune, vous ne fournirez ni preuves ni chiffres ni étude d'impact.
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Si !
    M. Eric Besson. Aucune étude de l'administration, aucun rapport parlementaire, aucune analyse du Gouvernement ! Vous nous direz que vous êtes persuadé - vous avez déjà commencé à le faire cet après-midi -, sans pouvoir le démontrer, que des milliers d'entreprises et des dizaines de milliers d'emplois quittent la France. Puis vous nous direz que vous n'êtes pas capable d'évaluer vraiment le coût budgétaire des exonérations que vous proposez. Pour finir, vous essaierez de nous convaincre - le rapporteur général s'y est déjà employé tout à l'heure - qu'il est faux de penser en termes de coût budgétaire et qu'il conviendrait plutôt de parler d'investissement rentable, tant vous êtes habité par la conviction - je devrais dire par la foi, car on sait qu'elle se vit, s'impose et ne se démontre pas - que la croissance et l'emploi vont être formidablement dynamisés par les exonérations que vous accorderez aux plus riches de nos concitoyens.
    Et, puisque je parle des libertés que vous prenez avec les faits et avec les chiffres, permettez-moi de revenir un instant sur la fâcheuse tendance de votre majorité à nier que la création d'entreprise se porte un petit peu mieux en France depuis quelques années, et singulièrement - pardon d'être grossier à vos yeux ! - depuis 1997.
    M. Nicolas Forissier. Comme par hasard !
    M. Eric Besson. Je ne crois pas au hasard justement ! Depuis la fin des années quatre-vingt, le nombre de créations d'entreprises en France a décliné, passant d'environ 200 000 à un point bas de 166 000 en 1997. Depuis, la courbe s'est à nouveau inversée, lentement certes, mais sûrement, et la France a créé 175 000 entreprises en 2002. Le président de la commission parlait même de 180 000 ! Vous le voyez, je suis plus modeste. Je ne dis pas là que nous devrions nous en satisfaire ou qu'il y ait de quoi pavoiser. Mais vouloir faire mieux, ce qui est à la fois votre droit et votre devoir, ne devrait pas vous conduire à nier l'action de vos deux prédécesseurs. En effet, dans de nombreux domaines, vous ne faites que mettre vos pas dans les leurs. Je ferme là cette parenthèse consacrée aux chiffres de la création d'entreprises pour reprendre le fil de mon propos et rappeler notre attente à l'égard de la « grande loi sur l'attractivité » que vous nous aviez annoncée.
    Dans les faits, votre texte le prouve - ne le prenez pas mal, monsieur le secrétaire d'Etat ! -, la montagne aura accouché d'une souris. Plus exactement : d'une souris pour la création d'entreprise, mais d'un énorme rat fiscal. (Sourires.) C'est bien là le paradoxe de la future loi Dutreil : elle ne va pas apporter grand-chose à la création d'entreprise, mais elle va coûter cher, très cher même. Le coût de votre projet de loi a été estimé par le rapporteur général de la commission des finances à 350 millions d'euros et celui des amendements divers, c'est-à-dire les exonérations nouvelles votées par les députés de la majorité, à 50 millions d'euros, sans compter les 100 millions évoqués par M. Carrez pour les exonérations sur l'ISF. Même en reprenant les chiffres de notre rapporteur, sans doute volontairement sous-estimés, nous parvenons à un total de 500 millions d'euros, soit 3,2 milliards de francs pour les nostalgiques dont je fais parfois partie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cela fait beaucoup ! Cela fait cher pour une loi qui ne va rien changer au quotidien de 95 % à 98 % des créateurs d'entreprise. Vous devez avoir conscience, monsieur le secrétaire d'Etat, du caractère inachevé, presque bâclé, de votre copie. Vous devez en avoir conscience puisque, devant la commission spéciale constituée pour étudier ce texte, vous avez d'ores et déjà annoncé une nouvelle loi sur le développement de l'entreprise et des mesures de simplification administrative auxquelles vous procéderez, nous avez-vous dit, par ordonnance.
    Une loi sur le développement de l'entreprise et sur le statut de l'entrepreneur ? Comment pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, distinguer ainsi la création et la transmission du développement de l'entreprise ? A quoi rime ce saucissonnage ? Comment pouvez-vous à la fois prétendre respecter le Parlement, vous déclarer prêt à améliorer votre texte grâce au travail des députés et annoncer ainsi des simplifications administratives par ordonnance ? Que craignez-vous donc ? Vous disposez ici d'une majorité large - certains diront même pléthorique. Est-ce d'elle que vous vous méfiez ? Cherchez-vous à vous protéger des ardeurs de quelques députés libéraux qui se sont auto-intitulés réformateurs et qui, eux, au moins, ont le mérite de la cohérence ? Sur le fond, vous partagez leurs idées, mais le plus discrètement possible, pour que cela se voie ou se sache le moins possible ?
    M. Jean-Pierre Balligand. M. Novelli s'est reconnu !
    M. Eric Besson. Oui, mais il n'est pas le seul !
    M. Jean-Pierre Balligand. En effet !
    M. Eric Besson. Quelles que puissent être vos motivations, toujours est-il que vous décrédibilisez vous-même votre projet, monsieur le secrétaire d'Etat, en reportant à d'autres textes des dispositions qui, en toute logique, auraient dû trouver leur place ici. Ce sentiment d'inachevé est d'autant plus prégnant que d'autres ministres annoncent, eux aussi, des dispositions sur l'innovation et la recherche, la sécurité financière, l'aménagement du territoire, qui, elles aussi, auraient pu trouver leur place dans ce grand texte sur l'attractivité.
    Si votre projet n'était pas prêt, ce dont personne ne vous aurait tenu rigueur, pourquoi l'avoir déposé si vite devant notre assemblée ? Pourquoi cette hâte, ce bricolage et, pour tout dire, ce gâchis, tant il est manifeste que ce texte sera celui d'une occasion manquée pour la création d'entreprise ? Pourquoi ce projet de loi alors que la très grande majorité des dispositions qu'il contient auraient trouvé plus naturellement leur place dans la loi de finances de 2003, que nous avons votée il y a quelques semaines à peine, et puisque votre projet de loi est avant tout un recueil d'exonérations fiscales ? C'est probablement là que réside la réponse.
    Les cadeaux fiscaux auxquels vous vouliez procéder, ou auxquels vous avez dû accepter ou promettre de procéder, ce qui revient exactement au même, vous aviez besoin de les emballer d'un papier cadeau présentable, politiquement correct. Dans votre bouche, les exonérations fiscales que vous proposez deviennent - vous avez fait assaut de formules tout à l'heure, les uns et les autres - un formidable moteur pour la croissance et l'emploi, l'outil par lequel vous allez combattre l'avalanche de plans sociaux que nous connaissons. Ce qui est remarquable, c'est que vous parvenez à dire cela sans rire, sans vous laisser influencer par les sourires, selon les cas, bienveillants, compatissants, apitoyés ou goguenards, de ceux qui, au sein même de votre famille politique, trouvent que la ficelle est un peu grosse et qui attendent avec curiosité vos explications sur le lien entre les exonérations que vous proposez et l'accélération de la croissance en France.
    Votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, est une coquille vide, au design et à l'ergonomie parfaitement soignés pour pouvoir y accueillir aisément votre réforme de l'ISF. J'ai dit « votre réforme ». Pardon d'avoir utilisé ce qui est probablement aujourd'hui un gros mot ! J'ai entendu ici même, mardi dernier, en réponse à une question d'actualité que je lui posais, le Premier ministre affirmer qu'il n'était pas question de réformer l'ISF. Depuis, M. Raffarin et les députés de la majorité font assaut de créativité sémantique. Et comme on vous sait fin lettré, monsieur le secrétaire d'Etat, je suppose que vous tiendrez à participer en bon rang au grand jeu de l'euphémisme lancé par M. Raffarin, celui-là même qui, de cette tribune, nous annonçait, à grand renfort de formules boursouflées, le temps de la réforme et de l'action, le temps de l'audace, le temps de la réforme audacieuse. Voici, en fait, le temps de la réforme niée, le temps de la réforme camouflée, le temps de la réforme honteuse !
    M. François Sauvadet. Oh ! là ! là !
    M. Eric Besson. Aujourd'hui, pour l'ISF, vous ne réformez pas, nous dites-vous. Vous toilettez, vous adaptez, vous aménagez !
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Eric Besson. Pour les plus audacieux d'entre vous, vous allégez ! M. Novelli, président de la commission spéciale, que l'on avait connu plus clair et plus ardent, a même parlé de « flécher ».
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Oui, flécher vers la cible !
    M. Eric Besson. Il s'agirait non plus d'exonérer, mais de « flécher » l'ISF vers la croissance et l'emploi.
    M. François Sauvadet. C'est exactement cela !
    M. Eric Besson. Toutes ces prudences, tout ce qu'il faut bien appeler un monument d'hypocrisie, vous tentez de le justifier en prétendant briser un tabou, pour reprendre l'expression encore utilisée il y a quelques instants par M. Carrez. Que n'a-t-on pas entendu et que ne s'apprête-t-on pas à entendre de roulements de tambours et de martiales déclarations sur ce thème ? Attention âmes sensibles, la droite va courageusement s'attaquer à un tabou ! Mais quel tabou ? Tabou auprès de qui ? Peut-être auprès de vous, mesdames, messieurs les députés de la majorité, qui vous souvenez de ce qu'ont pensé nos concitoyens de la suppression de l'ISF voulue par MM. Chirac et Balladur ! Pour nous l'ISF n'est pas un tabou.
    M. Charles de Courson. Si !
    M. Eric Besson. Lorsque nous l'évoquons, nous ne nous posons que des questions simples. Est-il juste ? Il nous semble que oui, tant il est vrai que les inégalités de patrimoine n'ont cessé de croître et tant nous continuons de penser que chacun doit contribuer aux charges publiques à proportion de son patrimoine et de son revenu.
    Est-il économiquement et financièrement rentable ? On peut en discuter, mais rappelons qu'il rapporte tout de même plus de 2 milliards d'euros par an, soit quatre fois ce que va coûter votre loi. Il avait d'ailleurs été rétabli par le gouvernement de Michel Rocard afin de pouvoir créer le RMI, je le rappelle. Avez-vous le sentiment que, depuis six mois, le nombre de RMIstes et d'exclus recule dans notre pays ? Croyez-vous indispensable de vous priver d'une recette fiscale alors que l'on vous voit multiplier les acrobaties pour nier que vous avez dépassé le seuil de 3 % de déficit rapporté au PIB, seuil que, pour le coup, vous jugiez naguère réellement tabou ? Est-il indispensable de vous en prendre à l'ISF au moment même où vos choix budgétaires et votre politique économique vous conduisent à réduire de 6 % le budget de l'emploi, à geler des crédits votés il y a à peine six semaines et à être dans l'incapacité de financer le CIVIS, ce contrat pour les jeunes annoncé en grande pompe pour ce début d'année ?
    L'ISF est-il rentable ? On peut aussi se demander - pourquoi pas ? - s'il comporte des effets pervers. Vous avez souligné à l'envi, de façon excessive et partiale, que plusieurs députés socialistes n'avaient pas hésité à aborder ce sujet sous la législature précédente, et c'est vrai. Les rapports Migaud et Charzat ont été abondamment cités et vont probablement continuer à l'être pendant toute la durée de ce débat.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Sans oublier le vôtre !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Ne soyez pas trop modeste !
    M. Eric Besson. Je regrette que vous ayez fait une lecture partielle, voire partiale de mon rapport.
    M. Michel Vergnier. C'est une lecture sélective !
    M. Eric Besson. Cela dit, je vous remercie au passage pour la publicité dont il avait probablement manqué il y a quelques années, que vous avez abondamment faite cet après-midi ! (Sourires.) J'aurai l'occasion d'expliquer en quoi il se distinguait totalement de vos propositions. Je regrette que vous n'ayez lu qu'une partie du rapport.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Manque de temps !
    M. Eric Besson. Par manque de temps, probablement. Mais il y a bien d'autres rapports dont je ne retrouve trace ni dans l'esprit ni dans les dispositions de votre texte ! Ceux de MM. Migaud et Charzat sont visiblement plus cités que lus, car leur lecture devrait conduire à des observations beaucoup plus nuancées. Je retiens, par exemple, que nos deux collègues suggéraient de s'intéresser aux propositions du Conseil des impôts, qui consistaient à réformer les modalités de calcul de l'ISF, mais sans affecter son rendement. On est donc bien loin de la caricature à laquelle certains se sont livrés cet après-midi.
    Le moment où vous décidez de réformer l'ISF est, par ailleurs, singulièrement mal choisi, alors que le chômage augmente fortement et que nos concitoyens sont marqués par l'avalanche de plans sociaux et de restructurations annoncés ces derniers jours.
    M. Gérard Hamel. Cinq ans de socialisme !
    M. Eric Besson. Je sais que vous considérez qu'il s'agit là d'un rapprochement incongru. Il est pourtant fondé. En effet, lorsque l'on met bout à bout la baisse de l'impôt sur le revenu, aujourd'hui celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, la suspension de plusieurs des dispostions de la loi de modernisation sociale, les coupes dans les emplois aidés, la création des contrats jeunes en entreprises, que vous appelez « contrats sans charges », mais qu'il faudrait surtout appeler « contrats sans formation », tout cela, même si vous ne le revendiquez pas, dessine une ligne politique claire, celle que le Premier ministre a appelée ici même, la semaine dernière, une politique de l'offre, politique dictée davantage par les a priori idéologiques que par les nécessités de l'économie française, tant il est manifeste que ce dont notre pays a avant tout besoin aujourd'hui c'est un surcroît de croissance portée par la consommation populaire.
    Vous vous offusquez que l'on puisse trouver indécent que vous vous attaquiez à l'ISF alors que se profile le spectre d'un vrai marasme social, comme si vous ignoriez que la politique est aussi faite de signes et de symboles ! Nous savons bien qu'il n'est pas interdit de faire la fête quand des voisins sont touchés par un deuil. Mais il est malvenu de faire la fête devant une maison touchée par un deuil, fût-il un deuil social. En ramenant la création d'entreprise à une simple affaire d'exonérations fiscales, vous commettiez déjà une erreur et un contresens. En y ajoutant la réforme de l'ISF en pleine vague de plans sociaux, vous commettez de plus une erreur politique majeure doublée d'une faute de goût.
    Plutôt que de multiplier des exonérations fiscales, qui coûteront cher et n'auront qu'un impact très limité sur la création d'entreprise, vous auriez dû vous intéresser davantage à deux des verrous majeurs de celle-ci, je veux parler de l'accompagnement amont et aval des porteurs de projets et de leur accès au financement. Je ne citerai que deux chiffres, mais ils sont essentiels : un créateur sur dix seulement déclare avoir été aidé par un réseau d'accompagnement de la création d'entreprise lors de sa création. Et la même proportion, soit un créateur sur dix seulement, bénéficie d'un crédit bancaire au moment de son lancement.
    En matière de financement, monsieur le secrétaire d'Etat, vos deux prédécesseurs, Marylise Lebranchu et François Patriat, avaient créé deux outils qui tenaient bien compte de la difficulté spécifique du financement de la petite entreprise en France : le prêt à la création d'entreprise - PCE - et le prêt à la reprise d'entreprise - PRE. Ces outils, vous n'en parlez absolument pas dans votre texte.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale, et M. Charles de Courson. Si !
    M. Eric Besson. Nous y reviendrons. Le PCE suscite une grande satisfaction de la part des créateurs d'entreprise, parce qu'il répond bien à leurs attentes, mais ces derniers dénoncent les difficultés qu'ils ont à y accéder, et que les chiffres confirment : 11 000 PCE accordés en 2002 contre 30 000 budgétisés. Quelle conclusion en tirez-vous ? Pourquoi certaines banques ne jouent-elles pas le jeu alors que le système de garantie mis en place limite considérablement leur prise de risque ?
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Voilà la bonne question !
    M. Eric Besson. Comment améliorer et élargir l'accès à un mécanisme juste puisqu'il est l'outil par lequel une personne, dotée d'un bon projet mais dépourvue d'assise financière personnelle, peut avoir accès au crédit ?
    Pourquoi ne nous proposez-vous rien sur ce sujet majeur - ni diagnostic, ni amélioration - préférant, encore une fois, vous en remettre totalement aux vertus supposées de l'exonération fiscale ?
    Pourquoi ne pas vous être attaché non plus à la rationalisation, au renforcement et à l'homogénéisation des réseaux de la création d'entreprise ? Votre projet n'en parle pas, ne propose rien en la matière. Aujourd'hui, vous le savez, beaucoup de créateurs n'accèdent pas au réseau d'aide à la création d'entreprise. Ils sont pourtant nombreux, ces réseaux, mais mal répartis et peu coordonnés. Leur complémentarité n'est que trop insuffisante. Un consultant, Dominique Thierry, notait en 1998, mais je crains que cela n'ait guère évolué depuis, que dans aucun autre pays de l'Union européenne il n'existe un tel enchevêtrement de structures, d'acteurs et d'intervenants comme celui que l'on connaît en France.
    M. Jean-Pierre Balligand. C'est ça le problème !
    M. Eric Besson. L'actuelle majorité prend souvent ses références et ses exemples aux Etats-Unis où je suis allé, monsieur Carrez, pour des raisons professionnelles puis en tant que député de nombreuses fois. Mais je crains de n'avoir pas été touché par la grâce que vous évoquiez.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Ce n'est pas ce qui ressort de votre rapport !
    M. Eric Besson. J'y ai vu quelques éléments intéressants dont j'ai voulu rendre compte dans mon rapport. La critique que je porte sur le libéralisme américain et ses méfaits à travers le monde est peut-être un peu distincte de l'appréciation que vous en avez. En tout cas, pour une fois nous vous incitons à vous inspirer davantage des Américains. Inspirez-vous du volontarisme de la fameuse Small Business Administration. Vous y verrez que, contrairement à la légende et aux dogmes libéraux que vous professez ici, l'Etat fédéral américain est interventionniste en matière de création d'entreprises.
    Le créateur y est accueilli, accompagné, l'accès au financement lui est concrètement facilité notamment lorsqu'il appartient à ce que les Américains dans leur jargon, dont je ne suis pas responsable, appellent les « minorités », catégorie qui englobe les femmes créatrices d'entreprises, les personnes de couleur, les personnes en difficulté, etc.
    Notre conception républicaine n'est certes pas la leur et je ne propose pas ici d'importer leurs méthodes dites de « discrimination positive ». Mais je note tout de même la cohérence entre l'énoncé d'un principe fondamental - celui de la liberté d'entreprendre - et son application : les Américains s'efforcent, quant à eux, de transformer cette liberté formelle en liberté concrète.
    Je ne peux m'empêcher de faire ici la comparaison avec certains aspects caricaturaux de votre texte. Vous allez accepter des amendements qui visent à améliorer le sort d'héritiers fortunés propriétaires minoritaires d'entreprises dans lesquelles il ne travaillent pas - en clair des rentiers - en les exonérant de l'ISF.
    Dans le même temps, vous transformez en avance remboursable la malheureuse prime de 40 000 francs du dispositif EDEN que perçoivent les jeunes exclus et les chômeurs créateurs d'entreprises. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Vergnier. On ne prête qu'aux riches !
    M. Eric Besson. Comment voulez-vous que nous échappions à la caricature lorsque vous vous y vautrez avec tant de délectation ? Le gouvernement Juppé avait déjà, il y a quelques années, supprimé l'ACCRE, l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise. A qui oserez-vous expliquer aujourd'hui que vous préférez traiter mieux le rentier soumis à l'ISF que le chômeur en fin de droits qui créée son entreprise ?
    Les députés de l'UMP, lors de la réunion de la commission spéciale, ont refusé - je dois le dire pour être honnête - avec beaucoup de gêne et après bien des hésitations, l'amendement que j'avais présenté au nom du groupe socialiste visant à rétablir la prime du dispositif EDEN. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette faute, car il s'agit bien d'une faute, sera corrigée en séance.
    Ce type d'exemple montre bien malheureusement combien votre texte heurte nos principes républicains les mieux établis d'égalité devant les charges publiques et pourquoi l'on peut, de ce fait, douter de sa conformité à notre constitution.
    En quoi votre texte est-il, selon nous, irrecevable parce que non-conforme à la Constitution ? Je ferai d'abord référence à trois articles de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. L'article 1er affirme que « les hommes naissent et demeurent égaux en droits... », l'article 6 poursuit en déclarant que « la loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». L'article 13 consacre, quant à lui, l'égalité devant l'impôt.
    La valeur constitutionnelle de ces principes n'est plus à démontrer. Depuis sa décision du 29 décembre 1911 dite Chomel, le Conseil d'Etat a constamment réaffirmé l'attachement qu'il porte au respect du principe d'égalité devant la loi.
    Or l'article 8 de ce projet de loi méconnaît le principe d'égalité, du fait du traitement différent qu'il institue entre les salariés entrepreneurs et les indépendants.
    Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 27 décembre 1973, a sanctionné une rupture de l'égalité devant la loi fiscale, précisant par là-même la valeur constitutionnelle de cette liberté. Les nouvelles exonérations des biens professionnels de l'ISF enfreignent ce principe.
    Le principe d'égalité devant les charges publiques a été reconnu par le Conseil d'Etat le 30 novembre 1923 et maintes fois réitéré depuis. L'article 14 de votre texte prévoit des avantages fiscaux qui rompent l'égalité entre les citoyens.
    Ainsi, vous ne respectez pas trois principes généraux du droit qui ont valeur constitutionnelle.
    Enfin, la notion de proportionnalité par rapport à l'objectif recherché n'est pas respectée. Les avantages fiscaux excessifs proposés pour la création de fonds d'investissements de proximité, pour les souscripteurs de parts dans les FIP, pour les investissements directs dans des sociétés non cotées, pour la déductibilité des pertes subies lors de l'investissement direct des sociétés non cotées, pour la déductibilité des pertes subies lors de l'investissement dans une société nouvelle représentent un cumul de dispositions fiscales somptuaires, sans rapport direct avec l'objet final de la loi qui est la création d'entreprises.
    Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet de loi non seulement ne fait guère avancer la cause de la création d'entreprises, mais, de plus, en rompant avec nos principes républicains et constitutionnels les mieux établis nous paraît irrecevable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Luc-Marie Chatel, pour le groupe de l'UMP.
    M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je crois que M. Besson a travaillé un certain temps sur le sujet : apparemment, il s'est montré plus convaincant dans son rapport que dans la défense de l'irrecevabilité de ce texte.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité plurielle. Très bien !
    M. Luc-Marie Chatel. Encore qu'il n'ait pas su se montrer très convaincant avec le gouvernement précédent qu'il soutenait puisque bien peu de mesures ont été prises en la matière.
    M. Eric Besson. L'EPCE, par exemple !
    M. Luc-Marie Chatel. Il nous dit aujourd'hui que ce texte est incomplet :...
    M. Michel Vergnier. Partiel !
    M. Luc-Marie Chatel. ... c'est l'hôpital qui se moque de la charité ! Nous considérons, quant à nous, que mieux vaut une loi que des rapports sans suite.
    M. Besson s'est donc efforcé de nous convaincre que ce texte était inconstitutionnel. Sur un sujet aussi crucial pour la vitalité de notre économie, aussi essentiel pour tous ceux qui tentent d'entreprendre et de créer de la richesse et des emplois, on pouvait toutefois espérer une participation un peu plus constructive de l'opposition. Cette démarche procédurière constitue presque une insulte pour toutes celles et tous ceux qui, aujourd'hui, sont victimes de la situation économique préoccupante et qui attendent, de la part de leurs élus, une mobilisation sans faille, dénuée d'arrière-pensées politiciennes. L'emploi, comme l'a dit le Premier ministre, c'est d'abord une réalité humaine. Il ne peut donc servir de marionnette dans le jeu des petites mesquineries politiciennes.
    Alors, il est vrai qu'en matière économique, il reste une différence fondamentale entre nous. Nous, nous pensons qu'il faut bien distinguer l'économie et l'idéologie. Nous ne considérons pas, comme M. Le Garrec en début de séance, que vous avez créé deux millions d'emplois en cinq ans, ou, comme M. Eric Besson vient de nous le dire que vous avez battu un record avec 500 000 emplois créés en 2000.
    M. Eric Besson. La France a battu un record, pas nous !
    M. Luc-Marie Chatel. Nous estimons, pour notre part, que l'emploi ne se décrète pas, qu'on ne l'impose pas artificiellement par la loi.
    M. Michel Vergnier. Alors pourquoi présenter ce texte ?
    M. Maxime Gremetz. Pourquoi nous demandez-vous de légiférer ?
    M. Luc-Marie Chatel. L'emploi est le résultat d'une bonne santé de l'activité économique et marchande. Et il appartient précisément à la collectivité publique de créer les conditions d'un bon développement des entreprises, d'agir sur leur environnement et de simplifier les démarches administratives qui étouffent toute initiative.
    Lutter contre le chômage, c'est avant tout créer les conditions favorables au développement des entreprises, car sans entreprises, sans entrepreneurs, il n'y a pas d'emploi.
    Tel est l'objectif de ce texte qui tend à inverser la tendance. Il s'agit aujourd'hui de faire confiance à la base, à l'initiative, à la responsabilité individuelle, par opposition à la France de l'assistance que vous avez trop souvent érigée en modèle. Il s'agit de libérer les énergies en créant de vrais emplois, pas des emplois au rabais, comme les emplois-jeunes, pas des emplois virtuels, comme ceux qu'on attend toujours et qui devaient compenser les effets dévastateurs des 35 heures.
    Vous avez choisi, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire confiance aux hommes, aux talents, aux créateurs, trop souvent découragés, étouffés par notre administration, parfois même contraints à l'exil. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Je tiens à rendre hommage à votre pragmatisme, à votre écoute et à votre audace.
    Pragmatisme, car chaque entrepreneur doit trouver dans les vingt-cinq articles de la loi une réponse adaptée à son projet, à son potentiel de développement et à ses contraintes.
    Ecoute, car vous avez procédé depuis quelques mois, et contrairement à ce qui vient d'être dit, à une large consultation des principaux intéressés : plus de 4 000 acteurs et décideurs du monde économique, associatif, social ont été consultés.
    Enfin, audace, car votre texte fera date dans de nombreux domaines. « La montagne accouche d'une souris », a-t-on entendu dire. Eh bien, une souris comme ça, moi je la prends en l'état ! (Sourires.) Cette loi fera date sur des sujets maintes fois évoqués dans des rapports : rapport Besson, rapport Daniel,...
    M. Roland Chassain. Tous restés dans les tiroirs !
    M. Luc-Marie Chatel. ... mais laissés jusqu'à aujourd'hui sans réponse.
    Quelques exemples : la création d'entreprise sera moins coûteuse, plus rapide, plus simple. Il sera désormais possible de créer une entreprise en un jour, en un lieu, avec un montant de capital libre. N'est-ce pas là un changement important, monsieur Besson ? De même, afin de réduire la prise de risque, la résidence principale de l'entrepreneur individuel sera protégée, ce que vous avez semblé nier tout à l'heure.
    Le texte prévoit aussi que les salariés qui veulent créer une entreprise pourront, pendant un an, bénéficier du régime adapté pour faciliter leur pluriactivité. C'est un message très fort adressé à tous les salariés, dont on sait qu'un sur trois rêve de créer sa propre entreprise.
    En choisissant d'orienter l'épargne de proximité vers la création d'entreprises, vous transformez l'argent qui dort en investissement utile pour l'activité, pour l'emploi. Les fonds d'investissement de proximité seront ces outils tant attendus de mobilisation de l'épargne de proximité vers les entreprises locales, sans opacité et sans multiples intermédiaires.
    Enfin, des mesures novatrices dans le domaine de la transmission d'entreprise, comme le relèvement du seuil d'exonération des plus-values professionnelles, l'exonération des droits de mutation pour les donations aux salariés ou encore l'encouragement à la transmission anticipée d'entreprise permettront d'éviter que, chaque année, 50 000 entreprises disparaissent faute de repreneur.
    « Projet bâclé », avez-vous encore déclaré, monsieur Besson. Mais, depuis de nombreux mois, le Gouvernement avait annoncé ce projet ; il a discuté avec les différents partenaires. Et la commission spéciale, présidée par Hervé Novelli a procédé à de multiples auditions. En outre, la situation est trop inquiétante pour que nous perdions du temps. Le nombre de créations d'entreprise a baissé, en effet : il est passé à 175 000 par an, contre 200 000 à la fin des années 80. C'est moins bien que chez tous nos voisins, alors que nous avons bénéficié, pendant cinq années, d'une meilleure croissance qu'eux.
    Le texte qui nous est présenté aujourd'hui a une double dimension, économique et sociale.
    M. Michel Vergnier. En quoi est-il social ?
    M. Luc-Marie Chatel. Il constitue une nouvelle étape de la politique de croissance active que nous voulons mener en faveur des entreprises, pour créer de la richesse au service de l'emploi. Avec les 35 heures, avec les lois de régression sociale, vous aviez injecté des virus à retardement dans nos petites et moyennes entreprises.
    M. Maxime Gremetz. Comment pouvez-vous parler de lois de régression sociale ?
    M. Luc-Marie Chatel. Ce texte est un des antidotes qui redonnera de l'air à nos entreprises...
    M. Maxime Gremetz. De l'air vicié !
    M. Luc-Marie Chatel. ... et en attirera de nouvelles. Bien entendu, le groupe de l'UMP votera contre cette exception d'irrecevalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des députés communistes et républicains.
    M. Daniel Paul. Avec ce texte, vous affichez la volonté de favoriser la création de TPE, de PME et de PMI. Mais il s'agit en fait d'un prétexte pour faire de nouveaux cadeaux à ceux qui en ont eu déjà beaucoup. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité plurielle.) Vous prétendez soulager les créateurs d'entreprise. Si tel était votre objectif, nous vous soutiendrions. En réalité, vous voulez grignoter une fois de plus le code du travail, jusqu'à le remettre en cause. Vous affirmez vouloir protéger les petits entrepreneurs, mais vous n'agissez pas en ce sens. On note d'ailleurs que rien, dans ce projet, n'empêchera la mainmise des donneurs d'ordre sur les sous-traitants qu'ils continueront de pressurer. Vous dites votre compassion à l'égard des entreprises et de leurs salariés, victimes de fermetures et de chômage.
    M. Gérard Hamel. Oui !
    M. Daniel Paul. Vous prévoyez cependant un allégement de l'ISF, dont seuls profiteront précisément ceux qui provoquent les licenciements, ceux qui sont déjà les plus nantis. Sans doute n'y a-t-il pas autre chose à attendre d'une droite qui a affiché son allégeance au MEDEF et ne cache pas sa volonté d'aller plus loin dans l'aide aux plus fortunés, au détriment de tous les autres. Bien sûr, nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. François Sauvadet. Je regrette que, sur ce sujet sérieux, qui touche à l'emploi ainsi qu'à la création et à la transmission d'entreprise, M. Besson se soit montré amnésique et caricatural.
    M. François Brottes. Ce propos relève de l'insulte !
    M. François Sauvadet. Amnésique, car il a oublié que le texte présenté en la matière par la précédente majorité n'a été soumis à l'Assemblée qu'en fin de législature.
    M. François Brottes. Parlez-nous de l'obstruction à laquelle s'est livrée l'opposition d'alors !
    M. François Sauvadet. Nous avons eu à peine le temps de terminer l'examen de la loi d'orientation sur l'artisanat et les PME. A l'époque d'ailleurs - j'y étais - nous n'avons pas manqué de souligner que nos travaux n'aboutiraient pas.
    M. Michel Vergnier. Le nouveau gouvernement pouvait poursuivre la discussion du texte au Sénat !
    M. François Sauvadet. Quand donc on a réellement la volonté d'encourager la création et la transmission d'entreprise, on se doit de présenter un projet allant dans ce sens dès le début de la législature. C'est précisément ce que nous faisons aujourd'hui.
    Alors, bien sûr, et sur ce point vous avez raison, monsieur Besson, le texte qui nous est soumis est amendable. D'ailleurs, et c'est le rôle d'un Parlement moderne, nous l'avons déjà largement amendé et j'espère que le débat va se poursuivre dans cet hémicycle. Nous avons ainsi retenu quatre-vingts amendements visant notamment à prendre davantage en compte non seulement les sociétés, mais également les entreprises individuelles, celles de ces petits artisans et commerçants dont on voit l'activité se déliter faute de repreneur - nous aurons l'occasion d'y revenir.
    Alors, vous revenez sans cesse sur les prétendues créations d'emplois du gouvernement précédent. Mais de quels emplois parlez-vous ? Je pourrais longuement évoquer, pour ma part, tous ces nouveaux emplois qui ont conduit tant de jeunes dans l'impasse sans même qu'une formation leur ait permis de trouver leur place. Ils voyaient approcher avec angoisse le moment où leur emploi prendrait fin sans qu'ils aient de solution de rechange. Je pourrais multiplier les exemples montrant que le RMI a déstabilisé le monde du travail en poussant certains à renoncer à s'engager dans le monde du travail. Mais je vous épargnerai cette litanie. Sachez en tout cas que nous allons mener le combat pour que le travail soit mieux rémunéré et moins coûteux pour l'entreprise. C'est un véritable engagement que nous prenons là et je le répéterai tout à l'heure au nom du groupe UDF à cette tribune.
    Enfin, le comble de l'hypocrisie est atteint lorsque vous nous parlez de croissance. Faut-il rappeler ici que, en pleine période de croissance, la France s'est retrouvée à la douzième place parmi les quinze pays européens. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Vergnier. Cela n'a rien à voir !
    M. François Sauvadet. Qu'avez-vous fait de la croissance ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Vous reprenez les propos de vos amis de Davos !
    M. François Sauvadet. Nous aurons quant à nous à gérer une situation beaucoup plus difficile (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Nous la gérerons avec courage.
    M. Maxime Gremetz. Ces chiffres sont scandaleux !
    M. François Sauvadet. Enfin, quand je vous entends dire, monsieur Besson, que vous n'avez pas vu de jeunes talents quitter notre pays, que des capitaux n'ont pas été expatriés, je me demande si nous vivons dans le même pays.
    M. Maxime Gremetz. Scandaleux !
    M. François Sauvadet. Je pourrais en effet vous citer des exemples bourguignons qui m'ont d'ailleurs beaucoup éclairé.
    Personne, ici, en tout cas pas dans la majorité, ne songe à remettre en cause l'impôt de solidarité sur la fortune. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Vergnier. Ne vous défendez pas !
    M. François Sauvadet. Nous voulons une véritable solidarité, mais nous regardons aussi ce qui se passe. Après avoir vu ainsi tant de capitaux fuir - je dis bien fuir - notre pays, comme je l'ai constaté en Bourgogne, je voudrais que ceux qui rapprochent ISF et RMI fassent aussi le rapprochement entre le départ de ces capitaux et le visage des gens abandonnés par des capitaux sans nom, qui viennent d'on ne sait où, qui repartent en laissant sur le carreau des centaines de salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maxime Gremetz. ISF ou pas, ils sont à Monaco ou au Luxembourg !
    M. François Sauvadet. Je préfère donc que l'on encourage des pactes d'actionnaires stables pour favoriser l'investissement dans le pays et assurer la stabilité du capital de nos entreprises moyennes, et même de nos grandes entreprises. Voilà le combat, il est pragmatique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous le mènerons résolument et, croyez-moi, les Français comprendront !
    Enfin, monsieur Besson, sur le plan juridique - dois-je même en parler ? -, je n'ai pas entendu le moindre élément d'irrecevabilité dans votre démonstration. Au moins pour cette seule raison, mais aussi pour toutes celles que j'ai exposées, le groupe UDF ne votera pas votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. C'est dommage !
    M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.
    M. Michel Vergnier. Je suis surpris de la violence des propos de M. Sauvadet.
    M. Gilbert Meyer. Mais non !
    M. Bernard Schreiner. C'est la vérité !
    M. Michel Vergnier. Il ne nous avait pas habitués à cela. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur le secrétaire d'Etat, dans votre intervention liminaire, vous avez évoqué le devoir d'opposition - voilà un bon mot -, mais en tentant de le réduire, voire de le moquer en reprenant de petites parties de rapports que vous avez sorties de leur contexte. D'autres intervenants ont d'ailleurs agi de même après vous. En retour nous allons, nous aussi, dans nos interventions futures - et vous verrez que cela sera intéressant - citer des propos tenus ici, il y a un an, dans la discussion du projet de loi de François Patriat, par des collègues de l'opposition d'alors. Cela devrait nous conduire, les uns et les autres, à rester modestes et à nous dire qu'après tout personne n'a de leçon à donner à personne.
    M. Nicolas Forissier. Mais vous, vous en donnez !
    M. Michel Vergnier. Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous faire remarquer, respectueusement, que vos propos contenaient quelques contrevérités que je trouve un peu choquantes. Ainsi, comment pouvez-vous parler de revalorisation immédiate de la prime pour l'emploi alors que le Gouvernement a refusé d'appliquer l'augmentation que nous avions prévue en 2003 ? Par ailleurs, sur quels chiffres vous fondez-vous, à part ceux d'une étude très contestée, y compris en interne, pour affirmer que les allégements de charges - vous ne parlez jamais de cotisations - sont l'outil le plus efficace pour la création d'emplois ?
    De plus, mes chers collègues, pourquoi ne pas vouloir reconnaître, une fois pour toutes, que diminuer, en cinq ans, le nombre des chômeurs d'un million est une performance - quelles que soient les responsabilités des uns et des autres - qui mérite d'être saluée par respect...
    M. Dominique Tian. Pour Jospin ?
    M. Michel Vergnier. ... pour ceux qui ont retrouvé un emploi, qui ont retrouvé leur dignité, qui ont retrouvé, chaque matin, le chemin du travail ? En effet, vous savez très bien qu'il n'est rien de pire que de se lever en se demandant chaque jour ce que l'on va faire à part se rendre à l'ANPE.
    M. Gérard Hamel. On a vu le résultat à la présidentielle !
    M. Michel Vergnier. Reconnaissez, au moins, les mérites et des uns et des autres, car si le gouvernement de Lionel Jospin n'y a pas été pour tout,...
    M. Dominique Tian. Ah !
    M. Michel Vergnier. ... bien entendu, il y a été tout de même pour quelque chose.
    M. Bernard Schreiner. Vous avez organisé l'hémorragie !
    M. Gérard Hamel. Ce n'est pas un hommage au passé !
    M. Michel Vergnier. J'aimerais que, de temps en temps, l'honnêteté vous conduise à le reconnaître.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'a souligné Eric Besson, votre projet, que nous attendions, est avant tout un catalogue d'exonérations fiscales. Il est inégal, injuste et semble, dans beaucoup de domaines, être l'expression de petits arrangements. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Selon vous, il s'agirait de donner de l'air aux entreprises. En fait il est plutôt à craindre que cela se transforme en courant d'air, car votre unique souci semble être la création à tout prix, voire à tous les prix, sans vous préoccuper ni du devenir de ceux qui créeront ni du nombre de ceux qui continueront.
    Ce projet est aussi inégal et injuste, car on a l'impression que tous les créateurs ne seront pas traités de la même façon.
    M. Jean-Louis Dumont. Il a raison !
    M. Michel Vergnier. Nous l'avons d'ailleurs bien compris lorsque vous avez refusé, en commission, que les plus fragiles d'entre eux bénéficient d'une aide à la création, préférant la procédure d'une avance remboursable. Nous espérons que vous reviendrez au moins sur ce point au cours de la discussion car, pour la majorité des intéressés, la création d'une entreprise représente déjà une sacrée démarche. Mais peut-être ceux-là vous intéressent-ils moins que d'autres ?
    Eric Besson a démontré très brillamment que ce projet était injuste et inégal, en employant un ton qu'il convient de saluer dans cet hémicycle où l'on n'a pas entendu parler de funeste entreprise. Ce texte ne nous semble pas recevable car il est inégalitaire. C'est pourquoi le groupe socialiste votera l'exception d'irrecevabilité défendue par Eric Besson. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
    M. Michel Vergnier. C'est dommage !

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa  4, du règlement.
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je vous préviens tout de suite : j'ai mes fiches ! Chaque chiffre que je citerai en sera tiré et vous pourrez les compulser. Si vous les contestez, j'arrête mon propos et je vous les montre. Ainsi il n'y aura pas de polémique sur les chiffres. J'adore les fiches !
    M. François Goulard. Le Guépéou aussi ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le secrétaire d'Etat, plus d'un tiers des Français voudraient créer leur entreprise, selon ce qu'indique, en substance, le début de l'exposé des motifs de votre projet de loi pour l'initiative économique. Pourquoi, à la suite de cette extraordinaire découverte, ne pas nous annoncer que 100 % des joueurs de Loto voudraient gagner le gros lot (Rires) ou que 100 % des Français préfèrent être riches et en bonne santé que pauvres et malades ?
    Plus sérieusement, vous prétendez, avec ce projet, favoriser la réussite sociale par le travail. Je peux vous assurer que la quasi-totalité des Français voudraient bien réussir leur vie grâce au travail, hormis bien sûr - peut-être ne le savez-vous pas, mais je vais vous le révéler ? - une petite minorité qui réussit très bien en exploitant le travail des autres, ou qui choisit la délinquance.
    A ce propos, je relève que le Président de la République a indirectement repris mes propos par lesquels je demandais que soit créé un délit pour les patrons voyous, non pas en soulignant que j'avais raison mais en indiquant qu'il fallait prendre des mesures législatives. C'est ce que nous allons faire en déposant une proposition de loi. M. Raffarin a aussi souligné hier qu'il convenait de mettre en oeuvre des dispositions car on ne pouvait tolérer ce qui se passe aujourd'hui.
    Je parlais donc de la petite minorité qui exploite le travail des autres ou qui choisit la délinquance. Je relève d'ailleurs qu'il s'agit souvent des mêmes. Je pense, par exemple, aux patrons voyous qui partent en abandonnant leur entreprise après avoir empoché les aides publiques dont vous venez, messieurs du Gouvernement, de supprimer le contrôle. Cela vous gênait donc tellement qu'il y ait une loi de contrôle de l'utilisation des fonds publics ! Cela vous empêchait sans doute de donner à l'envi, car contrôler changeait tout et le MEDEF n'était pas content. C'est pourquoi vous avez décidé qu'il n'y aurait plus de contrôle et que les intéressés pourraient faire ce qu'ils voudraient. Ces pauvres Français d'en bas n'en verront rien ; ce sont eux qui paient, mais ils n'auront pas le droit de savoir. Vous savez bien que les entreprises qui ne respectent pas le code du travail sont nombreuses.
    Pour mesurer la sincérité de votre démarche, on ne peut éviter de situer votre projet - les orateurs de la majorité l'ont fait eux-mêmes - dans l'ensemble des mesures prises depuis le mois de juin dans le domaine économique et social par le Gouvernement et l'Assemblée UMP. Je commencerai donc par là avant de traiter directement de votre projet puis d'exposer quelles seraient, à notre humble avis, les réformes à mettre en chantier pour ouvrir une autre perspective que celle du chômage.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les représentants du Gouvernement, mesdames, messieurs de la majorité, vous avez promis aux citoyens que, grâce à votre politique, les entreprises allaient pouvoir créer de nombreux emplois. A ce propos, M. Fillon a toujours refusé de donner le moindre chiffre. J'ouvre une parenthèse pour indiquer que je n'étais pas présent à l'ouverture du débat parce que j'assistais à son audition par la commission des affaires culturelles que j'ai d'ailleurs quittée plus tôt que prévu.
    Je comprends bien l'attitude de M. Fillon, car il aurait dû annoncer que le chiffre des créations d'emplois serait égal à zéro. La logique aurait même voulu qu'il donne, au contraire, une estimation des suppressions d'emplois prévisibles. Je rappelle, en effet, que, selon le Bureau international du travail, le chômage a progressé de 9,1 %, le mois dernier, et de près de 5 % en un an. Et ces chiffres ne prennent pas en compte les suppressions d'emplois à venir, avec la multiplication des plans de licenciements boursiers qui n'ont cessé de fleurir depuis le début de l'année. En la matière, chaque jour est porteur d'une très mauvaise nouvelle annonçant la suppression de centaines d'emplois.
    M. Gérard Hamel. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. En décembre 2002, le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté de 17 700 en France, pour atteindre 2 306 800 ; et celui des chômeurs de longue durée - c'est-à-dire inscrits depuis au moins un an à l'ANPE - a progressé de 3,5 % en un an. L'année écoulée a vu les jeunes subir de plein fouet la dégradation des conditions de l'emploi, ce qui s'est traduit par une hausse de 6,2 % du nombre des demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans. Le chômage des plus de cinquante ans a crû, quant à lui, de 2,7 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gérard Hamel. C'est votre bilan !
    M. Maxime Gremetz. Et l'on dit aujourd'hui qu'il faut les mettre au travail pour financer les retraites ! Or on ne les met pas au travail : vos amis des multinationales, des patrons, les jettent dehors comme des kleenex ! Voilà la vérité ! Comment voulez-vous en sortir ? Comment ne pas voir de contradictions entre vos belles déclarations et la réalité ?
    A vous entendre, avec la suppression des emplois-jeunes et des contrats jeunes, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente.
    Grâce à l'assouplissement des 35 heures, toujours à vous entendre, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente.
    Grâce à la diminution des cotisations patronales, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente.
    Grâce selon vos beaux discours, à l'abrogation des dispositions anti-licenciements boursiers de la loi de modernisation sociale, le chômage allait diminuer. Résultat : il augmente et les plans de licenciements économiques se multiplient.
    Depuis huit mois, la réalité est que vous détruisez tout ce que le gouvernement précédent avait fait de bien.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Et les 35 heures ?
    M. Guy Geoffroy. Même M. Brard a été licencié ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. En revanche, vous maintenez tout ce qu'il a fait de négatif, notamment les allégements de cotisations patronales qui représentent 130 milliards de francs par an, sans contrepartie en termes d'emploi et de formation.
    Et je ne parle pas des privatisations, dont on nous a dit encore tout à l'heure qu'elles allaient abonder le fonds de réserve des retraites parce qu'on ne veut pas toucher aux profits et aux revenus financiers. Nous y viendrons plus tard. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    En outre, les statistiques ne traduisent qu'une partie de l'aggravation du chômage : fiche n° 2.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Il y en a combien ?
    M. Maxime Gremetz. Je les utilise parce que l'on ne peut pas plaisanter sur ce sujet. On n'a pas le droit de dire n'importe quoi ici, d'autant que cela figure ensuite au Journal officiel. Il faut donc avoir des chiffres et des sources fiables.
    M. Gérard Hamel. Les vôtres, bien sûr !
    M. Maxime Gremetz. Les statistiques ne traduisent donc que partiellement l'aggravation du chômage car les radiations par l'ANPE en cachent une partie.
    M. Yves Simon. Vous avez fait la même chose.
    M. Maxime Gremetz. Les désinscriptions en dissimulent une autre partie.
    Vous savez très bien que vous n'allez pas pouvoir cacher la réalité encore longtemps : le nombre des radiations administratives, mesdames, messieurs, a explosé (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce n'est pas vrai ?
    M. Yves Simon. En 1999 et 2001, vous avez fait la même chose.
    M. Maxime Gremetz. Vous confirmez donc !
    M. Yves Simon. Je peux même vous donner les chiffres !
    M. Maxime Gremetz. Vous avez bien raison de le faire, monsieur Simon, parce que les chiffres sont clairs ; vous ne pouvez donc pas contester les radiations administratives dont le nombre a explosé depuis décembre 2001. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Simon. Oui : décembre 2001 !
    M. Guy Geoffroy. Vous étiez alors avec Jospin.
    M. Maxime Gremetz. J'aimerais comprendre vos propos, parce que je ne les entends pas clairement à la tribune. Répétez ce que vous voulez dire, car j'aime bien entendre ceux qui parlent. J'apprends toujours quelque chose des autres.
    M. Yves Simon. Je disais qu'il ne s'agit pas de pratiques nouvelles.
    M. le président. Monsieur Gremetz, poursuivez votre intervention.
    M. Maxime Gremetz. Je voudrais entendre ce que dit M. Simon.
    M. le président. Monsieur Gremetz, poursuivez votre intervention. Vous étiez bien parti, dans une belle démonstration.
    M. Maxime Gremetz. Si je ne l'entends pas, il parle dans le désert et perd son temps.
    M. le président. Nous sommes soucieux que vous continuiez monsieur Gremetz.
    M. Gérard Hamel. Il expose son bilan !
    M. Maxime Gremetz. Tous ceux qui voudront m'interrompre le pourront.
    Chacun a le droit de dire que je suis un menteur...
    M. le président. Monsieur Gremetz, c'est moi qui donne l'autorisation de vous interrompre, avec votre accord.
    M. Maxime Gremetz. ... mais je peux prouver que je dis vrai.
    M. le président. Pour l'instant je vous demande de poursuivre votre intervention.
    M. Maxime Gremetz. Je faisais part de mon état d'esprit, mais, monsieur le président, c'est vous qui décidez de donner ou non la parole à ceux qui veulent m'interrompre.
    M. le président. Je vous demande de poursuivre votre démonstration !
    M. Maxime Gremetz. Sachez néanmoins que je suis disposé, à tout moment, à permettre aux interrupteurs de prendre la parole et de me dire ce que je ne sais pas.
    Les radiations administratives ont donc explosé depuis décembre 2001 pour atteindre 29 700 en novembre dernier, soit une augmentation de 58 % en un an. Durant les onze premiers mois de 2002, 335 000 personnes sont ainsi sorties des listes de l'ANPE, soit environ 60 % de plus que pendant la même période en 2001 et en 2000. Je ne l'affirme pas gratuitement : je cite des chiffres parus officiellement.
    M. Gérard Hamel. C'est votre bilan !
    M. Maxime Gremetz. Le Figaro les a même publiés.
    M. Gérard Hamel. Je ne parle pas du Figaro ! Je parle du bilan !
    M. Maxime Gremetz. C'est le bilan de qui ?
    Cela se passe ainsi parce qu'ont été institués le PARE et le PAP malgré notre opposition. Une étude très précise montre d'ailleurs que dans 95 % des cas les gens sont radiés, parce qu'ils n'ont pas répondu à une convocation de l'ANPE. Mais les conséquences humaines ? Vous les mesurez, les conséquences humaines ?
    M. Gérard Hamel. Ce n'est pas la réalité !
    M. Maxime Gremetz. Ah, pardon ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est une étude !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est une radiation provisoire, une suspension !
    M. Maxime Gremetz. C'est cela ! Une radiation provisoire, une radiation en attendant ! Mais lorsqu'on a été rayé des listes, vous savez bien tous combien il faut de temps pour être réinscrit ? Pendant ce temps-là, qu'est-ce qu'ils font, ces gens ? Avec quoi mangent-ils ? Avec quoi paient-ils leur loyer ? Expliquez-moi cela ! Vous, vous êtes riches, d'accord ! (Rires.) Mais ceux qui n'ont rien, qu'est-ce que vous voulez qu'ils fassent ?
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Je ne paie pas l'ISF moi !
    M. Maxime Gremetz. Je parle en général. Mais vous représentez les riches, tout de même !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Pas d'agressivité !
    M. Maxime Gremetz. Je ne suis pas agressif du tout, vous le voyez bien ! C'est un plaisir de discuter avec vous...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. N'en abusez pas !
    M. Maxime Gremetz. Reprenons. Radiation égale suspension des ASSEDIC, c'est-à-dire de tout revenu pour ces familles, ces gens qui en ont précisément le plus besoin, qui ont déjà été frappées dans leur dignité en perdant leur emploi, qui ne sont plus actifs ; et voilà qu'on leur supprime maintenant l'essentiel ! Ce sont là des choses qu'il faut regarder attentivement.
    L'aggravation du chômage est déjà inscrite dans l'ensemble de votre politique. Les mesures que vous avez déjà prises commencent seulement à produire leurs effets néfastes, comme l'abrogation de la loi de modernisation sociale, à la demande expresse du MEDEF.
    M. Gérard Hamel. Et les facteurs économiques ?
    M. Maxime Gremetz. Pour la première fois dans l'histoire de ce pays, un Premier ministre se rend chez M. Seillière pour l'entendre dire : « Enfin ! un Premier ministre qui nous a compris ! » Je comprends qu'il soit difficile, dans ces conditions, de ne pas répondre aux attentes du MEDEF... Ou alors, il y aurait, avouez-le, une contradiction majeure ! Vous avez dit aux patrons qu'ils pouvaient se lâcher. Dame, ils ne se sont pas fait prier ! Ils se lâchent... D'où ces multiples plans de licenciement que nous voyons fleurir dans toute la presse.
    M. Yves Simon. C'est nouveau !
    M. Maxime Gremetz. Vous leur avez donné le « la », ils s'en sont servis...
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Comme vous, avec les 35 heures !
    M. Jean Auclair. Bientôt les 33 heures !
    M. Maxime Gremetz. ... et vos projets pour les mois qui viennent, sur les retraites et la protection sociale, qui ne feront qu'aggraver la situation. Si toutefois les gens vous laissent faire ; et cela, je vous préviens, n'est pas si évident. J'étais à la manif samedi, c'était formidable ! On retrouvait l'esprit des grandes manifestations populaires, le début tout au moins. Cela me rappelait 1995 : d'abord ici, à l'Assemblée, ensuite dans la rue.
    M. Jean Auclair. Ah ! c'était autre chose que dimanche soir à Argenteuil, Maxime !
    M. Gérard Hamel. Robert Hue en a-t-il tiré des enseignements ?
    M. Maxime Gremetz. N'exagérons rien : ce n'est qu'un début. Nous ne sommes pas encore tout à fait au point, mais cela va venir, croyez-moi.
    D'autant, mesdames et messieurs, que les sondages n'ont pas de quoi vous rassurer. Regardez le dernier, cela vous sera utile. A la question : « que pensez-vous des manifestations pour la défense des retraites ? », sept Français sur dix répondent : « on est avec eux ».
    M. Yves Simon. C'est une question, ça ?
    M. Guy Geoffroy. Tout le monde est pour les retraites, c'est évident ! Autant demander aux gens s'ils préfèrent être malades ou en bonne santé !
    M. Maxime Gremetz. Sept Français sur dix, cela mérite d'être pris en compte. C'est autre chose que de s'arrêter au nombre de manifestants, comme certains tentent de le faire. On parlait à une époque de la « grève par délégation ». Vous vous en souvenez ? Eh bien, la manifestation de samedi, elle était aussi en partie par délégation ; sept Français sur dix, cela ne se trompe pas, vous le savez bien. Je vous livre ce sondage à méditer... Vous devriez rester prudents, très, très prudents ; mais après tout, c'est vous qui en déciderez.
    M. Yves Simon. Merci de vos conseils !
    M. Maxime Gremetz. Concernant les retraites et la protection sociale, vous ne ferez, disais-je, qu'aggraver encore la situation, si toutefois les gens vous laissent faire. Et à voir l'immense succès des manifestations et ce sondage, je vous le dis très tranquillement, il va falloir vous accrocher solidement à vos fauteuils.
    M. Gérard Hamel et M. Jean-Charles Taugourdeau. On y est !
    M. Guy Geoffroy. Comme Robert Hue ! (Rires.)
    M. Maxime Gremetz. C'est un conseil d'ami que je vous donne : accrochez-vous à vos fauteuils, et très solidement !
    M. Jacques Le Guen et M. Christian Menard. Hue ! Hue !
    M. Roger Boullonnois. Et ce pauvre Brard ! Cela la fiche mal !
    M. Maxime Gremetz. Du reste, comment le ministre du travail peut-il oser dire qu'il est en phase avec les manifestants, au motif qu'ils veulent comme lui réformer les retraites, alors même que les travailleurs veulent une réforme exactement inverse de celle voulue par le MEDEF et son gouvernement ? On parle toujours de réforme. Comme je l'ai rappelé à M. Fillon lors de son audition, les réformes, je suis pour.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Adhérez à notre groupe ! (Rires.)
    M. Maxime Gremetz. Les réformes, tout le monde est pour ; mais ce qui compte, c'est le contenu. Regardez la réforme Balladur : je l'ai combattue jour et nuit et j'ai drôlement eu raison. Qu'a-t-elle apporté ? Quarante annuités de cotisations au lieu de trente-sept et demie,...
    M. Michel Vergnier. Et voilà !
    M. Maxime Gremetz. ... des retraites calculées sur les vingt-cinq meilleures années au lieu des dix meilleures, avec une baisse automatique de 10 % des pensions des personnes âgées dont vous parlez si souvent. J'allais oublier la revalorisation des retraites, indexées non plus sur l'augmentation des salaires, mais sur l'inflation. Et comme il n'y a pas d'inflation, les retraites baissent.
    M. Jacques Le Guen. Pour vous, c'est la retraite de Russie !
    M. Maxime Gremetz. C'est une réforme, dit-on. Mais il y a des réformes régressives, qui nous tirent vers l'arrière, et des réformes progressistes qui vont dans l'intérêt des gens et du pays. Ce sont celles-là que je défends.
    M. Guy Geoffroy. La campagne d'Argenteuil est terminée, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Nous avions un consensus sur le constat, disait M. Fillon tout à l'heure,...
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. Maxime Gremetz. ... sur le fait qu'un statu quo est impossible, qu'il faut des réformes ; et de parler du rôle du Conseil d'orientation des retraites, dans lequel j'ai travaillé pendant des années...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. On voit le résultat !
    M. Maxime Gremetz. Là-dessus, je l'ai dit, je suis d'accord. Mais là où nous ne le sommes pas du tout, c'est sur les réformes que vous voulez apporter, sur le financement de la protection sociale. Quand on voit le niveau qu'ont atteint les profits et ce que sont devenus les salaires qui ont reculé de dix points dans le revenu national...
    M. Yves Simon. Quel bilan du passé !
    M. Maxime Gremetz. Tenez, je vais vous donner un petit chiffre qui vous amusera. Les cotisations patronales représentent aujourd'hui 139 milliards de francs ; et les mêmes patrons font pendant ce temps 179 milliards de profits financiers, grâce à leurs placements en actions, obligations, etc.
    M. Michel Vergnier. Sans oublier les stock-options !
    M. Maxime Gremetz. Tout cet argent-là ne participe absolument pas à la solidarité nationale. Mais on préfère la CSG, pour frapper les petits. Evidemment !
    M. Gérard Hamel. Ces chiffres, ils sont dans vos petites fiches de référence ?
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait. Qu'on m'apporte le rapport du COR ! Donnez-moi mon dossier !
    M. Bernard Roman. Pas de problème !
    M. Maxime Gremetz. Merci. Ils me connaissent mal : ils ne m'auront pas, je ne leur laisserai rien passer ! (Rires.)
    Vous vouliez les chiffres ? Les voilà. Et ils viennent du service d'information du Gouvernement. Je ne vais pas chercher des sources ailleurs, moi ! C'est le rapport du COR, monsieur Hamel. Vous voulez des tableaux ? Il y en a plein ! Et si vous voulez autre chose, dites-le-moi !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Très bien, Maxime !
    M. Maxime Gremetz. Que voulez-vous, il faut être sérieux. On n'a pas le droit de dire n'importe quoi (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), surtout devant une représentation nationale digne de ce nom ! Il faut dire des choses sérieuses, avec preuves et documents à l'appui. Evidemment, monsieur Hamel, je vous communiquerai la référence et le document.
    Pour masquer votre échec, après seulement huit mois de pouvoir, vous commencez à laisser dire que vous n'avez pas de chance, parce que la conjoncture n'est pas bonne.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Ça, c'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. Comme si la conjoncture était un ailleurs, la faute du voisin, une punition divine, une maladie - pour paraphraser le ministre du travail - contre laquelle on ne peut rien ! On allait voir ce qu'on allait voir, disiez-vous. Mais, au bout de huit mois, vous avouez déjà une certaine impuissance - ou une impuissance certaine, comme vous voulez.
    La conjoncture ne tombe pas du ciel...
    M. Guy Geoffroy. C'est votre gestion !
    M. Maxime Gremetz. La conjoncture, c'est vous !
    M. Guy Geoffroy. Non, c'est vous !
    M. Gérard Hamel. C'est le résultat de votre gestion !
    M. Maxime Gremetz. La conjoncture, ce sont les dirigeants des grandes puissances capitalistes ! La conjoncture, ce sont les décisions quotidiennes prises dans les conseils d'administration des multinationales ! La conjoncture, c'est encore la mise en application des dogmes de l'ultralibéralisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française). « Baissons le coût du travail et on va créer des emplois. » On baisse de plus en plus le coût du travail, les salaires baissent de plus en plus, et il y a de moins en moins d'emplois ! Et pourquoi ? Parce que les profits augmentent, et parce que délocalisations, destructurations, etc. C'est cela, les dogmes de l'ultra-libéralisme, et qu'ils soient appliqués à droite ou à gauche, cela donne toujours les mêmes résultats !
    M. Yves Simon. Et le modèle communiste ?
    M. Jean Le Garrec. C'est du passé, tout cela !
    M. Maxime Gremetz. La conjoncture, c'est encore la course insatiable aux profits. La conjoncture, ce sont les privatisations des services publics, que l'on remet en cause, que l'on brade comme les bijoux de famille. Le problème, c'est qu'on ne peut les brader qu'une fois, pas deux ou trois. Et pour quoi faire ?
    M. Gérard Hamel. Et vous, vous ne les avez pas bradés ?
    M. Ghislain Bray. Vous en avez même bradé un paquet !
    M. Maxime Gremetz. Je le regrette bien, et pour ma part j'avais voté contre. Mais vous, vous n'avez tiré aucun enseignement. « Vous avez bien fait, nous on continue. » Voilà ce que vous dites à nos amis !
    M. Ghislain Bray. Ça, c'est un consensus !
    M. Maxime Gremetz. Eh bien oui, c'est comme cela, que voulez-vous !
    La conjoncture, c'est encore les bas salaires qui brident la demande et la croissance. La conjoncture, c'est la déréglementation dans tous les domaines. La conjoncture, ce sont les délocalisations qui se multiplient, que vous favorisez. La conjoncture, c'est la dictature des marchés financiers, que vous acceptez sans broncher.
    M. Yves Simon. Je vous rappelle que Robert Hue a été battu aux élections !
    M. Maxime Gremetz. Voilà ce qu'est la conjoncture actuelle, qui génère chômage et précarité. Quelle crédibilité escomptez-vous obtenir en parlant de la réussite sociale par le travail ? C'est dans ce contexte-là que se place votre projet de loi.
    Le texte que vous nous présentez aujourd'hui comporte cinq parties que j'ai regroupées en trois thèmes - pour la facilité, mais chacun peut faire comme il l'entend.
    Le premier thème s'adresse à l'opinion publique. Vous proposez de simplifier les formalités, afin de faciliter les créations d'entreprises et d'accorder des délais pour le paiement des cotisations sociales, toujours dues pour la première année d'activité, afin d'aider au démarrage de l'entreprise. Tout le monde est d'accord pour simplifier ce qui peut l'être, et lorsque c'est possible, il faut le faire, et plutôt deux fois qu'une. Si votre projet en était resté là, nous l'aurions voté.
    M. Michel Vergnier. C'est après que ça se gâte !
    M. Maxime Gremetz. Mais malheureusement, il ne s'agit pas seulement de simplifier la vie des gens et la création d'entreprises, loin de là ! Les objectifs du Gouvernement sont tout autres. Il s'agit d'accorder de nouveaux cadeaux fiscaux à ceux qui disposent de revenus très confortables - c'est l'objet des troisième et cinquième titres de votre projet - et de faire baisser les revenus des travailleurs, baptisés pour l'occasion « travailleurs indépendants ». Travailleurs indépendants !
    M. Yves Simon. Moi aussi, j'étais travailleur indépendant.
    M. Maxime Gremetz. Savez-vous comment on appelle aujourd'hui l'ouvrier que j'étais ? Je ne serais plus un ouvrier ni un OS, mais un « technicien de surface »...
    M. François Sauvadet. Cela dépend de ce que vous faisiez... Si vous étiez balayeur, en effet.
    M. Maxime Gremetz. Eh bien là, c'est exactement la même chose : voilà qu'apparaissent les travailleurs dits indépendants.
    M. Jean Le Guen. Et les artisans ?
    M. Michel Vergnier. Il n'est pas question des artisans dans le texte !
    M. Maxime Gremetz. En effet. Pour ce qui concerne les cadeaux fiscaux, je n'entrerai pas dans le détail. Je relève seulement qu'un couple marié, avec deux enfants, qui gagne 84 000 euros par an, doit normalement acquitter 15 000 euros d'impôts sur le revenu. Si ce couple décide de profiter des dispositions de votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne paiera plus d'impôts du tout.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Mais il aura permis de créer des emplois !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Et des entreprises !
    M. Maxime Gremetz. C'est donc que vous le confirmez... Or, 84 000 euros par an, c'est 45 000 francs par mois. Autrement dit, ceux qui profiteront le plus de vos cadeaux, si l'on en croit les dernières statistiques de l'INSEE...
    M. le secrétaire d'Etat , aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ce sont les chômeurs !
    M. Maxime Gremetz. ... Ce sont les 1 % des Français les plus riches. Voilà donc des gens qui vivent déjà bien, très bien même, qui peuvent investir 60 000 euros, lesquels leur rapporteront des dividendes, et qui de surcroît se verront dispensés d'impôts !
    Sans compter que, dans la pratique, ce seront le plus souvent les plus riches de ce 1 % qui procéderont à ces investissements et bénéficieront de vos largesses.
    Nous avons déjà eu à l'automne la baisse de l'impôt sur le revenu dont les plus grands bénéficiaires étaient les plus riches. Vous y ajoutez 15 000 euros de réduction, plus l'exonération des produits, plus-values et dividendes, et encore 60 000 euros de déductibilité pour les éventuelles pertes !
    Eh oui, chers collègues, relisez bien ce projet : il peut paraître gentillet, mais il faut bien regarder ce qu'il y a derrière. Aux cadeaux aux spéculateurs, vous ajoutez encore des exonérations sur les plus-values en cas de cession d'entreprise et l'exonération des droits de mutation en cas de cession à titre gratuit à un salarié. Les généreux donateurs sont rares, le salarié en question, c'est le plus souvent Madame ou bien le fils ou la fille du patron, à qui l'on fait un bulletin de salaire. Belle manière de détourner la fiscalité sur les héritages au profit d'une minorité de citoyens ! Et lorsque le logement est intégré dans l'entreprise, l'héritier du gros commerçant, par exemple, sera dispensé de droits de mutation, alors que ceux d'un salarié propriétaire de sa maison devront continuer à payer. Ce n'est plus l'égalité de la République, c'est l'équité... Enfin, ce que vous appelez l'équité !
    Et comme si tout cela ne suffisait pas, votre majorité parlementaire diminue l'impôt sur les grandes fortunes. Alors, là, j'en tombe raide ! (Sourires.) Personne n'avait jamais osé faire une telle chose. Jamais, jamais.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Il y a un début à tout !
    M. Maxime Gremetz. Alors que le chômage augmente et qu'il faudrait soutenir la croissance et la consommation populaire, alors qu'une politique de la réduction d'impôt devrait favoriser ceux qui ont un rôle actif sur la croissance, c'est-à-dire les ménages, vous persistez à soutenir ceux qui nuisent à l'emploi et au développement de notre économie. La réforme de l'ISF, l'impôt de la soi-disant solidarité sur la fortune, manifeste un véritable mépris pour cette France d'en bas si injustement dénommée. Ce que vous osez faire aujourd'hui et que vous n'aviez pas osé faire hier, c'est un véritable scandale.
    M. Jacques Le Guen. C'est un scandale, aurait dit quelqu'un !
    M. Gérard Hamel. Mais qui déjà ?
    M. Maxime Gremetz. Mais attention :...
    M. Yves Simon. Oh ! Des menaces !
    M. Maxime Gremetz. ... vous allégez la fiscalité des plus riches qui dégradent les comptes sociaux...
    M. Michel Vergnier. Ça, c'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. ... et ceux de la nation. Vous demandez aux plus modestes de payer les pots cassés en augmentant les cotisations des salariés au titre de la protection sociale, en diminuant le remboursement des soins aux chômeurs, eux-mêmes de moins en moins indemnisés - seulement 40 % des chômeurs sont indemnisés aujourd'hui -, et aux familles, qui ne voient pas leurs allocations revalorisées. Vous vous engluez dans un dogme qui a montré son inefficacité. Vous vous obstinez à vouloir toujours diminuer la fiscalité des entreprises comme leur participation à la solidarité nationale au prétexte de libérer l'emploi. Mais l'effet est inverse. On le voit bien aujourd'hui.
    Regardez Magneti-Marelli à Amiens. Vous connaissez bien ce grand groupe, monsieur Dutreil : des profits faramineux, des salaires terriblement bas, des femmes que l'on surexploite pour mieux les jeter ensuite.
    M. Jacques Le Guen. Sortez les mouchoirs !
    M. Jean Auclair. Même à Pékin, on n'en est plus là, Maxime !
    M. Maxime Gremetz. Demandez à M. Dutreil si ce n'est pas la réalité. Est-ce vrai ou non, monsieur le secrétaire d'Etat ? Regardez-le ! Il ne veut pas me dire que c'est vrai, mais il n'ose pas davantage dire que ça ne l'est pas. Parce qu'il connaît la situation à Amiens, et je vous invite à y venir, à voir ces gens à qui l'on a dit : « Maintenant c'est terminé, on repart. On a pris 320 millions seulement de fonds publics, mais, comme on les a bien utilisés. "Ciao, bye, on retourne en Italie ! »
    M. Jean Auclair. Et pourquoi retournent-ils en Italie ?
    M. Maxime Gremetz. Parce qu'ils ont tiré le maximum de tous les fonds publics et de tous les avantages qu'on leur offrait ici. Et qu'ils en auront davantage là-bas.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Parce que ce sont des voyous !
    M. Jean Auclair. Non, c'est parce que vous avez tué les entreprises avec les 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. Vous le savez bien, et c'est même cela qui vous énerve un peu !
    M. Jean Auclair. Non !
    M. Maxime Gremetz. Allons, restez calmes, vous en verrez d'autres. Je vais vous sortir de nouveaux exemples...
    M. Guy Geoffroy. Nous sommes très calmes !
    M. Maxime Gremetz. Dois-je vous rappeler, je pose la question à chacun, combien rapporte l'ISF dans le budget ?
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. 2,2 milliards !
    M. Maxime Gremetz. Combien ? Dites un chiffre, personne ne le sait !
    M. Denis Merville. 2,5 milliards !
    M. Maxime Gremetz. Deux milliards ?
    M. Denis Merville et M. Michel Lejeune. Non 2,5 milliards !
    M. Maxime Gremetz. Faux : 2,6 milliards ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il faut être précis dans la vie ! 2,6 milliards. Rendez-vous compte ! Les fortunes ont explosé. Et pendant ce temps, qu'est devenu l'impôt de solidarité ? Regardons cela tout de suite avec un tableau, cela va nous amuser et c'est mieux-disant. (Rires.) Voilà le tableau de l'évolution de l'impôt sur les grandes fortunes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. On n'y voit rien !
    M. Maxime Gremetz. Je vous le communiquerai. Regardez, cela augmente tout doucement, tout doucettement pour arriver à même pas 2 milliards.
    M. Jean Auclair. C'est truqué, c'est un montage réalisé par le parti !
    M. Maxime Gremetz. C'est dans Les Echos, monsieur.
    M. Guy Geoffroy. Très bonne lecture !
    M. Maxime Gremetz. Des statistiques officielles. Ce n'est pas dans l'Humanité que cela a été publié. Je le regrette bien.
    M. Jean Auclair. Allons ! Vous ne lisez pas Les Echos, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Voyez, en 2001, c'était le maxi : 2,6 milliards.
    M. Jean-Pierre Balligand. Le Maxime ! (Rires.)
    M. Guy Geoffroy. Le maxi-Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Dès 2002, cela commence à redescendre : 2,51 milliards. Et 2,46 pour 2003.
    En vérité, cela représente deux fois rien, cela représente simplement le total de la redevance télé payée par les Françaises et les Français. Vous le savez, ça ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oui !
    M. Yves Simon. Et alors ?
    M. Maxime Gremetz. Les grandes fortunes explosent et l'impôt payé représente seulement ce que paient les Français pour la redevance télé. Avouez que c'est une belle image ! Quel choix !
    Nous, nous avons toujours proposé d'augmenter l'impôt sur les grandes fortunes. Nous n'avons pas été entendus. Vous, vous le diminuez. Au moins, ça bouge, mais dans le mauvais sens.
    Puis-je ajouter quelque chose qui vous fera plaisir ? Cela ne vient toujours pas de L'Humanité...
    M. Guy Geoffroy. La Pravda !
    M. Maxime Gremetz. ... ni des syndicats. C'est une étude du cabinet Hewitt : « Les trente-neuf PDG de société de l'indice CAC 40 qui ont publié leur rémunération dans leur dernier rapport annuel ont gagné chacun en moyenne 2,123 millions d'euros de salaire et 5,373 millions d'euros de stock-options en 2001. »
    M. Yves Simon. Sous quel gouvernement ?
    M. Maxime Gremetz. Ces 7,5 millions d'euros de rémunération globale annuelle représentent,...
    M. Yves Simon. Qu'avez-vous fait en 2001 ?
    M. Maxime Gremetz. ... l'équivalent de 554 années de SMIC.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. En 2001 !
    M. Guy Geoffroy. C'est vous qui étiez au pouvoir !
    M. Maxime Gremetz. En 2002, ce sera encore pire. En 2003 aussi...
    M. Jean Auclair. Vous n'avez pas les chiffres !
    M. Maxime Gremetz. ... puisque vous multipliez les cadeaux fiscaux. Vous en rajoutez même avec ce projet et vous baissez toujours les charges sociales, qui sont les cotisations patronales.
    M. Michel Vergnier. Et voilà !
    M. Maxime Gremetz. Comment voulez-vous que ça n'aille pas encore mieux pour les patrons ?
    Vous pouvez vérifier les chiffres. L'Humanité ne les a pas donnés mais je les ai vus dans un autre journal. Ça aurait été bien que, dans mon journal de classe, ça y soit !
    Vous en voulez encore ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oui !
    M. Maxime Gremetz. On en apprend des choses ! Prenons un homme que l'on connaît bien ici, M. Mer. Il était coprésident d'Arcelor, et avait été chargé par François Mitterrand de liquider, de restructurer le secteur de la sidérurgie.
    M. Guy Geoffroy. Pourquoi avez-vous élu Mitterrand ?
    M. Maxime Gremetz. Je n'ai pas élu Mitterrand, Mitterrand a été élu. (Rires.) Et ce n'est pas moi qui ai désigné Mer pour liquider la sidérurgie. La grande manifestation pour défendre la sidérurgie, nous y étions avec les salariés, et c'est à ce moment-là que l'on a quitté le gouvernement d'ailleurs, rappelez-vous ! M. Mer est maintenant chez vous et, quand je vois ce qu'il a fait à la sidérurgie, je ne suis pas rassuré !
    Il était donc coprésident d'Arcelor et il a abandonné, pour devenir ministre, un salaire de base de 684 000 euros...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Par mois ?
    M. Maxime Gremetz. Evidemment, cela va de soi ! Merci de l'avoir précisé mais tout le monde, je crois, avait compris.
    Plus 315 000 euros de prime, par mois évidemment !
    Faites le compte !
    M. Jean-Pierre Balligand. Et les stock-options !
    M. Maxime Gremetz. Plus la possibilité d'avoir accès à des stocks-options, 225 000 euros de stock-options.
    Mme Chantal Brunel. Elles ne valent rien aujourd'hui !
    M. Maxime Gremetz. C'est normal, il ne gagnait pas assez ! Il fallait lui en donner !
    Pour lui, c'était délicat. S'il démissionnait, il perdait le bénéfice de toutes ses stock-options. C'est embêtant. Il est pauvre, quand même ! Il en avait besoin ! Il a été malin, il a choisi une autre solution : il a fait valoir ses droits à la retraite en 2002.
    M. Gérard Hamel. C'est indécent de parler ainsi de lui quand il n'est pas là !
    M. Maxime Gremetz. Pourquoi est-ce indécent ? Moi, je peux tout mettre sur la table. Ce n'est pas indécent.
    M. Gérard Hamel. Vous sortez du sujet ! C'est facile !
    M. Maxime Gremetz. Il y a une logique ! Vous n'allez pas me dire que cet homme, qui ne veut pas perdre ses 225 000 euros de stock-options, aura un penchant naturel à défendre les pauvres, les orphelins et les salariés !
    Il a donc fait valoir son droit à la retraite. M. Fabius aussi, M. Juppé aussi. C'est leur droit absolu. M. Mer peut donc ainsi garder ses stock-options. C'est un peu plus pour la retraite ! Vive la réforme des retraites ! Entre nous, des retraites comme ça pour l'ensemble des salariés, ce ne serait tout de même pas mal !
    Cette situation ne nous laisse pas indifférents. Votre gouvernement est vraiment un gouvernement de classe. Vous socialisez les pertes, vous privatisez les gains. La France des travailleurs, celle que le Premier ministre appelle avec mépris la France d'en bas, la basse classe...
    M. Alain Néri. C'est un langage inacceptable, langage de caste !
    M. Maxime Gremetz. ... est le cadet de vos soucis. Seul vous préoccupe le sort de ceux qui se croient supérieurs, les privilégiés du capitalisme.
    Je vous rappelle cependant, mes chers collègues, l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, base de notre Constitution : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens en raison de leurs facultés. » En diminuant les impôts des riches et en augmentant les taxes des pauvres, vous violez la Constitution, soit dit en passant.
    Mais c'est le titre II de votre projet qui est le plus dangereux. Votre ami Madelin fut, du temps du gouvernement Juppé, à l'origine d'une loi qui prévoyait la présomption de travailleur indépendant pour toute personne inscrite au registre des métiers ou du commerce. Ce texte permettait de priver n'importe quel travailleur de ses droits sociaux, ceux du code du travail, ceux de la sécurité sociale, ceux de la convention collective, et, notamment, de le priver du SMIC et des barèmes de salaires des accords collectifs. C'est ainsi que s'étaient multipliés les prétendus artisans du bâtiment, qui, travaillant pour un seul donneur d'ordres, étaient en fait des salariés privés de leurs droits. A l'occasion du vote des lois Aubry, le groupe communiste fut à l'initiative d'un amendement abrogeant la loi Madelin, les plus anciens s'en souviennent certainement. Cet amendement fut adopté par la majorité de l'époque, et c'est tant mieux !
    Il faut croire que le MEDEF et son gouvernement ont de la suite dans les idées, car, aujourd'hui, vous récidivez, avec cette funeste invention que vous appelez « contrat d'accompagnement ».
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Mais non !
    M. Maxime Gremetz. De quoi s'agit-il ? Pour bien comprendre, le plus simple est de prendre un exemple chez Bouygues ou chez l'ex-Générale des eaux, aujourd'hui Vivendi, ou encore chez Dumez, la Lyonnaise des eaux, les trois majors qui font la pluie et le beau temps, c'est le cas de le dire, dans le bâtiment.
    Ces trois multinationales possèdent de nombreuses filiales dans le bâtiment et les travaux publics qui raflent la grande majorité des marchés. Ces filiales ont de moins en moins de salariés. Elles sous-traitent de plus en plus à des entreprises de moindre importance, qui, elles-mêmes, sous-traitent souvent à d'autres encore plus petites, chaque intermédiaire, évidemment, prélevant sa dîme au passage, la plus grosse part étant réservée au major, on s'en serait douté.
    En bout de course, le prix est devenu tout petit et on trouve une entreprise artisanale qui a le plus grand mal à respecter les lois sociales, à payer de bons salaires, à respecter les barèmes des conventions collectives tout en assurant la sécurité des travailleurs, et qui s'en sort souvent en utilisant des travailleurs clandestins. Je peux vous donner des faits et des endroits, contrôlés par les directions départementales du travail.
    Dans ce système, les lois ne sont pas respectées. Pourtant, il y a l'interdiction du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif. Pourtant, il y a l'interdiction du marchandage. Pourtant, il y a l'inspection du travail, qui vient mettre son grain de sel. Il y a les salariés qui réclament des syndicats et des syndicats qui contestent. Il y a la lutte officielle contre le travail clandestin. Il y a des tribunaux qui, en cas d'accident du travail, recherchent la responsabilité des donneurs d'ordres. Bref, il y a des risques pour les organisateurs. Tout cela freine le développement de cette cascade qui pourrait rapporter encore plus gros dans le bâtiment, mais aussi dans d'autres branches d'activité.
    Alors, il faut, pour le patronat, changer la loi, légaliser les pratiques que je viens de décrire. D'où la loi Madelin, éliminée. D'où le présent projet du Gouvernement, qui va encore plus loin en mettant en place, avec le contrat d'accompagnement, un dispositif machiavélique destiné à faciliter les choses aux grandes entreprises et à attirer les salariés dans un miroir aux alouettes.
    Permettez-moi de prendre un exemple pour illustrer mon propos. C'est moins idéologique et c'est plus clair !
    Supposons l'entreprise Le Fric, sous-traitant de deuxième ou de troisième rang, qui s'adresse à l'un de ses ouvriers, comme, dans la fable, le renard s'adressait au corbeau : « Je sais que ta condition d'ouvrier salarié n'est pas toujours très drôle. Tu es dépendant. Tu manques de liberté. Tu n'es pas toujours très bien payé. Je suis avec toi, je te propose de devenir mon égal, de devenir patron. Ce n'est pas une blague. Nous allons conclure un contrat d'accompagnement prévu par le Gouvernement de ce bon M. Raffarin. Tu crées une entreprise. Tu t'inscris à la chambre de métiers. Ne t'en fais pas, je m'occupe de toutes les formalités. Pendant un, deux ou trois ans, je te passe tout le matériel nécessaire : la camionnette, l'échafaudage et la bétonnière. Je gère ta comptabilité.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Ça, c'est interdit !
    M. Maxime Gremetz. Je pourrais dès maintenant te vendre tout cela à un prix d'ami et tu paieras progressivement, comme tu le pourras. Mais tu pourras tout aussi bien ne posséder que ta caisse à outils. Pour le reste, on s'arrangera.
    « Pendant la première année, tu resteras en même temps salarié à temps partiel chez moi et donc tu n'auras aucune charge à payer. En plus, tu n'as vraiment aucun souci à te faire. D'abord, si tu prends un crédit ou que tu dois louer un petit local ou si un client te cherche des ennuis, c'est moi qui paie en cas de difficultés, et ce pendant toute la durée du contrat. Et puis, si ça ne marche pas, tu pourras toujours revenir travailler chez moi. Alors, marché conclu ? »
    M. Alain Néri. Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute !
    M. Maxime Gremetz. On comprend bien que, dans un premier temps, tout marchera comme sur des roulettes. Notre travailleur se sent pousser des ailes. C'est après que les ennuis commencent. Pour être libre, il est libre : libre de travailler soixante heures par semaine ; libre de rester à la maison sans salaire lorsque M. Le Fric ne lui passe pas de marchés ; libre d'accepter ou de refuser les prix imposés par le même M. Le Fric ; libre de ne pas respecter les règles de sécurité. Finies les contraintes du code du travail ! Enfin les joies de la liberté !
    C'est tout ce processus qui est organisé par le titre II de votre projet de loi. Grossièrement, la manoeuvre consiste à baptiser juridiquement « indépendant » un travailleur qui reste au sens économique et social un salarié, parce qu'il ne possède pas, ou si peu, ses moyens de production ou sa clientèle.
    Après avoir obtenu, depuis vingt ans, des exonérations massives de cotisations patronales, ce qui a permis de faire passer de la poche des salariés à celle des patrons une part croissante des richesses créées par le travail - elle est passée, depuis 1991, de 25 % à 36 %, M. Fillon, ne l'a pas contesté -,...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Alors...
    M. Maxime Gremetz. ... le MEDEF veut davantage : il veut maintenant faire baisser le salaire directement perçu par les travailleurs. Comme il est difficile de casser les garanties collectives contenues dans le code du travail et les conventions collectives, la technique choisie est d'en priver le maximum de personnes. Ce que j'ai exposé pour les ouvriers du bâtiment est bien entendu transposable à d'autres secteurs d'activité. On imagine en particulier facilement la suppression des garanties pour les transporteurs, pour les vendeuses, appelées gérantes, pour les cuisiniers, appelés prestataires de services, pour des « entrepreneurs de mise en rayon » dans les supermarchés. Il y a quelques années, le magasin Carrefour de Toulouse avait ainsi baptisé « entrepreneur » le manoeuvre chargé de ranger les caddies sur le parking ! L'imagination, vous l'avez vu, peut encore décupler avec votre projet de loi.
    De plus, la privation des droits du code du travail serait un formidable accélérateur de la flexibilité et de la précarité. Finis les quelques freins qui existent encore dans la législation ! Le pseudo-indépendant vient quand on lui demande, s'en va quand on le chasse ! Cela ajouté à la disparition de toute règle concernant la durée du travail. Nous aurions une cause supplémentaire de mise en chômage : un pseudo-indépendant à soixante-dix heures faisant le travail de deux salariés protégés par le code du travail, on aurait mécaniquement un travailleur de trop. Le risque de la fausse sous-traitance est tellement évident que le texte prend la précaution, dans le projet d'article L. 127-5 du code du commerce, de préciser que le contrat d'accompagnement ne devra pas enfreindre les dispositions du code du travail qui interdisent le prêt de main-d'oeuvre à but lucratif ou le marchandage. J'ai bien lu votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est bien !
    M. Maxime Gremetz. Précaution de style illusoire quand vous dites ailleurs, à l'article L. 127-3, que la fourniture des moyens par l'entreprise principale n'emporte pas présomption d'un contrat de travail. Il y a une contradiction. Avec cet article L. 127-3, vous cassez le critère essentiel dégagé par la jurisprudence pour caractériser justement la fausse sous-traitance. De plus, les actions en requalification resteront pour de nombreuses raisons aussi marginales, difficiles et aléatoires que celles engagées contre les abus de l'emploi intérimaire. Cet article est la preuve que la recherche de la surexploitation des travailleurs par l'essaimage n'est pas un risque de dérive de votre texte, mais bien l'objectif poursuivi par le Gouvernement sur injonction du MEDEF.
    Dans la suite du débat, notre groupe vous fera part de nos propositions pour empêcher ce mauvais coup et mon ami Daniel Paul interviendra. Votre réaction à nos amendements sera un très bon indice pour confirmer ou infirmer mes propos. Nous ferons également des propositions pour faciliter la création de véritables petites entreprises indépendantes et assurer leur avenir face aux grands groupes de l'industrie du bâtiment et de la distribution, car nous ne voyons que des avantages à ce que des ouvriers ou des techniciens puissent se mettre à leur compte en créant des activités vraiment indépendantes...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. ... et viables ! Nous avons donc proposé de lever de nombreuses ambiguïtés dans votre texte, en particulier pour ce qui concerne le code du travail et notamment le droit des salariés, leur protection en cas d'échec dans leur tentative de créer des emplois. Nous voulons aussi ôter tout risque d'essaimage consenti et tordre le cou à toute tentative de légaliser la fausse sous-traitance.
    Nous proposons de créer des fonds régionaux destinés à aider à la création d'entreprises de proximité par le biais de prêts sans intérêts, guidés par l'esprit d'un investissement solidaire.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Comment allez-vous financer ces fonds ?
    M. Maxime Gremetz. Enfin, nous proposons d'élargir l'aide à la création d'entreprises soit sous la forme de prêts publics avec contrôle et toujours sans intérêts, soit par l'élargissement du bénéfice de dispositifs déjà existants comme l'ACRE ou EDEN en leur gardant leur spécificité d'aide non remboursable.
    M. Michel Vergnier. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Par conséquent, étant donné l'état actuel de votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, il est évident que nous le combattons et que nous voterons contre.
    M. Alain Néri. Nous aussi !
    M. Maxime Gremetz. Nous considérons qu'il porte atteinte aux droits des travailleurs, qu'il crée deux catégories de salariés, - ceux qui bénéficieront des dispositions du code du travail et ceux qui en seront privés -, qu'il ne respecte pas l'égalité entre les citoyens, qu'il prive les travailleurs du droit à négocier leurs conditions de travail par l'intermédiaire de leurs délégués et qu'il instaure une concurrence déloyale entre les actuels artisans, qui paient leurs charges, et les pseudo-indépendants, qui, dans le cadre de contrats d'accompagnement, en seront dispensés.
    On nous dira que c'est facile de critiquer et qu'il faut construire : nous sommes tout à fait d'accord. Nous ferons donc des propositions pour une réussite sociale par le travail.
    Travailler à la mise en oeuvre d'une autre conjoncture serait possible, mais pour cela il faudrait avoir la volonté et le courage de s'attaquer aux privilèges - ce que vous ne pouvez pas faire, puisque, selon certains, vous êtes leur fondé de pouvoir -, il faudrait avoir la volonté et le courage de vouloir éradiquer totalement le chômage.
    Le chômage est la première des causes des maux de notre société : il provoque l'insécurité sociale, il tire les salaires vers le bas, il crée l'instabilité sociale, il dissuade de l'effort scolaire, il désunit les familles, il favorise la délinquance et il est la première source d'angoisse pour soi et pour ses proches, que l'on dispose d'un emploi ou que l'on craigne de le perdre.
    Toutefois, le chômage n'est pas une fatalité, il est le résultat de l'absence de volonté de le faire disparaître. Ce n'est pas facile, mais il faut au moins avoir cette volonté-là. Tous les dirigeants politiques placent la lutte contre le chômage au centre de leurs préoccupations officielles, mais ils ne font que semblant de lutter contre lui parce que ce drame les arrange, parce qu'il constitue l'instrument le plus efficace pour assurer sa domination sur les travailleurs, faire régner la crainte chez eux et, donc, peser sur les salaires et les conditions de travail. Ce qu'a écrit Marx est toujours vrai aujourd'hui, et je le dis sans dogmatisme.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Ça date un peu !
    M. Maxime Gremetz. Quand, dans un pays comme le nôtre, il y a deux millions et demi de chômeurs, où est la liberté de choix ? Moi, quand je travaillais, je pouvais dire à mon patron : « Si tu n'es pas content, je m'en vais ailleurs. » Maintenant, le travailleur doit tout supporter, car il ne peut pas aller ailleurs. Quand il y a deux millions et demi de chômeurs, il n'est pas difficile de comprendre qu'il n'y a plus de liberté de choix : le travailleur doit accepter des choses qui n'étaient pas acceptables auparavant, même si le travail était plus dur.
    Pour changer les choses, les communistes proposent un projet de société garantissant une sécurité d'emploi et de formation.
    M. Alain Néri. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Leur projet comporte un ensemble de propositions cohérentes entre elles, qui prévoient la formation, la redistribution des richesses et du temps de travail, l'attribution de pouvoirs pour les citoyens et pour les salariés dans l'entreprise, ainsi que la mise en place de nouvelles sources de financement.
    Les mesures relatives à la formation que nous proposons visent à répondre à la nécessité d'accroître le niveau des connaissances et celui de la formation professionnelle pour relever le défi de la production moderne et pour permettre la réalisation de soi. A cet égard, la nation a besoin de bâtir un plan de formation audacieux s'étendant sur plusieurs années, qui prévoirait un financement adapté de grande ampleur, la réforme des structures actuelles de formation, l'attribution d'une allocation d'autonomie-formation pour les jeunes et la mise en place de pouvoirs nouveaux pour les intéressés, en particulier le pouvoir pour les comités d'entreprise de participer à l'élaboration du plan de formation de l'entreprise - il n'est pas normal que, aujourd'hui, ils ne puissent pas le faire.
    M. Alain Néri et M. Michel Vergnier. Très juste !
    M. Maxime Gremetz. Par ailleurs, la reconnaissance de l'importance accrue de la formation conduit à maintenir les rémunérations acquises, que le travailleur soit en activité dans un emploi ou en activité dans une formation professionnelle.
    La lutte contre les formes les plus précaires d'emploi fait partie intégrante de ce projet de société. A cette fin, nous proposons, dans un premier temps, de limiter le recours aux CDD et aux intérimaires, d'accorder aux élus des salariés dans les entreprises des droits d'opposition au recours à l'emploi précaire et de créer des incitations financières à l'emploi stable pour favoriser la suppression et la conversion des emplois précaires - qu'il s'agisse des CDD, de l'intérim, des CES, des emplois-jeunes ou des contrats en alternance.
    Vous parlez toujours de remettre la France au travail, mais les deux millions et demi de gens qui cherchent un emploi ne demandent que ça ! N'accusez pas ceux qui souffrent du chômage de ne pas vouloir travailler : ils n'attendent que ça ! Vous savez que c'est la réalité, puisque vous voyez ces chômeurs dans vos permanences.
    Une telle évolution de notre société passe également par la réduction du temps de travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) La réforme des 35 heures n'a pas permis, du fait des insuffisances de la loi et de ses modalités d'application, d'atteindre les objectifs recherchés. La durée moyenne du travail en France est actuellement de 30 heures, si l'on tient compte des chômeurs qui ne travaillent pas du tout (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs), des précaires qui travaillent une partie de l'année seulement et des salariés qui subissent le temps partiel. Il est donc tout à fait réaliste, à condition de mettre en oeuvre le plan pour la formation que je viens d'évoquer, de fixer la durée légale du travail à 32 heures sans amoindrir les capacités productives. Il ne s'agit pas de 33 heures, comme l'a dit M. Fillon tout à l'heure, mais bien de 32 heures, dans un premier temps, c'est-à-dire la semaine de quatre jours : 4 x 8 = 32 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est simple, vous avez dû comprendre !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Nous avons bien compris !
    M. Maxime Gremetz. François Fillon devait être malade pour dire : « 33 ». Il pensait certainement au toubib, qui vous demande de dire « 33 » ! (Rires.)
    Cependant, pour éviter la déception qui a suivi l'application de la réforme des 35 heures, la réduction du temps de travail devrait s'accompagner d'autres mesures visant à limiter la flexibilité au secteur saisonnier, à redéfinir le temps de travail pour y intégrer les pauses, à abroger le forfait-jour des cadres. En effet, mesdames et messieurs de la majorité, s'agissant du forfait-jour, vous avez voté une disposition, dont on nous avait dit qu'elle était banale, visant à élargir la notion d'autonomie. Or, aujourd'hui, quelques millions de cadres qui jusqu'à présent pouvaient bénéficier des 35 heures n'en bénéficieront plus. Moi, j'ai voté contre, mais vous, vous avez voté pour, et je me chargerai de le rappeler. Un article paru hier dans un journal du soir expliquait à ce sujet ce que nous avions nous-mêmes expliqué ici, à l'Assemblée nationale. Vous nous aviez répondu : « Mais non, mais non ! » En attendant, cette mesure s'applique, et c'est vous qui en êtes responsables. A chacun ses responsabilités !
    Le temps partiel, qui est une forme de chômage, en particulier pour les femmes, doit aussi être réformé.
    Mais je m'aperçois, à ce stade de mon intervention, que j'ai oublié quelque chose. On parle...
    M. François Sauvadet. Surtout vous, pour l'instant ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. ... de créer un million d'entreprises.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. En cinq ans !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. 200 000 par an !
    M. Maxime Gremetz. La création de 200 000 entreprises par an, c'est raisonnable, ce n'est pas mal, c'est même un objectif audacieux.
    Si vous observez sur la fiche que je vous montre la courbe des défaillances d'entreprises en France,...
    Mme Sylvia Bassot. C'est à cause des 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. Non, madame, l'augmentation du nombre des défaillances d'entreprises a commencé avant la mise en place des 35 heures. Les 35 heures ne sont pas la cause de tous les problèmes. Que direz-vous dans quelque temps ?
    Mme Sylvia Bassot. Je dirai que c'est à cause des 32 heures ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Les 35 heures ne s'appliquent même plus chez les cadres. Il ne devrait donc plus y avoir de cadres au chômage !
    La courbe de ces défaillances est éloquente.
    M. Alain Néri. Elle est même affligeante !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est incompréhensible, nous ne voyons rien !
    M. Maxime Gremetz. Pourtant, la pente est visible.
    M. Guy Geoffroy. C'est celle de la baisse des résultats électoraux du PC !
    M. Maxime Gremetz. On a raison de vouloir créer des entreprises,...
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Merci !
    M. Maxime Gremetz. ... mais je considère que la façon dont vous vous y prenez est très mauvaise et que ce texte va susciter des effets d'aubaine et des dérives terribles. Moi, je me bats pour la création et pour le développement des petites et moyennes entreprises, qui, en général, sont celles qui créent le plus d'emplois.
    M. Christian Ménard. Dans ce cas-là, arrêtez de licencier au PC !
    M. Maxime Gremetz. Notre ami Serge Renaud vous dira, monsieur le secrétaire d'Etat, que je suis le meilleur défenseur des PME en Picardie ; il me l'a même écrit. J'assiste du reste à toutes les assemblées de la chambre de commerce et d'industrie de Picardie.
    Quand on veut créer des entreprises, il faut aussi se demander pourquoi il y a tant de défaillances chez celles qui existent déjà.
    M. Franck Gilard. Justement ! D'où l'intérêt de ce texte.
    M. Maxime Gremetz. En même temps que l'on crée des entreprises, il faut empêcher celles qui existent de disparaître.
    M. Michel Vergnier. Il a raison !
    M. Maxime Gremetz. En fait, il y a deux véritables problèmes, et je le sais pour avoir discuté avec des petits patrons qui veulent investir, qui veulent innover, qui ont des projets.
    Le premier de ces problèmes, c'est...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Le poids excessif des charges !
    M. Maxime Gremetz. Non, c'est le fait qu'ils ne trouvent pas de prêts auprès des banques. Parce que, dans ce pays, on ne prête qu'aux riches.
    M. Michel Vergnier. Oui !
    M. Maxime Gremetz. Il faut avoir les reins solides pour que l'on vous prête de l'argent.
    M. Michel Vergnier. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. On ne prête pas aux petits, car ce serait prendre des risques.
    Il faut examiner le rôle que doit jouer le secteur bancaire, fixer des taux d'intérêt bas, accorder des prêts bonifiés.
    M. Patrick Delnatte. Cela existe déjà !
    M. Maxime Gremetz. Combien de personnes dans ce pays ne peuvent pas créer, innover ou déposer des brevets faute de trouver des prêts bancaires !
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. En cette affaire, nos banques ne sont pas très nationales, malheureusement ! (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le deuxième problème est celui de l'aide qu'il faut apporter à ceux qui veulent créer. Cette aide ne doit pas prendre la forme d'une exonération de cotisations patronales, mais d'une prime à la création d'entreprise.
    Vous dites : « il y a trop de charges ». Mais, moi, je connais des entreprises formidables qui exportent, qui innovent et qui ne se plaignent pas trop du niveau des charges. En revanche, elles font observer qu'il y a beaucoup trop de frais financiers, beaucoup trop de complications administratives, beaucoup trop de dossiers à remplir !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est vrai !
    M. Franck Gilard. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Hier, j'étais chez un garagiste qui emploie trois salariés. Sa femme m'a expliqué qu'elle passe des journées entières à s'occuper de problèmes de gestion.
    La simplification des mesures administratives s'impose, c'est évident.
    Mme Sylvia Bassot. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. Il faut aussi octroyer des prêts bonifiés.
    Enfin, les chefs d'entreprise doivent garder leur indépendance face aux donneurs d'ordres, sinon ils ne peuvent pas survivre.
    M. Michel Vergnier. Le texte n'apporte pas de réponse sur ces points !
    M. Maxime Gremetz. Voilà ce que je voulais vous dire avec passion, monsieur le secrétaire d'Etat. Je ne m'étendrai pas davantage sur ces différents points, car j'ai promis à M. le président de ne pas dépasser mon temps de parole pour qu'il puisse satisfaire à ses obligations. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je tiens mes engagements.
    M. Bernard Schreiner. C'est bien !
    Mme Sylvia Bassot. Nous avons tous des obligations !
    M. Maxime Gremetz. N'est-ce pas exact, monsieur le président ?
    M. le président. Oui, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Les gens de conviction, ça existe. Les gens de parole, aussi, et quand ils prennent un engagement, ils le tiennent ! Cela fait partie du respect mutuel qu'on doit avoir les uns pour les autres.
    M. Guy Geoffroy. C'est ce que nous faisons !
    M. Maxime Gremetz. Si vous avez suivi très attentivement ce que je vous ai dit, mes chers collègues, vous aurez compris pourquoi je vous demande d'adopter cette question préalable.
    M. Manuel Valls. Oui !
    M. Michel Vergnier. Absolument !
    M. Maxime Gremetz. Votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, comme beaucoup d'autres, est de la poudre aux yeux, mais il n'est pas que cela : il est aussi dangereux.
    M. Alain Néri. Très juste !
    M. Maxime Gremetz. Enfin, mes chers collègues, je tiens également à votre disposition tous les documents que j'ai cités. Vous pourrez vérifier que je n'ai rien inventé : il s'agit de chiffres officiels publiés par des instituts officiels et non des chiffres inventés par Maxime Gremetz ou par l'Humanité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'UMP.
    Mme Chantal Brunel. Le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle votera contre la question préalable, car, comme l'ont excellemment dit les deux rapporteurs et le président de la commission spéciale, le texte qui nous est soumis est attendu par le monde de la petite entreprise, par les travailleurs indépendants, et permettra de dynamiser la création d'entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste.
    M. Michel Vergnier. M. Gremetz nous a fait une brillante démonstration des inégalités existant dans ce pays en s'appuyant sur des tableaux et des chiffres que personne ne peut contester. Vous allez me demander : « Mais quel est le rapport avec le texte qui nous est présenté ? » (« Aucun ! », sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Sauvadet. Exactement !
    M. Franck Gilard. C'est cela la question !
    M. Michel Vergnier. Vous dites « aucun », ça c'est trop facile.
    Justement, tout au long de ce texte, si l'on y regarde de près, les inégalités sont sous-entendues, à défaut d'être proclamées. En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet que vous nous présentez aujourd'hui avec un enthousiasme que vous voulez communicatif et avec une conviction...
    M. Alain Néri. Qui n'est pas la nôtre !
    M. Michel Vergnier. ... que nous ne partageons pas, est profondément inégalitaire. Toutefois, ayant déjà développé cet argument, je n'insiste pas.
    J'en viens à la question préalable. Moi qui suis originaire d'un pays de maçons - la Creuse est célèbre pour cela -, je vous dirai, monsieur le secrétaire d'Etat, que, quand on fait une maison, il faut d'abord penser aux fondations, sinon on construit sur du sable et la maison s'écroule.
    Lorsque nous avons entendu en commission les représentants du MEDEF, nous avons vu avec quel enthousiasme cette organisation soutenait ce texte, et cela ne nous a pas étonnés. En revanche, nous n'avons pas trouvé que ceux qui représentaient les artisans, l'UPA, étaient très emballés par celui-ci : certes ils vous délivrent un certain nombre de satisfecits, mais ils sont tout de même plutôt réservés.
    Pourquoi n'avez-vous pas repris le texte que nous avions voté ici même, en première lecture, pour l'inscrire au Sénat ? Il contenait, justement, toutes les fondations qui manquent à votre texte.
    M. Gilbert Meyer. Mais non !
    M. Michel Vergnier. Notamment sur la formation, qui est indispensable, ou sur l'apprentissage. Parce que vous nous demandez de patienter jusqu'au dépôt d'un deuxième texte à la fin de l'année ! Mais, voyez-vous, la Creuse est un pays de maçons mais également un pays d'agriculteurs et j'ai souvent entendu dire qu'il ne fallait pas mettre la charrue devant les boeufs, sinon cela ne marche pas !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Précisément !
    M. Michel Vergnier. Puisque vous vouliez légiférer, il vous fallait prendre le temps nécessaire pour le faire complètement. Comme nous-mêmes avions essayé de le faire. D'ailleurs, dans la motion de renvoi en commission que j'aurai l'honneur de vous présenter, parce que je connais l'issue du vote sur cette question préalable, je vous rappellerai ce que vous avez dit il y a un an.
    M. François Sauvadet. Bien volontiers.
    M. Michel Vergnier. A l'époque, ne trouviez-vous pas, monsieur Sauvadet, que le texte que nous présentions était un bon texte, qu'il fallait continuer à le travailler ?
    M. François Sauvadet. Je le trouvais tardif !
    M. Michel Vergnier. Pourquoi ne pas avoir cherché à améliorer le bon texte qui existait ? Pourquoi l'abandonner et nous renvoyer à un deuxième texte que vous déposerez plus tard, à Pâques ou à la Trinité ?
    En résumé, ce texte est incomplet, il ne comporte qu'un volet fiscal et manque de fondations, et il est dangereux, notamment pour ceux-là mêmes que vous prétendez vouloir aider. Nous nous associons donc aux propos de Maxime Gremetz et nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Rodolphe Thomas, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Rodolphe Thomas. L'UDF, bien sûr, ne votera pas la question préalable.
    M. Alain Néri. Pourquoi pas ?
    M. Rodolphe Thomas. A entendre son propos, on a l'impression que Maxime Gremetz est aux antipodes du monde économique, particulièrement des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    A une petite nuance près : quand il parle des relations des entreprises artisanales avec les banques, je serais presque tenté, je l'avoue, de le rejoindre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je sais, par expérience, que ce n'est pas simple en effet.
    A entendre M. Gremetz, on a l'impression qu'il n'a pas fait partie de la majorité qui a soutenu le précédent gouvernement pendant cinq ans. Dans ma circonscription, j'ai vu, sous ce gouvernement justement, un bassin de 3 000 emplois balayé de la carte, en l'espace de six mois, avec la fermeture de Moulinex. Je ne crois pas qu'il soit à même aujourd'hui de nous faire des leçons de morale alors que nous sommes aux affaires depuis six mois seulement.
    M. Alain Néri. Nous n'avons pas donné de leçons de morale !
    M. Rodolphe Thomas. Ce projet de loi a le mérite d'exister, il s'appuie sur l'expérience et témoigne d'une volonté qui devrait, dans les mois et années à venir, comme cela s'est produit avec les contrats jeunes, générer une dynamique de développement chez nos entreprises, qui en ont grandement besoin.
    Nous en avons besoin, pour porter un projet européen et faire face à l'environnement, à la globalisation que l'on subit de plein fouet depuis quelque temps.
    Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)
    M. Maxime Gremetz. Nous sommes moins nombreux mais nous sommes les meilleurs !
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 507 rectifié, pour l'initiative économique :
    Mme Catherine Vautrin et M. Gilles Carrez, rapporteurs au nom de la commission spéciale (rapport n° 572, tomes I à III).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT