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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 26 MARS 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 25 mars 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Assistants d'éducation. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

QUESTION PRÉALABLE (suite) «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault (suite) : MM. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ; Guy Geoffroy, Alain Néri, Olivier Jardé, Maxime Gremetz. - Rejet.

Rappel au règlement «...»

M. Yves Durand.

Suspension et reprise de la séance «...»
DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Frédéric Reiss,
Alain Néri,
Olivier Jardé,
François Liberti,
Guy Geoffroy,
Simon Renucci,
Bernard Perrut,
Mme
Martine Billard,
MM.
Lionnel Luca,
Louis-Joseph Manscour,
Pierre-André Périssol,
Christophe Masse.
Clôture de la discussion générale.
M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance «...»
MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Patrick Braouezec, le ministre, Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Olivier Jardé, Yves Durand, Frédéric Reiss, Patrick Braouezec. - Rejet par scrutin.
Renvoi de la suite de la discussion du projet de loi à la prochaine séance.
2.  Dépôt de propositions de loi organique «...».
3.  Dépôt de rapports «...».
4.  Dépôt d'un rapport en application d'une loi «...».
5.  Dépôt d'un rapport d'information «...».
6.  Dépôt d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».
7.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

ASSISTANTS D'ÉDUCATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux assistants d'éducation (n°s 640, 694).

Question préalable (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a entendu la présentation de la question préalable.
    La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je répondrai en quelques mots à M. Patrick Roy.
    Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le député, du ton courtois que vous avez employé. Il tranchait agréablement avec celui de votre « lumineux prédécesseur », pour reprendre vos propres termes. C'est de bon augure pour la suite du débat car on peut exprimer des désaccords, même importants, sur un ton qui reste aimable. Cela ne gâte rien.
    A mon grand regret, je dois vous dire aussi, avec la même courtoisie, que je suis en désaccord sur pratiquement tout ce que vous avez dit, et, en particulier, sur votre analyse du nouveau dispositif que nous proposons, et je m'en expliquerai brièvement en reprenant quelques points qui me paraissent importants.
    D'abord, vous avez jugé très dangereux que les assistants d'éducation puissent intervenir sur deux établissements. Or, c'est déjà le cas pour les aides-éducateurs, et cela se justifie dans un certain nombre de circonstances, en particulier lorsque les aides-éducateurs aujourd'hui et, demain, les assistants d'éducation interviennent dans le domaine de l'informatique : cette pratique rend service aux établissements et permet de mutualiser les moyens.
    Ensuite, vous estimez que le transfert des financements aux collectivités territoriales risque de poser des problèmes. Je me permets de vous corriger sur ce point. Le recrutement de 16 000 assistants d'éducation que nous envisageons pour septembre est financé à 100 % par l'Etat. Le problème du transfert des financements aux collectivités territoriales ne se pose donc pas.
    Vous avez également souligné, et je vous rejoins sur ce point, que les aides-éducateurs remplissaient, notamment dans les écoles primaires, des fonctions très utiles. C'est précisément pour cette raison que nous proposons un dispositif pour prendre leur relais. Je vous rappelle également que, contrairement aux MI-SE, le système des aides-éducateurs sera ouvert aux écoles primaires et que, pour la rentrée de septembre 2003, une large priorité sera accordée au recrutement d'assistants d'éducation dans le premier degré.
    Permettez-moi de me montrer un chouïa ironique. Vous avez dit - et la phrase est belle - que « la répétition fixe la notion ». Aussi vous poserai-je à nouveau la question à laquelle vous n'avez pas encore répondu.
    M. Jean-Louis Idiart. Ici, ce sont les députés qui posent les questions au ministre, pas le contraire ! Nous exerçons notre fonction parlementaire !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Vous saviez que le dispositif des emplois-jeunes arrivait à échéance au bout de cinq ans. Vous auriez pu, si vous le souhaitiez, le pérenniser en offrant, par exemple, de les titulariser puisque c'est ce que vous avez l'air de souhaiter. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Yves Durand. Nous reviendrons très précisément sur ce point.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. A cette question, j'en joindrai une autre : pourquoi voulez-vous supprimer le texte que nous proposons aujourd'hui, alors que cela reviendrait à ne pas recruter à la rentrée prochaine les 16 000 assistants d'éducation dont nous avons besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christophe Masse. Non ! Cela reviendrait à ne pas supprimer des postes !
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe UMP.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après une première motion de procédure qui, comme l'a dit Pierre-André Périssol, ne « manquait pas d'air » à défaut d'être inspirée, nous avons eu droit à une question préalable qui, elle, par contre, peinait à avoir du souffle. Il fallait durer.
    M. Jean-Louis Idiart. Ce sera votre problème de durer !
    M. Guy Geoffroy. Les arguments que nous avons entendus relevaient beaucoup plus de considérations générales qu'ils ne portaient sur la question précise dont nous sommes saisis aujourd'hui : la création du corps des assistants d'éducation.
    Le propos manquait de points d'appui. J'ai cru cependant en déceler trois sur lesquels je souhaite revenir.
    Le premier est la fameuse question des emplois-jeunes : vous persistez à dire que nous les supprimons. A ma connaissance, on ne supprime que ce qui existe. Or, à la rentrée prochaine, que restera-t-il comme emplois-jeunes ? Demeureront à l'éducation nationale tous ceux qui sont entrés en vigueur après 1998 et qui se poursuivront jusqu'à leur terme prévu par la loi et le règlement. Il n'y a donc aucune suppression.
    M. Yves Durand. Vous supprimez le dispositif, ça revient au même. C'est honteux !
    M. Guy Geoffroy. En revanche, un certain nombre d'emplois-jeunes sont, de par votre décision, arrivés à leur terme. Je tiens ici, au nom du groupe UMP, à rendre un hommage particulier au Gouvernement d'avoir pris la peine à la fois pour les intéressés et pour les établissements de reconduire les contrats s'achevant en cours d'année scolaire...
    M. Alain Néri. C'est faux !
    M. Guy Geoffroy. ... jusqu'au terme de celle-ci. Cela non plus, vous ne l'aviez pas prévu. C'est pourtant le minimum de la part d'un employeur qui signe des contrats de droit privé : assumer ses responsabilités au moment de la mise au chômage de ses employés. Vous ne l'aviez pas fait !
    M. Yves Durand. Cela avait été prévu par le précédent gouvernement ! Cela ne vient pas de vous !
    M. Guy Geoffroy. Vous n'avez aucune leçon à nous donner en matière d'emploi, d'emplois-jeunes et d'éducation nationale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Le deuxième exemple que vous avez essayé d'utiliser est celui des chefs d'établissement. J'avoue, mon cher collègue, que vous avez été plus prudent que votre prédécesseur. Vous n'avez pas versé dans l'outrance, mais vous avez fait preuve d'une méconnaissance d'un certain nombre de choses, étonnante pour quelqu'un qui a exercé jusqu'à une période récente la fonction d'enseignant. Vous semblez ignorer, mon cher collègue, que ce sont depuis longtemps les chefs d'établissement, dits mutualisateurs, qui ont été les patrons et qui ont signé les CES, les CEC, les emplois-jeunes.
    M. Yves Durand. Pas les emplois-jeunes !
    M. Guy Geoffroy. C'était sous votre règne, et vous savez très bien que si c'était ainsi c'est parce qu'il ne pouvait pas en être autrement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Edouard Landrain. Mais oui !
    M. Guy Geoffroy. Ne venez pas nous dire aujourd'hui que le dispositif que nous voulons mettre en place donnerait aux chefs d'établissement des pouvoirs qu'ils n'avaient pas jusqu'à maintenant et, de surplus, qu'ils ne seraient pas à même de les exercer.
    Troisième et dernier exemple : votre couplet sur les surveillants d'externat et maîtres d'internat. J'ai exercé ce métier pendant cinq ans.
    M. Yves Durand. Cela ne se voit pas !
    M. Guy Geoffroy. A l'époque, on faisait trente-six heures tout en poursuivant ses études. Cela ne m'a pas empêché de réussir...
    M. Jean-Louis Idiart. Oh là là !
    M. Guy Geoffroy. ... comme, j'en suis certain, bon nombre d'entre vous.
    M. Maxime Gremetz. Non, vous n'avez rien compris. C'est parce que vous êtes exceptionnel.
    M. Guy Geoffroy. Depuis, le système s'est étiolé, au point que le gouvernement que vous souteniez a commandé un rapport dont vous n'avez, comme pour beaucoup de rapports, absolument pas tenu compte.
    Bref, les trois points d'appui que j'avais cru déceler dans vos propos ne sont pas du tout solides. Vous prétendez avoir en matière d'éducation l'exclusivité de la représentation, de la défense et de la connaissance.
    M. Yves Durand. Mais tout le monde est contre votre projet.
    M. Guy Geoffroy. Pas plus qu'ailleurs, vous n'avez ici le monopole.
    Votre question préalable a pour objectif de mettre fin à la discussion de ce projet. Nous ne sommes pas prêts de la voter. Pourquoi ? Parce que, nous, nous voulons débattre de ce bon texte. Nous voulons vous démontrer, pas à pas, l'erreur dans laquelle vous êtes et le mauvais procès que vous nous faites.
    M. Christophe Masse. Il y a du boulot !
    M. Guy Geoffroy. La majorité est soudée derrière ses ministres. Elle ne refusera pas le débat car celui-ci est nécessaire.
    M. Yves Durand. C'est pourquoi il était prévu en deux heures !
    M. Guy Geoffroy. Ce texte est bon. Il donne aux assistants d'éducation, aux établissements et aux intéressés de vraies perspectives. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Néri. Monsieur le président, laissez-moi d'abord vous remercier de me donner la parole.
    M. le président. C'est normal, monsieur Néri : vous êtes inscrit ! (Rires.)
    M. Edouard Landrain. Il ne s'en était pas rendu compte !
    M. Alain Néri. Merci ! Je me doutais bien que ce n'était pas une faveur, mais simplement un droit !
    M. le président. Pour une fois que vous ne prenez pas la parole sans qu'on vous la donne, monsieur Néri...
    M. Alain Néri. Je vais essayer de ne pas en abuser, monsieur le président.
    Si M. le ministre a pu se féliciter du ton courtois de notre collègue Patrick Roy, je déplore pour ma part que l'orateur de l'UMP se soit cru obligé de prendre un ton provocateur. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Mais non !
    M. le président. Pas de provocation !
    M. Alain Néri. Comme vous, monsieur Geoffroy, je suis très heureux que nous ayons un débat.
    M. Guy Geoffroy. Alors ?
    M. Alain Néri. Mais reconnaissez que, s'il se poursuit ce soir, demain, après-demain, et peut-être encore vendredi...
    M. Guy Geoffroy. Chiche !
    M. Alain Néri. ... ce n'est certainement pas grâce au Gouvernement, qui n'avait prévu que deux heures de débat et une loi en trois articles. Vous pensiez peut-être faire passer un texte aussi important à la sauvette. C'est parce que le groupe socialiste s'est mobilisé et a opposé un certain nombre d'arguments - que nous développerons en défendant nos amendements - que nous avons ce soir un début de débat. Vous devriez donc nous remercier de vous offrir l'occasion de défendre le texte de votre ministre !
    M. Yves Durand. Absolument !
    M. Alain Néri. Ce texte, messieurs les ministres, nous inquiète au plus haut point. A l'évidence, vous engagez avec lui le démantèlement de l'éducation nationale,...
    Mme Nadine Morano. Oh là là !
    M. Guy Geoffroy. Rien que ça !
    M. Alain Néri. ... et ce dans les établissements mêmes.
    Vous supprimez 14 000 postes puisque vous remplacez 30 000 emplois de MI-SE et d'aides-éducateurs par 16 000 assistants d'éducation. J'ai été instituteur de l'école de la République, je sais encore faire une soustraction : si l'on retranche 16 000 de 30 000, il reste 14 000, qui vont manquer ! A qui ferez vous croire qu'avec moins de moyens, vous dispenserez une meilleure éducation ? Il y a là une supercherie, une tromperie que nous sommes obligés de dénoncer, pour défendre l'école de la République à laquelle nous sommes attachés et à laquelle nous souhaiterions que vous consacriez, vous aussi, tous vos efforts, ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui.
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. Alain Néri. De nombreux établissements - notamment les écoles élémentaires, primaires et maternelles - ne pourront plus fonctionner sans les aides-éducateurs. Si c'étaient des emplois-jeunes, c'est parce qu'ils correspondaient parfaitement à la philosophie de ceux-ci, qui était de créer des emplois répondant à des besoins émergents non satisfaits.
    M. Jean-Marc Lefranc. Et non financés !
    M. Alain Néri. Les aides-éducateurs permettaient d'engager une vraie médiation sociale dans nos établissements. Ils étaient, certes, chargés de la surveillance, mais ils nouaient également des contacts et favorisaient la discussion avec les élèves des collèges et des lycées.
    Par ailleurs, ils ont permis d'améliorer le fonctionnement des bibliothèques, d'aider les élèves en difficulté.
    Mais je vais attendre, monsieur le président, que MM. les ministres aient terminé leur conversation particulière.
    M. le président. Monsieur Néri, les ministres parlent, mais ils vous écoutent... Veuillez poursuivre, je vous prie.
    M. Alain Néri. Puisque vous n'écoutiez pas, monsieur le ministre, je vais reprendre l'exposé pour vous.
    Les écoles maternelles et primaires ne pourraient pas fonctionner sans les aides-éducateurs, en particulier pour ce qui est du soutien aux élèves en difficulté.
    Vous nous dites que les assistants d'éducation apporteront un soutien aux enfants handicapés dans leur scolarisation. Très bien ! Nous sommes d'accord pour qu'une aide particulière soit donnée aux élèves en difficulté et aux enfants handicapés...
        M. le président. Monsieur Néri, il faut maintenant vous approcher de votre conclusion.
    M. Alain Néri. ... mais nous souhaitons également que tous ceux qui n'ont pas les conditions idéales pour travailler chez eux puissent bénéficier du même soutien à l'école.
    M. le président. Monsieur Néri, votre temps de parole est écoulé.
    M. Alain Néri. J'ai quasiment fini, monsieur le président.
    M. le président. Je vous en remercie. Terminez !
    M. Alain Néri. Monsieur le ministre, vous avez dit qu'en aucun cas il n'y aurait transfert de charges et que les aides-éducateurs seraient affectés prioritairement dans les écoles primaires. Si je vous croyais, je vous dirais : « Chiche ! » Mais comment ferez-vous alors qu'il manque 16 000 postes à la rentrée ?
    Dans les écoles primaires, il y a déjà transfert de charges parce que les maires et, notamment, ceux des petites communes ont fait des efforts considérales pour créer des ateliers informatiques, afin que tous les enfants de France aient accès à cet outil. Ceux qui ne sauront pas s'en servir seront en effet les illettrés du xxie siècle.
    Le rôle de l'école publique est de tendre vers l'égalisation des chances, de donner plus à ceux qui ont moins et, en particulier, de fournir les moyens de l'éducation à ceux qui ne les trouvent pas chez eux. Là est le rôle social, le rôle éducatif de l'école, et, au-delà, de la République. C'est pourquoi nous voterons la question préalable de Patrick Roy.
    M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe UDF.
    M. Olivier Jarde. Le groupe UDF considère que le nouveau dispositif des assistants d'éducation est une nécessité pour assurer dans les meilleures conditions l'assistance à l'éducation et la surveillance dans les établissements scolaires. Il y a donc lieu de légiférer. Nous sommes tous conscients des limites que recelait le système des surveillants et des aides-éducateurs. Le nouveau dispositif doit répondre aux besoins des élèves et des enseignants et aux attentes des étudiants.
    Les emplois-jeunes d'aides-éducateurs de l'éducation nationale avaient été mis en place par le gouvernement Jospin dans la précipitation et l'indétermination. Il faut reconnaître qu'ils ont souvent permis de combler des carences en personnel. Mais rien n'avait été prévu pour préparer la sortie du dispositif, prévue pourtant cinq années après. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pas de validation de leur expérience professionnelle, pas de système d'indemnisation. Ce n'est pas acceptable !
    Les aides-éducateurs ont permis de mettre en place de nouvelles activités et ont fait émerger de nouveaux besoins. Le nouveau dispositif permettra d'assurer les premières et de répondre aux seconds mais cette fois sans précarité de l'emploi. Ce sera un nouveau métier.
    Plusieurs aspects du projet de loi sont intéressants, en particulier l'encouragement au travail à mi-temps, la possibilité de le cumuler avec une bourse sur critères sociaux et la validation des acquis pour les études universitaires dans le cadre de certains diplômes.
    Les députés du groupe UDF sont particulièrement sensibles à la fonction d'intégration des élèves handicapés confiée aux assistants d'éducation. La loi nous oblige, à juste titre, à scolariser les enfants handicapés qui peuvent l'être. Il est indispensable que nous nous donnions enfin les moyens de l'appliquer.
    Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pour cinq minutes !
    M. le président. Pour cinq minutes, comme tout le monde.
    M. Maxime Gremetz. Cinq minutes, évidemment, mais pas moins...
    M. le président. Pas moins, mais pas plus. Il n'y a plus de privilèges, monsieur Gremetz ! (Sourires.)
    M. Edouard Landrain. Et cela n'a rien à voir avec le MEDEF !
    M. Maxime Gremetz. Plus de privilèges, je suis d'accord. Certains n'aimaient pas la Révolution parce qu'ils étaient contre l'abolition des privilèges !
    M. le président. Pas moi.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas à vous que je pensais, monsieur le président ! (Rires.) Vous vous appelez M. Debré, mais vous n'êtes pas « monsieur de... » ! (Rires.)
    M. le président. Effectivement, Debré en un seul mot ! Mais en un mot comme en cent (Sourires), vous avez la parole.
    M. Maxime Gremetz. Il s'agit là d'un dossier très important : l'avenir de l'avenir de ces jeunes que l'on a engagés, qui ont un nouveau métier, rendent de nouveaux services et dont on ne peut plus se passer aujourd'hui. Le problème se pose donc en termes d'emploi, mais aussi en termes d'accompagnement des enfants. On connaît le niveau qu'atteint l'échec scolaire aujourd'hui, c'est dire à quel point les besoins sont considérables.
    M. Hervé Novelli. A qui la faute ?
    M. Maxime Gremetz. Je ne veux pas développer de grandes théories ; je parle de la réalité telle que je la connais. En Picardie, M. Jardé ne pourra pas me démentir, les retards scolaires atteignent des proportions incroyables.
    M. Edouard Landrain. Il fallait arranger cela avant !
    M. Maxime Gremetz. C'est cela, la réalité, et c'est de cette réalité-là que je veux parler, sans faire de théorie. Ces emplois-jeunes que nous avons créés sont devenus totalement indispensables, vous le savez bien. Les enseignants le disent, les parents le disent, les enfants aussi.
    M. Jean Ueberschlag. Et les grands-parents aussi ! (Rires.)
    M. Maxime Gremetz. Nous en reparlerons si vous voulez ; en attendant, c'est cela, la réalité. Tous ces jeunes se sont donné beaucoup de mal et pour beaucoup se sont formés. J'en ai reçu hier qui ont été dans ce cas : pendant cinq ans, ils ont suivi une formation, ils ont bossé. Et au mois de mai, leur contrat se termine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Edouard Landrain. Mais c'est ce qui était prévu !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ils le savaient !
    M. Maxime Gremetz. Ils sont deux cents dans le département de la Somme, soit, en gros, 22 000 au plan national. C'est cela aussi, la réalité.
    M. Gilbert Meyer. Vous le saviez, c'était votre dispositif !
    M. Hervé Novelli. C'est vous les fautifs !
    M. Maxime Gremetz. Mais il y a pire : non seulement leur contrat se termine en mai, mais ils seront obligés de prendre leur mois de congé en juin. Et durant les mois de juillet et août, ils ne percevront pas d'ASSEDIC. Autrement dit, il se retrouveront sans rien du tout pendant deux mois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Edouard Landrain. Il fallait prévoir !
    Plusieurs députés de l'Union pour un mouvement populaire. La faute à qui ?
    M. Gilbert Meyer. Qui a bâti ce statut ?
    M. Maxime Gremetz. Je ne polémiquerai pas là-dessus. Mais est-il possible de traiter les gens ainsi ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Avec vous, c'est possible !
    M. Jean-Louis Idiart. Cela fait un an que vous êtes là !
    M. Maxime Gremetz. Imaginez-vous la déception de ces jeunes ?
    Vous avez beau crier, vous ne m'empêcherez pas de parler mesdames et messieurs de l'opposition, vous le savez bien. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Gremetz s'exprimer. Vous savez bien que plus on l'interpelle, plus il continue. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Voyez, monsieur le président, comment ils m'interrompent !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz. Je défends votre droit de parole. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. C'est parce que je parle juste, monsieur le président. Je ne parle pas de théorie, moi, mais de faits. Ces 200 emplois-jeunes dans la Somme, ces 22 000 au niveau national, pour eux, c'est terminé. Ils se retrouveront au chômage, sans aucune ressource pendant deux mois. Et ça, ce n'est pas de la théorie. Je parle de la réalité.
    J'entends souvent dire que l'enfant doit être au coeur de l'éducation, de l'enseignement, etc.
    M. Yves Durand. Ils ne le disent plus, eux !
    M. Maxime Gremetz. Mais si l'on se prive de moyens comme ceux-là, ce n'est plus l'enfant, mais bien le profit qui sera au coeur de l'éducation. Voilà ce qui se passera si l'on ne veut plus accorder à l'éducation nationale les moyens nécessaires et, du même coup, accompagner ces jeunes dont je parlais à l'instant. Comment intégrer, par exemple, des enfants handicapés dans un milieu scolaire normal sans éducateurs spécialisés ? Là non plus, M. Jardé ne me démentira pas.
    M. Olivier Jardé. Mais c'est prévu !
    M. Maxime Gremetz. Oui, mais, moi aussi, je fais un calcul simple : il y avait 30 000 aides-éducateurs. On nous en propose aujourd'hui 16 000 ; il en manque 14 000. J'arrive au même compte que M. Néri. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous avez beau dire tout ce que vous voulez, cela fera 14 000 aides-éducateurs qui manqueront, et des enseignants et des écoles en très grande difficulté.
    M. Yves Durand. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Du reste, réfléchissez un peu. Pourquoi, à votre avis, tous les syndicats sont-ils opposés à votre projet de loi ? Parce qu'ils ne sont pas modernes ? Parce qu'ils défendent des intérêts corporatistes ? Pas du tout.
    M. Michel Voisin. Ils sont toujours contre nos propositions ! Et contre les vôtres aussi, d'ailleurs !
    M. Maxime Gremetz. Ces syndicats d'enseignants ne pensent qu'à leur métier, ils ne pensent qu'à donner de meilleures chances aux enfants. Ou alors, si vous ne le croyez pas, arrêtez de saluer leur dévouement et de leur répéter qu'ils sont formidables dans le seul but de leur faire avaler de mauvaises pilules !
    M. le président. Cher monsieur Gremetz, il est temps de terminer...
    M. Maxime Gremetz. Vous comprenez donc pourquoi, face à la gravité de la situation, je suis pour le maintien de ces emplois-jeunes. Appelez-les comme vous voulez, assistants d'éducation ou autres ; reste qu'il nous en faut non pas 16 000, mais bien 30 000, avec un statut réel, des missions bien définies (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et une qualification digne de ce nom. C'est cela investir dans l'avenir. Or votre projet ne répond pas aux besoins ; c'est pourquoi nous voterons la question préalable.
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Rappel au règlement

    M. Yves Durand. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour un rappel au règlement.
    M. Yves Durand. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58.
    Nous allons entamer la discussion générale, puis sans doute commencer, peut-être dès cette nuit, la discussion de nos amendements, qui se poursuivra sans doute demain et après-demain. Et si j'ai bien compris, le groupe UMP se réjouit désormais, comme tout le monde sur ces bancs, à l'idée de participer à un débat de fond, serein, sérieux, sur l'éducation nationale.
    Reste que j'ai été pour le moins surpris par les attitudes, parfois les rires, qu'ont suscités, à défaut de réponse, les questions de fond que nous avons posées.
    M. Jean-Marc Lefranc. C'est pas un rappel au règlement !
    M. Yves Durand. Aussi, monsieur le président, dans le but précisément de permettre à ce débat serein de s'instaurer, je souhaite pouvoir réunir mon groupe et vous demande à cet effet une suspension de séance d'une demi-heure. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La suspension est de droit.
    Elle sera de dix minutes. (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt et une heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Frédéric Reiss.
    M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui répond à la nécessité de faire évoluer les systèmes de surveillance et d'accompagnement scolaire dans nos écoles, collèges et lycées. Les MI-SE ont longtemps rempli bravement leur mission. Mais ce corps, qui a vu le jour en 1937, est aujourd'hui largement dépassé. A l'instar du contexte socioculturel, les besoins des écoles, des collèges et des lycées ont profondément changé ; il leur faut maintenant évoluer afin de coller à la réalité du terrain.
    Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le gouvernement de M. Jospin avait conscience du problème. M. Allègre, notamment, avait fait des analyses pertinentes dans ce domaine et dans bien d'autres. Il me fait penser au gardien de but qui, les footballeurs le savent bien, occupe un endroit stratégique sur le terrain : il voit le jeu et les lacunes de sa propre équipe. Malheureusement, au lieu d'aller de l'avant et d'adapter le système de jeu aux réalités du terrain, la gauche a choisi de marquer contre son propre camp...
    Mieux que cela, elle a préféré changer le gardien de but, si bien que tout reste à faire, et j'ai bien conscience que le nouveau match qui commence n'est pas gagné.
    Quant aux aides-éducateurs, parlons-en ! Le gouvernement socialiste les a mis en place avec l'objectif avoué ou inavoué d'améliorer les statistiques du chômage (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) tout en donnant un signe fort à l'opinion publique.
    M. Yves Durand. C'est totalement faux ! Allez dire cela aux directeurs d'école !
    M. Frédéric Reiss. Bien entendu, le dispositif des emplois-jeunes a généré des emplois, - des emplois précaires, faut-il le rappeler ? Jack Lang, alors ministre de l'éducation nationale, insistait lui-même, le 6 juin 2001 - ce n'est pas si vieux ! : « Dès le début de cette opération, il a été clairement précisé aux aides-éducateurs qu'ils ne seraient pas maintenus au-delà des cinq années de leur contrat. »
    M. Yves Durand. Les aides-éducateurs, pas les contrats ! C'est différent.
    M. Frédéric Reiss. L'opposition affirme aujourd'hui allègrement le contraire ! Y-a-qu'à : c'est trop facile !
    Je me souviens avoir mis mal à l'aise - je l'étais moi-même - le sous-préfet de ma circonscription en disant que, s'agissant des aides-éducateurs, l'Etat avait donné le mauvais exemple : on a précipité des jeunes droit dans le mur puisque le volet formation qu'on leur avait fait miroiter a très rarement été ouvert.
    M. Yves Durand. C'est faux !
    M. Frédéric Reiss. Ainsi échaudés, les plus performants ont d'ailleurs rapidement trouvé du travail ailleurs, souvent dans le privé...
    M. Yves Durand. Eh bien alors ? C'était bien le but !
    M. Frédéric Reiss. ... non parce qu'ils pouvaient se prévaloir d'être aides-éducateurs mais tout simplement parce qu'ils étaient performants ! Quant à ceux qui sont restés, il ne fallait surtout pas évoquer, à leur propos, des fonctionnaires au rabais !
    Cependant, en regardant de plus près le travail abattu par les aides-éducateurs dans les écoles, collèges et lycées, il faut bien avouer que, sans aucune formation pédagogique - et beaucoup d'enseignants à l'époque s'en étaient offusqués - les aides-éducateurs ont rendu service dans beaucoup de domaines. Tour à tour, ils étaient surveillants, de bus ou de cantine...
    M. Yves Durand. Jamais !
    M. Frédéric Reiss. ... hôtes ou hôtesses d'accueil, avant et après les cours, bibliothécaires, guides touristiques, standardistes, éducateurs sportifs, assistants sociaux, psychologues, infirmiers voire professeurs remplaçants ; oui, même s'il avait été claironné haut et fort qu'il n'en était pas question. On les a vu assurer du soutien scolaire, surveiller des colles, exécuter des tâches administratives, préparer la rentrée, ramasser les livres, régler des conflits. Et, chaque année, il faut le dire, ils se sont rendus plus indispensables que l'année précédente. Mais non ! Ils n'étaient pas fonctionnaires au rabais !
    Avec le projet de loi qui nous est proposé, 16 000 postes d'assistants d'éducation seront créés à la rentrée prochaine avec un statut de droit public, pour mieux assurer l'encadrement des élèves dans les établissements scolaires.
    Au-delà de la querelle des chiffres, il est important de souligner la volonté du Gouvernement non seulement de faire face au nécessaire besoin de surveillance et de lutter contre les actes de violence trop nombreux à l'école, mais aussi de mieux assurer les fonctions d'assistance aux équipes éducatives en place dans les établissements.
    Il faut bien avouer que, dans l'absolu, le nombre de postes occupés par les MI-SE, par les emplois-jeunes et par les assistants d'éducation sera inférieur à la rentrée 2003, à celui de la rentrée 2002. Mais du fait de l'augmentation des postes d'assistants d'éducation à mi-temps pour leur permettre de mieux concilier leur travail et leurs études, un objectif de 88 000 personnes devrait être atteint. La différence viendra du non-renouvellement des contrats emplois-jeunes. Mais au moment de leur création, la règle du jeu était connue, malheureusement.
    C'est aussi l'une des différences fondamentales avec le projet de loi actuel dont l'article 3 prévoit l'affiliation des EPLE, établissements publics locaux d'enseignement, à l'UNEDIC au titre des assistants d'éducation. Cela constitue une garantie fondamentale pour l'indemnisation au titre de l'assurance chômage des assistants d'éducation, à l'issue de leur contrat.
    M. Yves Durand. L'UNEDIC est-elle d'accord ?
    M. Frédéric Reiss. Les sorties des contrats emplois-jeunes, elles, ont été douloureuses puisque rien n'avait été prévu encore.
    Il faut bien l'admettre, ce n'est pas en multipliant les moyens humains que les résultats seront forcément meilleurs. Il faut rationaliser, optimiser les moyens et sortir de la logique quantitative du toujours plus.
    M. Yves Durand. Moins il y a d'enseignants, mieux l'enseignement se porte ?
    M. Frédéric Reiss. Les problèmes complexes d'aujourd'hui ne se résolvent pas avec de la simple arithmétrique.
    M. Yves Durand. C'est un raisonnement extraordinaire !
    M. Frédéric Reiss. Je ne comprends pas pourquoi on crie haro sur le baudet, s'agissant du mode de recrutement des assistants d'éducation. Les syndicats et partis de gauche savent pertinemment que le recrutement et l'affectation des MI-SE par les rectorats ne répondaient pas de manière satisfaisante aux besoins des établissements. L'éloignement des centres universitaires ou l'ignorance des priorités pédagogiques définies dans les projets d'établissement sont des freins à l'efficacité des recrutements par les recteurs. Aussi suis-je favorable au principe du recrutement des assistants d'éducation par les établissements eux-mêmes, collèges, lycées et établissements spécialisés.
    M. Yves Durand. Et demain, ce sera les professeurs !
    M. Frédéric Reiss. Sur le plan juridique, ces derniers, représentés par le chef d'établissement, sont habilités à passer contrat. La proximité est, pour moi, synonyme d'efficacité et aussi d'assiduité. Il est tout de même étonnant que les forces de gauche, qui se prétendaient en forces de progrès et de réforme, soient plutôt des forces d'inertie incroyables ! Pourtant, tout le monde s'accorde à dire que notre système éducatif doit évoluer pour ne pas être déconnecté de la réalité du monde du travail,...
    M. Yves Durand. Ah voilà : l'école au service du MEDEF !
    M. Frédéric Reiss. ... des problèmes de société. Toute évolution semble impossible. Personne ne me fera croire que le système actuel, avec ses problèmes quotidiens de discipline, parfois de violence,...
    M. Alain Néri. Ce n'est pas en réduisant les effectifs que vous réglerez les problèmes de violence !
    M. Frédéric Reiss. ... avec ses 70 000 jeunes qui sortent chaque année sans aucun diplôme ni formation, n'est pas perfectible !
    Je me réjouis particulièrement des avancées proposées par le nouveau dispositif aux familles d'enfants handicapés. En cette année européenne des personnes handicapées, et dans le sillon tracé par le Président de la République, le dispositif d'assistant d'éducation permet d'accentuer les efforts entrepris pour intégrer les élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire. Lutter contre la fracture scolaire, développer la solidarité au sein des établissements sont des objectifs clairement affichés par le ministère. Dans le domaine du handicap, les réponses apportées doivent être individualisées, chaque cas étant différent. Des efforts ont déjà été accomplis lors de la construction des nouveaux établissements scolaires ou lors de restructurations, pour faciliter l'accès des élèves à mobilité réduite ou pour sécuriser, par exemple, les escaliers pour les malvoyants. Les moyens humains ont commencé à suivre grâce au dispositif Handiscol,...
    M. Yves Durand. Qui a créé Handiscol ?
    M. Alain Néri. Ségolène Royal !
    M. Frédéric Reiss. ... et aussi grâce aux efforts remarquables d'associations qui coordonnent l'action d'environ 2 000 auxiliaires de vie, AVS, à travers l'Hexagone. C'est beaucoup et peu à la fois, et la volonté de tripler ce nombre grâce au dispositif des assistants d'éducation va dans le bon sens. En Alsace, l'association « Le Chaînon manquant », une de ces associations qui font un travail exemplaire, s'y est essayé d'abord expérimentalement, puis avec 130 emplois-jeunes. Cela n'a été possible qu'avec le financement de l'Etat à 80 %, le complément étant financé par les collectivités, notamment le conseil général.
    Une institutrice de ma circonscription m'a fait part de sa grande satisfaction d'avoir dans sa classe une enfant infirme motrice et cérébrale qui, grâce à un AVS, a pu bénéficier de conditions d'accueil et d'un enseignement personnalisés.
    M. Yves Durand. C'est le plan Handiscol de Jack Lang !
    M. Frédéric Reiss. Actuellement, cette élève suit normalement la classe de CE2, on ne peut que s'en réjouir.
    Les AVS actuels ne seront pas supprimés et pourront être repris par le nouveau dispositif. A cet égard, l'expérience, les compétences et le savoir-faire des associations seront utiles pour les 200 heures de formation dispensées annuellement aux nouveaux assistants d'éducation. C'est un signe fort pour les familles d'enfants handicapés, envers qui nous avons un véritable devoir de solidarité. Elles doivent être rassurées par ces efforts dont le but est de permettre à chaque enfant handicapé de trouver sa place dans la société.
    D'une manière générale, à l'issue des deux périodes de trois ans, les assistants d'éducation pourront avoir accès, sous réserve de satisfaire aux conditions de diplôme, à des concours internes ouverts aux agents non titulaires du ministère de l'éducation nationale. Cette possibilité, qui n'a été offerte ni aux MI-SE ni aux aides-éducateurs, permettra aux assistants d'éducation d'embrasser une carrière d'enseignant, de CPE ou d'éducateur spécialisé.
    Avec la perspective des nombreux départs à la retraite dans la décennie à venir, les assistants d'éducation constitueront un vivier précieux.
    M. Alain Néri. Si vous créez des postes !
    M. Frédéric Reiss. La coexistence de trois statuts pendant une période transitoire sera sans doute difficile à gérer, mais les assistants d'éducation, qui prendront progressivement le relais des MI-SE et des emplois-jeunes, contribueront, à leur manière, à former les citoyens responsables de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
    Vous n'êtes pas obligé de monter à la tribune, monsieur Néri !
    M. Alain Néri. Je souhaite regarder le ministre au fond des yeux, monsieur le président. (Sourires.)
    M. le président. Vous avez une bonne vue, mon cher collègue !
    M. Alain Néri. A l'évidence, messieurs les ministres, l'éducation nationale n'est plus la priorité du Gouvernement.
    Alors que le débat avait été initialement fixé à jeudi dernier pour une durée de deux heures, le Gouvernement a été obligé de le reporter à cette semaine et il durera du mardi au vendredi. Et encore, nous verrons bien ! Nous nous en réjouissons tout comme, semble-t-il, les députés de l'UMP.
    M. Daniel Poulou. Parfaitement !
    M. Alain Néri. Le Gouvernement rêvait de régler cet important dossier à la sauvette, en catimini, par un projet de loi qui se résume à trois articles et par deux heures de débat. Avouez que c'était un peu se moquer du monde ! Il a dû reculer et nous lui imposons un vrai débat grâce aux amendements que nous avons déposés et dont nous débattrons au fil de la semaine.
    Il va falloir, monsieur Luc Ferry, que vous vous expliquiez sur les conséquences de l'abandon des aides-éducateurs ainsi que sur vos projets de décentralisation.
    La suppression des aides-éducateurs et des MI-SE signe le renoncement du Gouvernement à toute politique éducative de qualité et d'avenir.
    En effet, le premier objectif de la loi créant les assistants d'éducation est clair : diminuer le nombre de jeunes mis à la disposition des établissements scolaires. Nul ne peut le nier - c'est un calcul du niveau du cours élémentaire deuxième année -, le Gouvernement supprime près de 30 000 postes, 5 600 surveillants et plus de 23 000 aides-éducateurs, alors qu'il ne crée que 16 000 postes d'assistants d'éducation, dont le financement n'est d'ailleurs pas prévu en totalité dans le budget 2003.
    Messieurs les ministres, alors que le pays connaît des vagues de licenciements sans précédent, vous êtes les premiers licencieurs de France !
    En dépit de la présentation idyllique, tant du ministre que du rapporteur, qui relève d'ailleurs davantage de la pétition de principe que de la démonstration du bien-fondé du dispositif proposé, il est faux de présenter ce projet comme une avancée pour les différentes parties intéressées : un vent de fronde se lève dans le pays contre lui, et vous le savez bien, même si vous avez ironisé sur la grève qui a recueilli l'adhésion massive des enseignants, des étudiants, des élèves et de leurs parents. De plus, l'ensemble des organisations syndicales d'enseignants, à l'exception de l'UNI, je vous le concède, et les fédérations de parents d'élèves, ont émis un avis défavorable.
    Plus significatif encore, le Conseil supérieur de l'éducation nationale et le Conseil supérieur de la fonction publique se sont résolument prononcés contre votre projet.
    Contre vents et marées, vous affirmez, avec beaucoup de témérité, que votre projet est bon et que, seul contre tous, vous avez raison, ce qui démontre à l'évidence votre sens aigu du dialogue social !
    Vous nous dites que ce texte est bon, car il crée un statut d'assistant d'éducation. Là, vous travestissez sans vergogne la réalité : il ne s'agit pas d'un statut mais d'un simple contrat de droit public à durée déterminée qui aboutit, en réalité, à institutionnaliser la précarité.
    En outre, en cas de conflit, les assistants d'éducation ne pourront avoir recours qu'aux seules juridictions administratives et non à la garantie de procédure de la fonction publique ou à la saisine des prud'hommes.
    En réalité, votre texte n'est pas bon, car il supprime un des principaux dispositifs qui permettaient aux étudiants des milieux modestes de financer leurs études : ils sont 40 000 aujourd'hui. Les conditions d'accès - être titulaire du bac et avoir vingt ans - ouvrent la porte à tout, y compris - et je n'ai rien contre eux ! - aux militaires retraités ou aux mères de familles, comme vous l'avez vous-même annoncé, monsieur le ministre, en octobre dernier.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je n'ai jamais dit cela !
    M. Yves Durand. Mais votre directeur de cabinet, si !
    M. Alain Néri. Ainsi, aucun critère social ni de qualification n'encadre le recrutement de vos assistants d'éducation.
    Par ailleurs, messieurs les ministres, la durée du temps de travail actuelle des MI-SE est de 28 heures et l'on sait bien la difficulté qu'ont ces jeunes pour poursuivre des études dans de bonnes conditions avec une telle charge de travail. Et vous leur proposez 1 600 heures par an réparties sur 39 ou 45 semaines ? Faites la division : ils effectueront ainsi plus de trente-cinq heures de travail hebdomadaire !
    L'arrivée des aides-éducateurs sur emplois-jeunes dans l'éducation nationale a permis de créer des fonctions inexistantes ou inédites dans les écoles, collèges et lycées. Les activités qu'ils ont exercées correspondaient à de réels besoins, comme la surveillance. Et aujourd'hui, chacun se plaît à saluer le rôle qu'ils ont également joué en tant que médiateurs sociaux, notamment dans les écoles qui connaissent le plus de difficultés.
    Ils ont également exercé des fonctions importantes dans le développement de l'informatique, la documentation, l'aide à l'enseignement ou l'animation. Ils ont permis de mettre en place les actions de soutien en direction des élèves les plus en difficulté. Vous jetez à bas ce système qui donnait satisfaction.
    N'est-ce pas vous, monsieur Ferry, qui, le 17 juillet, déclariez devant l'Assemblée nationale, au sujet des aides-éducateurs : « Ils remplissent des missions qui sont, compte tenu de l'évolution de l'école et de la société, devenues indispensables, comme l'apprentissage de l'informatique ou la médiation avec les familles. Des aides-éducateurs assurent l'assistance informatique, l'aide aux élèves handicapés, l'animation socioculturelle, l'assistance aux centres de documentation. » Et aujourd'hui - ô paradoxe -, c'est vous qui en proposez la suppression !
    Votre texte n'est pas bon...
    M. Patrick Roy. C'est le moins que l'on puisse dire !
    M. Alain Néri. ... car il ne fournit aucune indication sur la mission effective qui sera confiée aux assistants d'éducation. Ceux-ci pourront, en outre, être appelés à travailler pour plusieurs établissements, voire avec des collectivités territoriales différentes. Mais les conventions régissant leur mise à disposition seront conclues avec les seuls établissements, sans que l'administration rectorale y soit associée.
    Votre projet de loi, sous couvert d'apporter des solutions, n'est qu'une supercherie tournant le dos à une pédagogique active qui prépare nos élèves à l'avenir.
    Votre texte n'est pas bon, car il supprime les aides-éducateurs qui avaient trouvé toute leur place dans l'équipe éducative et dont l'action est aujourd'hui unanimement appréciée par les enseignants, les élèves et leurs parents.
    Néanmoins, je dois reconnaître un point positif à votre projet : la mise à disposition, en complément du plan handiscol de votre prédécesseur, d'un soutien à la scolarisation des enfants handicapés. Nous approuvons cette proposition, tout en regrettant de ne pouvoir vous suivre que sur ce point.
    La création des ateliers informatiques à l'école a permis de dédoubler les classes pour que l'enseignant puisse réaliser du soutien pendant que le deuxième groupe découvrait l'informatique. Monsieur le ministre, l'école doit avant tout préparer l'avenir et permettre aux enfants d'aujourd'hui de trouver leur place dans la société de demain. Vous savez comme moi que ceux qui n'auront pas la pratique de l'informatique seront les illettrés du xxie siècle.
    M. Yves Durand. Très bien !
    M. Alain Néri. Or c'est une mesure de justice sociale que de donner aux enfants des classes les plus défavorisés, qui n'ont pas d'ordinateur chez eux, la chance de trouver à l'école les ordinateurs dont ils ont besoin pour leur formation, de la même façon que, il y a quelques années, on avait créé les bibliothèques pour ceux qui n'avaient pas de livres à la maison. Voilà quel doit être le rôle de l'école de la République : assurer l'égalité des chances.
    Votre texte n'est pas bon non plus car vous engagez un transfert de charges. Ce n'est d'ailleurs que la continuité de l'action engagée, si j'ai bien écouté le Premier ministre l'autre jour à Versailles, avec la possibilité de transférer la charge des ATOSS aux collectivités territoriales. Un tel transfert est inacceptable et souvent insupportable pour les plus petites collectivités locales.
    Vous avez créé la désespérance dans les petites communes.
    M. Yves Durand. C'est vrai !
    M. Alain Néri. Les maires sont attachés à leur école, à l'école de la République, à l'école de l'égalité. A la rentrée, il va manquer 14 000 postes et les écoles rurales qui n'auront plus d'aide-éducateur ne pourront plus faire fonctionner les ateliers informatiques qu'ils ont mis en place. Vous serez donc responsable du gaspillage de l'argent public en empêchant les ateliers informatiques qui ont été mis en place de fonctionner ! Ou alors, une fois de plus, les élus locaux seront obligés de pallier les carences de votre gouvernement...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
    M. Alain Néri. ... pour assurer un service indispensable à une éducation de qualité, et donc d'augmenter les impôts locaux, pendant que vous vous défaussez et que vous claironnez que vous baissez les impôts de l'Etat.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !
    M. Yves Durand. Pas pour tout le monde !
    M. Alain Néri. Votre texte n'est pas bon car, par vos orientations et votre proposition, vous inversez le mouvement de démocratisation de l'enseignement, qui constitue le fondement du pacte républicain. Vous engagez par ce texte la contre-réforme de l'éducation nationale.
    M. Yves Durand. Très bonne expression !
    M. Alain Néri. Monsieur le ministre, il est parfois des héritages lourds à assurer. Il est parfois des noms difficiles à porter. Jules Ferry avait créé l'école publique, l'école de l'égalisation des chances, l'école de la République. Si vous voulez vous montrer digne de votre illustre prédécesseur, il est encore temps de réagir, il est grand temps de réagir. Retirez votre projet de régression sociale et de démantèlement de l'éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est M. Olivier Jardé.
    M. Olivier Jardé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en place d'un nouveau dispositif pour les assistants d'éducation était une nécessité pour assurer dans les meilleures conditions l'assistance à l'éducation et la surveillance dans les établissements scolaires et les écoles. Les 20 000 postes précaires d'aides-éducateurs dont le contrat prendra fin à la rentrée prochaine doivent être remplacés par des postes stables et porteurs de débouchés professionnels réels.
    M. Yves Durand. Ah oui ?
    M. Olivier Jardé. C'est un projet de loi qui suscite débat dans le monde enseignant, chez les parents d'élèves, chez tous ceux qui s'occupent d'enfants handicapés. Plusieurs inquiétudes s'élèvent, portant sur le nombre de postes d'assistants d'éducation, sur leur formation pour s'occuper des enfants handicapés, sur les conditions de leur recrutement.
    Nous sommes tous conscients des limites que recelait le système des surveillants et des aides-éducateurs. Un rapport commandé par Claude Allègre...
    M. Yves Durand. Ah ! Le bon Claude Allègre !
    M. Olivier Jardé. ... avait déjà souligné que les maîtres d'internat-surveillants d'externat étaient parfois « peu différents par leur âge et leur comportement des élèves d'établissements difficiles qu'ils peuvent être amenés à encadrer », mais la mobilisation des MI-SE avait eu pour effet d'enterrer ce rapport qui ne fut jamais publié.
    Il importe de mettre en place un dispositif qui, mieux que les deux précédents, réponde aux besoins des élèves et des enseignants, ainsi qu'aux attentes des étudiants. Depuis 1968, aucune revalorisation du statut n'a été envisagée.
    Quant aux aides-éducateurs, emplois-jeunes de l'éducation nationale, ils avaient été mis en place par le gouvernement Jospin dans la précipitation...
    M. Yves Durand. Non !
    M. Olivier Jardé. ... et dans l'indétermination, même s'il faut reconnaître qu'ils ont souvent permis de combler des carences en personnels. Le gouvernement Jospin n'a rien prévu pour préparer leur avenir à l'issue des cinq années,...
    M. Yves Durand. C'est totalement faux !
    M. Olivier Jardé. ... alors que la sortie du dispositif était parfaitement prévisible : aucune validation de leur expérience professionnelle, aucun système d'indemnisation chômage. Est-ce acceptable ? (« Non » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cependant, les aides-éducateurs ont aussi mis en place de nouvelles activités et fait émerger de nouveaux besoins, que le nouveau dispositif permettra d'assurer,...
    M. Patrick Roy. Non !
    M. Olivier Jardé. ... mais cette fois sans précarité de l'emploi et avec un nouveau métier.
    Plusieurs aspects de ce projet de loi nous apparaissent intéressants.
    Tout d'abord, il est appréciable que les assistants d'éducation bénéficient de contrats de droit public, quand l'on connaît les difficultés qu'avait soulevées la gestion des contrats de droit privé des emplois-jeunes.
    Le travail à mi-temps, plus compatible avec les études universitaires, sera encouragé : en travaillant dix-sept heures trente par semaine, les étudiants pourront à la fois acquérir une expérience professionnelle, obtenir un revenu d'appoint toujours utile...
    Mme Martine Billard. Un revenu d'appoint ? De l'argent de poche ?
    M. Olivier Jardé. ... tout en se ménageant le temps nécessaire pour mener leurs études avec toutes les chances de réusssite.
    Surtout, les étudiants pourront cumuler ce travail salarié à mi-temps avec une bourse sur critères sociaux, ce qui les fera bénéficier d'une rémunération permettant d'assurer leur autonomie.
    Enfin, le fait que l'expérience d'assistant d'éducation fasse l'objet d'une validation des acquis pour les études universitaires dans le cadre de certains diplômes est une bonne chose, principalement pour les jeunes qui se destinent à l'enseignement. En effet, plusieurs enquêtes ont mis en évidence que les surveillants obtenaient de moins bons résultats universitaires que les autres étudiants.
    Nous connaissons tous les besoins qu'expriment les enseignants, les chefs d'établissement en matière de surveillance. Il est donc normal que les 5 600 postes de surveillants soient intégralement remplacés.
    M. Yves Durand. Ce ne sera pas le cas !
    M. Olivier Jardé. Il est hors de question de mettre des caméras de surveillance et des barbelés dans les établissements (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), nous préférons y mettre des hommes, des étudiants et des jeunes.
    M. Yves Durand. Il faut créer les postes !
    M. Olivier Jardé. Il est également important que les fonctions essentielles qu'assuraient les emplois-jeunes soient préservées, y compris dans le premier degré, dans la mesure où près des deux tiers des postes d'aides-éducateurs se trouvaient dans des écoles maternelles et élémentaires.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Absolument !
    M. Olivier Jardé. Par ailleurs, les collectivités territoriales qui le souhaitent pourront compléter cet effort,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et voilà !
    M. Olivier Jardé. ... en l'occurrence en finançant davantage de postes.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est bien ce que nous disions !
    M. Olivier Jardé. Sur ce point, nous exprimons quelques réserves. S'il est souhaitable de laisser une plus grande souplesse aux collectivités territoriales dans la gestion des établissements qui relèvent de leur compétence, il faut prendre garde au fait qu'elles n'ont pas à pallier les manques de l'Etat en matière de financement. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    De-ci de-là, on entend déjà quelques voix déplorer le nombre insuffisant de ces postes. Certains réclament jusqu'à 25 600 postes. Mais, avec 16 000 postes d'assistants d'éducation, les MI-SE et les aides-éducateurs en poste qui pourront tous aller au terme de leur contrat, on obtient un total de 82 000 jeunes adultes qui seront présents dans les écoles et les établissements scolaires à la rentrée de 2003 pour assurer des tâches d'encadrement des élèves et d'assistance aux équipes pédagogiques. Ce nombre est élevé. Il est certes inférieur au pic atteint en 2002 au plus fort du programme des emplois-jeunes, mais il est très supérieur au nombre de surveillants qui étaient seuls présents dans les collèges et les lycées avant ce programme.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Exactement !
    M. Olivier Jardé. Par là, sera atteint l'objectif qui vise à maintenir un nombre élevé de jeunes adultes dans les établissements scolaires. Ni les instituteurs ni les professeurs n'auront à se débrouiller seuls dans les classes.
    Les assistants d'éducation pourront remplir diverses missions : assister le conseiller principal d'éducation dans le fonctionnement de la vie scolaire de l'établissement tant au niveau administratif qu'au niveau éducatif, mais aussi gérer les absences, gérer les maux, les problèmes de vie en collectivité.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Tout ça !
    M. Olivier Jardé. Ils seront un repère pour les jeunes adolescents. D'un établissement à l'autre, les uns pourront s'occuper du soutien scolaire et des études encadrées, de l'animation d'activités culturelles, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, de la documentation, de l'aide aux élèves ayant des problèmes de comportement, de la médiation scolaire.
    M. Yves Durand. Rien que ça !
    M. Olivier Jardé. Grâce à eux, pas de permanences surchargées, pas de surveillances moins efficaces dans la cour, au self, en étude ; l'animation informatique est maintenue, le soutien et l'aide aux devoirs assurés.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Quel programme !
    M. Olivier Jardé. J'insisterai particulièrement sur un élément de la fonction de ces assistants d'éducation qui me tient spécialement à coeur : ils pourront s'occuper de l'intégration des élèves handicapés.
    Nous savons tous que la loi nous oblige, à juste titre, à scolariser tous les enfants handicapés qui sont scolarisables. Par cette mesure, le nombre de jeunes adultes qui s'occupent de la prise en charge du handicap dans les établissements sera multiplié par cinq, voire par six. Ce sera une première et un véritable progrès.
    M. Alain Néri. Non ! Ce sera la suite du plan Handiscol !
    M. Olivier Jardé. Finalement, les deux objectifs qui avaient été à l'origine de la création des maîtres d'internat-surveillants d'externat en 1937 sont sauvegardés : permettre à des jeunes issus de milieux socialement défavorisés de poursuivre leurs études, asurer un bon encadrement des jeunes dans les cités scolaires.
    La mesure qui nous est proposée, à la fois cohérente et budgétairement raisonnable, permet à la fois de revaloriser les fonctions de surveillant, d'offrir aux étudiants plus de temps pour suivre les cours grâce à une diminution du temps de travail, une authentique formation adaptée à leur mission, la validation des acquis de l'expérience, la possibilité d'accéder aux concours internes de la fonction publique et en particulier de l'éducation nationale.
    Nous sommes convaincus que, par ce dispositif, seront assurés un meilleur encadrement des élèves, une meilleure surveillance, propices à l'éducation. Les assistants d'éducation permettront de répondre aux besoins extrêmement diversifiés des établissements.
    Nous le savons tous, de nombreuses pressions s'exercent sur le budget de la France, la conjoncture économique et financière n'est pas bonne, la guerre ne fait que rendre la situation plus difficile, mais il n'est pas question de faire des économies sur l'encadrement de nos enfants à l'école.
    M. Yves Durand. Ah !
    M. Olivier Jardé. Le projet que vous nous proposez apporte des réponses en ce qui concerne le statut des assistants d'éducation et leur implication dans la scolarisation des enfants handicapés. Si les précisions que vous apporterez au cours de la discussion répondent à nos inquiétudes, le groupe UDF décidera de vous donner pleinement son appui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Durand. Ce n'est pas très enthousiaste !
    M. le président. La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons entamé une discussion totalement surréaliste sur le nouveau statut des assistants d'éducation. Alors que le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, si j'en crois le Journal officiel du 15 mars dernier, vient de subir une véritable amputation de ses crédits de 177,2 millions d'euros, hors annulation d'autorisations de programme, et sans compter les 43,9 millions d'euros supprimés à l'enseignement supérieur, est-ce là l'urgence ?
    Sans entrer dans les détails, je vais tout de même citer quelques secteurs qui sont particulièrement touchés par l'austérité budgétaire.
    Pour l'enseignement scolaire, la suppression de 40 millions de crédits pour les dépenses pédagogiques met réellement à mal les classes à parcours artistique et culturel, ainsi que le projet de généralisation de l'enseignement des langues vivantes dans le primaire.
    Je pense aussi à la suppression sur deux ans des 50 000 postes de contractuels qui permettent d'avoir un enseignant par classe et qui, surtout, malheureusement, répondent à l'impréparation de vos cartes d'effectifs, qui vous donnent de la souplesse dans l'embauche alors que vous avez drastiquement réduit le nombre d'ouvertures de postes de titulaire. Je le dis comme je le pense, le ministère prépare fort mal les années à venir et le départ en retraite de dizaines de milliers d'enseignants.
    Ces coupes claires dans le budget touchent aussi l'accueil des enfants handicapés que le Gouvernement annonce pourtant comme la priorité des priorités. Les crédits ont été réduits de seize millions d'euros. Que vont devenir les actions pédagogiques du primaire et le plan d'accès à l'autonomie des élèves handicapés ?
    Et ce ne sont là que quelques exemples.
    En fait, les économies voulues par le Premier ministre et le ministre des finances sont la conséquence de l'insincérité de budget qui a été présenté au Parlement en décembre. Les prévisions de croissance étaient surestimées. De là à croire qu'il fallait attendre le prétexte du contexte international pour faire passer la pilule de l'austérité, il n'y a qu'un pas, que je me permets de franchir.
    Après les 3,9 milliards de gel en février, une annulation de 1,4 milliard d'euros est décrétée. C'est à peu près la moitié des crédits civils supplémentaires qui ont été votés par le Parlement en décembre. Si certains s'interrogent sur l'utilité du Parlement, nous en avons là une belle démonstration.
    L'éducation nationale que nous annoncions comme la grande perdante des arbitrages budgétaires de l'année passée confirme sa position de bonne dernière dans les préoccupations gouvernementales avec la recherche, le logement, les politiques de l'emploi et la sécurité routière.
    Je tenais à faire le point, monsieur le ministre, afin que les belles déclarations, la main sur le coeur, sur la priorité à l'éducation soient prises pour ce qu'elles sont réellement, c'est-à-dire un rideau de fumée.
    De plus, puisque vous défendez aujourd'hui votre premier texte, je ne peux passer sous silence la forte et remarquable mobilisation de l'ensemble des personnels de votre ministère contre votre politique.
    Outre les moyens en diminution de votre département ministériel et votre remarquable silence dans le débat sur les retraites, alors que vous êtes l'employeur de 1,5 million de fonctionnaires, vous avez accepté le transfert de 110 000 d'entre eux vers les collectivités territoriales, alors que, quelques jours auparavant, vous avez dit ne point être demandeur.
    Vous savez pourtant pertinemment qu'après les assises dites « des libertés locales », l'éducation nationale ferait aussi partie des administrations démembrées. Vous avez même eu le culot d'annoncer un grand plan pour la médecine scolaire, alors que vous saviez pertinemment que vous n'en auriez plus la charge d'ici à quelques mois, et ce sans concertation aucune avec les collectivités, qui, elles, vont avoir à le gérer... si vous parvenez à vos fins, car la modification constitutionnelle qui vient d'être votée à la sauvette le 17 mars dernier ne laisse présumer en rien de la réaction des Françaises et des Français, qui vont peu à peu s'apercevoir qu'on leur a vendu « un âne dans un sac », comme a bien su le démontrer mon ami et notre collègue André Chassaigne au cours du débat sur la réforme de la Constitution.
    En tout cas, les personnels de l'éducation nationale ont, eux, une piètre image d'un ministre qui, soit n'est pas au courant des décisions de Matignon concernant son champ d'action ministériel, soit masque la réalité à ses propres fonctionnaires. Il a fallu près de trois ans à Claude Allègre pour mettre dans la rue le personnel de l'éducation nationale, il ne vous a fallu que quelques mois !
    Venons-en au texte que vous nous présentez aujourd'hui dans un tel contexte.
    Le souci quasi obsessionnel de ce gouvernement de réduire la fonction publique, et ce au nom de la litanie sur la baisse des dépenses publiques, vient donc de trouver une nouvelle illustration.
    Vous aviez annoncé à l'automne la fin des aides-éducateurs et des maîtres d'internat-surveillants d'étude, et 25 600 adultes disparaissent donc des établissements scolaires, alors que le discours tenu jour après jour par le Gouvernement sur la violence des jeunes, le nécessaire retour de l'autorité dans les établissements scolaires, la lutte contre l'illettrisme, les violences racistes et antisémites dans les cours d'école ou de collège, la drogue et les comportements déviants et l'absentéisme nécessite non pas moins mais plus d'adultes dans les écoles, les collèges et les lycées.
    Vous ne pouvez nier tout le travail qui a été accompli durant les cinq dernières années par les aides-éducateurs et les aides-éducatrices. Vous savez que cet emploi a été pour nombre d'entre eux le premier et qu'ils ont ainsi repris confiance en eux et dans la société qui les entoure. Ils font désormais partie de la communauté scolaire, et vous les jetez à la rue comme des malpropres.
    Le gouvernement précédent n'a pas anticipé : il avait même prévu pour les aides-éducateurs la même fin que celle que vous leur réservez. Pourtant, avez-vous demandé aux chefs d'établissement une évaluation générale sur leurs missions et leur travail ? Avez-vous rencontré ces aides-éducateurs ? Les avez-vous écoutés ? La presse est pleine de témoignages émouvants qui illustrent leur importance et le caractère incontournable de leur action. Vous savez que, derrière la suppression des aides-éducateurs, il y a des jeunes qui ont un nom, un visage, qui se sont lancés dans l'aventure de la vie avec confiance, et vous les rejetez. Quel mépris !
    Ces jeunes étaient repérés et appéciés dans les établissements. Ils ont enrichi le travail de l'équipe enseignante et celui de l'administration des collèges et des lycées sur des aspects qui dépendaient auparavant du bon vouloir ou du temps pris par les enseignants sur leur temps libre. Je pense en particulier à ces aides-éducateurs qui réfléchissaient et faisaient des propositions en matière de voyages ou de visites pédagogiques, d'ateliers divers et variés.
    Que vont devenir ces jeunes, monsieur le ministre ? Que vont devenir les actions qu'ils ont aidé à mettre en place ?
    Pour notre part, nous continuons, et nous continuerons, comme les organisations syndicales enseignantes, la FCPE, la Ligue de l'enseignement et les organisations lycéennes qui se sont adressées au Premier ministre le 20 février dernier, à demander que les missions nouvelles mises en place par les aides-éducateurs soient reconnues, professionnalisées et transformées en emploi statutaire. Tel est le sens de la proposition de loi que mon ami Pierre Goldberg a déposé avec les membres de notre groupe.
    Nous défendrons donc des amendements qui vont dans ce sens.
    Tout le monde était d'accord pour réformer le statut des maîtres d'internat-surveillants d'externat, mais vous avez fait fi du chemin de la négociation pour tout simplement supprimer d'un trait de plume les « pions », afin de les remplacer par ces nouveaux assistants d'éducation dont le statut sera moins avantageux que celui des MI-SE !
    M. Richard Mallié. Ça, c'est vous qui le dites !
    M. François Liberti. Oui ! Je le dis parce que je le pense. D'ailleurs, eux-mêmes le pensent aussi.
    Après quelques flottements, vous avez donc annoncé la création de 16 000 assistants d'éducation. Ils vont travailler plus que les anciens « pions », 35 heures par semaine, et surtout plus de semaines par an, 46.
    M. Christian Ménard. Vous êtes sûr qu'ils ne travailleront pas 53 semaines par an ?
    M. François Liberti. Vous évacuez dans votre projet ce que vous appelez la contrainte des jours de préparation aux examens. Et vous parlez de bonne préparation pour les études !
    Au départ, votre idée était même de privilégier l'embauche de militaires retraités ou de mères de famille en faisant fi des besoins des étudiantes et des étudiants de trouver un travail pour leur permettre de poursuivre leurs études.
    Votre texte a été présenté le 30 janvier dernier au Conseil supérieur de l'éducation. Fait rarissime dans cette instance, il a fait l'objet d'un rejet massif, certains ont même dit historique. Il ne s'est trouvé qu'une voix, celle d'une minuscule organisation étudiante de droite pour vous soutenir.
    M. Alain Néri. D'extrême droite ! Des fachos !
    M. François Liberti. Quel camouflet !
    Quelques jours plus tard, au Conseil supérieur de la fonction publique du 6 février, vous avez essuyé le même échec. Comment ne pas entendre un tel refus, qui d'ailleurs transcende les sensibilités de telle ou telle organisation syndicale ?
    Quels sont les principaux reproches que nous faisons à votre texte et à ce nouveau statut ?
    Tout d'abord, nous voulons que seuls les étudiants et les étudiantes puissent bénéficier de ces nouveaux emplois, et particulièrement les boursiers, afin que l'on ne précipite pas ces derniers et ces dernières vers les « petits boulots » épuisants et qui, souvent trop prenants, les empêchent de mener à bien leurs études, particulièrement au début de leur parcours universitaire.
    Dans le même esprit, nous souhaitons que le contrat de base soit de cinq ans, ce qui met le salarié dans une situation moins précaire et lui permet d'envisager son cursus universitaire sans « à-coups ». La prolongation de deux ans est mieux adaptée, car elle tient compte d'éventuels redoublements dus à la charge de travail importante que vous leur imposez au regard de ce qu'étaient les MI-SE.
    Nous refusons que les chefs d'établissement puissent recruter directement les nouveaux assistants d'éducation. Tout d'abord, parce que nous pensons que ce n'est pas leur travail. Nous pensons aussi qu'il y a plus d'inconvénients que d'avantages à ce système, surtout dans une période où le chômage des jeunes progresse de nouveau. Ne le nions pas, des pressions peuvent avoir lieu au plan local. Ce n'est pas juste de mettre ainsi les chefs d'établissement en difficulté. Si le lieu de l'embauche n'est pas le rectorat, sommes-nous certains que nous aurons une mixité sociale ? Faudra-t-il une nouvelle fois nous satisfaire de ce que les étudiants issus des cités restent dans le collège de leur cité et que les enfants des milieux moins en difficulté soient dans les collèges de centre-ville ?
    Les assistants d'éducation doivent être recrutés en toute impartialité par les rectorats, en privilégiant les étudiants boursiers.
    Nous sommes aussi fermement opposés à ce que les assistants d'éducation exercent dans plusieurs établissements. Pourquoi ? Parce que nous considérons que les établissements scolaires sont des lieux fragiles. Il convient donc que la relation de confiance existe entre les assistants d'éducation et la communauté éducative. Il ne s'agit pas d'un « petit boulot » mais bien d'un travail en direction des enfants et des jeunes.
    De plus, ces salariés, surtout si, comme nous le souhaitons, ils sont tous étudiants ou étudiantes, ne peuvent ni ne doivent travailler à flux tendu dans des établissements où leurs profils de poste ne seraient pas les mêmes. Ce serait, convenons-en, source de fatigue et d'inefficacité. Cela favoriserait aussi un « turn-over » important, ce qui n'est pas souhaitable. De plus, si, comme la commission l'a souligné, les assistants d'éducation doivent être associés au projet éducatif de l'établissement, comment pourraient-ils s'impliquer s'ils ne sont que des « bouche-trous » dans des emplois du temps ? De leur statut dépend leur implication dans l'établissement scolaire.
    Nous ne voulons pas que leurs missions soient dévoyées. Nous trouvons déjà que la définition de leur emploi est plus une tautologie qu'une vraie définition. Il y a des bibliothécaires, il y a des conseillers principaux d'éducation, il y a des personnels administratifs dans la nomenclature des emplois de l'éducation nationale. Les assistants d'éducation ne doivent pas servir d'intérimaires au ministère. Cela ne serait pas bon pour les élèves ni pour la communauté éducative. Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, d'être plus précis dans votre définition des profils de poste et donc de nous dévoiler ce que contient le décret que vous avez déjà soumis aux organisations syndicales.
    Nous sommes aussi très réticents à l'égard des conventions signées directement entre le chef d'établissement et les collectivités locales. Nous pensons que c'est au ministère et aux associations d'élus de réfléchir à des coopérations entre les établissements et les collectivités. Ces nouveaux personnels ne doivent pas simplement servir de remplaçants pour des missions qui pourraient être effectuées par des fonctionnaires territoriaux ou des personnels d'associations ayant des délégations de service public. Je pense en particulier au secteur de l'animation sportive ou socioculturelle. Les assistants et assistantes d'éducation doivent trouver leur place d'abord dans les établissements scolaires. Sinon, il y aurait des risques de dérives graves. La confiance n'évite pas le contrôle et je préfère que l'on devance les problèmes plutôt qu'on les subisse après coup. A minima, monsieur le ministre, accepterez-vous que ces conventions soient soumises au rectorat, afin d'éviter les excès et les dérives que nous avons connus, y compris pour les aides-éducateurs ?
    Enfin, je souhaite que vous affirmiez ici que ces emplois d'assistant d'éducation ne sont et ne seront pas transférables aux collectivités locales. Il ne serait pas bon, si vous en aviez l'idée, que ces dernières et leurs élus l'apprennent par la presse. Leur rôle est au sein de la communauté éducative, et comme vous le savez, nous nous opposons à votre politique de démantèlement du ministère de l'éducation nationale. Nous préférons, là aussi, prévenir que guérir.
    Ces quelques amendements de bon sens ne sont que des moyens d'atténuer la nocivité de ce texte. Nous n'avons pas voulu profiter de cette mauvaise réforme pour récrire tout le code de l'éducation. Nous nous sommes concentrés sur quelques amendements de fond qui, s'ils étaient adoptés, apporteraient quelques garanties à ces nouveaux salariés, mais en aucun cas ne nous feraient changer de vote.
    Nous vous avons, nous aussi, demandé, par la voie de notre ami Patrick Braouezec, de retirer ce projet unanimement rejeté par l'ensemble des représentants de la communauté éducative.
    M. Daniel Paul. C'est la sagesse même !
    M. François Liberti. Ne soyez pas sourd à cette demande. N'imposez pas lorsque vous n'êtes pas arrivé à convaincre. Remettez sur le métier ce qui a été mal tissé. Vous ne parviendrez plus à lever la méfiance qui entache ce texte. Pour les jeunes adultes que sont les aides-éducateurs, vous resterez le plus grand ministre licencieur de l'histoire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Michèle Tabarot. N'importe quoi !
    M. Patrick Braouezec. Et le dire ne nous fait pas plaisir !
    M. François Liberti. Pour les élus locaux, vous serez celui qui a transféré des emplois à l'insu de son plein gré, et vous allez rendre impossible leur tâche de reclassement d'un certain nombre d'aides-éducateurs. Enfin, pour les enseignants et les parents, vous resterez celui qui a supprimé 10 000 adultes des cours d'écoles, de collèges et de lycées alors que les jeunes ont tant besoin de repères et de confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Mme Nadine Morano. Et ce sont les communistes qui disent ça !
    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat est donc engagé sur ce dossier des assistants d'éducation. Et je suis de ceux qui pensent que, à l'occasion de ce débat, beaucoup de questions peuvent déjà être abordées sur les importants dossiers qu'il nous faudra creuser, peu à peu, des dossiers sur lesquels vous avez commencé à travailler, messieurs les ministres, et qui concernent notre école, celle à laquelle, au-delà de nos différences, et au-delà de quelques excès de langage, nous sommes tous profondément attachés.
    Mais je dois dire qu'après avoir entendu les orateurs qui ont défendu les deux premières motions de procédures, ainsi que les premiers élus de l'opposition à s'être exprimés dans cette discussion générale, je me demande sincèrement si nous parlons de la même école, si nous vivons les mêmes expériences et si nous faisons les mêmes constats.
    Et si nous parlions un peu vrai ? Et si, au lieu de discours convenus, fondés sur les théories que l'on voudrait voir réalités dans nos établissements, on parlait un peu de l'état réel de ceux-ci, de la grande pauvreté accumulée depuis le début des années soixante-dix dans le domaine de la vie scolaire ? Parmi ceux qui ont exercé pendant de nombreuses années dans l'éducation nationale, qui n'a pas vécu ces discussions en salle des professeurs où il n'y avait pas de mots assez durs pour les surveillants, « grassement payés » pour « peu d'heures travaillées », des surveillants dont on se demandait s'ils méritaient bien la place qui leur était faite ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je l'ai vécu, vous l'avez vécu comme moi, ne dites pas le contraire !
    M. François Liberti. C'est bien le Parisien !
    M. Guy Geoffroy. Et je peux vous dire qu'ayant été pendant dix ans conseiller principal d'éducation,...
    M. François Liberti. Il parle pour lui !
    M. Guy Geoffroy. ... j'ai fait partie de ceux qui, justement, défendaient ces équipes de surveillants pour tout ce qu'ils représentent, tout ce que vous avez décrit, chers collègues, et qui suscite aujourd'hui des interrogations.
    Et puis, parmi ceux qui ont exercé - ce qui n'est pas le cas d'un certain nombre d'entre vous, qui êtes sur ces bancs depuis bien longtemps et qui avez perdu, je crois, le contact avec la réalité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) -,...
    M. Alain Gest. Il a raison !
    M. Patrick Braouezec. J'ai été instituteur pendant vingt ans, monsieur ! Je sais de quoi je parle !
    M. Guy Geoffroy. ... qui ne se souvient des années de mise en place des emplois-jeunes ?
    M. François Liberti. Quelle suffisance !
    M. Guy Geoffroy. Ce n'est pas de la suffisance, c'est la réalité, cher ami ! Et je peux vous dire que j'ai encore en mémoire ces panneaux en salle des professeurs, couverts d'affiches émanant de tous les syndicats, tous unis pour dire : « Non à ces emplois bidons ! Nous voulons de vrais emplois statutaires ! » C'était cela qu'on disait dans les lycées et les collèges de France, au moment où vous mettiez en place les emplois-jeunes.
    Mme Hélène Mignon. Et aujourd'hui, que disent-ils, ces emplois-jeunes ? Ecoutez-les !
    M. Guy Geoffroy. Ces emplois se sont mis en place, et je me souviens que dans l'établissement que j'avais l'honneur de diriger il y a quelques années, dans une académie très proche d'ici, je m'étais enquis auprès du recteur de la possibilité d'avoir quelques surveillants supplémentaires. Il s'agissait d'un établissement en zone de violence (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Patrick Braouezec et M. François Liberti. C'est quoi, les zones de violence ?
    M. Guy Geoffroy. ... et j'avais pensé naïvement qu'avec quelques surveillants supplémentaires je pourrais probablement mieux faire face à la situation. Eh bien, que s'est-il passé ? Le recteur m'a dit : « Des surveillants, il n'est plus question, puisqu'il a été demandé par le ministre un rapport à l'administration, lequel rapport vient d'être rendu, et qui donne bien peu d'espérance de vie au statut des MI-SE. Par contre, nous avons le produit miracle. Et ce produit miracle ce sont les aides-éducateurs. » Eh bien, j'ai dû constaté, comme certains de mes collègues chefs d'établissement, qu'il a fallu ferrailler pendant plus de deux années pour obtenir d'un conseil d'administration particulièrement rétif la possibilité de signer la convention de recrutement d'aides-éducateurs. Eh oui, mesdames et messieurs de l'opposition, il y avait à l'époque, dans tous les établissements de France et de Navarre, des parents d'élèves FCPE, des syndicats enseignants dits de gauche qui s'unissaient dans les conseils d'administration pour refuser ces emplois-jeunes et exiger de véritables emplois publics...
    Mme Martine Lignières-Cassou. C'est une caricature !
    M. Guy Geoffroy. ... de véritables emplois donnant la possibilité aux équipes de vie scolaire d'exister et d'avoir des perspectives.
    M. Alain Gest. Et nous allons précisément leur donner satisfaction ! Vous en avez rêvé, Ferry l'a fait !
    M. Guy Geoffroy. Voilà la réalité, et elle est bien loin de celle, idyllique, que vous avez décrite, la main sur le coeur, avec référence aux mannes de Jean Zay. De grâce, parlons sérieusement des choses sérieuses et évitons de plonger dans la caricature.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Parlons sérieusement, en effet !
    M. Guy Geoffroy. Alors, vous nous dites : « Vous supprimez les emplois-jeunes. » Eh bien, moi, je vais vous donner le nom de celui qui a supprimé les emplois-jeunes : il s'appelle Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Gest. Parfaitement !
    Mme Hélène Mignon. Vous dites n'importe quoi !
    M. Guy Geoffroy. Parce que c'est en les créant qu'il les a supprimés. En effet, il les a créés en leur donnant une durée de vie de cinq ans, sous un statut précaire de droit privé, et il n'a jamais rien prévu, lui gouvernant, et lui candidat, quoi que ce soit pour ces emplois-jeunes. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Patrick Braouezec. Les collectivités locales feront mieux ?
    M. Guy Geoffroy. Voyez-vous, chers collègues socialistes, j'ai comme texte de référence un texte que vous connaissez probablement, je veux parler du programme de votre ex-candidat. On ne trouve, dans ce programme d'une trentaine de pages, qu'une seule référence aux emplois-jeunes, et elle est au passé simple. Je tourne les pages, je vais à la page 4, qui est consacrée à l'emploi : rien sur l'avenir des emplois-jeunes ! Je cherche une page consacrée à l'éducation, je finis par la trouver, c'est la page 27 - on voit que c'est une priorité pour la gauche ! -, et je m'aperçois qu'il n'y a rien sur les aides-éducateurs ! Votre candidat n'a rien prévu, dans les « dix engagements » qu'il a pris devant le peuple, pour l'avenir des emplois-jeunes, et vous venez aujourd'hui nous faire le procès de vouloir les supprimer.
    Mme Nadine Morano. Eh oui ! Ce sont eux qui viennent nous donner des leçons !
    M. Guy Geoffroy. Halte à cette imposture ! Je vous le dis avec force : la majorité n'est pas prête à se laisser avoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Messieurs les ministres, vous nous proposez aujourd'hui, finalement, de faire ce que le monde de l'éducation tout entier demandait avec insistance à vos prédécesseurs au moment où ils ont créé les emplois-jeunes. Vous nous proposez, de manière raisonnable, de manière graduée, mais de manière certaine, de mettre en place un statut, des équipes, des perspectives. Et l'essentiel apparaîtra clairement une fois passé les balivernes dont il faudra bien cesser de parler un jour. L'essentiel, c'est quoi ? C'est qu'à terme, comme vous nous l'avez dit - mais il faut le répéter -, alors que le pouvoir précédent n'avait rien prévu,...
    M. Alain Néri. C'est pas moi, c'est ma soeur qu'a cassé la machine à vapeur !
    M. Guy Geoffroy. ... vous allez, malgré les difficultés budgétaires, être en mesure de proposer que la moitié des postes d'aides-éducateurs actuellement en place, ou censés l'être, soient remplacés par des assistants d'éducation. Ce que vous nous proposez, c'est que de 1 101 assistants de vie scolaire pour l'intégration de nos enfants handicapés nous passions d'une année sur l'autre à 6 101, soit 5 000 de plus.
    Mme Nadine Morano. Eh oui !
    M. Guy Geoffroy. Ce que vous nous proposez, c'est que, de manière graduelle, nous allions vers l'extinction - du corps des MI-SE proposée dans sa grande sagesse par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale -...
    M. Alain Néri. Vous êtes bardé de certitudes !
    M. Guy Geoffroy. ... et qu'à la place des 5 600 emplois de MI-SE qui ne seront pas renouvelés il y ait 6 000 assistants d'éducation dans les lycées et collèges. Ce que vous nous proposez, enfin, c'est que les 5 000 à 6 000 postes d'assistant d'éducation créés dès la rentrée prochaine - parce que nous en déciderons, nous, votre majorité, avec vous - soient mis à la disposition des écoles pour répondre à ce qui doit être la priorité de chacune d'entre elles. Voilà l'essentiel. Et l'essentiel nous fait entrevoir des perspectives positives.
    Alors, après tout cela, le mauvais procès fait - de manière certes un peu plus ouatée lors des dernières interventions - aux chefs d'établissement quant à leur capacité à résister aux pressions est tout simplement ridicule. Cessez de prendre les chefs d'établissement, et tous ceux qui travaillent avec eux, pour des personnels de second rang, incapables d'être armés du désir du service public, c'est-à-dire de cette capacité toute naturelle de résister aux pressions.
    M. Michel Lefait. Ils ne sont pas tous parfaits comme vous !
    M. Guy Geoffroy. Allez le dire publiquement, ça !
    Donnez-leur, chers collègues de l'opposition, la possibilité de faire ce que vous leur avez toujours demandé de faire, c'est-à-dire de signer des conventions pour l'accueil de telle ou telle catégorie de personnel. Alors que vous l'avez fait, ce ne serait plus possible, cela deviendrait, demain, scandaleux ?
    Quant aux mesures concernant l'avenir de l'ensemble de ces dispositifs, je crois qu'il faut en souligner l'originalité. Bien sûr, messieurs les ministres, et je pense que vous nous le confirmerez, vous ne vous contenterez pas de contrats, vous parlerez statut. Il a été fait référence, et il faudra y revenir, au projet de décret sur lequel vous avez déjà travaillé, qui va créer les conditions très claires de mise en place de ces nouveaux personnels solides et fiables de l'éducation nationale. L'avenir, c'est quoi ? C'est un dispositif mis en place pour aussi longtemps qu'il sera nécessaire de le maintenir, avant éventuellement de le modifier. Ce n'est pas un contrat à durée déterminée pour cinq ans, mais un contrat à durée indéterminée décidé par la représentation nationale, jusqu'au jour où la représentation nationale décidera éventuellement de faire évoluer les choses.
    Avec ce texte, vous permettrez à ces assistants d'éducation, recrutés à mi-temps pour la majeure partie d'entre eux, de cumuler - ce qui n'est pas possible à l'heure actuelle - leur bourse avec cet emploi et de disposer ainsi de meilleures capacités d'agir.
    Bref, vous nous proposez, messieurs les ministres, un texte sage, nécessaire, réclamé depuis longtemps par les milieux éducatifs.
    M. Alain Néri. C'est pour cela qu'ils ont voté contre au Conseil supérieur de l'éducation nationale.
    M. Guy Geoffroy. N'ayons pas peur de vous soutenir. N'ayons nulle crainte face aux oppositions bien vieillottes, bien rétrogrades qui ne sont plus d'actualité. Pensons à l'avenir. Pensons à nos enfants. Votons ce projet, il en appellera d'autres.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Aïe, aïe, aïe !
    M. Guy Geoffroy. La majorité, messieurs les ministres, sera sans défaillance à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.
    M. Simon Renucci. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues. Quel plus important débat que celui de l'éducation, quel plus fort enjeu pour nous, représentants du peuple, que d'offrir à nos enfants les moyens les plus appropriés à leur épanouissement personnel ? Je dis cela avec gravité, car je crois qu'il ne faut jamais cesser de rappeler l'objectif, aux yeux de nos compatriotes et pour la République, de l'éducation nationale : donner, ou tenter de donner, à chacun quels que soient ses origines et ses moyens, une même éducation pour une égalité de chances dans la vie. A ce titre, monsieur le ministre, chaque texte qui porte sur l'école mérite toute notre attention. Celui-ci au moins autant que les autres.
    En effet, il s'inscrit dans un contexte sécuritaire qui peut provoquer la stigmatisation des jeunes et des plus défavorisés.
    Depuis que le Gouvernement dont vous faites partie dirige notre pays, il a beaucoup été question de la progression de la délinquance juvénile. L'insécurité est un sujet de préoccupation fort chez nos compatriotes qu'il faut savoir respecter et traiter. Mais je me souviens des remarques de M. le ministre de l'intérieur qui, tout en assumant sincèrement ses choix, renvoyait à juste titre la responsabilité de la prévention vers d'autres ministères plus compétents.
    Force est de constater que la diminution forte des moyens en personnels que vous entérinez - près de 10 000 postes supprimés - traduit l'ambiguïté du discours sécuritaire et l'ambivalence de certains, qui n'hésitent pas à stigmatiser le moindre incident dans nos cours d'école mais qui s'apprêtent pourtant à voter allègrement (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe socialiste) la baisse des effectifs des mêmes établissements.
    Ce projet de loi porte en outre sur la mise en oeuvre des moyens en personnel pour permettre, notamment aux établissements accueillant les enfants les plus en difficulté, d'assurer la réussite de leurs élèves.
    Il soulève, par ailleurs, la question de l'avenir de celles et ceux qui, encore pour quelques mois, exercent cette mission, souvent avec passion, ces 26 000 jeunes gens, maîtres d'internat-surveillants d'externat, aides-éducateurs dont vous avez brutalement décidé la disparition.
    Ce texte, monsieur le ministre, vous le savez, ne nous satisfait pas. Son premier défaut, d'ailleurs, est de ne satisfaire personne, ou si peu. Fédérations de parents d'élèves, représentants des personnels, syndicats étudiants, tous ont exprimé leur hostilité. Vous n'avez voulu ni tenir compte de l'avis négatif du Conseil supérieur de l'éducation du 30 janvier dernier ni du vote du Conseil supérieur de la fonction publique intervenu il y a tout juste quelques semaines. Seul, vous avez décidé de supprimer 5 600 postes de maîtres d'internat et de surveillants d'externat, 20 000 postes d'aides-éducateurs, pour ne les remplacer que par 16 000 assistants d'éducation. En Corse, ce sont près de 900 postes qui vont disparaître.
    Nous le mesurons pourtant tous, ces jeunes gens remplissent des fonctions qui se sont avérées, au fil des ans, indispensables. Aussi, ces aides-éducateurs ont répondu avec efficacité à la mise en place des politiques d'individualisation du suivi des élèves. Nous connaissons tous leur rôle primordial auprès des enfants les plus en difficulté. Référents, tuteurs, soutiens scolaires, ils sont avec les enseignants tout cela à la fois. Leur travail est aujourd'hui reconnu par l'ensemble des membres du corps éducatif qui, comme les enfants, disent ne plus pouvoir s'en passer. Qui donc va les remplacer ?
    Je l'ai dit, vous n'y mettez pas les moyens, mais en plus, vous en diminuez la valeur. Dans l'étude d'impact concernant le projet de loi, vous justifiez l'abandon du dispositif actuel par le fait qu'il ne correspondrait plus aux besoins de surveillance dans les établissements scolaires, que les étudiants seraient parfois absents et donc faiblement impliqués dans leurs fonctions. Outre le peu de cas fait de toutes celles et tous ceux qui se sont investis dans leur tâche, si nous considérons effectivement nécessaire la professionnalisation, pourquoi fixer a minima les critères d'embauche, précariser les statuts, hétérogénéiser les fonctions ?
    Comment, dans ces conditions, ne pas comprendre le désarroi de ces personnels ?
    En Corse, les MI-SE, les aides-éducateurs sont en grève depuis plusieurs semaines. Comment en serait-il autrement quand, à leur interrogation, votre texte répond par la disparition de la priorité donnée aux étudiants, la suppression de certains critères sociaux, la mise en place d'un recrutement aléatoire pour un statut dégradé ? Le tout dans un contexte social difficile marqué par une profonde crise de confiance.

    Monsieur le ministre, ce texte ne résout rien et dégrade beaucoup. Il sera interprété fatalement par notre jeunesse comme le texte d'un gouvernement à la recherche du moindre euro pour financer sa politique et ses budgets prioritaires. Souffrez que le père, le pédiatre et l'humaniste que je suis s'inquiète et refuse le modèle de société auquel vous semblez vous soumettre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.
    M. Bernard Perrut. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons discuté ici, lors de l'examen du budget de l'éducation nationale, des priorités du Gouvernement pour l'école et nous avons partagé, messieurs les ministres, votre souci de rendre plus performant notre système éducatif. C'est dans cette continuité que vous nous présentez, aujourd'hui, ce projet de loi que nous accueillons, bien sûr, favorablement.
    Vous avez la volonté de créer des emplois d'assistant d'éducation qui ont vocation à se substituer tant aux maîtres d'internat et aux surveillants d'externat qu'aux emplois-jeunes dont le dispositif arrive à expiration parce que nos collègues de gauche en ont décidé ainsi.
    Un tel projet répond aux exigences de l'enseignement scolaire, un enseignement qui a considérablement évolué ; les besoins, depuis trente ans, ne sont plus les mêmes et les défis à relever sont immenses. De nouveaux phénomènes sont apparus et les bouleversements de la société se sont répercutés au sein même de notre système éducatif ; la violence est entrée à l'école, provoquant les ravages que l'on sait et accentuant les inquiétudes légitimes des parents et des enfants.
    Votre projet, messieurs les ministres, prend en compte ces données et axe sa démarche sur l'encadrement des jeunes. Il s'agit d'ailleurs d'une question suffisamment grave pour que chacun d'entre nous, quel que soit le banc sur lequel il siège, prenne toutes ses responsabilités.
    Le nouveau dispositif prévoit de créer 16 000 postes d'assistant d'éducation à la rentrée prochaine et pas moins de 82 000 jeunes adultes au total, comme l'indique dans son excellent rapport notre collègue Jean-Marie Geveaux, assureront des missions d'encadrement et de surveillance avec une plus grande sérénité que par le passé, loin de la précarité et des situations inconfortables voulues par le précédent gouvernement, qui n'avait même pas prévu le droit aux allocations chômage en fin de contrat.
    Je ne rappellerai pas ici les témoignages de ces emplois-jeunes démotivés, sans feuille de route, affectés à des tâches aussi diverses que le suivi scolaire ou la surveillance des cantines et dont l'absence de formation était souvent pénalisante.
    On peut regretter également que, sur les 58 000 emplois-jeunes de l'éducation nationale, seulement 1 100 aient été affectés à l'aide à la vie scolaire des enfants handicapés, alors qu'il aurait été facile d'en consacrer davantage à cette mission !
    Il est vrai que ces emplois-jeunes n'ont jamais été créés avec pour premier but de rendre service aux établissements et aux familles, mais pour mettre en place un traitement artificiel et étatique du chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Beauchaud. C'est vraiment « objectif » !
    M. Bernard Perrut. Aujourd'hui, la création d'un véritable statut de droit public, moderne et unique est à saluer. Il est mieux adapté que le précédent statut de droit privé. Voilà la différence.
    Les critiques exagérément pessimistes prononcées par certains de nos collègues ne semblent s'appliquer qu'à eux-mêmes. Sans craindre l'esprit de contradiction, ils oublient un certain nombre de rapports parvenus sur le bureau du précédent ministre de l'éducation nationale qui concluaient que le statut des MI-SE était particulièrement inadapté, ou bien encore ce rapport du CERC relatif aux emplois-jeunes qui écartait toute perspective de professionnalisation de la fonction.
    Peut-on ignorer ces réalités et le bilan du précédent gouvernement en matière d'éducation avec sa logique du toujours plus de moyens qui n'a pourtant pas conduit nos élèves à de meilleurs résultats ?
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Très juste !
    M. Bernard Perrut. Désormais, les fonctions proposées aux assistants d'éducation seront plus adaptées : surveillance mais aussi aide éducative, et appui aux équipes pédagogiques dans les lycées, les collèges et les écoles, avec l'accès à une formation jusque-là inexistante.
    Les étudiants auxquels cette fonction s'adresse en priorité auront à coeur d'accomplir leurs tâches, rassurés par cette possibilité de conserver l'attribution d'une bourse sur critères sociaux avec un travail à mi-temps.
    En outre, toutes les dispositions seront prises pour faciliter la reconnaissance de l'expérience acquise par les étudiants sous la forme d'un crédit valable dans leur cursus universitaire, - cela est important.
    Quant au nombre de postes créés, vous vous êtes engagés, messieurs les ministres, à ce qu'il y ait à la rentrée 2003 plus de surveillants qu'en 2002.
    M. Claude Gatignol. C'est une précision utile !
    M. Alain Néri. Ah oui ! 14 000 de moins !
    M. Bernard Perrut. Si tel n'était pas le cas, messieurs les ministres, nous serions nombreux, sur ces bancs, à vous adresser des reproches.
    Par ailleurs, le projet de loi s'inscrit dans une perspective humaine, pour ne pas dire humaniste, puisque nombre d'assistants d'éducation auront pour mission l'aide à l'accueil et à l'intégration des jeunes handicapés. Cela correspond à la volonté du Président Chirac, qui a fait de la lutte contre le handicap et ses conséquences désastreuses sur le plan social le grand chantier prioritaire du quinquennat. L'année 2003 doit être celle de la mobilisation pour la pleine reconnaissance, par la société, des droits, des besoins, des richesses des personnes handicapées. Leur insertion représente une exigence civique, elle constitue une priorité nationale et européenne, comme cela a été rappelé lors du colloque à Rennes, intitulé « Ensemble, tout naturellement ».
    Cette réponse apportée à de nombreuses familles souvent désespérées et isolées ne peut susciter de controverses bassement politiciennes. La scolarisation des jeunes handicapés en milieu scolaire ordinaire, trop longtemps insuffisante, constitue une priorité et chacun admet l'utilité des assistants d'éducation pour l'accompagnement de ces jeunes. L'éducation nationale annonce depuis longtemps vouloir scolariser tous les enfants sans exception. Dans les faits, malheureusement, la situation est différente et le taux d'intégration des élèves handicapés en collège ou au lycée est faible. Cela n'est pas digne de notre système éducatif et de nos propres valeurs.
    Il y a quelques semaines encore, j'évoquais ici-même, dans cet hémicycle, le véritable parcours du combattant que mènent des parents pour que leurs enfants puissent être accueillis à l'école ou en établissement spécialisé. La création de classes d'intégration scolaire, les CLIS, et le plan Handiscol sont des facteurs tout à fait positifs, qui doivent être encouragés. Et les collectivités locales sont particulièrement concernées par ce plan quinquennal que vous-mêmes, monsieur Ferry, monsieur Darcos et Mme Boisseau, avez lancé le 22 janvier dernier.
    M. Claude Gatignol. Très bien !
    M. Bernard Perrut. La décentralisation mérite d'ailleurs, à mon sens, de s'appliquer dans ce domaine, car le niveau local, associant les communes et les départements, est l'échelon idéal pour favoriser et susciter de telles actions.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Très bien !
    M. Bernard Perrut. L'école a donc un important travail d'accueil des enfants handicapés à concrétiser. La direction de l'enseignement scolaire évalue le nombre d'élèves handicapés scolarisés en intégration individuelle ou collective à 76 000 dans le premier degré et à plus de 20 000 dans le second degré, auxquels il faut ajouter 7 000 jeunes handicapés ou malades inscrits dans l'enseignement supérieur.
    Il reste cependant environ 10 000 à 13 000 jeunes handicapés qui n'ont pas trouvé leur place dans notre système éducatif. Or, si la scolarisation est un droit, l'accueil est un devoir. Chaque école, chaque collège, chaque lycée a vocation à accueillir sans discrimination tout enfant pour lequel sa famille demande l'intégration scolaire. Mais il faut encore aller plus loin, messieurs les ministres, en améliorant l'assistance pédagogique à domicile en faveur des élèves malades, dans les hôpitaux, dans les établissements d'éducation spécialisés, où il faut sans doute remplacer le principe d'obligation éducative par celui d'obligation scolaire.
    De nombreuses expériences ont montré que la scolarisation de certains enfants handicapés, lorsqu'elle était bien préparée par l'équipe éducative, était profitable à l'ensemble de la classe.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est vrai !
    M. Bernard Perrut. Outre qu'elle développe l'autonomie de l'enfant handicapé, elle responsabilise également les autres élèves. A ce titre, il convient de souligner les actions utiles qui pourraient être menées dans le cadre des établissements scolaires. Et, puisque vous avez, il y a quelques jours, messieurs les ministres, lancé ce grand programme d'engagement des jeunes, ne serait-il pas possible de les aider à privilégier les actions susceptibles de faciliter l'intégration sociale de leurs camarades handicapés ? Ainsi, les mentalités évolueront dans le bon sens.
    Nous sommes tous conscients que l'intégration scolaire exige des aides humaines importantes, et que les auxiliaires d'intégration scolaire sont des vecteurs extraordinaires pour accompagner comme il se doit les jeunes handicapés. Aujourd'hui, vous apportez des réponses importantes à ces préoccupations des familles, en multipliant par six le nombre des auxiliaires de la vie scolaire, pour en porter le nombre à 6 000. C'est un effort considérable et sans précédent, auquel les familles sont sensibles, comme nous avons pu le constater dans nos circonscriptions. Vous allez encore plus loin, en prenant d'autres décisions exprimant votre volonté de créer, dans le second degré, 1 000 nouvelles unités pédagogiques intégrées, en complément des 300 qui existent actuellement, en multipliant le nombre de CLIS, en décidant de créer, dans les années qui viennent, 1 000 places en SESSAD, services d'éducation spécialisée et de soins à domicile. Cet effort que vous faites en faveur des enfants handicapés mérite d'être rappelé !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. C'est très juste !
    M. Bernard Perrut. Je suggère, d'ailleurs, messieurs les ministres, que la représentation nationale soit informée de l'application de ces mesures nouvelles et que soit annexé chaque année au rapport budgétaire de l'éducation nationale un bilan spécifique de la scolarisation des enfants handicapés. Ce bilan permettrait de souligner les progrès accomplis et les efforts encore à faire.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il a raison.
    M. Bernard Perrut. Pour conclure, je rappellerai en quelques mots que l'école est aujourd'hui, comme elle l'a toujours été hier, la priorité de la nation. Chacun doit se sentir mobilisé et participer aux travaux en profondeur qui doivent être menés dans le respect de chacun. J'avoue être parfois choqué par certains propos, comme par le nombre des amendements fleuves déposés, qui n'ont aucun sens. Chacun le sait, l'intégration scolaire est le vecteur de l'intégration sociale, et nous sommes tous attachés à cette égalité des chances. L'heure n'est pas aux tactiques politiciennes, mais aux pratiques politiques sincères et efficaces, car seul compte l'avenir des jeunes. L'oublier serait une grave erreur.
    Le groupe UMP apporte, bien évidemment, son soutien à votre projet, messieurs les ministres. Ce soir, nous devons refuser tous ensemble le pessimisme de nos collègues de l'opposition...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Le réalisme !
    M. Bernard Perrut. ... en faisant nôtre cet adage du philosophe Alain : « Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté. » Cette volonté, messieurs les ministres, vous l'avez, nous l'avons, pour nos jeunes. C'est ce qui doit nous rassembler ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, les collectifs d'emplois-jeunes et de surveillants, les syndicats d'enseignants et d'étudiants, les parents d'élèves protestent, par des grèves et des manifestations, contre les divers projets que vous avez annoncés depuis l'automne dernier.
    Bien sûr, il fallait faire évoluer les statuts des surveillants, maîtres d'internat ou surveillants d'externat, qui datent de 1937-1938, comme il fallait réfléchir au devenir des emplois-jeunes recrutés depuis 1997. Mais, vous n'offrez, avec ces textes, aucune perspective, ni aux uns ni aux autres.
    L'accès aux concours publics internes, le cumul rendu possible entre une bourse et un mi-temps, la valorisation des acquis, toutes ces innovations introduites par votre texte, ne compensent pas la régression que vous faites subir au reste du statut.
    Pour justifier votre réforme, vous essayez de faire croire qu'elle constitue une grande avancée par rapport aux deux statuts actuels, MI-SE et aides-éducateurs. Mais que pour faire cette comparaison, vous ne retenez à chaque fois que les éléments qui vous sont le plus favorables, en cherchant à faire passer aux oubliettes tout ce qui démontre le contraire.
    Je rappellerai d'ailleurs aux collègues de la majorité que si on a doté les emplois-jeunes d'un statut de droit privé, c'est parce qu'ils ne concernaient pas que l'éducation nationale, mais aussi le monde associatif, auquel ils ont été très utiles. Pour l'instant, vous n'avez pour ces derniers aucune solution - on attend toujours le fameux CIVIS.
    Le Conseil supérieur de l'éducation a lui-même émis un avis nettement défavorable à ce projet de loi le 30 janvier dernier. Alors, pourquoi insister pour présenter ce texte ?
    Cette loi semble avant tout dictée par une volonté de désengagement de l'Etat, qui se décharge de plus en plus sur les collectivités locales. Contrairement à ce que vous affirmez, elle ne va rien améliorer : elle ne répondra pas mieux aux besoins des établissements et elle répondra encore moins à ceux des jeunes.
    Du point de vue quantitatif, vous allez supprimer des milliers de postes. Mais avez-vous pensé, monsieur le ministre, à mettre en place un plan social pour les milliers de bénéficiaires d'emplois-jeunes que vous mettez à la rue ?
    M. Alain Néri. Le premier « licencieur » de France !
    Mme Martine Billard. Sur les 16 000 postes prévus, 6 000 seront réservés à l'intégration des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire. Cette mesure est très positive, d'autant qu'elle était attendue par les enfants en question, par leurs familles et par les associations de défense des personnes handicapées. Mais elle ne peut servir à elle seule à justifier la diminution du nombre des postes réservés aux tâches de surveillance et aux besoins d'encadrement des élèves, notamment dans les collèges et les lycées, qui sont énormes. Je croyais qu'il y avait sur ces bancs un consensus pour renforcer ces moyens de surveillance dans tous les établissements face à la montée de la violence.
    Certes, vous prévoyez, sans le dire ouvertement - votre texte présente la spécificité de contenir assez peu de choses et si nous ne connaissions pas votre projet de décret, nous aurions quelques difficultés à savoir ce qu'il recouvre -, de compenser la diminution du nombre des postes par une augmentation de la charge horaire de travail pour un même poste. Le passage du régime des 28 ou 34 heures par semaine sur 37 semaines au régime des 1 600 heures annualisées,...
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Il ne s'agit que d'introduire un peu de souplesse !
    Mme Martine Billard. ... soit 35 heures sur 46 semaines, représentera pour les aides-éducateurs une charge de travail accrue de la moitié de leur charge actuelle. C'est peut-être ce que vous appelez de la souplesse mais, pour les jeunes, je suis convaincue que ça n'en est pas car ils seront empêchés, par exemple, de postuler à des emplois dans les colonies de vacances, pour lesquels ils recevaient une rémunération supplémentaire.
    Du point de vue qualitatif, sous le prétexte d'améliorer le statut des emplois-jeunes de l'éducation nationale non reconduits par l'actuel gouvernement, vous démantelez le statut actuel des MI-SE. On nous a expliqué que ce statut était devenu obsolète et qu'il ne permettait pas aux étudiants d'obtenir de bons résultats universitaires. Laissez-moi penser que le nouveau statut proposé risque d'être encore plus désastreux.
    M. Lionnel Luca. On verra !
    Mme Martine Billard. En effet, avec une augmentation du temps de travail, que ce soit pour le plein temps ou pour le mi-temps, je ne vois pas comment une difficulté pour suivre des études pourrait tout à coup devenir une amélioration. Vous privez tout simplement les jeunes des milieux les plus modestes d'un outil d'ascension sociale leur permettant de financer leurs études supérieures.
    En mettant fin à l'exclusivité du recrutement pour les étudiants et au nom de la proximité, nouvelle valeur utilisée dans cet hémicycle pour tout justifier depuis votre arrivée, vous nous proposez un recrutement opéré par les chefs d'établissement. Il ne s'agit pas de mettre en cause la qualité des chefs d'établissement. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mes chers collègues, les élus que nous sommes savent à quelles pressions ils ont par moment à faire face pour faire embaucher tel ou tel. Mais avez-vous pensé à celles qui s'exerceront sur des chefs d'établissement dans les zones difficiles ? Vous retirez à ces chefs d'établissement la protection qu'ils avaient jusqu'à présent au niveau de l'éducation nationale pour les mettre en première ligne !
    Mme Arlette Franco. Ahurissant !
    M. François Liberti. Ils ne veulent pas de votre texte !
    Mme Martine Billard. Oui, monsieur le ministre, les études supérieures coûtent cher et elles sont encore loin d'être accessibles à tous d'un point de vue financier. Elles sont encore trop souvent un dispositif de reproduction des élites sociales de notre pays. Votre nouveau dispositif ne pourra qu'entraîner une régression car il nuira à la possibilité qu'ont des jeunes des milieux modestes de trouver un moyen de financer leurs études sans être obligés d'aller travailler au « MacDo » d'à côté ou dans un hypermarché.
    D'autres éléments du projet de loi induiront une grave dérive en termes de flexibilité et de précarisation du travail des assistants d'éducation. Avec la mise à disposition sur plusieurs établissements et non plus sur un seul et le manque de mission précise de pédagogie ou d'encadrement, vous aggraverez la situation des futurs assistants d'éducation par rapport aux emplois-jeunes.
    En outre, vous prévoyez que les assistants d'éducation pourront être mis à disposition des collectivités territoriales afin d'aider ces collectivités dans des activités parascolaires. Nous reviendrons lors de la discussion des articles sur ce point, qui me semble aggraver encore un peu plus la situation des aides-éducateurs, qui devront passer de collège en collège, d'école en école, de municipalité en municipalité, pour accomplir d'autres tâches. Pourquoi ne pas les envoyer en école maternelle pour remplacer des instituteurs ou quand il y a trop d'élèves dans une classe ? Pourquoi ne pas les utiliser pour remplacer des ampoules ou autre chose dans une école ?
    M. le président. Veuillez conclure !
    Mme Martine Billard. Dans ces conditions, comment penser qu'avec le nouveau statut d'assistant d'éducation les jeunes auront plus de chances de s'en sortir, de réussir leurs études, de se construire un projet de vie un tant soit peu émancipé des barrières sociales ?
    L'ensemble des députés Verts votera contre le projet en son état actuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Messieurs les ministres, votre projet de loi prévoit le recrutement d'agents non titulaires pour remplacer progressivement les maîtres d'internat et surveillants d'externat ainsi que les aides-éducateurs, ces deux catégories de personnels étant liés à des dispositifs appelés naturellement à disparaître.
    Plus personne ne conteste sérieusement la nécessité d'adapter la fonction des surveillants aux conditions vécues par les établissements scolaires et à celles plus générales des modes de vie actuels.
    Le rapport de l'IGAEN rendu au ministre de l'éducation nationale en avril 1999 est particulièrement éloquent. Y sont notamment dénoncées des obligations de service insuffisamment définies, une qualité d'études poursuivies médiocre, une insertion des intéressés dans le système éducatif par une réussite au concours faible et une insertion professionnelle insuffisante. Le rapport reconnaît en outre que la comparaison avec les aides-éducateurs accentue les insuffisances des dispositifs en vigueur de recrutement et de gestion des MI-SE.
    Ce rapport particulièrement éloquent, chers collègues de l'opposition, conclut à l'indispensable refonte d'ensemble, qui s'impose nécessairement, et insiste sur l'urgence de la réforme du cadre statutaire. Seulement voilà : c'est ce que nous, nous faisons aujourd'hui, mais c'est ce que vous, vous n'avez pas fait dans les trois ans qui ont suivi la publication du rapport.
    Pour faire oublier votre inaction et votre absence de volonté réformatrice, vous vous érigez aujourd'hui en gardiens du temple, mais le temple est un peu fissuré.
    Contrairement à ce que vous affirmez, bon nombre d'associations de jeunes et d'étudiants sont favorables au projet qui nous est soumis car ils sont conscients de l'obsolescence d'un dispositif qui date, excusez du peu, de près d'un siècle : d'avant la Seconde Guerre mondiale. Il est vrai que tout le monde n'a pas forcément évolué en ce domaine.
    Ce rapport préconise un statut unifié, des obligations définies clairement dans le cadre d'un demi-service généralisé et l'exigence de la présentation aux concours de recrutement. En étant plus incitatif que coercitif, le dispositif qui nous est proposé va dans ce sens.
    L'autre dispositif, qui est condamné à disparaître parce que vous-mêmes n'avez absolument rien prévu, est celui des aides-éducateurs, à travers les emplois-jeunes. Si les aides-éducateurs disparaissent, c'est bien vous et vous seuls qui en portez la responsabilité.
    Le 15 septembre 1997, Mme Martine Aubry déclarait ceci : « Il convient d'abord de rechercher la pérennisation et la solvabilité de ces emplois. Cette période de cinq ans doit être mise à profit pour trouver des sources de financement d'origine multiple,...
    M. Yves Durand. Et alors ?
    M. Lionnel Luca. ... propres à pérenniser ces projets : des fonds publics, sans doute, mais aussi des fonds mutualisés, des contributions individuelles, des concours de comités d'entreprise, ainsi que des financiers privés. C'est en mettant en oeuvre des formules mixtes que l'on pourra promouvoir un développement massif de ces activités nouvelles. »
    Mais pendant cinq ans, vous n'avez rien fait de tel : vous vous êtes contentés de recruter sur fonds publics des jeunes le plus souvent diplômés, pour des emplois de la fonction publique qui n'étaient pas toujours nouveaux, sans assurer la formation qui leur aurait permis d'intégrer l'éducation nationale ou tout simplement d'exercer un métier.
    Cela est si vrai qu'aucun projet n'a été annoncé par vous pour la suite à donner à la fin prévisible du dispositif à l'automne 2002. Vous vous êtes contentés d'attendre les élections pour laisser à vos successeurs une véritable bombe à retardement.
    M. Yves Durand. Nos « successeurs » ? Nous pensions que nous nous succéderions à nous-mêmes !
    M. Lionnel Luca. Aujourd'hui, vos larmes de crocodile ne sauraient émouvoir personne car votre seul bilan aura été de créer une fonction publique au rabais, qui n'est pas sans rappeler la situation des maîtres auxiliaires d'une certaine époque, mais en pire puisque sous contrats de droit privé. Vous n'aviez même pas assuré le financement des indemnités de chômage, que le Gouvernement a dû, en urgence, prévoir pour ouvrir aux intéressés le droit aux allocations.
    De ce point de vue aussi, les assistants d'éducation vont dans le sens souhaité d'une meilleure adaptation aux réalités de la vie scolaire comme de l'intérêt même des étudiants. Ils bénéficieront d'un véritable statut de droit public, comme le réclamaient il y a cinq ans les députés communistes, en vain !
    M. Gremetz lui-même - qu'il me permette de le citer, une fois n'est pas coutume - répondait à Mme Aubry : « Je m'étais étonné, lors de votre audition devant la commission, des raisons qui vous avaient conduite à proposer un contrat de droit privé pour des emplois publics. » Notre collègue ajoutait que les effets pervers qui en résulteraient « pourraient être évités si, comme je l'ai proposé, les contrats étaient de droit public pour les emplois publics, et de droit privé pour les employeurs qui sont des personnes morales de droit privé ».
    Je souhaite que le parti communiste s'en souvienne quand il constatera que ce que nous proposons est un véritable statut de droit public.
    Le contrat de trois ans, renouvelable une fois, ce qui permettra la stabilité tant pour les établissements que pour les recrues, va également dans le bon sens.
    Les intéressés pourront plus facilement cumuler cette activité avec leurs études grâce au mi-temps et, si nécessaire, pour les plus défavorisés, avec une bourse. Ils pourront se présenter aux concours de la fonction publique au titre de la troisième voie, qui valorise l'expérience acquise.
    Le recrutement privilégiera la proximité, puisque ce seront les chefs d'établissement qui recruteront directement, et les collectivités locales pourront compléter ce recrutement si cela est nécessaire, en particulier dans les établissements primaires où il n'y avait pas jusque-là de surveillants.
    L'action en faveur des enfants handicapés, priorité affirmée par le Président de la République, sera considérablement améliorée puisque 6 000 assistants d'éducation ayant suivi une formation spécifique en seront spécialement chargés, contre 1 000 seulement à l'heure actuelle.
    Monsieur le ministre, si la priorité doit être donnée aux étudiants, il ne faut pas s'interdire de recruter des personnes dont le profil peut correspondre aux besoins des établissements : des mères de famille dans les établissements primaires - ce n'est pas une insulte que d'être mère de famille, contrairement à ce que l'on a cru comprendre tout à l'heure -, et, pour les collèges et les lycées des quartiers sensibles, des retraités des services d'incendie et de secours ou de la police nationale et de la gendarmerie, comme cela se pratique déjà pour les centres de loisirs et jeunesse sur les plages, et dont l'autorité pourrait être précieuse.
    Toujours est-il que le dépôt de plus de trois mille amendements pour trois articles est particulièrement inapproprié, décalé et, pour tout dire, dérisoire, en particulier au regard des circonstances que nous vivons.
    Cette vraie réforme de progrès mérite d'être soutenue pour l'amélioration des conditions de vie dans nos établissements scolaires, qui se sont tellement dégradées ces dernières années, sans que ceux qui s'agitent aujourd'hui aient enrayé cette dégradation ou en aient même eu seulement la volonté, préférant la démagogie à l'action.
    Voilà pourquoi nous sommes à vos côtés, messieurs les ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Luca, d'avoir respecté le temps de parole qui vous était imparti.
    La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, je suis député depuis moins d'un an mais j'ai été enseignant durant plus de trente ans. Je suis au contact de la réalité, au contact de la réalité du monde de l'éducation de l'outre-mer, qui connaît des handicaps dus à son ultra-périphéricité et à son éloignement. Comme vous, j'affirme la nécessité de lutter contre la violence, les incivilités et l'échec scolaire, qui minent parfois cette grande maison qu'est l'éducation nationale.
    Oui, il convient d'adapter aux nécessités actuelles les structures de surveillance des établissements d'enseignement public. Voilà encore un point sur lequel je vous suis, monsieur le ministre. Mais passée l'heure des constats et arrivée l'heure des actions, nos chemins se séparent.
    Vous créez 16 000 postes d'assistant d'éducation là où, aujourd'hui, il y a près de 26 000 postes de surveillance et d'accompagnement de MI-SE et d'aides-éducateurs.
    Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que le compte n'y est pas !
    Comment peut-on prétendre régler le délicat problème de la surveillance dans les établissements d'enseignement public avec trois articles de loi et 10 000 suppressions de postes ? Personne, à part votre gouvernement, n'est dupe ! A la vérité, nous savons tous que votre réforme a un objectif qui est bien plus budgétaire que social ou fonctionnel.
    M. Yves Durand et M. Gaëtan Gorce. Absolument !
    M. Louis-Joseph Manscour. Et, si je comprends bien, c'est le ministre délégué au budget qui devrait être à votre place pour défendre ce projet de loi, et non vous.
    M. Yves Durand. Ce n'est pas une mauvaise idée !
    M. Louis-Joseph Manscour. D'ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation ne s'est pas trompé en émettant un avis négatif en janvier dernier. La quasi-totalité des syndicats d'enseignants, de parents d'élèves et de surveillants font corps contre votre projet.
    Mais critiquer pour critiquer n'est pas dans mes habitudes. Je souhaite donc vous expliquer pourquoi, selon moi, votre texte manque de pertinence.
    En effet, vous prévoyez bien plus de mesures techniques et administratives que de dispositions pratiques et opérationnelles visant à mettre en place des dispositifs sociaux, éducatifs et préventifs. Vous ne faites que créer une nouvelle catégorie d'agents non titulaires des établissements publics sans définir de manière précise leur fonction et leurs tâches au sein des établissements d'enseignement public.
    Vous supprimez plus de 26 000 postes de surveillance sur la foi du constat que le cadre juridique des surveillants n'est plus adapté et que le dispositif des contrats emplois-jeunes arrive à son terme. Mais pourquoi ne pas faire évoluer le cadre juridique des surveillants et prévoir des dispositifs d'intégration des aides-éducateurs dans un plan prévisionnel des besoins en effectifs, qui serait établi à partir des départs massifs d'enseignants à la retraite attendus les prochaines années ?
    Comment voulez-vous, monsieur le ministre, que les futurs assistants d'éducation fassent mieux tout en étant deux fois moins ?
    Vous vous servez d'un rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale d'avril 1999 pour justifier la suppression des surveillants en prétendant que ce dispositif n'est pas satisfaisant pour les étudiants dans la réussite de leurs études. Mais ce rapport compare des étudiants qui ont le privilège de ne pas avoir à travailler pour poursuivre leurs études à ceux qui sont dans l'obligation de travailler pour étudier. Bien plus que des emplois, ce sont donc des bourses universitaires que vous allez supprimer !
    Les surveillants à plein temps de l'éducation nationale travaillent trois jours par semaine, ce qui leur permet d'étudier les autres jours. Connaissez-vous beaucoup d'entreprises qui proposeraient les mêmes conditions de travail ? Moi, je n'en connais pas beaucoup. La logique de marché, celle du libéralisme, l'emporte trop souvent sur l'impératif du social. L'éducation nationale permet à plus de 5 000 étudiants de poursuivre leurs études dans de meilleures conditions que s'ils avaient à travailler dans des entreprises. C'est cet acquis social que vous voulez remettre en cause.
    Monsieur le ministre, cette réalité, déjà difficile pour les étudiants métropolitains, l'est encore beaucoup plus pour ceux des DOM, où la situation économique et sociale est dramatique.
    Mes chers collègues, je vous rappelle qu'aux Antilles le taux de chômage est de 28 % et de plus de 50 % pour les moins de vingt-cinq ans. A l'heure où je vous parle, les aides-éducateurs et les surveillants sont près d'un millier en Martinique. Il en est à peu près de même en Guadeloupe. Partout, leur action est unanimement reconnue en matière éducative et sur le plan de la prévention des déviances.
    Si votre projet de réforme aboutit, vous envisagerez de créer en Martinique moins de 200 postes d'assistant d'éducation.
    En supprimant ces postes, vous demandez à ces jeunes, souvent pères ou mères de famille, de s'adresser au secteur privé, qui dénigre bien souvent leurs expériences professionnelles acquises dans le secteur public.
    Dans ce contexte bien difficile, et face au peu de perspectives que vous offrez à ces jeunes, je crains que la contestation de la communauté éducative que l'on connaît actuellement en Guyane ne s'étende à l'ensemble des DOM.
    Monsieur le ministre, j'ai bien peur que votre volonté de faire « l'école de la réussite » ne soit altérée par les soucis d'austérité budgétaire de votre gouvernement qui privilégie le démantèlement du service public au détriment de l'éducation et de la formation de notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Patrick Roy. Bien parlé !
    M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol.
    M. Pierre-André Périssol. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons un corps enseignant de grande compétence, dont la motivation et l'implication sont très fortes.
    M. Patrick Roy. Cela commence bien.
    M. Pierre-André Périssol. De même, nous avons un encadrement d'excellente qualité. Mais ce qui est une chance pour notre pays nous crée aussi des devoirs. Et le premier d'entre eux est d'assurer à la communauté éducative les moyens d'exercer dans de bonnes conditions, c'est-à-dire de faire régner dans les établissements une sérénité et une sécurité, sans lesquelles il n'est absolument pas possible de lutter contre l'échec scolaire ou contre la violence à l'école. Il faut donc que celles et ceux qui vont assister les enseignants dans leur effort d'autorité à l'intérieur des établissements soient là quand on en a besoin et qu'ils aient acquis un professionnalisme sans lequel il n'est pas d'action efficace.
    C'est ce que vous proposez avec ce nouveau statut qui permettra une meilleure adaptation aux besoins et favorisera la professionnalisation, grâce à la formation et à une meilleure définition des fonctions. Vous dissipez ainsi toutes les inquiétudes qui avaient été exprimées à l'occasion de la création des emplois-jeunes car vous y répondez. Par exemple, les étudiants, dont vous avez dit qu'ils auraient priorité pour accéder à la fonction d'assistants d'éducation,...
    M. Yves Durand. Il n'y a rien de cela dans le texte !
    M. Pierre-André Périssol. ... pourront mieux préparer leurs examens, donc mieux les réussir, et grâce à une formation et à une validation, ils pourront faire de leur engagement un projet.
    M. Lionnel Luca. Formidable !
    M. Pierre-André Périssol. On le sait, régulièrement, l'éducation nationale regrette une trop grande dispersion et un trop grand saupoudrage de ses moyens. Il faut effectivement les recentrer sur un certain nombre de priorités. C'est ce que vous faites, messieurs les ministres, avec les assistants d'éducation, en leur assignant deux fonctions privilégiées, la surveillance d'abord, parce que la sécurité à l'intérieur des établissements est fondamentale, et l'accompagnement des handicapés ensuite, parce qu'il constitue un impératif pour nous tous.
    En outre, les uns et les autres déplorent souvent le manque de continuité des dispositifs mis en place dans l'éducation nationale. Tel était malheureusement le cas des emplois-jeunes qui avaient été prévus pour cinq ans. Vous y remédiez en proposant un dispositif pérenne.
    Vous le voyez, mes chers collègues, c'est pour nous un impératif de toujours faire confiance, sinon il faut pas s'engager dans la vie politique. Et je dois dire que j'ai été profondément heurté de voir que certains de nos collègues, qui sont à la fois des élus et d'anciens enseignants, ne font confiance ni aux élus, censés n'exercer que des pressions, ni aux chefs d'établissement et aux enseignants, incapables d'y résister. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Durand. C'est un peu facile !
    M. Pierre-André Périssol. Ce n'est pas correct. C'est pourquoi, les uns et les autres, je vous invite tous, au-delà de la polémique - que je comprends, il faut bien vivre -, à faire confiance à la communauté éducative, à nos enseignants et à nos chefs d'établissement (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
    M. Yves Durand. Voilà des arguments de café du commerce !
    M. Pierre-André Périssol. ... comme je vous demande aussi de faire confiance à nos jeunes qui demain auront la responsabilité d'être des assistants d'éducation. On ne peut pas les traiter de « bonnes à tout faire ». Ce n'est pas bien ! On ne peut pas accueillir des jeunes motivés qui arrivent avec la volonté de faire quelque chose dans l'école...
    M. François Liberti. Et ceux que vous mettez dehors ?
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Ceux qui partent pourront intégrer le nouveau système.
    M. Pierre-André Périssol. ... par une injure qui n'est pas digne de vous. Je vous propose de l'oublier pour pouvoir enfin avancer.
    Vous ne faites pas confiance non plus au Parlement. Je vais vous rafraîchir un peu la mémoire, en vous rappelant que, lors du débat budgétaire, nous avons demandé et obtenu que le Gouvernement, contrairement à ceux que vous avez soutenus, s'engage à organiser un débat sur l'école au Parlement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En dix ans, vous ne l'avez pas fait ! Alors, je vous en prie ! Laissez-nous dix mois ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Durand. On ne l'a pas fait mais on n'a rien promis. Vous, vous promettez, mais vous ne faites rien ! C'est l'immobilisme !
    M. Pierre-André Périssol. Faites donc confiance au Parlement !
    Messieurs les ministres, vous avez été confrontés à un problème dont les conséquences pesaient sur le service offert dans les établissements en matière d'assistance et de sécurité. Il n'avait pas été réglé avant vous et vous avez agi. J'y vois pour ma part un signe encourageant de la volonté du Gouvernement de prendre à bras-le-corps les problèmes, tous les problèmes, pour que demain, notre école soit plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Masse.
    M. Christophe Masse. Messieurs les ministres, à l'occasion de notre débat de ce soir relatif à votre projet de loi sur les assistants d'éducation, je tenais à mon tour à vous faire part de notre sentiment sur l'affaiblissement du service public que vous êtes en train de favoriser. Sous des aspects techniques, les dispositions que vous proposez cachent des suppressions d'emplois pures et simples. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Durand. C'est vrai !
    M. Christophe Masse. Comme dans le dossier sur la décentralisation, l'habillage général du projet tente d'occulter des mesures qui sont opposées à la notion de service public, avec des transferts de personnel sans concertation préalable ni réflexion sur le mode de gestion de la fonction publique. C'est avec le même mépris et la même désinvolture que vous traitez l'ensemble des organisations d'enseignants, d'étudiants et de parents d'élèves, qui se sont prononcées contre votre projet.
    Un de nos collègues vient de parler de confiance. Mais ni les chefs d'établissements, ni le corps enseignant, ni les parents d'élèves malheureusement ne l'éprouvent à votre égard ni envers votre Gouvernement.
    M. Lionnel Luca. Ce n'est pas bien de dire ça !
    M. Christophe Masse. Le vrai débat de ce soir, messieurs les ministres, c'est celui que vous nous refuse et que vous reportez sans cesse.
    M. Yves Durand. Très bien !
    M. Christophe Masse. Il dépasse certainement largement le cadre des assistants d'éducation, puisque c'est celui de l'éducation nationale tout entière, ou plutôt de ce que vous en faites. Et notre rôle aujourd'hui, demain, voire après-demain, consiste justement à instruire le procès de la véritable politique de démantèlement du service public et du principe d'égalité dans l'éducation que vous menez. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Au moment où la société demande une lutte de tous les instants contre la violence scolaire, vous décidez purement et simplement de supprimer 5 600 postes de surveillants et 20 000 postes d'aides-éducateurs. Même avec l'embauche de 16 000 assistants d'éducation, le compte n'y est pas, il reste toujours 10 000 suppressions de postes et je vous fais grâce du non-remplacement des 8 000 aides-éducateurs qui quittent leur poste en cours d'année. Alors, monsieur le ministre, j'ai peut-être la mémoire courte, comme vous me l'avez gentiment reproché à l'occasion d'une question au Gouvernement à laquelle mon collègue Yves Durand a fait référence tout à l'heure, mais vous, c'est avec l'arithmétique que vous êtes fâché...
    Mme Martine Billard. C'est un philosophe !
    M. Christophe Masse. ... car, à partir du même constat, je déplore la disparition de 10 000 postes alors que vous persistez, et le rapporteur avec vous, à parler de créations d'emplois. L'un de nous se trompe, et l'avenir nous dira lequel.
    Votre texte ne donne par ailleurs aucune précision sur la priorité donnée aux étudiants, ni sur les voies retenues en matière de recrutement. Des embauches décidées par les établissements les pousseraient à se livrer entre eux à une concurrence inopportune et aggraveraient encore le flou qui entoure les missions confiées aux assistants d'éducation, lesquels deviendraient, pardonnez-moi l'expression, les « bonniches » de l'éducation.
    Monsieur le ministre, votre définition des assistants d'éducation est réductrice. Elle ignore complètement le rôle de médiation, de liaison et de cohésion sociale que joue actuellement l'aide-éducateur dans nos établissements. Un établissement scolaire n'est pas une entreprise à rentabiliser, pas plus qu'un chef d'établissement n'est un chef d'entreprise ! Ce dernier doit au contraire être l'élément central et moteur d'une éducation moderne, républicaine, laïque et performante dans un univers de mixité sociale.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Que signifie cette belle phase ?
    M. Christophe Masse. Alors, monsieur le ministre, malgré la contestation unanime des partenaires sociaux, malgré le caractère manifestement inopportun de votre projet - même si vous allez expliquer le contraire dans les émissions littéraires dont vous êtes friand - vous persévérez. Mais la démocratie mérite un peu plus de rigueur, de respect, surtout lorsque l'éducation est concernée. La réussite scolaire des élèves dépend du travail en équipe de l'ensemble de la communauté éducative et de son unité.
    Enfin, monsieur le ministre, vous parlez régulièrement de pérennisation. Mais c'est plutôt la pénurie que vous allez pérenniser, dans la mesure où vous stigmatisez toutes les approches socio-éducatives. Vous êtes finalement le premier de votre famille politique à oser par votre projet de loi inciter les établissements scolaires à la concurrence. Vous allez donc participer au démantèlement progressif du service public de l'éducation, alors qu'elle devrait rester l'outil principal d'humanisation de notre société. C'est ce que les livres d'histoire retiendront !
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le président, je remercierai d'abord M. le rapporteur, Jean-Marie Geveaux, pour son excellentissime travail, qu'il a accompli avec beaucoup de talent et beaucoup d'intelligence, s'il me permet de le lui dire.
    Je remercierai également les orateurs de la majorité qui ont su mettre en évidence les bons arguments pour défendre le projet. J'y ai été, évidemment, extrêmement sensible, d'autant plus qu'ils l'ont souvent fait avec beaucoup de talent et de force oratoire.
    Pour en venir au fond du sujet, je ne crois pas inutile de rappeler que lorsque les emplois-jeunes ont été mis en place, vous vous en souvenez comme moi, la totalité des syndicats y étaient opposés. Et même si, aujourd'hui, il existe une certaine hostilité face aux réformes, je ne crois pas qu'il faille nécessairement en tirer la conclusion qu'il faut surtout ne rien faire.
    Je voudrais enfin vous dire, pour revenir à la vérité des choses, et indépendamment de toute rhétorique, que nous avions en réalité trois possibilités seulement.
    La première était de ne rien réformer. Et je remercierai ici les intervenants de l'opposition pour avoir souligné, unanimement, qu'ils étaient au moins d'accord avec moi sur un point, qui a son importance, c'est que les anciens dispositifs n'étaient pas bons. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Yves Durand. Nous n'avons jamais dit ça !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Cela interdisait par conséquent de laisser les choses en l'état.
    La deuxième possibilité, tout à fait plausible, monsieur Durand, et je ne plaisante pas, était de revenir au statu quo ante. Pour des raisons budgétaires évidentes, avec le lourd héritage que vous connaissez (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), nous aurions pu, et la tentation était forte, nous contenter d'enregistrer la fin des emplois-jeunes - qui a été programmée non par nous mais par le gouvernement de Lionel Jospin - et nous en tenir au système d'il y a cinq ans qui fonctionnait très bien sans les emplois-jeunes.
    Enfin, la troisième possibilité est celle que nous avons choisie, Xavier Darcos et moi-même. Elle consistait à étudier les missions importantes des emplois-jeunes - aide à la vie scolaire, fonctionnement des CDI, surveillance - pour les pérenniser au sein d'un système de contrats de droit public. A cet égard, reconnaissez honnêtement que le passage de contrats de droit privé à des contrats de droit public est une réelle amélioration. Aucun d'entre vous ne peut le nier.
    Entre ne rien faire, ce que vous proposiez, et tout supprimer, ce qui aurait été déraisonnable, il fallait trouver un compromis et c'est ce que nous avons fait. Et je remercie encore une fois les orateurs de la majorité de l'avoir si bien compris. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Catherine Génisson. Conclusion : tous les autres sont des imbéciles !
    M. Alain Néri. Nous voilà éclairés !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante.)
    M. le président. La séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, je dois vous avouer que j'aurais pu m'interroger sur la pertinence de cette demande de renvoi en commission si vous aviez donné, dans votre dernière intervention générale, des réponses aux questions évoquées dans la discussion générale. Tel n'ayant pas été le cas, elles demeurent en suspens et je vais d'ailleurs défendre la motion de renvoi en commission déposée par le groupe communiste en reprenant certains des arguments développés par des collègues.
    Ce projet de loi, préparé à la hâte et sans concertation, aurait des conséquences graves de deux ordres : d'une part, sur la situation de l'emploi, notamment des jeunes ; d'autre part, et plus directement, sur l'encadrement éducatif.
    Ainsi que chacun l'a encore en tête, la discussion budgétaire avait clairement révélé que l'éducation cessait d'être une priorité pour ce gouvernement. Le texte dont nous débattons le confirme de manière évidente. Il atteste également du fait que la lutte contre le chômage ne figure pas davantage au rang des premières préoccupations du Gouvernement. Contrairement à ce qu'a affirmé récemment le Premier ministre, ce dernier fait objectivement des économies sur le dos de l'emploi.
    Il est bon de rappeler - car votre réponse, monsieur le ministre, ne me satisfait pas - que ce projet de loi est un véritable plan de licenciement de près de 10 000 personnes, préparé et défendu par votre gouvernement. D'un trait de plume vous proposez de faire avaliser par la représentation nationale la suppression de 9 600 emplois. C'est l'équivalent de trois plans de licenciements comparables à celui d'Air Lib ou encore plus de dix fois Metaleurop et ses fameux « patrons voyous ». On connaissait les plans sociaux, euphémisme concocté par les communicants du patronat. Avec votre « projet de loi relatif aux assistants d'éducation », le Gouvernement innove et va encore plus loin.
    Les chiffres, même s'ils ne vous plaisent pas, sont têtus et clairs. En effet, le Gouvernement annonce le remplacement de 6 500 maîtres d'internat et surveillants d'externat et de 20 000 aides-éducateurs par 16 000 assistants d'éducation.
    M. Alain Néri. Ça, c'est clair !
    M. Patrick Braouezec. Près de 10 000 emplois manqueront donc à l'appel à la rentrée de septembre.
    M. Alain Néri. Et ça, vous ne pouvez pas le nier !
    M. Patrick Braouezec. Pire, le projet ne comporte aucune perspective pour les rentrées suivantes malgré la fin annoncée de milliers d'autres contrats d'aide-éducateur.
    Ce plan massif de licenciements gouvernemental survient alors que la situation du chômage, notoirement celui des jeunes, se dégrade fortement depuis plus d'un an.
    A ce propos vous me permettrez de revenir sur l'impact positif du dispositif des emplois-jeunes, dont votre gouvernement a annoncé la disparition.
    Après des années de traitement social du chômage et de logique dépressive de réduction du coût du travail, les emplois-jeunes ont ouvert une première brèche en faveur d'une reconquête volontariste de l'emploi. Lors de la discussion du projet de loi, en 1997, et depuis lors, les députés communistes ont cherché, par leurs amendements, à conforter cet effort et à permettre la pérennisation, qui fait aujourd'hui cruellement défaut, des emplois-jeunes.
    Le renvoi en commission permettrait de débattre au fond de cette ambition pour la pérennisation du service rendu au public et des emplois. Tel est le sens de nos amendements sur la validation des acquis des emplois-jeunes, forts de cinq années d'expérience, au travers d'un examen professionnel permettant la titularisation. C'est aussi l'esprit de celui sur le financement de la pérennisation des emplois-jeunes auprès des collectivités locales au moyen d'une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
    L'abandon unilatéral par l'Etat du dispositif des emplois-jeunes équivaut à un plan de licenciement par procuration. Il ne fait qu'aggraver les inégalités entre collectivités riches et collectivités pauvres. Cette décision augure très mal de la nouvelle étape de décentralisation annoncée, laquelle se traduira par une dégradation des services rendus à la population, en contradiction flagrante avec tous les discours sur la fameuse « proximité ».
    Nos amendements visant à la pérennisation des emplois-jeunes ont été rejetés en commission au motif de leur irrecevabilité au titre du fameux article 40 de la Constitution. Ils prévoyaient pourtant le financement de cette pérennisation au moyen d'un accroissement de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la suppression de la réduction d'impôt sur le revenu accordée aux plus hauts revenus.
    Considérant l'emploi et l'éducation comme les deux priorités nationales majeures, nous souhaitons, par cette motion de renvoi en commission, permettre l'examen au fond de ces propositions. Le rejet de nos amendements est d'autant plus contestable que nous avions fait le choix d'en déposer seulement une vingtaine concentrant l'essentiel de nos arguments.
    Ce rejet ne permet pas de débattre du caractère délibéré du plan de licenciement dont nous sommes appelés à discuter. La suppression des aides-éducateurs et des surveillants est l'un des résultats de la politique de réduction d'impôts en faveur des plus aisés et des priorités accordées aux prisons, à la police et aux armées.
    L'impact positif des emplois-jeunes et l'intérêt de leur pérennisation sont pourtant des évidences.
    Des milliers de jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans ont pu accéder à un premier emploi. Ils y ont gagné en autonomie et ont pu concrétiser des projets. Sur ces bancs, un certain nombre de maires savent de quoi je parle. En effet, nombre de ces jeunes ont accédé à cette occasion à un logement indépendant, ont pu créer un foyer, voire une famille.
    Les répercussions ont été positives pour l'ensemble de la société et le dispositif a fonctionné comme un investissement aux effets démultipliés, en matière de consommation, d'optimisme des ménages et de demande intérieure. Cela explique pour une bonne part que, de 1997 à 2001, l'économie française se soit mieux comportée que celle de la plupart de nos voisins européens en matière de croissance et de création d'emplois. C'est cette dynamique, ce cercle vertueux que le Gouvernement a décidé de casser.
    Par pure idéologie libérale, le Gouvernement s'en remet au seul secteur marchand pour réduire le chômage. Par pure idéologie, il refuse toute pérennisation des emplois-jeunes, au nom du dogme de la non-augmentation de l'emploi public. Les aides-éducateurs remplissent pourtant une mission de service public au sein d'un service public. Leur travail est nécessaire. Il serait parfaitement logique et compris par nos concitoyens que leur pérennisation passe par l'intégration à la fonction publique.
    Après moins d'un an, le premier bilan de votre politique libérale est d'ores et déjà très négatif. Le Gouvernement entendait, pour reprendre son vocabulaire, « libérer les énergies ». A ce jour, la seule énergie libérée par le Gouvernement est celle des mises à la porte et des licenciements massifs.
    Mme Martine Billard. Très bien !
    Mme Nadine Morano. N'importe quoi !
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas n'importe quoi, et de nombreux travailleurs et salariés commencent à s'en apercevoir dans ce pays.
    Votre liberté demeure celle du renard dans le poulailler. Ainsi, vous avez modifié la loi de modernisation sociale, supprimé ses modestes garde-fous contre les licenciements et suspendu l'application du contrôle de l'utilisation des fonds publics par les entreprises.
    Le plan des « contrats-jeunes en entreprises » participe de cette logique dépressive qui ne voit dans le travail qu'un simple coût qu'il faudrait réduire par tous les moyens et non la source unique de la valeur en économie et de la demande qui soutient l'activité.
    Mme Nadine Morano. Cinquante mille CDI ! Ce ne sont pas des emplois-jeunes !
    M. Patrick Braouezec. Je dois réitérer notre opposition à ce dispositif que vous avez refusé d'assortir d'une obligation de formation par les employeurs. Les contrats créés sont rémunérés au SMIC et les cotisations sociales sont supprimées sans contrepartie. A nouveau, on crée un effet d'aubaine pour des employeurs uniquement attirés par la suppression des cotisations. L'absence de formation compromet l'avenir et l'évolution dans l'emploi de ces jeunes salariés. Il s'agit d'une dérégulation supplémentaire du marché de l'emploi qui se fait au détriment des chômeurs plus âgés.
    Le projet du Gouvernement, pour toute une partie de la jeunesse, est le même que celui du MEDEF. Il se limite à des emplois payés au SMIC, sans possibilité de formation et qui ne participent pas au financement de la protection sociale.
    Le chômage de masse, notamment celui des moins de vingt-cinq ans, demeure une réalité dramatique de la société française. En mai 1994, sous le gouvernement de M. Balladur, il atteignait le taux de 29 %, triste record battu en décembre 1996 avec 29,6 % sous le gouvernement de M. Juppé, soit plus de 600 000 demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans. La même politique de déflation produit immanquablement les mêmes effets.
    M. Roland Chassain. La faute à qui ?
    M. Patrick Braouezec. Il me semble que M. Balladur et M. Juppé sont responsables, non ?
    Ce taux est redescendu - même si cela ne vous plaît pas - au niveau encore très élevé de 19,6 % de novembre 2000 à avril 2001, sous l'effet du dispositif des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail, confortant la reprise. La nouvelle dégradation de l'emploi, avec un taux de chômage de 21,8 % aujourd'hui pour les moins de vingt-cinq ans, sera accentuée par le fin du dispositif des emplois-jeunes. Les chiffres de cette hémorragie sont connus. Ils ne vous plaisent pas, mais il est bon de les rappeler. En effet, cette année, 76 000 contrats prendront fin. Il y en aura 60 000 en 2004, 40 000 en 2005, 40 000 en 2006 et 12 000 en 2007.
    M. Roland Chassain. La faute à qui ?
    M. Patrick Braouezec. La faute à ceux qui prennent la responsabilité de supprimer les emplois-jeunes aujourd'hui, c'est-à-dire à vous !
    Dans les collectivités locales, des élus prennent des dispositions pour pérenniser ces emplois-jeunes. C'est ce que je fais à la mairie de Saint-Denis.
    Mme Nadine Morano. C'est bien !
    M. Patrick Braouezec. Il est malheureusement envisageable que M. Raffarin se rapproche demain des taux de chômage records enregistrés avec MM. Balladur et Juppé.
    M. François Liberti. Mais oui, c'est d'abord les jeunes qui trinquent !
    M. Patrick Braouezec. Face à cette aggravation du chômage, le Gouvernement n'a pas de politique. Pour masquer ces dégâts dans les statistiques des demandeurs d'emploi, il vient de renouer récemment avec les outils de traitement social du chômage. Ainsi, la semaine dernière, le ministre du travail a annoncé un plan de 300 millions d'euros pour parer au plus pressé. Le mouvement national des chômeurs et des précaires a qualifié ces mesures de « dérisoires ».
    Le ministre du travail a aussi décidé que les contrats emploi solidarité, bénéficiant d'une prise en charge de l'Etat et proposant des emplois dans le secteur non marchand - collectivités locales, établissements publics ou associatifs - passeront de 160 000 à 240 000. Il s'agit de la seconde augmentation puisque seulement 75 000 CES étaient programmés dans la loi de finances pour 2002. Ces emplois, le plus souvent à temps partiel imposé, offrent une rémunération inférieure au SMIC. Ils institutionnalisent la précarité et créent, par la volonté publique, une catégorie de travailleurs pauvres. Ils permettront de dissimuler une partie des demandeurs d'emplois.
    Le journal Le Parisien rapporte à ce sujet le point de vue de M. François Fillon, ministre du travail : « Les CES, je ne suis pas pour. C'est typiquement une mesure pour faire baisser les statistiques du chômage. »
    De plus, l'enveloppe de 300 millions d'euros n'est en réalité que de 132 millions si l'on tient compte de la suppression de 168 millions d'euros de crédits décidés par décret pour le ministère du travail. Ces coupes sombres touchent notamment des crédits de formation professionnelle, des subventions à l'ANPE et des emplois-jeunes non remplacés.
    Tout aussi significatives de cette hypothèque sur l'avenir sont les autres annulations de crédits contenues dans le décret du 15 mars dernier. Outre l'éducation et l'emploi, la jeunesse, la sécurité routière et la recherche complètent la liste des victimes de ce plan d'économies à courte vue.
    Alors, précisément, que la conjoncture moins favorable et les effets négatifs de la guerre illégale conduite par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne rendent plus que jamais nécessaire le soutien à l'activité, notamment la pérennisation du cercle vertueux initié par le dispositif des emplois-jeunes, le Gouvernement engage une politique de cercle vicieux. Il se comporte en véritable pompier pyromane de l'aggravation du chômage et de l'affaiblissement de la demande. Rien n'est fait pour conjurer le risque de récession qui menace.
    Dans ce contexte général, il convient d'aborder les très graves effets de ce projet de loi sur le système éducatif de notre pays et sur la conquête d'une plus grande égalité des chances.
    Comme on l'a vu, ce projet de loi relatif aux assistants d'éducation, sous couvert d'harmonisation de la fonction de surveillance, masque bien d'autres réalités.
    La plus visible et la plus injustifiée est la diminution des effectifs.
    Aujourd'hui, un peu moins de 90 000 jeunes - maîtres d'internat, surveillants d'externat et aides-éducateurs confondus - assurent les fonctions d'accueil et de surveillance. A la rentrée 2003, 5 600 postes de maître d'internat et de surveillant d'externat et 20 000 postes d'aide-éducateur seront supprimés.
    Cela signifie que les 25 600 personnes assurant les fonctions d'encadrement dans les établissements scolaires seront remplacés par 16 000 assistants d'éducation. La perte, que cela vous plaise ou non, se chiffre à 9 600 postes.
    En écoutant votre présentation, monsieur le ministre, on ne pouvait qu'être frappé par les contradictions. Le Gouvernement affirme avec aplomb qu'il va faire mieux avec moins. Alors que plusieurs milliers d'adultes vont disparaître des cours de récréation, des couloirs, des salles de classes et de permanence, vous nous expliquez qu'il y aura davantage de surveillants et six fois plus de personnels pour accompagner la scolarisation des enfants handicapés. Nous quittons là les règles de l'arithmétique pour celles de la magie du discours gouvernemental.
    Ce qui est proposé n'est pas une réforme, mais bien la suppression pure et simple du dispositif des aides-éducateurs. Le minimum serait que le Gouvernement reconnaisse que la disparition de plus de 25 000 aides-éducateurs se traduira par une dégradation de l'encadrement éducatif. Ne pas le faire serait tout simplement dégradant pour les intéressés. Il s'agit d'un mépris complet pour le travail accompli durant cinq ans, qui est tout simplement nié et réduit à néant.
    Dans le département de la Seine-Saint-Denis, plus de 1 850 aides-éducateurs étaient en poste en décembre. Dès juin 2004, ce nombre sera divisé en deux, et même par trois dans les écoles primaires, avant la disparition totale programmée.
    La suppression de ces 9 600 postes est menée au nom d'une amélioration du rapport coût-efficacité, d'après le rapport établi par la commission des affaires culturelles. Que soit amalgamée la rémunération de ces 16 000 assistants d'éducation avec l'importance de la fonction qu'ils doivent exercer me laisse plus que rêveur.
    En effet, au moment où vous nous dites que les établissements scolaires connaissent de nombreux problèmes de violence, et au moment où les élèves, les personnels et les enseignants sont soumis à de nombreuses pressions du monde extérieur au sein même de l'école, il me semble que le choix à faire serait d'assurer de vrais services de surveillance et d'encadrement, afin que les conditions de travail dans les établissements scolaires permettent à chaque élève de suivre son cursus dans un cadre serein. Cela commence tout simplement par une présence adulte renforcée dans les établissements, mais aussi par une disponibilité de ces adultes chargés de l'accueil, afin de permettre à certains jeunes en perte de repères d'être écoutés et orientés.
    Il est un chiffre qui devrait faire réfléchir et vous le connaissez : les élèves représentent 86 % des victimes d'agressions physiques dans les collèges et les lycées. Est-ce en réduisant les postes de surveillance que ce taux va baisser ? Est-ce en laissant ces adolescents seuls face à ces problèmes de violence que leur scolarité s'améliorera ? Il y a donc quelque chose d'antinomique entre la réduction des coûts et l'efficacité de la fonction ; peut-on, d'ailleurs, parler d'« efficacité » de cette fonction, et ne vaudrait-il pas mieux parler de « compétences éducatives » ?
    A y regarder de plus près, la volonté qui s'exprime est celle de réduire les services dus aux citoyens, et lorsque je parle de services, je pense à ceux qui assurent la construction sociale, services qui ne peuvent être perçus comme des charges pour la société, puisque c'est grâce à eux que le contrat social est assuré.
    A cet égard, je veux citer le président de la Fédération des conseils des parents d'élèves des écoles publiques qui s'inquiète de « cette politique de rigueur à l'éducation et à la formation, alors qu'aussi bien l'une que l'autre ne devraient pas constituer une charge mais être un investissement pour l'avenir ».
    Comment un pays peut-il en arriver à considérer l'éducation comme une charge ? Aujourd'hui, c'est la fonction d'accueil et de surveillance qui est remise en cause pour des raisons de coût ; sera-ce demain les services d'enseignement ? Et cela n'a-t-il pas déjà commencé, puisque, pour la rentrée prochaine, il est prévu, de n'embaucher dans le premier degré que 12 000 enseignants, alors qu'on sait d'ores et déjà qu'il y aura 16 200 départs à la retraite ?
    La réduction des coûts en matière d'éducation est incompatible avec la compétence et la qualité.
    Cette réduction, que l'on tente de nous faire passer pour une amélioration des services, n'est en fait rien d'autre qu'une soumission progressive au marché de l'ensemble des services publics, en réponse, notamment, aux demandes expresses de Bruxelles, qui désire que les dépenses budgétaires soient réduites et que les entreprises publiques soient ouvertes à la concurrence, et, à terme, privatisées.
    Il ne s'agit pas d'un progrès, ainsi que voudrait nous le faire croire le rapport de la commission, mais plutôt d'une régression sociale faite au nom, je cite la commission, « de la promotion des intérêts (...) sur une base d'avantages mutuels (...), compte dûment tenu des objectifs de politique nationales ».
    La fonction de surveillance va tendre à devenir un commerce et, dans ce cadre, elle devra, selon la doctrine de l'OMC et de l'Accord général sur le commerce des services, répondre aux exigences « de la libéralisation progressive, afin de promouvoir la croissance économique de tous les partenaires commerciaux ».
    Cette tentation de commercialiser les services de surveillance peut constituer le premier pas dans la voie de la privatisation de notre système éducatif. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Liberti. Eh oui !
    M. Patrick Braouezec. Après la santé et l'accès à certaines ressources, on cherche à privatiser d'autres secteurs de notre économie.
    M. Yves Durand. Voilà !
    M. Patrick Braouezec. Outre ces aspects fondamentaux et préoccupants, la suppression de ces 9 600 postes a pour conséquence deux changements dont l'un concerne les missions et l'autre le statut.
    Des missions de surveillance, d'écoute et d'accueil - qui sont celles aujourd'hui des aides-éducateurs - on passe aux « missions d'assistance éducative, d'encadrement et de surveillance » mais aussi, en cas de mise à disposition sur le fondement de l'article L. 216-1 du code de l'éducation, auprès des collectivités territoriales, à des fonctions « d'animation dans le cadre d'activités à caractère culturel, sportif, social ou socio-éducatif ».
    A ce titre, il faut s'inquiéter, et certains l'ont fait avant moi, du financement des assistants d'éducation. La notion de cofinancement avec les collectivités locales ouvre la voie à de graves inégalités territoriales. Tout indique que nous sommes à la veille d'un nouveau transfert de charges non financé.
    Première question : le manque total de définition de ce que l'on entend par assistance éducative pose un problème de vocabulaire. Ce concept peut recouvrir de nombreux champs. En droit privé, il s'agit « d'un ensemble de mesures pouvant être prises par le juge des enfants, lorsque la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont gravement compromises ». Dans le cadre de l'éducation nationale, l'assistance éducative recouvre sans doute un ensemble de mesures, mais lesquelles ? Qui prendra la décision ?
    Le rapport de la commission précise simplement que : « l'ensemble des fonctions susceptibles d'être exercées feront l'objet d'une énumération par voie de circulaire ».
    Lors de la table ronde du 27 novembre 2002, vous avez précisé, monsieur le ministre, que les missions seront larges et diversifiées. Cette diversité nous inquiète car cette volonté de multiplier les fonctions et cet éparpillement nuiront à la qualité du service.
    En définitive, on ne peut que conclure de ce flou que l'assistant éducateur devra être capable de répondre à tout moment, en toutes circonstances, à toutes demandes ou exigences émanant de l'administration ou du personnel enseignant.
    On comprend mal comment le rapport peut affirmer, page 23, qu'il s'agit « d'une synthèse ambitieuse des atouts respectifs de chacun des deux dispositifs qu'il a vocation à remplacer ». Cette imprécision est un élément supplémentaire qui motive notre motion de renvoi en commission.
    Cette diversification recouvre des missions dont les champs d'intervention sont très différents : accueil, encadrement, surveillance, aide à des activités scolaires et péri-scolaires. Inutile de préciser que ces champs d'intervention nécessitent une approche professionnelle qui n'est pas à démontrer. Elle pose aussi la question de l'interprétation que le chef d'établissement peut faire de ces missions.
    Il se peut que, pour les besoins spécifiques d'un établissement, l'assistant éducateur se voie confier des fonctions autres que celles de surveillance et d'aide à la scolarisation des handicapés puisque le projet de loi « procure aux établissements les moyens d'assurer l'encadrement des élèves dans des conditions adaptées au contexte ». Qui garantira la priorité des fonctions de surveillance ? Qui décidera du meilleur encadrement des élèves ? Qui tiendra compte des spécificités du contexte ?
    On touche là à un des amendements de fond rejetés par la commission qui proposait le recrutement des assistants d'éducation par le rectorat et non par le chef d'établissement. On ne peut, en effet, exclure les dérives qui peuvent découler d'un système qui dépend d'une seule personne et non plus d'un organe régulateur.
    Admettons qu'une personne possédant de réelles compétences d'accueil et d'écoute ne puisse répondre à des demandes « d'assistance polyvalente souple » parce qu'elle juge que le contexte lui impose de se concentrer sur une seule partie de ces tâches, sera-t-elle pénalisée ? Se verra-t-elle blâmée, évincée, voire licenciée, au profit d'une autre faisant preuve de plus de souplesse mais moins soucieuse des véritables enjeux de ses missions ?
    On peut aussi craindre que les critères de jugement, laissés à la libre appréciation de l'équipe administrative et, plus particulièrement, du chef d'établissement, lequel se trouve de facto assurer la fonction d'employeur, n'entraînent des dérives sur la base de critères n'ayant rien à voir avec les compétences attendues d'un surveillant.
    M. Guy Geoffroy. C'est grave.
    M. Patrick Braouezec. Le recrutement effectué à l'échelle nationale par le rectorat empêchait ce type de dérive et évitait qu'une seule personne ne se retrouve dans le statut de patron « disposant » - je cite le rapport de la commission - « tout au long de l'année de personnels polyvalents pour assister l'équipe éducative, assurer l'encadrement et la surveillance des élèves, aider à l'intégration des enfants handicapés ».
    Cette mise à disposition d'un personnel peut, certes, répondre aux attentes des établissements, mais répond-elle aux besoins des jeunes de la communauté scolaire ? Le système éducatif doit-il privilégier les demandes des chefs d'établissement ou assurer à tout niveau la formation des jeunes ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il est plus à craindre que, sous couvert de polyvalence et de souplesse, cette fonction se réduise - je sais que la formule ne vous plaît pas, monsieur le ministre - à une fonction de « personne bonne à tout faire » répondant uniquement à des injonctions qui risquent parfois d'être paradoxales avec les missions de surveillance, d'accueil et d'écoute. Vous avez répondu cet après-midi que vous préfériez les « personnes bonnes à tout faire » aux « bons à rien ». Mais on peut passer du premier statut au second par découragement.
    M. Yves Durand. Tout à fait !
    M. Patrick Braouezec. On ne peut s'empêcher de penser à la façon dont le Gouvernement affirme régler le problème de l'insécurité par l'embauche programmée de 10 000 gardiens de prison supplémentaires.
    Pour répondre au problème de l'éducation, il supprime 9 600 postes. Inutile d'analyser plus avant les choix du Gouvernement... Ouvrir des prisons est plus facile que de les fermer ou de faire le choix de privilégier les meilleures conditions possibles de suivi et d'accès à l'éducation.
    M. Alain Néri. Victor Hugo l'avait dit !
    M. Patrick Braouezec. Victor Hugo - j'allais le dire - frémirait de ce choix de société.
    M. Alain Néri. M. Ferry ferait bien de s'en inspirer.
    M. Patrick Braouezec. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il est précisé que « les deux catégories de personnels dont le remplacement est envisagé correspondent à des dispositifs qui ne peuvent être maintenus en l'état », entre autres parce que la fonction des surveillants d'externat et des maîtres d'internat « ne répond plus complètement aux besoins de surveillance qui s'expriment dans les établissements scolaires aujourd'hui ».
    M. Richard Mallié. A qui la faute ?
    M. Patrick Braouezec. Si tel est le cas, ne vaut-il pas mieux réfléchir et enrichir ces fonctions en tenant compte des besoins de surveillance qui s'expriment aujourd'hui dans les établissements scolaires, d'autant que les aides-éducateurs recrutés en emplois-jeunes ont montré, par la diversité des tâches qu'ils ont su remplir, qu'il existait des besoins nouveaux auxquels ils avaient dû répondre ?
    Dès lors, pourquoi refuser leur professionnalisation et leur titularisation ? On ne voit pas en quoi la création d'assistants d'éducation sur des critères aussi flous répondra mieux à ces nouveaux « besoins de surveillance ».
    Venons-en au statut de ces assistants éducateurs. L'accès à cet emploi est très flou : il est ouvert à toutes les personnes âgées de plus de vingt ans, alors que celui des surveillants d'externat et maîtres d'internat garantissait l'accès à l'emploi à des étudiants que leurs familles ne pouvaient aider dans leurs études.
    M. Yves Durand. Absolument !
    M. Patrick Braouezec. De plus, il était attribué, après obtention du baccalauréat, sur des critères sociaux qui permettaient la démocratisation de l'enseignement.
    Il est clair que les critères d'emploi des assistants d'éducation ne répondent pas aux mêmes préoccupations. Aucun critère de qualification précise n'est retenu. Les critères sociaux sont écartés au bénéfice d'un recrutement de proximité. Ces deux éléments ouvrent la voie à un recrutement fondé sur le clientélisme, l'adaptabilité, la flexibilité.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. C'est excessif !
    M. Patrick Braouezec. Ainsi, les critères échappent au caractère contractuel et peuvent varier selon les besoins. Cela favorise la flexibilité. Celle-ci est encore renforcée dans le projet de loi, car il y est précisé que l'assistant éducateur « peut être amené à exercer ses fonctions dans un ou plusieurs établissements scolaires, avec en outre » - c'est l'article L. 916-2 - « une mise à disposition des collectivités territoriales dans le cadre des activités sportives et culturelles complémentaires qu'elles organisent dans les établissements scolaires, pendant leurs heures d'ouverture ».
    Permettre d'employer un assistant d'éducation sur plusieurs établissements témoigne de la volonté du Gouvernement de gérer les problèmes a minima. Cette règle fonctionne déjà pour certains personnels enseignants, ainsi que pour les maîtres de demi-pension : elle s'applique au détriment de ces personnels et des élèves de ces établissements.
    Il n'est en outre tenu compte ni du problème de la coordination entre établissements, ni la gestion des emplois du temps, ni même - et c'est encore plus vrai pour le personnel de surveillance - de la spécificité des établissements et des publics scolaires.
    Cette précarité est encore accentuée par le fait que les assistants d'éducation sont recrutés sur la base de CDD de trois ans renouvelables une seule fois. Néanmoins, ils pourront se voir refuser le renouvellement de leur contrat, et ce sans aucune raison. Visiblement, peu importe qu'ils soient ou non en cours d'études.
    Le recrutement local signifie également que le travail sera évalué, non plus comme il l'est actuellement, par une commission paritaire mais par le seul chef d'établissement. Le renouvellement du contrat sera soumis à sa seule décision.
    Une telle précarisation ne peut permettre de s'inscrire dans un projet de vie sur le long terme. Les actuels surveillants d'externat et maîtres d'internat sont recrutés pour une durée de sept ans, ce qui leur assure un emploi jusqu'à l'achèvement de leurs études. Les assistants d'éducation ne bénéficieront plus de cette garantie, qui est aujourd'hui une sécurité.
    Les garanties offertes aux surveillants pour les jours de préparation aux examens ne sont pas non plus précisées pour les assistants d'éducation. Le recrutement étant local, il n'existe aucune garantie d'égalité de recrutement sur le territoire national. De même, la possibilité de mutation des surveillants et maîtres d'internat appelés à poursuivre leurs études dans une autres région disparaît pour les assistants d'éducation.
    De plus - cela a déjà été rappelé - le mi-temps sera favorisé. Les étudiants ne se verront plus proposer que 17 heures par semaine, ce qui se traduira par une réduction de revenus très sévère pour les titulaires des nouveaux postes.
    Les assurances que vous avez données, monsieur le ministre, sur la priorité accordée aux étudiants boursiers ne figurent pas dans le texte. Elles contredisent d'ailleurs d'autres déclarations, selon lesquelles le recrutement serait ouvert à des mères de famille ou à des militaires en retraite. M. le ministre les a démenties mais rien dans le texte n'empêche qu'il en soit ainsi. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Les horaires de service seront calculés sur la base de 35 heures hebdomadaires sur une durée de 46 semaines au lieu de 34 pour les maîtres d'internat et 28 heures pour les surveillants d'externat sur 37 semaines. Il est probable que le chef d'établissement sera tenté, pour simplifier l'organisation des emplois du temps et assurer la continuité du service, d'embaucher un « plein temps » non étudiant plutôt qu'un étudiant à mi-temps. Au final, on le voit, c'est le flou le plus complet qui règne.
    L'article 3 du projet de loi prévoit que « les établissements publics d'enseignement scolaire adhèrent à l'assurance chômage pour permettre l'indemnisation des assistants d'éducation privés d'emploi ». Ce point renvoie au fait que le recrutement est laissé à la seule appréciation du chef d'établissement. Là encore, rien n'est dit des conditions et du règlement qui régiront les mesures de licenciement, tant sur le plan de la législation du travail que sur le plan social.
    Ce nouveau cadre juridique flou et peu structuré ne cadre en fait rien, si ce n'est le souhait du Gouvernement de « déshabiller Pierre pour habiller Paul », mais avec des habits de qualité inférieure et en quantité moindre. Quand Pierre est l'éducation et Paul les prisons, cela ne me satisfait pas ! Il ne favorise que la flexibilité, accroît la mobilité, réduit et dévoie les missions de surveillance, offre des salaires inférieurs, et ce sans garantir le droit au travail.
    Pourtant, s'il est un domaine qui a besoin de réformes de qualité, c'est bien celui de l'éducation. Nous partagerons peut-être ce point de vue... En se comportant comme un patron licencieur, le Gouvernement fait peu de cas de ce que représentent les jeunes pour l'avenir de notre pays. C'est, là encore, faire un choix politique qui creuse un peu plus les inégalités sociales, dont les premières victimes sont non seulement les jeunes scolarisés mais aussi ceux qui veulent, tout en travaillant, poursuivre leurs études ou ceux qui désirent, par ce premier emploi, acquérir une expérience professionnelle valorisante, c'est-à-dire, qui, en faisant, à terme, émerger des connaissances, des compétences, des méthodes et des « savoir-faire », peut faire l'objet d'une validation des acquis.
    Au final, nous vous proposons de voter cette motion de renvoi en commission afin de pouvoir débattre sur le fond en commission de ce projet de loi. Il n'est rien d'autre qu'un plan de licenciement gouvernemental portant sur près de 10 000 emplois. S'il était appliqué, il aurait de graves conséquences sur le système éducatif dès la rentrée prochaine, en réduisant très fortement la présence adulte auprès des enfants et des adolescents. Il accentuerait les inégalités dans l'accès à l'éducation et aux études. Il a été rejeté par le Conseil supérieur de l'éducation et suscite une opposition quasi unanime des enseignants, des étudiants et des parents d'élèves et de leurs représentants. Il résulte d'une politique fiscale inégalitaire délibérée que nous devons examiner au fond.
    C'est pourquoi les députés communistes vous demandent de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je salue le travail de synthèse que vous avez accompli avec talent. J'observe néanmoins, sans vouloir nullement être désobligeant, que je n'ai pas entendu d'arguments véritablement nouveaux par rapport aux objections faites cet après-midi. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'y répondre point par point, sauf à répéter des choses qui ont déjà été dites, soit par moi-même, soit, de manière tout à fait convaincante, par les députés de la majorité.
    M. Yves Durand. La majorité n'est pas le Gouvernement, que je sache !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. J'appelle simplement votre attention sur un point important, qui n'a encore été abordé par personne aujourd'hui. Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'au cours des deux dernières années, nous avons vu augmenter, dans nos établissements, le nombre de ce qu'il est convenu d'appeler des incidents graves et qui nous sont signalés par le logiciel « Signa ». Xavier Darcos et moi-même en avons déjà souvent parlé ici. L'année dernière, il a été recensé 81 600 incidents graves, et encore cette statistique ne couvre-t-elle que 75 % des établissements et seulement six mois.
    Les causes de cette augmentation des actes de violence dans nos établissements, vous en conviendrez, n'a aucun rapport avec la question des surveillants. Je comprends que l'on réclame davantage de surveillants et c'est pourquoi, je le maintiens, ils seront plus nombreux à la rentrée 2003 qu'à celle de 2002. Cela n'a rien de contradictoire avec le fait qu'il y ait, j'en conviens, moins d'adultes dans les établissements.
    M. Yves Durand. Voilà, il y a moins d'adultes. C'est cela le problème !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je l'ai toujours dit. Monsieur Durand, même un enfant de quatre ans serait capable de comprendre qu'il puisse y avoir moins d'adultes et plus de surveillants. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Durand. Monsieur le ministre, ne soyez pas insultant !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Vous l'êtes plus que tout autre, monsieur. Arrêtez, je vous en prie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Yves Durand. Votre attitude est intolérable, monsieur le ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Edouard Landrain. Quatre ans, il est généreux !
    M. Yves Durand. C'est intolérable !
    M. le président. Mes chers collègues, pas de violence dans l'hémicycle !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. J'appelle votre attention sur le fait qu'il faudra bien un jour ou l'autre mener une réflexion sur les causes de la violence. On ne peut pas envisager de mettre un surveillant derrière chaque élève...
    Mme Catherine Génisson. Bientôt, on ne pourra plus aller à l'école à deux ans !
    M. Alain Néri. M. Ferry, lui, ne connaît pas l'école, il ne connaît que les salons !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... et, même si on le faisait, cela n'agirait pas sur les causes du problème. Nous avons un problème à régler en commun. Nous devons nous demander pourquoi nous assistons à une augmentation de la violence dans les établissements. Encore une fois, la question de la surveillance n'est pas liée à ce problème. Il faudra bien, un jour ou l'autre, réfléchir aux moyens de réduire cette violence et cette insécurité, non seulement dans les établissements mais également autour.
    Mme Hélène Mignon. Et à l'Assemblée aussi !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Là est le vrai problème et nous ne pouvons pas le laisser de côté dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Evitons, s'il vous plaît, les mises en cause personnelles. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles familiales et sociales.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je ne suis pas sur la même longueur d'onde que M. Braouezec, si bien qu'il ne m'est impossible de le suivre dans son raisonnement.
    M. Richard Mallié. Nous l'espérons tous !
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Chacun s'accorde sur l'importance du rôle qu'ont joué et que jouent encore les aides-éducateurs dans les établissements scolaires, et des missions qu'ils ont accomplies. Personne ne le conteste. Il est indéniable qu'ils ont su s'intégrer dans la vie scolaire. Mais la grande différence entre notre dispositif et celui du gouvernement précédent - M. Jack Lang lui-même l'a reconnu - est que les postes d'aides-éducateurs n'avaient pas pour vocation d'être maintenus alors que, nous, nous proposons - M. le ministre l'a rappelé tout à l'heure - de pérenniser les fonctions d'assistants d'éducation ; même si leur nombre sera sans doute moins élevé que dans le passé. Un emploi du temps mieux adapté et une plus grande proximité du recrutement permettront de répondre aux attentes et aux besoins des établissements.
    Je remercie M. Braouezec et son groupe de n'avoir déposé que vingt amendements. Ils ont été examinés avec beaucoup de sérieux - ainsi que tous les autres - bien sûr, même si des regroupements ont dû être faits en raison de leur nombre. Il était difficile pour la commission de les examiner un à un. Nous les avons regroupés par thème ce matin et personne, je crois, n'a été lésé.
    M. François Liberti. Je n'en ai même pas déposé un.
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur. Je conclus donc que le renvoi en commission n'est pas nécessaire et, pour cette raison, je demande à l'assemblée de voter contre.
    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, j'indique à l'Assemblée que je suis saisi, sur le vote de cette motion, d'une demande de scrutin public présentée par le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe UDF.
    M. Olivier Jardé. Le groupe UDF considère que ce texte a fait l'objet d'une étude suffisante en quantité comme en qualité. Après avoir été élaboré par le Gouvernement, il a été étudié en commission, qui a pris bonne note des conclusions du rapporteur. En conséquence, le groupe Union pour la démocratie française votera contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste.
    M. Yves Durand. Monsieur le président, à cette heure, et à la fin de la discussion, je ne ferai pas un rappel au règlement, ni ne demanderai une suspension de séance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je veux cependant dire combien je suis scandalisé de la manière dont je viens d'être personnellement traité par M. le ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, écoutez M. Durand.
    M. Pierre Cohen. C'est lamentable !
    M. Alain Néri. Le ministre ne sait pas ce qu'est la courtoisie !
    M. Richard Mallié. Le ministre est trop courtois !
    M. le président. Messieurs, je vous en prie !
    M. Yves Durand. On peut être en désaccord et exprimer parfois, c'est la démocratie, ses opinions un peu vivement, parce que l'école nous passionne, les uns comme les autres,...
    M. Richard Mallié. Il faut y retourner ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Durand. ... mais ce ne peut être une raison pour nous traiter d'enfants de quatre ans. J'estime qu'un député a droit à plus d'égard de la part d'un ministre de la République (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et je vous demande, monsieur le président, d'en prendre acte.
    M. le président. Monsieur Durand, j'ai dit ce que j'en pensais : il faut éviter les attaques personnelles. C'est l'honneur du Parlement.
    M. Yves Durand. Je vous en remercie, monsieur le président.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'y a pas eu d'attaque personnelle !
    M. le président. Je vous prie d'arrêter. Il ne sert à rien d'entrer dans ce genre de polémique. L'incident est clos et M. Yves Durand a seul la parole.
    M. Yves Durand. Monsieur le président, je vous remercie et porte bien volontiers témoignage de votre grande impartialité. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.)
    J'en reviens à la motion de renvoi en commission. Force est de constater qu'aucune explication n'a été donnée par le Gouvernement durant la discussion générale : les quelques mots que le ministre a prononcés après les motions de procédure n'ont rien apporté de nouveau par rapport à ce qu'il avait superficiellement évoqué lors de ses dix minutes d'intervention liminaire. Aucune réponse n'a été apportée aux interrogations formulées lors de l'exception d'irrecevabilité, de la question préalable, et de la motion de renvoi en commission. Nous avions pourtant tous les trois posé les mêmes questions, dans des termes pratiquement identiques ; on n'a pas jugé utile de nous répondre.
    Enfin, monsieur le ministre, et n'y voyez aucune attaque personnelle, force est de reconnaître que, sur plusieurs points, vous n'avez pas tout à fait dit la vérité. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Jamais nous n'avons dit que les dispositifs actuels, MI-SE et aides-éducateurs, étaient mauvais.
    Mme Martine Billard. Absolument !
    M. Yves Durand. Il faut écouter, monsieur le ministre. Un débat parlementaire, c'est sérieux. Vous relirez nos interventions : nous avons seulement dit qu'ils étaient inadaptés et qu'il fallait les adapter...
    M. Richard Mallié. Eh bien, c'est ce qu'on fait !
    M. Yves Durand. ... mais jamais qu'ils étaient mauvais et qu'il fallait les supprimer. Ne nous faites donc pas dire ce que vous auriez souhaité nous entendre dire.
    Sur les emplois-jeunes également, vous ne dites pas totalement la vérité. Jamais les syndicats ne se sont unanimement opposés à l'idée des aides-éducateurs. Un certain nombre étaient totalement pour - je vous renvoie aux documents de l'époque -, un seul était contre, deux émettaient des réserves tout en approuvant le principe. Voilà la réalité. Ne la caricaturez pas.
    Toutes ces imprécisions, toutes ces caricatures, sans parler de votre attitude sur laquelle je ne reviens pas, m'amènent à demander, au nom du groupe socialiste, de voter la notion de renvoi en commission afin que nous puissions réexaminer un texte visiblement bâclé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe UMP.
    M. Frédéric Reiss. Le groupe UMP ne votera pas le renvoi en commission. M. Braouezec a entamé, comme beaucoup d'autres orateurs de la gauche, la querelle des chiffres ; je n'y reviendrai pas. Une chose est sûre : à la rentrée prochaine, 82 000 jeunes adultes en équivalents temps plein, qu'ils soient aujourd'hui MI-SE, aides-éducateurs ou assistants d'éducation, seront en poste et c'est une bonne nouvelle. Le ministre l'a clairement affirmé : entre ne rien faire, revenir au statu quo d'avant les emplois-jeunes ou agir, le Gouvernement a choisi cette dernière voie.
    Je ne vois pas non plus en quoi la fonction de surveillance pourrait devenir un commerce. Certes, les assistants d'éducation ne seront probablement pas la panacée pour l'éducation nationale compte tenu de tous les problèmes que connaît notre système éducatif. Reste qu'ils contribueront à favoriser la nécessaire confiance entre l'enseignant et l'enseigné, entre l'équipe éducative et les élèves.
    « Pourquoi refuser aujourd'hui la titularisation des emplois-jeunes ? » Question incroyable, maintes fois entendue et que M. Braouezec a encore reprise. Mais que la gauche ne l'a-t-elle envisagée !
    M. Patrick Braouezec. Parce que nous n'avons pas eu le temps !
    M. Frédéric Reiss. Il est vrai que la majorité des enseignants s'était à l'époque offusquée de l'entrée des emplois-jeunes dans les dispositifs et les établissements de l'éducation nationale, à l'idée que ceux-ci n'avaient aucune formation pédagogique.
    M. Patrick Braouezec. Si vous nous aviez laissé le temps !
    M. Frédéric Reiss. De fait, ils étaient opposés à l'arrivée de nouveaux fonctionnaires dans les établissements. Aujourd'hui, à vous entendre, il semblerait que tous les enseignants en soient d'accord avec vous ! La réalité est toute différente. Des enseignants qui ne sont pas d'accord avec la politique de gauche du gouvernement Jospin, il en existe quelques-uns, j'en ai rencontré. Du reste, nous n'avons aucune leçon à recevoir de vous à cet égard.
    M. Pierre Cohen. En ce qui vous concerne, ils sont unanimes !
    M. Frédéric Reiss. Je pense que le dispositif est bon et qu'il permettra d'apporter de nouvelles solutions dans nos établissements. Le renvoi en commission n'est donc pas nécessaire. Voilà pourquoi le groupe UMP votera contre.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-é-s communistes et apparentés.
    M. Patrick Braouezec. Personne, en effet, n'a de leçons à recevoir de qui que ce soit. Et, pour ma part, je ne me fais guère d'illusions sur l'état d'esprit des enseignants aujourd'hui, y compris vis-à-vis de la gauche. Ils sont, comme l'ensemble des personnels de l'éducation dans l'attente d'un véritable système éducatif à même de répondre aux besoins des enfants de ce pays.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai.
    M. Patrick Braouezec. Nous ne voulons pas nous lancer dans une querelle de chiffres ; c'est tout simplement la réalité des chiffres que nous vous invitons à regarder. Vous dites agir, mais vous agissez en proposant des mesures régressives régressives. J'ai écouté très attentivement votre réponse, monsieur le ministre, mais loin de me convaincre, elle m'a inquiétée. Il y aura désormais plus de surveillants et moins d'adultes, avez-vous dit,...
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En effet.
    M. Patrick Braouezec. ... ajoutant qu'il faudrait traiter aussi les causes de cette violence - à supposer qu'elle soit aussi forte qu'on le dit. Mais, si j'ai bien compris, plus de surveillants et moins d'adultes, cela peut signifier ou bien moins d'enseignants, ou bien moins de personnels, ceux-là mêmes qui font aujourd'hui tant défaut dans nos établissements scolaires alors qu'ils pourraient précisément traiter les causes de tous les problèmes : assistantes sociales, infirmières, conseillers d'information et d'orientation, autant de personnels que j'ai pu rencontrer il y a quinze jours dans la rue. Il faut dire que la mobilisation était chez eux très forte, plus forte que chez les enseignants eux-mêmes, tout simplement parce que ces personnels sont inquiets quant à leur devenir, particulièrement ceux des centres d'information et d'orientation, et vous le savez très bien.
    Nous touchons donc du doigt une autre réalité qui se cache peut-être derrière ce projet de loi : combien d'adultes compterons-nous demain dans nos établissements scolaires du fait des mesures que vous entendez prendre ? Permettez-moi cette simple remarque, monsieur le ministre : dans un établissement que je connais bien, le lycée Paul Eluard à Saint-Denis, et alors que le contexte, chacun en conviendra, est devenu nettement plus difficile, on compte moitié moins d'adultes qu'il n'y en avait voilà vingt-cinq ans. Cela devrait nous inciter à réfléchir sur la qualité de l'encadrement proposé à nos enfants dans les lycées, les collèges et les écoles primaires.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix la motion de renvoi en commission de M. Bocquet.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   114
Nombre de suffrages exprimés   114
Majorité absolue   58
Pour l'adoption   27
Contre   87

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
DE LOI ORGANIQUE

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mars 2003, de M. Hervé Novelli et plusieurs de ses collègues une proposition de loi organique visant à rendre incompatible l'appartenance à la fonction publique pour les députés et pour les sénateurs.
    Cette proposition de loi organique, n° 718, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 25 mars 2003, de M. Hervé Novelli et de plusieurs de ses collègues une proposition de loi organique visant à rendre incompatibles les fonctions de membre du Gouvernement ou d'un cabinet ministériel avec l'appartenance à la fonction publique.
    Cette proposition de loi organique, n° 723, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 25 mars 2003, de M. Jérôme Bignon un rapport, n° 721, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à autoriser le vote par correspondance électronique des Français établis hors de France pour les élections du Conseil supérieur des Français de l'étranger (n° 700).
    J'ai reçu, le 25 mars 2003, de M. Jean-Pierre Grand un rapport, n° 722, fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la création d'une zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la République (n° 560).

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 25 mars 2003, de M. le Premier ministre, en application de l'article 50 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, un rapport sur la desserte en gaz du territoire français.

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 25 mars 2003, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, un rapport d'information, n° 720, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur les premiers éléments disponibles concernant l'exécution du budget en 2002.

6

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mars 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, de sécurité financière.
    Ce projet de loi, n° 719, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

7

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, mercredi 26 mars, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement.
    Discussion de la proposition de résolution, n° 613, de MM. Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Jean-Marc Ayrault, Hervé Morin et Alain Bocquet tendant à compléter le règlement de l'Assemblée nationale et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128 :
    M. Pascal Clément, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 698).
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 640, relatif aux assistants d'éducation :
    M. Jean-Marie Geveaux, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 694).
    A vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le mercredi 26 mars, à zéro heure trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
PROCLAMATION DE DÉPUTÉS

    Par une communication du 24 mars 2003 de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, faite en application de l'article LO 179 du code électoral, M. le président de l'Assemblée nationale a été informé que, le 23 mars 2003, ont été élus députés :
    - de la 3e circonscription d'Eure-et-Loir : M. François Huwart ;
    - de la 7e circonscription de la Seine-Saint-Denis : M. Jean-Pierre Brard ;
    - et de la circonscription de Wallis-et-Futuna : M. Victor Brial.

MODIFICATIONS
À LA COMPOSITION DES GROUPES
(Journal officiel, Lois et décrets, du 25 mars 2003)
LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE
(14 au lieu de 11)

    Ajouter les noms de MM. Jean-Pierre Brard, Victor Brial et François Huwart.

(Journal officiel, Lois et décrets, du 26 mars 2003)
GROUPE SOCIALISTE
Apparentés aux termes de l'article 19 du règlement
(8 au lieu de 7)

    Ajouter le nom de M. François Huwart.

GROUPE DES DÉPUTÉ-E-S COMMUNISTES ET RÉPUBLICAINS
(22 membres au lieu de 21)

    Ajouter le nom de M. Jean-Pierre Brard.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE
(12 au lieu de 14)

    Supprimer les noms de MM. Jean-Pierre Brard et François Huwart.

annexe au procès-verbal
de la 3e séance
du mardi 25 mars 2003
SCRUTIN (n° 134)


sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Bocquet, du projet de loi relatif aux assistants d'éducation.

Nombre de votants

114


Nombre de suffrages exprimés

114


Majorité absolue

58


Pour l'adoption

27


Contre

87

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe UMP (363) :
    Pour : 1. - Mme Béatrice Pavy
    Contre : 84 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 22 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).
    Contre : 1. - Mme Martine Billard

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

Mme Béatrice Pavy, qui était présente au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote, a fait savoir qu'elle avait voulu voter « contre ».