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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 12 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 11 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Retraite à taux plein avant l'âge de 60 ans. - Discussion d'une proposition de loi «...».
M. Alain Bocquet, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
M. Alain Néri, Mme la présidente.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

M. Gaëtan Gorce, Mme la présidente.

Reprise de la discussion «...»

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

Rappel au règlement «...»

M. Pascal Terrasse.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

M.
Maxime Gremetz, Mme la présidente,
MM.
Xavier Bertrand,
Alain Néri,
Gilles Artigues,
Mmes
Martine Billard,
Geneviève Levy,
M.
Pascal Terrasse.
2.  Ordre du jour de l'Assemblée «...».
Mme la présidente.
3.  Retraite à taux plein avant l'âge de 60 ans. - Reprise de la discussion d'une proposition de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Christian Vanneste,
Georges Colombier.
Clôture de la discussion générale.
M. Alain Boquet, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

Rappels au règlement «...»

M. Alain Néri, Mme Muguette Jacquaint.

Reprise de la discussion «...»

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DE LA CONSTITUTION «...»

Le Gouvernement oppose l'article 40 de la Constitution à la proposition de loi.
En application de l'article 92, alinéa 3, du règlement, la procédure législative est suspendue jusqu'à la décision du bureau de la commission des finances.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. le président de la commission des finances.
Le bureau de la commission des finances, consulté, a déclaré l'article 40 de la Constitution applicable à la proposition de loi.
La proposition de loi n'a plus d'existence.

Rappels au règlement «...»

MM. Pascal Terrasse, Maxime Gremetz.
4.  Nomination d'un député en mission temporaire «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE
GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme. la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

RETRAITE À TAUX PLEIN
AVANT L'ÂGE DE 60 ANS

Discussion d'une proposition de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé quarante annuités avant d'atteindre l'âge de 60 ans (n°s 129 rectifié, 679).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Alain Bocquet, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, mes chers collègues, la proposition de loi que le groupe des députés-e-s communistes et républicains soumet à la discussion et au vote de l'Assemblée nationale poursuit un double objectif : d'une part, réparer une injustice et mettre un terme à une situation indigne de notre pays, de ses traditions sociales et humanistes mais aussi de son niveau de développement et de la très grande richesse de son économie et, d'autre part, faire progresser notre système de valeurs par l'inscription dans la loi d'une mesure de justice et de bon sens qui concerne plus de 800 000 de nos concitoyens, des femmes et des hommes dont le travail a contribué à l'essor et à l'enrichissement de notre société et dont les cotisations sociales, au-delà du terme des quarante annuités que fixe la loi, ont financé nos système solidaires de protection sociale et de retraite par répartition.
    Les parlementaires communistes et républicains soumettent donc, une nouvelle fois, au suffrage de cette assemblée, la proposition d'ouvrir le droit à la retraite à taux plein avant 60 ans aux personnes ayant atteint ou dépassé quarante années de versement.
    Très au-delà des rangs des Françaises et des Français directement concernés, cette mesure va à la rencontre d'une attente partagée par l'immense majorité de nos concitoyens.
    C'est aussi une nécessité reconnue, au-delà des clivages traditionnels de notre assemblée, par beaucoup d'entre nous, ainsi que l'a confirmé la réunion récente de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales qui vient d'examiner cette proposition de loi.
    A moins de devoir constater que la volonté politique fait une nouvelle fois défaut, comme je fus amené à le dénoncer voici quinze mois, au nom des députés communistes, après le refus du précédent gouvernement de donner suite à notre initiative, toutes les conditions sont donc aujourd'hui réunies pour faire aboutir cette démarche et apporter une réponse de justice sociale, de dignité et de progrès à la demande de ces centaines de milliers de nos concitoyens.
    On nous oppose toujours que ce n'est pas le moment : hier, au nom des travaux du Conseil d'orientation des retraites ; aujourd'hui, au nom du débat engagé sur les retraites. Quand arrivera donc le bon moment alors que les victimes sont toujours les mêmes et que leurs situations s'additionnent ?
    C'est d'ailleurs ce que je voudrais évoquer à présent : ces situations et ces parcours. Car c'est d'eux que notre proposition de loi tire sa profonde légitimité.
    Ces salariés de l'industrie, de l'artisanat, du commerce, des services, de l'agriculture ou du bâtiment et des travaux publics ont dû quitter très jeunes, trop jeunes, beaucoup trop tôt, les bancs de l'école pour rejoindre, le plus souvent contraints et forcés par l'injustice sociale, le monde du travail. Ils avaient quatorze ou quinze ans. Ils allaient connaître les conditions de travail, les emplois, l'environnement professionnel les plus difficiles et les rémunérations les plus basses. Ils appartiennent essentiellement au monde ouvrier. Or, je le rappelle, selon les statistiques, l'espérance de retraite d'un ouvrier est de six ans et demi inférieure à celle d'un cadre.
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Combien d'entre eux, je pense par exemple aux salariés du textile, de la sidérurgie ou de la métallurgie, pourraient témoigner des conséquences et des ravages du travail de nuit, du travail posté et des semaines de quarante-huit heures ou davantage encore ? Combien pourraient faire état de maladies professionnelles insuffisamment ou très tardivement prises en compte ?
    Tout cela n'est pas sans lien avec le fait que beaucoup de salariés de plus de cinquante ans connaissant d'inévitables, et trop souvent insurmontables problèmes de santé, représentant en moyenne, pour cette catégorie de femmes et d'hommes, trois mois d'arrêt maladie par an. Cette situation dont ils sont les premières victimes, n'est pas sans conséquences sur les finances de la sécurité sociale et de l'Etat.
    A ces difficultés et, par conséquent, aux effets qui en résultent aujourd'hui, s'ajoutaient l'évolution toujours trop lente des conditions de travail, de la prévention des risques et de l'amélioration de la sécurité, des conditions de logement ou de transports déplorables, sans oublier, pour bien des hommes de cette génération, l'implication dans la guerre d'Algérie.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est vrai !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Ces décennies que l'on qualifie quelquefois superficiellement de « Trente Glorieuses », furent d'abord des décennies de sacrifices dans le travail. Des sacrifices qui confortèrent l'effort de redressement de l'après-guerre, assurèrent l'expansion de l'économie française et la progression de notre PIB. Ces sacrifices, du fait des politiques économiques mises en oeuvre, redoublèrent encore, avec la casse de pans entiers de l'industrie, dans les années 70 et 80.
    Rien ne saurait, par conséquent, justifier qu'aujourd'hui ces femmes et ces hommes se voient refuser le droit légitime au repos auquel ils aspirent. Et il est de notre responsabilité d'y répondre.
    Il va de soi que les conclusions de notre discussion seront révélatrices de la volonté de cette assemblée et du Gouvernement, de satisfaire ou non une attente dont la légitimité est incontestée. Elles donneront un juste éclairage de l'état d'esprit et des intentions de la majorité parlementaire et de l'exécutif gouvernemental dans la conduite du projet de réforme global de notre système de retraites.
    Refuser d'entendre la demande de ces centaines de milliers de nos concitoyens non seulement reviendrait à dénier leur droit - reconnu par tous, je l'ai souligné - à une retraite difficilement et longuement acquise, mais donnerait un fondement supplémentaire aux très vives interrogations, aux très fortes inquiétudes que suscite dans le monde du travail l'annonce d'une refonte du droit à la retraite.
    Ce droit à la retraite, pour l'immense majorité des Françaises et des Français, ne saurait être défini autrement que par le maintien de notre système de solidarité par répartition, la réaffirmation du droit à la retraite à 60 ans et - ainsi qu'en a témoigné la grande journée nationale d'action du 1er février dernier sur ce thème - par le rétablissement de l'indexation des pensions sur les salaires, la remise en cause du calcul sur les vingt-cinq meilleures années, la mise en application d'un taux de remplacement minimal de 75 %, ou encore l'alignement des retraites agricoles sur le régime général.
    Parmi les préoccupations de nos concitoyens en matière de retraite, que j'ai rapidement résumées à l'instant, il y a également l'exigence de l'alignement des droits de tous les salariés non pas en portant à quarante, quarante-deux, quarante-cinq ans, voire plus la durée de cotisations, comme le MEDEF incite le Gouvernement à le faire, mais en revenant aux 37 annuités et demie pour tous.
    Cela suppose, pour reprendre un constat qui reste d'une complète actualité, de ne pas tenir pour intangible le partage actuel de la valeur ajoutée - c'est-à-dire de la richesse créée par le travail - entre les profits et les revenus alloués aux travailleurs.
    D'où l'exigence, reprise par beaucoup, de ne pas « pérenniser pour l'avenir la baisse considérable - environ 10 points - de la part des salaires dans la richesse créée ces vingt dernières années, alors que dans le même temps la productivité du travail augmentait de 50 % ». Cette exigence en rejoint une autre : la mise à contribution, pour financer ce progrès social en matière de retraites, de l'argent qui dort, des profits financiers qui restent à l'écart de toute taxation et que l'on estime à quelque 265 milliards d'euros par an.
    La question du coût de la disposition que nous proposons de mettre en oeuvre et celle du montant des prestations qui seraient servies ont été débattues au sein de la commission des affaires sociales. Elles trouvent là un solide début de réponse, mais plusieurs autres pistes de travail méritent d'être prises en compte.
    Ainsi que l'établit le rapport, s'il va de soi qu'au montant de la pension de base viendrait s'ajouter, comme pour toutes les pensions du régime général, la retraite complémentaire, ce dernier élément relève de la négociation entre les partenaires sociaux. De plus, les travailleurs concernés cotisent au titre de cette retraite complémentaire. Enfin, ainsi que le souligne le rapport, « l'accord du 10 février 2001 portant création de l'Association pour la gestion du fonds de financement, AGFF, de l'AGIRC et de l'ARRCO indiquait clairement que le versement d'une retraite complémentaire avant l'âge de 60 ans devait être rendu possible ».
    M. Pascal Terrasse. Absolument !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Il revient donc au Gouvernement de prendre l'initiative en la matière et d'inciter à l'ouverture de véritables négociations entre partenaires sociaux sur ces enjeux et ces objectifs.
    En ce qui concerne le coût de la mesure en débat, deux séries supplémentaires d'éléments sont à retenir en priorité.
    Tout d'abord, l'amenuisement, au fil des ans, du nombre des bénéficiaires puisque s'ils sont aujourd'hui environ 180 000 âgés de 59 ans et 150 000 de 58 ans, ils ne sont plus que 100 000 à avoir 56 ans et 98 000 à en avoir 55. Si donc il appartient à l'Etat d'intervenir par une aide exceptionnelle aux caisses de régime obligatoire, il faut noter qu'il est d'ores et déjà engagé dans le financement de divers dispositifs de préretraite et dans celui de l'« allocation équivalent retraite », qui est un dispositif d'indemnisation du chômage.
    En second lieu, les exonérations de charges sociales bénéficiant au patronat mais dont on sait qu'elles ne sont pas créatrices d'emplois sont estimées à quelque 20 milliards d'euros par an.
    Rien donc ne fait moins défaut que l'argent dans cette affaire, si l'on veut qu'elle connaisse le dénouement le plus rapide et le plus favorable.
    Enfin, l'ensemble de ces questions ne saurait être envisagé sans référence à l'enjeu économique dans lequel elles se situent, non seulement en raison des objectifs d'emploi qui sont liés à l'application de ce droit nouveau octroyé à 800 000 salariés, mais aussi en regard des conséquences positives qu'aurait pour le financement des régimes de sécurité sociale l'entrée sur le marché du travail de nouveaux salariés, et donc de nouveaux cotisants sociaux. Les spécialistes estiment, et cela a été souligné par le mouvement syndical, que l'apport d'un million de salariés supplémentaires représente l'équivalent de 1 % de la richesse nationale : 1 % de PIB en plus dans les caisses de retraite.
    M. Pascal Terrasse. C'est énorme !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Voilà qui nous conduit non seulement à relativiser les lendemains qui déchantent que nous promet le MEDEF, et d'autres en écho, pour les décennies à venir, en matière de financement des retraites, mais, de façon plus immédiate, à poser, dans toute sa dimension, le problème de l'emploi des jeunes. D'autant que la période actuelle est marquée par la reprise du chômage et par l'accélération de la mise en oeuvre de plans de licenciements, au nom du profit, comme à Métaleurop et dans bien d'autres cas encore, partout dans notre pays.
    C'est donc aussi pour en finir avec ces difficultés et pour contribuer à l'emploi des jeunes, que les parlementaires communistes et républicains engagent le débat dans notre assemblée.
    Plus de 800 000 femmes et hommes, arrivés au terme d'une vie de travail difficile, aspirent à toucher les fruits de cet effort. Nombre d'entre eux voient bien, y compris au sein de leur propre famille touchée par le chômage des jeunes, que leur accès à la retraite est susceptible de libérer une place, un emploi.
    Telles sont les données essentielles, économiques et sociales, de la proposition qui vous est soumise. Une proposition qui, si j'en juge par la démarche similaire du groupe UDF demandant au Gouvernement, je cite notre collègue Comparini, « de mettre fin à une injustice », revêt un véritable caractère d'urgence sociale.
    « L'homme injuste est celui qui fait des contresens » a dit un jour Victor Hugo. Je ne doute pas, par conséquent, de la volonté souveraine de cette assemblée de suivre la voie de la justice, de la dignité et du progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. En dépit de tout le respect que nous avons pour vous, madame la ministre, le groupe socialiste est quelque peu étonné de constater l'absence de M. Fillon pour la discussion de cette proposition de loi dont l'importance n'échappe à personne.
    Il nous paraît important, madame la présidente, que M. Fillon soit présent. C'est pourquoi nous vous demandons une suspension de séance de quinze minutes pour lui permettre de nous rejoindre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialistes.)
    Mme la présidente. Monsieur Néri, une suspension de séance ne peut vous être accordée que pour réunir votre groupe.
    M. Alain Néri. Notre groupe va se réunir quinze minutes pour donner à M. Fillon le temps de nous rejoindre.
    Mme la présidente. Je vous accorde une suspension de séance de dix minutes. Cela dit, ce n'est pas à l'Assemblée nationale, c'est au Gouvernement de décider qui le représente.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à neuf heures vingt, est reprise à neuf heures trente.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Gaëtan Gorce pour un rappel au règlement.
    M. Gaëtan Gorce. Fondé sur l'article 58, alinéa premier, madame la présidente.
    Comme Alain Néri l'a très justement dit, madame la ministre, nous sommes ravis de débattre avec vous, mais il nous aurait paru légitime que, sur un sujet de cette importance, le ministre des affaires sociales, directement en charge de la réforme qui doit être conduite, et cela a été rappelé à plusieurs reprises par le Premier ministre, vienne ici expliquer les orientations qui sont celles de la concertation engagée et de sa politique en la matière.
    Alors que, lors du débat sur la décentralisation, le Premier ministre a manifestement préféré le Sénat à l'Assemblé nationale pour donner ses explications politiques, il serait regrettable que le ministre en charge de la réforme des retraites préfère présenter sa politique aux médias plutôt qu'aux parlementaires.
    Nous avions, au travers de la proposition qui nous est faite par le groupe communiste, l'occasion d'engager une première discussion sur cette réforme importante. Naturellement, nous ne devons préjuger de rien, puisque la concertation est engagée avec les partenaires sociaux, mais il aurait été normal que le Gouvernement, plutôt que de fuir ses responsabilités, assume ses orientations et sa politique et vienne s'en expliquer devant la représentation nationale.
    C'est la raison pour laquelle nous avons formulé ce rappel au règlement. Nous aurons à nouveau l'occasion dans ce débat de regretter l'absence du ministre, ce qui signifie peut-être aussi l'absence d'une politique, ou en tout cas la volonté de ne pas l'afficher ouvertement, ce qui est regrettable pour le pays et pour cette assemblée.
    Mme la présidente. Comme je l'ai rappelé à M. Néri, ce n'est pas l'Assemblée mais le Gouvernement qui décide de sa représentation.

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la présidente, je vous remercie d'avoir rappelé que c'était au Gouvernement de décider qui le représentait dans cet hémicycle. Je salue, quant à moi, la présence de Mme Ameline. Elle a toujours été là pour la discussion du PLFSS, elle a des connaissances approfondies dans le domaine qui nous concerne, et sa présence aujourd'hui a donc un sens. De plus, c'est plutôt sympathique de voir un travail réalisé en équipe : le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité n'est pas seul, il est accompagné par deux ministres délégués et par deux secrétaires d'Etat.
    M. André Gerin. L'argument est un peu juste !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je suis un peu surpris, alors que l'on va débattre d'un texte qui a une grande portée et qui, en commission, M. Bocquet l'a rappelé, a été analysé de façon fine et intéressante, que l'on commence par des artifices de procédure.
    M. Gaëtan Gorce. Mais non, on rappelle seulement au Gouvernement ses responsabilités !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Moi aussi j'ai une permanence, monsieur Gorce. Il y a ici des députés qui viennent de la campagne, d'autres des villes. Nous, députés de terrain, de droite comme de gauche, sommes tous sensibilisés à la question sociale et humaine que soulève la proposition de loi que nous sommes amenés à examiner aujourd'hui. Elle concerne toute une population d'hommes et de femmes qui sont entrés très jeunes dans la vie active. Nombre d'entre eux, vous l'avez très bien dit, monsieur le rapporteur, ont connu des conditions de travail pénibles pour des salaires souvent modestes. Beaucoup, employés dans l'industrie, ont payé le prix fort des restructurations. Souvent usés par des travaux physiquement astreignants, certains se trouvent aujourd'hui dans des situations difficiles,...
    M. André Gerin. C'est une bonne entrée en matière !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... malades, chômeurs ou tout simplement fatigués.
    Nous souhaitons tous que soit étudiée de près la situation de ces salariés qui ont accompli un travail particulièrement pénible pendant de nombreuses années,...
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... mais, en faisant débattre de cette proposition de loi, le groupe communiste savait parfaitement qu'il était exclu de l'adopter immédiatement en l'état.
    Plusieurs députés du groupe communiste. Non !
    M. Jacques Desallangre. Pourquoi donc ?
    M. Jean-Claude Lefort. Rien n'est exclu !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce fut la même chose en d'autres temps, M. Bocquet l'a rapporté avec finesse. En effet pour les personnes concernées, la retraite complémentaire est un élément de revenu indispensable. Or une telle question ne peut pas être réglée rapidement, vous en conviendrez avec moi, monsieur le rapporteur.
    C'était d'autant plus exclu que le groupe des député-e-s communistes et républicains a choisi de faire examiner ce texte en pleine période de concertation entre le Gouvernement et les organisations syndicales et patronales à la veille d'une réforme que chacun sait imminente puisqu'elle doit nous être présentée dans les semaines qui viennent.
    Vous le savez, le sauvetage de notre système de retraite par répartition, si longtemps différé, est la priorité du Gouvernement. Un engagement a été pris, la période de concertation qui s'est ouverte au début de l'année va bientôt s'achever avec la présentation d'un projet de loi.
    M. Alain Néri. En partie !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Monsieur Néri, les Français n'aiment ni les faux-semblants, ni les faux-fuyants ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Alain Néri. Avec vous, ils sont servis !
    M. Gaëtan Gorce. Vous allez avoir des problèmes !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. S'agissant des retraites, mieux vaudrait, je crois, que vous baissiez doucement la tête en vous rappelant l'attitude de votre parti, et de vos gouvernements successifs depuis plus de vingt ans.
    M. Alain Néri. Vous aussi avez été au pouvoir !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Quoi qu'il en soit, et vous le savez aussi bien que moi, la France sera confrontée de plein fouet, dès 2007, aux conséquences du vieillissement de sa population. Il n'est plus question pour le Gouvernement de reculer ou de demander un énième rapport. C'est une technique assez facile. Dans les décennies à venir, le financement des retraites dans l'Hexagone n'est pas garanti. Tous régimes confondus, le besoin de financement sera de 50 milliards d'euros en 2020, ce qui signifie, d'après le Conseil d'orientation de retraites, que, si rien n'est fait dans les années qui suivront, c'est-à-dire vers 2040, soit le montant des retraites sera divisé par deux par rapport au revenu d'activité, soit le taux de cotisation sera augmenté de 60 %.
    Les Français ne nous pardonneraient pas l'attentisme. Réformer les retraites, c'est défendre les retraités d'aujourd'hui et de demain. Le Gouvernement le fera, Mme Ameline nous le dira tout à l'heure.
    Le Gouvernement s'est fixé la limite de cet été pour soumettre au Parlement le résultat des concertations en cours.
    M. Gaëtan Gorce. Au mois d'août ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Sur ce sujet difficile, la concertation et le dialogue doivent primer, c'est la condition sine qua non pour définir une ligne politique stable pour les années à venir.
    A ce stade, les partenaires sociaux sont des interlocuteurs privilégiés, parce qu'ils sont comptables de l'intérêt d'une partie des Français.
    M. André Gerin. Franchement, ce n'est pas brillant !
    M. Jean-Claude Lefort. On ne fait pas la loi ici ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. A ce stade, monsieur Lefort.
    M. Pascal Terrasse. Le président n'est pas à son aise !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Mais, parce que c'est un sujet qui engage tous les citoyens, les principaux responsables des partis politiques représentés au Parlement ont aussi été consultés, et nous le serons, vous le savez, dans quelque temps.
    Le consensus, mes chers collègues, doit être le plus possible recherché.
    M. Jean-Claude Lefort. Justement, allons-y !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Dans d'autres pays, d'autres hommes et d'autres femmes politiques ont su en trouver un. J'ai pu le constater en accompagnant François Fillon en Allemagne ou en Suède, pays sociaux-démocrates...
    M. Jacques Desallangre. Et au Royaume-Uni ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... ou encore en Finlande et en Espagne, pays libéraux, cher monsieur. Plutôt que de nous affronter sur un sujet d'intérêt général qui concerne tous les Français, quel que soit leur vote aux élections, nous ferions peut-être mieux de voir jusqu'où nous pouvons aller pour trouver un équilibre qui soit le plus juste possible.
    Le Parlement ne saurait adopter cette proposition de loi en l'état aujourd'hui. En effet, on ne peut pas à la fois appeler à la négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux et prétendre imposer une solution, même ponctuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. M. Dubernard a seul la parole.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Nous risquerions d'interrompre le processus en cours (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et de ruiner tous les efforts actuellement déployés pour définir des lignes de force communes pérennes...
    M. Alain Néri. Oh !
    M. Maxime Gremetz. C'est vieux comme argument !
    M. André Gerin. Extraordinaire !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... qui ne soient pas remises en cause sous les prochaines législatures, et qui puissent, comme nous sommes très nombreux à le souhaiter sur tous les bancs, résister aux clivages politiques. Chacun d'entre nous prend la mesure de la difficulté de l'exercice.
    M. Jean-Claude Lefort. Nous, on prend nos responsabilités.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. La proposition de loi de M. Bocquet soulève, nous le reconnaissons, un vrai problème.
    Cela étant, le traitement des salariés de moins de soixante ans ayant cotisé quarante ans s'intègre dans un ensemble où l'on trouve, pêle-mêle, la solidarité entre les générations, l'évolution du taux de remplacement, les aspects familiaux, avec notamment la question des pensions de réversion, le dossier de la pénibilité, le cumul emploi-retraite, la diversité des régimes, les difficultés des polypensionnés, le minimum contributif...
    De très nombreux aspects commandent un débat de fond. Nous devons parvenir au meilleur texte possible, je le répète, trouver des solutions justes et sûres, qui ne lèsent personne et qui n'opposent pas les Français les uns aux autres. Ce n'est pas une mince affaire et nous devrions, si je peux me permettre, mes chers collègues, donner l'exemple dans cet hémicycle.
    Le meilleur texte sera avant tout celui qui prendra en compte l'enjeu essentiel de cette réforme : le sauvetage du régime par répartition.
    M. Jacques Desallangre. Comment ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pour cela, il faut sortir de l'impasse financière où tous vos gouvernements l'ont laissé s'enfermer.
    M. Alain Néri. Vous vantiez les fonds de pension il n'y a pas si longtemps !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J'ai bien compris que l'objectif de la proposition de loi du groupe communiste était de provoquer un débat.
    M. Jean-Claude Lefort. Non, de voter une loi !
    M. Jacques Desallangre. Et de prendre une décision !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Ce débat a lieu aujourd'hui, chacun peut s'exprimer. Néanmoins, la commission a décidé, sur ma proposition et pour les raisons que je viens d'expliquer, de suspendre l'examen de cette proposition de loi et de ne pas présenter de conclusions.
    M. Jean-Claude Lefort. Lourde est votre responsabilité !
    M. André Gerin. Dérobade !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Rendez-vous est pris avec le Gouvernement pour la discussion de son projet de loi.
    M. Michel Lefait. Quel courage !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. D'ici là, faisons-lui confiance pour mener à bien sa tâche avec détermination, sans idée préconçue et dans l'esprit de responsabilité qui le caractérise, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. C'est pitoyable !
    M. André Gerin. C'est le MEDEF qui va être content !

Rappel au règlement

    M. Pascal Terrasse. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et encore une suspension !
    M. Pascal Terrasse. Non, je souhaite seulement faire un rappel au règlement. (« Sur quel article ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je retiens du discours du président de la commission des affaires sociales que nous sommes aujourd'hui réunis pour discuter. Nous sommes d'accord pour débattre. D'ailleurs, le président a rappelé, à juste titre, que le débat qui a eu lieu en commission sur ce texte de loi a été serein. Nous pensions, en effet, que ce texte fournissait à l'Assemblée nationale une occasion de débattre avec le ministre en charge de ce dossier.
    M. Jean-Claude Lefort. Il n'est toujours pas là !
    M. André Gerin. Il se dérobe !
    M. Pascal Terrasse. Aujourd'hui, nous regrettons que le ministre fuie ses responsabilités.
    M. Alain Néri. Courage fuyons !
    M. Jean-Claude Lefort. Plutôt, courage Fillon ! (Sourires.)
    M. Pascal Terrasse. A quoi sert de s'exprimer dans la presse, d'engager des discussions avec les partenaires sociaux si on ne vient pas discuter avec les parlementaires ? Il y a là une véritable contradiction. Nous sommes très étonnés de cette dérobade du ministre. (« Quel article du règlement ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Madame la ministre, vos qualités ne sont en aucune façon remises en cause. Vous avez des responsabilités importantes et je pense que vous faites votre travail très correctement, du reste je ne suis pas là pour en juger. Vous occupez des fonctions éminentes, notamment en ce qui concerne la parité. Mais lorsque la commission organise une audition, le ministre en charge du dossier se déplace. Lorsque le Gouvernement souhaite s'exprimer sur le dossier des retraites, soit le ministre de la fonction publique, soit celui des affaires sociales est présent. Aujourd'hui, alors que nous engageons une discussion à laquelle nous aspirons tous, nous trouvons dommage que le ministre concerné ne soit pas dans l'hémicycle pour s'exprimer. C'était l'occasion pour nous de connaître, après qu'il a discuté avec les partenaires sociaux et le groupe confédéral, les orientations qu'il entendait donner à la réforme des retraites. C'était surtout pour nous un moyen de connaître le calendrier. En effet, les parlementaires ne le connaissent toujours pas. Nous avons bien lu les journaux, mais la politique ce n'est pas simplement l'affaire des médias, c'est une affaire sérieuse dont l'Assemblée doit s'occuper.
    Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous signale que c'est l'article 94, alinéa 3, qui permettait à M. Terrasse de faire son rappel au règlement.
    M. Pascal Terrasse. Absolument. J'ai oublié de le dire.

Discussion générale

    Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Maxime Gremetz, premier orateur inscrit.
    M. Maxime Gremetz. Lorsque je n'ai pas de feuille rose, on ne m'accorde pas la parole, alors que d'autres, qui n'en ont pas non plus, ont le droit de faire un rappel au règlement.
    Mme la présidente. Vous souhaitiez faire un rappel au règlement ?
    M. Maxime Gremetz. Non. J'observe simplement une profonde inégalité.
    Mme la présidente. Vous ne m'avez pas demandé de faire un rappel au règlement ce matin, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Je croyais que seuls les présidents de groupe ou leurs délégataires, disposant d'une feuille ZAP, pouvaient demander un rappel au règlement.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, permettez-moi de vous rappeler que tout député peut faire un rappel au règlement. Simplement, il faut avoir une feuille rose, donc une délégation, pour demander une suspension de séance.
    M. Maxime Gremetz. Voilà !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    Mme la présidente. Or M. Terrasse a demandé la parole non pas pour réclamer une suspension de séance mais pour faire un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Très bien, madame la présidente.
    J'ai été très surpris, en arrivant ce matin à toute vitesse...
    M. Xavier Bertrand. Pas trop vite, j'espère !
    M. Maxime Gremetz. ... de ne pas voir M. Fillon.
    M. Pascal Terrasse. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. Sur un sujet aussi important, je trouve - ce reproche ne s'adresse pas à vous, madame la ministre - cette attitude complètement anormale, irrespectueuse du Parlement. D'autant que les niches parlementaires ne sont pas nombreuses, nous en avons seulement deux par an.
    Et le ministre est absent ! Avouez que ce n'est pas respecter le Parlement et encore moins le groupe qui dépose une proposition de loi dans le cadre de sa niche parlementaire. Je vous demande, madame, de transmettre cette observation à M. Fillon.
    M. Jean-Claude Lefort. Cette protestation !
    M. Maxime Gremetz. L'an dernier, nous avions eu de la chance, la ministre concernée était venue. Il est vrai que le résultat n'avait pas été probant pour autant. (Rires et exclamations sur divers bancs.)
    M. Pascal Terrasse. Au moins elle était là.
    M. Maxime Gremetz. C'était même pire : elle avait affirmé que la mesure coûtait 120 milliards. Il devenait impossible de l'adopter, à moins d'accepter de mettre le pays sur la paille.
    La proposition de loi que nous examinons ce matin tend à accorder la retraite aux salariés qui ont acquitté quarante annuités de cotisations sans attendre qu'ils aient atteint l'âge de soixante ans. Cette demande nous semble bien normale.
    Loin de nous la volonté de nous substituer au nécessaire débat de fond sur le système de retraite et son financement qui a été lancé par le Premier ministre à l'occasion de son discours devant le Conseil économique et social le mois dernier. Notre but est bien précis : faire profiter les gens qui ont cotisé plus de quarante ans de leur retraite, dès maintenant. En effet, la loi dispose que les salariés partent à la retraite au bout de quarante annuités mais le refuse avant soixante ans. Voilà l'anomalie que nous voulons corriger sans attendre.
    Le discours sur la méthode du ministre insiste sur l'esprit de dialogue et de concertation la plus large qui soit pour amorcer ce chantier capital. Les député-e-s communistes et républicains s'inscrivent pleinement dans cet engagement pour se faire entendre et affirmer un certain nombre de propositions qui sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
    Ce chantier suppose des choix ambitieux, courageux, qui à la fois tirent les enseignements du passé et ouvrent des perspectives nouvelles pour l'avenir.
    Aujourd'hui, personne ne conteste la nécessité de consolider notre système de retraite par répartition. Toutefois, la réforme a la fâcheuse tendance de ne s'occuper que de certains aspects et d'en oublier d'autres.
    Tout d'abord, je le disais, il faut tenir compte du passé. Or, dans cet hémicycle, nous avons assisté, depuis la réforme Balladur que nous avons combattue, à une dégradation du niveau des prestations du régime général des retraites. Le mode de calcul de la pension a été modifié dans un sens défavorable puisqu'il se fonde sur les salaires des vingt-cinq meilleures années et non plus sur ceux des dix meilleures années. Enfin, les pensions sont indexées fort injustement sur les prix et non plus sur les salaires qui augmentent plus vite, ce qui aboutit à une baisse de 12 % des pensions.
    Comme nous le préjugions à l'époque, ces dispositions n'ont pas préservé notre système de retraites mais surtout se sont traduites par une perte sensible du pouvoir d'achat des retraités. J'invite le Gouvernement à prendre en compte ces dimensions que d'ailleurs, les partenaires sociaux - du moins les représentants des salariés - veulent voir disparaître.
    La réforme des retraites doit également se tourner vers l'avenir et appréhender le défi de ces vingt prochaines années. M. Fillon avait donné un éclairage sur la volonté du Gouvernement lors d'un entretien accordé à un quotidien national. Ses déclarations ont légitimement provoqué inquiétudes et consternation. Et j'ai bien peur qu'il ne nous prépare un véritable coup de force.
    Pour notre part, nos choix sont clairs. Nous nous inscrivons dans cette réforme avec la ferme intention de faire émerger des droits nouveaux dans ce domaine. Il s'agit, en particulier, de revenir sur les dispositions iniques de M. Balladur, d'harmoniser le public et le privé par le haut et non pas par le bas - les trente-sept annuités et demie -, de porter plus haut le taux de remplacement pour atteindre 75 %, d'indexer les pensions de retraite sur les salaires et de revenir au calcul sur les dix meilleures années de salaire, de prendre en compte la pénibilité du travail comme les périodes de formation.
    Il faut aussi et surtout assurer la consolidation et la protection de notre système par répartition, donc rejeter toute forme de capitalisation qui viendrait se substituer à la répartition, c'est-à-dire résister au chant des sirènes du MEDEF.
    Car, sous sa pression, je sens le Gouvernement céder à l'idée d'une augmentation de la durée d'activité, d'une progression des taux de cotisation et du niveau des pensions, et d'une harmonisation progressive des régimes du public sur celui du privé, qui remettrait en cause l'idée d'une retraite solidaire.
    Se pose une deuxième question centrale, sur laquelle le Gouvernement se prononce moins : le financement et la nature du financement des retraites.
    Le choix est simple, soit nous nous ne changeons rien à l'existant et ce seront toujours les mêmes qui paieront et, surtout, vous ne consoliderez pas le système, ouvrant ainsi la voie, par défaut, à l'introduction des fonds de pensions, soit nous modifions, comme nous le proposons, l'assiette des cotisations patronales en prenant en compte la totalité des richesses créées par l'entreprise et sa politique d'emploi et de formation.
    Si nous restons dans le système actuel, nous laissons la protection sociale courir à sa perte, et se développer l'idée fausse qu'elle a fait son temps et que son champ d'intervention doit être cédé au privé ! Nous réfutons, madame la ministre, cette analyse, et ferons nos propositions, au moment du débat, sur l'ensemble de ces points.
    Dans l'immédiat, nous suivons la philosophie exprimée par le Président de la République à l'occasion des voeux qu'il adressait à la Corrèze : « Les Français sont prêts à accepter les réformes, s'ils ont la conviction qu'elles sont conduites dans un esprit de justice. » C'est bien l'objet de notre proposition de loi.
    C'est ainsi que, dès à présent, nous vous soumettons une proposition de loi tendant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein aux salariés ayant cotisé quarante annuités avant d'atteindre l'âge de soixante ans. Ce n'est pas la première fois que la représentation nationale est amenée à se prononcer sur ce sujet. Ce n'est qu'une preuve parmi d'autres de l'importance du problème soulevé par ce texte qui mérite une réponse immédiate.
    « Fatigués, usés », ce sont les mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche d'hommes et de femmes rencontrés dans le cadre de l'élaboration de cette proposition de loi et qui ont, pour certains, commencé à travailler à quatorze ou quinze ans, qui ont accompli les tâches les plus ingrates et qui ont connu des conditions de travail que l'on pourrait qualifier aujourd'hui de dantesques, tant elles défient l'imagination des plus jeunes d'entre nous.
    Savoir être à l'écoute de « la France d'en bas », répète M. le Premier ministre. Chacun de nous a l'occasion, sur le terrain, de recueillir les témoignages de ces hommes et de ces femmes qui, privés d'une formation initiale digne de ce nom, ont essentiellement occupé des emplois à la fois peu qualifiés et précaires, et touché les plus petits salaires. Semaines de 48 heures, emplois postés, les « trois-huit », mauvaises conditions de logement et moyens de transports inadaptés ont contribué à générer l'apparition de nombreuses maladies professionnelles trop longtemps négligées, sans parler du risque, particulièrement prégnant, d'être victimes d'accidents de travail.
    Ces hommes et ces femmes sont aujourd'hui près de 800 000. Ce sont des travailleurs de la métallurgie, de la sidérurgie, du textile, de l'habillement, de l'automobile, de l'agriculture, de l'agroalimentaire, etc., c'est-à-dire de branches d'activités qui ont été, qui plus est, lourdement frappées par les crises économiques des années 1970 et 1980.
    Aujourd'hui, ces salariés paient le prix fort. Les conditions de travail qui ont été les leurs pendant des décennies ne les ont pas conduits à la vie calme et paisible qu'ils étaient en droit d'imaginer. Alors qu'ils aspiraient au repos, ils sont touchés par de graves maladies professionnelles, trop longtemps méconnues et encore très peu reconnues. On peut penser à la silicose pour les mineurs, aux effets de cabine de peinture sur l'appareil respiratoire ou encore aux effets désastreux de l'amiante. Usés par le travail, moins bien couverts contre le risque de maladie que d'autres catégories socioprofessionnelles, ces salariés vivront, de fait, moins longtemps après l'âge de soixante ans, toutes les statistiques le montrent.
    Qui désigne-t-on lorsque l'on parle, un peu maladroitement et parfois avec un zeste de mépris, de « la France d'en bas », si ce n'est ces travailleurs modestes qui ne demandent pas la charité mais attendent, tout simplement, qu'on leur reconnaisse l'existence d'un droit ? Un droit acquis au prix d'efforts gigantesques et de sacrifices au service de l'enrichissement de notre nation. Un droit acquis, pour certains d'entre eux, au prix des traumatismes causés par leur participation à la guerre d'Algérie.
    En outre, cette mesure aurait un effet positif sur l'emploi en suscitant l'embauche de centaines de milliers d'actifs actuellement inoccupés, notamment les jeunes qui, à l'issue de leur formation, ne connaissent qu'intérim ou CDD. Cette proposition de loi nous donne l'opportunité de leur offrir une réelle perspective d'embauche durable qui leur ouvrirait les portes de l'autonomie, à laquelle ils aspirent tout naturellement. Elle enclencherait également une dynamique positive en faveur du retour à l'emploi de plusieurs centaines de milliers de personnes qui, actuellement, vivent du RMI ou des allocations chômage et qui n'aspirent qu'à une seule chose : retrouver le chemin de la réinsertion par l'emploi.
    Cette dynamique favorable aura en outre un impact sur les finances de notre protection sociale, laquelle souffre actuellement d'un manque cruel de recettes en raison d'exonérations tous azimuts, notamment de cotisations patronales - 140 milliards - et de l'absence de rentrées des cotisations liées à l'emploi ; 800 000 emplois créés, ce sont autant de cotisations et de ressources supplémentaires pour améliorer la couverture sociale.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous avez dépassé votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. Enfin, notre texte permettrait de conjuguer justice sociale et efficacité économique. Il permettrait non pas de répondre à une revendication, mais de susciter un souffle d'espoir à l'heure où les vagues de licenciement se multiplient.
    M. Pascal Terrasse. Déferlent !
    M. Jacques Desallangre. C'est un raz-de-marée !
    M. Maxime Gremetz. « Esprit de mai », « gouvernement de mission », « temps de l'action » : le Gouvernement, dès sa nomination, a eu recours à la surenchère rhétorique, voire cathodique, pour expliquer aux Français que l'heure était venue de réhabiliter le volontarisme en politique. Après avoir généré tant d'attentes, peut-il décemment se permettre de les décevoir, notamment les plus fondées d'entre elles ?
    En ces temps de vaches maigres, nous dit-on, les marges de manoeuvre budgétaires seraient particulièrement réduites. Pourtant, le Gouvernement a multiplié les baisses de cotisations patronales dont on ne peut pas vraiment dire qu'elles aient profité à l'ensemble de la population, loin s'en faut, et dont l'impact sur la croissance est plus que jamais controversé.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous demande de conclure, s'il vous plaît.
    M. Maxime Gremetz. La réduction de l'impôt sur le revenu et les allégements de l'ISF sont, à ce titre, significatifs tout comme la suppression du contrôle de l'utilisation des fonds publics. Les grands groupes peuvent jouer comme ils veulent avec les deniers publics et l'on refuserait à de pauvres gens épuisés un droit à la retraite mérité pour des raisons de coût. Ce n'est pas sérieux !
    C'est pourquoi, malgré les tensions qui marquent le contexte international et le marché de l'emploi et qui servent au demeurant de bons prétextes à la succession de dramatiques plans sociaux, il ne nous semble plus acceptable que cette proposition toute simple soit rejetée sur la base d'un argument budgétaire.
    Le coût de la mesure est estimé à 3,9 milliards d'euros. S'agit-il d'une dépense insurmontable pour l'Etat ? Lecalcul est à faire car les emplois libérés donneront lieu au versement de nouvelles cotisations.
    M. Jacques Desallangre. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Mais cela ne doit pas occulter d'autres pistes de réforme de financement et vous connaissez nos propostions en la matière. Nous voulons, entre autres, impliquer plus fortement les entreprises dans le financement de la protection sociale en redéfinissant leur participation par une réforme des cotisations patronales et un prélèvement sur les actifs financiers nés de la spéculation boursière qui mine la croissance et l'économie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Refuser de débattre de cette proposition et de son financement reviendrait à saper le travail de communication du chef de votre gouvernement qui se présente volontiers comme un homme de dialogue et de consensus. Le triste souvenir du recours à l'article 49-3 pour couper court au débat relatif à la réforme des modes de scrutin demeure vivace. En s'engageant dans cette voie, la majorité avouerait, une fois de plus, à demi-mot que le fameux esprit de mai a fait long feu.
    Pour conclure, je souhaiterais vous faire partager les propos du philosophe Alain : « Il n'y a de bonheur possible pour personne sans le soutien du courage. » Mes chers collègues, faisons donc oeuvre de courage pour apporter cette justice sociale à ces salariés et aller au-delà de la compassion que chacun éprouve ce matin à leur égard. Franchissez le pas avec nous pour améliorer concrètement leur quotidien en leur accordant ce droit qu'ils ont bien mérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.
    M. Xavier Bertrand. Madame les présidente, madame la ministre, mes chers collègues, n'était la constance dont fait preuve le groupe communiste face à la question qui nous réunit ce matin, je serais tenté de dire que M. Bocquet est un homme pressé. J'oserai peut-être dire « échaudé », compte tenu du débat décevant et sans lendemain qui s'est tenu dans cet hémicyle, en novembre 2001.
    M. Alain Néri. Et l'AER ?
    M. Xavier Bertrand. Vous pouviez être d'autant plus amer, monsieur Bocquet, qu'après le grand discours, le beau discours de Lionel Jospin à Matignon, le 21 mars 2000, tout semblait dit, tout semblait possible grâce, de plus, à la conjoncture favorable qui permettait de s'attaquer aux iniquités les plus criantes de nos régimes de retraite.
    Il n'en a rien été - hélas ! - surtout pour tous ces salariés dont nous allons parler ce matin.
    Vous êtes un homme constant, monsieur Bocquet,...
    M. Maxime Gremetz. Il faudra le répéter en juin !
    M. Xavier Bertrand... mais vous êtes quand même un homme pressé car vous savez bien que cette réforme des retraites, ce n'est plus l'Arlésienne.
    M. Albert Facon. Venez le dire à ceux de Metaleurop !
    M. Xavier Bertrand. Vous n'ignorez pas que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin la conduit avec détermination et que la volonté politique que vous appeliez de vos voeux tout à l'heure, ne fait pas défaut aujourd'hui.
    M. Alain Néri. Non, mais c'est Fillon qui fait défaut !
    M. Xavier Bertrand. Mes chers collègues, la réforme des retraites est en cours et chacun sait, sur tous les bancs, que le Parlement aura à en débattre avant l'été. D'aucuns s'étonneront donc que, dès ce 11 mars, nous ayons à discuter cette proposition de loi visant à instituer le droit à la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé quarante annuités avant d'atteindre l'âge de soixante ans.
    Je suis de ceux qui pensent que si légiférer est, certes, prématuré compte tenu du calendrier parlementaire, ce débat n'en est pas moins digne d'intérêt, il est même légitime.
    Je commencerai donc par la légitimité de la question posée.
    Il a beaucoup été question ce matin de chiffres. Mais, tout comme le débat général sur les retraites ne saurait se résumer à un débat uniquement comptable et financier, celui de ce matin ne doit pas occulter la dimension profondément humaine de la question. Car n'oublions pas que les 800 000 bénéficiaires potentiels d'une telle mesure sont des hommes et des femmes qui travaillent depuis bien longtemps, souvent dans des conditions plus difficiles que la moyenne, et qui ont dû affronter des crises sectorielles graves, je pense notamment à la métallurgie et au textile, comme dans ma circonscription, ou à la sidérurgie.
    D'ailleurs, pour la moitié d'entre eux, ils ne sont plus salariés, soit parce qu'ils bénéficient d'un dispositif de cessation anticipée d'activité ou, plus dramatiquement encore, parce qu'ils sont frappés par le chômage.
    Plus soumis que d'autres aux maladies professionnelles et en grande partie issus du monde ouvrier, ils sont confrontés également à l'inégalité qui existe dans notre pays en matière d'espérance de vie après la retraite. Ainsi, un ouvrier a une espérance de vie à soixante ans de dix-sept années contre plus de vingt-deux pour un cadre.
    M. André Facon. Et pour les travailleurs de l'amiante, c'est zéro !
    M. Xavier Bertrand. Ces chiffres sont troublants mais ils reflètent une réalité que nous ne pouvons nier et à laquelle nous ne pouvons nous résoudre. Et quand je parle de ces salariés, je pense à ceux que je rencontre dans ma circonscription et qui viennent me dire combien ils ont le sentiment d'être usés, combien ils aspirent à se reposer, combien ils aimeraient faire place aux jeunes ou tout simplement se consacrer à leurs proches et à eux-mêmes.
    M. Maxime Gremetz. Surtout à Saint-Quentin !
    M. Xavier Bertrand. Il ne s'agit pas seulement de concitoyens qui viennent à nos permanences, ou d'électeurs, ce sont aussi des amis, parfois des parents, qui, avec force détails, ne peuvent que vous ébranler et vous toucher surtout quand, comme moi, vous n'avez pas encore la moitié de la durée de leur carrière professionnelle.
    Mais la responsabilité d'un élu n'est pas seulement de les écouter, elle est aussi de dialoguer et d'expliquer.
    M. Jacques Desallangre. Et de décider !
    M. Xavier Bertrand. Aussi aimerais-je ici m'interroger sur l'opportunité de légiférer dès maintenant sur ce sujet grave.
    En effet, au moment où, très concrètement, le Gouvernement a engagé la réforme de fond, globale, urgente, que chacun souhaite, pourquoi ne pas avoir attendu le débat parlementaire du mois de juin ? Légiférer dès aujourd'hui sur ce seul sujet ne risque-t-il pas de tronquer le débat global auquel nous aspirons ? En ne traitant qu'une des aspirations, certes, parmi les plus emblématiques exprimées au sujet des retraites, ne va-t-on pas en occulter d'autres ? Je suis de ceux qui le craignent et qui n'hésitent pas à le dire. Et je vais m'en expliquer en m'appuyant sur plusieurs exemples.
    Cette réforme est placée sous le signe de la concertation, cela a été dit et surtout démontré par le Gouvernement. A cette concertation, les partenaires sociaux se montrent ouverts. Leur présence, ainsi que leur participation active au groupe confédéral mis en place par le ministre du travail et par le ministre de la fonction publique, montrent bien que chacun est disposé à s'investir dans ce débat.
    M. Alain Néri. Au moins, vous avez la franchise de parler de concertation et non de négociation !
    M. Xavier Bertrand. Pourquoi ne pas tenir compte de cette volonté partagée ? D'autant que chacun sait que légiférer ce matin sans connaître les possibilités d'adapter les régimes de retraite complémentaire, qui sont de la compétence des partenaires sociaux, relève non seulement d'une démarche partielle mais peut surtout s'avérer lourd de conséquences pour les intéressés.
    En l'état actuel, il n'est pas possible de bénéficier de la retraite complémentaire avant cinquante-cinq ans. Et avant soixante ans, les abattements sont particulièrement dissuasifs. Il serait donc pénalisant pour ceux qui bénéficieraient de la mesure proposée ce matin de partir à la retraite avant soixante ans si rien n'a été réglé concernant les retraites complémentaires. Au-delà de l'effet d'annonce, la réalité pour ces salariés serait dramatique et nous irions évidemment à l'inverse du but recherché, ce que, bien évidemment, personne ne veut dans cet hémicycle.
    Dans le cadre d'une réflexion globale sur ce thème, il faut aussi s'attarder sur une affirmation souvent entendue selon laquelle il conviendrait de régler une fois pour toutes la situation des 800 000 personnes visées par ce texte, le développement des études et le recul de l'entrée dans la vie active supprimant d'eux-mêmes tout problème de ce genre dans les années à venir. C'est faire peu de cas du nombre important de jeunes qui continueront, soit à ne pas vouloir faire d'études, soit, hélas, à ne pouvoir en faire. Ceux-là seront toujours nombreux à entrer très tôt dans la vie active et à atteindre en fin de carrière ces quarante années de cotisations avant l'âge légal de la retraite. N'oublions pas non plus quel rôle joue l'apprentissage dans notre société. Il est essentiel, il valorise le travail manuel et doit être encouragé. A cette fin, le Gouvernement déposera d'ailleurs dans les prochains mois un texte qui viendra en discussion au Parlement. Et cela aura pour conséquence aussi de pérenniser le nombre de salariés ayant commencé à travailler et à cotiser très jeunes.
    M. André Chassaigne. Et alors ?
    M. Xavier Bertrand. Il me semble donc difficile, voire dangereux de ne pas mesurer l'impact, non seulement à court terme mais aussi à moyen et long terme d'une telle mesure.
    Et même si ce débat, je l'ai dit, n'est pas un débat purement comptable et financier, nous ne pouvons occulter la réalité du coût de ce dispositif. D'autant que la réforme des retraites actuellement en cours a une ambition : sauver nos régimes de retraite par capitalisation. (Vives exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Quel aveu !
    M. Xavier Bertrand. Nous sommes toutes et tous profondément attachés à cette « répartition » qui est le socle de nos retraites (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vois que le groupe communiste sait se mobiliser. Je ne suis pas le seul à avoir fait ce lapsus, mais je peux compter sur votre vigilance même si, encore une fois, les députés socialistes sont à la remorque des députés communistes ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La répartition (« Ah » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain) est la garantie de la justice sociale et du lien entre les générations. Mais celle-ci est menacée et paradoxalement par une excellente nouvelle.
    Mme Martine Billard. Par la capitalisation !
    M. Xavier Bertrand. Nous vivons de plus en plus longtemps. Du fait du vieillissement de la population, les actifs actuels et à venir vont devoir faire face au défi du financement des régimes. Nous parlons souvent de l'échéance de 2040 en raison non seulement du travail du Conseil d'orientation des retraites mais aussi du nombre de retraités par rapport au nombre des actifs qui aura doublé à cette date. Il ne faut pas oublier que c'est dès 2006, c'est-à-dire demain et non après-demain, que nous allons être confrontés à un choc démographique et donc à une impasse de financement.
    Avant même de nous engager vers le choix de solutions pour relever ce défi, au moment où nous cherchons avec les partenaires sociaux, avec les formations politiques qui souhaitent s'investir dans ce débat, avec tous les acteurs du dossier, avec les Français, bien sûr, les voies d'une réforme nécessaire et juste, le groupe communiste apporte, à sa façon, sa contribution au débat en alourdissant la charge financière qui pèse déjà sur nos régimes de retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Oui, si rien n'est fait en matière de financement, ce sont 50 milliards d'euros qui manqueront en 2020, et 100 milliards en 2040.
    M. Albert Facon. Et l'impôt sur la fortune ?
    M. Xavier Bertrand. Chacun sait que cette proposition représente une charge supplémentaire de 13,6 milliards d'euros, et non de 3,9 milliards, monsieur Gremetz. Et si cette mesure se limite aux personnes âgées de plus de cinquante-huit ans, cela représente encore un coût brut de 5,2 milliards d'euros.
    M. Maxime Gremetz. Vos chiffres ne sont pas bons !
    M. Xavier Bertrand. Alors, il n'est pas question à cette tribune de dire que rien n'est possible.
    Il n'est pas envisageable, comme d'autres gouvernants l'ont fait il y a quelques années, de dire à celles et ceux qui ont commencé à travailler à quatorze ou quinze ans que rien ne peut être fait.
    M. Gaëtan Gorce. C'est bien ce qu'a fait Juppé !
    M. Xavier Bertrand. Il faut cependant avoir le courage de leur dire en face que nous cherchons d'abord à sauver les retraites, avant de voir concrètement, dans le cadre du débat qui s'ouvre, quelles sont les iniquités auxquelles nous devons nous attaquer en priorité.
    Et pour bien montrer qu'il ne s'agit pas de conduire ce débat dans une impasse, j'entends appeler chacun à rechercher les voies d'une réponse globale à ce défi.
    M. Albert Facon. En diminuant l'impôt sur la fortune ?
    M. Xavier Bertrand. Ainsi, nous savons qu'il est indispensable de relever le taux d'activité des salariés de plus de cinquante ans, qui est en France l'un des plus bas d'Europe, car si l'âge légal est bel et bien fixé à soixante ans, les Français partent plus tôt à la retraite - en moyenne cinquante-huit ans. Remonter ce taux aurait un effet doublement bénéfique pour les comptes sociaux : il augmenterait le montant des cotisations et réduirait le niveau des prestations. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait la plupart des pays européens qui ont entrepris une réforme.
    M. Alain Néri. Avec vous, ceux qui travaillent plus paieront plus, et ceux qui travaillent moins paieront moins !
    M. Gaëtan Gorce. C'est du pur Raffarin !
    M. Xavier Bertrand. Une des solutions pour repousser l'âge effectif de départ à la retraite consiste certainement à une politique active de formation des salariés, et cela tout au long de la vie professionnelle. C'est l'idée de la deuxième carrière...
    M. Albert Facon. Que représente une seconde carrière pour les ouvriers du bâtiment ?
    M. Xavier Bertrand. C'est aussi s'attacher à promouvoir l'égalité devant la formation continue à quelque âge que ce soit. A-t-on le même droit à la formation dans une entreprise selon que l'on a trente ans ou ciquante-cinq ans ? Ce sera d'ailleurs l'un des thèmes de la conférence de mobilisation pour l'emploi qui se tiendra le 18 mars.
    Réfléchissons également aux possibilités d'assouplissement des règles en matière de cumul emploi-retraite, en facilitant par ailleurs le passage de l'activité professionnelle à la retraite grâce au développement des formules à temps partiel. Un salarié bénéficiant de ce système me faisait part dernièrement de sa satisfaction, car non seulement il se préparait plus facilement à la retraite, mais il avait toujours le sentiment d'être utile à son entreprise. Bien évidemment, la généralisation de tels dispositifs doit reposer sur la négociation entre partenaires sociaux.
    La pénibilité ne peut pas non plus être absente du débat de ce matin. Chacun s'accorde à reconnaître qu'elle constitue un facteur d'inégalité entre les salariés, car elle est cause de très grandes disparités en matière d'espérance de vie. Mais il n'est pas question de laisser croire que sa prise en compte sera facile et qu'elle sera possible sans limites, et surtout qu'elle réglera tous les maux des régimes de retraite. Mais, là encore, les partenaires sociaux ont un rôle essentiel à assumer.
    Il en va de même pour la réflexion sur les préretraites. Nous connaissons aujourd'hui une forme de culture de la préretraite à laquelle nous ne pouvons nous résoudre. L'évolution des mentalités, tant du point de vue des employeurs que des salariés, doit être pour nous une priorité. A cet égard, il nous semble important de favoriser la liberté de choix des salariés les plus âgés. Ainsi, les salariés ayant déjà quarante annuités, qui disent souvent avoir le sentiment de continuer à cotiser pour rien...
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas qu'un sentiment !
    M. Xavier Bertrand. ... souhaiteraient pouvoir rester en activité tout en augmentant leurs droits à pension à venir. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. André Chassaigne. Quelle hypocrisie !
    M. Xavier Bertrand. Ce système de surcote ne doit-il pas être revu pour être incitatif ?
    La voie de la souplesse nous offre certainement de nombreuses pistes de réflexion. A chacun d'entre nous d'apporter ses idées et ses propositions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Muguette Jacquaint. Travailler jusqu'à soixante-dix ans, c'est ça vos propositions !
    M. Maxime Gremetz. Allez expliquer cela aux travailleurs !
    M. Xavier Bertrand. Mes chers collègues, il existe deux façons d'aborder les débats de société et la réforme des retraites. La façon polémique est la plus facile. Certains ont beaucoup d'expérience en la matière, mais elle est forcément la plus stérile et elle n'est pas à la hauteur d'un enjeu qui, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur Bocquet, doit savoir dépasser les clivages politiques.
    Il nous semble plus intéressant d'avoir tenté de replacer de façon constructive la discussion dans son contexte, celui de l'impérieuse nécessité de sauver nos retraites, de sauver le régime de retraite par répartition. Si légiférer est prématuré, débattre est essentiel.
    M. Gaëtan Gorce. C'est pour cela que le ministre n'est pas là !
    M. Xavier Bertrand. L'UMP a pour sa part décidé de s'engager résolument dans ce débat sur les retraites, par le dialogue et la proximité avec les Français. Pour nous, cette réforme doit reposer sur trois principes : la sécurité, l'équité et la souplesse.
    Mme Muguette Jacquaint. Vous parlez d'une sécurité !
    M. Xavier Bertrand. C'est pourquoi personne ne peut rester sourd aux aspirations ô combien légitimes de ceux de nos compatriotes qui travaillent depuis longtemps, qui disposent des quarante annuités sans avoir soixante ans, qui sont l'incarnation de ce que la valeur peut et doit représenter.
    A ceux-là, je dis que mars 2003 n'est pas novembre 2001. Je dis que le débat de ce matin n'a pas vocation à devenir celui qui a été mené par le précédent gouvernement, c'est-à-dire sans portée et sans avenir.
    A tous, je donne rendez-vous dans quelques mois, avant l'été, pour que chacun prenne ses responsabilités ou plutôt pour qu'ensemble, chacun à sa place, chacun en fonction de son degré de mobilisation, nous prenions nos responsabilités pour assurer l'avenir de notre patrimoine commun, les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parce que la question des retraites est cruciale pour notre société, parce qu'elle fait partie intégrante de notre système de protection sociale, je regrette l'absence de M. Fillon ce matin à l'Assemblée nationale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C'est faire preuve de mépris à l'égard de la représentation nationale...
    M. Pascal Terrasse. C'est une dérobade !
    M. Alain Néri. ... et à l'égard des travailleurs les plus défavorisés, qui ont exercé les métiers les plus pénibles. Et cela est inacceptable. Sans remettre en cause vos qualités, madame la ministre, je crois que M. Fillon s'est aujourd'hui discrédité en refusant d'affronter le débat parlementaire.
    M. Pascal Terrasse. Il est à la télévision !
    M. Alain Néri. Nous avons pour notre part la volonté d'apporter le droit de vivre dans la dignité à ceux qui, après de dures années de labeur, ont légitimement gagné le droit à la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il fallait le faire !
    M. Alain Néri. Vous n'étiez pas là, je vous expliquerai après !
    Ce texte nous permet de rappeler notre attachement à la retraite par répartition, ce qui n'est pas inutile. En effet, tout à l'heure, en commettant un lapsus révélateur, notre collègue de l'UMP a bien montré que, malgré ses dénégations et un revirement qui lui fait aujourd'hui défendre les retraites par répartition, c'est la droite qui a été le promoteur des retraites par capitalisation avec les fonds de pension de M. Thomas. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Jean-Claude Lefort. Absolument !
    M. Alain Néri. Il est bon de le rappeler, car la droite cherche maintenant à se refaire une virginité, avec un culot qui dépasse l'entendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Xavier Bertrand. C'est vous qui ne manquez pas de culot !
    M. Alain Néri. Je voudrais également rappeler notre attachement au droit à la retraite à soixante ans, à un montant décent de celle-ci et à un taux de remplacement suffisant pour permettre aux plus modestes de vivre dans la dignité.
    Ce texte s'adresse en priorité à ceux qui ont commencé à travailler très jeune, souvent dès l'âge de quatorze ans, et ont exercé les métiers les plus pénibles - travail posté, travail de nuit, dans les intempéries - parce qu'ils ont été privés de formation initiale et n'ont souvent pas eu droit à la formation continue dans de bonnes conditions. J'ai été frappé d'entendre l'orateur de la majorité en appeler à la « compassion » ! Mais ces travailleurs ne demandent pas une faveur. Ils souhaitent simplement que l'on reconnaisse leur droit à leur retraite après quarante ans de cotisations. Ce n'est pas de la compassion qu'ils veulent, c'est de la justice ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Marc Bernier. Il fallait le faire avant.
    M. Alain Néri. Apprenez que l'on se bat pour la justice, jamais pour la charité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Albert Facon. Très bien !
    M. Alain Néri. J'ai entendu parler par ailleurs d'une « deuxième carrière », mais vous vous trompez de sujet !
    M. Albert Facon. Pourquoi pas une troisième !
    M. Alain Néri. Les personnes concernées sont en effet usées par les travaux pénibles qu'elles ont malheureusement effectués pendant quarante ans et plus ! Nombre d'entre eux souffrent de maladies professionnelles encore non reconnues. Il faut bien prendre en compte cette usure prématurée.
    M. Albert Facon. Et les accidents du travail !
    M. Jean-Claude Lefort. Et l'Algérie !
    M. Alain Néri. Et vous avez le front de proposer une « deuxième carrière » à celui qui a tourné le béton à la main avec une pelle dès l'âge de quatorze ans ! Mais de qui vous moquez-vous ? (Applaudissements sur les bancs sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Kossowski. Ce n'est pas de ceux-là que l'on parle !
    M. Alain Néri. Il est temps de rendre justice à cette génération...
    M. Marc Bernier. Il fallait le faire !
    M. Alain Néri. ... qui a souffert des privations de la Seconde Guerre mondiale et n'a pas hésité à retrousser les manches en 1945 pour redresser le pays dans des conditions difficiles ! En outre, certains d'entre eux ont passé leur jeunesse en Algérie, à l'appel de la nation !
    M. Jean-Claude Lefort. Ils ne savent pas ce que c'est !
    M. Alain Néri. Il faut donc, sans plus attendre, reconnaître le droit à la retraite à soixante ans à ceux qui ont cotisé quarante annuités. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communiste et républicains.) Nous pouvons et nous devons légiférer aujourd'hui. Cela dit, cette mesure ne prendra sa pleine valeur que si elle est accompagnée d'une réforme des retraites complémentaires. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons créé l'allocation équivalent retraite, en novembre 2001. Nous savions en effet que les partenaires sociaux, le MEDEF - n'ayons pas peur de citer le responsable ! - auraient refusé de payer les retraites complémentaires dès que ces gens ayant cotisé quarante annuités auraient eu droit à la retraite de base. Nous ne pouvons pas nous contenter d'offrir une retraite de base de 3 000 francs par mois à ces gens qui ont sacrifié leur vie au redressement du pays !
    Nous avions considéré l'allocation équivalent retraite comme un premier pas. Madame la ministre, il est maintenant temps d'en faire un deuxième pour que les retraites complémentaires soient enfin versées en même temps que les retraites de base et que ceux ayant quarante annuités de cotisations aient un taux de remplacement décent. Le groupe socialiste a ainsi déposé un amendement pour que les partenaires sociaux, chargés de la gestion des régimes complémentaires de retraite, engagent une négociation afin d'adapter le dispositif des retraites complémentaires de manière à servir une pension à taux plein aux assurés réunissant les conditions de durée d'assurance ou de période équivalente dans le régime de base et demandant la liquidation de leur pension de retraite avant l'âge de soixante ans.
    En votant cette proposition de loi tous ensemble nous ferions preuve non seulement de dignité, de reconnaissance, mais aussi d'humanité.
    M. Patrick Roy. Bien parlé !
    M. Alain Néri. En effet, sans vouloir réécrire Germinal, ...
    M. Pascal Terrasse. Parlez-nous de Cosette ! En face ce sont les Thénardier !
    M. Alain Néri. ... lorsque nous voyons dans nos permanences ces travailleurs - souvent, nous les connaissons bien, ils étaient nos camarades de classe, d'activités culturelles ou sportives - nous éprouvons presque un sentiment de honte en nous demandant s'ils ont bien le même âge que nous ! Victimes de cette usure prématurée, auront-ils un jour droit à une retraite leur permettant de jouir un peu de la vie ?
    M. Jean-Marc Lefranc. Arrêtez !
    M. Patrick Roy. Très bien !
    M. Jean-Pierre Kucheida. Il a raison !
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est Guignol !
    M. Alain Néri. Si vous n'avez pas compris ça, vous n'avez rien compris au rôle de l'élu ! Celui-ci doit avant tout se préoccuper de l'aspect social et humain de cette mesure ! Quant à l'aspect économique, comment peut-on nous dire que l'on ne peut payer une retraite avant soixante ans à ceux qui ont cotisé quarante annuités, quand on décide de baisser l'ISF ?
    M. Jean-Pierre Kucheida. Ou de financer une deuxième porte-avions !
    M. Alain Néri. Une fois de plus, de qui se moque-t-on ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Parce que nous sommes viscéralement attachés à l'égalité, au fait de donner plus à ceux qui ont moins, nous voulons ouvrir le droit à la retraite avant soixante ans à ceux qui ont une espérance de vie plus courte et une retraite plus faible que les autres. J'espère, mes chers collègues, que, dans un sursaut républicain de justice sociale, vous aurez le courage de voter la proposition de loi présentée par M. Bocquet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UDF que je représente à cette tribune se réjouit de la présentation, par M. Bocquet et les collègues de son groupe, de cette proposition de loi qui a le mérite de poser clairement une bonne question.
    M. Michel Delebarre. Bon démarrage !
    M. Gilles Artigues. Nous espérons que le Gouvernement lui trouvera une solution dans le cadre d'une réforme plus générale.
    M. Albert Facon. Il ne faut jamais remettre au lendemain ce que l'on peut faire le jour même !
    M. Gilles Artigues. Nous félicitons le Premier ministre d'avoir pris en main le dossier des retraites, après tant de reports et de rapports. Un calendrier a été clairement annoncé et une direction a été fixée. Le débat est maintenant ouvert, comme pour d'aures réformes à venir, qu'il s'agisse de la décentralisation, de l'assurance maladie ou de la réforme de l'Etat si attendue.
    M. Rocard avant annoncé, en 1989, que la réforme des retraites serait explosive, qu'elle pourrait faire sauter plusieurs gouvernements. Aujourd'hui, une évolution a eu lieu et nos concitoyens sont prêts à entendre certaines choses. Nous avons, les uns et les autres, fait preuve de pédagogie et les Français ont bien compris que, dès lors qu'il y avait moins d'actifs et plus de retraités, il fallait prendre des décisions courageuses et que tout le monde devait faire un effort, car la question se posera dès 2006. Il y aura alors 800 000 départs à la retraite contre environ 500 000 aujourd'hui, et, si l'on ne fait rien, on assistera à un doublement des cotisations, à un allongement de leur durée et les pensions diminueront sensiblement.
    Nous pensons que les Français sont maintenant capables d'être les acteurs de cette réforme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle François Bayrou a demandé, à plusieurs reprises, qu'ils soient consultés par référendum. Si tel n'est pas le cas, ils descendront dans la rue pour défendre leurs acquis. En outre, contrairement à ce que l'on dit, la question n'est pas si compliquée que cela. Elle doit reposer sur les trois piliers essentiels de la réforme : la solidarité, l'équité et la liberté.
    La solidarité, c'est la retraite par répartition à laquelle nous sommes tous attachés. Ensuite, la solidarité nationale doit aussi s'exprimer pour les trimestres non cotisés et pour permettre aux plus démunis d'avoir une retraite satisfaisante.
    L'équité, c'est cette proposition de loi que vous nous proposez, monsieur Bocquet. Dans nos circonscriptions, nous recevons tous des personnes qui n'ont pas soixante ans, mais ont cotisé quarante annuités, et nous savons très bien quelles difficultés elles rencontrent. Il faudrait d'ailleurs profiter de cette réflexion pour se demander comment faire pour qu'elles ne cotisent pas à perte après quarante annuités et envisager un système incitatif.
    L'équité, nous l'avons dit à plusieurs reprises, c'est aussi un effort partagé par tous, donc un alignement du public sur le privé. Nous serons obligés d'y venir. L'UDF n'approuve pas la manière dont on a traité les régimes spéciaux. Notre spécialiste en la matière, Jean-Luc Préel, a d'ailleurs proposé la création d'une caisse de retraite des fonctionnaires pour aller vers cette harmonisation, vers la transparence, les primes devant naturellement être prises en considération dans le calcul des retraites dès lors qu'elles font l'objet de cotisations.
    Enfin, le troisième pilier de la réforme c'est la liberté : plus de flexibilité et de souplesse. Nous l'avions déjà dit lors du débat sur les 35 heures. Tel est l'objet d'une proposition de loi, déposée par Anne-Marie Comparini, qui prévoit la même chose que la vôtre, monsieurBocquet, mais en ajoutant la possibilité de poursuivre, dans de bonnes conditions, une activité au-delà de soixante ans. Si elle est discutée, cette proposition le sera certainement à un moment plus opportun, lorsque le débat sur les retraites à l'initiative du Gouvernement sera déjà bien avancé. Elle ne prévoit pas le même type de financement que la vôtre, et il n'est pas honnête de les mettre en balance car elles ne s'adressent pas à la même cible. Celle de Mme Comparini est beaucoup plus large.
    Dans le cadre de la liberté, l'UDF a toujours été favorable à une retraite à la carte. Nous sommes même allés jusqu'à proposer une retraite à points qui permettrait de tenir compte de la pénibilité du travail et de certaines situations particulières. Je pense, par exemple, aux personnes qui cessent leur activité pour élever leurs enfants. A un moment donné, elles pourraient choisir entre continuer à cotiser pour avoir une meilleure pension ou partir à la retraite si elles ont suffisamment de points. Les sujets ne manquent donc pas, mais je ne peux pas tous les traiter dans le temps qui m'est imparti.
    Nous aurions pu parler de la retraite par capitalisation, de la retraite complémentaire, de l'égalité entre les hommes et les femmes, des difficultés rencontrées par les conjoints survivants - je pense à l'assurance veuvage, qui pose de nombreux problèmes, ou à la pension de réversion -, entre autres. Nous pourrions aussi évoquer la natalité. Certes, une politique familiale ambitieuse ne résoudrait pas tout, mais elle permettrait quand même de traiter une partie du problème. On a encore parlé tout à l'heure du taux de remplacement. Vous le voyez, les sujets sont trop nombreux pour que l'on réduise notre débat et notre vote à votre proposition de loi, monsieur Bocquet.
    En outre, se pose un problème de financement. Avec le développement de l'apprentissage et l'effort que l'on souhaite faire en direction du travail manuel, il y aura certainement un jour plus de 800 000 personnes concernées et la manière dont vous proposez de financer cette mesure ne nous convient pas. Nous estimons qu'elle défavorise les classes moyennes et les épargnants. Ce n'est pas notre conception de la liberté d'investissement.
    Nous souhaitons laisser toute sa chance à la concertation qui est en cours. Il serait décourageant de prendre une décision aujourd'hui. Le groupe UDF ne votera donc pas cette proposition de loi, mais il souhaite prendre toute sa place dans le débat sur les retraites qui aura prochainement lieu dans cet hémicycle, car c'est un élément essentiel de notre pacte social. On peut juger une société sur la manière dont elle traite ses anciens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au nom des députés Verts, je remercie le groupe des député-e-s communistes et républicains d'avoir lancé dans l'hémicycle le débat sur la réforme du système de retraite. D'ailleurs, visiblement, tout le monde s'en félicite. Que l'on soit salarié ou non, en cours d'activité ou retraité, nous sommes en effet tous concernés. La façon dont les gens se mobilisent le montre : ce débat intéresse l'ensemble de notre société.
    Alors que les principales mesures jusqu'à présent annoncées par le Gouvernement tournent uniquement autour de l'allongement de la durée des cotisations, notamment l'alignement sur les quarante ans en vigueur dans le régime général, nous voulons rappeler que certains salariés ont déjà cotisé quarante annuités avant d'avoir soixante ans et ne peuvent toujours pas accéder à ce droit au repos tant mérité, après des années de travail pénible.
    Certains défendent l'idée de la retraite à la carte, mais pour l'instant, le choix est surtout laissé au patronat. Quand cela arrange, on met les salariés usés au chômage ou en préretraite, et l'on utilise de plus en plus l'AAH de ce point de vue, mais ceux qui veulent s'arrêter après quarante ans de cotisations, eux, n'ont pas le choix. Alors nous ne nous faisons pas d'illusions. Tout le monde s'accorde à dire que ces salariés devraient avoir le droit de partir à la retraite, mais ce texte ne sera pas voté ce matin. Pourtant, il soulève des questions intéressantes, notamment celles de la durée de cotisation et du financement.
    Cette proposition s'adresse à ceux qui sont entrés sur le marché du travail avant vingt ans - à quatorze, à quinze ans - et ont connu des conditions de travail pénibles. Car si l'aspect comptable des quarante ans est important, il ne faut pas occulter la question de la pénibilité du travail.
    Les conditions de travail ont évolué, tout comme les conditions de production. Des métiers qui étaient pénibles après la guerre ne le sont plus aujourd'hui et de nouveaux métiers sont apparus, qui sont particulièrement pénibles. Voilà pourquoi, tout en conservant le principe du départ en retraite à taux plein avant soixante ans, une actualisation de la grille de pénibilité s'impose. Le COR a lui-même recensé de nombreux exemples de personnes dont le travail est tout aussi pénible que d'autres mais qui ne bénéficient pas des mêmes droits concernant l'âge de départ à la retraite.
    Je profite de ce débat pour donner, plus globalement, la position des Verts sur la durée de cotisation et, notamment, sur la règle des quarante annuités, introduite en 1993. Ce système est basé uniquement sur les périodes d'activité salariale. Or cela ne répond plus du tout au marché du travail actuel : de nombreuses personnes connaissent le chômage et la précarité, et les temps de formation ne sont pas pris en compte. Le Gouvernement a déjà annoncé l'allongement des cotisations des fonctionnaires à quarante annuités pour l'obtention de la retraite à taux plein, mais il n'a rien dit sur sur la prise en compte de ces périodes « heurtées » de l'activité salariée - qui touchent surtout les femmes.
    Pour certains, l'allongement de l'espérance de vie autoriserait l'allongement de la durée du travail. Une nouvelle inégalité s'instaurerait au profit de ceux qui seront en état de travailler plus longtemps. Et si l'on poussait la réflexion jusqu'au bout, les femmes devraient travailler plus longtemps que les hommes ; un de nos rares avantages par rapport à eux, c'est en effet de vivre plus longtemps.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Absolument !
    Mme Martine Billard. Mais sommes-nous sur terre pour travailler ? Le seul intérêt des êtres humains de la planète serait-il de travailler ? Non !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !
    Mme Martine Billard. Nous devons travailler pour produire les biens dont nous avons besoin pour vivre, mais le travail n'est pas l'alpha et l'oméga de la vie sur terre.
    M. Maxime Gremetz. C'est vrai !
    Mme Martine Billard. Il est donc juste de ne pas travailler plus qu'il est nécessaire pour produire ce dont nous avons besoin.
    M. Jean-Marc Lefranc. La chasse, par exemple, c'est important ! (Rires.)
    Mme Martine Billard. Comme le bricolage, le jardin ou la télévision.
    Nous craignons qu'en introduisant un système de capitalisation vous ne fassiez une coquille vide du système de répartition. Vous avez déjà essayé à plusieurs reprises d'instituer des fonds de pension. Aujourd'hui, l'état de la Bourse vous rend la tâche un peu difficile. Quoi qu'il en soit, l'introduction de fonds de pension créerait une nouvelle inégalité au détriment des plus faibles, ceux qui n'ont pas les moyens, ceux qui ont des professions difficiles, ceux qui ont du mal à boucler leurs fins de mois.
    Le texte de M. Bocquet ouvre des pistes intéressantes en matière de financement : par exemple, taxer les revenus des biens mobiliers et immobiliers tout en exonérant les livrets d'épargne populaire - livret A, livret bleu, épargne logement.
    On ne fera pas de bonne réforme de retraite sans réfléchir à l'extension de l'assiette des cotisations d'assurance vieillesse. Les Français l'ont dit dans des enquêtes d'opinion : ils ne veulent pas travailler plus longtemps, mais ils sont prêts à payer davantage pour leur retraite. Il convient de s'interroger sur les revenus des placements financiers des entreprises, car ce sont les seuls à ne pas subir de prélèvement social, à la différence des placements des personnes physiques. Il convient enfin, mais vous faites visiblement tout le contraire, d'envisager d'étendre les cotisations patronales en instituant une modulation en fonction de la part des salaires - puisqu'il n'est pas question de pénaliser l'emploi.
    Mme la présidente. Madame Billard, vous avez largement dépassé votre temps de parole !
    Mme Martine Billard. Je conclus, madame la présidente.
    Salariés du privé, salariés du public, indépendants, agriculteurs, pêcheurs - qu'on oublie parfois - sont inquiets. Qu'un premier débat ait eu lieu ce matin est intéressant. Le Gouvernement aurait pu prendre la responsabilité d'ouvrir un tel débat devant la représentation nationale. Nos collègues l'ont prise, nous ne pouvons que les en remercier. J'espère que le Gouvernement n'attendra pas la fin de l'été pour présenter un projet de loi devant le Parlement, au moment où les salariés, en congé d'été, seront plus difficiles à mobiliser. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Levy.
    Mme Geneviève Levy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion que nous avons ce matin autour de la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste a un air de déjà vu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Albert Facon. C'est une excellente proposition de loi !
    Mme Geneviève Levy. Il n'y a pas si longtemps - le 27 novembre 2001 vous aviez en effet discuté d'un texte identique, émanant déjà des mêmes bancs.
    M. Pascal Terrasse. Et que disaient vos amis à l'époque ?
    Mme Geneviève Levy. Il faut dire que partir à la retraite avant soixante ans, dès lors que l'on a cotisé le nombre de trimestres nécessaire pour obtenir le taux plein, est un souhait parfaitement compréhensible (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) dans une période où les incertidudes du marché de l'emploi sont nombreuses. C'est incontestablement une demande sociale légitime.
    M. Alain Néri. C'est un droit !
    M. Albert Facon. Elle est des nôtres ! Elle va voter la proposition.
    Mme Geneviève Levy. Nous sommes tous d'accord sur ce point, d'autant que cette demande concerne des salariés ayant commencé à travailler jeunes, parfois dès l'âge de quatorze ans, et qui ont connu des conditions de travail difficiles.
    M. Albert Facon. C'est très bien... jusqu'à présent !
    Mme Geneviève Levy. En proposant à nouveau d'examiner ce texte, le groupe communiste fait preuve d'une certaine cohérence.
    M. Jean-Claude Lefort. D'une cohérence certaine, madame !
    Mme Geneviève Levy. L'issue de la discussion ne vous avait pas été favorable. A l'époque, le Gouvernement, sous la conduite d'Elisabeth Guigou, avait invoqué l'article 40 pour s'opposer à la discussion, ce qui n'avait pas manqué, d'ailleurs, de creuser un peu plus la faille entre les différentes composantes d'une majorité chaque jour plus divisée.
    M. Alain Néri. Ne vous réjouissez pas trop vite ! Ça va venir pour vous.
    M. Albert Facon. Les failles apparaissent vite !
    Mme Geneviève Levy. Pour justifier une telle décision, Mme Guigou expliqua que cette question importante serait abordée dans le cadre de la réforme globale que le gouvernement de M. Jospin entendait mettre en oeuvre rapidement. Elle déclara : « La tâche du prochain gouvernement sera d'organiser immédiatement après les élections, non pas une concertation qui est déjà menée au sein du Conseil d'orientation des retraites, mais bien des négociations avec les partenaires sociaux, avec, naturellement, la participation de l'Etat lui-même sur certains sujets ».
    M. Albert Facon. C'est pour cela qu'il faut voter aujourd'hui !
    Mme Geneviève Levy. Reconnaissons-le, ces quelques mots illustrent parfaitement votre bilan en matière de retraite : une succession d'effets d'annonce, sans aucune concrétisation.
    M. Alain Néri. Et la retraite complémentaire des agriculteurs, c'est quoi ?
    Mme Geneviève Levy. Nous savons aujourd'hui ce que votre inaction en la matière vous a coûté sur le plan électoral. Les Français n'ont pas été dupes,..
    M. Alain Néri. Non, ils ont été trompés : c'est différent !
    Mme Geneviève Levy. ... et savent que la multiplication des rapports et des groupes de travail n'a jamais tenu lieu de politique. Ils réclament des propositions fortes et responsables, à même de garantir l'avenir de leurs retraites.
    Plus grave peut-être, l'immobilisme pèse aujourd'hui sur le choix opéré. Alors même que le précédent gouvernement a bénéficié d'une période de croissance exceptionnelle, il n'a rien fait pour sauvegarder notre régime par répartition,..
    M. Alain Néri. Si, il a abrogé la loi Thomas. Il faudrait réviser avant de viser !
    Mme Geneviève Levy. ... sinon vider régulièrement le fonds de réserve des retraites de ses ressources, notamment pour financer les 35 heures.
    Il y a de quoi, aujourd'hui, regretter cette inaction. Beaucoup d'argent a été dépensé, qui aurait pu être utilisé pour mettre en oeuvre des mesures indispensables à la survie de notre régime de retraites.
    M. Albert Facon. Demandez plutôt à MAM de renoncer à la construction d'un nouveau porte-avions !
    M. Alain Néri. En tout cas, nous n'avons pas baissé l'ISF, nous !
    Mme Geneviève Levy. Aujourd'hui, le débat sur la proposition de notre collègue Alain Bocquet s'ouvre dans un contexte radicalement différent de celui qui a présidé à l'examen de ce texte en novembre 2001.
    lev
    M. Albert Facon. Eh oui : la Bourse n'est pas bonne.
    M. Pascal Terrasse. Et le chômage remonte !
    Mme Geneviève Levy. Rompant avec la logique de l'immobilisme, dont nous savons que les premières victimes seraient les Français les plus modestes,...
    M. André Chassaigne. Le tour de passe-passe commence !
    M. Alain Néri. Est-ce pour eux que vous avez baissé l'ISF ?
    Mme Geneviève Levy. ... le Gouvernement, sous la conduite de Jean-Pierre Raffarin, a fait du chantier de la réforme des retraites sa priorité, avec un enjeu clair : la sauvegarde de notre régime par répartition et de la solidarité entre les générations.
    M. Alain Néri. Nous, nous avons abrogé la loi Thomas, pas vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Geneviève Levy. Car réformer les retraites, c'est non seulement défendre les retraités, mais c'est aussi et surtout protéger la jeune génération qui arrive sur le marché du travail et qui, si rien n'est fait, devra payer le prix fort. Or il y a urgence à agir, car les évolutions démographiques, marquées par la dégradation du rapport entre le nombre des cotisants et celui des inactifs, ne nous offrent pas de solution alternative. Le rapport du Conseil d'orientation des retraites l'a clairement démontré : si aucune réforme n'est engagée d'ici à 2040, soit le montant des retraites par rapport au revenu d'activité sera quasiment divisé par deux, soit le taux de cotisation sera augmenté de 60 %. Aucune de ces solutions n'est évidemment acceptable, ni du point de vue économique, ni du point de vue social.
    Depuis le mois de janvier, le calendrier de la réforme est connu, le Premier ministre l'ayant présenté devant le Conseil économique et social. La concertation avec les partenaires sociaux est actuellement en cours et, contraitement à ce que certains avaient annoncé, elle fonctionne puisque tous, sans exception, se sont assis autour de la table pour discuter de cette réforme essentielle. Des groupes de travail viennent d'être mis en place pour examiner ses aspects les plus techniques. Nous ne pouvons que souhaiter, sur tous les bancs de cette assemblée, que cette réforme aboutisse. Encore faut-il respecter cette étape indispensable qu'est le temps du dialogue, de la concertation car, comme l'a rappelé M. le Premier ministre, sans vrai débat il n'y aura pas de vraie réforme, c'est-à-dire de réforme acceptée et partagée.
    M. Jean-Claude Lefort. Mais tout le monde est d'accord là-dessus !
    M. André Chassaigne. Mais oui !
    Mme Geneviève Levy. En présentant un texte alors même que ce dialogue est en cours...
    M. André Chassaigne. C'est bien alambiqué !
    Mme Geneviève Levy. ... Il me semble, mes chers collègues, que vous êtes en pleine contradiction.
    M. Jean-Claude Lefort. Mais non !
    M. Albert Facon. Vous voulez gagner du temps !
    Mme Geneviève Levy. On ne peut pas à la fois appeler à la négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, et prétendre imposer une solution.
    M. Jean-Claude Lefort. Comment cela, « imposer » ?
    M. Albert Facon. Personne ne refusera cette mesure.
    Mme Geneviève Levy. Quel serait le message adressé aux partenaires sociaux par les parlementaires si nous légiférions aujourd'hui sans attendre le résultat de la concertation ? Ne seraient-ils pas légitimement conduits à dénoncer une certaine hypocrisie de notre part ? (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains.) Voilà pourquoi il ne me paraît pas opportun de légiférer aujourd'hui. C'est dans le cadre d'une réforme globale que sera abordée la question des salariés ayant cotisé quarante annuités avant soixante ans.
    M. Jean-Claude Lefort. Ils seront morts !
    M. André Chassaigne. Où est l'hypocrisie ?
    Mme Muguette Jacquaint. C'est vous qui êtes hypocrites !
    Mme Geneviève Levy. La réforme aura lieu au mois de juin, madame.
    Mme la présidente. Madame Levy, veuillez continuer !
    Mme Geneviève Levy. Il est d'autant plus nécessaire d'aborder cette question dans le cadre d'une réforme globale que l'adoption de cette proposition de loi en l'état ne résoudrait pas la situation des salariés concernés.
    M. Alain Néri. Mais si !
    Mme Geneviève Levy. En effet, si les personnes aujourd'hui salariées pouvaient faire valoir leurs droits à une retraite de base à taux plein avant soixante ans, elles subiraient des abattements très élevés sur leur retraite complémentaire...
    M. Alain Néri. Alors, votez notre amendement sur les retraites complémentaires !
    Mme Geneviève Levy. ... sachant, en outre, qu'avant cinquante-cinq ans il n'y a pas de droit à retraite complémentaire.
    M. André Chassaigne. Tartuferie !
    Mme Geneviève Levy. Les salariés les plus pénalisés seraient donc ceux qui ont commencé à travailler le plus jeune, ce qui va évidemment à l'encontre de l'objectif poursuivi. C'est pourquoi, si nous voulons garantir aux salariés un niveau de pension satisfaisant, il est indispensable d'en passer par la négociation.
    Cette revendication est par ailleurs indissociable d'une autre question essentielle : celle du taux d'activité des salariés de plus de cinquante ans. En effet, sur les 859 000 personnes potentiellement concernées par votre proposition de loi, la moitié n'est plus salariée : elles sont soit au chômage, soit dans un dispositif de préretraite. Nous le savons désormais, cette faiblesse du taux d'activité des salariés de plus de cinquante ans en France pèse de façon importante sur l'équilibre de notre régime par répartition.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai !
    Mme Geneviève Levy. Elle conduit, dans le secteur privé, à un écart entre l'âge moyen de cessation d'activité, qui est de cinquante-huit ans, et l'âge d'ouverture des droits à pension.
    M. Maxime Gremetz. On parle des salariés !
    Mme Geneviève Levy. Ainsi, deux Français sur trois sont inactifs au moment de la liquidation de leur retraite.
    M. Maxime Gremetz. Chiffre faux ! Interrogez le ministère !
    Mme Geneviève Levy. Dans ces conditions, se dessine aujourd'hui un consensus sur la nécessité de relever le taux d'activité de ces salariés. L'expérience d'autres pays européens, notamment la Finlande, nous montre les résultats d'une politique volontariste en la matière, qui passe par un meilleur accès à la formation professionnelle, un assouplissement des conditions de cumul emploi-retraite et une diminution de l'utilisation des dispositifs de préretraite.
    La suspension de toute condition d'âge pour bénéficier de sa retraite avec, pour corollaire, la seule prise en compte de la durée d'assurance risquerait d'aller à l'inverse de cet objectif. A cet égard, il est intéressant de noter que le maintien d'un âge minimum est le choix retenu par les pays ayant instauré des plages de départ à la retraite. Cet âge minimum est, par exemple, de soixante et un ans en Suède.
    Mme Janine Jambu. Et alors ?
    Mme Geneviève Levy. Quant à l'hypothèse avancée par M. Bocquet dans sa présentation en commission des affaires sociales, selon laquelle permettre aux salariés âgés de partir plus tôt à la retraite, c'est offrir des chances supplémentaires aux jeunes pour s'insérer professionnellement...
    M. Alain Néri. Eh oui !
    Mme Geneviève Levy. ... elle me paraît être une erreur évidente. La France est le pays européen qui cumule le taux d'activité des salariés de plus de cinquante ans le plus bas d'Europe, avec une entrée sur le marché du travail plus tardive. Tout laisse à penser que l'Europe sera, dans les prochaines années, davantage confrontée à un problème d'emploi des salariés âgés que de chômage des jeunes.
    M. Maxime Gremetz. Allez voir les grands groupes ! Ce sont eux qui les jettent à la porte !
    Mme Geneviève Levy. J'appelle aussi votre attention sur la nécessité de préserver le niveau moyen des pensions et de garantir un taux de remplacement suffisant. L'âge minimal d'ouverture des droits à la retraite permet d'éviter des départs trop précoces de la part d'individus qui sous-estimeraient leur durée de vie à la retraite et leurs besoins financiers au cours de cette période.
    Mes chers collègues, la prise en compte des besoins collectifs nous oblige au réalisme.
    M. Xavier Bertrand. Très bien !
    Mme Geneviève Levy. Rien ne serait pire pour l'avenir de notre système par répartition que la surenchère et la démagogie. Si nous sommes tous soucieux de répondre aux aspirations légitimes qui s'expriment, nous savons aussi qu'il est actuellement difficile...
    Mme la présidente. Madame Levy, vous avez dépassé votre temps de parole !
    M. Christian Vanneste. A cause des interruptions !
    Mme Geneviève Levy. Je termine, madame la présidente !
    Nous savons qu'il est difficile d'envisager une augmentation des dépenses de retraite car les régimes par répartition seront confrontés dans les prochaines années à des problèmes d'équilibre considérables. A l'horizon 2020, ce sont 50 milliards d'euros qu'il nous faudra trouver.
    M. Albert Facon. Il faut prendre sur l'ISF !
    M. Pascal Terrasse. 10 milliards cette année pour la sécurité sociale !
    Mme la présidente. Laissez Mme Levy conclure !
    Mme Geneviève Levy. Mes chers collègues, le débat, ce matin a une vertu pédagogique : c'est l'occasion pour nous d'échanger sur ce qui constitue un dossier essentiel : nos retraites.
    M. Alain Néri. Il aurait fallu que M. Fillon soit là !
    Mme la présidente. Monsieur Néri, s'il vous plaît !
    Mme Geneviève Levy. Une réforme est en oeuvre, il ne nous appartient pas aujourd'hui de nous prononcer sur ce que sera son contenu. Les marges de manoeuvre sont étroites et la tâche des partenaires sociaux et du Gouvernement est ardue.
    Donnons-leur le temps de la réflexion qu'impose cette réforme. Nous savons qu'elle est largement attendue par des Français profondément inquiets pour l'avenir de leur retraite. Ces quelques mois sont indispensables. Ils pèsent d'ailleurs peu, au regard des années perdues par le précédent gouvernement. (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De ce point de vue, et même si nous n'allons pas aujourd'hui au bout de la discussion de cette proposition de loi, ce débat nous aura permis de mesurer toute l'importance du défi qui nous attend. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Albert Facon. Il nous aura permis surtout de constater que vous n'êtes pas d'accord !
    Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant de me prononcer sur le fond de la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe communiste, je voudrais replacer ce débat dans un contexte plus général, celui de l'avenir des retraites, mais aussi rappeler la position qu'avait adoptée notre groupe puisque certains l'ont évoquée - il y a un peu moins de dix-huit mois maintenant.
    Madame la ministre, nous aurions souhaité que le ministre des affaires sociales puisse être présent à l'occasion de ce débat. Plusieurs parlementaires ont dit des choses très intéressantes et c'était l'occasion pour lui de connaître la position des groupes représentés au sein de l'hémicycle.
    M. Daniel Prévost. Ce sera au Journal officiel.
    M. Pascal Terrasse. Madame la ministre, j'espère que vous aurez l'occasion de transmettre à votre collègue les propos qui ont été tenus en séance.
    Le contenu de la proposition de loi visant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein avant l'âge de soixante ans n'est pas nouveau pour les socialistes. Il a déjà été examiné par notre assemblée en 2001, sous la forme d'un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, déposé par le groupe communiste et adopté à l'unanimité par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. S'il n'a malheureusement pas été retenu dans le cadre de ce projet de loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), cet amendement a permis de créer l'allocation équivalent retraite qui représente - j'y reviendrai - une avancée significative.
    Toujours tenace et convaincu du bien-fondé de sa démarche, notre collègue Alain Bocquet avait déposé, le 27 novembre 2001, une proposition identique à celle examinée aujourd'hui. Le Gouvernement de l'époque ayant invoqué l'article 40 de la Constitution pour la rejeter, il me paraît utile de rappeler nos positions de l'époque telles que les a rapportées le Journal officiel.
    Outre, naturellement, le coût financier d'une telle réforme - je note que les chiffres avancés par l'actuel gouvernement sont différents de ceux annoncés en 2001 -, deux arguments essentiels avaient guidé nos choix.
    D'une part, j'avais personnellement rappelé devant la commission des affaires sociales qu'une telle mesure n'avait de sens qu'à partir du moment où elle s'inscrivait dans une démarche globale. Il nous paraissait plus adapté, hier comme aujourd'hui, de disposer d'un diagnostic éclairé sur les réformes à venir de manière que ce dispositif puisse intégrer d'autres notions, par exemple la pénibilité du travail ou encore l'usure prématurée de certaines catégories socioprofessionnelles. Or, à l'époque, nous ne disposions pas des analyses du Conseil d'orientation des retraites, dont je note que tous les acteurs sociaux reconnaissent aujourd'hui l'expertise. Les travaux du COR nous permettent à présent de disposer de données objectives et d'apprécier au mieux la situation de nombreux salariés qui ont commencé à travailler très jeunes et dans des conditions parfois très difficiles, situation parfaitement décrite par Alain Néri.
    Ayant ainsi mis en évidence la nécessité de renvoyer cette proposition au débat général sur les retraites, j'avais souligné, d'autre part, que ce type de mesure devait s'accompagner d'une négociation avec l'ensemble des partenaires sociaux.
    Comment, en effet, faire vivre une réforme si elle s'applique au seul régime général, sans tenir compte des autres régimes, les régimes spéciaux de salariés mais aussi ceux de la fonction publique ?
    Comment mettre en place un tel dispositif s'il n'est pas accompagné par les régimes des retraites complémentaires ou encore par l'AGFF, le point de repère collectif, reconnu par l'ensemble des organisations syndicales, étant l'âge de 60 ans ? Vous connaissez comme moi, mes chers collègues, la situation d'un salarié au SMIC, exemple très parlant : avec un salaire net de 915 EUR, un salarié faisant valoir ses droits à pension perçoit environ 530 EUR sans la part complémentaire. D'ailleurs, nombre de salariés âgés bénéficient de dispositifs plus avantageux lorsqu'ils sont privés d'emploi. Ainsi, l'allocation équivalent retraite, dont bénéficient plusieurs dizaines de milliers de salariés, est un dispositif parfaitement adapté, qu'il faudra néanmoins améliorer.
    Telles sont, pour l'essentiel, les raisons qui guidaient notre choix et notre position n'a pas varié.
    Mais, depuis l'examen de ce texte à la fin de 2001, il semble qu'un fort consensus se soit dégagé tant du côté des partenaires sociaux qu'au sein des groupes politiques de notre assemblée, à en croire les débats qui ont eu lieu en commission. Cette demande est également soutenue par une très large majorité des représentants du COR et fait partie des revendications des organisations syndicales.
    Rien ne semble donc plus s'opposer à la mise en place de ce dispositif légitime de justice sociale. Rien, sauf si le Gouvernement nous fait savoir dans un petit moment qu'une telle mesure n'est pas envisageable aujourd'hui, pas plus qu'elle ne le sera demain dans le cadre de la réforme des retraites. C'est pourquoi, madame la ministre, nous attendons avec beaucoup d'impatience le point de vue du Gouvernement non seulement sur le sujet dont nous débattons aujourd'hui, mais encore sur les orientations qu'il envisage pour demain. A ce propos, vous allez certainement nous répondre que le temps du débat n'est pas achevé et qu'il est urgent d'attendre. Reste que les parlementaires avertis du dossier des retraites ont déjà pu prendre connaissance dans un grand quotidien national, il y a une dizaine de jours, des grandes orientations déjà définies par le ministre et le Gouvernement. Elles nous inspirent quelques inquiétudes et nous aimerions dès aujourd'hui obtenir des réponses.
    L'avenir des retraites représente pour les Français un enjeu essentiel, sur le plan tant individuel que collectif. Le système par répartition est un des termes fondamentaux du pacte social. En 1995, la méthode sans partage du gouvernement Juppé avait réussi à mobiliser plus d'un million de personnes dans la rue contre une réforme qu'il dut ensuite abandonner. Dès son arrivée en 1997, le gouvernement de Lionel Jospin a su tirer les leçons de cet épisode dramatique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
    M. Marc Bernier. On se demande ce qu'il a fait !
    M. Jean-Marc Lefranc. Rien !
    M. Pascal Terrasse. ... en mettant en place des outils pour une concertation régulière sur l'avenir des retraites. Nous avons fait le choix, messieurs, d'apaiser d'abord le climat tendu que vous nous aviez laissé. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Xavier Bertrand. L'immobilisme, ça vous connaît !
    M. Pascal Terrasse. Eh oui, c'est pour sortir de cette impasse que nous avons créé le Conseil d'orientation des retraites, institution que vous ne remettez pas en cause et dont le diagnostic, largement partagé par les partenaires sociaux, devrait servir au Gouvernement pour préparer sa réforme.
    S'agissant des raisons de la réforme, il convient de présenter avec clarté les arguments qui conduisent à ne pas se satisfaire de l'état actuel des choses. La réforme des retraites ne se justifie que par les améliorations significatives qu'elle doit apporter, et doit s'apprécier au regard de l'effort qu'elle imposera nécessairement. Encore faut-il être à même d'identifier clairement le sens dans lequel on veut aller et les objectifs que l'on cherche à atteindre pour éviter le risque d'une réforme contreproductive.
    Quelle est la problématique et qu'en pensent les Français ?
    Tous les acteurs nous disent et toutes les enquêtes montrent que la retraite demeure un sujet de préoccupation essentiel pour les Français, notamment parce que ce problème de société rend les générations solidaires entre elles devant l'enjeu qui se profile. Les questions posées par l'ensemble des Français sont finalement simples : quelle pension, à quel âge et après quelle durée d'activité ?
    Les Français sont bien informés sur le dossier des retraites, sauf à considérer, comme semble le faire le Gouvernement, qu'il faut répandre dans la société une vision absolument catastrophiste de l'avenir, en s'appuyant sur un plan de communication de masse.
    Nous pensons que les mesures à prendre pour faire vivre la répartition et assurer son équilibre à long terme ne sauraient se réduire à de simples ajustements de paramètres de fonctionnement et qu'il faut élargir le débat à d'autres questions, au premier rang desquelles figure l'élément déterminant de la création d'emplois et de la politique qui s'y rattache. Pour les socialistes, l'emploi et les retraites sont des questions indissociablement liées et qui doivent être examinées conjointement. Il serait vain de s'interroger sur l'âge de départ à la retraite ou la durée d'activité sans considérer le fait que plus d'une personne sur deux est aujourd'hui inactive avant l'ouverture de ses droits à pension.
    L'allongement de la durée de vie pose la question de l'aptitude au travail dans le temps et celle de la considération portée aux salariés les plus âgés. Allonger la durée de cotisation obligera le salarié soit à différer son départ à la retraite, soit à réduire le montant de sa pension. Mais cela revient en fait à allonger la vie active et à donner ainsi encore plus d'acuité à la problématique du chômage. Ce point est essentiel dans un contexte où le salarié est considéré de plus en plus tôt comme trop âgé, ou bien parce que son coût salarial est jugé trop élevé par l'employeur, ou bien parce que sa capacité de travail ne répond plus aux exigences de rendement et de qualité. La décision d'allonger la durée de cotisation ne peut être prise en ignorant l'accès difficile des plus jeunes à un premier emploi, le temps partiel subi qui frappe évidemment les femmes en priorité, ou encore la situation des chômeurs âgés qui peinent à renouer avec l'emploi.
    Durcir les conditions d'éligibilité à la retraite alors que l'accès à l'emploi est inégalitaire reviendrait à aviver encore la concurrence entre les salariés. Il importe donc de mieux utiliser les capacités de travail tout au long de la vie active et de relever en priorité le taux permanent d'activité.
    Depuis vingt ans s'est formée en France une coalition d'intérêts pour reporter sur la collectivité le coût financier d'un départ anticipé des salariés à la retraite dès 55 ans, et parfois même avant.
    Du point de vue des salariés, les raisons sont simples. Partir en préretraite, c'est d'abord en finir avec la crainte du chômage, surtout à un âge où on pense qu'il ne sera pas facile d'en sortir. C'est en même temps s'assurer des revenus jugés souvent suffisants à une période de la vie où les besoins diminuent avec l'accession des enfants à l'autonomie financière. Tous les sondages, et plus encore les études de la DREES, direction de la recherche du ministère des affaires sociales, font état d'un souhait massif de mettre un terme à la vie professionnelle plusieurs années avant l'âge de soixante ans.
    Mme la présidente. Monsieur Terrasse, je vous prie de conclure.
    M. Pascal Terrasse. Je regrette de ne pas avoir assez de temps, madame la présidente.
    Comment aborder le thème des retraites sans évoquer l'usure prématurée de certaines catégories de travailleurs ? La médecine du travail est unanime dans l'analyse qu'elle présente. La pénibilité physique ou psychologique, les exigences drastiques de rendement imposées à ceux qui travaillent à la chaîne, l'organisation des horaires du travail de nuit et du travail posté, ou encore l'exposition au bruit, à la poussière, aux toxines, sont autant de contrainte subies qui génèrent des risques graves pour la santé et réduisent la durée de vie de certaines catégories sociales. Je n'insisterais pas sur les inégalités dont souffrent en particulier les ouvriers, dont l'espérance de vie est très inférieure, de six ans et demi, à celle des cadres supérieurs, l'écart étant équivalent pour la durée de vie passée à la retraite après soixante ans.
    La pénibilité du travail, tout comme l'usure prématurée ou encore la possibilité de bénéficier de la liquidation de ses droits à la retraite avant soixante ans et même, selon le groupe socialiste avant quarante annuités de cotisation, tout cela doit faire partie intégrante du débat sur la réforme des retraites. Sur ce point aussi, nous attendons du Gouvernement des mesures concrètes, faute desquelles nos concitoyens, en tout cas ceux qui le peuvent, se réfugieraient dans des formes individuelles de capitalisation.
    Mme la présidente. Je vous demande instamment de conclure.
    M. Pascal Terrasse. J'en ai terminé, madame la présidente.
    Quant aux autres, c'est-à-dire les plus nombreux, ils éprouveraient un sentiment d'abandon. Voilà pourquoi nous souhaitons que la réforme à venir donne aux 800 000 personnes concernées le droit de partir à la retraite avant soixante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

    Mme la présidente. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 27 mars inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.
    Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.
    J'attire l'attention de l'Assemblée sur le fait que le projet sur l'activité de mercenaire a été retiré de l'ordre du jour de cet après-midi.
    Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion du projet, adopté par le Sénat, portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation, inscrit à l'ordre du jour du jeudi 27 mars.

3

RETRAITE À TAUX PLEIN
AVANT L'ÂGE DE 60 ANS

Reprise de la discussion d'une proposition de loi

    Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues tendant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé quarante annuités avant d'atteindre l'âge de 60 ans.

Discussion générale (suite)

    Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.
    M. Christian Vanneste. Madame la présidente, madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir sur la proposition de loi de M. Bocquet parce que, comme lui, j'ai cette sensibilité nordiste marquée par le poids d'une tradition : celle du travail, ...
    M. Patrick Braouezec. Elle n'existe pas que dans le Nord ! Vous faites insulte aux gens du Sud !
    M. Christian Vanneste. ... un travail commencé en général à un âge précoce, un travail sans qualification, un travail pénible. C'est ainsi que beaucoup de salariés de l'agglomération de Roubaix-Tourcoing ont trouvé leur premier emploi à treize ou quatorze ans, dans l'une de ces entreprises textiles qui se trouvaient littéralement à leur porte.
    La mesure proposée est donc apparemment excellente, et je la voterais volontiers (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Alain Néri. Gardez le cap !
    M. Christian Vanneste. ... parce qu'elle répond à une demande croissante de la population, qui constate deux faits contradictoires. D'une part, l'évolution du textile - je parle du Nord - menace de nombreux emplois, et l'une des mesures qui accompagnent généralement les plans sociaux consiste précisément à permettre les départs anticipés, par exemple l'octroi du FNE à 57 ans. D'autre part, on considère comme une injustice l'obligation de travailler jusqu'à 60 ans lorsqu'on a commencé à 14 ans, soit 46 ans de cotisation quand certaines catégories bénéficient d'un droit plein avant 40 annuités.
    Malheureusement, une mesure peut être excellente dans son principe et néfaste dans son application. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Chassaigne. Ça se gâte !
    M. Christian Vanneste. J'avais peur de vous décevoir...
    C'est le cas lorsqu'au lieu de s'intégrer à un ensemble elle arrive au mauvais moment et au mauvais endroit.
    M. Alain Néri. Mais pour l'ISF, c'était le bon moment !
    M. Christian Vanneste. Intégrée à une réforme d'ensemble du système de retraites, cette mesure aurait eu deux effets positifs. D'une part, elle aurait mis l'accent sur le principe qui doit guider la réforme : le principe d'équité. D'autre part, elle aurait eu pour conséquence de mettre au premier rang le nombre d'années de cotisations plutôt que le seuil de l'âge pour donner droit à la retraite.
    Cette évolution, apparemment contradictoire avec l'idée même de répartition, est cependant celle qui correspond le mieux à l'idée que les Français se font de leurs droits. Naturellement, le principe du nombre d'années de cotisations, une fois posé, permettrait de comprendre que ceux qui ont commencé à travailler plus tard, par exemple en raison d'études longues, devraient également poursuivre leur vie de travail plus tardivement. Il n'y aurait là rien de contraire à l'équité puisque, de manière générale, l'espérance de vie s'allonge : elle devrait atteindre 81 ans pour les hommes et de 87 ans pour les femmes en 2040. De plus, ceux qui commencent à travailler le plus tôt exercent les professions les plus pénibles et ont une espérance de vie plus limitée.
    En revanche, si une telle mesure est mise en oeuvre isolément, elle se révélera néfaste et enclenchera un véritable cercle vicieux. En effet, la générosité apparente d'aujourd'hui apparaîtra comme une cause d'appauvrissement demain, puisqu'elle accentuera le déséquilibre entre ceux qui travaillent et cotisent et ceux qui ne travaillent plus et perçoivent les pensions. Chacun connaît les effets possibles de ce déséquilibre : soit une diminution des retraites, soit une diminution de l'emploi en raison de l'alourdissement trop important des charges, alourdissement que vous négligez systématiquement. On voit là se dessiner une spirale de déclin. Un travail plus coûteux devient un travail plus rare et donc nécessairement encore plus coûteux, puisque le poids de ceux qui ne travaillent pas pèse sur le nombre de moins en moins grand de ceux qui travaillent.
    M. Jean-Claude Lefort. On libère combien d'emplois avec cette proposition de loi ?
    M. Christian Vanneste. Contrairement à ce que vous dites, monsieur Bocquet, le départ en retraite ne crée pas d'emplois.
    M. Pascal Terrasse. N'importe quoi !
    M. Christian Vanneste. Lorsque l'on compare les différents pays européens, ce sont ceux où l'on travaille le plus tard qui ont aussi le taux de chômage le plus bas.
    M. Pascal Terrasse. Le Portugal et la Grèce, par exemple...
    M. Christian Vanneste. Rappelez-vous l'image qui résume l'aube de la Révolution. C'est celle d'un paysan portant sur son dos un noble et un prêtre. Voulez-vous que l'image des années qui viennent soit celle d'un travailleur portant sur son dos celui qui ne travaille pas encore, et travaillera de plus en plus tard, celui qui ne travaille plus, et cela de plus en plus tôt, et, par voie de conséquence, celui qui ne travaille pas parce que le travail est devenu trop cher ? Comme le disait Alain Minc, « vous avez choisi le chômage ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Alain Néri. C'est du délire ! Mettez les mains dans le cambouis de temps en temps !
    M. Christian Vanneste. La question de la retraite ne peut être envisagée qu'en fonction de trois variables : démographique, économique et sociale. Or chacune de ces variables recèle un risque de déséquilibre majeur dans les années à venir.
    Premier risque : un déséquilibre entre une population nombreuse de retraités et une population plus réduite de travailleurs.
    Deuxième risque : une distorsion entre les pays où le coût du travail serait devenu prohibitif et les autres.
    M. Jean-Claude Lefort. Le coût du travail prohibitif ? ...
    M. Pascal Terrasse. Pour l'UMP, c'est le modèle philippin qu'il faut suivre !
    M. Christian Vanneste. Troisième risque, enfin : un appauvrissement inacceptable des retraités.
    La mesure que vous proposez ne peut, en l'état, qu'accentuer ces risques. Elle ne peut être qu'un facteur d'aggravation du chômage, alors qu'elle pourrait être, demain, l'une des mesures d'équité destinées à faire mieux prendre conscience aux Français que la question des retraites ne peut être résolue qu'en associant l'équité, l'efficacité économique et la liberté.
    M. Alain Néri. Ce sont des mots ! Où sont les actes ?
    M. Christian Vanneste. Le Gouvernement a affirmé vouloir préserver le régime de retraite par répartition, mais la répartition devra aboutir à une meilleure équité entre les Français. Les intérêts catégoriels devront, en concertation, tenir compte de l'intérêt collectif primordial. La liberté de choix devra être assurée : ceux qui souhaitent prolonger leur activité devront pouvoir le faire, et ainsi augmenter leurs droits.
    Mme Muguette Jacquaint. Ils ne pourront pas le souhaiter, si c'est obligatoire !
    M. Christian Vanneste. C'est pourquoi je ne voterai pas cette proposition de loi. Cependant, je m'associe au souhait des salariés qui veulent pouvoir se retirer une fois leurs quarante annuités acquises (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains, et du groupe socialiste)...
    M. Marcel Dehoux. Grand écart !
    M. Christian Vanneste. ... et ce quel que soit leur âge. Je souhaite, madame la ministre, que leur attente soit pleinement satisfaite dans peu de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Chassaigne. Démago !
    Mme la présidente. La parole est à M. Georges Colombier.
    M. Pascal Terrasse. M. Colombier est un homme d'expérience !
    M. Georges Colombier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collèges, le texte qui nous est soumis ce matin s'inscrit dans le concept de justice sociale et d'équité entre tous les salariés devant la retraite. Il s'agit d'une idée séduisante, qui a le mérite de venir enrichir le débat actuel sur la réforme des retraites. Je remercie donc sincèrement - et mon collègue Denis Jacquat s'associe à cette démarche - ...
    M. Pascal Terrasse. Voilà un autre homme d'expérience !
    M. Georges Colombier. ... les auteurs de cette proposition de loi, qui, à leur manière, apportent leur pierre à l'édifice que nous souhaitons bâtir pour sauver le système par répartition.
    Pour ma part, je souhaiterais faire part de plusieurs réflexions en mettant en lumière, une fois n'est pas coutume, mon expérience personnelle et la nécessité d'approfondir davantage le débat. Salarié de l'industrie pendant vingt-huit années, ayant connu les « deux huit » et les « trois huit », je sais encore, dix-sept ans après, ce que signifie la pénibilité du travail.
    Je n'ai donc cessé de défendre la possibilité, pour les personnes ayant commencé à travailler très tôt, de faire valoir leur droit à la retraite avant soixante ans, au bout de quarante années de cotisation.
    M. Alain Néri. Allez leur expliquer pourquoi vous ne voterez pas ce texte ce matin !
    M. Georges Colombier. Ce n'est que justice lorsqu'on connaît les effets parfois néfastes que peuvent avoir des conditions de travail difficiles sur l'espérance de vie d'un salarié.
    Si cette mesure peut paraître intéressante, il faut toutefois admettre qu'elle a un coût non négligeable, qu'il semble difficile d'assumer au vu de la conjoncture économique actuelle. En effet, d'après les évaluations du Conseil d'orientation des retraites, et si l'on ne s'en tient qu'aux seuls salariés âgés de cinquante-huit et cinquante-neuf ans, cette mesure représentait 7,6 milliards d'euros en 2001.
    M. Pascal Terrasse. Encore un chiffre différent !
    M. Georges Colombier. Par ailleurs, s'il est légitime que ceux qui le souhaitent puissent prendre leur retraite avant soixante ans, l'inverse doit être également envisagé et les salariés doivent aussi avoir la possibilité de poursuivre leur activité au-delà des quarante annuités réglementaires pour améliorer leur future retraite. Or tel n'est pas le cas actuellement, ce qui est certainement démotivant pour ces salariés qui ont l'impression de cotiser pour rien.
    La souplesse doit donc être la règle en matière de départ à la retraite dans un sens comme dans l'autre. Cela correspond à la volonté des partenaires sociaux et du Gouvernement, qui estiment que chacun doit pouvoir choisir l'âge de son départ en retraite, qu'il doit être possible de prévoir un départ progressif pour éviter une coupure subite entre vie active et retraite et, enfin, que celui qui part plus tard doit bénéficier d'un montant supérieur de retraite.
    Enfin, je souhaite m'exprimer sur la notion de pénibilité du travail, point très délicat. Il est indispensable en effet que cette notion soit davantage prise en compte dans le calcul des cotisations et dans la durée nécessaire pour faire valoir ses droits à la retraite. Toutefois, chaque corps de métier pourrait être considéré comme pénible et le progrès technique peut rendre moins pénible une activité qui était auparavant considérée comme telle. C'est pourquoi cette notion demeure très complexe à définir. Il est donc nécessaire de mener une réflexion dans le cadre d'un débat beaucoup plus large et d'une concertation entre les partenaires sociaux de chaque branche.
    De plus, cette aspiration des salariés à pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein avant soixante ans dès lors qu'ils ont cotisé quarante annuités doit être analysée à la lumière de la situation des salariés de plus de cinquante ans dans notre pays. Le fait que la moitié des personnes concernées soient demandeurs d'emploi ou dans un dispositif de cessation anticipée d'activité constitue en effet une motivation forte pour demander à pouvoir bénéficier de la retraite.
    Notre pays se caractérise donc par la faiblesse du taux d'emploi des salariés de plus de cinquante-cinq ans. Avec un taux de 32 % pour les hommes, la France est très en dessous de la moyenne européenne qui est de 50 %. Cette situation est notamment due à l'usage massif des dispositifs de préretraite dans la période récente. Cette exclusion de l'emploi des salariés avant l'âge légal hypothèque l'équilibre des régimes de retraite, en diminuant les recettes.
    La suppression d'une condition d'âge minimal pour bénéficier d'une retraite à taux plein doit être analysée à travers l'objectif de relèvement du taux d'activité des salariés de plus de cinquante ans. Il conviendra donc de ne pas l'adopter sans y ajouter d'autres mesures qui permettraient de compenser ses effets par des dispositions incitant les salariés à travailler et les employeurs à faire travailler jusqu'à soixante ans.
    Pour conclure, j'estime que cette proposition de loi est légitime bien qu'arrivant un peu tôt. En effet, la concertation sociale et la mise en place des groupes de travail n'en sont qu'à leurs début et il est clair que cette question ne saurait être traitée en dehors du débat qui s'est ouvert entre le Gouvernement et les partenaires sociaux depuis le début de l'année, et qui se poursuivra au Parlement au début de l'été.
    Cette proposition figure dans la plate-forme commune élaborée le 6 janvier dernier par l'ensemble des organisations syndicales.
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. Georges Colombier. On retrouve, d'ailleurs, cette idée dans le programme de l'UMP pour les élections législatives de juin 2002.
    M. Jean-Claude Lefort. Personne ne le connaît !
    Mme Geneviève Levy. Mais si, monsieur Lefort ! Et les Français ont voté à partir de ce texte !
    M. Georges Colombier. Nombre d'entre nous ont pu constater que l'adoption d'une telle mesure serait très bien accueillie parmi les salariés ayant commencé à travailler très tôt.
    Il serait donc peu approprié d'adopter ce texte isolément sans qu'il entre dans le cadre d'une refonte globale du système. Il aura toutefois eu le mérite, monsieur Bocquet, d'engager un débat sur ce sujet (Exclamations et rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Patrick Braouezec. Mais pas en présence de M. Fillon !
    M. Georges Colombier. ... et de faire prendre conscience à la représentation nationale de ce problème qui semble faire l'objet, dans ses grands principes, d'un accueil plutôt favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Alain Bocquet, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Trois remarques rapidement. D'abord, madame la ministre, et avec tout le respect que je vous dois, je tiens à indiquer que je partage les critiques qui ont été formulées par plusieurs collègues à propos de l'absence de M. le ministre des affaires sociales.
    M. André Gerin. Absolument !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ce n'est pas très élégant !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Je le dis avec beaucoup de courtoisie, monsieur le président de la commission.
    M. Pascal Terrasse. C'est une abdication ! Une dérobade de la part du ministre !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Je veux souligner ensuite, puisque nous avons eu la même discussion il y a un an et demi, la résistance à laquelle nous nous heurtons pour prendre des décisions. Or il ne faut pas tromper l'opinion. On nous dit qu'il n'y a pas lieu de légiférer. En novembre 2001, déjà, le gouvernement de l'époque nous avait opposé la même réponse.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Qui était Premier ministre ?
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Mais, en l'occurrence, il s'agit d'enclencher le processus parlementaire, avec ses différentes lectures ici et au Sénat, et c'est le Gouvernement qui est maître de l'ordre du jour. Je demande donc aux collègues ici présents, qui, tous, considèrent qu'il faudra prendre cette mesure un jour,...
    M. André Gerin. Même le président de la commission en convient !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. ... d'imaginer le poids de notre vote dans le débat en cours sur les retraites si nous décidions aujourd'hui, tous ensemble, d'accepter le présent texte, éventuellement amendé.
    M. Pascal Terrasse. Quel beau rêve !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. La dernière fois, déjà, j'avais tenu le même raisonnement.
    M. Marcel Dehoux. Tout à fait !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. A l'époque, le précédent gouvernement avait invoqué le débat qui se déroulait au sein du Conseil d'orientation des retraites pour s'opposer à notre proposition de loi. Personnellement, je préfère me répéter que me contredire. C'est la raison pour laquelle je veux insister sur ce point.
    M. André Gerin. Très bien !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. A moins, madame la ministre, que vous ne nous annonciez...
    M. André Gerin. Une bonne nouvelle !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. ... que ces dispositions vont être reprises par le Gouvernement dans le débat en cours.
    M. Pascal Terrasse. C'est la question que j'ai posée !
    Un député du groupe socialiste. Faut pas rêver !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Dernier point, enfin, je pense à tous les salariés concernés par ce texte et dont nous avons parlé ici et particulièrement à l'un d'entre eux, un ouvrier métallurgiste que j'avais rencontré - pour moi c'est le baba de la démocratie - pour préparer le débat de novembre 2001. A l'époque, cet homme était âgé de cinquante-cinq ans et avait déjà été licencié trois fois. En outre, il avait été victime d'une grave maladie dix ans auparavant et il était incontestable que le travail l'avait usé physiquement. Il en était alors à quarante et un ans de cotisation. Je l'ai revu la semaine dernière, pour préparer la discussion de ce matin. Il a aujourd'hui cinquante-sept ans et il entame sa quarante-troisième année de cotisation.
    M. Jean-Claude Lefort. Scandaleux !
    M. André Gerin. Inhumain !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Va-t-il falloir qu'il attende 2006 pour bénéficier de sa retraite ? Il en sera alors à quarante-six annuités. Il n'a d'ailleurs pas manqué de faire observer avec amertume et colère que certains hauts personnages qui ont occupé des fonctions importantes au niveau de l'Etat ont pu, quant à eux, bénéficier de la retraite à cinquante-sept ans. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Des noms !
    M. Pascal Terrasse. Le chef de l'UMP par exemple ?
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Tout le monde les aura reconnus...
    Madame la ministre, ma démarche n'est en rien partisane ou politicienne. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce qui m'intéresse ce sont les gens. Il y a vingt-cinq ans que je suis dans cette maison.
    M. Dominique Tian. Il est remps de prendre votre retraite !
    M. Alain Bocquet, rapporteur. Et c'est à mes électeurs que je pense quand je défends une telle proposition.
    M. Pascal Terrasse. Contrairement à beaucoup ici, vous n'êtes pas un accident du suffrage universel, vous !
    M. Alain Bocquet. Ce matin, je crains, madame la ministre, que, comme l'avait fait la ministre présente lors du débat en novembre 2001, vous m'invoquiez l'article 40. Si tel est le cas, le Gouvernement portera une lourde responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Rappels au règlement

    M. Alain Néri. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. Au titre de quel article, monsieur Néri ?
    M. Alain Néri. Article 58, alinéa 1, madame la présidente.
    Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Néri.
    M. Alain Néri. Je constate, au terme de la discussion générale, qu'un large consensus est apparu. La majorité de nos collègue considèrent en effet que la retraite avant soixante ans pour ceux qui ont cotisé quarante annuités est un droit légitime et non pas une faveur. Il s'agit pour ces salariés de faire valoir leurs droits, s'ils le souhaitent.
    M. Patrick Braouezec. Votons ce texte !
    M. Alain Néri. Il n'y a là aucun caractère obligatoire. L'aspect profondément humain de cette mesure n'aura échappé à personne, j'espère.
    Il est très important, alors que s'ouvre le débat sur les retraites dans le pays, que nous ayons pu exprimer ce matin un certain nombre d'idées-forces. Mais devant l'importance du sujet abordé...
    M. Patrick Braouezec. Votons tout de suite !
    M. Alain Néri ... et du fait même - et le président de notre commission des affaires sociales l'a souligné - qu'une telle disposition relève directement de ce débat, il nous semblerait légitime que le ministre des affaires sociales nous donne son sentiment au terme de la discussion générale. Dans quel état d'esprit va-t-il aborder le débat sur les retraites en général ? Quelles sont ses intentions s'agissant plus particulièrement de la retraite avant soixante ans pour ceux qui ont cotisé quarante annuités ? Que la représentation nationale souhaite entendre le ministre sur tous ces points est tout à fait légitime. Cela ne remet absolument pas en cause la compétence de Mme Ameline. Certes, M. Fillon ne pouvait pas assister à la totalité du débat. Mais il aurait pu au moins, en cette fin de matinée, venir nous faire part de son sentiment et des intentions du Gouvernement sur la question, par respect pour la représentation nationale et pour les travailleurs.
    M. Patrick Braouezec. Très bien !
    Mme la présidente. Monsieur Néri, j'ai déjà répondu sur ce point.
    Mme Muguette Jacquaint. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. Au titre de quel article, madame Jacquaint ?
    Mme Muguette Jacquaint. Article 58, alinéa 1, madame la présidente.
    Mme la présidente. Vous avez la parole, madame Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. A moins que la ministre nous annonce dans un instant le contraire, il semblerait que l'examen de ce texte va s'arrêter là, une fois que sera tombé le couperet de l'article 40. Ce n'est pas l'article 49, alinéa 3, mais cela y ressemble terriblement !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est pareil !
    M. Richard Mallié. Il est vrai que la majorité plurielle était spécialiste des mesures pas financées. L'APA en est un bon exemple !
    Mme Muguette Jacquaint. Or, j'étais présente, il y a trois mois, lorsque M. Fillon a présenté sa réforme des retraites. Je l'ai clairement entendu dire qu'il serait justice que des salariés ayant commencé à travailler dès l'âge de quatorze et quinze ans et qui sont épuisés après avoir cotisé quarante, voire quarante-trois ans, puissent prendre leur retraite avant soixante ans. Eh bien, passons aux actes ! Nous en avons assez d'entendre la majorité nous expliqué qu'une telle disposition est excellente qu'il est trop tôt pour la prendre.
    M. André Gerin. Dérobade !
    Mme Muguette Jacquaint. Moi qui ai commencé à travailler à quinze ans à la chaîne, je peux vous le dire...
    M. Richard Mallié. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    Mme Muguette Jacquaint. Quand vous avez travaillé dans de telles conditions, vous appréciez qu'enfin soit prise une telle mesure de justice. C'est un droit. Et pour ceux qui prétendent que voter cette disposition reviendrait à anticiper sur les années de cotisation nécessaires pour bénéficier d'une retraite à taux plein...
    M. Patrick Braouezec. Anticipons !
    Mme Muguette Jacquaint. ... nous proposons de passer à trente-sept ans et demi. (Exclamations sur les bancs du groupe pour un mouvement populaire.)
    M. Dominique Tian. Qui dit mieux !
    M. Richard Mallié. Et pourquoi pas six mois de cotisation !
    M. André Gerin. La majorité est rétrograde !
    Mme Muguette Jacquaint. Alors pas de faux prétexte ! En fait, c'est vous, mesdames et messieurs de la majorité, qui êtes en pleine contradiction. Vous dites que c'est une bonne disposition mais vous ne la votez pas, comme vous l'avez fait d'ailleurs en novembre 2001.
    Mme la présidente. Madame Jacquaint, concluez, s'il vous plaît !
    Mme Muguette Jacquaint. Vous persistez dans l'injustice. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Madame la présidente, ce n'est pas un rappel au règlement !
    Mme la présidente. C'est moi qui préside !
    Mme Muguette Jacquaint. Les salariés qui ont travaillé pendant quarante-trois ans apprécieront votre position. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Patrick Braouezec. Ecoutez la voix du peuple ! Votons tout de suite !

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. La parole est à la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
    Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, faut-il rappeler à ce stade de la discussion que je m'exprime ici légitimement au nom du Gouvernement ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Néri. Reste que M. Fillon n'a pas cru bon de venir ce matin !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Au moment où s'engage enfin une concertation effective sur le sujet fondamental des retraites, je ne puis laisser dire un instant que le Gouvernement n'assume pas ses responsabilités.
    M. Henri Nayrou. Egalité devant le travail et le chômage !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Nous avons bien au contraire, et vous le savez parfaitement, la détermination, la volonté et le courage d'engager cette réforme trop longtemps différée et de la mener à bien.
    M. Richard Mallié. Absolument !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Voilà qui nous distingue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Ghislain Bray. Et c'est ça qui les gêne !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Nous sommes réunis ce matin autour d'une proposition, qui, comme plusieurs intervenants l'ont souligné, a déjà été examinée le 27 novembre 2001 devant votre assemblée. Le gouvernement de l'époque...
    M. Christian Vanneste. Un gouvernement socialiste !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. ... s'était alors opposé à l'initiative de l'une des composantes de sa majorité.
    M. Richard Mallié. L'opposition a la mémoire courte !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur Bocquet, vous avez fait observer tout à l'heure que ce n'était jamais le bon moment pour voter cette disposition. Il y a toutefois une différence entre les travaux du Conseil d'orientation des retraites, qui, aussi utile soit-il, n'est pas un organisme de concertation,...
    M. Pascal Terrasse. Nous sommes heureux de l'apprendre ! Pourtant, le mot figure dans le décret qui l'a créé !
    Mme la présidente. Monsieur Terrasse, vous n'avez pas la parole !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. ... et la grande concertation qui est aujourd'hui lancée par le Gouvernement. En outre, le contexte a changé et, aujourd'hui, le Gouvernement s'engage véritablement dans cette réforme.
    Nous nous retrouvons, en revanche, sur l'importance de ce texte qui intéresse tous les Français, la retraite. C'est aussi un sujet qui inquiète parce que chacun sait que l'arrivée à l'âge de la retraite de la génération du baby-boom et l'allongement de l'espérance de vie après soixante ans ont pour conséquence d'importants besoins de financement.
    Les rapports qui se sont succédé sur le sujet ont au moins un mérite : nous sommes parvenus à un consensus sur le constat. Oui, il manque au minimum 50 milliards d'euros en 2020 pour financer les retraites ; oui, il manque au minimum 100 milliards d'euros, c'est-à-dire quatre points de PIB, à l'horizon 2040.
    Face à ce constat, nous pouvons choisir entre deux voies.
    La première serait d'attendre tranquillement l'arrivée des déficits. Nous ferions alors porter sur des actifs moins nombreux la charge de financer les pensions de retraités dont le nombre sera en forte croissance. Ce serait prendre le risque que les futurs actifs soient en situation de remettre en cause le contrat entre les générations. Ce seraient les retraites de ceux qui ont refusé de réformer le système qui pourraient être remises en cause. Est-ce véritablement le « projet de société » que l'on veut proposer aux Français ? Naturellement non !
    La seconde voie, la seule possible...
    M. André Chassaigne. C'est la voie des cadeaux au patronat !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. ... c'est la réforme, pour sauver nos régimes de retraite par répartition. C'est celle qu'a choisie le Gouvernement. Le Premier ministre s'y est engagé dès la déclaration de politique générale, le 3 juillet dernier. Le Gouvernement respecte scrupuleusement sa méthode et son calendrier.
    Nous avons le devoir de sauvegarder les régimes de retraite par répartition. Chacun en connaît les trois paramètres : le taux de cotisation, la durée d'activité et le montant des pensions.
    M. Maxime Gremetz. Vous oubliez le quatrième : le financement !
    M. Pascal Terrasse. Justement, elle ne veut pas en parler !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Aucun paramètre n'est à exclure. Ils font actuellement l'objet de discussions avec les partenaires sociaux. La marge de manoeuvre dont nous disposons sur les cotisations est cependant étroite, car la France est, parmi les autres Etats européens, l'un de ceux où le poids des charges sur l'économie est le plus élevé.
    M. Maxime Gremetz. C'est faux !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Pour ce qui concerne le montant des prestations, nous devons nous efforcer d'assurer aux futurs retraités une pension aussi satisfaisante que possible. A l'évidence, la meilleure garantie, la plus juste, celle qui permettra d'accorder aux retraités de demain de bonnes pensions sans pour autant écraser les actifs de demain sous le poids des charges, est d'augmenter progressivement le taux d'activité des personnes en âge de travailler. Il faut donc veiller à ce que les jeunes entrent de façon plus rapide, et dans des conditions plus favorables, sur le marché du travail. Il faut aussi s'engager en faveur de l'emploi des salariés de plus de cinquante ans.
    Ce double objectif n'est pas contradictoire. Les pays européens où le taux d'activité des jeunes est élevé ont également un taux d'activité élevé chez les seniors. Inversement, des pays comme la France cumulent, vous le savez parfaitement, deux handicaps : une entrée tardive des jeunes sur le marché du travail et un très faible taux d'activité des salariés de plus de cinquante-cinq ans.
    M. Jean-Claude Lefort. Il va bientôt falloir commencer à quatorze ans !
    M. Maxime Gremetz. Ensuite, on les envoie à la casse !
    M. Alain Néri. De toute façon, ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui ! Nous parlons précisément de ceux qui ont commencé à travailler très jeunes !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Or le retrait d'activité n'a malheureusement pas d'effet mécanique sur l'emploi.
    Il était essentiel de rappeler l'enjeu de cette réforme : elle doit avant tout nous permettre de contribuer à l'équilibre des régimes de retraite et non d'accentuer les déficits futurs.
    Notre système de retraite est, c'est vrai, source d'insatisfaction. Beaucoup de retraités estiment que leur pension est insuffisante.
    M. Maxime Gremetz. Ça oui ! Depuis Balladur, c'est évident : moins 12 % !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Beaucoup de salariés souhaiteraient partir plus tôt à la retraite - pour des raisons d'ailleurs très diverses. Il y a certainement des améliorations possibles, que nous devons étudier avec attention.
    Mais notre rôle est de rappeler que ces mesures positives ne font qu'accroître, parallèlement, le montant du défi financier que nous devons relever.
    M. Maxime Gremetz. Et l'assiette des cotisations, vous comptez en parler ? C'est la grande absente !
    M. Alain Néri. Il a raison !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous en prie !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Votre bilan devrait vous conduire à plus d'humilité, messieurs !
    Parmi ces mesures positives, il en est une qui est largement compréhensible : la possibilité de partir à la retraite avant soixante ans, dès lors que 160 trimestres ont été validés. Je souligne, au passage, que la référence à quarante ans de cotisations est ainsi de facto acquise,...
    M. Maxime Gremetz. Non ! Trente-sept ans et demi !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est politicien ! C'est indigne, madame !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. ... même si l'exposé des motifs de cette proposition de loi prend soin de rappeler l'attachement du groupe communiste et républicain aux trente-sept années et demi de cotisations. Il y a quand même là une évidente contradiction.
    Mais peu importe. Les lettres reçues par le Gouvernement comme les demandes qui vous sont adressées en tant que représentants de la nationcomme ce que j'ai entendu dans l'ensemble des interventions en attestent : nous sommes, à l'évidence, confrontés à une demande sociale.
    M. Jean-Claude Lefort. Ah bon ?
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. J'aurai toutefois trois observations préalables à formuler sur le fond de cette réforme.
    Premièrement, aucun système de retraite ne peut s'affranchir d'un critère d'âge. Même la réforme suédoise, souvent citée en exemple pour la grande souplesse qu'elle propose, fait varier le choix de l'âge du départ entre soixante et un et soixante-sept ans.
    Deuxièmement, la France, en donnant la possibilité d'un départ en retraite à partir de soixante ans au taux plein, si la condition d'assurance est remplie, est l'un des pays européens où l'âge de la retraite est le plus bas.
    Troisièmement, j'observe qu'une telle demande témoigne d'une certaine confusion quant à la définition de la répartition, système par essence collectif. Cette demande repose sur une démarche certes compréhensible, mais finalement très individualisée.
    Venons-en au coût financier. La France a-t-elle aujourd'hui les moyens de satisfaire cette demande sociale ?
    M. Jean-Claude Lefort. Oui !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. A l'évidence, le Gouvernement ne peut répondre à cette question qu'avec prudence.
    M. Pascal Terrasse. Ah ! Les masques tombent !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Le coût de votre proposition de loi, monsieur Bocquet, est particulièrement élevé. Sur la base d'un effectif de 850 000 personnes concernées, elle représenterait une dépense de 8,3 milliards d'euros pour les régimes de base et de 5,3 milliards d'euros pour les régimes complémentaires, soit au total 13,6 milliards d'euros.
    M. Pascal Terrasse. Ce ne sont jamais les mêmes chiffres !
    M. Maxime Gremetz. Ils ont cotisé !
    M. Frédéric Dutoit. Augmentons l'ISF !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Pour vous donner un ordre de grandeur, 13,6 milliards d'euros correspondent à 1,5 point de CSG.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est beaucoup moins cher qu'un porte-avions !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. L'importance des effectifs ayant validé cent soixante trimestres, et parfois bien davantage, avant l'âge de soixante ans montre d'ailleurs que, contrairement à ce qui est affirmé haut et fort, la durée d'activité standard en France n'est pas de trente-sept années et demie.
    M. Maxime Gremetz. Et les 140 milliards d'exonérations de cotisations patronales ? Elles n'empêchent pourtant pas de licencier ! au contraire.
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. L'importance des effectifs confirme également que, pour la génération qui a aujourd'hui entre cinquante et soixante ans, le passage aux cent soixante trimestres de cotisation décidé par la réforme Balladur n'a en réalité que très peu d'impact sur la modification de l'âge de départ à la retraite. Peut-on escompter que le coût de cette mesure ira en se réduisant très rapidement dans les prochaines années en raison de l'allongement de la durée des études ? C'est peu probable, car l'âge moyen d'entrée sur le marché du travail des personnes qui prendront leur retraite en 2020, donc nées en 1960, était de dix-neuf ans, soit seulement huit mois de plus que pour les personnes nées en 1950, qui prendront leur retraite en 2010.
    Je vous rappelle par ailleurs que l'excédent de la CNAV prévu pour 2003 est de 1,9 milliard d'euros. Autant dire que la mesure aurait pour effet de rendre le régime général lourdement déficitaire en 2004. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine Billard. Et l'ISF ?
    M. Pascal Terrasse. C'est ce qu'on appelle un enterrement de première classe !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Ces éléments financiers, j'en conviens, n'épuisent pas le sujet, mais notre devoir est naturellement de les prendre en compte.
    Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, que diriez-vous, en effet, si la réforme engagée par le Gouvernement conduisait à accroître les besoins de financement de nos régimes de retraite ?
    Mme Martine Billard. On déciderait d'augmenter l'ISF !
    M. André Chassaigne. On prendrait l'argent là où il est !
    Mme la ministre délégué à la parité et à l'égalité professionnelle. Vous ne manqueriez pas de critiquer un gouvernement qui prétendrait ainsi sauver la répartition alors qu'il ne ferait qu'accentuer l'impasse financière, et vous n'auriez pas tort.
    Encore n'ai-je pas parlé du gage de cette proposition de loi, faux gage du reste, puisque, en l'état de notre droit constitutionnel, il n'est pas possible de compenser une augmentation de dépenses par une augmentation de recettes. Ce faux gage, c'est un impôt sur les revenus financiers des entreprises. Je ne peux du reste que saluer sur ce point la constance du groupe communiste.
    M. Jean-Claude Lefort. Merci !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Mais ce que vous refusez de voir, c'est qu'un tel impôt, à supposer qu'il soit applicable et compatible avec le droit communautaire et les exigences d'une économie ouverte,...
    M. Jean-Claude Lefort. Il est compatible !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle ... pèsera sur l'activité, la croissance et l'emploi.
    On peut toujours maquiller, pour des raisons plus ou moins idéologiques, un prélèvement supplémentaire, mais ce prélèvement, qui réduirait les marges des entreprises... (« Ah, nous y voilà ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) ferait que pénaliser l'emploi, c'est-à-dire avant tout les salariés les moins formés.
    M. André Chassaigne. Les riches sont de plus en plus riches !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Sur la forme, cette proposition de loi nous apparaît inappropriée. Alors que nous sommes en plein mois de mars, alors même que la concertation est engagée avec les confédérations syndicales et patronales, le groupe des député-e-s communistes et républicains suggère que l'Assemblée nationale se prononce. Le moment est pour le moins mal choisi. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. Puisque tout le monde en est d'accord !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. On ne peut pas tout à la fois appeler à la négociation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux et prétendre imposer une solution législative appropriée - et celle-là, en l'occurrence, est précipitée. J'appelle votre attention sur le fait que votre proposition de loi ne donne le droit à la retraite à taux plein avant soixante ans que pour la seule pension servie par les régimes de base. Sans accord des partenaires sociaux, la pension servie par les régimes complémentaires, qui n'est de toute façon versée qu'à partir de l'âge de cinquante-cinq ans, serait soumise à des abattements importants et irrémédiables. Autant dire que votre proposition de loi passe sous silence un problème très sérieux.
    M. Jean-Claude Lefort. Vous pouvez l'amender !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Mais je ne voudrais pas limiter mon propos au simple rappel des enjeux financiers et à la place des partenaires sociaux. Derrière cette proposition de loi, il y a en effet un véritable enjeu de société. (« Ah ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Oui, la place faite aux salariés de plus de cinquante ans est une vraie question. Nous devons répondre au désenchantement et à la lassitude des salariés expérimentés. Nous devons favoriser la formation des salariés de plus de quarante-cinq ans afin qu'ils puissent connaître, dans la mesure du possible, un changement d'activité professionnelle. Nous devons prendre en compte le souhait de ceux qui souhaitent passer de manière progressive du travail à la retraite à travers des horaires aménagés ou du temps partiel choisi.
    En disant cela, je pense aussi et singulièrement aux femmes. La vie ne s'arrête pas à quarante-cinq ou cinquante ans.
    M. Jean-Claude Lefort. Heureusement !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Oui, la prise en compte de la pénibilité est une vraie question. Mais n'offrir comme solution que la retraite anticipée serait une mauvaise réponse.
    Il est essentiel de mener une politique de prévention qui pourrait être fondée sur deux volets : un volet classique, relatif à la prévention des risques professionnels et qui passe par des aménagements de postes de travail et des horaires, ainsi que par la suppression à la source des risques...,
    M. André Chassaigne. Quelle hypocrisie !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. ... et un volet plus novateur, relatif à la gestion des carrières des travailleurs vieillissants, ce qui implique notamment un effort de formation.
    Croyez bien que le Gouvernement ne mésestime en rien le problème de ceux qui, ayant commencé à travailler à quatorze ou quinze ans, justifient de très longues carrières et dont les préoccupations sont, je le répète, légitimes.
    M. Jean-Claude Lefort. Pas de carrière, du travail !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Dans le courant du mois d'avril, le Gouvernement fera part aux partenaires sociaux de ses propositions sur l'ensemble de la réforme des retraites.
    M. Patrick Braouezec. Autrement dit, ils peuvent attendre encore un peu !
    Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Si l'objectif de la proposition de loi était de provoquer un débat, ce débat a eu lieu. Il se poursuivra le moment venu avec les partenaires sociaux, avec les Français, avec la représentation nationale. En attendant, tant sur le fond que sur la forme, votre proposition de loi ne peut susciter l'approbation du Gouvernement.
    Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement, soucieux du respect de la Constitution, invoque son article 40. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux !

application de l'article 40 de la constitution

    Mme la présidente. Je constate que le Gouvernement oppose l'article 40 de la Constitution à la proposition de loi.
    En application de l'article 92, alinéa 3, du règlement, la procédure législative est suspendue en l'état jusqu'à la décision du bureau de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    Il appartiendra au président de la commission de le convoquer.
    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Le Gouvernement ayant décidé d'opposer l'article 40 à la proposition de loi du groupe communiste qui est en discussion, je vais réunir immédiatement le bureau de la commission des finances, en application de l'article 92, alinéa 2, du règlement. Dès que sa décision sera prise, j'en ferai part en séance publique.
    J'indique d'ores et déjà qu'une proposition de loi identique avait déjà donné lieu, le 20 décembre 2001,...
    M. Maxime Gremetz. Malheureusement !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ... à une décision du bureau de la commission des finances, laquelle avait conduit à l'interruption du débat.
    Mme Muguette Jacquaint. Et alors ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si je rappelle cet événement, c'est pour vous indiquer qu'elle devrait être relativement courte.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures quinze.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.
    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Madame la présidente, chers collègues, le bureau de la commission des finances, je tiens à le rappeler, ne se prononce pas en opportunité mais en droit constitutionnel et, en l'état actuel du droit, nul ne peut nier que l'article 40 s'applique.
    M. Alain Néri. Quel dommage !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et d'ailleurs, il s'est déjà appliqué, je l'ai rappelé tout à l'heure, le 20 décembre 2001.
    Constatant que l'article 1er de cette proposition de loi élargit les conditions d'ouverture du droit à l'assurance vieillesse en garantissant une pension de retraite à taux plein à l'assuré qui en demande la liquidation avant l'âge de soixante ans, lorsqu'il justifie de la durée d'assurance requise,
    Rappelant que, dans sa décision du 20 janvier 1961, le Conseil constitutionnel a considéré que les charges des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont des charges « publiques », au sens de l'article 40 de la Constitution,
    Rappelant que la création d'une charge publique entraîne l'irrecevabilité de l'initiative parlementaire qui la propose, nonobstant les ressources de compensation que propose par ailleurs cette initiative,
    Et rappelant qu'une proposition de loi identique a donné lieu à une décision identique du bureau de la commission en 2001, le bureau décide d'opposer l'article 40 de la Constitution à l'article 1er de la proposition de loi tendant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé quarante annuités avant d'atteindre l'âge de soixante ans.
    Cela dit, madame la présidente, et je m'explime à titre personnel, il s'agit d'un débat important. Nous savons très bien que nous aurons à parler de ces problèmes, connaissant l'inégalité des situations. Mais, Mme la ministre l'a dit, une concertation est engagée et il faut que l'ensemble des forces sociales apportent sa participation à une plus grande égalité des Français devant la retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Les dispositions de l'article 40 de la Constitution ayant été déclarées applicables à la proposition de loi, celle-ci n'a plus d'existence.

Rappels au règlement

    Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse pour un rappel au règlement.
    M. Pascal Terrasse. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58-1.
    Je m'étonne, une fois encore, au nom du groupe socialiste, de l'absence du ministre des affaires sociales. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Le Gouvernement est très bien représenté !
    M. Pascal Terrasse. Cette désertion honteuse, pour ne pas dire cette abdication, n'a pas contribué à la sérénité du débat d'aujourd'hui. Nous le déplorons.
    La seule réponse que Mme la ministre ait pu nous donner était d'ordre financier, ce qui montre bien que, pour le Gouvernement, c'est sous ce seul angle que s'ouvre aujourd'hui le débat sur les retraites.
    Je crains donc, en dépit des propos tant du président de la commission des affaires sociales que de celui de la commission des finances, que la proposition de M. Bocquet ne soit pas retenu et que, dans le cadre du débat général qui s'annonce, la possibilité de prendre leur retraite à taux plein avant l'âge de soixante ans ne sera pas ouverte à ces salariés qui ont commencé à travailler très jeunes. On peut le regretter.
    Nous attendons évidemment que les travaux annoncés par le ministre s'achèvent mais nous sommes le 11 mars et les débats seront clos le 30 mars, c'est-à-dire que les partenaires sociaux ont moins de quinze jours pour bâtir un nouveau projet en matière de retraites.
    Je crains que, derrière de faux-semblants, le Gouvernement n'ait pas grand-chose à nous proposer, si ce n'est obliger tout le monde à cotiser quarante ans, ce qu'on peut regretter, sans ouvrir un débat plus large sur l'avenir de nos systèmes de retraite. Je tiens à le regretter au nom du groupe socialiste. Nous aurions en effet souhaité que le débat s'ouvre, que la navette ait lieu, de manière qu'au mois de juin, pour la réforme des retraites tant attendue, nous disposions d'un dispositif qui, pour nous, en est un élément très important. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je pense à la déception que vont à nouveau ressentir demain tous ceux qui avaient espéré, et ils sont nombreux dans les entreprises, ceux qui font les trois-huit, ceux qui font des kilomètres et des kilomètres de transport, ceux qui travaillent le week-end... Ils ne demandent pas la charité, ils demandent un droit ! Ils ont cotisé et ils ont droit à leur retraite.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il fallait le leur donner !
    M. Richard Mallié. En novembre 2001 !
    M. Dominique Tian. Ça suffit, cette hypocrisie !
5217    M. Maxime Gremetz. Vous prenez vos responsabilités, comme d'autres les ont prises. Les gouvernements changent, les présidents et les rapporteurs de la commission des finances changent, mais les discours demeurent les mêmes...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Exactement !
    M. Maxime Gremetz. ... et c'est bien le malheur, qui fait que les citoyennes et les citoyens ne croient plus personne et s'abstiennent ! Vous devriez y penser !
    Ma conviction profonde,...
    M. Dominique Tian. C'est qu'il fallait le faire !
    M. Maxime Gremetz. ... je vous le dis tel que je le pense, c'est que, si, le 21 avril a été pour nous ce qu'il a été, une telle décision, tout à fait symbolique, et la position du Premier ministre de l'époque n'y ont pas été pour rien ! J'espère qu'il n'en sera pas de même pour vous !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Merci.
    M. Richard Mallié. On s'en occupe !
    M. François Goulard. C'est loin d'être un rappel au règlement !
    Mme la présidente. Laissez M. Gremetz terminer !
    M. Maxime Gremetz. Je me souviens du débat que nous avons eu l'an dernier. La droite, vous, en face,...
    M. Dominique Tian. Et le PS !
    M. Maxime Gremetz. ... vous aviez protesté avec véhémence et à juste raison...
    M. Pascal Terrasse. Surtout Goulard !
    M. Maxime Gremetz. M. Goulard et d'autres...
    M. François Goulard. Ce n'est pas vrai ! Je suis mis en cause, madame la présidente !
    M. Maxime Gremetz. Vous vous posiez un certain nombre de questions sur la crédibilité, la réalisation possible d'une telle mesure, mais vous aviez protesté avec la dernière énergie sur la méthode utilisée à l'époque pour la première fois par le Gouvernement, à savoir opposer l'article 40 à un texte présenté lors d'une niche parlementaire, en expliquant que vous aviez peu d'occasions de prendre des initiatives au Parlement et que si l'on commençait à y opposer l'article 40, vous n'en auriez plus du tout ! Malheureusement, je vois que ce que vous disiez l'an dernier n'est plus vrai aujourd'hui, que vous avez agi exactement de la même façon !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Que vous !
    M. Dominique Tian. Que le PS !
    M. Richard Mallié. Où étiez-vous à l'époque, monsieur Gremetz ? Dans la majorité ou dans l'opposition ?
    M. Maxime Gremetz. Quand on nous parle de dialogue, de concertation, d'initiative parlementaire, quand le président de l'Assemblée nationale annonce qu'on va donner plus de pouvoir aux députés, leur laisser plus d'initiative, accroître le contrôle parlementaire, c'est du pipeau, comme on dirait chez moi, et ce n'est pas digne d'une majorité comme la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

4

NOMINATION D'UN DÉPUTÉ
EN MISSION TEMPORAIRE

    Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Jean-François Chossy, député de la Loire, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral, auprès de Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 11 mars 2003.

5

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 632, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France :
    M. Charles de Courson, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale du Plan (rapport n° 654) ;
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 655).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 11 mars 2003)

    L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 11 au jeudi 27 mars 2003 inclus a été ainsi fixé :
    Mardi 11 mars 2003
    Le matin, à 9 heures :
    - discussion de la proposition de loi de M. Alain Bocquet tendant à ouvrir le droit à la retraite à taux plein pour les salariés ayant cotisé quarante annuités avant d'atteindre l'âge de soixante ans (n°s 129 rectifié-679).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n°s 632-654-655).
    Mercredi 12 mars 2003
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :

    - suite de l'ordre du jour de la veille ;
    - discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi du 20 janvier 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (n°s 642-685).
    Jeudi 13 mars 2003
    Le matin, à 9 heures :
    - discussion de la proposition de loi de M. Michel Vaxès tendant à la suppression du mot « race » de notre législation (n°s 623-670).
    (Séance d'initiative parlementaire.)
    L'après-midi, à 15 heures, et, le soir, à 21 heures :
    - suite de l'ordre du jour de la veille ;
    - discussion de la proposition de résolution de MM. René André et Jacques Floch sur la création d'un procureur européen (n°s 446-565-445).
    Mardi 18 mars 2003
    Le matin, à 9 heures :

    - questions orales sans débat.
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n°s 632-654-655) ;
    - explications de vote et vote par scrutin public sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi du 20 janvier 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie (n°s 642-685) ;
    - discussion du projet de loi modifiant l'article 1er-1 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications (n° 677).
    Mercredi 19 mars 2003
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière (n° 638).
    Jeudi 20 mars 2003
    Le matin, à 9 heures :
    - suite de la discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière (n° 638).
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - éventuellement, suite de la discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière (n° 638) ;
    - discussion du projet de loi relatif aux assistants d'éducation (n° 640).
    - sous réserve de sa transmission par le Sénat, discussion de la proposition de loi tendant à étendre aux communautés d'agglomération créées ex nihilo le régime de garantie d'évolution de la dotation globale de fonctionnement des communautés d'agglomération issues d'une transformation.

    Mardi 25 mars 2003
    Le matin, à 9 heures :
    - questions orales sans débat.
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif aux assistants d'éducation (n° 640) ;
    - discussion du projet de loi relatif au mécénat et aux fondations (n° 678) ;
    - discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs (n° 248).
    Mercredi 26 mars 2003
    L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures :
    - discussion de la proposition de résolution de MM. Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Jean-Marc Ayrault, Hervé Morin et Alain Bocquet tendant à compléter le règlement de l'Assemblée nationale et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128 (n° 613) ;
    - suite de l'ordre du jour de la veille.
    Jeudi 27 mars 2003
    Le matin, à 9 heures, et l'après-midi, à 15 heures :
    - sous réserve de sa transmission par le Sénat, discussion de la proposition de loi autorisant le vote par Internet des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger ;
    - discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction (n° 641).
    Le soir, à 21 heures :
    - discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation (n° 570 rectifié).
    (Ce texte faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 106 du règlement.)