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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 6 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 5 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

CONSTITUTION EUROPÉENNE «...»

M. Christian Philip, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.
2.  Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire «...».
3.  Questions au Gouvernement (suite) «...».

EUROPE LAÏQUE ET EUROPE SOCIALE «...»

M. Pierre Forgues, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE «...»

MM. Stéphane Demilly, Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

EUROPE SOCIALE «...»

M. Frédéric Dutoit, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

FERMETURE DE MATRA AUTOMOBILE «...»

M. Patrice Martin-Lalande, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

FRANCE TÉLÉCOM «...»

MM. Francis Delattre, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ASSURANCE MALADIE «...»

MM. Jean-Marie Le Guen, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

AGRICULTURE «...»

Mme Marcelle Ramonet, M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

TRAFIC DE STUPÉFIANTS «...»

Mme Irène Tharin, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

CHÔMAGE «...»

Mme Marie-Renée Oget, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

PARITÉ «...»

M. Marc Joulaud, Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

PROJET ITER «...»

M. Bernard Deflesselles, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

4.  Risques technologiques et naturels. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant le chapitre 1er «...»

Amendement n° 6 corrigé de M. Cochet : M. Yves Cochet.
Amendement n° 7 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable ; Mme Ségolène Royal, MM. Pierre Cohen, Pierre Cardo, François-Michel Gonnot. - Rejet des amendements n°s 6 corrigé et 7.

Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 305 de M. Cohen : MM. Pierre Cohen, le rapporteur, Mme la ministre, M. Yves Cochet, Mme Ségolène Royal. - Rejet.

Article 1er «...»

M. Jean-Yves Le Déaut.
Amendement n° 43 de la commission des affaires économiques, avec le sous-amendement n° 522 du Gouvernement : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Yves Le Déaut. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Les amendements n°s 8 de M. Cochet, 257 de M. Daniel Paul, 452 de Mme Royal, 438 de M. Diébold et 391 de M. Cohen n'ont plus d'objet.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 28 rectifié de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mmes la ministre, Ségolène Royal, M. François-Michel Gonnot. - Rejet.
Amendement n° 306 de M. Habib : MM. David Habib, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendements n°s 29 rectifié de M. Cochet et 392 de M. Cohen : MM. Yves Cochet, Pierre Cohen, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.
Amendement n° 9 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre, MM. David Habib, Pierre Cohen. - Rejet.

Article 2 «...»

M. Bruno Bourg-Broc, Mme la ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»

Amendement n° 189 de M. Le Déaut : MM. Pierre Cohen, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Yves Le Déaut. - Retrait.
Amendement n° 367 de M. Gonnot : MM. Denis Merville, le rapporteur, Mmes la ministre, Ségolène Royal, MM. François-Michel Gonnot, Léonce Deprez. - Rejet.
Amendements n°s 307 de M. Brottes et 454 de Mme Royal : M. François Brottes, Mme Ségolène Royal, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Yves Cochet, François Sauvadet, Léonce Deprez, Pierre Cohen. - Rejets.
Amendements n°s 188 de M. Le Déaut et 453 de Mme Royal : M. Jean-Yves Le Déaut, Mme Ségolène Royal, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Yves Cochet, Daniel Paul. - Rejets.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
5.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
    PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Je vous rappelle, mes chers collègues, que le premier mercredi de chaque mois, les quatre premières questions sont réservées aux thèmes européens.
    Nous commençons par une question du groupe de l'UMP, Union pour un mouvement populaire. (Sourires et exclamations.)

CONSTITUTION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Christian Philip.
    M. Christian Philip. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Depuis un an, la Convention pour l'avenir de l'Europe, sous l'impulsion du président Valéry Giscard d'Estaing, a su acquérir une crédibilité et paraît en mesure, en juin prochain, de proposer une constitution européenne. Malheureusement, depuis quelques semaines, les divisions nées de l'attitude différente des Etats de l'Union face à la question irakienne, ainsi que les réactions atlantistes de la plupart des pays candidats, paraissent faire douter les conventionnels.
    Pour certains, à quoi bon persévérer quand l'actualité montre des divisions aussi profondes sur la conception de l'Europe ? A quoi bon chercher à élaborer un instrument, la constitution, quand on ne serait pas d'accord sur le projet que cet instrument aurait à mettre en oeuvre ? Quel est, madame la ministre déléguée aux affaires européennes, le sentiment du Gouvernement français à ce stade des travaux de la Convention ?
    Faut-il accepter la position de certains qui, face à ces événements, désirent prendre le temps de « digérer » l'actualité et retarder l'adoption de la constitution ? Faut-il, au contraire, et c'est mon sentiment, tirer argument des problèmes rencontrés pour dire combien un projet européen, politique, est maintenant indispensable ? Tout comme l'est une constitution, susceptible d'être appropriée par nos concitoyens ? Quelles initiatives la France peut-elle prendre en ce sens ? Notre gouvernement est-il conscient que dans ces quelques semaines le devenir de l'Europe peut se jouer ? Comment rassembler autour de ce projet ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, vous avez eu raison de souligner que la crise que traverse actuellement l'Europe dans le contexte international en raison de la situation en Irak pourrait avoir des conséquences sur les travaux de la Convention. Nous sommes confrontés à une alternative : faut-il en rabattre de nos ambitions pour une Europe véritablement politique, ou faut-il continuer à aller de l'avant et représenter une des forces motrices de la construction européenne ? Vous ne vous étonnerez pas de ma réponse : c'est évidemment la seconde option que nous retenons.
    La Convention est actuellement au pied du mur puisqu'elle passe à l'acte, c'est-à-dire à la rédaction des articles. Nous avons fait des propositions pour intégrer dans les valeurs de l'Union un certain nombre de concepts qui nous tiennent à coeur : la justice sociale, le développement durable - je le dis devant la ministre, Mme Bachelot. Nous avons aussi, indépendamment de la situation extérieure, des projets de contribution commune avec l'Espagne, la Pologne, la Grèce et les Pays-Bas.
    M. Maxime Gremetz. Et la Turquie ?
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. La France est aux côtés de la Convention et de son président Giscard d'Estaing. Nous leur faisons une totale confiance et nous entendons leur faciliter la tâche pour qu'un projet de constitution cohérent apporte un socle à l'Europe réunifiée que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

2

SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION
PARLEMENTAIRE

    M. le président. Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Marek Borowski, maréchal de la Diète de Pologne. (Mmes et MM. les membres du Gouvernement et Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite)

    M. le président. Nous poursuivons les questions au Gouvernement.

EUROPE LAÏQUE ET EUROPE SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues, pour le groupe socialiste.
    M. Pierre Forgues. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Depuis une semaine, la Convention pour l'avenir de l'Europe débat des seize premiers articles du projet de constitution européenne. Des questions essentielles restent encore en discussion.
    Face aux nombreuses pressions politiques ou religieuses, certains conventionnels conservateurs, et non des moindres, puisque le président de la Convention lui-même en fait partie, souhaitent inscrire dans le préambule de cette constitution une référence aux valeurs ou à l'héritage religieux. Cela n'est pas acceptable. La construction européenne, dans sa conception politique, relève d'une démarche profondément laïque. Des débats ont eu lieu lors de l'élaboration de la charte des droits fondamentaux. Un compromis a été trouvé. Il ne doit pas être remis en cause. Peut-on connaître la position du Gouvernement sur ce sujet ?
    L'absence de dimension sociale forte constitue un autre sujet d'inquiétude. Le rôle et les missions des services publics, notamment en matière de cohésion économique, sociale et territoriale, ne sont pas suffisamment pris en compte. Certains n'entendent pas l'appel de nos concitoyens, qui ne veulent pas seulement d'une Europe des marchés et de la concurrence, mais attendent que le modèle social européen soit garanti et renforcé. Nous devons nous doter des moyens d'harmoniser les normes sociales européennes vers le haut, par une législation-cadre, forte et ambitieuse, et assurer une meilleure coordination des politiques économiques, sociales et de l'emploi. Or le Gouvernement semble avoir déjà renoncé à cette exigence.
    Quelles sont donc ses propositions sur ces deux sujets : la laïcité et l'harmonisation sociale européenne, qui, à l'évidence, détermineront l'adhésion de nos concitoyens à la constitution européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, je ne vais pas vous décevoir.
    Concernant la laïcité, vous avez sans doute lu les déclarations du Président de la République sur le maintien de la position déjà exprimée par la France, qui est évidemment de tenir le cap de la laïcité. La laïcité est à nos yeux le système non seulement le plus efficace, mais aussi le plus éthique pour traiter avec égalité et neutralité tous les citoyens et toutes les religions dont ils se réclament. Sachez, monsieur le député, que notre détermination est totale et que nous ne rouvrirons pas la boîte de Pandore.
    Concernant l'Europe sociale, nous n'avons pas baissé les bras...
    Si vous avez lu les commentaires récents des travaux de la Convention, vous savez que c'est la France qui a demandé et obtenu la création d'un groupe de travail sur l'Europe sociale et que ce sont les propositions de la France qui ont en grande partie nourri les travaux de ce groupe et qui ont été retenues par une majorité d'Etats. Je peux ainsi citer la justice sociale, dont nous demandons qu'elle figure parmi les valeurs de l'Union, la coordination des politiques économiques et des politiques de l'emploi, le plein emploi, mais aussi les services d'intérêt économique général.
    Nous pensons que le marché ne doit pas se faire au détriment de la qualité des services publics et notamment des réseaux d'infrastructure. C'est la raison pour laquelle, monsieur le député, nous soutenons très fortement l'idée d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général. Pour l'instant, je dois le dire honnêtement, cette proposition ne recueille pas un très large accord ni assentiment. Mais nous savons pouvoir compter sur la représentation nationale pour nous aider. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

    M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre de l'agriculture, le Salon de l'agriculture, qui vient de fermer ses portes, a donné l'occasion au Gouvernement de rappeler son hostilité à une réforme précipitée de la politique agricole commune et aux propositions de la Commission européenne. La confiance et le dialogue avec le monde agricole ont été renoués, après des années d'inquiétude et de désintérêt. Mais le refus de la précipitation n'exclut pas l'action, car les problèmes demeurent. L'élargissement de l'Union rend incontournable une réforme de la PAC.
    Pour l'UDF, la PAC nouvelle devra reposer sur deux exigences. Premièrement, revenir sur une politique de prix réellement rémunérateurs ; deuxièmement, promouvoir notre modèle européen de développement, qui allie qualité des produits, sécurité alimentaire et développement rural.
    Ce modèle agricole européen devra être partagé par les pays de l'Est qui vont adhérer à l'Union européenne. Et cela vaut bien sûr en matière de sécurité alimentaire.
    Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer les objectifs que poursuit le Gouvernement dans ce dossier, toujours très sensible pour nos agriculteurs et l'avenir du monde rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Demilly, vous avez raison : le Salon de l'agriculture a été un grand succès. Plus d'un Français sur cent l'a visité, plus de trente ministres - africains, européens - sont venus partager notre vision du modèle agricole.
    L'année dernière correspondait à une échéance très importante : celle de l'élargissement - je le dis devant nos amis polonais, qui nous font l'honneur d'être ici avec nous - et le risque était grand d'un télescopage avec la politique agricole commune. Nous avons donc fait des propositions avec nos amis allemands. Ces propositions ont été acceptées et nous avons tracé, ensemble, des perspectives budgétaires durables - 2003-2013 - pour la politique agricole commune.
    Il convient maintenant de procéder à la révision, à mi-parcours, de cette politique agricole. La Commission propose, mais ce sont les Etats qui disposent. Et parmi les propositions de la Commission, nous refusons avec la dernière énergie le découplage total des aides, qui serait une stupidité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous refusons la baisse du prix du lait et des céréales. En revanche, nous sommes pour un renforcement de ce qu'on appelle, dans le jargon bruxellois, « le deuxième pilier », c'est-à-dire le développement rural.
    M. Jean Glavany. Avec quels moyens ?
    M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous demandons surtout que l'Europe finance les mises aux normes en matière d'environnement, de bien-être animal, de sécurité sanitaire et alimentaire. La France n'est pas seule à soutenir de telles propositions ; lors du dernier tour de table, onze pays sur quinze ont partagé notre vision des choses.
    Voilà, monsieur le député, quelle est la position que nous continuerons à défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

EUROPE SOCIALE

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères en tant que représentant du Gouvernement français au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Les premiers fruits des travaux de cette convention se dessinent progressivement. Certes, le thème de l'Europe sociale n'est pas absent des débats, mais il fait l'objet d'un discours minimaliste en totale inadéquation avec ce moment historique.
    L'Europe sociale est l'objet de réelles tensions entre diverses conceptions. Certaines d'entre elles, déjà exprimées par le MEDEF, manifestent une véritable obsession pour le thème de la flexibilité, synonyme de précarisation de l'emploi. Face à cette vision minimaliste de l'Europe sociale, une conception plus ambitieuse doit s'affirmer à travers l'inscription, dans le texte fondamental, du droit pour toutes et pour tous à l'emploi, à un niveau de revenu décent, à une protection sociale de qualité et à une retraite solidaire fondée sur la répartition ainsi que l'égalité des droits entre les hommes et les femmes et le développement des services publics de la santé, de l'éducation et de la culture.
    Ainsi la protection de notre propre système de protection sociale exige-t-elle que soit affirmé le principe de subsidiarité sociale. Cette idée implique : d'une part, que, lorsqu'un texte communautaire garantit une protection sociale inférieure à celle existante au niveau national, il soit écarté au bénéfice des dispositions nationales ; que, d'autre part, tout texte communautaire relatif aux droits économiques et sociaux soit adopté à l'unanimité du Conseil de l'Union.
    En dépit des pressions qu'exerce le milieu patronal pour revenir d'un bond vers le xixe siècle (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), le Gouvernement est-il prêt à défendre une conception de l'Europe sociale, progressiste et solidaire, digne du xxie siècle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, je ne souhaite pas entrer dans un débat sur les procès d'intention. J'ai déjà indiqué que, non seulement dans le cadre des travaux de la Convention, mais également dans le cadre de la préparation du Conseil européen du printemps du 21 mars, la France s'était résolument engagée en faveur du modèle social européen qu'elle a toujours voulu promouvoir.
    Vous avez dit que les droits sociaux n'existaient plus ou n'existaient pas. Il faut néanmoins savoir que la charte sur les droits fondamentaux des citoyens, dont nous réclamons à cor et à cri l'intégration dans une future constitution européenne, comporte une énumération extrêmement importante des droits sociaux. Certains de nos partenaires y sont foncièrement opposés, mais nous sommes heureux de constater qu'une grande majorité des Etats y sont favorables.
    Nous avons également demandé que, dans le cadre de la Convention, les législations sur l'harmonisation sociale des droits des travailleurs soient décidées à la majorité qualifiée. Obtiendrons-nous gain de cause ? Sur un certain nombre de points, dont celui des travailleurs frontaliers, nous en sommes à peu près sûrs. Mais pas sur celui-ci. Nous sommes néanmoins résolus à poursuivre dans cette voie et à faire valoir nos propositions.
    Enfin, s'agissant des services d'intérêt économique général, je vais très fréquemment à Bruxelles. C'est une idée qui nous est chère et je pense que nous allons réussir, dans le cadre de la Convention, à valoriser cette notion. Reste maintenant à la mettre en pratique car l'Europe, nous en sommes parfaitement conscients, ne saurait se réduire à un marché. Nous n'avons pas besoin d'institutions européennes ni de méthodes communautaires pour faciliter le fonctionnement du marché, même si celui-ci est très important d'un point de vue social, notamment pour la croissance. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en avons terminé avec les questions sur les thèmes européens.

FERMETURE DE MATRA AUTOMOBILE

    M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour le groupe UMP.
    M. Patrice Martin-Lalande. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Matra Automobile et le groupe Lagardère viennent de décider d'arrêter toute activité de production de voitures dans les usines de Romorantin, dans le Loir-et-Cher. (Vives exclamations et « Nous y voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Inutile de crier !
    M. Patrice Martin-Lalande. Un millier d'emplois supplémentaires va être supprimé, en plus des 1 500 emplois qui ont déjà disparu dans cette entreprise.
    Matra Automobile était, fin 2001, le premier employeur privé de la région Centre avec 2 500 emplois. Il faut malheureusement ajouter à ce terrible naufrage économique et social les 2 000 à 3 000 emplois qui ont déjà disparu ou sont immédiatement menacés dans les secteurs de la sous-traitance et du commerce de proximité. Il s'agit donc d'une véritable désintégration, d'une véritable déstructuration du tissu économique et social d'un bassin d'emploi dont l'activité reposait largement sur l'armement, aujourd'hui totalement disparu, et sur l'automobile, brutalement réduite à néant chez Matra Automobile.
    Le 6 janvier dernier, j'ai écrit au Premier ministre pour lui demander ce que j'ai appelé un « plan Marshall » pour ce bassin d'emploi. Et il a répondu à notre attente puisque, dès le 4 février, le ministre Jean-Paul Delevoye recevait une délégation d'élus (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et annonçait que le Gouvernement retiendrait le bassin d'emploi de Romorantin-Salbris pour mettre en oeuvre un des quatre premiers contrats de site.
    La première urgence concerne le reclassement du personnel de Matra Automobile et des sous-traitants déjà touchés, la deuxième consiste à venir en aide aux sous-traitants les plus gravement fragilisés par le naufrage de Matra Automobile, en particulier la société MVC qui emploie près de 500 personnes à Theillay.
    Je souhaite que le Gouvernement nous indique aujourd'hui comment les premiers responsables de la situation, c'est-à-dire l'entreprise Matra Automobile, le groupe Lagardère et Renault seront appelés à participer à la réparation des lourdes destructions commises dans ce bassin d'emploi. Merci au Gouvernement de préciser également le calendrier, les objectifs et les moyens que l'Etat compte proposer aux collectivités et aux entreprises pour mettre en oeuvre très rapidement ce contrat de site. Nous sommes déterminés à nous battre pour reconstruire l'activité et l'emploi dans ce bassin dramatiquement meurtri...
    M. le président. Monsieur Martin-Lalande, posez votre question, je vous prie.
    M. Patrice Martin-Lalande ... mais nous ne gagnerons qu'avec l'engagement de l'Etat. Qu'en sera-t-il ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie. (Exclamations et quelques huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, je vous en supplie, ne m'obligez pas à vous rappeler que les responsables de l'actuelle majorité avaient averti le gouvernement précédent de ce qui allait se produire voilà cinq ans déjà. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais si ! Que de temps avons-nous perdu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur Martin-Lalande, l'arrêt de la production de l'Avantime est évidemment une décision très douloureuse pour tous, qu'il s'agisse des personnes concernées dans leur emploi et de leurs familles, mais aussi, comme vous l'avez dit, de l'ensemble de la région de Romorantin. Aujourd'hui, nous avons deux priorités : d'une part, reclasser les personnels et examiner très attentivement les conséquences de cette situation sur la sous-traitance ; d'autre part, redonner un avenir industriel à ce site meurtri.
    Monsieur le député, ce qui vient de se passer tout récemment dans l'un des sites de Daewoo, à Fameck, où une industrie, filiale de Thyssen va recréer plus d'emplois qu'il n'en avait été supprimé montre bien que des solutions existent, lorsque la volonté est au rendez-vous.
    M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. A propos de Romorantin, la volonté est précisément au rendez-vous. Je puis vous assurer en effet de la détermination du Gouvernement et de l'implication des entreprises concernées, qu'il s'agisse du groupe Matra Automobile ou de M. Lagardère et de M. Schweitzer, avec lesquels, bien entendu, je me suis longuement entretenue de tout cela. Je puis vous dire qu'ils sont parfaitement conscients de leurs responsabilités, légales pour les uns, et morales pour les autres, et qu'ils sont tout à fait disposés à s'impliquer, pas seulement financièrement, mais également en contribuant à recréer des emplois sur le site de Romorantin.
    Enfin, nous allons très rapidement mettre en place un contrat de site, qui va associer les élus locaux et les élus nationaux, de façon que nous puissions inscrire toutes ces démarches dans une stratégie volontariste, à la fois globale et cohérente. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

FRANCE TÉLÉCOM

    M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour le groupe UMP.
    M. Francis Delattre. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, l'histoire financière, malheureusement, se répète. Il y a dix ans, nos déficits budgétaires ont atteint des chiffres records avec en prime, si j'ose dire, la catastrophe financière du Crédit lyonnais. Aujourd'hui, le déficit budgétaire 2002 va battre un nouveau record, après cinq ans de gestion Jospin-Fabius (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et en prime, cette fois, il y a les pertes abyssales de France Télécom.
    M. Maxime Gremetz. C'est ça la privatisation !
    M. Francis Delattre. La nouvelle direction de France Télécom, qui vient de s'exprimer, a en effet annoncé un record absolu de pertes pour une entreprise française : plus de vingt et un milliards de francs !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. D'euros !
    M. Francis Delattre. Oui, d'euros. Plus grave, l'endettement de France Télécom représente soixante-huit milliards d'euros, soit le quart du budget du pays avec en prime, dix millions d'euros en négatif pour les fonds propres. Voilà le bilan de France Télécom !
    M. Maxime Gremetz. C'est ça la privatisation !
    M. Francis Delattre. Ce bilan reflète cinq ans de gestion hasardeuse et dogmatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) L'accord de la majorité plurielle, figeant le statut de France Télécom, l'entreprise n'a pas pu nouer les alliances européennes nécessaires à son développement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle n'a pas pu faire ce que tous les autres grands groupes de télécommunication ont fait en Europe, c'est-à-dire des échanges d'actifs ou des échanges croisés d'actions et elle a dû recourir de façon abusive à l'endettement jusqu'à un niveau insupportable.
    M. François d'Aubert et M. Hervé Novelli. Eh oui !
    M. Jacques Desallangre. M. Delattre n'a rien compris !
    M. Francis Delattre. Cet endettement, aujourd'hui, explique largement la nécessité de provisionner, à hauteur de 18 milliards, les pertes de France Télécom.
    M. Maxime Gremetz. Pas les pertes !
    M. Francis Delattre. Du fait de son endettement, en effet, France Télécom, qui est bien située dans son marché, est aujourd'hui au bord du gouffre, il faut en être conscient. Quelles mesures le Gouvernement va-t-il prendre pour réparer les dégâts du passé et assurer l'avenir de France Télécom ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député Delattre, les nouvelles concernant France Télécom que vous venez de nous communiquer sont plutôt positives (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) puisque je vous confirme que le chiffre d'affaires de cette entreprise et son résultat d'exploitation sont respectivement en croissance de 8 % et de 21 % et que le résultat, avant pertes exceptionnelles, s'élève tout de même à 2,2 milliards d'euros. Cette entreprise est donc sur la bonne voie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il faudrait savoir !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certes, il a fallu tirer un trait sur des expériences malheureuses et coûteuses qui ont justifié les 18 milliards dont vous parlez.
    Au-delà, il est surtout intéressant de constater que cette entreprise, dès lors qu'elle a retrouvé un cap, une stratégie, un management, est capable de continuer à profiter d'un marché des télécommunications qui a l'avenir devant lui, notamment grâce à la relance que nous avons engagée en Europe. Ce redressement a été possible parce que, à un certain moment, nous avons rétabli la confiance au niveau des marchés, des salariés et de l'encadrement.
    M. Bernard Roman. Mais pas des ménages !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est le résultat d'un changement de direction. Comme vous le savez, un nouveau président et un nouveau management ont été nommés voilà cinq mois. Vous voyez, au passage, l'impact des hommes, et des femmes, d'ailleurs (Applaudissements sur divers bancs), sur les affaires !
    Cet impact a très rapidement rendu possible le retour de la confiance puisque, je me permets de le souligner, ladite entreprise a pu lever sur le marché 9 milliards d'euros entre les mois de décembre et de janvier derniers. Elle est aujourd'hui en train de réussir son pari qui consiste à mobiliser 15 milliards d'euros d'économies dans les cinq prochaines années sur son exploitation. Elle est en train de créer les conditions pour que l'augmentation de capital, qui est nécessaire puisqu'il n'y a plus de fonds propres, soit rendue possible. Ce matin, en conseil des ministres, nous avons approuvé le projet de loi transférant l'intégralité de la participation de l'Etat à l'ERAP.
    M. Maxime Gremetz. Et voilà !
    M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Tout cela nous permettra, grâce notamment à la nouvelle agence des participations de l'Etat, de traiter les difficultés du monde économique - et il y en aura encore dans le futur - d'une manière aussi professionnelle que nécessaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ASSURANCE MALADIE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'est pas là !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... qui s'est engagé, devant les Français, à aborder la réforme des retraites dans la transparence.
    M. Yves Nicolin. Tout à fait !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est pourquoi il doit éclairer les Français sur la situation réelle de l'assurance maladie et sur son avenir. En effet, alors que les comptes de la sécurité sociale étaient équilibrés ces dernières années (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous avez laissé filer les déficits, au point de vous retrouver, à la fin de l'année 2003, avec un besoin de financement d'au moins 15 milliards d'euros, plus de 100 milliards de francs.
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Jean-Marie Le Guen. Quoi que vous en disiez aujourd'hui, ce gonflement de la dette sociale devra être assumé par une augmentation des prélèvements plus ou moins différée.
    Par ailleurs, le ministre de la santé, M. Mattei, a annoncé son intention de réformer l'assurance maladie en opérant de très nombreux déremboursements, qui auront pour effet de transférer une partie des dépenses de santé sur le dos des ménages et d'augmenter les cotisations de leurs assurances complémentaires.
    Dans le même temps et dans cette assemblée, la même semaine, vous avez annoncé que vous vouliez restreindre fortement l'accessibilité à l'allocation personnalisée d'autonomie et la qualité de ses prestations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Luc Reitzer. L'APA n'était pas financée !
    M. Jean-Marie Le Guen. Les personnes âgées, premiers consommateurs de soins, seront les plus touchées par ces mesures. Aussi, tous nos compatriotes qui sont aujourd'hui à la retraite et tous ceux qui veulent connaître les conditions dans lesquelles ils pourront la prendre demain veulent être informés de la situation.
    M. Jean-Michel Ferrand. Pourquoi n'avez-vous rien fait pendant cinq ans ?
    M. Jean-Marie Le Guen. Notre pays va connaître un profond bouleversement démographique et, pourtant, vous vous apprêtez à modifier profondément les règles de la protection sociale vers moins de solidarité.
    M. Yves Nicolin. Vous, vous n'avez rien fait !
    M. Jean-Marie Le Guen. Le Premier ministre va-t-il prendre l'engagement d'informer les Français sur l'avenir de l'assurance maladie avant de réformer les retraites ? Faute d'une telle clarification, il y aurait tromperie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Richard Mallié. Quel toupet !
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député Le Guen, vous avez raison de dire que les comptes de la sécurité sociale, et singulièrement de l'assurance maladie, sont préoccupants.
    M. Bernard Roman. Cinq fois plus préoccupants que ce que vous nous aviez annoncé !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mais l'on doit aussi, à la vérité de dire que c'est la croissance des trois dernières années qui avait masqué les déficits. (Protestations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) La croissance se retirant, les déficits réapparaissent ! (« Eh oui ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est La cigale et la fourmi ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Certes, vous avez chanté pendant cinq ans, mais, des réformes sur la sécurité sociale, vous n'en avez point engagé ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela méritait d'être rappelé.
    M. Julien Dray. Vous êtes meilleur médecin qu'économiste !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Au-delà, je vais donner quelques informations sur l'évolution de la situation depuis la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de septembre.
    Les dépenses de l'assurance maladie on marqué, en trois mois, un infléchissement de 310 millions d'euros, qui résulte d'une réduction de l'activité des médecins généralistes, d'une diminution de la prescription et d'une augmentation des prescriptions de génériques.
    Mme Martine Billard. Et de la limitation de la CMU !
    M. Albert Facon. Eh oui, on ne se soigne plus !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des perso nnes handicapées. Je sais, monsieur Le Guen, que trois mois ne sont pas suffisants pour s'attribuer des satisfecit ou tirer des conclusions définitives. D'ores et déjà, cependant, les économies réalisées sont très largement supérieures aux sommes engagées pour les revalorisations des professionnels de santé de l'an dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Autrement dit, quand on fait confiance aux gens, quand on les fait participer au dialogue, ils jouent le jeu.
    Je veux encore souligner très rapidement, car le débat que vous abordez nous le reprendrons longuement dans le cadre d'une concertation semblable à celle que mène François Fillon pour les retraites (« Allons ! » sur les bancs du groupe socialiste) que tout ce que vous dites, tout ce qu'on lit, tout ce qu'on entend n'est que la traduction des désirs ou des craintes des uns ou des autres. La politique du Gouvernement en matière d'assurance maladie n'est pas encore déterminée, en effet.
    M. Bernard Roman. Ah ! vous nous rassurez !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous entrons précisément dans le cycle des concertations et le Parlement y sera associé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

AGRICULTURE

    M. le président. La parole est à Mme Marcelle Ramonet, pour le groupe UMP.
    Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, l'agriculture est en crise et la détresse de certaines familles est grande, notamment dans la filière avicole, qui compte 3 500 producteurs bretons, et dans la filière porcine. En Bretagne, il n'est plus de semaine où l'on ne parle de dépôts de bilan ou de suicides. Ce sont autant de drames familiaux et économiques.
    M. Jean Glavany. Et c'est la faute des socialistes bien sûr !
    Mme Marcelle Ramonet. Le recul de leur niveau de vie est bien réel, depuis des années. Et les conséquences sont très préoccupantes puisque plus d'une exploitation sur trois a disparu en douze ans. Selon la taille des exploitations, leur localisation ou leur production, les disparités sont profondes. Aujourd'hui, 40 % des exploitants ont un revenu inférieur au SMIC alors qu'ils sont inscrits dans une double démarche de qualité : celle des produits et celle de l'environnement pour un développement durable. Quelle perspective peut avoir un jeune agriculteur qui voit ses aînés surendettés, sous le coup d'une saisie ou privés de tout revenu ?
    Au-delà de ce découragement qui s'accroît chaque jour, nous nous interrogeons, comme le Président de la République. sur les raisons de l'entêtement du commissaire européen à vouloir réformer la politique agricole commune dans la précipitation.
    M. Jacques Desallangre. Il agit sur ordre !
    Mme Marcelle Ramonet. Comment pouvons-nous encourager les agriculteurs à observer les bonnes pratiques agricoles et environnementales - ce qu'ils font pourtant majoritairement en dépit des charges financières qui en découlent - et leur demander par ailleurs d'accepter une réforme brutale de la PAC ?
    M. François Goulard. Très juste !
    Mme Marcelle Ramonet. Monsieur le ministre, l'agriculture est l'un des piliers de la spécificité française. Nous avons par le passé vécu des drames avec la disparition de pans entiers de notre secteur industriel. Je ne souhaite pas qu'il en aille de même, demain, avec l'agriculture. C'est un enjeu économique, social mais aussi humain. Qu'entend faire le Gouvernement pour défendre le modèle agricole européen ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
    M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la députée, la situation des producteurs de porcs en Bretagne est malheureusement celle que vous décrivez. Comme vous le savez, la filière du porc ne dépend pas de la politique agricole commune puisqu'il n'y a pas d'organisation de marché. Quand nous sommes arrivés, il y a huit mois, la Corée et le Japon étaient des pays fermés aux producteurs de porcs français. Après beaucoup de négociations nous avons rouvert ces marchés, mais le cours du porc n'en a pas pour autant repris au cadran de Plérin.
    J'ai réuni la semaine dernière, au Salon de l'agriculture, tous les acteurs de la filière. Ensemble, nous avons pris trois décisions : mettre en place un mécanisme de stabilisation, instaurer un système d'aide aux producteurs et créer une véritable interprofession qui organise et structure la filière.
    Vous avez, par ailleurs, très bien exposé notre vision du modèle agricole européen. Il y a évidemment les débats à Bruxelles. Il y en a aussi devant l'Organisation mondiale du commerce. Nous considérons, quant à nous, que l'agriculture ne doit pas être la variable d'ajustement d'une mondialisation mal maîtrisée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous pensons au contraire que le secteur de l'agriculture, tant chez nous, en Europe, qu'en Afrique, comme l'a souligné le Président de la République il y a dix jours, en faisant ses propositions précises pour le développement agricole en Afrique, peut être un formidable moyen de maîtriser la mondialisation.
    Tel est notre combat. Nous devons le mener tous ensemble. C'est à la fois une question d'identité et de volonté politique au meilleur sens du terme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

TRAFIC DE STUPÉFIANTS

    M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin, pour le groupe UMP.
    Mme Irène Tharin. Monsieur le ministre de l'intérieur, depuis la formation du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), vous avez instauré la plus grande transparence possible en communiquant régulièrement les nouveaux chiffres de la délinquance (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste) et nous restons extrêmement vigilants à l'évolution de la tendance qui témoigne de l'efficacité de votre action. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer. Absolument !
    Mme Irène Tharin. Je peux en porter personnellement témoignage au vu des encouragements que je reçois à cet égard dans mon département, le Doubs.
    Au-delà des résultats globaux, il est plus particulièrement certaines formes d'insécurité qui nécessitent un traitement spécifique. Je veux parler du trafic de drogue et de la lutte contre les stupéfiants. En effet, la toxicomanie fait des ravages de plus en plus inquiétants, surtout chez les jeunes. L'Etat se doit donc de réprimer ce fléau le plus sévèrement possible en s'attaquant au mal à sa racine. Des récentes affaires illustrent la volonté et la fermeté dont vous faites preuve en la matière. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ainsi, la semaine dernière, les groupements d'intervention régionaux, les GIR, ont mené une importante action contre les trafiquants à Colombes et, tout récemment, les services de police ont démantelé un trafic d'ecstasy et de cocaïne dans une université parisienne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les derniers résultats que vous avez obtenus ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - « Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Christian Bataille. Au téléphone !
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la députée, vous allez m'obliger à rappeler que, malheureusement, si nous sommes face à tant de difficultés (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Jean Glavany. C'est la faute aux socialistes !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... c'est parce que l'on a toléré, depuis trop longtemps dans notre pays, une situation inacceptable dont je vais prendre des exemples.
    La lutte contre les trafiquants de drogue est effectivement une priorité absolue parce que la drogue tue deux fois : elle tue d'abord ceux qui la consomment mais elle tue aussi parce que les revenus qu'elle génère servent à financer le crime. A cet égard, les GIR se révèlent être une arme redoutable. Il faut tout de même savoir ce qui a été mis à jour à Colombes. En effet, l'économie souterraine n'est pas un simple concept intellectuel, un sujet d'article pour les journaux. Elle est une réalité que vivent très douloureusement nombre de nos compatriotes.
    Ainsi, à Colombes, ont été arrêtés quarante-cinq individus qui se livraient à un trafic de drogue particulièrement juteux puisque l'un d'entre eux, âgé de dix-neuf ans, qui n'a jamais travaillé de sa vie, possédait un compte en banque confortablement garni de plus de 100 000 euros et plusieurs biens immobiliers dont le moins qu'on puisse dire est qu'il ne les avait pas acquis à la sueur de son front. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Pourtant, il y a pire encore, et je pense que la représentation nationale doit être informée de la manière dont vivaient, ou plutôt ne vivaient pas les habitants de ces immeubles, terrorisés par cette équipe de voyous, qui trafiquaient cagoulés dans les escaliers où ils avaient leurs habitudes. Tous les matins, à cinq heures et quart, ils quittaient leur domicile pour ne pas être pris à six heures du matin au moment où la police a le droit de les interpeller. Voilà ce qui était toléré depuis des années à quinze minutes de Paris (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ; voilà ce que nous sommes décidés à ne plus accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    S'agissant de la Sorbonne, Luc Ferry - puisque cela concernait l'université - et moi-même avons été informés d'un trafic particulièrement scandaleux de cocaïne, d'héroïne, d'ecstasy, et de GHB - substance appelée drogue des violeurs car elle a pour effet d'anesthésier de malheureuses victimes qui sont ensuite violées - mettant en cause douze personnes.
    Ces deux affaires témoignent de la mobilisation des services...
    M. Christian Bataille. Zorro est arrivé !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales... qui s'est traduite par une baisse de 13 % de la délinquance à Paris entre février 2002 et février 2003. Un tel recul ne s'était jamais vu depuis six ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur de nombreux bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

CHÔMAGE

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget, pour le groupe socialiste.
    Mme Marie-Renée Oget. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    M. de Boissieu, président délégué du Conseil d'analyse économique, s'exprimant ce matin à la radio, a déclaré qu'il serait temps que le Gouvernement mette en oeuvre une véritable politique publique de l'emploi.
    M. Jean Glavany. Il va se faire virer !
    Mme Marie-Renée Oget. Il affichait aussi son scepticisme face à une politique fondée uniquement sur d'hypothétiques baisses de charges dans la conjoncture actuelle.
    M. François Goulard. Elle a écouté, mais elle n'a rien compris !
    Mme Marie-Renée Oget. Saurez-vous écouter ce conseil de bon sens, alors que le chômage est aujourd'hui la principale préoccupation de nos concitoyens ?
    M. Jean-Claude Abrioux. La faute à qui ?
    Mme Marie-Renée Oget. Saurez-vous, surtout, revenir sur des décisions irresponsables (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) consistant à vous attaquer à des dispositifs dont le principal défaut, à vos yeux, est d'avoir été créés par la gauche (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais qui avaient permis, jusqu'en 2002, de favoriser, notamment, le retour des jeunes à l'emploi ? (Exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    Mme Marie-Renée Oget. En dix mois, vous avez programmé l'arrêt des emplois-jeunes, supprimé la moitié des crédits des contrats emploi solidarité, réduit de 36 % les crédits du trajet d'accès à l'emploi, le programme TRACE, pour les jeunes en difficulté, et la liste est encore longue. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Malgré une forte poussée du chômage des jeunes - 2,4 % ce mois-ci -, qui porte à 400 000 le total des jeunes sans emploi, le Gouvernement s'obstine à refuser tout traitement social du chômage, comme l'affirmait récemment encore votre ministre du travail, qui est en train de devenir votre ministre du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Abrioux et M. Jean Mazsaudou. Arrêtez-la, monsieur le président !
    Mme Marie-Renée Oget. Chacun l'aura compris, votre idéologie prend le dessus !
    M. le président. Veuillez poser votre question, s'il vous plaît.
    Mme Marie-Renée Oget. L'emploi ne figure pas parmi vos priorités alors que vous multipliez les cadeaux fiscaux pour les plus riches ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous ne pouvons nous contenter de vos effets d'annonce sur les contrats jeunes en entreprises et sur la fusion des dispositifs des contrats emploi solidarité, les CES, et des contrats emploi consolidé, les CEC. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Veuillez poser votre question, madame.
    Mme Marie-Renée Oget. La question est donc simple, monsieur le Premier ministre : doit-on encore prêter attention à vos annonces tonitruantes concernant l'emploi, ou allez-vous engager une véritable politique de lutte contre le chômage, notamment celui des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, au coeur de la crise du modèle social français, il y a le fait que la différence entre les revenus du travail et ceux de l'assistance est insuffisante. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Or, pour nous, la justice sociale, c'est que le travail procure davantage de revenus que l'assistance. Toute la politique du Gouvernement est inspirée par ce principe. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    C'est dans cet esprit que nous avons programmé la sortie des emplois-jeunes, pour les remplacer, en partie, par les contrats jeunes en entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    C'est dans cet esprit que nous avons décidé de gérer les contrats emploi solidarité, qui sont utiles quand ils servent à remplacer, dans des parcours d'insertion, des personnes en grande difficulté, mais qui sont dommageables quand ils sont utilisés dans le seul but de dissimuler les chiffres du chômage, comme vous l'avez fait pendant de très nombreuses années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Marsaudon. C'est la vérité !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est dans cet esprit que, dans quelques semaines, le Parlement sera saisi d'une réforme globale de ces dispositifs, laquelle tendra, à la fois, à fusionner les contrats emplois solidarité et les contrats emploi consolidé, pour donner plus de souplesse au système ; et à décentraliser la politique du revenu minimum d'insertion, en la confiant aux départements, en ajoutant au revenu minimum d'insertion un revenu minimum d'activité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cette réforme devrait favoriser une réelle insertion à ceux qui sont aujourd'hui en situation d'assistance, et ne bénéficient d'aucune véritable aide en la matière.
    M. Bernard Roman. Qui va payer ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans cette perspective, nous allons également proposer la mise en place du contrat d'insertion dans la vie sociale. Le Parlement sera saisi de l'ensemble de ces sujets.
    En tout cas, madame la députée, soyez assurée que nous ne conduirons jamais une politique qui tende à dissimuler les chiffres du chômage (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et à faire peser sur l'économie des charges excessives qui font décrocher la France en matière de compétitivité, donc en matière d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

PARITÉ

    M. le président. La parole est à M. Marc Joulaud, pour le groupe UMP.
    M. Marc Joulaud. Madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, vous avez présenté, ce matin même, en conseil des ministres, à quelques jours de la journée internationale de la femme qui aura lieu le samedi 8 mars, une communication dans laquelle vous exprimez votre volonté et celle du Gouvernement d'engager une dynamique nouvelle au service de l'égalité entre les hommes et les femmes.
    Trop d'inégalités persistent dans notre société, qu'il s'agisse d'accès au droit, d'emploi, de formation, de rémunération ou de partage des responsabilités, dans le secteur privé comme dans le secteur public. De même, nombre de femmes rencontrent encore trop souvent des difficultés ou des obstacles importants pour concrétiser au quotidien leur légitime aspiration à concilier vie professionnelle et vie privée.
    Mme Martine Billard. Et pour être élues députées !
    M. le président. Madame Billard !
    M. Marc Joulaud. Pour que cet idéal d'égalité se traduise plus concrètement à l'avenir, des actions innovantes et des perspectives nouvelles sont aujourd'hui nécessaires, et elles sont attendues. C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais connaître la méthode que vous entendez employer et les moyens que vous avez prévus pour conduire ce changement indispensable et engager de manière résolue notre pays sur la voie de l'égalité, qui est aussi celle de la modernité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
    Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Je vous remercie, monsieur le député, d'avoir si bien démontré que la cause des femmes, parce qu'elle est moderne, doit et peut être admirablement portée par des hommes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Pour gagner la bataille de l'égalité, il faut en effet que nous donnions tous ensemble un contenu plus réel à ce qui n'est encore, malheureusement, dans beaucoup trop de secteurs, qu'une promesse. Pour cela, il faut progresser dans les domaines de l'égalité des droits et de l'innovation sociale et favoriser le progrès économique. En effet, les femmes ont du talent ; elles sont les forces premières de la croissance et de l'emploi. A ce titre, il faut que leurs capacités de travail soient reconnues à tous les niveaux.
    L'égalité professionnelle est bien évidemment au coeur de l'action que nous menons, et vous avez raison de mettre l'accent sur l'articulation des temps de vie et de travail. Il s'agit bien d'un modèle nouveau, fondé sur un équilibre des responsabilités dans tous les domaines : social, politique, économique et familial.
    Ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur le député, nous avons effectivement abordé ce matin la possibilité de mettre en oeuvre une méthodologie nouvelle et des outils nouveaux. La méthodologie est simple : faire en sorte que les politiques publiques intègrent la dimension de l'égalité à tous les niveaux non seulement dans les administrations centrales, mais aussi à l'échelon territorial, en particulier dans les collectivités.
    A cet égard je tiens à souligner qu'il est essentiel de faire en sorte que l'Etat soit exemplaire. Il faut aussi qu'il implique les partenaires sociaux et économiques, l'ensemble des acteurs de la vie sociale, car c'est la société tout entière qui doit se faire l'avocate et le chantre de ce principe d'égalité, lequel doit être conçu comme un élément fondamental d'une démocratie moderne.
    Parmi les outils que nous allons mettre en place figureront une charte nationale de l'égalité, un conseil national de l'égalité et un nouveau réseau, véritable centre de ressources, qui permettra de mettre en valeur tous les acteurs sociaux, en particulier les associations qui accomplissent un travail remarquable ainsi que les partenaires économiques et sociaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PROJET ITER

    M. le président. La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe UMP.
    M. Bernard Deflesselles. Madame la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, le 30 janvier dernier M. le Premier ministre annonçait la candidature de la France, afin d'accueillir en Provence, à Cadarache, le réacteur ITER, le projet scientifique international le plus important pour les trois prochaines décennies. Lundi, à Bruxelles, vous avez défendu cette candidature devant nos partenaires européens. Ce projet devrait, au cours des trente-cinq années à venir, permettre de répondre durablement aux besoins en énergie de la planète, tout en satisfaisant aux exigences de préservation de l'environnement.
    Notre pays, la communauté scientifique dans son ensemble et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur appellent de leurs voeux ce programme scientifique majeur. Nous disposons en effet de trois atouts majeurs : d'abord le savoir-faire et l'expertise du CEA à Cadarache depuis plus de cinquante ans ; ensuite la qualité de vie et les infrastructures d'accueil offertes par notre région, pôle d'excellence de la recherche nationale ; enfin les engagements financiers - ce n'est pas le moindre - de nos collectivités locales et territoriales, qui ont d'ores et déjà annoncé qu'elles financeraient pour moitié les 870 millions d'euros que la France doit apporter à ce projet.
    M. Albert Facon. Bravo ! Au détriment des régions pauvres !
    M. Bernard Deflesselles. Les ministres de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'ensemble de mes collègues parlementaires l'ont bien compris : l'heure est à la mobilisation, mobilisation pour 2 milliards d'euros de retombées et 9 000 emplois, mobilisation d'autant plus essentielle, madame le ministre, que le Canada, la Russie, le Japon et l'Espagne postulent également.
    A mon sens, notre candidature doit être portée dans un esprit de compétition, dans un esprit de candidature olympique.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. Bernard Deflesselles. Madame le ministre, pouvez-vous nous dire comment cette candidature a été accueillie par nos partenaires européens et comment nous pouvons relever le plus important défi scientifique européen des trente prochaines années ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, je vous remercie de partager la volonté et l'enthousiasme du Gouvernement à faire aboutir l'implantation en France du projet ITER.
    Ainsi que vous l'avez souligné, ce grand projet mondial de recherche associe l'Union européenne, la Russie, le Japon, l'Espagne et le Canada. Il a connu une notable accélération au cours des dernières semaines avec l'arrivée de la Chine, le retour des Etats-Unis, et l'annonce officielle de la candidature du site de Cadarache pour son implantation. Trois autres sites sont candidats au Japon, en Russie et au Canada.
    J'aurais aimé vous faire rêver pendant trente secondes, parce que nous n'en avons pas souvent l'occasion ! Je peux simplement vous dire que ITER est un défi scientifique et technologique majeur, qui vise à recréer, à des fins de production électrique, le fonctionnement du soleil et des étoiles, en utilisant des matières premières, comme le deutérium, le lithium, qui existent en quantités pratiquement inépuisables, et avec un impact sur l'environnement bien moindre que ceux que l'on connaît actuellement. Il s'agit donc d'un projet très ambitieux, extraordinaire qui aura des retombées non seulement pour l'Europe mais aussi pour la région PACA. Je remercie d'ailleurs les collectivités de cette région, leur population et leur engagement à nos côtés.
    Sachez que la mobilisation du Gouvernement en faveur de ce projet est totale. Nous avons mis en place un comité de promotion de la candidature du projet ITER qui a déjà commencé à travailler, mais je souligne que la candidature de Cadarache est européenne. En ce domaine comme en beaucoup d'autres, la recherche est donc en avance, puisqu'elle a déjà intégré le partenariat entre les équipes européennes pour travailler sur de grands projets. C'est donc moins dans un esprit de compétition que dans une volonté de partenariat au niveau européen et mondial, comme je l'ai souligné à Bruxelles, que nous envisageons de positionner ce projet.
    Certes, nous frisons le rêve, en nous projetant ainsi vers le futur. Cependant, imaginer autrement l'avenir de la planète est le rôle de la recherche et des chercheurs. La communauté scientifique et technique française a tous les atouts, toutes les qualités pour participer à ce projet avec enthousiasme, sérieux, compétence, expertise. Nous le porterons donc. Soyez sûr de ma mobilisation, de notre mobilisation pour que la Provence, la France, l'Union européenne soient gagnantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

4

RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS
Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (n°s 606, 635).

Discussion des articles

    M. le président. Nous en venons à l'examen des articles du projet de loi dans le texte du Sénat.
    Je donne lecture du libellé du titre Ier :

TITRE Ier
RISQUES TECHNOLOGIQUES

Avant le chapitre Ier

    M. le président. Je donne lecture du libellé du chapitre Ier :

Chapitre Ier
Information

    M. Yves Cochet, Mme Billard et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 6 corrigé, ainsi rédigé :
    « Avant le chapitre Ier, insérer la division et l'intitulé suivants :
    « Chapitre... - Démocratie participative. »
    La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Hier soir, dans la discussion générale, j'ai été un peu elliptique sur la philosophie du projet de loi concernant la définition du risque, plus exactement du risque juste. Jusqu'à présent, la manière dont on évaluait ce risque était utilitariste. C'est ainsi du moins que je l'ai qualifiée. Or, on le note de plus en plus dans les propos des politiques, et notamment des plus éminents, j'entends le Premier ministre et certains membres du Gouvernement, il faut se rapprocher du terrain et prendre en compte le plus possible l'opinion des gens.
    M. François-Michel Gonnot. Absolument !
    M. Yves Cochet. En particulier, sur un projet d'installation nouvelle d'« usine Seveso seuil haut », il doit y avoir la concertation la plus large.
    Voilà pourquoi je propose deux amendements n°s 6 corrigé et 7 que je défendrai en même temps, si vous me le permettez, monsieur le président, car ils forment un ensemble.
    M. le président. M. Yves Cochet, Mme Billard et M. Mamère ont, en effet, présenté un amendement, n° 7, ainsi rédigé :
    « Avant le chapitre Ier, insérer l'article suivant :
    « Les riverains ou les élus locaux peuvent demander l'organisation d'un référendum d'initiative locale à la suite de l'enquête publique. »
    Poursuivez, monsieur Cochet.
    M. Yves Cochet. Je propose un intitulé et un article nouveaux au début de ce projet de loi pour affirmer qu'il faut s'appuyer sur les droits de l'être humain plutôt que sur la philosophie purement utilitariste du calcul du risque. C'est d'ailleurs ce que préconisent la déclaration universelle de 1948, ou encore le philosophe américain John Rawls dans son magnifique livre Théorie de la justice.
    Par conséquent, lorsqu'on réalise une enquête publique parce qu'une industrie de type Seveso va s'installer, il m'apparaît fondamental que les personnes qui en seront riveraines, et éventuellement bien sûr celles qui y seront employées, parce qu'elles sont les plus directement concernées par les risques, aient la possibilité de s'exprimer. C'est à elles - c'est ça la philosophie du droit des personnes - de décider de l'équilibre entre l'éventuel bénéfice économique et social d'un nouvel investissement sur leur territoire et le risque que leur fait courir cette installation parce qu'elle présente des dangers.
    C'est pourquoi je propose que soit organisé à la suite de l'enquête publique un référendum d'initiative locale qui permette à la population de peser entre les avantages de l'installation d'une entreprise et les inconvénients des retombées négatives qu'elle peut avoir du fait qu'elle est "à risques. Ce ne doit pas être uniquement l'affaire des industriels ou de l'Etat. C'est l'affaire de tout le monde, notamment des gens qui vivent dans ces zones. Tel est l'objet de nos deux amendements.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements.
    M. Alain Venot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. L'amendement n° 6 corrigé ne se justifie d'ailleurs que par l'existence du n° 7.
    Le dispositif proposé par M. Cochet ne me paraît pas du tout satisfaisant, et d'abord parce que la définition des riverains ou des élus locaux est imprécise. Quels riverains ? Quels élus locaux ? Quelle est la notion de riverain, et comment l'étendre ? Jusqu'où irait-on ?
    M. Yves Cochet. Même chose que pour l'enquête publique !
    M. Alain Venot, rapporteur. On pourrait alors se demander quelles seraient la portée et la valeur juridiques du référendum d'initiative locale dans ce cas.
    Par ailleurs, il existe un dispositif de concertation et d'information du public : c'est l'enquête publique, à laquelle chacun peut et doit participer, et qui a, elle, une véritable valeur. En effet, on peut mesurer le bien-fondé des appréciations portées par les personnes qui ont rencontré le commissaire enquêteur, selon le degré de leur implication par rapport au danger, et d'autant plus que nous proposerons le rétablissement de la réunion publique obligatoire.
    M. Yves Cochet. Fort bien !
    M. Alain Venot, rapporteur. Il ne me paraît donc pas judicieux d'ajouter un référendum d'initiative locale, lequel, s'il était peu suivi - on a bien vu récemment que cette procédure là où elle existe ne suscitait pas l'enthousiasme de nos concitoyens -, serait susceptible de dévaloriser l'enquête publique.
    La commission a donc émis un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n° 6 corrigé et n° 7.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Votre amendement, monsieur Cochet, peut apparaître sympathique et nous pourrions nous y rallier. En effet, changer le titre du chapitre « Information » en « Démocratie participative » est une pétition de principe qui pourrait nous réunir sur ces bancs. Néanmoins, je me vois contrainte de m'y opposer, car la philosophie que vous y développez constitue le socle d'amendements déraisonnables.
    Une entreprise, selon vous, ne devrait pouvoir s'installer que si la population locale soumise au risque estimait, par référendum ou par la voix de ses élus, que cette implantation présente pour elle plus d'avantages que d'inconvénients.
    Je remarque au passage qu'il s'agit là d'une approche biaisée, puisque les retombées de l'activité industrielle pour la collectivité vont bien au-delà des cercles des dangers et que les oppositions s'exprimeront, on le sait, bien plus facilement que les accords.
    Le droit actuel des installations classées n'a pas changé depuis des années, et, sur ce point, en accord avec ce qui se fait dans tous les autres pays du monde et en désaccord avec vous. Il part du principe qu'il faut s'attacher surtout à réduire le plus possible les risques et les pollutions qu'une installation engendre. L'autorisation ne sera accordée que si le niveau de sécurité de l'installation est supérieur à un minimum fixé par la collectivité nationale, de manière absolue, et sans référence aux avantages induits.
    Vous voyez d'ailleurs ce que votre démarche peut receler comme effets pervers.
    Notre opposition est donc de principe : là où je souhaite conserver la liberté d'entreprendre, en vérifiant que la sécurité est assurée, vous me répondez : « votation ». Et les mesures que vous préconisez, et que nous aurons le loisir d'examiner en détail, aboutissent non pas à rendre l'industrie plus sûre mais à empêcher toute installation industrielle.
    Ma volonté est de faire coexister l'industrie, en la rendant plus sûre, et la population, en l'informant mieux.
    On voit bien - et je vais en venir à l'amendement n° 7 - les effets pervers d'une pétition de principe, à l'énoncé sympathique, je le répète, mais dont la philosophie est dangereuse.
    D'abord, à la première lecture, il se révèle difficile de mesurer la portée de votre amendement, tant sa rédaction reste allusive. Un référendum, certes, mais sur quel sujet ? Avec quelle valeur décisionnelle ? Après une enquête publique, mais sur quel type d'installation ?
    De mauvais esprits - mais je n'en suis pas, monsieur Cochet - pourrait aller jusqu'à dire que vous n'êtes pas très convaincu de ce que vous proposez ! Du reste, en consultant les archives du ministère, j'ai pu constater que, lorsque vous y étiez, vous n'avez réfléchi à aucune des procédures que vous préconisez aujourd'hui.
    M. Yves Cochet. Ma réflexion progresse !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Le présent projet de loi a pour vocation de prévenir les risques industriels et non pas de « prévenir » l'industrie elle-même.
    Dans un cas sur deux d'autorisation d'installation classée de grande ampleur, un des conseils municipaux est, pour une raison ou pour une autre, défavorable au projet. Vous proposez donc, purement et simplement, de dire non à une installation industrielle sur deux en France,...
    M. Yves Cochet. Pas du tout !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable... pour des raisons liées non pas au risque, mais plutôt à la perception que la population riveraine a de ce risque à un moment donné.
    Monsieur Cochet, ce n'est pas sérieux. Au-delà de la pétition de principe sympathique, je suis formellement opposée à vos deux amendements.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Je voudrais répondre au Gouvernement et soutenir les deux amendements.
    Je suis très étonnée, madame la ministre, de votre réponse. Sur le premier amendement, n'est-ce pas vous qui avez parlé de cogestion du risque ? Et tout d'un coup, vous faites une pirouette dans votre raisonnement et jugez que la démocratie participative est finalement très dangereuse ! Car c'est bien le mot que vous venez d'utiliser ! On entend là, à nouveau, tous les arguments qui ont été opposés depuis des années à la transparence et à la démocratie participative.
    Si vous acceptez - et vous l'avez dit - le concept de cogestion du risque, cela signifie que, une bonne fois pour toutes, on change de logique législative. D'ailleurs, vous vous y engagez dans certains articles de ce texte qui vont dans le bon sens, mais qui s'arrêtent en quelque sorte au milieu du gué. De qui ou de quoi a-t-on peur ? A-t-on peur des riverains ? A-t-on peur de leur expliquer en toute transparence ce qui se passe ? Les citoyens sont aujourd'hui des êtres majeurs, capables de comprendre un certain nombre de choses. Ils doivent avoir le droit de peser le pour et le contre. On doit cesser de les prendre en otage par des chantages à l'emploi, comme on le voit dans toutes les opérations d'installation d'usines à risque, ou par des promesses de taxes professionnelles mirobolantes, qui permettraient de construire des piscines ou je ne sais quelles autres infrastructures, pour mieux occulter les problèmes d'atteinte à la santé.
    Si nous, responsables politiques, nous croyons que nous avons la capacité d'expliquer les choses, de mettre sur la table en toute transparence les vrais risques d'une installation et d'engager un dialogue citoyen, parfois difficile, j'en conviens, alors, nous devons accepter la cogestion du risque. Ce n'est pas évident pour certains citoyens et pour certains riverains. Eux aussi doivent accomplir un cheminement vers la prise en compte de ce risque, et accepter de regarder les problèmes en face. A ce moment-là, nous devons accepter la démocratie participative.
    Sur le second amendement, je suis encore plus surprise de votre réaction. Le Parlement va être réuni en Congrès le lundi 17 mars pour examiner une réforme de la Constitution qui comporte la création d'un référendum d'initiative locale. Vous êtes donc en retrait par rapport à la réforme constitutionnelle qui permettra justement de réaliser des progrès sur la voie de la démocratie participative. Ces progrès sont certes insuffisants et le groupe socialiste avait présenté des amendements pour aller plus loin au cours du débat sur la réforme constitutionnelle. Comment pouvez-vous vous opposer à l'amendement de M. Cochet qui ne fait qu'anticiper sur ladite réforme puisque, de toute façon, elle permettra des référendums d'initiative locale dans toute la France. Les associations, et les élus, qui veulent faire participer les populations, vont s'en saisir afin de les consulter.
    Je sais qu'il n'est pas facile pour vous, compte tenu des arbitrages interministériels, d'aller jusqu'au bout de votre logique. On devine que le lobby industriel vous en a empêchée.
    Vous restez au milieu du gué. Faut-il comprendre, au début du débat, que vous auriez peur de la démocratie participative et des référendums d'initiative locale, alors qu'ils vont être inscrits dans la Constitution et que c'est le concept que vous avez vous-même avancé pour la cogestion du risque ? Il faut accepter ces amendements pour que le débat s'engage sur des voies claires et offensives.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Tout d'abord, madame la ministre, ce n'est pas parce qu'elle n'était pas dans le projet de M. Cochet que nous ne pouvons pas proposer telle ou telle avancée. Dès que son projet a été soumis au conseil des ministres, la plupart des parlementaires qui avaient participé à la commission d'enquête parlementaire ont relevé des insuffisances et souhaité l'amender. Un an après, nous avons vraiment besoin de débattre pour parvenir tous ensemble à un projet qui tienne compte de ce que nous avons vécu à Toulouse ou de nos expériences.
    Refuser le titre « Démocratie participative », c'est nier ce qui est en train de se passer. La dernière loi sur la démocratie de proximité, votée à l'unanimité, a d'ailleurs déjà fait avancer cette notion.
    Personnellement, je ne suis pas favorable au concept de cogestion du risque, pour une raison bien simple : il faudrait que l'ensemble des acteurs qui cogèrent aient les mêmes droits et les mêmes devoirs.
    M. Daniel Paul. Très juste !
    M. Pierre Cohen. Je ne suis pas d'accord pour remettre en cause la responsabilité de l'industriel par rapport à l'étude de dangers. Je ne suis pas d'accord pour remettre en cause sa responsabilité de donner des solutions pour minimiser les risques et, évidemment, sa responsabilité s'il n'a pas mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires. De même que je ne suis pas du tout d'accord pour remettre en cause le rôle de l'Etat dans l'exercice de son contrôle.
    Ce qui est important, et c'est là qu'il y a un réel débat, c'est la transparence. A Toulouse, en effet, une étude de dangers avait été réalisée il y a une dizaine d'années, mais elle n'a pas été reprise, ce qui a permis à l'industriel de ne pas se sentir responsable du stockage du nitrate d'ammonium.
    La transparence, cela veut dire possibilité pour les riverains, les associations et les élus de débattre, on y reviendra. Vous avez proposé de créer des CLIC, et il est question de contre-expertises, mais si l'on veut aller beaucoup plus loin, c'est par le débat, et pas simplement dans des endroits un peu feutrés. Des représentants d'associations ou d'un certain nombre d'organismes prennent parfois part à des débats extrêmement limités. Ce qu'il faut, on l'a ressenti à Toulouse, c'est associer l'ensemble de la population. Il est important que toutes les personnes concernées, tous les salariés, mais aussi tous les riverains, aient vraiment conscience de ce qui se passe, évoluent par rapport à cette culture du risque, soient réellement acteurs. Il faut donc une démocratie participative.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Je ne suis pas d'accord avec les deux amendements présentés par M. Cochet.
    Vous faites allusion à la cogestion du risque. Encore faudrait-il qu'il y ait un risque. Si les riverains peuvent décider quels risques ils acceptent, cela veut dire que, dans de nombreux cas, ils refuseront le projet. Vous êtes tous plus ou moins élus locaux. Dans l'ensemble, lorsqu'une activité à risque veut s'implanter, il y a plus de refus que d'approbations. Ne parlons donc pas de cogestion du risque. Il sera ailleurs. L'objectif est-il que le risque aille chez un voisin qui finira bien par l'accepter un jour ?
    Il me semble que derrière tout cela, au-delà de la bonne volonté affichée, il y a tout de même une certaine hypocrisie, alors que le texte de loi tel qu'il est construit aujourd'hui apporte un certain nombre de garanties.
    La cogestion du risque, c'est l'information, la prévention, de nombreux éléments contenus dans ce texte, pas obligatoirement selon moi les mesures proposées par les deux amendements.
    M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.
    M. François-Michel Gonnot. La question n'est pas de savoir si l'on refuse ou si l'on accepte le référendum d'initiative locale. Comme un certain nombre de mes collègues l'ont rappelé, nous sommes par ailleurs dans un processus législatif qui devrait conduire à élargir le droit de consultation des populations, et nous pouvons très bien demain être appelés à mettre en place des procédures de ce type.
    Il s'agit en l'occurrence d'examiner un amendement, l'amendement n° 7, qui pose un certain nombre de problèmes.
    Les riverains ou les élus locaux peuvent demander l'organisation d'un référendum. Quels riverains ? Quels élus ? Quel périmètre ? Sous quelle forme ? On n'a pas besoin d'une loi, monsieur Cochet, pour demander l'organisation d'un référendum. Le problème, c'est de savoir si nous instituons une procédure d'organisation des référendums, dans quelles conditions, et à quel moment.
    Par ailleurs, il me semble que cet article additionnel est très mal placé dans le texte. Vous avez peut-être voulu avoir un effet d'affichage en le présentant en premier,...
    M. Yves Cochet. Pas du tout !
    M. François-Michel Gonnot. ... mais soyons raisonnables ! L'article 1er du projet de loi évoque les enquêtes publiques. Commençons par l'enquête publique et proposons ensuite éventuellement d'instituer une démocratie participative un peu plus large, sous la forme d'un référendum.
    Bref, à la fois parce que cet amendement ne signifie rien et me semble être un amendement d'affichage, et parce qu'il est mal placé dans la procédure, je ne vois pas comment notre groupe pourrait l'accepter.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je crois qu'il ne faut pas confondre l'organisation de la démocratie participative, qui relève de textes sur les pouvoirs publics, et en particulier les pouvoirs locaux, et la sécurité industrielle.
    Le texte sur la sécurité industrielle a pour objet d'informer les populations, à travers un certain nombre d'instances, notamment les comités locaux d'information et de concertation. La démocratie participative, qui trouve sa source dans une démocratie élective améliorée, magnifiée, s'appuie sur des textes permettant de l'organiser selon les règles de droit commun.
    Le référendum local sur un tel sujet, pourquoi pas ?
    M. Pierre Cardo. Cela existe déjà !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Si un maire veut organiser un référendum local, il pourra le faire, selon les procédures habituelles. Il ne s'agit pas, dans un texte sur la sécurité industrielle, d'instituer des procédures exorbitantes du droit commun, alors qu'elles sont prévues par ailleurs.
    M. Richard Mallié. Exactement !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il y a un risque de confusion et il faut, dès le début de notre débat, éviter toute démarche qui pourrait être démagogique ou d'affichage, outre qu'elle est, sur le plan juridique, monsieur Cochet, extrêmement mal cadrée.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 1er

    M. le président. M. Cohen, M. Le Déaut, Mme Mignon et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 305, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après le premier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L'enquête publique sur une installation classée doit prendre en compte les critères du développement durable. »
    La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Vous avez tenu des propos un peu durs, monsieur Cardo, sur des élus qui seraient à la remorque de discours irresponsables avec le seul objectif de faire partir les industriels dans des pays où il n'y a pas de juridictions, pas de droit du travail.
    M. Pierre Cardo. Exactement. Cela s'appelle des délocalisations !
    M. Pierre Cohen. A Toulouse, j'ai fait partie des élus qui ont essayé de trouver le bon équilibre entre le maintien de la chimie dans la région et l'opinion des gens qui en ont subi les dégâts.
    M. Pierre Cardo. C'est bien.
    M. Pierre Cohen. Ce qui est intéressant, c'est d'essayer de tirer la leçon de ce qu'on a vécu.
    M. Pierre Cardo. Cela n'a pas le moindre rapport avec l'amendement !
    M. Pierre Cohen. Quand on parle de démocratie participative, ce n'est pas parce que l'on pense que les populations voudront obligatoirement transférer les industries ailleurs.
    A l'occasion de l'enquête publique, il sera de la responsabilité de l'industriel de définir une étude de dangers, avec tout ce qui va avec. Il devra ainsi donner des informations, proposer un plan, avec des mesures de protection.
    Dans la logique actuelle, puisque même le Président de la République a considéré à Johannesburg que le développement durable faisait partie des valeurs à défendre, il me semble important de parler, à l'occasion de l'enquête publique, de critères de développement durable. Il y a en effet chez les industriels de la chimie, et on l'a ressenti dans les débats autour de la SNPE en particulier, une sorte d'entêtement à continuer à utiliser des modes de production et des produits extrêmement dangereux. Parfois, on ne peut pas faire autrement, mais personne ne fait le moindre effort pour réfléchir à la possibilité de recourir à des produits de substitution. A Toulouse, AZF n'avait mené aucune réflexion sur le stockage du nitrate d'ammonium alors qu'il aurait suffi de le cloisonner et de le répartir sur plusieurs sites. En amont, on ne se demande pas pourquoi on produit, ce qu'on produit et comment on produit. Il me semble que l'étude de danger et l'enquête d'utilité publique sont une occasion pour les élus et pour les citoyens d'avoir des éléments leur permettant de réfléchir et peut-être de proposer des solutions moins dangereuses.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. Je ne sais pas si l'argumentaire longuement développé par M. Cohen s'appliquait à l'amendement n° 305, mais je n'ai peut-être pas été suffisamment attentif...
    Je crains que cet amendement ne s'expose aux mêmes reproches que les précédents. Il s'agit d'un affichage et d'une déclaration de principe. L'article L. 123-1 du code de l'environnement que vous voulez compléter paraît suffisamment explicite pour que l'enquête prenne en compte tous les aspects environnementaux du sujet abordé. C'est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Les auteurs de l'amendement demandent que soient pris en compte, lors d'une enquête d'utilité publique, les critères de développement durable. Je suis bien entendu tout à fait d'accord, et je crois que tout le code de l'environnement est sous-tendu par cette nécessité. Mais avec une telle rédaction, encore faudrait-il que des cahiers méthodologiques définissent les critères de façon précise, coordonnée et cohérente. Peut-être cela se fera-t-il, mais cela exigera sans doute un travail de longue haleine. Pour l'instant, comme l'a dit excellement le rapporteur, c'est une pétition de principe inopérante et c'est par ailleurs contenu dans le code. Je suis défavorable à l'amendement.
    M. le président. La parole est à Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Je soutiens l'amendement de M. Cohen et de ses amis. Le Président de la République a parlé de développement durable à plusieurs occasions et l'intitulé même du ministère dont est titulaire Mme Bachelot y fait référence. Il doit donc y avoir une substance juridique et c'est ici que se forme le droit pour le développement durable. Il ne suffit pas de dire dans des instances internationales ou au Mont-Saint-Michel que nous y sommes favorables ou de l'inscrire dans l'intitulé du ministère ! D'une certaine manière, tout le monde y est favorable, mais il faut commencer petit à petit - c'est notre travail en tant que législateur - à l'inscrire dans le droit.
    Je ne dis pas que tout est immédiatement possible mais, comme le soulignait M. Cohen, réfléchissons à ce qui s'est passé lors de la catastrophe de Toulouse. Il s'agissait de nitrates d'ammonium, et même de rebus de fabrication laissés dans un hangar parce qu'on n'en voulait pas. Les nitrates d'ammonium, ce sont des engrais pour l'agriculture. Moi, j'ai vécu cinquante ans en Bretagne. L'agriculture productiviste qui pollue par les nitrates d'origine animale, organique ou minérale, on sait ce que c'est en Bretagne, et on lutte d'ailleurs - plans Eau, plans rivières propres - pour éviter toute augmentation de la charge d'azote dans le sol. Nous sommes au xxie siècle et, dans un tiers des cantons bretons, on n'a pas d'eau potable au robinet ! A cause des nitrates d'ammonium !
    Il y a quelque chose de paradoxal à laisser TotalFina-Elf ou Soferti fabriquer des nitrates d'ammonium en masse et à se plaindre de les retrouver dans l'agriculture. M. le ministre de l'agriculture a parlé lors des questions au Gouvernement d'agriculture durable. Celle-là, je vous l'assure, ne l'est pas. On ne pourra continuer ainsi pour des raisons non seulement alimentaires, bien sûr, mais aussi économiques, sociales, environnementales et culturelles. Je connais des paysans bretons qui sont un peu mal vus simplement parce qu'on les considère comme des pollueurs !
    Bref, il y a tout un ensemble de critères du développement durable.
    L'amendement de M. Cohen, c'est un début de réflexion. Il n'a pas expliqué en cinq, voire cinquante pages, quels étaient les critères, avec les quantifications de tel produit. C'est un affichage politique et la prochaine fois qu'on fera une enquête publique, il faudra commencer à en en tenir compte.
    M. Pierre Cardo. C'est tout de même assez dangereux d'inscrire dans la loi quelque chose qui n'est pas défini ! Ce sont les juges qui vont se charger de définir le concept !
    M. Yves Cochet. Je suis donc évidemment favorable à cet amendement. Il faut traduire dans le droit ce que dit le Président de la République.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Madame la ministre, nous avons écouté avec beaucoup d'attention votre argumentation. Cet amendement a le mérite d'être extrêmement simple...
    M. Pierre Cardo. Il est simpliste !
    Mme Ségolène Royal. ...et de rejoindre vos propres préoccupations. Il est tout de même surprenant, voire dangereux de vous entendre dire que vouloir prendre en compte les critères du développement durable est une pétition de principe inopérante alors que vous faites le tour des régions pour promouvoir une future réforme de la Constitution dans laquelle vous souhaitez inscrire le développement durable.
    Vous avez là une occasion extraordinaire de montrer que cette réforme de la Constitution ne sera pas une pétition de principe inopérante, en inscrivant dès maintenant dans un texte dont vous avez la charge le critère du développement durable qui, demain, après la réforme de la Constitution devrait imprégner l'ensemble des textes, et pas seulement ceux pilotés par le ministère de l'écologie.
    Nous sommes très surpris que vous n'acceptiez pas cet amendement, qui vous permet de montrer avant l'heure, votre détermination personnelle, que nous savons sincère. C'est l'occasion de tenir compte dans le cadre des enquêtes publiques - qui ont finalement pour objectif de prendre en compte le développement durable puisqu'il s'agit de confronter les différents points de vue - de la protection de l'environnement et de la protection sanitaire. Pourriez-vous nous expliquer pour quelles raisons le Gouvernement ne vous a pas laissée accepter cet amendement, qui est parfaitement cohérent avec ce que vous défendez par ailleurs ?
    Ce refus risque même de fragiliser votre position. Demain, quand vous vous présenterez devant l'Assemblée nationale avec votre réforme de la Constitution, nous pourrons répondre qu'inscrire dans la Constitution le principe de critères de développement durable est une pétition de principe inopérante, puisque vous l'avez dit dans le débat sur la sécurité industrielle.
    Nous insistons donc pour que vous acceptiez cet amendement, qui vous aidera sans doute par la suite à accélérer votre calendrier de la réforme constitutionnelle.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il semble qu'il y ait une confusion fondamentale sur la démarche qui doit conduire au développement durable. Le développement durable, en effet, n'est pas une approche technocratique, fondée sur des critères bureaucratiques, mais d'abord une démarche volontariste. C'est d'ailleurs, madame Royal, ce souci qui a inspiré la charte de l'environnement et du développement durable, que vous avez eu la gentillesse d'évoquer et qui portera au plus haut niveau de notre droit ces principes que nous sommes en train d'élaborer ensemble. La discussion engagée avec les acteurs locaux et les associations montre bien, d'ailleurs, à quel point plusieurs des principes sur lesquels nous nous étions fondés dans le code de l'environnement méritent d'être discutés et enrichis dans cette charte qui sera adossée à la Constitution. En particulier, les quatre principes de prévention, de précaution, de « pollueur-payeur » et de participation méritent d'être enrichis par ceux de responsabilité, d'information et d'éducation. Lorsque ces principes auront été portés au plus haut niveau de notre droit, ils irrigueront puissamment tous ces textes.
    Une démarche volontariste se manifeste également de la part de tous les acteurs de la société civile et se reflète dans la stratégie nationale du développement durable dont nous avons défini les principes lors de la réunion interministérielle du mois de novembre dernier, et qui sera finalisée dans les prochaines semaines. Vous voyez donc qu'une stratégie nationale du développement durable ou une charte du développement durable ne procèdent pas de l'approche technocratique des critères du développement durable envisagés par le texte de l'amendement que nous examinons. Je suis donc persuadée que la formulation que vous nous proposez est inopérante et j'y suis défavorable : un texte de loi n'a pas pour but d'affirmer des pétitions de principe, mais de fournir des outils méthodologiques efficaces. C'est ce que nous ferons en construisant ensemble la charte de l'environnement à laquelle vous avez bien voulu faire référence.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut à la fois être technocratique et faire des déclarations de principe : mais nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur cette question.
    Cela dit, Metaleurop, que vous avez dénoncé à plusieurs reprises lors des questions d'actualité, nous fournit un parfait exemple. Vous avez traité cette entreprise de « voyou », car elle avait fait preuve d'une irresponsabilité totale en laissant un territoire complètement pollué. Nous savons que les commissaires enquêteurs suivent différents principes pour rédiger leur avis avant de le transmettre aux préfets.
    Il serait bon que, dans le cadre de la charte, et plus encore des débats à venir - puisque nous sommes en train d'élaborer la notion de développement durable -, les personnes qui auront à donner un avis, non seulement sur la pollution, mais aussi sur l'avenir du site, soient responsabilisées. Actuellement, cette dimension n'est pas présente dans les enquêtes d'utilité publique.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 305.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Le quatrième alinéa de l'article L. 123-9 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :
    « Lorsque l'enquête publique porte sur une demande d'autorisation concernant une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8, il peut, si celui-ci existe, recueillir l'avis du comité local d'information et de concertation prévu au cinquième alinéa de l'article L. 125-2. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, inscrit sur l'article.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je rappelle que l'article 123-9 du code de l'environnement, qui dispose que « le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête conduit l'enquête de manière à permettre au public de prendre une connaissance complète du projet et de présenter ses appréciations, suggestions et contre-propositions », a pour but d'informer au mieux le public. L'article 1er du projet de loi le complète et rend obligatoire la tenue d'une réunion publique par le commissaire enquêteur lorsque l'enquête publique porte sur un certain type d'installations. Il est évident que cette obligation d'enquête publique est importante, mais je crois qu'elle n'est pas suffisante. En effet, nous avons eu l'impression, dans le cadre de la commission d'enquête parlementaire, que ces enquêtes publiques ne parvenaient pas, dans le fatras de la réglementation, à bien informer nos concitoyens. En outre, elles n'étaient pas contradictoires.
    Jusqu'à maintenant, le commissaire enquêteur avait la liberté d'organiser une réunion publique. Désormais, ce sera obligatoire. Et vous avez même dit au Sénat, madame la ministre, que les commissaires enquêteurs n'étaient pas les personnes les mieux outillées pour mener les débats sur des sujets aussi brûlants.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Certains d'entre eux.
    M. Jean-Yves Le Déaut. En effet, le commissaire enquêteur est un technicien et n'est pas forcément outillé pour mener une discussion sur des enquêtes publiques compliquées. Cela signifie donc que, pour vraiment faire avancer la législation, il convient que ce texte précise, comme le souhaitait la commission d'enquête, que les commissaires enquêteurs doivent être inscrits non pas sur une liste départementale, mais sur une liste nationale ; et que, dans des cas aussi compliqués que celui des établissements classés « Seveso seuil haut », il ne faut pas un seul, mais plusieurs commissaires enquêteurs ; enfin, que la réunion publique doit être contradictoire, que les citoyens doivent pouvoir s'y exprimer. Je sais que certains de nos collègues pensent que l'information, l'expression, la transparence amènent la contestation. Pour ma part, je crois que, sur le sujet des installations à risque, il faut absolument être transparent. Madame la ministre, la rédaction de cet article premier m'apparaît lacunaire, dans la mesure où le mot « contradictoire » n'y figure pas. Certes, l'amendement que va présenter le rapporteur constituera un progrès, mais cela ne suffira pas pour assurer le fonctionnement optimal des enquêtes publiques.
    M. le président. M. Venot, rapporteur, a présenté un amendement, n° 43, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 1er :
    « Le quatrième alinéa de l'article L. 123-9 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette réunion est obligatoire lorsque l'enquête publique porte sur une demande d'autorisation concernant un stockage défini à l'article 3-1 du code minier ou une installation figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 du présent code. »
    Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, n° 522, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 43, supprimer les mots : "un stockage défini à l'article 3-1 du code minier ou. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 43.
    M. Alain Venot, rapporteur. Cet amendement rétablit l'obligation - prévue par le texte initial - d'une réunion publique à l'occasion d'une enquête publique portant sur une demande d'autorisation concernant une installation dangereuse. Cette obligation, qui avait déjà été proposée par la commission d'enquête Loos-Le Déaut, constitue en effet un gage minimal de transparence et un élément essentiel d'information. Le souhait d'améliorer l'information du public a été clairement exprimé hier par Mme la ministre, et c'est un point capital du dispositif. Le Sénat a supprimé cette obligation, car il craignait que les commissaires enquêteurs soient mis en difficulté par des réunions agitées. Mais une réunion agitée est parfois, et même souvent, nécessaire à l'apaisement des passions.
    La présence du maître d'ouvrage est également prévue. C'est une garantie d'information supplémentaire et un élément de poids pour appuyer le commissaire enquêteur.
    Je rappelle enfin que cette obligation ne concerne que les établissements classés « Seveso seuil haut ».
    M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 522 et donner l'avis de Gouvernement sur l'amendement n° 43.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Votre amendement rétablissant ma rédaction initiale, je ne peux qu'y être favorable, monsieur le rapporteur. Je souhaite bien entendu que l'enquête publique puisse comprendre une présentation directe du projet à l'intention du public. Cette réunion se tiendra en présence du responsable du projet, qui en profitera pour indiquer comment il compte maîtriser les risques liés à l'installation projetée.
    Je ne partage pas du tout les craintes exprimées au Sénat et par certains industriels, quoiqu'elles puissent être légitimes. Ce n'est pas une réunion d'information qui va exacerber les polémiques : elles existent, de toute façon, et c'est, bien au contraire, en informant, en étant transparent, en faisant participer, qu'on peut les apaiser.
    D'ailleurs, dans la très grande majorité des cas, l'intérêt du public est faible pour les projets Seveso, car une usine à l'origine de risques invisibles suscite moins de questions qu'une usine malodorante, malpropre ou bruyante. Dans ce cas, une réunion sera salutaire pour susciter la nécessaire réflexion sur le risque et pour passer du fantasme du risque zéro à la conscience du risque. Quand la réunion surgit sur un terrain où la contestation a fleuri, la stratégie qui consiste à refuser le dialogue pour passer en force n'aboutit qu'à des impasses et à des contentieux ultérieurs douloureux - nous l'avons vérifié dans tous les cas.
    Je remercie M. le rapporteur de son amendement, mais je souhaite introduire ce sous-amendement excluant les stockages souterrains de cet article. En effet, la consultation publique sur ces ouvrages n'est pas gérée par le code de l'environnement et relève d'une procédure totalement différente. Le plus simple est de revenir à la rédaction initiale qui ne les concernait pas. J'émets donc un avis favorable sur l'amendement de M. Venot, assorti de cette restriction.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 522 ?
    M. Alain Venot, rapporteur. Le sous-amendement du Gouvernement n'a pas pu être examiné par la commission, mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. J'aurais souhaité que nous puissions discuter de cela en commission, car la mention de l'article 3-1 du code minier a été ajoutée dans une quinzaine d'articles. Nous allons donc le revoir de manière répétitive. J'aurais voulu qu'on nous explique clairement pourquoi on supprime à présent cette mention, alors que nous étions tous favorables à son ajout. C'est d'autant plus regrettable - je le dis avec la plus grande solennité - que tous les amendements concernant le code minier qu'avaient déposés non seulement notre groupe, mais aussi tous les groupes de l'Assemblée nationale, ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. C'est la première fois, depuis 1990, - alors que nous avons, entre-temps, discuté, en 1994, de la loi sur le code minier, en 1997 d'une loi sur le code minier dans les départements d'outre-mer, en 1999 de la loi « après mines » - qu'un aussi grand nombre d'amendements, ayant déjà été discutés dans notre assemblée et ayant été jugés recevables par la commission des finances, ne sont pas acceptés.
    Ce n'est pas à vous que j'en veux, madame la ministre : il y a eu des réunions interministérielles et le ministère des finances a fait valoir des raisons financières. Mais il faut que nous sachions si le Parlement peut traiter ou non le problème des personnes qui ont des difficultés, comme celles qui, en Lorraine, ont subi des sinistres miniers il y a trois ans, dont les maisons sont aujourd'hui inhabitables, qui ont été expropriés ou qui ne sont toujours pas remboursés, contrairement à ce que prévoyait la loi de 1999.
    Ce que je dis vaut aussi pour François Grosdidier, député de Lorraine, qui a déposé les mêmes amendements : nous ne pouvons traiter de cette question à l'article 12, sinon en amendant un texte gouvernemental qui a été présenté le 3 mars à l'association des communes minières mais n'a pas été discuté en commission et que nous découvrons en séance. Ce n'est pas la bonne manière de légiférer. Je le dis sans sectarisme, car certains collègues, sur d'autres bancs, ont également déposé des amendements. Nous ne pouvons en discuter, pourtant ce sont de vrais problèmes. Je me suis rendu à Toulouse, dans le cadre de la commission d'enquête : huit ou neuf mois après l'explosion, des gens n'avaient toujours pas leurs sinistres réparés. Et le cas se présente dans toutes les régions de France. Quand des gens ont subi des sinistres, ils ont le droit d'espérer que leur dossier sera traité au bout de trois ans. Or, ce n'est pas le cas aujourd'hui, à Roncourt, à Moyeuvre-Grande, en Moselle, à Piennes, à Langres, et dans d'autres communes. Je voudrais vous demander solennellement, madame la ministre, de nous expliquer pourquoi la mention de l'article 3-1 du code minier doit disparaître cet après-midi.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 522.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je n'ai pas eu de réponse !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 modifié par le sous-amendement n° 522.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.
    Les amendements n°s 8 de M. Cochet, 257 de M. Daniel Paul, 452 de Mme Royal, 438 de M. Diébold et 391 de M. Cohen tombent.

Après l'article 1er

    M. le président. M. Yves Cochet, Mme Billard et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 28 rectifié, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après le premier alinéa de l'article L. 123-1 du code de l'environnement est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L'enquête publique sur une installation classée doit se faire selon les critères du "développement durable : en examinant les avantages et les inconvénients du projet tout au long de la chaîne d'activité (extraction des matières premières, transports, transformation, mise en oeuvre, usage, recyclage) dans les domaines vitaux (économie, environnement, culture, santé, social...). »
    La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Nous revenons, avec cet amendement, sur la question du développement durable qu'a évoquée M. Cohen. Ma formule est moins elliptique que celle de M. Cohen dans son amendement n° 305, mais elle vise exactement le même objet. Comme le débat a déjà eu lieu, je ne veux pas insister outre mesure. Je précise toutefois que toute production a des avantages et des inconvénients. Prenons l'exemple de l'extraction et de l'aval de la production. Dans le cas des nitrates d'ammonium à Toulouse, il me semble que la production était plutôt opposée au développement durable, puisqu'elle visait à faire perdurer une agriculture productiviste et polluante.
    Cela dit, il faut étudier ce qui se passe en amont car il est possible que, dans un territoire donné, les procédés, les produits, les modes de production d'une installation soient contraires au développement durable. Et, lorsque je parle de développement durable, je tiens compte des critères économiques et sociaux, pas simplement environnementaux ou sanitaires.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. M. Cochet a raison : le débat a déjà eu lieu. Je ne vais donc ni le reprendre ni le prolonger. La commission a donné un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. En expliquant tout à l'heure le concept de développement durable, je répondais surtout à Mme Royal, mais j'ai omis de répondre à M. Cochet et de revenir sur l'exemple qu'il avait pris, celui du nitrate d'ammonium utilisé dans l'agriculture comme amendement. Vous avez affirmé, monsieur Cochet, que, lors de l'enquête publique sur la fabrication du nitrate d'ammonium, il eût été utile d'interdire la fabrication du nitrate d'ammonium, au motif que ce produit est toxique quand il est utilisé dans l'agriculture, et que vous souhaitez revenir sur l'utilisation d'un produit que vous estimez contraire au développement durable.
    Je ne souhaite pas engager un débat que nous pourrions d'ailleurs avoir dans d'autres enceintes : là n'est pas le sujet. Mais convenez que vous mélangez, dans l'amendement proposé tout à l'heure et dans celui-là, ce qui relève de l'installation industrielle elle-même et ce qui relève du produit mis sur le marché. Ce n'est pas tout à fait comparable.
    Une même usine peut fabriquer des produits d'utilité différente, certains étant finis et d'autres intermédiaires. Dans des cas complexes, il ne serait pas du tout évident de tirer des conclusions de l'analyse que vous proposez : tel produit chimique peut servir pour une fin que vous condamnez, alors qu'il peut être très utile pour une autre utilisation. Vous voyez que le concept que vous voulez introduire dans le texte peut ne pas convenir à toutes les situations.
    Votre amendement montre aussi qu'une rédaction mal cadrée peut avoir des effets pervers sur le plan législatif et se révéler inopérante.
    La manière dont nous procédons est, à mon sens pour la plus raisonnable pour protéger l'environnement sans freiner la croissance, et donc pour parvenir à ce développement durable que vous appelez de vos voeux.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Je souhaite soutenir l'amendement de M. Cochet.
    Une nouvelle fois, madame la ministre, vous vous opposez à l'inscription de la notion de développement durable dans votre texte. Or, votre argumentaire n'est pas du tout convaincant, même si j'entends bien que vous vous employez à rester fidèle aux arbitrages qui ont été rendus.
    Vous avez parlé d'idée technocratique. Mais vous ne pouvez pas utiliser ce mot-là à l'encontre des propositions des parlementaires, donc des législateurs. Par définition, c'est le pouvoir réglementaire qui est taxé de technocratique. Le législateur est souverain, et il est là pour inscrire dans la loi des principes fondamentaux auxquels le pouvoir réglementaire devra se conformer. Par conséquent, je ne crois pas que l'on puisse prétendre que vouloir faire figurer ce concept de développement durable dans un texte législatif constitue une démarche technocratique.
    Au contraire, c'est une démarche très opérationnelle. Sinon à quoi servirait-il d'inscrire ce concept dans la Constitution, si on refuse, ici et maintenant, qu'il figure dans un texte relatif à la réduction de risques industriels ? Pourquoi refuser ce petit pas en avant en matière de démocratie participative ? Pourquoi s'opposer à cette avancée qui permettrait de conforter le débat parlementaire que nous aurons sur la réforme de la Constitution ?
    Vous savez bien que, aujourd'hui, il faut changer les choses pour s'opposer à certaines pratiques occultes, faire cesser une espèce de loi du silence planant sur les tractations obscures qui peuvent exister entre des opérateurs, pour faire disparaître la peur des riverains et de l'opinion publique. Vous savez bien que si la démocratie participative avait été beaucoup plus forte au cours des vingt dernières années, les progrès technologiques auraient sans doute été beaucoup plus rapides.
    En définitive, c'est bien sous la pression des citoyens que les industriels, les agriculteurs et tous ceux qui exercent des activités certes utiles pour le développement économique mais aussi extrêmement polluantes ont été obligés de procéder autrement, de se comporter autrement. Cela leur a d'ailleurs permis d'accomplir des progrès technologiques et industriels, s'accompagnant de créations d'emplois et de conquêtes de marchés dans le secteur des technologies propres.
    Saisissons la chance que nous offre ce texte. Ne soyons pas en retrait et en retard par rapport à ce qui se fait déjà dans la plupart des pays européens, et surtout, madame la ministre, par rapport à votre propre discours. En effet, vous savez bien que l'un des principaux reproches qui est adressé à ce Gouvernement concerne l'écart qui existe entre ses discours et ses actes.
    Comment être crédible quant, d'un côté, on dit que l'on va inscrire demain le concept de développement durable dans la Constitution, alors que, de l'autre, on ne saisit pas l'opportunité de le faire figurer dans le présent texte ? Votre intérêt serait qu'il y figurât, madame la ministre, et, dans ce cas, nous voterions l'article.
    Enfin, s'agissant du fond, vous n'avez pas indiqué en quoi l'enquête publique sur une installation classée ne doit pas se faire selon les critères du développement durable. Toutefois, si c'est le cas, inscrivons-le dans le texte.
    M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.
    M. François-Michel Gonnot. J'éprouve un certain sentiment de malaise depuis exactement une heure dix minutes.
    Mme Ségolène Royal. Nous aussi !
    M. François-Michel Gonnot. J'ai un peu l'impression que deux anciens ministres de l'environnement sont en train de régler des comptes au détriment de l'actuelle ministre de l'environnement.
    Mme Ségolène Royal. Mais non ! Ne rabaissez pas le débat !
    M. François-Michel Gonnot. Si ! C'est un peu de cela qu'il s'agit !
    En cette affaire, la polémique n'est pas de mise. Ne laissons pas dériver ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui est très technique et très difficile.
    Mme Ségolène Royal. Elevez le débat ! Parlez-nous plutôt du développement durable !
    M. François-Michel Gonnot. Durant une heure, vous avez tenté, madame Royal, de prouver que le Gouvernement et que cette affreuse majorité étaient opposés au référendum d'initiative locale, à la démocratie participative. Maintenant, vous êtes en train de nous expliquer que nous sommes face à nos contradictions en matière de développement durable.
    Vous nous dites aussi que nous sommes là pour faire appliquer les grands principes, pour prononcer des discours... Non ! nous sommes là pour faire la loi !
    Mme Ségolène Royal. Nous sommes là pour légiférer !
    M. François-Michel Gonnot. Le droit des enquêtes publiques prévoit des procédures légales.
    Mme la ministre a indiqué que les grands principes dont il est fait état ici font actuellement l'objet d'un débat dans le pays. Laissons la réflexion aller jusqu'à son terme avant de les inscrire dans le droit.
    Vous tentez de faire adopter des amendements dont vous savez très bien que les dispositions qu'ils contiennent sont inapplicables par les acteurs concernés par les enquêtes publiques.
    Mme Ségolène Royal. Ce n'est pas vrai !
    M. Yves Cochet. C'est faux !
    M. François-Michel Gonnot. Je ne vois pas comment un préfet pourrait organiser une enquête publique sur un dossier aussi complexe qu'une installation à haut risque sur la base des dispositions proposées par l'amendement.
    Mme Ségolène Royal. Dans ces conditions, il ne faut pas inscrire le principe de développement durable dans la Constitution !
    M. François-Michel Gonnot. Tous les amendements sont soumis à la commission des finances pour qu'elle examine leur recevabilité, ce qui n'est pas, comme l'a dit M. Le Déaut, sans conséquences néfastes pour certains d'entre eux. Moi-même, je m'en suis plaint à la tribune hier. Mais s'ils devaient aussi être examinés par la commission des lois, certains ne seraient pas exempts de reproches. C'est le cas de l'amendement de M. Cochet, qui est inapplicable.
    M. Yves Cochet. Mais non, il est applicable !
    Mme Ségolène Royal. Alors, monsieur Gonnot, il ne faut pas inscrire le principe du développement durable dans la Constitution !
    M. François-Michel Gonnot. Faisons preuve de réalisme. Comment voulez-vous que la personne chargée de monter un dossier sur une installation classée puisse le faire en cohérence avec le contenu de cet amendement ?
    Depuis plusieurs minutes, nous ne discutons que d'amendements contenant des déclarations de principe.
    M. Yves Cochet. Pas du tout !
    M. François-Michel Gonnot. Revenons à ce pour quoi nous sommes réunis ici. Il s'agit, avec ce texte, d'adopter un certain nombre de principes forts. Des gens qui ont souffert, dans leur peau et dans leurs biens, à la suite de catastrophes attendent qu'il en soit ainsi. De plus, malheureusement, certaines catastrophes sont encore à venir.
    C'est pourquoi nous n'avons pas le droit de régler ici des comptes ou de poser des pièges en prétextant la nécessité d'inscrire dans la loi un certain nombre de grands principes dont on sait pertinemment qu'ils font l'objet d'une réflexion par ailleurs.
    Ici, nous faisons la loi. Or, très sincèrement, l'amendement de M. Cochet n'est ni réaliste, ni applicable. Il doit être jugé comme tel.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il faut rappeler que nous sommes ici pour faire la loi et que les déclarations de principe, pour sympathiques qu'elles soient, ne peuvent trouver toute leur place que dans les exposés des motifs.
    Si nous voulons inscrire dans le texte de la loi que telle ou telle disposition doit obéir aux critères du développement durable, encore convient-il que la puissance publique qui propose ce texte ait défini au préalable ce que sont ces critères.
    Or nous voyons bien que la démarche du développement durable est une démarche volontariste, qui met en jeu tous les acteurs de la société. Nous sommes dans le cadre d'un démarche qui consistera, à travers la définition d'une charte de l'environnement, à définir les principes du développement durable, ce qui n'est pas la même chose que les critères du développement durable.
    M. François-Michel Gonnot. Tout à fait !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. En droit, les mots ont un sens. Nous allons définir des principes constitutionnels, qui, après cette démarche participative, irrigueront l'ensemble de notre droit : tel est le sens de la démarche constitutionnelle.
    Il faut donc, à ce moment de notre discussion et pour bien poser le socle de la démarche juridique que nous bâtirons ensemble, donner aux mots leur véritable sens. Il ne faut pas, madame Royal, se lancer, dans des approximations pour justifier une démarche démagogique.
    Vous dites que l'ensemble des pays européens a adopté ces principes : eh bien, si vous aviez assisté avec moi, hier, à Bruxelles, au conseil des ministres de l'environnement, vous vous seriez rendu compte que ce n'est pas vrai.
    M. François-Michel Gonnot. Bien sûr que ce n'est pas vrai !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Au contraire, la France est en avance pour ce qui est de l'édiction des principes du développement durable.
    La démarche juridique doit se faire dans le bon sens : d'abord, inscrivons dans la Constitution les principes, qui, ensuite, iront irriguer notre droit ; puis, utilisons la voie réglementaire pour édicter, selon chaque secteur, les critères du développement durable. Mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs !
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Je voudrais répondre brièvement à M. Gonnot et à Mme la ministre.
    Entre les principes, qui vont figurer dans la Constitution, et les règlements, les décrets ou les arrêtés, il y a la loi !
    Je vais prendre un exemple que vous connaissez sans doute aussi bien que moi, madame la ministre, et peut-être même mieux que moi : la loi Barnier de 1995, grande loi environnementale. Dans son article 1er, cette loi énonce un certain nombre de critères du développement durable, notamment le principe de précaution. Ce grand principe, qui, je crois, portait le n° 15 lors de la conférence de Rio, a été repris dans l'Agenda 21, qui a été adopté par la France, avant d'être transposé en droit interne par la loi Barnier de 1995.
    Selon ce principe, lorsqu'il y a un risque potentiel d'accident grave pouvant nuire à l'environnement ou à la santé, et ce dans un contexte d'incertitude scientifique, la précaution à prendre consiste, non à ne rien faire, mais, au contraire, à agir pour se prémunir contre les dangers et les menaces éventuels. Voilà un principe tout à fait opérationnel, qui figure dans le droit actuellement en vigueur à la suite de l'adoption du texte de M. Barnier, personnalité qui appartient plutôt à la majorité actuelle !
    Il en est de même du principe « pollueur-payeur » qui, lui aussi, est inscrit dans l'article 1er de la loi de 1995.
    Tout ce que nous proposons peut se faire. Alors, faisons-le !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Habib, M. Le Déaut, Mme Darciaux, M. Cohen, Mme Mignon et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 306, ainsi libellé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 123-9 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de développement économique sont également informés directement par les services de l'Etat de l'ouverture de l'enquête publique portant une demande d'autorisation. »
    La parole est à M. David Habib.
    M. David Habib. Cet amendement technique ne répond pas à une autre ambition que celle de rendre, lui aussi, plus transparente la procédure d'enquête publique. Il concerne la bonne information de l'ensemble des collectivités territoriales.
    A l'heure actuelle, les communes sont informées du lancement d'une enquête publique dès lors que la procédure touche à des compétences qui relèvent de leur précarré, comme l'urbanisme, alors que les EPCI, qui, pourtant, ont la compétence du développement économique, ne le sont pas. Par cet amendement, je propose donc que le préfet soit tenu d'informer les EPCI dès lors que l'enquête concerne leur périmètre de compétences.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. L'article L. 123-7 du code de l'environnement prévoit que l'autorité compétente porte à la connaissance du public, mais pas à celle des communes, l'ouverture de l'enquête. Je ne vois donc pas en quoi cet amendement constituerait un progrès d'autant que l'exposé des motifs de celui-ci semble comporter une contradiction : il y a une confusion entre transmission du dossier d'enquête publique et information sur l'ouverture d'une enquête publique.
    Les EPCI regroupant les communes concernées, l'information se fait d'elle-même. En revanche, votre amendement introduirait une prescription particulière qui ne concernerait que les EPCI et pas les communes. Cela ne me paraît pas vraiment judicieux, ne serait-ce que sur le plan rédactionnel.
    La commission a donc émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Comme vient de le dire excellemment le rapporteur, je crois qu'il y a une petite confusion entre transmission du dossier d'enquête publique et information sur l'ouverture d'une enquête publique. Mais là n'est pas le coeur de l'amendement. Celui-ci tend à faire en sorte que les établissements publics de coopération intercommunale, qui sont de plus en plus partie prenante, et particulièrement dans les opérations de politique économique, soient bien informés. Or ils le sont de fait puisque, d'une part, comme l'a indiqué le rapporteur, les EPCI sont composées des communes, et que, d'autre part, il y a des procédures d'information, de la publicité dans la presse et des affichages.
    Selon moi, une obligation d'information spécifique des EPCI par les services de l'Etat ne semble pas s'imposer. Cela dit, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. La parole est à M. David Habib.
    M. David Habib. Je vous remercie, madame la ministre, de ces précisions.
    En effet, il s'agit, par cet amendement, de favoriser l'information des EPCI. Si, aujourd'hui, les communes peuvent informer les établissements publics de coopération intercommunale du lancement d'une enquête publique, rien ne les y oblige. De fait, si l'information circule, c'est parce que, en général, les relations sont bonnes entre les communes et la structure intercommunale.
    Cela étant, comme nous nous inscrivons dans une logique de transparence, je suggère de faire figurer dans la loi cette obligation d'information des EPCI. Et je me félicite que Mme la ministre nous invite à le faire. (Sourires.)
    M. François-Michel Gonnot. C'est votre interprétation !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 306.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 29 rectifié et 392, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Yves Cochet, Mme Billard et M. Mamère, est ainsi libellé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 124-1 du code de l'environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
    « IV. - Dès lors que l'installation objet d'une enquête publique génère des risques hors du périmètre foncier de l'exploitant, l'information due au public ne peut pas faire l'objet de restriction aux motifs de confidentialité militaire ou industrielle de sorte que les restrictions de l'article 123-15 ne peuvent être invoquées. »
    L'amendement n° 392, présenté par M. Cohen et Mme Mignon, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le 1° du II de l'article L. 124-1 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Dès lors que l'installation objet d'une enquête publique peut provoquer des risques hors du périmètre foncier de l'exploitant, l'information au public ne peut pas faire l'objet de restriction au motif de confidentialité militaire ou industrielle. Les restrictions de l'article 123-15 ne peuvent être alors invoquées. »
    La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 29 rectifié.
    M. Yves Cochet. Selon l'article L. 125-2 du code de l'environnement : « Les citoyens ont un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire, et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s'applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles. »
    Je propose d'ajouter dans le code un alinéa prévoyant que lorsqu'une installation industrielle peut provoquer des risques hors du périmètre foncier de l'exploitant - on verra, au moment de l'examen des dispositions concernant les études de danger, ce qu'il faut entendre par là -, l'information due au public doit être totale, complète et transparente, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas faire l'objet de restriction. Si c'était le cas, cela signifierait que des produits ou des productions pouvant provoquer des accidents graves pour la santé ou pour l'environnement pourraient faire l'objet d'une sorte de secret interdisant aux individus de savoir à quels types de risques ils pourraient être exposés.
    Nous le verrons lorsque nous aborderons le contenu des consignes que doivent donner les services de secours par exemple en cas d'accident, il faut que les gens sachent exactement quoi faire. Encore faut-il que l'information soit tout à fait complète et transparente, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'amendement n° 29 rectifié vise à combler une lacune du code actuel de l'environnement.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour soutenir l'amendement n° 392.
    M. Pierre Cohen. Cet amendement a le même objet similaire. Il n'est pas question d'intervenir dans ce qui relève de la responsabilité de l'industriel ou de l'Etat. Simplement, si nous voulons vraiment que les populations, les salariés et le monde industriel, et particulièrement le monde de la chimie, cohabitent de façon équilibrée et s'acceptent mutuellement, il faut supprimer la possibilité offerte à certains de se réfugier derrière le principe de confidentialité, dite militaire ou industrielle, sous couvert de brevets ou de secrets de conception. Nous proposons donc d'obliger toutes les industries quelles qu'elles soient, militaires ou industrielles, à transmettre les informations et les comptes aux futures CLIC.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 29 rectifié et 392 ?
    M. Alain Venot, rapporteur. M. Cohen a raison, l'article L. 123-15 du code de l'environnement ne doit pas être utilisé de façon abusive. Mais ne pas pouvoir l'appliquer dans le cas qui nous occupe serait, pour le coup, excessif. Bien sûr, il faut que chacun, y compris d'ailleurs les salariés, veille à ce qu'il ne soit pas fait un usage abusif de l'article L. 123-15, mais il est nécessaire de continuer à pouvoir se retrancher derrière le secret de la défense ou la protection industrielle lorsque la situation l'exige.
    M. Pierre Cohen. C'est tout le temps !
    M. Alain Venot, rapporteur. Pas du tout.
    M. Pierre Cohen. Si !
    M. Alain Venot, rapporteur. Il faut pouvoir user de ce droit avec intelligence et parcimonie, en tout cas chaque fois qu'il s'impose.
    Vous proposez de passer d'un excès à un autre. Lever tout secret industriel ou militaire serait bien plus dangereux que le risque de tomber dans une utilisation abusive de l'article L. 123-15 du code de l'environnement.
    La commission a donc émis un avis défavorable à ces amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je suis évidemment sensible à l'argumentation développée par les auteurs des amendements. Cela dit, sous réserve d'inventaire, je n'ai pas connaissance de plaintes liées à l'application de l'article L. 123-15 du code de l'environnement. Celui-ci vise à protéger - et c'est bien normal - les intérêts de la défense nationale et du secret industriel. Son application est limitée aux informations réellement confidentielles sur les procédés de fabrication et il n'en fait pas une utilisation abusive. La proposition qui nous est faite relève plus d'une pétition de principe qu'elle n'aurait une réelle portée pratique visant à remédier à des dysfonctionnements constatés dans la réalité.
    La volonté de transparence, je tiens à le rappeler, sous-tend l'ensemble du projet de loi, elle va au-delà des applications pratiques que j'ai d'ores et déjà introduites dans les instructions adressées aux préfets et aux directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. C'est ainsi que j'ai souhaité faire figurer sur Internet les arrêtés d'autorisation et les rapports d'inspection. Cette démarche représente une réelle avancée et implique une évolution pour les services placés sous ma responsabilité. Mais, dans une période où les menaces terroristes internationales sont bien réelles, je crois utile d'appeler votre attention sur la nécessité de ne pas attenter, au nom de la transparence, à la sécurité des personnels et au-delà de la nation - je crois que nous ne pouvons que nous réunir autour de cet objectif. Or le risque existerait si les informations protégées pour des raisons de confidentialité militaire étaient rendues publiques. J'appelle solennellement chacun et chacune à prendre ses responsabilités.
    M. Léonce Deprez et M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Je veux insister sur l'intérêt de ces amendements. Je comprends parfaitement vos arguments. L'heure est grave, madame la ministre. Nous vivons dans un monde qui n'est pas un monde d'innocence, de pureté, nous en sommes tous convaincus. Sur le site web du ministère de l'environnement et sur les sites des DRIRE figurent les informations sur les volumes, les produits précisément fabriqués dans les sites Seveso. Lors du drame du 21 septembre 2001 qui, comme vous l'avez remarqué, est survenu dix jours après le 11 septembre, nous nous sommes posé la question de l'utilité de maintenir ces informations concernant les volumes de tous les produits toxiques, dangereux, explosifs, hydrocarbures, sur tous les sites web de toutes les DRIRE de toutes les régions de France. La réponse n'était pas évidente. Nous avons préféré choisir la démocratie et la transparence plutôt que nous enfoncer dans une sorte de paranoïa visant à tout recouvrir, à noircir la page web, afin que plus personne ne sache quels produits, quels procédés, quels stockages se trouvent à côté de chez lui. ll ne s'agissait ni d'affoler la population ni de prétendre que nous vivons dans un monde exempt de dangers.
    Voilà un exemple précis où il vaut mieux parier sur la démocratie. Nous vivons, comme disait un sociologue allemand, dans la société du risque. Ces risques doivent être partagés. Bien sûr, la responsabilité première, nous le verrons au moment des études de dangers, c'est celle de l'industriel. Mais chacun doit être conscient des risques qu'il court, notamment lorsqu'il habite près d'une installation Seveso. On ne peut pas occulter le risque. Tel est le sens de nos amendements.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Cochet, vous allez complètement dans le sens de mon argumentation : comme vous, je viens de le répéter, je souhaite que le transparence soit la plus complète possible. Mais il s'agit, en l'occurrence, de procédés de fabrication militaire, donc du secret-défense. C'est ce simple fait qui me conduit à proposer une restriction à la transparence. Nous ne vivons pas, vous l'avez souligné, dans un monde de petits saints.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Lisez l'amendement ! Il n'est pas question de demander à toute entreprise qui possède des secrets militaires de les dévoiler à l'occasion de l'enquête d'utilité publique. Ce qui nous préoccupe, c'est lorsque les risques dépassent le périmètre foncier. Les gens qui vivent dans ces endroits risquent leur vie tous les jours sans même le savoir. La meilleure solution, ce n'est pas évidemment de dévoiler les secrets militaires, c'est de faire en sorte que les entreprises qui ont des secrets de défense ou des secrets industriels se donnent les moyens de rassembler les zones à risques dans leur espace foncier. Personne ne songe à se battre pour que les secrets militaires soient dévoilés à l'occasion de l'enquête d'utilité publique. Mais, et nous aurons l'occasion de discuter des périmètres dans les autres articles, à partir du moment où il y a une nécessité d'État, on doit se donner les moyens de faire rentrer les zones à risques dans le foncier de l'entreprise.
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, très brièvement.
    M. Yves Cochet. Je voudrais prendre l'exemple paradigmatique, si je peux me permettre ce terme un peu pédant, du pôle chimique de Toulouse.
    M. Jean Ueberschlag. Paranoïa, paradigmatique, pédant !
    M. Yves Cochet. À Toulouse, il n'y avait pas simplement l'usine AZF, il y a également la SNPE, la Société nationale des poudres et explosifs.
    La SNPE fabrique...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Du carburant.
    M. Yves Cochet. ... en effet, du carburant à la fois pour Arianespace et pour nos missiles stratégiques.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à fait.
    M. Yves Cochet. Il ne s'agit pas de dévoiler le secret de fabrication de ce type de carburant. Il s'agit de savoir ce qui risque d'arriver si jamais ces poudres provoquaient un accident de type technologique. Du reste, la Société nationale des poudres et explosifs est sous tutelle principale du ministère de la défense et non sous celui de l'écologie. Nous voulons que les retombées sur la population soient connues, non les secrets de fabrication, bien sûr.
    M. François-Michel Gonnot. Les amendements sont mal rédigés alors !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Peut-être, mais l'amendement n° 392 propose : que : « Dès lors que l'installation objet d'une enquête au public peut provoquer des risques hors du périmètre foncier de l'exploitant, l'information au public ne peut pas faire l'objet de restriction au motif de confidentialité militaire ou industrielle. »
    M. Yves Cochet. C'est normal !
    M. Pierre Cohen. Les gens risquent leur vie !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Dans les zones Z 1 et Z 2, l'impact des fabrications est mesuré. L'étude de dangers est faite, qui fixe des périmètres. Mais on comprend bien qu'il est des secrets de défense qu'on ne peut pas porter à la connaissance du public, car des malfaisants pourraient s'en servir contre les populations.
    M. Pierre Cohen. Eh bien, il faut faire entrer les zones Z 1 et Z 2 dans le foncier de l'entreprise.
    M. le président. Je crois que la position est uns et des autres est parfaitement connue de l'Assemblée.
    Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 392.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Yves Cochet, Mme Billard et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 9, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'information de la population résidant ou transitant dans une zone objet d'un plan de prévention des risques technologiques sur la nature des risques et la consigne à suivre en cas d'accident doit être claire, totale, transparente, actualisée et ne souffrir d'aucune ségrégation sociale ou géographique. La consigne se doit en outre d'être applicable. »
    La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Personne ne doit être oublié.
    Nous considérons d'abord que l'information doit être transparente et accessible à tous, même aux gens qui ne sont pas internautes ou qui, pour des raisons sociales, économiques ou d'isolement géographique rencontrent plus de difficultés que d'autres pour accéder à cette information.
    Ensuite, nous estimons que les locataires doivent bénéficier de la même information que les propriétaires. Sur ce point d'ailleurs, je crois que nous rejoignons la position du rapporteur qui souhaite revenir au texte initial.
    Enfin, le troisième point de l'amendement porte sur la consigne. Qu'est-ce qu'une consigne ? Dans cette maison même, il existe des consignes à tenir en cas d'incendie ou si quelqu'un est malade. On se souvient avec tristesse du président Crépeau qui, il y a quelques années, a eu un malaise pendant les questions au Gouvernement. Hélas ! quelques jours après, il disparaissait. Je me garderai bien d'ergoter sur les consignes de sécurité à l'Assemblée. J'observe juste qu'elles ont été depuis renforcées.
    Pour que la consigne puisse être opérationnelle, il faut qu'elle remplisse plusieurs conditions : elle doit être claire - tout le monde doit pouvoir la comprendre -, elle doit être totale, transparente et actualisée et ne souffrir d'aucune ségrégation sociale ou géographique. Tout le monde doit pouvoir l'entendre et la mettre en oeuvre si jamais, hélas ! un accident survient.
    J'ai visité, il y a un an et demi, de nombreux sites industriels dans différentes régions, et je me souviens bien d'une consigne qui avait été donnée dans un site industriel qui regroupait plusieurs établissement Seveso. Elle était à la fois claire, totale et transparente, mais elle n'était pas applicable. En cas d'accident, il était recommandé, premièrement, de se confiner, deuxièmement, de ne pas téléphoner, troisièmement, de ne pas aller chercher ses enfants à l'école. Qui peut suivre une telle consigne ?
    M. Pierre Cohen. Tout le monde a les réflexes inverses !
    M. Yves Cochet. À Toulouse, le premier point serait passé pour de l'humour noir : des milliers de fenêtres avaient explosé sous la violence du souffle. Ça n'aurait eu aucun sens opérationnel.
    Quant au deuxième point - ne téléphonez pas -, je puis vous assurer que c'était de toute façon impossible. Tous les réseaux étaient saturés, aussi bien ceux de téléphone mobile que du téléphone fixe. J'en profite d'ailleurs pour suggérer à Mme la ministre d'installer, en tant que responsable du risque industriel en France, une salle opérationnelle, comme celle qui se trouve au sous-sol du ministère de la défense, boulevard Saint-Germain. Je sais bien que cela ne peut pas se faire du jour au lendemain mais un tel équipement serait de nature à renforcer l'opérationnalité du ministère de l'écologie et du développement durable. En cas d'accident majeur de type Seveso, des lignes spécialisées doivent vous permettre de toucher notamment les DRIRE et les préfets dans tous les départements.
    S'agissant du troisième conseil - n'allez pas chercher vos enfants à l'école -, je me demande quel père ou quelle mère de famille entendant le bruit d'une explosion ou voyant un nuage toxique ne se précipiterait pas pour aller chercher ses enfants à l'école maternelle ou primaire d'à côté.
    Tout cela mériterait d'être travaillé à nouveau. Pour ma part, je propose que la consigne soit claire, transparente, actualisée et applicable.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. Le bon sens commande d'être d'accord avec M. Cochet, et je vois mal la commission demander que la consigne soit obscure, partielle, opaque, périmée, qu'elle ne s'applique pas à toutes les catégories sociales et à toutes les parties du territoire menacé et, enfin, pour achever le tableau, qu'elle soit particulièrement inapplicable. (Sourires.)
    M. Yves Cochet. C'est pourtant ce qui se passe actuellement !
    M. Alain Venot, rapporteur. Tout le monde ne peut qu'être d'accord avec vous.
    Mme Ségolène Royal. Soutenez l'amendement, alors !
    M. Alain Venot, rapporteur. En revanche, le respect de la loi, de son esprit, de son objet, commande de ne pas inscrire de telles déclarations d'intention dans un texte, de faire confiance aux responsables pour respecter ces principes qui vont de soi, qui s'imposent naturellement à tous.
    Si dans un passé récent, avant que Mme Bachelot ne soit ministre, ces principes n'ont pas été respectés, la faute en incombe peut-être à des problèmes d'application qui pourraient vous être imputables, monsieur le ministre. Mais je ne veux pas vous faire de procès que je ne serais pas capable d'instruire jusqu'au bout.
    M. Yves Cochet. Vous avez raison.
    M. Alain Venot, rapporteur. Toujours est-il que ces propositions me semblent relever du déclaratif ou de l'incantatoire.
    M. Yves Cochet. Non, c'est du réel !
    M. Alain Venot, rapporteur. Elles sont complètement inutiles. On ne peut qu'être d'accord, je le répète, avec ces mesures de bon sens, mais elles ne doivent pas figurer dans la loi.
    L'avis de la commission est donc défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'avoue qu'en lisant le texte de l'amendement j'ai d'abord souri - pensait-on que je préconisais une information obsolète, opaque, fondée sur la ségrégation sociale ? - pour ensuite, plus raisonnablement, me dire que ces formulations n'avaient pas leur place dans un texte de loi et qu'elles relevaient même du procès d'intention à l'égard du Gouvernement.
    Bien entendu, le public a droit à une information claire, précise, accessible, sans aucune discrimination. A ce sujet - je crois l'avoir montré à travers mon intervention - notre intention est parfaitement claire : nous sommes favorables à la transparence, à la concertation, et comme le prouve cet article, nous entendons assurer une information complète.
    Alors, qu'un certain nombre de cahiers de consignes - et nous l'avons bien vu au moment de la catastrophe de Toulouse - n'aient pas été opérationnels,...
    M. Yves Cochet. Eh oui !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... j'en conviens parfaitement, monsieur Cochet. Ce sera précisément le rôle des comités locaux d'information et de concertation de bâtir, avec les pouvoirs publics, selon les spécificités des sites, les bonnes démarches et d'organiser éventuellement les exercices qui permettront de vérifier que ces démarches sont opérantes. Et c'est à partir de l'expérience du terrain que nous élaborerons ensemble la charte des comités locaux d'information et de concertation, car ces démarches doivent se construire à partir de réalités vécues et non dans un texte de loi.
    Monsieur le député, je suis donc d'accord sur le diagnostic que vous avez posé, mais je ne le suis pas avec le traitement que vous préconisez : il faut suivre une démarche pragmatique.
    Reste que j'ai été très surprise en arrivant au ministère de l'écologie et du développement durable ne pas trouver de PC opérationnel de crise. Je suis en train d'en bâtir un...
    M. Yves Cochet. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... pour que nous puissions assumer les responsabilités de ce ministère. J'ai placé mon action ministérielle sous le triple signe de la sécurité, de la transparence, de la participation, et dans ce cadre, un tel dispositif est absolument nécessaire. Nous y travaillons.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. David Habib.
    M. David Habib. Monsieur le rapporteur, évoquer l'applicabilité de la consigne n'est pas inutile ou dépassé.
    Comme vous le savez, madame la ministre, le 12 décembre dernier, un exercice de simulation grandeur nature, qui avait pour but de vérifier la réalité des consignes qu'évoquait M. Cochet à l'instant, a bloqué le bassin industriel de Lacq pendant trois heures. Or cet exercice a illustré la difficulté d'appliquer la théorie du confinement. En effet, outre les comportements humains auxquels elle se heurte, s'est posé le problème des sirènes. J'ai d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet qui s'inscrit dans la problématique soulevée par M. Cochet.
    Actuellement, en théorie, sitôt le PPI déclenché par le préfet, les sirènes alertent les populations qui doivent alors se confiner. Or, en France, les sirènes ne sont pas audibles. La théorie du confinement relève donc plus d'une logique administrative que d'une pratique de terrain. En tout cas, le 12 décembre dernier, certes à 800 kilomètres de l'Assemblée nationale, mais en France, 30 000 personnes ont pu vérifier que cette consigne n'était pas applicable.
    Je rejoins donc M. Cochet, et je souhaite que figure, sinon dans l'article 1er, qui prescrit un certain nombre de principes visant à assurer la transparence et la meilleure sécurité possible des populations, du moins dans l'un des premiers articles du projet de loi, ce qui n'est pas un voeu mais une exigence de notre assemblée.
    M. Yves Cochet. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Je ne suis pas d'accord pour que l'on considère cet amendement de manière dérisoire en disant que tout le monde est d'accord avec la disposition proposée, qu'elle relève du bon sens et que, par conséquent, elle s'appliquera. J'ai en effet le sentiment que si le bon sens régnait dans notre pays, on aurait besoin de beaucoup moins de lois. Mais heureusement, la loi est là pour que le bon sens soit le même pour tous.
    Mme Ségolène Royal. Tout à fait !
    M. Pierre Cohen. Madame la ministre, vous dites que votre gouvernement obligera chaque comité local à réfléchir sur les bonnes consignes à adopter. Je ne doute pas de votre bonne volonté et de votre bonne foi, mais le meilleur moyen pour rendre ces consignes applicables et pour que chaque préfet et chaque responsable se sente concerné, c'est d'en faire mention dans le texte.
    L'explosion de l'usine AZF, qui n'était d'ailleurs pas du tout un risque envisagé dans les études de danger, a montré que les sirènes pouvaient ne pas fonctionner - en l'occurrence, elles ont elles aussi explosé - mais aussi que, dans le cadre des consignes de maintien sur le site, les comportements étaient très différents.
    A côté de ma commune, un proviseur de lycée a tout simplement laissé partir les élèves, alors que le préfet n'avait pas encore donné de consigne, ne sachant pas si le petit nuage qui s'était formé au-dessus de Toulouse était toxique ou pas. Ainsi avant midi, près de mille élèves circulaient dans les rues d'une commune limitrophe de Toulouse et proche du site de l'explosion, si bien que nous avons été obligés de les confiner dans des appartements au fur et à mesure.
    Cela montre combien une réflexion en amont est nécessaire pour savoir si les mesures préconisées sont applicables. Et je peux vous garantir qu'une telle proposition n'est pas incantatoire : elle est indispensable au regard de ce que nous avons vécu.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

    M. le président. L'article L. 125-2 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le préfet crée un comité local d'information et de concertation sur les risques pour tout bassin industriel comprenant une ou plusieurs installations figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8. Ce comité peut faire appel aux compétences d'experts reconnus. Il est doté par l'Etat des moyens de remplir sa mission. Un décret fixe la composition du comité et les conditions d'application du présent alinéa. »
    La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, inscrit sur l'article.
    M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'analyse de l'accident survenu le 21 septembre 2001, comme de récentes catastrophes naturelles, a mis en lumière de profondes insuffisances en matière d'information du public. Un constat s'impose : la culture du risque n'existe pas dans ce pays, où la population, pas plus que ses élus, n'est préparée à prévenir les crises ou bien à réagir convenablement lorsqu'elles interviennent.
    Quant aux modalités actuelles d'information sur les risques, elles sont inadaptées car elles sont trop formelles et trop techniques, insuffisantes, et généralement bien trop éloignées du citoyen. En outre, la responsabilité de cette information et de sa diffusion repose aujourd'hui sur une multitude d'intervenants, sans véritable répartition des rôles et sans coordination, ce qui ne contribue ni à l'efficacité du dispositif ni à la lisibilité du message. Aussi ne pouvons-nous que nous féliciter du texte qui nous est soumis aujourd'hui, qui fait de l'information du public l'un de ses objectifs majeurs.
    Mais si l'objectif est pour le moins louable, il est permis de s'interroger sur la pertinence et l'efficacité des moyens mis en oeuvre pour l'atteindre.
    Le présent projet de loi prévoit en effet, pour les risques technologiques, le renforcement de la publicité faite autour de l'enquête publique et la création des CLIC ; pour les risques naturels, l'organisation de réunions publiques sur les dangers et les procédures de gestion de crise ; et, dans les deux cas, l'information obligatoire pour les transactions immobilières. Mais, par définition, l'enquête publique est une procédure ponctuelle. S'agissant des CLIC, les précisions sur leur composition, et notamment sur le choix de la personnalité qui en assurera la présidence ainsi que leurs modalités de fonctionnement, sont repoussées à un décret ultérieur. Et la portée des réunions publiques a été considérablement réduite par le Sénat qui a supprimé l'information en cas de transaction immobilière.
    Si l'on veut bien admettre qu'en matière d'information du public nous partons pratiquement de zéro et que tout reste à faire, pour cet enjeu primordial, alors convenons que, malgré l'objectif affiché par ce texte et les efforts du rapporteur et de la commission pour le modifier, les mesures proposées ne sont peut-être pas à la hauteur et je voudrais m'en expliquer.
    Je rappellerai d'abord combien de drames on aurait pu éviter si la population avait su réagir en cas d'accident. Si on réalisait un sondage pour connaître la proportion de la population qui possède la connaissance des fondements mêmes de la culture du risque - signification des signaux d'alerte, dispositif de confinement, cas où il s'applique -, on obtiendrait sans doute des résultats édifiants.
    Madame la ministre, je n'ai pas déposé d'amendements, mais il vous appartient de prendre en considération mes observations et de rectifier le texte en ce sens. Je ferai donc une proposition valable pour cet article, mais au-delà, pour l'ensemble du texte : pourquoi ne pas mettre les élus au centre du dispositif de la prévention et de la formation ?
    Les maires des communes concernées ne peuvent être des acteurs parmi d'autres. Ils sont déjà impliqués dans bon nombre de procédures concernant les sites à risques, qu'il s'agisse des plans d'urbanisme ou des plans communaux de secours. Ils représentent leur commune dans les différents organismes d'information. Ils sont en première ligne pour la gestion politique des sites à risques. Ils seront les premiers sollicités en cas d'incendie et pourront être mis en cause tant politiquement que juridiquement même après un accident.
    En outre, nous savons que, pour être efficace, l'information doit être délivrée au plus près de la population, qu'elle doit impliquer directement les citoyens par des réunions de quartier nombreuses et répétées, par des exercices de simulation et par des articles dans les bulletins municipaux. Qui d'autre que le maire, madame la ministre, dispose à la fois de la crédibilité et de la proximité nécessaires pour remplir cette mission ?
    Dans les colloques auxquels nous avons pu assister récemment, il est apparu très clairement que les seuls territoires qui pouvaient, en toute bonne foi, se satisfaire de l'état de la diffusion dans la population de la culture du risque étaient ceux où les élus eux-mêmes avaient pris directement les choses en main.
    C'est pourquoi, madame la ministre, je vous suggère de placer les élus du dispositif de l'information et de la prévention. Cette responsabilité leur revient naturellement et personne ne peut l'exercer plus efficacement. Il serait donc judicieux de leur confier l'organisation et la direction des CLIC en leur donnant, et c'est une condition essentielle, les experts, les techniciens et surtout les budgets nécessaires.
    Alors que nous sommes au coeur du débat sur la décentralisation, voilà une compétence qui pourrait être utilement exercée de manière décentralisée en s'appuyant, bien sûr, sur les moyens humains et financiers techniques mis à disposition par l'Etat.
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Bourg-Broc, dans le cadre de cet article 2, qui est évidemment au centre du titre relatif à la sécurité industrielle, vous avez préconisé certaines dispositions sur lesquelles je reviendrai lors de la discussion des amendements puisque peu ou prou elles sont reprises par vos collègues.
    Pour en venir au coeur de votre intervention, je veux saluer le rôle des élus dans la démarche que je vous propose au travers de l'instauration des comités locaux d'information et de concertation.
    Bien sûr, je sais que ce sont les élus qui ont en charge l'animation des commissions sociales d'information et de sécurité liées aux centrales nucléaires et aux installations de traitement des déchets et que cela marche très bien. Mais je souhaite pour l'instant garder son caractère expérimental au projet de loi. Nous élaborerons ensuite une charte avec les comités locaux d'information et de concertation et à ce moment-là, si cela est nécessaire, nous tirerons les leçons de l'expérience et les prendrons en compte par voie réglementaire. Mais j'ai bien noté vos préoccupations, monsieur le député.
    M. le président. Je vous propose une suspension de séance. Nous reprendrons nos travaux dans une quinzaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    M. Le Déaut, Mme Darciaux, M. Habib, Mme Royal, M. Cohen, Mme Hélène Mignon et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 189, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 2, substituer aux mots : "et de concertation, les mots : ", de concertation et de surveillance. »
    La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Le terme de « surveillance » a un sens. Par exemple, dans le domaine de la sécurité des installations, la surveillance relève des responsabilités de l'exploitant du site - comme l'opposition l'a d'ailleurs rappelé à l'instant - et le contrôle relève de la puissance publique : chacun son rôle.
    Un comité local d'information et de concertation ne saurait en aucun cas être investi d'une mission de surveillance, sauf à perturber gravement les responsabilités tant de l'exploitant que de la puissance publique. Je suis donc défavorable à cet amendement, pour des questions de fond.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il s'agit de l'amendement « maximum », mais nous en avons déposé un qui est plus « soft » (Sourires) sur le pouvoir d'expertise.
    Aujourd'hui, des commissions locales d'information existent dans le domaine du nucléaire et dans le domaine des déchets ménagers ; il y en a également sur des sites classés « Seveso seuil haut ». Par ailleurs, la loi que nous allons voter devrait permettre à 100 ou 200 CLIC de voir le jour autour des 670 établissements Seveso.
    Le demandeur d'une autorisation d'exploiter va devoir fournir une étude de danger. Et vous souhaitez, madame la ministre une meilleure concertation entre les riverains et les industriels. Mais comment voulez-vous que les CLIC puissent procéder à des vérifications s'ils n'ont ni pouvoir de surveillance, ni pouvoir d'expertise contradictoire ? Car certaines études de dangers seront très complexes, notamment lorsqu'il s'agira de déterminer les zones Z1, c'est-à-dire les périmètres où un accident majeur peut provoquer des décès.
    Nous avons déposé un amendement de repli qui sera examiné plus tard et dont nous avons discuté avec le rapporteur. J'espère qu'il sera adopté.
    Prenons l'exemple d'une étude de danger européenne sur l'explosion des sphères de GPL. Le périmètre de danger est de 100 mètres en Irlande et aux Pays-Bas ; de 300 mètres en Allemagne ; de 500 mètres en Grèce ; de 850 mètres au Royaume-Uni ; de 900 mètres en Belgique ; de 1 420 mètres en France et de 1 500 mètres en Suède !
    Comment voulez-vous que les CLIC y retrouvent leurs petits ? Il faudra s'entendre sur la méthodologie de l'étude de dangers. Les habitants des périmètres concernés voudront s'assurer s'ils courent ou non un danger et quelles sont les probabilités. Pour cela, il faut que les CLIC aient un pouvoir de contre-expertise.
    Je retirerai l'amendement n° 189 si la commission et le Gouvernement s'engagent sur l'amendement que nous allons examiner tout à l'heure et qui concerne cette possibilité d'expertise contradictoire.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Alain Venot, rapporteur. Si l'amendement « soft » de M. Le Déaut porte le numéro 310, la commission lui a donné un avis favorable. (Sourires.)
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je retire donc l'amendement n° 189.
    M. le président. L'amendement n° 189 est retiré.
    MM. Gonnot, Merville et Pélissard ont présenté un amendement, n° 367, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 2, substituer au mot : "risques les mots : "thèmes d'environnement industriel. »
    La parole est à M. Denis Merville.
    M. Denis Merville. N'étant pas certain de pouvoir participer à la discussion générale, je ne m'étais pas inscrit. Je voudrais cependant vous dire que ce projet de loi est bon, aussi bien dans son volet sur les risques technologiques que dans son volet sur les risques naturels.
    Ce texte était attendu, il apporte des réponses à certaines des préoccupations qui sont les nôtres dans la vallée de la Seine où les entreprises à risque sont fort nombreuses. Il apporte également des réponses à d'autres problèmes que nous connaissons avec les marinières et les falaises.
    Quelques points mériteraient pourtant d'être précisés et j'ai entendu hier, madame la ministre, vos réponses concernant les risques présentés par les gares de triage, les ports et le transport de matières dangereuses.
    L'amendement que François-Michel Gonnot, Jacques Pélissard et moi-même présentons nous paraît aller dans le sens de l'élargissement de l'information et de la concertation.
    En effet, votre projet prévoit la création de comités d'information et de concertation, mais les limite à la question des risques technologiques. Or, ayant une certaine expérience des CLIS, commissions locales d'information et de surveillance, dans mon département, aux abords d'usines d'incinération ou de stockages de farines, je constate que les besoins d'information et de concertation dépassent ces seuls risques et concernent les thèmes d'environnement industriel au sens large, qui sont tout aussi importants et qui ne manqueront pas de s'exprimer dans ces instances. Il peut s'agir de problèmes de transport des matières dangereuses, de pollution atmosphérique ou d'autres nuisances.
    La mesure proposée par cet amendement que François-Michel Gonnot, Jacques Pelissard et moi-même vous présentons ne peut que favoriser les relations et la concertation entre les élus locaux, les industriels et les autres partenaires qui vivent à proximité de ces entreprises.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement car elle a considéré que l'activité principale du comité local d'information et de concertation - le CLIC - est bien la question des risques. D'autres structures, comme le secrétariat permanent de prévention des pollutions industrielles - S3PI - ou le comité départemental d'hygiène, existent déjà pour traiter des problématiques plus larges. La préoccupation qui a motivé cet amendement est donc justifiée mais elle est d'ores et déjà satisfaite. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Dans ma réponse aux orateurs à la fin de la discussion générale, j'ai évoqué, monsieur Merville, les différents fils rouges qui me guideraient dans l'analyse que je ferais des amendements proposés. Le premier des principes que j'ai mis en exergue est celui de la sécurité. Or, et M. le rapporteur l'a excellement pointé - remplacer le terme « risque » par l'expression « thèmes d'environnement industriels » n'est pas anodin. Cela change profondément la philosophie de ce texte qui traite de la sécurité des personnes.
    Cela étant, je suis tout a fait d'accord avec vous pour dire que les thèmes d'environnement industriel sont majeurs. Et je sais que vous connaissez bien ces problèmes, monsieur le député, vous dont la circonscription est située dans l'estuaire de la Seine aval. En tout état de cause, si un comité local d'information et de concertation souhaite se saisir d'un thème d'environnement industriel, rien ni personne ne peut l'en empêcher. En outre, et comme vient de le souligner le rapporteur, un des S3PI couvre l'ensemble des sites industriels de la Seine aval. Il a particulièrement pour mission de traiter toutes les question relatives à la pollution et aux différentes nuissances. Ce qui dépasse largement le cadre strict des risques. Il pourra donc traiter tous ces thèmes d'environnement industriel qui vous sont chers.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Cet amendement est très contestable. Certes, c'est M. Merville qui l'a présenté mais vous l'avez cosigné, monsieur Gonnot. Je vois là une certaine cohérence avec les propos fort désagréables que vous aviez tenus tout à l'heure. Lorsque nous avons demandé que la notion de développement durable soit reprise dans ce texte, vous avez cru bon de prétendre que nous étions là pour régler des comptes. C'était pour le moins déplacé. Vous savez, si nous passons des heures dans cet hémicycle, comme vous et comme tous ceux qui sont là, en dépit du travail que nous avons par ailleurs, c'est bien pour défendre nos engagements et nos convictions. Et le développement durable en est un. Nous sommes là pour tenter d'améliorer ce texte.
    Mais je conçois que vous ne soyez pas d'accord avec le concept de développement durable. Pour vous, c'est comme un gros mot. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François-Michel Gonnot. Allons !
    Mme Ségolène Royal. Vous avez donc déposé un amendement visant à supprimer le mot « risque ». Vous exaucez là le vieux rêve de certains industriels qui cherchent à faire croire que les activités industrielles ne comportent aucun risque et qu'il ne faut voir dans tout cela que les fantasmes des riverains ou des associations de défense de l'environnement. Cela vous arrangerait bien qu'on édulcore ce texte. Or, justement, ce projet de loi a le mérite, et vous venez de le rappeler, madame la ministre, de porter sur la sécurité. Et nous parlons précisément aujourd'hui des risques industriels et des activités à risques.
    Pour aller jusqu'au bout de la réponse que je vous dois après votre intervention, monsieur Gonnot, je vais revenir sur le concept de développement durable. La suspension de séance m'a permis en effet de faire une petite recherche. Vous nous avez dit, tout comme vous, madame la ministre, que cette notion n'était pas encore précise, qu'on n'en connaissait pas les critères. Or, ceux-ci sont déjà inscrits dans le code de l'environnement, à l'article L. 110-1 qui définit très précisément la notion de développement durable. Cela représente une page, ce n'est pas rien ! Voici ce que prévoit cet article : « ... l'objectif de développement durable [qui] vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. »
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ce sont des principes ! Pas des critères !
    Mme Ségolène Royal. Vous voyez que ce n'est pas un gros mot puisque c'est dans la loi ! L'article L. 110-1 prévoit encore : « Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :... »
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est bien ce que je dis, il s'agit de principes !
    Mme Ségolène Royal. ... le principe de précaution - qu'évoquait d'ailleurs M. Cochet tout à l'heure et qui est très clairement défini, en cinq lignes dans le code de l'environnement, ce n'est pas rien - ; le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement ; le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution, et de lutte contre celle-ci, doivent être supportés par le pollueur.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je les ai définis tout à l'heure !
    Mme Ségolène Royal. Et enfin, « le principe de participation, selon lequel chacun doit avoir accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses ».
    Il y a donc, convenez-en, une cohérence très grande entre cette définition très précise du principe de développement durable, et ce que nous sommes en train de faire. Par conséquent, nous ne comprenons pas que cette notion ne figure pas dans le présent texte. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de le redire au cours de ce débat. En effet, il y a une cohérence parfaite entre les intentions politiques que vous affichez, madame la ministre, et certains des amendements qui ont été proposés. Je pense aux critères déterminant le déclenchement d'une enquête publique, qui doit répondre à ces quatre principes de développement durable. Dès lors, pourquoi ce refus de la part du Gouvernement ? Nous aimerions bien avoir une réponse.
    M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot.
    M. François-Michel Gonnot. Madame Royal, je suis vraiment très triste.
    Mme Ségolène Royal. Allons, remettez-vous !
    M. François-Michel Gonnot. Denis Merville aurait sans doute préféré que vous vous prononciez sur le fond de cet amendement. Mais vous avez choisi un autre terrain. Non, le développement durable n'est un gros mot pour personne ici, et vous avez eu raison de faire cette recherche dans le code de l'environnement. D'ailleurs, si vous avez recherché c'est que vous ne saviez plus vous-même. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous en avons eu la démonstration avec les amendements que votre groupe a proposés tout à l'heure...
    Mme Ségolène Royal. Je suis modeste, moi, je n'ai pas la science infuse !
    M. François-Michel Gonnot. M. Cochet est allé beaucoup plus loin, puisqu'il a tenté, maladroitement, de définir lui-même les critères du développement durable. S'agissant de ce qui est déjà codifié en matière de développement durable, nous n'avons donc, ni les uns ni les autres, de leçon à recevoir.
    Je crois que nous partageons tous - et j'aurais aimé que vous le fassiez apparaître plus clairement - l'objectif de l'actuel gouvernement en matière d'environnement et de développement durable. Il s'efforce en effet de donner à ces critères, qui figurent aujourd'hui dans le code de l'environnement et que nous avons votés les uns et les autres il y a quelques années, une valeur juridique supérieure, puisqu'ils seraient adossés à la Constitution, à travers la charte de l'environnement. Ainsi, nous pourrons ensuite les décliner dans le code de l'environnement, mais peut-être aussi ailleurs.
    Pour en revenir à l'amendement n° 367, je pensais, compte tenu de vos interventions sur les référendums d'initiative locale et sur la nécessité d'accroître la participation de nos concitoyens, que vous auriez été sensible au dispositif qu'il propose. Notre amendement reprend en effet ce même souci, même si nous l'exprimons différemment. Il vise à améliorer l'information des riverains et des élus pour d'autres installations que celles définies comme à haut risque. M. Merville, M. Pélissard et moi-même serions d'ailleurs très satisfaits d'entendre le ministre nous donner des garanties sur la volonté du Gouvernement d'essayer, au-delà de ce texte sur les risques, de créer partout - peut-être demain dans le cadre de l'autre loi sur l'eau, que nous examinerons en 2004 - des instances d'information et de concertation, ô combien nécessaires, et en faveur desquelles plaidait tout à l'heure notre collègue Bourg-Broc.
    M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Que ce soit au niveau local, régional ou national, aucun élu n'envisage plus le développement que dans la durée : il n'y a de développement que durable. Les investissements, qui permettent le développement,...
    M. Yves Cochet. M. Deprez n'a rien compris !
    M. Léonce Deprez. ... ne peuvent en effet s'amortir que dans la durée, ne peuvent se concevoir et se réaliser que mis en perspective, et en fonction des nouveaux critères auxquels toutes les populations du monde sont sensibles, et pas seulement à Johannesburg.
    M. Yves Cochet. Ah ! C'est mieux !
    M. Léonce Deprez. J'ai personnellement dirigé une entreprise située au coeur d'une ville et, dès lors que le développement n'est plus apparu durable, nous avons réalisé des investissements en dehors de la ville, dans un cadre intercommunal.
    Cette notion est donc parfaitement comprise, mes chers collègues. Mais il ne faut pas la banaliser. Dans tous les ministères, aujourd'hui, il ne faudrait plus envisager de programmes de développement - et pas seulement sur le plan industriel - qu'en fonction de cette nécessité d'un développement durable. Après le mot « développement », il faudrait quasiment ajouter systématiquement l'adjectif « durable ». Or tel n'est pas l'objectif. Dès lors qu'il existe une charte de l'environnement et que les lignes directrices sont fixées dans le cadre d'une politique gouvernementale, nationale et européenne, tout sera fait dans la logique d'un développement durable. Il ne faut donc pas limiter cette notion à quelques arguments subalternes.
    Enfin, nous ne pouvons que nous réjouir, au début de ce nouveau siècle, que des aspects importants de la vie en société fassent l'objet d'un accord sur tous ces bancs. N'en faisons donc pas des sujets de désaccord ! Qu'ils nous donnent au contraire l'occasion de nous rassembler !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mme Royal est allée chercher à la bibliothèque le code de l'environnement et a repris quelques termes de l'article L. 110-1. En fait, il faudrait le citer in extenso :
    « I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
    « II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général... » Constatons au passage que l'article L. 110-1 ne fait pas allusion à la sécurité industrielle.
    Ensuite, l'article L. 110-1 énonce les quatre principes que j'ai cités tout à l'heure, sans d'ailleurs que j'aie besoin d'aller à la bibliothèque : principes de précaution, de prévention, de pollueur-payeur et de participation, qui structurent toute démarche environnementale. Nous sommes là au niveau des principes. Or vous, vous parlez de « critères », madame Royal. Cela n'a pas le même sens en droit.
    M. François-Michel Gonnot. Ce n'est pas la même chose, en effet !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est cela le fond de notre débat juridique. Ces principes, qui figurent déjà dans le code de l'environnement, s'imposent à nous sans qu'il soit utile de les réitérer. Nous sommes là pour faire la loi et non pas pour rédiger un exposé des motifs.
    En outre, le Gouvernement est d'accord pour amplifier la portée de ces principes puisque nous nous proposons de les porter au plus haut niveau de notre droit, c'est-à-dire dans la Constitution. C'est vous dire si la notion de développement durable que vous nous accusez de brader est au contraire au coeur de nos préoccupations : nous souhaitons la placer à un niveau où vous ne l'avez jamais mise. S'agissant des critères, en revanche, vous voyez bien que la mesure que vous avez préconisée est inapplicable.
    M. François-Michel Gonnot. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Denis Merville.
    M. Denis Merville. Mme Royal a profité de notre amendement pour attaquer François-Michel Gonnot. On vient de nous reprocher de ne pas être sensibles aux problèmes de sécurité. En fait, nous avons cherché à élargir ce cadre. Madame la ministre, j'ai bien entendu hier soir que vous souhaitiez privilégier la sécurité et qu'il serait possible pour les CLIC de se saisir d'un thème d'environnement industriel. Mais c'est l'expérience du terrain qui nous a conduits à déposer l'amendement n° 367. Il y a deux plates-formes industrielles dans ma circonscription. Je préside les réseaux de pollution atmosphérique, je siège au S3PI, et je retrouve, en général, les mêmes personnes dans ces deux instances. Si donc dans les CLIC, outre les risques industriels, il était possible d'évoquer aussi les problèmes de circulation, de pollution et autres, nous pourrions nous contenter d'une réunion au lieu d'en faire trois ou quatre alors que nous avons affaire aux mêmes partenaires. Elargir le cadre du débat nous permettrait de gagner du temps. En outre - et je l'ai constaté avec l'usine d'incinération du Havre, actuellement fermée - les membres des CLIC, qui représentent les habitants, les associations d'environnement, évoquent eux-mêmes les problèmes de qualité de l'air ou d'odeur.
    Si l'on s'en tient aux risques industriels, il faudra donc, madame la ministre, que vous donniez des directives aux préfets de façon qu'il soit possible d'aborder aussi ces questions et qu'on puisse s'en tenir à une seule réunion. Cela va dans le sens de l'information, de la concertation et de la simplification.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Merci, madame la ministre, de répondre au fond et de placer le débat à ce niveau. J'ajouterai cependant un élément de réflexion qui marquera notre désaccord. Lorsque vous dites que les activités industrielles à risques ne sont pas concernées par l'article L. 110-1 du code de l'environnement et, donc, par le développement durable, je crois que ce n'est pas tout à fait exact.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je n'ai pas dit cela !
    Mme Ségolène Royal. L'article 110-1 prévoit en effet que la protection des espaces, ressources et milieux naturels, des équilibres biologiques, de la qualité de l'air et des espèces animales est d'intérêt général. Or toute activité industrielle à risques menace précisément cette protection, qui constitue le premier élément de la définition de la notion de développement durable. J'ai donc le sentiment que vous restez en quelque sorte au milieu du gué. Et je pense très sincèrement que le texte aurait mérité sur les enquêtes publiques de faire expressément référence à la notion de développement durable. Je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à cette précision. Sans doute les arbitrages interministériels ont-ils été négatifs.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ne faites pas de procès d'intention !
    Mme Ségolène Royal. Peut-être qu'un certain nombre d'industriels ont protesté. Peut-être avez-vous craint que le seul fait de mentionner les mots « développement durable » complique tout et entraîne trop d'exigences de la part des citoyens. Pourtant, c'est bien là que se situe le débat de fond. Mais nous y reviendrons lors de la discussion sur la charte de l'environnement et sur la réforme de la Constitution. Nous serons alors éclairés sur les véritables intentions du Gouvernement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 367.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements n°s 307 et 188, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 307, présenté par M. Brottes, M. Le Déaut, Mme Darciaux, M. Cohen, Mme Mignon et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 2, après les mots : "sur les risques, insérer les mots : ", doté de la personnalité morale,. »
    L'amendement n° 454, présenté par Mme Royal, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernière phrase du dernier alinéa de l'article 2 par les mots : "et dispose de la personnalité morale. »
    La parole est à M. François Brottes, pour soutenir l'amendement n° 307.
    M. François Brottes. Cet amendement constitue un rappel du principe de participation dont nous venons de parler longuement et qui est important pour le développement durable.
    Ce texte crée donc - c'est une avancée - les comités locaux d'information et de concertation sur les risques. Faire accepter le risque, aider à le comprendre, l'expliquer et avoir la certitude qu'il est neutralisé est la seule façon de permettre à nos concitoyens, en toute transparence, d'être rassurés au regard de ces préoccupations légitimes. Cela étant, madame la ministre, il est important que nous n'en restions pas aux principes. En effet, comme vous venez de nous l'expliquer longuement, il est essentiel qu'un texte soit opérationnel et serve à quelque chose.
    Il est ainsi souhaitable que les CLIC soient dotés des moyens d'agir, et pas seulement sur le plan financie où ils sont assurés puisque le texte prévoit que les financements seront donnés par l'Etat. Cela est bien, mais pouvoir être maître d'ouvrage, à part entière, est mieux, pouvoir choisir librement son expert, pouvoir décider de se réunir au moment opportun sans attendre que le préfet en décide, est important ; pouvoir être autonome pour garantir la transparence des résultats obtenus après une expertise me paraît fondamental ; pouvoir avoir la maîtrise du calendrier des actions qu'on engage, pouvoir éventuellement engager des procédures face à tel ou tel interlocuteur récalcitrant est indispensable.
    Or comment permettre cela si ces comités d'information et de concertation ne sont pas dotés de la personnalité morale ? Il serait parfaitement inadmissible qu'ils soient le petit doigt sur la couture du pantalon, en attendant que le préfet donne une injonction ou un ordre. Cet amendement vise à doter les comités locaux d'information et de concertation de la personnalité morale qui leur permettra d'exercer effectivement ce nouveau droit fondamental.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal, pour soutenir l'amendement n° 454.
    Mme Ségolène Royal. Cet amendement procède du même esprit que celui défendu par M. Brottes : il insiste sur la nécessité de donner la personnalité morale aux CLIC. Il se situe simplement à un autre endroit de l'article.
    Madame la ministre, vous créez les CLIC, ce qui est une bonne initiative, nous l'avons tous reconnu. Néanmoins, il nous semble que, là encore, vous restez au milieu du gué. En fait deux options s'offrent à nous : soit on crée des CLIC sans beaucoup de pouvoirs et il convient alors d'étendre leurs compétences à l'ensemble des installations classées faisant l'objet d'une autorisation préalable, ce que nous proposons ultérieurement dans un autre amendement ; soit on crée des CLIC avec un vrai pouvoir, une personnalité morale, un budget, la possibilité de mandater des experts indépendants et on peut alors décider, comme vous le faites, de limiter leurs compétences aux installations classées Seveso seuil haut.
    En la matière, le projet propose une solution paradoxale car vous n'allez pas jusqu'au bout de votre logique. En effet, vous ne donnez pas la personnalité morale à ces comités, mais vous restreignez malgré tout leur champ d'intervention au lieu de l'étendre à l'ensemble des installations classées. Or nous savons tous parfaitement que, sur le plan local, il n'est plus possible de décider de l'implantation de telles installations sans consulter, sans concerter, sans mettre en place une commission. Puisque, de toute façon, ces comités seront appelés à travailler sur ces sujets, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de cette logique que je trouve excellente ?
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. D'abord, je me réjouis, monsieur Brottes, que vous arriviez enfin sur le terrain du concret.
    M. François Brottes. J'espère que vous allez me suivre !
    M. Alain Venot, rapporteur. Tout à fait, parce que je suis là pour cela. Toutefois, je ne vois pas en quoi la personnalité morale apportera, par exemple, davantage d'indépendance à ces comités. La personnalité morale ne donne pas l'indépendance.
    D'ailleurs, qui siégera au sein des CLIC ? Des représentants des salariés, mais je ne crois pas qu'ils soient particulièrement révérencieux, par principe, envers l'Etat ou ses représentants ; il y aura des représentants des élus, mais je connais bon nombre d'élus qui, tout en respectant l'Etat et ses représentants, n'ont pas pour autant le petit doigt sur la couture du pantalon ; il y aura des représentants d'associations, mais ces derniers joueront pleinement leur rôle, en toute indépendance, et la personnalité morale ne leur donnera pas davantage de pouvoirs dans la concertation, la consultation ou l'expertise, nous y reviendrons en examinant un autre de vos amendements. En revanche, cette complication, cette lourdeur supplémentaire serait de nature à retarder la mise en place des CLIC.
    M. Brottes a également pris l'exemple de la possibilité d'ester en justice. Or c'est précisément l'un des nombreux exemples de l'incohérence à laquelle la personnalité morale aboutirait, sans accorder pour autant plus de pouvoir et plus d'indépendance à ces comités. En effet, je vois mal un comité, qui représente des intérêts ou des approches différents, introduire une procédure contre l'un de ses membres. On irait alors droit au blocage.
    Par ailleurs, le fait de les doter de la personnalité morale impliquerait l'instauration d'un contrôle financier, de statuts, d'une tutelle. Je ne suis donc pas certain que votre proposition aboutirait à satisfaire votre désir de donner à ces comités davantage d'indépendance.
    Pour toutes ces raisons, l'avis de la commission est défavorable
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Enfin, nous entrons dans le débat de façon pragmatique !
    J'ai indiqué - et c'était le deuxième fil rouge de l'intervention que j'ai faite hier soir au terme de la discussion générale - que je souhaitais que le caractère législatif du dispositif soit bien affirmé. J'ai tout de même fait une exception - je plaide coupable - pour les comités locaux d'information et de concertation. J'ai en effet tenu à ce que les CLIC soient créés par la loi, parce que j'ai souhaité donner à cette création la solennité qui convenait. Certains m'avaient fait remarquer, en particulier au Conseil d'Etat, qu'il n'y avait pas besoin d'une démarche législative pour créer les quatre-vingts CLIC expérimentaux que j'ai prévus et dont l'expérience m'a été fort utile pour bâtir ce texte de loi. Une simple circulaire aurait suffit.
    Toutefois, pour garder en quelque sorte à la démarche législative sa pureté de cristal, j'ai voulu réduire l'article 2 au strict minimum. Bien entendu, on pourra discuter de la composition des CLIC, mais j'ai tenu à leur donner d'ores et déjà les moyens de fonctionner, en particuler les moyens financiers. Comme je l'ai indiqué en répondant à l'intervention de M. Bourg-Broc sur l'article, je désire privilégier une démarche expérimentale, laquelle pourra, bien entendu, aboutir à une charte de fonctionnement des CLIC que je mettrai en place par décret. Je suis donc extrêmement réticente, voire opposée, pour des raisons juridiques, à faire figurer dans la loi des précisions qui ne sont pas de nature législative et je préfère attendre les résultats de l'expérimentation.
    S'agissant du fonctionnement des CLIC, la personnalité morale dont vous proposez des les doter ne leur donnera pas davantage de moyens de fonctionner. La seule différence entre le CLIC que je propose et celui qui serait doté de la personnalité morale réside dans la possibilité d'ester en justice. Or quel intérêt cela présente-t-il pour l'exercice de ses missions ? Aucun ! En effet, la mission confiée aux CLIC est d'organiser l'information, la concertation et la prévention des risques industriels.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je souligne en outre que si ces comités étaient dotés de la personnalité morale leur permettant d'ester en justice, la puissance publique serait extrêmement réticente à y faire représenter telle ou telle de ses administrations, ce qui aboutirait à stériliser immédiatement leur fonctionnement en les privant de leurs meilleurs éléments.
    M. Léonce Deprez. C'est évident !
    M. François Sauvadet. Mme la ministre a raison !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ajoute que chacun des éléments constitutifs des comités locaux d'information et de concertation, dotés, eux, de la personnalité juridique, pourront ester en justice s'ils le jugent nécessaire. Alors, je vous en prie, ne confondons pas !
    M. François Sauvadet et M. Pierre Hellier. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Une fois n'est pas coutume, je suis plutôt d'accord avec Mme la ministre.
    Si ces CLIC avaient la personnalité morale, il y aurait une contradiction. En effet si l'un d'eux voulait attaquer l'Etat, la DRIRE, un exploitant ou, je l'espère, le préfet ne seraient sans doute pas d'accord car cela les ferait s'attaquer eux-mêmes !
    Par ailleurs, n'oublions pas que, dans les réunions, chacun aura son rôle à jouer. En effet, le fait de siéger dans un CLIC n'empêche pas de se souvenir d'où l'on vient. Comme dans toute société vivante, ceux qui travailleront dans les CLIC pour traiter du problème des risques industriels et technologiques auront leur point de vue. J'espère qu'ils pourront se mettre d'accord sur les expertises, ou les contre-expertises, mais, dans la société, chacun a un rôle différent. Il y aurait donc une contradiction entre le fait de créer une instance qui recherchera plus ou moins le consensuel, et la faculté laissée à chacun d'ester contre tout.
    Initialement, j'avais eu, comme Mme Royal ou M. Cohen, le réflexe de penser que cela donnerait plus de force à cet organisme, mais j'ai vite compris que tel ne serait pas le cas. De plus, les associations pourront de toute façon ester en justice.
    M. Pierre Cohen. Bien sûr ! Mais ce n'est pas le problème !
    M. Yves Cochet. Elles seront d'autant plus à même de le faire qu'elles auront participé aux réunions du CLIC.
    Cela dit je pense, même si cela peut sembler contradictoire avec mon propos précédent, que puisque, selon vos propres termes, madame la ministre, vous voulez utiliser la pureté de cristal de la procédure législative pour créer ces CLIC, ce qui constitue un affichage politique très fort, qu'il faut aussi que la loi encadre un tant soit peu les prérogatives et la composition des CLIC. Je m'évertuerai à le proposer dans d'autres amendements suivants.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Je tiens à cet amendement. En effet, madame la ministre, son objectif n'est pas seulement de permettre aux CLIC d'ester en justice. Il s'agit aussi de leur donner une autonomie de fonctionnement, une autonomie budgétaire, l'autonomie de la désignation de leur président...
    Siégeant en tant qu'élue dans une commission locale d'information et de surveillance, je peux m'appuyer sur mon expérience pour indiquer à M. le rapporteur que les CLIS réunissent des représentants des salariés, des élus, des industriels, des représentants des associations, des chefs des services extérieurs de l'Etat - services vétérinaires, DDAF, DDE, DRIRE -, sous la présidence du préfet. En France nous avons cependant des CLIS à géométrie variable où la prééminence revient tantôt au préfet, tantôt à la DRIRE, tantôt à des universitaires. La personnalité morale permettrait aux futurs CLIC, appelés à remplacer les CLIS, de définir en toute responsabilité leur organisation.
    Aujourd'hui il y a tout de même un mélange des genres. Ainsi, j'ai vécu récemment un exemple dans lequel c'est le préfet qui a annoncé, lors d'une conférence de presse, l'installation d'une usine d'incinération de farines animales, sans même décrocher son téléphone pour prévenir les élus et les associations. Pourtant il préside la CLIS dont je fais partie. Il serait bien plus sain que, d'un côté, l'Etat exerce ses responsabilités régaliennes, c'est-à-dire prenne les décisions, et que, de l'autre, une commission de concertation ait la liberté de fonctionner comme elle l'entend, d'avoir son propre budget, comme vous le prévoyez, ce qui est l'une des avancées de ce texte.
    Votre texte porte deux avancées essentielles.
    D'abord, le comité pourra faire appel aux compétences d'experts reconnus, ce qui n'est pas le cas actuellement. J'expère d'ailleurs que cela sera applicable aux procédures en cours puisque, aujourd'hui, c'est l'opérateur industriel qui est chargé de faire l'étude de danger alors que le comité local d'information et de surveillance n'a pas les moyens ni financiers ni techniques de contester son avis.
    Ensuite, vous prévoyez que les CLIC obtiendront de l'Etat les moyens de remplir leurs missions. Néanmoins leurs budgets resteront sous la tutelle de l'Etat qui devra ensuite prendre différents arrêtés constituant la procédure. Autrement dit, les pouvoirs publics seront juges et parties. Je pense qu'il serait beaucoup plus positif, y compris dans l'intérêt des projets en cours, de faire des CLIC où siégeront les industriels et toutes les parties prenantes un vrai contrepouvoir, dans le cadre d'une démocratie rénovée et d'une confrontation de points de vue qui doivent converger vers l'intérêt général.
    Le fait de doter le CLIC de la personnalité morale lui donnerait les moyens d'assumer ses responsabilités, de gérer son budget, de choisir son président, de faire des propositions aux pouvoirs publics quant aux documents qui lui seront soumis.
    M. le président. La parole est à M. François Sauvadet.
    M. François Sauvadet. Madame la ministre, vous avez bien fait de clarifier le débat sur la notion de comité local. A cet égard il faut s'en tenir à l'esprit du texte : il doit s'agir d'un comité local d'information et de concertation.
    Madame Royal, vous venez de nous faire part de votre expérience, mais nous avons aussi la nôtre sur d'autres sites, notamment dans le domaine du nucléaire. A cet égard j'ai pu constater combien ces structures d'échange d'informations avaient apporté en matière de transparence, parce qu'elles associaient tout le monde autour d'une table, entendaient des experts, et étaient très ouverts, y compris à la presse. Cela contribue à une meilleure appréhension objective des risques.
    Nous avons tous répété, hier, que le risque zéro n'existait pas. Il faut avoir le courage de le répéter. Il ne s'agit pas ici de désigner, comme vous tentez parfois de le faire, madame Royal, les industriels comme étant systématiquement des coupables en puissance. Notre objectif, avec ces comités locaux d'information et de concertation doit être d'installer tous les partenaires autour d'une table pour avoir une expertise, autant que possible partagée, contradictoire,...
    M. Yves Cochet. Très bien, c'est mon amendement !
    M. François Sauvadet. ... dans le respect de l'identité de chacun.
    Il est donc indispensable de s'assurer - ce sera l'objet du décret - que tout le monde sera bien autour de la table y compris les représentants des associations. A ce propos j'espère que nous ne verrons pas apparaître des associations fantômes créées uniquement pour la circonstance afin de pouvoir accéder à une table et de se livrer à de la gesticulation.
    La question essentielle est de savoir si nous voulons bien créer, par la loi, c'est-à-dire par un acte solennel - sans aller jusqu'au cristal, je parlerai de graver cela dans le marbre de la loi ! - ce comité local d'information et de concertation. Madame la ministre, cette avancée importante contribuera à mieux appréhender le risque et à obtenir une expertise partagée sur le sujet dans le respect des approches différentes que nous connaissons en la matière.
    M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Cet échange est intéressant. L'expérience que j'ai personnellement vécue comme industriel et comme président de communauté de communes, et que nous vivons les uns les autres à la tête de différentes collectivités territoriales, nous amène à rappeler à Mme Ségolène Royal que le mot qu'elle utilise me choque. En effet le terme « autonomie » ne devrait valoir que pour ceux qui détiennent le pouvoir démocratique sur un territoire. C'est le peuple qui a le pouvoir, à travers ses élus, quel que soit le régime.
    Mme Ségolène Royal. Ah !
    M. Léonce Deprez. Ainsi il ne saurait y avoir de pouvoir concurrentiel entre une association et les élus qui se trouveraient alors en porte-à-faux vis-à-vis d'elle.
    Les élus doivent participer au comité local et il est intéressant, madame la ministre de l'environnement, que M. Cochet et M. Sauvadet aient avancé pratiquement les mêmes arguments que vous à cet égard, car il faut absolument éviter la confusion des genres.
    Par ailleurs, chacun doit pouvoir s'exprimer librement, les élus comme les représentants des associations ou des administrations de l'Etat et de la région. Cependant on ne peut pas faire tout cela dans une association de la loi de 1901. Les avis étant forcément différents, les élus territoriaux et les représentants de l'Etat doivent prendre en compte tous ceux qui seront formulés au sein du CLIC, une novation utile, mais qui ne doit pas se substituer au pouvoir ni des institutions démocratiques ni de l'Etat.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Nous sommes au coeur du débat. Après quoi, je pense que, sur les autres amendements, nous irons beaucoup plus vite. Lorsque nous parlons d'autonomie, en aucun cas nous ne voulons empiéter ni sur la responsabilité des industriels, ni sur le rôle régalien de l'Etat, ni sur la représentativité des élus, ni sur la possibilité pour les riverains et les associations d'interpeller les parties et de participer au débat.
    Nous avons un amendement, a priori retenu, qui conforte ce qui est déjà dans le projet de loi, c'est-à-dire la possibilité de contre-expertise. Avec les CLIS, ou les SPPPI actuels, qui va décider s'il y a besoin d'une contre-expertise ? Si on veut aller jusqu'au bout de la logique de concertation et d'élargissement du débat, il faut se donner tous les moyens de l'information. Jusqu'à présent, les études de dangers étaient relativement obscures et secrètes. L'objectif est qu'il y ait une possibilité de contre-expertise, une possibilité de donner plusieurs avis.
    Si l'on ne dispose pas d'une instance formelle qui aille plus loin que le dialogue et la concertation - sans lui donner de pouvoir de décision, nous sommes bien clairs depuis le début du débat sur ce point - on aura ce qui existe déjà, c'est-à-dire des commissions qui parleront, parleront, parleront... et s'épuiseront.
    Après quoi, nous devrons obliger les industriels à y participer, sans quoi la rencontre entre les industriels, l'Etat, les riverains et les élus ne se fera pas.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 307.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 454.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 188 et 453, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 188, présenté par M. Le Déaut, Mme Darciaux, M. Habib, Mme Royal, M. Cohen, Mme Mignon et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « A la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article 2, substituer aux mots : "figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8., les mots : "visé par les dispositions de l'arrêté du 10 mai 2000. ».
    L'amendement n° 453, présenté par Mme Royal, est ainsi libellé :
    « Après le mot : "installations, rédiger ainsi la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article 2 : "soumises à un régime d'autorisation préalable. ».
    La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l'amendement n° 188.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Madame la ministre, je pense que vous allez être sensible à nos arguments. Au-delà de son aspect très technique, notre amendement pose un vrai problème. On compte aujourd'hui en France 63 000 installations soumises à autorisation, parmi lesquelles, pour des questions strictement réglementaires - et je vais vous montrer à ce propos l'incohérence de notre législation, dont vous n'êtes pas responsable puisque cela date de la directive Seveso de 1996, dite Seveso II - il y a à peu près - cela varie selon les études de danger présentées par les industriels - 1 250 installations classées Seveso, dont 680 ou 700 dites Seveso seuil haut.
    Qu'est-ce qui distingue ces installations ? Les produits dangereux qui y sont stockés. Or la situation est ubuesque, puisque tout le projet repose sur les « installations figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 ». Autrement dit, les installations classées Seveso II sont définies dans notre législation mais par, madame la ministre, les Seveso I ! Pour les installations dangereuses, on est obligé de se reporter à un arrêté du 10 mai 2000, qui reprend la directive du 9 décembre 1996, gardant les installations Seveso seuil haut, en excluant les autres.
    Les installations Seveso seuil bas restent dans le flou juridique.
    J'ai consulté ces deux textes. Dans la directive européenne, s'agissant du nitrate d'ammonium...
    M. Yves Cochet. Comme par hasard !
    M. Jean-Yves Le Déaut. C'est, en effet, le responsable de la catastrophe de Toulouse.
    Dans la directive, on déclare une installation en seuil bas si elle stocke moins de 350 tonnes de nitrate d'ammonium ; on la déclare - article 9 - Seveso seuil haut, pour 2 500 tonnes. Vous avez repris le seuil de 350 tonnes de l'arrêté du 10 mai 2000, pour définir les Seveso seuil bas. Or, vous le savez, il y avait, dans le hangar 221 qui a explosé à Toulouse, 350 tonnes de nitrate d'ammonium ! Combien ont explosé ? 180 tonnes !
    Les chiffres sont respectivement : pour le brome, 20 tonnes et 100 tonnes ; pour le chlore, 10 tonnes et 25 tonnes, pour l'éthylèneimine, 10 tonnes et 20 tonnes, et pour le phosgène, qui est du dichlorure de carbonyle, comme chacun sait, 300 kilos et 750 kilos.
    On est donc en train de légiférer, pour des produits - au nombre de 100 000, et que je ne citerai donc pas tous, monsieur le président ! - qui sont des produits dangereux et compliqués, sur des variations de quantités très faibles. En fait, la quantité de nitrate d'ammonium qui a explosé à Toulouse, c'est-à-dire quelque 180 tonnes, est inférieure au taux retenu pour les installations classées Seveso seuil bas.
    Mais je pense que si nous légiférons sur les Seveso seuil haut, c'est seulement parce que nous ne disposons pas aujourd'hui d'une définition juridique des Seveso seuil bas. D'ailleurs, alors que j'ai demandé aux services de l'Assemblée de me définir juridiquement ces dernières, je n'ai pas obtenu d'autre réponse qu'une réponse « par soustraction » : ce n'est pas ainsi que l'on peut se faire bien comprendre !
    Sensible à mon argumentation, je pense, madame la ministre, que vous allez dire que le préfet demande - c'est le plus simple - une commission locale d'information et de concertation pour toutes les installations Seveso françaises. Elles sont 1 250 au sein des 63 000 soumises à autorisation.
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal pour défendre l'amendement n° 453.
    Mme Ségolène Royal. Après la brillante démonstration de Jean-Yves Le Déaut, je serai brève. J'irai un peu plus loin que lui en proposant d'étendre les CLIC, qui vont remplacer les CLIS, à l'ensemble des installations soumises à un régime d'autorisation préalable. On sait bien que dans tous ces cas, élus, riverains et associations sont intéressés par ce qui va se passer sur leur territoire. Dès lors que l'on fait confiance à la concertation - qu'elle aboutisse à la convergence ou à l'affrontement, car de l'affrontement naissent parfois des vérités intéressantes ou des orientations importantes pour l'intérêt général -, concertation servant à concilier les différents points de vue, dès lors que l'on fait confiance donc à ces commissions, pourquoi ne pas en prévoir la création, de façon générale, partout où il y a un régime d'autorisation préalable ? Tel est l'objectif de mon amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Alain Venot, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements.
    Avant toute chose, je précise que ce n'est pas un principe général que nous avons appliqué à tous les amendements qui proviennent de vous, monsieur Le Déaut, madame Royal, de vos amis ou du groupe socialiste.
    Mme Ségolène Royal. On pouvait se poser la question !
    M. Alain Venot, rapporteur. C'est bien parce que je le subodorais, madame, connaissant sinon votre paranoïa, du moins votre sensibilité...
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ... exacerbée !
    Mme Ségolène Royal. Ce sont les faits !
    M. Alain Venot, rapporteur. ... que j'ai voulu anticiper. Ne pensez pas que telle soit la démarche du rapporteur et de la commission !
    D'abord, monsieur Le Déaut, vous l'avez dit vous-même, il n'est pas possible de faire référence à un arrêté.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Mais quelle est la définition ?
    M. Alain Venot, rapporteur. Voilà un obstacle majeur qui fait tomber de lui-même votre amendement.
    M. David Habib. Pas du tout !
    M. Alain Venot, rapporteur. Ensuite, l'objectif de cette loi est clairement de traiter les établissements particulièrement dangereux, à savoir les installations classées Seveso seuil haut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Cet argument ne tient pas !
    M. Alain Venot, rapporteur. En outre, il n'est pas très réaliste de vouloir créer des comités dans 63 000 établissements.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je n'ai jamais dit cela !
    M. Alain Venot, rapporteur. Enfin, dans les bassins où la proximité d'installations de seuils différents peut être particulièrement dangereuse et avoir des conséquences très graves, les CLIC pourront s'intéresser aux établissements qui ne sont pas classés Seveso seuil haut, puisque les comités sont des comités de bassin industriel.
    En partie, donc, la loi répond à la crainte que vous avez formulée et au souci, qui est normal et que vous avez eu raison d'exprimer.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Nous sommes confrontés à une difficulté que nous rencontrons souvent quand nous légiférons dans cette assemblée : la question des seuils. Au coeur de notre raisonnement, il y a l'idée de définir quelles installations, individus ou structures entrent dans la visée législative ou n'y entrent pas.
    De fait, il existe plus de 400 000 installations classées dans notre pays, soumises à déclaration, à autorisation, à diverses procédures. Etendre les comités locaux d'information et de concertation à toutes les installations soumises à autorisation - 63 300 - ce n'est pas sérieux !
    M. Léonce Deprez. Ce n'est pas ce qui est demandé !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ainsi, un dépôt de cinquantes carcasses de voitures, c'est une structure qui exige une autorisation.
    Mme Ségolène Royal. Ce n'est pas choquant ! On doit penser aux riverains !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Pensez-vous vraiment qu'il nécessite un comité local d'information et de concertation ? Soyons sérieux. On ne saurait dans ce cas mobiliser les services de l'Etat, les associations et le garagiste responsable de l'affaire. Il faut proportionner les réponses aux risques encourus.
    M. François Sauvadet. Absolument, très bonne formule : « il faut proportionner les réponses ! »
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'amendement de M. Le Déaut, Mme Darciaux, M. Habib, Mme Royal, M. Cohen, Mme Mignon concerne la question du seuil haut et du seuil bas. Je précise à Jean-Yves Le Déaut que, à mon initiative, le seuil de nitrate d'ammonium a été abaissé à 50 tonnes dans la législation européenne. C'est une disposition qui date du mois d'octobre 2002.
    M. Léonce Deprez. Bravo !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ai évidemment argué du drame de Toulouse du 21 septembre 2001, pour obtenir cela de mes collègues européens. Ils étaient assez réticents au départ, mais les arguments que j'ai utilisés qui faisaient appel davantage au coeur qu'à la technique ont finalement emporté leur accord.
    Je suis évidemment sensible à l'argumentation que vous déployez. Comme vous et le rapporteur l'avez indiqué, le nombre d'établissements serait porté de 672 - c'est le nombre d'établissements seuil haut - à 1 250, sans pour autant réduire l'effet de seuil que vous redoutez. Certains sites Seveso seuil bas - il n'y a plus de Seveso I, il y a des Seveso II, seuil haut et seuil bas - sont de petits sites de stockage d'engrais ou de gaz de pétrole liquéfié au sujet desquels le débat public risque fort de tourner court. Etendre aux sites Seveso seuil bas une procédure qui est lourde tout de même, celle des comités locaux d'information et de concertation - si on veut leur donner l'ampleur nécessaire, les administrations vont être mobilisées - n'apporterait pas non plus une réponse proportionnée au danger couru. Je suis attachée à promouvoir la concertation et la transparence mais, je le répète, à condition de conserver la proportionnalité des moyens par rapport aux enjeux. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.
    M. Yves Cochet. Je voudrais, malgré tout, plaider en faveur de l'amendement de M. Le Déaut et de ses amis, pour une raison qui n'a pas été évoquée.
    Je suis d'accord avec vous, madame la ministre, il y a dans toutes les lois ou presque, des effets de seuil, ce qui pose en effet un problème.
    Ainsi, si l'on ne conserve, comme vous le souhaitez, que les Seveso seuil haut, une partie des industriels qui savent calculer les quantités et les volumes des fabrications, ne vont pas s'ennuyer - pour ne pas utiliser un mot plus courant ! - avec toutes ces histoires de CLIC, et essayeront subrepticement d'être classés seuil bas, pour éviter précisément le CLIC. Je l'ai déjà vu, figurez-vous ! Moi aussi, je me suis promené sur les sites industriels en France et j'ai vu, surtout pour les stockages, des industriels louer - tenez-vous bien ! - des garages en ville ou des hangars à la campagne, dispersant les produits ici et là pour que le site de fabrication ou de stockage placé sous leur responsabilité reste en dessous du seuil haut.
    Tous les seuils produisent des effets pervers, mais celui-là l'est particulièrement car on ne sait pas très bien où sont situés ces garages et ces hangars qui échappent ainsi à tout contrôle.
    Bien sûr, vous me répondrez que si la loi passe de seuil haut à seuils haut et bas, certains s'adapteront en multipliant les hangars, garages et autres lieux, pour essayer de ne pas être classé Seveso du tout !
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Exactement !
    M. Yves Cochet. A mon avis, ce sera tout de même plus difficile car, même s'il en est pour jouer avec la loi, la plupart des gens sont responsables, d'autant plus que, en cas d'accident, il serait sans doute assez aisé de trouver les causes et de remonter les échelons des responsabilités.
    Par conséquent, je suis favorable à cet amendement, en dépit d'un éventuel effet pervers, car la fabrication et le stockage, même en petites quantités, des acides, du chlore, du phosgène, et même des nitrates d'ammonium, peuvent être dangereux.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. On ne stocke pas du phosgène dans un garage !
    M. Yves Cochet. Non, bien entendu ! Mais des nitrates d'ammonium, si ! J'en ai vu dans des garages d'une ville que je ne citerai pas, qui se situe en Bretagne et que je connais très bien. Car les nitrates d'ammonium non seulement sont fabriqués en France mais sont importés.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
    M. Daniel Paul. Le préfet devra créer un CLIC sur les risques « pour tout bassin industriel comprenant une ou plusieurs installations figurant sur la liste prévue au IV de l'article L. 515-8 » mais gardons à l'esprit ce qui vient d'être fort justement dit par M. Le Déaut et par M. Cochet. On connaît la capacité d'un certain nombre d'industriels, pas tous, monsieur Sauvadet, bien évidemment,...
    M. François Sauvadet. Ah, vous êtes en progrès !
    M. Daniel Paul. Vous voyez, c'est toujours possible... J'espère que vous le serez également.
    ... On connaît, disais-je, leur capacité à fractionner les quantités de produits dangereux stockés de façon à passer sous les seuils Seveso. Vous risquez d'avoir des bassins industriels avec de petits sites extrêmement dangereux, qui sortiront du cadre de votre texte, madame la ministre.
    Personne ne propose que soient mis en place des comités ou de commissions sur 60 000 ou 400 000 sites.
    Mme Ségolène Royal. Pourquoi pas ?
    M. Daniel Paul. Pourquoi pas ? C'est le thème de notre amendement et je regrette qu'il n'ait pas été présenté en discussion commune avec ceux dont nous discutons. Il tend à ajouter un alinéa à l'article 2 : « La création d'un comité local d'information et de concertation peut être étendue par décret à d'autres installations dès lors que celles-ci présentent des risques particulièrement importants, ce après avis du Conseil supérieur des installations classées ». Cela permet de faire le tri, si je puis dire...
    M. le président. Monsieur Paul, pardonnez-moi de vous interrompre. On n'engage pas la discussion sur cet amendement, vous aurez l'occasion d'en parler ensuite. Répondez soit à la commission, soit au Gouvernement.
    M. Daniel Paul. D'accord. C'était tout simplement pour éviter les écueils auxquels, on le sent bien, nous nous heurtons.
    Vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, d'autres orateurs aussi, il est difficile d'élargir une telle obligation à tous les sites mais, en même temps, il est extrêmement dangereux de se limiter au dispositif proposé dans le texte.
    Je ne voudrais pas être à la place de ceux qui auraient pris la responsabilité de faire sortir une installation du cadre de ce texte s'il y a un jour un pépin avec des effets désastreux. Je souhaite que, par le biais d'amendements de ce type, on puisse permettre à des riverains d'un établissement, à des salariés, à des personnes qui sont au courant de l'existence de tel ou tel risque, d'alerter de façon à y rendre obligatoire la création d'un CLIC.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Il y a forcément des effets de seuil, c'est vrai. D'ailleurs, vous avez donné un argument qui va dans le bon sens, madame la ministre. En réussissant à abaisser le seuil pour le nitrate d'ammonium dans la législation européenne, vous avez réussi à imposer des comités locaux d'information et de concertation pour des quantités moins grandes.
    Il y a deux problèmes que nous avons étudiés en commission d'enquête : les engrais d'une part, le stockage de gaz et de dépotage de gaz d'autre part. Effectivement, un certain nombre de petites unités où travaillent cinq ou six personnes seront classés SEVESO seuil haut. Dans mon département, il y en a trois : une à stockage de nitrate d'ammonium et d'engrais, où il y a moins de dix employés ; une d'explosifs, où il y a moins de cinq employés ; une de dépotage de gaz, où ils sont quatre. En appliquant votre texte, il y aura des comités locaux d'information et de concertation dans ces unités.
    Si on étendait cette obligation à la totalité des sites SEVESO, il n'y aurait pas 600 CLIC de plus...
    M. Yves Cochet et M. Daniel Paul. Bien sûr.
    M. Jean-Yves Le Déaut. ... car un grand nombre de ces sites sont dans des périmètres, comme l'étang de Berre ou Lyon pour la chimie, où il y a déjà des établissements SEVESO.
    Pour le fluor, la limite est de dix à vingt tonnes, ce qui est vraiment faible. Je me félicite d'ailleurs que des industriels réduisent leurs stocks de produits, parce que ce sera tout de même moins dangereux, mais la limite est faible. On risque d'avoir des effets de seuil, et je reprends l'argumentation d'Yves Cochet.
    En fait, si nous n'avons pas satisfaction, ce n'est pas parce que vous n'avez pas reçu nos arguments - d'ailleurs, le rapporteur vient de le dire. C'est parce qu'il n'y a rien dans la législation française aujourd'hui : les SEVESO seuil bas, on ne sait pas comment les déterminer. C'est tout de même fou ! On a évoqué dans une directive de décembre 1996 des produits dangereux qu'on n'a pas qualifiés dans le droit français.
    Il serait bon que, pour la deuxième lecture, on arrive à définir cette catégorie de produits qui, à Toulouse, a provoqué la catastrophe que l'on sait, dépassant très largement les périmètres de protection Z1 et Z2, et le périmètre d'intérêt général, et à classifier les SEVESO seuil bas pour que l'on ait au moins une base juridique.
    M. le président. Merci, monsieur Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Pourriez-vous nous dire, madame la ministre, que, d'ici à la deuxième lecture, vous étudierez ce problème ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je rejoins partiellement votre point de vue. Je n'arriverai pas, avec mes petits bras musclés et mon petit cerveau, à classifier les Seveso seuil bas d'ici à la deuxième lecture - en tout cas, je n'en prends pas l'engagement - mais vous avez raison de dire, M. Cochet également, qu'il y a forcément des sites dangereux qui peuvent échapper à la catégorie Seveso seuil bas ou à celle des installations classées soumises à autorisation. J'ai pris volontairement un cas caricatural, mais cela ne veut pas dire que, parmi 63 000 installations soumises à autorisation et, pourquoi pas, les plus de 400 000 installations soumises à déclaration, aucune ne présente de dangers, et je veux bien admettre votre argumentation, monsieur Paul.
    J'ai souhaité rendre les CLIC obligatoires pour les 672 installations Seveso seuil haut, qui sont les plus dangereuses, qui présentent des risques mortels, mais j'incite bien entendu le représentant de l'Etat à installer un CLIC chaque fois qu'il le jugera nécessaire, par une démarche volontaire et proportionnée. Ce ne sera pas obligatoire, ce qui aurait forcément des effets latéraux pervers : toucher des installations qui ne le méritent pas entraînera un surcoût et un alourdissement administratif. Mon coeur de cible, c'est le risque mortel. La démarche est donc obligatoire pour ses 672 sites Seveso seuil haut, mais il faut avoir la volonté de prendre en compte le risque industriel chaque fois que cela sera nécessaire.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 453.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 606, relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
    M. Alain Venot, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 635).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT