Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2002-2003)

 

ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 13 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 12 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

GARDE À VUE ET DIGNITÉ DE LA PERSONNE «...»

MM. Gilles Artigues, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS «...»

MM. Jean-Claude Sandrier, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE «...»

MM. Jean-Pierre Nicolas, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE
DU GOUVERNEMENT «...»

MM. François Hollande, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE «...»

MM. Jacques Remiller, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

SITUATION DES JEUNES FILLES EN MILIEU SCOLAIRE «...»

Mme Chantal Bourragué, M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

ASSURANCE MALADIE «...»

MM. Jean-Paul Bacquet, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

DÉBAT NATIONAL SUR LES ÉNERGIES «...»

M. Philippe Rouault, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

PÉRINATALITÉ «...»

Mme Juliana Rimane, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE «...»

MM. Patrick Roy, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

LUTTE CONTRE LE DOPAGE «...»

MM. Alain Moyne-Bressand, Jean-François Lamour, ministre des sports.

INSERTION DES PERSONNES HANDICAPÉES «...»

M. Maurice Giro, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

2.  Rappels au règlement «...».
MM. François Asensi, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM. François Asensi, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
3.  Entreprises de transport aérien. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 49 de Mme Saugues : Mme Odile Saugues, MM. Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances ; Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; François Asensi. - Rejet.
Amendement n° 50 de M. Idiart : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur, le ministre, François Asensi. - Rejet.

Article 1er «...»

Amendements de suppression n°s 20 de M. Asensi et 53 de M. Idiart : MM. François Asensi, Jean-Louis Idiart, le rapporteur, le ministre, Mme Odile Saugues. - Rejet.
Amendement n° 1 de la commission des finances : M. le rapporteur.
Amendement n° 2 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption des amendements n°s 1 et 2.
Amendement n° 26 de M. Asensi : MM. François Asensi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 27 de M. Asensi : MM. François Asensi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 28 de M. Asensi : MM. François Asensi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 62 de M. Idiart : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 3 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 4 de la commission, 36 rectifié du Gouvernement et 51 de M. Idiart : MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Louis Idiart. - Adoption des amendements n°s 4 et 36 rectifié ; l'amendement n° 51 n'a plus d'objet.
Amendement n° 5 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 52 de M. Idiart et 7 de la commission : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 7.
MM. Jean-Louis Idiart, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 52.
Amendement n° 32 de M. de Courson : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 8 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 29 de M. Asensi : MM. François Asensi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 9 de la commission et 37 du Gouvernement : MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 9 ; adoption de l'amendement n° 37.
Amendement n° 33 de M. de Courson : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 10 de la commission et 30 de M. Asensi : MM. le rapporteur, François Asensi, le ministre. - Adoption.
L'amendement n° 34 de M. de Courson n'a plus d'objet.
Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 «...»

MM. Jean-Claude Lefort, Claude Bartolone.
Amendements de suppression n°s 21 de M. Asensi et 54 de M. Bartolone : MM. Jean-Claude Lefort, Claude Bartolone, le rapporteur, le ministre, François Asensi. - Rejet.
Amendement n° 63 de Mme Saugues : Mme Odile Saugues, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 2.

Article 3 «...»

MM. Michel Pajon, François Asensi.
Amendements de suppression n°s 22 de M. Asensi et 55 de Mme Saugues : M. François Asensi, Mme Odile Saugues, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Rappel au règlement «...»

MM. Jean-Claude Lefort, le ministre.

Reprise de la discussion «...»

Amendement n° 11 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Mme Odile Saugues, M. François Asensi. - Adoption.
Amendement n° 56 de M. Bartolone : MM. Claude Bartolone, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 57 de M. Bartolone : MM. Claude Bartolone, le rapporteur, le ministre, François Asensi, Jacques Godfrain. - Rejet.
Amendement n° 31 de M. Asensi : MM. François Asensi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 58 de Mme Saugues : Mme Odile Saugues, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Louis Idiart. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 64 de Mme Saugues : Mme Odile Saugues, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 3 modifié.

Après l'article 3 «...»

Amendement n° 39 de M. Blazy : MM. Jean-Pierre Blazy, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 4 «...»

Amendements de suppression n°s 23 de M. Asensi et 40 de M. Idiart : MM. François Asensi, Jean-Louis Idiart, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 12 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 «...»

M. François Asensi.

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

Amendements de suppression n°s 24 de M. Asensi et 41 de M. Idiart. - Rejet.
Amendement n° 13 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 14 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 15 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 16 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 17 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 18 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendements n°s 38 du Gouvernement et 19 de la commission : MM. le ministre, le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 19 ; adoption de l'amendement n° 38.
Amendement n° 42 rectifié de M. Idiart : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 «...»

MM. Michel Pajon, François Asensi, Mme Odile Saugues.
Amendements de suppression n°s 25 de M. Asensi et 43 de M. Idiart : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 66 de M. Giscard d'Estaing : MM. Louis Giscard d'Estaing, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article 6.

Après l'article 6 «...»

Amendement n° 47 de M. Blazy : MM. Jean-Louis Idiart, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 48 de M. Blazy : MM. le rapporteur, Jean-Louis Idiart, le ministre. - Retrait.
Amendements n°s 65 et 44 de Mme Saugues : Mme Odile Saugues, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 59 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 61 de M. Lurel : MM. Louis-Joseph Manscour, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 45 de Mme Saugues : Mme Odile Saugues, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 46 de Mme Saugues : Mme Odile Saugues, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble du projet de loi à une séance ultérieure.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
présidence de m. jean-louis debré

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

garde à vue et dignité de la personne

    M. le président. La parole est à M. Gilles Artigues.
    M. Gilles Artigues. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, le groupe UDF a toujours soutenu, depuis votre arrivée au Gouvernement, votre politique de sécurité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La fermeté était nécessaire dans notre pays pour rétablir l'ordre. Si nous vous avons suivis dans cette démarche, monsieur le ministre, c'est parce que votre politique est équilibrée. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous avez toujours tenu à nous dire que vous ne souhaitiez pas être « tout répressif », et d'ailleurs lorsque vous vous rendez dans les banlieues, vous n'hésitez pas à tendre la main à ceux qui veulent s'en sortir, ce que nous apprécions. (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Un grand quotidien du soir fait état d'instructions que vous avez données hier au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie à propos de la garde à vue, et en particulier de votre souci de préserver la dignité des personnes qui se trouvent dans cette situation. Nous aimerions connaître les mesures que vous entendez prendre en ce domaine, particulièrement sensible. Nous nous souvenons en effet qu'en 2000 la loi sur la présomption d'innocence avait créée un trouble certain.
    M. Bernard Roman. Vous l'avez votée !
    M. Gilles Artigues. De quelle manière comptez-vous agir, monsieur le ministre ? Nous savons que nos policiers sont confrontés à des prévenus de plus en plus violents, de plus en plus dangereux et de plus en plus armés. Une nouvelle preuve nous en a d'ailleurs été donnée ce matin avec la spectaculaire évasion de la prison de Fresnes.
    Monsieur le ministre, comment allez-vous concilier la nécessaire modernisation de notre police et le traitement digne des personnes interrogées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, c'est un sujet très important. Je rappelle que chaque année on compte 370 000 gardes à vue dans notre pays. Or chacun de ceux qui sont gardés à vue est présumé innocent. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Une police moderne, c'est une police qui sait allier l'efficacité et le respect scrupuleux de la dignité humaine. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Depuis trop d'années, on polémique en se demandant comment respecter scrupuleusement la dignité humaine sans compliquer en rien la tâche des policiers et des gendarmes.
    Constatant que de nombreuses personnes gardées à vue avaient à juste titre estimé que leur dignité n'était pas respectée, le Gouvernement a décidé d'agir - c'était une préoccupation tout à la fois du Président de la République et du Premier ministre. Dans la patrie des droits de l'homme, c'est un problème qui nous concerne tous, quelle que soit notre place sur les bancs de cette Assemblée.
    M. Robert Pandraud. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai donc décidé, premièrement, que le menottage ne serait plus automatique, mais qu'il serait fonction de la dangerosité des délinquants ou des présumé délinquants mis en garde à vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Daniel Vaillant. Nous y avions pensé avant vous !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je sais, monsieur Vaillant, vous y aviez pensé, mais vous aviez omis de le faire ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Daniel Vaillant. Ce n'est pas vrai !
    M. Bernard Roman. C'est scandaleux ! C'est une attaque personnelle.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je sais, je connais la chanson. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Voyou ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Messieurs, calmez-vous !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Deuxièmement, si les palpations de sécurité seront faites automatiquement, nous considérons qu'il est inutile de procéder à des fouilles à corps et de déshabiller systématiquement des gens placés en garde à vue, sauf en cas de danger pour les fonctionnaires qui surveillent la garde à vue ou pour la personne gardée à vue. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Martine David et M. Jean-Jack Queyranne. Ce n'est pas nouveau, ça !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Troisièmement, il y aura désormais dans chaque commissariat de police, c'est important, un gradé de la garde à vue qui ne sera pas le policier en charge de l'interrogatoire, pour que celui qui garantit les droits de la personne gardée à vue ne soit pas le même que celui qui interroge.
    Quatrièmement, nous allons, dans les mois prochains, veiller à ce que les locaux de gardés à vue soient des locaux spécifiques et non pas systématiquement des cellules. En effet, puisque le gardé à vue est présumé innocent, il n'est pas normal qu'il soit placé dans une cellule.
    M. Bernard Roman. Mais c'est déjà dans la loi de 2000 !
    M. le président. Monsieur Roman !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Enfin, le gardé à vue a le droit de manger chaud, aux heures normales des repas et non pas à n'importe quelle heure du jour et de la nuit.
    M. Bernard Roman. C'est la loi Guigou çà !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mesdames et messieurs les députés, comme vous le voyez, sous l'impulsion du Premier ministre, le Gouvernement mettra autant d'énergie à poursuivre et à arrêter les délinquants qu'à faire respecter la dignité humaine partout et pour qui que cela soit.
    Mme Martine David. Ce n'est pas nouveau ! C'est déjà la loi, ça !
    M. Bernard Roman. Arrêtez de baratiner !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais, à la différence de la loi de Mme Guigou, nous le ferons en soutenant policiers et gendarmes et en obtenant des résultats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Baratin !
    M. Bernard Roman. C'est encore une attaque personnelle !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Voyou !
    M. le président. Monsieur Roman, si vous pouviez montrer l'exemple, ce serait très bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Alors, qu'il cesse les mises en cause personnelles !

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS

    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le Premier ministre, voilà près de dix ans que notre pays n'a pas connu une telle hécatombe de suppressions d'emplois et de drames sociaux. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pas une journée ne se passe sans que des licenciements, par centaines, voire par milliers, soient annoncés. (Mêmes mouvements.)
    Dernièrement, 1 700 suppressions ont été décidées chez EADS, 2 000 ont été confirmées chez Thales, faisant suite aux drames de Metaleurop, de Matra automobile, d'ACT, de Grimaud Logistique, de Daewoo, d'Air Lib et tant d'autres.
    Le Gouvernement s'abrite derrière l'héritage et les menaces de guerre pour expliquer cette situation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ne fuyez pas vos responsabilités !
    M. Jean-Michel Ferrand. Et vous, ne fuyez pas les vôtres !
    M. Jean-Claude Sandrier. Ne niez pas les choix politiques que vous faites et leurs conséquences !
    En supprimant les contraintes de la loi de modernisation sociale et de la loi Hue, vous avez ouvert la boîte de Pandore des licenciements.
    En supprimant les emplois jeunes et les aides éducateurs, vous remettez des dizaines de milliers de jeunes à la rue.
    En laissant la SNCF, Giat-Industries, la Banque de France supprimer des emplois, le Gouvernement lui-même amplifie cette spirale négative.
    M. Michel Lefait. Eh oui !
    M. Jean-Claude Sandrier. En baissant les impôts des plus riches, vous n'avez produit aucun effet positif sur l'emploi. Pire, vous avez contribué à baisser les recettes de l'Etat. Cela se traduit par un budget incapable de créer une dynamique favorable à l'emploi.
    M. Michel Lefait. Eh oui !
    M. Jean-Claude Sandrier. Vous êtes ainsi contraint d'annuler des crédits sur des budgets déjà amoindris : le logement, le travail, la recherche, l'éducation nationale. Bientôt, vous allez vous attaquer aux investissements d'infrastructures ferroviaires et routières, dans des régions malheureusement déjà fortement fragilisées.
    Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à prendre les mesures permettant de stopper ce déferlement de suppressions d'emplois ? Etes-vous prêt à présenter un plan de relance de la consommation des ménages par une augmentation de leur pouvoir d'achat, consommation qui constitue dans notre pays la source première de la croissance et de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous avez raison, monsieur le député, de dire que notre pays est confronté, comme l'ensemble des pays développés, à une situation économique difficile. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Cette situation économique est liée, pour une large part, à la purge de la bulle Télécom ; elle est aggravée par les incertitudes internationales qui retardent les décisions d'investissement des entreprises.
    M. Jean-Claude Perez. Non !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais vous avez aussi raison de souligner que notre pays réagit de manière plus brutale à cette crise que les autres pays européens parce qu'il a des handicaps qui lui sont propres et que vous connaissez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous sommes le pays d'Europe où le temps de travail est le plus bas. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous sommes le pays d'Europe où le chômage des jeunes est le plus élevé. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous sommes le pays d'Europe où le taux d'activité des anciens est le plus faible. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Chassaigne. Pourquoi ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous sommes enfin le pays d'Europe où les charges et la fiscalité sont les plus lourdes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Daniel Paul. C'est faux !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous mentez !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans ce contexte, et alors que le nombre de plans sociaux, monsieur le député, était, en 2002, équivalent à celui de 2001, le Gouvernement a choisi de se mobiliser autour de deux priorités.
    La première priorité consiste à redonner des atouts à notre pays en matière de compétitivité, de manière à pouvoir réellement faire bénéficier nos concitoyens de la croissance lorsque celle-ci reviendra. C'est la politique que mène le Gouvernement en allégeant les charges et les procédures et en soutenant la création d'emplois.
    M. Michel Lefait. En baissant l'ISF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Deuxième axe de la politique du Gouvernement, nous faisons en sorte que la solidarité nationale joue ...
    Mme Martine Billard. En allégeant l'ISF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... pour ceux qui sont frappés par les effets de cette crise. C'est ainsi que nous avons mis en place une mission qui coordonne l'action des services de l'Etat en matière de plans sociaux. Il s'agit de veiller à ce que les entreprises assument leurs responsabilités sociales et, lorsqu'elles ne sont pas en mesure de le faire, d'assurer la garantie du versement des salaires, des indemnités et la mise en place des procédures de formation.
    M. Michel Lefait. Comme à Metaleurop !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Tous ces sujets, monsieur le député, seront au coeur de la table ronde pour l'emploi qui sera organisée mardi prochain avec l'ensemble des partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Lefait. Encore une table ronde !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous veillerons, en particulier, à ce que des moyens supplémentaires soient dégagés pour permettre à cette politique d'être plus efficace.
    Monsieur le député, il n'y a pas de politique alternative à celle que nous menons (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), sinon une politique qui viserait à ajouter encore plus de handicaps à notre pays (Protestations sur les mêmes bancs) et à faire en sorte qu'il soit encore moins bien placé dans la compétition internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

archéologie préventive

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Pierre Nicolas. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, l'archéologie préventive participe à une meilleure connaissance de l'histoire de notre pays, à son fondement, à son évolution architecturale et culturelle. Les Français y sont légitimement attachés. Mais force est de constater que l'application de la loi du 17 janvier 2001 concernant les fouilles archéologiques pose aujourd'hui problème, ainsi que j'ai pu le vérifier auprès de nombreux collègues.
    En effet, les collectivités locales sont confrontées à une double difficulté.
    Tout d'abord, les redevances exigées par l'Institut national pour la recherche archéologique préventive sont conséquentes et représentent des charges financières qui obèrent sensiblement leurs possibilités budgétaires et en tout état de cause augmentent sensiblement le prix des terrains.
    Par ailleurs, l'exclusivité des travaux conférée à l'INRAP conduit actuellement à une situation de blocage puisque cet organisme ne semble pas en mesure de respecter les délais de travaux stipulés dans les conventions signées avec les collectivités locales, qui, de surcroît, éprouvent les pires difficultés à obtenir un phasage exact des fouilles.
    Cette situation est gravement préjudiciable au développement de nos territoires et décourage les investisseurs qui, n'ayant aucune visibilité quant aux programmes des travaux, risquent de renoncer à leurs projets dans notre pays.
    Alors que le Gouvernement met résolument le cap sur l'emploi, les efforts des collectivités en matière de développement économique, les créations d'emplois induites par les projets d'aménagement ambitieux sont remis en cause par cette situation de blocage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, envisagez-vous de modifier la loi du 17 janvier 2001, peut-être en introduisant une forme de concurrence, de manière que le processus actuel ne constitue plus, en termes tant de coûts que de délais, un frein au développement économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française).
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous auriez également pu poser cette question à ma collègue Claudie Haigneré, puisque, vous le savez, les activités d'archéologie préventive sont placées sous notre double tutelle.
    Ces activités, qui visent à une meilleure connaissance de notre passé et de l'histoire naturelle du globe, et plus particulièrement de nos terroirs, sont un élément fondamental de nos politiques du patrimoine. Vous l'avez rappelé, la loi du 17 janvier 2001 leur a donné un fondement juridique définitif, conforme à la convention de Malte que la France a signée en 1994.
    La loi du 17 janvier 2001, mise en oeuvre au début de l'année 2002, a aussitôt fait surgir des lourdeurs et des dysfonctionnements. Ainsi, dès la fin de 2002, il était patent que la surestimation du rendement de la redevance versée à l'établissement public l'exposait à une situation budgétaire extrêmement difficile.
    Vous l'avez également noté, les modalités de la mise en oeuvre des actions d'archéologie préventive ont rendu difficiles les relations avec les aménageurs, notamment avec les collectivités locales de petite taille, rurales en particulier. C'est pour ces raisons que fut voté, à la fin de l'an passé, l'amendement dit « amendement Garrigue » prévoyant un abattement de 25 % du montant des redevances versées à cet établissement.
    M. Patrick Bloche. C'est scandaleux !
    M. le ministre de la culture et de la communication. A présent, que faire ? Tout d'abord, naturellement, réaffirmer l'attachement de la République française à l'archéologie préventive. Ensuite, faire en sorte que le Gouvernement soit en mesure de proposer très prochainement à la délibération du Parlement un texte modifiant certaines dispositions de la loi du 17 janvier 2001 et permettant, notamment, une transaction plus large entre les aménageurs, l'INRAP et l'Etat, ainsi que le recours aux services d'autres prestataires que l'INRAP.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. On ne comprend rien !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Cette politique devrait créer un appel d'air, donner plus de souplesse au dispositif et permettre, en tout cas, à l'archéologie préventive d'être mise en oeuvre dans de meilleures conditions.
    De façon générale, mesdames et messieurs les députés, il ne faut jamais confondre, en matière de service public, l'objet de celui-ci et les modalités de sa mise en oeuvre. L'objet, nous y sommes attachés. Les modalités, elles, sont contingentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE ÉCONOMIQUE
ET SOCIALE DU GOUVERNEMENT

    M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.
    M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, dans le grave contexte international que nous connaissons, je tiens à réaffirmer ici la solidarité des socialistes avec la position prise par la France pour la sauvegarde de la paix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je tiens également à rappeler que nous soutenons cette politique, le cas échéant, jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à l'usage du droit de veto. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.)
    Notre devoir de responsabilité vaut aussi bien pour la situation internationale que pour la situation intérieure.
    A cet égard, il nous conduit à juger sévèrement la politique économique et sociale que vous menez. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Depuis plusieurs mois, nous vous mettons régulièrement en garde sur le caractère irréaliste des prévisions de croissance.
    M. François Goulard. Vous êtes bien placé pour parler !
    M. Richard Mallié. Il faut bien qu'il dise quelque chose !
    M. François Hollande. Régulièrement, nous rappelons le caractère injuste et inefficace de vos choix budgétaires et fiscaux. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous vous mettons également en garde sur les risques que votre politique fait courir en matière de chômage. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Vous nous avez répondu ici même que celle-ci reposait sur un pari. Eh bien, monsieur le Premier ministre, ce pari est en voie d'être perdu.
    M. Richard Mallié. Vous parlez pour parler !
    M. François Hollande. Le ministre de l'économie et des finances vient en effet d'admettre, il y a quelques jours, que la croissance espérée pour cette année ne serait plus qu'à peine, à peine !, de 1,5 %, au lieu des 2,5 % annoncés.
    Les autorités européennes ont rappelé sévèrement à l'ordre notre pays et lui ont demandé de réduire le niveau des déficits, sous peine de sanctions.
    M. François Goulard. A qui les doit-on, les déficits ?
    M. Lucien Degauchy. La question !
    M. François Hollande. A cause de votre politique, c'est en effet l'ensemble du budget de l'Etat et du budget de la sécurité sociale qu'il faut aujourd'hui rebâtir.
    Le moment de vérité est venu. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    D'abord sur la question du chômage : la multiplication incontestable des licenciements et des plans sociaux exige autre chose que la simple convocation d'une conférence sur l'emploi sans contenu. (« La question ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le moment de vérité est aussi venu pour les finances publiques et sociales : les Français ont le droit de savoir ce qui se prépare !
    Je vous poserai, monsieur le Premier ministre, trois questions précises. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Chers collègues, vous pourriez écouter M. Hollande trente secondes au lieu de l'interrompre sans cesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Delebarre. Très bien, monsieur le président !
    M. le président. Venez-en à vos questions, monsieur Hollande, et posez-les rapidement !
    M. François Hollande. Première question : confirmez-vous les propos de votre ministre délégué au budget concernant le non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite dès 2003 et, a fortiori, en 2004 ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Deuxième question : confirmez-vous les propos de votre ministre de la santé sur la nécessité de faire payer davantage les Français pour leurs dépenses de santé eu égard aux déficits de la sécurité sociale ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Troisième question : confirmez-vous l'intention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de suspendre les baisses d'impôt promises faute de croissance ?
    M. le président. Monsieur Hollande, nous vous avons entendu...
    M. François Hollande. Bref, monsieur le Premier ministre, il est temps de débattre de votre politique économique...
    M. le président. Monsieur Hollande, je vous remercie...
    M. François Hollande. Nous demandons un prochain projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Jean Glavany. C'est contraire à la tradition parlementaire : M. Hollande s'est adressé au Premier ministre !
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Hollande, je vais vous confirmer une chose : nous avons une politique et nous n'en changerons pas. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Dans le contexte de la démocratie qui est la nôtre, le « juge de paix », c'est en 2007 qu'il se prononcera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Notre politique économique a pour objectif de créer les conditions pour que, quels que soient l'héritage...
    Un député du groupe socialiste. Il est bon !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et le passé, le futur de notre pays soit plus dynamique, et que les acteurs économiques soient plus incités à entreprendre. Telle est notre politique économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Vous parlez de politique budgétaire, mais le budget n'est qu'un outil parmi d'autres pour mettre en oeuvre une politique économique.
    M. Alain Néri. Baratin !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ne mélangeons pas les choses !
    Nous subissons cette année les effets d'une conjoncture économique mondiale, que personne, pas plus dans cette enceinte que dans d'autres, n'avait pu imaginer. Nous sommes probablement à un tournant historique. Tous les acteurs économiques sont en apnée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il est donc clair que l'année 2003 sera une année difficile pour notre pays aussi . (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Un député du groupe socialiste. Fallacieux !
    M. le président. N'interrompez pas ! Ne faites pas ce que vous reprochiez à certains de vos collègues de faire il y a quelques instants !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais ce n'est pas une raison pour changer de cap économique, car nous voulons créer les conditions de la croissance.
    M. Bruno Le Roux. Répondez donc aux questions qui vous ont été posées !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons dit, et nous le confirmons, qu'indépendamment des prévisions que nous sommes amenés à revoir en permanence, car nous sommes dans un monde mouvant, nous informerions tout le monde des changements d'orientations et des conséquences que nous en tirerions.
    M. François Hollande. J'ai posé trois questions !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous devons notamment éviter d'avoir un déficit budgétaire excessif, même s'il l'est déjà au sens « bruxellois », ce dont nous devons tirer les conséquences.
    Nous avons déjà annoncé que nous annulerions une partie de la réserve de précaution.
    Un député du groupe socialiste. Et les fonctionnaires ?
    M. Bruno Le Roux. Répondez précisément aux questions !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Sur le moyen terme, nous devrons améliorer la qualité des performances de notre fonction publique. Cela se traduira par un re-engineering de tous les processus (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Parlez français !
    Un député du groupe des député-e-s communistes et républicains. Vous n'êtes plus dans une entreprise !
    M. Daniel Vaillant. Zéro !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ...notamment grâce à la loi organique qui devrait être votée avant 2006. Et il en résultera probablement une amélioration de la qualité des services rendus aux usagers,...
    M. Jean-Pierre Kucheida. Faux !
    Un député du groupe socialiste. Menteur !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ...aux entreprises et aux collectivités locales, moyennant une diminution du coût de fonctionnement de l'Etat et donc, vraisemblablement, une certaine diminution des effectifs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il n'y a aucune raison que nous ne cherchions pas à améliorer en permanence les performances de notre fonction publique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Chers collègues, M. Hollande avait dépassé son temps de parole et M. Mer aussi. J'ai fait en sorte que chacun d'eux disposent du même temps.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

    M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe UMP.
    M. Jacques Remiller. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Pre mier ministre.
    Un député du groupe socialiste. Il ne répond jamais !
    M. Jacques Remiller. Monsieur le Premier ministre, depuis le 14 juillet dernier, le Président de la République a fait de la sécurité routière un chantier prioritaire de son quiquennat.
    Depuis lors, le Gouvernement, les parlementaires et les élus locaux se mobilisent pour mettre fin à la triste exception française qui fait que nos routes sont parmi les plus meurtrières d'Europe.
    Si l'heure n'est pas encore à la satisfaction, nous pouvons aujourd'hui reprendre espoir. L'insécurité routière n'est pas une fatalité et notre action résolue semble déjà porter ses fruits avec l'annonce, lundi dernier, d'un huitième mois de baisse.
    Toutes ces vies sauvées nous permettent d'aborder avec courage le débat à venir sur la sécurité routière.
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous faire le point sur la politique d'ores et déjà mise en oeuvre pour lutter contre l'insécurité routière ? Quelles seront les mesures à venir pour obtenir encore de meilleurs résultats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez raison : la mobilisation voulue par le Président de la République semble porter ses fruits durablement.
    Au mois de février 2003, on a constaté une baisse du nombre de tués de 203 personnes - 203 vies humaines sauvées ! - soit une baisse de 36 % par rapport au mois de février 2002. Le nombre de blessés a diminué de 2 893, soit une baisse de 29 %.
    Nous sommes donc sur la bonne voie.
    Permettez-moi au passage de saluer l'esprit civique et de responsabilité qui semble se développer chez nos concitoyens. Mais nous ne devons évidemment pas relâcher l'effort.
    Je voudrais aussi saluer le travail des forces de l'ordre, gendarmerie et police, qui, sous l'autorité et l'impulsion du ministre de l'intérieur, font un travail remarquable jour et nuit. Elles ont ainsi réalisé 30 % de contrôles d'alcoolémie et dressé 15 % de contraventions pour excès de vitesse de plus que l'année précédente.
    Il n'est pas dans les intentions du Gouvernement de faire de l'autosatisfaction. (Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Il souhaite placer chacun devant ses responsabilités car, mesdames et messieurs de l'opposition, les résultats sont toujours fragiles. Nous devons les confirmer et nous poursuivons en conséquence notre effort de mobilisation.
    Ainsi, une société d'autoroutes comme l'AREA a fait il y a quelques jours une expérience est fort intéressante avec les tickets de péage : à la demande du Premier ministre, la vitesse moyenne de chaque automobiliste sur plusieurs dizaines de kilomètres a pu être calculée. Cette expérience est pédagogique et je souhaite que, d'ici aux vacances, l'ensemble des sociétés autoroutières fassent la même.
    Dans le cadre de cet effort de mobilisation, nous discuterons mercredi prochain, ici même, du projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière, que je défendrai avec Dominique Perben, ministre de la justice. Ce texte permettra d'améliorer l'efficacité de la justice pénale et la responsabilisation des automobilistes, notamment grâce à la mise en place du permis probatoire.
    Je prendrai avant la fin du mois d'avril des décrets concernant le port de la ceinture, le port du casque ainsi que l'utilisation du téléphone portable au volant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION DES JEUNES FILLES EN MILIEU SCOLAIRE

