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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 26 FÉVRIER 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 25 février 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

SITUATION ÉCONOMIQUE «...»

MM. Philippe Martin (Gers), Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

GIAT INDUSTRIES «...»

M. François Rochebloine, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE «...»

Mme Muguette Jacquaint, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

LAÏCITÉ ET ISLAM «...»

MM. Jean Leonetti, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

SÉCURITÉ DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES «...»

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

GYNÉCOLOGIE MÉDICALE «...»

Mme Geneviève Levy, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES «...»

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

JEUNES FEMMES DES CITÉS «...»

Mmes Marie-Jo Zimmermann, Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

TRAVAIL D'INTÉRÊT GÉNÉRAL «...»

Mme Arlette Grosskost, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

DÉLOCALISATION DU CNDP «...»

MM. Christian Bataille, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

POLITIQUE FAMILIALE «...»

MM. Jacques Le Guen, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

PERMANENCE DES SOINS MÉDICAUX «...»

MM. Léon Vachet, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

OGM «...»

M. Yves Cochet, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

Fait personnel «...»

M. Henri Emmanuelli.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

2.  Economie numérique. - Discussion d'un projet de loi «...».
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Mme Michèle Tabarot, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Alfred Trassy-Paillogues,
Alain Gouriou,
Yvan Lachaud,
Mme
Marcelle Ramonet,
MM.
Christian Paul,
Patrice Martin-Lalande,
Pierre Cohen,
Emmanuel Hamelin,
François Brottes,
Jean-Yves Le Déaut,
Alain Joyandet,
Patrick Bloche,
Jean-Paul Charié,
Yves Simon.
Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Christian Paul, le rapporteur, Alfred TrassyPaillogues, François Brottes, Yvan Lachaud. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

SITUATION ÉCONOMIQUE

    M. le président. La parole est à M. Philippe Martin.
    M. Philippe Martin (Gers). Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    Le 15 octobre 2002, au moment d'aborder la discussion budgétaire, je vous avais interrogé, monsieur le ministre, sur la crédibilité d'un débat fondé sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, hypothèse dont le Premier ministre avait publiquement fait son ambition.
    A l'époque, nous disions, avec la plupart des observateurs économiques, qu'un tel aveuglement conduirait nécessairement à des révisions déchirantes, dont les Français seraient les premières victimes. Mais vous avez balayé cet argument en trois phrases et dit votre assurance d'une telle croissance en 2003.
    Depuis lors, de cadeaux fiscaux aux plus riches en augmentations des tarifs publics et des carburants pour tous les autres, de plans sociaux en remontées du chômage, d'annulations de crédits en dégradations de nos finances publiques, votre politique économique, si l'on peut encore l'appeler ainsi, navigue à vue et vous contraint à admettre aujourd'hui ce que nous disions déjà il y a quatre mois.
    Pour expliquer ce revirement, j'imagine déjà que vous nous parlerez de la dégradation de l'environnement international, et vous nous servirez sans doute le couplet habituel sur le poids de l'héritage, figure incontournable de la rhétorique gouvernementale. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Autant vous le dire, monsieur le ministre, ce sera un peu court, car les Français commencent à comprendre et à s'interroger sur un gouvernement qui s'exonère un peu facilement de ses propres responsabilités, en faisant de la compassion son mode de communication et de la crise internationale son excuse universelle. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    Avec nous, les Français vous demandent quand vous leur direz enfin la vérité sur la situation économique du pays, quand le Parlement sera saisi d'un « correctif budgétaire » que votre imprévoyance et vos largesses à l'égard des plus favorisés semblent rendre chaque jour plus inéluctable (Même mouvement) et quand vous nous donnerez l'occasion de vous aider à faire de bonnes économies, par exemple en annulant les baisses injustes et inefficaces de l'impôt sur le revenu des privilégiés et de l'impôt sur la fortune. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, quand nous avons arrêté nos prévisions de croissance économique au mois d'août, sur la base d'un consensus partagé par la plupart des économistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste,...)
    M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... nous avons pris la décision, en toute connaissance de cause, d'afficher un taux de 2,5 %. Un mois plus tard, lorsque nous avons échangé sur ce sujet, ni vous ni moi ne savions comment allait évoluer la situation économique internationale.
    M. Augustin Bonrepaux. Si, nous le savions et nous vous l'avons dit !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dès que nous avons constaté que cette évolution retardait le moment où l'économie mondiale repartirait, nous avons eu l'honnêteté et la transparence,...
    M. Augustin Bonrepaux. Sûrement pas !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... dans cet hémicycle ainsi qu'au Sénat, d'indiquer que nos prévisions pour la fin de l'année étaient moins bonnes que nous ne l'imaginions initialement et nous en avons tiré les conséquences sur le budget de 2003.
    Comme vous le savez, la situation internationale reste incertaine et, compte tenu du temps nécessaire pour lever cette incertitude - de manière pacifique, nous l'espérons - nous sommes conduits à penser que l'hypothèse de croissance de 2,5 % pour 2003 n'est plus réaliste.
    Nous ne savons pas quelles seront, sur le plan budgétaire, les conséquences de ce ralentissement. En effet, suivant sa nature, suivant qu'il s'applique aux exportations, aux investissements ou à la consommation des ménages, le ralentissement de la croissance a des conséquences différentes sur l'équilibre budgétaire et l'évolution des finances publiques.
    Fin mars, après avoir étudié plus en détail les différents paramètres qui définissent la croissance et son contenu, nous serons, comme d'habitude, en mesure de réviser nos prévisions et d'en tirer les conséquences. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mais puis-je vous rappeler, monsieur le député, que la situation économique de notre pays reste bonne ? (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Puis-je vous indiquer que la consommation des ménages reste soutenue ? (Protestations sur les mêmes bancs.) Puis-je vous préciser que l'inflation est en baisse puisque, sur douze mois, elle s'établit à 2 % seulement fin janvier ?
    M. Michel Lefait. C'est l'héritage ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Puis-je enfin vous confirmer que les éléments de politique économique que nous mettons en oeuvre depuis neuf mois ont pour objectif de réussir sur une durée de cinq ans et non pas en une seule année ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

GIAT INDUSTRIES

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe UDF.
    M. François Rochebloine. Madame la ministre de la défense, depuis plusieurs semaines, les rumeurs aidant, l'opinion publique est préparée à l'annonce imminente de plans sociaux très durs dans le secteur de la défense, et le fait que vous ayez rencontré la plupart des élus des sites concernés ne l'a pas démenti. L'objet de ma question concerne, vous l'aurez compris, le groupe GIAT Industries et l'avenir de l'armement terrestre, secteur dont la loi de programmation militaire ne garantit pas, hélas, c'est le moins qu'on puisse dire, une quelconque pérennité.
    On doit reconnaître que vous héritez d'une situation singulièrement difficile, aucun des gouvernements successifs n'ayant pris les décisions qui s'imposaient, comme l'a fort bien démontré le rapport parlementaire d'Yves Fromion et Jean Diébold. Leurs conclusions sont claires : GIAT a un avenir pour peu qu'on lui confie de la charge et, en premier lieu, le maintien en conditions opérationnelles des matériels des armées.
    Alors qu'il vous faut rendre des arbitrages de nature politique, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que les décisions qui seront prises ne porteront pas un coup fatal à l'armement terrestre français, l'Europe de la défense n'étant, hélas, que balbutiante ?
    Pourrez-vous nous convaincre que ces mêmes décisions ne conduiront pas à sacrifier les compétences et les nombreux savoir-faire au nom de choix conjoncturels très hasardeux ?
    Sur ce dossier, l'Etat doit assumer l'ensemble de ses responsabilités. J'ajoute qu'il doit faire preuve d'exemplarité tant au plan industriel qu'au plan social. Tel est le sens du voeu adopté à l'unanimité par le conseil général de la Loire.
    C'est donc avec une extrême gravité que j'attire votre attention sur ce que seraient les conséquences de restructurations lourdes et brutales, restructurations qui ne conduiraient en fait qu'au démantèlement de l'outil industriel, nous rendant ainsi entièrement dépendants des groupes étrangers, ce que nous ne saurions accepter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, les personnels de GIAT ont subi cinq restructurations et cinq plans sociaux successifs, sans que soit apportée pour autant une solution définitive puisque l'entreprise est aujourd'hui très fortement endettée au moment où se termine la fabrication du char Leclerc.
    C'est pour tenir compte de ces données que j'ai souhaité, très en amont des décisions, recevoir l'ensemble des élus concernés pour procéder avec eux à l'analyse de la situation et examiner les perspectives. Le voeu du conseil général de la Loire, tout comme l'excellent rapport de M. Fromion et M. Diébold, seront pris en compte dans la décision. Celle-ci, comme le veut la loi, sera d'abord présentée par le président du groupe aux représentants des personnels, et personne ne peut se prévaloir d'informations privilégiées en la matière.
    En ce qui concerne GIAT, le Gouvernement, tenant compte des savoir-faire et également des exigences stratégiques, souhaite garder une industrie de l'armement terrestre, mais il est essentiel que cette industrie soit viable. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux responsables du groupe, premièrement, de présenter un projet industriel qui soit, cette fois, un projet sérieux, c'est-à-dire à long terme ; deuxièmement, de prendre en compte toutes les situations du personnel de manière individuelle et non par établissement, afin de proposer une solution à chacun ; enfin, d'élaborer leurs propositions dans un souci d'aménagement du territoire. Ces trois principes répondent aux préoccupations des élus locaux et je m'en félicite. (Applaudissements plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Muguette Jacquaint. Cessez de vous cacher derrière l'héritage, monsieur le Premier ministre ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est votre politique qui amplifie l'augmentation du chômage, la baisse significative de la croissance, la multiplication des plans sociaux avec leurs conséquences sociales de plus en plus lourdes, le dérapage inquiétant des comptes de la sécurité sociale. (« Non ! C'est l'héritage ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    N'invoquez pas seulement la situation internationale et la menace qui pèse sur l'Irak pour justifier ces mauvais résultats, car ce sont bel et bien vos choix qui minent notre économie. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    C'est la baisse ciblée d'impôt en direction des plus fortunés avec l'allègement de l'ISF, alors que nous savons que cet argent ne sera pas réinvesti dans la croissance.
    C'est le feu vert donné au patronat pour les licenciements : Metaleurop, Pechiney, Air Lib...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est la faute à Gayssot !
    Mme Muguette Jacquaint. ... et même Aventis, qui laisse tomber la recherche.
    C'est le refus d'apporter des financements nouveaux pour la sécurité sociale et l'hôpital, et la poursuite des exonérations de cotisations patronales sans effet pour l'emploi : nous le voyons bien aujourd'hui. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    C'est l'absence de soutien à la consommation populaire avec le refus de baisser les impôts des familles les plus modestes et la TVA sur les produits de première nécessité. Aujourd'hui, certains membres de votre gouvernement annoncent doucement mais sûrement la rigueur et l'arrêt des dépenses sociales.
    C'est la réforme de la sécurité sociale, qui mettra toujours plus à contribution les assurés pour une moindre couverture. Et je n'oublie pas l'APA, dont le coût sera encore plus lourd pour les familles.
    M. Lionnel Luca. La question !
    Mme Muguette Jacquaint. C'est le report à la mi-mars de la conférence sur l'emploi qui devait être le temps fort de la politique du Gouvernement pour lutter contre les licenciements.
    Monsieur le Premier ministre, voilà la réalité de vos actes et de vos objectifs. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Voilà aussi pourquoi le groupe communiste et républicain a censuré votre gouvernement.
    M. le président. Madame Jacquaint, auriez-vous l'amabilité de conclure ? (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je n'ai pas besoin de votre aide ! (Murmures sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le Premier ministre, qu'allez-vous faire des promesses du Président de la République pour la baisse des impôts, pour le retour du plein emploi et pour la réduction des inégalités sociales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, Mme Jacquaint, avec le talent qu'on lui connaît, vient de nous expliquer que le chômage augmentait depuis deux ans en raison de la politique menée par le gouvernement de Jean-Pierre-Raffarin depuis neuf mois ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Nul !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La vérité, madame Jacquaint, vous la connaissez : c'est que l'emploi dans notre pays souffre de graves handicaps, des handicaps structurels que vous et vos amis n'avez pas cherché à réduire et que, pour certains d'entre eux, vous avez même aggravés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La conférence pour l'emploi que le Premier ministre m'a demandé d'organiser et qui va se tenir, vous-même l'avez annoncé, à la mi-mars, aura pour objectif de rassembler les partenaires sociaux autour de quatre sujets qui correspondent, précisément, à ces handicaps structurels.
    Premièrement, pourquoi avons-nous le chômage des jeunes le plus fort de tous les pays européens ? C'est une situation dont on ne saurait se satisfaire, d'autant moins que le succès des contrats-jeunes - plus de 50 000 aujourd'hui - montre que l'on peut modifier le cours des choses.
    M. Patrick Lemasle. N'importe quoi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Deuxièmement, nous allons mettre à l'ordre du jour de cette conférence l'amélioration du taux d'activité. Là encore, nous nous rangeons parmi les pays européens qui ont le plus mauvais taux d'activité des salariés au-delà de cinquante ans.
    M. Michel Delebarre. Nous vous demandons ce que vous faites !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Troisième point de l'ordre du jour : le parcours vers l'emploi des personnes les plus en difficulté. Il s'agit d'activer le traitement social du chômage.
    Enfin, cette conférence aura pour objectif de mettre en place l'assurance emploi, qui est en définitive la seule véritable sécurité qu'on puisse offrir aux salariés, dans une société ouverte, face aux restructurations industrielles.
    Madame Jacquaint, je vous invite à réfléchir aux raisons pour lesquelles notre pays résiste si difficilement aux moindres mouvements de la conjoncture internationale. (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste.) La véritable cause, vous le savez, c'est que la politique menée pendant cinq ans a été construite autour de la sphère publique, contre la sphère privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Roman. Nous avons créé deux millions d'emplois !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle a de plus été élaborée sans concertation avec les partenaires sociaux.
    Eh bien, nous avons décidé de rompre avec cette politique, et la conférence pour l'emploi nous en donnera l'occasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

LAÏCITÉ ET ISLAM

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Leonetti, pour le groupe UMP.
    M. Jean Leonetti. Monsieur le ministre de l'intérieur, dans quelques semaines, le Conseil du culte musulman va se mettre en place. Chacun peut se réjouir, dans ce pays, que l'islam s'organise de manière démocratique et transparente. Mais à cette occasion, certains s'interrogent sur l'opportunité pour l'Etat d'intervenir plus directement soit dans l'organisation, soit dans la construction de lieux de culte, remettant en cause la laïcité. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La France est une république laïque. La laïcité n'est pas un état d'esprit antireligieux, c'est au contraire une neutralité bienveillante à l'égard de toutes les religions et de toutes les convictions. La laïcité, c'est la base de la tolérance, du respect de l'autre et de ses convictions. Elle correspond aux valeurs de la République et à la tradition humaniste de la France. Elle constitue certainement le meilleur atout pour l'intégration des populations étrangères et le meilleur rempart contre l'intégrisme. Elle favorise la citoyenneté et permet de lutter contre le communautarisme et le repli identitaire. La laïcité, c'est le ciment de notre république. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe socialiste.)
    Un certain nombre de Français s'inquiètent donc de voir remise en cause la loi du 9 décembre 1905 instaurant la séparation des églises et de l'Etat. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la réponse du Gouvernement est sans ambiguïté : il n'y aura pas de modification de la loi de 1905. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe socialiste.) De ce côté-là, inutile de créer une polémique qui n'a pas lieu d'être.
    Il n'est pas inutile, en revanche, de rappeler ce que dit la loi de 1905, à savoir que la République garantit l'exercice des cultes sans en privilégier aucun. Sa traduction républicaine est donc simple : il n'y a pas de citoyens de seconde zone qui seraient les musulmans et qui n'auraient pas le droit de vivre leur foi comme tous les autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Affirmer, pour les cinq millions de musulmans français, le droit de vivre sa foi de façon républicaine dans un Etat laïque, c'est prendre le pari de l'intégration et c'est mettre nos compatriotes musulmans à égalité avec nos compatriotes catholiques, prostestants ou juifs.
    Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à tous les ministres de l'intérieur qui m'ont précédé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Profitez-en car cela ne reviendra pas ! (Rires.)
    Ils ont tout fait pour construire le Conseil français du culte musulman : M. Joxe, M. Chevènement, M. Vaillant, mais aussi M. Pasqua et M. Debré. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Tous ont contribué au succès que nous avons obtenu dimanche avec le Premier ministre en recevant l'ensemble des représentants du culte musulman.
    Les 6 et 13 avril prochains, 1 020 lieux de culte et 4 000 délégués vont donc élire les deux tiers du Conseil français du culte musulman. Dans la situation internationale d'aujourd'hui, vous me permettrez de dire que c'est une bonne nouvelle pour nos compatriotes musulmans, pour la France et pour la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialise.)

SÉCURITÉ
DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

    M. le président. La parole est à Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, pour le groupe UMP.
    Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud. Monsieur le garde des sceaux, l'administration pénitentiaire a connu, ces derniers temps, plusieurs événements graves qui ont affecté la sécurité dans les prisons. Le 12 février dernier, en effet, une importante tentative d'évasion s'est déroulée à la maison centrale de Moulins dans l'Allier. De dangereux individus n'ont pas hésité à utiliser des substances explosives ainsi qu'une arme de poing, et à prendre des otages. Mais grâce à l'intervention décisive du personnel de l'établissement, leur entreprise a heureusement échoué. Une semaine plus tard, une mutinerie s'est déclenchée à la maison centrale de Clairvaux dans l'Aube.
    Ces événements récents mettent en lumière la nécessité de renforcer davantage encore la sécurité dans les établissements pénitentiaires. Quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour assurer une plus grande sécurité des personnels, notamment dans les maisons centrales ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, je tiens tout d'abord à m'associer à vos propos et à rendre hommage au courage et au professionnalisme des surveillants de ces deux établissements qui, confrontés à une situation difficile, ont permis de rétablir l'ordre, avec l'aide de la police et de la gendarmerie s'agissant de Clairvaux.
    Concernant les mesures à prendre, je rappellerai qu'en votant la loi d'orientation sur la justice, vous avez d'ores et déjà approuvé un certain nombre de dispositions comme l'interdiction du téléphone portable et son brouillage ou la mise en place des tunnels à rayons X ou encore de filins anti-hélicoptères, qui permettent de sécuriser les établissements. En outre, dans le cadre du budget 2003, vous avez également adopté un programme spécial de renforcement de la sécurité dans les établissements qui en ont le plus besoin, et il est dans sa phase de mise en oeuvre.
    Par ailleurs, j'ai engagé un effort considérable de recrutement : 2 000 surveillants de prison supplémentaires vont ainsi être recrutés au cours de l'année 2003.
    Enfin, j'ai annoncé il y a quelques jours la mise en place d'équipes régionales d'intervention et de sécurité qui permettront, dans les établissements où cela s'avère nécessaire, de faire intervenir un certain nombre d'agents de l'administration pénitentiaire recrutés, choisis et formés à cette fin pour renforcer les équipes et faire face ainsi à des situations de tension sans recourir aux forces extérieures de la police et de la gendarmerie. Ces ERIS seront mises en place dans chacune des neuf régions pénitentiaires et seront composées d'une vingtaine d'agents, particulièrement expérimentés et formés. Ce dispositif permettra de renforcer la sécurité des personnels de nos établissements.
    Pour conclure, je précise que Moulins et Clairvaux ne connaissent pas une situation de surpopulation carcérale, le taux de 100 % d'occupation n'étant pas atteint dans ces deux établissements. Ils sont confrontés au même phénomène de montée de la violence que nous constatons à l'extérieur des prisons. Il est donc nécessaire de prendre l'ensemble des mesures que j'ai rappelées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

GYNÉCOLOGIE MÉDICALE

    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe UMP.
    Mme Geneviève Levy. Monsieur le ministre de la santé, en posant ma question, je voudrais vous faire part de l'inquiétude de nombreuses femmes rencontrées dans ma circonscription, mais aussi de celle des praticiens gynécologues médicaux.
    La loi du 4 mars 2002 a recréé la spécialité de gynécologie médicale, répondant en cela à un besoin reconnu. Un arrêté, publié au Journal officiel du 31 janvier 2003 précise ainsi que l'enseignement de la gynécologie médicale sera mis en place à la rentrée universitaire 2003-2004. Rappelons-le, les spécialistes en gynécologie médicale, qui assurent le suivi de leur patiente de la première demande de contraception jusqu'au traitement de la ménopause, ont souvent évoqué les conditions difficiles d'exercice de leur profession. Leur nombre insuffisant entraîne une surcharge de travail et ne permet pas de répondre efficacement à la demande. Or la mise en place effective de la spécialité semble se heurter aujourd'hui à de nombreux obstacles. Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur le rétablissement de cette spécialité et la mise en oeuvre de la formation spécifique des gynécologues médicaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, certes, la gynécologie médicale a été en difficulté par le passé du fait de problèmes d'harmonisation européenne. Mais les femmes, plus de 2 millions d'entre elles, se sont exprimées, les parlementaires aussi d'ailleurs, et la loi du 4 mars 2002, dans son article 87, rétablit la spécialité de gynécologie médicale. Comme vous venez de le signaler, dès la formation du Gouvernement, je me suis attaché à poursuivre l'engagement pris précédemment. C'est ainsi que le décret créant de fait la spécialité a été publié au Journal officiel, le 31 janvier.
    Depuis, l'arrêté organisant la formation théorique de la spécialité, ce qu'on appelle dans le jargon la « maquette de formation », a été soumis à l'agrément du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, qui a donné son aval. Il reste naturellement à ouvrir les postes d'interne et là, nous nous sommes heurtés à un refus de la Commission nationale des études médicales. Eh bien, malgré son avis défavorable, j'ouvrirai des postes d'interne en gynécologie médicale dès le prochain concours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Quant à l'organisation de l'enseignement universitaire, et à la désignation de formateurs, nous le ferons le plus rapidement possible, sans perdre de temps. J'ajouterai à l'intention de ceux que cette organisation inquiète que ces mesures n'enlèvent rien à la spécialité de la gynécologie et de l'obstétrique, ni aux médecins généralistes qui auraient suivi le diplôme universitaire de gynécologie médicale et qui seront également habilités à recevoir les femmes.
    Pour notre part, madame la députée, nous avons entendu les femmes qui se sont exprimées sur ce sujet. Je crois qu'elles étaient les mieux placées pour le faire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES

    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Si je prends la parole cet après-midi, c'est certes pour poser une question précise, mais c'est aussi pour exprimer ma grande colère. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous le savons tous ici, les personnes âgées recueillies dans les maisons de retraite sont de moins en moins valides et de plus en plus dépendantes. C'est pourquoi, depuis deux ans, le financement des maisons de retraite par la sécurité sociale était en augmentation et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 avait prévu de poursuivre cet effort obligatoire. Nous venons pourtant d'apprendre, hélas ! que, faisant fi du vote du Parlement, aucun crédit supplémentaire ne sera affecté aux maisons de retraite pour leur permettre d'améliorer la qualité de la prise en charge des personnes âgées.
    Mme Martine Billard et Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. En dépit des efforts du personnel et des bénévoles, les conditions de travail sont extrêmement difficiles. Je veux vous dire ici la souffrance de ceux qui accompagnent les personnes âgées car ils savent ce qu'il faudrait faire, mais n'en ont pas les moyens.
    M. Gilbert Meyer. Ce n'est pas nouveau ! Or on ne vous a pas beaucoup entendu pendant deux ans !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Enfin, nous savons tous que certaines personnes âgées se replient sur elles-mêmes et glissent hors de la vie, préférant mourir plutôt que de vivre une vie indigne. La première des maltraitances envers les personnes âgées, c'est notre société qui la leur inflige, en les privant des moyens de les accompagner dignement.
    Monsieur le Premier ministre, votre secrétaire d'Etat a bien raison de dire qu'il est difficile de se faire entendre sur la situation des personnes âgées dépendantes dans votre gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Allez-vous tenir les engagements que vous avez pris devant le Parlement, à l'égard des personnes âgées et du personnel qui les prend en charge dans les maisons de retraite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. (« Raffarin ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la députée, je rappellerai tout d'abord quelques chiffres que vous connaissez fort bien, car vous étiez il y a quelque temps à la place que j'occupe actuellement. Alors que vous avez signé, en deux ans, trois cent trente conventions, nous en avons signé mille deux cents à la fin de l'année 2002. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Par ailleurs, le financement de la dépendance triplera en trois ans : un milliard en 2001, deux milliards en 2002, trois milliards en 2003. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Enfin, et contrairement à ce que certains veulent laisser croire, l'ONDAM augmentera de 8,6 % par rapport à ce qui a été dépensé en 2002,...
    M. François Goulard. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... ce qui nous laisse une marge de manoeuvre de plus de trois cents millions d'euros pour poursuivre le financement de conventions que vous vous n'avez pas conclues durant les années où vous auriez pu le faire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est une honte !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame, nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous n'avons pas la même approche de l'action publique : vous faites, quant à vous, commerce de l'illusion et de l'annonce (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), nous, nous inscrivons notre action dans le réalisme et la responsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

JEUNES FEMMES DES CITÉS

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe UMP.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, lors de leur passage à Metz, hier, j'ai rencontré les jeunes femmes des cités qui ont entrepris une marche sur tout le territoire, afin d'alerter l'ensemble de nos concitoyens, et tout particulièrement les hommes et les femmes politiques, sur leur situation. Dans certaines cités, en effet, des actes de violence à l'égard des femmes ont nourri ces derniers mois les chroniques de nos journaux. Cependant, ces actes odieux ne sont que la face visible du problème. Une oppression sociale pèse aussi sur de trop nombreuses femmes au quotidien.
    Le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a déjà fait savoir qu'il recevrait ces femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) De votre côté, madame, vous suivez leur action de très près, et je vous en remercie. Plus globalement, le Gouvernement a décidé de relancer une véritable politique d'accompagnement, car, dans ces quartiers, la condition féminine est trop souvent ignorée. Ces jeunes femmes attendent beaucoup de nous. Quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il de mettre en oeuvre sur le terrain ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
    Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la députée, rien n'est plus important en effet que d'offrir aux jeunes de notre pays une perspective de vie qui intègre la liberté, l'égalité, le respect de soi et celui de l'autre. Rien n'est plus important que d'entendre la voix de ces jeunes femmes, aujourd'hui accueillies, et je vous en remercie, par vous-même et un certain nombre d'élus, qui sont très sensibles à ce qu'elles vivent, et aux conditions d'isolement et d'oppression qui leur sont imposées.
    Dès mon arrivée à ce ministère, j'ai tenu à les rencontrer, à les consulter et à les soutenir. Du reste, qu'elles soient originaires de Turquie, d'Afrique du Nord ou subsaharienne, je n'ai rencontré que des femmes qui souhaitaient être entendues et disposer de la citoyenneté française avec tous ses droits et ses responsabilités.
    Il s'agit d'abord de les entendre parce qu'elles ont à exprimer ce qu'elles vivent au quotidien. A cet égard, j'ai été très sensible au fait que cette marche commence là où la jeune Sohane a vécu un véritable martyre. On ne pouvait mieux signifier la souffrance qui affecte la plupart de ces jeunes femmes dans leur vie quotidienne. Il s'agit aussi de les consulter et de les soutenir. Mais cela n'implique pas seulement de les aider financièrement. Il importe également, chaque fois que nous le pouvons, de leur permettre de concrétiser leurs projets, en un mot, de faire en sorte qu'elles s'accomplissent.
    J'ai souhaité ensuite - et c'est un thème qui a été abordé lors de leur passage dans votre ville, madame la députée - que le Conseil supérieur de l'information sexuelle soit particulièrement attentif à la question de l'information et de l'éducation des jeunes filles et des jeunes garçons dans ces quartiers.
    Enfin, M. le Premier ministre a émis le voeu qu'une jeune femme représentant ces quartiers en difficulté puisse siéger à l'Observatoire de la parité.
    Sachez encore que j'ai engagé une concertation avec l'ensemble des élus locaux afin de déterminer dans quelles conditions nous pouvions, par un réseau de services sans doute plus convergents et par un meilleur accès au droit, à l'éducation, à l'information et à l'emploi, faire en sorte que ces jeunes femmes bénéficient d'une véritable égalité des chances.
    M. le président. Merci, madame la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. J'ajoute pour conclure que ces jeunes filles seront, comme elles le souhaitent, entendues et reçues. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Martine Lignières-Cassou. Très bien !

TRAVAIL D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

    M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe UMP.
    Mme Arlette Grosskost. Monsieur le ministre de la justice, alors que nous voyons ces jours-ci des détenus oeuvrer sur nos plages souillées par la pollution, je voudrais évoquer ici la question du TIG, le travail d'intérêt général.
    La mise en oeuvre du plan de programmation Bédier permettant la création de centres de détention réservés aux mineurs est un pas supplémentaire franchi vers le traitement de la délinquance des plus jeunes. Mais cet effort louable va devoir s'appliquer dans la durée. Or la primodélinquance reste d'actualité. Le TIG constitue précisément un moyen original et complémentaire de lutte contre la petite délinquance. Destiné aux jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans responsables de dégradations, de conduite en état d'ivresse ou de petits délits liés aux infractions sur les stupéfiants, il permet une intégration dans une équipe de travail qui leur donne la possibilité d'apprendre à respecter des horaires et d'être subordonnés à une autorité. Par ce côté structurant, il peut donc être bénéfique et éviter en même temps la récidive.
    Le TIG est un dispositif qui marche mais qui mériterait peut-être d'être renforcé avec le soutien des collectivités locales. Tout d'abord, il pourrait être rendu obligatoire. Ensuite, alors que les lieux d'affectation des TIG sont généralement concentrés, comme en Alsace, dans les agglomérations ou les zones périurbaines, il pourrait être étendu à toutes les collectivités, y compris en milieu rural. Enfin, son application pourrait être assouplie - je pense notamment aux procédures d'encadrement ou à la flexibilité horaire. Monsieur le ministre, quel est votre sentiment sur le développement du travail d'intérêt général comme élément d'une stratégie volontariste et de prévention de la primodélinquance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous avez raison de souligner l'importance du travail d'intérêt général comme peine se substituant éventuellement à l'incarcération, en particulier pour les plus jeunes des délinquants. Dans la loi d'orientation, nous avons élargi les possibilités d'application du travail d'intérêt général en termes de réponse à un certain nombre de délits. En particulier, nous l'avons rendu possible lorsqu'il y a dégradation ou injure à personne détenant une part d'autorité.
    Pour endiguer la baisse effectivement préoccupante du pourcentage des travaux d'intérêt général dans le total des condamnations correctionnelles, qui est passé en cinq ans de 5,3 % à un peu plus de 4 % seulement de ces peines, il me paraît nécessaire de renforcer les services de probation et d'insertion qui dépendent de l'administration pénitentiaire et qui sont susceptibles d'accompagner ces jeunes ou ces adultes lorsqu'ils sont condamnés à effectuer une peine de travail d'intérêt général. Par ailleurs, et comme vous le suggérez, il faudra que je m'emploie à convaincre, ce qui sera, je crois, assez facile, les collectivités territoriales, qui sont sans doute les structures les mieux adaptées pour accueillir - et beaucoup le font déjà - des jeunes ou des adultes condamnés à effectuer des peines sous forme de travail d'intérêt général.
    Enfin, je souligne que le Premier ministre a demandé à l'un de vos collègues, M. Warsmann, de réfléchir à l'ensemble de la question des courtes peines et des peines de substitution. Ce dernier remettra son rapport dans les deux mois et nous verrons ce qui peut être fait pour diversifier les réponses pénales, en fonction des situations particulières des délinquants, afin d'apporter des solutions alternatives à l'incarcération pure et simple. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉLOCALISATION DU CNDP

    M. le président. La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste.
    M. Christian Bataille. Monsieur le Premier ministre, les membres de votre gouvernement, vous-même aussi, aimez à proclamer votre soutien au monde de la connaissance, de la culture et des arts. Or, aujourd'hui, la protestation monte des professions du spectacle que vous mettez à mal par vos décisions. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Lellouche. Vous-même êtes un connaisseur, en matière de spectacle !
    M. Christian Bataille. Aujourd'hui, la protestation monte également des milieux de la connaissance à travers la pétition nationale lancée par l'intersyndicale du Centre national de documentation pédagogique contre sa délocalisation.
    Le CNDP assure parfaitement sa mission de service public en soutenant les enseignants dans leur tâche, ainsi qu'en leur proposant services et outils pédagogiques. Il travaille avec les universités et les centres nationaux de recherche ; il a donc besoin d'une situation géographique centrale.
    M. Christian Vanneste. Incroyable !
    M. Christian Bataille. Actuellement, 740 personnes travaillent à Paris. Plusieurs centaines de ces salariés vont rester sur le bord de la route, au chômage, et 200 autres seront délocalisés à Chasseneuil-du-Poitou (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Laurent Cathala. Où ?
    M. Christian Bataille. ... charmante commune de 3 845 habitants, qui a surtout la particularité d'être, monsieur Raffarin, votre commune, celle dont vous avez été l'élu municipal. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) On peut vraiment parler de fait du prince puisque vous confondez votre intérêt d'élu local avec l'intérêt national. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

    Cela explique que les salariés se disent révoltés par votre méthode. Ils vous demandent instamment de retirer ce projet funeste afin d'éviter les dysfonctionnements qui pourraient en résulter.
    Monsieur le Premier ministre, quelle réponse entendez-vous donner à la pétition nationale contre la délocalisation du CNDP ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Arnaud Lepercq. Il attaque le Poitou ! C'est scandaleux !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, je suis surpris que les élus socialistes s'opposent à une politique de délocalisation de l'emploi public (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) qui a été, je le rappelle, commencée par Edith Cresson. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je suis encore plus surpris que vous vous opposiez à une délocalisation qui est la continuité de l'action publique puisque le Centre national d'enseignement à distance - le CNED - a été délocalisé sur le site du Futuroscope, si je ne m'abuse, par Mme Cresson ; puisque l'Ecole des cadres de l'éducation nationale a été délocalisée, sur un souhait initial de Jean-Pierre Chevènement, par une décision du gouvernement d'Edouard Balladur ; puisque, dans le dernier contrat de plan - que je sache élaboré par M. Lionel Jospin -...
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas la question !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. ... il avait été décidé de mettre en place, sur le site du Futuroscope, à Chasseneuil-du-Poitou, un pôle national des industries de la connaissance.
    M. Arnaud Lepercq. Très bien !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Il est donc tout à fait logique, et même nécessaire, de délocaliser le CNDP. Cela correspond à une continuité de l'action publique que vous ne pouvez pas dénoncer.
    J'ajoute, monsieur le député, qu'il faut aussi que nous soyons comptables des deniers publics. Or, aujourd'hui, le CNDP occupe, à Paris et dans l'environnement parisien, une dizaine de bâtiments différents : deux dont nous sommes propriétaires et qui valent 12 millions d'euros, huit dont nous sommes locataires pour 1 million d'euros chaque mois. Cela est absurde, alors que nous allons pouvoir nous installer dans des locaux vastes pour 10 millions d'euros. Nous allons faire des économies. C'est de la bonne gestion publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas convaincant !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Enfin, je vous rappelle que les élus locaux eux-mêmes, y compris, d'ailleurs, le député de Chasseneuil-du-Poitou qui n'est pas conseiller municipal de cette commune, mais qui appartient au groupe socialiste, ne semblent pas s'opposer à ces délocalisations, parce que la région est bien contente d'accueillir un nouveau site.
    Bien entendu, nous sommes attentifs aux problèmes particuliers qui se poseront aux personnels et qui seront traités cas par cas. En tout état de cause, ceux qui seront délocalisés à Chasseneuil-du-Poitou - le Premier ministre lui-même peut en témoigner - vivront dans un pays qui prodigue bonne santé et tonicité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE FAMILIALE

    M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen, pour le groupe UMP.
    M. Jacques Le Guen. Monsieur le ministre délégué à la famille, la famille est la cellule fondamentale de la société et le principal lieu d'apprentissage de la vie. C'est pourquoi la politique familiale figure parmi les priorités de tout gouvernement. Ce matin, vous avez reçu officiellement les rapports que vous aviez commandés sur trois thèmes majeurs : les services aux familles, la conciliation de la vie familiale et professionnelle, l'allocation unique de garde d'enfants.
    Ce dernier point me semble le plus ambitieux et il correspond à une véritable attente des familles. Le Président de la République s'était d'ailleurs fortement engagé en faveur de la création de cette allocation unique d'accueil du jeune enfant.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous d'ores et déjà nous présenter les points forts de ces trois rapports et les propositions qu'ils contiennent ? Pouvez-vous également nous communiquer les orientations que vous entendez donner à votre grande politique de la famille ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Roman. Et l'accueil à deux ans pour tous dans les maternelles ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, effectivement, nous avons reçu ce matin, Jean-François Mattei et moi-même, les trois rapports élaborés respectivement par votre collègue Françoise de Panafieu, par Mme Marie-Thérèse Hermange et par Mme Martine Clément. Ils visent en fait un double objectif : simplifier le système des prestations - il en existe en effet une douzaine pour le jeune enfant et cinq en matière de garde, générant à peu près 15 000 règles de droit - et répondre au mieux aux attentes des jeunes couples.
    Ce travail a été accompli en partenariat avec les mouvements familiaux, avec les partenaires sociaux du secteur et avec les élus. Les réponses attendues figurent dans les propositions qui nous ont été présentées ce matin. Il est ainsi envisagé une prestation d'accueil du jeune enfant - la PAJE -, ce qui répondrait à l'objectif de simplification et assurerait la liberté de choix aux parents. Nous estimons en effet que l'Etat doit non pas privilégier un mode de garde mais ouvrir le panel le plus large possible aux parents. Cette prestation pourra ainsi servir indifféremment à financer le coût d'une assistante maternelle, une place en crèche ou une garde à domicile.
    Nous cherchons aussi des moyens permettant d'apporter du financement privé dans la construction de places de crèche,...
    M. Lucien Degauchy. Très bien !
    M. le ministre délégué à la famille. ... par exemple la mise en place d'un crédit d'impôt. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    A également été proposée la création de points « info-famille » pour faciliter l'accès aux informations en la matière et appuyer le travail remarquable effectué par les associations sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je constate que ces questions passionnent toujours autant M. Emmanuelli ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Et l'accueil à deux ans dans les maternelles ?
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, je demande la parole pour un fait personnel !

PERMANENCE DES SOINS MÉDICAUX

    M. le président. La parole est à M. Léon Vachet.
    M. Léon Vachet. Monsieur le ministre de la santé, alors que s'achevait, en juin 2002, la grève des gardes et astreintes des médecins libéraux, vous avez demandé à une mission présidée par le sénateur honoraire Charles Descours d'élaborer des propositions sur la permanence des soins. En effet, la continuité des soins est de plus en plus menacée par l'indisponibilité du personnel médical sur certaines parties du territoire, notamment en zone rurale, et par la désaffection croissante des praticiens médecins et des pharmaciens à l'égard de la contrainte que représentent les gardes et les astreintes.
    Pour illustrer ce problème des gardes auquel est surtout confronté ce qu'on appelle la France d'en bas, permettez-moi de citer l'exemple précis de Châteaurenard, commune de 13 000 habitants comptant douze médecins et cinq pharmaciens. Dans cette commune du nord des Bouches-du-Rhône, si une personne désire faire appel à un médecin la nuit ou le week-end, elle doit composer le 15 et elle se trouve orientée vers le SAMU. De plus, pour obtenir des médicaments, elle peut être contrainte de se rendre dans une autre commune distante de plus de dix kilomètres.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. La question !
    M. Léon Vachet. Il me semble que la ruralité intéresse très peu certains. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Vous l'admettrez, ce système paraît inadapté. Il n'est pourtant pas neutre financièrement puisque, actuellement, dans les départements où a été mise en place une sectorisation des gardes, les caisses primaires d'assurance maladie versent aux médecins généralistes, pour la rémunération des astreintes, un paiement forfaitaire de 50 euros par tranche de douze heures qui s'ajoutent aux consultations majorées éventuellement par le praticien.
    M. le président. Monsieur Vachet, posez votre question, s'il vous plaît !
    M. Léon Vachet. Malgré les difficultés rencontrées, le rapport Descours a opté, en ce qui concerne la participation...
    M. le président. Monsieur Vachet, je vous ai rappelé une première fois à l'ordre : soit vous posez votre question et je vous laisse terminer, soit je vous retire la parole. Quelle est la question ?
    M. Léon Vachet. Laissez-moi la poser ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour établir un service de garde...
    M. le président. Le ministre va vous répondre, monsieur Vachet !
    M. Léon Vachet. ... de proximité ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Vachet, c'est fini ! Merci !
    M. Michel Delebarre. Très bien, monsieur le président !
    M. le président. Monsieur Delebarre, merci de votre assentiment, mais vous n'avez pas la parole !
    La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, sept mois durant, les médecins généralistes ont été en grève en manifestant le désir d'un nouveau mode d'exercice.
    M. René Dosière. Toujours plus !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il est clair que, quelles que soient les raisons, parfois légitimes, la mise en cause de la permanence des soins contribue d'une part à désorganiser nos services d'urgence, ce qui n'est pas acceptable,...
    M. Jean-Louis Bianco. C'est vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... et, d'autre part, à mettre en cause un service auquel les citoyens ont droit.
    M. Jean-Louis Bianco. Très juste !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le Gouvernement a apporté trois réponses.
    La première figure dans la loi de financement de la sécurité sociale qui édicte le principe selon lequel la permanence des soins correspond à une action d'intérêt général dont le financement doit être prévu.
    M. René Couanau. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Ensuite, la commission, présidée par le sénateur Descours, a rendu ses conclusions. Elles ont été largement diffusées et des textes de mise en oeuvre seront soumis au Conseil d'Etat avant le 31 mars.
    M. Jean-Michel Dubernard. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je peux cependant vous indiquer d'ores et déjà que la permanence des soins reposera d'abord sur le volontariat. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Michel Dubernard. Très bien !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Si ce volontariat ne suffit pas, le conseil départemental de l'ordre des médecins sera saisi et, en dernier recours, l'autorité préfectorale prendra les décisions nécessaires pour assurer la permanence des soins. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Cela étant, cette permanence sera exercée sous des modes divers, selon les lieux : maisons médicales de garde, régulation du centre 15 par les libéraux eux-mêmes ou toute autre fonction.
    Enfin, dernière réponse, nous espérons que la prochaine convention médicale prendra en compte la permanence des soins afin que les médecins assurent le service auquel les citoyens ont droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

OGM

    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, député non inscrit.
    M. Yves Cochet. Ma question s'adresse au Gouvernement. Elle concerne, en principe, Mme la ministre de l'écologie et du développement durable ou M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales mais je ne les vois pas.
    M. François Goulard. C'est le Salon de l'agriculture !
    M. Yves Cochet. Elle est relative aux OGM.
    Vous savez que, depuis juin 1999, a été mis en place un moratoire sur la culture et la commercialisation des OGM en Europe.
    M. Arnaud Lepercq. Obscurantisme !
    M. Yves Cochet. Or ce moratoire est doublement menacé, d'abord par les Américains qui ont déposé un recours devant l'Organisation mondiale du commerce, pour entrave au commerce des OGM. A cet égard quelles sont les possibilités offertes aux Européens, qui sont majoritairement contre les OGM...
    M. Arnaud Lepercq. Pas majoritairement : 3 % !
    M. Yves Cochet. ... comme le démontrent toutes les enquêtes d'opinion ?
    La première réside dans le protocole de Carthagène sur la biodiversité et la biosécurité, lequel permet à un pays de ne pas accepter d'OGM. Cependant le problème tient au fait qu'il n'est pas encore en vigueur parce que de nombreux pays, dont la France, ne l'ont toujours pas ratifié. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine Billard. Eh oui !
    M. Arnaud Lepercq. Elle a bien fait !
    M. Yves Cochet. La deuxième menace tient au fait que la Commission européenne a, le 14 février dernier, lancé une procédure d'autorisation d'importation de deux produits OGM : un maïs et une huile de colza...
    M. Arnaud Lepercq. Et alors ?
    M. Yves Cochet. ... par l'intermédiaire d'une note technique qu'elle a transmise aux Etats membres, donc à notre gouvernement, à vous mesdames et messieurs du gouvernement. Si aucune réponse n'est apportée à cette note dans les soixante jours, les autorisations seront considérées comme accordées.
    Ma question est double : allez-vous soulever une objection contre ces autorisations proposées par la Commission européenne ? Quand la France va-t-elle ratifier le protocole de Carthagène sur la biosécurité ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, vous n'avez pas cité le ministère de la recherche. Il est pourtant tout aussi concerné que ceux de l'agriculture et de l'écologie. Je vais donc vous faire une réponse au nom de l'ensemble du Gouvernement (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais sans répondre directement à votre question. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pascal Terrasse. Parlez-nous d'autre chose !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Je vais plutôt traiter en général de la question des OGM et de la levée du moratoire.
    Les OGM continuent en effet d'inquiéter nos concitoyens, compte tenu en particulier du contexte européen, en raison tant du manque d'information sur les risques sanitaires et environnementaux qu'ils pourraient présenter que de la méconnaissance de leur potentiel et des bénéfices éventuels de leur utilisation.
    Dans ce contexte est intervenu, en 1999, le moratoire européen sur la mise en culture et la commercialisation des variétés de plantes génétiquement modifiées, notamment à cause des insuffisances en matière de traçabilité et du manque d'information du public.
    Grâce à vous, en particulier, des avancées considérables ont été accomplies dans la réflexion sur ce sujet. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    La nouvelle directive 2001/18 est en voie d'application et vous savez qu'elle a été complétée par deux règlements, en particulier sur l'étiquetage. Grâce à ces avancées de la législation communautaire nous pouvons commencer à réfléchir à la levée du moratoire. A cet égard la position du Gouvernement est que cela sera possible à partir du moment où les réglementations européennes que je viens de citer seront entrées en vigueur. Cette levée devra intervenir sans précipitation, dans un climat serein au niveau de l'Union européenne, en veillant à ce que le nouveau dispositif permette d'assurer le libre choix du consommateur et la sécurité alimentaire.
    En la matière trois éléments essentiels doivent être pris en considération : l'information du public - mais vous savez combien cela est difficile car il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie pour faire accepter les OGM - la sécurité sanitaire et environnementale, enfin - je me permets de l'évoquer parce qu'elle a été mise en cause récemment - la possibilité pour la recherche d'exprimer sa propre vision stratégique.
    Mme Martine Billard. Ce n'est pas la réponse à la question !
    M. Pascal Terrasse. Hors sujet !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Elle pourra ainsi assurer à la France et à l'Europe une forme d'indépendance dans la mesure où elle opérera ses propres expertises. Le débat sera plus transparent et la recherche pourra, en pleine responsabilité, faire profiter la France et l'Europe de son potentiel d'innovation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Fait personnel

    M. le président. Conformément à l'article 58, alinéa 4, du règlement...
    M. Bernard Accoyer. Nous ne sommes pas en fin de séance !
    M. le président. Monsieur Accoyer, conformément à une pratique constante depuis 1980, je suis obligé de donner la parole à M. Emmanuelli qui me l'a demandée pour un fait personnel, car il estime avoir été mis en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle commencent à quitter l'hémicycle.)
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, je serai bref car M. Jacob m'a fait parvenir ses excuses, ce dont je lui donne acte. Il m'a indiqué qu'il avait cru reconnaître ma voix dans le brouhaha des interruptions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Le problème, mes chers collègues, tient au fait que c'est la deuxième fois que cela lui arrive. (Rires.)
    M. François Rochebloine. Jamais deux sans trois !
    M. Jean Ueberschlag. Vous êtes ridicule, monsieur Emmanuelli !
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, je lui donne donc acte de ses excuses puisque nous sommes entre gens de bonne volonté, mais je souhaiterais que le bureau de l'Assemblée lui fasse savoir que l'hémicycle n'est pas le lieu où s'expriment et se soignent les phobies personnelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (n°s 528, 612).
    La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, messieurs les présidents des commissions, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, avec ce premier texte du plan RESO 2007 pour développer l'usage des technologies de l'information et de la communication, nous voulons donner une impulsion nouvelle à l'économie numérique et en assurer la sécurité juridique.
    L'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique est une occasion pour le Gouvernement de témoigner de l'importance qu'il attache aux nouvelles technologies et à leurs usages. Le Premier ministre a présenté en novembre dernier le plan RESO 2007 définissant la politique du Gouvernement pour en favoriser le développement. Il s'agit aussi d'exprimer notre confiance dans nos entreprises qui portent ces innovations et, au-delà, dans toute notre société, pour relever le formidable défi de l'entrée de la France dans la société de l'information.
    Au cours du deuxième trimestre 2003, j'aurai l'honneur de vous présenter un autre texte législatif transposant les directives sur les communications électroniques, ce qu'il est convenu d'appeler dans le jargon communautaire le « paquet télécoms ». Des réponses seront ainsi apportées à plusieurs questions importantes d'actualité concernant les infrastructures de réseaux et les autorités de régulation. Les deux textes sont donc complémentaires.
    L'adoption de la loi que je vous propose est indispensable pour créer un climat de confiance en fixant des règles du jeu claires pour les fournisseurs et une protection efficace des utilisateurs.
    Le développement fulgurant des usages de l'Internet illustre bien la vraie révolution à laquelle nous assistons, et ce n'est encore qu'un début. On compte aujourd'hui plus d'un demi-milliard d'internautes dans le monde et plusieurs millions de nouveaux internautes tous les mois. Pour les entreprises, Internet est devenu un canal fondamental bouleversant leurs modes d'échanges et de commerce.
    Il s'agit d'un phénomène mondial majeur. Et la France est en retard. Durant les dernières années, elle a certes changé et parfois progressé, mais elle n'a pas comblé son retard. Selon un récent classement établi par l'Union internationale des télécommunications, notre pays ne figure pas parmi les vingt pays les plus avancés sur le plan de la diffusion et de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication. Environ 20 % des Français ont accès à Internet contre une moyenne européenne de 36 %.
    Cette révolution technologique, nous avons choisi d'en devenir les acteurs plutôt que d'en rester spectateurs, comme cela a été le cas jusqu'à présent.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Dans le domaine des technologies de l'information et de la communication et de l'économie numérique, il n'est plus temps de rêver, il est temps de construire et, dans certains cas, de reconstruire, avec une approche réaliste, pragmatique et ciblée. Ainsi, le Gouvernement a-t-il choisi de sortir de la logique des « grands plans », qui créent plus d'attentes qu'ils ne règlent de problèmes, et des « grandes lois » qui mettent tellement de temps à être votées - lorsqu'elles le sont ! - que lorsqu'elles naissent elles sont déjà dépassées par la technologie et la pratique.
    La législation actuelle ne permet pas de répondre aux problèmes que cette nouvelle économie a fait surgir dans une période très courte. Il devenait urgent d'en combler les vides actuels pour assurer la sécurité juridique sans laquelle les énergies ne pourront se développer dans un secteur devenu pourtant majeur.
    Dans ce domaine, la France accuse, une fois de plus, un retard dommageable dans la transposition des directives européennes. La directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique aurait dû être transposée avant le 17 janvier 2002. Le projet de loi que je vous présente comblera ce retard pour lequel, d'ailleurs, la France vient de recevoir un avis motivé de la Commission européenne.
    S'agissant de la publicité par voie électronique, le projet de loi transpose dès maintenant l'article 13 de la directive du 12 juillet 2002 sur les données personnelles, qui fait partie des directives du « paquet télécoms ».
    Avant d'entrer dans le contenu du projet, je souhaiterais souligner que cette loi s'inscrit dans une politique plus vaste visant à faire de l'économie numérique un facteur majeur de notre compétitivité.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le projet de loi confortera le dynamisme actuel de l'économie numérique.
    Notre retard est un handicap pour la croissance et pour l'emploi. Rien ne le justifie : ni des raisons culturelles, ni la qualité de nos industriels, ni l'état de nos réseaux de communication.
    A l'automne, Francis Mer et moi-même avons eu largement l'occasion d'exprimer notre volonté de donner une forte impulsion à plusieurs domaines de l'économie numérique. La fin de l'année nous a confirmé que ce secteur est aujourd'hui très dynamique.
    Ainsi, en matière de commerce électronique, en 2001, le montant des transactions sur Internet avait pour la première fois dépassé celui réalisé par Minitel. En 2002, il lui a été cinq fois supérieur ! Le rythme annuel moyen de son développement est de plus de 25 % par an. La période des fêtes de Noël a été très intense pour les marchands électroniques avec une progression de plus de 64 % par rapport à l'année précédente. Des secteurs entiers ont vu leur activité transformée. Ainsi, dans la vente à distance, plus de 10 % des commandes se font aujourd'hui par Internet. Dans les voyages, ce chiffre atteint près de 15 %, et pour certaines compagnies aériennes, notamment celles à bas coût, la réservation n'est pratiquement possible que par Internet. Pour la seule SNCF, c'est 6 % du chiffre d'affaires qui est réalisé aujourd'hui par ce canal.
    Peu de secteurs économiques peuvent se prévaloir d'afficher de telles performances ! Mais si certains secteurs ont particulièrement su tirer parti du commerce électronique, d'autres sont encore en attente d'une plus grande réussite. Le présent projet de loi confortera le cadre juridique de leur développement, en renforçant la confiance dans ces nouveaux canaux de distribution, et donc leur croissance.
    Mais développer l'économie numérique suppose aussi d'accroître considérablement le nombre d'agents économiques, entreprises et ménages pouvant y accéder dans des conditions optimales de confort d'utilisation et de coût. C'est pourquoi le Gouvernement a déjà manifesté sa volonté de permettre au plus grand nombre de personnes d'accéder à Internet à haut débit.
    En matière d'accès au haut débit, j'ai homologué l'été dernier une baisse des tarifs de revente en gros de l'ADSL. Cela a marqué un tournant important dans le développement du marché français, grâce à la baisse des tarifs et à l'émergence d'une offre grand public, sous forme d'un abonnement mensuel illimité au prix de 30 euros environ.
    Le résultat de cette action est particulièrement encourageant : la France rattrape très rapidement son retard. L'utilisation de cet outil essentiel connaît aujourd'hui dans notre pays une croissance « fulgurante », la plus forte d'Europe. Au dernier trimestre 2003, le nombre d'abonnés au haut débit a augmenté de 500 000. Avec près de 2 millions d'abonnés, la France est désormais le deuxième pays européen pour la pénétration du haut débit.
    Il nous faut aller plus loin, et atteindre notre objectif de dix millions d'abonnés à l'Internet haut débit d'ici à cinq ans. Cet objectif est ambitieux mais réalisable. La croissance du nombre des abonnés crée un cercle vertueux pour l'ensemble de l'économie numérique. Grâce à ce fort potentiel de clients, les investissements lourds et coûteux de ce secteur peuvent être largement amortis et de nouveaux services et usages émergent. Le développement du haut débit donne aussi à nos concitoyens l'accès à de nouveaux usages de l'Internet, dans des domaines tels que la santé, l'éducation ou les divertissements.
    Nous devons favoriser le développement des technologies de l'information et de la communication parce qu'elles sont porteuses de promesses dans tous les domaines.
    Sur le plan culturel et éducatif, elles façonnent une société dans laquelle l'accès à la culture, au savoir, à l'information sera plus facile et plus largement partagé. Elles sont en outre un vecteur intéressant pour l'influence culturelle, artistique et linguistique de la France.
    Sur le plan politique, elles sont un moyen formidable de décloisonner la société française et de donner la parole à ceux qui ne l'ont pas. Elles contribuent également à instaurer de nouvelles relations entre le citoyen et l'administration ou les élus.
    En même temps, la société de l'information n'aura de sens que si elle est une société de l'information partagée, une société de l'information pour tous. Ce constat a conduit le Premier ministre à lancer le concept de République numérique. Cette vision d'une société de l'information réconciliant solidarité et innovation sera défendue par le Gouvernement dans les enceintes européennes et internationales, notamment lors du prochain sommet mondial de la société de l'information à Genève en décembre 2003, et à Tunis en 2005.
    Enfin, l'économie numérique - terme qui désignait au départ les activités industrielles issues spécifiquement des technologies de l'information, comme les services et équipements de télécommunication, les services et équipements informatiques, les logiciels, l'audiovisuel et l'électronique - irradie désormais, et de plus en plus, l'ensemble de l'économie du pays. Elle est un facteur majeur de modernisation, de productivité et de réactivité de l'économie française. J'ajoute que, du fait des emplois qualifiés qu'elle crée et par son caractère d'industrie non polluante, elle contribue à la dynamique du développement durable à laquelle nous sommes attachés.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. C'est aussi le projet d'une France ayant fait le pari de la valeur ajoutée, de l'innovation et de la qualité.
    Pour conforter ce développement et lui apporter un cadre juridique adapté, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui une première étape législative de l'action gouvernementale.
    Je souhaiterais d'emblée souligner la qualité des échanges que nous avons eus, au cours des travaux préparatoires, avec les commissions de l'Assemblée nationale. Mes remerciements iront tout particulièrement aux deux rapporteurs, Mme Michèle Tabarot pour la commission des lois et M. Jean Dionis du Séjour au titre de la commission des affaires économiques. Leurs rapports, très riche et très complets, et les nombreux amendements qu'ils vous proposent témoignent de leur investissement sur ce sujet.
    S'agissant maintenant du contenu, une clarification préalable s'impose : ce projet de loi ne vise pas à créer un droit spécifique pour l'économie numérique, mais à lui adapter les règles en vigueur, qui sont fort nombreuses. C'est ainsi qu'il vous est proposé de modifier de nombreux codes : codes de la communication, de la consommation, du commerce, code civil, code pénal, code des postes et télécommunications.
    Les dispositions du projet s'articulent autour de quatre grands thèmes : le cadre d'exercice de la liberté de la communication en ligne ; le commerce électronique et la publicité ; la sécurité, avec en particulier la cryptologie et la cybercriminalité ; les systèmes satellitaires.
    Sur le premier thème, le projet de loi définit pour la première fois la communication publique en ligne et clarifie les conditions d'exercice des acteurs qui en assurent le fonctionnement. S'agissant des adresses françaises sur Internet, c'est-à-dire toutes celles dont la syntaxe se décline en « www.nom.fr », il était nécessaire d'en définir juridiquement les règles de gestion et d'attribution.
    De plus, le projet de loi donne pour la première fois une définition de la communication publique en ligne, notion qui était utilisée mais non définie dans la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de la communication. Les dispositions la concernant s'inséraient dans les chapitres relatifs à l'audiovisuel.
    Le Gouvernement, guidé par la philosophie de ne pas bouleverser l'architecture légale actuelle,...
    M. Patrice Martin-Lalande. Il faudra la préciser un de ces jours.
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... a choisi, au cours des travaux interministériels, de conserver ce rattachement à la communication audiovisuelle en en précisant les limites et les spécificités.
    M. Christian Paul. C'est une erreur !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Je reconnais que ce sujet soulève des interrogations et je crois que les rapporteurs nous apporteront leur éclairage.
    M. Christian Paul. Et l'opposition, le sien, modestement !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Les conditions de responsabilité des hébergeurs de sites, des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunications sont précisées.
    Depuis la sanction partielle par le Conseil constitutionnel de la loi du 1er août 2000, une incertitude juridique demeurait sur la responsabilité des opérateurs de l'Internet. Par ailleurs, la directive sur le commerce électronique intègre aussi des dispositions sur leur régime de responsabilité. Il convenait donc de proposer une solution conforme à la fois aux exigences de la directive et à la décision du Conseil constitutionnel.
    Le projet de loi pose un principe général de limitation des responsabilités civile et pénale des prestataires de l'économie numérique du fait des contenus qu'ils hébergent, stockent ou transmettent.
    S'agissant des prestataires d'hébergement et de stockage, conformément à la directive européenne, la mise en cause de leur responsabilité est limitée au seul cas où, ayant effectivement connaissance d'activités ou d'informations illicites hébergées, ils n'auraient pas agi promptement pour rendre impossible l'accès aux informations.
    Le dispositif retenu est conforme au code pénal qui renvoie la responsabilité du contenu sur celui qui le crée et qui doit en assumer les conséquences. Mais les intermédiaires hébergeant ou transmettant un contenu, ne peuvent pas, de leur côté, être complices de la diffusion d'un contenu illicite ; leur responsabilité serait alors engagée, le cas échéant.
    Pour ce qui est des adresses françaises de l'Internet, il convenait de définir juridiquement leurs règles de gestion et d'attribution. Le premier objectif est de veiller à ce que le développement de ces adresses, qui sont au nombre de 160 000 aujourd'hui, soit pour la première fois clairement encadré. Le projet de loi prévoit de déléguer cette gestion à des organismes que le Gouvernement est chargé de désigner, avec la garantie que, en cas de cessation d'activité de ces derniers, les sites français de l'Internet pourront continuer à fonctionner normalement.
    Deuxième thème, il faut restaurer la confiance. Le commerce électronique ne pourra se développer massivement que si les consommateurs ont une entière confiance dans les procédures électroniques associées. Pour créer cette confiance, en transposant la directive européenne, le projet de loi définit le cadre juridique applicable aux commerçants électroniques.
    La « mécanique européenne » de la directive du 8 juin 2000 harmonise les points qui sont déterminants pour le développement d'un commerce électronique sécurisé dans l'ensemble de l'Union européenne, tels que les informations à fournir à l'attention des consommateurs ou les modes de conclusion des contrats par voie électronique. L'harmonisation de ces différents « points clés » permettra que les législations des différents Etats membres dans ce domaine soient globalement équivalentes, même si elles ne sont pas identiques dans le détail. Une entreprise opérant à partir d'un Etat membre respectera les exigences des autres Etats membres, et n'aura que peu d'obligations complémentaires à satisfaire. Il s'agit là d'un progrès majeur vers un espace européen de liberté pour le commerce électronique.
    Parmi les dispositions prévues, le projet de loi renforce la protection des consommateurs qui doivent être complètement renseignés sur l'identité des marchands électroniques. Toutes les informations - nom, adresse, capital social - devront être accessibles facilement et en permanence au cours des transactions.
    J'en viens à la publicité par voie électronique. Parmi les grands problèmes épineux auxquels sont confrontés les internautes, il y a ce qu'on appelle communément le « spam », c'est-à-dire ces millions, voire ces milliards de courriers électroniques publicitaires non sollicités. Il s'agit d'un phénomène de grande ampleur, générateur de nombreuses plaintes auprès de la CNIL. N'oublions pas que l'utilisateur internaute supporte des frais pour sa connexion. Je ne pense pas qu'il souhaite qu'elle soit engorgée inutilement.
    Des règles de transparence et de protection des consommateurs sont donc instaurées. L'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection directe est interdit sans l'accord préalable des consommateurs. De plus, lorsque ces derniers reçoivent des courriers électroniques à caractère publicitaire, ils doivent pouvoir en identifier facilement l'émetteur et avoir la faculté, à tout moment, de s'opposer à tout envoi ultérieur.
    Une innovation majeure introduite dans le code civil sera présentée par mon collègue garde des sceaux, Dominique Perben. Elle prévoit que tous les contrats, sauf ceux bien sûr concernant les droits sur des biens immobiliers, ceux qui requièrent l'intervention de tribunaux ou d'autorités publiques, ou ceux relatifs au droit de la famille, pourront être réalisés sous forme électronique.
    Dans le cadre d'un contrat de commerce par voie électronique, afin de protéger le consommateur contre les fausses manipulations, toute acceptation d'une offre doit prendre la forme d'un « double clic », c'est-à-dire qu'après avoir passé sa commande, l'utilisateur doit vérifier et confirmer son acceptation au vu des informations récapitulatives qui lui sont présentées par le marchand.
    Troisième thème, la libéralisation de l'utilisation de la cryptographie.
    La sécurité par voie électronique repose largement sur l'utilisation de moyens de chiffrement des échanges qui permettent d'assurer leur confidentialité, mais aussi les fonctions de signature électronique.
    Pour accroître la confiance des consommateurs, les transactions et les contrats de commerce électronique utilisent des outils cryptographiques de signature électronique et de confidentialité des échanges. L'émergence des services de la société de l'information en a développé ainsi de très nombreux usages civils alors qu'auparavant la cryptographie était réservée à un usage militaire. Du fait du développement de ces usages civils, la nécessité de libéraliser est apparue au cours des années 90.
    La réglementation relative aux moyens et aux prestations de cryptologie a toujours été très encadrée. Modifiée par la loi sur la réglementation des télécommunications de 1990, révisée par celle de 1996, elle a reçu un début de libéralisation en 1998, puis en 1999, en portant à 128 bits les longueurs des clés au-dessus desquelles une autorisation est nécessaire pour les utilisateurs.
    Pour tous les utilisateurs, une liberté complète d'utilisation des moyens de cryptographie est désormais instaurée. C'est une avancée importante dans la libéralisation de l'utilisation des outils de chiffrement puisque la limitation antérieure de 128 bits est supprimée.
    Complétant les dispositions de la loi du 18 novembre 2001, cette libéralisation de l'usage de la cryptographie renforcera la protection des paiements par carte bancaire. Allonger et développer les clefs restreindra sérieusement les possibilités de fraude.
    Pour les entreprises, leur activité de fourniture peut désormais s'exercer librement après simple déclaration auprès des services du Premier ministre.
    L'élaboration de contrats dématérialisés requiert des prestations de signature électronique et de certification définies par la loi sur la signature électronique de mars 2000. Le projet de loi précise les responsabilités des prestataires de certification, renforçant ainsi la confiance des utilisateurs dans les signatures électroniques.
    Le développement de l'économie numérique va de pair avec la nécessaire garantie donnée à nos concitoyens concernant leur sécurité. C'est la raison pour laquelle les moyens des pouvoirs publics pour lutter contre la cybercriminalité sont renforcés. Ainsi, les sanctions pénales en cas d'accès frauduleux à un système informatique ou de modification de ses données sont doublées. De plus, un délit est instauré en cas de diffusion intentionnelle de virus informatiques.
    Dernier thème, la réglementation des systèmes satellitaires.
    Les systèmes satellitaires ont plusieurs rôles majeurs à jouer, parmi lesquels celui de permettre à l'avenir l'accès à Internet haut débit dans les zones mal desservies.
    Pour en conforter le rôle, le projet de loi prévoit des dispositions de nature technique qui n'appellent pas de commentaires particuliers.
    En conclusion, je souhaite que ce projet de loi contribue à démontrer la volonté du Gouvernement de dynamiser le secteur de l'économie numérique en France et à instaurer cette « République numérique » dont le Premier ministre a tracé les objectifs. Je souhaite aussi qu'il soit l'occasion, comme ce fut le cas pour le projet de loi sur le secteur gazier, d'une excellente coopération entre l'exécutif et le législatif. D'ores et déjà, je puis vous dire que je serai aussi ouverte que possible aux améliorations que vous pourrez proposer. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'exprimer ma satisfaction que la catégorie des cadres du secteur privé, très largement sous-représentée à l'Assemblée nationale, ait pu participer au travers de ma modeste personne au travail parlementaire, grâce à ma nomination à la fonction de rapporteur sur ce projet de loi.
    En tant que rapporteur au fond pour la commission des affaires économiques, il me revient l'honneur de m'exprimer après l'exposé très complet de Mme la ministre. Je ne reviendrai pas sur l'équilibre du projet gouvernemental ni sur le rôle qu'il tient dans le cadre du programme RESO 2007 du Premier ministre et je vais essayer de définir les axes d'analyse qu'il nous a semblé important de retenir dans ce texte et de mettre en évidence les principaux points clefs sur lesquels se sont concentrés les travaux de la commission des affaires économiques.
    En premier lieu, la mise en place d'une législation sur l'Internet nous a semblé poser une difficulté fondamentale : celle de trouver un juste équilibre entre liberté d'initiative et protection des intérêts privés.
    C'est un problème auquel le gouvernement de la précédente législature s'était déjà attelé, avec le premier texte visant à transposer la directive du 8 juin 2000 relative au commerce électronique, à savoir le projet de loi sur la société de l'information.
    M. Patrice Martin-Lalande. Arlésienne !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Ce projet de loi a donné lieu à un long travail interministériel, et a même été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 14 juin 2001. Il constitue un premier effort intéressant. Malheureusement, il n'est jamais venu en discussion.
    Le Gouvernement a repris pour partie cet ouvrage inachevé. Il l'a découpé de manière pragmatique en trois volets, dont le projet relatif à l'économie numérique, Mme la ministre l'a rappelé, constitue le premier. Au nom de tous mes collègues de la commission des affaires économiques, je salue le pragmatisme de cette démarche, qui va nous permettre de doter la France de sa première loi relative à Internet.
    Pour rester dans cette démarche pragmatique, son examen nous a semblé devoir être mené en suivant quelques règles de conduite simples, concernant le contenu des dispositions juridiques et la manière dont elles sont présentées.
    S'agissant du contenu de la loi, il nous a semblé important de veiller à ce qu'elle soit, autant que possible, technologiquement et économiquement neutre.
    La neutralité technologique renvoie à l'idée que la prise en compte de phénomènes technologiques nouveaux doit se faire si possible sans introduire de nouvelles complexités dans la loi. Ce choix de la neutralité technologique répond au souci de mettre en place une législation la plus durable possible, dans cette période d'accélération du développement technologique, ce qui constitue un exercice fort délicat, on en parlera à l'occasion de la loi de 1986, à cause du risque évident de décalage entre un droit écrit a posteriori et une réalité en mutation rapide.
    La neutralité économique doit nous permettre de prendre en compte la dimension stratégique et internationale des technologies, qui induit un risque de délocalisation fort, si la loi française crée un différentiel de coûts avec les pays voisins.
    Cette menace ne doit pourtant pas nous conduire à renoncer à l'objectif majeur de construire un espace de droit fort pour l'Internet en France.
    D'abord, l'Internet, et c'est l'a priori de cette loi, fonctionne sur la confiance, et des règles françaises plus rigoureuses, loin de faire fuir les commerçants en ligne, devraient au contraire les amener à s'y conformer, s'ils veulent véritablement vendre en France.
    Ensuite, l'effort de construction d'un espace de droit pour l'Internet s'inscrit dans un effort équivalent à l'échelle communautaire, dont la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique est l'expression directe. Plus largement, c'est l'ensemble des pays développés qui font un effort pour maintenir l'Internet dans un espace de droit, comme l'ont illustré les pressions diplomatiques amenant le Japon à proscrire ses sites de pornographie enfantine ou la Chine à fermer en septembre 2002 ses sites pirates portant préjudice à l'industrie musicale américaine.
    Enfin, et surtout, la France a un rôle éminent à jouer en tant qu'exemple pour la communauté internationale. Il suffit de se rappeler le retentissement qu'a pu avoir l'affaire Yahoo, pour montrer l'impact que peut avoir une décision de justice française, pourtant raillée à l'origine. Après sa condamnation en France, en novembre 2000, la société américaine Yahoo a décidé, en janvier 2001, d'interdire dans le monde entier la vente d'objets nazis sur ses sites d'enchères.
    Mais s'il faut être prudent sur le fond, il semble essentiel d'être adroit dans la forme et il convient notamment de donner une véritable dimension pédagogique à cette loi. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a tenu à réécrire un certain nombre de dispositions par voie d'amendement, notamment à l'article 6 qui définit le commerce électronique.
    Les règles de conduite que je viens d'indiquer, nous nous sommes efforcés de les mettre en oeuvre à propos de dispositions sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention. Elles se trouvent aux articles 1er, 2, 6, 12, ainsi que dans un amendement portant un article additionnel relatif au financement du service universel des télécommunications.
    Je m'attarderai sur l'article 1er, qui a fait l'objet de nombreux débats. Il propose une définition de la communication publique en ligne, qui s'insère dans la loi de 1986. Il s'agit en fait de donner une définition de l'ensemble des activités de communication sur l'Internet. La définition retenue met clairement l'accent sur le contenu audiovisuel et le rattachement à la loi du 30 septembre 1986.
    M. Christian Paul. Quelle drôle d'idée !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Ce rattachement ne nous semble pas opportun. Un consensus très large s'est dégagé sur ce point parmi les personnes que nous avons auditionnées. Aussi bien les acteurs économiques et les industriels du secteur que les milieux associatifs comme l'UNAF ont manifesté leur réticence. C'est effectivement un débat sensible, et je voudrais très sereinement y apporter notre contribution.
    De fait, un tel rattachement traduit une conception erronée de l'objectif de neutralité du droit. Il existe en effet entre l'Internet et l'audiovisuel une différence de nature.
    M. Christian Paul. Tout à fait !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Internet repose sur l'interactivité entre l'utilisateur et les sources consultées (« C'est clair ! » sur divers bancs) alors que la diffusion audiovisuelle descend unilatéralement vers l'usager.
    M. Alain Gouriou. Très bien !
    M. Christian Paul. Il fallait le dire !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Il y a également une différence de contenus car Internet, on l'oublie souvent, c'est d'abord du texte, pour le moment du moins. Un site institutionnel comme celui de l'Assemblée, permettant de consulter nos travaux, nos rapports, ou encore le site d'un quotidien, sur lequel on peut lire des articles, n'ont rien à voir avec des chaînes de radio ou de télévision.
    Il y a enfin une différence d'échelle. L'audiovisuel, pour le téléspectateur français, même aujourd'hui, ce n'est que 30 chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne et environ 320 distribuées par le câble. L'Internet, pour tout internaute français ou étranger, c'est plus de 38 millions de sites accessibles dans le monde.
    Internet n'est donc nullement réductible à une forme de communication audiovisuelle. Or le rattachement à la loi de 1986, riche de 110 articles, crée un risque juridique : certaines de ses dispositions pourraient se révéler applicables à la communication publique en ligne en dehors des cas envisagés lors de la rédaction du projet de loi.
    Le Conseil d'Etat, dans les recommandations de son rapport du 2 juillet 1998 sur « Internet et les réseaux numériques », ne disait pas autre chose : il apparaît inopportun de confier à une seule autorité le soin de contrôler tous les contenus mis à la disposition du public. Des services tels les forums de discussion, l'accueil de sites web, la vente à distance, l'accès à des bases de données, comportent une composante communication au public mais ne nécessitent pas le même traitement que la radio ou la télévision, qui demeurent des médias de masse spécifiques.
    Bref, alors que la rédaction initiale du projet de loi poursuit la logique de l'empilement des procédés de communication dans la loi de 1986, il apparaît nécessaire de définir un domaine juridique propre aux services de l'internet tout en préservant les modes de régulation de la radio et de la télévision, quel que soit le support.
    Ce qui deviendra la loi pour la confiance dans l'économie numérique paraît être le meilleur réceptacle possible pour cette entreprise de fondation. C'est pourquoi la commission des affaires économiques a proposé que ce soit ce texte lui-même, et non la loi de 1986, qui porte la définition de la communication publique en ligne.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Cet amendement a déclenché de vives réactions en provenance du monde de la création intellectuelle et culturelle. Il s'est manifesté là une crainte légitime des contournements sur l'Internet des droits des créateurs. Mes collègues et moi souhaitons nous-mêmes qu'un cadre juridique sûr soit mis en place pour empêcher de tels contournements, notamment grâce à des sanctions plus lourdes et à des procès plus systématiques, mais nous restons convaincus que le rattachement de l'Internet au secteur de l'audiovisuel constitue un mauvais moyen pour atteindre cet objectif, que cette voie ne peut aboutir qu'à une impasse. S'il ne s'agit que d'un rattachement temporaire en attendant de trouver une solution mieux adaptée d'ici à quelques mois, nous sommes ouverts à la discussion. S'il s'agit au contraire d'entériner définitivement l'erreur d'analyse fondamentale que je viens de dénoncer, il est du devoir du Parlement de se prononcer.
    Deuxième point important du texte, l'article 2, qui met en place un régime de responsabilité pour les hébergeurs.
    Il s'agit en fait, conformément à l'article 14 de la directive 2000/31/CE, de poser le principe de l'irresponsabilité de l'hébergeur, sauf lorsque, ayant eu connaissance du caractère illicite d'une information diffusée, il n'a rien fait pour en arrêter la diffusion.
    Tout en maintenant ce dispositif dans son économie globale, j'ai souhaité l'amender dans deux directions.
    Tout d'abord, la commission des affaires économiques a considéré qu'il était important que, pour un noyau de trois types de données dont la diffusion serait constitutive d'une faute pénale grave - apologie des crimes contre l'humanité, incitation à la haine raciale, promotion de la pornographie enfantine -, les hébergeurs fussent tenus à une obligation de surveillance. Il s'agit là d'une obligation de moyens, nécessitant une forte mobilisation en matière de recherche et d'alerte. C'est demander aux hébergeurs de participer à la lutte contre une forme de délinquance sociétale dont la montée en puissance, notamment sur Internet, est fortement perceptible au cours de ces derniers mois, et qui a motivé par ailleurs d'autres initiatives législatives de notre assemblée, comme la « loi Lellouche » du 3 février 2003.
    Par ailleurs, nous avons estimé utile d'ajouter un alinéa rappelant en substance que les demandes d'arrêt de diffusion de contenu qui se révéleraient abusives seraient passibles de sanctions, notamment en vertu de l'article 431-1 du code pénal.
    Troisième enjeu, le commerce électronique. Il nous a semblé nécessaire de le définir, notamment en liant de manière indiscutable les activités électroniques et les activités du secteur logistique.
    Quatrième point clé, l'article 12. Il nous a semblé intéressant de saisir les possibilités qui nous étaient offertes par la rédaction de la directive européenne pour construire un régime plus favorable au commerce en ce qui concerne la prospection par courrier électronique notamment de business à business, d'affaire à affaire.
    Enfin, dernier point, et non le moindre, ce projet de loi va nous permettre de reposer le problème du financement du service universel des télécommunications. C'était un vrai problème, puisqu'il s'agit de financer une addition de 300 millions d'euros. Le financement était basé sur une clé de répartition qui était la minute de trafic, qui pénalisait très lourdement les fournisseurs d'accès à Internet. Nous avons pensé, suivant en cela l'avis de l'ART et de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, que le chiffre d'affaires serait une meilleure clé.
    M. Jean-Paul Charié. Je ne suis pas d'accord !
    M. Pierre Micaux. Sûrement pas !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Nous en débattrons.
    M. Patrice Martin-Lalande. Oui, nous en discuterons.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. J'en profite pour saluer le travail de mes collègues, quelle que soit leur sensibilité. Ils sont à l'origine d'autres avancées majeures. Je veux parler notamment du droit de réponse dont Patrice Martin-Lalande vous parlera, et d'autres avancées, notamment en ce qui concerne l'article 1511-6 du code des postes et télécommunications.
    J'ai eu le sentiment, en commission des affaires économiques, que nous avons travaillé en fonction de l'intérêt général. Qu'il me soit permis de remercier Mme la ministre et son administration pour la confiance qu'elles m'ont accordée, ainsi que M. Patrick Ollier, notre président.
    Enfin, un mot pour le tandem que nous avons pu faire avec Michèle Tabarot. Alors que nous étions tous les deux des novices, nous avons travaillé dans un excellent climat. Ce texte, qui nous est arrivé relativement vite, nous allons essayer de l'améliorer en profondeur. Nous sommes sûrs que l'Assemblée, en séance plénière, en fera autant, et que les sénateurs continueront le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. On verra !
    M. le président. Monsieur le rapporteur, venant comme vous du secteur privé, je vais vous conter une petite histoire personnelle. La première fois que j'ai présenté un rapport, le directeur de l'entreprise à laquelle j'appartenais m'a arrêté au bout de dix minutes, en me disant : « Vous reviendrez la semaine prochaine ! » Vous, vous avez parlé quinze minutes ! (Sourires.)
    La parole est à Mme le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    Mme Michèle Tabarot, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à l'examen de la représentation nationale vise à renforcer la confiance dans l'économie numérique.
    Comme la « révolution industrielle » avait, en son temps, profondément bouleversé le rythme et la sphère de nos échanges, la montée en puissance des nouvelles technologies de l'information a créé une véritable « révolution numérique ».
    Au cours des dix dernières années, cet élan a accompagné l'évolution d'une société de plus en plus ouverte où la communication, au sens large, doit être un acte sûr, accessible et fréquent.
    Ces « courants rapides » qui traversent notre société de part en part ont emporté dans leur mouvement un développement fulgurant des nouvelles technologies.
    Ce contexte éminemment porteur de libertés nouvelles est aussi porteur, comme toutes les grandes innovations, de nouvelles interrogations auxquelles le législateur doit s'attacher à répondre dans un cadre juridique clarifié.
    Pour permettre à l'économie numérique de tenir toutes ses promesses, il est donc apparu indispensable d'adapter le cadre législatif dans une double perspective : d'une part, favoriser le développement de la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication, génératrices de richesses et de croissance ; d'autre part, garantir un espace de droit aux usagers et aux acteurs de cette nouvelle économie.
    Ce cadre se doit d'être à la fois stimulant et régulateur pour répondre aux attentes de l'ensemble des acteurs.
    Ces enjeux considérables sont à l'origine des orientations du Gouvernement définies par le Premier ministre lors de la présentation du plan RESO 2007, en novembre dernier.
    Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, s'inscrit dans une démarche pragmatique visant à créer chez nos concitoyens, de manière stable et durable, les conditions de la confiance dans les technologies de l'information.
    Saisie pour avis, la commission des lois a eu à examiner les articles portant essentiellement sur les dispositions juridiques introduites dans cette perspective.
    Il me paraît essentiel de souligner deux séries de mesures qui se distinguent nettement par leur portée et par leur caractère novateur. Elles concernent le contrat sous forme électronique, qui est l'outil incontournable du développement du commerce électronique.
    Sortant d'un contexte d'incertitude, voire d'insécurité, le « cyberclient » accédera désormais au cadre prévisible et sécurisant qui s'attache à la définition d'un véritable statut juridique du contrat électronique.
    Deux avancées notables vous sont présentées dans le but de favoriser l'usage en toute confiance de ce type de contrat. Elles visent, d'une part, à établir la validité juridique de cet écrit et, d'autre part, à définir les modalités de sa conclusion.
    Aujourd'hui, seuls sont valables sous forme électronique les contrats pour lesquels la forme écrite n'est pas obligatoirement requise, c'est-à-dire l'achat en ligne de biens de consommation courante.
    Grâce à cette mesure, la plupart des contrats passés sous forme électronique seront désormais valables. Ce sera le cas, par exemple, pour les contrats de bail, les contrats de travail à durée déterminée, les prêts à intérêt, les contrats d'assurance et les actes authentiques.
    Trois exceptions s'imposaient cependant et ont été définies afin de protéger les droits des personnes dans des domaines essentiels tels que celui du droit de la famille.
    Dans tous ces cas, l'écrit électronique doit être en mesure d'assurer la même protection que l'écrit traditionnel.
    Pour autant, comme le souligne le professeur Jérôme Huet, que nous avons auditionné en commission, l'écrit électronique a sa propre valeur, comparable à celle de l'écrit traditionnel, mais néanmoins différente, compte tenu de l'enracinement dans les usages du support papier.
    Ces nouvelles dispositions posent un cadre dans lequel les échanges peuvent s'opérer, car elles clarifient l'espace de droit où évoluent ses acteurs. C'est en cela que leur portée est essentielle.
    Dans le même esprit, il était également nécessaire, pour renforcer la confiance et pour garantir l'information du consommateur, de définir précisément la procédure de conclusion du contrat électronique. Vous l'avez rappelé, madame le ministre, la méthode dite du « double clic » répond à cet objectif.
    Après les mesures concernant les contrats, une seconde série de mesures marque à mon sens fortement ce texte : celles qui concernent la lutte contre la cybercriminalité.
    Il fallait tout mettre en oeuvre pour éviter que les nouvelles technologies de l'information et de la communication ne constituent un outil supplémentaire pour les délinquants. En effet, comme toute innovation, les technologies de l'information ont induit des nouveaux types de comportements délictueux, susceptibles d'altérer la confiance des acteurs dans la sécurité des réseaux.
    Ce texte a fait le choix de libérer l'usage de la cryptologie. Cet outil de sécurisation des échanges de données en ligne peut aussi devenir l'arme des cyberdélinquants. Il était donc indispensable de prévoir des mesures très fermes contre les utilisateurs mal intentionnés.
    Aussi le texte prévoit une série de dispositions à forte teneur dissuasive qui permettront de sanctionner lourdement les délinquants utilisant la cryptologie à des fins criminelles.
    Une innovation importante a été introduite à cette occasion dans notre droit pénal avec l'instauration d'un mécanisme de « repenti » visant à faciliter le travail des enquêteurs. La commission des lois vous proposera un amendement afin d'encadrer le champ d'application de ce mécanisme.
    Dans leur ensemble, ces dispositions constituent le juste corollaire de la libéralisation de la cryptologie.
    En outre, le projet de loi prévoit un renforcement de l'arsenal juridique dans la lutte contre la cybercriminalité.
    L'audition de Mme Chambon, commissaire principal à la direction de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication, a été particulièrement éclairante sur ce sujet. Il en ressort que la répression des infractions commises à l'aide des réseaux numériques et de celles portant atteinte aux systèmes informatiques est aujourd'hui imparfaitement assurée. Les dispositions en vigueur sont inadaptées aux incriminations et aux spécificités des délits numériques.
    A libertés nouvelles, nécessité d'un cadre pénal adapté !
    Dans cette perspective, l'Assemblée nationale a adopté des dispositions spécifiques dans le cadre de la loi pour la sécurité intérieure.
    Le présent projet de loi constitue à cet égard l'une des premières étapes de la nécessaire évolution des règles du droit pénal et de la procédure.
    Trois axes ont été suivis pour satisfaire à cet objectif : l'adaptation des modalités de saisie et de conservation des données informatiques pour les perquisitions en flagrant délit ou dans le cadre d'une instruction ; l'aggravation des peines encourues par les auteurs des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données ; la création, en matière de droit de l'informatique, d'une nouvelle incrimination liée à la diffusion intentionnelle de virus - les virus constituent, en effet, un véritable fléau pour le développement des réseaux numériques.
    Face aux pratiques hostiles, le droit pénal français n'apporte pas de réponse satisfaisante. C'est la raison pour laquelle la création d'un nouveau délit dans le code pénal était nécessaire. Nous avons souhaité soutenir cette création pour venir à bout d'une impunité pénalisante pour les sociétés, moteur de notre vitalité économique.
    Une exception a cependant été prévue dans le but de ne pas entraver les travaux scientifiques ou visant la sécurisation des réseaux. Toutefois, il serait sans doute nécessaire de mieux encadrer cette exception en soumettant les entreprises concernées à un régime de déclaration. Aussi, la commission des lois a adopté un amendement en ce sens, qui vous sera proposé au cours de l'examen de ce texte.
    Voilà, mes chers collègues, les quelques points que je souhaitais tout particulièrement vous présenter en complément de ceux évoqués par Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques, avec lequel je me réjouis d'avoir travaillé en étroite collaboration.
    De la même manière, je tiens à rendre hommage au travail important que vous avez mené, madame la ministre, pour que ce projet reflète un esprit conforme aux exigences de l'intérêt général.
    Ce texte donnera un nouveau cadre juridique à nos devoirs dans le domaine de l'économie numérique. Il a le grand mérite d'accompagner le mouvement de notre société dans le respect de tous les acteurs concernés par ces innovations.
    Il permettra à notre pays, qui avait accumulé un retard considérable dans ce domaine, de rappeler qu'il possède désormais les moyens d'une ambition digne des légitimes attentes suscitées par ces technologies nouvelles.
    C'est tout l'honneur de la volonté gouvernementale que de présenter des textes qui engagent durablement notre pays sur la voie de la modernité.
    Il représente un pas supplémentaire dans la voie des réformes indispensables conduites au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite faire une brève intervention relative à l'application de l'article 40 de la Constitution. En effet, je tiens à préciser que j'ai été conduit, en ma qualité de juge de la recevabilité des amendements, à déclarer irrecevables plusieurs amendements émanant de divers auteurs, notamment de Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial du budget de la communication.
    Ces amendements tendaient à permettre aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) d'établir et d'exploiter des réseaux locaux de télécommunications ouverts au public.
    M. Jean-Paul Charié. De très bons amendements !
    M. Christian Paul. Les masques tombent !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je ne puis que constater qu'il s'agit d'une charge, certes facultative, mais à laquelle l'article 40 est applicable. A cet égard, je vous renvoie au rapport de Jacques Barrot sur l'article 40 de la Constitution. Le président Barrot y écrit notamment à propos des charges facultatives des collectivités locales :
    « Pour le juge de la recevabilité, les charges facultatives relèvent de l'article 40, ne serait-ce que parce que leur réalisation est hautement probable. C'est notamment le cas pour les charges facultatives des collectivités locales. Autoriser une catégorie de collectivités locales à intervenir dans un nouveau domaine d'action, c'est fatalement autoriser la création ou l'aggravation d'une charge publique, puisque, sur le nombre de collectivités constituant une catégorie, il y en aura toujours quelques-unes à utiliser cette faculté. »
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bien sûr !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Jacques Barrot poursuit de la sorte : « C'est d'autant plus vrai que, si une nouvelle compétence est proposée par une initiative parlementaire, c'est vraisemblablement qu'elle correspond à un souhait ou à une demande des collectivités concernées ou au moins à certaines d'entre elles. »
    M. Christian Paul. C'est un vrai besoin pour la France !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ce rapport du président Barrot prévoit donc, en se fondant sur une application incontestable de l'article 40, l'irrecevabilité des amendements ayant pour objet d'autoriser une collectivité à intervenir dans un domaine qui lui était jusqu'alors interdit.
    Au reste, une telle interprétation est clairement confirmée par la décision du 13 janvier 1994 du Conseil constitutionnel.
    En revanche, je tiens à préciser que, sur le fond, je suis favorable à l'esprit de ces amendements,...
    M.  Patrice Martin-Lalande. Merci, monsieur  le président.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ... mais que, en ma qualité de juge de la recevabilité, je ne puis qu'appliquer l'article 40. J'ai donc vivement souhaité que le Gouvernement reprenne à son compte cette initiative utile. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs.) Je ne puis qu'insister à nouveau en séance publique pour qu'il reprenne ainsi à son compte l'initiative parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Merci, monsieur le président de la commission des finances, de ces explications très justes sur l'article 40.

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues.
    M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, partant du principe que le commerce électronique ne pourra se développer massivement que si les consommateurs éprouvent une entière confiance dans les procédures de transaction, le projet de loi relatif au renforcement de la confiance dans l'économie numérique vise à instaurer en la matière des bases juridiques clarifiées afin de rassurer les utilisateurs.
    En effet, l'économie numérique ne se limite plus au développement des sites Internet mais concerne désormais tous les secteurs d'activité. En 2002, le total des transactions en ligne a été cinq fois supérieur à celui du Minitel, pour un rythme annuel de développement de plus de 25 % par an. A titre d'exemple, j'indiquerai que, l'an passé, entre 4 et 6 millions de Français ont expérimenté l'achat sur Internet pour un montant évalué entre 2,3 et 2,6 milliards d'euros.
    Pourtant, la législation actuelle ne permet pas de répondre aux problèmes nouveaux qu'elle a contribué à faire surgir, et l'absence de règles précises pour encadrer les transactions commerciales affecte la confiance des consommateurs.
    Aussi, ce projet de loi visant à renforcer la confiance dans l'économie numérique, première étape législative du plan RESO 2007 présenté par le Premier ministre pour favoriser le développement de la société de l'information, traduit la volonté du Gouvernement de créer les conditions de la confiance par le biais de l'instauration de règles du jeu claires pour les prestataires de services de l'Internet et par la mise en oeuvre d'une protection efficace pour les utilisateurs.
    En outre, ce texte met fin au retard que la France a pris dans la transposition de la directive européenne du 8 juin 2000 et permet ainsi l'adaptation de notre droit aux dispositions européennes relatives au commerce électronique, notamment par l'instauration d'un cadre juridique et par la mise en oeuvre de moyens destinés à lutter contre la cybercriminalité.
    Sans rentrer dans le détail de chacun des articles, je tiens cependant à noter l'intérêt que présentent, d'une part, l'obligation de surveillance imposée aux hébergeurs en matière de données dont la diffusion serait constitutive d'un délit pénal grave, comme l'apologie des crimes contre l'humanité, l'incitation à la prostitution ou à la pornographie infantile, et, d'autre part, leur responsabilisation dans le seul cas où les données sont manifestement illicites.
    Je veux également souligner le côté sécurisant de la transparence pour ce qui est de l'identité des éditeurs de sites, pour les actions promotionnelles, les différents dispositifs proposés étant adaptés à l'ergonomie de la téléphonie mobile.
    Enfin, je souscris au dispositif de protection des personnes physiques susceptibles de recevoir des messages de prospection directe mais aussi à l'utilisation de cette même technologie pour prévenir les populations de tous risques naturels, industriels ou sanitaires, à charge pour les pouvoirs publics de rémunérer les opérateurs concernés.
    Je voudrais évoquer maintenant de façon plus approfondie deux thèmes : le premier a trait au service universel et le second concerne la possibilité pour des collectivités d'établir et d'exploiter des réseaux de télécommunications.
    S'agissant de ce dernier point, Jean-Pierre Raffarin a déclaré lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire de décembre dernier : « Autre élément, pour ce qui concerne les nouvelles technologies, c'est tout ce qui concerne le haut débit et le fameux article 1511-6 du code des collectivités locales, de manière à ce que l'on puisse donner cette liberté d'opérateur pour les collectivités territoriales. C'est un dispositif pour le haut débit qui est très important ; au fur et à mesure que le progrès technologique se propage dans la société, au fur et à mesure des handicaps nouveaux arrivent. Et aujourd'hui, un grand nombre de territoires ont des difficultés avec leurs entreprises, avec leurs PME, qui leur demandent l'accès au haut débit et qui menacent quelquefois de quitter leur site d'implantation, parce que le haut débit n'est pas là. Il est un avantage technologique très important et un handicap pour ceux qui ne l'ont pas. Nous voulons pouvoir avancer dans ce domaine. »
    Il me paraît donc important que les collectivités puissent, dans des conditions juridiques et financières à préciser, suppléer la carence des opérateurs, lesquels font souvent preuve d'opacité quant à la divulgation d'informations sur les infrastructures dont ils disposent. Cela me conduit à évoquer, de manière incidente, la question de la connaissance des réseaux.
    Depuis l'obligation faite à France Télécom de déclarer ses installations sur les territoires communaux au 30 mai 1997, aucune autre contrainte nouvelle ne pèse sur les différents opérateurs pour ce qui est de la localisation de leurs réseaux. Ainsi, les collectivités locales - régions, départements, EPCI, communes - se trouvent pénalisées dans leur projet de développement ou de déploiement d'infrastructures lorsqu'elles se heurtent au refus des opérateurs de leur communiquer les informations précédemment évoquées.
    Dans ces conditions, il paraît souhaitable de soumettre les opérateurs à une obligation de transparence vis-à-vis des collectivités territoriales tant pour la localisation de leurs réseaux que pour la nature et la performance de ceux-ci.
    En ce qui concerne le service universel, il est défini comme « un service minimal, de qualité déterminée, disponible pour tous les utilisateurs quelle que soit leur situation géographique, et d'un prix abordable ».
    Le service universel comporte quatre composantes : le service téléphonique entre points fixes avec un raccordement au réseau téléphonique qui permette des communications de données à des débits suffisants pour offrir un accès fonctionnel à Internet, le bas débit ; la publiphonie ; le service de renseignements téléphoniques et l'annuaire ; les dispositions en faveur des personnes handicapées et des personnes à faibles revenus.
    Asseoir le financement du fonds du service universel sur le chiffre d'affaires pourrait être un moyen judicieux d'impliquer le consommateur final dans une solidarité nationale que l'on pourrait qualifier de numérique, d'autant plus que le périmètre de ce service universel devant être réexaminé au plus tard deux années après la transposition de la directive, il pourrait être intéressant d'y faire entrer la téléphonie mobile et le haut débit. Cela permettrait de favoriser une couverture homogène du pays.
    M. Arnaud Lepercq. Très bien !
    M. Alfred Trassy-Paillogues. En conclusion, l'objectif que nous devons atteindre, madame la ministre, avec ce texte sagement amendé, est de tonifier l'économie numérique grâce à des utilisateurs rassérénés par un encadrement juridique de l'Internet et de dynamiser nos territoires, par un service universel élargi. Nous aurons alors marié comme il se doit l'économie et l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Alain Gouriou.
    M. Alain Gouriou. Madame la ministre, le projet de loi que vous nous présentez ce soir reprend assez largement certaines des dispositions qui figuraient dans le projet de loi sur la société de l'information préparé, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, par le gouvernement de Lionel Jospin.
    Les objectifs de ce projet étaient les suivants :
    Premier objectif, faciliter l'accès des citoyens à l'information sous forme numérique. Il est important que les données publiques essentielles, les archives publiques, numérisées ou non, puissent être librement et facilement accessibles.
    Deuxième objectif, garantir la liberté de la communication en ligne. C'est un principe essentiel que nous devons tous chercher à promouvoir, car ces technologies sont des moyens d'ouverture, d'échanges et de débat démocratique, tout en protégeant les droits de la propriété intellectuelle et des créateurs.
    Nous débattrons tout à l'heure, je pense, de la distinction entre communication audiovisuelle et communication en ligne. Cela nous amènera à parler des compétences respectives des autorités de régulation existantes comme le CSA et l'ART ou de l'opportunité de créer une autorité spécifique. Je suis, pour ma part, assez favorable aux propositions faites par M. le rapporteur d'amender l'article 1er dans un souci de définition, de clarification et de limitation des compétences de ces autorités.
    Troisième objectif, définir un cadre juridique clair pour le commerce électronique en ligne, qui permette d'assurer la protection des consommateurs en luttant efficacement contre les invasions anarchiques des publicitaires sur la toile.
    Quatrième objectif, favoriser le développement des réseaux numériques via les technologies satellitaires et les technologies des téléphones mobiles actuels et des futurs mobiles des deuxième et troisième générations.
    Enfin, renforcer la lutte contre la cybercriminalité en favorisant l'usage de la cryptologie et en renforçant les pouvoirs du juge dans les enquêtes sur la criminalité informatique.
    Madame la ministre, vous nous l'avez dit, ce projet de loi relatif à l'économie numérique sera complété par deux autres projets de loi au cours du deuxième trimestre 2003.
    En ma qualité de membre de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, comme certains collègues dans cet hémicycle, je ne peux malheureusement que m'associer à l'avis de cette commission quant à ce projet de loi qui a considéré qu'elle était saisie sur un ensemble de dispositions floues, disparates, sans lien évident entre elles, sans que le Gouvernement lui ait présenté la stratégie dans laquelle il s'inscrit.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Oh !
    M. Alain Gouriou. Je tiens ce texte à votre disposition, monsieur le rapporteur.
    Nous ne pouvons qu'espérer, en effet, sans en avoir la garantie absolue, que les questions importantes que nous nous posons à propos de ce projet obtiendront une réponse satisfaisante dans les textes suivants.
    J'ai déjà évoqué l'article 1er de ce projet de loi dont nombre de services consultés réclament la suppression. Pour notre part, nous en souhaiterions la réécriture.
    Comme le fait justement remarquer l'ART, Internet est un support de communication qui est utilisé pour véhiculer essentiellement du courrier électronique, des conversations téléphoniques ou des services commerciaux et bancaires, même s'il peut aussi fournir des services audiovisuels. Les communications publiques en ligne ne se limitent pas aux services Internet. Les services télématiques ou les services audiotel peuvent aussi entrer dans cette définition.
    Il nous paraît important d'insister sur la distinction entre l'accès et le contenu : si les communications publiques en ligne peuvent relever d'une régulation des contenus, les services d'accès aux communications relèvent, elles, du code des postes et des télécommunications.
    Nous sommes aussi conduits à vous interroger, madame la ministre, sur le traitement de la question récurrente et difficile de la conservation des données. Cette conservation des données nous paraît essentielle pour le développement et la sécurité du commerce électronique. Fera-t-elle l'objet d'une réponse dans les futurs textes ou bien sera-t-elle renvoyée à un simple décret ?
    Nous nous inquiétons également de la régulation d'autres moyens d'accès à Internet que l'ordinateur personnel. De nouvelles technologies permettent déjà ou vont permettre dans un futur proche d'utiliser les potentialités internet, je pense au téléphone mobile de deuxième et troisième générations, aux boucles radio.
    Madame la ministre, nous notons avec satisfaction les progressions spectaculaires des foyers français en outil informatique et de nouvelles communications. Nous savons aussi que seul le débit élevé permettra d'assurer des prestations de grande qualité aux utilisateurs tant dans le domaine des échanges d'informations, de correspondances et de transactions commerciales. C'est la raison pour laquelle il nous paraît indispensable et urgent de favoriser l'extension des technologies DSL, des réseaux de fibres optiques. Seules ces modernisations et extensions de réseaux permettront non seulement de rattraper le retard qu'accuse notre pays dans ce domaine par rapport à certains pays concurrents, de relancer les industries de l'équipement en matière de télécommunications, mais aussi d'éviter la fracture numérique entre territoires de notre propre pays.
    Le groupe socialiste, madame la ministre, va participer à ce débat dans un esprit d'ouverture, soucieux d'éclairer, d'enrichir ce projet de loi sur un sujet difficile, en évolution rapide, à l'image des outils technologiques en renouvellement incessant, de caractère souvent ambivalent, et de renforcer en permanence nos progrès dans ces domaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Très bien.
    M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud.
    M. Yvan Lachaud. Madame la ministre, le moins que l'on puisse dire, c'est que votre projet de loi était attendu de longue date, tant l'adaptation de notre droit aux besoins de la société de l'information a pris du retard. Après l'Arlésienne du projet de loi sur la société de l'information déposé en juin 2001 et discuté seulement en commission, le groupe UDF et apparentés ne peut qu'exprimer sa satisfaction de voir que le Gouvernement, conscient de l'urgence, place les nouvelles technologies au coeur des priorités.
    Nous ouvrons aujourd'hui un chantier législatif qui, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, connaîtra d'autres étapes. Il s'inscrit dans un cadre plus large baptisé RESO 2007, qui vise à bâtir cette « République numérique » vitale pour le développement économique de la France, mais aussi pour son essor culturel.
    La première de ces étapes n'est pas la moindre : nous vivons un moment fondateur, comme l'a souligné le rapporteur de la commission des affaires économiques, Jean Dionis du Séjour, dont je tiens à saluer le travail conduit avec l'enthousiasme et le sérieux que nous lui connaissons. Comment ne pas se réjouir, en effet, au moment où le législateur aborde cette terre inconnue qu'est la sphère de l'économie numérique ?
    Enthousiasme, car tout reste à faire pour mettre un peu d'ordre dans les mailles de l'Internet, fréquentées par un nombre croissant d'utilisateurs sur la planète. Les chiffres que le rapporteur nous a rappelés sont impressionnants : au terme de ce quinquennat, la barre du milliard d'internautes sera franchie, et la France pourrait dépasser les 35 millions d'utilisateurs. L'enjeu économique est colossal, mais il se double évidemment d'un défi de société que les pouvoirs publics français doivent relever en s'attaquant notamment à la fracture numérique qui menace les plus faibles d'entre nous.
    Première réflexion : nous ne pouvons légiférer dans notre coin, en ignorant les règles en vigueur chez nos voisins. Prenons garde en effet de ne pas faire preuve d'un zèle réglementaire qui disqualifierait notre pays dans la compétition pour le développement et la croissance des économies numériques, et engendrerait de forts risques de délocalisation des sièges sociaux et des centres de recherche.
    La directive de la Communauté européenne n° 2000/31 du 8 juin 2000 a été un bon fil directeur pour nous guider dans l'écriture de la loi. Il faudrait d'ailleurs s'en servir comme d'un garde-fou si la tentation de l'exception française nous prenait. L'harmonisation des législations européennes doit être en effet une exigence absolue dans ce domaine où les frontières n'existent pas. Pour autant, de vrais choix doivent être faits dans les débats que nous aurons. Toute proportion gardée, ils nous engagent pour bien des années. Nous devons donc pouvoir exprimer notre savoir-faire national dans l'interprétation des directives européennes.
    La problématique qui va nous occuper peut se résumer par l'équation suivante : comment faire d'Internet un espace de droit sans affaiblir son potentiel économique considérable, mais tout en protégeant ses usagers de pratiques commerciales abusives et d'agressions idéologiques et pornographiques intolérables ?
    Le premier choix déterminant, qui a suscité de longs débats, parfois vifs, en commission, concerne la définition de la communication en ligne. Le groupe UDF soutiendra l'approche proposée par Jean Dionis du Séjour dans son amendement, approche qui ouvre la possibilité d'un nouveau domaine du droit plus adapté, selon nous, à la spécificité des économies numériques qu'un simple rattachement au domaine de la communication audiovisuelle régi par la loi de 1986.
    Alors que nous abordons un nouveau domaine de la communication où l'interactivité triomphe du caractère univoque de l'audiovisuel, il apparaît tout de même surprenant que l'on nous propose de revenir au stade de la télévision en faisant de la communication en ligne un sous-domaine de la communication audiovisuelle.
    Ce serait comme - permettez-moi l'expression - jouer au poker avec un jeu des sept familles ! (Sourires.)
    Nous comprenons bien la volonté du Gouvernement de ne pas créer un droit spécifique, mais d'adapter plutôt l'économie numérique aux multiples règles en vigueur. C'est un souci louable de simplicité. Mais, dans le passage de la communication audiovisuelle à la communication en ligne, nous sommes face à un véritable changement de modèle et d'échelle qui peut être comparé du point de vue des usages au passage du célèbre « 22 à Asnières » au téléphone moderne. Il semble bien impossible en l'occurrence de faire du neuf avec du vieux. La définition juridique doit par conséquent tenir compte du bouleversement de ces pratiques et le reconnaître ! C'est l'avis même du CSA.
    Nous comprenons bien le traumatisme du monde de la propriété intellectuelle, mais ce n'est pas en opposant approche culturelle et approche industrielle du phénomène Internet que l'on trouvera une solution consensuelle.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Yvan Lachaud. Il s'agit seulement d'adopter une attitude de bon sens qui nous permette d'élaborer une stratégie pertinente, « sur mesure », pour que le phénomène Internet, dont on doit favoriser à la fois l'essor et la régulation, aboutisse.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Yvan Lachaud. Enfin, en ce qui concerne l'autorité de régulation de la communication en ligne, on voit clairement les limites que ce rattachement juridique implique.
    Le CSA, vous le savez, madame la ministre, n'est pas demandeur. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle instance qui viendrait se superposer au CSA, mais bien de se donner les moyens de mettre en place une véritable régulation, y compris sur les contenus, pour faire respecter les règles de droits spécifiques à Internet et aux économies numériques.
    Une approche résolument pragmatique consisterait à définir le plus précisément possible chaque service proposé aux usagers et à trouver pour chacun de ces services l'autorité de régulation adéquate.
    Le rapporteur n'a fait d'ailleurs que suivre les recommandations du Conseil d'Etat en 1998. Les structures du CSA lui donnent les moyens d'intervenir auprès des producteurs et des chaînes qui sont en nombre limité ; mais pourra-t-il faire face à plus de 38 millions de sites Internet ? Ainsi, seule cette démarche volontariste initiée par le rapporteur permettra d'assurer une véritable confiance de tous les acteurs dans le développement de l'Internet et des marchés commerciaux qui lui sont liés.
    Le deuxième volet concerne la définition de la responsabilité des hébergeurs par rapport aux informations qu'ils transmettent ou stockent. C'est là un sujet extrêmement sensible où il faut agir avec prudence sous peine de créer une insécurité juridique pour les prestataires de service sur Internet. Dans sa rédaction actuelle, l'article 2 est trop flou pour éviter la multiplication de contentieux sans réels fondements. Ainsi, le « caractère illicite » des données ne permet pas en l'état d'identifier clairement ce qui engage la responsabilité des hébergeurs. Il fallait crever l'abcès et dénoncer sans ambiguïté ce qui pose réellement problème sur les contenus d'Internet. Nous le savons tous, il s'agit - vous l'avez dit mais j'insiste -, de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale et de la promotion de la pornographie enfantine.
    Certes, Internet restera le symbole moderne de la liberté d'expression, mais il ne gagnera ses lettres de noblesse que si les comportements contraires à notre conception des droits de l'homme sont progressivement bannis. Je suis convaincu que cette interprétation de la directive européenne fera date et servira de modèle.
    En tant que directeur d'un établissement scolaire, je ne puis que souscrire à l'amendement du rapporteur qui apporte des réponses utiles et efficaces à la réalité des problèmes liés aux contenus diffusés sur Internet. En distinguant ce qui est intolérable et ce qui est illicite, il contraint les hébergeurs à empêcher la diffusion de toute sorte de propagande nauséabonde et des images pédophiles. En outre, en distinguant ce qui est « manifestement » illicite, et donc condamnable, et ce qui est indiqué dans le texte initial comme manifestant un « caractère illicite », il allège la responsabilité a posteriori des hébergeurs et les préserve également du harcèlement de certains usagers en prévoyant une sanction pour « demandes d'arrêt de diffusion abusives ».
    Le troisième volet regroupe plusieurs articles qui concernent la protection des usagers de l'Internet et des consommateurs électroniques. Aujourd'hui, le commerce électronique est en pleine expansion dans notre pays : le montant des transactions augmente à un rythme annuel de 25 % et a largement dépassé depuis 2001 le chiffre d'affaires réalisé sur le Minitel. Mais, là encore, la France accuse un retard important par rapport à ses voisins.
    Le retard est encore plus important dans le cadre de ce qu'on appelle le « b to b » puisque les entreprises de commerce ne réalisent en moyenne que 2 % de leurs achats en ligne avec leurs fournisseurs. C'est donc pour dynamiser ces nouveaux modes de distribution et pour gagner la confiance des internautes que le commerce électronique doit être sécurisé.
    Les internautes qui hésitaient encore à faire le clic décisif par crainte de la virtualité de leur transaction pourront se rassurer car, en cas de défaillance, ils pourront se retourner directement contre le vendeur qui ne pourra pas se défausser sur ses sous-traitants.
    En ce qui concerne la cryptologie, le projet de loi va dans le bon sens car il donnera enfin, en achevant sa libéralisation, aux utilisateurs privés la possibilité de garantir l'intégrité d'un message en s'assurant de sa confidentialité et de son authentification. C'était la condition indispensable pour que les échanges par courrier électronique soient un véritable moyen de communication fiable et digne de confiance.
    La fracture numérique n'est pas encore réduite : seuls 21 % des foyers français sont connectés alors qu'ils sont 36 % en Grande-Bretagne et 54 % au Danemark. Et ceux qui se connectent à leur domicile restent les catégories supérieures, les plus diplômés et les moins de cinquante ans. Seuls 7 % des internautes sont des ouvriers alors qu'ils représentent 17 % de la population. Il conviendrait par conséquent à mon sens d'adopter très rapidement des mesures fiscales encourageant l'achat d'ordinateur avec une connexion à Internet, à l'image de ce qui avait été fait pour soutenir l'industrie automobile il y a quelques années. Nous pourrions aussi nous inspirer de l'aide québécoise via le programme « Brancher les familles » pour les bénéficiaires des allocations familiales.
    Enfin, n'oublions pas que la fracture numérique est aussi géographique. Certes, le nombre d'abonnés à l'ADSL a été multiplié par 2,5 en 2002 tandis que le câble a enregistré une croissance de 50 %. Mais l'écart entre les territoires urbains et ruraux grandit et devient inquiétant. Il faut donc combler au plus vite le fossé entre la « France d'en bas débit » et la « France d'en haut débit ». (Sourires.)
    A ce titre, nous soutenons la décision du CIADT de pousser au développement et au déploiement de techniques alternatives en milieu rural, comme la boucle locale, le Wi-Fi, le satellite, voire l'Internet via les réseaux électriques.
    En guise de conclusion, je vous livrerai pêle-mêle les propositions que le groupe UDF avait faites lors des précédentes campagnes.
    Peut-être vais-je dire une lapalissade, mais Internet est un outil moderne qui doit nous servir à moderniser : à moderniser notre Etat en réinventant son organisation ; à moderniser nos administrations en promouvant l'utilisation des téléservices administratifs ; à moderniser notre enseignement en généralisant les TIC dans les programmes officiels ; à moderniser la vie de nos entreprises en encourageant le commerce numérique ; à moderniser notre démocratie en intégrant les TIC dans les processus de consultation publique et en mettant en oeuvre le vote électronique.
    Le groupe UDF et apparentés votera le projet de loi enrichi par les travaux des commissions.
    Huit mois après sa constitution, le Gouvernement montre son attachement aux nouvelles technologies.
    Le groupe UDF sera également très mobilisé en faveur de la transposition du « paquet télécoms » dont vous avez, madame la ministre, annoncé l'examen pour le deuxième trimestre de 2003.
    Ces initiatives devant le Parlement montrent bien que vous avez pris conscience que l'« irruption » d'Internet est porteuse de perspectives de croissance prodigieuses pour notre économie et qu'il faut mettre la France en règle avec les directives européennes. Mais Internet est bien plus qu'un phénomène économique car l'accès aux réseaux porte les germes d'une nouvelle société, la société de l'information, destinée à remplacer progressivement la société industrielle qui a marqué la fin du XIXe siècle et le XXe siècle. C'est pourquoi il est impératif que le volet « diffusion et appropriation des NTIC », annoncé dans le plan RESO 2007 comme devant faire l'objet d'un projet de loi à la fin du premier trimestre de 2003, ne soit pas abandonné par le Gouvernement, alors qu'il semble manifestement repoussé dans le temps. Il s'agit, selon nous, d'une pierre essentielle du dispositif visant à construire une « République numérique dans une société de l'information ».
    Ainsi, au même titre que la sécurité, l'emploi et la santé, les technologies de l'information doivent être au coeur de l'action gouvernementale, et vous pourrez, madame la ministre, compter sur le groupe UDF pour vous soutenir dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à Mme Marcelle Ramonet.
    Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est des domaines où il est difficile de légiférer, celui touchant à la société de l'information en fait indiscutablement partie.
    Le projet de loi qui nous est soumis traduit la volonté du Gouvernement, et donc de sa majorité, de créer les conditions de la confiance nécessaires au développement de l'économie numérique, concernant notamment la sécurisation des transferts de données et des transactions financières par le biais de l'établissement de règles du jeu claires pour les prestataires de services de l'Internet et de la mise en oeuvre d'une protection efficace pour les utilisateurs.
    Permettez-moi de saluer avant tout la décision du Gouvernement qui, dans l'intitulé même du projet de loi, affirme le principe essentiel de notre philosophie tant politique qu'économique, c'est-à-dire la « confiance ».
    M. Patrice Martin-Lalande. Très juste !
    Mme Marcelle Ramonet. La confiance dans l'économie numérique doit s'exercer au profit de tous les acteurs, des opérateurs aux collectivités, mais elle a son corollaire : la responsabilité de ces mêmes acteurs et des différents intervenants, tant publics que privés, laquelle doit s'exercer in fine pour le meilleur profit de nos concitoyens.
    Bien que le secteur soit en pleine expansion avec plus de 700 000 salariés, plus de 160 milliards d'euros de chiffre d'affaires et plus de 2 milliards d'euros d'investissements, notre pays accuse toujours un retard par rapport à nos partenaires. Pourtant, l'Internet n'a jamais été aussi présent dans notre vie quotidienne, qu'il s'agisse de l'entreprise ou de nos actes privés, comme en témoignent les 9 millions d'abonnements individuels et le fort développement du commerce en ligne grand public, dont la croissance annuelle est de l'ordre de 60 %.
    Il était donc urgent de légiférer pour répondre à la problématique générale de l'économie numérique.
    Madame la ministre, les dispositions que vous nous proposez d'adopter concernent la sécurisation des échanges du commerce électronique, la liberté de la communication en ligne, et la lutte contre la cybercriminalité.
    En premier lieu, le commerce électronique doit pouvoir s'établir dans un climat de confiance. Pour ce faire, il convient d'assainir et de sécuriser les échanges commerciaux via les réseaux numériques. Votre projet y veillera tout comme il renforcera le dynamisme actuel de l'économie numérique.
    Le commerce électronique croît de plus de 25 % par an dans des secteurs entiers, qui voient leur activité transformée : vente à distance, voyages, biens culturels. Dans cette perspective, il s'agit tout à la fois de garantir la confidentialité des échanges d'informations entre les consommateurs et les prestataires de services et, s'agissant de la publicité en ligne, d'encadrer les abus engendrés par les publicités indésirables, dénommées « spam ». L'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection directe doit recueillir l'accord préalable des destinataires. Au final, les consommateurs seront mieux protégés, grâce à une information efficace sur l'identité des personnes qui leur feront une offre de vente par voie électronique - nom, adresse, capital social.
    Une autre mesure protectrice pour nos concitoyens est celle introduite par la directive européenne sur le commerce électronique. Ainsi, toute acceptation d'une offre dans le cadre d'un contrat de commerce par voie électronique devra désormais prendre la forme d'un « double clic » : après avoir passé sa commande, l'utilisateur devra pouvoir la vérifier et confirmer son acceptation.
    En deuxième lieu, la liberté de communication en ligne doit être garantie. Le projet de loi répond tout à fait à cet impératif car, pour la première fois avec ce projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, la notion de communication en ligne est enfin définie sur le plan législatif. Il devenait essentiel, pour ne pas dire crucial, de clarifier les conditions d'exercice et la responsabilité des acteurs du secteur, qu'elles soient définies dans un sens conforme au droit communautaire comme aux exigences constitutionnelles, qu'il s'agisse des hébergeurs de sites, des opérateurs de télécommunications ou des fournisseurs d'accès qui assurent le fonctionnement de l'économie numérique.
    Il fallait aussi déterminer la responsabilité civile et pénale des hébergeurs et des différents prestataires ainsi que les conditions de leur mise en cause.
    Enfin, les règles de gestion et d'attribution des adresses françaises sur Internet, c'est-à-dire celles dont la syntaxe se décline en « www.nom.fr », recevront désormais une assise juridique.
    En troisième lieu, il convient de lutter contre la cybercriminalité. Avec ce texte, nous engageons la sécurisation des échanges et nous donnons un sens fort à la protection des consommateurs en amplifiant la lutte contre la cybercriminalité.
    L'usage de la cryptologie, qui permet de chiffrer les transactions de commerce électronique, est désormais totalement libre, tout comme la fourniture et l'importation de moyens de cryptologie en provenance d'Etats de l'Union européenne. En outre, les moyens des pouvoirs publics pour lutter contre la cybercriminalité seront simultanément confortés par le renforcement des peines frappant ceux qui utiliseraient cette cryptologie à des fins criminelles.
    Madame la ministre, après cette première étape législative sur le volet numérique, nous aurons d'autres rendez-vous, notamment lors des transpositions des directives européennes à venir.
    Lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de décembre 2002, le Gouvernement a proposé de nouvelles orientations pour l'aménagement numérique des territoires.
    Ce volet « numérique » comporte des axes essentiels tels que la préservation de l'équité territoriale, en particulier pour la desserte des territoires en téléphonie mobile, le développement de l'Internet à haut débit pour assurer la compétitivité et la cohésion des territoires, l'offre d'outils de formation performants et accessibles pour répondre à l'exigence d'un accès partagé aux savoirs, ainsi que le développement de nouveaux usages et de services liés aux technologies de l'information et de la communication, utiles en particulier à la modernisation des services publics.
    Nous le voyons bien, au-delà de la loi, l'enjeu important des prochaines années réside dans le soutien que nous apporterons à la recherche et au développement. Vous venez d'ailleurs d'annoncer avec votre collègue Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche, des mesures qui seront soumises au Parlement dans les prochains mois. Soyez d'ores et déjà assurée que vous aurez tout notre soutien dans cette politique de relance.
    Pour ce qui concerne les industries productrices de TIC, les leaders qui s'affirment restent les Etats-Unis et le Japon, avec une dépense de recherche et développement correspondant respectivement à 2,64 % et 2,98 % de leur PIB, précédant l'Allemagne, qui en est à 2,48 %, et la France, qui en est à 2,19 %.
    L'Europe s'est assigné un objectif de 3 % du PIB dans le cadre de la politique économique commune. Mais nous n'y sommes pas encore. L'effort de recherche n'est que de 18 % en Europe et de 19 % en France contre 35 % aux Etats-Unis et plus encore au Japon.
    L'objectif annoncé par le Gouvernement est quadruple : faire des TIC une priorité de la recherche nationale, donner une nouvelle dynamique à l'innovation, donner une nouvelle dynamique aux réseaux de recherche existants, définir des axes de recherche prioritaires.
    Dans ce cadre, l'accès au haut débit représente un enjeu majeur. En effet, la France accuse un retard par rapport à certains de ses partenaires européens avec 800 000 abonnés au printemps 2002, contre plus de 2 millions en Allemagne. Seuls 2,6 % des Français ont accès au haut débit, contre 12 % des Suédois, 20 % des Canadiens et 42 % des Coréens du Sud.
    Néanmoins, l'utilisation de cet outil connaît aujourd'hui une forte progression : le nombre des abonnés a été multiplié par trois en un an et le chiffre d'affaires de ce secteur connaît la même évolution.
    Je suis convaincue que l'une des priorités doit résider dans la possibilité pour le plus grand nombre d'accéder à l'Internet à haut débit, dans la perspective d'atteindre 10 millions d'abonnés dans les cinq prochaines années. Cela permettra un développement rapide des usages résultant des nouvelles capacités offertes.
    L'accès aux réseaux de communication à haut débit se trouve au coeur des enjeux de développement de nos territoires. Le Président de la République s'est engagé pour que l'on puisse accéder à l'Internet à haut débit dans toutes les communes de France d'ici à 2007.
    Dans la région quimpéroise, nombre de communes de ma circonscription, en partie rurale, attendent la possibilité de bénéficier de cet accès au haut débit.
    Il s'agit là d'un programme ambitieux. Je souhaite que nous puissions rapidement répondre à cette ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat était attendu par tous ceux qui, depuis les années 90, participent, en exerçant des responsabilités diverses, au développement de l'Internet en France.
    Faisant écho à quelques-unes des interventions précédentes, je rappellerai que l'Internet n'a pas été inventé en 2002. (Sourires.)
    M. Patrice Martin-Lalande. On ne le répétera pas !
    M. Christian Paul. Depuis des années, nous sommes nombreux à travailler pour le développement des réseaux, des technologies de communication et, bien sûr, de l'Internet.
    Quant au texte qui est aujourd'hui soumis à l'Assemblée nationale, il s'agit en premier lieu, pour les uns, de stimuler le commerce électronique et les ventes en ligne et, pour les autres, parfois pour les mêmes, de protéger le consommateur en lui garantissant de façon crédible des droits acquis depuis longtemps pour d'autres formes de vente à distance.
    Je voudrais, madame la ministre, dans les quelques minutes qui me sont imparties, vous dire selon quels principes et quelle méthode nous allons aborder l'examen du texte, compte tenu de la possibilité que vous nous avez offerte de l'amender. Nous verrons alors si la « République numérique » aime bien l'Assemblée nationale. (Sourires.)
    Le projet de loi constitue une étape dans la régulation de l'Internet. On s'interrogeait, il y a quelques années, sur le point de savoir si la révolution numérique créerait une révolution juridique. Nous savons aujourd'hui qu'il est avant tout souhaitable non pas de créer un droit nouveau, mais de créer un droit utile. C'est à cela que nous voulons travailler en examinant ce texte et, je l'espère, en l'amendant.
    Un certain nombre d'objectifs doivent être conciliés.
    Il s'agit d'une approche concrète et pratique fondée sur l'observation des usages de l'Internet. Faire le droit dans un domaine aussi mouvant, où l'évolution des technologies et des usages est extrêmement rapide, est un véritable défi. Or tous les pièges ne sont pas évités par le projet que vous nous présentez, et nous aurons l'occasion de le rappeler lors de l'examen des articles.
    Il s'agit ensuite, et c'est à mes yeux tout aussi essentiel, et peut-être même davantage, du respect de la liberté d'expression. Car Internet, ce n'est pas seulement le commerce électronique : c'est avant tout un formidable moyen d'expression pour les individus, pour les citoyens, pour toutes les sensibilités d'opinion. Il nous faudra veiller tout au long de la discussion à ne pas opposer le développement du commerce électronique, la protection des consommateurs et la liberté d'expression.
    Vous nous invitez également, par le projet de loi, à définir la nature juridique de l'Internet. Vous souhaitez donner un cadre juridique plus clair au réseau. Nous pourrions souscrire à cette idée si l'on en restait aux grands principes et aux objectifs. En effet, éviter que ne se développe sur l'Internet l'idée que l'impunité est la règle, sans régulation ni sanction, est un objectif que nous partageons.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Christian Paul. Pour autant, et nous aurons l'occasion d'y revenir, les objectifs et les règles du droit de l'audiovisuel que vous affichez dès l'article 1er ne nous paraissent pas adaptés à l'Internet. Comme l'a dit avec justesse le rapporteur, et nous verrons s'il en tire toutes les conclusions lors du débat et dans ses votes, les contraintes qui s'imposent à l'audiovisuel, à la radio et à la télévision ne sont pas de même nature que celles que connaissent les réseaux. Il n'y a notamment pas la rareté de la ressource qu'imposent les fréquences.
    On peut donc aller plus loin en considérant que l'autorité de régulation de l'audiovisuel n'est pas dotée des compétences juridiques, pas plus d'ailleurs qu'elle ne dispose de la légitimité pour assurer un tel rôle de régulation, ce que le CSA n'a pas nié au cours des dernières années. C'est donc à la loi et aux juges qu'il appartient d'apporter des réponses en matière de régulation et de contrôle de l'Internet. Ce point fondamental relève de principes démocratiques auxquels, nous l'espérons, vous n'entendez pas déroger.
    La confiance - le mot reviendra souvent au cours de notre discussion - est d'abord celle du consommateur, qu'il appartient à la loi de protéger. Un certain nombre de mesures qui figurent dans votre projet, telles que le « double clic », les dispositions sur la loi applicable et l'inscription des fournisseurs de façon systématique sur les pages consultées, nous paraissent aller dans le bon sens, c'est-à-dire dans celui de la sécurité du consommateur.
    Le dynamisme de l'Internet français dépend beaucoup de la capacité du législateur d'adapter notre droit, d'abord parce que des risques évidents tiennent à la mutation très rapide des technologies et des usages. Les députés socialistes présenteront des amendements pour prévenir certains dérapages. Je pense notamment à l'article 34 du projet de loi, qui crée, pour la détention de programmes informatiques, une nouvelle incrimination pénale. Cette disposition fera naturellement l'objet d'un débat.
    Je voudrais également insister sur d'autre tâches urgentes qui doivent être assumées par le Gouvernement et qui avaient d'ailleurs été préparées par les travaux du précédent gouvernement.
    M. Patrice Martin-Lalande. Préparées tardivement !
    M. Christian Paul. Je pense notamment à la protection des données personnelles, qui est un élément essentiel de la confiance sur les réseaux.
    Dans votre texte, madame la ministre, on retrouve des dispositions qui figuraient dans le projet de loi sur la société de l'information. Car Internet, je l'ai dit, n'est pas né en 2002 et nous souhaitons, bien sûr, que la dynamique de l'Internet français soit poursuivie. Mais d'autres dispositions d'inspiration plus récente méritent notre vigilance. Il ne s'agit pas, comme on a pu le lire ici ou là dans les commentaires sur votre texte, de « dompter » l'Internet. Après l'éclatement de la bulle spéculative qui a affaibli la nouvelle économie, il s'agit d'en assurer le développement en France. C'est important pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, sur un sujet qui le passionne depuis quelques années.
    M. Patrice Martin-Lalande. Merci, monsieur le président.
    Madame la ministre, comme le Gouvernement, nous sommes nombreux, ici, à vouloir une loi d'équilibre. Je crois que le Gouvernement a réussi cet équilibre dans des domaines importants, pour que la confiance soit partagée entre internautes et opérateurs, entre utilisateurs et fournisseurs. En n'oubliant pas, d'ailleurs, que le premier marché électronique au monde a été celui de la France, grâce au Minitel.
    A propos de ce texte visant à renforcer la confiance en l'économie numérique, je souhaite insister sur plusieurs points :
    D'abord, la nécessité de mettre en place une procédure de notification.
    L'équilibre a été trouvé en matière de responsabilité des hébergeurs. Le Gouvernement a raison d'écarter la voie de la déresponsabilisation totale des acteurs, tout autant que celle de la responsabilité lourde, qui annihilerait une part de l'activité de ce secteur. Le projet de loi retient un régime de responsabilité proche du droit commun, mais néanmoins délimité.
    Pour pleinement respecter l'équilibre entre la liberté de communication et la possibilité pour les victimes d'obtenir le retrait rapide des informations illicites les concernant, il me semble nécessaire d'organiser précisément la manière dont la matérialité des faits litigieux peut être portée à la connaissance des prestataires. A cet effet, j'ai proposé un amendement tendant à instaurer une procédure de notification qui vise à clarifier la marche à suivre pour les victimes, tout en évitant les contestations abusives, ainsi qu'à donner aux prestataires toutes les informations leur permettant d'évaluer le caractère illicite d'une information et donc d'assumer clairement leurs responsabilités. Cette procédure ne vise donc pas à mettre en place un mécanisme automatique de retrait du contenu par l'hébergeur, mais à faire en sorte, au contraire, que ce dernier acquière la connaissance d'un contenu illicite au terme d'un processus suffisamment informatif et précis.
    Deuxième point : le droit de réponse.
    L'Internet est, par excellence, l'outil mondial de publication. Comme pour toute publication de presse écrite ou audiovisuelle, lorsqu'une personne est mise en cause d'une façon ou d'une autre, il convient qu'en retour elle puisse faire valoir son point de vue et ses arguments sans être obligée de saisir la justice pour faire entendre sa voix. Le respect de la personne étant en jeu, et le droit de réponse apparaissant comme un des droits fondamentaux de la personne, il paraît nécessaire de l'adapter aux spécificités de la communication en ligne. J'ai déposé à cette fin un amendement qui avait d'ailleurs été envisagé lors de la préparation de la fameuse loi sur la société de l'information, en 2001, et qui tient compte, d'une part, des dispositions applicables en matière de presse écrite et, d'autre part, des dispositions applicables en matière de communication audiovisuelle.
    Certains objecteront qu'il n'est pas facile de mettre en oeuvre concrètement ce droit de réponse. Il faut, certes, inventer des modalités nouvelles, mais le législateur ne peut à la fois constater la puissance sans précédent de la publication mondiale qu'offre l'Internet et accepter que cette publication soit la seule à ne pas offrir de droit de réponse.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Patrice Martin-Lalande. Troisième point : le financement du service universel.
    Si l'existence et la nécessité d'un service universel des télécommunications ne sont contestées par personne, il n'en va pas de même de son mode de financement. En effet, la répartition du coût du service universel entre opérateurs se faisant au prorata de leur volume de trafic, en l'occurrence du nombre de minutes, la charge de la contribution à ce service est totalement disproportionnée pour les opérateurs qui facturent à bas prix la minute de communication sous forme forfaitaire, ce qui est le cas pour les fournisseurs d'accès à Internet.
    L'amendement que je propose a pour but de modifier l'assiette de la contribution au service universel afin qu'elle soit calculée sur la base du chiffre d'affaires de détail et non plus sur celle du volume de trafic.
    M. Jean-Paul Charié. Ce sera pire !
    M. Patrice Martin-Lalande. En allégeant la charge qui pèse sur les fournisseurs d'accès, cette réforme devrait assurer le maintien des forfaits internet illimités « bas débit », qui sont d'ores et déjà disponibles sur la totalité du territoire à un prix abordable et constituent, pour les quelque 15 millions de Français qui n'ont pas accès à l'ADSL à ce jour - et cela risque de durer encore quelques années - le seul moyen d'accès illimité à l'Internet.
    Quatrième point : la couverture en téléphonie mobile.
    Ma conviction est que l'Internet de demain, l'Internet pour tous, sera l'Internet mobile accessible où et quand le consommateur le veut. Le formidable succès du téléphone mobile prouve la profondeur de cette aspiration. Préparer l'Internet de demain et lutter contre la fracture numérique entre les territoires impose donc d'assurer la couverture la plus large de nos communes.
    Je propose un amendement reprenant, afin d'en permettre le vote dans les meilleurs délais, le texte adopté en première lecture au Sénat le 24 octobre dernier lors de l'examen de la proposition de loi déposée par les sénateurs Bruno Sido, Gérard Larcher, Pierre Hérisson, François Trucy et Paul Girod. Ce texte vise à assurer la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en oeuvre prioritaire de prestations d'itinérance locale entre opérateurs. L'inscription de cette proposition à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale n'étant pas encore prévue, l'adoption de mon amendement dans le cadre de ce projet de loi permettra, si le Gouvernement l'accepte, de ne pas retarder la mise en oeuvre de la couverture en téléphonie mobile des zones qui en sont encore privées, et pour lesquelles le Gouvernement a décidé un plan d'urgence lors du CIADT du 13 décembre dernier. N'ayant besoin d'aucun décret d'application, ce texte donnera donc toute son efficacité à l'actuelle et indispensable mobilisation du Gouvernement et des collectivités.
    Cinquième point : l'intervention des collectivités territoriales pour le haut débit.
    Le programme d'action eEurope 2005 vise à donner à l'Europe des services publics modernes en ligne, un environnement dynamique pour les affaires électroniques et, pour faciliter le déploiement de ces services, la disponibilité massive d'un accès large bande à des prix concurrentiels ainsi qu'une infrastructure d'information sécurisée.
    Malgré les assouplissements que j'avais contribué à introduire en 2001, la rédaction actuelle de l'article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales, telle qu'interprétée par le Conseil d'Etat, n'a pas suffisamment permis que les collectivités territoriales et leurs groupements puissent prendre, en toute sécurité juridique, les initiatives nécessaires pour assurer la création des infrastructures d'accès haut débit à l'Internet dans certains territoires où est constatée la carence de l'initiative privée. Tenant compte des possibilités ouvertes par les directives européennes récentes, la nouvelle rédaction que je suggère dans un amendement cherche à concilier, comme l'a préconisé le CIADT du 13 décembre dernier, un élargissement des possibilités d'intervention des collectivités territoriales - afin de ne pas priver définitivement ou durablement certains territoires de toute possibilité d'infrastructures haut débit ou de téléphonie mobile - avec la nécessité de ne pas laisser les collectivités territoriales s'engager trop lourdement par rapport, d'une part, à leurs capacités financières et, d'autre part, au nécessaire respect des règles de concurrence.
    A ce propos, je tiens à souligner qu'il n'incombe pas au législateur d'imposer la prudence financière ; c'est aux collectivités territoriales de décider, lorsqu'il y a carence, si leur priorité budgétaire doit bénéficier à l'accès au haut débit ou si leur territoire peut s'en passer.
    En matière d'intervention des collectivités territoriales, je voudrais, madame la ministre, vous exprimer mon inquiétude. La numérisation permet la convergence mais, paradoxalement, on risque, en quelques années, de faire payer plusieurs fois le contribuable local, notamment dans les zones les moins favorisées, pour assurer la desserte numérique des zones les moins attirantes pour les opérateurs du marché. Les communes risquent de devoir payer pour la téléphonie mobile deuxième génération, pour l'Internet haut débit, pour la télévision numérique terrestre et pour la troisième génération UMTS. Le Gouvernement a-t-il l'intention de rechercher, si elles existent, des solutions permettant de limiter les coûts en mutualisant certains investissements au bénéfice de ces différents besoins de services numériques qui ont quand même un certain nombre de points communs ?
    Sixième point : le spamming.
    Il faut certes protéger le droit à la tranquillité des internautes et éviter qu'ils ne soient submergés de publicités et victimes d'une véritable pollution commerciale. Mais personne n'imagine notre société sans publicité. Il faut donc se poser la question de savoir quelle est la manière de faire de la publicité la plus respectueuse de la liberté du consommateur et la plus respectueuse des intérêts de la société.
    Il n'est intéressant ni pour le consommateur ni pour la société de privilégier l'accumulation de papiers publicitaires dans nos boîtes aux lettres en voulant éviter le trop-plein de nos boîtes électroniques.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Patrice Martin-Lalande. Le coût de collecte et d'élimination de la publicité papier, sans parler du coût environnemental de la fabrication du papier, doit nous inciter à privilégier la publicité électronique et à trouver des solutions pour traiter ce flux. J'espère que nous allons progresser vers la labélisation de la publicité pour en permettre le tri séparément des autres courriers, sans risque de confusion. Il faudra aussi sanctionner les cas de non-respect de cette labélisation afin d'assurer réellement le droit à la tranquillité des internautes.
    Dernier point : les pouvoirs de sanction du CSA. J'ai déposé plusieurs amendements afin de les rendre plus effectifs, car ils sont bien nécessaires pour la régulation des contenus.
    En conclusion, j'estime que le renforcement du cadre juridique de l'Internet doit s'accompagner d'un minimum de mesures économiques qui permettent au moins de ne pas entraver son développement. En l'espèce, il me semble que des progrès restent à faire. Je remercie le Gouvernement d'avoir accepté l'an dernier, lors du collectif budgétaire, la baisse des taxes sur les antennes pour la réception de l'Internet par satellite, baisse que j'avais proposée avec d'autres députés. Il conviendrait aussi, sans attendre la fin du régime transitoire pour les prestations en ligne d'ici à juillet 2005, de profiter de la renégociation communautaire prévue en 2003 pour demander que les taux réduits autorisés pour les biens culturels - journaux, livres, etc. - puissent s'appliquer très rapidement quel que soit leur support, donc aussi sous forme électronique.
    Madame la ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui marque une étape législative importante et prend tout son sens par son articulation avec les autres textes que vous nous avez annoncés. Mon souhait est qu'il ouvre efficacement la voie à l'adoption urgente de ces autres textes, trop longtemps différés et nécessaires à la confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la communication numérique constitue-t-elle un monde à part, en marge de la société ? Si certains l'affirment avec détermination, force est de constater que cela est faux, car notre société intègre de plus en plus ce moyen de communication. En France, près de 25 % des foyers utilisent Internet. Les démarches administratives dans les services publics s'effectuent de plus en plus par l'intermédiaire des sites. D'ici peu, tous les écoliers seront familiarisés avec ces outils d'acquisition de la connaissance accessibles en ligne. Dès à présent, les grands débats, en particulier celui contre la guerre en Irak, se déroulent dans des forums internationaux d'une ampleur inégalée, sans parler de la masse sans pareille des connaissances accessibles à tout individu qui sait manier le moindre moteur de recherche. Internet, c'est à la fois la poste, le téléphone, la médiathèque, la salle de réunion ou des espaces publics avec des possibilités de forums et, très bientôt, la télévision et même les supermarchés.
    Alors, madame la ministre, même s'il est nécessaire de légiférer, en particulier au regard des directives européennes, donnons-nous avec ce projet de loi les moyens de répondre aux enjeux de société que constitue cette révolution technologique.
    Tout d'abord, même si cette question de fond n'est pas abordée dans votre projet de loi, vous proposez comme instance de régulation le CSA. Or ce nouveau média ne relève pas pour l'instant de l'audiovisuel, même si la télévision doit s'y retrouver bientôt. Il ne relève pas davantage des télécommunications, même si elles y sont déjà présentes ; l'instance de tutelle ne peut donc pas être non plus l'Agence de régulation des télécommunications.
    Au lieu d'une loi qui se contente d'obéir aux directives européennes, il aurait mieux valu une grande loi d'orientation de la société de l'information.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Pour moi, cet espace de communication est au coeur de notre société et son cadre législatif doit reposer sur tout ce qui constitue les valeurs de la société française : la République avec son triptyque « liberté, égalité, fraternité », où la régulation des valeurs du marché rencontre la notion d'intérêt général, donc celle d'un service public où chacun doit trouver sa place.
    Prenons-nous réellement les moyens de donner du sens à cette nouvelle société ? Je n'en suis pas convaincu.
    Je citerai deux exemples sur lesquels je souhaite insister.
    Tout d'abord, dans plusieurs articles, vous nous proposez d'accepter que les officiers de police judiciaire puissent être suppléés par des agents habilités pour rechercher et constater les infractions aux dispositions prévues dans le projet de loi. Comment imaginer l'équivalent dans le domaine de l'économie et du droit commercial ? Nous sommes là dans une législation que l'on pourrait qualifier de police privée, l'ensemble du dispositif étant mandaté par le Premier ministre.
    Un second point, que d'autres collègues vont aussi évoquer, me semble fondamental. Dans un débat où la mondialisation, et en particulier la marchandisation de tous les produits et services, est en marche, la possibilité d'utilisation des logiciels libres est une grave question. Pour ma part, je considère que l'existence des logiciels libres appartient au même registre que celle de la toile Internet au moment où elle s'est constituée. Elle est nécessaire, je dirai même inévitable.
    Comment trouver normal, en effet, que toutes les administrations publiques deviennent l'otage de sociétés de logiciels, Microsoft ou autres ? Cette dépendance s'insinue à différents niveaux.
    Sur le plan économique, d'abord. Nous savons tous que la progression de l'informatique dans nos budgets est exponentielle, avec en parallèle une forte diminution du coût du matériel mais une explosion des coûts des logiciels, coûts très répétitifs car nous devons payer plusieurs fois pour l'utilisation sur chaque site, et de façon périodique pour faire face à l'évolution des nouvelles versions. Encore heureux si elles ne rendent pas les matériels obsolètes... De plus, nous subissons très souvent des monopoles.
    Sur le plan de la confidentialité, ensuite. Qui peut assurer, lorsqu'un citoyen est obligé de recourir aux services publics en ligne, ce qui est différent d'une démarche volontaire, que, dans les logiciels utilisés, il n'existe pas, à l'insu des pouvoirs publics, des moyens de communiquer à l'éditeur de ce logiciel ou à d'autres, des informations commerciales ou personnelles ? Peut-on laisser mettre en danger la vie privée des citoyens sans que personne ne puisse, grâce à l'accès au code source, se protéger ou rendre ces intrusions plus risquées parce que plus transparentes ? Contrairement à des idées reçues, légiférer en ce domaine, ce n'est donc ni une entrave à la liberté du commerce, ni un frein à la création, encore moins au développement de l'économie des logiciels.
    Madame la ministre, tous ces enjeux sont absents de votre projet de loi, alors que nous devons rapidement, prenant conscience de leur importance, lancer le débat autour d'une loi concernant non l'économie numérique, mais la société numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin.
    M. Emmanuel Hamelin. Madame la ministre, le projet de loi que vous nous présentez pour renforcer la confiance dans l'économie numérique, outre qu'il comble un retard important, répond à un double objectif. Le premier est de nous mettre en conformité avec la directive européenne du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. Le deuxième répond à l'ambition du Gouvernement de développer la société de l'information. Pour cela, il convient d'instaurer des règles du jeu claires pour les prestataires de services de l'Internet, tout en mettant en oeuvre une protection efficace pour les utilisateurs.
    Aujourd'hui, quel est l'enjeu ? Pour bien apprécier la nécessité de combler le retard de notre pays en matière de législation, il faut connaître l'état des lieux. En 2001, le total des transactions sur Internet a dépassé, pour la première fois, celui du Minitel. En 2002, le total des transactions sur Internet était cinq fois supérieur à celui du minitel. Une croissance de 25 % par an a permis à près de 6 millions de Français de réaliser un achat sur Internet en 2002 et de dégager, la même année, un chiffre d'affaires que l'on peut évaluer entre 2,3 et 2,6 milliards d'euros. Aujourd'hui, 30 % des entreprises achètent sur internet, 10 % des commandes de la vente à distance sont réalisées par ce moyen, 15 % de la vente de voyages se fait en ligne et 6 % du chiffre d'affaires de la SNCF est effectué sur le net.
    Cet état des lieux, s'il montre le fort potentiel du secteur, est malgré tout atténué par les risques de stagnation auxquels est confronté un marché fragilisé par une absence de règles. Comment donc ne pas adapter notre législation en fonction des nombreux métiers concernés par ce formidable potentiel ? Adapter ne veut pas dire encadrer et restreindre ; il s'agit bien au contraire de donner au commerce électronique les moyens de son développement.
    Parler de confiance, c'est aussi parler de sécurité. Ce projet de loi aurait été incomplet s'il n'avait pas comporté des dispositions en la matière, indispensables au regard des nombreux et graves dysfonctionnements qu'on a pu constater sur internet. Des sites pédophiles aux sites proposant des objets nazis, nous ne pouvions rester sans réaction au risque de favoriser l'émergence de réseaux que nous condamnons tous. Ne rien faire, c'était également jeter le discrédit sur l'utilisation même d'Internet et de l'économie numérique.
    Enfin, la justice pourra être saisie en référé pour prescrire toute mesure visant à faire supprimer un contenu illicite ou, à défaut, en restreindre l'accès.
    Certains, tout à l'heure, ont reproché à ce projet de loi son manque de stratégie. Je les renvoie au plan d'action du Premier ministre intitulé « Pour une république numérique de la société de l'information » qui vise à compléter ce projet par un texte plus axé sur la diffusion, et l'appropriation de nouvelles technologies, puis par un autre portant sur la transposition des directives « communication électronique ».
    Madame la ministre, votre projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique permet enfin de construire un environnement favorable, tant du point de vue du consommateur, que vous rassurez, que de celui du fournisseur, à qui vous donnez les moyens de son développement. C'est la raison pour laquelle, bien entendu, nous le soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Madame la ministre, votre projet de loi traite de la confiance dans l'économie numérique. A ce titre, permettez-moi de vous dire que la confiance, ce n'est pas seulement la fiabilité, la sécurisation des relations via le réseau entre les clients et les fournisseurs. La confiance, ce n'est pas seulement la clarification des responsabilités entre les différents opérateurs et prestataires de services de l'univers de l'économie numérique. La confiance, c'est aussi offrir, dans la transparence, la garantie de non-concentration des pouvoirs techniques et financiers. C'est aussi garantir, malgré les aléas d'une économie numérique souvent spéculative et jamais stabilisée, le fait que le pluralisme d'expression et surtout la liberté de création ne soient pas menacés par la simple application du laisser-faire et de la loi du plus fort.
    Chacun le sait bien, la conséquence du libéralisme débridé, c'est la concentration et la constitution progressive de monopoles incontournables. Disant cela, je ne m'exprime ni sous Windows ni sous la pression de qui que ce soit. Mais chacun voit bien ce dont il s'agit : cela pourrait s'appeler le « syndrome de Bill ».
    Madame la ministre, il est temps de prendre acte de la puissance de la communication numérique. L'époque où il y avait un type de support technique pour un type de média est révolue. L'époque où l'on pouvait raisonner strictement à l'intérieur de nos frontières en matière de technique de communication est une époque dont même les neiges éternelles ne se souviennent plus. (Sourires.)
    Alors, je sais bien, il y a, d'un côté, la loi fondamentale de l'audiovisuel et, de l'autre, la loi fondamentale du secteur des télécommunications. Il y a, d'un côté, le CSA et, de l'autre, l'ART. Aujourd'hui, constatant l'avènement des performances de la communication numérique sur une grande diversité de supports : filaire, hertzien, fibre ou satellite, mon propos vise à vous demander de prendre acte de ce que l'Europe appelle « la convergence ». Si j'osais, je dirais que la définition de la convergence se résume à la fameuse formule : « Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. » (Sourires.) Autrement dit, pour l'usager, pour le client, peu importe le support utilisé pour acheminer ou consulter un service en ligne, un service de communication audiovisuelle, ou tout autre service interactif. Peu importe le tuyau pourvu qu'on ait la qualité du service. (Sourires.) Lorsqu'on utilise un service de communication, on n'achète non pas de la quincaillerie, mais un usage, un contenu.
    Ma deuxième remarque porte sur la rareté des fréquences, point déjà évoqué par Christian Paul tout à l'heure. Elle est forcément pertinente lorsqu'il s'agit de fréquences mais lorsqu'un service de communication audiovisuelle est consultable par le biais d'un réseau numérique à haut débit, l'argument ne tien plus. Pourtant, c'est parfois le même service qui est véhiculé par l'un et par l'autre. Comment expliquer qu'il faut avoir une instance de régulation pour l'univers des fréquences hertziennes et une autre pour l'univers de la communication numérique par réseau Télécom, alors que je viens de rappeler que, ce qui importait pour l'usager, c'était le service et que ce dernier pouvait être véhiculé indifféremment par l'un ou par l'autre support ?
    Ma troisième remarque porte sur l'absurdité d'une régulation, au sein même de l'univers des télécommunications, support par support : ici le réseau filaire, là le câble, ailleurs la boucle locale radio. Je prétends que c'est une absurdité car l'utilisation de la boucle locale radio est par exemple, un échec, alors que le potentiel est réel.
    C'est un échec parce que la régulation a été réalisée tuyau par tuyau. Or, si ce qui importe pour l'usager c'est non pas le tuyau mais le service, ce qui compte pour les opérateurs c'est de pouvoir acheminer le service en utilisant toutes sortes de supports techniques en fonction du territoire, de son relief, de sa densité en habitation.
    Aujourd'hui, l'une des difficultés rencontrées en termes d'aménagement du territoire et de desserte à haut débit réside notamment dans cette mauvaise méthode de régulation.
    Mes trois remarques le confirment donc bien : il faut absolument sortir de cette approche qui consiste à confier aux uns la régulation du contenant et aux autres la régulation des contenus.
    En conclusion, madame la ministre, puisque pour l'usager c'est le service qui compte et pas le tuyau utilisé, puisque, pour les opérateurs, c'est la capacité d'acheminement, tous supports confondus, qui permet de mieux desservir l'ensemble du territoire, puisque pour garantir le pluralisme, la diversité de l'offre et la liberté de création, il faut réguler le secteur, par opérateur et par fournisseur de service - donc de contenu - quels que soient les supports utilisés, je vous proposerai par conséquent un amendement qui vise à tourner la page du système : CSA d'un côté, et ART de l'autre.
    Alors, comme je manque encore un peu d'audace et que je ne veux pas jouer les apprentis sorciers, je demanderai simplement pour le moment au Gouvernement de réaliser un rapport d'ici au 1er janvier prochain sur la mise en place d'une nouvelle instance de régulation mieux adaptée à l'évolution du secteur de la communication numérique multimédia. Si vous souhaitez, madame la ministre, appeler cela l'ARCM autement dit l'autorité de régulation de la communication multimédia, je ne vous demanderai pas de droit d'auteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, il est en effet nécessaire de légiférer de manière urgente sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, mais je reste sur ma faim après de débat en commission, car le présent texte n'aborde pas tous les problèmes sensibles qui se posent actuellement.
    Aujourd'hui, la domination américaine s'accroît dans les domaines économiques, technologiques et militaires. Les Etats-Unis s'affirment comme l'Etat qui veut dominer technologiquement le monde. Et les nouvelles technologies de l'information et de la communication participent malheureusement à cette mainmise sur tous les leviers économiques et technologiques.
    Or, que constate-t-on trois ans après la mise sur le marché de Windows 2000 ? La Commission européenne en est toujours à examiner le produit pour vérifier s'il y a eu vraiment pratique anticoncurrentielle. Renforcer la confiance dans l'économie numérique et instaurer la liberté de la communication en ligne sont certes des objectifs louables. Encore faudrait-il prévoir dans ce texte les dispositions qui garantissent la concurrence. A quoi sert-il de parler de commerce électronique ou de sécurité si, par inertie ou par passivité, le Gouvernement ne prend pas à bras-le-corps ce dossier ?
    En fait, à chaque changement de logiciels, une firme impose un peu plus son monopole et renforce sa position dominante. Cette firme cache les standards de format fichier et les protocoles de communication.
    Pour résister à cette marche forcée vers le produit informatique unique, l'Etat devrait favoriser les standards ouverts de communication et les logiciels libres. En ne le faisant pas et en utilisant dans l'administration ces formats uniformisés, l'Etat conforte la position dominante de cette entreprise. Je suis donc étonné qu'alors que ce texte traite de l'économie numérique et qu'il est d'une importance majeure, il ne prévoit rien en la matière.
    Pour garantir un libre accès du citoyen à l'information publique, il faut que le codage des données informatiques communiquées par l'administration ne soit pas lié à un fournisseur unique. Les standards ouverts, c'est-à-dire ceux dont l'ensemble des règles de codage de l'information est public, permettent de garantir ce libre accès en autorisant, si nécessaire, le développement d'une offre de logiciels libres compatibles.
    Pour garantir la pérennité des données publiques, nous pensons que l'utilisation et la maintenance d'un logiciel ne dépendent pas du bon vouloir des concepteurs du logiciel. Il faut des systèmes dont l'évolution puisse être toujours garantie grâce à une disponibilité du code source. Le principe de disponibilité du code source dans le cadre de contrats de licence, principe présenté aujourd'hui par le code des marchés publics et qui confine une option limitée aux seuls achats de progiciels, doit devenir la règle et être appliqué à tous les achats publics de logiciels. Les logiciels libres constituent « un savoir ouvert ». En construisant collectivement des codes sources, on bâtit l'avenir des nouvelles technologies de l'information et de la communication, car les paquets de logiciels restent cohérents entre eux.
    Enfin, et c'est sans doute le point le plus important, pour garantir la sécurité nationale, nous exigeons des systèmes dépourvus d'éléments permettant le contrôle à distance ou la transmission non voulue d'informations à un tiers. Comme d'autres députés européens, sur d'autres bancs, dans d'autres parlements, je tire la sonnette d'alarme, car rien ne nous met à l'abri de programmes d'espionnage dans les entreprises ou dans les administrations.
    M. Patrick Bloche. Très bien !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Aujourd'hui, un produit comme Windows ne cesse de faire appel à des patchs, des bouts de programme supposés réparer les défauts d'un logiciel dont personne ne peut vérifier les subtilités. Il faut des systèmes dont le code source soit librement accessible au public pour en permettre l'examen par un grand nombre d'experts indépendants dans le monde.
    En 2001, Microsoft Allemagne avait promis au parlement allemand un accès au code source. Ce n'est toujours pas fait. Or nous restons là passifs ! Pendant que le bateau coule, certains lustrent les cuivres ! (Sourires sur plusieurs bancs.)
    M. Patrice Martin-Lalande. Qui lustrait les cuivres jusqu'à avril dernier ?
    M. Patrick Bloche. C'est le Titanic numérique !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Nous souhaitons que les droits de propriété intellectuelle ou industrielle d'un concepteur de logiciel ne bloquent pas le développement de logiciels originaux compatibles et concurrents. Alors qu'on est tous d'accord sur ce point, le texte ne prévoit rien en la matière et il n'y a pas eu de discussion en commission.
    M. Patrice Martin-Lalande. Qu'y avait-il dans la LSI ?
    M. Jean-Yves Le Déaut. Le droit à la compatibilité pour tous, c'est-à-dire le droit de développer, de publier et d'utiliser librement un logiciel original compatible avec un autre doit être garanti par la loi.
    Je regrette donc que ces questions ne soient pas abordées aujourd'hui et que nous n'ayons pas pu avoir cette discussion en commission. En ne faisant rien, nous nous rendons complices. Aujourd'hui, il y a pourtant urgence, madame la ministre,...
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Oui.
    M. Jean-Yves Le Déaut. ... car, et je le regrette, la domination technologique américaine est en marche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrice Martin-Lalande. Sur ce dernier point, nous sommes d'accord !
    M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.
    M. Alain Joyandet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte intitulé « Confiance dans l'économie numérique ». Les acteurs de ce secteur à part entière de notre économie ont besoin de confiance, de clarification et de sécurité.
    De toute évidence, et nous nous en réjouissons, les dispositions du présent texte vont incontestablement dans ce sens. Nos commissions des lois et des affaires économiques, dont je salue ici les excellents rapporteurs, proposent un certain nombre de modifications qui appellent la discussion. Cette dernière est d'ailleurs transversale. Permettez-moi donc de donner mon avis sur deux problèmes qui ont été abordés.
    S'agissant du service universel, je ne suis pas du tout favorable à une révision de son financement.
    M. Jean-Paul Charié. Très bien !
    M. Alain Joyandet. En effet, ce serait taxer les entreprises de téléphonie mobile, auxquelles nous demandons déjà beaucoup actuellement en termes de couverture du territoire. Ce serait peut-être aussi placer la barre un peu bas pour nos exigences en matière de couverture du territoire puisque nous renforcerions ainsi durablement l'utilisation du bas débit, sans montrer une réelle ambition pour le haut débit, ce qui me paraît tout à fait important.
    Par ailleurs, je suis particulièrement favorable au rattachement de cette loi à l'audiovisuel. Les arguments que j'ai entendus ne m'ont pas convaincu du contraire : si l'on peut parler de rareté des fréquences pour l'ensemble de l'audiovisuel, cela ne me semble pas un élément de comparaison très pertinent avec l'Internet. En revanche, j'estime que la convergence des contenus sera de plus en plus grande, dans la mesure où l'interactivité joue un rôle croissant dans l'audiovisuel. Enfin, je pense qu'il faut éviter de diviser le secteur de la communication qui possède ses grandes règles économiques. Il importe au contraire d'avoir une vision très globale des choses. Je regrette, à cet égard, que cette orientation ne soit pas traduite dans la composition du Gouvernement. J'aurais aimé en effet qu'une seule personne s'occupe de ce grand problème de la communication, de sa diversification, de son avenir ; or nous avons affaire à trois ministères différents.
    M. Jean-Paul Charié. Au moins !
    M. Alain Joyandet. Par pitié, rattachons ce texte à la loi de 1986 sur l'audiovisuel, puisqu'il ne s'agit que d'une évolution technologique !
    Au-delà de ces différents débats, je regrette aussi, étant par ailleurs très satisfait de ce projet, que nous ne nous donnions pas les moyens d'une manière plus volontariste d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, autour du Président de la République, d'aboutir à une couverture du territoire beaucoup plus ambitieuse en matière de liaison à haut débit. Nos territoires sont une chance pour l'avenir, à condition qu'ils soient équipés des moyens de communication modernes. C'est désormais prouvé : les entreprises, le marché ne permettront pas seuls d'offrir à l'ensemble de nos concitoyens un égal accès à l'information, à la culture, au savoir.
    M. Christian Paul. C'est ce qu'on vous dit !
    M. Alain Joyandet. Si nous en restons là, nous irons vers une France à deux vitesses, encore plus « fracturée » qu'avant, avec des espaces de vie où chacun aura le choix entre trois ou quatre technologies différentes, et d'autres lieux de vie délaissés où aucune possibilité n'existera pour se connecter à la société de l'avenir.
    M. Christian Paul. C'est la schizophrénie numérique !
    M. Alain Joyandet. Je voudrais donc, madame la ministre, attirer à nouveau votre attention - mais je sais que vous y êtes très sensible, et ce propos s'adresse peut-être davantage au ministre de l'aménagement du territoire -...
    M. Patrice Martin-Lalande. Il y est très sensible aussi !
    M. Alain Joyandet. ... sur le risque démocratique que nous encourons à laisser sur le côté de la route une grande partie de nos territoires au prétexte que les investissements à réaliser ne sont pas rentables.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il faut le service universel !
    M. Alain Joyandet. Ceux qui vivent dans ces territoires en ont assez d'être systématiquement écartés de la mise en oeuvre, hier des réseaux routiers, aujourd'hui des réseaux numériques, et plus généralement des services publics modernes. Peut-être, d'ailleurs, cette lassitude, voire cette exaspération, madame la ministre, explique-t-elle en partie les votes émis dans le courant de l'année 2002 dans un certain nombre de départements français.
    Je n'insiste pas sur les statistiques : elles sont toutes concordantes. Elles montrent le retard de la France en matière de connexion à haut débit. Et les statistiques de l'Europe, que vous connaissez bien, le confirment.
    Je sais que l'on assiste actuellement à une très forte progression. Il est vrai qu'Internet n'est pas né en 2002, comme le disait un de nos collègues socialistes...
    M. Patrick Bloche. Christian Paul !
    M. Alain Joyandet. ... mais force est de constater que les statistiques de fin 2001 montrent que le précédent gouvernement n'a pas fait grand-chose pour permettre à la France de rattraper son retard. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cohen. Et où en étions-nous en 1997 ?
    M. Christian Paul. Personne ne vous croira !
    M. Alain Joyandet. Cette carence des équipements...
    M. Christian Paul. En 1997, on était les derniers du peloton ! Vous êtes dans l'outrance !
    M. Alain Joyandet. ... et cette « fracture numérique » ne peuvent pas générer la confiance dont traite par ailleurs votre projet de loi. Nous ne pouvons plus remettre à demain un certain nombre de décisions pour permettre à nos collectivités publiques de suppléer ou de compléter l'action de nos entreprises pour aménager notre territoire d'une manière cohérente et assurer l'égalité des chances pour l'ensemble de nos concitoyens.
    Combien de parlementaires, également élus locaux, sont aujourd'hui interpellés par leurs concitoyens, jeunes ou moins jeunes, qui ne peuvent pas avoir accès à l'internet à haut débit parce que là où le câble n'est pas, l'ADSL n'y est pas non plus et la BLR encore moins. Quant au satellite pour l'Internet, il restera l'apanage d'une minorité.
    M. Patrice Martin-Lalande. Cela peut changer !
    M. Alain Joyandet. Tout se passe comme si les technologies émergentes, au fur et à mesure de leur déploiement, consacraient cette fracture et ne la réduisaient pas.
    C'est pourquoi avec mon éminent collègue Patrice Martin-Lalande nous avons fait quelques propositions à son initiative d'ailleurs. Je sais que vous y êtes très attentive, madame la ministre. Je sais aussi que le débat sera fructueux et permettra d'avancer dans cette direction.
    Certes, nous allons vous proposer de modifier un peu le code des collectivités territoriales. Mais il ne faut pas non plus demander aux collectivités locales, souvent les plus défavorisées, de tout payer comme l'a dit tout à l'heure Patrice Martin-Lalande. C'est pourquoi nous souhaitons un plan national qui tienne compte de leurs difficultés de financement. La solidarité doit jouer, car les démocrates que nous sommes ne peuvent accepter la situation d'inégalité qui résulte de l'application de la seule loi des marchés.
    Je suis persuadé que, sans effort amplifié de la collectivité nationale, la situation que nous déplorons aujourd'hui perdurera. De la même manière que, jadis, nos prédécesseurs ont distribué l'eau, le gaz et l'électricité dans le cadre d'un grand service public, nous devons, à notre tour, garantir à nos concitoyens où qu'ils vivent et quel que soit leur niveau social, l'accès dans des délais raisonnables à des moyens qui deviendront vite indispensables à l'épanouissement de chacun.
    C'est pourquoi j'espère que vous pourrez, madame la ministre, accepter nos propositions qui ne sont qu'un premier pas. Elles ne peuvent que renforcer la confiance de nos concitoyens dans l'économie numérique et, du même coup, dans le Gouvernement que nous soutenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. Madame la ministre, le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, que vous nous présentez aujourd'hui, reprend largement l'architecture de celui sur la société de l'information, ce qui n'est guère surprenant dans la mesure où il s'agit principalement de transposer une directive européenne. Cependant là où la LSI était novatrice, traduisant cinq ans d'efforts prioritaires du gouvernement de Lionel Jospin, votre projet manque sérieusement d'ambitions. Ont été ainsi abandonnées - et je ne prendrai que cet exemple - les dispositions importantes relatives à l'accès aux données et aux archives publiques, dont le projet ne dit mot. C'est un regret et j'espère que nous aurons prochainement l'occasion de légiférer sur cette question essentielle.
    Cependant, c'est sur la régulation de l'Internet et sur son corollaire - la liberté d'expression - que je souhaite, après d'autres, formuler remarques et réserves.
    Ainsi que nous l'avons déjà dit au sein de cet hémicycle, l'Internet n'est pas une zone de non-droit. Et s'il ne fait aucun doute qu'il est nécessaire de réguler le réseau, encore faut-il trouver la forme la plus appropriée. Or en définissant la communication publique en ligne comme un sous-ensemble de la communication audiovisuelle, vous confiez de fait cette régulation au CSA. Vous commettez ainsi une erreur d'appréciation qui sera source d'insécurité juridique.
    En effet, les services de communication publique en ligne ne sont pas soumis aux mêmes limites techniques de diffusion que la radio ou la télévision qui utilisent les support traditionnels. Alors que, pour ces derniers, la ressource est rare et nécessite, pour des raisons évidentes de respect de la diversité et du pluralisme, que leur gestion soit confiée à une autorité administrative independante, donnant des autorisations ou attribuant des fréquences, la réalité du réseau est toute autre : la ressource y est par nature - par définition dirais-je même - infinie. De fait, on voit bien qu'on ne peut transposer à l'Internet les modes de régulation utilisés pour l'audiovisuel.
    Faut-il pour autant créer un droit spécifique de l'Internet et mettre en place un conseil supérieur de la communication publique en ligne, comme le proposait un amendement présenté par le rapporteur de la commission saisie au fond, mais qui a ensuite disparu ? Les députés socialistes ne croient pas à la nécessité de créer cette autorité administrative indépendant nouvelle. La loi de 1986 a pour objet, rappelons-le, la communication au sens large. Elle reste donc un cadre approprié pour adapter, à chaque fois que cela est nécessaire, le droit à la réalité du réseau. Le forum des droits sur internet, présidé par Mme Isabelle Falque-Pierrotin, est, à cet égard, un instrument d'orientation et de médiation particulièrement précieux. Je rappelle que sa création s'est faite à la suite du rapport que Christian Paul avait remis à Lionel Jospin.
    M. Jean-Paul Charié. Tout à fait !
    M. Patrick Bloche. Bien évidemment, ce forum constitue à la fois cette instance d'orientation et de médiation. Il suggère d'ailleurs, afin de lever toute confusion et de permettre au CSA d'exercer ses missions en toute sécurité juridique, de définir de manière légale les services de radio et de télévision indépendamment de leur support.
    Confier la régulation de l'Internet au CSA comme vous le proposez est d'autant plus surprenant que, dès l'article 2 du projet de loi, vous le dessaisissez des prérogatives que vous lui confiez à l'article 1er. En ce qui concerne la responsabilité des hébergeurs, vous abrogez ainsi les dispositions de la loi du 1er août 2000 qui laissait au seul juge le soin de se prononcer sur le caractère illicite ou non d'un contenu en ligne. L'article 2 du projet de loi dispose, en effet, que la responsabilité des hébergeurs pourra être engagée à partir du moment où ils ont eu connaissance qu'ils hébergeaient un contenu illicite, c'est-à-dire avant même qu'ils ne soient saisis par l'autorité judiciaire et, surtout, sans que cela soit désormais nécessaire. Comme le souligne maître Cyril Rojinsky : « Un simple prestataire technique devenant un premier degré de juridiction dans un domaine aussi sensible que la liberté d'expression, la chose semble difficilement acceptable. »
    Transposer une directive ne doit pas faire oublier des principes fondamentaux, des principes républicains. Je pense à l'article 66 de la Constitution qui évoque « l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle... » et à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui établit que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue [...] par un tribunal indépendant et impartial » alors que, paradoxalement, puisqu'il s'agit de transposer une directive communautaire, il semble avoir été oublié.
    Comment ne pas évoquer ici, au regard de la quasi-absence de contentieux depuis que la loi du 1er août 2000 s'applique, le risque d'insécuriser à nouveau, et bien inutilement, les intermédiaires techniques en les faisant juges des contenus qu'ils hébergent ou auxquels ils donnent accès ? En effet, des hébergeurs et des fournisseurs d'accès soumis à un régime engageant leur responsabilité de manière imprécise seront inévitablement enclins à rechercher la protection juridique que ne leur offre plus la loi en retirant, de manière préventive, des contenus contestés par des tiers. Le risque de censure est évident et la liberté d'expression se trouve ainsi menacée.
    Si le Gouvernement choisissait de maintenir les dispositions de l'actuel projet de loi, le moindre mal serait alors de prendre en compte deux modifications. La première, proposée également par le rapporteur de la commission des affaires économiques, consiste à préciser la responsabilité des hébergeurs en ne les tenant pour responsables qu'en cas de contenu « manifestement » illicite et non plus seulement « illicite ». La seconde, puisque le recours au juge ne serait pas systématique, est de retenir la proposition du forum des droits sur l'Internet, c'est-à-dire d'instaurer une procédure de notification des contenus litigieux qui permettrait de porter à la connaissance des hébergeurs les contenus illicites.
    Madame la ministre, mes chers collègues, l'avènement de la société de l'information porte en germe les ferments de la démocratie, mais aussi, si nous n'y faisons attention, ceux de l'arbitraire. Que la confiance dans l'économie numérique que vous nous demandez de renforcer ne suscite pas par mégarde l'inquiétude des premiers concernés, à savoir les acteurs de l'Internet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.
    M. Jean-Paul Charié. Demain, mesdames, messieurs, grâce aux technologies de numérisation de l'information et de la communication, chaque Français pourra, de chez lui, notifier en quelques minutes son changement d'adresse à l'ensemble des administrations : préfecture, mairie, sécurité sociale, etc. Des milliards de tracasseries seront ainsi évitées aux Français. Demain, grâce aux NTIC, chaque entreprise française pourra recevoir en direct des informations sur l'évolution du marché, la situation de ses fournisseurs ou de ses clients. Elle pourra ainsi s'adapter et des milliers d'emplois pourront être sauvés.
    Demain - et nous avons pris ce dossier à coeur, avec M. le secrétaire d'Etat aux PME -, il n'y aura plus qu'une seule caisse pour recevoir tous les fichiers et les bulletins de salaire des entreprises. Puisqu'il n'y aura plus qu'un seul lieu de cotisations, des milliers et des milliers d'heures de travail seront ainsi épargnées aux entreprises qui pourront consacrer ce temps gagné au service de leurs clients et à leur propre développement, au lieu de l'occuper à satisfaire la complexité administrative.
    Néanmoins, pour que ces objectifs soient atteints, il faut supprimer nombre de freins, dont les premiers sont législatifs et réglementaires. Votre projet de loi, madame la ministre, y contribue.
    A cet égard, je tiens à saluer le travail accompli en la matière par plusieurs de mes collègues, en particulier celui de Patrice Martin-Lalande, qui, depuis de nombreuses années, contribue à cette prise de conscience nationale en insistant sur la nécessité de modifier certaines dispositions législatives et réglementaires. J'apprécie qu'il recherche en permanence l'équilibre sur un sujet aussi compliqué. Cette complexité explique d'ailleurs que je sois en désaccord avec lui à propos du financement du service universel.
    Il est également des freins financiers, et l'initiative prise cet été par le Gouvernement de diminuer le coût de l'abonnement au haut débit est bien la preuve que ce dernier, soutenu par notre majorité, a la volonté politique de faire diminuer les coûts. Cela a d'ailleurs provoqué immédiatement un développement du haut débit.
    Les freins psychologiques sont nombreux : peur de partager des chefs d'entreprise, peur du changement, peur de l'innovation, réticence à la modélisation sont autant de freins qui gênent le développement. Le parlementaire en mission, nommé par M. le Premier ministre, sur la compétitivité numérique, va rechercher les moyens de lutter contre ces freins qui entravent le développement des technologies numériques d'information et de communication.
    Le dernier frein à mettre en exergue est celui constitué par les infrastructures. L'un de mes collègues en a déjà longuement parlé. En effet, pour que les NTIC se développent en France, pour que les exemples que j'ai cités deviennent des réalités, il faut que chaque foyer, chaque entreprise soit connecté à un réseau à haut débit véritable et non pas du genre de ce que l'on propose de temps en temps, avec simplement un mégabit par seconde. Il est indispendable d'assurer une connexion permanente apportant un véritable confort.
    Présent ce matin à Rosny-sous-Bois, avec des représentants du SIPPEREC - le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication -, j'ai assisté au lancement du haut débit par les prises électriques, qui est une nouvelle forme de connexion au haut débit. Cela signifie que demain, si nous le voulons bien - et ce n'est que l'une des formules qui s'offrent à nous - avec les réseaux d'électricité, chaque entreprise pourra recevoir du haut débit à 10 mégabits, uniquement en se branchant sur les prises électriques. Ne pouvant développer davantage ce point, compte tenu du temps qui m'est imparti, je me borne à souligner que les collectivités territoriales doivent intervenir en la matière.
    Spécialiste du droit de la concurrence, spécialiste de l'économie de marché, j'affirme qu'il faut faire confiance à l'économie de marché, mais j'ajoute qu'il est du devoir des pouvoirs politiques de réguler. En effet, il ne peut pas y avoir de liberté sans un minimum de règles du jeu. Parfois, il est aussi du devoir des pouvoirs publics, d'impulser le marché quand il est insuffisant pour attirer des investissements privés. Il convient donc d'inciter les collectivités territoriales à intervenir, pour financer certes, mais, surtout, pour faciliter, pour coordonner, pour rassembler, pour lutter contre les freins psychologiques que j'ai évoqués.
    Travaillant ces derniers temps avec vos collaborateurs, madame la ministre, nous avons été un certain nombre de parlementaires, dont les rapporteurs, à souligner que s'il faut que les collectivités interviennent financièrement, il est également indispensable qu'elles recourent à des sociétés privées. Il n'appartient ni à une municipalité, ni à un conseil général, ni à un conseil régional, de se substituer aux opérateurs privés. Ces collectivités doivent impulser, stimuler, mais pas se substituer. En la matière, l'équilibre tient à la position du curseur.
    Par ailleurs, il convient d'éviter que l'opérateur historique, France Télécom, continue de développer un monopole. Cette entreprise doit comprendre que plus ce marché se développera, plus elle y trouvera intérêt, puisqu'elle est le leader dans ce secteur. Or, pour que ce marché se développe encore mieux, il faut que France Télécom et l'ensemble de ses salariés admettent qu'il est nécessaire de laisser de la place aux opérateurs privés.
    Telles sont, madame la ministre, quelques-unes des réflexions que je voulais vous livrer avant de terminer en vous adressant toutes mes félicitations et en encourageant le Gouvernement à continuer à mettre en oeuvre cette merveilleuse volonté politique en faveur du numérique, donc en faveur de notre pays et de nos entreprises. Dans ce monde de la liberté, dans ce monde très ouvert, il ne peut y avoir de libertés et d'opportunités pour l'ensemble des Français que si nous faisons appliquer et respecter les règles du jeu, d'où l'intérêt de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Simon.
    M. Yves Simon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de meilleures dessertes et garanties pour un égal accès du citoyen aux technologies de l'information et de la communication sont les objectifs principaux du plan RESO 2007 présenté par le Premier ministre. Alors que le CIADT de Limoges a énormément déçu, faute d'accompagnement, RESO 2007 est très attendu et devrait permettre un déploiement de projets ciblés et concrets.
    Aujourd'hui, force est de constater que tous les territoires de notre pays ne se développent pas au même rythme. A titre d'exemple, les deux principales régions du Massif central, l'Auvergne et le Limousin, sont confrontées à une situation de carence, qu'il s'agisse d'infrastructures ou de services en matière de télécommunications. Ces zones à faibles densités de population et de potentiel économique ont été délaissées par les opérateurs. Ces espaces ainsi exclus de la société de l'information vivent donc la fracture numérique parce qu'elles ne disposent pas d'accès à Internet rapide et permanent de type ADSL ni, à plus forte raison, de haut débit. Quant aux quelques privilégiés desservis, ils ne connaissent pas l'attrait d'une saine concurrence.
    Face à cette situation, certaines collectivités ont décidé d'investir pour ne pas perdre tout espoir de développement. Cette volonté politique d'aménager leur territoire s'appuie sur un savoir-faire qu'elles maîtrisent avec succès dans d'autres domaines comme les transports ou les adductions d'eau. Dans ces conditions, cette nécessité d'investir dans des réseaux de télécommunication s'apparente à une nouvelle compétence pour ces collectivités. Il s'agit d'un enjeu majeur : non seulement rattraper le retard, mais, plus encore, anticiper l'avenir et les besoins émergents.
    Leur logique d'intervention s'articule autour de trois principes fondamentaux : l'aménagement de leur territoire, le développement économique, l'appropriation des TIC par le plus grand nombre.
    L'aménagement de leur territoire en infrastructures de télécommunication afin de créer des réseaux de collecte et le maillage capillaire manquant est une priorité. Pour cela, les collectivités peuvent s'appuyer sur la mutualisation des axes de type dorsal déjà existants. En outre, leur intervention doit à la fois se traduire par la maîtrise du déploiement et par la définition des priorités en liaison avec les opérateurs.
    Pour ce qui est du développement économique, les entreprises connaissent actuellement une véritable mutation avec la généralisation des flux tendus. A défaut de réponse satisfaisante à leur demande de haut débit, les risques de délocalisation augmentent et les handicaps de certaines régions s'accentuent. Pourtant, par le biais de la numérisation des activités, les technologies de l'information et de la communication offrent de nouvelles perspectives de croissance.
    Enfin, en ce qui concerne l'appropriation des TIC par le plus grand nombre, les populations doivent bénéficier des champs d'information, de l'ouverture sur le monde, des simplifications des démarches administratives, des loisirs et des accès à la culture qu'elles offrent. Un territoire sans TIC est un territoire sans avenir, car ni la jeunesse ni les entreprises ne s'y intéresseront. Si la volonté des collectivités locales est manifeste, il faut leur donner les moyens d'agir dans un cadre juridique adapté.
    Avec la réalisation d'études techniques, juridiques et financières, les élus doivent pouvoir s'appuyer sur une réglementation précise et audacieuse. A cet égard, l'abrogation de l'article L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales pourrait libérer la volonté d'agir et de bâtir l'avenir des territoires. Les collectivités auraient en effet la possibilité d'investir dans la création d'infrastructures de haut débit là où la carence de l'initiative privée est manifeste.
    Par ailleurs, l'aspect novateur des TIC, ainsi que les enjeux industriels et commerciaux qui y sont liés amènent à rechercher des partenaires techniques et financiers.
    En ce sens, la logique de partenariat public-privé doit être encouragée pour garantir la bonne articulation avec l'existant des acteurs du secteur, des opérateurs et des prestataires.
    Plusieurs montages juridiques ont été explorés. La participation d'acteurs privés au sein d'une société anonyme d'économie mixte reste limitée, la part des collectivités, en l'état actuel de la législation, devant obligatoirement être majoritaire. Dès lors, comment permettre une moindre participation financière des collectivités et associer davantage des acteurs privés intéressés par la création et la gestion d'infrastructures haut débit ? Tel est le nouvel enjeu. Si nous parvenons à y répondre, la mise en oeuvre de RESO 2007 sera facilitée dans les territoires aujourd'hui défavorisés mais qui, demain, pourront retrouver toute leur confiance par l'activité numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Christian Paul.
    Je crois savoir qu'il s'est engagé à ne pas utiliser le maximum de temps de parole que notre règlement lui permettrait.
    M. Christian Paul. Nous aviserons, monsieur le président !
    M. le président. Nous aviserons, mais j'ai bien pris note de votre engagement, monsieur Paul !
    M. Christian Paul. Tout à fait, monsieur le président. Reste que je souhaite, madame la ministre, mes chers collègues, vous expliquer pourquoi notre groupe souhaite le renvoi de ce texte en commission, en raison des conditions dans lesquelles il a été débattu dans nos commissions, mais aussi, et j'y viendrai dans un second temps, de son contenu même.
    Les conditions d'examen de ce projet ont été tout sauf exemplaires. Et ce reproche s'adresse moins au Gouvernement qu'à notre ordre du jour et à nos deux commissions, la commission des affaires économiques, saisie sur le fond, et la commission des lois, saisie pour avis, dont les travaux se sont déroulés de manière tout à fait contestables.
    Ce texte est en effet l'un des premiers, en tout cas le premier de cette législature, à évoquer directement la société de l'information et l'Internet. Certes, la législature précédente a été l'occasion de nombreux travaux, dans le domaine législatif, mais également dans beaucoup d'autres, qui ont facilité, depuis cinq ans, le passage de la France dans la société de l'information. Il faut le rappeler ce soir, car certains d'entre vous, mes chers collègues, ont visiblement plaisir à manier l'argument du retard de notre pays dans ce domaine.
    L'Internet n'est pas né en 2002 et le lancement programme d'action pour la société de l'information a été, de l'avis de tous les observateurs et de tous les acteurs français de l'Internet, le moment du décollage des NTIC en France.
    M. Patrice Martin-Lalande. En 1997, c'était parfaitement normal... On peut toujours l'affirmer !
    M. Christian Paul. La cryptologie a été libéralisée par voie réglementaire, la signature électronique a été reconnue par la loi ; quant à l'impact du commerce et de la publicité électroniques sur les libertés individuelles, il a été très sérieusement et remarquablement étudié par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
    Reste que ce projet est le premier de la législature à nous donner l'occasion d'évoquer la société de l'information. Or les conditions dans lequel il a été étudié ne furent pas à la hauteur des enjeux, ni d'ailleurs des risques que peut comporter une loi de ce genre : il n'est qu'à voir la façon dont il a été examiné en commission des lois où notre ordre du jour a été bousculé, pour ne pas dire chahuté, par l'examen d'un autre texte, proprement indigne de notre République, je le dis au passage, sur la modification des modes de scrutin.
    M. Yves Simon. N'importe quoi ! En plus, il vous arrange !
    M. Christian Paul. Il en a été de même cet après-midi encore à la commission des affaires économiques. Jean-Yves Le Déaut y a abordé un sujet essentiel, qu'il a pu certes évoquer cet après-midi à la tribune, mais très brièvement : je veux parler de l'usage des logiciels libres dont nous savons tous l'importance stratégique qu'il représente pour le développement économique de notre pays. Or, si les arguments de Jean-Yves Le Déaut ont bien été exposés et entendus, loin d'être pris en compte, ils ont été balayés avec la plus grande désinvolture. Décidément, madame la ministre, la République numérique dont on nous parle beaucoup ces temps-ci ne semble guère aimer l'Assemblée nationale... Ne serait-ce que pour cette première raison, il me paraît tout à fait nécessaire que nos commissions puissent à nouveau examiner ce texte.
    Mais peut-être l'essentiel est-il ailleurs. Car, au fond quand bien même s'il s'agit de procédure démocratique, il y a plus grave que les questions de procédure : car ce projet de loi me paraît porteur de bien des dérives qui, à mes yeux, motivent un nouvel examen par nos commissions, afin que la représentation nationale dispose du temps et des moyens nécessaires pour examiner l'ensemble de ses articles dans des conditions satisfaisantes.
    Cette fois-ci, madame la ministre, c'est plus directement au Gouvernement que je m'adresse, car votre projet a progressivement et largement dépassé son objet initial : le commerce électronique, la publicité des entreprises sur les réseaux, le droit de la preuve, la sécurité des échanges et des transactions grâce à la cryptologie. Il ne s'agissait en fait que de transposer des décisions européennes. Mais insensiblement, le texte du Gouvernement, auquel se sont joints une série d'amendements dont nous verrons tout à l'heure quel sort la majorité leur réserve, ont élargi la cible originelle, et ce dans l'improvisation la plus totale, au risque de porter atteinte, Patrick Bloche l'a dit tout à l'heure, à des droits essentiels, à commencer par la liberté d'expression.
    Je veux vous le dire solennellement, madame le ministre : une loi sur le commerce électronique n'a pas pour objet de légiférer sur la liberté d'expression ni d'amorcer une régulation des médias électroniques. Ou alors, si tel est bien le cas, nous demanderons au ministre de la culture de venir exposer les intentions du Gouvernement, puisque ce domaine relève de ses compétences.
    M. Patrick Bloche. Où est-il ?
    M. Christian Paul. N'en prenez pas ombrage, madame la ministre, mais c'est bel et bien à M. Aillagon qu'il appartient, dès ce soir peut-être, en tout cas demain matin, de venir expliquer à nos commissions comment le Gouvernement entend faire respecter la liberté d'expression sur l'Internet ou « dompter l'Internet », pour reprendre une expression que j'ai entendue.
    Le texte initial du Gouvernement fait de la communication sur le Net une variante de la communication audiovisuelle. C'est là, je le redis après Patrick Bloche, une erreur d'appréciation. Elle n'est pas nouvelle ; d'autres l'ont commise avant vous. Reste qu'il nous faut la dénoncer.
    Au demeurant, notre rapporteur lui-même a bien senti que cette définition ne tenait pas la route ; il l'a même reconnu à cette tribune, il y a quelques minutes, avec beaucoup de lucidité sinon de courage. Et si ses amendements préfigurent une définition de type radio et télévision, ne serait-ce pas pour préparer l'intervention du CSA ? Quoi qu'il en soit, nous voilà très largement sortis du cadre du commerce électronique. Vous-même, madame la ministre, devant la commission des affaires économiques, n'avez-vous pas ouvert la voie à une régulation de l'Internet par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ?
    Ce qui apparaît derrière tout cela, on le sent bien, c'est un risque de censure, comme à chaque fois qu'émerge un nouveau moyen d'expression. Cette tentation n'est pas nouvelle ; il est fâcheux que vous n'y résistiez pas. Vous ne serez donc pas étonnée que nous nous y opposions, car ce sont bien de mauvaises voies que vous allez emprunter. Si l'on n'y prend garde, l'Internet se retrouvera entre les deux mâchoires de la tenaille : d'un côté, un droit de l'audiovisuel à l'évidence inadapté, de l'autre, une autorité de régulation qui sera incapable de jouer ce rôle.
    Les objectifs et les règles du droit de l'audiovisuel ne sont pas adaptés à l'Internet par le fait que le droit de l'audiovisuel a été créé et approfondi pour régir un espace d'expression qui n'est pas du tout régi par les mêmes contraintes. Plusieurs orateurs, y compris au sein de la majorité, ont bien relevé que les contraintes des réseaux étaient d'une nature fondamentalement différente : on n'y connaît pas la rareté de la ressource et quand bien même le pluralisme peut y rencontrer des obstacles, ils ne sont pas du même ordre.
    Quant à l'idée d'ouvrir, par le biais d'amendements ou par une définition approximative de la communication en ligne, la voie à une mainmise de l'autorité de régulation de l'audiovisuel sur les réseaux, elle ne nous paraît pas davantage raisonnable. Le CSA n'est doté ni des compétences juridiques ni de la légitimité nécessaires pour assurer un tel rôle. Du reste, s'il en a parfois éprouvé l'envie, il ne s'est jamais hasardé à se prêter à cette interprétation et à se prévaloir d'une compétence que la loi, au demeurant, ne lui a jamais reconnue.
    Si donc vous persistez à poursuivre ce débat sans que nos commissions puissent à nouveau examiner votre texte, nous vous répéterons que c'est à la loi, et donc au juge, qu'il appartient, à notre sens, d'apporter les réponses judiciaires pour le cas où des désordres sont constatés sur les réseaux. Cela ne dispense évidemment pas les entreprises d'un effort d'autorégulation. Il n'est pas question de les décourager de l'entreprendre. Cela ne nous dispense pas davantage de mettre en place des moyens de corégulation. Plusieurs ont cité le remarquable travail engagé en la matière depuis maintenant plus d'un an par le Forum des droits sur l'Internet,...
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est vrai !
    M. Christian Paul. ... lequel a mis en avant la nécessité d'un échange et d'un dialogue entre, d'un côté, la régulation publique, dont nous reconnaissons la légitimité, qui doit s'opérer par la loi dont le juge doit veiller à l'application, et, de l'autre, le rôle des professionnels dans leurs entreprises ou regroupés en organisations professionnelles.
    Tous ces sujets, madame la ministre, vous les avez abordés ; le problème est que votre texte n'en parle pas, si ce n'est de manière très indirecte ou partielle. Autant de raisons qui justifient un renvoi en commission de ce projet de loi.
    Ajoutons qu'il aurait été parfaitement loisible d'élargir l'objet de ce texte en s'attachant à traiter des questions essentielles et urgentes, celles précisément qu'il a passées sous silence... Si vraiment l'on avait voulu, conformément à l'ambition que nous assignaient les rapporteurs, lui donner un caractère fondateur, encore aurait-il fallu commencer par dire très clairement que l'Internet ne se résume pas au commerce électronique. On pouvait croire, il y a quelques années, que le commerce électronique tirerait à lui seul le développement de l'internet ; mais chacun sait bien aujourd'hui que l'internet non marchand est un puissant levier pour l'appropriation des technologies de l'information et de la communication à travers les correspondances privées, les pages personnelles, les forums associatifs, les sites de quartiers ou de villes qui ont permis d'en développer l'usage bien au-delà du seul commerce électronique. Vous aviez bel et bien la possibilité, par un texte véritablement fondateur, de construire, à côté du développement du commerce électronique, un internet de service public capable d'apparaître comme une alternative à la marchandisation excessive des réseaux.
    Il y avait là matière à écrire une grande loi pour l'Internet, qui aurait abordé des questions aussi diverses que celle des logiciels libres et de l'interopérabilité des systèmes, dont Jean-Yves le Déaut a parlé tout à l'heure, celle du service public et de l'accès gratuit, qu'il faut pouvoir ménager aux Français, à un certain nombre de contenus publics ou culturels, la question du service public de l'identité ou encore celle des mesures à prendre pour garantir la neutralité et de la sincérité des moteurs de recherche. Autant de chantiers dont le législateur aurait pu se saisir, pour peu que vous ayez accepté d'élargir l'objet de ce projet de loi ; malheureusement, tel n'a pas été le choix du Gouvernement. Autant de raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous proposons de différer de quelque temps l'examen de ce texte et peut-être son adoption de façon à pouvoir le nourrir et lui donner une véritable épaisseur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrice Martin-Lalande. Comme pour la LSI ?
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Christian Paul, d'avoir respecté votre engagement.
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. Nous ne pensons pas que le renvoi en commission soit opportun. D'abord pour une raison de fond : même si Christian Paul s'est exprimé avec beaucoup de talent, on a bien retrouvé dans son intervention le péché mignon de la LSI à vouloir mettre tout dans tout et en faire quelque chose d'important, au final on n'accouche pas. Nous n'avons pas voulu utiliser cette méthode. Nous entendons agir de manière pragmatique en découpant le problème morceau par morceau,...
    M. Jean-Yves Le Déaut. A condition de ne pas accoucher d'une souris !
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur. ... et c'est ce à quoi nous nous attelons aujourd'hui.
    Ajoutons - et ce commentaire vaut pour la commission des lois comme pour celle des affaires économiques - que si nous avons effectivement disposé de peu de temps, cela ne nous a pas empêché de mener un travail en profondeur dans le cadre des auditions comme dans celui de nos premières réunions. Il est vrai que la commission des lois, occupée par un autre texte, a parfois dû travailler dans des conditions un peu particulières. Reste que je peux témoigner, et nombre de nos collègues de la commission des affaires économiques avec moi, que ce texte a bénéficié d'un véritable travail de fond, et en suivant une méthode qui nous donne toutes chances d'aboutir. Voilà pourquoi nous estimons que le renvoi en commission n'est pas nécessaire.
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Alfred Tracy-Paillogues, pour le groupe UMP.
    M. Alfred Trassy-Paillogues. J'ai bien écouté la longue, très longue argumentation de M. Christian Paul...
    M. Christian Paul. Mon intervention a duré à peine dix minutes !
    M. le président. C'est vrai, il a été très raisonnable !
    M. Alfred Trassy-Paillogues. ... sans y trouver de raison particulière qui justifierait un renvoi en commission.
    Pour ce qui est de nos conditions de travail, il est vrai que nos commissions sont parfois un peu encombrées. Mais ce ne sera ni la première fois ni la dernière. Force est de constater que toutes celles et tous ceux qui ont voulu s'exprimer ont pu le faire. Les orateurs qui nous ont précédés à la tribune, quelle que soit leur appartenance, ont d'ores et déjà bien esquissé le débat. Pourquoi chercher à l'interrompre ? Le mieux est l'ennemi du bien, mes chers collègues. A vouloir tout mettre dans une même loi, on finit par la faire mal, ou à ne pas la faire. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à François Brottes, pour le groupe socialiste.
    M. François Brottes. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'explication a été claire. Les arguments développés par Christian Paul d'une façon d'ailleurs très sobre, chacun l'aura remarqué, visaient à convaincre. Et je crois qu'il avait raison : ce n'est pas en faisant long que l'on convainc mieux.
    Cela dit, je suis un peu surpris des méthodes que vous utilisez : tantôt celle, expéditive, de l'article 49-3, tantôt celle de l'encombrement législatif !
    M. Pierre Cohen et M. Christian Paul. Très bien !
    M. François Brottes. La commission des affaires économiques est actuellement submergée de textes. Economie numérique, risques naturels, risques industriels, ce sont là des sujets majeurs. Sans oublier deux commissions d'enquête menées en parallèle... Trouvez-vous normal que l'on nous oblige ainsi à bâcler le travail législatif ? L'économie numérique est, personne ne le nie, un sujet majeur. Or vous y répondez par un petit texte très technocratique qu'il aurait fallu améliorer, peaufiner, étoffer. Nombre des dimensions qu'elle recouvre, et que Christian Paul a évoquées, ne sont pas traitées. Si vous persistez à continuer ainsi, ce sera véritablement un rendez-vous manqué.
    Avec le groupe socialiste, je souhaite donc que nous prenions le temps de réexaminer ce texte et de poursuivre la consultation avec les acteurs. Nous recevons les uns et les autres suffisamment de courriers qui montrent que ce projet suscite nombre d'incompréhensions. C'est donc que la consultation et la concertation n'ont pas été menées assez correctement.
    Vous souhaitez un accouchement, monsieur le rapporteur, mais une naissance à terme vaut toujours mieux qu'un accouchement prématuré : lorsque l'on fait la loi, il faut la faire durable. Et pour faire une loi durable, il faut que nous retournions travailler en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe UDF.
    M. Yvan Lachaud. Même si l'intervention de notre collègue était tout à la fois brillante et pondérée, on ne peut pas tout mettre dans une loi. J'ai déjà expliqué la position du groupe UDF. Nous avons déposé bon nombre d'amendements, qui seront débattus et, je l'espère, adoptés. Mme la ministre nous a fait part de sa volonté d'ouverture. Le groupe UDF estime qu'il est urgent de discuter de ce texte et ne votera pas pour le renvoi en commission.
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. J'indique à l'Assemblée que Mme la ministre répondra aux orateurs au début de la séance de ce soir.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 528, pour la confiance dans l'économie numérique :
    M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 612).
    Mme Michèle Tabarot, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis n° 608).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT