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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 5 FÉVRIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 4 février 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Initiative économique. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Gérard Bapt,
François Sauvadet,
Daniel Paul,
Mme
Chantal Brunel,
MM.
Didier Migaud,
Charles de Courson,
Mme
Marylise Lebranchu,
MM.
Olivier Dassault,
Jean-Louis Dumont,
Rodolphe Thomas,
Augustin Bonrepaux,
Etienne Blanc,
Jean-Pierre Balligand,
Bernard Brochand,
Mme
Nathalie Gautier,
MM.
Frédéric Soulier,
Jean Launay,
Jean-Jacques Descamps,
David Habib,
Daniel Garrigue,
Nicolas Forissier,
Mme
Arlette Grosskost,
MM.
Xavier de Roux,
Philippe Martin,
Jean-Louis Christ,
Mme
Geneviève Levy,
MM.
Laurent Hénart,
Pierre Morel-A-l'Huissier,
Jean Auclair,
Jacques Briat,
Emmanuel Hamelin.

Rappel au règlement «...»

MM. Maxime Gremetz, le président.

Reprise de la discussion «...»

Mme
Henriette Martinez.
M.
Jean-Pierre Le Ridant.
Clôture de la discussion générale.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle «...».
3.  Dépôt de rapports «...».
4.  Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1

INITIATIVE ÉCONOMIQUE

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'initiative économique (n°s 507 rectifié, 572).

Discussion générale

    M. le président. Nous abordons maintenant la discussion générale.
    La parole est à M. Gérard Bapt, premier orateur inscrit.
    M. Gérard Bapt. Monsieur le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, le projet de loi pour l'initiative économique est, dans son exposé des motifs, présenté avant tout comme un texte visant à favoriser la création et la reprise d'entreprises. Cet exposé débute par un hymne très bien tourné à l'aspiration personnelle à la liberté, à l'épanouissement professionnel, à la réussite par le travail, à la créativité et à l'initiative. Aussi quatre des cinq titres du projet sont-ils consacrés à la création et à son accompagnement social. En vous en tenant là vous auriez pu présenter un projet de loi « Dutreil » consacré à la création d'entreprises et aux PME.
    Mais figure aussi un cinquième titre consacré, lui, à la transmission et utilisé en commission spéciale par la majorité pour déborder largement le problème de la petite entreprise et de l'artisanat. Son existence justifie sans doute que le projet soit signé par le seul ministre de l'économie et des finances. S'y rattachent donc les amendements concernant l'impôt sur la fortune que le Gouvernement a fait porter par sa majorité parlementaire. Aussi en arrivons-nous après le passage en commission spéciale à ce qui est en vérité, monsieur le secrétaire d'Etat, un texte d'allégements fiscaux - de l'impôt sur le revenu, de l'ISF -, certes dans la continuité des diverses mesures prises dans les lois de finances initiale ou rectificative, mais dont la quasi-intégralité est destinée, et je le regrette, aux couches sociales les plus aisées, pour un montant de près de 500 millions d'euros.
    Mon collègue M. Besson s'est exprimé avec justesse sur l'ISF, et M. Migaud y reviendra. Je veux quant à moi faire part de ma surprise d'avoir vu arriver tout à l'heure, au moment où la commission spéciale était réunie pour examiner les amendements dans le cadre de l'article 88 du règlement, un amendement du Gouvernement proposant d'exonérer de l'assiette de l'ISF les titres souscrits en numéraire au capital des entreprises industrielles commerciales, de services ou agricoles. Même notre rapporteur, M. Carrez, a été surpris, ce qui explique peut-être son absence inhabituelle. Il nous a dit que cet amendement allait plus loin dans l'exonération, puisqu'il supprimait notamment le butoir de cinq ans ainsi que la restriction limitant l'avantage aux entreprises de moins de cinq ans.
    En revanche, nous ne pouvions que partager votre objectif de créer un million d'entreprises en cinq ans, puisqu'il avait été déjà été formulé par le gouvernement précédent, en particulier à l'occasion de l'annonce de la mis en place du prêt pour la création d'entreprise. Certaines dispositions concrètes de votre projet reprennent d'ailleurs des mesures du projet de loi de François Patriat, voté en première lecture sous l'ancienne législature.
    D'autres tiennent néanmoins plus de l'affichage que du concret. Ainsi en est-il de l'article 1er, qui permettrait la création d'entreprises au capital d'un euro. C'est un leurre, dans la mesure où l'on pourrait laisser croire que les fonds propres ne sont pas essentiels à la petite entreprise, alors même que l'exposé des motifs souligne que l'insuffisance des capitaux propres est une des causes de la fragilité de nos entreprises, aussi bien à la naissance que dans la phase de croissance.
    D'autres dispositions apparaissent comme un substitut à une volonté réformatrice insuffisante, comme la création du RCE, le récépissé de création d'entreprise, qui vise à réduire les délais de procédure, ce qui est positif en soi, mais sur la valeur juridique duquel on peut s'interroger. En outre, il permet d'esquiver une réorganisation administrative de l'Etat et des organismes consulaires et de sécurité sociale, pourtant nécessaire, tant il est vrai que la multiplicité des démarches et des guichets laisse souvent perplexe le créateur.
    Tout aussi positive est la déclaration d'entreprise sur Internet, instituée à l'article 3, qui prévoit d'agréger par voie électronique l'ensemble des formalités. Encore faut-il, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître les dispositions que vous comptez prendre à l'égard des différents organismes concernés.
    Les dispositions relatives à la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur laissent de côté certaines mesures sociales d'accompagnement et de formation, creusant ainsi la différence entre petites et grandes entreprises. D'ailleurs l'UPA, l'Union professionnelle artisanale, tout comme, la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, soulignent que les propositions concernant l'accompagnement, mais aussi le financement, sont destinées surtout aux moyennes et grosses entreprises, aux sociétés, beaucoup plus qu'aux TPE, les très petites entreprises, et à l'artisanat. A cet égard, le projet de loi apparaît déséquilibré à leur détriment.
    Je souhaite insister dans mon intervention sur deux aspects du texte.
    Le premier concerne l'importance des mesures fiscales qu'il contient avant même la prise en compte des amendements portant sur l'ISF. Le rapporteur général du budget les a évaluées à 350 millions d'euros, dont 245 millions pour les seules exonérations de taxation des plus-values. Et qu'il s'agisse des réductions d'impôts au titre de l'investissement ou de la déductibilité des pertes occasionnées par un investissement dans une société nouvelle, ce sont les aspects fiscaux, avec des déductibilités majorées, qui l'emportent. L'incitation fiscale, la privatisation des profits combinée, dans certains cas, à la mutualisation des risques priment sur d'autres dimensions qui faisaient du texte de François Patriat un ensemble beaucoup plus cohérent et équilibré en faveur de la création et de l'initiative économique, notamment sur les plans social, de la formation et de l'accompagnement. Le texte d'aujourd'hui, et même si, me direz-vous, il en viendra un second, vise avant tout les sociétés et les moyennes entreprises.
    Par ailleurs, l'innovation qu'il propose réside dans la mise en place de fonds d'investissement de proximité, pour drainer l'épargne vers des activités localisées dans une même région. Or il est permis de douter de l'efficacité réelle d'un système qui présente les mêmes caractéristiques que les fonds communs de placement à risque existant dans toutes les régions. En effet, la collecte directe de l'épargne sera difficile, malgré l'incitation fiscale, tant en raison du risque encouru que de la difficulté de sortir de ces fonds.
    Ce constat fait d'autant plus regretter que vous ayez rejeté la piste du drainage par le biais de fonds territorialisés, de l'épargne collectée dans le cadre réglementé des CODEVI, des plans d'épargne logement, des comptes sur livret, des livrets d'épargne d'entreprise. Pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, ne pas avoir exploré la voie d'une affectation territorialisée, qui aurait pu être modulée en fonction des choix d'aménagement du territoire, au profit de zones défavorisées, notamment des zones rurales en difficulté ou des bassins d'emploi sinistrés ? De la part d'un gouvernement qui affiche une volonté de décentralisation et d'expérimentation, il s'agit d'un déficit évident d'audace et d'imagination ! Seul l'amendement concernant le financement de l'entreprise à partir des fonds recueillis dans les plans d'épargne en actions a été repris par la commission spéciale.
    Le rejet des trois autres amendements relatifs au drainage de l'épargne réglementée ne laisse pas de nous inquiéter. Nous redoutons une éventuelle réforme préparée sur la base des positions exposées récemment par M. Arthuis, président de la commission des finances du Sénat.
    Si je doute de la réelle efficacité des fonds d'investissement de proximité tels que vous les mettez en place, c'est aussi parce qu'ils auront un caractère très institutionnel, étant donné qu'ils seront attribués sur appels d'offres à des sociétés de gestion. Nous sommes loin du modèle canadien des fonds d'investissement de proximité, qu'il s'agisse des dix-sept fonds régionaux de solidarité des travailleurs du Québec ou bien des sociétés locales d'investissement dans le développement de l'emploi, dont la création est décidée localement et qui présentent la particularité d'associer étroitement les acteurs locaux à leur création et à leur gestion : municipalités, partenaires sociaux et associatifs, institutions financières locales. Leur succès vient de leur implication locale, de leur dimension sociale et solidaire, absente de votre dispositif. Il s'agit là d'une occasion manquée pour le dialogue social territorialisé !
    Certains députés de la majorité, en commission spéciale, ont d'ailleurs mis l'accent sur l'absence de prise en compte de l'aménagement du territoire. Mais, à la demande du rapporteur, ils ont malheureusement retiré leurs amendements concernant les zones en difficulté. Pourtant, la seule défiscalisation ne saurait suffire. Aussi avons-nous déposé un amendement proposant la création de groupements d'intérêt public qui associeraient les collectivités locales et les acteurs locaux et bénéficieraient de financements provenant des fonds d'épargne réglementée qui seraient modulés en fonction des situations régionales.
    La dominante fiscale du texte, monsieur le secrétaire d'Etat, rend encore plus caricatural son déséquilibre au regard de l'article 19, qui concerne l'aide à la création d'entreprise par les allocataires sociaux : RMIstes, fin-de-droits, demandeurs d'emploi de longue durée. La loi de lutte contre les exclusions avait étendu la mesure « Eden » aux allocataires sociaux en transformant l'avance en prime. Ce dispositif avait été complété plus tard par la prime à la création d'entreprise.
    Le comité de bassin d'emploi du Nord-Est toulousain, que je préside, a pu constater que, sur trente-quatre immatriculations d'entreprise effectuées en 2002, vingt-cinq l'ont été par des demandeurs d'emploi, dont huit RMIstes et huit personnes en difficulté. Or nous ne constatons que très peu de défaillances trois ans après : c'est dire la motivation et la responsabilisation des créateurs, bien suivis et conseillés.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Bapt.
    M. Gérard Bapt. Pour le public auquel nous nous adressons majoritairement, qui est dépourvu de patrimoine personnel, les aides à la création sont donc primordiales.
    Voilà pourquoi j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'au cours du débat vous reviendrez sur la transformation de la prime en avance, qui paraît ô combien dérisoire au regard de la masse des exonérations fiscales que vous consentez. Vous contribueriez ainsi à remobilisert les réseaux d'aide.
    M. le président. Veuillez vraiement conclure, monsieur Bapt.
    M. Gérard Bapt. Je conclus, même si je n'ai pas eu tout à fait le temps de terminer mon exposé, en vous communiquant le baromètre 2003 du Salon des entrepreneurs, réalisé par l'IFOP, qui révèle la baisse du pourcentage des personnes souhaitant créer leur entreprise : 27 % en 2002, contre 31 % en 2001. Le principal frein pour passer à l'acte, selon ce sondage, résiderait justement dans le manque de capitaux pour 67 %, loin devant le montant des charges sociales : 20 %, ou la complexité des démarches administratives : 15 %. Je crois donc, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il serait très important de revenir sur cette disposition, bien que la philosophie générale de votre gouvernement le pousse à consentir toujours plus d'allégements de charges, afin de soutenir l'emploi et l'investissement, dites-vous. Voilà bien ce qui différencie aujourd'hui la majorité de l'opposition. C'est pourquoi nous nous opposerons sur le fond à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je rappelle aux orateurs que nous avons devant nous trois heures quarante de discussion générale. Aussi chacun doit-il absolument s'en tenir au temps de parole qui lui a été imparti.
    M. Jean-Louis Dumont. Nous avons la nuit devant nous !
    M. le président. Non, monsieur Dumont, nous lèverons la séance vers une heure du matin. Auparavant il serait souhaitable que la discussion générale se déroule dans de bonnes conditions, et je vous demande donc mes chers collègues de respecter votre temps de parole.
    La parole est à M. François Sauvadet, qui va montrer l'exemple en restant dans la limite de dix minutes.
    M. François Sauvadet. Je vais m'y efforcer, monsieur le président.
    Il faut dire les choses clairement : le projet de loi que nous examinons aujourd'hui va dans la bonne direction. Vous nous aviez suggéré d'emblée, monsieur le secrétaire d'Etat, de chercher à l'améliorer, parce que tout texte est amendable. Nous avons fait notre métier de parlementaires et je veux saluer le travail de la commission spéciale, de son président, Hervé Novelli, et de ses deux rapporteurs. Mais nous aurons l'occasion, pendant la discussion, de souligner les aspects qui méritent encore d''être affinés.
    Quatre-vingts amendements ont été adoptés en commission, dont une dizaine du groupe UDF, ce qui montre bien que nous avons apporté notre contribution à l'oeuvre commune. La position constante de notre groupe est de soutenir ce qui va dans le bon sens tout en disant les choses lorsqu'il le faut.
    Il faut encourager, bien évidemment, la création et la transmission des entreprises. Pour cela, le moyen est simple : il consiste à lever les obstacles dissuasifs. Et sur tous les bancs de cette assemblée, on a formulé le même constat : il faut que nous fassions mieux en ce domaine.
    Les chiffres sont là : beaucoup aspirent à créer une entreprise, mais trop peu s'y risquent, 170 000 seulement. Pourquoi ? Les Français nous le disent régulièrement dans nos permanences et nous avons consulté, à votre demande, monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble des chefs d'entreprise. J'ai envoyé un millier de questionnaires dans ma circonscription. De toutes les réponses, il ressort que le processus est trop compliqué, que les charges sont trop lourdes et que le créateur n'est pas assez accompagné. Il y a des blocages qui découragent les initiatives. Comment allons-nous encourager nos compatriotes qui le veulent à oser faire, à se lancer, comme on dit ? C'est à cette tâche que nous devons nous attaquer.
    La création, ce n'est pas facile, c'est un investissement personnel lourd, familial souvent, notamment lorsqu'il s'agit d'une entreprise individuelle. Et on constate de trop nombreux échecs. L'objectif n'est donc pas seulement d'encourager la création, mais aussi d'accompagner le créateur dans le parcours difficile qu'il doit affronter. Pour qu'il puisse développer son activité, il faut lui dégager le terrain et lui permettre de trouver son espace, en ne captant pas trop d'argent au passage sur ses premières ressources. La question des prélèvements est centrale. On a vu quelles sont les positions de la gauche. Les nôtres sont différentes et il nous appartient de les affirmer très clairement dans ce débat, qui doit aussi nous donner l'occasion de clarifier nos engagements respectifs.
    Selon les derniers chiffres, 52,7 % des entreprises sont défaillantes au bout de trois ans. Une réflexion s'impose sur cette hécatombe, sur cette fragilité de la création.
    J'aimerais aussi que nous consacrions un temps non négligeable à la transmission d'entreprise. Le soutien de l'activité est nécessaire dans les zones rurales fragiles comme dans les zones franches urbaines, mais la transmission mérite aussi notre attention. Vous avez fait des pas très appréciables pour la favoriser, monsieur le secrétaire d'Etat. Je souhaite que vous vous engagiez encore plus vigoureusement, notamment en faveur de la transmission individuelle.
    Ce qui sous-tend toutes nos réflexions sur l'entreprise, ce qui mobilise toutes nos énergies, c'est évidemment la question de l'emploi. Or l'emploi qui naît du commerce, de l'artisanat, de ces PME qui font la richesse et la vitalité de nos territoires, est un emploi durable. Face à la fragilité dont souffrent parfois les stratégies des grands groupes, il faut encourager cet emploi permanent, stable, enraciné, ancré dans le tissu rural ou urbain, cet emploi sans lequel il n'y aurait plus de dynamique de l'activité, sans lequel il n'y aurait plus de vie dans nos territoires.
    Notre credo, à l'UDF, c'est qu'il faut mener toutes les actions de front. Alors, il faut abaisser les impôts, réduire les prélèvements qui sont trop élevés pour ceux qui ont créé de la richesse, et puis il faut, dans le même temps, poursuivre l'effort d'allégement des charges, non pas - je le dis à l'opposition - pour diminuer, mais pour accroître la rémunération du travail, et aussi pour qu'elles pèsent moins lourd sur ceux qui créent l'emploi.
    M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale pour les articles fiscaux. Exactement !
    M. François Sauvadet. Je souhaiterais donc que s'éloigne de nous la caricature et que nous nous engagions ensemble dans la voie de la solution à proposer à nos compatriotes qui se désespèrent. C'est là l'enjeu. C'est ce qu'ils attendent de nous. La baisse des charges doit aller de pair avec la hausse des rémunérations : c'est un autre credo de l'UDF.
    Une fois situé le cadre, je voudrais insister sur quelques points plus particuliers. D'abord, il faut protéger le créateur autant qu'on le peut, sans supprimer cependant la notion de risque inhérente à toute création d'entreprise. Ensuite, il faut stimuler la création pour tous, et j'ajouterai partout.
    M. Gérard Bapt. Très bien !
    M. François Sauvadet. Pour la protection du créateur, la décision de rendre la résidence principale insaisissable est une avancée majeure. On voit des échecs économiques se traduire par tant de détresse, par des divorces, par des drames personnels. Par conséquent, tout ce qui pourra concourir, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'accompagnement dans la prise de risque sera bon pour le créateur et donc bon pour l'emploi.
    Cela dit, il ne faudrait pas non plus laisser croire qu'il suffit d'une protection pour que tout le problème soit réglé. Souvent, pour finaliser la création ou la reprise, il faut trouver un petit complément de financement, et c'est là que l'on déplore parfois la frilosité du système bancaire. Pour obtenir le concours financier des banques, l'entrepreneur doit hypothéquer ou mettre en caution ses biens personnels. C'est souvent la condition sine qua non. Et malgré tout, lorsqu'il a tout versé dans l'escarcelle, il n'arrive pas toujours à créer ou à reprendre l'entreprise parce qu'il lui manque encore quelques milliers d'euros, et nous avons tous vu cela dans nos circonscriptions. Mais je crois qu'il ne faut pas laisser espérer au-delà de la mesure proposée. C'est une bonne mesure et nous l'encourageons.
    Protéger le conjoint en cas de faillite ou de dépôt de bilan est également une nécessité absolue. Il faut d'abord faire en sorte qu'il soit averti des risques qu'il court en s'engageant dans une démarche familiale et partenariale. Cet effort de clarification va dans le bon sens, même si ce point mérite, vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous poursuivions le débat.
    La création d'entreprise doit être possible pour tous et partout.
    Assurer la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, organiser des passerelles, c'est assurément une bonne idée, qui mérite néanmoins quelques éclaircissements juridiques. Il ne faudrait pas que cette bonne idée devienne une source de conflit entre l'employeur et le salarié-créateur ni qu'elle donne lieu à des abus de situation risquant d'entraîner une déstabilisation de l'entreprise. Mme la rapporteure et M. le président de la commission ont rappelé à cet égard la nécessité de respecter l'obligation de loyauté, qui devra être précisée par la loi.
    L'ouverture au secteur public est une exigence d'équité. C'est un sujet sur lequel nous aurons à nous entretenir avec le ministre de la fonction publique. L'esprit d'entreprise habite aussi certains de ceux qui servent le public au sein du service public. L'UDF a posé clairement la question de l'équité entre public et privé, la commission a suivi ses propositions.
    Bien sûr, ici et là, des voix vont s'élever pour nous dire : attention aux statuts ! Mais si les législateurs que nous sommes n'étaient pas capables de faire évoluer les règles pour permettre à tous de se lancer dans l'aventure de la création, alors nous manquerions à notre devoir. Faisons-le dans le partenariat et la concertation. Mais marquons notre volonté d'équité en réalisant cette ouverture.
    La création pour tous, chers collègues du groupe communiste, vaut aussi, bien sûr, pour les chômeurs. Nous avons proposé qu'ils continuent à toucher leurs indemnités pendant la première année, celle où le risque est le plus grand, et qu'ils bénéficient d'un soutien financier. On s'oriente vers la formule de l'avance : très bien ! Mais qu'au moins cette avance ne soit remboursable que dans le cas où ils auront réussi. Que l'on n'exige pas d'eux, en cas d'échec, un remboursement qui ne ferait qu'aggraver leur situation de fragilité.
    M. le président. Monsieur Sauvadet, il va falloir conclure.
    M. François Sauvadet. J'ai presque terminé.
    Nous devons, monsieur le secrétaire d'Etat, adopter une démarche partenariale vis-à-vis des chômeurs-créateurs. On les responsabilise, mais on partage le risque : c'est la proposition que nous ferons.
    La simplification est une urgence. Tous les questionnaires sont unanimes : il faut simplifier. Faisons-le ensemble. Ecoutons ceux qui nous disent : débarrassez-nous des complexités ! Certes, le guichet unique posera des problèmes, mais c'est le cas pour toute simplification, et nous voulons faire diminuer la complexité au quotidien.
    Sur le volet fiscal - auquel reviendra Charles de Courson, spécialiste reconnu -, l'hypocrisie doit cesser. J'ai entendu dire que le poids de la fiscalité n'avait pas causé l'exode des talents. Mais j'ai aussi écouté le rapporteur général et je souscris à ce qu'il a dit. Il faut ouvrir le dialogue à ce sujet. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'impôt sur les sociétés ou sur la fortune, car nous sommes tous solidaires et nous voulons la solidarité. Simplement, il faut éviter de créer des fragilités en maintenant une situation qui devient insoutenable. J'ai vu les visages de ceux qui se retrouvent sans emploi à cause de capitaux flottants... Si nous pouvions contribuer à stabiliser le capital de nos PME en permettant aux gens qui ont un peu d'argent d'y investir et de garantir ainsi la pérennité de l'entreprise française, nous ferions oeuvre utile. C'est une ambition à laquelle le groupe UDF souscrit pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Enfin, un pas a été fait pour le soutien de l'investissement avec les FIP, mais ceux-ci ne s'adressent qu'aux sociétés et il faut prendre aussi en compte la dimension de l'entreprise individuelle. En apportant à ces entreprises la petite contribution financière qui leur manque grâce à un système de prêts cautionnés, on pourra débloquer bon nombre de dossiers. Sans vouloir verser dans la caricature, je dirai que c'est la vie du quotidien.
    Création pour tous, création partout. Vous avez été excellent, monsieur le rapporteur général, dans votre démonstration sur les zones franches urbaines. Il y a eu un débat au sein du Gouvernement : était-ce opportun ou non ? Le même débat avait d'ailleurs eu lieu sous la précédente majorité et M. Carraz avait remis un rapport à ce sujet. Aujourd'hui, chacun convient que cette formule va dans le bon sens et l'on envisage de créer une quarantaine de ZFU supplémentaires. Fort bien, mais il faut entendre aussi les doléances qui montent de nos campagnes profondes, de nos zones rurales. Il faut prendre en compte la difficulté territoriale : c'est la question du zonage qui est clairement posée. J'ai bien entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aviez annoncé le dépôt d'un projet de loi sur la ruralité. En tout cas, il faut se saisir de ce sujet majeur. Je trouverais inacceptable, je vous le dis très franchement, que l'on poursuive la réflexion sur les zones urbaines, au motif qu'elles rencontrent des problèmes particuliers, et que l'on oublie la déshérence profonde du monde rural qui s'est exprimée dans le vote du 21 avril.
    M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait ! On a même constaté un regain du vote socialiste !
    M. François Sauvadet. Le monde rural nous dit qu'il a le droit d'être entendu, qu'il faut l'aider à rompre son isolement et à surmonter ses handicaps. Je ne doute pas, monsieur le rapporteur général, que vous avancerez dans votre réflexion pour faire en sorte que les dispositions favorables à l'urbain difficile s'appliquent aussi au rural difficile.
    M. Gilles Carrez, rapporteur pour les articles fiscaux. Très bien !
    M. François Sauvadet. Dernier sujet...
    M. le président. Il faut conclure, maintenant.
    M. François Sauvadet. J'en ai pour trente secondes, monsieur le président.
    M. le président. Pas une de plus !
    M. François Sauvadet. Ayant connu, dans ma Bourgogne, les graves difficultés de certaines entreprises familiales à la deuxième ou troisième génération, je tiens à dire, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le président de la commission spéciale, que nous souscrivons aux aménagements de l'ISF parce que c'est le bon sens qui les commande.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    M. François Sauvadet. Enfin, sur le taux de l'usure, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien entendu l'argument selon lequel l'augumentation du taux en fonction du risque permettrait de faciliter les prêts. Mais la commission a fait preuve de sagesse en refusant le relèvement du plafond pour les entreprises, afin d'éviter que le système bancaire, dont le caractère concurrentiel n'est pas toujours aussi avéré que nous le souhaiterions, ne se mette d'emblée au plafond. A tant faire, il aurait fallu aller au bout de la logique et supprimer carrément le plafond, mais nous n'en sommes pas là et mieux vaut en rester à l'état actuel du droit.
    M. le président. Monsieur Sauvader, vos secondes s'éternisent.
    M. François Sauvadet. Aujourd'hui, nous n'examinons qu'une partie des mesures que le Gouvernement a prévues en faveur de l'initiative économique. Nous sommes un peu restés sur notre faim, mais je sais que d'autres textes nous seront proposés. J'espère en tout cas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous entendrez la voix du Parlement, qui s'est exprimé dans sa diversité, mais aussi dans sa résolution à faire en sorte que soient mieux assurées la création et la transmission d'entreprise. Le groupe UDF accompagnera ce projet avec ce qui fait sa spécificité : être une force de proposition engagée aux côtés du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'ère de l'économie mondialisée, des mégafusions, de la création de valeur, du return on equity, plaider pour un tissu dense de petits entrepreneurs, pour l'artisan, le commerçant, le prestataire de services à domicile, le consultant, n'est pas une attitude anachronique ou ringarde, mais relève au contraire du bon sens. En effet, outre leur importance sur les plans économique et social, les petites entreprises, dont le réseau constitue un des maillages économiques les plus serrés qui couvrent le territoire, jouent un rôle moteur dans l'aménagement, dans l'animation des zones urbaines et rurales et dans le soutien de la croissance.
    Au cours des cinq dernières années, le nombre des créations d'entreprises n'a guère évolué, restant proche de 270 000, même si l'on constate, avec le ralentissement de la croissance, un léger tassement ces deux dernières années. De ce point de vue, et contrairement à certaines affirmations entendues ici ou là, la situation n'est pas plus défavorable en France que dans les pays voisins.
    Dans ce domaine, nous ne partons pas de zéro. Je pense aux quelques mesures favorables à l'activité prises, sous la précédente législature, dans la loi sur les nouvelles régulations économiques, à la réforme des marchés publics permettant aux PME d'y accéder, à la réduction progressive de l'impôt sur les sociétés, à la suppression graduelle de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle, à la baisse de la TVA dans le bâtiment, à la diminution des droits de mutation, etc.
    Nous partageons cependant l'idée qu'il convient de renforcer le dispositif en faveur des PME et de l'artisanat, car beaucoup d'entreprises ne parviennent pas à poursuivre leur activité au-delà de trois ans.
    De ce point de vue, le projet de loi contient des propositions concrètes qui auraient pu faire consensus.
    Favoriser le développement de la petite entreprise, de la création à la transmission ; améliorer l'environnement dans lequel s'exerce l'activité des PME et de l'artisanat ; simplifier la création d'entreprise en facilitant la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur, en mettant en place des financements de l'initiative économique et un accompagnement social du projet : voilà autant d'objectifs que nous partageons.
    S'il existe différentes aides à la création ou au démarrage, on constate en revanche qu'il n'existe que très peu de dispositifs de soutien au développement des entreprises. Or le projet de loi ne prévoit rien en ce qui concerne le développement des réseaux d'accompagnement capables d'aider les entreprises au-delà de la phase de création.
    Ce projet ne contient pas non plus de propositions prenant exemple sur l'utilité, l'efficacité et le fonctionnement de ce que l'on appelle les couveuses ou les hôtels d'entreprises. Pourtant, dans plusieurs régions touchées par la crise dans leurs activités économiques traditionnelles, ces outils ont permis de redynamiser l'emploi.
    Mais vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, l'essentiel de votre projet n'est pas là. Derrière des réponses aux difficultés objectives que je viens de rappeler, le Gouvernement propose des dispositions dangereuses et ouvre la porte à des amendements inacceptables. Cela concerne le droit du travail, la financiarisation des secteurs des TPE, des PME et des PMI. Vous poussez même la provocation jusqu'à annoncer le début d'une réforme de l'ISF pour favoriser les plus riches. L'autre jour, en commission - vous n'étiez pas présent, monsieur le secrétaire d'Etat -, la discussion, a porté sur les moyens d'adoucir la notion de « réforme ». Ce mot faisant bien trop peur à certains, on lui préférait ceux d'aménagement ou d'amélioration.
    Mardi 14 janvier, un groupe de députés UMP conduit par Xavier de Roux vous a présenté, au cours d'une conférence de presse, une série de propositions sociales et fiscales très libérales destinées à alléger les obligations des employeurs : abrogation des règles limitant le recours abusif aux CDD - je suis persuadé que les salariés de Renault apprécieront ; limitation de l'obligation d'évaluer les risques pour la sécurité et la santé des salariés aux métiers « réellement » à risques - c'est bien la peine de tenter de rassurer les adhérents de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH ; réduction des obligations de sécurité des chefs d'entreprise ; dépénalisation ou suppression de certaines infractions fiscales.
    Enfin, après avoir dénaturé complètement la loi de modernisation sociale, ces avant-gardistes veulent aussi imposer une obligation de discrétion aux membres des comités d'entreprise.
    Même si vous avez pris la précaution de considérer ces propositions comme de simples contributions au débat, elles sont diablement éclairantes sur votre véritable projet politique !
    Dans un contexte de grave crise sociale, et face à la recrudescence des plans de licenciements, de Metaleurop à Arcelor, de Daewoo à ACT, alors que vous avez réduit en poussière la loi de modernisation sociale, donnant ainsi carte blanche aux « patrons voyous », selon une expression désormais entrée dans le langage courant, comme ceux de Palace Parfums, dans mon département de Seine-Maritime, vos projets libéraux sont une inacceptable provocation. Et cela au moment où vous refusez toute augmentation des salaires et où vous bloquez la prime pour l'emploi.
    Vous prétendez aider les petites entreprises mais, en réalité, vous faites tout pour réduire le pouvoir d'achat de ceux qui, constituant la masse de la population, portent l'économie et en particulier les activités de ces petites entreprises.
    Le comble, c'est qu'au nom du soutien à l'emploi et à l'investissement, vous annoncez même une réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune. C'est plus que du grand écart !
    Vous ne dites même plus, comme Guizot, « Enrichissez-vous ! », vous annoncez clairement votre volonté d'enrichir les plus riches.
    Cette réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune, comme la diminution de l'impôt sur le revenu, vient compléter l'importante panoplie fiscale mise à la disposition des grands. Ces nouveaux cadeaux fiscaux au capital, comme l'ensemble de la politique libérale du Gouvernement, ne visent qu'à rendre attractif notre territoire pour des fonds d'investissement qui arbitrent entre les différents pays d'Europe en fonction du seul critère de rentabilité. On peut estimer qu'avec la seule mesure d'allègement de l'ISF, c'est entre cinquante et cent millions d'euros qui seront offerts aux grandes fortunes de notre pays.
    Conscient de l'impopularité d'une telle mesure, le Gouvernement avait différé ce projet pendant plusieurs mois. Mais vous n'avez pas résisté longtemps à la pression de vos amis, relayant l'impatience des milieux patronaux, qui réclament des signes depuis le début de la législature. Marie-George Buffet a visé juste lorsqu'elle a dit que vous aviez de la compassion pour les licenciés et de la générosité pour les grandes fortunes.
    M. Michel Vaxès. Très juste !
    M. François Sauvadet. C'est excessif !
    M. Daniel Paul. Que vont penser les milliers de salariés frappés de plein fouet par l'avalanche de plans sociaux annoncés depuis le 1er janvier ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cette question vous met mal à l'aise à l'égard des 46 salariés de Palace Parfums, dont les dirigeants ont vidé l'usine à Noël ; des 550 salariés de Daewoo et des 150 du site de Famek ; des 660 salariés d'ACT Manufacturing, délogés par les forces de l'ordre de leur entreprise qu'ils occupaient depuis sa liquidation ; des 830 de Metaleurop ; des 1 550 d'Arcelor ; des 600 de Pechiney ; des 653 de Lu - les licenciements vont plus vite que prévu, encouragés comme ils le sont ; des 164 de Reims Aviation ;...
    M. François Sauvadet. Ça devrait vous faire réfléchir !
    M. Daniel Paul. ... des 400 de Trouvay et Cauvin au Havre - c'est ma ville, je les connais. L'entreprise avait pourtant bénéficié dès l'automne 1996 de la loi de Robien, système, qui a vos faveurs, d'aménagement des charges patronales, comme on dit, soit un gain pour les dirigeants de vingt millions d'euros en six ans.
    M. François Sauvadet. Et la réduction du temps de travail ?
    M. Daniel Paul. Ces salariés qui avaient accepté des plans sociaux se retrouvent tous aujourd'hui sur le carreau, faute de repreneur, sans que l'on puisse savoir ce qui a été fait de ces vingt millions d'euros, votre gouvernement ayant décidé d'abroger la loi sur le contrôle de l'utilisation des fonds publics.
    Je n'ai d'ailleurs jamais reçu de M. Mer la moindre réponse à un courrier que je lui ai adressé au mois d'octobre à ce sujet pour lui demander de réunir la commission chargée de contrôler l'utilisation des fonds publics, laquelle n'avait pas encore été supprimée. Cela aurait pourtant permis de connaître l'usage qui a été fait de ces vingt millions.
    M. Jean-Claude Sandrier. Surtout pas !
    M. François Sauvadet. Et tous ceux qui ont profité de la loi Aubry et ont licencié ?
    M. Daniel Paul. Comment allez-vous expliquer à tous ces salariés que, pour favoriser l'environnement fiscal des entreprises, vous avez décidé d'alléger l'impôt sur les grandes fortunes ?
    Notre groupe considère au contraire que, face au ralentissement de la croissance et à la remontée du chômage, au lieu de chercher à attirer à tout prix des capitaux dont le seul critère est la rentabilité au détriment du social, il serait plus judicieux et plus efficace, sur le plan économique et social, de proposer une réorientation complète de la politique du réseau bancaire, et même de la Banque centrale européenne, pour la mettre au service de l'emploi, de la formation et de la croissance.
    Force est de constater que ce n'est pas la logique de votre texte, et je fais miennes, au moins sur ce point, les critiques portées par d'autres de nos collègues. Ce projet, beaucoup l'ont dit, est décevant, partiel et bancal.
    La réalité est que le Gouvernement a bâclé un projet peu efficace et coûteux, dans lequel les dispositifs destinés à favoriser la création d'entreprises sont ensevelis sous une avalanche d'exonérations fiscales, et surtout sont prétexte à remettre en cause de nombreuses garanties, notamment dans le domaine du droit du travail.
    Le rapporteur a d'ailleurs indiqué que, parmi les mesures fiscales présentes dans ce texte, certaines, qui avaient été examinées à l'occasion du projet de loi de finances pour 2003, avaient été finalement repoussées pour cause de contraintes budgétaires. Le coût des déductions et allégements fiscaux divers prévus par le présent projet de loi est ainsi estimé à 350 millions d'euros, compte non tenu de l'allégement de l'ISF.
    Pour nous, aider les PME, c'est changer le comportement des banques et des grands groupes qui les dominent par une politique publique volontariste. Dans cet esprit, nous proposons la mise en place d'institutions nouvelles, propres à assurer efficacement le partage des ressources financières, informationnelles, humaines et technologiques, et à établir des coopérations différentes sur le territoire de nos régions.
    Il pourrait s'agir, par exemple - et nous le soumettons au débat -, de conférences financières dans les régions, de regroupements dans les bassins d'emploi ou dans une collectivité territoriale pour mettre en commun les moyens et mutualiser ainsi les fonds destinés à des actions communes valorisant le potentiel de ces territoires.
    Ces nouvelles institutions auraient pour objectif d'aider à changer le comportement des groupes, des donneurs d'ordres et des banques, afin de rompre avec une conception de l'économie comme mise en concurrence sauvage et de favoriser les contrats à moyen et long terme pour la production, la recherche et les services.
    Je veux, au moment où nous discutons de ce texte, citer un petit exemple significatif des difficultés rencontrées. Dans une zone franche de ma circonscription, une boulangerie appelle à l'aide depuis plusieurs mois. Il y a bien un repreneur potentiel mais aucune banque n'accepte de prendre le moindre risque, malgré le dispositif de zone franche. J'ai alerté M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à ce sujet, mais là encore, j'attends toujours sa réponse.
    M. Jean-Claude Sandrier. Qu'est-ce qu'il fait ?
    M. Gilbert Biessy. Il ne mange pas de pain !
    M. Daniel Paul. C'est purement inacceptable ! Les faits contredisent tous vos beaux discours sur l'efficacité des nouvelles zones franches, dont certains vont jusqu'à affirmer qu'il faudrait les étendre partout.
    C'est animés de cette même préoccupation que nous continuons à proposer la création d'un véritable pôle public financier, auquel participeraient notamment la Banque de développement des petites et moyennes entreprises et EULIA, et dont la mission principale serait de développer un nouveau service public pour l'emploi et la formation. Ce pôle pourrait amorcer une refonte graduelle des relations banques-entreprises. Agissant dans le cadre européen et prenant appui sur le dispositif de bonification sélective du crédit que nous proposons, ses critères essentiels seraient la promotion de l'emploi et des qualifications.
    En effet, jusqu'ici, et y compris dans votre projet, les aides publiques, servent surtout à abaisser les charges sociales patronales. Or cela non seulement n'est pas efficace pour l'emploi, mais contribue même à fragiliser encore la croissance en tirant l'ensemble des salaires vers le bas et en décourageant dans le même temps l'effort de qualification. Ce type de politique enferme la recherche d'efficacité et de compétitivité dans la seule baisse du coût de l'emploi et favorise dans les faits, les gâchis et les placements purement financiers. Cette logique libérale contribue en fait à saper la demande, dont dépendent pourtant étroitement les PME, et à rendre l'accès au crédit plus coûteux.
    Dans le cadre du fonds décentralisé dont nous préconisons l'installation, ces aides publiques serviraient plutôt à abaisser de façon sélective les charges financières qui pèsent sur les entreprises.
    Dans un autre domaine, votre texte ne fait aucune distinction entre les entreprises dépendant de groupes, y compris de taille réduite, et celle qui sont réellement indépendantes. Le risque est donc réel, et Maxime Gremetz l'a montré tout à l'heure, de voir s'organiser un essaimage qui permettrait de déroger aux règles élémentaires du droit du travail. Vous institutionnalisez implicitement, via les contrats d'accompagnement, une fausse sous-traitance qui ne sera qu'une espèce de marchandage.
    Le risque existe, avec ces nouvelles dispositions, qu'un chef d'entreprise incite un ou plusieurs de ses salariés à créer une PME : l'employeur ne changera pas dans les fait, mais il échappera ainsi aux exigences élémentaires de la législation du travail, notamment en matière de sécurité, de conditions et de durée légale du travail. Certains des amendements que nous avons déposés visent à remédier à cette dangereuse dérive.
    Tout le monde en est d'accord : aller vers une plus grande simplification relève du bon sens. Mais si nous ne contestons pas le bien-fondé de mesures visant à soulager les petits entrepreneurs et les artisans d'un certain nombre de tâches administratives et de démarches souvent trop complexes et trop fastidieuses, nous émettons de fortes réserves sur les conditions de leur mise en oeuvre.
    Ainsi, la commission a examiné un amendement du rapporteur visant à centraliser dans un guichet unique le recouvrement des charges sociales liées à l'emploi de salariés. Cette mesure, couplée à la mise en place d'un chèque emploi-entreprise, répondrait à un objectif de simplification. Mais c'est avec étonnement une profonde incompréhension que les salariés de l'URSSAF ont appris que vous souhaitiez confier à l'ORGANIC, pour les commerçants, et aux caisses d'assurances vieillesse des artisans, les AVA, pour les artisans, le soin de collecter les cotisations sociales. Vous auriez affirmé comme un fait acquis, selon les agents de l'URSSAF de Dieppe,...
    Le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Où je ne suis jamais allé !
    M. Daniel Paul. ... qui ont attiré mon attention sur ce point, que « l'instauration du guichet social unique modifiera la répartition du travail entre les organismes sociaux, en accroissant le travail des AVA et des ORGANIC, mais en allégeant celui des URSSAF, où il faudra moins de moyens ».
    Que deviendront les salariés de l'URSSAF affectés jusqu'ici à l'accomplissement de ces missions ?
    Si nous réaffirmons avec les intéressés qu'il faut sans conteste simplifier les procédures, vous ne pouvez pas ignorer les nombreuses actions qui ont été engagées afin d'apporter une offre de services adaptée à l'attente des cotisants. Là encore, votre projet n'est pas pertinent, il n'est pas argumenté, ni justifié auprès des intéressés.
    Il est vrai qu'en plus des cadeaux fiscaux, des allégements de cotisations sociales et des menaces sur le code du travail, vous visez, dans votre volonté de réduire l'emploi public, la suppression de tout ce qui peut permettre des contrôles. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et les services de l'emploi n'ont qu'à bien se tenir !
    Monsieur le secrétaire d'Etat, si le groupe communiste apprécie les avancées réalisées par votre projet de loi dans le domaine de l'initiative économique, il est conscient que là n'est pas votre préoccupation principale. Votre texte n'est qu'un prétexte pour accélérer la mise en oeuvre d'un projet ultra-libéral que nous combattons. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-es communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
        M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est excessif !
    M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.
    Mme Chantal Brunel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites, et remarquablement, mais j'aimerais insister, au nom du groupe UMP, sur différents points, et en particulier sur l'aspect social de ce texte.
    Aujourd'hui, l'économie de notre pays ne va pas bien. Face à l'ouverture des frontières et à la mondialisation inéluctable de l'économie, face à la course aux fusions-acquisitions visant à gagner des parts de marché de plus en plus disputées, face à la concurrence des pays à bas coûts salariaux, les dangers sont grands. Les gouvernements de gauche ont trop souvent considéré les entreprises comme une simple source de revenus pour l'Etat, ou pensé que les patrons licenciaient selon leur bon vouloir et qu'il fallait encadrer strictement leur action par la loi et les règlements.
    En fait, chez certains, il y a le rêve de l'embauche obligatoire et du licenciement interdit. M. Paul faisait un autre rêve il y a un instant ;...
    M. Daniel Paul. J'aime bien rêver !
    Mme Chantal Brunel. ... celui d'obliger les banques à prêter aux petites entreprises. On sait où cela a mené les pays qui ont essayé de telles formules.
    M. Daniel Paul. A Moscou !
    Mme Chantal Brunel. Chez nous, ce furent les 35 heures, la loi de modernisation sociale et une complexité accrue du droit du travail : au cours de la législature 1997-2002, ce sont ainsi près de 400 lois qui ont été votées. Le seul code du travail a vu son volume augmenter d'un tiers en trois ans, et l'on a même été jusqu'à réglementer le temps d'habillage des salariés !
    Et puis, brutalement, avec la stagnation de la croissance et la rétrogradation au trentième rang mondial de notre pays pour la compétitivité économique, est venue la prise de conscience que l'économie de notre pays allait mal. Les drames de Metaleurop, Daewoo, Testut et tous les autres, 44 725 entreprises en faillite en 2002, soit 1 300 de plus que l'année précédente, prouvent qu'il y a urgence.
    Le Gouvernement, dès qu'il a été nommé, a cherché à inverser la tendance. Il a créé les contrats jeunes, qui sont de vrais emplois, et donné un peu de souplesse à la rigidité des 35 heures, afin de permettre aux petites entreprises de faire face à des délais toujours plus courts et d'être toujours plus disponibles, ce qu'exige désormais un marché mondialisé.
    Ce texte sur l'initiative économique est attendu et souhaité par tous. Car il y a urgence, monsieur le secrétaire d'Etat. Comme le disait récemment un grand patron,...
    M. Didier Migaud. Raffarin ?
    Mme Chantal Brunel. ... « il est minuit plus cinq ».
    M. Augustin Bonrepaux. Quel urgence y a-t-il à diminuer l'impôt de solidarité sur la fortune ?
    Mme Chantal Brunel. Oui, il faut faciliter la création d'entreprises et leur transmission. Oui, il faut inciter l'épargne à s'orienter vers nos entreprises dans un seul but, l'emploi. Beaucoup de jeunes de notre pays qui veulent innover, créer, qui ont des idées, du talent, partent travailler à l'étranger.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Eh oui !
    Mme Chantal Brunel. Et ceux qui ont réussi à créer une entreprise prospère quittent la France après l'avoir vendue.
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure de la commission spéciale. Quel gâchis !
    Mme Chantal Brunel. Il n'est pas normal qu'on crée aujourd'hui moins d'entreprises qu'il y a dix ans. Nos voisins en créent plus que nous, ce qui prouve bien que notre pays souffre d'un excès de freins à la création d'entreprises, contre lesquels il faut lutter. Alors que nous avons des écoles et des universités performantes, il n'est pas concevable que nos jeunes partent créer leur entreprise aux Etats-Unis ou en Angleterre, comme cela se produit actuellement. C'est qu'ils y trouvent des moyens financiers importants, des règlements administratifs beaucoup moins contraignants et un soutien réel.
    Votre projet essaie de contrecarrer cette tendance, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous nous en réjouissons. Tout ce qui vise à la simplification des procédures - récépissés, utilisation de la voie électronique, domiciliation sans contrainte pendant cinq ans au domicile privé, fixation libre du montant du capital, possibilité de préserver l'habitation des cautions demandées - est excellent. Ces mesures traduisent le souci du Gouvernement d'aider ceux qui ont un projet, afin qu'ils puissent créer leur propre emploi. Ce sont des mesures sociales qui visent à mettre la création d'entreprise à la portée de tous. C'est là, comme l'a dit Catherine Vautrin, qu'est l'ascenseur social. La plupart des grands créateurs d'entreprise du siècle dernier sont partis de rien ou presque si ce n'est une idée novatrice, de l'intuition, la rage au ventre, la charisme, et un peu de chance - car il faut toujours de la chance, dans la vie.
    M. Olivier Dassault. Très bien !
    Mme Chantal Brunel. Nous voulons voir leur nombre se multiplier en ce début du XXIe siècle.
    Ils sont nombreux, les patrons sans diplôme ! Ils sont nombreux, ceux qui ont pris leur revanche des blessures de la vie en créant leur entreprise !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Tout à fait !
    Mme Chantal Brunel. Il ne faut pas l'oublier : les grandes entreprises d'aujourd'hui ont été toutes petites hier.
    Ils sont nombreux aussi, les jeunes issus de l'immigration qui ont créé avec succès une entreprise.
    Oui, monsieur le ministre, votre texte répond à une ambition sociale que votre gouvernement a déjà prouvée, notamment en alignant les SMIC vers le haut tout en les uniformisant. Il convient cependant de prendre garde à ne pas créer d'illusions qui seraient déçues : il faut faciliter la création d'entreprise, mais ne pas mettre en place un miroir aux alouettes. Créer une entreprise comporte des risques et nécessite du travail, du talent, de la persévérance. Il y a le stress, les échéances à respecter, les salaires à payer, les hauts et les bas, les nuits sans sommeil. Il faut aussi gagner la confiance des banques.
    Votre projet facilite également le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur, ce qui va dans le bon sens. Permettez cependant à la femme de terrain que je suis de tenir à la viabilité des entreprises existantes.
    Une entreprise de deux cents personnes est quelque chose de fragile. Ce n'est pas une grande entreprise et il est normal que l'on veuille rendre obligatoire l'accompagnement du créateur d'entreprise. Ces entreprises font souvent leur chiffre d'affaires avec quelques clients seulement et la perte d'un seul d'entre eux peut entraîner le dépôt de bilan.
    A cet égard, il conviendrait d'amender l'article 7 afin d'affirmer clairement que le salarié qui crée son entreprise grâce au contrat d'accompagnement ne peut exercer une activité concurrente au profit des clients de son employeur pendant deux ans.
    Toutes les mesures fiscales du texte sont extrêmement positives et représentent un effort important en faveur de la création d'entreprise. Je souhaite seulement évoquer deux problèmes qui ne me paraissent pas résolus.
    Il faut d'abord trouver le moyen de régler efficacement la question de la longueur des délais de paiement, domaine dans lequel la France se singularise. Cela est dévastateur pour l'emploi, car la faillite d'une entreprise en entraîne d'autres, des dépôts de bilan en chaîne parmi les fournisseurs et, souvent, la ruine de petits entrepreneurs. Il est illusoire de croire que le fournisseur va imposer des pénalités de retard à son client : cela ne correspond pas à la réalité des rapports de force sur le marché.
    Il appartient à l'administration de résoudre ce problème et de prendre des sanctions sévères en cas de contrôle fiscal ou de dépôt de bilan. Quand une petite entreprise dépose le bilan parce que son client ne l'a pas payée, il faudrait infliger à ce dernier une lourde pénalité pour que d'autres entreprises n'agissent pas de même.
    L'administration doit aussi, dans le domaine des délais de paiement, se montrer exemplaire envers ses propres fournisseurs.
    Ensuite, il est indispensable de regrouper, de simplifier, d'élaguer les différentes aides aux entreprises. Le sujet est tellement complexe que des cabinets spécialisés ont été créés pour déchiffrer ce maquis. Plus l'entreprise est petite, moins le chef d'entreprise a les moyens de comprendre ces aides. Il n'en a pas le temps et il ne s'en sert pas.
    Le système est injuste et il coûte très cher aux finances publiques. Chacun connaît des cas douloureux, dans lesquels les entreprises ont promis des créations d'emplois, ont touché des aides mais n'ont pas respecté leurs engagements et ont laissé tomber les salariés. Des dispositifs de contrôle efficaces et des sanctions doivent donc être mis en place. Plus les dispositifs seront clairs et cohérents, moins le contrôle sera complexe et coûteux. Il est vraiment urgent que soit opéré un élagage de toutes ces aides et instauré un contrôle sérieux.
    En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, merci pour ce texte qui comporte des mesures extrêmement positives pour la création et la transmission des entreprises. Oui, l'entreprise individuelle peut être un moyen de promotion sociale. Oui, l'entreprise est un être vivant dont il faut protéger la croissance. Oui, il est normal qu'un père qui a travaillé jour et nuit pour la croissance de son entreprise puisse la léguer à ses enfants, sans que l'Etat fasse payer aux enfants le travail des parents.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    Mme Chantal Brunel. Vous trouverez toujours les parlementaires de l'UMP actifs aux côtés du Gouvernement lorsqu'il s'agira, en particulier, d'aider les petites entreprises, qui sont les principales sources de création d'emplois et de promotion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, il y a beaucoup d'hypocrisie, de clientélisme et d'idéologie dans votre démarche.
    M. François Sauvadet. Ça commence fort !
    M. Didier Migaud. Comme ça verrons-nous si vous me citerez toujours avec autant de délectation tout au long de ce débat !
    Hypocrisie, parce que le Premier ministre n'ose pas assumer devant l'opinion les mesures libérales qu'il veut mettre en oeuvre.
    M. Augustin Bonrepaux. Enfin un langage direct !
    M. Didier Migaud. Hypocrisie, cynisme également, parce que, tout en affirmant refuser une réforme de l'ISF - j'y reviendrai -, le Premier ministre encourage des allégements fiscaux qui vont vraisemblablement diminuer fortement le produit de cet impôt.
    M. François Sauvadet. C'est faux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Certainement pas !
    M. Didier Migaud. Nous verrons dans dix-huit mois, monsieur le rapporteur général, qui, de vous ou de moi, a raison en ce qui concerne le coût de ces mesures.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Rendez-vous accepté !
    M. Didier Migaud. Nous avons donc beaucoup de rendez-vous. D'ailleurs, celui que nous avons eu ce matin a révélé que vous aviez menti pendant pratiquement toute la discussion budgétaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. Oh !
    M. Yves Simon. C'est inadmissible !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Et vous, vous avez menti pendant cinq ans !
    M. Bernard Brochand. C'est un orfèvre !
    M. Didier Migaud. Clientélisme, parce que vous ciblez les cadeaux fiscaux sur quelques très gros contribuables en tentant de les justifier au nom de l'emploi, mais sans fournir aucune étude d'impact en termes d'emplois créés.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. En la matière, vous en connaissez un rayon !
    M. Didier Migaud. Je pense que vous nous battrez, mon cher collègue, après quelques mois.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Vous avez placé la barre très haut avec 50 % d'augmentation du déficit !
    M. Didier Migaud. Vous avez une telle capacité à rattraper votre retard et à nous dépasser, que je suis prêt à accepter tous les rendez-vous que vous voudres nous fixer.
    Idéologie, enfin, parce que les arguments invoqués - déclin économique, perte d'attractivité, délocalisations - pour justifer la baisse des impôts en faveur des plus aisés ne tiennent pas toujours compte, c'est le moins que l'on puisse dire, de la réalité.
    La réalité, c'est d'abord que, en ne cherchant qu'à alléger l'ISF, les mesures proposées, loin de supprimer les effets de seuil, vont créer de nouveaux effets pervers.
    A propos de l'ISF, je veux rappeler que les biens professionnels, l'outil de travail, sont déjà exonérés.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Pas tous !
    M. Didier Migaud. Les nouveaux abattements et exonérations que vous proposez ne vont donc profiter non pas à l'outil de travail mais au simple détenteur de valeurs mobilières, d'autant que le pacte d'actionnaire ne sera pas réservé aux dirigeants d'entreprise : il pourra concerner n'importe quel actionnaire.
    La réalité, c'est aussi que votre discours sur le pseudo déclin économique de la France est le plus souvent démenti par les faits et par les études sérieuses. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. Pas du tout !
    M. Yves Simon. Malheureusement non !
    M. François Sauvadet. La France est au douzième rang européen pour le PIB par habitant !
    M. Didier Migaud. La réalité, c'est que vous sous-estimez volontairement le coût de ces largesses fiscales concentrées en faveur des contribuables les plus aisés. J'aurai l'occasion de préciser que, selon nous, le véritable coût, dès 2004, sera plutôt de l'ordre du demi-milliard d'euros pour l'ISF.
    Vous mentez aussi sur les performances économiques de la France (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Augustin Bonrepaux. Si ! Vérifiez vos sources !
    M. Didier Migaud. Depuis les campagnes électorales de 2002, vous utilisez de pseudo études pour donner l'image d'une France en déclin économique. Il y a ainsi eu l'utilisation partisane ou partiale d'une étude d'Eurostat sur l'évolution de la richesse par habitant, puis, récemment, d'un sondage, payé par le forum économique de Davos, qui démontrerait le recul de la France en termes de compétitivité.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Ça fait mal !
    M. Didier Migaud. Non ! D'ailleurs, celui qui a le mieux répondu à cette prétendue étude est M. Francis Mer.
    A chaque fois, il s'est avéré que les travaux ainsi mis en avant comportaient des biais méthodologiques ou de telles erreurs qu'ils donnaient en fait une image trompeuse de la réalité. Le ministre de l'économie et des finances - je lui rend hommage à cet égard - l'a loyalement reconnu. On a même appris, par des indiscrétions, qu'il a passé à Davos de longs moments à tenter de corriger l'image désastreuse qu'a donnée de la France ce sondage et l'utilisation qu'en ont fait, en France et même à l'étranger, des représentants éminents de la droite française, de façon totalement irresponsable,...
    M. François Sauvadet. Oh ! C'est excessif !
    M. Didier Migaud. ... ce qui a pu porter atteinte à l'attractivité de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur. On en revient aux émigrés de Coblence !
    M. Didier Migaud. Puisqu'il ne faut pas avoir peur de le répéter, je vais de nouveau rappeler l'évolution de la situation économique depuis 1997.
    M. François Sauvadet. Il ne faut pas être revanchard !
    M. Didier Migaud. La France a connu, entre 1997 et 2001, une croissance supérieure à celle de ses voisins. Elle a commencé à rattraper le retard accumulé entre 1993 et 1997 en termes de richesse par habitant et elle est devenue - ce sont des études sérieuses qui le disent - le troisième pays d'accueil des investissements directs étrangers...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. A cause de l'immobilier !
    M. Philippe Briand. On a vendu notre savoir-faire et nos entreprises aux étrangers !
    M. Didier Migaud. ... et le second investisseur.
    Preuve que ce dynamisme reposait sur des bases solides : la France a connu, durant toute cette période, des excédents dans ses échanges commerciaux et sa balance des paiements. Enfin, la compétitivité-coût de la France, mesurée par la Banque de France, a fortement progressé depuis 1997.
    Peut-être que des études publiées d'ici à la fin de ce mois montreront elles aussi que votre discours sur le poids des impôts ne correspond pas à la réalité.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Demandez aux Français !
    M. Didier Migaud. La seule étude réalisée sur ce sujet par la DGI n'a pas permis de trouver la trace d'une véritable hémorragie des grosses fortunes,...
    M. Philippe Briand. En revanche, vous avez connu une hémorragie de vos électeurs !
    M. Didier Migaud. ... le flux réel de délocalisation des personnes physiques dotées d'un gros patrimoine étant stable. Et la principale cause n'a pas été, semble-t-il, l'ISF en tant que tel, mais peut-être l'une des mesures qui avaient été prises sous le gouvernement Juppé, à savoir le plafonnement du plafonnement.
    Une étude à paraître fin février dans le magazine l'Expansion et réalisée par le Bureau Francis Lefebvre, nous apprend que, pour un couple avec deux enfants, percevant des plus-values boursières, ayant un patrimoine imposable à l'ISF et 130 000 euros de salaires - ce qui, vous en conviendrez, est très élevé -, le taux d'imposition est, en France, plus faible que la moyenne du taux des quatre pays suivants : Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Pays-Bas.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. L'étude est fausse : ils ont oublié de prendre en compte la CSG !
    M. Jean-Pierre Balligand. Francis Lefebvre est-il de gauche ?
    M. Didier Migaud. Que le salaire annuel du couple soit de 60 000 ou de 130 000 euros ne change rien au résultat : le revenu disponible reste en France parmi les plus élevés.
    M. Philippe Briand. Si vous croyez à tout ça il n'est pas étonnant que vous vous soyez autant gourés !
    M. Didier Migaud. Nous estimons donc que les mesures relatives à l'ISF sont à la fois injustes et coûteuses. Une bonne réforme aurait consisté à supprimer les effets de seuil, à rendre l'assiette de cet impôt éventuellement universelle, à en diminuer drastiquement les taux sans que cela ait des conséquences sur son rendement.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Vous auriez dû le faire !
    M. Olivier Dassault. Déposez un amendement !
    M. Didier Migaud. Les mesures proposées, au contraire, conservent des seuils d'exonération et d'abattement ayant de puissants effets pervers, mais pour ceux, peu nombreux, qui ont les moyens de s'offrir les conseils de fiscalistes et autres conseillers en patrimoine, elles réduiront très sensiblement le montant de l'ISF. La possibilité sera en effet offerte aux cinq mille plus gros contribuables de France d'être totalement exonérés de l'ISF grâce à des montages fiscaux dont l'objet essentiel sera d'échapper à l'impôt au prix d'effets pervers considérables sur le plan économique.
    Les propositions formulées sont injustes, inefficaces économiquement et coûteuses budgétairement. Ces modifications ne peuvent être ressenties que comme socialement injustes. Faute de courage politique, M. Raffarin préfère offrir la possibilité aux contribuables les plus malins et les mieux conseillés de placer leurs valeurs mobilières dans des coquilles constituant de véritables paradis fiscaux.
    L'exonération totale des sommes investies dans le capital d'une société incitera à la multiplication des sociétés écrans, uniquement destinées à recevoir les apports en capital et à faire bénéficier ces apports de l'exonération.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est faux !
    M. Didier Migaud. Par ailleurs la diminution de 75 à 50 % de la proportion du patrimoine investi dans l'actif professionnel permettant de bénéficier de l'exonération de l'outil de travail avantagera les gros chefs d'entreprise par rapport aux petits.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Vous n'avez pas lu les amendements !
    M. Didier Migaud. Pour les cinq mille plus gros contribuables qui possèdent un patrimoine supérieur à 5,3 millions d'euros, les valeurs mobilières représentent 75 % du patrimoine taxable. Or ces contribuables supportent à eux seuls environ 40 % du produit total de l'ISF, et l'abaissement du seuil d'exonération de 75 à 50 % signifie très concrètement que tous les dirigeants d'entreprise situés dans cette catégorie d'imposition...
    M. Jean-Michel Fourgous. Ceux qui sont restés en France !
    M. Philippe Briand. Ceux qui ne sont pas partis !
    M. Didier Migaud. ... seront exonérés de l'ISF sur les titres qu'ils possèdent dans leur entreprise et qui constituent la part prépondérante de leur patrimoine. En revanche, pour les dirigeants d'entreprise situés dans les tranches inférieures du barème, pour lesquels le patrimoine mobilier représente moins de 50 % du patrimoine total, la situation ne sera pas modifiée.
    Ces dispositions peuvent également être économiquement perverses. Elles seront vraisemblablement inefficaces au regard de l'emploi et l'exonération des investissements réalisés dans certaines sociétés non cotées va décourager l'entrée en Bourse des entreprises nouvelles puisque l'admission à un marché coté entraîne la perte de l'avantage fiscal pour les actionnaires de la société, alors que la cotation est une étape nécessaire et incontournable du développement de ces sociétés.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Il est rare que les PME entrent en Bourse.
    M. Didier Migaud. Le Gouvernement cède donc à une logique malthusienne en privilégiant les gros patrimoines par rapport aux petits actionnaires dans la formule du pacte d'actionnaire, en accordant un abattement de 50 % pour les parts de société introduites dans ce pacte.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est du fantasme ! C'est du Migaud appliqué à l'ISF !
    M. Yves Simon. Il lit sur texte sans conviction !
    M. Didier Migaud. Pas du tout ! Il n'y a quasiment aucune condition restrictive. N'importe qui pourra y participer, y compris un actionnaire qui n'est pas redevable de l'ISF, pourvu que cela permette d'atteindre le seuil requis de 25 % des parts. On va donc sans doute voir se développer un véritable marché informel des pactes d'actionnaires avec, - pourquoi pas ? - des journaux d'annonces proposant à des actionnaires de rejoindre une coalition ayant déjà regroupé, par exemple, 20 % des parts et à laquelle il manquerait encore 5 % de titres pour bénéficier de l'abattement (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Et pour les successions ?
    M. Philippe Briand. Cinéma !
    M. Didier Migaud. Et on ne voit pas ce qui pourrait dissuader un actionnaire de rejoindre un pacte, puisque la seule contrainte est de garder ses billes au chaud pendant six ans.
    M. Jean-Michel Fourgous. Si ce n'est pas de l'archaïsme !
    M. Didier Migaud. Ce pacte est donc en réalité un véritable PEA pour riches qui regroupera les intéressés sans aucune autre logique que l'optimisation fiscale de coalitions hétéroclites d'actionnaires.
    M. le président. Monsieur Migaud, veuillez conclure.
    M. Didier Migaud. Je termine, monsieur le président.
    Cette mesure sera également coûteuse budgétairement. Il ne s'agira pas des 100 millions d'euros que vous avez annoncés, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'Etat. Je pourrai peut-être vous démontrer, au cours de la discussion des amendements, que nous l'estimons à près d'un demi-milliard d'euros. A cet égard aussi, je vous donne rendez-vous dans quelque temps, pour voir qui aura eu raison.
    Le coût très élevé de ces allégements...
    M. le président. Je vous prie vraiment de conclure.
    M. Didier Migaud. Je termine vraiment, monsieur le président.
    M. le président. Merci.
    M. Didier Migaud. ... rendra encore plus impossible la concrétisation des promesses que vous faites en matière d'impôts.
    La désillusion des classes moyennes sera sûrement grande parce qu'elles verront de plus en plus concentré sur elles l'impôt sur le revenu,...
    M. Yves Simon. C'est ce que vous avez fait, vous !
    M. Gérard Hamel. Et ceux qui ont soutenu Jospin n'ont pas eu de désillusions, peut-être ?
    M. Didier Migaud. ... puisque vous choisissez de faire sortir de l'imposition les plus hauts revenus. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Nous ne sommes pas naïfs !
    M. Didier Migaud. Nous estimons que ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, est pour l'essentiel à l'image de la politique que vous conduisez.
    Vous êtes aveuglés par votre idéologie. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous menez une politique socialement injuste, économiquement inefficace, au profit de quelques-uns, au détriment du plus grand nombre.
    M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission spéciale. On vous a connu moins sectaire !
    M. Didier Migaud. Nous en apercevons d'ailleurs les résultats avec ce qui a été annoncé par le ministre du budget. Nous sommes un certain nombre, monsieur le secrétaire d'Etat - que vous citez, d'ailleurs - à reconnaître que des problèmes peuvent se poser par rapport à notre économie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Sauvadet. Voilà qui est bien. Il progresse !
    M. Bernard Brochand. Il commence seulement !
    M. Didier Migaud. Vous retirez un certain nombre de phrases de leur contexte, vous n'assumez pas vos choix.
    M. le président. Monsieur Migaud !
    M. Didier Migaud. Certes il aurait pu être utile, effectivement, de poser, hors de tout tabou, la question d'une réforme globale de l'ISF, sans toucher obligatoirement, d'ailleurs, au rendement de cet impôt.
    M. Gérard Hamel. Ce n'est pas le sujet !
    M. François Sauvadet. Vous auriez aimé ça !
    M. le président. Concluez, monsieur Migaud.
    M. Didier Migaud. Vous préférez quelques ajustements qui auront pour conséquence...
    M. le président. Merci, monsieur Migaud !
    M. Didier Migaud. ... de diminuer très sensiblement, une fois de plus,...
    M. le président. Merci !
    M. Didier Migaud. ... l'imposition d'un tout petit nombre de contribuables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Et de sauver cent mille emplois !
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « bien, mais peut mieux faire » : telle est l'appréciation que le groupe UDF pourrait porter sur le volet fiscal de ce projet de loi relatif à l'initiative économique.
    En effet, de nombreuses dispositions vont dans le bon sens. Je tiens ainsi à rappeler quatre des dix mesures fiscales qu'il comporte : le relèvement des deux tiers du seuil d'exonération des plus-values, qui s'appliquera tant aux entreprises individuelles qu'aux sociétés ; le triplement du plafond de la réduction d'impôt de 25 % pour la souscription du capital de sociétés non cotées, le doublement de la déductibilité des pertes en capital pour les investissements dans les sociétés en création et l'alignement de l'abattement de 50 % des droits de succession entre vifs sur celui dont bénéficiaient les successions en cas de décès.
    Voilà pour le « bien ».
    Néanmoins, le texte gouvernemental peut être amélioré sur au moins deux grands points dont la commission s'est déjà largement occupée.
    Tout d'abord, les mesures proposées dans ce texte ne sont pas assez équilibrées entre les créateurs d'entreprise qui ont choisi la forme individuelle et ceux qui ont choisi le cadre sociétaire.
    M. François Sauvadet. Tout à fait !
    M. Charles de Courson. Alors que 60 % des créations d'entreprises s'effectuent dans un cadre individuel, les fonds d'investissements de proximité et les avantages fiscaux qui y sont liés sont réservés aux entreprises créées sous forme sociétaire.
    M. Gérard Bapt. Eh oui !
    M. Charles de Courson. Le groupe UDF, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, est pour l'élargissement des FIP aux entreprises individuelles. Comment ? En permettant qu'ils leur accordent des prêts.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Charles de Courson. D'aucuns redoutent que, ce faisant, les FIP ne se substituent au système bancaire. Dans ce texte les avances d'actionnaire sont possibles. Le gestionnaire d'un FIP peut donc mettre un euro en capital et 20 000 ou 30 000 euros en avances d'actionnaire. Quelle est la différence entre une avance d'actionnaires qui se poursuit pendant des années et un prêt ? C'est la même chose !
    Mme Marylise Lebranchu. Bien sûr !
    M. Charles de Courson. Donc, refuser d'élargir les FIP aux entreprises individuelles - ce qui supposerait de les autoriser à leur consentir des prêts - ne me paraît pas cohérent par rapport à ce qui a été accordé aux sociétés cotées.
    Quant à ceux qui objectent que l'élargissement de l'avantage fiscal prévu dans le texte aux prêts consentis à des entreprises individuelles par des FIP tuerait cet outil, je leur réponds non. Les sociétés qui interviennent dans les petites et moyennes entreprises utilisent, en général, à la fois dotations en capital et prêts car la rentabilité de ces opérations est liée justement à leur combinaison ; des fonds propres seuls ne seraient pas suffisants.
    En rattachant les FIP aux FCPI, vous leur permettriez de faire des avances d'actionnaire à hauteur de 15 %. C'est le plafond. Les financements peuvent même provenir pour l'essentiel de prêts.
    Le groupe UDF souhaiterait donc que les FIP soient étendus aux entreprises individuelles.
    M. François Sauvadet. C'est le bon sens !
    M. Charles de Courson. Quelques mesures concernent les entreprises individuelles au même titre que les sociétés, comme le relèvement du seuil d'exonération des plus-values ; il faut faire de même pour les FIP.
    Afin de rapprocher le statut fiscal des entreprises individuelles de celui des sociétés, le groupe UDF a proposé plusieurs amendements en commission. En fait, il y a deux solutions possibles.
    La première, proposée d'ailleurs par de nombreux spécialistes de la question, consiste à ouvrir le droit d'option à l'impôt sur les sociétés aux entreprises individuelles. Certains s'en sont choqués. Pourtant, mes chers collègues, personne n'est choqué par le fait que certaines sociétés puissent opter pour l'impôt sur le revenu ou que l'on ait aménagé des dispositifs de passage IR-IS dans les sociétés de façon à éviter un certain nombre de ressauts fiscaux. Pourquoi l'inverse ne serait-il pas possible pour les entreprises individuelles ?
    La seconde solution est la vieille thèse de la réserve spéciale d'autofinancement, la RSA, selon laquelle, si un entrepreneur individuel laisse une partie du bénéfice dans l'entreprise, il le met en réserve : il est alors taxé comme une PME sous forme sociétaire à un taux de 15 % jusqu'au premier plafond d'imposition. S'il récupère la somme qu'il avait laissée, il paie le différentiel entre son taux marginal et le taux de 15 %. Ce serait un mécanisme très incitatif pour le développement des petites entreprises qui se créent sous forme individuelle.
    M. Jean-Pierre Giran. Très bien !
    M. Charles de Courson. On pourrait même aller plus loin. La commission a accepté la proposition du groupe UDF d'autoriser la déduction d'une provision sur les sommes bloquées dans les fonds de caution. C'est une vieille idée. Si le fonds de caution rend une partie de la somme, celle-ci est considérée comme un profit exceptionnel. On pourrait aller encore beaucoup plus loin pour améliorer le financement des entreprises individuelles.
    J'en viens au second point dont je veux parler au nom du groupe UDF. Ne dit-on pas que celui-ci dit tout haut ce que pensent tout bas beaucoup de membres de la majorité ? C'est vrai, d'ailleurs.
    M. Gérard Bapt. Vous vous présentez comme la conscience de la majorité !
    M. Charles de Courson. Mon second point concerne l'ISF.
    Après nous avoir renvoyés, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, à la future loi Dutreil, ne nous renvoyez pas maintenant, monsieur le secrétaire d'Etat, au projet de loi de finances pour 2004. Le Gouvernement doit assumer ses responsabilités.
    M. Philippe Briand. Très bien!
    M. Charles de Courson. Il est vrai que ce n'est pas vous qui nous avez promis d'examiner nos amendements dans le cadre de votre loi, mais votre collègue M. Lambert, que nous aimons tous beaucoup et qui a toujours respecté ses engagements devant le Parlement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est vrai !
    M. Charles de Courson. La commission a adopté quatre amendements que le groupe UDF a chaudement appuyés parce qu'ils allaient dans le bon sens. Mais il en est un que nous avions déposé et que nous avons retiré pour qu'il ne soit pas repoussé. Nous le redéposerons et nous en discuterons demain ou après-demain. Il concerne le fameux problème...
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Du plafonnement !
    M. Charles de Courson. Exactement.
    M. Xavier de Roux. Bien sûr !
    M. François Sauvadet. Bonne question que vous posez là !
    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, ne prenez pas mal mes paroles, mais il est temps de mettre fin au bal des faux-culs.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Charles de Courson. Quel est le problème ? Alain Juppé - et il faut lui en rendre hommage - a reconnu qu'il s'était trompé...
    M. Xavier de Roux. Lourdement !
    M. François Sauvadet. Cela arrive !
    M. Charles de Courson. ... lorsqu'il a fait voter ce texte. Un de nos collègues, qui était présent cet après-midi mais qui n'est plus des nôtres ce soir, Pierre Méhaignerie l'avait averti. Il lui avait clairement dit que ce n'était pas une bonne idée, et Alain Juppé l'a reconnu. Donc n'invoquons pas l'ancien Premier ministre pour lutter contre l'amendement que le groupe UDF présentera. Au contraire. Il est tellement rare qu'un homme politique reconnaisse qu'il a fait une erreur qu'il faut le souligner.
    M. Olivier Dassault. Tout à fait !
    M. Charles de Courson. Suivons donc l'avis d'Alain Juppé et revenons sur le texte en vigueur.
    Je vais maintenant m'adresser à la gauche : qui a voté le plafonnement Bérégovoy ?
    M. Gérard Bapt. Vous vous présentez à la fois comme la conscience de la droite et le mentor de la gauche !
    M. Charles de Courson. C'est vous, chers amis socialistes. Je ne parle pas des communistes, car ils s'y étaient opposés.
    M. Daniel Paul. Merci de le rappeler !
    M. Charles de Courson. Vous étiez alors la majorité. Vous avez voté le plafonnement Bérégovoy et vous avez eu raison. Dans un Etat de droit qui défend le droit de propriété, il est inconcevable que des taux puissent dépasser 100 % et être confiscatoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. François Sauvadet. Il est excellent !
    M. Charles de Courson. L'opposition de l'époque, devenue majorité d'aujourd'hui, a déposé chaque année un amendement pour revenir sur cette question. Qu'avez-vous fait ?
    M. Jean-Paul Anciaux. Ils ne se défendent même plus !
    M. François Sauvadet. Ils sont gênés !
    M. Charles de Courson. Vous avez toujours voté contre, pour nous empêcher de revenir au texte Bérégovoy que vous aviez pourtant voté. Vous avouerez que c'est assez incroyable !
    M. Xavier de Roux. Excellent !
    M. Gérard Bapt. Faites-le aujourd'hui !
    M. Charles de Courson. Attendez, mon cher collègue.
    M. Gérard Bapt. Ne nous reprochez pas de n'avoir pas fait ce que vous ne faites pas aujourd'hui !
    M. Philippe Briand. On va le faire !
    M. Charles de Courson. Je m'adresse maintenant à l'ensemble de la majorité. Nous avons tous été solidaires, pendant cinq ans.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Charles de Courson. Nous avons tous considéré qu'il n'était pas possible de continuer ainsi.
    M. Philippe Briand. On l'a dit !
    M. Gérard Bapt. Vous l'avez dit mais vous ne faites rien !
    M. Charles de Courson. J'espère que nous serons encore solidaires dans la majorité pour voter l'amendement de suppression du déplafonnement.
    M. Xavier de Roux. Bien sûr !
    M. Charles de Courson. Il est des textes qui ont valeur de symbole pour les créateurs d'entreprises.
    M. Gérard Bapt. Ne mégotez pas, supprimez l'ISF !
    M. Charles de Courson. Vous ne pouvez pas demander à un créateur d'entreprise de travailler 70 heures, quand ce n'est pas 80 à 90 heures, par semaine,...
    M. Jean-Paul Anciaux. Voire plus !
    M. Charles de Courson... de créer des emplois et d'accumuler un patrimoine, et, quand il prend sa retraite, lui annoncer que, parce qu'il a fait tel ou tel montage, il va être taxé à 110, 120 ou 130 %. Aucun pays démocratique ne peut accepter une telle situation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je suis, pour ce qui me concerne, très étonné que nos collègues socialistes veuillent maintenir le texte Juppé plutôt que de revenir au texte Bérégovoy. C'est incroyable !
    M. Gérard Bapt. Et moi je suis très étonné que le président tolère que vos cinq minutes deviennent quinze minutes !
    M. le président. Monsieur de Courson, il va vous falloir conclure.
    M. Charles de Courson. Que pourrait répondre M. Augustin Bonrepaux à l'une des 100 ou 110 personnes concernées par la disposition ?
    M. Augustin Bonrepaux. Est-ce que vous croyez que c'est en baissant l'impôt sur la fortune que vous allez sauver les entreprises ?
    M. Charles de Courson. Pas du tout. Mais, monsieur Bonrepaux, êtes-vous pour la spoliation ? Vous êtes socialiste, pas communiste.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un scandale ! Allez expliquer aux 500 salariés qui viennent de perdre leur emploi dans ma circonscription qu'en baissant l'impôt sur la fortune vous allez les sauver ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Philippe Briand. C'est le résultat des 35 heures !
    M. Charles de Courson. Je compte donc sur tous nos collègues de la majorité, et même sur nos collègues du groupe socialiste,...
    M. Jean-Paul Anciaux. Ils sont mauvais joueurs !
    M. Charles de Courson. ... pour voter l'amendement que nous déposerons afin de revenir au texte Bérégovoy.
    M. Xavier de Roux. Très bien !
    M. Charles de Courson. Voilà comment le texte gouvernemental, qui a déjà été bien amélioré en commission, peut l'être encore. Nous pourrons ainsi adopter, tous ensemble, un très bon texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Sauvadet. Absolument !
    M. Gérard Bapt. Vous prêchez dans le désert !
    M. le président. La parole est à  Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, je me bornerai à quelques réflexions, d'autant que, dans la première partie de son propos, M. de Courson a exposé un des thèmes que je voulais développer concernant les petites entreprises. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gérard Bapt. Vous n'avez pas prêché dans le désert, monsieur de Courson !
    Mme Marylise Lebranchu. Je comprends mieux maintenant pourquoi, lors de la récente assemblée générale de l'UPA, le Premier ministre a dit : « surtout pas de loi ! ». En effet, dans ce texte, il n'est jamais question de l'artisanat et des petites entreprises. Vous avez repris en partie le travail de M. Patriat mais il manque tout un volet concernant la création des toutes petites entreprises qui sont, vous le savez, le tissu économique de la majorité de nos territoires. Dans la période difficile que nous traversons, où les plans sociaux font rugir de colère M. Bonrepaux - et je partage son désarroi car ma ville est également frappée par un plan social d'envergure -, j'attendais davantage un texte favorisant la création des petites entreprises sur l'ensemble du territoire national plutôt qu'un texte sur les PME et les sociétés.
    Nous avions créé le prêt à la création d'entreprise à partir du constat simple, fait à la suite de nombreuses discussions avec l'UPA, la CGPME et la branche PME du MEDEF, que ce sont les entreprises individuelles, souvent appelées entreprises personnelles dans le jargon des entreprises, qui ont le plus besoin d'aide et d'accompagnement. Il devait permettre, même si c'était insuffisant - il faudrait également parler de la formation -, à des créateurs d'entreprise qui n'ont absolument rien de lever les fonds nécessaires pour démarrer dans des conditions acceptables. Dire qu'on pourra créer une entreprise en une heure avec un euro en poche et une idée en tête, c'est un peu de la poudre aux yeux. Il faut, bien sûr, avoir un projet, mais il faut aussi avoir le temps de réaliser les premiers services ou les premiers produits et les vendre. Or, souvent, au bout de quatre mois, six mois ou un an, c'est la catastrophe.
    Nous avons préféré choisir un système de prêt et l'accompagner d'un réseau fort de soutien aux entrepreneurs conçu à partir du réseau FIRE ou du réseau « Entreprendre en France ». Cela nous paraissait essentiel.
    Vous avez abandonné cette idée. Je ne développerai pas mon argumentaire, car M. de Courson, grand spécialiste de la question, l'a fait mieux que moi. Le FIP ne concerne que les sociétés, de même que le taux d'usure. Vous avez de ce fait éliminé tout un secteur de création.
    Ce qui, à mon sens, est plus grave, c'est que vous ne tenez pas compte du fait que c'est l'environnement qui porte les créateurs. Quand un créateur peut s'installer dans un territoire nourricier, où on dispose de tous les services à proximité - un incubateur, une université, une grande école -, il a toutes les chances de réussir. Dans une zone défavorisée, même un artisan a besoin d'accompagnement car il n'est pas facile d'y trouver ne serait-ce qu'un expert-comptable.
    J'aurais souhaité que, prenant en compte toute cette expérience, rappelée devant l'UPA, par M. Raffarin lui-même, vous accordiez plus d'importance au réseau et à l'accompagnement.
    On a souvent parlé de fracture : c'était à la mode à une époque. A la fracture sociale et à la fracture numérique on peut ajouter aujourd'hui la fracture territoriale. Selon l'endroit où l'on crée son entreprise, l'égalité des chances n'est pas assurée.
    Je soutiendrai l'amendement sur les GIP territoriaux, même s'il ne suffit pas. Il serait intéressant d'examiner de manière plus approfondie la proposition qu'avait faite M. Patriat. C'est par une péréquation des aides de ce type, dans les régions où l'on ne trouve ni incubateur, ni pépinière, ni réseau de formation, ni réseau de soutien, qu'on pourra donner, sur tout le territoire national l'envie d'être créateur d'entreprise.
    Et je dirai ici un mot à notre collègue qui est elle-même chef d'entreprise. Il est peut-être vrai que nous avons évité le sujet des délais de paiement. C'est un sujet très lourd - j'en parle d'expérience -, parce qu'il s'agit de relations interentreprises. A partir de la loi sur les nouvelles régulations économiques, que vous auriez tort de rejeter comme un outil inutile,...
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Il faut la garder !
    Mme Marylise Lebranchu. ... il faudrait travailler à nouveau, non pas sur la relation directe d'entrepreneur à entrepreneur, de cotraitant à donneur d'ordres, mais sur les délais de paiement. Cela me fait sourire de vous entendre dire qu'il appartient à l'administration de contrôler la relation entre les entrepreneurs. C'est nouveau dans votre famille politique !
    Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez raison !
    Mme Marylise Lebranchu. Mais les chefs d'entreprise ne sont pas égaux devant la force, et vous l'avez dit, madame. Or dans votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, les plus petits créateurs et notamment les artisans - j'en ai vu un récemment qui revenait de Grande-Bretagne, où les conditions sont parfois rudes - ne sont pas présents. C'est dommage, car ce sont eux qui pourraient faire la force de notre territoire, et surtout convaincre les écoles d'apprendre aux meilleurs éléments que réussir sa vie, ce n'est pas simplement être salarié et viser des fonctions d'encadrement dans une grande entreprise, c'est aussi prendre des risques. Mais pour cela, avec votre projet, il faudra déjà être une société ; ce sera donc vraiment difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Très bonne intervention !
    M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault.
    M. Olivier Dassault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour anciennes que soient les relations entre l'entreprise et la puissance publique, elles n'en sont pas moins complexes. On vient de s'en rendre compte en entendant les interventions précédentes. Fondements des civilisations antiques, le commerce et le pouvoir sont encore les mécanismes des sociétés contemporaines.
    Jadis soutenues ou créées par la volonté du prince, celles que nous nommons désormais entreprises se sont affranchies de la tutelle de l'Etat au fil des révolutions industrielles ou technologiques et de l'évolution de la pensée économique. Dans une économie internationale en pleine mutation, les entrepreneurs relèvent chaque jour les défis d'un environnement concurrentiel renouvelé, dans un monde désormais sans frontières et enfin libéré des idéologies et des dogmatismes.
    Pourtant, entre le monde de l'entreprise et la sphère politique, un certain nombre d'incompréhensions demeurent, faites bien souvent de méconnaissances mutuelles. Le projet de loi pour l'initiative économique, que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, a justement pour objet d'apaiser les rancoeurs, de dissiper les malentendus, de chasser les doutes et d'ouvrir le champ des possibles. C'est une étape, mais une étape importante, qui contribue au renouveau du lien indispensable entre les décideurs publics et les entrepreneurs.
    Qu'est-ce qu'un entrepreneur ? C'est avant tout un homme ou une femme qui prend et assume le risque de porter un projet collectif. Ils sont des centaines, chaque année, en France, à croire en cette aventure merveilleuse, à parier une équipe, des idées, un projet, sur une invention.
    Ils sont des centaines mais, en France, ils devraient être des milliers ! En dépit d'atouts structurels, certes insuffisamment mis en valeur, la France a moins d'attraits qu'elle ne le pourrait pour charmer les créateurs et retenir ses talents.
    Il est nécessaire sans doute de redire à cette tribune combien la perte d'attractivité du site de production France est préoccupante. Qu'on le conteste ou qu'on s'y résigne, les pesanteurs dont souffrent nos entrepreneurs sont bien réelles. Ce n'est pas être abusivement pessimiste que de les avoir soulignées ou mises en lumière, comme je l'ai fait avec quelques-uns de mes collègues présents sur ces bancs. C'est pour nous mettre en garde nous-mêmes, tant le déficit d'attractivité enclenche la spirale du déclin, provoque la fuite rapide de la croissance à l'étranger, mais aussi des cadres, des entrepreneurs, des chercheurs et des investisseurs. Il s'accompagne d'une dispersion des patrimoines et des sièges sociaux des entreprises, mais aussi de la délocalisation de la production. Et même si aucune activité n'est physiquement délocalisée, les productions futures ne seront jamais réalisées dans notre pays.
    Il nous appartient aujourd'hui d'imaginer de nouvelles solutions politiques pour offrir un environnement favorable aux entrepreneurs. Cela passe naturellement par des mesures économiques ou fiscales qui définiront un Etat frugal, moins régalien, moins dispendieux, plus incitatif. Cela passe nécessairement aussi par une relance de notre politique en matière de recherche et d'innovation, par la simplification des procédures administratives, par le soutien à la formation, par la promotion de l'initiative au sein du monde universitaire.
    Mais il importe avant toute chose d'ouvrir les esprits et d'opérer un changement des mentalités, de renouveler le lien entre le monde de l'entreprise et la sphère publique, de restaurer la confiance et la liberté, de valoriser l'initiative et la réussite.
    Le projet de loi pour l'initiative économique est un signe de ce changement d'époque auquel nous aspirons. Les mesures les plus audacieuses et les plus novatrices sont souvent les plus simples. Derrière la solennité du texte que nous examinons depuis quelques semaines au sein de notre commission spéciale et dont nous nous apprêtons à débattre, se dessine enfin la possibilité, comme c'est le cas dans tous les pays dynamiques, de créer son entreprise avec un capital minimum, c'est-à-dire un euro.
    Espérons qu'à cette facilité financière et aux reports de charges significatifs pour les entreprises nouvelles sera bientôt ajoutée la simplification administrative permettant de tout régler en quelques minutes seulement, et que des exonérations fiscales pour les bénéfices réinvestis dans le capital verront le jour. C'est bien l'esprit de l'amendement de Mme Vautrin, que je soutiendrai et qui, je l'espère, sera adopté par notre assemblée. Nous mettrons enfin la création d'entreprise à la portée de chacun et de chacune.
    Il faut encore se réjouir des facilités apportées au salarié pour créer sa propre entreprise sans quitter son emploi actuel.
    En complément, et vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, il conviendra de favoriser l'essaimage qui permet à toute personne développant, au sein d'une entreprise, un projet, une invention ou un brevet trop éloignés de l'objet de l'entreprise, d'être aidée par cette dernière, laquelle y sera incitée fiscalement.
    Essaimage, portage - vous l'avez également évoqué tout à l'heure -, c'est bien là l'exemple de la petite entreprise qui, demain, deviendra grosse, comme l'a souligné tout à l'heure Chantal Brunel. Les grandes entreprises pourront ainsi mieux soutenir les idées innovantes de leurs collaborateurs.
    Ce projet de loi est une chance et un défi. Une chance : celle de rendre à la France sa place et son rang dans l'économie mondiale. Un défi : celui de la réforme et de la modernisation de l'Etat.
    Aujourd'hui, devant nous, monsieur le secrétaire d'Etat, vous voici entrepreneur. Je vous y encourage et je vous apporte mon soutien. C'est ensemble que nous allons élaborer un nouveau contrat de confiance avec les entrepreneurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Augustin Bonrepaux. On s'y attendait ! Que vous souteniez la réduction de l'ISF ne nous étonne pas !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Il est une première question que nous pourrions nous poser, monsieur le secrétaire d'Etat : pourquoi votre gouvernement n'a-t-il pas repris un texte déjà travaillé,...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Il n'y avait rien dedans !
    M. Jean-Louis Dumont. ... discuté, analysé, critiqué, amendé, mais qui surtout avait obtenu l'appui de bien des acteurs du développement économique ? Car s'il présentait quelques manques, nul doute que le vôtre en fait apparaître bien davantage.
    Il en est en particulier un que j'ai repéré : le secteur de l'économie sociale et solidaire a été totalement ignoré et la réponse que vous avez apportée à M. Vergnier en commission spéciale avait de quoi nous inquiéter. Notre collègue Sauvadet évoquait pourtant, tout à l'heure le « rural profond » et le manque d'emploi dont il souffre souvent. Marylise Lebranchu a souligné la fracture dans les territoires. Qui, en milieu rural, crée des emplois ? Qui les conserve ? Qui les développe malgré les difficultés et le temps qui passe, sinon l'économie sociale et solidaire, les coopératives et les associations ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. Yves Simon. Utopie !
    M. Jean-Louis Dumont. Je m'attendais bien à quelques réactions... Peut-être avez-vous oublié, en arrivant ou en revenant dans cet hémicycle, votre commune, votre canton, votre département ou votre région, et tout ce secteur d'activité créateur d'emplois. En effet, dans un département rural, exceptés le centre hospitalier et, éventuellement, une ou deux grandes entreprises situées dans la commune principale, c'est le monde associatif ou coopératif qui fournit les emplois salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)     M. Jean-Michel Fourgous. Grâce à l'impôt : ce sont des emplois financés par l'impôt !
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Et les artisans ?
    M. le président. Continuez, monsieur Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Je n'oublie pas les artisans, dont je pourrai revenir vous parler demain. Cela dit, je rappelle quand même que, dans l'agriculture, le secteur coopératif compte 1,3 million de sociétaires, 127 000 salariés, 3 800 entreprises et 13 000 CUMA.
    M. Xavier de Roux. Cela n'a rien à voir avec le sujet !
    M. Jean-Louis Dumont. Quant à l'artisanat coopératif, il représente 37 000 sociétaires, 157 coopératives et 1 407 salariés.
    M. Philippe Briand. En Union soviétique, il représente la faillite !
    M. Jean-Louis Dumont. Etes-vous choqués que l'on vous rappelle, de cette tribune, le poids économique que traduisent ces chiffres et le nombre de salariés de ce secteur ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'union pour la majorité présidentielle.)
    Faut-il vous parler du secteur bancaire ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Michel Fourgous. Nationalisé ou privé ?
    M. Jean-Louis Dumont. Je parle du secteur bancaire mutualiste et coopératif,...
    M. Jean-Michel Fourgous. Ah : le secteur mutualiste !
    M. Jean-Louis Dumont. ... qui a su mettre en place un maillage éprouvé du territoire et fut le premier, sinon le seul, à créer des fonds locaux.
    M. Yves Simon. 1981 a vécu !
    M. Jean-Louis Dumont. Si cela vous intéresse, je peux vous donner quelques chiffres. Avant même que les caisses d'épargne ne viennent renforcer ce secteur économique, savez-vous comment ces différentes banques interviennent en faveur de la création d'entreprises, comment elles apportent leur concours ?
    M. Daniel Garrigue. On le sait !
    M. Jean-Louis Dumont. Le problème, monsieur Garrigue, c'est que tout cela est totalement oublié dans le texte du Gouvernement,...
    M. Jean-Pierre Gorges. Au contraire !
    M. Jean-Louis Dumont. ... alors que toutes les mesures qui sont prises dans une loi devraient normalement couvrir l'ensemble des secteurs d'activité et que chacune d'elles, y compris les dispositions fiscales, devrait également jouer au bénéfice des coopératives, des mutuelles et des associations.
    M. Jean-Michel Fourgous et M. Philippe Briand. Elles ne paient pas d'impôt !
    M. Xavier de Roux. Quant au Crédit agricole, il n'est pas en péril !
    M. Jean-Louis Dumont. Nous examinerons quelques amendements qui, peut-être, vous permettront de donner aux associations...
    M. Jean-Michel Fourgous. Elles ne paient pas d'IS !
    M. Jean-Louis Dumont. Elles ne paient pas d'IS, mais connaissez-vous le principe « un homme, une voix » ? Savez-vous aussi que les réserves sont impartageables ?
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Savez-vous aussi comment se fait leur gouvernance ?
    M. Philippe Briand. Ça ne veut rien dire !
    M. Yves Simon. Elles sont sous perfusion !
    M. Jean-Louis Dumont. Vous vous gaussez, mes chers collègues, de la gouvernance de ces entreprises, mais, dernièrement, un grande entreprise a organisé une contre-attaque sur le marché financier. Avez-vous vu comment les décisions ont été prises, comment la gouvernance des hommes, pour les hommes et par les hommes, s'est exprimée ? Evidemment, cela vous choque : les entreprises de l'économie sociale ne sont pas « opéables »,...
    M. Xavier de Roux. Pas du tout !
    M. Jean-Louis Dumont. ... Elles ne vous offrent pas des stock-options !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dumont.
    Mme Chantal Brunel. Tout cela ne veut rien dire !
    M. Philippe Briand. C'est de la ratatouille ! De la cuisine indienne !
    M. Jean-Michel Fourgous. Mme Tasca a bien pris des stock-options dans Canal Plus !
    M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, je suis systématiquement interrompu.
    M. le président. Non, monsieur Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. J'observe que vous maniez plus habilement et plus vivement votre règle quand l'orateur est de l'opposition que lorsqu'il est de la majorité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Non, monsieur Dumont. Vous pouvez constater par vous-même que votre temps de parole est dépassé.
    M. Jean-Louis Dumont. Non. Tout comme mon collègue Bapt, j'exprime mon complet désaccord.
    Je voulais, et je conclus là-dessus alors que j'aurais pu aller beaucoup plus loin, intervenir sur la constitution des fonds propres, monsieur le secrétaire d'Etat.
    M. Philippe Briand. C'est un peu confus !
    M. Xavier de Roux. Il est très tard !
    M. Philippe Briand. Commencez plutôt par la constitution de vos idées !
    M. Jean-Louis Dumont. Il faut rappeler combien les entreprises du secteur associatif et coopératif ont besoin, tout comme celles du privé, de constituer des fonds propres. Et il faudra revoir la loi de 1985 ou celle relative à la sécurité monétaire et financière pour alléger un certain nombre de contraintes et donner à ces entreprises, aux associations en particulier, les moyens de faire face à leurs responsabilités. Car elles interviennent souvent dans un secteur largement oublié par le marché.
    M. le président. Monsieur Dumont, je vous demande de conclure immédiatement.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Tout à fait !
    M. Alain Néri. Ne vous laissez pas démonter !
    M. Jean-Louis Dumont. Vous riez des associations, mes chers collègues. Mais l'aide à domicile, le maintien à domicile (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), les travailleurs sociaux et familiaux, qu'en faites-vous ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cela vous fait rire ?
    Un dernier exemple et je conclus.
    M. le président. Non, monsieur Dumont.
    M. Philippe Briand. Ils auraient dû garder Mme Lebranchu pour la fin !
    M. Jean-Louis Dumont. M. Dassault vient à l'instant de parler du capital minimum : un euro.
    M. Alain Néri. C'est un connaisseur !
    M. le président. Monsieur Néri, laissez parler M. Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. En termes d'affichage, c'est intéressant,...
    M. le président. Concluez, monsieur Dumont.
    M. Augustin Bonrepaux. Ils ne comprennent décidément rien !
    M. Philippe Briand. Ce n'est pas une intervention, c'est un dépôt de bilan !
    M. Jean-Louis Dumont. ... à ceci près que, quelle que soit la compétence, la volonté exprimée par la personne qui veut entreprendre - nous en recevons tous dans nos permanences pratiquement chaque semaine...
    M. Augustin Bonrepaux. En effet !
    M. le président. Monsieur Dumont...
    M. Jean-Louis Dumont. ... et je suppose que nous les y encourageons -,...
    M. le président. Monsieur Dumont !
    M. Jean-Louis Dumont. ... un euro ne fait pas des fonds propres. Un euro ne permet pas à la banque, quelle qu'elle soit, d'accorder un prêt et une ligne de crédit.
    M. le président. Votre temps de parole est terminé. Vous avez conclu.
    M. Jean-Louis Dumont. Ce texte est incomplet et ne répond pas aux besoins évidents des entrepreneurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous venons d'entendre durant une heure et demie plusieurs intervenants qui ont représenté l'ensemble des groupes.
    Les orateurs qui suivent ont un temps de parole de cinq minutes. Je demande à tous de le respecter car je n'hésiterai pas sinon à leur couper la parole.
    M. Jean-Louis Dumont. A tout le monde, alors !
    M. le président. Nous ne pouvons pas nous permettre, dans une discussion générale, de voir les temps de parole doubler ou tripler.
    La parole est à M. Rodolphe Thomas.
    M. Rodolphe Thomas. Monsieur le secrétaire d'Etat, je prête à ce projet de loi une attention toute particulière, ayant été moi-même tout à la fois artisan et commerçant, ayant suivi toutes les étapes et repris une entreprise familiale passée du stade de l'entreprise individuelle à celui de SARL de famille.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Rodolphe Thomas. De ce fait, j'ai bien entendu été confronté à toutes les difficultés que peuvent rencontrer nombre d'entreprises individuelles.
    M. Alain Néri. Ce n'est pas votre cas personnel qui nous intéresse, c'est la situation générale en France !
    M. Rodolphe Thomas. Permettez-moi donc de saluer ce projet de loi sur l'initiative économique. Enfin un texte qui répond à de nombreuses attentes des entrepreneurs de notre pays !
    Au-delà des mesures d'ordre économique, nos entrepreneurs souhaitent être mieux considérés et reconnus pour leur rôle de créateurs de richesses et d'emplois. Vous avez engagé une démarche de réflexion, adressé un questionnaire sur la simplification administrative à l'ensemble des acteurs économiques par le biais de relais d'opinion. En presque un mois et demi, vous avez reçu plus de vingt mille réponses. Cette première initiative montre que, pour peu que l'on associe les partenaires, ils répondent présent !
    Cela dit, mes chers collègues, gardons toujours à l'esprit l'impérieuse nécessité d'alléger les procédures et de ne pas ajouter de nouveaux dispositifs.
    Au cours des diverses auditions que j'ai pu organiser au niveau national et surtout local, j'ai constaté que ce projet de loi suscitait une très forte adhésion. Nombre de mesures visant à encourager le désir d'entreprendre et à lutter contre les principaux obstacles à la création ont été prises : financement, charges sociales, lourdeur des procédures administratives, sans oublier, bien sûr, la transmission d'entreprise. Une aspiration très ancienne et très forte du monde des PME et des entreprises individuelles a trouvé un écho : la protection des biens personnels des entrepreneurs individuels. Je m'en réjouis, même si le projet de loi aurait pu aller encore plus loin en leur faveur.
    Le Premier ministre a montré, dans le passé, toute l'attention qu'il portait aux PME et aux artisans. L'artisanat est le premier employeur de France. Veillons à ne pas oublier nos artisans. Un message fort doit être adressé à ces véritables créateurs d'emplois donc de richesses.
    Les chefs d'entreprise de notre pays attendent du Gouvernement une bouffée d'oxygène. Oui, nous avons dans notre pays des hommes et des femmes qui ont envie de prendre des initiatives, de créer ou de développer leur entreprise. Trop de barrières les freinent. Ils nous faut libérer la création. Ce projet donne tous son sens au mot initiative. Le premier pas y est souvent le plus difficile. Néanmoins, je tiens à rappeler qu'il n'y a pas de création sans, comme l'on dit souvent, transpiration : il faut donc encourager non seulement l'initiative mais aussi l'effort et particulièrement le risque.
    La formation représente un formidable aiguillon à la création d'entreprises. C'est le passage obligé : acquérir une bonne formation pour créer une entreprise solide. L'éducation nationale doit jouer pleinement son rôle en réhabilitant l'esprit d'entreprise,...
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Rodolphe Thomas. ... c'est-à-dire en donnant à chacun l'envie de créer, mais aussi en offrant les possibilités d'acquérir des bases solides. Combien encore ont tendance à confondre chiffre d'affaires et bénéfice !
    M. Alain Néri. C'est tout de même embêtant pour gérer une entreprise ! C'est du niveau cours élémentaire deuxième année !
    M. le président. Monsieur Néri !
    M. Rodolphe Thomas. Par ailleurs, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de mettre en place des fonds d'investissement de proximité. Ce dispositif de financement de projets locaux est une bonne initiative. Néanmoins, il ne répond pas aux attentes des petites structures, des structures artisanales, qui en restent malheureusement exclues. La réalité de notre tissu économique, ne l'oublions pas, c'est près de 60 % d'entreprises individuelles. Ce sont elles qui ont du mal à réunir les fonds propres indispensables à la mise en place d'un projet. Elles sont trop souvent confrontées à des difficultés de trésorerie, de financement, d'autant plus que les banques ont tendance à se réfugier derrière le refus des organismes cautionneurs.
    Un mot enfin sur la nécessité de faciliter la transmission d'entreprise dans de meilleures conditions. Nous devons préparer l'avenir, et pourtant le constat est là : nous manquons cruellement de repreneurs.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Rodolphe Thomas. Dans ma région, sur sept cents entreprises adhérentes à la CGPME, 60 % des chefs d'entreprise ont plus de soixante ans ! Il apparaît donc urgent de réagir, de prendre des initiatives mais surtout et avant tout d'être facilitateur, si nous ne voulons pas perdre nos créateurs de richesses.
    M. Charles de Courson. Bravo !
    M. Rodolphe Thomas. Mes chers collègues, si nous avions autant d'entreprises moyennes que nos cousins européens, nous aurions un million et demi d'emplois supplémentaires.
    M. François Sauvadet. Voilà l'enjeu !
    M. Rodolphe Thomas. A partir du moment où l'on aura transformé la création d'entreprise en un acte simple et rapide, responsable et accessible à tous, il y a fort à parier que la courbe du chômage sera durablement inversée. N'oublions pas que c'est l'activité qui créé l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Thomas, d'avoir respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'Etat, ce texte est la preuve supplémentaire de la coloration libérale que votre majorité donne à l'ensemble de ses projets.
    Qu'est-ce que ce projet de loi pour l'initiative économique ? La focalisation sur une fausse conception de l'attractivité réduite à la seule question fiscale ; un texte idéologique qui a pour seul objet de multiplier les cadeaux fiscaux à votre clientèle électorale !
    M. Xavier de Roux. Puisque vous le dites !
    M. Augustin Bonrepaux. Où sont les moyens d'assurer le développement réel des entreprises par la formation et le soutien des entrepreneurs et de leurs salariés ?
    La proposition d'assurer la formation professionnelle des chefs d'entreprise n'a pas été reprise. Et pas davantage les dispositions, pourtant nécessaires, visant à assurer la survie à long terme des entreprises, notamment par la sécurisation des concours bancaires. La perspective d'une augmentation de la capacité à créer des emplois dans l'économie est abandonnée. Mais l'objectif n'est pas là. Ce texte n'est en fait qu'un prétexte pour réduire, de façon honteusement masquée et mensongère, l'impôt de solidarité sur la fortune. Alors que votre politique provoque la multiplication des licenciements, vous prétendez favoriser l'emploi par la remise en cause de l'impôt de solidarité sur la fortune. De qui vous moquez vous, monsieur le secrétaire d'Etat ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    En fait, ce projet de loi traite de la seule liberté d'entreprendre : un combat dépassé, car cette liberté fondamentale existe, et c'est heureux, depuis de nombreuses années. En revanche, ceux qui doivent être protégés, les modestes, les fragiles, ceux qui devraient être accompagnés quelle que soit leur situation sociale, les petites structures entreprenantes, tous ceux-là sont oubliés.
    M. Philippe Briand. Parlez donc de vos privilèges ! Ce n'est pas Fabius qui voudrait que l'on taxe les oeuvres d'art ! Et vous n'avez jamais parlé d'élargir la base de l'ISF !
    M. Augustin Bonrepaux. Pour les plus modestes, en effet, vous êtes pleins de méfiance.
    M. Philippe Briand. Et les oeuvres d'art que Fabius a exonérées de l'ISF ?
    M. Augustin Bonrepaux. Vous réintroduisez l'avance remboursable pour les allocataires des minima sociaux qui veulent créer une activité.
    M. Philippe Briand. Et les chaussures à 20 000 francs de Dumas ?
    M. le président. La parole est à M. Bonrepaux et à lui seul.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous avions mis en place la prime à l'allocation d'entreprise. pour ceux qui veulent créer une activité, en partant du constat évident que ces personnes n'avaient pas les sommes nécessaires à la mise en oeuvre de leur projet. Souvent, il s'agit de sommes relativement faibles : 10 000 francs, 30 000 francs. Mais ceux-là, vous voulez les faire rembourser.
    Vous n'avez pas les moyens d'aider les plus modestes car vous réservez tous vos cadeaux aux nantis.
    M. Alain Néri. Exactement !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous négligez totalement l'épargne populaire, mais il sera possible de mobiliser des sommes importantes pour augmenter très largement les plafonds des déductions ou les incitations fiscales.
    M. Jean-Louis Dumont. Ce sera mis à votre débit !
    M. Augustin Bonrepaux. Cela rappelle des souvenirs, tous ces cadeaux fiscaux accordés aux privilégiés en oubliant les plus modestes.
    M. Philippe Briand. Une montre de chez Cartier payée en liquide ! Vous voulez des noms ?
    M. Augustin Bonrepaux. D'un côté, le refus d'augmenter la prime pour l'emploi, de l'autre, les emplois à domicile pour 70 000 familles. Baisse de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu, mais, pour les autres, augmentation des tarifs des services publics et de la fiscalité pétrolière, réduction de l'allocation chômage.
    M. Philippe Briand. Chaussures : jurisprudence Dumas ! Tableaux : jurisprudence Fabius !
    M. Augustin Bonrepaux. Votre loi, c'est tout de même 250 millions d'euros de dégrèvements, sous prétexte d'initiative économique individuelle. En réalité, ce sont des cadeaux fiscaux pour les plus aisés. Où sont les dispositifs d'accompagnement,...
    M. Philippe Briand. Où sont les chaussures de Dumas ?
    M. Augustin Bonrepaux. ... d'incitation des entreprises, véritables acteurs de l'aménagement du territoire ? Ce qui fait la vie des territoires, c'est leur économie : l'économie agricole, artisanale, industrielle. Les artisans, les commerçants sont totalement oubliés. (Protestations sur les bancs groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !
    M. Philippe Briand. Ils vous ont remerciés de vos cinq ans de pouvoir !
    M. Bernard Brochand. Ils ont plutôt été les oubliés des 35 heures !
    M. Augustin Bonrepaux. Cet oubli participe d'ailleurs de votre politique libérale. Vous avez décidé de suspendre les articles de la loi de modernisation sociale relatifs à la prévention des licenciements économiques, ce qui nous vaut aujourd'hui la vague de licenciements que nous connaissons. Vous n'avez pas osé suspendre l'article 118 de cette loi, certainement parce qu'il n'a pas d'effet tant que son décret d'application n'est pas paru. Cet article consacre pourtant la responsabilité des entreprises en matière de réactivation d'un bassin d'emploi lorsqu'elles licencient massivement et mettent en danger l'équilibre économique de ce bassin. Elles sont tenues de contribuer à la création d'activités et au développement des emplois.
    M. Philippe Briand. Le PC licencie !
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'attendez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour le mettre en application devant le raz-de-marée social qui submerge notre pays, notamment avec tous ces plans sociaux ?
    M. le président. Merci, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Comment expliquer cet attentisme et la non-réponse de Mme la ministre ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, votre temps de parole est terminé !
    M. Augustin Bonrepaux. Quant à moi, parce que ma cisconscription est menacée,...
    M. le président. Veuillez conclure !
    M. Augustin Bonrepaux. ... je vous demande de faire paraître ce décret au plus tôt. Lorsque, dans un territoire rural, un tiers des emplois sont supprimés, ce sont les sous-traitants, les commerces de proximité, les écoles qui ferment, et la zone risque de devenir un véritable désert.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, veuillez conclure : plus personne ne vous écoute !
    M. Augustin Bonrepaux. Je propose la création d'une zone franche. Mme la ministre n'a pas eu le courage de répondre à ma question (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et je souhaite que, ce soir, M. le secrétaire d'Etat nous entende (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. le président. Merci monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. ... parce qu'il est possible de maintenir une usine Pechiney dans l'Ariège,...
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, merci !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, la question est suffisamment importante pour que je la développe, et je la développerai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, c'est terminé !
    M. Philippe Briand. Il est dangereux !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous sommes prêts à aider les entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et il appartient au Gouvernement de mettre en place des mesures d'aide, une défiscalisation, la réduction du prix de l'énergie. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Votre temps de parole est largement dépassé. Ce n'est pas sérieux !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, l'absence de réponse du Gouvernement ne traduit-elle pas son mépris vis-à-vis de ces populations et des travailleurs ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Est-ce acceptable ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Je termine, monsieur le président.
    J'invite M. le secrétaire d'Etat à venir expliquer à ces populations, à ces travailleurs, qu'on va leur permettre de continuer à vivre sur leur territoire grâce à la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Ce n'est vraiment pas sérieux !
    M. Jean-Louis Dumont. C'était un morceau d'anthologie !
    M. le président. Je croyais avoir dit tout à l'heure qu'il fallait respecter son temps de parole, ce qui a été fait par M. Thomas.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous avez vu combien de temps a parlé M. de Courson ? C'est vrai qu'il parlait de la réduction de l'ISF !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous n'avez plus la parole !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'êtes pas objectif, monsieur le président !
    M. le président. Tout le monde a dépassé son temps de parole pendant la première partie de la discussion générale. Je souhaite que maintenant chacun s'en tienne aux cinq minutes prévues.
    La parole est à M. Etienne Blanc.
    M. Etienne Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis rompt avec le passé dans le domaine économique. Il rompt avec des politiques dirigistes,...
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Etienne Blanc. ... des politiques de contraintes, des politiques de sanctions.
    M. Philippe Briand. Tout à fait !
    M. Etienne Blanc. C'est un texte pragmatique, qui n'est pas idéologique. A toutes celles et ceux qui ont géré des plates-formes d'initiative locale ou des sociétés de capital-risque, il apporte des réponses très concrètes et très précises. De plus, il est courageux car il s'attaque à l'ISF. Pourquoi, dans notre pays, les personnes qui en ont les moyens ne pourraient-elles pas prendre facilement des participations dans des sociétés qu'elles connaissent et peuvent évaluer,...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien !
    M. Etienne Blanc. ... et s'y investir totalement, ce qui éviterait le recours aux fonds publics et à la fiscalité, les administrations faisant ce travail à leur place ?
    Oui, c'est une bonne loi. C'est un texte simple et pragmatique, qui déréglemente dans le domaine économique. Il est d'ailleurs emblématique des clivages gauche-droite : ceux qui croient à la contrainte sont contre, ceux qui croient à la liberté sont pour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous sommes d'ailleurs l'un des derniers pays du monde à se poser encore ces questions. Tous les autres, qu'il s'agisse de l'ancien bloc de l'Est, de l'Asie ou de nos voisins proches, ont tranché la querelle idéologique entre interventionnistes et non-interventionnistes. Espérons que ce texte metttra fin à ce véritable paradoxe français : notre pays crée environ 150 000 à 170 000 entreprises par an ; il en créait 200 000 il y a vingt ans ; il en crée deux fois moins que l'Espagne. Il est impossible d'y poser sereinement la question de la transmission. Pourtant, 500 000 entreprises vont changer de propriétaire dans les dix années qui viennent pour des raisons démographiques. Chaque année, 50 000 d'entre elles disparaîtront si cette transmission n'est pas préparée.
    Enfin, nous le savons tous, la durée de vie de nos entreprises est moins longue que dans les autres pays d'Europe. Les entrepreneurs interrogés en énumèrent les causes : complexité, charges, financements complexes, fiscalité inadaptée.
    A cet égard, le texte propose trois bonnes réponses, car il s'adresse bien aux trois phases de la vie d'une entreprise : sa création, sa pérennisation et sa transmission.
    Faciliter la création : la simplifier, mieux financer le créateur - capital à un euro -, prévoir un statut pour le créateur, enfin reporter les charges, qui pèsent lourdement la première année. Pérenniser : c'est la mise en place de ces fonds de placement, judicieusement créés. Mieux transmettre : c'est régler enfin la question des plus-values, qui confisque le travail d'une vie entière lorsque l'entreprise est cédée, c'est faire en sorte qu'une transmission anticipée facilite les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois avoir dit l'essentiel de tout le bien que l'on peut penser de ce texte. Je ferai simplement trois observations.
    La première concerne le patrimoine affecté. Nous permettons de protéger le patrimoine du chef d'entreprise. N'oublions pas que, souvent, la résidence principale est acquise par le chef d'entreprise et par son conjoint. Vous ne protégez que la part du chef d'entreprise, c'est-à-dire souvent 50 % de l'immeuble familial. Il serait peut-être judicieux d'imaginer une protection pour un patrimoine familial, car je crains des actions de licitation-partage qui fragiliseraient votre texte.
    Deuxième observation, le capital d'un euro. C'est une bonne chose, mais il faut dire clairement que les fournisseurs et les banques auront des rapports d'affaires un peu complexes avec une entreprise qui disposera d'un capital d'un euro. Ne pourrait-on pas imaginer une modification de la réserve de propriété, qui constitue pour le créancier fournisseur une garantie remarquable si elle peut se mettre en oeuvre aisément et facilement ? Une simple ordonnance en pied de requête ou la possibilité de faire valoir une clause de réserve de propriété, dans des conditions juridiquement beaucoup plus simples, protégera mieux le fournisseur et permettra d'apporter le crédit fournisseur qui pourrait se substituer au crédit bancaire lorsqu'une entreprise est dotée d'un capital d'un euro.
    M. André Thien Ah Koon. Bravo !
    M. Étienne Blanc. Enfin, troisième observation, beaucoup plus politique et plus générale : nous sommes aujourd'hui en France en pleine réflexion sur la décentralisation. En ce qui concerne les FIP, tâchons de ne pas être trop précis, de ne pas trop réglementer leur fonctionnement dans le détail et par le menu.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Bien sûr ! Très bien !
    M. Etienne Blanc. C'est quelque chose qui concerne les régions.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Très bien.
    M. Etienne Blanc. On ne peut pas avoir deux discours : vouloir réglementer ici par le menu le capital de proximité et son fonctionnement...,
    M. le président. Monsieur Blanc, veuillez conclure.
    M. Etienne Blanc. ... et, dans la loi de décentralisation, demander plus de compétences, de simplicité et d'initiatives pour les régions.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte est bon, pour une raison toute simple : c'est d'abord et avant tout un texte de bon sens. Je crois que ce qui fait le plus souvent défaut dans notre pays, la gauche l'a démontré, c'est le bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, favoriser le développement de l'entreprise, donner un statut moderne aux hommes et aux femmes des petites entreprises, améliorer l'environnement dans lequel s'exerce l'activité des petites entreprises, voilà d'excellentes intentions sur lesquelles nous devrions tous nous retrouver dans ce débat. Cela correspond d'ailleurs au grand titre du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat que notre collègue François Patriat avait déposé au nom du gouvernement précédent.
    M. Jean-Louis Dumont. C'était un excellent texte !
    M. Jean-Pierre Balligand. Cette référence montre bien que le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui s'inscrit dans une lignée de rapports et de textes. C'est le signe aussi que la création d'entreprises est toujours au coeur du débat politique, ce qui est une bonne chose.
    Je m'abstiendrai, faute de temps, de rappeler que la création d'entreprises est aidée dans notre pays. Je le dis pour ceux qui n'étaient pas là avant ou qui font preuve de mauvaise foi. L'ancien président de la Caisse des dépôts peut le confirmer. Nous avons par exemple dépensé 180 millions d'euros en 2000...
    M. Maurice Giro. C'est un cadeau au patronat !
    M. Jean-Pierre Balligand. ... somme en augmentation de 9 % en 2001. Il s'agit bien évidemment des fonds que nous avons dans nos régions. Nous avons été nombreux à créer des plates-formes d'initiative économique locale. Quelle que soit notre sensibilité, nous avons essayé de stimuler le développement économique local. Dans une des régions les plus pauvres de France, celle dont je suis le représentant, nous avons créé des entreprises. Il ne faut donc pas dire qu'il n'y a pas eu de créations d'entreprises. Simplement, il faut aller plus loin et essayer de trouver les moyens de développer les fonds communs de placement. La loi sur l'épargne salariale, dans laquelle j'ai joué un petit rôle, est aussi un moyen de mobiliser des fonds, via les FCPI et les FCPR.
    Mais je ne débattrai pas de tout cela parce que je crois qu'il peut y avoir un certain consensus entre nous sur ce point.
    Il n'a en tout cas pas fallu attendre la publication en août dernier d'un livre blanc sur la réforme de la création d'entreprise pour que cette question soit prise en compte par le législateur. Je dirai même qu'après un rapport au Premier ministre sur les petites entreprises et entreprises artisanales, remis en février 2001 et joliment intitulé « L'homme au coeur de l'économie », puis une étude qui avait été élaborée en juin 2001 par le Conseil économique et social, sur la création et la pérennisation de l'entreprise de petite taille, il n'était peut-être pas nécessaire que l'actuel gouvernement commande immédiatement un nouveau rapport sur ce thème, comme il l'a pourtant fait dès son arrivée.
    Toujours est-il que nous voici aujourd'hui face à ce projet de loi relatif à l'initiative économique. Ce texte frappe les esprits par ce qu'il ne dit pas plus que par ce qu'il dit, et je ne fais là aucun procès d'intention. Ce qui est tu dans le projet de loi, ce que le Gouvernement n'a pas voulu, par décence, y faire figurer, il a délibérément choisi de le faire dire à sa place par la majorité parlementaire qui le soutient, par le biais de l'amendement.
    Pourquoi donc, se demanderont les naïfs, avoir choisi la voie de la procuration ? La réponse est simple : elle est distillée depuis plusieurs semaines par tous les commentateurs et elle n'honore malheureusement pas les protagonistes. Le Gouvernement n'a pas voulu assumer le fait de toucher ouvertement à un impôt aussi symbolique que l'impôt sur la fortune, dans le contexte économique morose, pour ne pas dire désastreux, que connaissent actuellement nos compatriotes. Il faut dire que nous comprenons fort bien le Gouvernement. Au moment où les plans sociaux s'accumulent, de manière fulgurante, au nez des pouvoirs publics, interdits, au moment où le budget voté par le Parlement - Alain Lambert nous a fait la grâce de nous l'annoncer ce matin -, va être amputé de près de quatre milliards d'euros, au moment où le chômage continue de progresser, les prix d'augmenter, la croissance de freiner, il serait pour le moins maladroit, par égard pour les millions de Français dont le quotidien est difficile, d'annoncer clairement une baisse d'impôt précisément destinée à ceux pour lesquels l'impôt est le moins douloureux. C'est un fait, et le Gouvernement, en optant pour le mécanisme de l'amendement plutôt que pour l'affichage, montre qu'il en a pleinement conscience.
    Bien sûr, ni le tarif ni le barème de l'ISF ne sont pour le moment en cause.
    M. le président. Merci de bien vouloir conclure, monsieur Balligand.
    M. Jean-Pierre Balligand. Bien sûr, nous ne pouvons pas préjuger, à l'instant où je parle, si ces amendements seront ou non adoptés. Mais, si je puis m'exprimer ainsi, le mal est fait. Même en dérogeant à des dispositions somme toute marginales, soyons honnêtes, de l'impôt sur la fortune, même en arguant hypocritement de l'enjeu de la création d'emplois, même en niant avoir choisi la tactique au détriment de la responsabilité, le Gouvernement et la majorité n'ont heureusement réussi à duper personne dans ce pays. Le passage en douce est devenu un retour en force. Désormais amplement médiatisée, la manipulation discrète est apparue pour ce qu'elle est : une manoeuvre grossière rappelant aux Français les agissements en ce domaine d'un autre gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Brochand.
    M. Bernard Brochand. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la première fois depuis trop longtemps, nous sommes réunis pour débattre d'un texte important qui parle enfin de l'entreprise, un texte de droit qui reconnaît enfin la place centrale de l'entreprise dans la société, sa fonction primordiale dans la marche de notre économie, en même temps qu'il s'attache à redonner confiance aux entrepreneurs en faisant de la création de valeur ajoutée et du talent dans la production un objectif national.
    Pendant de longues années, on a tenté de décourager les entrepreneurs, de décrier la valeur fondamentale qu'est dans une société la création de richesses.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous inventez !
    M. Bernard Brochand. On a multiplié les obstacles sur la route des créateurs d'entreprise tout au long de leur vie : application autoritaire, dogmatique et coûteuse des 35 heures, accroissement des rigidités administratives par la loi dite de modernisation sociale ainsi que des charges pesant sur les salaires.
    M. Philippe Briand. Très juste !
    M. Bernard Brochand. Le précédent gouvernement n'a pas su préparer notre pays aux enjeux du xxie siècle.
    M. Augustin Bonrepaux. Un million de chômeurs en moins, c'est tout de même grâce à lui !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous n'avez plus la parole !
    M. Bernard Brochand. Les résultats sont là. Aujourd'hui, la France tourne au ralenti : 176 000 entreprises ont été créées en 2002, soit 13 % de moins qu'au début des années 90, deux fois moins qu'en Angleterre, en Italie ou en Espagne. Un sondage de l'agence pour la création d'entreprises indique qu'en 2002, parmi les 27 % de Français prêts à créer leur entreprise, contre 31 % en 2001, moins de 2 % réaliseront leur projet. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. Citons encore le désormais célèbre classement du World Economic Forum qui place la France au trentième rang mondial pour la compétitivité économique, soit un recul de dix places en un an, derrière la Malaisie, la Hongrie et la Slovénie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe Briand. C'est l'effet Jospin !
    M. Bernard Brochand. Or, dans une économie mondiale et européenne dont nous mesurons aujourd'hui toutes les incertitudes, ce n'est pas en continuant ainsi que nous réussirons à défendre les niveaux de performance qui permettent à l'économie française de créer de la richesse. Ce n'est pas ainsi que nous garantirons la cohésion et la protection sociales et, plus globalement, le niveau de vie de notre pays.
    Le projet de loi défendu ici par Renaud Dutreil au nom du Gouvernement a compris cet état de fait et propose enfin des solutions réactives remettant la France sur la bonne voie. En tant qu'ancien chef d'entreprise...
    M. Alain Néri. Ah ! Tout s'explique !
    M. Philippe Briand. Monsieur Néri, ce n'est pas le nombre d'emplois que vous avez créés qui vous donne de l'expérience !
    M. Bernard Brochand. ... et député de la majorité, je ne peux que me réjouir quand je vois que, conformément aux engagements pris par le Président Jacques Chirac le 27 février à Saint-Cyr-sur-Loire, les dispositions de ce texte visent à libérer les énergies créatrices tout en ayant comme objectif la création d'emplois, principal vecteur de cohésion et d'intégration sociales.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Bernard Brochand. Cependant, et je tiens à le souligner, ce projet de loi est un premier pas, et seulement un premier pas, pour changer les mentalités, malheureusement marquées par un martèlement idéologique de tous les instants selon lequel le travail serait une aliénation et la création d'entreprises un asservissement au grand capital. Il faudra plus d'un texte. Des amendements ont été retenus qui vont dans le bon sens, mais je crois qu'il faudra aller plus loin.
    Pour nous permettre d'atteindre des objectifs ambitieux - et à ce propos je remercie M. le secrétaire d'Etat de nous avoir donné un chiffre, un million de créations d'entreprises en cinq ans : nous savons enfin où nous allons - et pour poursuivre notre tâche d'accroissement de l'attractivité du territoire français, nous devrons tous avoir le courage de procéder prochainement à d'autres réformes attendues. Il faudra vraisemblablement, par exemple, remettre à plat toutes les aides publiques existantes...
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Bernard Brochand. ... et rationaliser le maquis que constituent les centaines de dispositifs d'aide à la création d'entreprise.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Bernard Brochand. Plus personne ne s'y retrouve, pas même l'Etat.
    M. Philippe Briand. Très juste !
    M. Bernard Brochand. Dernièrement, un sondage montrait d'ailleurs que moins de 1 % des patrons jugeaient efficace la politique publique d'aide à la création d'entreprise.
    M. Philippe Briand et Mme Chantal Brunel. Très juste !
    M. Bernard Brochand. Dès lors, il faudra peut-être que nous ayons l'audace de proposer, en contrepartie de la suppression de nombreuses aides inefficaces, une baisse générale des charges sur les salaires qui, comme nous l'avons vu en 1993, reste l'outil le plus efficace pour parvenir à la création massive d'emplois.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. Bernard Brochand. Enfin, le dernier rapport de la Cour des comptes nous le confirme, il faut remettre la France dans la moyenne européenne en ce qui concerne la fiscalité des entreprises. Et, pour cela, il faut réformer l'Etat. Sans gestion rigoureuse de ses ressources humaines, sans économies d'échelle, sans décentralisation de la décision au plus près des citoyens, sans la simplification des strates administratives et des règlements, l'Etat ne pourra pas procéder à la réduction durable de ses prélèvements, seul gage, pourtant, du dynamisme de notre territoire.
    M. Maurice Giro. Autrement dit, on n'y arrivera jamais avec les socialistes !
    M. Bernard Brochand. Je ne peux que vous féliciter pour l'esprit nouveau et réformateur de ce texte et vous encourager, monsieur le secrétaire d'Etat, à poursuivre dans cette voie. Ainsi que vous avez pu le constater en décembre dernier dans la ville dont je suis le maire, ce projet de loi suscite beaucoup d'espoirs dans toutes les catégories sociales, en particulier dans les foyers ouvriers, de même que dans les écoles.
    M. Jean Launay. On croit rêver !
    M. Bernard Brochand. En tout cas, grâce à vous, notre pays a retrouvé l'espoir pour ce qui concerne la création d'entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Nathalie Gautier.
    Mme Nathalie Gautier. Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi dont nous débattons m'apparaît comme un texte élaboré à la hâte et incomplet. Vous le présentez comme innovant. Mais comment pouvez-vous ignorer que, depuis 1997, plusieurs mesures concrètes ont été prises : états généraux de la création d'entreprise, prêt à la création d'entreprise, épargne défiscalisée, développement de réseaux bancaires, accompagnement de la Banque de développement des PME, réforme des marchés publics, allégement des charges fiscales, baisse progressive de l'impôt sur les sociétés, modification des modes de calcul de la taxe professionnelle, baisse de la TVA dans le bâtiment, diminution des droits de mutation. Voilà pour l'action concrète que nous avons menée.
    Aujourd'hui, que de questions se posent à la lecture de votre projet ! Ainsi, pourquoi avez-vous supprimé les avancées en matière de « reste à vivre » proposées par ma collègue Marylise Lebranchu ? Pourquoi ignorer le rôle central joué par les entreprises dans l'aménagement du territoire ? Pourquoi ne pas reprendre les mesures destinées à donner un statut moderne aux hommes et aux femmes qui font vivre ces structures, qu'ils soient entrepreneurs ou salariés ? Nous avions voulu donner une impulsion décisive au statut de conjoint collaborateur afin que ce dernier bénéficie d'un ensemble de droits sociaux et d'une véritable reconnaissance de sa contribution. Il faut en finir avec les inacceptables situations de non-droit que l'on découvre parfois au moment d'une séparation, d'un divorce ou d'un décès.
    De même, monsieur le secrétaire d'Etat, comment les entreprises peuvent-elles se sentir reconnues dans un texte qui oublie la situation spécifique des entreprises individuelles pour ne parler quasiment que des sociétés ? Dans le département du Rhône où je suis élue, la chambre des métiers, la deuxième de France, compte parmi ses adhérents 60 % d'entreprises individuelles et 40 % de sociétés. Cette proportion est d'ailleurs la même au plan national. Pourquoi l'essentiel de vos mesures ne s'adressent-elles qu'à une forme unique d'entreprise ?
    Que faites-vous de l'économie sociale - sociétés coopératives, coopératives de commerçants, par exemple - qui représente 10 % des richesses produites dans notre pays et 10 % de l'emploi ? Permettre que s'exerce la liberté de création, c'est aussi permettre des modes de production économique diversifiés. Leur originalité ne méritait pas d'être ainsi laissée pour compte.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet est démagogique. La création de société pour un euro est un leurre, un effet d'annonce. D'ailleurs, cette mesure ne reçoit pas un accueil favorable des représentants patronaux, des artisans et responsables économiques que j'ai rencontrés. Pour créer une entreprise, il faut un projet, un environnement qui lui permette de se développer, un réseau de conseils qui assure sa pérennité. Ne leurrons pas nos concitoyens : se lancer dans la création d'une entreprise, reprendre un commerce, une activité artisanale, suppose une prise de risque. Sachons créer les conditions de son développement et ne cédons pas à la démagogie.
    Ne cédons pas non plus à la dictature de la rapidité : un projet de création d'entreprise, ça se mûrit, ça se construit, avec du temps, par des rencontres et des conseils auprès de professionnels. Sa pleine réussite suppose un engagement des professionnels au service des entrepreneurs. C'est ce que nous ont rappelé les représentants des organismes consulaires.
    De même, quelle étrange loi que celle-ci, qui passe sous silence les aspects liés à la mutualisation. Plus développée en Italie qu'en France, la mutualisation permet à de petites entreprises d'entreprendre en construisant avec d'autres le socle de garanties nécessaire face à la prise de risque inhérente à la création.
    Il aurait été important d'inciter à un travail à l'échelle des bassins d'emploi, des coopérations économiques, se traduisant notamment par la mutualisation des coûts en matière de recherche, de formation et de diffusion des nouvelles technologies, des connaissances et des compétences.
    Vous ne cherchez pas non plus à résoudre la question des retards de paiement. Il faut pourtant avoir des fonds de roulement importants pour faire face aux délais excessifs des règlements. Le gouvernement précédent avait bien renforcé la règle sur cette question en imposant une réduction de la durée des paiements. Et vous, que comptez-vous faire sur cette question essentielle qui peut mettre en jeu la vie des jeunes entreprises ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le secrétaire d'Etat, les animateurs du monde économique auraient mérité mieux. Si tout le monde s'accorde sur la nécessité de créer des entreprises et sur la transmission de celles-ci, c'est d'une véritable réflexion sur ce secteur que nous avons besoin, et pas simplement de mesures fiscales exorbitantes et démagogiques.
    M. Augustin Bonrepaux. Très bien !
    Mme Nathalie Gautier. Vous oeuvrez sous la pression et l'impatience du milieu patronal et n'hésitez pas à trouver des moyens de contourner l'ISF.
    M. le président. Merci de conclure, madame Gautier.
    Mme Nathalie Gautier. J'ai terminé, monsieur le président.
    Vous ne ferez croire à personne, et encore moins aux salariés, qu'un débat sur l'ISF a une quelconque place dans notre débat sur la création d'entreprises et leur pérennisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Nicolas Forissier. Vous n'avez vraiment rien compris !
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Soulier.
    M. Frédéric Soulier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, c'est pour moi un plaisir d'intervenir dans le cadre de ce projet de loi sur l'initiative économique, bien sûr en tant que nouveau député, mais surtout en tant que député issu du monde économique. Car, voyez-vous, j'ai entendu comme vous de multiples interventions de nos collègues de l'opposition, doués de grandes qualités oratoires et nous donnant même des leçons de bonne conduite. Normal, me direz-vous, puisque aucun d'entre eux n'a eu l'expérience de créer ou de diriger une entreprise...
    M. Eric Besson. Qu'est-ce que vous en savez ?
    M. Augustin Bonrepaux. Vous savez de quoi vous parlez, vous ?
    M. Jean Launay. C'est une caricature !
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'est-ce que c'est que ce mépris ?
    M. Frédéric Soulier. ... et qu'aucun d'entre eux ne connaît la problématique des entreprises, parce que tout simplement, ils ne l'ont pas vécue de par leur formation, leur expérience ou leur origine socioprofessionnelle. Le quotidien du chef d'entreprise, c'est de faire les fins de mois, de payer les charges, d'élaborer un compte de résultats, de bâtir une prospective économique pour le banquier qu'il faut convaincre le lendemain matin afin d'obtenir une avance de trésorerie. Chers collègues de l'opposition, vous parlez de l'entreprise et de son économie comme peuvent en parler des livres d'enseignement théorique, imbibés de vues idéologiques. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais hélas, pour la plupart d'entre vous, vous ignorez la pratique.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, merci de votre audace, merci de votre initiative. Le monde de l'entreprise et celui de l'entrepreneur se sentent aujourd'hui entendus et écoutés.
    Cette loi dessine, avec différents textes, la cohérence d'ensemble de la logique économique du Gouvernement, où l'essentiel du changement réside dans le refus des postures idéologiques. En période de faible croissance, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'applique à agir sur tous les leviers de l'économie : soutien du pouvoir d'achat, baisse de l'impôt et augmentation des bas salaires, soutien à l'emploi et aux jeunes pour un emploi dans l'entreprise, soutien aux entreprises par l'assouplissement de la loi sur les trente-cinq heures et l'allégement des charges sociales. Pour l'année 2003, le Président de la République a souhaité une France plus compétitive, une France plus forte, une France qui s'encourage à créer. Cette dynamique-là constitue une nouvelle étape de la politique de croissance active que le Gouvernement a engagée au service de l'emploi.
    Les Français ont compris depuis plusieurs mois qu'il était l'heure d'inverser la tendance : face aux défis que notre pays doit relever, il apparaît plus que jamais nécessaire de réhabiliter l'esprit d'entreprise, en considérant que l'initiative de celles et ceux qui entreprennent relève de l'intérêt général.
    Car il s'agit bien de l'intérêt général, pour lequel le Gouvernement agit dans un contexte international économique et politique fragile. En période de faible croissance, il nous appartient d'avoir de l'audace et de l'initiative.
    Je rappelle aux plus amnésiques que l'économie des socialistes est passée de la cagnotte à l'anti-cagnotte et que, en dépit d'une période de forte croissance, la France est devenue l'un des rares pays à ne pas connaître de hausse substantielle du pouvoir d'achat.
    Le gouvernement précédent a fait mal aux entreprises. Il a mis à mal la valeur du travail...
    M. Alain Néri. Oh !
    M. Frédéric Soulier. ... en en faisant une valeur négative, alors qu'il est une composante essentielle de la liberté.
    Avec les trente-cinq heures, les socialistes ont créé une France à deux vitesses, en interdisant à certains de travailler et de gagner plus. La France est malade du poids des impôts, des taxes, des charges, des réglementations tatillonnes et des contraintes administratives. Notre pays a une formidable réserve d'énergie, malheureusement bridée par un système qui favorise l'assistanat contre la responsabilité, qui préfère la réglementation au contrat, bref un système qui étouffe l'initiative individuelle alors qu'il devrait la favoriser, la libérer.
    La compétitivité française s'est complètement effondrée, l'an dernier, par rapport à celle de ses partenaires.
    M. Ghislain Bray. Eh oui !
    M. Jean-Marc Ayrault. N'importe quoi !
    M. Frédéric Soulier. A l'échelle de l'économie mondiale, la France est sans conteste la grande perdante. Elle est montrée du doigt pour son coût du travail. On lui reproche encore toute une série de handicaps qui pénalisent la création d'entreprise.
    Pour combattre cet état de fait, il nous faut retrouver une France courageuse et volontaire, une France entreprenante - et elle ne peut l'être qu'avec de la liberté -, une France qui réussit, qui partage. Pour retrouver les premiers rangs de la compétitivité, nous devons agir, avec l'obligation de réussir, en mettant en oeuvre les réformes trop longtemps différées.
    Si créer sa propre société reste un rêve pour de nombreux Français, vous répondez avec beaucoup de vérité à près de 15 millions de nos concitoyens qui ne pensent qu'à créer un jour leur propre entreprise. Ce projet de loi pour l'initiative économique redonne goût au travail. Il balaie avec beaucoup d'à-propos les difficultés du créateur, et ce jusqu'à la transmission de son patrimoine, ce qui reste tout aussi important que de favoriser la création d'entreprises nouvelles.
    En tant que parlementaire issu du monde économique, je me suis attaché, en Corrèze, avec mon collègue Jean-Pierre Dupond, président du conseil général,...
    M. Alain Néri. Quelle référence !
    M. Frédéric Soulier. ... à consulter tous les acteurs économiques en discutant avec eux, en amont, sur votre projet de loi, avant que celui-ci soit soumis au Parlement.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Très bien !
    M. Frédéric Soulier. Cette concertation des décideurs et des acteurs a été fortement appréciée et a permis à ceux-ci de participer à la rédaction d'amendements. C'est pour moi une nouvelle façon de faire de la politique.
    Avec ce projet de loi pour l'initiative économique, et les simplifications administratives qui suivront, nous avons les outils nécessaires pour inverser la tendance...
    M. Alain Néri. Il a dépassé son temps de parole !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président !
    M. le président. Mon cher collègue, merci de bien vouloir conclure.
    M. Frédéric Soulier. ... et donner de l'air aux muscles du pays en agissant avec celles et ceux qui souhaitent une France qui réussit et qui nous donne un peu plus chaque jour l'espérance de vivre dans une Europe plus forte et plus grande.
    M. Augustin Bonrepaux. Où est l'objectivité du président ?
    M. le président. Vous n'avez pas été beaucoup plus bref, monsieur Bonrepaux.
    M. Frédéric Soulier. Pour conclure, monsieur le président,...
    M. le président. Merci.
    M. Frédéric Soulier. ... ce projet reconnaît le manque de culture entrepreneuriale dans notre pays et amorce une avancée dans ce domaine. N'est-ce pas là, pour notre jeunesse, un formidable challenge de réussite professionnelle, qui lui permettra de s'exprimer plus pleinement que dans un carcan statutaire, comme le statut de l'emploi des jeunes mis au point par le précédent gouvernement ?
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je fais partie des députés chefs d'entreprise qui saluent votre initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Marc Ayrault. Il a osé !
    M. Gérard Bapt. C'est un courtier !
    M. Éric Besson. Cinq minutes pour ne rien dire ! Quel exploit !
    M. le président. Mes chers collègues, chacun de vous dispose de cinq minutes. Soyez assez aimables pour respecter ce temps de parole. Et si vous ne parlez que trois ou quatre minutes, personne ne vous en voudra.
    La parole est à M. Jean Launay.
    M. Jean Launay. Je dirai d'abord à notre collègue Soulier que s'il ne devait y avoir, pour traiter le sujet de ce soir, que des chefs d'entreprise sur tous les bancs, nous n'aurions pas deux rapporteurs, ni même un secrétaire d'Etat, qui nous présenteraient ce texte.
    M. Alain Néri. Ce serait l'assemblée du MEDEF !
    M. Jean Launay. La représentation nationale est entière, et elle est telle qu'elle est. Chacun de nous est fondé à s'exprimer sur ces sujets, quel que soit son statut.
    Mme Nathalie Gautier. Absolument !
    M. Jean Launay. Monsieur le secrétaire d'Etat, alors que fermetures d'usines et délocalisations s'accélèrent un peu partout sur le territoire, jetant sur le pavé, comme des malpropres, des milliers de salariés, ce projet de loi n'est pas, je le crains, à la hauteur de la situation préoccupante que traverse notre pays et il ne permettra malheureusement pas d'endiguer la vague de licenciements menaçant des régions entières, ni même de redonner l'espoir nécessaire pour relancer, à terme, la machine économique.
    Hier, sous prétexte de libérer l'initiative privée, vous suspendiez les dispositions de la loi de modernisation sociale, votée par la gauche, qui soumettait les chefs d'entreprise au respect de procédures de consultation et d'alerte des salariés avant tout plan social ; vous autorisiez ainsi l'arbitraire dont usent à présent Pechiney, Metaleurop, et j'en passe. Aujourd'hui, vous nous présentez un texte qui se révèle, à l'étude, bancal, incomplet et partiel.
    Vous ne traitez de la question essentielle de la création d'entreprise qu'à travers le prisme de mesures fiscales énormément amplifiées, au point de devenir de véritables cadeaux fiscaux, trahissant ainsi une dérive idéologique, également perceptible dans votre volonté de réformer l'impôt de solidarité sur la fortune, une réforme non prévue dans le texte initial, cachée derrière des amendements de fortune que vous laissez déposer par une majorité revancharde et asservie. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Par contre, de manière particulièrement regrettable et préjudiciable pour le monde de l'entreprise et tous ses acteurs, vous faites l'impasse sur le volet social d'accompagnement et de formation, pourtant majeur ; ces dimensions étaient présentes dans le projet de votre prédécesseur, François Patriat, que vous auriez été bien inspiré de reprendre...
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Les électeurs, eux, ne l'ont pas repris !
    M. Jean Launay. ... dans son architecture générale et dans nombre de ses dispositions.
    Ce projet ignore donc l'artisanat et la petite entreprise, l'entreprise d'en bas, pour reprendre une expression dont vous avez fait un slogan de campagne électorale. Les artisans, que vous avez bercés de promesses, et que nous avions satisfaits à travers, notamment, la réduction de la TVA sur les travaux de restauration dans le bâtiment, ne seront pas dupes de vos belles paroles.
    Votre politique les laisse de côté, pour leur préférer les plus grandes fortunes. Les socialistes l'affirment et le dénoncent. Mais nous ne sommes pas les seuls : Le Figaro lui-même, pourtant peu suspect de complaisance envers la gauche, confiait récemment à un libéral notoire le commentaire de ce texte. Sous le titre dubitatif « La montagne va-t-elle accoucher d'une souris ? », ce dernier s'inquiétait de la pertinence du projet, espérant qu'il ne prenne pas exemple sur les décisions de vos collègues, Mmes Haigneré et Fontaine, en offrant des avantages fiscaux à des sociétés de capital-risque qui n'intéresseront que quelques très grandes fortunes.
    Je concentrerai mon propos sur deux points oubliés dans ce texte : la nécessité d'une qualification minimale des créateurs d'entreprise et l'aménagement de la fiscalité lors d'une transmission d'entreprise.
    Tout le monde s'accorde à penser que la création ou la reprise d'une entreprise ne s'improvise pas.
    Fort de ce constat de bon sens, le législateur, par la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, a formalisé la règle selon laquelle « certaines activités ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci ». Je crois me rappeler qui était ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat à cette époque. (Sourires.)
    L'objectif ainsi affirmé était simple : il s'agissait d'offrir des garanties légitimes au consommateur, mais également d'augmenter, par une meilleure qualification, la pérennité des entreprises nouvellement créées. Nous pouvons nous retrouver sur ces deux orientations.
    Mais, à l'expérience, l'interprétation de la loi s'est révélée extrêmement lâche : concernant l'artisanat, aucun contrôle n'est en réalité effectué lors de la déclaration au centre de formalités des entreprises, les chambres de métiers ne pouvant refuser l'immatriculation aux personnes qui le demandent, quand bien même elles ne rempliraient pas les conditions de qualification requises.
    Je regrette donc que vous n'ayez pas inscrit dans la loi la nécessité d'un contrôle exercé par les chambres de métiers sur les qualifications du chef d'entreprise lors de l'inscription au répertoire des métiers.
    Enfin, j'évoquerai brièvement un amendement que je vous proposerai afin de donner toute la force de la loi à une disposition évoquée dans le titre V de l'exposé des motifs.
    M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Launay.
    M. Jean Launay. J'ai terminé, monsieur le président.
    Quant aux reprises d'entreprises pour lesquelles des plus-values devront être acquittées, un mécanisme permettant d'échelonner le paiement de l'impôt sera mis en place. Cette mesure serait, selon l'exposé des motifs, mise en oeuvre par le biais d'une instruction aux comptables publics. Mais qui dit le droit, sinon la loi ? Pour garantir une application sans équivoque et attendue d'une telle disposition, la loi paraît mieux appropriée qu'une simple circulaire, libre d'interprétation.
    M. Michel Vergnier. Ce n'est pas très libéral !
    M. le président. Merci, monsieur Launay.
    M. Jean Launay. Au droit de critique naturel et respectable de l'opposition, je lie bien sûr l'impérieux besoin d'être constructif, mais cela exige un accueil objectif de votre part. J'espère que ce sera le cas pour cette disposition précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.
    M. Jean-Jacques Descamps. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre projet, même s'il peut évidemment être amélioré, me procure un immense plaisir.
    M. Eric Besson. Il a été fait pour !
    M. Jean-Jacques Descamps. Il répond en large partie aux attentes des entrepreneurs de la France active, y compris les plus petits, qui en ont assez d'être considérés au mieux comme des privilégiés, au pire comme des fraudeurs en puissance, des exploiteurs, au lieu d'être reconnus comme les premiers responsables de la croissance et du progrès social.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est vrai !
    M. Jean-Jacques Descamps. Venu de l'entreprise, moi aussi, je m'emploie, depuis quelque vingt ans, à convaincre mes électeurs, mes adversaires politiques, quelquefois d'ailleurs mes propres amis, de la nécessité de libérer l'esprit d'entreprendre dans notre pays, et je suis heureux que nous soyons de plus en plus nombreux à penser la même chose dans cette assemblée.
    M. Michel Vergnier. Eh oui !
    M. Jean-Jacques Descamps. Des générations successives ont été éduquées depuis cinquante ans sans qu'on leur insuffle suffisamment cet esprit d'entreprendre, le sens du risque, ni même, ces dernières années, le respect de la valeur du travail, autant de notions qui fondent l'avenir d'une grande nation. Les obstacles à cette nécessaire révolution culturelle sont donc nombreux.
    Le projet de loi permet d'enfoncer un coin important dans le dispositif administratif, fiscal et social, étouffant qui encadre la création d'entreprise. Créer une entreprise, la gérer, en reprendre une, c'est toujours prendre des risques, pour le chef d'entreprise, mais aussi pour ses partenaires que sont les salariés, les clients, les fournisseurs. Il ne faut oublier ni les uns ni les autres. Mais c'est quand même le créateur ou le repreneur d'une entreprise, souvent un salarié modeste, qui engage le premier tout ou partie de son patrimoine, sa sécurité, sa vie familiale, pour créer des emplois et des richesses. On l'oublie trop souvent les fonctionnaires, les associations et les institutions de toutes sortes n'existeraient pas sans cet acte élémentaire de quelques hommes et femmes courageux. Il faut donc en priorité, et vous voulez le faire, les y encourager, les y aider.
    Ce projet fait suite aux initiatives de certains de vos prédécesseurs, comme Alain Madelin.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est vrai !
    M. Jean-Jacques Descamps. Il va fortement contribuer à aider à la création ou à la reprise d'entreprises.
    Certains prétendent qu'il va coûter cher. C'est une grossière erreur de raisonnement, car alléger les contraintes et les impôts, c'est en fait permettre de nouvelles initiatives et donc de nouvelles ressources fiscales bien plus importantes pour l'avenir.
    Il reste, c'est vrai, beaucoup de chemin à parcourir pour faire changer l'état d'esprit de nos concitoyens. Et ce n'est pas l'extraordinaire démagogie de l'opposition sur l'ISF, dans un langage qui nous ramène aux pires moments de la lutte des classes, qui va nous y aider.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Effectivement !
    M. Jean-Jacques Descamps. Certains prétendent que ces mesures favoriseront les riches. C'est une autre lourde erreur de raisonnement. Elles favoriseront au contraire l'ascenseur social que représente pour beaucoup, et j'en connais, le simple fait de se mettre à son compte et - pourquoi pas ? - finalement de gagner de l'argent en travaillant. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Vergnier. L'ascenseur ne marche que dans un sens !
    M. Jean-Jacques Descamps. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut expliquer aux Français que limiter l'impôt sur les hauts revenus à un niveau équivalent à ce qui se pratique à l'étranger, c'est encourager la réussite et l'esprit d'entreprise dans notre pays. Que réduire la fiscalité sur les plus-values, c'est encourager la mobilité du capital et aider à la reconversion des emplois. Que réduire la fiscalité sur la transmission, c'est encourager l'épargne déjà fortement taxée aujourd'hui.
    M. Michel Vergnier. C'est l'ascenseur asocial !
    M. Jean-Jacques Descamps. Et, enfin, que limiter au strict capital dormant l'impôt sur la fortune, en le plafonnant, c'est favoriser l'investissement productif.
    Il faut engager ce processus progressivement, et je sais que le Gouvernement est déterminé. Ne prenons pas toutefois trop de temps, car les résultats que nous en attendons, et qui seront certains en matière de croissance, sont indispensables pour relancer l'emploi et le progrès social en France avant qu'il ne soit trop tard. Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous pouvons compter sur vous pour cela aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. David Habib.
    M. David Habib. Nous examinons un projet de loi censé relancer l'initiative économique. La situation de l'emploi, la fragilité de notre tissu productif, les défaillances dramatiques de certaines entreprises françaises rendent cet objectif louable.
    Comme d'autres, je rappelle que le précédent gouvernement avait, avec lucidité et compétence, engagé une démarche similaire. Le texte de François Patriat, souvent cité cet après-midi, s'articulait autour de trois axes : favoriser le développement de l'entreprise aux différents stades de sa vie, donner un statut moderne aux hommes et aux femmes qui font vivre les petites entreprises, qu'ils soient entrepreneurs ou salariés, et améliorer l'environnement dans lequel s'exerce l'activité des petites entreprises, en allégant les formalités et les charges.
    Pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, ne pas avoir repris ces thèmes et ces propositions pour les approfondir et les enrichir de votre expérience, voire de votre sensibilité ?
    M. Michel Vergnier. Par sectarisme !
    M. David Habib. Tout simplement parce que cette législature est placée par vos soins sous le double signe de la dérégulation sociale et de la valorisation quasiment religieuse et mystique, non pas de l'entreprise, mais de la création d'entreprise. Vous vous attachez à soutenir cette création, mais rien dans ce texte n'est envisagé pour assurer la viabilité dans le temps des entreprises ainsi créées, notamment lors des premières années, et donc leur pérennité.
    Vous n'envisagez aucun dispositif d'accompagnement en matière de prévention, ni de renforcement des capacités d'analyse de la conjoncture. Comme l'a dit Mme Gautier, vous n'abordez pas le douloureux et difficile problème des retards de paiement. Vous n'évoquez pas le problème de la sécurisation des concours bancaires, ni même tout simplement, la question des pôles d'accueil, comme les pépinières ou autres écloseries d'entreprises.
    Tout est concentré sur un seul objectif : multiplier les créations pour pouvoir, demain, afficher un résultat massif qui traduirait une nouvelle disponibilité des Français pour le risque et le goût d'entreprendre. Mais rien n'est prévu, je le répète, pour soutenir ceux qui vont se lancer dans cette formidable aventure économique et personnelle que constituent la création et la gestion d'une entreprise.
    Il a été dit tout à l'heure qu'il y avait une sorte de dichotomie au sein de cette assemblée, entre ceux qui avaient pris le risque et qui avaient eu le courage de créer une entreprise et ceux qui, appartenant au secteur public, regardaient le monde de l'entreprise en observateurs plutôt qu'en acteurs. Moi, je viens des deux : j'ai travaillé dans le public et dans le privé, et j'ai assumé des responsabilités de direction dans une entreprise privée.
    M. Jean-Pierre Nicolas. Très bien !
    M. Gérard Voisin. Combien de temps ?
    M. David Habib. Je voudrais donc vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, avec cette expérience qui a été la mienne pendant quelques années, que, malgré ce que vous avez affirmé tout à l'heure, il n'y a pas plus d'économie qui marquerait la volonté d'un pouvoir de créer des emplois qu'il n'y a des entreprises de gauche et des entreprises de droite. Les entreprises obéissent aux critères qui ont été rappelés : l'existence d'un marché, la capacité à assurer une gestion rigoureuse et l'aptitude, parce que, aujourd'hui, cette préoccupation fait aussi la force d'une entreprise, à favoriser le nécessaire épanouissement des salariés qui lui apportent leur richesse et contribuent à son développement.
    M. Jean Launay. Très bien !
    M. David Habib. Ce texte ne comporte aucune mesure relative aux pratiques commerciales, en particulier à la protection des petites et moyennes entreprises à l'égard des grands groupes, et, de manière générale, aux relations entre distributeurs et fournisseurs. Là encore, ce projet ne prend pas en compe le risque de voir bon nombre de petites entreprises commerciales livrées à la voracité de groupes de distribution devenus de plus en plus puissants par le jeu des concentrations.
    Lors de votre audition par la commission spéciale, le 21 janvier dernier, vous avez estimé, monsieur le secrétaire d'Etat, que la question des relations entre distributeurs et fournisseurs était certes cruciale mais qu'elle n'entrait pas dans le champ du présent texte. Celui-ci n'a en effet certainement pas vocation à répondre à toutes les questions, mais, puisque vous avez pris le temps d'examiner les amendements qui portent sur l'impôt sur la fortune,...
    M. Michel Vergnier. Il ne les examinait pas : il les préparait !
    M. David Habib. ... vous auriez pu vous attacher, vous ou les membres de la majorité, à déterminer les règles qui régissent les relations entre les distributeurs et les fournisseurs.
    Vous soumettez ce texte à notre examen alors que le pays est confronté à une vaste politique de dérégulation et à une vague de plans sociaux. Tout à l'heure, mon collègue Augustin Bonrepaux a rappelé à cette tribune combien les décisions récentes du groupe Pechiney dans le domaine de l'électrolyse mettaient en émoi toute la région pyrénéenne. Elu moi aussi des Pyrénées, je veux m'associer à son propos et vous dire qu'en présentant ce texte et en avouant votre incapacité à régler les problèmes occassionnés par ces plans sociaux,...
    M. Nicolas Forissier. Ça ne fait que six mois que nous sommes au pouvoir ! Vous, vous avez eu quinze ans !
    M. David Habib ... vous créez dans le pays le sentiment que les entreprises sont protégées par la majorité et le Gouvernement, alors que les salariés sont abandonnés et n'ont d'autre choix que de s'inscrire à l'ANPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    La France a besoin de consensus. Le vote exprimé lors du second tour de l'élection présidentielle aurait dû permettre de parvenir, au moins sur ce thème, à une unanimité et à l'union des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Monsieur le secrétaire d'Etat, le texte destiné à encourager l'initiative économique que vous nous proposez n'est pas le premier du genre. Ce qui fait son importance, c'est d'abord qu'il couvre un domaine extrêmement étendu, qu'il s'agisse de la création, de la transmission d'entreprise, du portage, de l'essaimage ou de la simplification ; c'est ensuite qu'il concerne l'ensemble des entreprises, notamment les plus petites, et l'on sait que ce sont elles qui créent aujourd'hui le plus grand nombre d'emplois dans notre pays ; c'est enfin qu'il touche l'ensemble des secteurs d'activité, aussi bien les PME, l'artisanat et le commerce que l'agriculture. Il procède ainsi d'une volonté d'unifier les règles applicables : quels que soient les secteurs, ce qui est fondamental, c'est la logique de l'entreprise et c'est cette logique qui s'affirme aujourd'hui de plus en plus.
    Certains de nos collègues ou de nos concitoyens s'évertuent à ramener le débat à une simple question : faut-il maintenir ou non l'ISF dans sa forme actuelle ?
    Personnellement, mais je ne pense ne pas être le seul dans la majorité, je ne suis pas fondamentalement hostile dans son principe à l'imposition du capital. J'observe d'ailleurs, que, dans un certain nombre de pays considérés comme tout à fait libéraux, une certaine forme d'imposition du capital a cette imposition frappant plus fortement, il est vrai, le capital improductif que le capital productif, a été préférée à l'imposition sur les successions.
    Je rappelle également que, lorsque l'impôt sur les grandes fortunes a été institué en 1982, le contexte était certes très idéologique, mais que, malgré tout, la discussion de la définition des biens professionnels a été abordée avec un certain pragmatisme. Le rapporteur général du budget, M. Pierret, le ministre des finances et le ministre de la justice ont défendu leur point de vue mais, sur un certain nombre de dispositions - je pense par exemple au statut des gérants minoritaires de SARL, à la définition de l'outil de travail dans les entreprises familiales, à la détention de parts et d'actions par des salariés lors de la constitution d'entreprises -, un vrai débat s'était ouvert entre la majorité et l'opposition d'alors. Pragmatique, ce débat avait permis d'adopter des amendements.
    Bien sûr, depuis vingt et un ans, les choses se sont modifiées et le contexte juridique dans lequel les entreprises évoluent s'est transformé. Nous vivons aujourd'hui dans une économie très ouverte sur l'extérieur et, par la force des choses, la définition des biens professionnels doit, elle aussi, changer. Un certain nombre d'entreprises familiales sont aujourd'hui menacées du fait de la dispersion du capital provoquée par les successions. Vous nous avez donné, monsieur le secrétariat d'Etat, monsieur le rapporteur, des listes d'entreprises malheureusements rachetées par des capitaux extérieurs. Dans d'autres cas, nous constatons la difficulté à mobiliser des capitaux pour favoriser la création ou le développement des entreprises existantes.
    Il est donc logique de proposer, dans ce texte, d'aménager l'impôt sur la fortune et d'aborder la question de l'évolution de la définition de l'outil de travail.
    Lorsqu'on se rappelle les débats antérieurs sur l'impôt sur la fortune, on a quelque difficulté à comprendre l'irrédentisme fiscal de certains de nos collègues.
    M. le président. Merci, monsieur Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Mes chers collègues, nous devons avoir, tout comme le Gouvernement, une vision ouverte. Nous voterons donc ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, de même que l'ensemble des amendements qui nous seront présentés par la commission spéciale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier.
    M. Nicolas Forissier. Beaucoup de choses ayant déjà été dites à cette tribune, mon propos sera bref. Je m'arrêterai simplement sur deux points de méthode.
    Tout d'abord, j'avoue éprouver une certaine perplexité. J'entends mes collègues du groupe socialiste nous expliquer que ce texte, que je trouve personnellement très bon et cohérent,...
    M. Michel Vergnier. C'est surprenant !
    M. Nicolas Forissier. ... omet beaucoup de choses. Mais, mes chers collègues, vous avez attendu cinq ans pour nous proposer un texte un peu complet sur les entreprises, vous avez attendu la veille des élections car je me souviens très bien d'avoir défendu, il y a moins d'un an une question préalable sur ce sujet à la tribune. Alors, laissez-nous, utiliser les cinq ans que nous avons devant nous pour procéder à la réforme des conditions de création, d'existence et de développement des entreprises.
    M. François Brottes. Ça passe vite !
    M. Nicolas Forissier. Je ne dis pas que votre majorité n'a rien fait et je suis le premier à reconnaître votre action en ce domaine.
    M. François Brottes. Cela nous honore.
    M. Nicolas Forissier. Mais je crois qu'il est utile de bien utiliser le temps dont nous disposons pour engager la discussion et la concertation...
    M. François Brottes. Eh oui !
    M. Nicolas Forissier. ... et pour conduire une réforme qui est absolument nécessaire sur le plan à la fois de la création et du développement des entreprises.
    Le texte qui nous est présenté se concentre sur la création et la transmission des entreprises. Il est cohérent. Un autre texte sur le développement de l'entreprise devrait être déposé à l'automne.
    M. François Brottes. Une mesure saisonnière.
    M. Nicolas Forissier. Mme Fontaine présentera un projet sur la recherche et l'innovation. Des ordonnances proposeront des simplifications administratives.
    M. Michel Vergnier. C'est ce qu'on appelle ne pas légiférer et donner de l'air !
    M. Nicolas Forissier. Et je ne doute pas que, tout au long de cette législature, le ou les gouvernements feront des propositions qui, peu à peu, concertées, notamment avec les professionnels, et travaillées au sein de cette assemblée, dans un esprit constructif entre tous les groupes, nous permettront d'aboutir à une réforme des conditions d'existence des entreprises.
    Je ferai deux ou trois remarques.
    Un texte sur le développement des entreprises se doit de traiter en profondeur certains sujets, et certains l'ont dit à cette tribune. Mais il faudra le compléter. Ainsi, le statut de l'entrepreneur individuel et la notion d'entreprise individuelle devront faire l'objet d'autres réformes, de même qu'il faudra prévoir une remise à plat des aides publiques comme notre collègue Bernard Brochand l'a souligné fort justement tout à l'heure. Les marchés publics, les délais de paiement, qui ont été évoqués par un de nos collègues du groupe socialiste, la formation, l'apprentissage, l'internationalisation des entreprises, l'accompagnement des entreprises, des petites entreprises, y compris toutes les questions relatives à l'artisanat, devront également être abordés. Mais votre méthode, monsieur le secrétaire d'Etat, qui consiste à vous attaquer dès le début de la législature à la réforme des conditions de création et de développement des entreprises, est bonne, elle permet de sérier les problèmes. Je trouve normal qu'on se concentre sur la création et la transmission d'entreprise et que l'on rédige un texte uniquement sur ce sujet.
    Encore faut-il que le Gouvernement accepte de prendre en considération les amendements qui ont été discutés en commission dans le cadre d'un débat qui me paraît avoir été très riche, très honnête et très raisonnable. D'ailleurs, un certain nombre de ces amendements ont été adoptés par la commission. D'autres ne l'ont pas été, de justesse. Mais franchement, je crois que la plupart sont cohérents avec le texte.
    Je ne mentionnerai que deux ou trois d'entre eux, qui visent en particulier à rétablir l'équité entre les régimes d'aide fiscale accordés aux créateurs d'entreprises, aux entreprises nouvelles, et les aides qui concernent la reprise d'entreprises en difficulté au tribunal de commerce. J'espérais que cette question, que j'avais déjà évoquée lors de la discussion budgétaire, serait mentionnée dans ce texte. Elle n'y figure pas mais je vous proposerai un amendement.
    La mesure que je préfère ne coûterait pas cher. Surtout, elle me paraît juste. Il me semble normal de traiter de la même façon ceux qui créent une entreprise et ceux qui reprennent une entreprise en difficulté car, en réalité, cela correspond à une création. Sur ce sujet, comme sur d'autres que je n'ai pas évoqués, la commission a apporté beaucoup d'enrichissements.
    Monsieur le secrétaire d'Etat je suis venu à cette tribune pour vous dire, dans un esprit aussi apaisé que possible et dans le souci d'une collaboration constructive, que vous devez tenir davantage compte, que ce qui est prévu, me dit-on, de l'avis du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.
    Mme Arlette Grosskost. Monsieur le secrétaire d'Etat, dans une actualité économique et sociale difficile, votre projet de loi est une heureuse initiative pour faire de la création d'entreprise un élément moteur de la croissance et répondre ainsi aux motivations de plusieurs milliers de créateurs potentiels.
    Dans le débat qui commence aujourd'hui et qui s'est déjà engagé au sein de la commission spéciale, je souhaiterais néanmoins faire quatre remarques.
    La première - également faite par mon collègue Blanc - concerne la décentralisation. L'aménagement et le développement économique du territoire doivent s'ancrer au plus près du terrain et des réalités régionales. Ainsi, en ma qualité de conseiller régional, il me semblerait opportun, dans un souci de lisibilité et de clarification des compétences, de consacrer la région comme chef de file en matière de développement économique en lui confiant non seulement l'attribution des aides directes aux entreprises, mais également - j'y insiste - la mise en place des dispositifs financiers mobilisés localement.
    Dans cet esprit, les fonds d'investissement de proximité, destinés à financer des projets économiques locaux, apparaissent comme une initiative très intéressante puisqu'ils viennent compléter les fonds communs de placement à risques (FCPR) et les sociétés de capital risque, qui ont déjà été lancés dans certaines régions. Néanmoins, pour appuyer pleinement la logique territoriale et lui donner toute sa mesure, ne serait-il pas judicieux de permettre à l'institution régionale d'augmenter son taux de participation dans les FIP et de veiller à la cohérence de la mise en place des FIP, non seulement pour éviter une concurrence stérile sur un même territoire mais aussi pour coordonner au mieux les orientations économiques une région déterminée ?
    Ma deuxième observation a trait aux aides et aux primes. Certes, je rejoins tout à fait mes collègues qui dénoncent leur grande complexité, mais je relèverai une autre anomalie, à savoir qu'elles entrent, dans leur grande majorité, dans la base du bénéfice imposable. A ce titre, elles supportent l'impôt payé à l'Etat, même si elles ont été versées par d'autres institutions comme la région ou le département. Vous conviendrez qu'il y a là une logique un peu particulière.
    M. Maurice Giro. C'est vrai !
    Mme Arlette Grosskost. Troisième point, le taux d'usure, mal nommé au demeurant. Dans un marché du crédit aux PME très concurrentiel, force est de constater qu'un seuil de l'usure est un véritable obstacle à l'accès au crédit pour les entreprises qui se trouvent dans une phase risquée de leur développement : création, transmission ou forte croissance. La pratique m'a enseigné que les entrepreneurs, face à une telle situation, acceptent sans problème de payer leur crédit plus cher à partir du moment où la garantie personnelle est plus faible, voire inexistante, et où l'obtention du concours est assurée. Dans ce domaine aussi, ne serait-il pas judicieux de laisser aux acteurs économiques la possibilité de fixer librement le taux de crédit de chaque opération ? Je trouve néanmoins tout à fait normal de maintenir l'article 17.
    En matière d'accompagnement de proximité - et c'est mon dernier point -, nous avons la chance, avec les réseaux consulaires, de posséder une infrastructure expérimentée et dynamique qui quadrille le territoire et constitue, pour les chefs d'entreprise, un interlocuteur de proximité privilégié, source d'information, de conseil et d'accompagnement. Il me semblerait logique et nécessaire, en reconnaissant leur rôle de « porte d'entrée naturelle » de la création d'entreprise de mettre l'accent sur ces réseaux d'accompagnement qui ont fait leurs preuves, si je me fie à l'exemple alsacien, que je connais bien.
    M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure.
    Mme Arlette Grosskost. Si, comme il est raisonnable, on ajoute à l'objectif quantitatif le souci d'une pérennisation des projets, l'accueil du futur créateur d'entreprise doit permettre d'évaluer la viabilité économique de son projet.
    Pour tous ces motifs, j'insiste sur la nécessité de maintenir les centres de formalités des entreprises, les CFE, et de leur reconnaître pour la délivrance du RCE la même légitimité qu'aux greffes des tribunaux de commerce. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Éric Besson. Parlez-nous de l'ISF !
    M. Xavier de Roux. Oui !
    Mme Marylise Lebranchu. Réveillez-nous !
    M. François Brottes. Soyez offensif !
    M. Xavier de Roux. D'accord !
    M. le président. Soyez bref ! (Sourires.)
    M. Xavier de Roux. Extrêmement bref, monsieur le président.
    Je voudrais simplement m'adresser à nos amis du groupe socialiste pour leur rappeler que, depuis les nationalisations de 1981, l'entrepreneur était devenu, en France, l'ennemi de classe, taillable et corvéable à merci. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Marylise Lebranchu. Et sous le général de Gaulle ?
    M. Xavier de Roux. Nous l'avons constaté pendant des années : pour vous, seul l'Etat devait être entrepreneur. Mais au moment même où le parti socialiste décidait enfin de sauter le mur de Berlin à l'envers, il choisissait d'entrer dans le grand marché libéral européen où chacun bénéficie de la liberté de circulation des capitaux, des personnes et des biens.
    M. François Brottes. Vous étiez meilleur en commission !
    M. Xavier de Roux. On s'est ainsi trouvé très rapidement dans un système extravagant, avec une politique économique digne des Shadocks : un fiscalisme dogmatique, dont vous vous réclamiez d'ailleurs à nouveau tout à l'heure, et son corollaire, la subvention publique. D'un côté, on pompe les impôts ; de l'autre, on octroie des subventions.
    Cette étrange « pompe à phynances » n'a pas empêché les entrepreneurs d'émigrer. Ce n'est pas prouvé, avez-vous prétendu : il manque des rapports à ce sujet. Mais, ayant pratiqué le droit des entreprises durant quarante ans, j'ai malheureusement pu constater, sans l'aide d'aucun rapport, qu'un nombre considérable d'entrepreneurs avaient quitté notre pays...
    Mme Marylise Lebranchu. et ceux qui y sont entrés ?
    M. Xavier de Roux. ... emportant la richesse à Bruxelles, Londres, Genève, Luxembourg, ou ailleurs en Europe.
    M. Michel Vergnier. Ils ont la fibre nationale !
    M. Xavier de Roux. Là n'est pas la question. Il s'agit simplement de pouvoir choisir, à l'intérieur de l'Union européenne, le grand marché que nous avons construit et au sein duquel nos entreprises doivent s'épanouir, le lieu où l'on va produire et négocier.
    M. Michel Vergnier. Sont-ils allés vivre là où ils ont délocalisé ?
    M. Xavier de Roux. Là réside la contradiction de la politique que vous avez suivie pendant des années et que vous n'avez pas pu résoudre. Dès lors que vous sautiez le mur de Berlin à l'envers,...
    M. Lionnel Luca. Excellente formule !
    M. Xavier de Roux. ... il fallait quitter l'Union européenne et dresser des barrières. Mais on ne peut pas mener une politique socialiste dans un ensemble libéral.
    Mme Marylise Lebranchu. Ne soyez pas à ce point archaïque !
    M. Xavier de Roux. Je salue la décision qui a été prise, parce que vous brisez enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, un tabou. Le texte que vous défendez est beaucoup plus important pour sa valeur symbolique que pour son contenu. Il proclame qu'en France, aujourd'hui, on peut entreprendre sans complexes.
    Mme Marylise Lebranchu. Tout à fait !
    M. Xavier de Roux. Or il est essentiel d'affirmer que l'acte d'entreprendre est une activité noble, que l'on doit pouvoir exercer parce qu'elle est porteuse de richesses et d'emplois.
    Mme Marylise Lebranchu et M. Michel Vergnier. Bien sûr !
    M. Xavier de Roux. Nous sommes donc en train d'assister dans ce pays à une petite, ou plutôt à une grande révolution intellectuelle.
    Je conclurai sur l'ISF. Puisque vous me demandiez de parler, je vais le faire en répétant ce que j'ai dit en commission : pourquoi toujours s'arrêter en chemin ?
    M. Michel Vergnier. Enfin !
    M. Xavier de Roux. Pourquoi toujours faire les choses un peu, à moitié, comme si l'on avait un peu honte ? Lorsque M. Bérégovoy a décidé de plafonner l'ISF,...
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'était Michel Rocard !
    M. Xavier de Roux. ... personne n'a poussé des cris ou des hurlements.
    Mme Marylise Lebranchu. Si ! Rocard a perdu le congrès pour cette raison !
    M. Xavier de Roux. Nous connaissons tous des exemples incroyables de personnes qui sont forcées de quitter le territoire ou de réaliser leurs actifs - ce ne sont pas forcément des entrepreneurs - tout simplement parce que leurs revenus ne leur permettent pas de payer l'ISF sur des biens immobilisés. Nous avons fait la moitié du chemin. Des amendements seront déposés sur ce sujet. C'est encore un peu tabou de toucher à l'ISF, mais c'est une vraie question.
    M. Michel Vergnier. C'est sûr !
    M. Xavier de Roux. De toute façon, vous allez tellement nous critiquer,...
    M. Michel Vergnier. Tout aussi sûr !
    M. Xavier de Roux. ... pour de très mauvaises raisons d'ailleurs, qu'au fond il vaut mieux aller jusqu'au bout de la réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lionnel Luca. Très bien ! Absolument !
    M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.
    M. Philippe Martin (Marne). Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui le projet de loi sur l'initiative économique, qui vise à restaurer l'esprit entrepreneurial en France. Il affiche la volonté du Gouvernement de mener une politique économique dynamique, inspirée des réflexions des entreprises, des artisans et des commerçants.
    La France a connu au cours de ces dernières années une période de croissance soutenue que le précédent gouvernement n'a pas su mettre à profit en termes de créations d'emplois et d'entreprises. Au contraire, la loi sur les 35 heures et la multiplication des aides et des subventions ont aggravé le désintérêt à l'égard des PME. Nous ne pouvons quant à nous que regretter que 175 000 entreprises seulement se créent chaque année alors même que notre pays dispose d'un potentiel d'initiatives beaucoup plus vaste. Pourtant, de l'intention à la création, il n'y a qu'un pas, et le Gouvernement entend aider à le franchir.
    Une politique d'accès à l'entreprise est d'autant plus importante que nos voisins européens enregistrent annuellement deux fois plus de nouvelles structures économiques. De surcroît, l'importance économique des PME n'est plus à démontrer. Ainsi, les 2 250 000 entreprises de moins de dix salariés représentent 93 % de l'ensemble des entreprises, elles emploient près du quart des salariés.
    Je me félicite donc que ce projet simplifie les démarches administratives des entreprises et que le Gouvernement ait accepté l'amendement que j'avais déposé avec mon collègue Bernard Accoyer tendant à augmenter la valeur du bien familial insaisissable de 7 622 euros à 122 000 euros. J'avais déjà fait cette proposition sous la précédente législature, mais elle n'avait pas été retenue par nos collègues socialistes.
    De nombreuses dispositions du projet contribueront à faciliter l'existence quotidienne des PME, grâce à un allégement des charges sociales et à une simplification administrative poussée. De telles mesures devraient permettre une plus grande stabilité des PME et contribuer ainsi à leur développement économique. Il est aussi proposé d'étendre aux sociétés la dérogation permettant d'exercer une activité professionnelle dans une partie du local d'habitation.
    Enfin, le présent projet vise également à pérenniser les petites structures. On a constaté que les entreprises étaient vulnérables au moment de leur transmission. Or 500 000 d'entre elles vont changer de dirigeant au cours des dix prochaines années. Le Gouvernement se devait donc d'adopter des mesures tendant à faciliter la transmission d'un tel patrimoine économique. Il est ainsi prévu de relever le seuil d'exonération des plus-values professionnelles. Cette décision m'apparaît d'autant plus importante que, pour de nombreux artisans et commerçants, la plus-value de cession constitue un capital pour leur retraite, et il est légitime que ceux qui ont consacré une grande partie de leur vie à leur entreprise en perçoivent le bénéfice.
    Cependant, en ce qui concerne la transmission, certaines mesures, en matière agricole et viticole, auraient dû être intégrées dans le projet. Au moment de la loi de finances, votre collègue, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avait invités à retirer nos amendements au motif qu'ils seraient discutés lors de l'examen du projet de la loi Dutreil. Je le regrette profondément.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Vous êtes très habile !
    M. Philippe Martin (Marne). A titre d'exemple, je citerai deux points importants où vous péchez, monsieur le secrétaire d'Etat, pardonnez-moi de vous le dire.
    Premièrement, il aurait été souhaitable qu'un bien mis à la disposition, par un bail à long terme, d'une société agricole contrôlée par le cercle familial revête le caractère d'un bien professionnel, et soit à ce titre exonéré de l'ISF.
    M. Michel Vergnier. Ce sera pour la prochaine fois !
    M. Philippe Martin (Marne). Deuxièmement, l'imposition des stocks à rotation lente, en l'absence de tout flux financier, de toute vente, est une injustice à laquelle vous n'avez pas souhaité remédier.
    Malgré ces bémols, monsieur le secrétaire d'Etat, ce texte fait de vous un bon élève ! Vous êtes sur la bonne voie, mais il vous faut encore progresser pour la prospérité économique de la France.
    M. Michel Vergnier. Peut mieux faire !
    M. Philippe Martin (Marne). Voilà, monsieur le président, je n'ai pas dépassé le délai de cinq minutes.
    M. le président. Non, vous êtes en deça. Merci beaucoup, monsieur Martin.
    La parole est à M. Jean-Louis Christ.
    M. Jean-Louis Christ. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je puis vous affirmer que, dans le monde de l'artisanat, avec lequel j'ai des attaches particulières, le projet de loi pour l'initiative économique reçoit un accueil particulièrement favorable. Il répond enfin à d'anciennes attentes, régulièrement exprimées mais si peu écoutées, encore moins entendues. Et, sur de nombreux points, il propose des avancées sans précédent qui méritent d'être saluées.
    Ce texte redonne aux créateurs et aux repreneurs d'entreprises une place centrale dans l'économie nationale et, par là même, reconnaît le rôle fondamental de l'entreprise, clé de voûte de la croissance et de l'emploi. Il simplifie les démarches de création d'entreprise, il répond aux questions de sécurisation du patrimoine personnel et assure le passage du statut salarial au statut entrepreneurial. Il facilite également la reprise et la transmission d'entreprise. Il améliore l'accès aux sources de financement, notamment en appelant à la constitution de l'épargne de proximité par le biais des fonds d'investissement de proximité, en complément de prêts bancaires.
    Le dispositif législatif traite également de l'accompagnement social des projets d'entreprise, qui vise à diminuer les contraintes administratives ou fiscales de l'entrepreneur. Il instaure le récépissé de création d'entreprise, qui permettra de garantir que l'ensemble des formalités à accomplir auprès des différentes administrations ont bien été effectués. Parallèlement, il permet au créateur de retirer les fonds constitutifs du capital de la société qu'il vient de créer sans attendre son immatriculation effective. Dans le même souci de simplification, il autorise la création d'entreprise par voie informatique. Quant à la proposition de la commission spéciale visant à créer le chèque emploi-entreprise, qui tiendrait lieu de bulletin de paie et de formalité d'embauche, elle est particulièrement bienvenue pour répondre au travail saisonnier.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, les artisans, premier employeur de France, attendaient du Gouvernement une action forte et déterminée qui exprime sans ambiguïté sa volonté de soutenir et de développer leurs activités. Ils attendaient aussi un soutien permettant de stimuler l'esprit d'entreprise et de libérer les énergies.
    M. Michel Vergnier. Nous n'avons pas lu le même texte !
    M. Jean-Louis Christ. Permettez-moi d'insister sur le rôle de moteur économique et social de l'artisanat. Lieu de création de richesses, l'entreprise artisanale est totalement tournée vers la satisfaction des besoins de l'ensemble de nos concitoyens. Et ce n'est pas un hasard si elle bénéficie d'un fort capital de sympathie dans le coeur des Français. A travers leur fonction de production et de prestation de services de proximité, les métiers de l'artisanat participent très étroitement à notre qualité de vie au quotidien et assurent une cohésion sociale et territoriale essentielle.
    Pour que l'exercice de ces missions s'effectue dans les meilleures conditions, il importait que le dynamisme des artisans soit encouragé. Le projet qu'il nous est donné d'examiner répond dans ses grandes lignes à leur attente.
    Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous l'avez annoncé vous-même, ce texte ne représente que le premier volet d'un projet de réforme plus vaste sur le développement de l'entreprise. En effet, ces dispositifs de soutien seraient incomplets et perdraient de leur efficacité sans de véritables mesures pour la formation et la qualification professionnelle. Pour la formation, il serait nécessaire, soit par l'apprentissage, soit par les autres filières, de susciter un réel interêt des jeunes pour les métiers dans la perspective de carrières valorisantes. Quant à la qualification professionnelle, il conviendrait d'exiger l'acquisition de véritables compétences pour l'exercice d'activités réglementée, afin d'assurer à la fois la crédibilité de certaines professions et la protection du consommateur.
    En résumé, ce projet de loi représente une première étape très encourageante pour les artisans et augure de bonnes réformes à venir en faveur d'une nouvelle dynamique économique et de l'attractivité de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. C'est un artisan : il sait de quoi il parle !
    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy.
    Mme Geneviève Levy. Monsieur le président, comme j'ai fait des coupes claires dans le texte de mon discours, je serai très rapide.
    M. le président. Je vous en félicite d'avance, madame la députée.
    Mme Geneviève Levy. Avec le projet de loi pour l'initiative économique que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a, semble-t-il, évité des écueils en se gardant de tenir un discours incantatoire vantant les mérites de l'entreprenariat ou d'installer un énième dispositif d'aide à la création d'entreprise. Il a trouvé, je crois, la bonne voie en considérant que la facilitation des créations et des transmissions d'entreprises répondait bien à une attente des acteurs économiques, mais également que l'effort devait porter sur l'amélioration de l'environnement économique, social et juridique des entreprises, quels que soient leur taille et leur degré d'innovation.
    Ainsi, l'un des objectifs majeurs des politiques publiques en faveur de la création d'activité est bien de faciliter le passage de l'aspiration à créer à la création d'entreprise proprement dite, en ne décourageant pas les projets par des procédures lourdes, complexes, en d'autres termes dissuasives. Je ne citerai que deux dispositions qui répondent parfaitement à ces préoccupations : le report du paiement des cotisations sociales la première année et le bénéfice des aides à l'emploi et à la formation professionnelle pour le salarié créateur.
    Je ne peux que me féliciter des mesures proposées, qui ont pour but de préserver le tissu économique de nos PME-PMI, mais aussi des moyennes entreprises familiales. Permettez-moi toutefois d'espérer que, comme l'ont fait nos partenaires européens, une loi traitant de la transmission d'entreprise sous tous ses aspects - fiscaux, financiers, sociaux et juridiques - sera un jour présentée à notre assemblée.
    Ma dernière remarque portera sur l'article 6 modifiant le dispositif des articles L. 526-1 et L. 526-2 du code de commerce. Il a pour objet de protéger le patrimoine privé de l'entrepreneur individuel en lui permettant de le déclarer insaisissable. La preuve du lieu de la résidence principale ne pourra jamais, semble-t-il, résulter d'une simple inscription à la conservation des hypothèques. Sans contester les compétences légales des notaires en tant qu'officiers ministériels, je serai néanmoins critique sur la disposition qui impose au déclarant l'obligation de passer un acte notarié décrivant l'immeuble de sa résidence principale pour rendre ses droits personnels insaisissables. D'autres professions juridiques pourraient y concourir.
    Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi est encore perfectible. Je sais qu'il constitue une première étape sur la voie de la libération des entrepreneurs mais, sans attendre le deuxième texte annoncé pour la session d'automne, je voterai résolument ce projet que vous défendez avec ardeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Merci, madame, d'avoir respecté votre engagement.
    La parole est à M. Laurent Hénart, pour moins de cinq minutes...
    M. Laurent Hénart. Pour être économe du temps du débat public, je ne redirai pas toute l'importance du projet de loi qui nous est soumis. Je me contenterai de trois brèves remarques.
    Quelques mots, d'abord, à propos du débat fiscal concernant l'ISF, qui est marqué par beaucoup d'irrationalité.
    M. Maxime Gremetz. Vous n'avez pas honte ?
    M. Laurent Hénart. D'un côté, Didier Migaud formule des critiques sur la mesure relative à l'exonération des actions qui font l'objet d'un pacte de stabilité au sein de l'entreprise, critiques qui pourraient aboutir à nier son propre amendement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Exactement !
    M. Laurent Hénart. De l'autre, Charles de Courson en appelle au texte de Pierre Bérégovoy. Dans tout cela, peut-être avons-nous un sillon à suivre, celui des mesures sur l'ISF, qui concourent à consolider le financement des entreprises.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Très bien !
    M. Laurent Hénart. Je ne ferai pas d'énumération. Je rappelle seulement quelques enjeux : le premier, stabiliser le capital dans l'entreprise avec l'exonération partielle des actions ; le second, favoriser l'entrée au capital d'argent frais pour de jeunes entreprises et de jeunes PME non cotées ; le troisième, consolider le capital et le haut de bilan des PME grâce à la réduction de l'ISF sur les souscriptions de parts de FCPI et de FIP.
    La sagesse voudrait que le Gouvernement accepte les quatre amendements de la commission spéciale, que l'opposition évite de caricaturer le projet en s'en tenant au seul débat fiscal autour de l'ISF et que la majorité ne dépasse pas le cadre de ce que, finalement, le Premier ministre appelait de ses voeux, c'est-à-dire un ensemble de réformes fiscales qui, quels que soient les impôts, concourent à améliorer l'état financier des PME.
    Je rappellerai, pour conclure sur ce point, que l'ISF est loin d'être le seul impôt concerné, puisque l'IR, l'IS, la taxation des plus-values, les droits de transmission et les droits de succession entrent aussi dans le champ du projet de loi.
    M. Eric Besson. C'est exactement ce que nous avons dit !
    M. Laurent Hénart. Ma deuxième remarque portera sur l'économie du crédit. Beaucoup de mesures en ce domaine figurent déjà dans le texte, directement avec l'insaisissabilité de la résidence principale, indirectement par voie d'amendement avec la protection accrue des cautions. Mais il reste trois voies essentielles sur lesquelles nous devons progresser, en dehors de ce texte et peut-être après, en matière d'économie du crédit.
    D'abord, c'est le droit du crédit lui-même. Entre soutien abusif et rupture abusive de crédit, la construction de la jurisprudence est complexe et limite notablement l'initiative des banques que l'on a beau jeu, ensuite, de dénoncer et de stigmatiser.
    Ensuite, en matière de garantie, domaine où une politique contractuelle de l'Etat peut se développer auprès des organismes de cautionnement, beaucoup reste à faire, dans une logique souvent régionale, avec un appui des collectivités locales et des organismes qui se soucient de développement économique.
    Enfin, on peut faire aussi beaucoup pour l'autofinancement de l'entrepreneur. Il y a eu un débat intéressant sur les fonds d'épargne-logement, que l'on pourrait partiellement réinjecter. Assurément, ce n'est pas le lieu de traiter cette question, mais il faudra quand même le faire : 227 milliards d'euros, ce n'est pas rien !
    Ma troisième et dernière remarque consistera à rappeler l'importance des mesures de simplification, dont certaines ont été ajoutées par voie d'amendement, et à revenir sur le détail de l'une d'entre elles, la création du chèque emploi-entreprise, qui va être, dans l'essentiel de son aménagement, d'essence réglementaire et relèvera donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre responsabilité. Je me ferai à ce sujet l'écho d'un groupe de travail constitué d'entrepreneurs lorrains, d'experts-comptables et de socioprofessionnels, que vous avez rencontré le 14 janvier, et qui s'est depuis lors rapproché des organismes sociaux, notamment des collecteurs. Le souhait des diverses personnalités qui le composent, visiblement consensuel, est de veiller à ce que cette mesure n'aboutisse pas à la constitution d'un monopole, mais autorise une diversité de prestataires à effectuer cette prestation de service qui, n'en doutons pas, simplifiera la vie des entrepreneurs.
    J'en ai terminé, monsieur le président, et je cède la place à l'orateur suivant, qui aura lui aussi, je l'espère, un temps de parole limité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je vous félicite, monsieur Hénart.
    La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le secrétaire d'Etat, annoncé dès le 7 octobre à Lyon, votre projet de loi sur l'initiative économique suscite d'énormes espoirs dans le monde économique, notamment dans le secteur rural. Aujourd'hui, vous le soumettez à la représentation nationale au terme de longues consultations. J'aurai l'occasion d'intervenir lors de l'examen article par article, mais je tenais, avant toute chose, à vous faire part de l'intérêt que j'y attache en tant qu'élu du monde rural, mais également en tant que professionnel libéral.
    Ce projet constitue à l'évidence une nouvelle approche du secteur de l'entreprise, ainsi qu'une nouvelle étape en faveur de l'emploi. Partant de constats évidents sur le nombre de créations d'entreprises, malheureusement en baisse, sur les difficultés de tous ordres que chaque entreprise et, plus généralement, chaque entrepreneur peut rencontrer au cours de son existence - tracasseries administratives, poids des charges, problèmes de financement, difficultés de transmission et de reprise -, vous proposez un arsenal de mesures susceptibles de donner un nouveau souffle aux entreprises elles-mêmes mais également à l'esprit entrepreneurial. En cela, vous rompez avec bien des errements antérieurs, contre lesquels il faut réagir et qui nous forcent aujourd'hui à nous retrousser les manches.
    Sans vouloir m'appesantir sur les vingt-quatre mesures proposées, permettez-moi d'insister sur leurs incidences particulières dans le secteur rural, que vous connaissez bien.
    Le monde rural souffre de bien des maux et, en premier lieu, du manque de population, lié à la déprise agricole, avec pour corollaire un tissu industriel mais également artisanal et commercial qui se réduit et se délite. A n'en pas douter, les mesures de simplification, notamment l'institution d'un récépissé de création d'entreprise, vont dans le bon sens. Dans un département comme la Lozère, où il n'existe ni tribunal de commerce ni greffe de commerce permanent, vous comprendrez l'utilité d'une telle mesure en termes de gain de temps. La création d'une entreprise par Internet dans le monde rural marquera également une avancée incontestable, ainsi que la domiciliation de l'entreprise individuelle dans le local d'habitation. Permettez-moi à cet égard d'attirer votre attention sur l'impérieuse nécessité d'améliorer les conditions de la pluri-activité, ainsi que la législation sur le télétravail, pistes que je vous invite à explorer au-delà de votre projet de loi actuel, qui est certainement la première étape d'une longue marche.
    Enfin, les mesures liées au financement de l'initiative économique, avec la création de fonds d'investissement de proximité, à l'accompagnement social des projets et à la transmission des entreprises constituent des avancées incontestables dans un monde rural très fortement pénalisé. A cet égard, il m'est donné de rappeler que la Lozère a très injustement été privée de la prime d'aménagement du territoire par le précédent gouvernement...
    M. Michel Vergnier. Rétablissez-la !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. ... et que ce département compte 37 % de chefs d'entreprise de plus de cinquante ans. C'est dire l'impact qu'aura très certainement le projet de loi que vous nous soumettez.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, au-delà des mesures que je viens d'évoquer, je ne saurais trop vous recommander d'accompagner fortement les territoires ruraux en leur conférant une nouvelle attractivité. J'ai déjà eu l'occasion d'appeler votre attention sur la situation dramatique de nos campagnes, qui perdent chaque année médecins, artisans, commerçants et services publics locaux. Il est plus que jamais nécessaire de leur accorder des régimes dérogatoires du type « zones franches rurales » avec, en particulier, des aides adaptées au maintien du dernier commerce rural, afin que nos plus petites communes puissent vivre et se développer.
    Si je me permets de vous le redire en introduction à ce débat, c'est tout simplement parce que votre projet marque votre volonté personnelle de favoriser l'entreprise et par là le vrai emploi, bref un nouvel état d'esprit. Vous avez su adopter une méthode de concertation efficace en consultant plus de 4 000 acteurs et décideurs du monde économique, associatif et social. Vous avez lancé une large consultation sur la simplification administrative tant attendue, avec plus de 20 000 réponses à ce jour, et je puis vous affirmer que plus de 400 réponses proviennent de la plus petite circonscription de France, celle Marvejols, en Lozère, que j'ai l'honneur de représenter.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Très bien !
    M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je vous sais très ouvert au dialogue, ainsi qu'aux propositions des parlementaires. Au moment où le Gouvernement prépare un projet de loi sur la ruralité, une loi d'habilitation sur la simplification, une évaluation des ZRR et des TRDP, et connaissant votre volonté d'agir en faveur de l'emploi, je me devais de vous sensibiliser au devenir des zones rurales. Et je vous dis aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat : vous êtes sur le bon chemin, celui de l'emploi et de l'initiative. Continuez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Auclair.
    M. Maxime Gremetz. Alors lui, il va avoir du mal à parler ! Il faut rendre à César ce qui est à César !
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez pas la parole.
    M. Jean Auclair. Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est une évidence : tous les acteurs de l'artisanat et du commerce attendent votre loi. Chacun sait que ce sont ces petits entrepreneurs, et « petits » n'est en rien péjoratif, qui créent de l'emploi, donc de la richesse. L'artisanat, comme l'annonçait fort justement une campagne publicitaire, est bien la première entreprise de France.
    M. Maxime Gremetz. Vous savez bien que ce n'est pas vrai !
    M. Lionnel Luca. Bien sûr que si !
    M. le président. Monsieur Auclair, ne vous laissez pas interrompre !
    M. Jean Auclair. Les artisans et les commerçants sont pourtant les premières victimes des services fiscaux, de l'URSSAF ou de l'inspection du travail. Ils sont aussi victimes de sérieuses distorsions de concurrence.
    M. Maxime Gremetz. Il n'a pas de chiffres, ce sont des affirmations gratuites !
    M. le président. Monsieur Gremetz !
    M. Jean Auclair. Je vais maintenant vous faire part d'un problème sensible qui affecte les commerçants de la filière agroalimentaire, dont je me fais l'interprète aujourd'hui.
    Diverses dispositions favorisent les coopératives ou groupements de producteurs, au détriment des commerçants privés. Je respecte naturellement la position idéologique des agriculteurs qui se sont regroupés...
    M. Maxime Gremetz. Idéologique ?
    M. Daniel Poulou. M. Gremetz ignore maintenant le sens de ce mot !
    M. Jean Auclair. ... pour commercialiser directement leur production, pensant ainsi supprimer les intermédiaires. L'Etat a largement accompagné le développement des coopératives. En effet, ces structures ont bénéficié de subventions importantes, pour amortir notamment leurs frais de fonctionnement, et, parallèlement, on a assisté à une diminution considérable du nombre des commerçants qui animaient le milieu rural et participaient largement au développement économique.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, si votre loi ne met pas rapidement un terme à cette situation, la filière agroalimentaire sera bientôt monopolisée par les coopératives,...
    M. Maxime Gremetz. Non, par Bonduelle et Flodor !
    M. le président. Pas de publicité, je vous prie. (Sourires.)
    M. Jean Auclair. ... avec pour conséquence la fin de la concurrence, ô combien nécessaire pour maintenir les prix à la production.
    Hervé Gaymard s'est récemment rendu sur le marché de Rethel et a réaffirmé le rôle important des commerçants. Ces derniers sont découragés et lorsque, faute de successeur ou de repreneur, ils cessent leur activité, c'est encore la coopérative qui rachète le fonds de commerce, avec la perte de ressources qui en découle pour la collectivité, puisque les coopératives sont exonérées de 50 % de la taxe professionnelle.
    Si les coopératives rendaient un service idéal à tous, cela se saurait et tous les agriculteurs y adhéreraient.
    M. Maxime Gremetz. Il propose la soviétisation !
    M. Lionnel Luca. Au contraire : il dénonce les kolkhozes !
    M. le président. Pas de nostalgie, monsieur Gremetz ! (Sourires.)
    M. Jean Auclair. Or force est de constater que tel n'est pas le cas. En dépit des avantages considérables dont ont pu bénéficier les adhérents, la nouvelle génération d'agriculteurs préfère souvent commercialiser sa production par l'intermédiaire de commerçants rompus aux loi des marchés et soucieux de valoriser au mieux la production de leurs clients, dont leur survie dépend. L'argument qui consiste à dire qu'il est nécessaire de se grouper pour faire face aux GMS ne tient pas : dès lors que les groupements ont un afflux important de marchandises, ils sont incapables de défendre la production de leurs adhérents et ce sont eux qui, les premiers, font écrouler les prix.
    Je pense que mon intervention ne va pas laisser insensible le secteur de l'agroalimentaire, mais j'ai le courage de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
    Par ailleurs, je suis convaincu que cette distorsion de concurrence est anticommunautaire.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui êtes le ministre des entrepreneurs privés, je vais sans doute vous créer des difficultés, mais j'ai de nombreux arguments qui, je l'espère, devraient vous aider à vaincre les résistances. Remédier à cette distorsion de concurrence, ce sera une mesure de justice et d'équité. Dans notre pays, en éliminant les entrepreneurs privés, on a tué à petit feu le monde de la distribution, qui est aujourd'hui aux mains de quatre ou cinq groupes. Il ne faut surtout pas en arriver au même stade au niveau de la commercialisation des produits agricoles, car la concurrence que se livrent les commerçants privés bénéficie en premier lieu aux producteurs.
    Vous qui voulez réhabiliter l'esprit d'initiative, la valeur du travail et l'épanouissement des artisans, je vous demande d'agir rapidement, car il est trop rageant, lorsqu'on est un travailleur privé - si cher à M. Gremetz - passionné par son métier, de voir des structures aidées et perfusées à volonté, qu'elles soient en difficulté ou non, en raison d'un statut privilégié.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, votre loi est une bonne loi qui sera, j'ose l'espérer, approuvée par tous. Mais il me paraît essentiel qu'elle règle aussi ce problème de distorsion de concurrence dont je viens de vous faire part rapidement.
    M. Maxime Gremetz. Parlez-nous plutôt de l'ISF !
    M. Jean Auclair. J'aurais pu développer davantage mon propos : hélas ! je suis pris par le temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Absolument !
    La parole est à M. Jacques Briat, pour cinq minutes maximum.
    M. Jacques Briat. Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi que vous présentez contient de nombreuses mesures qui vont dans le bons sens.
    Certes, comme cela a été dit, il est toujours possible de faire mieux ; mais ce projet de loi sur l'initiative économique constitue avant tout un symbole fort de l'action du Gouvernement et du Président de la République. En effet, depuis plus de deux décennies, et depuis plus longtemps peut-être, les tenants d'une certaine idéologie...
    M. Maxime Gremetz. Laquelle ?
    M. Jacques Briat. Vous vous sentez visé ?
    ... n'ont eu de cesse de s'opposer à la logique d'entreprise et de dénoncer notre système économique.
    M. Maxime Gremetz. Ne parlez pas d'une « certaine idéologie », ça ne veut rien dire ! Parlez clair : dites laquelle !
    M. le président. Monsieur Gremetz !
    M. Jacques Briat. Cela a abouti à une véritable mise à l'index des entreprises et des entrepreneurs.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. Tout à fait !
    M. Jacques Briat. A tel point que, selon un récent sondage de la Sofres, 59 % des Français ont une mauvaise image des chefs d'entreprise, alors qu'ils n'étaient que 25 % en 1985. Cela démontre, si besoin était, le travail de sape qui a été engagé, et en partie réussi, à l'encontre de nos entrepreneurs.
    Il faut appeler un chat un chat.
    M. Maxime Gremetz. Là, on est d'accord !
    M. Jacques Briat. Cela a été dit tout à l'heure à propos du mur de Berlin : certains qui dénoncent le régime économique actuel auraient dû le modifier pendant les quinze années où ils ont été au pouvoir.
    M. Maxime Gremetz. Vous regardez dans le rétroviseur : il faut regarder devant vous !
    M. Jacques Briat. Faute de quoi ils doivent accepter les règles économiques qui ont triomphé partout au cours du siècle dernier, si l'on excepte quelques républiques exotiques, je vous l'accorde.
    M. Maxime Gremetz. Parlez-nous donc des patrons voyous !
    M. Jacques Briat. Il faut maintenant revenir aux fondamentaux, à savoir qu'il faut d'abord créer les richesses avant de penser à les redistribuer, et que seules les entreprises créent les richesses et les emplois.
    M. Maxime Gremetz. Ce ne sont pas les entreprises qui créent des richesses, mais les salariés ! Les entreprises toutes seules ne le peuvent pas !
    M. le président. Monsieur Gremetz !
    M. Jacques Briat. C'est dans ce contexte, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous présentez ce projet de loi sur l'initiative économique, qui est un symbole et traduit le message que le Gouvernement et sa majorité veulent adresser aux créateurs et aux chefs d'entreprise.
    Cela est fondamental, tant le poids des impôts et des charges, les 35 heures...
    M. Maxime Gremetz. Oh là là !
    M. Jacques Briat. ... et la loi de modernisation sociale ont désespéré la plupart des commerçants, des artisans, des professions libérales et des PME.
    M. Maxime Gremetz. Et les 130 milliards d'exonérations de cotisations patronales ?
    M. Jacques Briat. Ajoutez à cela le peu de considération et les assauts idéologiques dont ils ont fait l'objet, il ne faut pas s'étonner dès lors que la plupart de ceux qui sont à l'origine de l'amélioration de nos richesses...
    M. Maxime Gremetz. Et les stock-options ?
    M. Jacques Briat. Vous ne me ferez pas taire, monsieur Gremetz ! C'est moi qui ai la parole.
    M. le président. Ne répondez pas à M. Gremetz, monsieur Briat : continuez !
    M. Jacques Briat. ... en aient ras-le-bol d'être placés dans les pires conditions pour affronter la rude compétition économique française, européenne et mondiale.
    M. Maxime Gremetz. Quelles sont vos sources ?
    M. Jacques Briat. Ce n'est pas la Pravda, en tout cas.
    M. le président. Monsieur Briat !
    M. Jacques Briat. Pour que notre pays retrouve la place qu'il n'aurait jamais dû perdre, il fallait des signes forts. Ce projet de loi montre l'attachement de notre majorité aux plus modestes de nos entrepreneurs. C'est donc avec un réel plaisir que nous en prenons acte et que nous voterons ce texte.
    M. Maxime Gremetz. Voilà une grande nouvelle !
    M. Jacques Briat. Il marque une rupture avec une idéologie plus que séculaire,...
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    M. Jacques Briat. ... remet notre pays dans la voie de la modernité...
    M. Maxime Gremetz. Les stock-options, c'est moderne ? Et les patrons voyous, c'est moderne ?
    M. Jacques Briat. ... en prenant en compte les réalités économiques, financières et sociales.
    M. Maxime Gremetz. On n'arrête pas le progrès !
    M. Jacques Briat. Les cinq points qui constituent l'ossature de votre projet de loi répondent tous aux demandes des acteurs de la vie économique. Le coup de pouce à la création d'entreprise est indispensable si on veut rattraper le retard qu'a pris notre pays, de même qu'est nécessaire la simplification administrative et fiscale, très attendue. Les mesures visant à faciliter le financement de l'initiative économique et la transition entre le statut de salarié et celui d'entrepreneur font entrer notre pays dans la modernité.
    M. Maxime Gremetz. Ah oui ?
    M. Jacques Briat. L'accompagnement social des projets et les mesures relatives à la transmission des entreprises sécuriseront les créateurs potentiels et nous éviteront les dépôts de bilans dus à une fiscalité de la transmission exorbitante.
    M. Maxime Gremetz. On en reparlera.
    M. Jacques Briat. Toutes ces mesures n'ont qu'un but : favoriser la création,...
    M. Michel Vergnier. Ça, c'est vrai !
    M. Jacques Briat. ... la pérennité, la transmission et le développement de nos entreprises, c'est-à-dire la création d'emplois et de richesses.
    Ce ne sont ni des cadeaux aux patrons...
    M. Michel Vergnier. Si !
    M. Jacques Briat. ... ni des mesures électoralistes ou idéologiques, mais l'application du simple bon sens au monde réel de l'économie moderne, qui tranche avec certaines utopies.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Briat.
    M. Jacques Briat. Vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de vos voeux de début d'année, évoqué les « inventeurs d'emplois ».
    M. Michel Vergnier. Eh bien, nous, il ne nous a pas invités ! Pourtant, on lui a souhaité la bonne année !
    M. Jacques Briat. Je voudrais reprendre ce thème à mon compte car ce sont eux, et eux seuls, qui sont l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. la parole est à M. Emmanuel Hamelin.
    M. Maxime Gremetz. Lui, il a été calme, alors on va le laisser parler !
    M. Lionnel Luca. Mais c'est Bozo le clown ! Faites le taire !
    M. Emmanuel Hamelin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si ce débat m'a offert des motifs de satisfaction, avec des propos auxquels je souscris pleinement, j'ai aussi entendu des explications tortueuses visant à faire encore et toujours suspecter l'entrepreneur d'être un profiteur, un exploiteur, bref, un mauvais citoyen.
    M. Maxime Gremetz. C'est votre Président et votre Premier ministre qui les traitent de délinquants !
    M. Emmanuel Hamelin. A tel point que, lorsque le Premier ministre de la France se rend à l'assemblée du Mouvement des entreprises de France, cela provoque un tollé sur les bancs de l'opposition, qui n'a d'égal que le mépris que l'on y voue à ceux qui, aujourd'hui, créent des emplois.
    M. Maxime Gremetz. Vous permettez que je lise la déclaration de M. Raffarin ?
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez pas la parole !
    M. Emmanuel Hamelin. L'amalgame est facile entre l'infime minorité des entrepreneurs qui se place hors du champ de la légalité et la grande majorité des entrepreneurs, qui labourent avec courage, détermination, et au prix, parfois, de grands sacrifices. Une telle politique a depuis des années des effets désastreux sur l'image même de l'entrepreneur : « Ne dites pas à ma mère que je suis chef d'entreprise : elle me croit cadre dans une entreprise publique ! » C'est au point que, dans votre bouche, le simple mot de « patron »...
    M. Maxime Gremetz. Dans la bouche de M. Chirac ! C'est lui qui parle de « patrons voyous » ! Lisez donc M. Chirac : c'est un bon auteur !
    M. Emmanuel Hamelin. ... que vous opposez, monsieur Gremetz, à celui de « travailleur », est décliné avec dédain, suspicion, voire agressivité. Il est grand temps de valoriser dans notre pays l'esprit d'entreprise, le goût du risque, l'envie de créer et de participer au dynamisme de notre économie.
    Comment ne pas entendre, depuis des années, tous ces créateurs d'entreprise qui expriment leur sentiment d'injustice et leur frustration. Car c'est bien d'injustice qu'il s'agit quand on a travaillé toute sa vie et qu'au moindre problème on se fait saisir sa résidence principale ou qu'on est obligé de déposer le bilan à cause d'une fiscalité trop lourde au moment de la transmission de l'entreprise.
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Tout à fait !
    M. Michel Vergnier. Et quand on travaille toute une vie et qu'on se fait licencier ?
    M. Maxime Gremetz. Après avoir été payé 7 000 francs par mois !
    M. Emmanuel Hamelin. Comment ne pas entendre la frustration que ces créateurs d'entreprise expriment face à une complexité administrative pénalisante et terriblement décourageante ?
    Leur frustration, aussi, quand ils ne peuvent concrétiser un projet pourtant sérieux faute de moyens suffisants pour constituer un capital et payer les premières factures de l'URSSAF.
    Regardons autour de nous, les chiffres parlent d'eux-mêmes : les entreprises créent des emplois. Or notre pays ne crée pas d'entreprises, en tout cas pas assez en comparaison de nos voisins européens.
    M. Maxime Gremetz. On multiplie les licenciements !
    M. Emmanuel Hamelin. Combien de volontés stoppées, de rêves abandonnés et d'emplois non créés ? Combien sont allés créer leur entreprise chez nos voisins anglais parce que cela ne coûtait qu'une livre ?
    M. Maxime Gremetz. Et Whirlpool : 7 % de rentabilité exigés par les actionnaires !
    M. Emmanuel Hamelin. Comment pouvez-vous dire que ces mesures sont démagogiques ? Pourquoi ne pas faire chez nous ce qui est bien ailleurs ? Pourquoi ne pas encourager ici ce qui, à l'évidence, est bon pour l'emploi ?
    Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir, avec ce texte, préféré le bon sens à des dogmes dépassés. Les mesures que vous nous proposez, et qui visent à simplifier, à accompagner, à faciliter la création dans notre pays, redonnent espoir à ceux qui constituent aujourd'hui les forces vives de notre pays et qui seront, demain, le fer de lance de l'emploi.
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes jeune mais vous êtes déjà archaïque !
    M. Emmanuel Hamelin. Aujourd'hui, quinze millions de Français aspirent à créer leur entreprise. Ce rêve correspond à une aspiration à la liberté, à l'épanouissement professionnel, à la réussite sociale par le travail, la créativité et l'initiative. Ces valeurs, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat de les défendre dans ce projet que je soutiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Rappel au règlement

    M. le président. Monsieur Gremetz, vous m'avez demandé la parole. Avez-vous la délégation du groupe communiste ?
    M. Maxime Gremetz. Bien sûr !
    M. le président. Vous avez la parole pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Merci, monsieur le président.
    Cher monsieur Hamelin, puisque vous mettez certains mots dans ma bouche, je veux vous lire une déclaration que j'ai sous les yeux.
    M. le président. Non, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. M. Hamelin m'a accusé de...
    M. le président. Ce n'est pas rappel au règlement !
    M. Maxime Gremetz. Si, fondé sur l'article 58.
    M. le président. Si vous lisez un texte, ce n'est pas un rappel au règlement. Dites ce que vous avez à dire, mais ne lisez pas votre texte, ou je vous coupe la parole.
    M. Maxime Gremetz. Je ne suis pas le seul à dire que les patrons sont des voyous. Le Gouvernement a lui-même fustigé l'attitude de certains patrons, qualifiés tour à tour de voyous ou de pirates de l'économie.
    M. Emmanuel Hamelin. Certains patrons ! Une infime minorité !
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez plus la parole !
    M. Maxime Gremetz. Vous voyez, monsieur Hamelin, que nous avons nous aussi de bonnes lectures ! Un partout !

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.
    Mme Henriette Martinez. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous me permettrez, en cette fin de soirée, de vous raconter une tranche de vie.
    Quand la quincaillerie a fermé, c'est une partie importante de l'activité du village qui a cessé. Depuis plus de cent cinquante ans, la population rurale environnante trouvait là tout ce dont elle avait besoin fournitures et conseils. Mais le quincaillier avait soixante-quatorze ans. Depuis l'âge de quatorze ans, il tenait le magasin que son père, son grand-père, son arrière-grand-père lui avaient transmis et qui avait fait vivre sa famille pendant plusieurs générations.
    Après avoir travaillé soixante ans sans jamais prendre de congé, sans compter ni son temps, ni sa peine, c'est la mort dans l'âme qu'il a fermé son magasin, faute de repreneur. Encore aujourd'hui, six ans après, il y a un grand vide dans le village, et le quincaillier ne s'est jamais remis de cette déchirure dans sa vie.
    Ce quincaillier, c'est mon père.
    Cet exemple illustre les conséquences économiques et humaines de la non-transmission de l'entreprise familiale. Et à l'heure où vous proposez à la représentation nationale votre projet de loi pour l'initiative économique, monsieur le secrétaire d'Etat, je revendique ici la modestie de mes origines pour témoigner et pour dénoncer ceux qui vous accusent de favoriser les riches, d'encourager le capital.
    Combien de petits commerçants, d'artisans, comme mon père, ne seront jamais riches ? Combien ne demandent qu'à vivre de leur activité et de pouvoir transmettre, le moment voulu, le bien qu'ils ont acquis tout au long de leur vie ?
    Vous voulez par ce projet de loi, encourager les nouveaux créateurs, les repreneurs de petites et de très petites entreprises dans le parcours du combattant qui est le leur quand ils veulent réaliser leurs projets. Le dispositif que vous nous proposez, conjugué aux efforts réalisés localement, notamment par les plates-formes d'initiative locale, contribuera à développer dans nos zones rurales le tissu économique constitué par les très petites entreprises, les TPE, indispensables au maintien des populations et de l'activité. Conjuguées au dispositif institué par votre collègue François Fillon pour favoriser l'entrée des jeunes en entreprise, les mesures que vous nous proposez permettront un nouvel essor de l'activité économique et de l'emploi, en milieu rural notamment.
    La simplification des formalités administratives répond non pas à une simple attente, mais à la légitime exaspération d'entrepreneurs las d'être suspectés, contrôlés, harcelés par une administration dont les contraintes apparaissent plus souvent destructrices que constructives. En répondant très nombreux au questionnaire que je leur avais adressé, les chefs d'entreprise des Hautes-Alpes ont exprimé à la fois leur ras-le-bol, et la confiance qu'ils placent en vous.
    J'espère que sera adopté l'amendement que je proposerai, visant à transformer l'argent dormant des PEA en argent productif, conformément au souhait que vous avez exprimé, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que M. le Premier ministre.
    Les critiques de nos collègues de l'opposition, qui ne se sont pas illustrés en favorisant l'initiative privée ni en facilitant la vie des chefs d'entreprise, pas plus qu'ils n'ont agi pour revaloriser le travail, l'effort, la prise de risque et de responsabilité, bien au contraire, relèvent d'une idéologie dépassée, déconnectée des réalités économiques, sociales et humaines.
    Oui, les chefs d'entreprise et les futurs créateurs d'entreprise approuvent l'écoute et le pragmatisme qui sous-tendent votre projet de loi. L'esprit comme la lettre en sont bons, et nous ne doutons pas qu'il portera les fruits que nous en attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Ridant.
    M. Jean-Pierre Le Ridant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, chacun d'entre nous a pu ces derniers jours mesurer la fragilité des équilibres économiques et sociaux de notre pays dans une économie mondialisée. Force est de constater que notre avenir n'est pas dans la concentration et dans le gigantisme. Nous devons aux contraire libérer les énergies en faveur de la création, de l'innovation et de la valeur ajoutée, en valorisant la capacité d'initiative des femmes et des hommes de notre pays et en favorisant le développement de leurs projets.
    Alors qu'un tiers des Français souhaitent créer leur entreprise,...
    M. Maxime Gremetz. Ah oui ?
    M. Jean-Pierre Le Ridant. ... comment expliquer que le nombre de créations d'entreprises n'ait fait que baisser depuis dix ans, passant de 200 000 à 170 000, en dépit de la période de croissance que nous avons connue récemment ?
    M. Maxime Gremetz. C'est faux ! Leur nombre à augmenté !
    M. Jean-Pierre Le Ridant. Comment expliquer que nos voisins européens obtiennent de meilleurs résultats ? Comment expliquer enfin la disparition, chaque année, de 50 000 entreprises faute de repreneur ? Il y a là un vrai mal français auquel il nous revient de nous attaquer sans attendre.
    Tout d'abord, la complexité des procédures, la lourdeur des formalités, l'absence de financements de proximité, les difficultés liées à la transmission de l'activité, sont autant d'obstacles à la création d'entreprises.
    Les acteurs économiques de la circonscription que je représente - mais le résultat aurait été le même dans d'autres circonscriptions -, consultés sur le sujet, ont été unanimes : il faut supprimer au plus vite les freins à l'initiative économique.
    C'est pourquoi je me réjouis que, dans sa volonté de briser ces obstacles et de doter d'un cadre normatif simplifié la création et la transmission d'entreprises, le Gouvernement répondre avec pragmatisme aux attentes de nos concitoyens.
    Ce projet de loi met aussi en lumière le rapport existant entre le dynamisme de la création d'entreprises et la croissance et l'emploi. En plaçant les entreprises au coeur de la dynamique économique, en favorisant leur développement et en mobilisant l'ensemble des énergies en faveur de la création des richesses dont notre pays a besoin, il rompt avec plusieurs années d'assistanat.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Le Ridant. Dorénavant, l'Etat ne se substitue plus à l'entreprise en créant artificiellement des emplois. Il se veut un véritable partenaire à ses côtés et non plus contre elle.
    C'est donc la démarche de l'allégement fiscal, au service exclusif de l'emploi et de la croissance, qui est privilégiée, au détriment des logiques de subventions nationales, qui ont trop souvent montré leurs limites.
    L'investissement de proximité doit aussi être favorisé. En effet, il est important de mobiliser l'épargne privée présente sur le territoire, afin qu'elle bénéficie aux créateurs d'entreprises, acteurs du développement.
    En libérant de certains freins l'environnement administratif et fiscal des PME, l'Etat encourage les initiatives entrepreneuriales, individuelles ou collectives ; il libère le potentiel de développement des entreprises et favorise la transmission de ces dernières, au bénéfice de l'emploi et de la croissance.
    Mais nous devrons aussi relever à l'avenir de nouveaux défis.
    Tout d'abord, il nous faut créer une véritable dynamique de travail, afin de permettre à ceux qui le souhaitent de travailler plus, mais aussi afin d'aider ceux qui n'ont pas la chance d'avoir un emploi à en trouver un. Le travail doit devenir une force pour tous les Français.
    Ensuite, il nous faut développer l'esprit d'entreprise et encourager l'esprit de création chez les jeunes, garçons et filles, dès l'école et jusqu'à l'université. Nous ne devons pas oublier non plus les enseignants, maillon indispensable de cet apprentissage.
    A titre d'exemple, de nombreuses expériences novatrices et enregistrant un succès croissant ont été menées dans mon département afin d'immerger les enseignants et les scolaires dans le monde de l'entreprise, et ainsi les aider à mener un projet de création : je pense aux semaines de l'école-entreprise et aux opérations « basket-entreprises ».
    En effet, l'entreprise doit être perçue comme un lieu d'épanouissement, un lieu de responsabilité, où quelqu'un peut conduire son projet personnel. C'est pourquoi nous devons permettre à la personne qui a cette vocation de s'engager dans les meilleures conditions comme créateur.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de loi que vous nous avez présenté est une nouvelle étape, un geste fort qui consacre l'entreprise - notamment la PME - comme force motrice, porteuse d'avenir et indispensable à la création d'emplois, à la compétitivité et à la croissance de notre pays.
    C'est pourquoi vous pouvez compter sur mon soutien et sur celui de mes collègues, qui se sont largement prononcés en faveur de ce projet, annonciateur de textes complémentaires qui viendront en discussion dans les mois à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
    M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je tiens d'abord à remercier ceux qui ont bien voulu souligner la force et l'utilité de ce projet de loi. Je m'adresse aussi à ceux qui doutent encore, en espérant que leur compréhension de ce texte ira en s'améliorant, afin qu'ils en découvrent, au fil du débat, tout l'intérêt. Beaucoup ayant déjà été dit à ce sujet, je veux simplement saluer les interventions des trente-cinq députés qui se sont exprimés.
    Je dois ensuite rappeler que ce texte a surtout été élaboré pour les très petites entreprises, et tous ceux qui tenteraient de le gauchir de façon à faire croire qu'il ne concernerait pas l'ensemble des acteurs économiques qui font la force de nos territoires - artisans, commerçants, professions libérales, patrons de petites PME - se fourvoieraient.
    Les artisans, notamment, ont reconnu que ce projet était fait pour eux. J'ai recueilli à cet égard de nombreuses déclarations émanant tant de l'assemblée permanente des chambres de métiers, lesquelles maillent le territoire, et de l'UPA, que d'autres organisations qui ont souligné combien ce texte serait favorable aux artisans et permettrait de dynamiser l'artisanat dans notre pays. A ce propos, je veux citer deux mesures essentielles, parce qu'elles représentent de petites révolutions pour ces acteurs économiques.
    La première est la possibilité nouvelle de protéger le patrimoine individuel d'un artisan, son toit, sa maison. Vous savez sans doute que la Chancellerie était depuis très longtemps hostile à cette mesure. Malgré cela elle va entrer dans le droit ; c'est une conquête essentielle de ce texte.
    Le deuxième progrès sensible est constitué par la modification que nous apportons au régime de taxation des plus-values. En portant à 250 000 euros de chiffre d'affaires le seuil d'exonération des plus-values de cession, nous allons faire passer 83 % des cessions sous le régime de la taxation zéro. Ramener ce taux de 26 % à 0 % n'est pas une petite réforme. Cette mesure est capitale pour des commerçants, des artisans, qui, après avoir toute leur vie peiné, accumulé un patrimoine professionnel, pourront enfin, au moment où ils partiront en retraite, bénéficier pleinement du fruit de la vente de leur fonds de commerce. Au lieu de subir une taxation à 26 %, ils pourront conserver l'intégralité du fruit de leur travail, et permettre, en même temps, à des repreneurs de repartir dans de bonnes conditions économiques sans être grevés par une fiscalité confiscatoire.
    M. Hervé Novelli, président de la commission spéciale, et M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Voilà deux des mesures qui ont été inspirées tout simplement par la volonté de faire vivre l'ensemble de ces acteurs économiques partout où ils existent. La reprise, la transmission, la création, le développement des entreprises sont des actions concrètres et ce texte leur donnera corps et force. Cela devait être souligné après les interventions de quelques orateurs qui, peut-être obnubilés par le débat sur l'ISF, ont voulu détourner ce texte de sa finalité.
    Replaçons-le donc en face de ses vrais objectifs : il est fait pour l'ensemble des entreprises de notre pays, quelle que soit leur taille, mais tout particulièrement pour les très petites entreprises, dont j'ai souligné à quel point elles contribuaient au développement de l'emploi.
    Nombre d'entre vous ont insisté sur le lien entre les territoires et les entreprises. A cet égard, ce projet donnera de nouveaux outils au développement du territoire. Ainsi, les fonds d'investissement de proximité sont encore une innovation. Ils permettront de donner à deux régions, ou peut-être à trois si un amendement de la commission portant sur ce sujet était adopté, la possibilité de relier l'épargne locale aux entreprises locales. Cela est suffisamment nouveau pour que nul ne sache encore très bien comment ces fonds seront mis en place. Nous aurons peut-être à définir ensemble des règles précises, à encadrer les appels d'offres pour définir les sociétés de gestion qui devront gérer ces fonds et arrêter leurs objectifs territoriaux. En tout cas, leur vocation est large et ils devront être accompagnés par les collectivités territoriales.
    Gardons-nous cependant de confondre deux activités : l'activité bancaire, qui consiste à faire des prêts, et l'activité d'intervention en fonds propres dans les entreprises. Il s'agit de deux métiers différents. Décider que ces fonds doivent devenir des banques reviendrait probablement à signer l'arrêt de mort de ces nouveaux outils d'investissement avant même qu'ils ne naissent. A chaque vocation doit répondre un outil approprié. A cet égard, je suis tout à fait partisan du développement des prêts aux entrepreneurs individuels. En la matière, des outils existent déjà, comme le prêt à la création d'entreprise ou le prêt à la reprise d'entreprise. Ils ont été instaurés par la majorité précédente, précisément pour apporter des fonds dans de meilleures conditions à des acteurs économiques qui avaient des difficultés d'accès au crédit. Il sera donc préférable de les renforcer, de les améliorer, au lieu de détourner les nouveaux fonds d'investissement de proximité de leur vraie vocation, qui est d'entrer dans le capital des sociétés.
    Autant il est important de promouvoir la création de très petites entreprises, autant il est nécessaire de soutenir le développement d'entreprises de croissance. Or, pour cela, il faut leur apporter des fonds propres, avec des perspectives de rentabilité de l'investissement. Ne considérons donc pas les fonds d'investissement de proximité comme de purs outils de prêt, même si je demeure attentif aux propositions d'élargissement de la vocation de ces fonds qui ont été présentées.
    Je tiens également à souligner combien la simplification répond à l'attente des entrepreneurs dans notre pays. Simplifier est souvent difficile, aussi difficile que modifier la fiscalité, mais cela est absolument nécessaire. Je remercie donc la commission spéciale d'avoir été attentive à cette dimension de la création, de la transmission, du développement des entreprises qu'est la simplification.
    Je veux insister sur le fait que la fiscalité est un outil essentiel pour développer une économie. Penser, comme certains, qu'il faut tout faire pour développer les entreprises mais surtout sans toucher à la fiscalité me paraît une erreur majeure. Il est évident que lorsqu'un impôt, quel qu'il soit, est un obstacle au développement, il faut faire sauter ce verrou et essayer d'utiliser beaucoup mieux la contribution.
    En ce domaine, il y a deux façons de contribuer à l'intérêt général : par l'impôt évidemment, et c'est une contribution tout à fait respectable, mais aussi par l'investissement, par l'embauche, par la création d'entreprises, par le développement des richesses. Lorsqu'un impôt détourne les investisseurs de cette autre vocation d'intérêt général, il faut le modifier. D'ailleurs, nombreux sont ceux, non seulement à droite mais aussi à gauche, qui ont souvent demandé des modifications de la fiscalité, précisément pour libérer des énergies bloquées par une fiscalité trop souvent confiscatoire.
    Ce projet est un texte équilibré qui répond à des situations concrètes vécues par les acteurs économiques. Ces derniers ont exprimé leur volonté de changement, ils m'en ont fait part et, bien souvent, ils se sont adressés à des députés pour faire avancer leurs idées. Je me suis donc borné à les écouter, à essayer de voir comment leurs propositions pourraient être mises en forme et traduites dans notre droit. J'ai voulu rechercher un consensus, non pas minimal, mais sur une véritable réforme, comprise par les entrepreneurs, constituant un grand pas en avant, afin que le développement de notre pays puisse bénéficier au mieux de la contribution essentielle des entrepreneurs.
    J'espère que le débat que nous allons avoir permettra de faire progresser encore nos idées, nos réflexions, et d'améliorer ce texte. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI CONSTITUTIONNELLE

    M. le président. J'ai reçu, le 4 février 2003, de M. Charles Cova une proposition de loi constitutionnelle tendant à rendre obligatoire l'exercice du droit de vote.
    Cette proposition de loi constitutionnelle, n° 596, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 4 février 2003, de M. Patrick Delnatte un rapport, n° 594, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur la proposition de loi de MM. Jacques Barrot et Dominique Paillé, tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants (n° 586).
    J'ai reçu, le 4 février 2003, de M. Christian Estrosi un rapport, n° 595, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la sécurité intérieure.

4

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 31 janvier 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique.
    Ce projet de loi, n° 593, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique.
    Questions au Gouvernement (cf. note 1) .
    Discussion de la proposition de résolution, n° 503, de MM. Edouard Landrain, Christophe Priou et Jacques Barrot tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et l'évaluation de leur efficacité :
    M. Jacques Le Guen, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 569) ;
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 507, pour l'initiative économique :
    Mme Catherine Vautrin et M. Gilles Carrez, rapporteurs au nom de la commission spéciale (rapport n° 572, tomes I à III).
    A vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 5 février 2003, à une heure vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
DÉCISIONS SUR DES REQUÊTES
EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES
Communication du Conseil constitutionnel
en application de l'article LO 185 du code électoral
Décision n° 2002-2981 du 30 janvier 2003
(AN Eure-et-Loir, 3e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 3 décembre 2002, la décision, en date du 21 novembre 2002, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Patrick Hoguet, candidat élu à l'élection législative qui a eu lieu les 9 et 16 juin dans la 3e circonscription du département d'Eure-et-Loir ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Hoguet, enregistré comme ci-dessus le 23 décembre 2002 ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Le rapporteur ayant été entendu,
    1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».
    2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » ; qu'en vertu du second alinéa de l'article LO 128 du même code est inéligible pendant un an celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu'il est énoncé à l'article LO 136-1 de ce code que la Commission précitée « saisit le Conseil constitutionnel du cas de tout candidat susceptible de se voir opposer les dispositions du deuxième alinéa de l'article LO 128. Le Conseil constitutionnel constate, le cas échéant, l'inéligibilité et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, il le déclare, par la même décision, démissionnaire d'office. »
    3. Considérant que, si les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral interdisent à toute personne morale autre qu'un parti politique de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, ni ces dispositions ni aucune autre disposition applicable à l'élection des députés n'implique le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un avantage au sens de ces dispositions ; qu'il appartient à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en dernier ressort, au juge de l'élection d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte.
    4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Imprimerie Peau, à laquelle M. Hoguet avait confié la réalisation de ses affiches, circulaires et bulletins de vote, a fait bénéficier ce dernier d'« avoirs », d'un montant total de 1 307 euros, correspondant à la différence entre, d'une part, les montants attendus des remboursements par l'Etat des frais d'impression et d'affichage relatifs à la propagande électorale officielle, calculés sur la base des tarifs fixés en application des dispositions de l'article R. 39 du code électoral, et, d'autre part, les coûts réels des prestations ; que ces avoirs ont été utilisés par M. Hoguet pour financer des travaux d'impression complémentaires dans le cadre de sa campagne électorale ; que, si la société Imprimerie Peau a ultérieurement rectifié les factures adressées à la préfecture du département d'Eure-et-Loir afin de réduire à due concurrence la base du remboursement par l'Etat des frais d'impression et d'affichage, et si M. Hoguet a, de son côté, remboursé à la société les travaux financés par le montant des « avoirs » qu'elle lui avait consentis, ces régularisations ne sont intervenues qu'à la suite des demandes d'explication de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; que, eu égard à la nature de l'avantage en cause, aux conditions dans lesquelles il a été consenti ainsi qu'à son montant rapporté au total des dépenses du compte, l'irrégularité commise par M. Hoguet justifie le rejet de son compte de campagne.
    5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en application de l'article L. 136-1, de constater l'inéligibilité de M. Hoguet pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision et de le déclarer démissionnaire d'office,
                    Décide :
    Art. 1er. - M. Patrick Hoguet est déclaré inéligible pour une durée d'un an à compter du 30 janvier 2003.
    Art. 2. - M. Patrick Hoguet est déclaré démissionnaire d'office.
    Art. 3. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2759 du 30 janvier 2003
(AN, Pyrénées-Orientales, 3e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Jean-Pierre Martinez demeurant à Perpignan (Pyrénées-Orientales), enregistrée le 27 juin 2002 à la préfecture du département des Pyrénées-Orientales, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 3e circonscription du département des Pyrénées-Orientales pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu les mémoires en défense présentés par M. François Calvet, député, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 2 septembre, 5 novembre 2002 et 28 janvier 2003 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Martinez, enregistrés comme ci-dessus les 26 septembre, 12 et 18 décembre 2002 et 24 janvier 2003 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 4 décembre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 7 octobre 2002 approuvant le compte de campagne de M. Calvet ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur les griefs tirés de la violation des dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral :
     1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-1 du code électoral : « Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. - A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin... » ;
     2. Considérant que le requérant fait grief à M. Calvet d'avoir organisé, dans les mois qui ont précédé les opérations électorales, une campagne de communication à caractère publicitaire en faveur de sa candidature, en tirant parti soit de manifestations diverses telles qu'une réunion d'anciens combattants, une vente d'oeuvres d'art, un carnaval ou la présentation traditionnelle des voeux pour l'année 2002, soit de son activité de vice-président du conseil régional, dans le cadre de la promotion d'un parc naturel régional ou du classement du « petit train jaune » au patrimoine mondial de l'Unesco ; que, toutefois, il ne résulte de l'instruction ni que l'information du public à cet égard, en particulier par le journal L'Indépendant, ait comporté l'utilisation à des fins de propagande électorale d'un procédé de publicité commerciale, ni qu'elle ait pris la forme d'une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité territoriale organisée par cette dernière ;
     3. Considérant que la circonstance que M. Calvet ait répondu au questionnaire adressé à tous les candidats par une organisation « catalaniste » et que son nom ait figuré à ce titre sur le site Internet de cette organisation n'a pas davantage constitué une infraction aux dispositions précitées ;
     4. Considérant que, si, dans le numéro de mai-juin 2002 du magazine Horizons Sud, financé par la région Languedoc-Roussillon, le président du conseil régional, après avoir commenté l'élection présidentielle et la nomination du Gouvernement, a conclu son éditorial en émettant le souhait qu'une majorité soutienne la « politique nouvelle » afin qu'elle « s'inscrive dans la durée », la diffusion de ce document, rédigé en termes généraux, ne peut être regardée, par son contenu, comme une opération de promotion de la candidature de M. Calvet contrevenant aux prescriptions de l'article L. 52-1 du code électoral ;
     5. Considérant que, si le numéro de décembre 2001 de la revue La Lettre de l'environnement, publié par un organisme lié à la région Languedoc-Roussillon, comporte deux pages où figure une photographie de l'intéressé, consacrées à un entretien avec M. Calvet sur des questions d'aménagement du territoire relevant des attributions de la commission du conseil régional qu'il préside, ce document ne peut être regardé, eu égard aux thèmes abordés et à la teneur non polémique des propos tenus, comme un moyen de propagande électorale ;
            Sur les griefs tirés d'irrégularités commises pendant la campagne électorale :
     6. Considérant que, si le premier alinéa de l'article L. 49 du code électoral interdit de « distribuer ou faire distribuer, le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents », cette interdiction ne s'applique pas aux distributions effectuées pendant les jours qui précèdent celui du scrutin ; que, par suite, M. Martinez n'est pas fondé à soutenir que M. Calvet aurait méconnu les dispositions précitées en distribuant, la veille du second tour du scrutin, un tract dont il n'est pas démontré qu'il aurait introduit dans la campagne électorale un élément nouveau auquel l'adversaire de M. Calvet n'aurait pu répondre ;
     7. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale » ; que l'intervention de M. Calvet sur les questions relatives à l'aménagement du territoire en Languedoc-Roussillon ne peut être regardée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, comme revêtant un caractère électoral ; que, dès lors, le grief tiré de ce que la présence de ce document sur le site Internet de La Lettre de l'environnement aurait constitué une infraction aux prescriptions précitées n'est pas fondé ;
     8. Considérant que le grief tiré de ce que M. Calvet aurait eu recours à des agents des communes du Soler et de Perpignan pour la distribution de ses documents de propagande électorale n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
     9. Considérant qu'il est constant que, d'une part, M. Calvet a adressé le 28 mai 2002 par voie postale des lettres circulaires à certains électeurs regroupés par catégorie professionnelle et que, d'autre part, le maire de Perpignan a appelé les électeurs de la circonscription habitant sa commune à voter pour M. Calvet au moyen de lettres circulaires diffusées le 28 mai et le 13 juin 2002 ; que, si M. Martinez soutient que ces documents ont été diffusés en méconnaissance des dispositions de l'article L. 165 du code électoral, il résulte de l'instruction que les termes de ces documents n'excédaient pas les limites habituelles de la propagande électorale ; que l'adversaire de M. Calvet a pu y répondre en temps utile et qu'il a lui-même utilisé de semblables procédés ; que, dans ces conditions, les faits invoqués ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une manoeuvre susceptible d'avoir faussé les résultats du scrutin ;
    10. Considérant que ni l'organisation traditionnelle, en décembre 2001, d'un repas de Noël en faveur des personnes âgées de la commune du Soler, ni la présentation par M. Calvet de ses voeux de nouvel an à ses administrés ne révèlent l'existence d'une manoeuvre de nature à avoir affecté les résultats du scrutin ;
    11. Considérant que, si M. Martinez fait état de ce que le suppléant de M. Calvet aurait procédé à la distribution de poulets et aurait offert un méchoui à certains électeurs de la circonscription, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations ;
    12. Considérant que les affirmations de M. Martinez relatives aux pressions que M. Calvet auraient exercées sur des électeurs en utilisant ses fonctions de vice-président du conseil régional ne sont pas assorties de précisions suffisantes quant à la réalité ou à l'intensité des pressions alléguées ;
            Sur les griefs relatifs au déroulement et au dépouillement du scrutin :
    13. Considérant que le requérant fait état de ce que, en entrant dans le bureau de vote n° 41 de la commune de Perpignan, un électeur aurait proféré des injures à l'égard de l'adversaire de M. Calvet ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce comportement ait été de nature à influencer l'issue du scrutin ;
    14. Considérant que les allégations de M. Martinez relatives aux autres incidents qui auraient troublé le déroulement du second tour de scrutin ne sont étayées d'aucune preuve ;
    15. Considérant que les griefs tirés de l'irrégularité de certains votes et des conditions de dépouillement et de décompte des suffrages ne sont pas établis ;
            Sur les griefs relatifs au financement de la campagne de M. Calvet :
    En ce qui concerne la participation de personnes morales au financement de la campagne de M. Calvet :

    16. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
    17. Considérant que M. Martinez fait grief à M. Calvet d'avoir enfreint les dispositions précitées en ayant tiré profit, directement ou indirectement, pour la promotion de sa candidature, de diverses opérations de communication financées par la commune du Soler, la commune de Perpignan et la région Languedoc-Roussillon ;
    18. Considérant que, comme les années précédentes, les personnes âgées habitant Le Soler ont été conviées en décembre 2001 par le centre communal d'action sociale à un repas de Noël ; que, contrairement à ce qu'affirme le requérant, il ne résulte pas de l'instruction que cette manifestation traditionnelle ait revêtu un caractère électoral, ni par le nombre de convives, ni par les propos tenus par le maire ; que, par suite, les dépenses occasionnées ne peuvent être regardées comme ayant été exposées dans le cadre de la campagne électorale de M. Calvet ;
    19. Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il n'est pas établi que les articles de presse et les actions de communication, mis en cause au regard des articles L. 49 et L. 52-1 du code électoral, puissent être regardés comme des campagnes de promotion publicitaire ; qu'en particulier, la publication, dans le numéro de décembre 2001 de La Lettre de l'environnement, de la photographie de M. Calvet et des propos qu'il a consacrés à des questions liées à l'aménagement du territoire en Languedoc-Roussillon est dépourvue de caractère électoral ; que le requérant n'établit pas davantage que des collectivités territoriales auraient organisé la promotion de la candidature de M. Calvet ; que les allégations de M. Martinez relatives à la participation de membres du personnel des communes du Soler et de la région Languedoc-Roussillon à la campagne électorale de M. Calvet ne sont pas non plus établies ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à prétendre que M. Calvet aurait bénéficié de concours prohibés par l'article L. 52-8 du code électoral de la part des personnes morales susmentionnées ;
    20. Considérant, enfin, que, si, avant le premier et le second tour de scrutin, M. Alduy, en sa qualité de « maire-sénateur », a adressé aux électeurs de Perpignan appelés à voter dans la 3e circonscription du département des Pyrénées-Orientales des lettres circulaires, par lesquelles il les engageait à apporter leurs suffrages à M. Calvet, il n'est pas établi que le coût de réalisation et de distribution de ces lettres ait été pris en charge par la commune de Perpignan en violation de l'article L. 52-8 du code électoral ;
    En ce qui concerne le dépassement du plafond des dépenses de campagne électorale :
    21. Considérant que M. Martinez soutient que le total des dépenses électorales de M. Calvet dépasse le plafond fixé en application des dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral ;
    22. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. Martinez, les frais de réception exposés par M. Calvet figurent dans son compte de campagne ; qu'il n'est pas établi que d'autres frais de cette nature auraient été omis ;
    23. Considérant que le compte de campagne de M. Calvet a été arrêté en dépenses par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à un montant de 44 246 euros ;
    24. Considérant, ainsi qu'il a été dit en réponse aux griefs tirés de la participation de personnes morales au financement de la campagne électorale de M. Calvet, que les dépenses dont il s'agit n'avaient pas en l'espèce à figurer au compte de campagne ; qu'en admettant même que les lettres circulaires adressées par le maire de Perpignan aux électeurs résidant sur sa commune l'aient été avec l'accord de M. Calvet, le total des dépenses du compte de campagne, après réintégration du coût de réalisation et de distribution de ces lettres, resterait inférieur au plafond des dépenses fixé, conformément aux dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral, à 56 930 euros ;
    En ce qui concerne les autres griefs relatifs au compte de campagne :
    25. Considérant que les autres griefs relatifs au compte de campagne de M. Calvet ont été soulevés pour la première fois par M. Martinez dans des mémoires enregistrés après expiration du délai fixé par l'article 33 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 ; que, dès lors, ils ne sont pas recevables ;
    26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Martinez doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Jean-Pierre Martinez est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2631/2661/2696 du 30 janvier 2003
(AN, Paris, 19e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu 1° la requête n° 2002-2631 présentée par M. François Deroche, demeurant à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), enregistrée le 21 juin 2002 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 19e circonscription de Paris pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Daniel Vaillant, député, enregistré comme ci-dessus le 5 juillet 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 4 juillet 2002 ;
    Vu 2° la requête n° 2002-2661 présentée par MM. Georges Mathis et Guy Peynet, demeurant à Paris (18e arrondissement), enregistrée comme ci-dessus le 25 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Vaillant, enregistré comme ci-dessus le 12 juillet 2002 ;
    Vu le mémoire complémentaire présenté par MM. Mathis et Peynet, enregistré comme ci-dessus le 24 juillet 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 15 juillet 2002 ;
    Vu 3° la requête n° 2002-2696 présentée par Mme Roxane Decorte, demeurant à Paris (18e arrondissement), enregistrée comme ci-dessus le 26 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Vaillant, enregistré comme ci-dessus le 26 juillet 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 15 juillet 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 7 octobre 2002 approuvant le compte de campagne de M. Vaillant ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
        Sur la requête de M. Deroche :
    2. Considérant que les griefs invoqués par M. Deroche, tirés de ce que les panneaux électoraux attribués au requérant auraient été moins visibles que ceux des autres candidats, que des tracts favorables à M. Vaillant auraient été distribués la veille du scrutin et qu'un débat télévisé aurait été organisé dans des conditions n'assurant pas l'égalité entre les candidats ne sont pas assortis des précisions qui permettraient au Conseil constitutionnel d'en apprécier le bien-fondé ; que dès lors, la requête ne peut qu'être rejetée ;
        Sur la requête de MM. Mathis et Peynet :
    3. Considérant qu'aux termes de l'article LO 127 du code électoral : « Tout citoyen qui a vingt-trois ans révolus et la qualité d'électeur peut être élu à l'Assemblée nationale dans les conditions et sous les réserves énoncées aux articles suivants » ; qu'aux termes de l'article L. 2 du même code : « Sont électeurs les Françaises et les Français, âgés de dix-huit ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n'étant dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi » ; que l'article LO 160 du même code dispose que : « Est interdit l'enregistrement de la candidature d'une personne inéligible. - S'il apparaît qu'une déclaration de candidature a été déposée par une personne inéligible, le préfet doit surseoir à l'enregistrement de la candidature et saisir, dans les vingt-quatre heures, le tribunal administratif qui statue dans les trois jours. La décision du tribunal ne peut être contestée que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection... » ;
    4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, constatant que M. Mathis n'était inscrit sur aucune liste électorale et ne justifiait pas de sa qualité d'électeur, le préfet de Paris a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article LO 160 du code électoral, sursis à l'enregistrement de la déclaration de candidature de l'intéressé et saisi le tribunal administratif de Paris ; que par un jugement du 22 mai 2002 le tribunal a refusé l'enregistrement de la candidature au motif que l'intéressé n'apportait pas la preuve qu'il possédait la qualité d'électeur ; que M. Mathis et M. Peynet qui entendait être son suppléant sont recevables à contester les opérations électorales en se fondant sur l'illégalité de ce refus ;
    5. Considérant que, si la circonstance que M. Mathis n'était inscrit sur aucune liste électorale ne faisait pas par elle-même obstacle à l'enregistrement de sa déclaration de candidature, il appartenait toutefois à l'intéressé de justifier, au plus tard devant le tribunal administratif, de sa qualité d'électeur ; qu'il est constant qu'il n'a pas apporté cette justification ; que c'est par suite à bon droit que le tribunal administratif a refusé d'enregistrer sa candidature ;
    6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de MM. Mathis et Peynet doit être rejetée ;
        Sur la requête de Mme Decorte :
    7. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, juge de l'élection, de se prononcer sur la régularité des inscriptions sur la liste électorale, sauf dans le cas où il y a eu une manoeuvre susceptible de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; que, si Mme Decorte affirme que 1 623 des 30 000 lettres qu'elle avait envoyées aux électeurs de la circonscription lui ont été retournées revêtues de la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée », la circonstance que certaines indications de domicile figurant sur la liste électorale seraient erronées n'est pas, à elle seule, de nature à établir que l'inscription des électeurs concernés résulterait d'une manoeuvre frauduleuse ;
    8. Considérant que le tract que M. Sergent, candidat éliminé à l'issue du premier tour de scrutin, a fait distribuer entre les deux tours pour soutenir la candidature de M. Vaillant ne contient aucune imputation diffamatoire à l'encontre de Mme Decorte ;
    9. Considérant que, si la requérante allègue qu'une affiche de M. Vaillant était présente dans le bureau de vote n° 70, une telle circonstance, à la supposer établie, n'aurait pas été en l'espèce de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
    10. Considérant que le grief tiré de ce que M. Vaillant aurait utilisé des véhicules de fonction pour les besoins de sa campagne électorale n'est assorti d'aucun commencement de preuve ;
    11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme Decorte doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - Les requêtes de MM. François Deroche, Georges Mathis et Guy Peynet et de Mme Roxane Decorte sont rejetées.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2651/2655/2887 du 30 janvier 2003
(AN, Seine-Saint-Denis, 7e circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu 1° la requête n° 2002-2651 présentée par M. Patrick Petitjean, demeurant à Montreuil (Seine-Saint-Denis), enregistrée le 25 juin 2002 à la préfecture de Seine-Saint-Denis et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 7e circonscription du département de la Seine-Saint-Denis pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Pierre Brard, député, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 2 septembre 2002 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Petitjean, enregistrés comme ci-dessus les 7 octobre 2002 et 30 janvier 2003 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Brard, enregistrés ci-dessus les 24 octobre 2002 et 15 janvier 2003 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 16 septembre 2002 ;
    Vu 2° la requête n° 2002-2655 présentée par M. Marc Gaulin, demeurant à Montreuil (Seine-Saint-Denis), enregistrée comme ci-dessus le 25 juin 2002 et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Brard, enregistré comme ci-dessus le 2 septembre 2002 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Gaulin, enregistrés comme ci-dessus les 17 septembre et 14 novembre 2002 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Brard, enregistrés comme ci-dessus les 12 et 23 novembre 2002 ;
    Vu les observations du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, enregistrées comme ci-dessus le 16 septembre 2002 ;
    Vu 3°, enregistrée comme ci-dessus le 16 octobre 2002, la décision en date du 14 octobre 2002 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Jean-Pierre Brard, candidat élu à l'élection législative qui a eu lieu les 9 et 16 juin 2002 dans la 7e circonscription du département de la Seine-Saint-Denis ;
    Vu le mémoire en défense présenté par M. Brard, enregistré comme ci-dessus le 5 novembre 2002 ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
    1. Considérant que les requêtes susvisées et la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sont relatives aux opérations électorales qui se sont déroulées dans la même circonscription ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
        Sur le compte de campagne de M. Brard :
    En ce qui concerne la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne :
    2. Considérant que, pour rejeter par décision susvisée le compte de M. Brard, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'est fondée sur la circonstance que ce candidat avait bénéficié, de la part de la section de Montreuil du parti communiste français, de concours en nature évalués à 2 730 euros ; que ces avantages ont été regardés comme irréguliers au motif que cette section n'est pas au nombre des entités incluses dans le périmètre des comptes dudit parti ;
    3. Considérant qu'eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique, au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 susvisée, ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire, qui peut être soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
    4. Considérant que la section de Montreuil du parti communiste français n'est qu'une représentation locale de ce parti, lequel relève des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 susvisée ; que le trésorier du conseil national du parti communiste français a d'ailleurs attesté que les sections locales ne bénéficient pas d'autres ressources que celles qui leur sont versées par les associations départementales de financement mises en place par les fédérations ; qu'ainsi la participation de la section de Montreuil au financement de la campagne de M. Brard n'était pas prohibée par l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'entendre les observations orales de M. Brard, que c'est à tort que la Commission s'est fondée sur le caractère irrégulier d'une telle participation pour rejeter son compte de campagne ;
    En ce qui concerne les griefs invoqués par M. Petitjean et relatifs au financement de la campagne électorale de M. Brard :
    5. Considérant que la commune de Montreuil a financé la retransmission par un service de télévision par câble de plusieurs séances de son conseil municipal entre décembre 2001 et mai 2002 ; que, en dépit des inconvénients que présentait la mise en oeuvre d'une telle opération au cours d'une période empiétant sur celle de la campagne électorale, le principe de cette initiative avait été admis par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à la condition de ne pas lui conférer un caractère électoral ; qu'il ne résulte de l'instruction ni que cette condition ait été méconnue, ni que les débats aient été l'occasion d'une propagande en faveur de la candidature de M. Brard à l'élection législative ; que la brochure intitulée Contrat d'objectifs et de partenariat pour la réussite scolaire des enfants de Montreuil, qui a été réalisée par l'imprimerie municipale et diffusée auprès des familles des élèves de la commune au début du mois de juin 2002, concerne un accord conclu entre la commune et le ministère de l'éducation nationale ; qu'eu égard au contenu de ce document le coût de son impression ne présente pas le caractère d'une dépense exposée directement en faveur de la candidature de M. Brard à l'élection législative ; que, enfin, il résulte de l'instruction que le coût de l'impression et de la diffusion du texte du discours prononcé le 5 mai 2002 par M. Brard a été pris en charge par le mandataire financier de celui-ci et inscrit dans son compte de campagne ; qu'ainsi M. Petitjean n'est pas fondé à soutenir que M. Brard aurait bénéficié, à ces différents titres, de concours en nature émanant d'une collectivité publique, en violation de l'article L. 52-8 du code électoral ;
    6. Considérant que des affiches signées « PCF 93 » et invitant les électeurs à se mobiliser « contre la droite et l'extrême-droite » ont été placardées à Montreuil pendant le mois qui a précédé le premier tour de scrutin ; que, selon M. Petitjean, ces affiches n'ont été utilisées dans aucune autre localité du département ; que le coût de l'affichage réalisé à Montreuil doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce et eu égard au fait que M. Brard était le candidat soutenu par le Parti communiste français dans la 7e circonscription, comme une dépense exposée directement à son profit et avec son accord, au sens de l'article L. 52-12 du code électoral ; que cette dépense, qui ne figure pas dans son compte de campagne, doit y être réintégrée ; que, toutefois, alors que le montant des dépenses déclarées par l'intéressé est inférieur de 4 492 euros au plafond des dépenses électorales déterminé conformément aux dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral, il ne résulte pas de l'instruction que cette réintégration entraîne un dépassement de ce plafond ;
    7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de déclarer M. Brard inéligible ;
        Sur le déroulement de la campagne électorale :
            Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs invoqués par MM. Petitjean et Gaulin :
    8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 51 du code électoral : « Pendant toute la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. (...) Pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats » ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies versées au dossier, qu'au cours des semaines ayant précédé le premier tour de scrutin le Parti communiste français a fait placarder dans l'ensemble de la ville de Montreuil un grand nombre d'affiches invitant les électeurs à se mobiliser « contre la droite et l'extrême-droite » ; que cette violation des dispositions précitées de l'article L. 51 du code électoral a revêtu en l'espèce un caractère massif ; qu'elle s'est répétée pendant toute la période antérieure au premier tour ; qu'elle a pu avoir une incidence négative sur le nombre de voix recueillies par certains candidats, et notamment par M. Gaulin, candidat de l'Union pour la majorité présidentielle ;
    9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est établi, notamment par des constats d'huissier, que la distribution d'un tract présentant M. Knoll comme le « candidat de la droite républicaine investi par l'UDF » s'est poursuivie après le 22 mai, date à laquelle l'Union pour la démocratie française avait retiré son investiture à l'intéressé ; que, même si M. Gaulin avait eu l'occasion, au cours de la campagne électorale, d'établir qu'il bénéficiait désormais du soutien de cette formation, la diffusion d'informations inexactes s'est poursuivie jusqu'à la veille du scrutin, notamment par la distribution à cette date de l'édition locale du quotidien Le Parisien, dans laquelle figurait une liste des candidats de la 7e circonscription de la Seine-Saint-Denis comportant la mention « UDF » en regard du nom de M. Knoll ; que cette circonstance a pu induire en erreur certains électeurs ;
    10. Considérant que, à l'issue des opérations du premier tour de scrutin tenues le 9 juin 2002, il n'a manqué que deux voix à M. Gaulin pour atteindre le seuil de 12,5 % du nombre des électeurs inscrits prévu par l'article L. 162 du code électoral, et être ainsi admis à participer au second tour ; qu'eu égard à cette circonstance les faits mentionnés ci-dessus ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler les opérations électorales du premier tour et, par voie de conséquence, celles du second tour,
                    Décide :
    Art. 1er. - Il n'y a pas lieu de déclarer M. Jean-Pierre Brard inéligible.
    Art. 2. - Les opérations électorales qui ont eu lieu les 9 et 16 juin 2002 dans la 7e circonscription du département de la Seine-Saint-Denis sont annulées.
    Art. 3. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, à M. Brard, au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

Décision n° 2002-2764 du 30 janvier 2003
(AN, Réunion, 1re circonscription)

    Le Conseil constitutionnel,
    Vu la requête présentée par M. Jean-Claude Fidji demeurant à Saint-Denis (La Réunion), enregistrée le 25 juin 2002 à la préfecture du département de La Réunion et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 9 et 16 juin 2002 dans la 1re circonscription du département de La Réunion pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
    Vu les mémoires en défense présentés par M. René-Paul Victoria, député, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 27 août, 15 novembre 2002 et 2 janvier 2003 ;
    Vu les mémoires complémentaires présentés par M. Fidji, enregistrés comme ci-dessus les 4 et 31 octobre et 3 décembre 2002 ;
    Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 9 octobre 2002 approuvant le compte de campagne de M. Victoria ;
    Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
    Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
    Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;
    Vu le code électoral ;
    Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
    Le rapporteur ayant été entendu ;
            Sur les griefs relatifs au financement de la campagne de M. Victoria :
    En ce qui concerne la participation de personnes morales au financement de la campagne de M. Victoria :
    1. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
    2. Considérant que le « Rassemblement pour la République », groupement politique relevant des articles 8 et 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, a pu légalement concourir au financement de la campagne électorale de M. Victoria par l'intermédiaire d'une fédération départementale que ses instances nationales n'avaient pas dissoute et qui constituait l'une de ses représentations locales ;
    3. Considérant que figure dans le compte de campagne de M. Victoria, au titre des concours en nature, le coût d'occupation d'un local mis à la disposition du candidat durant la campagne électorale par la fédération départementale du « Rassemblement pour la République » ; que ce coût a été calculé en fonction du loyer dû par ce groupement au propriétaire de l'immeuble en vertu d'un contrat de bail conclu en 1996 et dont le montant n'apparaît pas inférieur aux montants de loyers d'autres locaux dans le même immeuble ; qu'ainsi, M. Fidji n'est pas fondé à soutenir que la société propriétaire de l'immeuble aurait consenti à M. Victoria un avantage indirect ;
    4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le coût de location, en vue de l'organisation d'une réunion publique dans le cadre de la campagne électorale, d'une « structure tendue Hall D », comprise dans le parc d'exposition géré par l'« Association dyonisienne de promotion économique », figure dans le compte de campagne de M. Victoria ; qu'il en va de même du coût des prestations annexes afférentes aux équipements mobiliers, à l'animation de cette réunion et à la restauration des participants ; que le requérant n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations relatives à une minoration de ces coûts ou à des omissions de dépenses ; qu'aucune omission ou minoration n'a été relevée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques après un examen attentif de ce poste de dépenses ; que, par suite, doit être écarté le grief tiré de ce que l'« Association dyonisienne de promotion économique », que préside M. Victoria, aurait consenti un don à ce dernier ;
    5. Considérant que le requérant n'apporte pas de preuve à l'appui de ses allégations selon lesquelles M. Victoria aurait utilisé gratuitement un fichier communal pour l'expédition de ses documents de propagande ;
    6. Considérant que n'ont revêtu un caractère électoral ni le « déjeuner champêtre » que le conseil de la communauté intercommunale du Nord, présidé par M. Victoria, a offert le 30 mai 2002 au personnel de cet établissement public de coopération intercommunale, ni la journée récréative traditionnellement organisée en faveur du personnel de la commune de Saint-Denis par le comité d'action sociale du personnel communal à l'occasion de la fête des mères et à laquelle M. Victoria a participé en sa qualité de maire de la commune, ni les manifestations, auxquelles ce dernier s'est rendu en cette même qualité les 1er et 5 juin 2002 à l'occasion du changement de nom d'une école et pour la mise en place dans un quartier d'une benne destinée au ramassage des emballages de verre ; que ces opérations ne peuvent, dès lors, être regardées comme des concours en nature d'une personne morale prohibés par les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral ;
    7. Considérant que les éditions du bulletin municipal Mieux vivre à Saint-Denis diffusées pendant la période mentionnée à l'article L. 52-4 du code électoral, y compris l'édition spéciale consacrée aux dégâts causés par le passage d'un cyclone, ne peuvent être regardées, par leur contenu, comme concourant à la promotion de la candidature de M. Victoria à l'élection législative et, par suite, comme un avantage consenti par une personne morale à ce dernier dans le cadre de sa campagne ;
    8. Considérant que le grief tiré de l'utilisation, pour l'illustration du journal de campagne du candidat élu, de clichés photographiques appartenant à une collectivité publique a été invoqué pour la première fois par M. Fidji dans un mémoire en réplique enregistré le 4 octobre 2002 ; qu'il constitue un grief nouveau présenté après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; qu'il est, par suite, irrecevable ;
    9. Considérant que le requérant soutient que des agents de la commune de Saint-Denis, dont M. Victoria est le maire, ou de la communauté intercommunale du Nord, dont il préside le conseil, auraient participé à sa campagne électorale dans l'exercice de leurs fonctions publiques ; que, toutefois, est seule établie la participation du directeur du cabinet du maire de Saint-Denis, qui a accompagné à plusieurs reprises M. Victoria, agissant en tant que candidat, dans ses déplacements auprès des électeurs ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cet agent public a concouru à la campagne électorale du candidat alors qu'il bénéficiait d'autorisations d'absence au titre des jours de récupération qui lui étaient dus par la mairie ;
    En ce qui concerne les dépenses de campagne électorale :
    10. Considérant que M. Fidji soutient que le total des dépenses électorales réellement engagées par M. Victoria ou pour son compte en vue de son élection dépasserait le plafond fixé en application des dispositions de l'article L. 52-11 du code électoral ;
    11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit en réponse aux griefs tirés de la participation de personnes morales au financement de la campagne électorale de M. Victoria, les dépenses dont il s'agit n'avaient pas, en l'espèce, à figurer au compte de campagne ;
    12. Considérant que, selon M. Fidji, les coûts d'impression de divers documents diffusés par M. Victoria en vue de l'élection n'auraient pas été facturés et portés au compte de campagne pour leur montant réel ; que le requérant fait valoir, en particulier, que le journal électoral du candidat élu aurait été tiré à 50 000 exemplaires, alors que figure sur la facture de l'imprimeur le coût d'un tirage à 35 000 exemplaires ; que, toutefois, M. Fidji n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses affirmations relatives à la minoration des dépenses d'imprimerie ; qu'une telle minoration, qui n'a pas été relevée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ne résulte pas de l'instruction ;
    13. Considérant que, si M. Fidji soutient qu'auraient été omises des dépenses de campagne exposées par M. Victoria ou pour son compte avant que celui-ci n'annonce sa candidature, il ne produit aucun élément probant à l'appui de ses allégations ;
    En ce qui concerne la mandataire financière de M. Victoria :
    14. Considérant que les factures annexées au compte de campagne de M. Victoria ont été émises au nom de sa mandataire financière, Mme Lebon, et réglées par celles-ci ; que les allégations du requérant relatives au caractère fictif de la fonction de mandataire financier exercée par Mme Lebon ne sont pas fondées ;
            Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :
    15. Considérant que ni le fait d'avoir fait imprimer la mention « République française » sur ses bulletins de vote, ni celui d'avoir utilisé, pour la confection de ses affiches et documents de propagande électorale, un agencement de diverses couleurs comprenant, parmi d'autres, le blanc, le bleu et le rouge, ni celui, enfin, de se référer aux orientations politiques définies par le Président de la République ne peuvent être regardés comme ayant eu pour effet de conférer un caractère officiel à la candidature de M. Victoria ou ayant constitué une pression sur les électeurs ;
    16. Considérant qu'il n'est pas établi que l'agression dont a été victime l'adversaire de M. Victoria au second tour du scrutin ait été en relation avec la campagne électorale du candidat élu ;
    17. Considérant que, si M. Fidji affirme que M. Victoria aurait favorisé des recrutements de personnels par la communauté intercommunale du Nord en vue d'influencer le choix des électeurs, il n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de ses allégations ; que ne saurait, à cet égard, être retenu comme constitutive de la manoeuvre prêtée à M. Victoria l'engagement d'une personne ayant des liens de parenté avec la mandataire financière du candidat élu ;
    18. Considérant que le requérant ne saurait invoquer utilement des irrégularités qui auraient, selon lui, entaché le déroulement du premier tour de scrutin dès lors qu'il n'est même pas soutenu que les faits allégués auraient été de nature à modifier l'ordre de préférence exprimé par les électeurs et, par voie de conséquence, les conditions de déroulement du second tour ;
            Sur le grief relatif à la composition des bureaux de vote :
    19. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 43 du code électoral : « Les bureaux de vote sont présidés par les maires, adjoints et conseillers municipaux dans l'ordre du tableau. A leur défaut, les présidents sont désignés par le maire parmi les électeurs de la commune » ;
    20. Considérant qu'une conseillère municipale a fait savoir au maire de Saint-Denis, le 12 juin 2002, qu'elle souhaitait exercer son droit de présider un bureau de vote pour le second tour des élections législatives qui devait avoir lieu quatre jours plus tard ; que, si le maire de Saint-Denis avait demandé avant le premier tour aux adjoints et conseillers municipaux de lui faire connaître leurs disponibilités en vue d'attribuer les présidences des bureaux de vote et pris ses dispositions pour l'organisation des opérations électorales compte tenu des réponses qu'il avait reçues, il ne pouvait, sans méconnaître les prescriptions de l'article R. 43, rejeter une demande de présidence de bureau de vote émanant d'une conseillère municipale et présentée en temps utile avant la date du second tour de scrutin au motif que cette conseillère municipale ne l'avait pas informé de son intention auparavant ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité ait constitué une manoeuvre ayant pour objet ou pour effet de favoriser des fraudes dans le déroulement du scrutin ;
    21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête susvisée doit être rejetée,
                    Décide :
    Art. 1er. - La requête de M. Jean-Claude Fidji est rejetée.
    Art. 2. - La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 30 janvier 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.

MODIFICATIONS
À LA COMPOSITION DES GROUPES
(Journal officiel, Lois et décrets, du 4 février 2003)
GROUPE DE L'UNION POUR LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
(351 membres au lieu de 352)

    Supprimer le nom de M. Patrick Hoguet.

GROUPE DES DÉPUTÉ-E-S COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS
(21 membres au lieu de 22)

    Supprimer le nom de M. Jean-Pierre Brard.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE
(15 au lieu de 13)

    Ajouter les noms de Mme Annick Lepetit et M. Georges Mothron.

(Journal officiel, Lois et décrets, du 5 février 2003)
GROUPE DE L'UNION POUR LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE
(352 membres au lieu de 351)

    Ajouter le nom de M. Georges Mothron.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE
(14 au lieu de 15)

    Supprimer le nom de M. Georges Mothron.

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmission

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale le texte suivant :

Communication du 3 février 2003

E 2195. - Proposition de règlement du Conseil sur les mesures que la Communauté peut prendre en regard de l'effet combiné des mesures antidumping ou compensatoires et des mesures de sauvegarde.

NOTE (S) :

(1) Les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.