    M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe UMP.
    Mme Chantal Bourragué. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    Monsieur le ministre, depuis quelques mois, l'opinion publique est alertée sur la situation des jeunes filles dans certains quartiers difficiles. Celles-ci sont confrontées - elles peuvent en être victimes - à des violences verbales ou physiques.
    La marche des femmes des cités, partie de Vitry-sur-Seine, est arrivée à Paris le 8 mars, Journée internationale de la femme.
    Ces femmes ont décidé de dénoncer les violences sexistes, l'oppression masculine, le harcèlement qu'elles subissent dans leurs propres familles, dans les quartiers ou à l'école.
    Compte tenu de nos responsabilités de citoyens et d'élus, il nous faut les entendre. Vous l'avez fait, monsieur le Premier ministre, en les recevant à Matignon samedi dernier.
    Ces femmes luttent avec courage et détermination contre la banalisation de la violence et veulent briser la loi du silence.
    Je pense avec beaucoup d'autres et j'affirme que l'intégration des jeunes issus de l'immigration se fera avec et surtout grâce aux femmes. Les récentes mobilisations de ces dernières le prouvent.
    Pour la plupart des jeunes filles concernées, la réussite scolaire constitue la meilleure chance de promotion sociale et le meilleur moyen de s'intégrer dans notre société. Aidons-les à concrétiser ce légitime espoir !
    Certes, l'éducation nationale ne peut résoudre tous les maux de notre société. On peut cependant s'interroger sur la situation des jeunes filles à l'école.
    Où en sommes-nous de l'égalité des chances entre filles et garçons ?
    Quelle est la réelle ampleur des actes de violence sexiste à l'école ?
    Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour que les établissements scolaires retrouvent la sérénité et protègent les jeunes filles comme les garçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire.
    M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Madame la députée, le Gouvernement est sensible à cette question et Nicole Ameline, sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin, a récemment souhaité que l'éducation nationale s'associe à la lutte très importante pour l'égalité des garçons et des filles.
    Il faut savoir aussi que c'est dans la formation initiale que s'ancrent les orientations. Nous constatons que, alors même que dans la plupart des cas les jeunes filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons, elles se sentent un peu contraintes dans leurs orientations : en particulier, elles ne se dirigent pas vers les filières scientifiques ou les nouvelles technologies.
    Mais il y a plus grave : nous constatons que les phénomènes de violence sexiste se généralisent. En tout cas, ils augmentent. La politique de lutte contre la violence scolaire et de santé que nous conduisons doit intégrer cette nouvelle donnée. En 2001-2002, ce sont 14 000 cas d'actes graves de violence sexuelle qui ont été relevés dans nos établissements scolaires. Ce chiffre est effrayant.
    Nous devons réprimer, mais nous devons également nous poser un certain nombre de questions sur notre capacité à gérer la mixité. La mixité n'est cependant pas la même chose que l'égalité : si, dans les années 70, nous avons beaucoup « massifié », nous savons qu'aujourd'hui certaines jeunes filles souhaiteraient que leurs classes ne soient pas mixtes pour éviter que les garçons ne les empêchent de réussir.
    La question est donc plus complexe qu'il n'y paraît. Pour y voir plus clair, nous avons décidé de choisir deux académies pilotes, celle de Caen et celle de Rouen. Elles nous serviront de tests pour les politiques que nous mettons en place. Dans les mois qui viennent, nous disposeront d'un laboratoire qui nous permettra de formuler des propositions énergiques allant dans le sens de ce que vous souhaitez. Evidemment, ces propositions seront faites dans l'intérêt des jeunes filles, mais elles iront aussi tout simplement dans le sens de la justice entre tous les citoyens de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ASSURANCE MALADIE

    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Monsieur le ministre, les dépenses d'assurance maladie ont progressé de près de 7,5 % alors que l'objectif pour 2002 avait été fixé à 3,8 %.
    Aussi sommes-nous en droit de nous interroger : comment l'objectif d'augmentation que vous avez fixé à 5,3 % pour 2003 sera-t-il respecté, d'autant que le Président de la République a affirmé que les dépenses de santé ne pouvaient que progresser en raison de l'évolution de la démographie comme des progrès de la médecine et que, de ce fait, il fallait conduire une nouvelle politique de santé publique ?
    Quelle politique de santé publique préparez-vous ?
    M. Renaud Donnedieu de Vabres. Vous et vos amis êtes responsables de la situation déplorable de l'hôpital !
    M. Jean-Paul Bacquet. Vous avez certes déclaré qu'« on est allé au bout de ce que l'on pouvait accorder », que « la hausse des prélèvements obligatoires n'est pas d'actualité » et qu'« il faut sortir de la culture de la maîtrise comptable », alors que vous aviez applaudi debout au plan Juppé, que vous aviez voté.
    Vous avez affirmé la nécessité de considérer la santé avec plus de sérieux et déclaré que le moment d'une remise à plat de notre système de soins était venu, que toute société devait faire des choix et que, le temps de la cohérence s'imposant, vous examineriez les choix qui s'imposent sans tabou. Vous avez même précisé qu'il faudrait voir « comment repenser les contours de la solidarité nationale ».
    Monsieur le ministre, quels sont donc vos choix ?
    Lorsque François Loos, maintenant ministre délégué au commerce extérieur, proposait la privatisation de la sécurité sociale et que M. Jacques Barrot, l'un de vos prédécesseurs, proposait que les assurances complémentaires prennent un peu plus en charge les petits risques, ils avaient au moins le mérite d'être clairs.
    M. Renaud Donnedieu de Vabres. Qui est responsable des 35 heures, désastreuses pour l'hôpital ?
    M. Jean-Paul Bacquet. Mais vous vous contentez de rester dans une nébuleuse, en ne cessant d'évoquer une nouvelle gouvernance, de nouveaux partenariats, la confiance retrouvée, les responsabilités partagées, et ce au moment où les dépassements d'honoraires se font de plus en plus fréquents, où la demande d'espaces de liberté tarifaire se fait de plus en plus forte et où même le conseil de l'Ordre met en garde sur le risque d'une médecine à deux vitesses !
    M. Yves Nicolin. Quel baratin !
    M. Jean-Paul Bacquet. Il y a une différence fondamentale entre un ticket modérateur mutualisé et un financement par les assurances privées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Pouvez-vous poser votre question ?
    M. Jean-Paul Bacquet. En ce domaine, le rapport Chadelat ne fait que renforcer nos inquiétudes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    François Hollande demandait tout à l'heure, mais il n'a pas obtenu de réponse,...
    M. le président. Posez votre question !
    M. Jean-Paul Bacquet. ... si les Français devront payer davantage pour leur santé ?
    Quand, monsieur le ministre, aurez-vous le courage de dire la vérité ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Y aura-t-il oui ou non une privatisation déguisée et un désengagement de la solidarité dans notre système de soins ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le député, les questions que vous posez sont parfaitement fondées. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Mais je ne crois pas qu'il soit bon, dans la position qui est la vôtre, de les poser sur le mode accusatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Paul Bacquet. Et ça, qu'est-ce-que c'est ? (M. Bacquet brandit des extraits de presse.)
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je vais vous répondre et vous pourrez brandir vos pancartes tout à loisir.
    Mme Martine David. Nous sommes en démocratie !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Au mois de septembre dernier, la commission des comptes de la sécurité sociale, arrêtant les comptes à mi-année, a annoncé un déficit de 3,5 milliards pour le régime général et de 6 milliards pour l'assurance maladie. C'était bien le reliquat de la gestion passée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous pointez du doigt un déficit de la sécurité sociale qui pourrait s'établir pour ce qui concerne l'assurance maladie à 6, à 7, voire à 8 milliards. Mais je vous rappelle que le seul coût de la réduction du temps de travail a coûté 15 milliards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Huées.)
    Quant nous sommes arrivés aux affaires, les médecins généralistes étaient en grève, les médecins spécialistes n'avaient plus de convention, les hôpitaux souffraient de pénurie ! Et je ne parle pas des services des urgences ni des maternités.
    M. Alain Néri. Vous n'avez rien fait !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous voulez savoir ce que nous faisons ?
    Monsieur Bacquet, si vous voulez que je vous réponde par des slogans, dites-le ! Je vous le dis brutalement : nous ne voulons ni privatiser ni étatiser. Nous voulons garder une sécurité sociale conforme aux valeurs de solidarité et de justice : la solidarité, qui fait que chacun paie en fonction de ses moyens et la justice, qui fait que chacun reçoit en fonction de ses besoins.
    Mme Martine David. Que faites-vous concrètement ?
    M. Jean-Paul Bacquet. Qui va payer ?
    M. le président. Monsieur le ministre...
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je vais conclure, monsieur le président.
    Je suis très heureux que M. Bacquet m'ait questionné sur la santé publique car, dans ce domaine, tout reste à faire, et nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉBAT NATIONAL SUR LES ÉNERGIES

    M. le président. La parole est à M. Philippe Rouault, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Rouault. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    La question des ressources énergétiques appelle une véritable stratégie à long terme. D'autant que la menace de guerre en Irak rend le problème de l'approvisionnement énergétique de la France d'une plus grande actualité encore. Une politique énergétique doit veiller non seulement à la sécurité des approvisionnements et à la maîtrise de la consommation mais aussi à la compétitivité, aux exigences environnementales et à la recherche de nouvelles énergies renouvelables.
    Le Gouvernement a décidé de lancer un grand débat national sur les énergies. Dans ce cadre, se tiendra dès le 18 mars prochain un premier colloque sur la politique énergétique en présence du Premier ministre. Mais il semblerait que certaines associations aient annoncé leur volonté de quitter le dispositif mis en place. Dès lors, madame la ministre, pouvez-vous nous dire comment ce débat va s'organiser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, je voudrais tout d'abord vous dire pourquoi le Gouvernement a décidé de lancer ce large débat national sur les énergies.
    M. Michel Delebarre. Bonne question !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Eh bien oui, bonne question ! Il s'agit d'un grand débat de société, et non pas seulement, comme on le croit parfois, d'un débat technique. Il concerne tous les Français, dans leurs modes de vie et dans leurs modes de consommation. De plus, ses enjeux rejoignent leurs préoccupations les plus actuelles : la sécurité d'approvisionnement, l'indépendance énergétique de notre pays et, bien évidemment, l'impérieuse nécessité d'assurer la protection de l'environnement et un développement durable.
    Les choix que nous serons amenés à faire ensemble, tous ensemble, devront concilier ces impératifs. Et les Français ont le droit d'être informés. Ils le sont fort peu et souhaiteraient l'être davantage. A cet égard, je me permettrai de vous suggérer d'inviter les citoyens qui vous entourent à visiter le site Internet que nous avons ouvert. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce site est un site d'information mais il permet aussi de réagir parce que nous voulons placer ce débat sous le signe du pluralisme et de la transparence. Chacun pourra s'exprimer à travers divers forums, dont le premier sera, en effet, ouvert par M. le Premier ministre, le 18 mars.
    Par ailleurs, je vous confirme que nous avons sollicité le concours de toutes les associations et de tous les acteurs concernés car nous souhaitons une implication citoyenne la plus large possible.
    Enfin, je remercie Jean Besson d'avoir bien voulu accepter d'assurer le lien avec les élus. En effet, le moment venu, fort de l'éclairage de ce débat, le Gouvernement proposera à la représentation nationale les grandes orientations énergétiques qui engageront notre pays pour les décennies à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

PÉRINATALITÉ

    M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane, pour le groupe UMP.
    Mme Juliana Rimane. Monsieur le ministre de la santé, l'actualité est souvent occupée par les fermetures de petites maternités, qui sont des moments difficiles pour les établissements et les bassins de santé qui les subissent, si nos concitoyens, attachés à la qualité de notre système de soins, peuvent comprendre que la sécurité des mères et de leurs enfants nécessite le regroupement des moyens, ils souhaiteraient aussi pouvoir disposer d'une offre de soins qui ne soit pas uniquement fondée sur des critères techniques mais qui prenne également en considération les besoins d'accompagnement des mères, des familles et des enfants. Dois-je rappeler, à cet égard, que la situation en matière d'offres de soins est très préoccupante en Guyane, en raison de l'engorgement des maternités en zones urbaines et de l'absence de structures dans les communes de l'intérieur du département ?
    Vous avez annoncé, lundi, un plan de soutien à la périnatalité et en particulier la création de maisons périnatales. Ces nouvelles structures répondent-elles à ce besoin essentiel d'accompagnement que j'évoquais à l'instant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, tout d'abord je souhaite redire qu'aucune fermeture hospitalière ne sera accompagnée de suppression d'emplois. Lorsqu'il est question de supprimer telle petite maternité, telle structure chirurgicale ou telle structure d'urgence, il est clair que nous ne lâchons pas le personnel médical et paramédical qui s'y trouve et dont nous avons besoin.
    Pour faire une allusion que chacun comprendra, j'ajouterai qu'une petite maternité dont il a été beaucoup question ces jours-ci s'est vu attribuer un scanner et un renfort pour son service de chirurgie et s'est également vu offrir la possibilité de créer un centre de périnatalité.
    A mon arrivée, le critère retenu était de trois cents accouchements par an. Or, trois cents accouchements par an, partagés au minimum entre quatre obstétriciens, ne font pas un nombre d'accouchements suffisant pour assurer une expérience réelle dans la durée. On ne fait bien que ce que l'on fait souvent (Exclamations et rires sur de nombreux bancs), on ne décèle une complication grave que lorsque l'on a déjà été confronté à cette complication.
    M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues, veuillez écouter le ministre.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Mais je vois qu'un certain nombre de nos collègues s'intéresseraient probablement à l'ouverture d'autres services d'accompagnement. (Sourires.)
    Le Gouvernement essaie de répondre aux impératifs de sécurité et de proximité. Aujourd'hui, la durée moyenne de séjour d'une mère dans une maternité est de deux à trois jours : c'est inhumain. S'il faut évidemment lui offrir un plateau technique de qualité, elle doit aussi être prise en charge et accompagnée pendant la semaine à laquelle elle a droit pour découvrir son enfant.
    M. le président. Monsieur le ministre, si vous voulez bien terminer.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Nous suivrons cette politique de sécurité et de proximité...
    M. Emile Zuccarelli. Avec quels moyens ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. ... parce qu'elle est au fondement d'une médecine plus humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

    M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste.
    M. Patrick Roy. Monsieur le Premier ministre, l'amiante est directement responsable aujourd'hui de trois mille morts par an. Il s'agit là de la plus grande catastrophe sanitaire à laquelle nous avons à faire face. Et nous devrions connaître ce rythme infernal de décès pendant dix, quinze ou vingt ans peut-être.
    Or, votre gouvernement a commis une faute grave à l'égard des victimes de l'amiante. Il n'est pas le gouvernement de la France d'en-bas, mais celui des coups bas (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française).
    Pour l'amiante, la politique des coups bas s'est déroulée en trois actes.
    Premier acte : le 22 novembre 2002, le conseil d'administration du FIVA - fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante - fixe les règles de calcul des indemnités. Votées par le conseil d'administration du fonds, celles-ci sont favorablement accueillies par les organisations de défense des victimes de l'amiante.
    Mais survient l'acte II, celui de la tricherie : votre gouvernement refuse de reconnaître cette décision démocratique. Il la casse et fait entrer deux représentants patronaux dans le seul but de faire basculer la majorité.
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. Patrick Roy. Enfin, acte III, celui du mépris : le conseil d'administration, ainsi recomposé, se réunit le 21 janvier dernier, et la nouvelle majorité gouvernementale et patronale vote un nouveau barème indécent, au rabais.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est scandaleux.
    M. Patrick Roy. Monsieur le Premier ministre, avez-vous l'intention de revenir sur votre décision, qui est une faute morale, mais aussi et surtout politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, il y a des limites à l'utilisation de la souffrance ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Et pour des raisons purement politiques de surcroît ! (Mêmes mouvements.)
    La vérité, c'est qu'à votre arrivée au pouvoir le FIVA venait d'être installé et qu'aucun barème n'avait été mis en place. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons donc, dès l'été 2002, fait l'avance aux victimes sur leur indemnisation définitive. Au 5 mars, 2 500 personnes avaient utilisé cette possibilité, pour un montant global de plus de 23 millions d'euros.
    M. Jean Le Garrec. Le problème n'est pas là !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Lors de la construction du barème, un quasi-consensus avait été trouvé entre les partenaires sociaux.
    M. Patrick Roy. Plutôt entre le Gouvernement et le MEDEF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais lorsque nous avons présenté les propositions du Gouvernement et des partenaires sociaux au conseil d'administration du FIVA, elles ont été refusées. C'est finalement la proposition du président du conseil d'administration, M. Beauvois, qui a été adoptée le 21 janvier dernier.
    Le barème ainsi retenu n'a rien d'indécent, monsieur le député. Il comprend des montants d'indemnisation élevés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il fait porter l'effort sur l'indemnisation des préjudices les plus graves. C'est de plus un barème indicatif, car, naturellement, la réparation sera individualisée. Et je tiens à souligner que les premières indemnisations définitives seront versées aux victimes dès la fin du mois de mars.
    La vérité, c'est que c'est ce gouvernement qui a permis que le FIVA ne reste pas virtuel et devienne un véritable instrument de solidarité !
    Pour finir, monsieur le député, j'ajouterai que si les barèmes étaient si indécents les députés socialistes seraient moins nombreux à m'écrire tous les jours pour me demander d'élire de nouvelles entreprises au FIVA ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. C'est petit !

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

    M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe UMP.
    M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le ministre des sports, nous entrons dans la période des grands évènements sportifs. L'épreuve cycliste internationale Paris-Nice a d'ailleurs déjà débuté.
    Quand, il y a quelques années, le monde du cyclisme a été confronté au problème du dopage, la France a été réactive et a pris les mesures nécessaires pour lutter contre ce fléau. Mais la semaine dernière, lors du sommet mondial contre le dopage où les représentants du mouvement sportif international et des Etats se réunissaient à Copenhague, l'absence des présidents de la Fédération internationale de football et de l'Union cycliste internationale a été remarquée. Elle a même suscité des interprétations contradictoires sur les résultats de la réunion et fait craindre un alignement vers le bas des exigences en matière de lutte contre le dopage.
    Monsieur le ministre, face à ces inquiétantes perspectives, comment la France compte-t-elle faire valoir à la communauté sportive internationale et à ses partenaires ses exigences en matière de dopage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des sports.
    M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, je partage vos interrogations, et c'est dans cet esprit que je me suis exprimé au sommet de Copenhague pour réaffirmer l'engagement total de notre pays dans la lutte contre ce fléau qu'est le dopage.
    L'AMA, l'Agence mondiale antidopage, a présenté un code qui permet de déterminer à la fois une liste de produits, des procédures et des sanctions, susceptibles bien sûr d'évoluer, mais ce code constitue néanmoins un texte de référence pour les fédérations internationales quelles qu'elles soient, pour les ligues professionnelles comme pour les Etats.
    Les Etats, les fédérations et les ligues, qui jusqu'à présent n'ont peut-être pas fait suffisamment d'efforts, devront donc se conformer au code. Quant à ceux qui ont eu la volonté politique de mettre en place un dispositif et se sont dotés des moyens correspondants, ils devront aller vers plus de cohérence dans ce domaine. Aujourd'hui, nous entrons en effet dans une phase transitoire de mise en cohérence qui passera par l'adoption du code par les fédérations internationales ainsi que les ligues professionnelles, surtout celles d'Amérique du Nord et par la signature d'une convention internationale entre les Etats. Comme vous le savez, l'AMA est une fondation de droit privé suisse et seule une convention internationale peut rendre le code contraignant au niveau des Etats.
    Pendant cette période transitoire, la loi française continuera à s'appliquer, mais de façon intelligente, en relation étroite avec l'Agence mondiale antidopage et les fédérations internationales, ce qui nous permettra, à la fois de maintenir le niveau d'exigence des standards mais également d'aller vers davantage de cohérence.
    Monsieur le député, sachez enfin que la lutte antidopage est bien évidemment une préoccupation du ministère des sports, et cela à trois niveaux. Premièrement, nous devons lutter contre les trafiquants et les tricheurs, que les frontières n'arrêtent pas. Deuxièmement, nous devons absolument préserver la santé des sportifs. Des exemples récents ont en effet montré que le dopage pouvait entraîner la mort. Troisièment, nous devons préserver l'exemplarité de nos champions, car ce sont eux qui donnent des repères et des exemples à nos jeunes, c'est à cette condition que nous lutterons efficacement contre le dopage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INSERTION DES PERSONNES HANDICAPÉES

    M. le président. La parole est à M. Maurice Giro, pour le groupe UMP.
    M. Maurice Giro. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    M. le Président de la République a très justement proclamé le handicap grande cause nationale. L'année 2003 est par ailleurs l'année européenne des personnes handicapées. Et nous ne pouvons que nous féliciter de cette volonté forte d'intégrer les personnes souffrant d'un handicap au sein de la société où elles ont toute leur place.
    Cependant, la Cour des comptes, dans son rapport annuel remis au Président de la Répulique, a émis des réserves sur l'application de la politique d'insertion des personnes handicapées, pointant les difficultés, les préjugés et les discriminations auxquels sont confrontées ces personnes dans la recherche d'un emploi.
    Madame le secrétaire d'Etat, comment le Gouvernement entend-il impulser une nouvelle politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées et donner un contenu concret à ce grand chantier national ?
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
    Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le député, je vous remercie beaucoup de soulever cette question très importante qu'est l'intégration des personnes handicapées. Je regrette cependant, monsieur le président, de n'avoir, pour répondre à ce sujet essentiel, que quelques secondes.
    M. le président. Mme la secrétaire d'Etat, vous avez le même temps que tous les ministres.
    Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Il est quatre heures, monsieur le président !
    L'intégration des personnes handicapées, je ne cesserai de le dire, est une priorité du Président de la République, une priorité du Gouvernement, et, je l'ai bien compris, une priorité pour vous tous, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégiez.
    Pour les personnes handicapées, l'intégration passe, comme pour chacun d'entre nous, par un travail. A cet égard, monsieur le député, il est clair que la situation n'est pas brillante. Tout le monde a en tête le quota de 6 % non atteint par les entreprises. Mais, il est un autre chiffre que je trouve plus éloquent encore : aujourd'hui, dans notre société, le taux de chômage des personnes handicapées est de 26 %, c'est-à-dire qu'il est trois fois plus élevé que pour les personnes valides.
    Cela est lié, bien sûr, à la qualification de ces personnes handicapées, qui est en moyenne inférieure à celle des autres demandeurs d'emploi. Nous y remédions : le Gouvernement se propose de prendre des mesures extrêmement précises et fortes pour améliorer la scolarisation et la formation professionnelle des personnes handicapées.
    Mais cela est lié davantage encore à un changement de mentalité. L'intégration des personnes handicapées dans notre société est une chance. L'intégration professionnelle des personnes handicapées est une chance pour les chefs d'entreprise. C'est au moins ce que pensent 87 % d'entre eux, qui embauchent des personnes handicapées.
    C'est une chance, mais c'est également une aventure. Une aventure difficile, reconnaissons-le. Si l'on veut être efficace, il faudra impliquer davantage les partenaires sociaux et favoriser la conclusion d'accords sur ce sujet au niveau des branches. Il faudra aussi faciliter les démarches des chefs d'entreprise, qui sont souvent longues et complexes, notamment lorsqu'il s'agit d'adapter les postes de travail. Il faudra prévoir l'accompagnement - social et humain - de ces personnes handicapées, non seulement au niveau de l'embauche, mais ensuite, tout au long de leur parcours professionnel. Il faudra enfin encourager l'ensemble du secteur public, qu'il soit d'Etat, mais surtout territorial ou hospitalier, à embaucher des personnes handicapées. C'est un devoir pour toute la société.
    Telles sont certaines des propositions que nous ferons pour réformer la loi de 1975. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Merci, madame la secrétaire d'Etat. Je remarque que vous avez eu plus de temps que certains de vos collègues du Gouvernement.
    Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Eric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

RAPPELS AU RÈGLEMENT

    M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour un rappel au règlement.
    M. François Asensi. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58-1.
    L'actualité est par définition changeante et les informations qui nous proviennent des Etats-Unis sont particulièrement inquiétantes. Tout à l'heure, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a parlé d'un "tournant de l'économie mondiale et a indiqué que les investisseurs hésitaient. La morosité est réelle. Le CAC 40 a connu hier son taux le plus bas. Les marchés financiers sont déprimés. Hier, aux Etats-Unis, AMR Corporation, maison-mère de la première compagnie américaine, American Airlines, a vu son titre chuter de 34,2 %. Delta Airlines, partenaire d'Air France dans SkyTeam et troisième transporteur aérien des Etats-Unis, a perdu 22,6 %. D'après un rapport publié hier par l'association des transports aériens, l'IATA, les compagnies aériennes américaines perdraient 70 000 emplois et jusqu'à 4 milliards de dollars par trimestre en cas de guerre en Irak, en l'absence d'une aide supplémentaire de la part du gouvernement américain. La presse américaine s'est fait l'écho de certains bruits selon lesquels le département d'Etat reprendrait des participations dans les compagnies aériennes. La situation est tout à fait irréelle !
    Je tiens à dénoncer le caractère dramatique de ce projet de loi, qui constitue le premier étage d'une fusée dont l'objectif - et je pèse mes mots, monsieur le ministre - est la disparition d'Air France comme raison sociale.
    Le but des recapitalisations que vous nous proposez est en effet la consolidation entre les compagnies européennes et, à terme, la création d'une autre compagnie aérienne à capitaux privés, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner, notamment sur les sites.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Asensi.
    M. François Asensi. Monsieur le président, les informations qui nous parviennent des Etats-Unis et le contexte dans lequel nous examinons ce projet de loi me conduisent à demander une suspension de séance d'une demi-heure, afin que mon groupe puisse se réunir et discuter de la situation.
    Mme Muguette Jacquaint. Ce sont des informations importantes !
    M. le président. Monsieur Asensi, vous avez fait référence à l'article 58, alinéa premier, de votre règlement. Vous n'êtes pas sans connaître son alinéa 2 : « Si, manifestement, son intervention n'a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. »
    Mme Muguette Jacquaint. Mais cela avait un rapport avec le débat !
    M. le président. Je n'ai pas voulu faire usage de cette faculté, mais je considère que cinq minutes suffisent à réunir votre groupe.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. François Asensi, pour un rappel au règlement.
    M. François Asensi. Demandez la parole pour un rappel au règlement...
    C'est l'avenir d'Air France qui est en jeu ! C'est sa disparition, à terme, et la création d'une autre société. C'est la fusée à étages ! J'ai bien lu le rapport de M. de Courson. Il est intéressant. Tout y est dit.
    Je souhaiterais que M. le ministre nous indique sa position sur la conjoncture internationale. Est-ce que les conditions sont aujourd'hui réunies pour débattre de ce projet de loi ? Non, absolument pas. C'est pourquoi je vous demande de le retirer de l'ordre du jour.
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Asensi, vous avez raison de vous intéresser à la Bourse, à la presse et aux médias, mais il ne s'agit pas ici d'un texte conjoncturel. Il s'agit d'un texte structurel, destiné à structurer Air France.
    Le texte qui vous est présenté depuis hier n'a pas pour objet de décider la privatisation d'Air France, ni ce soir, ni demain matin, ni même lors de la promulgation de la loi. Il détermine simplement les meilleures conditions possibles pour que, d'abord, Air France reste une compagnie française, et ensuite que le marché et les investisseurs privés aient la possibilité de répondre au besoin d'investissement que connaît une compagnie en développement, soucieuse de conquérir de nouveaux marchés par la conclusion d'alliances et de partenariats.
    Enfin, le projet dont nous débattons cherche à protéger le personnel d'Air France, voire le promouvoir davantage encore en tant qu'actionnaire de la compagnie.
    Il s'agit donc de beaux objectifs, sur lesquels nous pouvons nous retrouver, même si vous n'êtes pas forcément d'accord avec les moyens d'y parvenir. Tel est, en tout cas, l'objet du projet de loi ; je tenais à le rappeler. Quant à la privatisation, il s'agit d'une affaire classée depuis la loi de 1993.

3

ENTREPRISES DE TRANSPORT AÉRIEN

Suite de la discussion d'un projet de loi
adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n°s 632, 654).

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

    M. le président. Mme Saugues, MM. Idiart, Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 49, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 341-1 du code de l'aviation civile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « L'Etat détient directement plus de la moitié de son capital social ».
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Ainsi que nous l'avons longuement exposé hier en défendant les motions de procédure, nous souhaitons maintenir Air France dans le secteur public, autant pour la qualité du service que cette compagnie rend dans le cadre de ses missions que pour celle de sa gestion et de l'équilibre qu'elle a su maintenir malgré les turbulences internationales.
    Je souhaiterais m'exprimer sur la recapitalisation et les engagements pris envers l'Europe, puisque hier des remarques ont été faites à ce sujet par M. le ministre et d'autres intervenants.
    Les membres de la majorité nous parlent beaucoup de l'accord de 1994, qui a permis la recapitalisation de la compagnie Air France. Il faudrait, mes chers collègues, rappeler que cette aide était assortie de contraintes qui se sont exercées pendant trois ans et dont l'application était contrôlée par des cabinets internationaux indépendants. Le respect des engagements a conditionné le déblocage de chacune des tranches de la recapitalisation.
    Enfin, dire que la Commission assimilerait une éventuelle augmentation de capital à une aide d'Etat et s'y opposerait me semble discutable. En effet, en septembre 1997, un débat largement porté sur la place publique a fait état de divergences d'appréciation entre le gouvernement de Lionel Jospin et le président d'Air France. Au cours de ce débat, la Commission a donné un éclairage qui n'est pas inintéressant, puisqu'elle a indiqué qu'elle n'avait pas le pouvoir d'imposer la nature et la forme juridique d'une société.
    C'est donc bien un choix politique que vous faites. Il faut que vous assumiez votre ultralibéralisme et votre volonté de renouer avec le programme de privatisations qui a été ouvert par MM. Balladur et Juppé.
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 49.
    M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. L'amendement n'a pas été examiné par la Commission. J'émettrai donc un avis personnel.
    Premièrement, quel dommage, mes chers collègues, que vous n'ayez pas déposé cet amendement quand vous étiez au pouvoir ! Je constate en effet que, pendant cinq ans, vous avez maintenu le texte tel qu'il avait été voté par la majorité qui précédait.
    Deuxièmement, quels sont les intérêts nationaux en cause ? Le service public ? Je l'ai expliqué : celui-ci représente 6,2 % du chiffre d'affaires d'Air France. Après la privatisation, rien ne changera du point de vue du service public, lequel concerne essentiellement la Corse et les DOM-TOM.
    Troisièmement, s'agissant de la fameuse décision que la Commission a rendue lorsque le Gouvernement français l'a saisie pour qu'elle autorise la recapitalisation, je rappelle qu'elle posait quinze conditions parmi lesquelles la nécessité d'engager le processus de privatisation d'Air France. C'est écrit en toutes lettres : je vous renvoie sur ce point à la page 20 du rapport.
    En outre, votre amendement tend à revenir sur le rejet de la question préalable, puisque si nous l'adoptions, ma chère collègue, il ne serait plus besoin de délibérer. J'appelle donc l'Assemblée à le repousser.
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 49.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'argument excellent avancé à l'instant par M. le rapporteur est un argument politique : alors que pendant cinq ans vous n'avez pas éprouvé le besoin de modifier, voire d'abroger, la loi de 1993, pourquoi défendez-vous aujourd'hui un tel amendement ?
    J'ajoute, madame Saugues, que si, comme je l'imagine, vous êtes une Européenne convaincue, vous devez bien comprendre la nécessité de construire l'Europe, et donc d'en respecter les règles du jeu. Or, je vous rappelle que celles-ci interdisent à l'Etat français d'apporter ne serait-ce qu'un centime pour remédier aux difficultés d'Air France en matière d'investissement et de développement. Et c'est pourquoi le texte de loi que nous vous proposons aujourd'hui a pour objet de ne plus faire dépendre la compagnie d'un Etat qui ne peut pas l'aider, mais de partenaires économiques qui pourraient, eux, favoriser son développement et ses investissements par le moyen d'augmentation de capital et de contributions de toutes sortes.
    Revenir sur la loi de 1993 et ne pas accepter ce texte équivaudrait donc à couper les ailes d'Air France.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Le groupe communiste votera bien évidemment l'amendement déposé par nos collègues socialistes, mais je voudrais revenir sur cette notion de service public.
    Depuis hier, M. de Courson, comme il le fait dans son rapport, insiste beaucoup sur l'idée qu'Air France n'assure plus des missions de service public, ou du moins d'une façon infinitésimale au regard de son chiffre d'affaires. C'est que, pour vous, ne relèvent du service public que certaines lignes que l'Etat subventionne.
    Mais le service public, c'est aussi l'aménagement du territoire, le souci de mettre en cohérence les territoires afin qu'il n'y ait pas de rivalité entre eux. Or le rôle d'Air France est capital en la matière, de même que l'était celui d'Air Inter, sa petite soeur, que la compagnie a absorbée depuis.
    Favoriser la cohérence des territoires pour assurer l'égalité des citoyens dans l'ensemble de la France, c'est bien une mission de service public. Vous ne pouvez pas réduire cette notion aux subventions accordées à certaines lignes.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je voulais préciser à mon collègue que le chiffre de 6,2 % que j'ai indiqué représente l'ensemble du chiffre d'affaires lié au service public de transport aérien. La part des subventions s'élève, elle, à 0,1 %.
    M. François Asensi. Elles ne concernent que la Corse !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Absolument. La desserte des DOM-TOM, qui est également une mission de service public, ne donne pas lieu à versement de subventions, mais à des accords avec fixation de tarifs. Certains de nos collègues les trouvent d'ailleurs encore trop élevés. Cela se discute, mais on peut observer que le système est équilibré : sur les DOM-TOM, Air France gagne de l'argent.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 50, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le deuxième alinéa de l'annexe à l'article 2 de la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est supprimé. »
    La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. M. le ministre semble regretter que nous n'ayons pas mis à profit la législature précédente pour remettre définitivement en cause ce projet de privatisation. L'amendement n° 50 permet de réparer cette erreur.
    M. Richard Mallié. Comme c'est facile !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous sommes ici pour écouter et pour débattre, mon cher collègue, non pour nous interpeller mutuellement.
    Je me rallie totalement au point de vue exprimé par notre collègue M. Asensi : la période me semble mal choisie pour débattre de ce sujet. La situation internationale est particulièrement difficile, et aura malheureusement, dans les semaines, les mois, voire les années à venir, de graves conséquences économiques. Or nous savons que le transport aérien sera l'un des premiers touchés. Un tel projet de loi n'apparaît pas particulièrement opportun dans ce contexte.
    Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez évoqué notre attachement à l'Europe, qui est réel. Mais le vôtre me semble un peu à géométrie variable. Vous venez d'appeler au respect des engagements européens, mais ce matin, en commission des finances, nous avons été obligés de protester contre l'usage que le ministre de l'économie et des finances fait de ces règles : en matière de déficits, notamment, non seulement il se dispense allégrement de les respecter, mais il le fait avec une certaine légèreté. Je me demande si vous n'acceptez pas les règles européennes que quand elles vous sont utiles.
    M. Charles Cova. Comme vous avec la crise économique ! Vous la niez, sauf quand cela vous arrange !
    M. Jean-Louis Idiart. Je ne comprends donc pas du tout la logique de votre interprétation.
    L'amendement n° 50 a pour objet de supprimer la compagnie Air France de la liste des sociétés privatisables, par décret.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission n'ayant pas examiné cet amendement, je donnerai mon opinion à titre personnel.
    Premièrement, là encore, quel dommage, monsieur Idiart, que vous n'ayez pas déposé cet amendement pendant les cinq années durant lesquelles vous aviez la majorité !
    M. Jean-Louis Idiart. On ne peut pas tout faire !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Deuxièmement, vous voulez vraiment mettre la France en infraction au regard de la décision du 27 juillet 1994. Je pense que vous êtes, comme nous, pro-européen, monsieur Idiart. Quand on a accepté les quinze conditions de la Commission européenne en contrepartie de vingt milliards d'euros de dotation en capital, il faut assumer ses engagements.
    Troisièmement, dans l'exposé sommaire de l'amendement, vous employez des termes un peu excessifs puisque vous écrivez que : « L'entreprise va être bradée. » Là encore, on a répondu à cet argument. Il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement, comme en témoignent les réponses qu'il a faites aux questions que je lui ai posées, de vendre aujourd'hui à sept ou huit euros l'action. Nous attendrons une remontée des cours.
    M. Jean-Pierre Blazy. A combien ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Si je le disais, je favoriserais la spéculation, monsieur Blazy.
    M. Richard Mallié. Il faut rappeler ce qu'on a fait pour le Crédit lyonnais !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Si votre amendement était adopté, monsieur Idiart, la discussion s'arrêterait là, tout le reste tombant. Mais permettez-moi de vous poser une question : si, dans cinq ans, vous revenez au pouvoir après qu'Air France eut été privatisé, renationaliserez-vous la compagnie ? Pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur votre attitude en pareil cas ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je suis encore un peu sous le choc de la question de M. le rapporteur...
    M. Jean-Pierre Blazy. Oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'amendement est très mauvais à la fois pour Air France et pour l'Etat.
    Pour ce qui est d'Air France, je m'en suis déjà expliqué. Ne laissons pas échapper la chance d'ouvrir la compagnie à de nouveaux investissements en lui permettant de trouver des partenaires puisque l'Etat français ne peut pas répondre en la matière.
    Quant à l'Etat, il a besoin que le texte soit voté pour suivre l'évolution du marché et, dès que des fenêtres s'ouvrent - et je ne dirai ni le jour ni l'heure -, saisir l'occasion la plus favorable pour vendre afin de ne pas peser sur le budget, c'est-à-dire l'argent des contribuables. Sans le texte, nous n'avons pas cette possibilité. Il nous apporte une souplesse supplémentaire qui permet de réunir toutes les conditions pour vendre les actions aux conditions les plus rémunératrices pour l'Etat.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour répondre au Gouvernement.
    M. François Asensi. Nous avons du mal à nous comprendre, car nous avons des philosophies différentes...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Cela me rassure !
    M. François Asensi. ... ou, peut-être, nous comprenons-nous trop bien !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Nous nous comprenons !
    M. François Asensi. Il peut y avoir demain, en France et en Europe, des sociétés d'économie mixte réunissant des capitaux à la fois publics et privés. Ce n'est pas interdit et de telles sociétés existent aux Etats-Unis. Or votre credo est le tout libéral et le tout privatisé. C'est la première observation que je voulais faire.
    Par ailleurs, il y a quelque chose que je ne comprends pas, monsieur le ministre. Vous présentez ce projet comme un texte d'accompagnement. Vous dites ne pas vouloir privatiser Air France mais seulement mettre ses actions sur le marché, quand celui-ci sera favorable. Or, ce qui nous est proposé tend à changer les statuts de la compagnie puisque la loi de 1986 sur les privatisations impose de modifier ces derniers avant toute privatisation. La situation va être assez ubuesque si les statuts passent de publics à privés et que les capitaux publics restent majoritaires. C'est incompréhensible. Vous nous proposez là, messieurs les libéraux, une alchimie assez particulière, dont nous aimerions bien avoir le mode d'emploi !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. Le xixe siècle a été le siècle de l'industrialisation et elle a été le fait au départ d'initiatives privées mettant en jeu des capitaux privés. Puis on s'est aperçu au xxe siècle que, certaines compagnies disparaissant, des secteurs ne pouvaient plus être servis. Souvenez-vous du nombre de compagnies de chemins de fer qu'il y avait. Elles ont successivement fait faillite et il a fallu que l'Etat se substitue à elles. A contrario, de nombreuses compagnies ont été privatisées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et des décisions du Conseil national de la Résistance parce qu'elles ne répondaient plus aux besoins élémentaires de notre pays.
    Savez-vous, messieurs de la droite, comment les choses se passeront dans quelques années ? Quand l'Europe, pour avoir trop fait pencher la balance dans une certaine direction, se trouvera en grande difficulté pour satisfaire les besoins de ses peuples, savez-vous quelle sera la politique qui sera suivie ? Non ! Cela pour répondre à M. de Courson !
    Sachez, monsieur le rapporteur, qu'il n'y a que Dieu, pour ceux qui y croient, qui soit éternel. Votre système économique ne l'est pas forcément et je pense que vous devriez être beaucoup plus modeste.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Vous ne répondez pas à ma question. Vous être prudent !
    M. Jean-Louis Idiart. Par ailleurs, allez-vous reporter la privatisation à 2004 si les cours ne remontent pas ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il n'y a pas lieu de reporter. Aucune date n'est fixée.
    M. Jean-Louis Idiart. Si oui, où trouverez-vous le milliard de recettes - pour le moins - qui vous manque pour l'année 2003 ? C'est bien cela dont vous avez besoin !
    M. le président. Monsieur Idiart, Dieu est rarement invoqué dans cet hémicycle, mais j'ai accepté que, en l'absence de Jean-Pierre Brard notamment, vous puissiez l'invoquer. (Sourires.)
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur Idiart, chacun trouve son inspiration économique où il peut. Vous la puisez dans Germinal et nous plutôt dans le xxie siècle. (Sourires.)
    Mais nous pourrions indéfiniment nous renvoyer les mêmes arguments.
    Sachez tout d'abord - et je réponds en même temps à l'intervenant précédent - que le statut ne change qu'à partir du moment où l'on privatise. Vous n'avez donc pas à vous inquiéter. Lisez le projet de loi. Ça y est écrit en toutes lettres. Par conséquent, qu'elle que soit l'heure à laquelle vous voulez nous emmener, j'espère qu'il n'en sera plus question. C'est au moment de la privatisation, réussie, que le statut change. Il n'y a donc pas de problème.
    Par ailleurs, vous aurez beau m'interroger sur la date et le cours de la vente des actions d'Air France, je ne vous répondrai pas, mesdames et messieurs les députés. Vous ne voudriez pas vous placer en situation de délit d'initié !
    Mme Muguette Jacquaint. Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous ne nous répondrez pas ! C'est un monde !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Laissez travailler le Gouvernement. Il a su négocier dans de bonnes conditions les actions du Crédit Lyonnais que vous nous aviez laissées, mesdames, messieurs de l'opposition, dans un état déplorable. Nous utiliserons le marché en fonction des circonstances et de la conjoncture et nous n'avons pas à vous informer de la date.
    M. François Asensi. Je souhaiterais répondre, monsieur le président !
    M. le président. Monsieur Asensi, vous pourrez intervenir sur les autres amendements.
    Je mets aux voix l'amendement n° 50.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Le titre III du livre III du code de l'aviation civile (partie législative) est ainsi modifié :
    « 1° Les articles L. 330-1 à L. 330-9 constituent un chapitre Ier intitulé : "Dispositions générales ;
    « 2° Ce chapitre est complété par un article L. 330-10 ainsi rédigé :
    « Art. L. 330-10. - Les conditions d'application des articles L. 330-3, L. 330-4 et L. 330-6 sont déterminées par décret en conseil d'Etat ;
    « 3° Il est créé un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Dispositions applicables aux entreprises
de transport aérien dont les titres sont admis
aux négociations sur un marché réglementé

    « Art. L. 330-11. - Les titres émis par les sociétés qui sont l'objet du présent chapitre prennent les formes prévues aux articles L. 228-1 et suivants du code de commerce, sous réserve des dispositions suivantes.
    « Les statuts d'une société titulaire d'une licence d'exploitation de transporteur aérien délivrée en application de l'article L. 330-1 et dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé déterminent les conditions dans lesquelles la société impose la mise sous forme nominative des titres composant son capital. Cette obligation peut ne s'appliquer qu'aux actionnaires détenant une certaine fraction du capital ou des droits de vote. Les statuts prévoient une procédure d'identification des détenteurs de titres. Ils précisent les informations qui doivent être communiquées à la société par les détenteurs de titres sous forme nominative, afin de permettre à cette dernière de s'assurer du respect des règles et stipulations fixées par les règlements communautaires, les accords internationaux ou le présent chapitre, et notamment de celles relatives à la composition et à la répartition de son actionnariat ou à son contrôle effectif, au sens desdites règles et stipulations.
    « Ces statuts peuvent prévoir que tout actionnaire soumis à l'obligation de mise sous forme nominative de ses titres qui n'a pas son domicile, au sens de l'article 102 du code civil, ou son siège sur le territoire français doit, pour l'application du présent chapitre, faire élection de domicile auprès d'un intermédiaire financier habilité teneur de compte domicilié en France et en informer la société. Cette élection de domicile pourra être valablement effectuée par tout intermédiaire inscrite pour compte de tiers visé à l'article L. 228-1 du code de commerce.
    « Ils peuvent également prévoir, lorsqu'une personne n'a pas transmis les informations mentionnées aux deux précédents alinéas, ou a transmis des renseignements incomplets ou erronés malgré une demande de régularisation adressée par la société, que les titres donnant accès immédiatement ou à terme au capital, et pour lesquels cette personne a été inscrite en compte, sont privés du droit de vote pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à la date de régularisation, et que le paiement du dividende correspondant est différé jusqu'à cette date.
    « Par dérogation au premier alinéa de l'article L. 228-23 du code de commerce, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles les cessions d'actions, y compris entre actionnaires, sont soumises à agrément de la société.
    « Art. L. 330-12. - Dans le cas où la société de transport aérien constate que la licence d'exploitation de transporteur aérien ou les droits de trafic accordés en vertu d'accords internationaux dont elle bénéficie risquent d'être remis en cause, en raison, soit d'une évolution de son actionnariat, appréciée au regard de seuils de détention du capital ou des droits de vote fixés par un décret en Conseil d'Etat, soit, par suite d'une telle évolution, d'un changement dans son contrôle effectif, au sens du règlement (CEE) n° 2407/92 du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens, annexé au présent code, elle peut, après avoir procédé à l'information des actionnaires et du public, enjoindre à certains des actionnaires de céder tout ou partie de leurs titres. Sont, par priorité, l'objet de cette injonction les actionnaires autres que ceux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou des Etats parties à l'accord sur l'espace économique européen ou à tout autre accord ayant la même portée en matière de transport aérien. Les titres faisant l'objet de l'injonction sont déterminés dans l'ordre de leur inscription sous forme nominative, en commençant par les derniers inscrits. A compter de cette injonction, les titres en cause sont privés du droit de vote jusqu'à la date de leur cession.
    « Art. L. 330-13. - Dans le cas où un actionnaire n'a pas cédé ses titres dans un délai de deux mois à compter de l'injonction faite par la société en application de l'article L. 330-12, la société peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris qui, statuant par ordonnance en référé et sans recours possible, désigne un organisme mentionné à l'article L. 531-1 du code monétaire et financier chargé de faire procéder à leur cession dans les conditions prévues à l'article L. 330-14. Les titres en possession du détenteur en infraction ne peuvent plus être cédés que dans ces conditions.
    « A défaut d'une telle saisine par la société, le titulaire des titres en cause recouvre la libre disposition de ces derniers et les droits de vote qui y sont attachés.
    « Art. L. 330-14. - Si l'organisme mentionné à l'article L. 330-13 constate que la liquidité du titre est suffisante au regard des conditions définies par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 330-12, les titres sont vendus sur les marchés où ils sont cotés. La vente peut être échelonnée sur plusieurs séances de bourse dans un délai n'excédant pas deux mois à compter de la date de désignation de l'organisme, s'il apparaît que la vente en une seule fois peut influencer le cours de façon significative. Si, à l'expiration de ce délai, l'intégralité des titres n'a pu être cédée, les titres non cédés sont proposés à la société qui peut les acquérir à un prix égal à la moyenne, pondérée par les volumes, des cours de bourse des jours de cotation compris dans ce délai, constatée par l'organisme.
    « Dans le cas où la liquidité du titre ne permet pas qu'il soit procédé à la vente selon les modalités prévues au premier alinéa, les titres sont proposés à la société qui peut les acquérir. Le prix est déterminé par l'organisme selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs, en tenant compte notamment, selon une pondération appropriée, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l'existence de filiales et des perspectives d'avenir.
    « A défaut d'acquisition par la société des titres en cause dans un délai fixé par le décret en Conseil d'Etat mentionné à l'article L. 330-12, leurs titulaires recouvrent la libre disposition de ceux-ci et les droits de vote qui y sont attachés.
    « Dans tous les cas, le produit de la vente des titres, net de frais, est versé sans délai à l'actionnaire concerné.
    « Les dispositions du présent article s'appliquent nonobstant les dispositions des articles L. 225-206 à L. 225-217 du code de commerce. Les actions que la société possède au-delà du seuil de 10 % prévu par l'article L. 225-210 du même code doivent être cédées dans le délai d'un an à compter de leur acquisition. »
    Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 20 et 53.
    L'amendement n° 20 est présenté par M. Asensi et les membres du groupe communistes et républicains ; l'amendement n° 53 est présenté par M. Idiart, Mmes Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 20.
    M. François Asensi. Avant de défendre mon amendement, je demande à M. le ministre de nous préciser à quel moment la société Air France sera juridiquement privatisée. Il ne nous a toujours pas répondu sur ce point. On ne sait pas ce qui va se passer ; on est dans le flou artistique le plus complet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Ça devient grotesque.
    M. François Asensi. L'article 1er relatif à la détention du capital permet des procédures d'identification des actionnaires. Il est légitime que la société dispose des informations relatives au contrôle de son capital. Mais avec toutes les ressources disponibles du fait de la domiciliation et du portage, l'opacité la plus grande va régner. Les détournements vont se révéler possibles, d'autant plus que la rédaction de la loi autorise délibérément les intermédiaires financiers. Elle laisse également à la discrétion de la société le pouvoir de neutraliser les droits de vote pour tout contrevenant à une demande d'information. Et d'autres termes, il lui est laissé la possibilité de ne rien entreprendre.
    Neutraliser les risques est bien le moins qu'elle puisse faire. Cette liberté est la porte ouverte à tous les arrangements. Qui n'a pas en mémoire ce qui s'est passé chez Enron, le géant de l'énergie américain, et les malversations qui ont entouré sa faillite spectaculaire ?
    Il en va de même pour l'évolution de l'actionnariat : quand il est avéré qu'elle pourrait remettre en cause les droits du trafic, pourquoi ne s'imposerait pas à la société l'injonction de vendre ? L'ouverture du capital est un événement trop grave pour une entité aussi précieuse et emblématique qu'une compagnie aérienne de la taille d'Air France. La latitude que laisse le texte à une entreprise bientôt soumise aux financiers prépare d'autres renoncements.
    Le texte que vous nous proposez, volontairement ou non, ne contrôle rien du tout. Il apparaît, à mesure que le débat avance, que nous évoluons dans une jungle fermée et en pleine opacité. C'est pourquoi nous aimerions bien obtenir des éclaicissements.
    Vous vous seriez montré plus soucieux du sens de l'intérêt européen en laissant la majorité du capital à la propriété publique. L'ouverture au marché financier ne va servir qu'à redistribuer les cartes de l'aviation civile. Mais dans quel sens cela se fera-t-il ? Quelle sera la prochaine étape après le premier lâchage de capital ? Le Gouvernement ne dit pas grand-chose. Pour ma part, je pense que c'est une fusée à plusieurs étapes : après ces participations croisées, vous allez créer demain une nouvelle société européenne, privée, qui ne s'appellera plus Air France. C'est donc un peu l'arrêt de mort de la société nationale que le Gouvernement envisage aujourd'hui.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour soutenir l'amendement n° 53.
    M. Jean-Louis Idiart. L'article 1er insère dans le code de l'aviation civile, un dispositif réputé permettre le contrôle de la nationalité des détenteurs de capitaux afin d'éviter une prise de contrôle de l'entreprise par des actionnaires non français - voire, si on anticipe l'intégration communautaire, par des actionnaires non ressortissant de l'Union européenne - et donc une perte des licences d'exploitation et des droits de trafic liés à la nationalité de l'entreprise.
    Au lieu de prévoir un contrôle souple par l'Etat, qui permettrait des interventions en cas de menaces sur les intérêts stratégiques du pays ou d'éventuelles remises en cause des missions d'intérêt général de la compagnie, le Gouvernement met en place un dispositif de crise pour empêcher en dernier ressort une prise de contrôle de l'activité par des intérêts étrangers.
    Ce dispositif ne saurait évidemment se substituer à une réelle définition d'une politique de transport aérien et des missions de service public devant être assumées par les transporteurs aériens. Il est symbolique d'une volonté de privatisation idéologique et mal préparée. C'est pourquoi, il est proposé de supprimer cet article.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. L'amendement n° 20 a été examiné par la commission, qui a émis un avis défavorable.
    Je répondrai à M. Asenti qu'Air France sera privatisé à partir du moment où l'Etat ne détiendra plus 50 % du capital. Donc si, demain, l'Etat cédait 4,45 % de ses actions pour tomber à 49,9 %, l'entreprise serait privatisée, et les articles 1er, 2 et 3 s'appliqueraient à compter de cette date.
    Mme Muguette Jacquaint. C'est ce que vous allez faire...
    M. Charles de Courson, rapporteur. Voilà pour la question technique.
    Comme je l'ai dit en commission, je suis très étonné de l'amendement de M. Asensi parce qu'il est ultralibéral ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Au fond, vous ne voulez pas qu'il y ait un système de défense de la nationalité française ou européenne de la majorité du capital de la compagnie ! Je m'inquiète de cette dérive idéologique de nos collègues ! (Sourires.)
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas un rapporteur, c'est un provocateur !
    M. François Asensi. Monsieur de Courson, vous ne croyez pas à ce que vous dites !
    M. Charles de Courson, rapporteur. J'en viens maintenant à l'amendement n° 53 de nos collègues socialistes, qui a le même objet mais une argumentation un peu plus subtile. Dans son exposé sommaire, un certain nombre d'éléments sont soulevés, que nous avons examinés en commission. Nous avons, pour les résoudre, déposé des amendements qui ont été adoptés par la commission et qui satisferont partiellement les souhaits exprimés par M. Idiart. Nous les examinerons ultérieurement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 20 et 53 ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Aux arguments de M. le rapporteur, j'ajouterai, si vous le voulez bien monsieur le président, des précisions afin de répondre aux interrogations des parlementaires de l'opposition.
    A partir du moment où la part de l'Etat tombe en dessous de 50 %, il y a, c'est vrai, privatisation. Mais il n'y a pas pour autant changement de statut. C'est une SA et cela va.

    Mais, à partir du moment où il y a privatisation, l'entreprise a deux ans pour modifier le statut du personnel. Connaissant l'état d'esprit qui règne dans l'entreprise, et le dialogue social qui s'y pratique, je puis vous assurer qu'il n'y aura pas besoin de deux ans pour modifier le statut du personnel et trouver un bon accord d'entreprise.
    La privatisation, je le répète une fois encore, a pour objet de moderniser l'entreprise en lui permettant de trouver des capitaux sur le marché, l'Etat étant dans l'incapacité - cela lui est interdit - de lui apporter les fonds susceptibles d'assurer son développement.
    L'article 1er est indispensable pour assurer la continuité française et le développement d'Air France. C'est pourquoi il ne faut pas voter les amendements proposés par l'opposition.
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, à qui je précise que ce n'est pas elle qui a été traitée d'« ultra-libéral » tout à l'heure mais M. Asensi. (Sourires.)
    Mme Odile Saugues. Au moment où nous entamons l'examen de ce projet de loi, Delta Airlines a vu partir en fumée un cinquième de sa valorisation et AMR Corporation, maison mère d'American Airlines et leader américain du transport aérien, a effacé hier soir plus du tiers de sa valorisation en bourse à New York avec une chute libre de 34 %. Le syndicat des stewards et hôtesses de cette compagnie vient de déclarer qu'une faillite de la première compagnie aérienne mondiale risquait d'intervenir rapidement. Ces faits sont très graves, monsieur le ministre. Or c'est le moment choisi par le gouvernement français pour livrer Air France aux marchés financiers.
    Cet amendement de suppression est pour l'opposition, et pour les députés socialistes, vous le comprendrez, l'ultime moyen de vous mettre en garde et de dire non au bradage de cette compagnie qui fait notre fierté. Ne vous enfermez pas dans votre posture idéologique, car tout plaide pour le maintien d'Air France dans le secteur public.
    Nous attendons vos explications, monsieur le ministre. A ce jour, force est de constater que le Gouvernement n'a pas dénié répondre, sur le fond, aux multiples interrogations de l'opposition. Pourtant, convenons-en, ce débat mérite mieux que le dédain dont vous avez, quelquefois fait usage à notre égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Charles Cova. Nous, nous avons subi votre arrogance pendant cinq ans !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 20 et 53.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 1, ainsi rédigé :
    « Substituer aux trois premiers alinéas de l'article 1er l'alinéa suivant :
    « I. - Le titre III du livre III du code de l'aviation civile est complété par un article L. 330-10 ainsi rédigé : »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à corriger un problème de codification.
    Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement n° 2 qui a un objet similaire.
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 2, ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi les cinquième, sixième et septième alinéas de l'article 1er.
    « II. - Le livre III du code de l'aviation civile est complété par un titre VI ainsi rédigé :
    « Titre VI.
    « Entreprises de transport aérien dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. »
    « II. - En conséquence, substituer respectivement, dans le reste de cet article, aux références : "L. 330-11, "L. 330-12, "L. 330-13, "L. 330-14, les références : "L. 360-1, "L. 360-2, "L. 360-3 et "L. 360-4. »
    « III. - En conséquence, dans le reste de cet article, substituer au mot : "chapitre le mot : "titre. »
    Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il s'agit d'adapter la numérotation des articles aux structures du code de l'aviation civile.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 2 ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ces amendements sont excellents et ils améliorent le code de l'aviation civile. Le Gouvernement y est très favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Asensi et les membres du groupe des députés-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 26, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-11 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "peuvent prévoir le mot : "prévoient. »
    La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Mon amendement a pour but de rendre impérative l'élection d'un domicile ou d'un siège sur le territoire français. La rédaction de l'article laisse penser que l'application des dispositions de l'article 102 du code civil, qui concerne le domicile ou le siège, pourrait être facultative. Si la compagnie nationale est incitée par la loi à prévoir dans ses statuts que les actionnaires doivent faire élection d'un domicile, dans le pire des cas, auprès d'un intermédiaire financier habilité domicilié en France, pourquoi ne pas la contraindre à l'écrire dans ses statuts ? Si ces derniers peuvent le prévoir, ils doivent le prévoir. Il ne faut pas rester dans l'ambiguïté ou le flou.
    D'une manière plus générale, on ne peut laisser le moindre espace à des opérations boursières ou purement spéculatives. Cet amendement vise donc à durcir les capacités de défense de l'entreprise contre les initiatives malveillantes qui s'exerceraient contre elles.
    Les malversations qui ont émaillé les dégringolades boursières dans certaines sociétés montrent qu'il faut être très vigilants et ne pas, là non plus, rester dans le flou.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable sur cet amendement qui vise à rendre obligatoire dans les statuts le caractère nominatif des actions des sociétés cotées de transport aérien. Actuellement il n'en existe qu'une, Air France, mais il y en a eu plusieurs dans le passé. Le caractère systématique de la disposition proposée par l'amendement n'est pas utile et est même dangereux. Pourquoi ? Prenons le cas d'une compagnie qui n'a qu'un seul actionnaire, français ou européen, détenant plus de 51 % du capital. Elle n'a pas intérêt à inscrire ces dispositions dans ses statuts. Elles sont totalement inutiles. C'est la raison pour laquelle le mot : « peuvent » a été préféré au mot : « doivent ».
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je rappelle que ce texte de loi peut s'appliquer à toute compagnie aérienne cotée. Donc, comme l'a très dit M. le rapporteur, lorsqu'un des actionnaires est français et très majoritaire, il est par définition connu. Il est donc inutile de lui appliquer les dispositions prévues à l'amendement n° 26. Le Gouvernement y est donc défavorable.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous n'aurons jamais un seul actionnaire majoritaire français dans le cas d'Air France...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ah si !
    M. François Asensi. ... dans la mesure où vous cherchez précisément des alliances et des accords avec d'autres compagnies. La position que vous défendez n'est ni sérieuse ni cohérente.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Mais si !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
    (l'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Au début de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-11 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "peuvent également prévoir le mot : "prévoient. »
    La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Cet amendement procède de la même philosophie. Le fait de n'ouvrir qu'une possibilité laisse trop de prise aux interprétations. Nous cherchons à rendre contraignant ce qui, dans votre rédaction, n'est que facultatif. Lorsqu'un actionnaire ne répond pas à la demande d'information sur la détention des titres, il est légitime de soupçonner un acte intentionnel ou pour le moins susceptible de porter préjudice à la société. Il apparaît donc logique que l'entreprise se défende en privant le fautif de son droit de vote. Or, votre texte ne distingue pas ce qui relève de l'inattention de ce qui peut être considéré comme un défaut intentionnel d'information. Il va de soi qu'un défaut avéré d'information de la compagnie doit conduire immédiatement et mécaniquement à la suspension du droit de vote. Il ne faut sur ce point laisser place à aucune ambiguïté, dès lors qu'il s'agit de concourir à la défense de l'intégrité de l'entreprise.
    La rédaction des statuts ne peut se borner à envisager la privatisation du droit de vote ; elle doit l'imposer. Il faut que les éventuels contrevenants sachent ce qu'ils risquent, et qu'ils aient bien conscience que les statuts de l'entreprise ne laisseront la place à aucune transaction possible. La bonne gouvernance d'entreprise, comme la bonne gouvernance en général, suppose des règles préétablies. Le moindre défaut de transparence sur les titres doit être apprécié avec la plus grande rigueur. Nous ne proposons qu'une simple modification verbale, mais elle est parfaitement conforme à l'esprit de cet article qui vise à exiger une meilleure visibilité de l'identité des actionnaires et, le cas échéant, à conduire la compagnie à davantage de fermeté.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 27 ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Avis défavorable pour les mêmes raisons.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 28, ainsi rédigé :
    « Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-11 du code de l'aviation civile, insérer l'alinéa suivant :
    « Dans le cas où un actionnaire n'a pas transmis les informations mentionnées aux deux précédents alinéas dans un délai de deux mois à compter de l'injonction faite par la société, la société saisit le président du tribunal de grande instance de Paris qui, statuant par ordonnance en référé et sans recours possible, désigne un organisme mentionné à l'article L. 531-1 du code monétaire et financier chargé de faire procéder à leur cession dans les conditions prévues à l'article L. 330-14. Les titres en possession du détenteur en infraction ne peuvent plus être cédés que dans ces conditions. »
    La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Cet amendement, conséquence des précédents, s'inscrit dans la même logique. D'un côté, le Gouvernement souhaite ouvrir la société Air France aux règles du marché ; de l'autre, conscient des risques, il cherche à s'assurer des garde-fous pour contrôler, entre autres, la part des non-communautaires dans les futurs détenteurs du capital d'Air France. Il sait que, dans nos sociétés, la « main invisible du marché » relève plus du mirage libéral que de la réalité...
    Or le texte, tel qu'il est rédigé, offre une marge de manoeuvre excessive pour les futurs dirigeants de l'entreprise, libres de décider de l'opportunité de poursuivre ou non les contrevenants. Par son imprécision même, il laisse persister un certain nombre de flous dont ne manqueront pas de profiter les éventuels - et probables - fraudeurs. D'où notre amendement, qui tend à éviter de laisser une entreprise stratégique comme Air France soumise sans aucune garantie à des lois qui n'ont rien à voir avec celles du marché.
    La suspension du droit de vote et du paiement du dividende ne semble pas suffisant pour assurer un réel contrôle de l'actionnariat. La politique de la tolérance zéro doit aussi s'appliquer aux actionnaires voyous qui, au nom du profit privé, par pure cupidité, sont prêts à sacrifier l'intérêt général. Elargir la sanction pour les délits financiers est indispensable, pour peu que le Gouvernement souhaite réellement que ses garde-fous ne se résument pas à des pantins que l'on agite pour rassurer l'opinion.
    Les risques d'une privatisation sont bien réels. Il n'est qu'à voir la situation dans laquelle se sont retrouvées de nombreuses compagnies américaines depuis le 11 septembre.
    Nous sommes, rappelons-le, fondamentalement contre votre projet. Aussi avons-nous déposé des amendements de suppression des articles. Mais dans la mesure où ceux-ci avaient toutes chances de se voir rejeter, nous avons prévu quelques amendements de repli qui cherchent à tout le moins à ménager les garde-fous que vous refusez de mettre en place, laissant le champ libre à des actionnaires enclins à tricher, à tout le moins peu soucieux de promouvoir et de défendre la compagnie. Les tricheurs doivent être démasqués. Il faut qu'ils payent.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons. Commençons par le problème que vous posez, cher collègue : que fera-t-on lorsqu'un actionnaire n'aura pas transmis les informations mentionnées aux deux précédents alinéas, celles qui touchent à sa nationalité ? Nous avons d'ores et déjà prévu un mécanisme, en particulier dans les amendements que nous avons adoptés pour peaufiner le texte afin précisément de sortir de cette situation : l'actionnaire sera privé de ses droits de vote. Mais il n'y a pas obligation de cession. Celle-ci n'intervient que dans une deuxième phase.
    La sanction que vous proposez dans votre amendement, mon cher collègue, est à l'évidence excessive : en cas de recours devant le Conseil constitutionnel, une telle disposition serait à coup sûr annulée pour cause de disproportion entre les faits reprochés et la sanction.
    M. Jean-Claude Lefort. Qu'est-ce qui vous autorise à dire cela ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. De surcroît, votre amendement comporte deux autres points qui ne sont pas acceptables, à commencer par l'absence de recours possible.
    M. Jean-Claude Lefort. Incroyable ! C'est la Cour des comptes et le Conseil constitutionnel à lui tout seul...
    M. le président. Monsieur Lefort, je vous en prie.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cette question, essentielle aux yeux de la commission, avait donné lieu, vous le savez, à un grand débat. Nous avons trouvé, vous le verrez un peu plus loin, un compromis avec le Gouvernement qui résout le problème. Enfin, le système que vous proposez est beaucoup trop rigide. Nous avons besoin de souplesse et de rapidité pour réagir le plus vite possible.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Cet amendement part, oserais-je dire, d'une bonne intention : sécuriser les actionnaires, etc., c'est tout à fait légitime ! Le problème est qu'il est totalement inutile dans la mesure où le projet de loi prévoit d'ores et déjà le cas des actionnaires qui n'auraient pas communiqué leur nationalité en les considérant de fait comme non-communautaires. Autrement dit, votre garde-fou est parfaitement établi : en cas de mise en danger de la licence ou des droits de trafic, les actions détenues par ces personnes pourront faire l'objet d'une cession forcée. Le Gouvernement demande donc le rejet de cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 62, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 330-11 du code de l'aviation civile par l'alinéa suivant :
    « Si la protection d'intérêts nationaux ou le bon accomplissement de missions d'intérêt général l'exigent, une action ordinaire de l'Etat est transformée en action spécifique assortie de tout ou partie des droits mentionnés à l'article 10 de la loi n° 86-912 du 6 août 1996 relative aux modalités de privatisations. »
    La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. Le dispositif mis en place par le projet de loi ne donne aucun moyen réel à la puissance publique de contrôler la nature du capital de l'entreprise, sauf dans des situations de crise pouvant conduire à la remise en cause des licences et droits de la société. Aussi l'amendement n° 62 vise-t-il à permettre une intervention de l'Etat dès lors que des intérêts nationaux sont en jeu, ou que le bon accomplissement des missions d'intérêt général l'exige.
    Il s'agit notamment de prévoir des agréments préalables au franchissement de seuil de détention du capital, la nomination au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de représentants de l'Etat, et le droit de s'opposer à des cessions pouvant porter atteinte aux intérêts nationaux. Ce dispositif apparaît par conséquent beaucoup plus large et beaucoup plus souple que celui de « dernier ressort » proposé par le Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission n'ayant pas examiné cet amendement, je m'exprimerai à titre personnel. Il est du reste loin d'être dépourvu d'intérêt : le gouvernement Balladur - ceux qui étaient déjà élus en 1996, voir en 1989, s'en souviennent certainement - avait déjà retenu l'idée de M. Idiart...
    M. Jean-Louis Idiart. Parce que je n'étais pas là ! (Sourires.)
    M. Charles de Courson, rapporteur. ... et celle-ci avait été déclarée conforme à nos règles constitutionnelles. Mais depuis, la jurisprudence a considérablement évolué. M. Idiart, que nous savons profondément attaché à la construction européenne, connaît très bien les trois arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 juin 2002, par lesquels celle-ci a totalement encadré les conditions de mise en oeuvre d'une action spécifique. Trois critères doivent désormais être impérativement respectés sous peine d'annulation - ce fut du reste le cas de l'action spécifique que détenait l'Etat français dans Elf, annulée le jour même par un de ces trois arrêts.
    Première condition : les restrictions imposées à la libre circulation des capitaux ne peuvent être motivées que pour des raisons impérieuses d'intérêt général.
    Deuxième condition : ces restrictions doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif invoqué.
    Troisième condition : les conditions de mise en oeuvre doivent être préalablement et objectivement déterminées, afin de ne pas contrevenir au principe de sécurité juridique.
    Autant dire que l'amendement n° 62 de notre collègue Idiart n'est pas eurocompatible. C'est pourquoi je vous en propose le rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. M. le rapporteur a rappelé la jurisprudence et cité l'arrêt du 4 juin 2002 sur ce sujet : le recours à l'action spécifique n'est pas envisageable. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 3, ainsi rédigé :
    « I. - Au début de la première phrase du texte proposé par l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "la société les mots : "le président du conseil d'administration ou du directoire de la société.
    « II. - En conséquence, dans cette même phrase, substituer respectivement aux mots : "dont elle bénéficie et "elle peut les mots : "dont la société bénéficie et "il peut. »
    La parole est à M.  le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement de la commission vise à préciser le texte gouvernemental. Celui-ci parle de « la société ». Le problème est de savoir de qui il s'agit exactement. Dans le cas d'une société anonyme avec directoire et conseil de surveillance, est-ce le président du conseil de surveillance ou le président du directoire ? Nous avons souhaité le préciser. Il s'agira donc du président du conseil d'administration, s'il y a un conseil d'administration, et du président du directoire, s'il y a un directoire et un conseil de surveillance.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Avis favorable. Le terme « société » est en effet trop vague. L'amendement présenté par le rapporteur permet de le préciser et de rendre ainsi la société beaucoup plus réactive. Nous l'en remercions.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 4, 36 rectifié et 51, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 4, présenté par M. de Courson, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du texte proposé pour l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile, après les mots : ", annexé au présent code, elle, insérer les mots : "en informe le ministre chargé des transports et. »
    L'amendement n° 36 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du texte proposé pour l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "peut, après avoir procédé à l'information des actionnaires et du public, les mots : "procède à l'information du conseil d'administration ou du directoire, ainsi qu'à l'information des actionnaires et du public, et peut. »
    L'amendement n° 51, présenté par M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « I. - Dans la première phrase du texte proposé pour l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile, substituer au mot : "peut les mots : "en informe le ministre chargé des trnasports et il lui appartient.
    « II. - En conséquence, dans cette même phrase, après les mots : "et du public,, insérer le mot : "d'. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 4.
    M. Charles de Courson, rapporteur. L'amendement n° 4, adopté par la commission des finances, tend à rendre obligatoire l'information du ministre des transports, par le président de la société, sur les risques pesant sur les compagnies aériennes cotées, dès lors que le seuil - probablement 45 %, nous a indiqué le Gouvernement, il sera défini par décret - sera franchi. En effet, le franchissement de ce seuil peut ouvrir une période d'incertitude pendant laquelle se posera le problème de l'application des droits de trafic, lesquels relèvent d'accords bilatéraux. Le ministre pourra alors, s'il l'estime nécessaire, prendre contact avec le président de la société et le prévenir que, s'il n'enclenche pas le processus qui s'impose, il lui sera impossible de répondre des droits de trafic de la compagnie que son homologue nigérian, allemand, anglais ou autre aura tout loisir de remettre en cause ; autrement dit, l'inviter à bien réfléchir avant de trancher la suite des opérations.
    Aux termes de l'article 1er, la société doit tout à la fois protéger son intérêt socio-économique et garantir un intérêt général. L'intérêt social de l'entreprise est évident : il s'agit d'éviter qu'une modification d'actionnariat puisse conduire au fur et à mesure des transactions en bourse à la privation de la licence d'exploitation ou des droits de trafic accordés en vertu d'accords internationaux. Cela l'est moins pour l'intérêt général, quoique la protection d'un secteur d'activité qui assure la libre circulation des biens et des personnes s'apparente bien à un intérêt général. Quant aux droits de trafic qui n'ont pas été négociés par la compagnie mais par l'Etat, ils posent tout de même pour l'Etat le problème de savoir ce qu'il va faire faire tant que l'on reste dans le système tel qu'il est.
    La jurisprudence communautaire continuera peut-être à évoluer dans les années qui viennent. Mais, en l'état actuel des choses, c'est ce fameux arrêt de novembre 2002 qui s'applique, même si, le ministre en a parlé, sa portée juridique précise donne encore lieu à de grandes discussions. Le problème général posé est le suivant : appartient-il à une seule personne privée de défendre l'intérêt général ou à tout le moins un intérêt national, quand bien même, ce faisant, elle défend d'abord l'intérêt socio-économique de sa société ? Pour notre part, nous estimons qu'il faut une information du ministre. Cela nous paraît un bon compromis entre la défense des intérêts de la société et l'intérêt général.
    M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 36 rectifié et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'amendement n° 36 rectifié vise à s'assurer que le conseil d'administration ou le directoire, ainsi que l'ensemble des actionnaires, sont informés de la menace qui peut peser sur la licence d'exploitation de l'entreprise ou sur ses droits de trafic. Il ne nuit pas à l'efficacité et à la rapidité de mise en oeuvre du mécanisme de cession forcée. Il permet ainsi au conseil d'administration ou au directoire de provoquer une réunion si nécessaire, selon les modalités précisées par le statut de l'entreprise. S'agissant de l'amendement n° 4, le Gouvernement émet un avis favorable dans la mesure où il améliore le dispositif. L'Etat sera ainsi mieux informé.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour soutenir l'amendement n° 51.
    M. Jean-Louis Idiart. Peut-être M. le ministre lui donnera-t-il, dans la lancée, également un avis favorable !.
     La perte de la licence d'exploitation ou des droits de trafic conduiraient à la remise en cause de l'existence même de la société Air France privatisée. Il est donc légitime d'assurer l'information continue du ministre chargé des transports quant à l'évolution de la composition du capital de la société susceptible de conduire à cette perte.
    De surcroît, le renvoi à une simple possibilité ouverte aux organes dirigeants de la société a une portée trop faible, compte tenu des conséquences en termes économiques et sociaux d'une telle remise en cause des licences. Les menaces de chômage partiel ou de licenciement définitif pesant sur les salariés notamment sont à prendre en compte. Il est donc proposé de transformer la possibilité en obligation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 36 rectifié et 51 ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 36 rectifié du Gouvernement. Il permet en effet au conseil d'administration de se réunir pour prendre une décision sur le mécanisme, ce qui nous paraît préférable que de laisser le pouvoir à un homme seul. Ainsi que l'a rappelé le ministre, l'amendement gouvernemental est compatible avec l'amendement n° 4. En revanche, il viendrait en substitution, et la commission des finances a donné son accord, à l'amendement n° 7 que nous examinerons tout à l'heure.

    L'amendement n° 51 de M. Idiart n'a pas été examiné en commission. Il se compose de deux parties. La première rejoint l'amendement de la commission en ce qu'il oblige le président, sitôt qu'il découvre que le seuil a été franchi, à avertir le ministre. Elle est donc satisfaite par l'amendement n° 4. S'agissant de la deuxième partie en revanche, le système proposé ne nous paraît pas approprié. Du reste, le problème sera résolu par un amendement que nous examinerons plus tard.
    Autrement dit, par avis défavorable, bien que nous soyons d'accord sur la première partie.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Dès lors que l'amendement n° 36 rectifié, qui a recueilli l'avis favorable de la commission, est adopté, le souci d'information du Gouvernement est satisfait.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 51 tombe.
    M. Charles de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 5, ainsi rédigé :
    « I. - Dans la première phrase du texte proposé pour l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "enjoindre à les mots : "mettre en demeure.
    « II. - En conséquence, dans le reste de cet article, substituer respectivement aux mots : "injonction et "de l'injonction les mots : "mise en demeure et "de la mise en demeure. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Le Gouvernement a, dans le texte de son projet de loi, retenu le mot « enjoindre », autrement dit la notion d'injonction. Il nous a semblé que celle-ci pouvait prêter à confusion dans la mesure où elle pouvait s'apparenter à une sorte de délégation du pouvoir judiciaire à une autorité privée, à nos yeux inacceptable.
    Pour lever cette ambiguïté, la commission, après un long débat, a adopté l'amendement n° 5 qui tend à remplacer « enjoindre » par « mettre en demeure » afin d'éviter toute confusion dans la terminologie.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement préfère lui aussi la notion de mise en demeure à celle d'une injonction. Il est donc favorable à cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « Supprimer la dernière phrase du texte proposé pour l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il est apparu à la commission disproportionné qu'une simple injonction - même transformée, à l'instant, en mise en demeure - se traduise automatiquement par une telle atteinte au droit de propriété, c'est-à-dire la privation des droits de vote. Or le Conseil constitutionnel est extrêmement attentif au contrôle du respect du droit de propriété.
    Si l'on partage l'idée qu'il existe bien un intérêt général dans la protection des droits de trafic, il reste que ce motif ne justifie pas aisément toute atteinte législative au droit de propriété. Donc, il est indéniable qu'un mécanisme de privation des droits de vote antérieur à leur cession effective ou provisoire en cas de non-acquisition porte atteinte au droit de propriété.
    La justification éventuelle est une chose, l'atteinte en est une autre. Donc, il faut que la privation des droits de vote soit entourée de garanties et encadrée par le juge et donc décidée par le tribunal de grande instance de Paris.
    Cet amendement se combine avec l'amendement n° 33 que nous examinerons ultérieurement et l'amendement n° 10, pour redonner une cohérence à l'ensemble du dispositif.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il est important que la compagnie puisse très rapidement respecter la condition de contrôle effectif par des actionnaires communautaires. Le Gouvernement est favorable à l'amendement présenté par M. de Courson, à la condition que l'amendement n° 33, qu'il a d'ailleurs cité, soit adopté, parce que ce dernier permet de suspendre les droits de vote des titres d'un actionnaire qui est justement visé par le processus de la cession forcée lors de la saisine du TGI.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 52 et 7, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 52, présenté par M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile par l'alinéa suivant :
    « A défaut de la mise en oeuvre d'une telle mise en demeure ou si le président du conseil d'administration ou du directoire de la société ne met pas en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 360-3, tout salarié de la société, toute organisation professionnelle représentative des salariés, et tout actionnaire peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de la mise en oeuvre, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'alinéa précédent, de la procédure prévue par les articles L. 360-3 et L. 360-4. Dans ce cas, les titres en cause sont privés du droit de vote, à compter de la date de saisine du président du tribunal de grande instance de Paris et jusqu'à la date de leur cession éventuelle. Si le tribunal de grande instance de Paris estime qu'il n'y a pas lieu de mettre en oeuvre les dispositions des articles L. 360-3 et L. 360-4, le titulaire des titres en cause recouvre les droits de vote qui y sont attachés. »
    L'amendement n° 7, présenté par M. de Courson, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 330-12 du code de l'aviation civile, par l'alinéa suivant :
    « A défaut de la mise en oeuvre d'une telle mise en demeure ou si le président du conseil d'administration ou du directoire de la société ne met pas en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 360-3, tout actionnaire peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de la mise en oeuvre, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'alinéa précédent, de la procédure prévue par les articles L. 360-3 et L. 360-4. Dans ce cas, les titres en cause sont privés du droit de vote, à compter de la date de la saisine du président du tribunal de grande instance de Paris et jusqu'à la date de leur cession. Si le tribunal de grande instance de Paris estime qu'il n'y a pas lieu de mettre en oeuvre les dispositions des articles L. 360-3 et L. 360-4, le titulaire des titres en cause recouvre les droits de vote qui y sont attachés. »
    La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour soutenir l'amendement n° 52.
    M. Jean-Louis Idiart. Comme dans le Sud-Ouest, actuellement, nous sommes fort préoccupés par le TGV, je me suis demandé si le TGI n'était pas le « train à grande inertie » ! (Sourires.) Peut-être qu'en réglant les problèmes de transports terrestres, nous pourrions régler aussi, par voie de conséquence, quelques problèmes de transport aérien, notamment pour l'aéroport de Toulouse.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il a raison ! On va rattraper cinq ans de retard !
    M. le président. Vous êtes hors sujet, monsieur Idiart !
    M. Jean-Louis Idiart. Mais revenons à l'amendement n° 52. Il reprend le principe d'un amendement de la commission prévoyant une possibilité de recours pour les seuls actionnaires de la compagnie qui s'estimeraient lésés par l'absence de mise en oeuvre de la procédure de cession forcée par les organes dirigeants de la société. Il convient cependant, une nouvelle fois, de ne pas s'en tenir à la seule prise en compte des intérêts des actionnaires de la société, ce que permet cet amendement en ouvrant une voie de recours aux salariés, soit individuellement, soit collectivement par l'intermédiaire de leurs syndicats.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 52.
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission s'était posé la question suivante : « Que se passera-t-il si le président de la société n'utilise pas sa prérogative de mise en demeure, ou s'il l'utilise mais ne met pas en oeuvre le reste de la procédure prévue par le projet de loi ? » Elle avait alors, dans un premier temps, adopté l'amendement n° 7, de façon à rendre possible la saisine par les actionnaires du président du tribunal de grande instance de Paris. Ce dernier pourrait, selon notre idée initiale, dans le même but de protection de la licence d'exploitation ou des droits de trafic de la compagnie, se substituer au président de la société pour mettre en oeuvre l'ensemble de la procédure de cession forcée.
    Dans l'amendement n° 52, notre collègue Idiart a rajouté - c'est la différence avec l'amendement n° 7 - aux actionnaires, « toute organisation professionnelle représentative des salariés », c'est-à-dire les syndicats qui pourraient faire un recours de leur côté, ou un recours joint.
    Comme la commission a adopté l'amendement n° 36 rectifié, examiné au titre de l'article 88, nous avons résolu le problème soulevé par l'amendement n° 7.
    Je vais donc retirer ce dernier, avec l'accord de la commission, et proposer à l'Assemblée de voter contre l'amendement n° 52, à moins que M. Idiart ne le retire.
    M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
    Monsieur Idiart, retirez-vous l'amendement n° 52 ?
    M. Jean-Louis Idiart. Non, je le maintiens.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 52 ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est une question un peu délicate : l'intention de M. Idiart - donner un pouvoir à un actionnaire - n'était certainement pas mauvaise, mais il semble que ce pouvoir soit un peu exorbitant. Je vais vous en donner un exemple, monsieur Idiart.
    Ainsi, une compagnie dont le trafic est essentiellement communautaire - pour 70 ou 80 % de son capital - peut avoir besoin, le cas échéant, de s'adosser à un partenaire européen dans le cadre d'une fusion ou d'un rachat. Un partenaire de qualité, qui apporte des capitaux, vitaux pour la compagnie, cela peut justifier la perte de quelques droits de trafic. Jusqu'ici, nous sommes d'accord. Mais l'amendement que vous proposez permettrait à un actionnaire minoritaire, possédant une ou deux actions, ou éventuellement à un syndicat, de négocier un meilleur prix d'acquisition de ses propres titres en menaçant de saisir le TGI pour forcer le nouvel entrant à vendre, au nom de la sauvegarde des droits de trafic. Cela irait manifestement à l'encontre de l'intérêt social de toute la compagnie.
    C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas du tout favorable à votre amendement. C'est également la raison pour laquelle le rapporteur, dans sa grande sagesse, a retiré le sien.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. de Courson a présenté un amendement, n° 32, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'acticle L. 330-13 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "l'injonction les mots : "la mise en demeure. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « I. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'acticle L. 330-13 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "par la société les mots : "par le président du conseil d'administration ou du directoire de la société.
    « II. - En conséquence, dans le reste de cet article, substituer aux mots : "la société les mots : "le président du conseil d'administration ou du directoire de la société. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. C'est également un amendement de conséquence. En effet, vous vous souvenez que nous avons précisé que la société était représentée par le président du conseil d'administration ou le président du directoire.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 29, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-13 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "peut saisir le mot : "saisit. »
    La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Cet amendement vise, par une petite modification lexicale, à contraindre la compagnie à saisir le président du tribunal de grande instance de Paris, dans l'hypothèse où un actionnaire n'aurait pas cédé ses titres deux mois après l'injonction.
    En effet, la rédaction de cet article laisse à la discrétion de l'entreprise la possibilité de poursuivre ou non.
    Si l'entreprise constate que ses droits de trafic risquent d'être remis en cause au regard des seuils de détention du capital, elle ne doit en aucun cas laisser faire, sous peine de graves préjudices. Indiquer que la compagnie peut saisir le tribunal, c'est aussi indiquer qu'elle peut ne pas le saisir : en aucun cas la loi ne doit laisser ce flou.
    Par quel miraculeux procédé, en effet, une transformation de l'actionnariat non souhaitée par la direction de l'entreprise pourrait être autre chose qu'une opération agressive ou une tentative de prise de contrôle ? La rédaction des statuts de la compagnie ne doit pas laisser le moindre doute quant à la réaction qui serait la sienne en cas de tentative hostile d'une partie des actionnaires. Ou la compagnie a le désir de continuer à développer une activité et à rendre un service, ou elle s'abandonne au jeu boursier du casino.
    Comment une lecture rigoureuse et exigeante de la loi pourrait-elle prévaloir si le législateur n'a pas a priori marqué de sa volonté morale la rédaction de ce texte ? Comment des dirigeants pourraient-ils vouloir le plus, si la loi ne montre pas expressément ce qu'elle veut ? La loi doit être exemplaire et volontaire s'agissant de l'actionnariat d'une compagnie aussi prestigieuse qu'Air France. Elle doit indiquer clairement qu'on ne peut tricher sans conséquence avec un tel patrimoine. Elle ne peut laisser penser qu'un préjudice porté à l'entreprise en matière d'actionnariat puisse faire l'objet de la moindre négociation.
    C'est pourquoi nous déposons un amendement, qui est de forme, mais d'une forme qui se préoccupe davantage du métier de l'entreprise que du champ de bataille.    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission est contre cet amendement. Nous avons eu, en effet, un grand débat sur la question de savoir s'il faut rendre obligatoire la procédure ou laisser le verbe « peut ».
    Or, il y a des cas, monsieur Asensi, dans lesquels votre amendement, s'il était adopté, aurait des conséquences sociales graves. Prenons l'exemple d'une compagnie qui a une majorité d'actionnaires français et qui se trouve en difficulté. Il n'y a qu'un repreneur et il n'est pas communautaire. Il commence à racheter et franchit le seuil dit « de franchissement » à partir duquel s'applique l'article 1er, c'est-à-dire avant 50 % - 45 % nous précise le Gouvernement. Vous voyez que, si l'on oblige le président à déclencher le mécanisme, ce peut être ravageur, puisque cela empêchera une reprise qui sauverait l'entreprise et les emplois.
    Voilà pourquoi la commission, après en avoir longuement discuté, pense que la meilleure solution est de garder le mot « peut » et, en conséquence, a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 29.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. On n'est pas obligé d'utiliser des moyens excessifs au regard du but recherché. Or, on peut imaginer que, dans certains cas, la vente soit amiable ou que la société rachète des titres. Il nous semble donc que cet amendement ne répond pas à la demande, dans la mesure où il existe d'autres moyens pour parvenir aux mêmes fins : j'en appelle au principe de proportionnalité.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. En refusant cette petite modification lexicale, vous montrez combien vous craignez la moindre rigidité destinée à empêcher les tricheurs de tricher ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la vérité ! En fait, le groupe communiste ne veut que défendre l'entreprise contre les prédateurs.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 9 et 37, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 9, présenté par M. de Courson, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-13 du code de l'aviation civile, supprimer les mots : "et sans recours possible. »
    L'amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-13 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "et sans recours possible les mots : "non susceptible d'appel, d'opposition ou de tierce opposition. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 9.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Le Gouvernement m'autorise-t-il à évoquer en même temps l'amendement n° 37 ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Bien entendu, monsieur le rapporteur.
    M. le président. La présidence aussi !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Nous avons eu un long débat en commission sur la présence dans le texte initial du Gouvernement des mots : « sans recours possible ». Cela nous est apparu inacceptable puisque nous sommes dans un Etat de droit et qu'une telle disposition est incompatible avec la Convention européenne des droits de l'homme et contraire aux droits de la défense, protégés par le Conseil constitutionnel. Nous avons donc décidé de supprimer purement et simplement les mots : « et sans recours possible ».
    Le Gouvernement, conscient que cette mention posait un problème, s'est aperçu que sa suppression en posait un autre. Il a donc proposé un texte de compromis entre le texte initial du Gouvernement et la position initiale de la commission, qui est l'amendement n° 37, également examiné par la commission. Elle lui a donné un avis favorable car, grâce à cet amendement, on dispose encore de la possibilité d'un recours en cassation, et, par conséquent, les droits de la défense sont préservés.
    La commission m'a donc autorisé à retirer l'amendement n° 9, et j'invite l'Assemblée à voter pour l'amendement n° 37.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement retient cette idée de ménager des voies de recours, mais, pour maintenir l'efficacité du dispositif, il faut exclure les recours suspensifs. Il vous propose donc l'amendement n° 37, qui reprend l'idée de la commission et de M. de Courson, mais qui lui semble plus complet.
    M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 37.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. de Courson a présenté un amendement n° 33, ainsi rédigé :
    « Compléter la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-13 du code de l'aviation civile par les mots : "et sont privés des droits de vote qui y sont attachés.. »
    La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson, rapporteur. C'est un amendement de conséquence de l'amendement n° 6 que vous avez adopté tout à l'heure, mes chers collègues. La privation des droits de vote de l'actionnaire ne doit se faire que sous le contrôle du juge du tribunal de grande instance, de Paris en l'occurrence.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 10 et 30.
    L'amendement n° 10 est présenté par M. de Courson, rapporteur ; l'amendement n° 30 est présenté par M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 330-13 du code de l'aviation civile. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 10.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Amendement de conséquence. En effet, le dernier alinéa de l'article L. 330-13 prévoyait que l'actionnaire recouvrait la libre disposition de ses actions si le président de la société ne saisissait pas le juge. Il est devenu inutile du fait de l'adoption des amendements n°s 6 et 33.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 30.
    M. François Asensi. Il s'agit, en effet, d'un amendement de conséquence, mais notre démarche est un peu différente de celle de la commission, bien que notre rédaction soit identique.
    En conformité avec l'amendement déposé sur l'alinéa précédent, cet amendement a pour objectif de proscrire tout pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit de saisir ou non le tribunal. Toute infraction aggravée à la législation financière doit appeler une sanction et, dans un Etat de droit, c'est au procureur et au juge d'apprécier la gravité des faits.
    Les dirigeants de la société ne peuvent être à la fois juge et partie. La loi doit être exemplaire s'agissant de l'actionnariat d'une compagnie comme Air France. Elle doit disposer clairement qu'on ne peut tricher sans conséquence avec ce qui fait partie du patrimoine national. Elle ne peut laisser penser qu'un préjudice porté à l'entreprise en matière d'actionnariat pourrait faire l'objet de la moindre négociation. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable à ces deux amendements puisqu'ils sont identiques.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je précise que la commission, bien que d'accord avec le texte de l'amendement, avait émis des réserves quant à l'exposé des motifs. C'est pourquoi elle préférait que ce soit l'amendement n° 10 qui soit voté !
    M. Jean-Claude Lefort. Stupéfiante argumentation !
    M. le président. Monsieur de Courson, on vote sur l'intitulé, non pas sur l'exposé des motifs. Les amendements sont identiques, ce qui ne signifie pas qu'il y ait consensus entre vous et M. Asensi !
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 10 et 30.
    (Ces amendements sont adoptés.)
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 34 de la commission n'a plus d'objet.
    Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - L'article L. 342-3 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé :
    « Art. L. 342-3. - Le conseil d'administration ou, selon le cas, le conseil de surveillance de la société Air France peut compter jusqu'à six membres élus par les salariés dans les conditions prévues, selon le cas, par les articles L. 225-27 à L. 225-34 ou les articles L. 225-79 et L. 225-80 du code de commerce. Pour l'élection de ces membres, les statuts peuvent prévoir que les salariés sont répartis entre quatre collèges comprenant respectivement le personnel navigant technique, le personnel navigant commercial, les cadres et les autres salariés. Les statuts fixent alors le nombre de membres élus par chacun des collèges.
    « Les statuts peuvent prévoir que la représentation des salariés actionnaires au conseil d'administration ou, selon le cas, au conseil de surveillance peut se faire en deux catégories, comprenant respectivement le personnel navigant technique et les autres salariés. Les statuts fixent alors le nombre de membres de chaque catégorie, qui sont désignés, pour chacune d'elles, dans les conditions prévues par l'article L. 225-23 ou par l'article L. 225-71 du code de commerce. »
    La parole est à M. Jean-Claude Lefort, inscrit sur l'article 2.
    M. Jean-Claude Lefort. La représentation des personnels dans les instances dirigeantes de leur entreprise est ou devrait être, d'une manière générale, un facteur d'échange, de dialogue, de participation, de fluidité et donc d'implication. Mais au-delà, c'est un facteur de démocratie, qui peut renforcer les entreprises, notamment face aux difficultés, en permettant que de bons choix, des choix plus pertinents, soient réalisés grâce à la participation des personnels. Tel était le sens de la loi Le Pors, qui constituait une avancée vers la représentation d'un plus grand nombre de salariés dans les conseils d'administration des services publics comme celui d'Air France.
    Aujourd'hui, les services publics ont besoin de plus de citoyenneté et non d'une irruption des marchés boursiers dans leur gestion.
    Nous pensons, comme de nombreux citoyens, qu'il ne faut pas privatiser Air France - nous l'avons dit, nous le répétons -, parce que cette compagnie marche bien, qu'elle est solide, qu'elle peut nouer des alliances lui permettant de jouer un grand rôle aux niveaux européen et mondial et parce qu'elle remplit, grâce à son statut, des obligations de service public conformes au préambule de notre Constitution.
    Nous estimons qu'il faut développer un pôle public de transport aérien de qualité - et là, je fais allusion encore une fois au sort d'Air Lib -, qui préserve le rôle de la puissance publique dans les multiples domaines où elle peut intervenir directement ou indirectement : la gestion des investissements lourds nécessaires au transport aérien, la gestion du long terme indissociablement liée à cette activité, la desserte générale du territoire et la construction aéronautique.
    L'article 2 prévoit, pour l'élection des représentants des salariés au conseil d'administration d'Air France, de répartir les salariés entre quatre collèges et de créer un collège de cadres. Nous voyons bien ce que le Gouvernement a derrière la tête : il cherche à organiser la division entre les diverses catégories de personnels, afin de permettre à une certaine partie du personnel de s'associer aux objectifs de la direction. En serait-il besoin si celle-ci privilégiait le développement de l'activité, le service public, une vraie ambition sociale et l'intérêt général ?
    Si le Gouvernement procède à un tel découpage, c'est en fait pour anticiper l'hostilité que les stratégies actionnariales de l'entreprise ne manqueront pas de déclencher parmi les personnels. En effet, le moins-disant social d'un actionnaire qui veut du rendement boursier ne pourra trouver un terrain d'entente avec le personnel. C'est pourquoi, en multipliant les catégories, le Gouvernement augmente les chances que certaines d'entre elles puissent se retrouver sur les orientations de la direction, au détriment des autres.
    Les dispositions que vous nous proposez, monsieur le ministre, vont placer la future entreprise privée sous le contrôle d'un conseil d'administration fractionné, et c'est particulièrement dangereux.
    Nous savons que les droits reconnus aujourd'hui aux salariés seront les premiers à être remis en question, surtout dans une industrie où le capital fixe est lourd et incompressible alors que la masse salariale sera la seule variable d'ajustement des coûts.
    Mme Odile Saugues. Comme d'habitude !
    M. Jean-Claude Lefort. Il n'est que voir les conséquences du dumping social dans les compagnies à bas coûts. Le seul gisement de productivité qui restera à Air France résidera dans la masse salariale.
    En outre, vous allez diviser la représentation des salariés actionnaires. C'est reconnaître ouvertement l'existence d'un haut et d'un bas clergé de l'actionnariat, si vous me permettez cette expression.(Sourires.) Une partie des salariés détenteurs de titres constituera la piétaille des actionnaires, l'autre représentera l'aristocratie, volontiers plus proche des gagnants de la compétition boursière. Vous savez très bien que la capacité d'épargne des détenteurs de petits salaires de la compagnie est réduite quasiment à rien.
    Sur le plan philosophique, on peut se demander quelle est la justification de cette séparation.
    Tout à l'heure, vous nous disiez, monsieur le ministre, que vous souhaitiez donner une dynamique à la société Air France ; or tel n'est pas le sens de la proposition que vous nous faites. Bien au contraire, vous cassez toute possibilité de dynamique sociale à l'intérieur de l'entreprise, notamment par le biais de la participation des salariés. C'est pourquoi nous nous opposons à cette orientation et rejetons cet article dans son ensemble.
    Enfin, je vous indique, monsieur le rapporteur, vous qui vous interrogiez à ce sujet, que lorsque nous reviendrons aux affaires, nous ferons en sorte qu'il existe dans ce pays un grand pôle public du transport aérien. Si cela rassure vos futurs actionnaires, bonne chance !
    M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.
    M. Claude Bartolone. Monsieur le ministre, je voudrais, à l'occasion de l'examen de cet article, rappeler notre position de fond : nous sommes contre votre texte. Nous pensons que ce n'est pas le moment de discuter d'un tel texte étant donné la situation du marché boursier. De plus, sur le fond, nous estimons que les modalités de celui-ci ne répondent ni à l'attente des usagers ni à celle du personnel.
    Avant d'aborder le fond de cet article, je voudrais revenir sur un des points que vous avez évoqués hier. Vous avez en effet indiqué que vous alliez permettre à Air France de connaître la souplesse du secteur privé. Je ne souhaite pas qu'Air France connaisse le sort de Vivendi, entreprise dont les dérives ont été permises justement par la souplesse du secteur privé.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Et le Lyonnais !
    M. Marc Laffineur. Et France Télécom !
    M. Claude Bartolone. J'en viens à l'article 2. Je ne pense pas, monsieur le ministre, que la répartition des salariés entre plusieurs collèges pour l'élection de leurs représentants au sein du conseil d'administration soit un bon service à rendre à la future entreprise Air France. En effet, ayant participé, comme le rapporteur, à la commission d'enquête sur le fonctionnement des entreprises publiques, j'ai pu y entendre une des personnes auditionnées nous narrer les difficultés que rencontrait un conseil d'administration du fait de l'absence de point de vue commun des salariés : ce conseil d'administration était devenu une sorte de chambre d'enregistrement où se déroulaient peu de débats de fond. Or nous savons bien que l'avenir et le développement des grandes entreprises, publiques comme privées, passent par le débat - essentiel - entre les responsables de ces entreprises et leurs salariés.
    En raison de l'émiettement entre plusieurs collèges différents, le débat qui doit avoir lieu au sein du conseil d'administration, et qui est essentiel pour l'activité de l'entreprise, risque d'être réduit à néant.
    Lorsque l'on joue les catégories de salariés les unes contre les autres, on sait très bien que, à un moment donné, il est très difficile d'obtenir une certaine cohérence dans le point de vue des salariés et que, dès lors, il est quasiment impossible d'avoir un débat approfondi et honnête au sein du conseil d'administration, lequel est pourtant utile tant pour les salariés que pour l'entreprise. La situation que va créer cet article risque vraiment de porter atteinte à l'entreprise.
    Au-delà, je ne pense pas que ce soit un face-à-face entre actionnaires privés et salariés qui, dans le contexte actuel, permettra de donner sa chance à une grande entreprise du transport aérien.
    Dans une période où les tensions ne manqueront pas, notamment dans le secteur du transport aérien, et où les coûts fixes de l'entreprise - achat des avions, droits à payer sur les grandes plates-formes aéroportuaires - seront difficiles à négocier, la variable d'ajustement risque d'être les salariés. Et si, par malheur, la guerre en Irak éclate, le secteur de l'aéronautique sera sans aucun doute confronté à de graves difficultés, si bien que le rapport actionnaires-salariés risque une nouvelle fois de jouer contre ces derniers.
    Une fois encore, je tenais, au nom du groupe socialiste, à réaffirmer notre opposition au texte que vous nous présentez, monsieur le ministre. Dans le contexte économique et social que nous connaissons, il est malvenu. A très court terme, le conseil d'administration et le conseil de surveillance verront leur importance réduite, et les actionnaires se retrouveront dans un autre lieu pour décider des mesures propres à préserver leurs intérêts.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 21 et 54.
    L'amendement n° 21 est présenté par M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 54 est présenté par MM. Bartolone, Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialite.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 2. »
    La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour soutenir l'amendement n° 21.
    M. Jean-Claude Lefort. Cet amendement tend à la suppression de l'article 2 qui fixe les conditions de la représentation du personnel. Pour notre part, nous considérons que l'élargissement de la représentation du personnel est, généralement, un moyen de développer au sein de l'entreprise le dialogue, les synergies et la participation, d'impliquer le personnel et de donner plus de force à l'entreprise elle-même, lorsque cette représentation n'est pas divisée. Or, dans le cas de la privatisation d'Air France, il s'agit d'un leurre total, puisque le personnel ne trouvera aucun avantage dans le nouveau statut qui lui est proposé, bien au contraire.
    Etant donné les nouveaux critères de gestion qui ne manqueront pas d'être retenus, le personnel subira de plein fouet la pression sur l'emploi, la réduction de la masse salariale - nous insistons sur ce point, afin que cela soit bien acté - et sera obligé de négocier une convention collective à la baisse. La ligne d'horizon de la nouvelle gestion d'Air France sera celle des compagnies à bas coûts, les fameuses low cost.
    Le personnel n'a rien à attendre d'une gestion dépendante des marchés financiers, et encore moins un retour sur investissement. Depuis sa mise sur le marché, la valeur Air France a diminué de moitié. Dans ce contexte, que gagneraient les salariés à l'intéressement ?
    Votre texte ne témoigne pas d'un grand souci du personnel, monsieur le ministre. Si tel avait été le cas, vous auriez commencé par le consulter.
    Avant hier, ici même, l'Assemblée a refusé de voter une loi tendant à accorder la retraite aux personnes ayant cotisé quarante ans et n'ayant pas atteint l'âge de la retraite sous prétexte qu'un dialogue social sur les retraites était engagé. Aujourd'hui, alors que le personnel d'Air France n'a pas été consulté, on nous demande de trancher !
    Mme Odile Saugues. C'est du pilotage au coup par coup !
    M. Jean-Claude Lefort. Vous auriez pu commencer par consulter le personnel d'Air France, monsieur le ministre.
    Pourquoi ne faites-vous pas vôtre le principe de consultation systématique du personnel lors d'un changement de statut des grandes entreprises ? L'un de nos éminents collègues, qui fut en son temps à la tête de la compagnie aérienne en question, en avait fait sa spécialité. Même si un résultat de consultation n'est pas favorable, comme ce fut le cas récemment à EDF, cela ne doit pas dissuader le Gouvernement de toujours favoriser le dialogue, de rechercher l'obtention de l'accord le plus large possible, en d'autres termes de promouvoir au sein de l'entreprise la démocratie et la cohésion, qui sont des facteurs de puissance.
    Plutôt que de vouloir élargir faussement la représentation des personnels et des actionnaires salariés dans les instances dirigeantes, monsieur le ministre, consultez-les, organisez un référendum !
    Mme Muguette Jacquaint. S'agissant des privatisations, cela s'impose !
    M. Jean-Claude Lefort. Osez, monsieur le ministre, avoir ce courage de la démocratie !
    Mme Muguette Jacquaint. Osez, monsieur le ministre !
    M. Jean-Claude Lefort. Etant donné que ce sont toujours les salariés qui trinquent lors des privatisations, nous nous opposons à l'article 2, comme nous nous opposons à la philosophie générale de ce texte.
    Osez la démocratie, monsieur le ministre ! Voilà le plus beau challenge que vous pouvez demander à cette entreprise de relever !
    M. Charles Cova. C'est l'autogestion !
    M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour défendre l'amendement n° 54.
    M. Claude Bartolone. Monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de défendre largement cet amendement en intervenant sur l'article 2, qui, je le signale, prévoit aussi la disparition des représentants de l'Etat et des personnalités qualifiées.
    Précédemment, j'ai souligné que la variable d'ajustement risquait d'être les salariés. Toutefois, j'en avais oublié une seconde, à laquelle l'Etat devrait être attentif, puisqu'elle a trait à tout ce qui concerne la sécurité : frais d'entretien du matériel, notamment des avions, sécurité des passagers. Cette variable d'ajustement impose que l'on réfléchisse à ce que doit être la représentation de l'Etat dans des compagnies qui jouent un rôle fondamental en matière de transport aérien.
    D'un seul coup, l'Etat ne sera plus représenté au conseil d'administration d'Air France. On ne peut que s'interroger sur la portée d'une telle disposition quand on connaît l'importance des décisions que doit prendre une compagnie comme Air France. Monsieur le ministre, vous avez une responsabilité particulière en matière de transport aérien. Que l'on songe aux graves difficultés auxquelles ont été confrontées les grandes compagnies aériennes privées américaines au lendemain des attentats du 11 septembre. Que l'Etat donne le sentiment de ne plus s'intéresser à une grande compagnie comme Air France ne peut être ressenti que comme un signal négatif adressé à l'ensemble des salariés, ainsi qu'à tous ses usagers de la compagnie.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je suis très étonné que nos collègues aient pu déposer de tels amendements. Du reste, l'amendement n° 21 a recueilli un avis défavorable de la part de la commission.
    De fait, l'adoption de ces amendements reviendrait à réduire de six à cinq le nombre des représentants du personnel au sein du conseil d'administration.
    De surcroît, ces amendements constituent une sorte de critique de l'ensemble des organisations syndicales, puisque ce sont elles qui ont demandé, par le biais du président de l'entreprise, que le Gouvernement maintienne les différentes catégories.
    M. Jean-Claude Lefort. Vous êtes un provocateur né !
    M. Charles de Courson, rapporteur. L'article 2 prévoit que le conseil d'administration d'Air France comprendra, entre autres, un représentant du PNT, un représentant du PNC, un représentant des cadres du personnel au sol et trois représentants des personnels non cadres au sol.
    Si cet article était supprimé, ce seraient alors les dispositions de droit commun qui s'appliqueraient, si bien que le nombre des représentants des salariés serait non plus de six, mais de cinq. Autrement dit, le conseil d'administration pourrait ne pas avoir de représentant du PNT, ou du PNC ou des cadres du personnel au sol.
    Ces deux amendements, auxquels la commission est défavorable, visent donc à s'opposer à une demande des organisations syndicales !
    J'ajoute que le texte ne rend pas obligatoire la désignation de six représentants des salariés. Il prévoit seulement que les statuts de la compagnie peuvent déroger au dispositif de droit commun afin que le conseil d'administration puisse compter jusqu'à six représentants des salariés. Ce n'est pas une obligation, mais une possibilité. Le Gouvernement n'a fait que respecter l'engagement qu'il avait pris auprès des organisations syndicales de maintenir l'équilibre actuel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je rappelle tout de même que l'article 2 vise à organiser la représentation des salariés au sein du conseil d'administration. Or présenter des amendements tendant à supprimer cet article revient à vouloir régresser sur le plan social, puisque ceux-ci visent à diminuer la représentation des salariés dans l'organisme qui définit la stratégie de l'entreprise et dirige celle-ci. C'est tout simplement vouloir détruire les acquis sociaux (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), dont certains sont dus à des grèves.
    M. Jean-Claude Lefort. Mais non ! Ce n'est pas l'objet de ces amendements !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce rappel vous gêne, mais c'est bien à la suite du conflit social de 1998 qu'a été fixée la représentation des salariés au sein du conseil d'administration d'Air France telle qu'on la connaît aujourd'hui, ...
    Mme Muguette Jacquaint. Nous pouvons rédiger un autre article !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... laquelle déroge d'ailleurs au droit commun, puisqu'elle prévoit que six représentants des salariés siègent au sein de ce conseil.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous pouvons rédiger un autre article !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. La cohésion sociale est toujours quelque chose de très fragile qui nécessite des équilibres, lesquels sont le fruit de négociations.
    Vous voulez, mesdames, messieurs de l'opposition, réduire la présence des salariés au sein du conseil d'administration d'Air France, alors que vous vous dites attachés à la compagnie. Où est la logique ?
    Le Gouvernement ne peut, évidemment, qu'être défavorable aux amendements n°s 21 et 54, puisqu'il veut assurer la continuité de la représentation actuelle des salariés et favoriser la paix sociale dans l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Muguette Jacquaint. Ça, c'est un scoop !
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Monsieur de Courson, vous n'allez pas nous faire croire ici que vous êtes, ni vous ni M. le ministre, le représentant des organisations syndicales. Ce serait vraiment extraordinaire. (« Pas vous ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Muguette Jacquaint. Ce serait un scoop !
    M. François Asensi. Les salariés doivent être représentés au sein des conseils d'administration. C'est évident. Cette avancée sociale n'est absolument pas contestée par les députés communistes. Mais, tout de même, le fait de créer un collège constitue, selon nous, un facteur de division parce que, comme l'a dit tout à l'heure M. Lefort, il y a deux catégories de salariés.
    Vous avez, pendant des années, fustigé le mouvement syndical à Air France et dans les transports en général, en demandant le service minimum, vous avez même été assez prolixe sur le sujet.
    Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !
    M. François Asensi. Mais vouloir ajouter un collège supplémentaire, c'est naturellement jouer sur la division. Ce n'est d'ailleurs sans doute pas par hasard, mais je ne me permettrais pas de parler à sa place, si M. Blanc est absent. Dans son intervention hier, il a fustigé le corporatisme. Nous ne sommes pas, quant à nous, pour le corporatisme. Nous souhaitons l'unité des salariés, la convergence, non l'expression d'une kyrielle d'organisations syndicales.
    On sait très bien à qui sert la division. Certainement pas aux salariés, mais bien aux directions, au patronat, qui veut diviser pour mieux régner.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je suis trop respectueux de l'indépendance des syndicats pour avoir prétendu être le représentant des organisations syndicales. Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que j'avais auditionné toutes les organisations syndicales qui avaient souhaité l'être.
    M. François Asensi. Lesquelles ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Trois syndicats ont demandé à être auditionnés.
    M. François Asensi. Trois syndicats sur vingt ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La porte était ouverte à tous.
    J'ai auditionné le syndicat national des pilotes de ligne. Il existe certes plusieurs syndicats de pilotes, mais le SNPL est le syndicat dominant. Il était demandeur de cette disposition. J'ai auditionné, à sa demande, le syndicat CGC du personnel au sol. Il était, lui aussi, demandeur. J'ai auditionné enfin la CGT, qui m'a parlé de bien d'autres problèmes.
    M. Jean-Claude Lefort. Trois syndicats sur vingt !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Mes chers collègues, adopter votre amendement favoriserait la division du personnel. En effet, cela supprimerait l'un des trois représentants, soit celui du personnel navigant technique, soit celui du personnel navigant commercial, ou encore celui des cadres du personnel au sol. Si c'est cela que vous cherchez, si vous voulez déstabiliser l'actuelle composition du conseil d'administration d'Air France, dites-le. Pour notre part, nous ne prendrons pas cette responsabilité.
    M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour une très courte intervention, parce que vous vous êtes déjà exprimé.
    M. Claude Bartolone. Je ferai simplement remarquer à M. de Courson qu'on ne peut pas, dans certains conflits, à la fois regretter, la main sur le coeur, la division syndicale, et l'organiser. Ce coup-ci, il l'organise.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 21 et 54.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Mme Saugues, MM. Idiart, Bapt, Bartolone et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 63, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile, substituer aux mots : "peut compter jusqu'à le mot : "comprend. »
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Nous craignons que le changement de statut d'Air France ne remette en cause la représentation des salariés élus au sein du conseil d'administration. Il convient de maintenir et d'affirmer la présence des membres élus par les salariés dans les organes de direction.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je relève la contradiction qu'il y a à déposer cet amendement après avoir défendu l'amendement n° 54 juste avant : l'amendement n° 63 prône exactement l'inverse de ce que proposait l'amendement n° 54.
    M. Jean-Claude Lefort. Ils ont le droit !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Oui monsieur Lefort, en théorie marxiste on peut dire tout et son contraire. Mais nous, nous ne sommes pas marxistes. Donc, ça nous gêne. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Claude Lefort. Il s'intéresse au marxisme maintenant ? Incroyable !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Et nos collègues socialistes ne sont pas marxistes, jusqu'à preuve du contraire.
    M. Claude Bartolone. Quoique... (Sourires.)
    M. Jean-Claude Lefort. Karl Marx ne prenait pas l'avion !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je crains que nos collègues n'aient pas très bien articulé leurs amendements.
    M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi !
    Mme Odile Saugues. Respectez un peu les différences de vues, mon cher collègue !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement est défavorable à un amendement qui rigidifie les règles du jeu. Nous, nous préférons faire confiance au dialogue social.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - A compter de la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France, des négociations sont engagées par celle-ci avec les organisations syndicales représentatives des salariés à l'effet de conclure la convention ou les accords d'entreprise devant se substituer aux dispositions portant statut du personnel prises en vertu des dispositions du code de l'aviation civile.
    « Les dispositions portant statut du personnel en vigueur à la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital continuent de s'appliquer à la société Air France jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la convention ou des accords mentionnés au premier alinéa, et au plus pendant un délai de deux ans à compter du transfert au secteur privé de la majorité du capital. Les dispositions de l'article L. 351-4 du code du travail ne s'appliquent à la société Air France qu'à partir de la même date ou, à défaut de convention ou d'accords, à l'expiration d'un délai de deux ans à compter dudit transfert. Jusqu'alors continuent de s'appliquer les dispositions de l'article L. 351-12 dudit code. »
    La parole est à M. Michel Pajon, inscrit sur l'article.
    M. Michel Pajon. A l'évidence, le Gouvernement montre beaucoup trop d'empressement à se désengager de la compagnie Air France. Non content d'envisager une large cession des actifs de l'Etat dans une conjoncture particulièrement défavorable aux marchés financiers et au transport aérien, il programme, dans les deux ans suivant la privatisation, l'abandon du statut qui protégeait le personnel et dont il était le garant.
    Nous vous avons entendu, monsieur le ministre, présenter au Sénat cet article comme une avancée sociale parce qu'il mettrait en valeur la représentation des personnels et forcerait la négociation. Le raccourci est pour le moins harsadeux.
    Pour qu'il y ait avancée, il faudrait qu'il y ait d'abord préservation des acquis, ensuite amélioration des conditions salariales par rapport aux statuts antérieurs. Or, aucune des dispositions de l'article 3 ne garantit le socle des droits existants. Cet article rend au contraire possible une multitude d'accords, sans exclure l'éventualité d'une négociation qui aboutirait à la remise en cause totale ou partielle de ces acquis. En fait, loin d'assurer une avancée sociale, cet article ouvre grand la porte à une éventuelle régression.
    Plusieurs syndicats ont d'ailleurs fait connaître l'inquiétude que leur inspire ce silence du projet de loi. Et l'on peut facilement comprendre leur préoccupation, lorsque l'on considère ce que sont les salaires et les conditions de travail dans certaines compagnies aériennes privées.
    Le statut du personnel d'Air France garanti par l'Etat ne constitue en aucun cas un privilège infondé. Il représente, au contraire, la contrepartie normale d'un savoir-faire de grande qualité, de qualifications de haut niveau, ou encore, de la pénibilité des tâches effectuées, notamment par le personnel au sol.
    Ne rien prévoir dans la loi pour que cette spécificité soit préservée, c'est accepter tacitement le risque que, d'ici à deux ans, ne disparaisse, avec ces garanties, tout ce qui fait aujourd'hui l'atout principal de la compagnie Air France, son image de marque et le gage de sa qualité : je veux bien entendu parler de son capital humain.
    Cette hypothèse est d'autant plus vraisemblable que la phase de transition prévue est particulièrement brève. Qui sait en effet ce que sera le marché du transport aérien dans les deux années qui viennent ? Qui sait si les conditions de la négociation collective n'imposeront pas, dans ce contexte, des arbitrages défavorables aux salariés qui remettront en cause les acquis sociaux ?
    Ne pas inscrire dans la loi les garanties statutaires du personnel qui doivent être absolument préservées semble déjà peu raisonnable. Mais programmer à deux ans la disparition de ce statut dans la conjoncture actuelle nous paraît proprement irresponsable.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Sous couvert de négociations, l'article 3 prépare, à échéance de deux ans, l'alignement du statut des salariés d'Air France sur celui des salariés du privé.
    La remise en cause des statuts protecteurs a, pour des raisons évidentes, toujours été considérée comme un obstacle à la privatisation. Cela augure mal du sort qui serai réservé aux salariés.
    Paradoxalement, face à ces mesures visant à précariser le statut des salariés, le Gouvernement souhaite renforcer, du moins en apparence, leur pouvoir de contrôle au sein de la compagnie, d'une part, en étendant l'actionnariat salarial, d'autre part, en augmentant le nombre de représentants au sein des différents conseils.
    Mais tout cela n'est contradictoire qu'à première vue car, si l'on y regarde de plus près et comme nous l'expliquerons dans nos interventions sur les autres articles, l'actionnariat salarial est un leurre et l'augmentation du nombre de représentants s'inscrit dans la logique du « diviser pour mieux régner ».
    En modifiant le statut des salariés, le Gouvernement modifie toute une ossature indispensable à l'entreprise, l'entraînant ainsi vers une dégradation inéluctable des conditions sociales.
    Les compagnies low cost, qui, lors des débats au Sénat, furent présentées par les promoteurs de la privatisation comme des égéries de la démocratisation des transports et de l'aménagement du territoire, montrent ce que l'on peut en attendre. Ces compagnies, telles que Ryan Air, sont d'abord des compagnies au rabais en matière de politique sociale. Pourtant, aujourd'hui, dans les entreprises, ce n'est pas le coût du travail qui est excessif mais bien celui du capital, les actionnaires demandant toujours plus.
    Air France, sous capital public majoritaire, s'était vu fixer des règles de conduite par le Gouvernement, d'où l'intérêt du statut public : la puissance publique, en l'occurrence l'Etat, a un rôle à jouer vis-à-vis d'une compagnie comme Air France. Air France avait refusé la politique de dumping social qui a été suivie par d'autres compagnies privées comme British Airways, avec les conséquences que l'on sait : British Airways, présentée comme l'idéal de la libéralisation et du libéralisme, est dans le rouge. Cette attitude n'a pourtant pas empêché Air France d'être aujourd'hui, il faut le redire, la première major européenne et la troisième major mondiale en termes de résultats financiers. Voilà la compagnie que vous voulez vendre au capital privé, une compagnie qui a les meilleurs résultats en Europe et qui est troisième au plan mondial.
    La réussite d'Air France réside également dans le fait que la compagnie n'est pas soumise aux critères de rentabilité financière du secteur privé ; elle repose surtout et avant tout sur le haut niveau de qualification des personnels et sur la qualité de leur travail. Je sais, monsieur le ministre, que vous avez rendu hommage aux personnels de l'entreprise.
    Dans ce dossier, tout a une incidence. Toucher au statut du personnel remettra en cause les méthodes de travail et le savoir-faire. Au final, ce seront la qualité des prestations servies par l'entreprise et la sécurité des passagers qui en pâtiront.
    Pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain est opposé à cet article et en demandera, dans un amendement, la suppression.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 22 et 55.
    L'amendement n° 22 est présenté par M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 55 est présenté par Mme Saugues, MM. Idiart, Bapt et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 3. »
    Monsieur Asensi, peut-on considérer que vous avez défendu l'amendement n° 22 ?
    M. François Asensi. On peut,... parce que c'est vous, monsieur le président ! (Sourires.)
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, pour soutenir l'amendement n° 55.
    Mme Odile Saugues. Cet article, qui maintient pour une durée maximale de deux ans le statut public des salariés d'Air France consacre en fait la disparition dudit statut. Or, nous le savons, ce statut est plus protecteur que le droit du travail. En fait, c'est une régression sociale programmée à plus au moins long terme que l'on nous propose.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 22 et 55 ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission est défavorable.
    Contrairement à ce que certains de nos collègues semblent croire, un système de convention collective est, demain, plus protecteur qu'un système statutaire. Dans un système statutaire, vous pouvez à tout moment modifier unilatéralement l'organisation et les avantages du personnel. Sous un régime de conventions collectives, vous devez commencer par une dénonciation.
    Du temps du président Blanc puis du président Spinetta, la pratique sociale en vigueur à Air France était la convention collective, qu'on a habillée ensuite en statut. Contrairement à ce qu'ont dit nos collègues, l'enjeu, c'est l'ouverture d'un vrai dialogue social, et il s'agit de tirer les conséquences d'une évolution qui remonte à plus de dix ans.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je suis un peu étonné : avec les amendements précédents, l'opposition voulait diminuer la représentativité des salariés, voilà maintenant qu'ils veulent supprimer aux salariés la possibilité de dialoguer et d'aboutir à un accord d'entreprise pendant deux ans.
    Le Gouvernement est favorable, bien entendu, au dialogue social, il veut même l'encourager.
    M. Jean-Louis Idiart. Arrêtez !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. C'est pourquoi il est défavorable aux amendements n°s 22 et 55.
    M. Yves Bur. Ils ne savent pas ce que c'est le dialogue social : pendant cinq ans, ils n'en ont pas fait !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 22 et 55.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

    M. Jean-Claude Lefort. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Claude Lefort. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement.
    Je souhaite interroger le ministre sur un fait très grave dont la presse vient de rendre compte cet après-midi et qui concerne notre débat.
    Un accord conclu entre les autorités européennes et les Américains permet à l'Europe de donner aux Américains l'accès aux fichiers des vols concernant l'ensemble des passagers. Cet accord constitue une grave atteinte aux droits des personnes, ainsi que viennent de le déclarer tous les groupes au Parlement européen. Depuis le 5 mars, les compagnies aériennes européennes doivent livrer aux douanes américaines des informations personnelles sur les passagers aériens en vertu d'un accord passé entre la Commission et l'autorité fédérale d'outre-Atlantique. C'est un véritable scandale.
    Monsieur le ministre, avez-vous été consulté sur cette décision ? Quelle est la position du Gouvernement français ?
    M. Dominique Tian. Qu'est-ce que cela a à voir avec le sujet ?
    M. Jean-Claude Lefort. Je demande instamment que vous répondiez à cette question qui met en cause les droits et libertés démocratiques en Europe et en France.
    M. Daniel Poulou. Et en Corée ? Et à Cuba ?
    M. Christian Ménard. Faut-il demander à Aéroflot ce qu'elle en pense ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Inutile, monsieur Lefort, de prendre cet air dramatique. Un accord a, en effet, été conclu pour donner l'identité des passagers, par mesure de sûreté, car, dans la situation actuelle, on place la sécurité au-dessus de tout. Si vous n'êtes pas de cet avis, il faut le dire et expliquer pourquoi !
    M. Jean-Claude Lefort. Vous approuvez donc cette mesure, monsieur le ministre ?

Reprise de la discussion


    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 11, ainsi rédigé :
    « Au début du premier alinéa de l'article 3, après les mots : "A compter insérer les mots : "au plus tard. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission a adopté cet amendement, qui vise à offrir plus de souplesse à la société Air France, afin de lui permettre, si elle le souhaite, d'engager des négociations avec les organisations syndicales représentatives des salariés dès la promulgation de la loi, au plus tard et à compter de la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital. Vous savez qu'un accord a été conclu avec plusieurs organisations syndicales sur la procédure de négociation des futures conventions collectives - il y en aura au moins trois, voire quatre. Il s'agit également de permettre la régularisation de cet accord qui, d'un point de vue juridique, a anticipé sur la loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Tout à fait favorable. Cet amendement augmente les possibilités de conclure des accords entre les partenaires sociaux.
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Cet amendement me donne tout à la fois l'occasion de m'exprimer sur le dialogue social et les syndicats, et de revenir sur quelques contre-vérités avancées par la majorité depuis l'ouverture de ce débat, hier.
    Monsieur le ministre, vous avez dit que les syndicats qui s'étaient exprimés contre la privatisation avaient été désavoués au sein même de la compagnie à l'occasion des élections générales pour le renouvellement des comités d'établissement et des délégués du personnel.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je n'ai jamais dit cela !
    Mme Odile Saugues. Je voudrais rappeler ces résultats. On a compté 38 614 votants, sur plus de 58 500 inscrits. Les neuf syndicats de l'intersyndicale qui s'opposent à la privatisation ont recueilli plus de 25 200 voix, soit près de deux tiers des suffrages exprimés. Je rappelle également que plus de 14 000 pétitions ont été déposées à l'Assemblée nationale hier après-midi.
    Quant à notre collègue M. de Courson, il nous affirme qu'il a reçu trois syndicats, majoritaires dans leur collège, qui seraient favorables à la privatisation.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
    Mme Odile Saugues. Je l'invite à surfer sur le site du SNPL : il verra que ce syndicat se prononce contre la privatisation d'Air France. Un autre de ces trois syndicats, la CGC, n'a jamais affirmé qu'il était favorable à la privatisation, mais a toujours indiqué que ce débat relevait du seul législateur. Mon cher collègue, je ne parle pas au nom des salariés et de leurs représentants, mais je vous invite à ne pas les faire parler à votre guise et selon vos aspirations pour étayer votre argumentation.
    Enfin, lors de l'examen de ce projet de loi en commission des affaires économiques, j'ai demandé que le Parlement soit informé des résultats d'une enquête commandée par la direction d'Air France, qui n'a été communiquée ni aux salariés, ni à nous-mêmes, et qui est certainement intéressante. Après tout, l'Etat est encore, pour quelques jours, l'actionnaire majoritaire de la compagnie, et le Parlement devrait pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ma chère collègue, vous ne m'avez pas écouté.
    Je n'ai pas dit que le SNPL, le syndicat majoritaire des PNC, et que la CGC, le syndicat majoritaire des cadres du personnel au sol, étaient favorables à la privatisation. Ils sont venus me préciser que, sans être demandeurs, ils ne s'opposaient pas à la privatisation. Je n'ai rien dit d'autre.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Ce que vient de dire Mme Saugues est important. En effet, monsieur le rapporteur, n'avez-vous pas, comme M. le ministre a prétendu hier que les organisations syndicales opposées à la privatisation étaient minoritaires et qu'elles avaient perdu les élections ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Moi, je n'ai jamais dit cela !
    M. François Asensi. Vous avez affirmé des contrevérités. La précision de notre collègue socialiste était donc très utile.
    On parle de dialogue social et l'on annonce que l'on va consulter les salariés de l'entreprise (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
    M. Dominique Tian. Ce n'est pas le débat !
    M. le président. Laissez M. Asensi s'exprimer !
    M. François Asensi. Le sujet est important, je le répète. En fait, les deux tiers des salariés d'Air France sont opposés à la privatisation. Reconnaissez que cette nouvelle est intéressante car vous avez soutenu hier tout à fait le contraire.
    Neuf organisations syndicales, représentant les deux tiers du personnel, se sont prononcées contre la privatisation.
    Monsieur le ministre, vous avez parlé de « cinquante manifestants » et de « 5 % de grévistes ». Ce n'est pas sérieux !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il ne faut pas faire de procès d'intention en citant des bouts de phrase et en travestissant la pensée et les propos de tel ou tel intervenant. Cela n'est pas honnête. Je le dis comme je le pense.
    Qu'ai-je dit hier ? Plusieurs choses.
    Premièrement, vous avez annoncé une pétition qui avait recueilli 14 000 signatures. Or j'ai rappelé qu'il y avait à Air France 70 000 personnes et que, selon un calcul très simple, ces 14 000 signatures représentaient 20 % du personnel.
    Deuxièmement, j'ai dit que des manifestants protestaient contre la privatisation et qu'une dépêche de l'AFP estimait qu'ils étaient cent cinquante.
    Enfin, j'ai déclaré à un autre moment que les syndicats qui étaient plutôt favorables à la privatisation progressaient mais que ceux qui y étaient plutôt défavorables régressaient. Reprenez le texte de mon intervention : c'est ce que j'ai dit mot à mot ! Je pourrais vous citer des chiffres pour éviter toute contestation.
    Je vois que cela ne vous fait pas plaisir, mais je vous le répète quand même : les syndicats qui ont soutenu la privatisation progressent.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ils sont loin d'être majoritaires !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je n'ai pas dit qu'ils étaient majoritaires : j'ai dit qu'ils progressaient. Vous ne me prendrez pas en défaut !
    M. Jean-Pierre Blazy. Bon ! D'accord !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Si vous êtes d'accord, monsieur Blazy, je ne citerai pas les chiffres.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Bartolone et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 56, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 3, après les mots : "Air France, insérer les mots : ", sauf dispositions plus favorables aux salariés, prévues par les conventions collectives applicables aux transporteurs aériens privés,»
    La parole est à M. Claude Bartolone.
    M. Claude Bartolone. Monsieur le ministre, arrêtons la caricature, notamment sur la représentation des salariés ! Vous ne pouvez pas, comme vous le faites, nous donner des leçons en nous assurant que vous voulez développer les droits salariés alors que nous avons utilisé notre droit d'amendement pour revenir sur le problème de la gouvernance de l'entreprise Air France.
    On ne peut pas évoquer la division syndicale et accorder ce qui est demandé sans savoir si cela n'influera pas sur la manière de diriger le conseil d'administration ou le conseil de surveillance d'Air France.
    S'agissant du statut particulier d'Air France, je voudrais répondre à M. le rapporteur.
    Si un gouvernement veut revenir sur un statut particulier alors qu'il y a un rapport de forces à la fois politiques et sociales au sein de l'entreprise, je lui souhaite beaucoup de plaisir. Mais puisque vous semblez si attentif à la situation des salariés et confiants quant aux propositions qui pourraient être faites par le nouvel actionnaire, j'aurais tendance à dire la chose suivante : les salariés d'Air France allant, dans votre logique, perdre à terme le bénéfice de leur statut particulier, il serait inéquitable qu'ils soient, pendant les deux ans prévus pour négocier les nouveaux textes contractuels, également privés des quelques rares dispositions plus favorables déjà applicables dans les autres entreprises du secteur et prévues à la convention collective nationale de branche. Il faut donc leur donner la possibilité de choisir pendant ces deux ans.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement n'ayant pas été examiné par la commission, c'est à titre personnel que je m'exprimerai.
    Je suis personnellement hostile à cet amendement parce qu'il perturberait la négociation de la nouvelle convention collective entre la direction et les syndicats.
    J'ajoute que le statut est actuellement plus favorable que la convention collective applicable au transport aérien privé. Or les accords d'entreprise ne peuvent pas en droit être moins favorables : ils ne peuvent qu'être plus favorables. Il faut donc laisser au dialogue social le soin de décider pour le plus grand bien des salariés. D'où mon avis négatif.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Cet amendement n'apporte rien. Ou bien un accord d'entreprise a le mérite d'exister et il doit donc jouer à plein, ou bien il n'y en a pas et c'est la convention collective qui doit s'appliquer. C'est pourquoi le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à l'amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Bartolone et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 57, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 3, après les mots : "Air France, insérer les mots : ", sauf en ce qui concerne l'obligation pour les personnels au sol, de partir à la retraite à partir de soixante ans, sous la condition du bénéfice d'une pension à taux plein,»
    La parole est à M. Claude Bartolone.
    M. Claude Bartolone. Il s'agit de donner aux salariés une plus grande liberté de choix.
    Le statut du personnel, notamment pour ce qui concerne le personnel au sol, n'ayant pas été modifié, la direction a toujours le droit de mettre à la retraite d'office les salariés ayant atteint l'âge de soixante ans et pouvant prétendre à une retraite à taux plein auprès de la CNAV, à condition d'avoir cotisé pendant quarante ans. Or, d'une part, toute clause « couperet » est maintenant illégale et, d'autre part, en droit privé, le départ à partir de soixante ans n'est qu'une possibilité et non une obligation.
    Un problème risque de se poser pour ces salariés. En effet, l'accord passé au niveau national pour que les caisses de retraite complémentaire puissent servir les retraites à partir de soixante ans est un accord provisoire, qui a été reconduit seulement pour les salariés liquidant leurs droits avant la fin de 2003. A la veille de sortir du statut d'entreprise publique, la compagnie Air France continuera donc de disposer pendant deux ans d'un droit qui n'existe pas dans le privé, celui de mettre d'office à la retraite ses salariés dès l'âge de soixante ans, quels que soient les risques qui pourraient peser sur les caisses de retraite complémentaire.
    C'est pour éviter une telle situation que cet amendement a été déposé.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement.
    Je voudrais appeler votre attention, monsieur Bartolone, sur le fait que votre amendement aurait un effet inverse de ce qui est écrit dans son exposé des motifs.
    Tel qu'il est rédigé, votre amendement fera qu'entre la date de privatisation et la date de signature de la future convention collective les personnes actuellement obligées de partir à la retraite à l'âge de soixante ans dans le cadre du statut continueront de l'être, alors que, si l'on en croit votre exposé des motifs, c'est le contraire que vous souhaitez.
    M. Claude Bartolone. Je pourrais proposer un sous-amendement...
    M. Charles de Courson, rapporteur. Je me réjouis de votre exposé des motifs, mais pas du texte de l'amendement. C'est pourquoi j'appellerai l'Assemblée à voter contre.
    Permettez-moi, pour finir, de vous rendre hommage : un responsable du parti socialiste qui pense aujourd'hui qu'il faut encourager nos concitoyens à travailler au-delà de l'âge de soixante ans fait preuve d'une grande responsabilité personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je m'étonne moi aussi de voir les défenseurs de l'immuabilité du statut du personnel vouloir rejoindre au plus vite le droit commun sur certains sujets.
    Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, vous avez voulu dans un premier temps réduire la représentativité des salariés au conseil d'administration. Dans un deuxième, vous avez voulu supprimer les deux années nécessaires à une bonne négociation. Dans un troisième, vous préférez le droit commun à un accord collectif, éventuellement plus favorable.
    Pouvez-vous m'expliquer où est votre logique ?
    Avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.
    M. Claude Bartolone. Monsieur de Robien, trop, c'est trop ! Il fut un temps où, lorsque nous avions la majorité dans cette assemblée, vous donniez presque des gages au gouvernement d'alors pour le persuader qu'il y avait bon nombre de sujets où rien ne vous séparait. Vous franchissez là la ligne des excès, mais dans l'autre sens. Que vous donniez une image caricaturale du point de vue que défend l'opposition aujourd'hui est insupportable.
    Le débat de fond vaut à la fois pour le privé et pour le public. Il peut se résumer à une question : comment peut-on, au sein d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance, donner la parole aux salariés de telle façon que cela puisse être utile à la fois à ces salariés et à la bonne marche de l'entreprise ?
    Vous ne pouvez pas, la main sur le coeur, faisant valoir votre prétendue fibre sociale, regretter la division syndicale et ne pas vous interroger sur la répercussion que pourrait avoir la division de collèges de représentation différents sur la gestion d'une grande entreprise comme Air France.
    Pierre Mauroy a eu le courage, sous les huées de l'opposition de l'époque, de proposer la retraite à l'âge de soixante ans. A aucun moment les socialistes n'ont voulu insistuer un « couperet » : ils ont voulu ouvrir le droit à la retraite à l'âge de soixante ans. Mais on doit laisser à des salariés qui ne seraient pas dans la situation de bénéficier d'une retraite, notamment d'une retraite complémentaire, au taux maximum, la possibilité d'avoir la meilleure des retraites possibles.
    Alors que les positions du Gouvernement feront naître une inquiétude dans le pays en ce qui concerne les retraites, donner le sentiment que nous ne souhaitons pas permettre à des salariés de partir à la retraite avec le plus haut niveau de retraite possible reviendrait à porter une attaque à la situation des salariés d'Air France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour une très courte intervention.
    M. François Asensi. Je serai bref.
    Si j'ai bien compris, monsieur de Courson, vous voulez que les salariés travaillent au-delà de l'âge de soixante-cinq ans. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ce n'est pas moi, c'est M. Bartolone !
    M. François Asensi. Voilà une grande avancée sociale ! Je vous invite à faire un tour de France : nous rencontrerons tous les deux les travailleurs de Daewoo, de Metaleurop et d'Air Lib, à qui on ne demande même pas de travailler jusqu'à l'âge de soixante ans puisqu'on les « vire » avant.
    Vous êtes un peu gonflé...
    M. Charles de Courson, rapporteur. C'est trivial !
    M. François Asensi. Je suis trivial, en effet !
    Vous êtes un peu gonflé de demander aux travailleurs de travailler au-delà de l'âge de soixante-cinq ans alors que les plans de licenciements se multiplient.
    M. Dominique Tian. Même à l'Humanité !
    M. Jacques Godfrain. Je demande la parole, monsieur le président.
    M. le président. Ne souhaitant pas ne donner la parole qu'à l'opposition, je vais la donner également à M. Jacques Godfrain.
    Vous avez la parole, cher collègue.
    M. Jacques Godfrain. Monsieur Bartolone, je viens de vous écouter défendre les salariés. Je suis très surpris que vous l'ayez fait dans les termes qui ont été les vôtres car l'histoire récente montre que le gouvernement socialiste de l'époque a totalement grugé les salariés d'UTA : aujourd'hui encore, ce qu'Air France doit aux salariés d'UTA est complètement passé sous silence.
    Je vous appelle en conséquence à faire preuve de beaucoup de modestie.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 31, ainsi libellé :
    « Après le mot " mentionnés , rédiger ainsi la fin du dernier alinéa de l'article 3 : " à l'alinéa précédent. Les dispositions de l'article L. 351-4 du code du travail ne s'appliquent à la société Air France qu'à partir de la même date. Jusqu'alors continuent de s'appliquer les dispositions de l'article L. 351-12 du code du travail .»
    La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Cet amendement vise à supprimer tout délai pour les négociations.
    Le changement de statut de la compagnie induit un changement considérable pour la société et ses personnels. Il serait traumatisant d'y ajouter un délai susceptible d'altérer la qualité de négociations qui devront forcément aboutir.
    La nouvelle logique d'entreprise risquant d'affecter sensiblement la situation de l'ensemble des personnels, il serait pour le moins légitime de laisser bénéficier ces derniers de leur statut actuel le temps nécessaire aux négociations.
    C'est l'implication de ses personnels qui a fait d'Air France l'un des fleurons de notre industrie aéronautique. C'est avec son statut actuel qu'Air France est devenu et est resté l'une des toutes premières compagnies mondiales. C'est aussi parce qu'Air France a renoncé à la politique de dumping social pratiquée par d'autres compagnies comme British Airways qu'elle est devenue ce qu'elle est aujourd'hui.
    Air France illustre le fait que l'on n'a pas besoin de moins-disant social pour obtenir des résultats commerciaux. Elle est l'une des trois grandes compagnies nationales à afficher des résultats positifs. Ce ne serait donc que justice que de laisser les partenaires élaborer tranquillement et dans l'intérêt de tous la meilleure convention possible sans placer le couperet du délai au-dessus de la table de négociation.
    Une totale liberté de négociation laissée aux partenaires ne serait qu'une juste reconnaissance du travail fourni.
    Voilà pourquoi nous proposons la suppression de tout délai.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission a examiné cet amendement et l'a rejeté pour les raisons suivantes.
    D'abord, dans le texte du Gouvernement, un délai de deux ans est prévu entre la date de privatisation et la date limite de l'accord. S'il n'y a pas accord, on tombe dans le droit commun, c'est-à-dire dans la convention collective de branche des transports aériens privés, qui est moins favorable. L'intérêt de tous est donc de parvenir à un accord.
    Ensuite, nous avons adopté un amendement qui permet la négociation dès la date de publication de la loi. Si l'on privatise dans un an et demi, cela fera au total trois ans et demi, soit un délai très important.
    J'ai tout à l'heure évoqué l'accord passé sur le calendrier de négociations pour arriver aux conventions collectives - il y en aura plusieurs. Les partenaires sociaux trouvent qu'un délai de deux ans est tout à fait raisonnable, et même un peu excessif.
    La commission s'est montrée très sage en rejetant l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'amendement vise à figer le statut des salariés d'Air France dans son état actuel. Le Gouvernement propose au contraire un délai de deux ans à partir de la privatisation, et j'ai précisé que ce délai courra à partir du moment où il y aura privatisation, c'est-à-dire quand la participation de l'Etat sera inférieure à 50 %.
    Faisons donc confiance au dialogue social ! Nous savons déjà, car nous avons des contacts avec Air France, que ce dialogue est bien entamé et qu'il est positif. Sur la forme, la négociation est donc engagée, et je pense que c'est un heureux présage.
    Pour cette raison supplémentaire, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 31.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Avant d'appeler l'amendement n° 58 de Mme Saugues, j'informe l'Assemblée que, sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    L'amendement n° 58, présenté par Mme Saugues, MM. Bartolone, Idiart, Bapt et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 3, substituer au nombre "deux le nombre "six. »
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. La guerre du Golfe s'est traduite pour le transport aérien par une crise qui a duré six années et dont les séquelles sont encore très visibles. Mais les salariés ne sauraient être victimes du choix du Gouvernement de présenter un projet de loi de privatisation d'Air France en plein milieu d'une crise internationale dont nous ne connaissons pas l'issue. Il est donc proposé en raison du risque d'un nouveau conflit en Irak de permettre aux personnels d'Air France de conserver leur statut particulier pendant six ans.
    M. François Asensi. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je proposerai son rejet pour les raisons que j'ai données précédemment. Le délai de deux ans et le délai prévu entre la date de publication de la loi et la date de privatisation sont très largement suffisants. Et je me répète, l'accord qui a été signé par trois organisations syndicales prévoit même des délais plus courts.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement a une tout autre optique que Mme Saugues dont l'amendement revient à dire que les partenaires sociaux seront incapables de trouver un bon accord d'entreprise en deux ans. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il leur faudrait six ans d'après vous, mais qu'est-ce qu'une négociation de six ans pour vous, madame Saugues, qui connaissez pourtant cela sur le bout des doigts ?
    A mon avis, cet amendement a pour principal mérite de vous permettre de prendre la parole et de vous exprimer. S'il était voté, les salariés eux-mêmes ne le trouveraient pas sérieux et estimeraient qu'il traduit une méfiance vis-à-vis des partenaires sociaux. Telle n'est pas ma vision des choses. Vous verrez d'ailleurs qu'ils auront réussi à trouver un bon accord bien avant l'expiration du délai prévu.
    M. Nicolas Perruchot. Eh oui !
    M. Jean-Michel Couve. Six ans, c'est dilatoire !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, c'est la deuxième fois depuis hier que M. le ministre met le doigt dans le pot de confiture ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il est à mes yeux absolument insupportable de se tourner vers l'opposition en lui affirmant qu'elle dépose ses amendements sans croire, en définitive, à ce qu'elle propose, mais simplement pour prendre la parole. Si nous avions eu envie de faire de l'obstruction parlementaire, ou même, simplement, de faire traîner les choses, nous aurions opéré d'une autre manière !
    M. François Asensi. Bien sûr ! Il a raison !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous avez le droit de ne pas être d'accord avec nous sur le fond et, bien sûr, de nous le faire remarquer : c'est le débat démocratique. Mais donner des leçons comme vous le faites d'une façon constante depuis hier : non ! Je n'ose même pas dire qu'à deux ou trois reprises ce fut en direction d'une femme. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est la parité !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 58.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   73
Nombre de suffrages exprimés   73
Majorité absolue   37
Pour l'adoption   16
Contre   57

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Mme Saugues, MM. Idiart, Bapt, Bartolone et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 64, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 3 par l'alinéa suivant :
    « Les contrats de travail des salariés en cours au jour de la modification de la situation juridique de l'entreprise Air France subsistent conformément au deuxième alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail. »
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Conformément aux règles du droit du travail, le changement de statut de l'entreprise Air France ne saurait remettre en cause les contrats de travail du personnel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné en commission.
    Le célèbre article L. 122-12 du code du travail auquel l'amendement se réfère indique que : « S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, tranformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. » Je me suis donc posé la question de savoir si les salariés d'Air France avaient un contrat de travail, Air France étant une entreprise à statut. Après vérification auprès des services de la compagnie, je peux vous dire qu'ils ont bien un statut et un contrat de travail. L'amendement proposé est donc superfétatoire. Je vous propose, à titre personnel, de le rejeter.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le contrat de travail persiste et le statut est maintenu pendant la période de négociation de deux ans. L'amendement est donc superfétatoire, comme vient de le dire M. le rapporteur.
    Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 11.
    (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 3

    M. le président. M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 39, ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « A compter de la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France, des négociations sont engagées par celle-ci afin de régler le contentieux né de la fusion UTA/Air France afin d'indemniser les ex-salariés d'UTA par une distribution d'actions. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Je regrette que M. Godfrain ait quitté cet hémicycle puisque, tout à l'heure, il a évoqué incidemment la question que j'aborde dans cet amendement qu'il semblait prêt à adopter.
    Il s'agit d'une affaire ancienne qui remonte à une dizaine d'années. En effet, un décret du 18 décembre 1992 a autorisé une fusion inversée entre la société UTA et la compagnie nationale Air France et précisons ici que juridiquement c'est UTA qui a absorbé Air France et non pas l'inverse. Pourtant, les 6 000 salariés d'UTA, actionnaires de l'entreprise par l'intermédiaire d'une société coopérative de main-d'oeuvre, n'ont pas été indemnisés à la juste valeur de l'entreprise, contrairement à l'actionnaire principal. En effet, alors que la direction du Trésor avait estimé le montant de leur indemnisation à 600 millions de francs, celle-ci a été calculée en 1993 non pas sur la base de la valeur d'UTA, entreprise bénéficiaire vendue à plus de 7 milliards de francs, mais sur celle de la valeur d'Air France, alors déficitaire. En outre, non seulement cette indemnisation a été sous-estimée, mais certains ayants droit ont été oubliés.
    Depuis dix ans, de nombreux contentieux se sont développés. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion d'intervenir à ce sujet car il faut reconnaître que ni le président Attali, ni le président Blanc, ni le président Spinetta, pas plus que les gouvernements en place n'ont pu résoudre cette question. Et aujourd'hui, dans la logique de privatisation qui est la vôtre, monsieur le ministre, il me semblerait indispensable de dénouer enfin la situation en indemnisant les ex-salariés d'UTA par une distribution d'actions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, pas même dans le cadre de l'article 88. Je rappellerai d'abord que les tribunaux ont tranché cette affaire à plusieurs reprises et qu'il y a autorité de la chose jugée. Je suggérerai ensuite à mon collègue de bien vouloir retirer cet amendement qui critique le gouvernement en place en 1992 que ses amis et lui soutenaient.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Comme l'a souligné M. Blazy, la fusion intervenue en 1992 entre UTA et Air France a fait naître des contestations de la part de certains anciens salariés d'UTA qui se sont opposés à ses modalités, allant jusqu'à assigner l'Etat devant le tribunal de commerce de Paris. Ils n'ont pas été en mesure de convaincre le tribunal de leurs droits à agir contre l'Etat et ont fini pas se désister.
    Par ailleurs, des indemnités ont été versées par Air France aux anciens salariés actionnaires de la société anonyme à participation ouvrière UTA. Dans un premier temps, des ayants droit avaient été oubliés. Air France a corrigé ces oublis. Enfin, des anciens salariés d'UTA ont considéré que leur rémunération n'avait pas été maintenue après la fusion, en infraction au code du travail. Les tribunaux et, en dernier lieu, la Cour de cassation ont donné raison à Air France dans ce contentieux.
    Il n'y a donc aucune raison de rouvrir ce dossier qui, au demeurant, n'a aucun lien avec la privatisation de la compagnie. Si M. Blazy ne retire pas son amendement, le Gouvernement serait obligé de donner un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Il n'y a pas lieu de retirer cet amendement.
    Je ne peux pas laisser M. de Courson dire trop facilement que le gouvernement que je pouvais soutenir à l'époque est à l'origine de ces contentieux. Je rappellerai que la fusion de décembre 1992 a précédé de quelques mois les élections législatives de 1993, et qu'une alternance a suivi. Il faut savoir rester objectif.
    Aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans n'a réglé la question. Il est vrai que les contentieux portés devant les tribunaux n'ont pas abouti favorablement. Reste que la situation qui leur a été faite n'est pas équitable et qu'on pourrait régler le problème grâce à cet amendement. En conséquence, je ne le retirerai pas, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - Pour l'application à la société Air France de l'article 8-1 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, les statuts de cette société peuvent prévoir que la représentation des salariés et des salariés actionnaires au conseil d'administration ou, selon le cas, au conseil de surveillance est celle prévue par l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile dans sa rédaction issue de l'article 2 de la présente loi.
    « Lors du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France, les membres ainsi que le président du conseil d'administration de cette société restent en fonction jusqu'à l'issue de la réunion de la première assemblée générale des actionnaires postérieure à ce transfert. L'assemblée générale des actionnaires doit être convoquée dans les deux mois suivant le transfert.
    « Toutefois, les administrateurs de la société Air France élus par les salariés et les administrateurs représentant les salariés actionnaires restent en fonction jusqu'à l'élection ou la désignation, selon le cas, des nouveaux administrateurs, conformément aux dispositions de l'article L. 342-3 du code de l'aviation civile dans sa rédaction issue de l'article 2 de la présente loi. Cette élection et cette désignation interviennent dans un délai maximum de six mois suivant le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société. »
    La parole est à M. François Asensi, inscrit sur l'article.
    M. François Asensi. L'article 4 illustre les difficultés juridiques de la transformation du statut de l'entreprise et tire les conséquences des choix opérés.
    Lors d'un changement de statut, il est bien évidemment nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques propres à la composition des organes dirigeants de l'entreprise. Cela pourrait sinon aboutir à un télescopage de l'ancien dans le nouveau, le conseil d'administration étant momentanément composé d'administrateurs issus de la première assemblée générale ayant suivi le transfert au marché et d'administrateurs élus par les salariés avant l'adoption du présent projet. Or il n'y a que les arguments de la privatisation pour nous permettre cette petite gymnastique législative.
    L'argument de l'augmentation de la réprésentation salariée ne trompe personne. Non seulement l'accroissement des catégories de personnels représentées au sein du conseil d'administration ou de surveillance ne vise qu'à la fragmentation et à la division parmi ceux qui pourraient faire contrepoids au sein de l'instance dirigeante, mais elle n'est qu'un alibi grossier à un moment où va s'imposer la règle banale du droit des sociétés. Les droits de vote liés aux actions, c'est-à-dire à l'exigence du rendement boursier, vont devenir prépondérants dans l'entreprise. Comment, dans cette situation, une augmentation de la représentation du personnel pourrait-elle avoir une quelconque incidence sur les objectifs stratégiques de l'entreprise ? Le seul et unique impératif qui va s'imposer à l'entreprise, c'est celui des rendements boursiers. Et qu'auraient rapporté, monsieur le ministre, aux salariés d'Air Lib, qui ont été mis à la porte, deux sièges de plus dans la situation que connaît aujourd'hui la société ?
    Il ne faut pas se moquer du personnel, monsieur le ministre. C'est lui qui fait le patrimoine d'une entreprise comme Air France. C'est lui qui par son histoire, sa mémoire, son savoir-faire, a préparé cette entreprise aux excellents résultats que nous connaissons. Il mérite mieux que deux strapontins supplémentaires. Il mérite d'être pris en compte, d'être consulté et de compter vraiment dans les choix de l'entreprise, que ce soit avant ou après la privatisation.
    C'est pourquoi, quelles que soient les modalités de la recomposition de l'instance dirigeante, nous ne pouvons adhérer à l'esprit de cet article.
    Pour finir, je citerai une dépêche de l'agence Reuter en date du 28 février, qui rapporte que, d'après le quotidien financier allemand Handelsblatt, le commissaire européen à la concurrence, Mario Monti, ferait barrage à l'alliance SkyTeam si la compagnie aérienne néerlandaise KLM, aux déplorables résultats, et les américains Continental et Northwest Airlines l'intégraient. Dans ces conditions, on peut se demander où est votre stratégie puisque vous proposez une loi de privatisation dans le but d'aboutir à de grandes restructurations capitalistiques avec d'autres compagnies européennes. En fait, le scénario est prêt : le démantèlement de SkyTeam est déjà prévu au profit de la création d'une nouvelle société européenne à capitaux privés. C'est la fin d'Air France. Voilà la réalité avec toutes les conséquences que cela va avoir pour la pérennité du hub Air France à Roissy et l'aménagement du territoire.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 23 et 40.
    L'amendement n° 23 est présenté par M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 40 est présenté par M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 4. »
    La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 23.
    M. François Asensi. J'ai déjà défendu cet amendement, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 40 est-il défendu ?
    M. Jean-Louis Idiart. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 23 et 40 ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. S'ils étaient adoptés, le texte contiendrait en effet des incohérences puisque l'article 2 a été adopté.
    Mme Muguette Jacquaint. Mais nous sommes cohérents !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Quand il y a de nouveaux actionnaires dans une entreprise qui rentrent dans le capital, il faut bien en tirer les conséquences au niveau de la composition du conseil d'administration. Et c'est l'objet de l'article 4 que de préciser cette composition.
    Franchement, mesdames et messieurs les députés, à quoi rimerait de priver Air France d'un conseil d'administration pendant des semaines, voire des mois ? Est-il raisonnable de laisser ainsi les modalités de renouvellement dans le flou ? A-t-on déjà vu une entreprise pouvoir durablement exister, prendre des décisions, surtout dans une conjoncture difficile, sans conseil d'administration ? Non, vraiment, le Gouvernement ne peut être que défavorable à ces amendements.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Monsieur le ministre, le flou est de votre côté. Quand Air France sera mise sur le marché, vous ne saurez pas quelle sera la rémunération de l'Etat. Voilà où est l'inconnu. D'ailleurs, plus on avance dans ce débat, plus on s'aperçoit que ce projet de loi a un caractère idéologique et qu'en fait, vous ne savez pas où vous allez. Vous pilotez à vue, mais avec de grandes difficultés, monsieur le ministre, faisant subir un grave préjudice à la compagnie Air France.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 23 et 40.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 12, ainsi rédigé :
    Dans la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 4, substituer aux mots : "doit être le mot : "est ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement est purement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 12.
    (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

    M. le président. « Art. 5. - L'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier est ainsi modifié :
    « 1° Le II est ainsi rédigé :
    « II. - En cas d'opération donnant lieu à l'application du III, l'Etat est autorisé à céder gratuitement ou à des conditions préférentielles aux salariés de la société Air France qui auront consenti à des réductions de leur salaire des actions de cette société dans la limite de 6 % de son capital.
    « La société Air France rembourse à l'Etat le coût, déterminé selon des critères fixés par décret en Conseil d'Etat, résultant pour ce dernier de la mise en oeuvre de l'alinéa précédent, en tenant compte notamment de l'augmentation de valeur de la participation de l'Etat pouvant résulter des réductions de salaire.
    « Une convention passée entre la société et l'Etat prévoit les modalités de ce remboursement, qui doit intervenir au plus tard dans un délai de deux ans et qui peut notamment prendre la forme d'une attribution à l'Etat de titres d'Air France, ou l'attribution par la société Air France d'actions gratuites, au titre de l'article 12 ou de l'article 13 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Cette convention doit être approuvée par la commission mentionnée à l'article 3 de ladite loi.
    « L'article L. 225-40 du code de commerce n'est pas applicable à la procédure d'approbation de la convention, qui est soumise à l'approbation directe du conseil d'administration, sur le rapport des commissaires aux comptes.
    « Sous réserve des dispositions de l'article 150-0 D du code général des impôts, la valeur des actions mentionnées au présent II n'est pas retenue pour le calcul de l'assiette de tous impôts, taxes et prélèvements assis sur les salaires ou les revenus. Elle n'a pas le caractère d'éléments de salaire pour l'application de la législation du travail et de la sécurité sociale.
    « Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 443-2 du code du travail ne sont pas applicables aux opérations régies par le présent II.
    « Les avantages résultant de l'application des dispositions du II et du III sont cumulables. Lesdites dispositions sont sans influence sur les droits antérieurement acquis par les salariés de la société Air France au titre du présent article.
    « Un décret détermine les conditions d'application du présent II, et notamment le délai, qui ne peut excéder cinq ans, pendant lequel tout ou partie des actions visées au présent II sont incessibles. » ;
    « 2° Il est complété par un IV ainsi rédigé :
    « IV. - Les dispositions du II et du III s'appliquent tant que les articles 11 et 12 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 précitée sont applicables à la société Air France. »
    La parole est à M. François Asensi, inscrit sur l'article 5.
    M. François Asensi. Comme pour l'article précédent, mon intervention vaudra défense de l'amendement de suppression.
    Cet article 5 organise les conditions du transfert aux salariés d'actions de l'entreprise, en échange de réductions de salaire, ainsi que les conditions de restitution à l'Etat des avantages consentis aux salariés par la nouvelle entreprise privatisée. Il s'inscrit dans la bonne tradition libérale, puisqu'il tend à développer l'actionnariat salarié dans le transport aérien.
    Il ne vise rien de moins qu'à transformer de manière radicale le mode de rémunération traditionnellement fondé sur le salariat. Autrement dit, il tente de substituer au statut de salarié, auquel sont attachés certains droits en matière de protection sociale, le grand mirage du casino boursier.
    Depuis plusieurs années, les salaires ont été bloqués à Air France ou n'ont progressé que très faiblement. Les salariés ont donc consenti d'énormes efforts. Les cours actuels de l'action Air France sont bien en deçà du niveau qu'ils espéraient, ce qui est tout à fait logique dans une branche où, les meilleures années, les marges atteignent péniblement 2 %. C'est un profit tout à fait dérisoire au regard des taux de rendement - de l'ordre de 15 % - exigés en général par les investisseurs et pour les autres fonds de pension.
    La généralisation du dispositif d'échange « salaires contre actions » ne pourra qu'être source de déboires pour les salariés, pour ne pas dire d'escroquerie pure et simple. En d'autres termes, on leur propose de renoncer à un salaire, avec les droits et les garanties qui y sont attachés, contre du capital. Vous ne leur offrez rien d'autre que d'échanger la stabilité et la garantie d'un emploi contre la volatilité et la loterie du marché. Vous transférez la prise de risque au salarié.
    Par le mirage de l'actionnariat salarié, vous faites porter par le personnel - en lui demandant de modérer sa demande sociale - un risque par nature inhérent au capital et à l'investissement. A ce jeu-là, les salariés d'US Air viennent de perdre leurs retraites ; ceux d'United Airline, propriétaires de leur entreprise, n'ont pratiquement plus d'autre choix que de perdre leur épargne ou de perdre leur emploi. C'est la schizophrénie de l'actionnariat salarié dans toute son ampleur !
    Vous voudriez que les salariés les plus modestes, ceux qui n'ont que leur salaire comme moyen d'existence, investissent en actions le risque de tout perdre pour le miroir aux alouettes. Quant aux véritables investisseurs, ceux qui ne jouent que le surplus - c'est-à-dire le superflu, le patrimoine -, il leur serait permis d'exiger la réduction des coûts du travail et de rehausser une partie du risque qui incombe par nature à un investisseur. Nous nous opposons, philosophiquement, à ce système d'échange « salaires contre actions » !
    Par ailleurs, compte tenu de l'échelle des salaires, vous introduisez l'inégalité comme mode d'intéressement de l'entreprise. Comment celui qui a besoin de l'intégralité de son salaire pour vivre pourrait-il dégager de l'épargne pour acheter des actions ? Ce n'est pas sérieux ! Nous nous opposons à l'esprit comme à la lettre de cet article.
    M. Spinetta n'a pas voulu rendre public un sondage qui avait été fait auprès des personnels, et nous le regrettons. Nous en déduisons que notre opposition est largement partagée par les personnels, et le débat que nous avons eu tout à l'heure sur les résultats des élections syndicales...
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Donnez les chiffres de ce sondage !
    M. François Asensi. Je ne les ai pas. Si vous les avez, monsieur le ministre, informez-en la représentation nationale.
    Mme Muguette Jacquaint. Donnez-les !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Si vous ne les avez pas plus que moi, pourquoi en parlez-vous ?
    M. François Asensi. Le sondage a été fait par la société Air France, mais nous n'en avons pas les résultats ! Les administrateurs salariés qui les ont demandés ne les ont pas obtenus. Voilà où nous en sommes !
    (M. Jean Le Garrec remplace M. Eric Raoult au fauteuil de la présidence.)

présidence de m. jean le garrec,
vice-président

    M. le président. Mes chers collègues, je reprends cette présidence en sachant que je devrai impérativement suspendre la séance vers dix-neuf heures trente. Il ne tient qu'à vous que le débat puisse s'achever à ce moment-là. Sinon, il reprendra à vingt et une heures.
    Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 24 et 41.
    L'amendement n° 24 est présenté par M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 41 est présenté par M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 5. »
    M. le président. Monsieur Asensi, puis-je considérer que l'amendement n° 24 a été défendu ?
    M. François Asensi. Oui.
    M. le président. L'amendement n° 41 également ?
    M. Jean-Louis Idiart. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 24 et 41.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 13, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa du 1° de l'article 5 par la phrase suivante :
    « Si les demandes des salariés excèdent cette limite, le ministre chargé de l'économie fixe par arrêté les conditions de leur réduction. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir un dispositif technique dans l'hypothèse, que le Gouvernement n'a pas envisagée, où la demande excède l'offre, en l'occurrence les 6 % du capital de la société. Il s'agit d'un mécanisme de réduction, à l'instar de ce qui avait été fait pour les ORS.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 14, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le troisième alinéa du 1° de l'article 5 :
    « La société Air France rembourse à l'Etat le coût résultant pour ce dernier de la mise en oeuvre de l'alinéa précédent, en tenant compte notamment de l'augmentation de valeur de la participation de l'Etat pouvant résulter des réductions de salaire. Ce coût est déterminé selon des critères fixés par décret en Conseil d'Etat. »
    « La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il s'agit là d'un amendement rédactionnel. C'est également le cas des amendements n°s 15, 16 et 17.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Favorable à ces quatre amendements.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 15, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du quatrième alinéa du 1° de l'article 5, substituer aux mots : "doit intervenir le mot : "intervient. »
    Je mets aux voix l'amendement n° 15.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 16, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du quatrième alinéa du 1° de l'article 5, substituer aux mots : "d'Air France, ou l'attribution les mots : "de la société Air France, ou d'une attribution.»
    Je mets aux voix l'amendement n° 16.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. de Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 17, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du quatrième alinéa du 1° de l'article 5, substituer aux mots : "doit être le mot : "est».
    Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Courson, rapporteur, a présenté un amendement, n° 18, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le quatrième alinéa du 1° de l'article 5 par la phrase suivante :
    « Si le remboursement prévu au présent alinéa emporte, pour la société, la constatation dans ses comptes d'une charge, celle-ci est déductible de son résultat imposable. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement est destiné à préciser la nature juridique du remboursement prévu par le texte gouvernemental. Il vise à organiser la déductibilité fiscale du coût. Il permettra au Gouvernement de clarifier la nature et les modalités de la déductibilité fiscale du coût remboursé par la société Air France à l'Etat, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'opération d'attribution d'actions gratuites en échange de réductions de salaires par les salariés.
    Il convient en effet d'assurer la neutralité du dispositif pour qu'à l'occasion de l'opération de réduction de salaires, compte tenu de la part d'actions déjà détenues par le personnel et de la part qu'il pourra acquérir, et eu égard au mécanisme d'actualisation, l'Etat ne paie pas indûment plus que le montant induit en propre par la compensation de la baisse des salaires.
    Cela dit, monsieur le ministre, si vous confirmiez cette interprétation, je retirerais l'amendement n° 18, en accord avec la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Ce remboursement sert effectivement à compenser une partie des actions données aux salariées d'Air France en contrepartie d'une réduction de salaire. On verra que c'est facultatif. Ce remboursement correspond à des salaires. C'est une charge pour l'entreprise. Elle est donc déductible.
    Compte tenu de ces éléments et de la confirmation que je vous donne aujourd'hui, monsieur le rapporteur, au nom de mon collègue ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, que cette charge est bien déductible pour le calcul de l'impôt sur les sociétés, je vous demande de retirer votre amendement. Je pense vous avoir donné toute assurance à cet égard.
    M. le président. Monsieur de Courson, êtes-vous convaincu ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Dès lors que le ministre donne satisfaction à la commission, je retire l'amendement, comme convenu.
    M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 38 et 19, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :
    « Compléter le cinquième alinéa du 1° de l'article 5 par la phrase suivante :
    « L'examen des recours de droit commun se rapportant à cette convention relève de la compétence du tribunal de grande instance de Paris. »
    L'amendement n° 19, présenté par M. de Courson, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Compléter le cinquième alinéa du 1° de l'article 5 par la phrase suivante :
    « L'examen des recours contre cette convention relève de la compétence du tribunal de grande instance de Paris. »
    La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 38.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Cet amendement prend en compte la proposition de la commission des finances. Il précise la juridiction compétente en cas de litige se rapportant à la convention passée entre l'Etat et Air France. Il précise également, à cette occasion, la nature des recours possibles : ceux des actionnaires, évitant les recours de tiers.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 19 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 38.
    M. Charles de Courson, rapporteur. La commission avait adopté l'amendement n° 19. Comme le Gouvernement nous a donné satisfaction avec l'amendement n° 38, dont la rédaction est meilleure que celle de l'amendement n° 19, la commission est d'accord pour retirer l'amendement n° 19 et appeler l'Assemblée à adopter l'amendement n° 38.
    M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 38.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 42 rectifié, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter la première phrase du sixième alinéa du 1° de l'article 5 par les mots : "à l'exception des cotisations au titre de l'assurance vieillesse.
    « II. - En conséquence, après ce même alinéa, insérer l'alinéa suivant :
    « Un décret en Conseil d'Etat viendra déterminer les conditions dans lesquelles sont prises en compte les cotisations au titre de l'assurance vieillesse mentionnées à l'alinéa précédent permettant l'ouverture de droits au titre de l'assurance vieillesse. »
    La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. La possibilité de souscrire à une opération d'échange salaire/action ne doit pas conduire, à terme, à une remise en cause du niveau de pension de retraite des salariés. A cette fin, il convient de mettre en place un mécanisme permettant de cotiser au titre de l'assurance vieillesse pour un niveau équivalent à celui précédant l'échange, afin de ne pas priver de ressources ce régime, tout en prévoyant, à terme, la prise en compte de ces cotisations pour déterminer la pension servie.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Idiart, de la précision de votre présentation.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné en commission mes chers collègues, mais, à titre personnel, je vous appellerai à voter contre.
    Monsieur Idiart, un tel dispositif n'était pas prévu dans la loi de 1998 que vous aviez votée.
    M. Jean-Louis Idiart. Je suis fier de ce que j'ai voté !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Entre nous, l'avantage offert est déjà conséquent. En donner un supplémentaire déséquilibrerait le système en place. En outre, je rappelle qu'il s'agit d'un choix individuel et qu'il n'a rien d'obligatoire.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Le Gouvernement ne souscrit pas à cet amendement. Un tel dispositif ne serait pas opposable juridiquement aux différents régimes de retraite. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

    M. le président. « Art. 6. - I. - Le premier alinéa de l'article L. 342-4 du code de l'aviation civile est supprimé.
    « II. - Les dispositions de l'article 2 de la présente loi entrent en vigueur à la date du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Air France.
    « Les articles L. 341-1, L. 342-1 et L. 342-2 du code de l'aviation civile sont abrogés à cette même date. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
    La parole est à M. Michel Pajon.
    M. Michel Pajon. Cet article a été présenté par le Gouvernement et la majorité comme un article de pure forme, visant à supprimer de la législation des dispositions qui seraient tombées en désuétude. La réalité nous paraît tout autre. Soustraire Air France à ses obligations en matière d'aménagement du territoire n'est pas anodin.
    En choisissant la suppression pure et simple de l'obligation faite à la compagnie de garantir certaines liaisons nationales, le Gouvernement a cédé de façon caricaturale à ses préjugés idéologiques, au total mépris du principe de continuité du service public.
    Ainsi, une fois privatisée, Air France pourrait complètement abandonner les lignes les moins rentables en conservant un quasi-monopole sur les liaisons nationales les plus profitables. Nous n'acceptons pas cette perspective de dérégulation.
    Chaque fois que cet argument vous a été opposé au Sénat, monsieur le ministre, vous avez esquivé la question en la renvoyant à l'obligation du service universel, dont les modalités restent largement à définir au niveau européen.
    Vous avez dit notamment que les appels d'offres - c'est-à-dire la loi du marché - pallieraient nécessairement le risque de déshérence des lignes d'intérêt régional. C'est là s'enfermer dans une idéologie rigide qui relève de l'utopie libérale. Car il n'est pas exclu que certains de ces appels d'offres restent infructueux ni que plusieurs de ces liaisons ne puissent pas être assurées, y compris par des compagnies low cost, dont les pratiques pourraient, en outre, être préjudiciables aux usagers comme aux salariés.
    Vous avez également évoqué la possibilité de réquisition de la compagnie Air France en cas de nécessité, mais vous n'avez pas jugé utile d'inscrire cette possibilité et les conditions de son application dans votre texte, préférant à cette solution un silence évocateur. Dans le même temps, vous avez ironisé sur l'utilité des liaisons de type « Paris-Rodez à 50 euros ».
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. « Ironisé ? »
    M. Michel Pajon. Tous ces propos ne rassureront sans doute guère nos concitoyens d'outre-mer, qui s'inquiètent aujourd'hui des conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles seront assurées les relations aériennes avec la métropole, après le dépôt de bilan d'Air Lib.
    Monsieur le ministre, vous comprendrez que nous ne puissions pas nous satisfaire de déclarations contradictoires ni du manque de garanties de votre texte en matière d'aménagement du territoire et de continuité du service public.
    M. le président. La parole est à M. François Asensi.
    M. François Asensi. Je défendrai en même temps l'amendement de suppression correspondant.
    Nous voici au terme de cette discussion. L'article 6 sonne le glas de la tutelle du ministre des transports sur la société Air France.
    Mme Muguette Jacquaint. Eh oui !
    M. François Asensi. Cela laissera un peu plus de temps à celui-ci pour préparer la libéralisation totale des transports ferroviaires à l'horizon 2008 !
    Cet article supprime également toute référence aux obligations de service public et à l'intérêt général. C'est bien là l'un des risques majeurs de cette privatisation. Que l'on sacrifie l'intérêt général au profit de l'intérêt privé aura des conséquences d'autant plus dommageables dans le cas d'Air France, qui assurait en tant que compagnie de transport aérien - et quoi qu'en dise M. de Courson - des missions de service public et d'intérêt général.
    Sans un cahier des charges, qui est une sorte de guide de bonne conduite entre l'Etat et la compagnie, rien n'aurait empêché Air France de mener une politique de dumping social, comme l'ont fait d'autres compagnies. J'ai souvent cité British Airways.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est répétitif !
    M. François Asensi. C'est peut-être répétitif, mais c'est intéressant. British Airways, qu'on nous présentait comme le modèle du libéralisme, est aujourd'hui en difficulté. Elle a été privatisée. Elle perd des emplois. Elle perd de l'argent.
    M. Blanc a confirmé hier que, sous la précédente présidence d'Air France, sans l'intervention du Président de la République - M. Chirac -, la compagnie serait exclusivement équipée de Boeing, et non d'Airbus.
    On voit ici à quel point tous les éléments de la filière aéronautique française sont liés. Touchez à l'un d'entre eux et ils seront tous directement ou indirectement affectés.
    Au-delà de la privatisation du transport aérien et de ses infrastructures, comme les aéroports, l'Etat ne se donne pas les moyens de se doter d'outils d'aménagement du territoire. La privatisation d'Air France aura des conséquences sur les aéroports parisiens ; on les voit bien. Mais elle menacera également certaines dessertes régionales non rentables. Si ces dernières devaient être maintenues sous perfusion par l'Etat, c'est tout un système de péréquation qui serait cassé. Le contribuable, si opportunément invoqué par les partisans du « moins d'Etat », n'en sortirait pas gagnant.
    Avant de terminer ce débat, il nous faut encore dénoncer une imposture liée aux services publics dans leur ensemble, que le Gouvernement se prépare à privatiser. Chacun constate que certains services publics, comme La Poste, se dégradent. Mais que l'on ne s'y trompe pas : la privatisation n'est pas une solution à cette dégradation. Celle-ci est, au contraire, le produit d'une filialisation des activités les plus rentables et, finalement, d'une gestion qui prépare le passage vers le privé, avec l'abandon - ô combien symbolique ! - du terme d'« usagers » au profit de celui de « clients ». Ne restent dans le domaine public que les activités les moins rentables, ce qui entraîne l'augmentation des tarifs pour les usagers. Mais cette augmentation ne compense pas la fin de péréquation : d'où la dégradation du service rendu.
    Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à la suppression de cet article. Plus généralement, nous exprimons notre désaccord avec ce texte, qui est dangereux pour la société Air France et pour l'intérêt général.
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. L'examen de cet article nous permet d'évoquer l'aménagement du territoire. Du reste, il est très intéressant d'aborder le projet de loi sous cet angle.
    Tout en soulignant le malaise de la majorité, qui est bien consciente des conséquences dramatiques que pourrait avoir ce projet de loi,...
    M. Dominique Tian et M. Yves Bur. Quel malaise ?
    Mme Odile Saugues. ... je voudrais insister sur certains propos que j'ai entendus hier dans cet hémicycle, en particulier dans la bouche de M. Goulard. Air France n'aurait pas vocation à être une entreprise de service public contribuant à l'aménagement du territoire. M. de Robien, quant à lui, a estimé que des entreprises privées pouvaient tout à fait se voir confier des dessertes dans le cadre de l'aménagement du territoire. Je souhaite que l'on s'y arrête un instant.
    Dois-je vous rappeler que, ces dernières semaines, Air France et ses filiales régionales se sont substituées à Air Lib défaillante,...
    M. Charles de Courson, rapporteur. A Corsair aussi !
    Mme Odile Saugues. ... et que Perpignan, Lannion et Annecy - ville d'un ancien ministre des transports, M. Bosson - sont à nouveau desservies ? N'est-ce pas la démonstration qu'Air France, entreprise publique, a toute sa place dans une logique d'aménagement du territoire ? Comment comptez-vous maintenir ces missions, après le vote de ce texte ?
    Je tiens à revenir également sur les missions de service public. Je me permets de vous rappeler, chers collègues, et un certain nombre des députés d'outre-mer le diront mieux que moi, que la compagnie Air France est intervenue en moins de soixante-douze heures pour rétablir le trafic aérien vers la Guadeloupe après le passage du cyclone Hugo en septembre 1989 : elle a été la première et la seule. Expliquez-nous comment une telle performance sera encore possible après l'adoption de votre texte ! L'Assemblée peut se pencher sérieusement sur ce problème.
    M. Victorin Lurel. Eh oui, c'est cela, le service public !
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 25 et 43.
    L'amendement n° 25 est présenté par M. Asensi et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 43 est présenté par M. Idiart, Mme Saugues, M. Bapt et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 6. »
    On peut, je pense, considérer ces amendements comme défendus.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. L'amendement n° 25, examiné en commission, a reçu un avis défavorable, qui s'applique nécessairement à l'amendement n° 43. Je voudrais cependant répondre très précisément à nos collègues.
    Que dit l'article L. 342-2 du code de l'aviation civile ? « Sous réserve des dispositions applicables aux obligations de service public imposées sur les services aériens réguliers intracommunautaires, les obligations qui sont imposées à la société Air France dans l'intérêt général font l'objet de contrats préalables assortis de cahiers des charges, passés entre la société, d'une part, l'Etat, les collectivités publiques de la métropole et d'outre-mer, d'autre part. »
    A partir du moment où Air France devient une société privée, c'est le règlement du Conseil qui devient applicable, mais les contrats passés restent valables.
    Comme on l'a rappelé au cours de la discussion générale, Corsair n'est pas une société publique, ce qui ne l'empêche pas de remplir, dans un cadre contractuel, des missions de service public. En Corse, on a vu des appels d'offre, auxquels ont participé tant des sociétés publiques, comme Air France, que des sociétés privées.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 25 et 43.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Giscard d'Estaing a présenté un amendement, n° 66, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du II de l'article 6 par la phrase suivante :
    « Les obligations de service public du groupe Air France, et notamment de ses filiales, sont maintenues. »
    La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Cet amendement, qui s'inscrit dans la lignée des arguments que vient de développer le rapporteur, concerne plus particulièrement les trois filiales : Régional CAE, Proteus Airlines et Brit Air, détenues à 100 % par la société Air France, mais qui, à la différence d'UTA et d'Air Inter, n'ont pas été fusionnées au groupe.
    M. le rapporteur pourra à juste titre faire observer que l'article 6 ne s'applique pas à ces filiales, seul le groupe Air France étant concerné par l'article L. 342-2. A la différence de ce que vient d'affirmer Mme Saugues, les missions d'intérêt général qui leur sont confiées ne sont donc en rien affectées.
    Il faut néanmoins dire un mot de ces missions. Les compagnies qui les assument, et qui se trouvent parfois en situation d'exclusivité sur certaines destinations, contribuent à l'aménagement du territoire. Elles peuvent donc recevoir des aides au titre du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien.
    C'est pourquoi je voudrais saisir l'occasion donnée par ce débat et, comme l'ont fait précédemment mes collèges Jean Proriol et Jérôme Chartier, rappeler l'importance d'acorder au FIATA les moyens d'exercer ses missions. Mme Saugues a déjà fait part des insuffisances dont souffre son financement. Nous le déplorons, et espérons qu'il sera mieux abondé à l'avenir.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Nous avons déjà examiné, à l'article 3, un amendement assez proche de notre collègue Giscard d'Estaing.
    Celui-ci est juridiquement inutile mais politiquement pertinent. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vais passer la parole à M. le ministre pour qu'il réponde techniquement...
    Mme Muguette Jacquaint. Et non juridiquement ?
    M. Victorin Lurel. Quelle casuistique ! Quelle jésuitisme !
    M. Charles de Courson, rapporteur. ... puisqu'en droit, comme vous l'avez rappelé, mon cher collègue, c'est le règlement qui s'applique. La privatisation d'Air France ne change donc rien à ce régime.
    M. le président. Monsieur le ministre, c'est à vous de convaincre maintenant ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je vais essayer de convaincre M. Giscard d'Estaing, en lui disant d'abord que j'ai bien compris son souci, qui concerne, en fait, deux sujets : celui du FIATA, et le cas particulier du hub de Clermont-Ferrand.
    Le FIATA devra être renforcé, doté de davantage de moyens et muni d'effets de levier modulables ; on pourrait, par exemple, moduler la contribution des collectivités. Je rappelle cependant que le fonds est alimenté par une taxe sur les billets d'avion. Il faut donc savoir trouver le juste équilibre entre son nécessaire abondement et la maîtrise du prix des billets.
    En ce qui concerne Clermont-Ferrand, je vais demander à Air France et à mes services d'étudier les conditions d'une activité élevée sur cet aéroport. A partir de cette analyse, j'organiserai une réunion entre la compagnie, mes services et les élus.
    J'espère bien que ces éléments répondent à vos préoccupations. Si tel est le cas, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
    M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.
    M. Louis Giscard d'Estaing. Je retire l'amendement.
    M. le président. L'amendement n° 66 est retiré.
    Je mets aux voix l'article 6.
    (L'article 6 est adopté.)

Après l'article 6

    M. le président. M. Blazy et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 47, ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Les sociétés de transport aérien ne peuvent utiliser des aéronefs de plus de dix ans. »
    La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il n'a pas été examiné en commission. Je suggère à M. Idiart de le retirer : la norme de durée de vie d'un avion ne me paraît pas relever du domaine de la loi.
    M. le président. Monsieur Idiart, retirez-vous l'amendement ?
    M. Jean-Louis Idiart. Soit.
    M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.
    M. Blazy a présenté un amendement, n° 48, ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « La société Air France contribue aux fonds de péréquation des nuisances sonores à la même hauteur que la société Aéroports de Paris. »
    La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour défendre cet amendement.
    M. Jean-Louis Idiart. J'ai bien voulu retirer l'amendement n° 47 parce qu'il m'a semblé viser l'avion Concorde. Or je pense que ce dernier va assez vite retourner au garage.
    Quant à l'amendement n° 48, il existe actuellement deux fonds de péréquation : l'un pour Roissy - Charles-de-Gaulle, l'autre pour Orly. Créés en 1997, ils ont permis une meilleure répartition des recettes engendrées par l'augmentation du trafic. Il convient aujourd'hui de relever les sommes perçues et de faire enfin participer le principal générateur de nuisances sonores, c'est-à-dire Air France, au développement des zones riveraines des aéroports de Roissy et d'Orly.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Il n'a pas été examiné en commission. En tout état de cause, cet amendement sur les nuisances sonores est hors sujet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'indique à l'Assemblée que je vais très prochainement confier à un parlementaire la mission d'évaluer les retombées économiques des aéroports. C'est dans ce cadre que la question des fonds de péréquation pourra être examinée.
    Je vous suggère donc de retirer votre amendement. Dans le cas contraire, je donnerais un avis défavorable.
    M. Jean-Louis Idiart. Si nous sommes associés à ce travail, je le retire.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Bien entendu !
    M. le président. L'amendement n° 48 est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements, n° 65 et 44, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
    L'amendement n° 65, présenté par Mme Saugues, MM. Idiart, Bapt, Bartolone et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Avant le 1er janvier 2004, l'Etat, les collectivités locales et les sociétés de transport aérien devront avoir conclu des conventions permettant de garantir la desserte équilibrée de l'ensemble du territoire français.
    « Les conventions définissent notamment le régime des sanctions applicables par les collectivités locales aux sociétés de transport aérien ne respectant pas les obligations de service public auxquelles elles ont accepté de souscrire. »
    L'amendement n° 44, présenté par Mmes Saugues, Perrin-Gaillard, Pérol-Dumont, MM. Idiart, Bapt et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Avant le 1er janvier 2004, un ensemble de conventions sera passé entre l'Etat et les sociétés de transport aérien afin de garantir la desserte équilibrée du territoire français.
    « Une évaluation annuelle du respect de ces conventions sera effectuée dans le cadre d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement. »
    La parole est donnée à Mme Odile Saugues, pour soutenir ces amendements.
    Mme Odile Saugues. Il s'agit d'associer pleinement les collectivités locales à la préservation des missions de service public assurées par les transporteurs aériens.
    En effet, la privatisation d'Air France inquiète de nombreux élus locaux qui constatent que, déjà, la desserte régionale est insuffisante. J'en veux pour preuve l'avis rendu par cent six présidents de conseils régionaux, de conseils généraux et de chambres de commerce et d'industrie, sollicités dans le cadre d'un rapport d'information d'origine sénatoriale.
    Il nous faut donc donner un nouvel élan aux dessertes régionales pour relancer la dynamique d'aménagement du territoire. Il nous faut aussi, et surtout, faire en sorte que la déréglementation du transport aérien n'aboutisse pas à un véritable « déménagement du territoire », dont procèdent les pratiques des compagnies à bas coûts, mais aussi, dans une moindre mesure, les compagnies régulières, qui n'ont pas toujours pris la mesure de leurs obligations de service public.
    La privatisation implique nécessairement la recherche d'une plus grande rentabilité. On imagine donc combien les obligations de service public pourront souffrir de votre projet de loi. Cet amendement tente de corriger le tir et d'en contenir les effets pervers. Pour cela, nous proposons que des conventions soient signées dans toutes les régions d'ici au 1er janvier 2004 et qu'elles permettent aux collectivités locales de se retourner contre les sociétés de transport aérien qui renieraient leurs engagements. L'amendement n° 44 poursuit le même objectif, mais celui-ci va plus loin.
    M. François Asensi et Mme Muguette Jacquaint. C'est positif !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Ils posent un véritable problème, celui de l'équilibre de la desserte régionale, mais ce n'est pas du tout la bonne façon de l'aborder. Vous ne pouvez pas obliger une compagnie à signer une convention.
    A partir du moment où l'Etat définit une mission de service public, en liaison avec des collectivités locales, l'application de la réglementation communautaire conduit à lancer un appel d'offres pour désigner la compagnie qui assumera cette mission. C'est à ce moment qu'une convention est signée, qui peut prévoir des clauses définissant les sanctions.
    L'idée est donc sympathique, mais ce n'est pas comme cela qu'il faut la réaliser, d'autant plus que les résultats du rapport commandé par le ministre à l'inspection générale de l'aviation civile, et consacré aux missions d'intérêt général du transport aérien et aux modalités de leur traitement juridique et financier, ne sont pas encore disponibles.
    Quant au problème plus spécifique de l'outre-mer, il doit être abordé dans le cadre du projet de loi sur l'outre-mer. Mon avis est donc défavorable sur les deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je me contenterai d'observer que ces deux amendements sont contraires à la réglementation européenne. Avis défavorable.
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Je suis étonnée de la réponse du rapporteur et du ministre. L'idée de cet amendement a été formulée dans un rapport sénatorial. Elle a été avancée par la chambre de commerce d'Aurillac et par le président du conseil général des Vosges, M. Christian Poncelet. Ce ne sont pas des enfants, et il me semble que leur avis peuvent être écoutés, et quelque fois entendus.
    Si le problème est d'ordre rédactionnel, je propose à notre assemblée d'adopter cet intéressant dispositif, que nous pourrons améliorer en seconde lecture. Mais il ne faut pas le rejeter d'emblée.
    M. le président. Monsieur le ministre, que vous inspire cette référence au président Poncelet ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. J'ai beaucoup de respect pour le président Poncelet mais j'en éprouve tout autant - ainsi que de l'espérance - pour la construction européenne.
    Mme Muguette Jacquaint. Cela ne veut rien dire !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel et M. Manscour ont présenté un amendement, n° 59, ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Avant le 1er janvier 2004, une convention sera passée entre l'Etat et les sociétés de transport aérien afin de garantir la desserte équilibrée à un coût raisonnable des collectivités d'outre-mer.
    « Une évaluation annuelle du respect de cette convention est effectuée dans le cadre d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. L'amendement n° 59 a pour objet d'assurer une desserte équilibrée des collectivités d'outre-mer à un coût raisonnable. Malgré les assurances qui nous ont été prodiguées hier, nous ne sommes toujours pas rassurés en ce domaine.
    Je veux bien que l'on nous dise que l'activité d'Air France ne relève pas du service public, mais, à mon sens, ce n'est pas l'activité qui détermine le service public. Il existe des obligations de service public, en particulier dans le cas de l'outre-mer.
    Les articles du code de l'aviation civile, dont l'article 6 a entraîné l'abrogation, avaient justement pour but d'imposer à Air France, dans le respect des règles communautaires, la desserte de tous les points du territoire à un prix acceptable.
    Or, vous le savez, les prix pratiqués aujourd'hui ne sont pas acceptables.
    Que déclariez-vous il y a quelques semaines, monsieur le ministre, lors de la discussion du projet au Sénat ? « Le Gouvernement a, après mûre réflexion, décidé de vous proposer d'abroger l'article L. 342-2 du code de l'aviation civile relatif aux missions d'intérêt général imposées par l'Etat à Air France. »
    Cette évolution, ajoutiez-vous, « pose toutefois la question de la conception d'un nouveau cadre pour l'exercice de missions d'intérêt général spécifiques au transport aérien permettant de pallier les inconvénients de la contractualisation et de la réquisition. J'ai lancé une réflexion sur ce sujet au sein de mes services, afin de déterminer quelles missions d'intérêt général l'Etat pourrait être amené à confier aux entreprises de transport aérien et quel cadre juridique, prenant en compte l'ensemble des compagnies françaises, pourrait, dans cette perspective, être mis en place ».
    Monsieur le ministre, puisque vous ne savez pas, comme il ressort de vos déclarations, quelles missions d'intérêt général confier aux entreprises de transport aérien, je vous propose de conserver les dispositions de l'article L. 342-2 du code de l'aviation civile et de les mettre concrètement au service de ce principe constitutionnel qui s'appelle la continuité territoriale, sur l'ensemble du territoire de la République, dont fait partie, je le rappelle ici comme un truisme, l'outre-mer.
    A la suite de la liquidation d'Air Lib - que vous avez un peu accompagnée, il faut le reconnaître - un collectif d'Antillais et de Guyanais s'est constitué. Permettez-moi de vous donner très rapidement lecture de leur manifeste : il correspond parfaitement à l'amendement présenté.
    Après la faillite d'Air Lib, qui suit celle d'AOM et d'Air Liberté, Air France et Corsair se trouvent en situation de monopole sur les lignes à destination des Antilles, de la Guyane et de La Réunion. Ces compagnies abusent de leur rente de situation. Leurs tarifs ont fortement augmenté en quelques années, particulièrement pendant les périodes de congés scolaires, au moment où la demande est la plus forte. Les Antillais, Guyanais et Réunionnais doivent désormais espacer leurs voyages, voire renoncer à retourner dans leurs familles.
    Cette année, les prix atteignent des sommets prohibitifs. Pour partir en août 2003 avec son épouse et trois enfants de plus de douze ans, un smicard des DOM devra débourser sept à neuf mois de salaire ! Pourtant, ces mêmes compagnies pratiquent des prix deux à quatre fois moins élevés vers les Etats-Unis, le Canada et l'Australie. S'il faut payer 1 300 euros pour aller à Pointe-à-Pitre ou à Fort-de-France, 1 200 euros sur Corsair, il suffit de 580 euros pour aller aux Etats-Unis ! Moins pour Cuba ou Santo Domingo ! Comment accepter qu'il soit moins onéreux de voyager vers des destinations étrangères éloignées que de rejoindre sa famille dans un département français ?
    Rien ne justifie cette politique de prix abusive, qui repose sur l'analyse que les Domiens rentreront inévitablement dans leur région d'origine et que les vols seront « surbookés ». Les bénéfices sur ces lignes devront compenser les pertes éventuelles sur d'autres lignes plus concurrentielles.
    M. le président. Monsieur Lurel, veuillez conclure.
    M. François Asensi. Laissez-le s'exprimer ! C'est important !
    M. Victorin Lurel. Je finirai en vous disant que les Antillais, Guyanais et Réunionnais, pris en otage, sont de fait séparés de leurs familles et isolés en métropole. En outre, ces tarifs dissuadent le tourisme chez l'habitant et accroissent les difficultés de départements déjà économiquement sinistrés.
     Dans cette situation, que reste-t-il du principe républicain de la continuité territoriale ? Il y a abus de position dominante et entente sur les prix entre les deux compagnies aériennes, ce qui ne permet pas le jeu de la concurrence. Le Gouvernement devra prendre ses responsabilités et obtenir de Corsair et d'Air France qu'elles reviennent à des prix acceptables pour permettre de multiplier les échanges entre les DOM et la métropole, et non pas de les restreindre.
    M. Dominique Tian. Quel plaidoyer pour la libre concurrence !
    M. Victorin Lurel. Tout doit être mis en oeuvre pour que s'exerce une vraie concurrence, afin que les Français d'outre-mer puissent rejoindre leurs familles à des coûts raisonnables dans la période souhaitée.
    On organise la privatisation sans combattre le monopole. Cela veut dire que nos prix vont exploser !
    M. Dominique Tian. Au contraire !
    M. Victorin Lurel. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'imposer aux compagnies, d'imposer à Corsair et à Air France des obligations de service public et des tarifs raisonnables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Lurel, la desserte des DOM et des TOM fait partie des 6,2 % du chiffre d'affaires d'Air France correspondant à une mission de service public. C'est ce que j'ai expliqué dans mon rapport. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    En vous entendant, j'ai cru, d'ailleurs, que vous étiez membre d'un parti libéral dur,...
    M. Dominique Tian. Exactement !
    M. Charles de Courson, rapporteur ... puisqu'au fond vous doutiez que ce soit un service public parce que c'était trop cher... C'est bien un service public. Or le coût est élevé. La vraie question que vous devriez vous poser, mon cher collègue, c'est comment faire baisser les prix. Moi, je ne connais qu'un moyen : la concurrence. Grâce à la privatisation d'Air France et à l'application de la directive communautaire, ces lignes seront remises en concurrence et on peut espérer une baisse des tarifs.
    M. Victorin Lurel. Nous avons des conceptions différentes !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cela montre, monsieur Lurel, que vous êtes favorable au texte, puisqu'il va vous donner satisfaction. Plus largement, le problème devra être examiné dans le cadre du projet de loi sur l'outre-mer. Donc avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. M. Lurel a raison de se plaindre des tarifs excessifs pratiqués par une entreprise nationalisée. Cela montre que les prix ne sont pas garantis par le fait qu'une entreprise soit nationalisée puisque cela fait des années que vous vous plaignez du niveau des tarifs des vols desservant les Antilles alors que la majorité du capital d'Air France est detenue par l'Etat français. Le présent projet de loi tend à modifier cet état de choses, comme l'a dit le rapporteur, en faisant jouer la concurrence.
    Par ailleurs, Mme Girardin prépare un projet de loi très complet et cohérent sur l'outre-mer...
    M. Victorin Lurel. C'est un serpent de mer !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... qui traite aussi de la continuité territoriale dans le respect des dispositions communautaires. Il prévoit de réduire le coût des transports pour les « Domiens » et les « Tomiens ». Vous aurez bintôt l'occasion d'en débattre.
    Le Gouvernement demande donc le rejet de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, à qui je demande d'être bref.
    M. Victorin Lurel. Je serai bref, monsieur le président. C'est parce que l'Etat ne joue pas son rôle de gestionnaire que nous assistons à une telle hausse des tarifs. On refuse de présenter la comptabilité analytique d'Air France sur ces lignes... Or elles sont rentables. C'est parce qu'on les utilise pour compenser les déficits d'autres lignes que l'on pratique des prix prohibitifs : ce sont des prix de monopole.
    Je ne suis pas contre l'entreprise publique ni même contre le monople. Je déplore simplement l'absence de l'Etat en ce domaine. Vous en avez une conception minimale, le réduisant à être un Etat garant au lieu d'être un Etat gérant.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    M. Victorin Lurel. Quant à la loi-programme sur l'outre-mer, c'est un serpent de mer ! C'est le monstre du Loch Ness.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Je ne peux pas laisser dire cela. Le projet de loi a été présenté ce matin en Conseil des ministres. Ayez un petit peu de respect, monsieur Lurel, pour les institutions !
    M. Victorin Lurel. Cela fait dix mois qu'on l'attend !
    M. le président. Messieurs, essayons d'achever rapidement l'examen de ce projet de loi. Je me suis bien volontiers dévoué pour que cela soit possible, mais la prolongation des débats me pose des problèmes personnels.
    Je mets aux voix l'amendement n° 59.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel et M. Manscour ont présenté un amendement, n° 61, ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Lors de l'attribution ou du renouvellement des licences d'exploitation de transporteur aérien délivrée en application de l'article L. 330-1 du code de l'aviation civile sont pris en compte obligatoirement les engagements de la société en matière d'aménagement du territoire, de desserte aérienne de l'outre-mer et des tarifs de celle-ci.
    « Une évaluation annuelle de cette obligation est effectuée dans le cadre d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement. »
    La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, à qui je demande d'être très bref car nous venons d'avoir un débat sur le sujet.
    M. Louis-Joseph Manscour. Vous me dites ça alors que je prends la parole pour la première fois, monsieur le président.
    M. le président. Ce n'était pas pour vous personnellement, monsieur Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. Je serai bref.
    Hier, M. le ministre des transports a parlé d'indécence à propos des arguments avancés par mon collègue Lurel. Tous les amendements proposés ont été rejetés.
    En tout cas, il faut savoir que la privatisation d'Air France inquiète les élus et les citoyens domiens dans leur ensemble. On passe de la garantie du service public - qui laissait déjà à désirer - à la course au profit et à la compétitivité. On peut donc s'inquiéter pour l'application du principe de la continuité territoriale et pour l'avenir du tourisme dans les Antilles françaises.
    Contrairement à ce qu'a dit M. le ministre, le flux de passagers entre Paris et Fort-de-France ne cesse de baisser. En 2002, il accusait un recul de 4,4 % et les chiffres du trafic régional caribéen sont encore plus catastrophiques.
    Dans une logique de marché, assisterons-nous réellement à une compétition entre diverses compagnies aériennes - dont profiteraient, je vous l'accorde, les usagers - ou bien à un retour au quasi monopole d'Air France et donc à une flambée des prix qui minerait encore un peu plus le tourisme antillais ? Là est le véritable problème.
    Comment le Gouvernement compte-t-il assurer la continuité territoriale tant attendue entre la métropole et les DOM-TOM ? Quelles mesures va-t-il prendre pour que cet impératif soit garanti lors de la privatisation d'Air France qu'il envisage ?
    La continuité territoriale, vous le savez, mes chers collègues, répond au principe d'indivisibilité de la République. Les citoyens doivent pouvoir circuler à moindres frais sur tout le territoire national. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, le versement d'une somme de 200 euros aux résidents de l'outre-mer pour financer un voyage par an. Un seul voyage par an ! Un billet en classe économique coûte en moyenne 1 000 euros. L'aide de l'Etat représente donc 20 % du prix d'un voyage alors qu'elle est de plus de 30 % pour la Corse. A titre comparatif, j'indique que le Portugal et l'Espagne apportent, pour assurer leur continuité territoriale, des aides de 33 à 35 % à leurs citoyens des Açores et des Canaries. Voilà la réalité, monsieur le ministre.
    Si vous n'apportez pas des garanties suffisantes et claires, la privatisation d'Air France risque d'avoir deux graves conséquences : une flambée des prix des billets d'avion entre la métropole et les DOM-TOM, qui toucherait à la fois les résidents domiens et le secteur touristique, et une méconnaissance des principes fondamentaux du service public et de la continuité territoriale.
    Je ne suis pas pessimiste, monsieur le ministre, mais réaliste. Je vois se dessiner un avenir où il n'y aurait plus seulement la France d'en haut et la France d'en bas, chères à M. Raffarin, mais la France d'ici et la France de là-bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Monsieur Manscour, je suis désolé que votre intervention se passe à cette heure tardive et dans des conditions d'expression resserrée. Croyez bien que ce n'est lié ni à votre personne ni à la nature des problèmes que vous évoquez.
    M. Jean-Louis Idiart. La prochaine fois, nous prendrons notre temps.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 61 ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. L'amendement n'a pas été examiné en commission, mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.
    Mon cher collègue, vous avez procédé à une grave critique du service public puisque vous dites qu'il laisse à désirer.
    Mme Muguette Jacquaint. Il faut améliorer le service public.
    M. Louis-Joseph Manscour. Je critique l'absence de l'Etat.
    M. Charles de Courson, rapporteur. Me tournant vers un membre éminent du précédent gouvernement, je me permets de vous dire que vous êtes très dur envers vos amis.
    Par ailleurs, vous êtes contre le monopole et, comme votre collègue Lurel, vous faites une critique libérale du système actuel. Je vous invite donc à voter le texte puisqu'il va dans votre sens.
    M. le président. N'oublions pas que le texte est examiné en première lecture. Il sera soumis au jeu des navettes et donnera lieu à d'autres débats portant sur des questions aussi importantes.
    M. Jean-Louis Idiart. Le Sénat va voter pour !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. L'amendement de M. Manscour ne serait pas conforme au droit communautaire. Les problèmes qu'il pose sont réels et bien connus. Je l'invite à découvrir, dans la presse demain, le texte que Mme Girardin a présenté ce matin en conseil des ministres.
    M. Louis-Joseph Manscour. Non.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Connaissez-vous ce texte monsieur Manscour ?
    M. Louis-Joseph Manscour. Oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. N'ayez pas de préjugé défavorable, alors qu'il annonce des mesures en faveur des DOM.
    M. Charles de Courson, rapporteur. C'est du dogmatisme.
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il aborde tous les problèmes : transports, logement, charges, investissement. Quand nous nous retrouverons pour la deuxième lecture, nous ferons le point pour savoir si les mesures qui ont été présentées ce matin vous auront donné satisfaction.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. J'indique dès maintenant que, sur le vote de l'amendement n° 46, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Mme Saugues, MM. Idiart, Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 45, ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Il est créé, dans chaque région métropolitaine et d'outre-mer, une commission régionale des aides publiques aux compagnies aériennes, chargée de contrôler l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux compagnies aériennes par l'Etat, les collectivités locales ou les organismes consulaires, afin d'en mesurer l'impact pour les équilibres territoriaux.
    « Cette commission, précidée par le préfet, est notamment composée d'élus locaux, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et des représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national.
    « A la demande d'un parlementaire, d'un maire, d'un président de conseil général ou de conseil régional, ou de sa propre initiative, elle peut interroger les organismes gestionnaires d'aéroports, les représentants de l'Etat ou tout autre autorité compétente afin d'obtenir des informations permettant d'estimer l'ensemble des aides reçues par une compagnie déterminée.
    « Tout comité d'entreprise ou, à défaut, un délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire d'aides ou l'autorité compétente lorsqu'il estime que la compagnie aérienne ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides définies au premier alinéa.
    « L'organisme ou l'autorité saisi peut décider, après avoir entendu l'employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de retirer l'aide accordée. Le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. »
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le président, monsieur le ministre, cet amendement concerne les sociétés low cost, dont le développement nous interpelle. Leurs pratiques commerciales et sociales sont l'expression d'un ultralibéralisme virulent qui fait bien peu de cas des territoires. Les unes demandent aux collectivités locales d'héberger les pilotes, les autres exigent qu'un conseil régional assure leur communication pendant quinze ans. Je vous laisse juges.
    Or le projet de loi qui porte sur toutes les entreprises de transport aérien n'a qu'une obsession : le statut d'Air France. Nous proposons d'élargir son champ de vision, d'abandonner les vieilles lunes libérales et de concentrer vos énergies sur les pratiques qui posent de vrais problèmes et doivent être prises en compte par le législateur. C'est l'objet de cet amendement qui tend à créer, dans chaque région métropolitaine et d'outre-mer, une commission régionale des aides publiques aux compagnies aériennes, chargée de contrôler l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux compagnies aériennes, afin d'en mesurer l'impact pour les équilibres territoriaux.
    Nous proposons aussi que ces aides puissent être suspendues ou retirées, avec un remboursement possible, lorsque la compagnie aérienne ne respecte pas les engagements souscrits. Votre majorité, qui veut créer une commission d'enquête parlementaire sur les aides publiques perçues par Air Lib et sur les agissements de certains actionnaires de cette compagnie, au premier rang desquels M. Seillière, aura vraisemblablement à coeur de soutenir mon initiative. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Beaucoup d'élus concernés par ces pratiques commerciales extrêmement rudes et juridiquement contestables font partie de votre majorité. Ils ne comprendraient pas que la représentation nationale reste silencieuse et inerte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 45 ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné en commission. Il pose un vrai problème et c'est l'un des points que, en tant que rapporteur spécial des crédits du transport aérien, je vais essayer de contrôler cette année. Mais l'outil que vous proposez est tout à fait inadapté. La commission dont vous demandez la création n'aurait pas de réel pouvoir. Ce qu'il faut, c'est mettre en place une véritable politique de concurrence et faire respecter les règles élémentaires de la concurrence. Donc avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Il est exact que des pratiques anormales ont lieu dans certaines compagnies low cost. Je crois d'ailleurs que les tribunaux sont déjà saisis de certains cas. Mais ce n'est pas le rôle d'une commission régionale, c'est celui de la Cour des comptes et des cours régionales des comptes, des tribunaux de commerce et de la Commission européenne, qui est compétente sur la question des aides publiques. Le Gouvernement ne veut pas créer de commissions supplémentaires. Cela ne pourrait que créer la confusion. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président Nous arrivons à l'amendement n° 46 présenté par Mme Saugues, MM. Idiart, Bapt et les membres du groupe socialiste, qui fait l'objet d'une demande de scrutin public.
    Cet amendement est ainsi rédigé :
    « Après l'article 6, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juin 2003, un rapport sur la place des "hubs dans la politique d'aménagement du territoire et sur le soutien aux lignes aériennes transitant par les plates-formes de correspondance régionales. »
    La parole est à Mme Odile Saugues.
    Mme Odile Saugues. Monsieur le président, cet amendement concerne les lignes qui transitent par les hubs et qui ne sont pas éligibles au FIATA. M. le ministre s'est déjà positionné sur le sujet, mais je souhaitais lui dire ce que je pensais de ce problème. J'ai eu l'occasion de l'exposer lors de la présentation de la question préalable. Les hubs et les lignes aériennes qui transitent par ces plates-formes connaissent des difficultés avec le statut actuel d'Air France. Comment peut-on prétendre que la privatisation ne va pas encore les accentuer ?
    Comme il est écrit en toutes lettres dans le rapport d'information sénatorial sur l'avenir des dessertes aériennes régionales : « De facto, le groupe Air France est aujourd'hui en charge de la politique française d'aménagement du territoire en matière de desserte aérienne régionale. Pourtant, les logiques industrielles ne sont pas toujours compatibles avec celles du service public de l'aménagement du territoire. »
    Si nous voulons une politique forte en matière d'aménagement du territoire, il faut conforter les hubs régionaux, et donc les radiales, qui sont vraiment en phase avec la notion d'obligation de service public. Auditionné au Sénat le 28 mars 2001, M. Jean-Cyril Spinetta appelait de ses voeux un assouplissement des critères d'éligibilité au FIATA et soulignait l'intérêt de la connexion des lignes, avec obligation de service public, avec les hubs régionaux.
    Notre amendement a pour objectif de donner à nos hubs régionaux les moyens de se développer, certains d'entre eux ayant aujourd'hui un devenir incertain. Les députés du Puy-de-Dôme, toutes tendances confondues, savent très bien de quoi je parle, et je ne doute pas que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous fassions en sorte que le Gouvernement nous fournisse le plus rapidement possible un éclairage précis sur cette question.
    M. Christian Paul. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Charles de Courson, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné en commission. Il pose un vrai problème, qui est sans lien avec le texte sur Air France que nous examinons.
    Mme Odile Saugues. Il s'y rajoute !
    M. Charles de Courson, rapporteur. Le Gouvernement y répondra.
    Il n'est pas exact de dire que les lignes transitant par les hubs ne sont pas éligibles au FIATA. Certaines le sont, d'autres pas. Les deux cas de figure se présentent.
    La solution ne viendra pas d'un énième rapport. Il faut que les commissions parlementaires qui travaillent sur ces questions fassent des propositions en liaison avec le Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Outre le fait que cet amendement constitue un cavalier législatif, je rappelle qu'une mission d'information parlementaire a été mise en place à l'automne pour réfléchir à l'avenir des aéroports en France. J'ai indiqué, en réponse à M. Giscard d'Estaing, que le Gouvernement attache une grande importance à une desserte équilibrée du territoire, et que je suis prêt à engager une réflexion sur l'avenir du hub de Clermont-Ferrand.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 46.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin et clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   54
Nombre de suffrages exprimés   53
Majorité absolue   27
Pour l'adoption   16
Contre   37

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Nous avons achevé l'examen des articles.
    Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet auraient lieu le mardi 18 mars, après les questions au Gouvernement.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, n° 642, portant modification de la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie :
    M. Georges Colombier, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 685).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 12 mars 2003
SCRUTIN (n° 128)


sur l'amendement n° 58 de Mme Saugues à l'article 3 du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (allongement à six ans de la période de maintien de la situation statutaire particulière des personnels d'Air France).

Nombre de votants

73


Nombre de suffrages exprimés

73


Majorité absolue

37


Pour l'adoption

16


Contre

57

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (362) :
    Contre : 54 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Eric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (148) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (21) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).

SCRUTIN (n° 129)


sur l'amendement n° 46 de Mme Saugues après l'article 6 du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (remise au Parlement d'un rapport relatif aux plates-formes de correspondance).

Nombre de votants

54


Nombre de suffrages exprimés

53


Majorité absolue

27


Pour l'adoption

16


Contre

37

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (362) :
    Contre : 33 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstention : 1. - M. Louis Giscard d'Estaing.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (148) :
    Pour : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (21) :
    Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).