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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 12 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 11 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Décès d'un député «...».
M. le président.
2.  Questions au Gouvernement «...».

AVENIR DES SALARIÉS DE METALEUROP «...»

MM. Albert Facon, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

RÔLE DES NATIONS UNIES «...»

MM. François Bayrou, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

PRÉVENTION DES EXPULSIONS «...»

Mme Janine Jambu, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

IRAK «...»

MM. Jacques Barrot, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT «...»

MM. Michel Bouvard, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

DISPARITIONS D'ENFANTS
ET LUTTE CONTRE LES SITES PÉDOPHILES «...»

Mme Chantal Brunel, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

AVENIR D'EADS «...»

M. Pierre Cohen, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

ZONES DE TRANSIT AÉROPORTUAIRES «...»

MM. Jean-Marc Lefranc, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

SITUATION DE LA FEMME «...»

M. Lionnel Luca, Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT «...»

MM. Armand Jung, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des tranports, du logement, du tourisme et de la mer.

POLITIQUE DE LA RECHERCHE «...»

M. Philippe Vitel, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.

PRÉVENTION DE LA TOXICOMANIE
DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES «...»

MM. Jean-Paul Garraud, Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

3.  Remplacement d'un député décédé «...».
4.  Entreprises de transport aérien. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».
M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances.
M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Alain Bocquet : MM. François Asensi, le rapporteur, François Goulard, Jean-Louis Idiart, Jean-Claude Lefort, Christian Blanc. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : Mme Odile Saugues, MM. le ministre, le rapporteur, Jean-Louis Idiart, François Asensi, François Goulard, Christian Blanc. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
François Goulard,
Victorin Lurel,
Christian Blanc.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
5.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DÉCÈS D'UN DÉPUTÉ

    M. le président. Mes chers collègues, nous avons appris avec tristesse le décès, ce matin, de notre collègue et ami Jean-Marc Chavanne. Il était l'élu de la 5e circonscription de la Haute-Savoie. En hommage à notre collègue, j'invite l'Assemblée à observer une minute de silence. Je prononcerai son éloge funèbre lors d'une prochaine séance.
    (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

AVENIR DES SALARIÉS DE METALEUROP

    M. le président. La parole est à M. Albert Facon.
    M. Albert Facon. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et je souhaite qu'il puisse me répondre en personne.
    Le 17 janvier dernier, après avoir dépecé leur filiale de Noyelles-Godault, les actionnaires de Metaleurop, dont Glencore, se désengageait financièrement de l'entreprise, signant ainsi sa condamnation. Le 28 janvier, vos ministres ont reçu les représentants des salariés ainsi que des élus qui, compte tenu de votre engagement personnel, ont repris espoir. Je cite vos déclarations : « Il faut une procédure exceptionnelle pour une situation exceptionnelle. Les salariés de Metaleurop ont droit à la reconversion. »
    Hier, la liquidation de l'entreprise a été prononcée et 830 salariés se retrouvent à la rue, sans compter ceux des entreprises sous-traitantes. Les « patrons voyous » ont disparu et certains coulent des jours paisibles en Suisse, tandis qu'à Metaleurop il n'y a plus personne !
    Votre ministre, M. Delevoye, est venu jeudi dernier à Lens présenter un contrat de site et annoncer qu'il espère la création de 1 000 emplois en quatre ans, si tout va bien. C'est ridicule au regard de la situation !
    Je vous demande, monsieur le Premier ministre, de débloquer rapidement des fonds exceptionnels pour que ces familles puissent vivre et nourrir leurs enfants, pour que les pères retrouvent du travail. Après une catastrophe maritime, lorsque les voyous des mers ont disparu, l'Etat s'engage ; de la même façon, lorsque les « patrons voyous » disparaissent, l'Etat doit s'engager.
    Les parents de ces salariés travaillaient au fond de la mine, ils ont tout donné, jusqu'à leur santé, pour satisfaire les besoins énergétiques de la France de l'après-guerre. Le Nord - Pas-de-Calais, c'est aussi la France, et surtout la France d'en bas. Je vous demande, monsieur le Premier ministre, de nous dire, de dire à ces travailleurs et à leur famille que vos engagements du 28 janvier seront tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, Metaleurop est le symbole d'un comportement irresponsable que le Gouvernement veut voir sanctionner de façon exemplaire.
    M. Jean-Claude Lefort. Paroles, paroles, paroles,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Premier ministre a eu l'occasion de le dire - vous venez de le rappeler, monsieur le député -, et ce ne sont pas des paroles en l'air, car des poursuites ont été engagées. L'enquête sur l'abus de bien social se poursuit, et nous veillerons à ce qu'elle aboutisse.
    M. Michel Lefait. Et pendant ce temps-là, certains ont faim !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, monsieur le député, l'heure est aussi à la prise en compte des besoins des salariés et du territoire. Nous avons chargé le préfet de rassembler les partenaires sociaux pour élaborer le plan de reclassement.
    M. Jean-Claude Lefort. Vous appelez les CRS !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le service public de l'emploi est mobilisé et des agents de l'ANPE ont été exclusivement affectés au reclassement des personnels de Metaleurop. L'UNEDIC a accepté une prise en charge dérogatoire pour les salariés les plus âgés. Une cellule de reclassement sera bientôt opérationnelle pour suivre individuellement chaque salarié, avec l'accord des partenaires sociaux, c'est l'entreprise Altedia qui a été choisie pour conduire ce travail.
    Le fonds social européen est également mobilisé et, à ce stade des discussions, une enveloppe de 15 millions d'euros est déjà consacrée au plan de reclassement.
    Au-delà, monsieur le député, le Premier ministre a souhaité qu'un contrat de site soit négocié avec le territoire,...
    M. Michel Lefait. Encore une tarte à la crème !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ce qui permettra de répondre à certaines des demandes que vous venez d'exprimer et qu'ont formulées les élus du territoire. Ainsi, à côté du reclassement des salariés, nous devons consacrer les efforts publics nécessaires aux investissements pour recréer des emplois sur le territoire dont vous êtes l'élu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RÔLE DES NATIONS UNIES

    M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe UDF.
    M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, la position de la France, qu'a exprimée hier soir le Président de la République, a été largement soutenue par l'opinion publique française, parce qu'elle est apparue comme juste au niveau des principes, la France adhérant fortement à l'idée selon laquelle une guerre de première intention ne peut être la réponse aux crises de la planète, et n'est pas davantage le moyen de défendre nos valeurs.
    Toutefois, l'avenir est obscurci par de lourds nuages. Tout le monde voit bien que, si la guerre est déclenchée contre l'avis du Conseil de sécurité, la première victime en sera l'ONU.
    M. Jean-Claude Lefort. Non, le peuple irakien !
    M. François Bayrou. Qui pourra faire appel à l'autorité des Nations unies si ses membres permanents eux-mêmes méprisent cette autorité, si le pays même qui abrite le siège des Nations unies ignore les délibérations de ses membres ?
    Pour éclairer l'avenir, monsieur le Premier ministre, je voudrais vous interroger sur deux points.
    Quelle sera la position de la France si une guerre est déclenchée en dépit de la délibération des Nations unies ? Quelle est l'idée de la France pour reconstruire, après un tel séisme, une autorité pour le droit international et les Nations unies ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, je me réjouis, moi aussi, de l'unité nationale que le Président de la République a construite autour du message et de l'action de la France. Dans le monde entier, ce message et cette action sont aujourd'hui reconnus. La position de la France est claire, nette ; elle est, comme vous l'avez dit vous-même, juste. Nous n'estimons pas aujourd'hui qu'une deuxième résolution soit nécessaire,...
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !
    M. le Premier ministre. ... convaincus que la démarche engagée par la résolution 1441 est la bonne, qu'elle produit les résultats attendus, c'est-à-dire le désarmement de l'Irak, qui reste notre objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Dans un tel contexte, un vote sur une seconde résolution ne nous paraît pas nécessaire et nous ne pensons pas qu'à ce jour il puisse y avoir une majorité sur ce sujet. Nous nous battons donc pour l'unité de la communauté internationale au sein du Conseil de sécurité sur cette position majoritaire.
    Evidemment, à ce jour, les tensions diplomatiques sont fortes. Quelles que soient les résolutions présentées, toutes celles qui pourraient déclencher automatiquement la guerre ou fixer un ultimatum recontreraient l'opposition claire et ferme de la France. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Si devait l'emporter, comme vous l'avez souligné, une hypothèse s'apparentant au passage en force, nous nous battrions à nouveau, au sein du Conseil de sécurité, pour ramener la paix au sein de l'ONU, organisation qui est la source du droit international.
    L'ONU a déjà résisté à de très nombreux veto. Elle pourra résister à d'autres situations de crise. Nous tenons vraiment à ce que la communauté internationale se rassemble dans cette organisation. C'est pour nous, je le répète, la source du droit et c'est, en fait, la source de la paix. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    C'est pour cela que, fidèles à notre attitude, nous sommes très vigilants aujourd'hui pour que l'on puisse s'exprimer avec fermeté, mais que, en toute circonstance, si, hélas, on peut déclencher la guerre sans passer par l'ONU, on ne puisse pas construire la paix sans elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRÉVENTION DES EXPULSIONS

    M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des députés-e-s communistes et républicains.
    Mme Janine Jambu. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    « L'expulsion représente un traumatisme lourd pour les familles qui la subissent. Aux difficultés sociales que les ménages expulsés ont en commun avec beaucoup d'autres, s'ajoute le handicap créé par un échec locatif : dette non soldée, défiance des bailleurs. » Ces deux phrases, extraites du dernier rapport du haut comité pour le logement des personnes défavorisées, illustrent bien, hélas, la situation à laquelle vont être confrontées des dizaines de milliers de familles dans quelques jours, à l'expiration du délai d'interdiction des expulsions. Ainsi, dans ma seule commune, près de 300 familles sont sous le coup d'une procédure.
    Dans un contexte social et économique détérioré par les choix financiers, les victimes du chômage et de la précarité augmentent le nombre des interventions de la force publique qui les privent d'un toit. La perspective qu'une telle situation puisse encore s'aggraver est insupportable.
    Le rapport du haut comité formule des propositions fondées sur l'évaluation du volet prévention de la loi de lutte contre les exclusions, votée en 1998, qui doit rester la seule référence et dont les décrets doivent être appliqués : renforcement des moyens humains et financiers des sections départementales des aides personnalisées au logement et du fonds de solidarité logement, pour les enquêtes et le suivi social, maintien des aides en cas de difficulté de paiement du loyer, retour au bail et enfin, le cas échéant, relogement. Cela suppose tous les acteurs se mobilisent, y compris les bailleurs autour du préfet, garant de la continuité de l'action publique.
    Monsieur le ministre, quels engagements et dispositions concrètes allez-vous mettre en oeuvre pour exercer une réelle et efficace prévention des expulsions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Madame la députée, je vous remercie de cette question.
    Il est vrai que chaque expulsion est, surtout pour les locataires de bonne foi, un drame individuel, souvent un drame familial. Il y a donc lieu d'accompagner et de soutenir les familles en difficulté. Or, si, comme vous l'avez dit, la loi de lutte contre l'exclusion a allongé les délais de procédure pendant lesquels les familles peuvent trouver des solutions pour subvenir au manque de logement, elle n'a rien prévu pour le soutien aux familles pendant ce délai supplémentaire. Ainsi, dans un département que vous connaissez bien, la Seine-Saint-Denis, on a dénombré, en 1999, 2000 et 2001, quelque 1 700 à 1 800 expulsions, mais 70 % des familles n'ont pas mis ce délai à profit pour trouver une solution de remplacement. Pendant cette période, la dette s'alourdit, la situation familiale, financière, personnelle et, souvent, psychologique des gens se dégrade.
    J'ai donc pris l'initiative, avec Mme Versini, de mettre en place un dispositif de soutien et d'accompagnement des familles en difficulté pour prévenir leur expulsion. Ces mesures sont incluses dans le renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion présenté par Mme Versini. Il s'agit de mieux former les travailleurs sociaux pour répondre à cette problématique, d'éclairer la décision des juges et d'accompagner les familles pour leur permettre de mieux assurer leur défense. Nous améliorons également les dispositifs d'aide comme le FSL, pour qu'il soit saisi à temps. Vous le voyez, madame Jambu, nous nous donnons les moyens d'une efficace politique de prévention des expulsions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Quels moyens ?

IRAK

    M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Lefort. Debout !
    M. Jacques Barrot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, comment ne pas être fier, en cet instant, de l'action du Président de la République et de notre diplomatie qui rencontre un écho de plus en plus fort dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous approuvons sans faille la fermeté de la position française dans sa volonté de désarmer l'Irak par d'autres moyens que le recours automatique à la force. Les convictions exprimées par la France sont justes pour aujourd'hui et pour demain. L'organisation de la sécurité et la construction de la paix dans le monde passeront de plus en plus par des actions multilatérales et par des approches globales qui ne sous-estimeront pas les autres facteurs de prolifération et de violence.
    En cela, monsieur le Premier ministre, avec le Président de la République française, nous sommes très attachés à l'institution des Nations unies, et convaincus que notre pays, au cours de cette crise, aura posé les jalons de l'avenir de la communauté internationale.
    Cela étant, malgré tous les efforts déployés, l'éventualité d'une guerre se profile et les Français s'inquiètent de certaines conséquences de ce conflit.
    Quelle action entendez-vous mener pour pallier les risques de cet état de guerre, si nous devons y entrer ? Comment la France, d'abord, peut-elle poursuivre son action courageuse de lutte contre le terrorisme avec tous ses alliés, y compris, bien entendu, les Etats-Unis ? Comment mettre en alerte nos concitoyens contre toutes les dérives racistes et antisémites qui pourraient secouer notre société ? Comment maintenir envers et contre tout nos liens avec nos voisins et alliés européens ? Car il faut, comme l'a dit Jacques Chirac, que l'Europe continue sa marche en avant vers une plus grande unité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, en effet, notre pays vit un moment important d'unité nationale autour du chef de l'Etat et de l'action de notre diplomatie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) C'est un moment grave, car nous sentons bien les tensions du monde. Face à ces tensions, notre position est d'une extrême clarté : il y a une alternative à la guerre. Et nous entendons rester sur cette position, ce qui ne nous empêche pas, comme vous venez de le souligner, d'être lucides quant à la situation internationale et aux tensions qui y sont liées.
    C'est pourquoi j'ai décidé de préparer, avec l'ensemble des membres du Gouvernement concernés, un programme d'initiative intérieure lié à la situation extérieure.
    Ce programme qui est, en cours d'élaboration, comporte quatre chapitres importants.
    Le premier concerne le renforcement de l'action contre le terrorisme. Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) a déjà préparé, en liaison avec d'autres ministres, notamment avec Michèle Alliot-Marie, des mesures pour que nous puissions être partout en situation de lutter contre le terrorisme. Je dois d'ailleurs dire que, en ce qui concerne notre coopération internationale en matière de renseignement, notre travail ne souffre pas des tensions internationales et s'est fortement développé.
    Par ailleurs, nous multiplions les initiatives pour renforcer le plan Vigipirate et nous oeuvrons pour préparer des actions, notamment dans le domaine du bioterrorisme, sur lequel travaille Jean-François Mattei. La mobilisation contre le terrorisme doit être forte et nous devons appeler les Français à la vigilance civile.
    Le deuxième chapitre porte sur la mise en alerte contre la montée du racisme et de l'antisémitisme. Ce travail va mobiliser non seulement toutes nos forces éducatives mais aussi tous les acteurs de terrain, comme les associations et les élus locaux. Nous préparons des initiatives, avons des contacts avec les organisations qui peuvent constituer des relais essentiels sur ces sujets et mettons en oeuvre un programme de sécurisation des lieux de culte. C'est un des éléments très importants de cette situation spécifique : mobilisons le pays contre le racisme et l'antisémitisme.
    Le troisième chapitre a trait aux initiatives que nous allons développer pour protéger notre projet européen. L'Europe ne doit pas être l'une des victimes de la guerre en Irak. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est pourquoi nous devons, aux niveaux du Gouvernement, du Parlement et des acteurs concernés, prendre des initiatives en direction de tous nos partenaires, qu'ils soient d'anciens membres de l'Union ou de nouveaux membres, tendre la main, dialoguer, pour que cette communauté de destin s'impose. Il est très clair aujourd'hui qu'il existe un besoin d'Europe. Notre combat pour la paix est un combat pour un monde multipolaire, pour la diversité, un combat qui intègre la dimension européenne.
    Le quatrième chapitre est relatif à la mobilisation pour l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), pour la défense de notre économie. Ce sujet est, lui aussi, très important. A cette fin, nous allons mobiliser l'ensemble des acteurs, ceux de l'Europe sociale comme ceux de terrain, en passant par les partenaires sociaux (« Blablabla ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
    M. le Premier ministre. Des moyens financiers supplémentaires seront mobilisés pour la prochaine conférence pour l'emploi, qui aura lieu le 18 mars prochain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je crois qu'il est très important de dégager des moyens supplémentaires pour faire face au ralentissement de la croissance. De même, nous allons prendre des initiatives pour simplifier la vie administrative de toutes nos forces vives, pour libérer les énergies du pays.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Poudre aux yeux !
    M. le Premier ministre. Telles sont les initiatives que nous prenons pour faire face à une situation extérieure troublée. Elles mobiliseront toutes les forces de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La France est en paix, en paix avec sa conscience universelle, grâce à son unité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

    M. le président. La parole est à  M. Michel Bouvard, pour le groupe de l'UMP.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le Premier ministre, depuis une vingtaine d'années, les dépenses de fonctionnement de notre pays ont eu tendance à s'accroître régulièrement,...
    M. Lucien Degauchy. Eh oui !
    M. Michel Bouvard. ... mangeant progressivement les marges d'investissement. C'est notamment vrai pour les investissements dans le domaine des transports. Cette situation a conduit le Gouvernement, compte tenu en particulier de différentes promesses qui avaient été faites sous la législature précédente, à commander un audit, qui vous a été remis la semaine dernière.
    M. François Goulard. Un excellent audit !
    M. Michel Bouvard. Cet audit, qui suscite de nombreuses questions sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est le moins qu'on puisse dire !
    M. Gérard Bapt. On a oublié Toulouse !
    M. Michel Bouvard. ... est complété par différents documents portant sur le transport ferroviaire, sur le transport fluvial, et par une étude de la DATAR.
    Parallèlement, à Bruxelles, le groupe Van Miert travaille sur les grands projets européens.
    Nous aimerions être éclairés sur l'articulation de ces différents documents, sur la manière dont le Gouvernement entend les prendre en compte pour faire des propositions d'investissement à la représentation nationale.
    Par ailleurs, une réflexion est-elle menée pour dégager des ressources extrabudgétaires destinées à ces investissements, qui sont indispensables non seulement pour renforcer l'attrait du territoire, mais aussi pour relancer la croissance ?
    M. Alain Néri. Il n'y a plus de sous !
    M. Michel Bouvard. Les investissements privés étant faibles, l'un des moyens permettant de soutenir la croissance est de relancer l'investissement public utile.
    Je vous remercie par avance, monsieur le Premier ministre, de l'éclairage que vous pourrez donner sur cette question...
    M. le président. Merci, monsieur Bouvard !
    M. Michel Bouvard. ... et de vos informations sur la façon dont seront pris en compte les engagements internationaux de la France...
    M. le président. Le Gouvernement va vous le dire, monsieur Bouvard !
    M. Michel Bouvard. ... conclus au travers des traités...
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Bouvard !
    M. Michel Bouvard. ... et des programmes européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, pourquoi cet audit ? Parce que, à la suite de l'alternance, nous avions besoin de dresser un état des lieux de l'ensemble des infrastructures qui avaient été promises (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et dont la plupart n'avaient été nullement financées. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Eclairé par cette photographie, mais aussi par le rapport des sénateurs Haenel et Gerbault, remis à Dominique Bussereau et à moi-même ce matin, par le rapport du sénateur Richemont sur le transport maritime et par l'étude prospective de la DATAR, le Gouvernement conduira, je vous le dis clairement, une politique très volontariste en matière d'infrastructures.
    M. Richard Cazenave. Très bien !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle, nous en tenir à la situation dont nous avons hérité, car un pays qui ne s'équipe pas en infrastructures est un pays qui dépérit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Au vu de cet audit, les propositions qui avaient été faites en matière d'infrastructures sont presque toutes pertinentes. Nous ne sommes donc pas confrontés à de très gros problèmes de choix. En revanche, il n'en va pas de même en ce qui concerne le calendrier.
    Les auditeurs nous montrent le chemin à suivre : il s'agit de trouver une ressource nouvelle, clairement identifiable, clairement « fléchée », comme l'on dit, vers les infrastructures de notre pays.
    Oui, monsieur le député, les infrastructures sont utiles et nécessaires pour notre développement, nos régions, notre croissance économique et notre emploi. Le Gouvernement conduira donc une politique très volontariste en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DISPARITIONS D'ENFANTS
ET LUTTE CONTRE LES SITES PÉDOPHILES

    M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'UMP.
    Mme Chantal Brunel. Elle s'appelle Estelle, elle a la beauté et l'innocence de ses neuf ans. Elle habite Guermantes, un petit bourg de ma circonscription situé au creux des vallées de la Brosse et de la Gondoire. Le 9 janvier 2003, la vie bascule : Estelle ne rentre pas. Des moyens considérables en hommes et en matériels sont déployés par le ministère de l'intérieur. Une solidarité humaine exceptionnelle se manifeste, ce dimanche encore au stade Charléty. Pourtant, l'attente est toujours là, angoissante et insupportable pour la famille, pesante pour Guermantes et pour nous tous.
    Nous ne voulons pas oublier Estelle. Nous ne voulons pas non plus oublier Aurélie, Marion, Marine, autres enfants disparus.
    Bien que, à ma connaissance, on ne puisse pas relier formellement ces disparitions à des activités pédophiles, je voudrais tout de même vous demander, monsieur le ministre de l'intérieur, quels sont les moyens actuels de répression de vos services face au développement des sites pédophiles - on parle d'un million d'images -, le plus souvent installés à l'étranger. Je sais que vos services s'emploient à lutter contre ces sites, mais il semble que des freins limitent leurs possibilités d'action.
    Quelles mesures la France peut-elle prendre ? Comment organiser une véritable coopération des polices dans ce domaine ? Nous savons tous, dans cet hémicycle, que le problème des paradis fiscaux et des Etats non coopératifs n'a pas été réglé.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est vrai !
    Mme Chantal Brunel. Toutefois, nous savons tous aussi que la menace de sanctions a permis de réaliser des progrès. Ne peut-on avancer dans le même sens pour les sites pédophiles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Madame la députée, j'ai reçu les parents d'Estelle. Nous pouvons tous rendre hommage à leur très grande dignité et nous incliner devant leur douleur.
    Estelle a disparu depuis deux mois. Les enquêteurs du SRPJ de Versailles font ce qu'ils peuvent, ne négligent aucune piste, mais je vous confesse qu'aujourd'hui - et c'est bien pour cela qu'ils n'en négligent aucune - ils n'en ont pas de sérieuses. Du reste, personne ne sait dans quelles circonstances Estelle a disparu.
    Au nom du Gouvernement, j'ai pris l'engagement, devant ses parents, que la cellule spéciale qui a été mise en place pour retrouver Estelle ne s'arrêtera pas de travailler tant que celle-ci n'aura pas été retrouvée, tout en sachant bien que ces mots ne permettront pas de guérir leur angoisse et ne sont pas à la hauteur de la douleur qu'ils ressentent, comme ils ne sont pas à la hauteur de celle des parents d'enfants ayant été victimes d'agissements pédophiles. Toutefois, pour ce qui est d'Estelle, nous ne pouvons pas encore dire ce qui s'est passé.
    Face à cette situation, la France, qui assume la présidence du G 8 qui se tiendra au mois de juin, a proposé que la réunion préparatoire des ministres de l'intérieur et de la justice soit consacrée à la question de la pédopornographie et des sites Internet pornographiques, car seule la coopération internationale peut rendre notre action efficace.
    Par ailleurs, dès 2002, nous avons créé une section spéciale au sein de la gendarmerie, chargée d'identifier la provenance des images pédopornographiques sur le site Internet. Tenez-vous bien : rien que pour cette seule année, 720 affaires ont été traitées et ont fait l'objet de poursuites, ce qui témoigne de l'importance du phénomène.
    Le garde des sceaux a donc prévu, dans le cadre de son projet de loi destiné à lutter contre la criminalité, de durcir les peines sanctionnant les auteurs de ces diffusions.
    Pour ma part, j'ai organisé, il y a un mois, au ministère de l'intérieur, une réunion de travail avec les fournisseurs d'accès afin que les images pédopornographiques ne soient plus diffusées en France.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. S'il y a un domaine, madame la députée, où la tolérance zéro doit s'appliquer, c'est bien celui-là ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

AVENIR D'EADS

    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen, pour le groupe socialiste.
    M. Pierre Cohen. Monsieur le Premier ministre, dès votre arrivée au Gouvernement, vous avez décidé de ne pas faire de l'emploi votre priorité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Peu à peu, méticuleusement, vous avez réussi à casser tous les dispositifs qui permettaient d'inverser la courbe du chômage.
    M. Yves Nicolin. N'importe quoi !
    M. Pierre Cohen. Les Français, en complet désaccord avec vos orientations sur l'emploi, n'accordent aucun crédit à cette politique.
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Pierre Cohen. Ils ont raison, car c'est au MEDEF et à sa logique libérale, qui mise sur des licenciements massifs pour assurer des profits aux actionnaires, que vous avez accordé votre priorité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La remise en cause de la loi de modernisation sociale, qui visait à encadrer les plans de licenciements, en est certainement le meilleur symbole.
    M. Yves Nicolin. Blabla !
    M. Pierre Cohen. Ce ne sont pas non plus vos déclarations médiatiques pour dénoncer des chefs d'entreprise voyous qui suffisent à masquer votre laisser-faire au regard des plans massifs de licenciement.
    L'actualité montre encore aujourd'hui que les incantations ne suffisent plus. Ainsi, l'annonce d'un nouveau plan de restructuration s'accompagnant de 1 700 suppressions d'emplois dans la branche espace d'EADS d'ici à 2005 ravive les inquiétudes, en particulier à Astrium - et je ne parle pas de ce qui se passe à Alcatel Space. Ce nouveau plan vient en effet s'ajouter à celui qui avait déjà été annoncé l'an dernier à Astrium et qui comportait la suppression de 1 600 postes.
    M. Yves Nicolin. La question !
    M. Pierre Cohen. Le géant européen de l'aéronautique et de l'espace a précisé à Munich que ces mesures rapporteraient 285 millions d'euros par an. C'est une honte !
    M. Bernard Roman. Scandaleux !
    M. Yves Fromion. Mieux vaudrait sans doute aggraver le déficit ?
    M. Pierre Cohen. Monsieur le Premier ministre, l'Etat est actionnaire d'EADS, il ne faut pas l'oublier.
    D'aucuns reconnaissent que le secteur spatial traverse une mauvaise période et qu'il serait très grave, pour la France et pour l'Europe, d'abandonner ce domaine aux Américains.
    M. Bernard Roman. Le Gouvernement est responsable !
    M. Pierre Cohen. Il s'agit là, vous le savez, d'un secteur stratégique dont le savoir-faire technologique doit être préservé pour maintenir notre pays au meilleur niveau international et assurer sa position de leader au niveau européen.
    Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, n'est-il pas temps d'engager une véritable politique industrielle, dégagée de toute influence du MEDEF ?
    M. le président. Posez votre question, monsieur Cohen, cela évitera que M. Nicolin ne vous interrompe à nouveau.
    M. Pierre Cohen. Je vais donc poser ma deuxième question, monsieur le président.
    Quelles sont, monsieur le Premier ministre, vos propositions concrètes et immédiates pour enrayer ce gâchis et soutenir l'un des plus beaux fleurons de notre économie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Lucien Degauchy. C'est nul !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, EADS est une formidable réussite à la fois industrielle et commerciale, française et européenne. Nul ne peut le contester, et la France est en droit d'en être fière, notamment pour ce qui est de la compétitivité des avions Airbus, dont la production dépasse très largement celle de Boeing, en dépit d'une concurrence féroce des Etats-Unis.
    Malgré cela, nous devons constater qu'un certain nombre de difficultés se présentent, notamment depuis les tragiques événements du 11 septembre 2001, qui ont fragilisé le secteur de l'aéronautique.
    La crise des télécommunications a également atteint le secteur des satellites. Ainsi le secteur de l'aérospatiale est exposé, en dépit de la poursuite du programme Hélios, qui permettra à Astrium de continue ses activités.
    Dans ce contexte, nul ne peut reprocher à EADS d'anticiper. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nul ne peut lui reprocher de viser résolument deux objectifs,...
    M. Bernard Roman. Ce n'est pas le problème !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... d'une part, assurer en 2004 l'équilibre du secteur spatial, fragilisé également par l'échec d'Ariane V, et, d'autre part, porter très haut les ambitions pour l'avenir du groupe au niveau européen.
    Les nécessaires restructurations d'équilibre et les réductions d'effectifs annoncées par ce groupe devront s'accompagner des mesures de reclassement et d'accompagnement les plus adéquates.
    M. Bernard Roman. Comme pour Metaleurop !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Le Gouvernement y veillera. En effet, ce qui est en cause, c'est la pérennité de ce grand groupe européen et de toutes celles et tous ceux qui s'y investissent avec passion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ZONES DE TRANSIT AÉROPORTUAIRES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Lefranc, pour le groupe de l'UMP.
    M. Jean-Marc Lefranc. Monsieur le ministre de l'intérieur, deux rapports récents, l'un de Médecins du monde, l'autre de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, déplorent les conditions d'accueil dans les zones d'attente aéroportuaires. La semaine dernière, vous vous êtes rendu sur place afin de constater la situation et vous avez déclaré que certaines conditions d'hébergement ne pouvaient plus être tolérées.
    Je tiens à rappeler que, il y a quelques mois, vous vous êtes personnellement investi dans le dossier de Sangatte. Nombreux sont celles et ceux qui, dans cet hémicycle, ont salué la décision que vous avez prise et la détermination dont vous avez fait preuve. Ce fut notamment le cas des élus de l'opposition exerçant une responsabilité locale.
    Vendredi prochain, vous rencontrerez les responsables de l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, afin d'étudier les améliorations nécessaires qui pourraient être mises en oeuvre pour préserver la dignité des personnes placées en zone de transit.
    D'ores et déjà, vous avez décidé que la présence d'un médecin vingt-quatre heures sur vingt-quatre était indispensable et qu'il convenait d'améliorer la formation des personnels de police affectés à ces missions.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer de vos constats et des mesures que vous entendez prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, la zone de transit de Roissy existe depuis onze ans, et depuis onze ans, c'est toujours la même histoire : des polémiques opposent un mouvement associatif attaché à la défense des droits de l'homme - ce qui est tout à fait naturel - et les fonctionnaires de police, qui exercent un métier extrêmement difficile.
    Comment sortir de ces débats stériles ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Ecoutez, si c'était si facile, il ne fallait pas vous gêner : vous avez disposé des cinq dernières années pour moderniser la zone de transit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Après tout, c'est vous qui avez laissé cette zone dans l'état où je l'ai trouvée ! Si c'est aujourd'hui une honte pour la France, ça l'était tout autant hier : il n'y avait qu'à décider et agir. Maintenant, ça suffit : il ne faut pas à jouer avec la détresse des gens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Nous allons proposer trois changements.
    Premièrement, comme je l'ai indiqué la semaine dernière, avec l'accord du Premier ministre, les vols groupés européens continueront pour transporter tous ceux qui n'ont pas de papiers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais, pour eviter toute polémique, les associations humanitaires se verront réserver, si elles le désirent, un siège dans chacun de ces vols, ce qui leur permettra de suivre ce qui se passe de l'intérieur. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Deuxièmement, travaillent actuellement dans la zone un médecin l'après-midi et une infirmière le matin. Nous allons changer les choses et prévoir médecin et infirmier de jour comme de nuit.
    Troisièmement, et ce point est sans doute le plus important, nous allons, vendredi, proposer aux associations d'ouvrir en permanence, ce qui n'avait jamais été accepté, les zones de transit à toutes associations qui en expriment le désir, à une seule condition, qu'elles limitent leur action au soutien humanitaire et social, et qu'elles ne dispensent pas des conseils juridiques pour contourner les lois de la République.
    Voilà la réponse du Gouvernement, monsieur le député. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION DE LA FEMME

    M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe UMP.
    M. Lionnel Luca. Madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, du 20 février au 8 mars, vous avez organisé, pour préparer la journée de la femme, dix rencontres sur le thème de l'égalité, dans lesquelles vous vous êtes personnellement impliquée. Ces rencontres se sont terminées à l'hôtel Matignon, où M. le Premier ministre a accueilli des femmes représentatives de leur milieu socioprofessionnel. Quel bilan en tirez-vous ?
    Ce même jour s'achevait la marche des femmes qui a révélé la situation tragique que connaissent les jeunes filles dans les quartiers sensibles, victimes d'une discrimination sexuelle intolérable dans un Etat républicain comme le nôtre. Mes collègues Georges Mothron et Marie-Jo Zimmermann, qui vous ont déjà posé des questions à ce sujet, se joignent à moi pour vous demander quels moyens, quel soutien vous comptez apporter à ces jeunes filles pour que cesse cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
    Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Monsieur le député, c'est en effet sous le double signe de l'exemplarité et de la solidarité que nous avons souhaité organiser la semaine qui a précédé le 8 mars. Cette journée exceptionnelle s'est ouverte, du reste, avec Mme Chirac (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) et les infirmières de l'hôpital Bichat, dans cet esprit.
    Au terme de cette journée, le Gouvernement se sent conforté dans sa stratégie, qui entend lutter pour l'égalité et prendre en compte le potentiel formidable que représentent les femmes aujourd'hui, dans le domaine économique comme dans le reste de la société.
    Vous avez évoqué un sujet particulièrement sensible, celui de la violence. Combattre la violence, c'est d'abord donner une résonance à la souffrance de celles et de ceux qui la vivent au quotidien, dans la rue, au sein de leur famille ou dans les quartiers. C'est donc reconstruire un dialogue avec les jeunes, dans leur ensemble, et faire en sorte que nos valeurs républicaines puissent être réaffirmées au coeur des banlieues. Tel a été l'objet de la réunion de travail qu'a souhaitée tenir le Premier ministre avec les jeunes, filles et garçons, qui avaient organisé la marche à laquelle vous avez fait référence.
    Cette réunion de travail s'est déroulée en présence de François Fillon et de Jean-Louis Borloo. Elle débouche sur un plan d'action interministériel et transversal qui permettra de mobiliser le plus efficacement possible les moyens de l'Etat, des associations et de collectivités locales dans plusieurs directions : réinstaurer l'Etat de droit et sanctionner durement les violences quelles qu'elles soient ; accompagner l'initiative, la responsabilité, la créativité au coeur de ces banlieues - celles-ci ne manquent pas mais elles sont malheureusement insuffisamment mises en valeur - ; réaffirmer enfin les valeurs de la dignité et du respect, et, sur ce plan, un partenariat avec le Gouvernement est déjà engagé.
    Je voudrais vous dire, monsieur le député, sachant votre intérêt pour ce qui constitue une urgence sociale, que nous avons l'intention de mener une action très volontariste, probablement expérimentale, dans de nombreux quartiers. Mais, au-delà de l'action du Gouvernement, c'est toute la société qui doit se mobiliser sur cet enjeu, comme l'a très bien rappelé M. le Premier ministre à la soeur de Sohane ; pas seulement au nom des femmes, mais de l'humanité tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

    M. le président. La parole est à M. Armand Jung, pour le groupe socialiste.
    M. Armand Jung. Monsieur le Premier ministre, lors de votre entrée en fonction à Matignon, vous avez commandé un audit sur les projets d'infrastructures de transport. M. de Robien en a parlé tout à l'heure, mais ses réponses ne m'ont pas satisfait.
    M. Yves Nicolin. C'est du réchauffé !
    M. Armand Jung. Ce document, qui vient d'être rendu public, ne satisfait aucune région, aucun département de notre pays. Y a-t-il encore une politique d'aménagement du territoire en France ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Qu'en est-il du TVG Sud-Aquitaine, des projets de ferroutage, du TGV Ouest, du TGV Lyon-Turin ? Vous vous défaussez sur des études. Est-ce à dire qu'il n'y a plus aucun choix politique, stratégique pour un développement durable des communications ? Votre marge budgétaire est-elle si faible ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qu'elle ne permet plus d'assurer l'égalité de nos concitoyens dans leurs déplacements ?
    M. Georges Tron. 300 milliards de déficit !
    M. Yves Fromion. Votre héritage !
    M. Armand Jung. Aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, c'est un député alsacien et strasbourgeois indigné et en colère qui vous interpelle. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Connaissez-vous une seule ville, une seule région qui accepterait de financer à hauteur de 2 milliards de francs un TGV est-européen qui n'arrive pas à destination ? (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Le Président de la République a décrété Strasbourg, capitale européenne, cause nationale. Vous-même avez pris des engagements en ce sens à Strasbourg en septembre dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Ueberschlag. La gauche n'a rien fait pour cette ville !
    M. Armand Jung. Depuis vingt-cinq ans, tous les gouvernements qui se sont succédé, tous les ministres issus de notre région ont défendu ces orientations.
    M. Pierre Cardo. Et M. Gayssot, qu'a-t-il fait ?
    M. Jean Ueberschlag. Rien !
    M. Armand Jung. Dans notre région, la parole donnée est chose sacrée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or votre gouvernement ne tient pas ses engagements. L'Alsace vous a largement accordé son soutien l'an dernier...
    M. Jean Glavany. Elle a eu tort !
    M. Armand Jung. ... mais, depuis votre arrivée à Matignon, le chômage a augmenté de plus de 21 %. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Jung, pouvez-vous poser votre question ?
    M. Armand Jung. Vous blessez profondément cette région. Aujourd'hui, l'Alsace, la bonne élève de la République, vous demande des comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez sans doute raison d'être en colère, mais vous devriez l'être contre vous-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) L'audit est une photographie de l'héritage que vous nous avez laissé. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Votre héritage, ce sont des infrastructures autorisées, annoncées, promises dans tout le pays et non financées. Voilà ce que votre majorité a fait pendant cinq ans ! (Vifs applaudissements et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cet audit va nous permettre de conduire une politique différente de celle que vous avez menée pendant cinq ans. Parce que, à la réflexion et aux discours, nous allons substituer l'action et la réalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Cet audit est une aide à la décision, ce n'est pas la décision : celle-ci relève des élus et du Gouvernement. Maintenant que les élus et le Gouvernement sont éclairés, ils vont avoir ici, au Parlement, un débat sur les infrastructures. Et le Gouvernement va enfin pouvoir proposer, éclairé par les autres rapports que j'ai cités une vraie politique des transports,...
    M. François Hollande. Certainement pas !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... alliant la cohérence, l'aménagement du territoire, le développement durable et la dimension européenne, avec l'élargissement de l'Europe.
    Monsieur le député, sans l'alternance, le pays serait aujourd'hui en état de déshérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, ces infrastructures seraient actuellement toutes en panne. Nous allons les réaliser, grâce notamment à une ressource nouvelle et complémentaire que nous n'avez pas su mettre en place. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, calmez-vous !
    M. Bernard Roman et M. Julien Dray. La question était posée à M. Raffarin !

POLITIQUE DE LA RECHERCHE

    M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Vitel. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Le Président de la République a inauguré récemment à Crolles un centre de recherche en nanoélectronique. Cet investissement industriel est le plus ambitieux réalisé en France depuis dix ans. Lors de cette inauguration, le Président a insisté sur l'urgence qu'il y a à mettre fin à la fuite des cerveaux. En effet, nombreux sont nos grands chercheurs qui partent à l'étranger, où ils trouvent de meilleures conditions de travail et de rémunération.
    Aujourd'hui, force est de constater que la recherche française est en perte de vitesse. Elle ne manque pourtant ni de savants ni de chercheurs talentueux, mais elle souffre de l'absence d'une véritable politique volontariste à même de relancer le pouvoir d'attraction de la France, de stimuler la recherche appliquée et de renforcer les liens entre recherche publique et recherche privée.
    Pouvez-nous nous informer, madame la ministre, de la volonté du Gouvernement en la matière et des mesures que vous comptez mettre en oeuvre afin de donner à notre pays une indispensable impulsion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
    Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le député, vous avez rappelé à juste titre l'intervention récente du Président de la République.
    M. Patrick Lemasle. Chirac a tout dit !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Permettez-moi de citer ses propos : « Améliorer l'attractivité de la France, c'est soutenir le développement de la science et de la technologie. Les ressources intellectuelles sont désormais les nouvelles richesses où une nation dynamique peut puiser sa vitalité. Il nous faut miser sur la science et la technologie pour proposer une vision d'avenir et pour, dès maintenant, améliorer la croissance économique et le progrès. »
    L'ambition du Gouvernement est évidemment de rendre à nouveau la France attractive auprès de chercheurs créatifs et brillants qui ont parfois tendance à partir. Il en est de même vis-à-vis des entreprises qui ont un fort potentiel d'investissement dans l'innovation.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pourquoi ne stimulez-vous pas la recherche ?
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Sous l'impulsion du Premier ministre, Nicole Fontaine et moi-même avons proposé un plan de soutien à l'innovation qui comprend différents volets.
    Un premier volet, incluant des mesures législatives, réglementaires, fiscales et financières, vous sera bientôt proposé. Il a pour objectif l'incitation, le soutien et la simplification.
    Un second volet, sur lequel vous avez insisté à juste titre, s'attachera à améliorer la synergie entre la recherche publique et la recherche privée, avec un meilleur transfert des connaissances acquises vers les entreprises, quelle que soit leur taille. Cette amélioration passera par une plus grande flexibilité et une meilleure réactivité de notre système. On doit également compter sur les jeunes qui s'engagent et qui sont le terreau d'un meilleur dialogue entre le public et le privé.
    Cette politique en faveur de l'innovation nécessite également que la culture d'entreprise, la culture de projet soient mieux reconnues en France, à tous les niveaux. Il faut notamment inculquer aux jeunes l'esprit d'entreprendre.
    M. François Goulard. Bravo !
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Nous en sommes au stade de la consultation, dont les résultats vous seront communiqués le 9 avril prochain. Cette démarche a vraiment été perçue par l'ensemble des acteurs de la communauté comme la possibilité de susciter une nouvelle dynamique en mobilisant toutes les énergies.
    L'effort à accomplir est considérable. En France, seulement 10 % des PME investissent dans la recherche contre 25 % en moyenne en Europe, et même 55 % dans certains pays scandinaves. Il ne s'agit donc que d'une première étape, il reste encore beaucoup à faire.
    Je veux pour conclure souligner que l'avenir de la science et de la technologie passe aussi par la reconnaissance du chercheur, reconnaissance financière et sociale. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Voilà un véritable enjeu de société auquel nous voulons vous attaquer grâce à toutes les mesures que nous allons prendre au plan national, mais en intégrant aussi le niveau européen.
    M. le président. Merci, madame la ministre.
    Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Il faut, avec l'ensemble de nos partenaires, créer à cet égard une dynamique de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PRÉVENTION DE LA TOXICOMANIE
DANS LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Paul Garraud. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    La drogue est toujours, malheureusement, une question d'actualité. Elle touche surtout les jeunes, endeuille les familles, génère de très nombreuses infractions, soutient toute une activité criminelle et finance les mafias.
    Le Gouvernement s'est enfin décidé à lutter contre ce fléau en renforçant les moyens donnés à la justice et à la police en proposant de nouvelles mesures dans un projet de loi, qui sera examiné prochainement, relatif à la lutte contre la grande criminalité.
    Ma question s'attache à un aspect particulier du problème : la prévention à l'égard de ceux qui sont les plus exposés, nos enfants. Notre système scolaire les informe-t-il véritablement des risques liés à la consommation des drogues ?
    Je sais que les résistances à gauche sont fortes. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Un ancien ministre de la santé, c'est un comble, a même proclamé, le 15 septembre 2001, qu'il était favorable à la levée de l'interdiction pénale de l'usage des stupéfiants.
    M. Bernard Accoyer. Inacceptable !
    M. Jean-Paul Garraud. Des revues, dont je tairai le nom pour ne pas leur faire de publicité mais que je tiens à votre disposition, monsieur le ministre, font en réalité l'apologie des drogues sous prétexte d'informer le public, en particulier les jeunes. L'une d'elles, sous-titrée « le journal des drogués heureux », tirée à 20 000 exemplaires par semaine, prodigue tout au long de ses rubriques « les meilleurs conseils » pour déjouer, en cas d'arrestation, les questions de la police et de la justice. Et je pourrais multiplier les exemples.
    M. Bernard Accoyer. Invraisemblable !
    M. Maxime Gremetz. Délation !
    M. Jean-Paul Garraud. Le plus édifiant, c'est que certaines de ces publications ont été éditées avec le soutien de la direction générale de la santé, de l'ex-ministre de l'emploi et de la solidarité et même du conseil communal de prévention de la délinquance de la ville de Lille !
    M. Bernard Accoyer. C'est scandaleux !
    M. Jean-Paul Garraud. Pourquoi ne pas dire, monsieur le ministre, la vérité à nos enfants ? Il faut cesser de soutenir une telle politique et faire circuler enfin une information débarrassée de toute idéologie dans nos écoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le député, vous avez raison, la consommation de drogue, en particulier dans les établissements scolaires, est une question préoccupante. Nous avons décidé, vous le savez, de prendre ce sujet à bras-le-corps.
    M. Michel Delebarre. Ah !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Effectivement, les discussions qui ont eu lieu sous le gouvernement précédent ont laissé entendre que le cannabis était une drogue douce. Comme s'il pouvait y avoir des drogues douces, comme si elles n'étaient pas toutes néfastes !
    M. Bernard Roman. Et l'alcool ?
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Ces discussions étaient à la fois bizarres et contradictoires avec notre idéal éducatif. Pour nous, contrairement à ce qui a été dit naguère par quelques ministre, il n'y a pas, je le répète, de drogue douce, il n'y a que des drogues néfastes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Glavany. Quel obscurantisme !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. L'an dernier, nous avons arrêté 740 dealers qui exerçaient leur « profession » dans les établissements scolaires et nous n'avons pas l'intention de tolérer plus longtemps ce genre de phénomène.
    Il faut éduquer mais aussi prévenir. Nous avons décidé, avec la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, d'agir.
    Nous allons augmenter de 11 % le budget d'intervention de cette mission dans les établissements scolaires, ce qui représente 3 millions d'euros.
    M. Bernard Roman. C'est incroyable ! Comment peut-on mentir comme cela ? Les crédits baissent !
    M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire. Nous allons conduire une action à la fois de prévention éducative et de répression. Et je rappelle, puisque certains semblent contester mes propos, que les documents évoqués par M. Garraud ont été publiés sous le gouvernement Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Mensonges !
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Rudy Salles.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

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REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ DÉCÉDÉ

    M. le président. J'ai reçu, en application des articles LO 176-1 et LO 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en date du mardi 11 mars 2003 m'informant du remplacement de Jean-Marc Chavanne, député de la cinquième circonscription de la Haute-Savoie, décédé, par M. Marc Francina.

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ENTREPRISES DE TRANSPORT AÉRIEN

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n°s 632, 654).
    En accord avec M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, je vais d'abord donner la parole à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, mes chers collègues, le projet de loi adopté par le Sénat le 12 février 2003 et sur lequel nous devons nous prononcer n'est pas un texte de privatisation d'Air France : il s'agit d'un dispositif d'accompagnement de la privatisation, dont le champ et la portée concernent l'évolution du cadre juridique et social applicable aux compagnies aériennes.
    D'une part, ce projet de loi n'a pas vocation à ne s'appliquer qu'à la société Air France et, d'autre part, il ne revient en aucune manière sur le principe de la privatisation de la compagnie, sur lequel le Parlement s'est déjà prononcé en adoptant la loi de privatisation de 1993, modifiant celle de 1986, texte, et j'insiste sur ce point, sur lequel l'ancienne majorité n'est pas revenue.
    Il ne fait cependant guère de doute que le débat portera inévitablement sur l'opportunité de privatiser une entreprise publique comme Air France. C'est pourquoi, avant d'évoquer les questions que pose le projet de loi, je rappellerai cinq bonnes raisons qui justifient la privatisation d'Air France et deux mauvaises raisons qui peuvent plaider en faveur du maintien de son statut d'entreprise publique.
    Pourquoi donc privatiser Air France ? Parce que cette mesure est nécessaire à son développement et que le maintien d'un statut public est aujourd'hui dépassé.
    M. François Goulard. Très juste !
    M. Jean-Louis Idiart. Tiens donc !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Première raison, donc : l'activité de la société Air France ne relève pas d'une mission de service public.
    Le transport aérien d'une façon générale n'est pas un service public : c'est un secteur concurrentiel, comme en témoignent tous les jours les évolutions du marché et la création de nouvelles compagnies ou de nouveaux produits de transport aérien. De plus, l'activité d'Air France ne contribue que tout à fait marginalement à l'exercice d'une mission de service public. La part du chiffre d'affaires consacrée aux activités de service public et d'aménagement du territoire rapportée au chiffre d'affaires total d'Air France s'établit actuellement à 6,2 %, et la part de la compensation versée par l'Etat à ce titre est pratiquement négligeable puisqu'elle n'est que de 0,11 %.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Charles de Courson, rapporteur. La proportion du chiffre d'affaires relative à des missions de service public n'est pas très différente dans les filiales du groupe.
    Au demeurant, Air France privatisée pourra toujours remplir des missions de service public. La privatisation n'empêchera pas l'Etat de lui confier des missions d'intérêt général, comme il le fait avec d'autres sociétés privées de transport aérien, et d'édicter des obligations de service public en procédant à des appels d'offres pour l'exploitation de lignes aériennes non rentables, dans le cadre d'une contractualisation, conformément à une directive européenne régissant ce domaine. L'Etat conservera également ses prérogatives de réquisition en cas d'urgence, en cas de conflit armé par exemple.
    Deuxième raison plaidant en faveur de la privatisation : le caractère public d'Air France est devenu une anomalie dans l'Union européenne comme dans le monde.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. François Asensi. Non, c'est faux !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cette privatisation s'inscrit dans un mouvement général de privatisation en Europe : KLM a été privatisée en 1986, British Airways en 1987,...
    M. François Asensi. Pour quel résultat ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. ... Lufthansa en 1997 et Iberia en 2001. D'autres compagnies européennes sont privées depuis toujours, comme la grande compagnie grecque.
    Combien reste-t-il de compagnies à capitaux publics ? La SAS, en raison d'une nature pluri-étatique : le Danemark détient 14,3 % du capital, la Norvège 14,3 % et la Suède 21,4 %, les 50 % restants étant privés. Ces trois pays ne se sont pas encore mis d'accord sur les conditions de la privatisation.
    Il existe un autre cas : Alitalia, dont le gouvernement italien détient 53 % du capital et les salariés 20 %. Cette entreprise devrait se diriger vers la privatisation.
    M. Jean-Pierre Blazy. On peut faire confiance à Berlusconi !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Air France est donc pratiquement la dernière compagnie aérienne européenne publique. A ceux qui prétendent que ce n'est pas un argument, je demande de bien réfléchir : dans un monde ouvert, on n'a pas raison tout seul !
    M. Jean-Louis Idiart. Il ne faut pas toujours s'aligner sur les Américains !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Troisième raison en faveur de la privatisation - probablement la raison essentielle - : la disparition du caractère public de la société est nécessaire à son développement.
    Le statut public d'Air France handicape en effet son développement capitalistique. L'Etat actionnaire n'est pas, compte tenu de sa situation budgétaire, capable de faire face aux besoins capitalistiques futurs. On peut même affimer qu'historiquement l'Etat actionnaire, en France, a toujours été une machine à socialiser les pertes : les entreprises publiques déficitaires et en déclin sont dotées tardivement et insuffisamment, et les entreprises publiques bénéficiaires et dynamiques ne sont pas dotées car il y a toujours d'autres priorités.
    M. Richard Mallié. C'est vrai !
    M. Charles de Courson, rapporteur. La situation actuelle handicape les alliances capitalistiques, nécessaires à la stratégie d'Air France comme d'ailleurs à celle de toute compagnie aérienne. Dans un contexte d'internationalisation qui rend nécessaires les alliances, la privatisation doit permettre de développer l'accord commercial au sein de l'alliance globale SkyTeam. Car, mes chers collègues, si Air France ne s'allie pas avec d'autres compagnies européennes comme KLM, Iberia ou Alitalia, son poids au sein de SkyTeam disparaîtra totalement.
    Le statut public d'Air France constitue aussi un handicap ou un frein pour les rapprochements avec d'autres compagnies. En particulier, le rapprochement avec KLM est aujourd'hui lié à l'exigence préalable d'une privatisation. D'après les informations que j'ai recueillies auprès du président de la compagnie, dans le cadre des discussions exploratoires entre Air France et KLM, cette dernière a indiqué qu'une alliance stratégique à long terme, impérativement associée à des opérations capitalistiques, ne pouvait se concevoir sans la privatisation d'Air France.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est complètement faux !
    M. Charles de Courson, rapporteur. C'est le président d'Air France qui est venu nous le dire ! Il s'agit donc d'une condition nécessaire pour qu'Air France ne soit pas marginalisée dans la restructuration à venir du secteur en Europe et pour qu'elle puisse y jouer un rôle majeur, à l'instar de Lufthansa et de Bristish Airways dans leurs alliances respectives. Il est clair que, dans les années qui viennent, il y aura trois grands pôles en Europe : le pôle British Airways, le pôle Lufthansa et le pôle Air France, si Air France est privatisée.
    De même, et j'insiste sur ce point, lors des discussions avec Iberia en 1997-1998, la holding étatique SEPI, qui possède Iberia, avait indiqué au président Christian Blanc qu'il ne pouvait y avoir de discussion possible avec Air France tant que cette compagnie serait détenue majoritairement par des capitaux publics. Ce point a d'ailleurs été rappelé en commission des finances par M. Blanc, qui était alors président d'Air France.
    M. Jean-Louis Idiart. Il a démissionné à cause de ça ?
    M. Jean-Claude Lefort. Il défend des intérêts particuliers ou généraux ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Quatrième raison : l'Etat actionnaire n'a pas sa place dans le capital d'Air France.
    D'abord, la présence financière de l'Etat dans le capital d'une entreprise se révèle d'une manière ou d'une autre néfaste pour le contribuable. Le spectre d'un financement par l'impôt doit inciter à éviter toute confusion des genres.
    Quels sont les chiffres depuis l'immédiat après-guerre ? L'ensemble des dotations en capital de l'Etat versées depuis 1948 et actualisées au 31 décembre 2001 représentent 6,1 milliards d'euros constants. Parallèlement, l'ensemble des dividendes versés à l'Etat, actualisés au 31 décembre 2001, s'élève à 329 millions d'euros.
    M. Jean-Claude Lefort. Et alors ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La cession d'une partie des actions détenues par l'Etat, puisque le précédent gouvernement a fait chuter sa participation à 55 %, a rapporté un peu plus d'un milliard d'euros. Et si l'on considère que la participation de l'Etat vaut, au cours de Bourse actuel, 1 milliard d'euros, on constate que, en comparaison des 6,1 milliards d'euros de dotations en capital versés depuis 1948, l'Etat n'aura retiré qu'un peu plus de 2,3 milliards d'euros.
    M. Jean-Claude Lefort. Et alors ?
    M. François Asensi. L'aménagement du territoire, ça n'existe pas ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Qu'est-ce que cela signifie ? Que le contribuable a apporté 3,8 milliards d'euros à Air France en quarante-sept ans. Est-ce là une utilisation normale des impôts des contribuables ?
    M. Jean-Claude Lefort. Absolument !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Nous, nous répondons non.
    M. Jean-Louis Idiart. Expliquez les chiffres !
    M. Jean-Claude Lefort. Nous ne sommes pas des comptables, mais des politiques !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ensuite, la présence de l'Etat aboutit, qu'on le veuille ou non, à une situation inéquitable du point de vue de la libre concurrence.
    Enfin, les leçons d'une histoire qui n'est pas si ancienne permettent de comprendre qu'un Etat actionnaire est souvent un facteur contre-productif pour la stratégie d'entreprise.
    M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il serait aisé de rappeler les errances de l'Etat actionnaire, qui préfère souvent ponctionner ses entreprises en période de croissance lorsqu'elles sont bénéficiaires, et les aide à recapitaliser, en période de crise, mais trop tard et insuffisamment.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas le cas !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cinquième raison : l'Etat s'est engagé à privatiser Air France il y a maintenant dix ans, mais il ne l'a pas fait.
    M. Jean-Claude Lefort. Et alors ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Lors de la recapitalisation d'Air France, à hauteur de 20 milliards de francs, l'une des conditions posées par la Commission européenne a été la privatisation. Or le précédent gouvernement a fait chuter sa participation à 54,4 %, mais il n'est pas allé au-delà.
    M. François Asensi. Parlez-nous plutôt des emplois !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Pourquoi n'est-il pas allé plus loin ? Pour des raisons politiques internes à la majorité de l'époque : par crainte de ses alliés communistes.
    M. François Asensi et M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Au fond, mes chers collègues, nous terminons une réforme laissée en chantier par nos prédécesseurs.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est mesquin !
    M. Charles de Courson, rapporteur. J'en viens à la seconde partie de mon intervention.
    La nostalgie du modèle d'entreprise publique est à l'origine de malentendus.
    M. François Asensi. Vous voulez parler d'Enron ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Les arguments avancés pour critiquer la disparition d'une entreprise publique comme Air France reposent sur un sentiment de nostalgie à l'égard d'une époque révolue et sur deux idées fausses.
    Première idée fausse : la disparition du statut public serait préjudiciable au personnel.
    M. Jean-Claude Lefort. Tel n'a pas été le cas en Europe ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Non seulement la disparition du statut public ne sera pas préjudiciable aux salariés d'Air France, mais elle leur sera favorable et je vais le démontrer.
    Contrairement à une idée reçue, le statut des salariés d'Air France n'est pas plus protecteur pour eux que la convention collective.
    Certains prétendent que le statut est plus protecteur, mais c'est inexact, car un statut se modifie instantanément, par voie unilatérale, quand les nécessités l'imposent et sans obligation de négocier, ce qui n'est pas le cas d'une convention collective.
    M. Jean-Claude Lefort. Il ne croit même pas à ce qu'il lit !
    M. Charles de Courson, rapporteur. D'ailleurs, beaucoup d'employés d'Air France ne sont pas attachés au statut, notamment les personnels navigants, commerciaux ou techniques, voire les cadres. Ils nous l'ont dit par l'intermédiaire de leurs syndicats. Aujourd'hui, pour les pilotes et les navigants commerciaux, par exemple, tout est quasiment contractualisé. En fait, la pratique sociale d'Air France depuis maintenant près de dix ans a fait évoluer le statut vers une quasi-convention collective.
    M. Jean-Claude Lefort. Quel scandale !
    M. Charles de Courson, rapporteur. A Air France, la convention collective est au statut ce que le Canada dry est à l'alcool !
    M. Jean-Louis Idiart et M. Jean-Claude Lefort. Oh là là !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Quant aux particularités sociales d'Air France, elles sont très réduites. Il n'y a presque plus de particularités dans le régime des retraites depuis 1993, et la privatisation n'aura pas d'incidence sur le régime de protection sociale, qui ne relève pas du statut, à la différence des IEG.
    M. Jean-Claude Lefort. Postulat !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Seules se poseront quelques difficultés catégorielles (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) en termes de retraite, de régime d'assurance chômage, d'exercice du droit de grève et de représentation au conseil d'administration,...
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est rien ! Tout va très bien !
    M. Charles de Courson, rapporteur. ... qui pourront être résolues dans le cadre d'accords conventionnels. En tout état de cause, le statut public d'Air France n'est pas une garantie contre les licenciements, contrairement à ce que l'on entend souvent. Il y a, dans le statut, une base juridique pour procéder à des licenciements économiques. D'après les informations que j'ai recueillies, 14 287 postes ont été supprimés à Air France depuis 1991 dans le cadre de plans sociaux, principalement sous la forme de préretraite et d'aide au départ.
    M. Jean-Claude Lefort. Il ne s'agit donc pas de licenciements !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Sans doute, mais rien n'empêcherait de procéder à des licenciements économiques secs en cas de péril grave pour la compagnie.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il faut que cessent les comparaisons hâtives et les parallèles douteux. Certains utilisent l'échec d'Air Lib pour expliquer que, si Air France est privatisée, elle pourrait disparaître. Mais ce n'est pas un raisonnement ! C'est ce que l'on appelle un amalgame,...
    M. Jean-Claude Lefort. Non, c'est faux !
    M. Charles de Courson, rapporteur. ... fort pratiqué du temps de l'Internationale ! La situation d'Air France n'a rien à voir avec celle d'Air Lib, et je vais le démontrer !
    M. Jean-Claude Lefort. Citez un nom !
    M. Claude Bartolone. Air France n'aura pas le baron Seillière parmi ses actionnaires !
    M. Charles de Courson, rapporteur. L'échec d'Air Lib tient avant tout au fait que, dès sa naissance, la compagnie a été un gouffre financier et n'a jamais su trouver son équilibre.
    M. François Goulard. C'est tout à fait exact !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ni AOM ni Air Lib n'ont jamais disposé des éléments fondamentaux qui leur auraient permis de réellement concurrencer Air France. L'ancien ministre des transports a renoncé à percevoir 80 millions d'euros de taxes et redevances et a consenti un prêt de 30 millions d'euros,...
    M. François Goulard. C'était du gaspillage des deniers publics !
    M. Charles de Courson, rapporteur. ... mais a-t-il pour autant sauvé Air Lib ? Pas du tout !
    M. Jean-Claude Lefort. Vous dites n'importe quoi !
    M. Charles de Courson, rapporteur. On ne peut donc comparer la situation d'Air Lib avec celle d'Air France privatisée. Ce serait méconnaître totalement la réalité comparée des deux entreprises.
    M. Lionnel Luca. Quelle révélation !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !
    M. Charles de Courson, rapporteur. De plus, Air France a beaucoup moins de risques d'être en difficulté en étant privée plutôt que publique, pour une raison très simple : elle pourra lever des capitaux sur les marchés lorsqu'elle sera privée, alors qu'elle a les plus grandes difficultés à le faire aujourd'hui.
    Enfin, il est inacceptable de se servir de l'argument selon lequel l'entreprise Air France est en bonne santé pour soutenir qu'il ne faudrait pas la privatiser. Cette idée est à la fois absurde et choquante dans la mesure où le raisonnement a contrario serait inacceptable. En effet, celui-ci consisterait à dire : si une entreprise publique gagne de l'argent, il ne faut pas la privatiser ; il faut la privatiser quand elle en perd. Mais, quand elle en perd, on ne peut pas la privatiser ! Bon raisonnement, bon syllogisme !
    M. Richard Mallié. Cherchez l'erreur !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous, votre raisonnement c'est privatiser les bénéfices et socialiser les pertes !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Au total, ce texte est un bon projet de loi. C'est pourquoi la commission des finances l'a adopté. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos services, pour l'intense concertation qui a eu lieu avec les représentants de la commission des finances et le rapporteur pour avis. Nous avons ainsi pu trouver des solutions équilibrées à toute une série de problèmes que je développerai au cours de la discussion des articles. Encore merci, monsieur le ministre, pour votre collaboration. Il est rare de voir un ministre aussi ouvert...
    M. Jean-Louis Idiart. Il est déjà rare de voir un ministre UDF au Gouvernement !
    M. Charles de Courson, rapporteur. ... et je tenais à le souligner.
    En outre, les droits du Parlement ont été respectés puisque nous sommes parvenus à un compromis sur vingt et un amendements que je présenterai. Nous pourrons ainsi adopter un projet de loi perfectionné, de nature à permettre le développement des compagnies aériennes, et surtour à permettre à Air France et à son personnel de voler enfin de leurs propres ailes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Louis Idiart. Ça ne vole pas haut !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi vise à aménager les conditions du transfert de la majorité du capital de la compagnie Air France du secteur public au secteur privé et, par la suite, à permettre à d'autres compagnies aériennes françaises cotées de préserver leur nationalité, leur licence d'exploitation et leurs droits de trafic, dans le cadre des dispositions internationales en vigueur.
    Il convient tout d'abord de constater que ce texte n'est pas un texte de privatisation d'Air France et de recadrer le débat relatif à cette privatisation. Cette dernière est en effet possible depuis 1993 et le gouvernement précédent n'a pas remis en cause cet état de fait...
    M. François Goulard. Eh oui ! Il n'a pas abrogé la loi de 1993 !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. ... puisque, depuis cette date, la privatisation de la compagnie est autorisée par son inscription sur la liste des entreprises privatisables, annexée à la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation.
    M. Richard Mallié. Ils ont la mémoire courte !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Cette privatisation est envisageable aujourd'hui parce que l'Etat a investi vingt milliards de francs pour recapitaliser la société. Le projet du Gouvernement vise à organiser la privatisation dans les meilleures conditions économiques et dans le respect des intérêts des salariés.
    M. Jean-Marc Lefranc. Ben voyons !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Eh oui ! Cette opération de privatisation nécessite de prendre en compte les spécificités liées au secteur du transport aérien, ainsi que celles issues de l'histoire de la compagnie. Le transport aérien n'est pas un monopole et rien ne justifie le maintien du statut de société publique d'Air France. Bien au contraire, depuis l'entrée en vigueur des trois règlements européens libéralisant le transport aérien, l'espace communautaire est devenu un espace concurrentiel.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est un gouffre !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Le Gouvernement a décidé, en août 2002, de réduire la participation de l'Etat dans le capital d'Air France pour lui donner de nouveaux espaces de liberté, mais la première ouverture de capital de la compagnie a eu lieu en 1999.
    M. Jean-Claude Lefort. Et alors ?
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Elle avait déjà le même objectif. Il s'agissait non seulement de permettre à la compagnie de nouer des partenariats avec d'autres transporteurs européens,...
    M. Jean-Claude Lefort. C'est fait !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. ... mais également d'introduire les salariés dans le capital de la compagnie, afin de les rendre responsables de son avenir.
    M. Jean-Louis Idiart. Et ça ne marche pas ?
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Le basculement du secteur public au secteur privé s'inscrit dans la même logique, dans un contexte bouleversé depuis 1999 puisque Air France fait aujourd'hui partie d'une alliance puissante, SkyTeam. Elle doit consolider cette alliance pour être à même de prospérer dans un univers en évolution constante et rapide qui se concentre de plus en plus, vous ne pouvez pas le nier. Aujourd'hui, de telles alliances ont pour objectif de réaliser des gains de productivité et de développer les synergies entre réseaux. Mais, à l'avenir, il faudra aller plus loin, dans le cadre de participations croisées entre les grandes sociétés.
    M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi ?
    M. François Goulard. On ne peut pas les faire taire ?
    M. le président. Monsieur Goulard, c'est moi qui préside !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Ainsi la privatisation se justifie-t-elle aujourd'hui pleinement au vu des évolutions à venir dans le paysage aérien international. Il importe qu'Air France dispose des moyens d'être l'un des principaux acteurs internationaux de demain. Or cela est aujourd'hui rendu impossible par son statut d'entreprise publique.
    Il convient également d'accélérer la modernisation de sa flotte en lui facilitant l'accès aux ressources offertes par les marchés financiers alors que, dans ce secteur de plus en plus concurrentiel, la rentabilité est en grande partie liée à la maîtrise des coûts.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce sont des dogmes !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Je sais : la rentabilité est quelque chose que vous ignorez ! L'Etat détient aujourd'hui 54,4 % du capital de la compagnie.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est exact !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Les salariés en détiennent 12,7 %...
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas assez !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. ... et l'actionnariat privé en possède 32,9 %.
    M. Jean-Claude Lefort. Et alors ?
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Plusieurs étapes juridiques doivent être franchies pour que l'opération de placement sur le marché des titres d'Air France possédés par l'Etat puisse être mise en oeuvre. D'abord, le projet de loi en cours d'examen doit être adopté par le Parlement et promulgué. Un décret d'application en Conseil d'Etat devra ensuite être pris. Une assemblée générale modifiant les statuts de la société Air France doit enfin se réunir. En outre, la date de l'opération, qui nécessite l'information la plus précise possible des investisseurs potentiels, doit tenir compte du calendrier de publication des informations financières de la compagnie. A cet effet, les comptes semestriels sont rendus publics en novembre et les comptes annuels en mai.
    M. Jean-Claude Lefort. Ils sont mauvais ?
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. On verra !
    Le projet de loi a plusieurs objectifs. En premier lieu, la détention par des actionnaires privés de la majorité du capital d'Air France impose que soient donnés à la compagnie les moyens de remédier à des évolutions de son actionnariat qui risqueraient de remettre en cause, d'une part, sa licence d'exploitation de transporteur aérien, en application de la réglementation européenne, et, d'autre part, ses droits de trafic, accordés en vertu d'accords internationaux bilatéraux, dès lors que la compagnie ne satisferait plus les conditions précisées dans les clauses de nationalité figurant dans les accords internationaux relatifs aux services aériens conclus par la France avec des pays tiers à l'Union européenne. C'est l'objectif de l'article 1er du projet de loi, qui vise à préserver la nationalité de la compagnie.
    En second lieu, il convient de préserver le principe de l'association des salariés à la gestion de l'entreprise.
    M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi changer, alors ?
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Nous allons faire encore mieux !
    Une représentation des différentes catégories de personnel est assurée au conseil d'administration depuis la loi n° 48-976 du 16 juin 1948 portant institution de la compagnie nationale Air France. Par ailleurs, le code de l'aviation civile donne la possibilité de désigner des administrateurs représentant les salariés actionnaires en deux collèges : personnels navigants techniques et autres personnels. Ces dispositions pourront ainsi être maintenues après la privatisation de la société, grâce aux articles 2 et 4 du projet de loi.
    En troisième lieu, la sortie de la compagnie Air France du secteur public imposera une transcription du statut du personnel, de nature administrative, actuellement en vigueur, dans une convention ou des accords d'entreprise. Il est donc prévu, à l'article 3, des dispositions transitoires et une période de négociation d'une durée maximale de deux ans, pour que la société et les organisations syndicales représentatives des salariés puissent conclure cette convention ou ces accords d'entreprise.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est rassurant ! Deux ans !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Oui, c'est plutôt rassurant !
    En quatrième lieu, l'article 5 du projet de loi précise les conditions de l'offre de titres aux salariés d'Air France dans le cadre de la privatisation. Il prévoit ainsi que l'Etat pourra céder, gratuitement ou à des conditions préférentielles, des actions d'Air France, dans la limite de 6 % du capital, aux salariés ayant consenti à des réductions de salaire.
    Enfin, les dispositions législatives actuelles du code de l'aviation civile régissant les relations institutionnelles entre Air France et l'Etat sont modifiées à l'article 6 du projet de loi, pour prendre en compte la sortie de la compagnie du secteur public et pour abroger des dispositions obsolètes, notamment en matière de missions de service public, régies aujourd'hui par le droit européen et que la privatisation de la compagnie ne remettra pas en cause.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Air France s'est adaptée avec succès aux évolutions du marché du transport aérien, et cela grâce à un effort considérable du contribuable.
    M. Jean-Claude Lefort. Le maillon faible !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. La société doit aujourd'hui asseoir sa position et trouver sur les marchés financiers les capitaux nécessaires à son développement. Elle doit, avec l'aide de ses salariés, devenir un leader européen. C'est l'objectif de ce projet de loi d'accompagnement de la privatisation d'Air France. Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je veux à mon tour souligner l'excellent travail qui a été fait avec les commissions. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous, mesdames, messieurs les députés, Des améliorations significatives ont été apportées à ce texte de loi grâce à votre travail et je vous en remercie chaleureusement.
    Je tiens à rappeler que la décision de privatiser la société Air France a été prise en 1993. La compagnie Air France figure en effet sur la liste des entreprises privatisables annexée à la loi du 19 juillet 1993 de privatisation, loi qui n'a pas été remise en cause par la majorité précédente. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    M. Jean-Claude Lefort. Si ! De facto !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le texte qui vous est proposé aujourd'hui vise essentiellement à offrir toutes les garanties pour que la privatisation soit réalisée dans les meilleures conditions possibles pour l'entreprise et pour ses personnels. Cette privatisation n'a pas été engagée en 1993 car, au début des années 90, le transport aérien mondial a connu une grave crise,...
    M. Jean-Claude Lefort. Ça recommence !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... qu'Air France a pu surmonter grâce à un effort important de l'Etat et à une profonde restructuration. La compagnie a alors mis en oeuvre, sous l'égide de son président, Christian Blanc, un plan stratégique de redressement approuvé par les salariés, le « Projet pour l'entreprise 1994-1996 ». Ces années ont vu la compagnie bâtir à Roissy-Charles-de-Gaulle une plate-forme de correspondances et mettre en place de nouveaux outils de gestion et de nouveaux produits moyen et long courriers. Je rappelle que l'Etat s'était à nouveau engagé à privatiser Air France lors de la recapitalisation de 1994. C'était l'un des engagements qui avait été pris vis-à-vis de la Commission européenne à l'occasion de cette aide.
    M. Jean-Claude Lefort. Non !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La stratégie développée pour Air France par le gouvernement Balladur a porté ses fruits puisque Air France est redevenue bénéficiaire lors de l'exercice 1996-1997 et l'a toujours été depuis. Ces bonnes performances ont permis une première ouverture du capital de la compagnie par le gouvernement de M. Jospin.
    M. François Goulard. Tout à fait !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Elle a eu lieu en février 1999, comme l'a souligné M. Georges Courges, et a nécessité d'apporter quelques changements d'ordre législatif aux dispositions du code de l'aviation civile qui régissent Air France. L'opération a été un succès. En mars 2000, M. Jean-Claude Gayssot, ministre chargé des transports, avait d'ailleurs souligné : « L'ouverture du capital, en février 1999, a été et demeure un succès. La demande privée a très largement dépassé l'offre et l'opération destinée aux salariés a été aussi innovante que réussie. »
    Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a annoncé en juillet dernier que le recentrage de l'Etat sur ses missions essentielles conduisait également à redéfinir l'intervention de l'Etat dans le champ économique, au cas par cas et avec une approche pragmatique, l'Etat ayant vocation à se retirer du secteur concurrentiel.
    M. Jean-Louis Idiart. Et même parfois du secteur public !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Dans ce cadre, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et moi-même avons annoncé, fin juillet, la décision du Gouvernement de poursuivre le processus de privatisation d'Air France adopté, je le rappelle, en 1993, et mis en application par M. Jospin. Comme vous le savez, la situation de la compagnie Air France est aujourd'hui bonne,...
    M. Jean-Claude Lefort. Grâce à quoi, monsieur le ministre ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... dans un secteur qui peine à sortir d'une crise amorcée au printemps 2001, dramatiquement aggravée par les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Air France a été l'une des rares compagnies en Europe et dans le monde à ne pas subir de pertes pendant cette période.
    M. Richard Mallié. C'est vrai !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Elle vient d'enregistrer, pour les neuf premiers mois de l'exercice 2002-2003, un résultat net avant impôt de 278 millions d'euros, en progression de 68,5 %. Aujourd'hui, Air France a une structure financière saine, avec un endettement raisonnable et stable. Merci au gouvernement de 1993 et de 1994 de l'avoir recapitalisée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ces résultats sont le produit des efforts accomplis au milieu des années 90 par l'Etat, l'entreprise et ses salariés. La société a mené, au cours des dix dernières années, un très gros chantier de désendettement, d'assainissement et de restructuration de l'appareil de production.
    Ce retour à la rentabilité a permis à Air France d'intégrer une alliance de taille mondiale. En juin 2000, Air France a en effet été l'un des membres fondateurs de l'alliance SkyTeam, avec Delta Air Lines, Aeromexico et Korean Air. Cette alliance s'est ensuite élargie à la compagnie tchèque CSA et à Alitalia. Air France a par ailleurs noué des accords avec Alitalia, qui ont amené les deux sociétés à procéder récemment à une prise de participation réciproque de 2 % de leur capital et à un échange d'administrateurs.
    Par ailleurs, Air France a entamé, au début de l'année 2002, des discussions en vue d'un rapprochement avec KLM, discussions qui se sont accélérées en août 2002 à la suite de la conclusion d'un accord de partenariat entre les compagnies Delta, Northwest et Continental Airlines, ces deux dernières étant alliées à la compagnie néerlandaise. L'annonce de la privatisation à venir de la compagnie a facilité ces derniers développements.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est vrai !
    M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi !
    M. le président. Monsieur Lefort !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ces discussions montrent que la consolidation du transport aérien européen, pronostiquée par tous, est en train de se développer. Or les discussions d'hier avec Alitalia et d'aujourd'hui avec KLM montrent qu'il n'est pas envisageable que d'autres compagnies européennes acceptent de lier leur destin à celui d'Air France en allant au-delà d'une alliance commerciale tant que cette compagnie sera contrôlée par l'Etat.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est faux ! Vous êtes dogmatique !
    M. Jean-Claude Sandrier. C'est de l'idéologie !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. M. de Courson a magnifiquement souligné ce point fondamental. La privatisation d'Air France est donc une condition nécessaire pour que cette compagnie ne soit pas marginalisée dans la restructuration qui s'ébauche en Europe et pour qu'elle puisse y jouer un rôle majeur, à l'instar de Lufthansa ou de British Airways. J'en veux pour preuve le témoignage de M. Christian Blanc,...
    M. Jean-Claude Lefort. Est-ce vraiment une preuve ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... lorsque j'ai eu l'honneur d'être auditionné par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Il a souligné qu'Air France aurait pu, si elle n'avait été sous statut public, conclure dès 1997 des accords intégrés avec Alitalia et Iberia.
    M. Jean-Claude Lefort. Et alors ? C'est fait, non ? M. Blanc voit tout en noir !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En outre, la sortie de la compagnie du secteur public renforcera son attrait pour les investisseurs et lui donnera donc plus de facilité pour financer son développement en recourant au marché financier, par augmentation de capital ou par émission obligataire.
    Cette analyse a conduit le Gouvernement à considérer que l'intérêt d'Air France et ses perspectives d'alliance et de développement militaient pour un nouveau retrait partiel de l'Etat de son capital. L'Etat réduira sa participation de 54,4 % à un peu moins de 20 %, pour accompagner la mutation de l'entreprise tout en restant l'un de ses principaux actionnaires.
    Une compagnie bien gérée comme l'est aujourd'hui Air France - et je souhaite rendre hommage aux dirigeants de la compagnie et à ses personnels,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Enfin ! Il était temps !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... qui ont, les uns comme les autres, contribué au redressement de l'entreprise et à son positionnement parmi les grands du transport aérien mondial - peut avoir des ambitions pour l'avenir. Il convient de lui donner les moyens de ces ambitions et de nouveaux espaces de liberté.
    M. Jean-Claude Lefort. Elle les a !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement entend faire confiance aux dirigeants d'Air France, qui ont su trouver au cours des dernières années une stratégie adaptée à un développement rentable de l'entreprise, aux cadres de cette entreprise ainsi qu'à tous ses employés, pour qu'ils tirent ensemble le meilleur parti des nouvelles occasions qui leur sont offertes par la privatisation. Certains ont pu manifester des inquiétudes à l'égard de cette opération ; je suis pour ma part convaincu que les personnels d'Air France ont aujourd'hui, dans leur très grande majorité, compris qu'elle se faisait dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elle offrait à chacun d'eux des possibilités intéressantes.
    M. Jean-Claude Lefort. Vous jouez avec le feu, monsieur le ministre ! Organisez un référendum !
    M. Pierre Cohen. On vous fera passer les pétitions !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La privatisation était juridiquement possible depuis 1993. A partir du moment où nous avons décidé l'an passé de poursuivre le processus de cession de titres détenus par l'Etat engagé en 1999, il convenait de faire en sorte que les cessions futures se fassent dans les meilleures conditions possibles et n'occasionnent pas de difficultés pour Air France, dès lors que le capital de la société, qui est cotée en Bourse, serait détenu majoritairement par des intérêts privés. Le texte qui vous est soumis vise donc à prendre en compte certaines spécificités propres aux activités de transport aérien, ainsi que d'autres issues de l'histoire d'Air France.
    Ainsi, la privatisation d'Air France ne doit pas faire peser de risques sur ses droits de trafic vers les pays extracommunautaires. En effet, si la majorité du capital d'Air France devait être détenue par des intérêts non français, ses droits de trafic, accordés dans le cadre d'accords bilatéraux, pourraient être remis en cause par les pays concernés, en application des clauses de nationalité figurant dans ces accords.
    M. Jean-Claude Lefort. Ah bon !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ces clauses font partie du fondement des relations aériennes internationales, dont le cadre général a été posé par la convention de Chicago du 7 décembre 1944.
    La Cour de justice des Communautés européennes a rendu un arrêt le 5 novembre dernier, dans le cadre d'une procédure concernant les accords conclus avec les Etats-Unis par huit pays membres, déclarant la clause de nationalité type des accords aériens contraire au traité de Rome.
    M. Jean-Claude Lefort. Mais elle n'est pas contraire aux règles de l'OMC !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Nous sommes entrés dans une phase de consultations avec les autres Etats membres et la Commission pour tirer tous les enseignements de cette nouvelle jurisprudence. Sans que l'on puisse encore dire ce qu'elle sera, il semble inéluctable que la France doive, dans le futur, négocier une nouvelle clause, communautaire et non plus nationale, avec les quelque 120 Etats auxquels la lient des accords bilatéraux.
    Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les droits de trafic d'Air France sans protection pendant la durée, qui va se compter en années, de ce grand chantier. Toutes les grandes concurrentes d'Air France, British Airways, Lufthansa, Iberia, KLM, ont des dispositifs nationaux permettant de concilier la protection des droits de trafic et le statut d'entreprise privée cotée en Bourse.
    Le choix du mécanisme que vous propose le Gouvernement repose sur plusieurs critères. Il ne devait pas receler de risques juridiques ou financiers indus pour l'Etat, ce qui a en particulier conduit à rejeter le système néerlandais qui aurait pu conduire l'Etat à renationaliser Air France.
    M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi pas ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il devait donner toutes les garanties nécessaires de sécurité aux investisseurs. Il devait reposer sur la responsabilité et l'autodiscipline des actionnaires, la cession forcée n'étant utilisée qu'en dernier recours. Enfin, et bien évidemment, il ne devait contenir aucune disposition en contradiction avec nos engagements européens.
    L'article 1 satisfait l'ensemble de ces contraintes, et je souligne en outre qu'il n'aura pas à être modifié quand toutes nos clauses de nationalité bilatérales auront été remplacées par des clauses communautaires.
    M. Jean-Claude Lefort. Pour l'OMC, il devra l'être.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. S'agissant des aspects sociaux de la privatisation, je rappelle que ce projet de loi a essentiellement pour objet de maintenir des avantages dont bénéficie le personnel. Il traduit les engagements pris par le Gouvernement fin juillet. L'article 2 fixe un cadre législatif qui permettra à l'entreprise de conserver les modalités actuelles de la participation des salariés à la gestion de l'entreprise, sans toutefois l'y contraindre. De même, l'article 3 prévoit de ménager une durée de deux ans pour que le statut du personnel soit transposé dans un accord d'entreprise par la négociation collective.
    Ce texte comporte également des dispositions qui permettront de poursuivre dans la voie de l'ouverture du capital de 1999 pour constituer un actionnariat salarié important. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Les modalités de l'offre réservée aux salariés prévues par la loi du 2 juillet 1998 sont reconduites ; les salariés pourront souscrire jusqu'à 15 % du volume d'actions cédé par l'Etat, aux conditions préférentielles habituelles dans ce type d'opération.
    De plus, et j'attire votre attention sur ce point, mesdames, messieurs les députés, notamment de l'opposition, un nouvel échange de salaire contre des actions va être proposé. Il ne sera pas réservé aux seuls pilotes comme l'avait fait le précédent gouvernement en 1999, mais sera ouvert à tous les salariés volontaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pierre Cohen. Avec 8 000 francs par mois, ce sera dur !
    M. Jean-Claude Lefort. Et vu le cours des actions...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est une démocratisation supplémentaire du capital d'Air France.
    Mme Odile Saugues. C'est un leurre, oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je sais que cela ne vous fait pas plaisir, mais c'est pourtant la vérité.
    Mme Odile Saugues. Non ! C'est un marché de dupes !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le capital sera mieux réparti entre tous les salariés d'Air France.
    M. Pierre Cohen. Avec 8 000 francs par mois, ils auront combien d'actions ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Enfin, je voudrais aborder les modalités et le calendrier de la réforme, sujets à propos desquels vous vous posez certainement des questions.
    L'opération de privatisation proprement dite nécessite de franchir en amont un certain nombre d'étapes juridiques, parmi lesquelles les plus importantes sont l'adoption par le Parlement de ce projet de loi puis sa promulgation, la prise d'un décret d'application en Conseil d'Etat et la réunion d'une assemblée générale pour modifier les statuts de la société. En outre, la date de l'opération, qui nécessite l'information la plus précise des investisseurs potentiels, doit tenir compte du calendrier de publication des informations financières de la compagnie.
    La privatisation d'Air France pourrait donc avoir lieu à la mi-2003 ou en fin d'année. Le Gouvernement entendant bien évidemment protéger les intérêts des contribuables, l'opération ne se déroulera que lorsque les conditions de marché le permettront.
    M. François Asensi. Alors, elle n'est pas près de se faire !
    M. Jean-Claude Lefort. Surtout si la guerre a lieu !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Cela a l'air de vous faire plaisir ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. Vous n'avez pas le droit !
    M. Jean-Louis Idiart. C'est honteux, monsieur le ministre, nous défendons autant que vous l'intérêt national !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La valeur boursière d'Air France souffre à ce jour des conditions générales du marché boursier et des incertitudes liées la conjoncture mondiale et à la situation géopolitique.
    Compte tenu de ces incertitudes, il ne m'est pas possible de me prononcer plus précisément sur les modalités de l'opération, et notamment sur le prix de mise sur le marché des actions. Ces paramètres seront fixés en temps utile, avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous devons cependant nous tenir prêts.
    Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les mesures législatives que nous vous proposons afin de réussir, en en réunissant les conditions, un nouveau développement d'Air France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lefort. Ce texte n'est pas légitime !

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est M. François Asensi.
    M. François Asensi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi présenté par le Gouvernement a pour ambition de faire d'Air France un des tout premiers acteurs européens et mondiaux du transport aérien. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que je vous ai connu plus ambitieux. En effet, Air France, sous son statut public, est déjà un acteur majeur du transport aérien sur la scène internationale.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Là n'est pas la question !
    M. François Asensi. Au cours de l'exercice 2001-2002, Air France a réalisé, avec un résultat net de 153 millions d'euros, le seul résultat bénéficiaire en Europe et le troisième mondial parmi les compagnies aériennes, hors compagnies low cost. Sur la même période, British Airways enregistrait un déficit de 232 millions d'euros, KLM de 156 millions d'euros et Lufthansa de 633 millions d'euros.
    M. Frédéric Dutoit. Une catastrophe pour le privé !
    M. Jean-Claude Lefort. Un succès pour le public !
    M. François Asensi. Par ailleurs, ses principaux ratios financiers montrent une situation financière saine et un endettement maîtrisé, grâce notamment à une bonne gestion de son président, M. Spinetta.
    Au cours du même exercice, Air France a transporté 43,3 millions de passagers. Le rachat au cours de l'année 2000 de plusieurs compagnies régionales françaises de transport aérien lui a également permis de renforcer plusieurs plate-formes régionales et de drainer une clientèle régionale supplémentaire.
    Air France est en outre le pivot de l'alliance SkyTeam, qui représente un trafic annuel de 204 millions de passagers, une flotte de près de 1 200 avions et environ 170 000 salariés. Avec quelque 7 000 vols quotidiens, l'alliance SkyTeam dessert plus de 500 destinations dans plus d'une centaine de pays.
    Une fois ce tableau dressé, un seul constat s'impose : celui du remarquable résultat d'une entreprise à capital public majoritaire.
    M. Jean-Claude Lefort. Voilà !
    M. Frédéric Dutoit. Mais ça marche trop bien !
    M. François Asensi. Pourtant, le Gouvernement n'a qu'une hâte : se débarrasser de ce symbole de réussite qui n'est pas conforme au credo libéral ambiant.
    Plutôt que de réfléchir sur la réussite d'une compagnie comme Air France, à comparer aux difficultés que connaît British Airways, longtemps présentée comme un modèle, le Gouvernement préfère se lancer dans une fuite en avant alors que la conjoncture est plus qu'incertaine. En effet, j'espère que cela ne se produira pas, mais si la guerre en Irak devait avoir lieu, le secteur aérien serait parmi les plus gravement touchés, comme ce fut le cas pendant et après la guerre du Golfe. Si l'on se réfère à cette expérience, c'est un espace d'une circonférence de 3 000 kilomètres autour de la zone de conflit qui serait fortement perturbé, sans parler des effets de la hausse du sentiment d'insécurité chez les usagers des autres lignes. British Airways estime déjà à plus de 30 % la réduction de ses activités si la guerre devait éclater ; les dirigeants de Lufthansa la chiffrent à 20 %.
    Mises à part les perturbations inévitables du trafic aérien, un conflit aurait également un impact important sur le prix du pétrole, et donc du kérosène. Les conséquences de cette simple perspective sont déjà évidentes et les pays de l'OPEP en discutent aujourd'hui.
    Dans de telles circonstances, on peut légitimement craindre que le cours de l'action Air France ne chute, cette baisse n'étant pas de bon augure pour la privatisation et les actionnaires. Si cette situation devait perdurer et si la compagnie était malgré tout privatisée, les actionnaires ne conserveraient sans doute pas leurs actions, aggravant ainsi la crise de la compagnie.
    Par ailleurs, alors que les plans sociaux se multiplient, une privatisation ferait peser de nouvelles craintes sur l'emploi.
    Air France a été sollicitée par le Gouvernement pour reprendre une partie des salariés d'Air Liberté, mais peut-on réellement croire qu'une entreprise sur le point d'être privatisée peut engager non pas un plan social, mais des embauches massives ?
    M. Jean-Claude Lefort. C'est impossible !
    M. François Asensi. Le cycle des privatisations ne nous y a pas accoutumés. En outre, si le Gouvernement a pu faire appel à Air France, c'est bien parce que cette compagnie est encore à capital public majoritaire. Vous êtes donc en pleine contradiction, monsieur le ministre.
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. François Asensi. Au-delà de la conjoncture, qui n'est donc pas en faveur d'une privatisation, les caractéristiques propres au secteur aérien et à la logique du marché les rendent difficilement compatibles.
    Le transport, qu'il soit aérien, ferroviaire ou routier, est un secteur sensible car, avant d'être un service marchand, c'est d'abord un outil d'aménagement de l'espace, de maillage des territoires.
    M. Jean-Claude Lefort. Un outil stratégique !
    M. François Asensi. Pour répondre à sa fonction première, il nécessite une vision d'ensemble et une approche de long terme, dans le respect de l'intérêt général. Jusqu'à présent, c'est l'Etat qui assurait ces missions. Aujourd'hui, le Gouvernement s'en remet à la bonne gouvernance de la main invisible du marché pour le suppléer.
    Privatiser Air France, ce n'est pas lui assurer les moyens de son expansion, c'est plutôt lui assurer une précarité certaine concernant ses ressources.
    Je ne conteste pas le fait que la survie de la compagnie n'a été rendue possible que grâce à une recapitalisation par l'Etat de l'ordre de 20 milliards de francs. Et il est vrai que la réglementation européenne rend désormais ce type de recapitalisation impossible.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Quand même !
    M. Jean-Claude Lefort. Que font les Américains avec leurs compagnies aériennes ?
    M. François Asensi. Mais que l'on ne se méprenne pas : si le marché est amené à supplanter l'Etat, sa logique ne sera pas la même.
    Soumettre la compagnie au marché, c'est la soumettre aux fluctuations et à la volatilité du marché. Alors que l'Etat peut jouer son rôle contracyclique, les actionnaires, en période de crise, ne soutiendront pas la compagnie mais se précipiteront au contraire pour vendre leurs actions, aggravant encore un peu plus sa situation.
    En outre, et le Gouvernement le reconnaît lui-même, en dépit d'une croissance importante, la rentabilité du secteur aérien reste fragile...
    M. François Goulard. Raison de plus pour privatiser !
    M. François Asensi. ... compte tenu de la faiblesse des marges réalisées par les compagnies, généralement de 1 à 3 %. Dégager des marges à deux chiffres dans le transport aérien relève de l'utopie libérale. Seules les compagnies low cost, comme easyJet ou Ryanair, y sont parvenues à ce jour, mais à quel prix pour le personnel, pour la qualité et la sécurité !
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. François Goulard. Elles n'ont jamais été mises en cause !
    M. François Asensi. Le dépeçage de Buzz, racheté par Ryanair, est éloquent. Qu'on se le dise : Ryanair, easyJet et les compagnies low cost en général sont les nouveaux vautours du ciel aérien !
    M. Jean-Claude Lefort. Les nouveaux voyous !
    M. François Asensi. Du fait de l'extrême intensité capitalistique liée au prix des avions, si les actionnaires persistent à vouloir dégager des marges importantes, la seule variable utilisable sera la main-d'oeuvre. Pourtant, ce n'est pas le coût du travail qui est trop élevé aujourd'hui, mais celui du capital, avec des actionnaires qui en demandent toujours plus.
    M. Jean-Claude Lefort. Bien sûr !
    M. François Asensi. Alors que l'on fustige les interventions de l'Etat dans des secteurs économiques où, dit-on, il n'a plus rien à faire, comment comprendre les avantages accordés aux compagnies low cost par certains gouvernements, certaines régions, certaines chambres de commerce et d'industrie ?
    Voici un exemple édifiant. Dans le cadre de l'enquête de la Commission européenne sur les conditions de concurrence du contrat signé entre la région wallonne et la compagnie Ryanair pour son implantation à Charleroi, les informations suivantes ont été recueillies : 160 000 euros auraient été accordés pour chacune des douze lignes exploitées par Ryanair au départ de Charleroi et 768 000 euros pour financer le recrutement et la formation des personnels navigants, sans compter des taxes d'atterrissage à des prix imbattables et fonction du nombre de passagers transportés, la mise à disposition de bureaux gratuits et un forfait de 250 000 euros pour les dépenses hôtelières et les frais quotidiens le temps de la mise en marche du hub.
    Mme Odile Saugues. C'est du racket !
    M. François Asensi. Pour ce qui est de la France, l'ouverture de la ligne Strasbourg-Londres, à compter de l'hiver 2002-2003, s'est faite dans des conditions discriminatoires permettant à Ryanair de proposer des billets à un euro pendant les premiers jours du lancement de la ligne ! La compagnie BritAir, filiale d'Air France, exploitait cette même ligne sans aucune aide et voit de ce fait sa rentabilité hypothéquée. La décentralisation aidant, de tels exemples risquent de se multiplier.
    Le Gouvernement se targue de mettre en place dans ce texte des garde-fous pour lutter contre l'anarchie du marché boursier. Mais quelle crédibilité peut-on lui accorder quand on sait que, pour la ligne Strasbourg-Londres, il n'est pas intervenu - pas même vous, monsieur le ministre - pour mettre un terme à ces pratiques manifestement anticoncurrentielles, comme l'y autorisait pourtant l'article L. 324-1 du code de l'aviation civile et le règlement de la CEE n° 2409/92 du Conseil du 23 juillet 1992 sur les tarifs de passagers et les taux de fret des services aériens ? En l'espèce, ni vous ni le Gouvernement n'avez respecté la loi !
    M. Jean-Claude Lefort. Hélas !
    M. François Asensi. Vous avez laissé les prédateurs du transport aérien casser les prix et mettre en difficulté la filiale d'Air France qui exploitait la ligne.
    Avec la liquidation programmée d'Air Lib, nous pouvons aussi légitimement nous demander à qui profite le crime, car easyJet et Ryanair sont déjà sur les rangs pour reprendre les créneaux horaires. Et nous sommes d'autant plus inquiets que M. Bussereau a rappelé en plusieurs occasions qu'il était personnellement très favorable aux compagnies low cost qui, selon lui, démocratiseraient le transport aérien.
    M. Richard Mallié. C'est exactement ce qu'elles font, mais vous êtes contre !
    M. François Asensi. Cela étant, ce serait une erreur de trop centrer le débat sur Air France, car cette compagnie n'est qu'un chaînon, même s'il est essentiel, de toute la filière aéronautique, fleuron du patrimoine industriel français, et qui se trouverait fragilisée si Air France venait à être privatisée. Air France est, par exemple, le premier acheteur d'Airbus. Sous la précédente présidence de la compagnie, sans l'intervention du Président de la République, Air France se serait équipée en Boeing 777. Il a fallu que Jacques Chirac intervienne personnellement pour qu'il n'en soit pas ainsi.
    M. Christian Blanc. C'est totalement faux !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est absolument exact ! Mais peut-être ne connaissez-vous pas le sujet...
    M. Christian Blanc. J'ai plus d'informations que vous !
    M. François Asensi. Airbus, dans le cadre d'EADS, a fait la preuve de ses qualités, de sa maîtrise d'un savoir-faire incarné par un personnel qualifié. Mais la logique du meilleur prix ne prend pas toujours en compte ces variables, et ce au détriment de la sécurité. Sans son rapport privilégié avec Air France, Airbus et ses salariés, et donc plusieurs bassins d'emploi, notamment la région toulousaine, seraient menacés. Si on affaiblit Air France, on affaiblit toute la filière du transport et de la construction aéronautique et des centaines de milliers d'emplois pourraient être compromis.
    La privatisation d'Air France s'inscrit en outre dans une logique qui touchera à terme le contrôle aérien ainsi que les aéroports. Si la compagnie nationale est privatisée, étant donné l'importance de son hub à Roissy, on prépare l'ingérence d'un opérateur privé majeur dans les futurs débats sur une éventuelle privatisation d'ADP.
    M. Richard Mallié. Mais qu'est-ce qu'il raconte ?
    M. François Asensi. Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous donniez votre opinion à ce sujet.
    On nous présente souvent les Etats-Unis comme un modèle du libéralisme, un modèle qui serait à suivre, mais ne soyons pas plus royalistes que le roi. Les Etats-Unis, après le 11 septembre 2001, n'ont pas hésité à soutenir à hauteur de 15 milliards de dollars leur secteur aérien, tandis que plusieurs compagnies américaines, parmi les plus prestigieuses, se mettaient sous la protection de la loi sur les faillites. Par ailleurs, l'ensemble des aéroports américains sont encore sous statut public et semblent pour le moment devoir y rester.
    Quant aux participations croisées que le Gouvernement souhaite encourager en privatisant Air France, il faut savoir que, pour des raisons de critère de nationalité, ces participations ne fonctionnent pas en matière de transport aérien. Ce secteur est plus propice aux accords commerciaux qu'aux échanges de capitaux.
    Par ailleurs, les participations croisées ne sont pas nécessaires pour créer des alliances : il suffit de regarder Air France. Son statut actuel ne l'a pas empêchée de s'associer, dans le cadre de SkyTeam, à Delta Air Lines, Aeromexico, Korean Air, CSA et Alitalia.
    En matière de participations croisées, il est également intéressant de noter qu'une compagnie américaine ne peut être détenue à plus de 25 % par des actionnaires non nationaux. En Europe, le seuil pour les non-communautaires est fixé à 49,9 %. A croire que la grenouille européenne veut véritablement se faire plus grosse que le boeuf américain !
    Pour en revenir au présent texte, permettez-moi d'apporter quelques grains pour enrayer la belle mécanique de votre logique libérale. Votre projet de loi est en effet une tragédie du service public, qui se décline en six actes. Je n'entrerai pas dans le détail. Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de le faire dans la suite du débat, mais je vais esquisser quelques points.
    Je ne reviendrai pas sur la nécessité de cette privatisation : le statut public d'Air France n'est pas un obstacle à la croissance de la compagnie ni à la conclusion d'alliances avec d'autres acteurs du transport aérien. Et pourquoi privatiser une entreprise qui, sous statut public, est parmi les plus performantes dans son secteur à l'échelle mondiale ?
    M. François Goulard. Vous préféreriez qu'on attende qu'elle fasse des pertes pour la privatiser ?
    M. François Asensi. En fait, vous souhaitez que ces bons résultats profitent au marché boursier.
    Ce qu'il faut noter ici, ce sont les modalités de mise en oeuvre de cette privatisation. La volonté affichée dans le projet de loi d'instaurer des garde-fous pour contrôler l'origine de l'actionnariat témoigne d'une schizophrénie du Gouvernement dans son comportement vis-à-vis du marché : on ne peut souhaiter l'avènement du marché sans se soumettre à ses règles de fonctionnement. Beaucoup d'économistes se sont penchés sur la rationalité du marché boursier sans jamais la trouver. La Bourse, c'est le règne du fluctuant, du virtuel, de l'intangible, et par conséquent, de l'incontrôlable. D'ailleurs vous avez décidé de reporter de quelques mois, peut-être même de quelques années, la privatisation effective d'Air France, compte tenu de la volatilité actuelle du marché boursier.

    Mme Odile Saugues. La Bourse a encore baissé aujourd'hui !
    M. François Asensi. Pour ce qui est de l'actionnariat salarié, qui transfère le risque sur les salariés sans leur donner en échange une partie du contrôle sur la stratégie de l'entreprise, plus personne n'est dupe aujourd'hui. Je citerai d'ailleurs quelques chiffres éloquents, tout à l'heure, sur la situation des salariés qui ont accepté l'échange « salaire contre actions ».
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ils sont volontaires, je le rappelle !
    M. François Asensi. Après Air France, par une stratégie de dominos, vous allez donc faire tomber les aéroports parisiens dont les juteux profits attirent les marchés boursiers. Enfin, la modification envisagée du statut de la Direction générale de l'aviation civile - la DGAC - prépare la privatisation du ciel. Le ciel unique serait vendu par morceaux au secteur privé. Comment ne pas voir que la soumission du contrôle aérien au marché va entraîner une baisse des coûts au prix de graves dangers pour la sécurité ? La collision de deux avions de ligne en juillet 2002, à Uberlingen, qui a fait soixante et onze victimes, est le résultat d'une gestion privée déjà à l'oeuvre en Suisse et qui préfigure ce que le Gouvernement préconise pour le ciel français et européen.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Quand c'est public et qu'il y a un accident, il n'y a pas de problème !
    M. François Asensi. Pour son 70e anniversaire, vous avez, en guise de cadeau, choisi de livrer la compagnie Air France au marché boursier, c'est-à-dire de lui faire prendre un virage historique. Pourtant, le symbole fort qu'est devenu Air France depuis sa création, en 1933, fait partie de notre patrimoine national. Plus encore : notre compagnie est un maillon de la mémoire aérienne.
    Du premier aérostat de Joseph Montgolfier, en 1783, au dernier lancement d'Ariane, notre aéronautique est le fruit d'une longue tradition de volontés individuelles qui ont entraîné progressivement l'intervention de la puissance publique dans ce secteur.
    Les pages glorieuses écrites par Clément Ader, le père de l'aviation, Louis Blériot traversant la Manche, Roland Garros la Méditerranée, ou encore Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry, disparus tragiquement, ont fort logiquement préparé l'avènement de ce qui demeure, aujourd'hui encore, un pôle d'excellence de notre industrie et un évident motif de satisfaction nationale.
    Notre industrie aéronautique naît avec les premiers ateliers des frères Voisin en 1907. Elle ne compte que 2 000 ouvriers en 1914 mais ce chiffre monte jusqu'à 168 000 en 1978. Avec plus de 600 avions qui sortent mensuellement des usines cette année-là, la France se place au premier rang mondial de cette industrie.
    Des compagnies prestigieuses aujourd'hui disparues dans les tourmentes boursières, comme la Pan Am aux Etats-Unis et Sabena en Belgique, avaient été créées au sortir de la Grande Guerre. Fort heureusement, Air France a bien résisté. Les turbulences qui ont suivi l'attentat du 11 septembre ne l'ont pas atteinte.
    Après avoir désengagé la puissance publique de secteurs aussi essentiels que les télécommunications, le Gouvernement s'apprête à la soustraire à ce qui reste : le transport aérien, l'énergie, la poste, le rail...
    En livrant autant de secteurs stratégiques construits sur la longue durée, il dépouille la puissance publique de sa capacité à assurer l'équilibre du territoire, la gestion d'un bien rare ou précieux et la garantie d'un investissement lourd qui n'est pas nécessairement rentable. Il la dépouille de sa capacité à orienter à long terme l'activité économique. La dictature du court terme propre au fonctionnement du marché va s'imposer systématiquement. Le marché n'était pas forcément l'horizon indépassable de la majorité parlementaire. Celle-ci a produit par le passé des responsables qui témoignaient d'un plus grand sens de l'Etat. « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille », disait le général de Gaulle.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il le disait à une autre époque !
    M. François Asensi. En l'occurrence, ses successeurs se passionnent pour la corbeille !
    Le Gouvernement applique les recettes qui ont déjà excellemment marché pour Sabena, Swissair, US Airways, United Airlines et maintenant Air Lib. En dispensant des potions dont il n'aura pas à subir les effets, il agit comme les médecins de Molière, qui ne connaissaient que la saignée ; leurs patients mouraient mais eux demeuraient.
    Les arguments sont toujours les mêmes :...
    M. François Goulard. Ça, vous pouvez le dire !
    M. François Asensi. ... ouverture, modernisation, flexibilité, compétitivité. Par une étrange perversion du langage, l'usager se transforme en client, la crise en mutation, un emploi devient un privilège, un statut n'est plus qu'une rigidité, une revendication est assimilée à un corporatisme, le secteur public est qualifié d'archaïsme et la Bourse est le parangon de la modernité.
    Derrière le langage convenu et pseudo-modernisateur, il y a la volonté de ne pas s'aliéner l'électeur potentiel qu'est également l'usager. Il faut surtout ne pas heurter de front une opinion qui reste massivement attachée au service public.
    Des résultats catastrophiques viennent pourtant contredire les propos rassurants qu'on entend ici et là. L'exemple le plus édifiant se trouve chez nous : il s'appelle France Télécom. L'enseigne annonce qu'elle doit supprimer 13 000 postes et en faire basculer 700 vers la sphère publique, notamment vers les collectivités locales. Ces dernières sont utiles à tout, et, en ces temps de frénésie décentralisatrice, il faut s'attendre à ce qu'elles soient de plus en plus sollicitées. Vous n'avez heureusement pas eu le temps de tout brader au privé, et vous pourez encore distribuer aux salariés qui veulent bien y croire quelques promesses d'embauche par le secteur public.
    L'actionnariat salarié est un concept clé de votre discours sur l'intéressement. Mais les salariés de France Télécom qui avaient eu la naïveté d'y croire ont vu leur portefeuille moyen divisé par dix.
    M. François Goulard. Il a augmenté d'abord !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Vous n'avez rien dit lorsqu'il augmentait !
    M. François Asensi. Leur portefeuille est passé en deux ans de 24 472 euros à 2 237 euros. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le journal Le Monde, dans une enquête publiée en octobre dernier. Cette même étude signale que le portefeuille moyen des salariés actionnaires a été divisé par deux en deux ans.
    Le capital veut réduire son risque. Il le tranfère au salarié, qui doit tout à la fois réduire ses prétentions salariales et risquer son épargne et son emploi. En attendant de risquer sa retraite ! Nous ne pouvons accepter ce principe. Philosophiquement, nous refusons le transfert du risque au salarié, car il incombe par nature à l'investisseur, qui a les moyens de l'assurer.
    Et comme une mauvaise nouvelle n'arrive jamais seule, France Télécom, modèle emblématique d'entreprise publique privatisée, vient tout juste d'annoncer 20 milliards d'euros supplémentaires de pertes. La menace du licenciement va maintenant s'ajouter à la mystification de « l'actionnariat salarié ».
    Voila, je le crains, l'avenir que vous réservez à Air France. Mais l'exemple de France Télécom n'est pas le seul, loin de là. Faut-il que je dresse le bilan encore provisoire des privatisations ?
    La dégradation du rail britannique depuis sa privatisation, en 1994, a entraîné plusieurs dizaines de victimes.
    M. François Goulard. La compagnie Aeroflot, elle, n'a jamais tué personne !
    M. Richard Mallié. Parlez-nous donc des accidents d'Aeroflot !
    M. François Asensi. Le British Energy, gestionnaire de huit centrales nucléaires, privatisé en 1996, est menacé de dépôt de bilan. Le contrôle aérien privatisé en Grande-Bretagne reste sous perfusion de l'Etat et enregistre la moitié des retards européens à lui tout seul. Après la libéralisation du secteur postal, le prix du timbre, en Suède, a fait un bond de 60 %. Et les tarifs de l'eau et du téléphone ont tous augmenté dans les pays d'Amérique latine qui se sont mis entre les mains de Vivendi, Telefonica et France Télécom.
    L'état d'urgence a été décrété en Californie, après les pannes d'électricité de l'été 2000. C'est Enron, autre exemple merveilleux de la magie du marché, qui était l'opérateur. Enron était le premier courtier mondial de l'énergie, la septième société américaine et représentait plus de 100 milliards de dollars de capitalisation boursière. En un an, tout s'est volatilisé dans un indicible chaos.
    M. François Goulard. Mais le contribuable français, lui, n'a rien perdu !
    M. François Asensi. Sa valeur boursière a été divisée par 350. Des dirigeants de l'entreprise ont pris le large avec des dizaines de millions de dollars alors que la plupart des 21 000 salariés ont tout perdu : emploi, épargne et retraite. Les clients sont condamnés aux coupures de courant, les responsables politiques se sont révélés compromis et les agences de notation sont complices de l'escroquerie. Enron est la leçon de choses de ce qu'il ne faut pas faire. Est-ce le sort que le Gouvernement veut réserver à Air France ? Avec leur introduction en Bourse, nos entreprises publiques sont prêtes pour ce scénario cauchemar.
    Le projet politique de la majorité se limite à la déconstruction de l'Etat keynésien. Il remet en cause, dans un premier temps, le compromis issu de la Libération, fondé sur le principe du contrat de plan, le développement des services publics et les programmes sociaux.
    L'Etat est dépouillé de ses fonctions de solidarité et réduit à ses fonctions régaliennes de contrôle social : police, justice, armée. Au nom du principe de la responsabilité individuelle et du refus de l'assistanat, l'avancée du marché sape non seulement les contenus et les missions du service public, ses solidarités collectives, mais également toutes les politiques sociales. Nous passons insensiblement, mais sûrement, de l'Etat social à l'Etat pénal. Cet appétit de régulation par le seul marché nous fait revenir à la brutalité du capitalisme manchestérien et aux origines de l'exploitation ouvrière, sans règle et sans droit, telle qu'elle a surgi dans la grande métropole anglaise.
    Le plus grave, c'est que ce démantèlement patient et minutieux du secteur public par le Gouvernement procède d'une remise en cause plus profonde : celle du contrat social, au fondement de toute société civilisée. Il est malheureux de devoir rappeler à certains, plus de deux siècles après, les acquis des Lumières et les points fondamentaux du contrat social.
    Je ne fais que me référer à Jean-Jacques Rousseau en pensant qu'il faut « trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé ». Voilà le grand principe susceptible de défendre tout à la fois l'efficacité économique et la cohésion sociale. Seul le législateur souverain peut, par le souci du bien commun et du contrôle collectif, compenser les inégalités propres à l'état de nature. Les services publics ont aussi cette mission en renforçant, face aux retournements incessants des marchés et aux intérêts privés, le rôle de l'Etat régulateur et arbitre.
    L'Etat que nous avons dans les mains est le fruit d'un continuum historique. « Je continue la politique des capétiens », disait le général de Gaulle. La puissance publique dont nous avons hérité est non pas une fin en soi mais un outil au service des générations futures. Il a fallu que les monarchies, les empires, les républiques bataillent pour sortir l'administration, la fiscalité et la justice du domaine privé.
    La remise en cause du pacte social, et de ses avancées, conclu après la Seconde Guerre mondiale est un tournant capital dont il faudra que nous assumions les conséquences. Depuis la Libération, l'Etat complétait et corrigeait le marché. Aujourd'hui, le marché, via ses idéologues et ses lobbies, dicte sa loi aux hommes politiques. Du fait d'une libéralisation à outrance, la péréquation, vecteur de stabilité et d'anticipation à long terme, disparaît progressivement. C'est ce qui nous sépare peu à peu. Nous pouvions, depuis la Libération, partager quelques principes communs sur le rôle de l'Etat. Avec les privatisations à venir, ce sera, à chaque fois, de moins en moins vrai.
    Concrètement, les choix du Gouvernement et de la majorité sont profondément inspirés par la volonté de faire dépérir l'Etat, mais pas au sens où l'entendaient Bakounine ou Marx, évidemment.
    La baisse de l'impôt concourt à déposséder l'Etat de son rôle de régulation économique. La loi de décentralisation diminue ses capacités d'intervention politique. Vous supprimez l'aide médicale d'Etat aux plus pauvres pour faire des économies de bout de chandelle, mais vous réformez à la baisse l'impôt sur les grandes fortunes. Les entreprises vitupèrent la fiscalité française, mais ne refusent pas les 45 milliards d'euros de subventions diverses qu'elles reçoivent de l'Etat. En outre, les pouvoirs publics viennent d'être dépouillés de leur capacité de contrôle sur la bonne utilisation des fonds publics. C'est tout simplement donner quitus aux « patrons voyous » sur le dos de l'impôt payé par les Français.
    Vous annulez de facto la loi sur les 35 heures, vous facilitez le licenciement, vous bloquez le salaire de 80 % des smicards, vous réduisez de 40 % la prime de précarité des contrats à durée déterminée, tout cela sous prétexte de favoriser l'emploi, alors que le chômage et les plans sociaux ne cessent de progresser depuis plusieurs mois.
    Les licenciements économiques, en passant de 207 000 à 253 000, ont fait un bond de 25 % entre 2001 et 2002. Il y a eu plus de 2 800 plans sociaux ces trois dernières années. Monsieur le ministre, c'est cette précarité que vous voulez instaurer à Air France sous couvert de modernisation de l'entreprise, alors que, depuis cinq ans, l'emploi n'a cessé de progresser au sein de la compagnie. On a créé des milliers d'emplois tout en réunissant les conditions pour que les résultats de l'entreprise soient positifs.
    Le Gouvernement voudrait aussi imposer le marché aux retraités. Faire prendre en charge les retraites par les fonds de pensions relève de la quasi-escroquerie. Une étude du cabinet de conseil Watson Wyatt montre que les actifs ont fondu ces trois dernières années pour retomber à leur niveau de 1997. Plus de 2 650 milliards d'euros de pensions se sont ainsi volatilisés depuis 1999 au détriment des retraités.
    Votre nouvelle conception politique, c'est l'Etat à géométrie variable : interventionniste sur les chantiers de la démolition sociale mais totalement démissionnaire face à la prédation des marchés. Votre Etat n'est volontaire qu'au niveau pénal, alors qu'il faudrait l'être en amont, dans le domaine social et en matière d'emploi.
    Toutes vos actions sont mues par le désir de voir décliner l'Etat arbitre et impartial au profit des marchés, censés assurer le règne de la juste allocation des ressources et de la responsabilité individuelle.
    Veillez, monsieur le ministre, à ne pas trop délégitimer l'Etat. Parler en ce moment de responsabilité individuelle aux personnels d'Air Lib, de Metaleurop, de Daewoo, de Matra, de Lu et de tant d'autres entreprises alors que vous désengagez sciemment la puissance publique des solidarités collectives, c'est risquer d'en revenir à un passé que nous pensions définitivement révolu.
    Je sais bien que le Gouvernement a voulu déminer le terrain avec une loi électorale qui cherche clairement à éloigner la contestation sociale des assemblées élues. Mais celle-ci va, tôt ou tard, renaître d'une société que la majorité parlementaire souhaite réguler par la prééminence du marché. La déréglementation à marche forcée ne pourra que renforcer la désaffection à l'égard de la chose publique, mais il faudra bien que ce mécontentement s'exprime ailleurs, s'il ne le peut dans les assemblées.
    L'attaque frontale contre l'Etat obéit aux mêmes dogmes que ceux que tente de promouvoir l'Organisation mondiale du commerce.
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. François Asensi. L'OMC est un organisme supranational qui n'a plus aucun lien avec l'ONU et qui ne fait même pas référence aux droits de l'homme.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !
    M. François Asensi. Elle prétend se donner le pouvoir de condamner le choix des souverainetés nationales au nom de la liberté du commerce, placée au-dessus des droits de l'homme.
    La privatisation d'Air France correspond pleinement à la vision contenue dans l'un de ses volets, l'Accord général sur le commerce et les services. Comment l'éducation, la santé et la culture ne seraient-elles pas les prochaines cibles, puisque l'acte final de l'OMC fait obligation de tendre perpétuellement vers une « libéralisation progressive et accrue » ?
    En négociant ce genre d'accord dans le plus grand secret, vous organisez le dépérissement de l'Etat au profit des marchés qu'une volée d'experts et de conseillers en communication essayent pathétiquement de nous vendre. Mais en organisant votre propre dépossession, vous contribuez à l'affaiblissement du pouvoir politique. Le marché est devenu votre nouveau maître. Il va falloir expliquer aux électeurs pourquoi vous réclamez leurs suffrages si, par nature, le marché commande tout.
    Entre 1984 et 2000, les privatisations ont porté sur la somme de 563 milliards d'euros dans la seule Europe des Quinze. Sur les 100 premiers budgets du monde, tous domaines confondus, plus de la moitié appartient aujourd'hui à des entreprises privées. Le chiffre d'affaires de General Motors est plus important que le produit national brut du Danemark, celui de Ford plus important que le PNB d'Afrique du Sud, celui de Toyota plus important que le PNB du Portugal. Comment, à terme, les entreprises, en devenant plus puissantes que les Etats, ne commanderaient-elles pas le pouvoir politique ? C'est ce qui est en train de se passer au niveau mondial, monsieur le ministre.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !
    M. François Asensi. Dans les entreprises seule la détention d'actions permet de voter, c'est une sorte de suffrage censitaire. Or cette évolution traduit, selon moi, un recul de la démocratie, une réduction de la capacité des hommes à agir sur les évolutions sociétales. Si nous ne prenons pas conscience de tout cela, nous allons connaître une véritable régression de notre civilisation.
    La livraison au marché d'une activité très peu rentable et très aléatoire comme le transport aérien, contre toute logique économique, contre tout bon sens, est le symbole fort, voire emblématique, d'un entêtement idéologique et d'un aveuglement dogmatique quant aux bénéfices attendus d'une gestion privée.
    M. Frédéric Dutoit. Très juste !
    M. François Asensi. Je note par ailleurs qu'un tel projet va à l'encontre de nos principes constitutionnels. Rappelons la décision du Conseil constitutionnel des 25 et 26 juin 1986 : « La Constitution s'oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur. »
    M. François Goulard. Ce n'est pas le cas !
    M. François Asensi. Qui peut croire que, dans le contexte actuel, une privatisation ne se soldera pas par un bradage du patrimoine public ? Donc, vous êtes bien dans l'inconstitutionnalité. Depuis un an, l'action Air France a perdu 62 % de sa valeur et près de 15 % depuis le mois de janvier. Vous ne pouvez pas obtenir une juste rémunération du marché pour un bien public.
    Privatiser dans de telles circonstances fait naître des soupçons, en France mais aussi en Angleterre. A en croire le Sunday Telegraph, qu'on ne peut soupçonner d'être un héraut de l'étatisme, la privatisation d'Air France et celle programmée d'ADP viseraient d'abord à combler des trous dans le budget de l'Etat et à permettre au Gouvernement de financer ses promesses - à l'égard de la France « d'en haut », selon moi. Je crains que ces soupçons ne soient fondés.
    En cette période de ralentissement économique et d'incertitude politique et géopolitique, inscrire ce projet de privatisation à l'ordre du jour de l'Assemblée témoigne d'une obstination idéologique et d'un total manque de respect de notre patrimoine public comme de notre histoire industrielle.
    Toutes ces raisons font que, conformément au texte de la Constitution, nous rejetons solennellement ce texte et demandons à notre assemblée de voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Frédéric Dutoit. C'était un moment de vérité !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je fais d'abord observer à M. Asensi qu'une exception d'irrecevabilité tend à dénoncer les éléments insconstitutionnels d'un texte.
    M. Jean-Claude Lefort. Absolument !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Or ce n'est qu'à la fin de son discours qu'il a évoqué un seul argument en ce sens, à savoir le bradage d'Air France. Mais M. le ministre lui a déjà répondu qu'on n'allait pas vendre Air France à des cours très bas !
    M. François Asensi. Vous allez boursicoter !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Comme si l'Etat boursicotait !
    Cet argument ne tient donc pas et le reste de votre argumentation, mon cher collègue, n'avait rien à voir avec une quelconque inconstitutionnalité.
    Par ailleurs, tout être à peu près raisonnable se félicite qu'Air France ait mieux résisté à la crise du transport aérien que la plupart des autres compagnies européennes.
    M. Jean-Claude Lefort. Pourquoi ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Mais, monsieur Asensi, il faut pousser plus loin votre analyse.

    La vraie question vient d'être posée par M. Lefort : pourquoi ? Si vous lisez le rapport que j'avais remis sur le transport aérien, vous aurez les réponses.
    Premièrement, Air France a réagi très vite aux difficultés de la situation économique.
    Deuxièmement, elle a la chance de disposer du hub de Roissy, ce qui concourt grandement à sa compétitivité.
    M. François Asensi. Grâce à l'Etat !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Qu'elle soit privée ou publique ne change rien à l'affaire !
    M. François Asensi. Mais si !
    M. le président. Monsieur Asensi, vous avez pu vous exprimer ; laissez M. de Courson développer ses arguments !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Troisièmement, Air France a réussi à redéployer très rapidement les secteurs les plus déficitaires ou les moins rentables et les secteurs les plus rentables, en exploitant l'effondrement de Swissair et de la Sabena. Si vous connaissez un peu la comptabilité analytique des lignes, vous savez que grosso modo, en Afrique, on gagne jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires, ce qui est énorme pour le transport aérien, alors que vers l'Asie et vers les Etats-Unis, en haut de cycle, on gagne un peu d'argent et, en bas de cycle, on est déficitaire.
    Mais il y a d'autres éléments, et parmi eux les coûts. Pourquoi sont-ils aujourd'hui compétitifs ? Parce que les deux présidents successifs de la compagnie, dont l'un est devenu notre collègue, ont mené une politique d'une très grande rigueur. Je vous ai rappelé les chiffres des plans sociaux depuis dix ans à Air France, qui ont concerné 14 000 personnes, dans le cadre du statut. L'effort de productivité a donc été considérable.
    C'est l'ensemble de ces éléments qui a fait qu'Air France, avant la crise, était devenue une entreprise plus compétitive que British Airways, ce qu'elle n'était pas dix ans plus tôt, loin de là. Ce sont les dirigeants de l'entreprise et l'ensemble du personnel qu'il faut féliciter car cela n'a rien à voir avec le statut de l'entreprise.
    En tant que rapporteur, je vous invite donc, mes chers collègues, à repousser l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. François Goulard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. François Goulard. Comme l'a dit fort bien le rapporteur à l'instant, on se serait attendu, dans une exception d'irrecevabilité, à trouver davantage d'arguments juridiques qu'économiques. Ils ne sont venus qu'à la fin, et en nombre assez limité. L'objection du rapporteur lève complètement les réserves émises quant à la valeur patrimoniale des actions.
    Notre collègue Asensi nous a fait un assez long exposé relevant de la vulgate marxiste, au demeurant assez mal assimilée...
    M. Jean-Claude Lefort. Il est vrai que vous êtes un expert !
    M. François Goulard. ... appelant à la rescousse les capétiens et le général de Gaulle (« N'importe quoi ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.),...
    M. Jean-Claude Lefort. Bakounine, de Gaulle, même combat !
    M. François Goulard. ... lesquels, à ma connaissance, n'étaient pas, notamment les premiers, pour des raisons chronologiques, de fervents supporteurs de Karl Marx !
    A cette belle théorie, qui ne manquait pas de relief dans la bouche de notre collègue, je voudrais opposer un fait élémentaire, voire banal.
    Mes chers collègues du groupe communiste, je pense que vous vous souciez plutôt des personnes à faibles ressources qui aspirent, comme les autres, à voyager, découvrir le monde et utiliser un mode de transport somme toute assez commode et rapide.
    Mme Odile Saugues. Miroir aux alouettes !
    M. François Goulard. Dites-nous franchement si c'est le service public qui a fait progresser la formidable démocratisation du transport aérien que nous avons pu observer. Est-ce grâce à la conception de la maîtrise et de la réglementation par l'Etat que vous développez que les prix ont connu les baisses auxquelles nous avons assisté...
    M. Jean-Claude Lefort. Oui, bien sûr !
    M. François Goulard. ... et qui ont permis à la majorité de nos compatriotes d'utiliser ce moyen de transport autrefois réservé à une élite financière ? Est-ce grâce à cette conception du service public que les charters se sont développés ?
    M. Pierre Cohen. C'est Air Lib qui l'a fait ! On a vu ce que c'est devenu !
    M. François Goulard. Est-ce un si grand mal de voir des compagnies offrir des billets à très bas prix...
    M. Jean-Claude Lefort. Un euro !
    M. François Goulard. ... qui satisfont les besoins d'une clientèle à faibles ressources ?
    Cette simple constatation démontre que, en défendant apparemment le service public,...
    M. Pierre Cohen. Que dites-vous d'Air Lib !
    M. François Goulard. ... vous défendez des statuts du passé et vous allez totalement à l'encontre de l'intérêt des plus modestes de nos compatriotes.
    M. Marc Laffineur et M. Richard Mallié. Très bien !
    M. François Goulard. Ce constat d'évidence montre bien que vos conceptions sont archaïques. Elles visent exclusivement à défendre ce qui existait dans le passé mais qui est appelé à évoluer pour le bénéfice de l'immense majorité de nos concitoyens.
    Alors, remisez au magasin des accessoires vos vieilles lunes, vos vieilles doctrines et vos vieux dogmes !
    M. Gilbert Biessy. Et la Vieille Europe ?
    M. François Goulard. Admettez la réalité du monde d'aujourd'hui et acceptez qu'Air France soit enfin dotée d'un statut de droit commun. Cette entreprise a un formidable potentiel. Laissez-la accomplir son oeuvre avec les moyens qui lui sont nécessaires. Laissez-la agir à égalité de concurrence avec les autres entreprises de ce secteur. Notre pays et nos compatriotes s'en porteront mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Louis Idiart. L'intervention de M. Asensi va tout à fait dans le sens de ce que nous souhaitons et défendons. Mais j'ai été très frappé, dans les réponses de notre collègue de l'UMP et du rapporteur, ainsi que dans les propos du ministre, de constater que vous avez une sorte de religion,...
    M. Jean-Claude Lefort. C'est le mot !
    M. Jean-Louis Idiart. ... à savoir que tout ce qui peut être rendu au capital, il faut le lui rendre très vite !
    M. Richard Mallié. Qu'avez-vous fait en 1999 ?
    M. Jean-Louis Idiart. On s'apercevra ensuite qu'on obtient beaucoup plus de résultats. M. Goulard va même jusqu'à nous expliquer que cela permettra à la plupart de nos concitoyens d'avoir accès à l'avion.
    Me souvenant des propos entendus dans cet hémicycle en 1993 et 1994, je me dis que, à l'époque, vous vous étiez trompés.
    M. François Goulard. Je n'y étais pas !
    M. Charles de Courson, rapporteur. M. Goulard n'était pas encore élu !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous si, monsieur de Courson, et vous étiez pire que M. Goulard aujourd'hui, car vous vous êtes progressivement policé pour approcher les palais ministériels - dont vos amis vous disent qu'il faut encore attendre un peu pour y entrer !
    On nous dépeignait alors Air France comme une calamité. C'était le cas de M. Bussereau, qui n'a pas changé de discours. Quant à l'action, on verra...
    Je me souviens d'Air Lib - Air Liberté à l'époque - et de TAT, repris par la suite par British Airways.
    M. Claude Bartolone. Eh oui, ce sont des modèles !
    M. Jean-Louis Idiart. Je me souviens que, dans les aéroports, certains manifestaient contre Air France. Il fallait aller vers Air Liberté qui offrait, en plus, le petit déjeuner et le repas de midi. Et on y est allé pour faire de la concurrence, pour essayer de « casser » le concurrent.
    Mais, dix ans plus tard, il ne reste qu'Air France, les autres n'existent plus !
    M. Pierre Cohen. Et les Anglais s'en souviennent, eux !
    M. Jean-Louis Idiart. Pourquoi vous croirait-on plus aujourd'hui qu'il y a dix ans ? Si vos décisions d'aujourd'hui ont les mêmes effets que celles d'il y a dix ans, on n'aura même plus à parler d'Air France dans dix ans !
    M. Pierre Cohen. Tout à fait !
    M. Jean-Louis Idiart. Pour ces raisons, nous voterons l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Lefort. Après la démonstration...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Brillante !
    M. Jean-Claude Lefort. En effet, je reprends volontiers cet adjectif !
    Après la démonstration de mon collègue François Asensi, je pense que, pour quatre raisons au moins, notre assemblée s'honorerait de voter l'exception d'irrecevabilité qu'il vient de défendre.
    Comme vous le savez, monsieur le ministre, ni la Constitution française ni le droit européen n'impliquent, bien au contraire, la privatisation d'Air France.
    Vous semblez sceptique. Une démonstration rapide s'impose puisque vous ne paraissez pas connaître la Constitution. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce n'est pas très pertinent !
    M. Jean-Claude Lefort. Je vous rappelle les termes du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Goulard. Ça n'est précisément pas le cas !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est bien le cas de l'entreprise dont nous parlons aujourd'hui.
    S'agissant du droit européen, et bien que nous ne soyons pas nécessairement d'accord avec les traités européens, comme vous le savez, il est établi que l'Europe n'a pas à s'ingérer dans le choix du statut - public ou privé - des entreprises.
    Est-ce que je dis le vrai ou le faux, monsieur le ministre ? J'attends votre réponse...
    Je dis donc le vrai.
    M. François Goulard. Il dit le fort !
    M. Jean-Claude Lefort. En outre, cette privatisation est inefficace, ce qui est très important s'agissant de la défense des intérêts de notre pays.
    Monsieur Blanc, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans cet hémicycle, mais sachez que nous sommes, ici, à l'Assemblée nationale, et non au conseil d'administration d'Air France.
    M. Christian Blanc. Je l'avais remarqué !
    M. Jean-Claude Lefort. Par conséquent, nous faisons des choix politiques, lesquels, ne vous en déplaise, doivent l'emporter sur les choix économiques ou comptables, comme on l'a dit précédemment.
    J'en reviens à mon propos.
    La proposition sera inefficace, disais-je. En effet, monsieur le ministre, quelle autre entreprise aérienne en Europe a des résultats aussi bons qu'Air France?
    M. Jean-Louis Idiart. Il n'y en a pas !
    M. Jean-Claude Lefort. Citez m'en seulement une ! Et je serai prêt à vous suivre.
    Vous ne me répondez toujours pas ? Nous avons donc raison.
    Air France est la plus performante des entreprises aériennes du continent européen, voire du monde, vous le savez parfaitement.
    Et contrairement à ce que dit M. le pseudo-marxiste...
    M. François Goulard. Dieu m'en préserve !
    M. Jean-Claude Lefort. ... de marché, service public ne veut pas dire étatisation. Il est tout a fait possible de moderniser un service public. C'est ce qu'Air France a su faire durant la dernière législature. Pouvez-vous comprendre cela ?
    M. François Goulard. Je n'ai pas suivi les cours de l'école du parti, moi !
    M. André Gerin. Evidemment non, il ne peut pas le comprendre !
    M. le président. Pas de procès d'intention ! (Sourires.)
    M. Jean-Claude Lefort. Il peut exister un service public qui soit non pas, comme vous le pensez, dogmatique, mais au contraire bien ancré dans les réalités du monde contemporain.
    Inconstitutionnelle et inefficace, la privatisation est aussi antisociale.
    Monsieur le ministre, comment avez-vous pu déclarer qu'Air Lib était dans une situation calamiteuse du fait de son statut privé...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je n'ai jamais dit cela !
    M. Jean-Claude Lefort. ... et dire aujourd'hui que c'est pour éviter à Air France le même sort que vous voulez la privatiser !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Lefort, votre temps de parole est écoulé.
    M. Jean-Claude Lefort. Déjà : on me coupe les ailes !
    Cela dit, la chose est très sérieuse.
    Plutôt que de faire en sorte que Air France, un des fleurons de la nation française, s'enrichisse d'Air Lib, pourquoi ne pas organiser une table ronde pour examiner comment créer en France un grand pôle public aéronautique ? Voilà une belle idée.
    Vous avez affirmé que le transport aérien n'était pas stratégique et qu'il pouvait donc être privatisé. Le transport aérien ne serait pas stratégique ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Et la sidérurgie ?
    M. Jean-Claude Lefort. Regardez ce que font les Américains dans le transport aérien.
    M. le président. Monsieur Lefort, je vous prie de terminer.
    M. Jean-Claude Lefort. En conséquence, je pense que tous mes collègues s'honoreraient (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) de défendre la Constitution, les traités européens, les capacités économiques et sociales de la France et, tout simplement, de permettre qu'Air France, à la différence d'Air Lib, vive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Monsieur Lefort, j'ai cru comprendre que votre groupe voterait l'exception d'irrecevabilité. (Sourires.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. En effet !
    M. le président. La parole est à M. Christian Blanc, pour le groupe UDF.
    M. Christian Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit effectivement pour moi d'une première, mais de là à confondre l'hémicycle et un conseil d'administration...
    Le groupe UDF n'apportera pas son soutien à cette motion, ce qui ne constitue pas une grande surprise, mais je voudrais revenir brièvement sur deux ou trois points qui ont été soulevés.
    Tout d'abord, concernant Air Liberté et AOM,...
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas le sujet !
    M. René André. Mais il a été abordé !
    M. Christian Blanc. ... je ne dirai qu'une seule chose : ces deux entreprises, qui ont fusionné ultérieurement dans les conditions que vous savez, auraient réussi si Air France avait déposé son bilan en 1994. Leur stratégie consistait en effet à se développer sur les dépouilles d'Air France.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est Nostradamus ! A partir de quoi raisonnez-vous ?
    M. le président. Monsieur Lefort, vous vous êtes exprimé. Laissez monsieur Blanc parler à son tour.
    M. Christian Blanc. Vous pouvez dire non et je respecte votre point de vue. Mais j'affirme ici, avec la solennité requise, que telle était bien la stratégie de ces deux compagnies.
    Leur échec tient à ce qu'elles avaient des problèmes structurels majeurs qui ne leur permettaient pas de réussir. On a pu dire le contraire dans cette enceinte : eh bien, ceux qui l'ont dit se sont trompés !
    M. Daniel Mach. Volontairement !
    M. Christian Blanc. Le deuxième point concerne l'étrange querelle sur Boeing et Airbus. Là aussi, j'aimerais rappeler des faits. On peut être d'avis contraire, mais soyons au moins d'accord sur les faits. La flotte d'Air France est composée pour ainsi dire à parité d'Airbus et de Boeing, ce qui est une tradition sage si l'on considère ce que sont les constructeurs mondiaux aujourd'hui. Pour revenir à la question que vous avez soulevée, monsieur Asensi, il faut savoir que nous étions à une époque où nous devions renouveler la flotte, qui était vieille. Il y avait, d'une part, l'Airbus A 340 et, d'autre part, le Boeing 777. Or le ministre des transports de l'époque a exigé que le président d'Air France que j'étais achète uniquement des Airbus. Il est vrai que le Président de la République était de son avis, et il est exact que j'ai refusé. Il y avait en effet un différentiel en termes d'exploitation de ligne, car ce ne sont pas des avions interchangeables, de plus d'un milliard de francs. En tant que responsable des intérêts sociaux de l'entreprise, après avoir expliqué la situation à mes autorités dites de tutelle, et surtout à mon conseil d'administration, j'ai pris les décisions qui s'imposaient pour l'entreprise. C'est un signe d'indépendance et un signe de bonne gestion.
    M. Jean-Claude Lefort. CQFD ! Merci !
    M. Christian Blanc. Il est probable que, sous un autre régime, je n'en aurais pas eu la capacité. Cela a été possible, et cela a peut-être sauvé un grand nombre d'emplois, monsieur Asensi.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Absolument !
    M. Jean-Claude Lefort. Peut-être...
    M. Christian Blanc. Nous sommes en train de nous informer mutuellement et le plus important, c'est de garder à ce débat sur la privatisation d'Air France, privatisation nécessaire de mon point de vue, tout l'intérêt qu'une telle situation exige.
    Les arguments sont les arguments. Il n'est pas nécessaire de tomber dans des interventions marginales et peut-être parfois volontairement...
    M. Charles de Courson, rapporteur. Excessives !
    M. Christian Blanc. ... excessives, en effet.
    M. François Asensi. Nous sommes à l'Assemblée nationale.
    M. Christian Blanc. Oui, bien sûr, et je respecte ce lieu.
    M. François Asensi. C'est une enceinte feutrée.
    M. Christian Blanc. Cela étant, respectez aussi ceux qui n'ont pas le style maison. Je continuerai pour ma part aussi longtemps que je le peux (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je voulais vous remercier, monsieur Lefort, d'avoir fait référence à l'un des alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui avait été oublié par le porte-parole du groupe communiste.
    M. Jean-Claude Lefort. Pas du tout !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Simplement, vous avez apporté de l'eau au moulin de ceux qui pensent qu'il faut rejeter l'exception d'irrecevabilité. Voici en effet ce que dit le texte : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
    Air France n'a pas de monopole ! Et Air France n'est pas un service public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lefort. Air France n'est pas un service public ?
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par un aveu : députée de l'opposition, j'ai souvent le sentiment d'assister quelque peu impuissante à la casse sociale qui se traduit un jour par l'abandon des emplois jeunes, le lendemain par la suppression des 35 heures, l'annulation des dispositions encadrant les plans sociaux, les attaques contre l'APA au travers de son financement ou encore la remise en cause de la CMU.
    Il nous faut en convenir, ce gouvernement est passé maître dans l'art du marketing, il sait trouver les formules publicitaires pour tromper son monde et faire oublier la dureté de la purge.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ça commence mal !
    Mme Odile Saugues. Ce projet de loi voudrait bien s'inscrire dans cet esprit : il ne privatise pas Air France mais il organise la mise sur le marché des entreprises de transport aérien, dont Air France.
    La nuance peut prêter à sourire, tant elle masque difficilement le vrai visage du Gouvernement derrière ce projet de loi. Qu'importe le contexte international, qui a déjà de lourdes répercussions sur le transport aérien. Qu'importent les dramatiques difficultés sociales que connaît ce secteur dans notre pays depuis la liquidation d'Air Lib. Qu'importe l'état des marchés financiers, avec une action Air France au plus bas. Qu'importent les protestations des collectivités locales, qui constatent le désengagement de l'Etat en matière de réalisation d'infrastructures de transport. Qu'importent les inquiétudes des salariés et leurs manifestations. Qu'importe : seule compte en fait l'idéologie !
    Le gouvernement Raffarin reprend fidèlement le programme inachevé des privatisations d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé et brade le patrimoine public. Les arguments avancés par la droite en 1993, puis en 1998, dans le débat sur l'ouverture du capital de la société Air France n'ont pourtant plus la moindre prise sur la réalité.
    Souvenons-nous : selon vous, Air France était enfermée dans une gestion étatique d'un autre âge, sclérosée dans un statut archaïque, incapable d'évoluer et de réagir face à la moindre crise.
    Et on a connu le 11 septembre 2001 et les attentats terroristes. On a vu leurs dramatiques conséquences sur les compagnies aériennes les plus prestigieuses dans le monde, et chacun, dans ce contexte extrêmement difficile, a constaté qu'Air France avait su résister mieux que d'autres à cette crise sans précédent. Elle a été ainsi la seule compagnie aérienne en Europe à dégager un résultat bénéficiaire pour l'exercice 2001-2002, si on excepte les low cost.
    L'autre argument récurrent en faveur de la privatisation, nous l'avons tous en mémoire : le statut d'Air France l'isolait sur la scène internationale, la compagnie était incapable de conclure la moindre alliance. Or, depuis, Air France a participé à la création de SkyTeam, un système d'alliances qui lui a permis d'étendre son réseau et ses possibilités de commercialisation. Et face à la crise du transport aérien qui frappe notamment Delta Airlines, le principal partenaire d'Air France dans l'alliance SkyTeam, certaines voix se font entendre aujourd'hui pour faire remarquer que, peut-être, les échanges commerciaux ont aussi leur vertu...
    Rien ne justifie la démarche du Gouvernement, pas même le renouvellement de la flotte de la compagnie, âgée de huit ans et demi en moyenne, ce qui est inférieur à l'âge moyen de la flotte des autres grandes compagnies internationales.
    Conscient de la réalité du transport aérien, le Gouvernement se raccroche à la seule idéologie libérale, ainsi que l'a fait le secrétaire d'Etat aux transports, qui déclare dans une interview récente : « Si la situation du secteur aérien devait connaître une nouvelle crise, alors qu'il est encore en convalescence après les attentats du 11 septembre 2001, nous aviserions [...] mais ceci ne devrait cependant pas avoir d'impact sur l'analyse du Gouvernement, qui est de donner plus de liberté à Air France en la privatisant. »
    Tout est dit. Qu'importe. Pourtant, ce ne sont pas les éléments contre la privatisation qui manquent.
    Tout d'abord, le débat sur la privatisation d'Air France n'a pas lieu d'être au regard des efforts fournis par l'Etat depuis près de dix ans.
    Depuis sa création, le 1er septembre 1933, la compagnie Air France a vécu de nombreuses mutations, y compris par des restructurations et des modifications du capital,...
    M. Charles de Courson, rapporteur. Des privatisations !
    Mme Odile Saugues. ... puisque la part de l'Etat dans le capital d'Air France était supérieure à 94 % à la veille de son introduction en Bourse de février 1999 et qu'elle se situe aujourd'hui autour de 54 %.
    Au début des années 90, Air France enregistre de lourdes pertes, essentiellement dues à l'accroissement des charges et du prix du carburant. Il y a, d'une part, les conséquences très lourdes de la guerre du Golfe d'août 1990 à mars 1991 sur le transport aérien et, d'autre part, la libéralisation du transport aérien engagée en Europe.
    Il nous faut revenir sur cette période car elle porte les germes du débat qui nous réunit aujourd'hui.
    Il faut évoquer les nombreuses mesures d'austérité engagées jusqu'en 1993 pour tenter d'endiguer les pertes.
    Il faut aussi rappeler le « plan de sauvetage » et la recapitalisation de la compagnie par l'Etat pour un montant de 20 milliards de francs, réparti en trois tranches.
    Ce soutien, autorisé par la Commission européenne par sa décision du 27 juillet 1994, a contribué, tout comme les efforts importants consentis par les salariés, à redresser la situation d'Air France.
    L'Etat a aussi largement pris en compte les attentes de la Commission européenne. Ainsi, la structure de l'actionnariat d'Air France s'est ouverte à de nouveaux investissements...
    M. Charles de Courson, rapporteur. C'étaient des privatisations !
    Mme Odile Saugues. ... et, dès octobre 1997, l'Etat avait informé le président du conseil d'administration d'Air France qu'il supprimait le contrôle préalable des investissements de la compagnie.
    L'allégement de la tutelle étatique s'est traduit par l'élargissement du conseil d'administration de la société Air France. La loi du 4 janvier 2001 supprime aussi les procédures d'autorisation préalable en matière de création, de gestion ou de prise de participation par Air France dans des entreprises présentant un caractère annexe par rapport à son activité principale.
    Cet engagement de l'Etat dans le transport aérien, que certains considèrent comme une entrave au développement, est une source essentielle de stabilité. Il est une garantie de transparence, en particulier grâce au contrôle de la Cour des comptes, défini à l'article L. 133-1 du code des juridictions financières. Il est aussi un moyen d'imposer des obligations au nom de l'intérêt général, qui trouve son origine dans un arrêt du 20 décembre 1935 du Conseil d'Etat et est précisé dans l'article L. 342-2 du code de l'aviation civile, lequel prévoit notamment la possibilité d'ouvrir des lignes aériennes non rentables.
    Bien évidemment, ces moyens d'intervention doivent être éclairés par les dispositions du droit communautaire, qui organise la libéralisation du transport aérien, avec la reconnaissance de la liberté des tarifs en 1993, l'instauration de licences communautaires délivrées par les Etats membres sur la base de critères communs en 1992, et le libre accès des entreprises communautaires aux liaisons intracommunautaires en 1997.
    Cette libéralisation du transport aérien a peut-être des mérites, mais elle a incontestablement des défauts et, surtout, elle doit nous interroger sur le paysage du transport aérien que nous voulons construire.
    J'entends certains plaider en faveur d'une concentration incontournable autour de deux ou trois grands groupes, voire de véritables monopoles. Regardons les conséquences de cette concentration aux Etats-Unis et en Australie.
    En tout état de cause, force est de constater que le caractère public du capital de la société Air France n'altère en rien l'exigence d'assurer la continuité de son exploitation dans les meilleures conditions de service et de coût,...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Si.
    Mme Odile Saugues. ... pour reprendre les termes exacts du rapport remis le 24 février 2003 à M. Francis Mer sur « l'Etat actionnaire et le gouvernement des entreprises publiques ».
    La privatisation d'Air France n'a pas lieu d'être au regard des efforts consentis par les salariés et de la qualité du dialogue social dans la compagnie.
    Le projet de loi que vous nous présentez multiplie les précautions oratoires au sujet des garanties apportées aux salariés, au cours des deux ans qui suivraient son adoption et même, si l'on en croit vos propos au Sénat, après cette phase de transition.
    Il est vrai que votre projet est massivement rejeté par les organisations syndicales et par les salariés d'Air France, et qu'il vous faut déployer toute une batterie de mesurettes et de déclarations d'intention pour les convaincre du bien-fondé de votre démarche.
    Le cours actuel de l'action d'Air France, autour de huit euros - 7,70 euros aujourd'hui -, alors que la deuxième guerre du Golfe n'a pas encore débuté et qu'elle entraînera des années de crise dans le transport aérien, ne plaide effectivement pas en votre faveur, et je ne suis pas sûre que, pour les salariés, le jeu en vaille la chandelle.
    Votre projet porte en lui les germes de la division entre les salariés d'Air France, avec l'article 2 qui, en dépit des déclarations en trompe-l'oeil, veut affaiblir les catégories de personnel et va remettre en cause l'implication du personnel dans la bonne marche de l'entreprise. C'est un véritable recul social que confirme l'article 3, qui supprime le statut particulier des salariés d'Air France.
    Vous faites le choix de tourner le dos au pacte social dans un secteur extrêmement sensible mais qui a su acquérir une vraie culture de la concertation, comme en témoignent les discussions sur le temps de travail du personnel au sol.
    Je mentionne cette catégorie de personnel car elle a, peut-être plus que d'autres, subi les conséquences des difficultés économiques de la compagnie et qu'elle a fortement contribué aux efforts de productivité demandés par la direction. Air France en effet, ne l'oublions pas, ne s'est pas redressée seulement grâce aux aides de l'Etat. Son redressement s'est effectué au prix d'une importante restructuration, avec des plans sociaux, un recours à la filiation et à la sous-traitance.
    C'est tout cet équilibre social que vous choisissez de remettre en cause, plongeant Air France dans une zone de turbulences et les salariés dans l'incertitude la plus totale.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Oh ! la la !
    Mme Odile Saugues. Peut-on sérieusement accorder le moindre crédit au rapporteur pour avis de la commission des finances du Sénat lorsqu'il estime que, « d'après les informations recueillies [...], les accords d'entreprise devraient permettre de transposer aussi fidèlement que possible dans le droit privé les dispositions actuelles du statut public » ?
    Croit-on que c'est avec de telles promesses que l'on va rassurer les salariés d'Air France, par exemple les hôtesses et les stewards, lorsqu'ils expriment leur crainte face à une remise en cause probable de leurs conditions de départ en retraite ?
    Tous ces personnels savent très bien que, dans un secteur qui dégage des marges faibles mais qui connaît des coûts fixes élevés, la seule variable d'ajustement véritable, ce sont les coûts salariaux et sociaux.
    Votre projet de loi, loin d'apporter des réponses crédibles et audacieuses, suscite une opposition désormais quasi unanime des organisations syndicales et une inquiétude particulièrement compréhensible des salariés de la compagnie Air Lib qui, après avoir été victimes d'une véritable partie de poker menteur entre leur direction, le Gouvernement et des investisseurs étrangers peu crédibles, ont la forte impression d'être « menés en bateau », avec des promesses qui paraissent bien difficiles à tenir en cas de privatisation.
    Je voudrais aussi, monsieur le ministre, attirer l'attention de la représentation nationale sur le fait qu'après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 Air France a été sans doute la seule compagnie aérienne importante à traverser cette crise sans procéder à un seul licenciement. Il s'agit là d'un vrai choix politique que nous devons saluer, d'autant que les plus grandes compagnies aériennes n'ont pas eu de tels scrupules pour tenter de survivre. Pensez-vous vraiment qu'Air France privatisée aurait eu les mêmes attentions ?
    La privatisation d'Air France n'a pas lieu d'être, au regard des exigences de continuité territoriale et de la politique d'aménagement du territoire.
    Nous savons tous que les aéroports sont des outils à la fois de croissance économique et d'aménagement du territoire. Nous savons tous aussi que le transport aérien a une mission essentielle : assurer la continuité du territoire.
    Face à ces deux réalités, quelles peuvent être les conséquences de la privatisation d'Air France ?
    J'évoquerai en premier lieu l'impact de cette privatisation sur les hubs.
    Ces plates-formes permettent aux compagnies aériennes de drainer du trafic et elles constituent à l'évidence des outils efficaces pour assurer leur développement. C'est le cas, naturellement, du hub de Roissy - Charles-de-Gaulle, ouvert le 31 mars 1996, qui a permis aux clients d'Air France de bénéficier de correspondances nombreuses et rapides. Ce hub, c'est une certitude, a constitué l'un des atouts principaux d'Air France dans le contexte de crise de l'après-11 septembre.
    Mais, à côté de la plate-forme de Roissy, dont le développement n'est pas sans poser des problèmes en termes de nuisances, l'offre de transport aérien s'est aussi structurée autour de plates-formes de correspondance régionales, avec, par exemple, le hub de Lyon et celui de Clermont-Ferrand, considéré par Air France comme le « carrefour des régions ».
    Je m'attarderai un instant sur cet exemple qui me tient à coeur, mais qui intéresse la plupart de nos collègues,...
    M. Jean-Paul Bacquet. Très juste !
    Mme Odile Saugues. ... puisque Air France, qui est la seule compagnie régulière présente sur l'aéroport de Clermont-Ferrand, commercialise une trentaine de destinations, essentiellement avec d'autres villes françaises.
    M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !
    Mme Odile Saugues. Vous savez, monsieur le ministre, que ce hub, fortement soutenu par les collectivités territoriales, est un acte volontaire en termes d'aménagement du territoire, mais que des inquiétudes demeurent quant à son devenir, en dépit de la hausse de fréquentation.
    M. Jean-Paul Bacquet. De très grandes inquiétudes, n'est-ce pas, monsieur Proriol ?
    M. Jean Proriol. Hélas !
    Mme Odile Saugues. Déjà, plusieurs lignes jugées peu rentables ont été rayées d'un trait de plume. De nouvelles dessertes seront supprimées prochainement. Vous savez aussi qu'aucune des liaisons exploitées ne bénéficie actuellement d'un financement du FIATA.
    Un grand nombre d'entre nous redoutent les effets de la privatisation d'Air France sur un tel aménagement et sur le maintien de lignes qui jouent un rôle non négligeable dans le développement de nos régions. La privatisation accentuera inéluctablement une politique de rentabilité dont nous mesurons déjà les effets, en dépit du statut actuel de la compagnie.
    Et lorsque M. Spinetta, président de l'entreprise publique Air France, déclare lors d'un colloque qui s'est tenu à l'Assemblée nationale le 7 février 2001, que « la vraie liberté pour Clermont-Ferrand, si les gens de Clermont veulent aller en Asie, c'est d'accéder facilement avec de fortes fréquences à un hub efficace », je me demande quelle sera la traduction de cette intention une fois Air France privatisée.
    M. Jean-Paul Bacquet. La désertification !
    Mme Odile Saugues. La vraie liberté, pour les contribuables auvergnats, n'est certainement pas de se satisfaire d'un équipement performant mais sous-utilisé, au nom de la rentabilité et de la loi du marché.
    M. Jean-Paul Bacquet et M. Jean-Louis Idiart. Tout à fait !
    Mme Odile Saugues. Nous pourrions aussi, monsieur le ministre, faire le tour de France des aéroports de province désertés par des compagnies aériennes sans scrupules et des dessertes supprimées parce qu'une chambre de commerce n'a pas cédé au chantage des sociétés low cost : l'exemple de la ligne Bordeaux-Londres est encore dans tous les esprits.
    Et, de grâce, ne nous laissez pas entendre que les compagnies à bas coûts participeraient mieux qu'Air France à une mission d'aménagement du territoire,...
    M. Jean-Louis Idiart. Bien sûr !
    Mme Odile Saugues. ... ainsi que vous l'avez déclaré au Sénat, en indiquant que les règles du jeu entre les compagnies aériennes permettaient de mieux desservir le territoire.
    Je veux aussi vous exposer nos craintes sur les conséquences qu'aurait pour l'outre-mer la privatisation d'Air France. Sur ces dessertes, les obligations de service public concernent l'exploitation des services tout au long de l'année, avec au moins une fréquence hebdomadaire, l'existence d'un tarif enfant réduit de 33 %, un nombre d'annulations de vols ne dépassant pas 10 % du programme déposé, le respect du préavis de six mois avant l'interruption des services.
    Jusqu'au début de 2001, cinq compagnies françaises exploitaient des liaisons entre la métropole, d'une part, les Antilles et la Réunion, d'autre part. Deux compagnies, Air France et AOM, desservaient le département de la Guyane. Aujourd'hui, la desserte de l'outre-mer est mise à mal, d'une part par la faillite d'Air Lib, d'autre part par la privatisation d'Air France.
    Déjà confrontés à une situation économique et sociale difficile, les territoires et départements d'outre-mer redoutent les conséquences de cette privatisation, et leurs élus s'en font chaque jour l'écho. Ils se demandent si Air France privatisée sera toujours en mesure de respecter ses obligations de service public, si la compagnie augmentera le nombre de ses rotations vers l'outre-mer alors que la saison touristique risque d'être ternie par une croissance en berne, si elle définira une politique complémentaire de celle des autres compagnies assurant la desserte de l'outre-mer, ou si seule la concurrence parlera.
    M. Victorin Lurel. C'est vrai !
    M. Jean-Paul Bacquet. L'outre-mer, c'est comme l'Auvergne, elle est oubliée !
    Mme Odile Saugues. La privatisation d'Air France n'a pas lieu d'être au regard des alliances conclues par la compagnie dans le monde. Vous n'avancez qu'un argument pour justifier la privatisation d'Air France : elle permettrait de nouer des alliances stratégiques que le statut actuel de la société empêche.
    Constatons tout d'abord que, dans le contexte antérieur à l'ouverture du capital, Air France avait déjà acquis des participations, par exemple dans des sociétés régionales de transport aérien ; je pense notamment à Air Austral, City Jet et encore Flandre Air. De même, elle avait pu conclure des accords de franchise ou de partage de codes avec une trentaine de compagnies.
    Au-delà de ces accords commerciaux bilatéraux, Air France a su conclure des alliances solides. Rappelons l'accord avec Continental Airlines et Delta Air Lines en novembre 1996, puis les alliances avec Korean Air, Aeroméxico, CSA et enfin Alitalia en juillet 2001.
    Il n'est pas inutile de revenir sur la réalité de l'alliance SkyTeam, née de l'accord du 22 juin 2000. Elle a permis à Air France d'accroître son réseau et ses possibilités de commercialisation sans mettre en oeuvre des moyens supplémentaires. SkyTeam représente un trafic de 204 millions de passagers transportés annuellement, une flotte de 1 200 avions et 173 000 salariés. SkyTeam, c'est environ 7 000 vols quotidiens et 512 destinations dans plus de 110 pays. Dans la course aux alliances, force est de constater qu'Air France n'est pas à la traîne.
    Je note que le statut actuel d'Air France ne l'a pas empêchée de développer sa présence en Allemagne, dans le cadre d'un affrètement de la compagnie Regional Airlines, en Autriche, avec un accord de coopération avec Austrian Airlines et avec la compagnie Tyrolean Airways, en Grande-Bretagne et en Irlande, en Suisse, avec un partage de code sur la ligne Charles-de-Gaulle-Berne-Lugano avec la compagnie Swiss International.
    Ce même statut n'a pas empêché Air France et Tunis Air de conclure un accord en partage de code sur les vols Marseille-Tunis ou encore Lyon-Tunis. Sur le Maroc, Royal Air Maroc et Air France exploitent en partage de code des liaisons entre Casablanca d'une part, Marseille, Nice, Bordeaux, Strasbourg, Toulouse et Lyon d'autre part.
    J'évoquerai aussi les accords de coopération conclus avec Japan Airlines sur la ligne Tokyo-Nouméa et Charles-de-Gaulle-Osaka, l'accord signé le 23 juillet 2002 avec Aeroflot, l'alliance conclue avec Air India, qui porte sur tous les vols entre Paris et Delhi et Paris et Bombay, ou encore les coopérations avec Singapore Airlines en matière de cargos.
    Dans ces conditions, l'exposé des motifs du présent projet de loi peut nous étonner, puisque vous nous dites que la privatisation d'Air France permettra « à la compagnie de consolider ses alliances et de nouer des partenariats, notamment avec d'autres transporteurs européens ». Il faudrait plutôt, monsieur le ministre, nous expliquer en quoi le statut actuel de la société a freiné sa stratégie d'alliance, que ce soit au travers d'accords commerciaux ou d'échanges capitalistiques, comme nous l'avons vu avec Alitalia.
    M. Charles de Courson, rapporteur. On vous l'a déjà expliqué !
    Mme Odile Saugues. L'image que vous voulez donner d'une compagnie isolée sur la scène internationale est erronée. Elle l'était déjà en 1998, lorsque votre actuel secrétaire d'Etat, qui était à l'époque député Démocratie libérale, demandait la création d'une commission d'enquête sur Air France. Un autre député, M. Auberger, nous expliquait alors que le statut d'Air France l'empêcherait d'intégrer de grands réseaux européens ou transcontinentaux. Les succès de l'alliance SkyTeam sont, à mes yeux, la meilleure réponse à ces procès d'intention.
    L'histoire vous a donné tort et votre acharnement contre le statut d'Air France relève de la pure idéologie. Puis-je vous faire remarquer que, depuis l'annonce, le 10 janvier 2003, de la suppression de 4 000 emplois par Delta Air Lines et de ses profondes difficultés financières, je n'entends ni les membres du Gouvernement ni les députés de la majorité nous expliquer qu'un échange capitalistique entre Air France et Delta Air Lines serait plus intéressant que l'accord commercial actuel ? J'aimerais pourtant les entendre, sur ce point précis, nous dire très concrètement quelles seraient les conséquences des difficultés de Delta Air Lines pour Air France s'il y avait croisement de capitaux. Ne voyez pas là, monsieur le ministre, une jubilation de ma part devant le malheur des salariés de Delta Air Lines, mais simplement une mise en garde solennelle face au bradage annoncé.
    Le débat sur la privatisation d'Air France masque le manque de propositions du Gouvernement face à l'émergence des compagnies à bas coûts. L'évolution du paysage aérien nécessite plus que jamais d'affirmer le rôle de l'Etat, car la libéralisation de ce secteur se traduit aujourd'hui par l'émergence de compagnies à bas coûts dont les pratiques commerciales et sociales peuvent nous interpeller. Or votre projet de loi n'aborde à aucun moment cette question essentielle, beaucoup plus préoccupante, vous en conviendrez, que le statut actuel de la compagnie Air France.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai !
    Mme Odile Saugues. Pendant la précédente législature, nous avions défini la notion de prix abusivement bas dans le transport aérien, déjà connue pour d'autres modes de transport. Cette prise de conscience, face à une concurrence acharnée, où tout est permis, ne semble guère inspirer votre gouvernement.
    Si la première liaison exploitée en France par une compagnie low cost date de mars 1996, l'essor de ce type de compagnie est particulièrement important depuis 2001 et surtout depuis 2002, avec l'ouverture par Buzz de liaisons entre plusieurs villes françaises et celle, en juin 2002, de quatre liaisons d'EasyJet au départ d'Orly et de Roissy - Charles-de-Gaulle. L'offre low cost représentait 7 % du marché européen à l'été 2002, enregistrant une croissance de l'ordre de 20 % par an.
    Les principes d'une compagnie low cost sont clairs : il s'agit de densifier les capacités en sièges des avions, d'augmenter leurs taux d'utilisation, d'optimiser les coûts fixes - que ce soient les coûts en vol, avec moins de personnel en cabine, ou les coûts de maintenance -, d'utiliser prioritairement les aéroports secondaires, qui présentent des charges moins élevées, et de généraliser la vente directe par Internet et call-centers.
    Ce modèle de compagnie ne doit pas être condamné a priori, mais constatons qu'il soulève de très nombreuses interrogations, quant à la gestion du personnel par exemple. Prenons simplement l'exemple de Ryanair, qui emploie plus de 1 500 personnes, transporte environ 5,6 millions de passagers et réalisait un chiffre d'affaires de 370 millions d'euros en 2000. On estime que, pour bien gagner sa vie, le personnel navigant doit faire 80 à 100 vols par mois, soit 4 à 6 vols par jour. Le redécollage se fait après vingt-cinq minutes. Les hôtesses de l'air contrôlent elles-mêmes les billets, les pilotes doivent payer leur formation à la compagnie.
    D'autres conséquences doivent être évoquées, comme les évolutions extrêmement brutales constatées avec ces compagnies. La création de Buzz par KLM, en 2000, a ainsi entraîné la chute de Debonair. Go, la filiale de British Airways, a été revendue aux salariés et à un fonds d'investissement, avant de devenir propriété d'EasyJet en 2002. Enfin, le 26 février dernier, la compagnie low cost Ryanair annonçait sa volonté de fermer la compagnie néerlandaise Buzz, qu'elle venait de racheter.
    Dans ce contexte extrêmement mouvant, les premiers perdants sont les salariés, bien sûr, mais aussi les collectivités locales et les aéroports de province qui, bien souvent, ont non seulement accompagné le développement de ces compagnies, mais ont été fortement rackettés, M. Asensi l'a dit.
    Rappelons par exemple que, pour favoriser l'arrivée de Buzz à Caen, le conseil régional a déboursé près d'un demi-million d'euros par an pendant trois ans, sous forme de publicité. Rappelons aussi les conséquences de la restructuration de cette même compagnie pour une ville comme Tours. Rappelons enfin les exigences de la compagnie Ryanair pour ouvrir la ligne Reims-Londres.
    Vous le savez, monsieur le ministre, certaines plates-formes sont totalement dépendantes des low cost et, si elles bénéficient de leurs retombées économiques et de leur forte croissance, elles sont aussi très vulnérables. Je pense à Beauvais, bien sûr, mais aussi à Dinard, Bergerac, Carcassonne, Tours et, dans une moindre mesure, à La Rochelle, Nîmes, Dijon, Poitiers, Saint-Etienne, Limoges, Nice, Perpignan et Rouen.
    Le paysage actuel me fait penser à ce qu'on a connu au début des années 2000 avec la prolifération presque maladive des sociétés liées aux nouvelles technologies, guidées essentiellement par la recherche effrénée de plus-values spectaculaires. Face à ces dérives, l'Etat devrait jouer pleinement son rôle de régulateur plutôt que de se lancer à son tour dans cette surenchère, avec une frénésie à peine voilée.
    L'Etat doit donner aux collectivités locales les moyens de contrôler effectivement les aides publiques, directes et indirectes, accordées à ces entreprises qui multiplient, nous le voyons chaque jour, des pratiques de prédateurs.
    Vous savez parfaitement aussi que, pour assurer un volume suffisant à son trafic long courrier, Air France a besoin de faire converger vers ses hubs, celui de Roissy, mais également ceux de Clermont-Ferrand ou de Lyon par exemple, un trafic d'apport moyen courrier, et que c'est ce trafic moyen courrier qui pourrait être mis en danger par les low cost.
    Qui ne dit mot consent : le silence du Gouvernement face à cette prolifération de compagnies cannibales est assourdissant. On discerne même une certaine complaisance, lorsque votre secrétaire d'Etat aux transports déclare : « Les compagnies à bas coûts poursuivront leur développement en France et elles continueront à contribuer au développement du transport aérien. »
    Alors qu'Air France doit faire face à une concurrence sérieuse, notamment du TGV, votre projet de privatisation risque de participer à une déstabilisation durable de cette compagnie et du transport aérien en France, au profit des compagnies low cost.
    Votre secrétaire d'Etat aux transports est sans doute enthousiasmé par le modèle économique des compagnies à bas coûts. Faut-il pour autant sacrifier sur l'autel de l'ultra-libéralisme une compagnie qui a traversé avec succès tant d'épreuves ? Faudra-t-il pour autant privatiser, après Air France, Aéroports de Paris, et livrer aux low cost l'aéroport d'Orly ?
    M. François Goulard. C'est une bonne idée !
    M. Jean-Pierre Blazy. On en parle : il va falloir répondre à cette question !
    M. François Asensi. Ça se prépare !
    Mme Odile Saugues. Nous attendons vos réponses !
    La privatisation d'Air France n'a pas lieu d'être au regard de la situation du marché financier. Enfermé dans ses contradictions, prisonnier d'un budget fondé sur des bases insincères, otage de promesses électorales irréalistes et démagogiques, le Gouvernement est condamné à renier la parole de l'Etat et à brader son patrimoine.
    Renier la parole de l'Etat, vous le faites, monsieur le ministre, au travers de l'audit sur les infrastructures. Vous le faites en diminuant les crédits des plans de déplacements urbains. Vous le faites en annonçant, sans la moindre concertation, l'abandon du site de Chaulnes pour le troisième aéroport.
    M. Jean-Pierre Blazy. Eh oui ! Il est bon de le rappeler !
    Mme Odile Saugues. Brader le patrimoine de l'Etat, vous le faites avec ce projet de loi. Au cours des débats au Sénat, vous en êtes convenu en indiquant que le cours actuel de l'action ne permettrait pas au Gouvernement d'obtenir le niveau de recettes attendu. C'est indéniable. Et, même si vous deviez récolter à terme un milliard d'euros, ce qui semble bien improbable avec la perspective du conflit militaire qui approche et qui aura, vous le savez, de lourdes conséquences sur le transport aérien, le Gouvernement n'obtiendrait pas un tiers du coût qu'a représenté pour les contribuables français l'opération de recapitalisation qui a permis de sauver Air France en 1994.
    On sent bien que le Gouvernement se trouve face à un cruel dilemme. S'il ne vend pas, il ne boucle pas son budget car les recettes de la privatisation sont déjà prises en compte. S'il vend, il brade la compagnie au pire moment de la conjoncture. Du coup, on voit se succéder des annonces précipitées et des replis maladroits. Le ministre de l'économie annonce la privatisation dès le 29 juillet 2002, alors que, quelques jours auparavant, vous déclariez, monsieur le ministre, qu'aucune initiative de ce genre ne serait engagée sans une vaste négociation avec les salariés. On nous annonce le projet de loi pour l'automne mais, fin septembre 2002, le cours de l'action avoisine les 7 euros. On louvoie, on joue avec l'entreprise et les salariés avant de choisir finalement le pire des moments pour passer en force.
    Depuis, le Gouvernement a opéré un nouveau repli, en laissant entendre qu'il pourrait ne mettre dans un premier temps que 5 % du capital sur le marché, avant de nous dire que le processus de privatisation serait achevé d'ici à la fin 2003. Quelle cacophonie ! Quelle improvisation !
    Et ce n'est pas la première fois que l'on assiste à cette danse du scalp. Rappelons-nous la première tentative d'ouverture de capital de la société, envisagée en 1987, sous le gouvernement Chirac, alors que la compagnie Air France ne figurait même pas sur la liste des entreprises privatisables annexée à la loi de privatisation du 2 juillet 1986. Cette opération, lancée la veille du krach boursier du 29 octobre 1987, avait dû être enterrée. Aujourd'hui, l'histoire semble bégayer, si ce n'est que le Gouvernement n'a même pas la lucidité de celui de 1987, dont la « marque de fabrique » ne faisait pourtant aucun doute.
    Pourtant, les mises en garde ne manquent pas, et elles viennent même de ceux qui, dans votre camp, veulent la privatisation. Le rapport pour avis du Sénat résume assez bien la situation quand il précise que « la santé financière et la croissance du transport aérien sont très dépendantes des variations de la croissance mondiale ainsi que de celles du prix du pétrole. Le transport aérien est également devenu particulièrement sensible à la situation géopolitique internationale. » On ne saurait être plus clair.
    Monsieur le ministre, personne, sur aucun de ces bancs, ne fera le procès au Gouvernement de méconnaître la situation internationale. Nous vous demandons donc d'en tirer toutes les conséquences dans le secteur qui est de votre compétence. Et ne me dites pas que les conséquences de ce conflit seront limitées dans le temps. Les répercussions de la première guerre du Golfe sur le transport aérien n'ont pas duré six mois, mais six ans.
    Je lisais ceci sous la plume d'un analyste financier : « Alors que la morosité des perspectives économiques, la concurrence des compagnies à bas prix, la flambée du baril de pétrole et la menace de la guerre en Irak pèsent sur l'ensemble du transport aérien, Air France a de surcroît souffert ces derniers temps des mouvements sociaux suscités par sa probable privatisation. Certes, le marché est aujourd'hui peu propice à une telle opération, cependant la privatisation d'Air France pourrait in fine mettre un terme aux revendications salariales. La plupart des professionnels soulignent ainsi le caractère transitoire des inquiétudes qui affectent la valeur aujourd'hui et considèrent donc que le titre présente une décote intéressante à moyen terme. »
    Le Gouvernement partagerait-il cette analyse dont le cynisme ne vous échappera pas ? Feriez-vous le pari d'une décote attrayante ? Là encore, nous attendons vos explications.
    Monsieur le ministre, l'un de vos prédécesseurs, M. Pierre Cot, déclarait en 1933 :...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Qu'il fallait privatiser Air France ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Un grand bonhomme, oui !
    Mme Odile Saugues. ... « Dans tous les domaines, l'aviation peut donner à la France les moyens de mieux accomplir son destin. » Soixante-dix ans plus tard, alors que la France a rendez-vous avec son destin, la représentation nationale est en droit de s'interroger : avez-vous un plan de vol pour le transport aérien en France ?
    M. Bernard Roman. Aucun ! Ils naviguent à vue !
    Mme Odile Saugues. Alors que tous les acteurs du transport aérien nous disent la nécessité de réaliser une troisième plate-forme internationale, votre première décision a été de remettre en cause, pour des raisons dont la compatibilité avec l'intérêt national n'apparaît pas nettement, le projet de votre prédécesseur.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    Mme Odile Saugues. Alors que le Gouvernement lance une nouvelle phase de décentralisation, vous semblez livrer sans états d'âme les aéroports de province et nos territoires à l'appétit de compagnies aériennes guidées par la seule recherche du profit maximum.
    Alors que, après la liquidation de la deuxième compagnie aérienne française, chacun souligne la nécessité d'une régulation plus forte dans le secteur aérien, vous annoncez la privatisation d'Air France et celle d'Aéroports de Paris.
    Pourtant, hier, vous convoquiez à un tour de table très médiatique les entreprises relevant de votre tutelle, au premier rang desquelles Air France et Aéroports de Paris, pour reclasser une partie des 3 200 salariés d'Air Lib.
    Le statut d'Air France aurait-il du bon lorsque le Gouvernement tente de sauver socialement la face, et deviendrait-il honteux lorsque ce même Gouvernement répond aux injonctions du MEDEF ?
    M. Jean-Louis Idiart. Très bien !
    Mme Odile Saugues. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que l'actionnaire majoritaire d'Air France n'a jamais fui ses responsabilités, ni socialement ni économiquement. Peut-on en dire autant de M. Seillière et de la société Wendel ?
    M. Jean-Pierre Blazy. Certainement pas !
    Mme Odile Saugues. Répondant à l'invitation du MEDEF, le Premier ministre déclarait que, « lorsqu'on a une idée, il faut se méfier de l'effet d'aubaine et de l'effet pervers ». Cette mise en garde me semble tout à fait appropriée face à ce projet de loi, même si l'idée de la privatisation d'Air France n'est pas nouvelle. C'est même une vieille lune libérale, si j'en crois les prises de position de plusieurs membres du Gouvernement.
    Je ne reviendrai pas sur celles de votre secrétaire d'Etat ; elles ont le mérite de la constance.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vrai !
    Mme Odile Saugues. Mais nous pourrions évoquer les déclarations de l'actuel ministre du budget qui, en 1998, était rapporteur au Sénat du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, dont l'article 51 prévoyait l'ouverture du capital de la compagnie. « Les tutelles qui pèsent sur Air France ralentissent les décisions et entravent les mesures d'adaptation qui se révéleraient nécessaires. Les choix industriels peuvent être biaisés et le dialogue social est vicié », écrivait-il alors. Quel tableau ! Quel regard sur l'une des plus belles compagnies aériennes du monde ! Quel jugement sur cette société qui a su résister à la pire des crises du transport aérien après les attentats du 11 septembre 2001 !
    Effet d'aubaine, effet pervers : décidément, votre projet de loi n'échappe pas à ces deux travers fondamentaux.
    Il organise le bradage d'un des fleurons de notre économie pour permettre au Gouvernement, je le répète, de boucler un budget insincère.
    Et il le fait au pire moment, alors que la tension internationale n'a jamais été aussi forte, alors que la guerre en Irak n'a jamais été aussi proche.
    Il le fait alors que le secteur du transport aérien est encore secoué par la crise, comme en témoignent les suppressions massives d'emplois à Delta Airlines et la disparition d'Air Lib.
    Il le fait alors que l'aménagement du territoire va considérablement souffrir du désengagement de l'Etat dans des projets majeurs de réalisation d'infrastructures.
    Il le fait alors que la construction d'une Europe sociale dans le transport aérien n'a que des traductions embryonnaires.
    Il le fait, enfin, alors que la société Air France connaît une stabilité sociale certaine et que ses personnels, qui ont fortement participé à son redressement, vont être confrontés à une phase d'incertitude dont nous savons bien qu'elle débouchera sur la remise en cause de nombreux acquis sociaux.
    Toutes ces questions, monsieur le ministre, devraient conduire le Gouvernement à la prudence et à la sagesse.
    La prudence nous est malheureusement commandée par le contexte de crise internationale.
    La sagesse, c'est de constater qu'Air France a évolué et que cette évolution a su concilier les conséquences de l'ouverture à la concurrence et le progrès social. Pour cela, elle a dû s'adapter, et elle a su le faire notamment grâce à un cadre législatif nouveau.
    Otage de l'idéologie de votre majorité, vous prenez le risque de briser cet équilibre que nous savons fragile. Le groupe socialiste s'y opposera. Les forces de gauche s'y opposeront, du progrès social, de l'intérêt public et de la politique d'aménagement du territoire.
    Nous espérons que le bon sens l'emportera sur les postures dogmatiques, car, contrairement à vous, nous considérons, nous, que « dans tous les domaines, l'aviation peut donner à la France le moyen de mieux accomplir son destin ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Madame Saugues, j'ai été un peu peiné pour vous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai compris que vous aviez surtout pour objectif de rester le plus longtemps possible à la tribune, tant les arguments que vous avez enchaînés les uns après les autres étaient de portée très différente. J'élaguerai donc tous les aspects très polémiques de votre intervention - et Dieu sait s'il y en avait - pour concentrer ma réponse sur deux ou trois éléments importants de votre argumentation, qui, sans m'atteindre, m'ont touché et méritent, me semble-t-il, une réponse, notamment s'agissant de l'aménagement du territoire et des missions d'intérêt général, dont vous craignez la disparition.
    Je relève que les déclarations de M. Spinetta que vous avez reprises datent de 2001, époque où le statut d'Air France était déjà celui actuellement en vigueur, dans lequel l'Etat est majoritaire. Les propos de M. Spinetta sur l'aménagement du territoire sont peut-être inquiétants, mais je remarque qu'ils ne sont nullement liés au statut : celui-ci n'est pas en cause. On le répétera probablement souvent d'ici à la fin de ce débat : ce n'est pas le statut qui fait l'aménagement du territoire. Les lignes non rentables, en fonction du marché, mais répondant à un souci d'aménagement du territoire peuvent en effet être aidées, le cas échéant, par des subventions. Toutes les compagnies, quel que soit leur statut, que l'Etat possède la majorité de leur capital ou qu'il ne détienne aucune action dans celui-ci, peuvent répondre aux appels d'offres qui sont lancés,...
    M. François Goulard. Bien sûr !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ... peuvent être subventionnées par les collectivités locales...
    M. Bernard Roman. Encore les collectivités locales !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ... ou par le FIATA. Je le répète, ce n'est pas le statut qui fait l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Claude Lefort. Bien sûr que si !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je vous vois hocher la tête, madame Saugues. J'imagine donc que vous allez abandonner cet argument dans la suite du débat, argument qui peut effectivement faire peur. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Paul Bacquet. Nous n'avons pas peur !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. De même, s'agissant des missions humanitaires ou du rapatriement de ressortissants français, les vols pourront toujours s'effectuer. Des contrats pourront être passés ou, le cas échéant, des réquisitions ordonnées, et ce quelle que soit la compagnie et quel que soit son statut, que l'Etat détienne 54 % des actions ou qu'il n'en possède aucune.
    Par conséquent, ce n'est pas le statut qui fait la mission, mais la réquisition,...
    M. Jean-Claude Lefort. Quel autoritarisme !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... l'appel d'offres ou le contrat !
    M. Bernard Roman. Ce qui se passe pour l'outre-mer montre que ce n'est pas efficace !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je ne veux pas polémiquer, madame Saugues, mais puisque la privatisation présente autant d'inconvénients, pourquoi n'avez vous pas abrogé la loi de privatisation, qui date de 1993 ? Vous avez eu cinq ans pour le faire !
    M. François Goulard. Ils ne l'ont pas touchée !
    M. Bernard Roman. Nous avions mieux à faire ! Nous avons créé des millions d'emplois !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je le répète : il vous était facile, durant les cinq ans où vous avez été au pouvoir, de voter une loi abrogeant celle de 1993, si vous estimiez cette dernière mauvaise.
    Le présent texte aura un formidable effet d'accélérateur...
    M. Jean-Paul Bacquet. Des licenciements !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et permettra en même temps de lever le frein qui empêche les alliances. C'est ainsi qu'en 1997 des alliances avec Iberia et Alitalia ont été freinées parce que le statut d'une entreprise à majorité franco-française, à capitaux majoritairement d'Etat, a fait peur à ces entreprises au statut différent.
    On hésite à passer un accord avec un Etat dont on ne sait pas s'il pourra, le cas échéant, répondre à une augmentation de capital. Les actionnaires privés peuvent, eux, y répondre.
    Aujourd'hui, Air France a besoin d'un million d'euros par an d'investissement. L'Etat français est-il capable de répondre à de telles augmentations de capital ou d'apporter les capitaux nécessaires au développement de la compagnie ? La réponse est non.
    M. Jean-Paul Bacquet. On peut trouver l'argent du côté des grandes fortunes !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. En privatisant, on lève le frein aux alliances en question, aux augmentations de capital, au développement de la compagnie.
    Regardez bien le texte, madame Saugues, il ne comporte pas beaucoup d'articles,...
    M. Jean-Paul Bacquet. Mme Saugues sait lire, ne vous inquiétez pas !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... et vous verrez qu'il constitue un formidable accélérateur social. En effet, grâce à ce texte, tous les salariés de la compagnie se verront ouvrir le droit à l'actionnariat salarié, soit par un échange salaire-actions soit par l'achat d'actions à des cours privilégiés.
    M. Bernard Roman. Comme chez Enron !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est tout de même quelque chose de nouveau. Ce texte aura un effet social et un effet de développement économique.
    M. Bernard Roman. On a dit la même chose pour Vivendi !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce n'est donc pas l'espèce d'énorme épouvantail que vous avez agité pendant trois-quarts d'heure !
    M. Bernard Roman. En fait d'élagage, nous n'avons rien entendu sur le fond !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Vous ne pouvez pas prétendre, madame Sauges, parler au nom des salariés d'Air France.
    M. Jean-Louis Idiart. Les actionnaires, nous, nous ne connaissons pas bien !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Comme je l'ai indiqué en présentant mon rapport, trois syndicats - le SNPL, le principal syndicat du PNC et le syndicat CGC du personnel au sol - m'ont fait savoir qu'ils ne sont pas contre la privatisation d'Air France. Quant aux autres syndicats, qui, pour la plupart, ont appelé à la grève aujourd'hui, savez-vous combien de grévistes ils ont réussi à mobiliser : 5 % du personnel d'Air France !
    M. Jean-Pierre Blazy. Attendez la suite !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je suis un démocrate. A ce titre, je considère qu'il faut écouter les gens et être proche d'eux. Toutefois, j'estime qu'il ne faut pas prétendre parler en leur nom alors qu'ils disent l'inverse de ce qu'on veut leur faire dire.
    Par ailleurs, j'ai été très étonné que le porte-parole du groupe socialiste ne dise pas la vérité sur la teneur de la décision de la Commission du 24 juillet 1994, en omettant de préciser que l'une des conditions posées pour autoriser l'apport de 20 milliards de dotation en capital par l'Etat à Air France, c'était d'engager le processus privatisation de la compagnie.
    M. Christian Blanc. C'est exact !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Au reste, le Gouvernement que vous avez soutenu a commencé à le faire, puisque, quand la compagnie est redevenue bénéficiaire, il a fait chuter le taux de sa participation de 94 % à environ 55 %.
    Mme Odile Saugues. Ça fonctionnait très bien ainsi !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Pour notre part, nous ne faisons que continuer à appliquer un accord que nous avions négocié, puisque c'est le gouvernement Balladur qui l'avait signé. Vous en avez hérité, et nous achevons le processus de privatisation de façon à respecter un engagement communautaire qui lie l'Etat.
    Mme Odile Saugues. C'est vous qui le dites !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ce n'est pas moi qui le dis, madame Saugues : il ne s'agit que de l'application d'une décision de la Commission. Si vous prétendez le contraire, montrez-moi le texte qui permettrait à l'Etat français de ne pas privatiser Air France en contrepartie de la dotation de 20 milliards de francs qu'il lui avait apportée. Cet accord comportait d'ailleurs d'autres conditions qui ont été respectées.
    S'agissant du statut, vous oubliez de signaler que, grâce à l'amélioration du dialogue social à Air France, en particulier sous l'impulsion des présidents Blanc et Spinetta, la compagnie est dans une situation quasiment assimilable à celle d'une branche bénéficiant d'une convention collective : chaque accord est négocié avec les syndicats, avant d'être soumis au conseil d'administration puis à la DGAC et à M. le ministre pour être entériné ; telle est la pratique sociale actuelle.
    Ce que ce texte propose est tout sauf une régression sociale. C'est au contraire un progrès social, puisque les syndicats et la direction pourront négocier des accords sans être obligés d'en référer au conseil d'administration ni surtout à la tutelle.
    Pour ce qui est de l'aménagement du territoire, si la privatisation d'Air France doit avoir, selon vous, une incidence sur celui-ci, comment expliquez-vous que deux compagnies privées - Air Littoral et Brit Air - aient passé des accords en matière d'aménagement du territoire ?
    Vous vous obstinez à croire que l'aménagement du territoire passe par une compagnie publique. Cela n'est déjà pas le cas, et c'est le gouvernement que vous avez soutenu qui a négocié les accords en question. Vous savez d'ailleurs que l'aménagement du territoire peut aussi bien passer pas des accords passés avec des compagnies privée qu'avec une compagnie publique.
    Enfin, vous avez demandé pourquoi la compagnie Air France n'avait pas passé un accord capitalistique avec Delta Airlines. Mais c'est parce que, comme l'a précisé M. le ministre, le droit américain interdit à un actionnaire non américain de posséder plus de 25 % du capital d'une société américaine. Il en irait de même pour tout autre compagnie aérienne européenne. De surcroît, quel serait l'intérêt pour Air France de détenir 24,95 % de Delta Airlines alors qu'un tel investissement ne lui donnerait aucun pouvoir au sein de la société ? Nul. Mieux vaut qu'Air France utilise ses ressources pour d'autres développements, en particulier pour investir dans des compagnies européennes, ce que permettra sa privatisation.
    Je vous rappelle qu'il n'y a plus que trois compagnies européennes, dont Air France, à ne pas être encore privatisées. Alitalia devrait être privatisée dans les deux ans, puisque le gouvernement Berlusconi le souhaite. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) L'Italie est un pays démocratique, qui s'est dotée d'un gouvernement démocratiquement élu !
    M. François Asensi. Avec des fascistes au gouvernement ? Comment pouvez-vous parler de gouvernement démocratique ! C'est incroyable !
    M. Charles de Courson, rapporteur. En fait, seule la SAS restera en raison d'une situation de blocage due au fait qu'elle appartient à trois pays.
    Avec qui voulez-vous qu'Air France s'allie aujourd'hui ? Voilà la dure réalité !
    Que ce texte vous trouble, j'en conviens. Qu'il vous pose des problèmes, j'en conviens. A moi, il ne m'en pose pas. Mais il ne faut pas dire le contraire de la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le ministre, je trouve que votre réponse témoigne d'une certaine forme de mépris à l'égard de Mme Saugues.
    M. Bernard Roman. Tout à fait !
    M. François Asensi. Absolument !
    M. Jean-Louis Idiart. Pour ma part, je considère qu'elle a fait une intervention particulièrement bien construite, bien argumentée, et qui, je le crois, fait honneur au Parlement et au débat contradictoire.
    M. François Goulard. Il ne faut tout de même pas exagérer !
    M. Jean-Louis Idiart. Comment pouvez-vous dire...
    M. Jean-Paul Bacquet. Sur un ton professoral !
    M. Jean-Louis Idiart. ... que nous savons très bien que ce que nous disons n'est pas conforme à la réalité, que nous intervenons pour faire notre cinéma, mais que, au fond, nous ne pensons pas ce que nous disons ?
    M. François Goulard. Pour ce qui est du ton, rappelons-nous la courtoisie de celui de Mme Aubry !
    M. Jean-Louis Idiart. Je suis également très choqué par la façon dont vous abordez ce débat. Pour notre part, nous le faisons avec beaucoup de sérénité, mais j'ai l'impression que les choses vont se gâter.
    Vous nous avez demandé pourquoi nous n'avions pas abrogé la loi de 1993. Eh bien tout simplement parce que nous avions autre chose à faire que d'abroger toutes les lois que vous aviez votées.
    M. Charles de Courson, rapporteur. L'argument est de poids !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous ne nous précipitons pas comme vous pour faire voter des textes idéologiques !
    Nous, ce qui nous intéressait, c'était l'emploi (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), les emplois-jeunes (Applaudissements sur les mêmes bancs), le progrès social. Nous ne nous préoccupions pas tous les matins de savoir ce qu'avaient fait M. Balladur ou M. Juppé,...
    M. Bernard Roman. Nous ne cédons pas, comme la majorité, aux injonctions du MEDEF !
    M. Jean-Louis Idiart. ... d'autant que le second trouvait que ce qu'avait fait le premier était calamiteux. Nous avons essayé d'être le plus positif possible et nous ne nous sommes pas préoccupés des textes que vous aviez fait voter antérieurement.
    Par ailleurs, je vous signale, monsieur de Courson, qu'à l'origine, la Commission demandait d'engager un mouvement de privatisation et non de privatiser, ce qui n'est pas la même chose.
    Nous sommes tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Mme Saugues à propos de l'aménagement du territoire. Comment allez-vous pouvoir peser un tant soit peu sur la politique d'aménagement du territoire à partir du moment où la compagnie sera totalement privatisée ?
    Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. François Asensi. Notre groupe votera la question préalable.
    Je suis étonné par les propos de M. le ministre et du rapporteur.
    Vous dites, monsieur le ministre, que que ce texte va provoquer un formidable processus d'accélération.
    M. Jean-Paul Bacquet. Des licenciements !
    M. François Asensi. Vous dites que la privatisation d'Air France était inscrite dans la loi de 1993. Or, aujourd'hui, nous allons voter non une simple loi d'accompagnement, mais un véritable changement de propriété.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Mais non !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Pas du tout !
    M. François Goulard. Ce n'est pas dans la loi !
    M. François Asensi. Si, le changement de propriété est lié au capital.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Mais non !
    M. François Asensi. Si, monsieur le ministre. Le changement de propriété est lié à la détention de la majorité du capital.
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Mais non !
    M. François Asensi. Vous nous proposez de changer le statut et de passer d'une propriété publique majoritaire à une propriété privée majoritaire.
    Mais vous allez être confronté à une difficulté manifeste. Vous savez très bien que vous n'allez pas pouvoir mettre sur le marché la propriété publique que représente le potentiel Air France. En effet, la volatilité du marché est telle que, aujourd'hui, vous ne trouverez pas une juste rémunération de ce bien public sur le marché.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est vrai !
    M. François Asensi. C'est en cela que ce texte va permettre une véritable braderie, c'est en cela que ce texte est inconstitutionnel, et il me paraît important de le noter.
    Vous dites à Mme Saugues, monsieur de Courson, qu'elle ne peut pas parler au nom des salariés. Mais vous ne pouvez pas, vous non plus, prétendre parler en leur nom parce que vous avez reçu trois syndicats qui seraient d'accord avec la privatisation. Pour ma part, j'ai reçu tout à l'heure, avec d'autres députés, des délégations de la CFDT, de la CGT, de FO et d'autres syndicats, qui, eux, m'ont remis une pétition contre la privatisation, signée par 14 000 membres du personnel d'Air France.
    En juillet dernier, on avait parlé d'une consultation du personnel : pourquoi n'avez-vous pas organisé une telle consultation sur la privatisation ?
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est facile à comprendre !
    M. François Asensi. C'était possible, mais vous ne l'avez pas fait : vous ne pouvez donc pas prétendre aujourd'hui que la concertation est allée à son terme.
    Avec cette loi, vous allez changer la propriété d'Air France.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Non !
    M. François Asensi. Si, et vous avez trouvé une petite astuce pour cela. Comme vous ne pourrez pas mettre sur le marché l'ensemble du capital, alors que la loi aura pourtant changé la propriété de la compagnie, vous ne mettrez sur le marché que les 4 à 5 % nécessaires pour permettre aux capitaux privés de devenir majoritaires.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce n'est pas la loi !
    M. François Asensi. Cette alchimie assez particulière dénote que vous en restez à une vision totalement dogmatique. Vous pensez que le salut d'Air France et du service public passe par la privatisation et par la volatilité du marché. Nous, nous vous disons : « casse-cou », monsieur le ministre ! »
    Vous allez privatiser une société qui a enregistré des résultats extraordinaires, qui a créé des emplois et qui joue un rôle réel dans l'aménagement du territoire. Vous allez lancer cette société et toute la filière aéronautique dans l'aventure.
    Pour toutes ces raisons, nous voterons la question préalable déposée par le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. François Goulard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. François Goulard. Il ne fait de doute pour personne que le groupe UMP rejettera cette motion de procédure, comme il a rejeté la précédente, et je n'ai guère d'arguments à ajouter à ceux qui ont été donnés par le ministre et par le rapporteur. J'invite malgré tout certains de nos collègues à lire le texte dont nous débattons : la privatisation n'est pas introduite par cette loi, elle l'a été par la loi de 1993.
    M. Charles de Courson, rapporteur. C'est vrai.
    M. Jean-Pierre Blazy. Il s'agit d'un argument fallacieux.
    M. Jean-Louis Idiart. C'était votre loi !
    M. François Goulard. Voilà la réalité. De plus, si l'entrée de capitaux privés était si condamnable et si le statut public d'Air France était si nécessaire, pourquoi le gouvernement Jospin a-t-il cru opportun d'ouvrir, en 1999, le capital de l'entreprise ?
    M. François Brottes. Cela n'a rien à voir !
    M. François Goulard. Il faut être cohérent : être pour le public ou pour le privé, mais pas dans cet entre-deux qui n'a pas grand sens.
    M. François Asensi. L'économie mixte fonctionne aussi !
    M. François Goulard. Comme le ministre, je pense que Mme Saugues a voulu tenir son temps, et nous l'avons tous fait en défendant ce type de motion. Nous avons échappé de peu à la lecture des horaires.
    Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est méprisant !
    Mme Odile Saugues. Lamentable !
    M. Jean-Pierre Blazy. Le Gouvernement n'a qu'à utiliser le 49-3 !
    M. François Goulard. Les arguments de notre collègue sont d'inégale valeur.
    L'entreprise publique Air France aurait joué un rôle dans l'aménagement du territoire. Permettez-moi de constater que cela n'a pas été le cas, et je m'en réjouis. Il n'a pas été institué une sorte de caisse de mutualisation pour permettre à toutes les villes moyennes de province de bénéficier d'une liaison avec la capitale à la charge des lignes plus rentables exploitées par la compagnie. Air France ne fonctionne pas ainsi aujourd'hui : pourquoi voulez-vous qu'il en aille différemment demain ? Cette entreprise n'a pas pour vocation de jouer le rôle que vous semblez vouloir lui assigner en matière d'aménagement du territoire.
    M. Jean-Louis Idiart. Que savez-vous de l'aménagement du territoire ?
    M. François Goulard. D'ailleurs, comme l'a souligné le ministre, rien n'interdit à la puissance publique d'utiliser les armes qui sont les siennes au profit d'objectifs de service public ou d'aménagement du territoire, en utilisant des entreprises privées. C'est possible pour la desserte des Antilles, ou pour les situations qu'a citées M. le ministre, avec des réquisitions en cas de nécessité absolue.
    Madame Saugues, vous parlez de « passage en force ».
    M. Jean-Paul Bacquet. Et le 49-3 ?
    M. François Goulard. Je ne reviens pas sur le fait que la privatisation est déjà votée, mais, en plus, il s'agit d'un vote du Parlement ! Mesurez vos expressions !
    M. Jean-Paul Bacquet. Quelles sont les vôtres pour parler de l'utilisation du 49-3 ?
    M. François Goulard. Un autre argument me paraît particulièrement fallacieux. Le secteur aéronautique serait en ce moment particulièrement menacé et il faudrait par conséquent que l'entreprise Air France reste protégée grâce à son actionnariat public. Faut-il comprendre que, parce qu'un secteur serait en difficulté, il conviendrait que l'Etat devienne actionnaire pour sauver les entreprises éventuellement menacées ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pensez-vous une seule seconde aux conséquences d'un tel raisonnement ?
    M. Jean-Pierre Blazy. Et le baron, qu'a-t-il fait ?
    M. le président. Mes chers collègues, laissez terminer M. Goulard.
    M. François Goulard. Mais alors, vous auriez dû, lorsque vous aviez la majorité, pratiquer de nouvelles nationalisations ! Heureusement, vous avez fait preuve de davantage de bon sens et vous ne l'avez pas fait ! Prétendre que la propriété du capital doit rester publique parce que le secteur connaît des difficultés est une ineptie.
    Le transport aérien est un secteur concurrentiel il est par conséquent normal que les entreprises qui s'y affrontent soient des sociétés privées à capitaux privés. C'est une évidence et c'est la raison pour laquelle le groupe UMP repoussera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Blanc, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Christian Blanc. J'ai été frappé par la qualité du travail qui a été réalisé par Mme Saugues et par l'étendue de la documentation qu'elle a recueillie. Connaissant un tout petit peu le dossier (Sourires), je trouve son effort méritoire et je voulais l'en remercier.
    M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !
    M. Jean-Pierre Blazy. Ça change de M. Goulard !
    M. Christian Blanc. Sur le fond de votre démonstration, ma chère collègue, vous ne serez pas surprise que je ne puisse pas être d'accord avec vous, pour une raison toute simple : l'économie est mondiale et tout chef d'entreprise doit en tenir compte. Il existe des règles, celles du marché, de la concurrence et de la compétitivité, d'où découlent des conséquences. On peut les rejeter, on peut vouloir les encadrer plus ou moins fortement, toujours est-il qu'il faut bien les prendre en compte. Un pays comme la France, qui est certes important mais n'a pas une position dominante dans l'économie du transport aérien, doit, tout en préservant les caractéristiques culturelles qui sont les siennes, s'adapter pour être compétitif.
    Je ne peux donc pas m'associer à la question préalable pour des raisons de fond. Je pense qu'il est temps, urgent même, de donner à Air France les capacités d'action stratégique et la visibilité que seule une privatisation lui permettra d'avoir.
    S'agissant des accords passés à Bruxelles au sujet de la recapitalisation, permettez-moi, puisque les hasards de mon histoire personnelle font que j'ai été au coeur de cette négociation, de vous rappeler que la Commission de Bruxelles avait lié l'augmentation de capital à un processus de privatisation d'Air France. Aucun délai n'avait certes été fixé dans la notification, mais un engagement ferme de privatisation avait été pris. D'ailleurs, à mon avis, même si je n'ai pas reçu de confidence à ce sujet de la part du précédent gouvernement, l'une des raisons pour lesquelles il n'est pas revenu sur cette loi, c'est que c'eût été reconnaître vis-à-vis de Bruxelles que le processus de privatisation, non seulement n'était pas engagé, mais était arrêté.
    J'ajoute un mot sur la situation actuelle. Si, demain matin, Air France avait besoin d'une augmentation de capital, ce qui peut arriver à tout entreprise, nous ne serions pas en mesure de la lui assurer car ce serait considéré à Bruxelles comme une aide d'Etat et, à ce titre, nous serions condamnés.
    On le voit : quelle que soit la façon dont on prend le problème, la privatisation d'Air France est une nécessité. Elle est inéluctable. N'en déplaise à ceux qui n'aiment pas cette idée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà assez largement abordé le sujet en entendant, d'abord, les excellents rapporteurs et vous, monsieur le ministre, puis en examinant les deux motions de procédure.
    Je l'ai rappelé à l'instant, tout a été dit par la loi de 1993 s'agissant de la privatisation. Or, même si M. Idiart nous a indiqué que le gouvernement Jospin n'avait pas eu pour objectif de réformer les lois précédentes, il me semble qu'il l'a cependant fait assez largement. Pourtant, s'agissant de la loi de 1993, non seulement il n'a pas jugé utile de la réformer ou de l'abroger, mais il l'a utilisée en ouvrant le capital en 1999.
    La question que Charles de Courson a abordée et qu'il faut traiter, puisque si ce n'est pas l'objet de la loi c'est le fond du débat, est en fait extrêmement simple : pourquoi souhaitons-nous la privatisation d'Air France ?
    Au risque de surprendre, je dois avouer que nous ne sommes pas collectivistes. (Sourires.) Nous pensons en effet que, lorsqu'une entreprise appartient au secteur concurrentiel - nous savons à quel point le marché aérien connaît une concurrence parfois très dure et qu'en outre il n'y a pas de monopole naturel -, il n'y a aucune raison pour qu'elle reste dans le secteur public.
    Ce raisonnement n'a rien d'étonnant : dans toutes les grandes économies, dans toutes les grandes démocraties, les compagnies aériennes étaient privées dès l'origine, ou ont été privatisées par la suite, à l'exception, pour quelque temps encore, d'Alitalia et de SAS, comme l'a indiqué le rapporteur de la commission des finances. Si nous conservions un statut public à une grande entreprise de transport aérien, nous serions, là encore, dans l'exception.
    Non seulement rien ne justifie le fait qu'on maintienne Air France dans le secteur public, en d'autres termes qu'on maintienne les entreprises publiques dans le secteur concurrentiel, mais il y a même un certain nombre d'inconvénients à le faire.
    Rappelons d'abord qu'Air France aura coûté de l'argent au contribuable. On se réjouit que, sous l'égide de très bons dirigeants, cette entreprise ait fait face aux difficultés, qui ont été considérables ; mais - le rapporteur l'a remarqué à juste titre - si l'on fait le compte de ce que cette entreprise peut rapporter par sa privatisation ou de ce qu'elle a apporté à l'Etat sous forme de dividendes et de ce qu'elle a coûté au contribuable, et par conséquent au budget de l'Etat, le bilan est négatif. Car un des inconvénients qu'il y a à maintenir une entreprise qui relève du secteur concurrentiel dans le giron de l'Etat, c'est que cela a très fréquemment un coût pour le budget et donc pour le contribuable.
    En outre, on ne peut ignorer les risques d'une telle attitude. Les cas de plusieurs entreprises étrangères qui ont réalisé de mauvaises affaires ont été évoqués. Nous ne sommes pas à l'abri du fait qu'une entreprise comme Air France, si elle était moins bien dirigée qu'elle ne l'est, ou si elle était confrontée à une situation plus dure, soit obligée demain de demander un effort à son actionnaire.
    Notre collègue Blanc l'a dit à l'instant : il y aurait, au niveau européen, un obstacle à une augmentation de capital de l'entreprise.
    En tout état de cause, une inquiétude persiste, qui n'a rien de théorique ; songeons à ce qui s'est passé à France Télécom. Car le budget de l'Etat et donc l'argent des contribuables sont menacés dès lors que des entreprises publiques sont amenées, parce qu'elles sont en concurrence sur des marchés extrêmement difficiles, à réaliser, par exemple, des acquisitions à l'étranger, et du coup à nous exposer à des risques majeurs que nous n'avons pas à courir en tant que contribuables. Qu'un actionnaire prenne des risques sur son patrimoine privé, soit, mais ce n'est pas à la collectivité publique de prendre ce type de risque. Les exemples récents montrent à quel point ce que je dis est fondé.
    Et puis, du fait de la détention par l'Etat du capital d'un certain nombre d'entreprises, un risque bien réel de distorsion de concurrence existe, ce qui n'est pas normal dans une économie de libre marché. Je crois qu'il faut le dire très simplement, même si certains, et je le comprends bien, peuvent penser autrement.
    Ne nous demandez pas, mes chers collègues, d'être collectivistes : ce n'est pas notre point de vue.
    M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas le nôtre non plus !
    M. François Goulard. Mais ne nous faites pas tomber non plus dans le manichéisme : des entreprises publiques sont bien gérées - c'est le cas à Air France - et des entreprises privées sont gérées de manière calamiteuse.
    Au-delà de ces constats évidents, une entreprise dont le capital est contrôlé par l'Etat n'a pas la même liberté qu'une autre pour nouer des alliances en capital, pour se développer à l'international, bref pour répondre aux défis auxquels elle est confrontée, et une entreprise comme Air France est handicapée si on la maintient dans le giron de l'Etat. Tous ceux qui travaillent dans ce secteur et prennent position, non pas guidés par tel ou tel corporatisme mais dans l'intérêt de l'entreprise, tous ceux-là, quelle que soit leur tendance politique, sont d'accord pour affirmer qu'il n'est pas raisonnable de maintenir une entreprise comme Air France dans le secteur public.
    Ce texte, monsieur le ministre, comporte des dispositions assez techniques que j'estime bien pensées.
    En premier lieu, le dispositif qui tend à substituer la convention collective au statut actuel du personnel, tel qu'il est conçu, non seulement permettra mais également encouragera la négociation entre partenaires sociaux pour aboutir à une convention collective, au demeurant, M. le rapporteur l'a dit, c'est déjà largement la réalité des relations sociales à Air France.
    Si on ne connaît pas très bien le secteur du transport aérien, on peut être étonné la lecture des dispositions touchant au capital de l'entreprise. Mais il faut savoir que celles-ci doivent à la fois obéir à des contraintes imposées par le règlement communautaire de 1992 et tenir compte des accords bilatéraux conclus dans le cadre de la convention de Chicago de 1944. Ces dispositions sur l'actionnariat sont par conséquent nécessaires.
    L'évolution de la jurisprudence, notamment les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 juin 2002, imposera probablement une modification de ces accords, mais le dispositif qui nous est proposé, et qui, pour l'instant, est eurocompatible, rendra possible l'évolution que je viens d'évoquer
    Puisqu'il est question du transport aérien, j'exprime à cette tribune le souhait que la concurrence, dans ce domaine, se développe. Nos collègues qui siègent à la gauche de l'hémicycle décrient beaucoup les sociétés à bas coûts. Pour ma part, je ne défends aucun type de compagnie mais je considère que la variété de l'offre est intéressante pour le consommateur, en particulier pour les publics les plus modestes. Les évolutions les plus récentes, qui ne sont par ailleurs pas dénuées d'inconvénients, apportent des progrès incontestables dans la diversification de l'offre, et il ne serait pas forcément mauvais de faire preuve d'un peu plus d'esprit d'ouverture, notamment en ce qui concerne les créneaux d'atterrissage, pour favoriser l'émergence de la concurrence. Ce ne serait pas du tout contraire à l'intérêt des consommateurs que nous sommes les uns et les autres.
    Je voudrais pour conclure saluer le travail de très grande valeur accompli par les rapporteurs, remercier le ministre de la qualité des échanges qui ont eu lieu entre notre assemblée, lui-même et ses services. C'est, je pense, une façon assez exemplaire d'envisager le travail entre le Gouvernement et l'Assemblée, ce n'est pas, mais je ne citerai personne, toujours le cas. C'est la raison pour laquelle nous l'avons particulièrement appréciée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois sincèrement qu'à l'occasion de ce débat il convient de ne pas discréditer les interlocuteurs. Je ne suis pas un spécialiste du secteur du transport aérien et des compagnies aériennes. Souffrez néanmoins d'entendre ma petite musique et une tonalité différente venant de ce côté de l'hémicycle.
    Il eût été étrange que le député que je suis ne s'exprime pas à l'occasion de ce débat, puisque je suis originaire de l'outre-mer. Le transport aérien constitue un dossier fondamental pour le désenclavement, pour l'épanouissement et pour le développement de la France de l'outre-mer. A ce titre, il nous semble que c'est une indécence, le mot n'est pas trop fort, voire un dogmatisme, pour ne pas dire une aberration, que de privatiser Air France aujourd'hui.
    Je rappellerai simplement, avant de commencer mon propos, une vieille légende que les anthropologues ont reprise, et appelée les uns le « culte du cargo », d'autres le « syndrome du cargo ». Coupés de tout, les habitants des îles micronésiennes du Pacifique ont connu, après la Seconde Guerre mondiale, la frayeur des îliens de ne pas voir arriver le cargo. Cela pourrait être aujourd'hui un cargo d'Air France qui n'arriverait pas, parce que la compagnie serait privatisée. Vous me permettrez de revenir sur cette frayeur de l'outre-mer et sur les apaisements que vous comptez lui apporter.
    Alors que vous avez laissé mourir Air Lib - certains ont écrit, et on l'a lu dans la presse, qu'il s'agissait d'un véritable assassinat - et même si d'aucuns ont voulu faire porter le chapeau à vos prédécesseurs, alors donc qu'une compagnie qui desservait l'outre-mer disparaît, vous voulez privatiser Air France.
    C'est à nos yeux indécent.
    M. Jean-Louis Idiart. Eh oui !
    M. Victorin Lurel. C'est n'est pas simplement inopportun : c'est indécent !
    Vous retirez la licence d'exploitation d'Air Lib, vous liquidez cette entreprise, ou vous la laissez liquider d'une manière qui nous a choqués parce qu'elle est particulièrement scandaleuse...
    M. Jean-Claude Lefort. C'est vrai !
    M. Victorin Lurel. ... et vous mettez ses 3 200 salariés sur le carreau. Dans le même temps, vous privatisez Air France au nom de je ne sais quelle vérité philosophique ou économique.
    Cela nous paraît, je le répète, indécent.
    Les demandes formulées par l'Etat sont tout aussi indécentes. Au moment où vous voulez la privatiser, vous suggérez à Air France d'assumer des obligations d'entreprise publique puisque vous lui demandez, dans le cadre d'un plan que vous avez élaboré, d'absorber à peu près un millier d'emplois d'Air Lib.
    L'opinion nous regarde.
    Comment pouvez-vous soutenir en même temps que les entreprises publiques c'est tout mauvais, et demander à l'une d'elles, qui a subitement des qualités, de reprendre un millier de personnes qui sont sur le pavé ?
    Les salariés d'Air France expriment leur inquiétude. Ils se demandent de quoi demain sera fait s'ils sont traités de la sorte.
    Il y a là une autre indécence, qu'il convient de déplorer, pour ne pas dire dénoncer.
    Vous voulez donc privatiser Air France. « Privatiser » est en effet le mot qui convient et il n'y en a pas d'autre. Nous n'avons idéologiquement rien contre les privatisations. Je reviendrai d'ailleurs sur les services publics car la conception qu'en a M. le rapporteur me semble un peu curieuse.
    Vous décidez de créer ex nihilo une compagnie dédiée à l'outre-mer. Personne ne comprend cela en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion, où M. le Premier ministre a eu la réception que vous savez. On ne comprend pas toutes ces contradictions !
    Air Lib a disparu. Et que fait-on aujourd'hui ? Du vent ! La continuité territoriale n'est pas assurée et cela aussi, c'est une indécence.
    Autre sujet inquiétant : j'ai entendu développer une subtile comparaison entre la convention collective et le satut, la convention collective pouvant être, nous a-t-on affirmé, tout aussi rassurante que le statut et donc assurer des garanties au personnel.
    Je m'étonne que les syndicats, qui sont informés, ne soient pas aussi rassurés. Si la convention collective est une excellente chose pour les salariés, vous auriez dû les consulter.
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. Victorin Lurel. On aurait su quelle était leur position.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il y a des syndicats favorables à la privatisation !
    M. Victorin Lurel. Air France est un succès économique, un succès commercial, un succès pour la France.
    M. Jean-Claude Lefort. Et voilà !
    M. Victorin Lurel. La privatisation apparaît dans ces conditions comme dogmatique et aberrante. Car ne me dites pas que le statut d'Air France n'est pour rien dans le succès de la compagnie et que seule la qualité du management y est pour quelque chose. La psychologie, le statut, le fait de rassurer le personnel, qui donne le meilleur de lui-même, sont aussi à l'origine du succès d'une entreprise.
    M. François Asensi. Eh oui !
    M. Victorin Lurel. En dépit de la crise qui a frappé le secteur, Air France a résisté et personne ne nous fera croire que le statut n'y est pour rien,...
    M. Jean-Claude Lefort. Evidemment !
    M. Victorin Lurel. ... non plus que le fait que cette entreprise publique soit adossée à l'Etat. Je crois d'ailleurs que le petit peuple est très sensible à cette réalité.
    M. Jean-Claude Lefort. La « France d'en bas », quoi !
    M. Victorin Lurel. L'opération à laquelle vous vous livrez relève d'un aveuglement idéologique, d'une crispation idéologique, non pas de la politique mais de la théologie. Vous pensez que, même lorsqu'une entreprise publique est performante et qu'elle fait du profit, c'est mauvais parce que c'est une entreprise publique, et qu'il faut absolument la privatiser car il n'y a de bon que le privé et il ne font pas que le contribuable paie.
    Nous estimons, je le repète, que cette attitude résulte d'un aveuglement idéologique.
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. L'idéologie est plutôt de votre côté !
    M. Victorin Lurel. Vous oubliez qu'il n'y a pas besoin de monopole naturel pour qu'il y ait service public.
    Vous affirmez qu'il n'y a pas de monopole naturel dans le secteur public et que, dans le secteur concurrentiel, il n'y a pas de service public. Sans revenir sur mes cours d'université, je vous rappellerai qu'un service public peut être assumé par le privé...
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ah ! Quand même !
    M. Victorin Lurel. ... ou par un établissement public. Il peut-être aussi assuré par l'Etat, par une entreprise à caractère public ou à statut public. C'est le cas d'Air France.
    Vous privatisez donc. Soit ! Mais vous abrogez aussi l'article 6 et les obligations qui relèvent de règlements communautaires.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Non !
    M. Victorin Lurel. Vous nous enfermez dans notre insularité car vous n'assurez pas la liberté fondamentale d'aller et de venir.
    M. Jean-Claude Lefort. Très juste !
    M. Victorin Lurel. Allez vous renseigner sur les prix pour le mois d'août sur Air France ! Tout est réservé ! Avec 1 300 euros sur Air France et 1 200 euros sur Corsair, c'est une sorte de cartellisation qui s'impose aux usagers.
    Je suis député et, par la grâce du règlement de cette assemblée et par les faveurs de la République, je peux voyager gratuitement et facilement. Mais le premier venu n'est pas dans le même cas. Air Lib a disparu et le passeport « mobilité » du ministre de l'outre-mer n'est que de la poudre aux yeux. Il s'agit d'un règlement bureaucratique, auquel personne ne peut satisfaire. Cela n'intéresse pas un large public, je pense notamment aux personnes âgées, aux handicapés, bref, à tous les publics précarisés et fragilisés. Le petit public ciblé est celui des étudiants, alors qu'il est déjà pris en charge par les collectivités locales, en particulier par les conseils généraux.
    On nous dit : pour votre bien-être, pour votre bonheur, Air France doit absolument devenir une entreprise privée. Permettez-nous d'en douter et de nous opposer à ce projet.
    Dans l'outre-mer, l'Etat est absent depuis bientôt neuf mois et la continuité territoriale n'est pas assurée, alors que c'est une obligation de nature constitutionnelle. Ce n'est pas une entreprise privée, même si on veut lui faire passer des conventions et signer des contrats, qui l'assurera.
    M. le président. Je vous invite à conclure, monsieur Lurel.
    M. Victorin Lurel. Pour le moment, nous avons droit à un duopole, qui s'appelle Air France et Corsair, et la liberté d'aller et de venir n'est pas assurée.
    Voilà la raison pour laquelle le groupe socialiste, en particulier ses députés de l'outre-mer, s'opposeront à ce projet de loi.
    Pour finir, monsieur le président, j'évoquerai le « collectif des Antillais et Guyanais », auquel, en moins de quinze jours, 7 000 personnes ont adhéré pour dénoncer la faillite d'Air Lib et la politique du Gouvernement, ainsi que pour en appeler à la baisse des tarifs.
    M. le président. Merci, monsieur Lurel...
    M. Victorin Lurel. Pastichant Odile Saugues, je dirai que nous vous demandons les moyens d'accomplir notre destin et d'assurer notre développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Vous avez raison de dénoncer la faillite d'Air Lib !
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis. Il s'est tiré une balle dans le pied !
    M. le président. La parole est à M. Christian Blanc, qui sera le dernier orateur à s'exprimer avant que je ne lève la séance.
    M. Christian Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai le sentiment à ce stade du débat que tout a été dit, je serai donc bref.
    Nous sommes favorables au projet de loi présenté par le Gouvernement, qui permettra d'aboutir à la privatisation d'Air France, dont le processus a été interrompu en 1997.
    Pour ceux de nos collègues qui ne le sauraient pas, je rappelle que cette privatisation devait avoir lieu en février 1998, dans des conditions de marché infiniment meilleures que elles de 2003.
    M. François Asensi. Mais il y a eu une dissolution !
    M. Christian Blanc. En effet, une dissolution est intervenue entre-temps.
    M. Jean-Claude Lefort. Et le peuple a fauté !
    M. Christian Blanc. Il y a eu une initiative du Président de la République, que je ne qualifierai ni d'heureuse ni de malheureuse, mais qui est un fait.
    M. Jean-Claude Lefort. Le peuple a tranché ! Vox populi, vox dei !
    M. le président. Monsieur Lefort, vous n'avez pas la parole.
    M. Christian Blanc. Je rappelle que cette privatisation devait clore une période intense de redressement de l'entreprise, qui réalisait enfin ses premiers bénéfices depuis dix ans.
    La grande majorité des personnels était acquise, je l'affirme, à la nécessité de la privatisation car chacun savait que c'était une des conditions du développement à venir.
    M. François Asensi. C'est votre point de vue !
    M. Christian Blanc. A ceux qui auraient un tout petit peu d'humour, je pourrai faire part des quelques échanges que j'ai eus à ce sujet avec M. Gayssot, alors ministre chargé des transports.
    M. Jean-Claude Lefort. Nous en avons déjà parlé !
    M. Christian Blanc. On se comprend, donc !
    A ma connaissance, mes chers collègues, la position des personnels sur cette question est toujours la même aujourd'hui.
    M. François Asensi. Il faudrait peut-être les consulter !
    M. Christian Blanc. J'ai bien dit : « à ma connaissance » !
    Dans le présent débat je voudrais rappeler que l'on ne peut parler indistinctement de secteur public, de service public ou de mission de service public.
    Une entreprise du secteur public est une entreprise dont la majorité du capital appartient à l'Etat ou à des collectivités territoriales.
    Un service public est une administration, une entreprise , une entité qui exerce une mission d'intérêt général la plupart du temps définie par la loi ou le règlement. J'ai moi-même été un ardent défenseur de la modernisation du service public qu'est la RATP. En l'occurrence, sa dimension sociale et urbaine me paraissait pleinement justifier une mission de service public.
    Le plus souvent, les missions de service public sont exercées par des entreprises du secteur public. Mais il convient de rappeler, comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, qu'une entreprise privée peut assurer des missions de service public qui lui sont confiées par l'Etat ou par des collectivités territoriales.
    Demain, Air France, entreprise du secteur privé, pourra effectuer des missions de service public dans le cadre de la continuité territoriale, par exemple.
    Mesdames, messieurs, l'occasion m'est donnée à cette tribune d'insister sur un point qui n'a pas été fortement développé : la vulnérabilité et la fragilité des entreprises de transport aérien.
    Le transport aérien est un des secteurs économiques parmi les plus concurrentiels. Il est confronté à la compétition sur un marché qui est mondial. Aussi, qu'il s'agisse des coûts de production, des prix ou de la fidélisation des clients, un transporteur international ne peut se laisser distancer, s'il ne veut disparaître.
    Durant la précédente décennie, les ajustements structurels de ces entreprises vis-à-vis des entreprises les plus performantes du secteur ne pouvaient excéder un ou deux ans. Aujourd'hui, la réactivité doit jouer en quelques mois.
    Le benchmarking, c'est-à-dire la comparaison permanente avec la concurrence, est au coeur du métier. Plus encore que dans d'autres types d'entreprise, l'arrogance qui est le refus de se comparer est l'ennemi mortel, l'ennemi absolu. C'est donc un métier très exigeant.
    Après la Seconde Guerre mondiale qui aurait pu penser que Panam, la compagnie mythique des films d'Hollywood, disparaîtrait ?
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'était pas une compagnie publique !
    M. Christian Blanc. C'était la plus grande compagnie mondiale de transport aérien. Chacun pensait qu'à l'instar du chewing-gum elle était là pour l'éternité.
    Qui, il y a dix ans, pouvait penser que Swissair disparaîtrait du ciel ?
    M. Jean-Claude Lefort. Encore une compagnie privée !
    M. Christian Blanc. J'y viens.
    M. Jean-Claude Lefort. Je vous aide ! (Sourires.)
    M. Christian Blanc. Je vous en remercie.
    A la même époque, en 1994, Air France était en situation de dépôt de bilan et il y a eu dans cet hémicycle un débat à ce sujet. Un certain nombre de parlementaires exigeaient le dépôt de bilan d'Air France, vu ses résultats.
    M. Jean-Claude Lefort. Pas nous !
    M. Christian Blanc. Sans la recapitalisation in extremis de l'Etat, qui n'a joué enfin son rôle d'actionnaire,...
    M. Jean-Claude Lefort. Ah !
    M. Christian Blanc. ... et à l'extraordinaire sursaut des personnels de l'entreprise, décidant par référendum une restructuration des métiers, des réseaux et du management, Air France n'existerait plus. Pourtant, c'était une entreprise du secteur public.
    M. Jean-Claude Lefort. Avec l'Etat pour actionnaire !
    M. le président. Monsieur Lefort, laissez parler M. Blanc, qui a seul la parole !
    M. Christian Blanc. Entre 1994 et 1997, la productivité d'Air France s'est améliorée de 56 % - le chiffre n'a jamais été révélé et j'en fais ici état pour la première fois - grâce à l'intelligence collective des salariés, à leur fierté retrouvée, à la qualité du management et au fait que l'Etat a accepté de considérer que les déficits consolidés de la compagnie correspondaient au montant de la recapitalisatiton.
    M. Jean-Claude Lefort. Voilà !
    M. Christian Blanc. Depuis lors, les principaux concurrents d'Air France savent quant à eux qu'avec l'efficience du hub de l'aéroport Charles-de-Gaulle et les alliances capitalistiques qui se préparaient en 1997, mais qui nécessitaient une privatisation effective, le groupe serait aujourd'hui l'incontestable leader du marché européen - on ne se poserait pas la question de savoir si c'est Lufthansa ou Air France - et, vraisemblablement, la quatrième compagnie mondiale.
    M. Jean-Claude Lefort. Il n'y a qu'à !
    M. Christian Blanc. Il n'est pas dans mon propos de rechercher aujourd'hui la moindre responsabilité. Je dis, sachant ce que je dis, que la non-privatisation de 1998 n'a pas permis le développement qu'Air France aurait pu avoir durant cette période. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je l'ai dit au Premier ministre du précédent gouvernement, et je le dis ici devant les représentants du peuple.
    Cette privatisation, qui vient tardivement, est donc nécessaire pour donner à l'entreprise les moyens stratégiques de lutter enfin à armes égales dans un champ concurrentiel impitoyable. Nous voterons le projet de loi et les amendements acceptés par le Gouvernement, avec un simple regret, monsieur le ministre,...
    M. Jean-Claude Lefort. Quand même !
    M. Christian Blanc. ... concernant le nombre excessif - six - de représentants syndicaux au conseil d'administration (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. François Asensi. Evidemment !
    M. Christian Blanc. ... obligeant à constituer un conseil de plus de vingt membres.
    M. Jean-Claude Lefort. Quel scandale ! Le peuple !
    M. Christian Blanc. Quatre collèges sont créés pour les pilotes, les personnels navigants commerciaux, les cadres et les autres personnels. Qu'entend-on par « autres personnels » ? Les mécaniciens et les ouvriers de la maintenance, qui sont au nombre de 10 000, ne sont-ils pas aussi importants pour la vie de l'entreprise que les trois premières catégories ?
    M. Jean-Claude Lefort. Très juste !
    M. Christian Blanc. Dans cette logique de représentation des corporations, pourquoi s'arrêter à quatre collèges ? Ce n'est pas raisonnable. Pour être efficient, un vrai conseil d'administration d'entreprise ne doit pas dépasser dix à quinze membres. Le risque existe de favoriser encore davantage les corporatismes professionnels et de transformer ce conseil d'administration en un comité d'entreprise bis, ce qui pourrait nuire aux performances de l'entreprise. Une telle approche ne peut que nuire à la cohésion sociale de l'entreprise et affaiblir la compétence du conseil d'administration. Je regrette donc que l'on inscrive une telle disposition dans le marbre de la loi. En revanche, nous aurions volontiers compris et accepté un actionnariat salarial nettement plus important, qui aurait permis d'associer de façon plus étroite le personnel au développement de l'entreprise.
    Néanmoins, je salue la qualité de ce texte de loi, du travail réalisé par M. le ministre, Gilles de Robien, et par ses collaborateurs dont je connais un certain nombre. MM. les rapporteurs ont eux aussi fait un excellent travail. Ce projet donne des garanties quant à la pérennité d'un capital français et communautaire pour Air France, et c'est peut-être le point essentiel que l'histoire retiendra.
    Monsieur le ministre, le groupe UDF votera votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 632, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France :
    M. Charles de Courson, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 654) ;
    M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 655).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT