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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 11 AVRIL 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 10 avril 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Débat sur la participation à l'aide au développement en Afrique «...».
M.
Jacques Godfrain.
M.
Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
MM.
Maxime Gremetz,
Jean Dionis du Séjour,
Henri Sicre,
Michel Roumegoux,
André Schneider,
Mme
Henriette Martinez,
MM.
Antoine Herth,
Frédéric de Saint-Sernin,
Jacques Myard,
Pierre Micaux,
Christian Vanneste,
Michel Voisin.
M. le ministre.
Clôture du débat.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

DÉBAT SUR LA PARTICIPATION
À L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE

    M. le président. L'ordre du jour appelle le débat sur la participation à l'aide au développement en Afrique.
    L'organisation de ce débat ayant été demandé par le groupe UMP, la conférence des présidents a décidé de donner en premier la parole à un orateur de ce groupe.
    La parole est à M. Jacques Godfrain.
    M. Jacques Godfrain. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, mes chers collègues, que retiendra-t-on de l'année 2003 dans les livres d'histoire de la prochaine génération d'élèves de nos lycées ? Que le gouvernement américain a choisi les armes pour désarmer ? Ou que d'autres pays, à la tête desquels la France, ont fait le choix de considérer les rapports Nord-Sud comme fondamentaux au regard d'une éthique, d'une certaine conception de l'homme et de la justice ?
    Le débat d'aujourd'hui est une réponse solennelle à ceux qui préféraient, voilà plus de trente ans, le repliement sur soi - proche du Zambèze... Une réponse aussi à l'adresse de ceux qui n'imaginent l'avenir des rapports Nord-Sud qu'en termes d'échanges commerciaux ou financiers, sanctionnant l'affrontement sans aucune compensation des différences de méthodes de production.
    Le résultat du débat d'aujourd'hui doit être l'ouverture d'un autre mode, où les plus riches ne le deviendraient pas obligatoirement davantage et où les plus pauvres cesseraient de s'enfoncer. Ce débat, je remercie, M. le ministre et M. le président du groupe UMP de l'avoir mis à l'ordre du jour de notre assemblée, et je remercie le Gouvernement, et à travers lui M. Wiltzer, de l'avoir accepté.
    En effet, ce débat est sous-tendu par l'action que mène la France à quelques semaines du G8 pour que des voix fortes et autorisées rappellent au reste de l'Europe et du monde qu'il n'y a pas de plus grande, de plus belle finalité à l'exercice du pouvoir que l'établissement d'un minimum de justice à l'échelle planétaire.
    De nombreux sujets pourraient être déclinés pour y parvenir : l'éducation, la santé, la diffusion des connaissances, les droits de l'homme. Je n'en aborderai volontairement que deux ce matin.
    Nous devons concevoir une grande négociation internationale qui permette vraiment de répondre aux aspirations des pays les plus pauvres, en leur accordant des concessions commerciales plus généreuses qu'aux autres.
    La question de l'alimentation, de la lutte contre la faim et donc contre la pauvreté, doit être au coeur de notre débat. Il convient de dire, du haut de cette tribune, que les grands pays exportateurs comme les Etats-Unis ou les pays du groupe de Cairn doivent mettre tout sur la table, en particulier toutes les formes de subventions utilisées, l'aide alimentaire détournée, les crédits à l'exportation, par exemple, tout en s'ouvrant davantage aux exportations des pays en développement.
    De son côté, l'Europe doit faire preuve d'imagination sur la question du développement, insuffisamment prise en compte à l'OMC.
    L'objectif est le développement durable auquel l'Europe contribue en offrant, bien plus que les Etats-Unis, des débouchés aux exportations agricoles. L'Europe doit donc restaurer une alliance avec ces pays, sur la base d'un modèle agricole fondé sur l'agriculture familiale et la ruralité, en les aidant à mettre en place des marchés communs régionaux et en appliquant, sur les produits qu'elle importe, un système de préférences tarifaires différenciées en fonction du niveau de développement de chacun de ces pays.
    Il faut également soutenir les réformes institutionnelles nécessaires au développement agricole, notamment les réformes liées au foncier, et développer l'application des nombreux progrès techniques issus de nos laboratoires de recherche, de nos écoles, de nos instituts, pour les expérimenter et les appliquer, notamment dans le domaine de la génétique, qu'elle soit végétale ou animale.
    Souhaitons, monsieur le ministre, que ce débat soit aussi l'occasion de régler son compte à une certaine propagande anti-européenne venue de l'extérieur et anti-PAC venue de l'intérieur qui tendrait à laisser croire que les maux des pays en développement trouveraient leur origine dans un supposé égoïsme de l'Union européenne.
    Mais la lutte contre la pauvreté ne se fera pas exclusivement en organisant des débats, des colloques, des forums coûteux et peu productifs. Elle se fera grâce à des hommes et des femmes entreprenants et innovants. Entreprenants, ils le sont, tous ceux qui viennent apporter leur force et leur talent à la création de richesses dans notre pays. Notre coopération pourrait proposer à ces hommes et ces femmes un pacte de développement local au coeur du village où sont restées leurs familles. Encourageons-les à investir une part des revenus qu'ils ont gagnés en France là où ils le souhaitent, par exemple dans leur pays natal. Que l'épargne issue de leur travail soit abondée par notre coopération, par leur propre pays, également par des appuis décentralisés.
    Pour que cette idée de plan d'épargne développement puisse être mise en oeuvre, il conviendra évidemment d'en affiner les modalités.
    Le but est d'appuyer ces personnes qui sont venues chez nous apporter leurs capacités par tout un ensemble d'associations, de réseaux bancaires, de communes ou de collectivités locales décentralisées. On peut imaginer que des associations de jeunes volontaires, prêts à donner beaucoup d'eux-mêmes pour soutenir le développement, participent également à cette action. Un véritable partenariat d'entreprise doit se tisser d'un côté et de l'autre de ce fleuve étroit qu'est la Méditerranée.
    Monsieur le ministre, nous savons le talent, la rigueur et le sérieux que vous avez mis dans votre tâche que vous prenez tellement à coeur. Je ne doute pas qu'un tel projet, sous l'égide du ministère de la coopération, mérite de donner lieu à la création d'une cellule de réflexion. A celle-ci de sélectionner un exemple, une expérimentation qui, par effet de diffusion et de tache d'huile, se répandra ensuite à travers les régions d'Afrique particulièrement touchées par l'émigration.
    Des milliers de bonnes volontés ont fait naître une espérance forte d'un côté et de l'autre. Ce débat est une occasion formidable de la concrétiser. Il en est la garantie. Il nous appartient à tous d'en faire un message de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je remercie l'Assemblée nationale, et le groupe de l'UMP en particulier, de m'avoir donné l'occasion de vous exposer ce matin les grands axes de notre politique de coopération et de développement.
    Celle-ci est en effet un élément important, sinon essentiel, des relations que la France entretient sur le plan international, et certainement un de ses axes principaux par le devoir de solidarité que cette politique exprime, mais aussi par les aspects politiques qu'elle recouvre et la dimension qu'elle donne à l'influence de la France.
    Ainsi que vous le savez, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, le Gouvernement a retenu, parmi ses principaux engagements, celui de faire progresser notre aide jusqu'à 0,5 % du produit intérieur brut en cinq ans, ce qui revient en fait à augmenter de moitié le niveau actuel de l'aide française au développement, mais également de renforcer l'aspect bilatéral de cette aide afin de la rendre plus efficace, plus rapide, plus souple, et enfin d'accorder dans cette démarche, une priorité particulière à nos partenaires africains.
    Je n'insiste pas sur ces grands axes que l'Assemblée connaît. Mais je me propose, dans un premier temps, de vous présenter les principaux secteurs sur lesquels la France a décidé de concentrer ses efforts ; dans un deuxième temps, je vous exposerai certaines nouvelles modalités de notre aide.
    Les grandes priorités de notre aide sont au nombre de quatre : lutter contre l'analphabétisme en développant l'éducation de base ; luttre contre la faim en garantissant la sécurité alimentaire ; lutter contre les maladies en mettant en place une véritable politique de santé ; vient enfin le problème essentiel de l'eau et de l'assainissement.
    Première priorité : l'éducation de base. En Afrique subsaharienne, plus de la moitié des enfants ne vont pas à l'école. A l'autre bout, l'enseignement supérieur connaît de sérieuses difficultés. Pourtant, il n'est pas besoin de beaucoup d'explications pour comprendre que l'éducation est un élément absolument crucial, fondamental, pour le développement, le développement économique bien entendu, mais aussi le développement démocratique. L'éducation des filles, souvent encore plus en retard que celle des garçons, apparaît comme un élément fondamental pour la participation des femmes au développement sous toutes ses formes. En Afrique notamment, l'accès des femmes à la connaissances et à la formation est un facteur de développement essentiel.
    Mme Henriette Martinez. Tout à fait !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. La France consacre à l'éducation 24 % du total de son aide publique au développement. C'est le ratio le plus élevé parmi les pays membres du G8.
    Sur le plan bilatéral, l'éducation a été choisie comme l'une des quatre priorités pour la mise en oeuvre d'un instrument intéressant à bien des égards et sur lequel je reviendrai tout à l'heure : les « contrats de désendettement-développement » - en abrégé C2D - qui sont en train de devenir un outil important de notre aide.
    Sur le plan multilatéral, la France soutient très activement la démarche entreprise par la Banque mondiale, le G8 et l'UNESCO, dans le cadre de l'initiative dénommée « Education pour tous - procédure accélérée » ou « voie rapide », selon les traductions. Vous comprenez que, en tant que ministre délégué de la francophonie, je tienne à utiliser des dénominations françaises...
    Le but du programme « Education pour tous - procédure accélérée » est d'éviter qu'un pays qui se dote des politiques nationales nécessaires en matière d'éducation soit empêché par la contrainte financière d'atteindre l'objectif d'une scolarisation de l'ensemble des enfants en 2015, tel qu'il a été rappelé par le sommet du millénaire.
    Pour ambitieux que paraisse ce programme, il n'en reste pas moins à la portée des bailleurs de fonds, si on le rapporte au financement des autres objectifs du millénaire : une aide supplémentaire de 3 à 3,5 milliards de dollars par an suffirait pour l'atteindre et offrir ainsi à tous les enfants l'accès à la scolarité de base universelle. A tout prendre, 3 à 3,5 milliards de dollars, ce n'est pas si élevé.
    Pour l'heure, sept pays qui se sont dotés de politiques éducatives crédibles ont déjà été sélectionnés au titre de cette initiative. Parmi eux figurent quatre de nos partenaires les plus traditionnels et les plus fidèles : le Burkina Faso, la Mauritanie, la Guinée et le Niger.
    Deuxième grande priorité, après l'éducation pour tous : la sécurité alimentaire par le biais du développement rural. L'agriculture représente environ 30 à 40 % du PIB de l'Afrique sub-saharienne et 40 à 50 % du total des exportations de cette région du continent africain. Elle fournit aussi 70 % des emplois dans cette partie de l'Afrique. Autant dire qu'elle joue un rôle de tout premier plan dans l'économie africaine, qu'il s'agisse de gagner des devises par l'exportation ou, plus simplement, de nourrir une population dont la croissance reste souvent forte.
    L'actualité en Afrique australe ou dans la corne de l'Afrique, actuellement caractérisée par les famines, nous montre les conséquences dramatiques des difficultés que connaît ce secteur. La France fournit une aide alimentaire à hauteur de 35 millions d'euros. Par ailleurs, pour les cas d'urgence alimentaire, le Fonds d'urgence humanitaire peut également être mis à contribution - c'est d'ailleurs le cas en ce moment ; il dispose pour ce faire d'une enveloppe de 10 millions d'euros.
    A ces sommes inscrites à notre budget doivent être ajoutées nos contributions aux actions multilatérales de l'Union européenne au titre de l'aide alimentaire ou au titre des actions d'urgence humanitaire, ce qui représente, dans chaque cas, environ 75 millions d'euros.
    Mais si nous devons évidemment être capables d'apporter, comme nous le faisons en ce moment, notre contribution en urgence ou pour le court terme afin de limiter les effets des famines, nous ne saurions laisser de côté le traitement des problèmes de fond de l'agriculture africaine dans une perspective plus longue et plus durable. C'est pourquoi le développement rural est au coeur des problématiques du développement en Afrique.
    La première approche de cette question du développement rural est de caractère mondial. Les agricultures africaines sont évidemment, comme celles de tous les pays, dépendantes des marchés internationaux et de l'évolution des cours mondiaux des produits alimentaires. Il faut donc veiller à ce que les politiques agricoles menées dans des pays développées ne déstabilisent pas les agricultures fragiles des pays du Sud.
    C'est le sens de l'initiative présentée par le Président de la République, à laquelle M. Jacques Godfrain a fait référence à l'instant, lors du tout récent sommet Afrique-France qui s'est tenu à Paris. Je rappelle que cette initiative comporte trois volets :
    Proposer un moratoire sur les aides à l'exportation agricole à destination de l'Afrique qui sont déstabilisantes par ce continent, et ce pendant la durée des négociations en cours au sein de l'Organisation mondiale du commerce ;
    Ensuite, défendre devant l'Organisation mondiale du commerce l'adoption d'un traitement commercial privilégié pour l'Afrique, afin de rendre durables de nouvelles relations avec ce continent ;
    Enfin, nous attaquer à la question du prix des matières premières et des produits de base, à leur volatilité et à leur déclin sur le long terme, question fort ancienne mais qu'il convient maintenant de traiter. Notons, à titre d'exemple, que le cours du coton - qui fait vivre environ 15 millions de personnes en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale - se trouve déstabilisé par les 4 milliards de dollars de subventions accordées tous les ans par le gouvernement américain à ses propres producteurs de coton. Voilà l'exemple d'un produit qui concurrence très gravement les productions africaines.
    La France, quant à elle, cherche à mobiliser ses partenaires européens, dans le cadre du G8, pour obtenir leur soutien à cette initiative. Vous avez pu, comme moi, observer hier que, d'ores et déjà, le gouvernement allemand a fait part publiquement de son accord sur cette démarche.
    Sur le plan bilatéral, maintenant, la politique française de coopération a pour objectif d'assurer la sécurité alimentaire, d'améliorer les conditions de compétitivité et la productivité des productions agricoles et d'augmenter les revenus des agriculteurs.
    L'un des aspects de cette politique est transversal et donc difficile à détailler. En effet, il faut prendre en considération le monde rural africain dans chacune des politiques mises en oeuvre en matière de développement, qu'il s'agisse de l'utilisation des ressources en eau, de la formation professionnelle ou des politiques de santé publique, par exemple.
    Il convient aussi d'améliorer l'organisation du monde agricole : redéfinir le rôle des structures d'Etat dans les différents pays producteurs, et les politiques agricoles, investir dans la formation et la recherche, assurer le financement des filières par des circuits bancaires qui soient adaptés aux situations locales. Cette action est complexe car elle doit faire en sorte que les différents acteurs concernés, depuis les petits producteurs jusqu'à l'Etat dans chaque pays, en passant par les bailleurs de fonds internationaux, aient une démarche cohérente.
    La période actuelle offre quelques avantages à ces initiatives, car la prise de conscience de l'urgence est réelle. Ce domaine qui a fait l'objet de divergences profondes dans le passé récent, divergences idéologiques, entre les principaux bailleurs de fonds, en particulier entre la France et les institutions financières internationales, lesquelles ont longtemps soutenu une approche assez dogmatique en la matière, une approche fondée sur une libéralisation totale et rapide des filières. On commence à voir les limites de l'application trop systématique de ce genre de théorie, et même les dommages qu'elle a causés. Même si la trop grande part faite à l'action d'organismes publics ou de sociétés d'Etat dans le système ancien présentait de sérieux inconvénients, on peut désormais concevoir des modalités d'organisation des filières agricoles plus adaptées aux réalités socio-économiques des pays producteurs et donc plus efficaces.
    Un autre axe à ne pas négliger est celui des infrastructures. J'y reviendrai tout à l'heure. Il est évident que l'on ne peut assurer sérieusement le développement des zones rurales sans se préoccuper de la création ou de l'entretien des pistes nécessaires pour évacuer les productions, ou de petits barrages pour l'irrigation.
    J'en viens au troisième grand axe de notre politique de développement, à savoir la santé. La santé, évidemment, est un bien essentiel pour tout individu, mais certaines maladies prennent en Afrique une ampleur telle qu'elles ne représentent plus seulement une somme d'agressions individuelles mais un vrai risque pour les sociétés dans leur ensemble. Le paludisme a toujours été un facteur de mortalité très important. Il demeure par conséquent un obstacle au développement de nombreux pays. Le sida, lui aussi et même encore davantage, est en train de déstabiliser les structures sociales, économiques et même humaines de pays entiers. Tenter de développer ces pays sans s'attaquer à ces maladies n'aurait aucun sens, aucune chance de succès. Beaucoup de retard a été pris dans ce domaine par la communauté internationale.
    Les financements nécessaires à la lutte contre ces maladies sont extrêmements importants. Ils ne peuvent être réunis que par une mobilisation internationale très forte. Le G8 a joué, à cet égard, un rôle essentiel. C'est dans ce cadre qu'a été lancé, le fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Ce fonds, qui est de création récente, a déjà reçu des promesses de contribution pour une somme de 3,2 milliards de dollars ou d'euros, et il a déjà engagé 1,5 milliard d'euros ou de dollars sur deux ans en faveur de 150 projets dans 85 pays. Ce fonds doit bien sûr être stabilisé et pérennisé. C'est pourquoi la France a pris l'initiative de réunir une conférence sur ce sujet qui se déroulera à Paris dans quelques semaines - le 16 juillet - en même temps qu'une conférence mondiale de la recherche sur le sida.
    Au-delà de la lutte contre ces grandes maladies, la France tente aussi de mobiliser ses partenaires du G8 et les institutions internationales contre une autre forme d'injustice, les maladies auxquelles personne ne s'intéresse vraiment, parce que leurs victimes ne constituent pas un marché suffisamment rentable pour que des investissements dans la recherche leur soient consacrés. Des maladie comme la dengue, la cécité des rivières, la maladie du sommeil et même la malaria et la tuberculose qui font l'objet de financements pour améliorer l'accès aux médicaments existants, ne donnent lieu qu'à une recherche faible. Il faut donc inscrire dans les objectifs du G8 une relance de la recherche sur les maladies négligées, qui touchent principalement les pays en développement, notamment en Afrique.
    Quatrième grand secteur prioritaire de l'aide française au développement : l'eau et l'assainissement.
    L'accès à l'eau constitue un droit universel au même titre que les autres droits fondamentaux. Il s'agit également d'un enjeu majeur pour le développement. Les maladies dues à la consommation d'eau impure, les dangers causés par la désertification dans les zones rurales faute de système d'adduction d'eau, le temps perdu pour l'approvisionnement à des points d'eau éloignés, sont autant d'obstacles au développement.
    C'est pourquoi l'un des objectifs du millénaire, auxquels je me référais tout à l'heure en matière d'éducation, est de réduire de moitié en quinze ans le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'eau et à l'assainissement. C'est également la raison pour laquelle la France qui, cette année, préside le G8, a décidé de faire de l'eau l'une des priorités du sommet d'Evian, les 1er et 2 juin prochains.
    Le forum mondial sur l'eau qui s'est tenu à Kyoto voilà quelques semaines et où j'ai représenté notre pays a été l'occasion d'une mobilisation de différents partenaires sur ce sujet : les gouvernements mais aussi beaucoup d'organisations non gouvernementales, ainsi que des experts et des investisseurs du secteur privé.
    M. Camdessus a présenté pour la France le rapport du groupe d'experts qu'il a présidé sur le financement des mesures nécessaires pour atteindre l'objectif du millénaire. La France veillera à ce que des suites concrètes soient données à ces propositions, notamment en ce qui concerne l'établissement par les pays concernés de véritables politiques nationales de l'eau, et dès que ces politiques seront définies, la mise en place par les bailleurs de fonds de nouveaux modes de financement.
    Sur le plan national, notre pays s'intéresse plus spécialement à l'établissement de cadres institutionnels pour la mise en oeuvre de la gestion intégrée des ressources avec une attention particulière pour les grands bassins fluviaux transfrontaliers. En Afrique, je pense au Sénégal, au Niger et au Nil. La France soutient donc les politiques régionales, la création des conditions de bonne gouvernance du secteur de l'eau et la création de mécanismes financiers pour la réalisation des investissements nécessaires. Seize projets du fonds de solidarité prioritaire sont consacrés à ce secteur, pour un montant de 12,7 millions d'euros.
    Voilà donc les quatre principales priorités sectorielles de l'aide française au développement.
    Je vais maintenant présenter brièvement les nouvelles modalités de l'aide française.
    J'ai évoqué tout à l'heure l'une d'entre elles, qui est prometteuse : les contrats de désendettement - développement, les C2D. Nous savons tous, par expérience, que la ponction que représente le remboursement de la dette est pour de nombreux pays en développement l'une des limites les plus fortes à leur démarche de développement. La France, qui a toujours été, dans le cadre du G8 ou en tant que présidente du Club de Paris, en pointe dans ce domaine, a décidé de compléter, sur le plan bilatéral, le nouveau mode de traitement de la dette des pays pauvres très endettés - en abrégé, l'initiative PPTE - mis en place depuis quelque temps par les institutions financières internationales, en procédant à des annulations de dette qui vont au-delà des montants fixés par les décisions prises au niveau international, et qui sont mises en oeuvre à l'aide d'un outil nouveau : le contrat de désendettement - développement.
    Le mécanisme de cet outil est simple : les dettes correspondantes sont remboursées par les Etats débiteurs mais leur montant est immédiatement reversé par la France sur un compte cogéré par les deux pays, dans le cadre d'un contrat qui en fixe les points d'application et les modalités d'emploi. Les sommes concernées par ces contrats de désendettement - développement seront importantes. Après un démarrage progressif en 2002 et cette année, la montée en puissance sera rapide et nous atteindrons un montant d'environ 300 à 350 millions d'euros par an dès 2004. Il s'agit donc d'une utilisation à la fois extrêmement productive et très partenariale de la dette accumulée par nos partenaires.
    Ces C2D présentent un grand intérêt à divers égards. En premier lieu, les ressources concernées seront disponibles année après année pendant toute la durée du remboursement prévu, ce qui offre une certaine visibilité et la possibilité de planifier l'action. Ils sont, je le répète, un outil de partenariat, en premier lieu parce qu'ils s'inscrivent dans les politiques de lutte contre la pauvreté établies par les bénéficiaires eux-mêmes. La mise au point de « documents stratégiques pour la réduction de la pauvreté » approuvés par les institutions financières internationales - la Banque mondiale et le Fonds monétaire international - est, en effet, une des conditions de l'initiative pour les pays pauvres très endettés, les PPTE, à laquelle se rattachent les contrats de désendettement - développement. Ces contrats sont, par ailleurs, comme leur nom l'indique, de vrais contrats, négociés et conclus avec les bénéficiaires qui en fixent les priorités, et dont les modalités de suivi sont déterminées en commun.
    Ces contrats associent également les populations concernées. Ils font l'objet de consultations dans les pays qui sont amenés à en signer avec nous. Ils prévoient notamment, et c'est un point sur lequel nous insistons, une association de la société civile, aussi bien par le biais des organisations non gouvernementales françaises qu'avec celles qui existent dans les pays concernés, et avec d'autres partenaires comme les collectivités territoriales ou le secteur privé.
    Les C2D rompent donc avec la tradition d'une aide française plutôt centrée sur des projets précis, pour s'engager de façon plus générale et sur une durée plus longue, dans l'aide sectorielle. Cette méthode, de plus en plus utilisée par les bailleurs de fonds, permet une approche globale de tel ou tel secteur. Elle suppose que le pays bénéficiaire développe une telle politique sectorielle. Nous pouvons l'y aider. L'aide est ensuite accordée à cette démarche, en la liant à des indicateurs de mise en oeuvre et à des indicateurs de résultat.
    La deuxième novation dans les modalités de l'aide au développement réside dans les partenariats. Notre objectif est de mobiliser davantage les autres acteurs que l'Etat et d'améliorer la concertation avec eux de façon à rendre plus cohérente, plus efficace et plus lisible l'aide que nous apportons notamment en Afrique.
    Je citerai sans les développer longuement - peut-être aurai-je la possibilité de le faire à l'issue de la discussion -, les principaux secteurs dans lesquels se sont développés ces partenariats.
    Le premier est la coopération décentralisée. Les collectivités territoriales - je pense que je n'ai pas besoin de développer longuement ce point dans cette assemblée - sont de plus en plus impliquées dans la coopération. Le développement de la décentralisation en cours ne peut que renforcer ce mouvement. Il faut s'en féliciter. La présence française à l'étranger est bien entendu portée par l'Etat, mais aussi et de plus en plus par les collectivités territoriales. On estime que ces dernières consacrent, chaque année, environ 115 millions d'euros à leurs coopérations avec des collectivités dans les pays en voie de développement. L'Etat, pour sa part, contribue à cette démarche, en tant qu'accompagnement ou incitation, pour une dizaine de millions d'euros.
    Les collectivités locales africaines, qui sont de plus en plus nombreuses à s'organiser, souhaitent vivement trouver un appui auprès de leurs homologues français. Souvent jeunes, elles ont besoin d'aide dans les domaines de la gestion administrative - l'état civil - ou de la maîtrise d'ouvrage : traitement des déchets, équipements scolaires, réseaux d'adduction d'eau. De nombreux domaines sont ouverts pour une coopération de cette nature.
    Dans cet esprit, j'ai lancé une consultation de l'ensemble des associations nationales d'élus locaux et territoriaux, dont les premières conclusions, très positives, ont été tirées lors d'une réunion présidée par le Premier ministre. Nous allons maintenant mettre en application un certain nombre de ces conclusions.
    Autre partenariat : la société civile. Il est bien entendu nécessaire d'entretenir une concertation de plus en plus étroite avec les organisations de solidarité internationale. C'est pour favoriser une des formes de l'engagement de nos concitoyens que nous travaillons en ce moment à un projet de loi sur le volontariat de solidarité internationale. Ce sujet est important,...
    M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. ... dans la mesure où la disparition de la conscription a tari une source très importante et n'offre plus de débouché à la mobilisation de jeunes qui veulent apporter leur concours aux actions de développement sur le terrain. Il nous faut trouver dans le volontariat de solidarité internationale une façon de répondre à des demandes qui émanent aussi bien de notre jeunesse - et il y a de la ressource ! - que des pays avec lesquels nous travaillons.
    C'est dans le même souci de mobilisation de tous les acteurs et de cohérence de notre coopération que le ministère des affaires étrangères et celui de la santé ont crée conjointement, dans le domaine de la santé publique, une « plate-forme » destinée à réunir toutes les catégories d'acteurs impliquées dans la lutte contre le sida dans les pays en développement. S'y retrouvent notamment des représentants du secteur privé, des entreprises, des experts des grandes agences, comme l'Agence nationale de recherche sur le sida et autres organismes scientifiques français, des représentants des associations et des représentants de l'industrie pharmaceutique. J'ai organisé la première réunion de cette plate-forme le 26 mars dernier, l'idée étant d'avoir un carrefour qui permette d'échanger les informations et de renforcer la cohérence entre les actions menées par les uns et par les autres.
    Le partenariat s'effectue également avec le secteur privé, aussi bien français que local. En effet, les aides publiques ne peuvent assurer à elles seules la totalité du décollage économique nécessaire des pays du continent africain. On évalue à 250 milliards de dollars la somme qu'il faudrait mobiliser annuellement pour équiper en infrastructures la totalité des pays en développement. L'aide publique au développement ne peut évidemment pas fournir de telles sommes.
    Aussi, de nombreux investissements ne pourront-ils être réalisés que grâce à des partenariats entre secteur public et secteur privé. Du reste, des actions ont d'ores et déjà été engagées. C'est le cas, par exemple, d'un grand projet qui concerne l'aménagement et la préservation des forêts du bassin du fleuve Congo : des Etats et le secteur privé se sont associés pour financer des formations professionnelles, des activités de recherche, des plans d'aménagement des concessions forestières, etc. De même, l'électrification de certaines zones rurales a été rendue possible par des investissements privés qui ne se sont réalisés que grâce à une assistance technique financée sur fonds publics.
    Par ailleurs, les investissements privés, pour pouvoir se développer, ont besoin d'un cadre réglementaire et juridique et judiciaire adapté. La coopération française y contribue par des actions de formation auprès des administrations locales, ainsi que par des actions de soutien et de financement auprès d'organisations régionales telles que l'OHADA, l'organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires. C'est en effet le moyen d'offrir aux investissements un cadre sûr et aussi uniforme que possible sur le continent africain. Nous nous efforçons de soutenir cette démarche, en liaison avec les représentants des organisations professionnelles et patronales.
    Un autre moyen de développement de notre coopération est le codéveloppement. Jacques Godfrain a évoqué le sujet dans son intervention, de manière très concrète et très constructive. Le codéveloppement est une piste nouvelle qu'il nous revient de promouvoir. Selon la Banque mondiale, le transfert par les travailleurs migrants d'une partie de leurs revenus en direction de leur pays d'origine est devenu l'une des principales sources de financement des pays en voie de développement. Toutefois, en Afrique, la proportion des sommes réinvesties dans le secteur productif reste faible par rapport à celle des sommes réinvesties dans d'autres continents. Il n'en demeure pas moins que nous avons là une piste intéressante.
    Partant de ce constat, la France a défini depuis 1996 une politique qui consiste à aider les migrants établis en France à contribuer au développement de leur pays d'origine. C'est le concept même du codéveloppement, qui vise en effet à agir à long terme sur le contrôle des flux migratoires, en contribuant à faire disparaître progressivement certaines des causes économiques de l'immigration. Ce mécanisme ne doit pas être toutefois confondu avec les incitations directes au retour des migrants sous forme de pécule.
    Une première expérience en la matière est en cours. C'est ainsi qu'un projet du fonds de solidarité prioritaire a été initié au Mali, lequel s'articule autour de deux axes prioritaires : aider les migrants à créer dans leur pays d'origine une activité économique et subventionner des associations de migrants qui ont décidé de construire une infrastructure économique ou sociale dans leur village d'origine.
    En concertation avec les institutions actives dans ce domaine, comme l'office des migrations internationales, l'Agence française de développement, des organisations non gouvernementales réunies au sein du Forim, des collectivités territoriales ou des banques, nous avons décidé d'aller plus loin avec la mise au point d'instruments financiers nouveaux pour aider ces migrants à créer chez eux des activités économiques. A cet égard, l'idée d'un livret d'épargne développement proposée par M. Godfrain mérite d'être approfondie et expérimentée. Et pour répondre à cette proposition, je dirai qu'il est en effet souhaitable de créer un groupe de travail ayant pour mission de déterminer les conditions dans lesquelles une telle initiative pourrait être rendue opérationnelle.
    Nous allons également encourager des migrants hautement qualifiés qui seraient intéressés par cette expérience, et qui sont en fonction dans nos universités, dans nos entreprises et dans nos hôpitaux, à effectuer des séjours dans leur pays d'origine pour pouvoir y dispenser des enseignements et transférer des connaissances qu'ils ont pu acquérir durant leur séjour en France.
    L'expérience du Mali constitue un laboratoire. En fonction des résultats, elle sera étendue à d'autres pays qui sont intéressés par cette démarche, comme le Sénégal, le Maroc et les Comores. Compte tenu des financements en jeu à terme, nous allons associer à ce programme d'autres partenaires, notamment la Commission européenne et les collectivités territoriales.
    Enfin, je dirai quelques mots sur un sujet qui a été trop longtemps oublié par la coopération internationale, celui des infrastructures, sujet que je rattache au projet du NEPAD.
    Le financement des infrastructures a été souvent critiqué dans le passé en raison d'un certain nombre d'échecs : ce sont les fameux « éléphants blancs », qui sont à l'origine de gaspillages et de détournements financiers souvent importants. Il s'en est suivi un recentrage vers des dépenses de caractère socio-économique plutôt que vers les infrastructures.
    Toutefois, cette évolution montre aujourd'hui ses limites : la lutte contre la pauvreté passe aussi, même si ce n'est pas exclusivement, par la croissance économique. Le développement des infrastructures est une condition essentielle du développement. Comment peut-on imaginer qu'un pays comme la République centrafricaine puisse se développer économiquement quand il coûte deux plus cher d'envoyer un conteneur de Douala à Bangui que de Douala au Havre ? Cette situation est due à l'insuffisance des infrastructure. Il est donc important de financer des infrastructures dans le domaine des transports, de l'énergie, de l'agriculture à travers l'irrigation, tout en évitant les erreurs qui on pu être commises dans le passé. Tel a d'ailleurs été le sujet d'une conférence réunissant toutes les agences de développement des pays du G8, organisée à Paris il y a quelques jours par l'Agence française du développement, dans la perspective du NEPAD : nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.
    Le NEPAD est la plus importante initiative prise depuis longtemps pour le développement de l'Afrique. Elle permet au continent africain de prendre en main son propre développement de façon globale, en ne négligeant aucun aspect, de la prévention des crises, jusqu'aux infrastructures régionales en passant par des mécanismes nouveaux comme l'évaluation par les pairs des projets et des politiques menées.
    De nombreux débats ont déjà eu lieu - et d'autres ont encore lieu en ce moment - entre les partenaires africains pour mieux définir les mécanismes du NEPAD. La mise en oeuvre pratique d'une initiative aussi ambitieuse soulève évidemment de nombreuses questions qu'il faut examiner. Toutefois, on peut s'appuyer sur un certain nombre d'expériences intéressantes, comme celle de l'OCDE, qui repose sur des critères de définition et d'évaluation de la réalisation des projets. Nous encourageons donc vivement les concertations qui ont lieu actuellement entre les Etats africains et entre eux-mêmes et les pays disposés à participer à cette initiative, afin qu'elle se concrétise rapidement.
    Le NEPAD est une offre de partenariat. La France a décidé, vous le savez, de faire du soutien au NEPAD l'un des points forts du sommet du G8 qui se tiendra à Evian. Notre aide s'adaptera par conséquent à cette nouvelle perspective.
    Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les principes qui guident notre politique d'aide au développement et les principaux instruments que nous cherchons à développer pour rendre cette politique plus efficace. Je suis prêt à vous apporter un certain nombre d'informations complémentaires en réponse à vos interventions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l' « aide » au développement de l'Afrique est opportun. L'Afrique est en effet le révélateur de toutes les questions posées par la mondialisation capitaliste. Les conséquences des mesures prises par la Banque mondiale, par le FMI, par les multinationales sont terribles pour les peuples africains. La mondialisation exerce une pression énorme sur des économies très faibles.
    Sortir du cycle, où chaque recul nourrit le suivant, implique une logique de développement qui place l'homme comme finalité de l'action économique et non l'argent.
    Ce débat se justifie, à nos yeux, si et seulement s'il constitue un appel à l'action. L'Afrique, en effet, n'a pas besoin de beaux discours, des discours qui se caractérisent le plus souvent par leur « moralisme » et leurs relents néo-colonialistes, des discours très mal venus, alors que le procès Elf met en lumière le système de corruption qui lie certains partis politiques français à l'Afrique !
    Ainsi, en parlant de notre conception de l'aide au développement de l'Afrique, nous souhaitons que nos paroles soient suivies d'effets.
    S'il est un continent qui a fait l'expérience tragique des politiques néolibérales imposées par les institutions financières internationales, c'est bien l'Afrique ! Elle fait, hélas ! la tragique expérience de ce que coûtent aux hommes, aux peuples, aux nations, à un continent tout entier la recherche effrénée du profit ainsi que le pillage des ressources matérielles et des capacités humaines.
    J'entends ce que disent nos amis africains, les responsables, les militantes et les militants que nous rencontrons à Bamako, à Dakar, à Durban, à Paris ou à Porto Alegre, quand ils dénoncent le fait que 300 millions d'Africains vivent avec moins d'un dollar par jour, que 235 millions d'entre eux souffrent de carence alimentaire et 170 millions de malnutrition, et ce au XXIe siècle ! Le sida, vous le savez, touche dans certaines régions entre un tiers et un quart de la population.
    Notre conception de l'aide au développement de l'Afrique se fonde sur des valeurs humaines de solidarité, en totale rupture avec une visée néo-coloniale, ce qui nous conduit à mener une réflexion collective sur les alternatives au néo-libéralisme, et ce sur tous les continents. Nous nous affirmons donc comme les adversaires de la globalisation libérale, dont le continent africain est la première victime.
    L'aide au développement de l'Afrique, telle que nous la concevons, réside dans la recherche et la mise en place de rapports de force favorables à la réduction des inégalités, aux coopérations, au désarmement et à la paix.
    Pour aller dans ce sens, nous croyons au rôle que la France peut jouer en préservant et en développant une capacité propre d'initiative. Il y a une originalité française en Europe, celle de la Révolution française, mais aussi celle, plus sombre, du colonialisme, notamment en Afrique. Je m'en tiendrai au côté positif de cette originalité pour dire qu'elle se caractérise par la promotion des droits humains, par un héritage de valeurs, par une certaine radicalité sociale, par une conception du service public, de la laïcité, de la souveraineté ouverte au monde, de l'Organisation des Nations unies.
    Avec la mondialisation, et un début de reflux de l'hégémonie des idées libérales, l'aspiration à un nouvel internationalisme s'exprime de bien des manières. Je salue ici ces manifestations citoyennes, ces mouvements de contestation de la mondialisation libérale, tels qu'ils se sont exprimés à Seattle, à Porto Alegre et dans les manifestations syndicales en Europe, et, bientôt, ce sera en Seine-Saint-Denis qu'ils auront lieu.
    Nous pensons que les problèmes posés à l'humanité appellent des solutions plus fondamentales, plus radicales, qui nécessitent de s'attaquer aux racines du problème.
    En Europe comme en Afrique, la loi des multinationales mène à la loi de la jungle. Nous évoquons souvent dans cet hémicycle ces multinationales qui ferment, qui jettent leurs ouvriers à la rue, des patrons voyous, des délocalisations. Mais ce sont les mêmes que nous retrouvons en Afrique où ils se livrent aux mêmes méfaits qu'en Europe : après avoir pillé les ressources, ils s'en vont ailleurs ! Personne ne pourra me contredire, car je peux donner de multiples exemples de ce que j'avance. Ces gens-là font régner la loi du fric, la loi du profit, la loi de la domination ! Pour eux, les gens ne comptent pas, ce sont des kleenex : ils les jettent après s'en être servis ! C'est vrai en France, en Europe, mais davantage encore en Afrique ! Qui peut prétendre le contraire ? Je le répète : en Europe comme en Afrique, la loi des multinationales est celle de la loi de la jungle !
    A cet égard, faut-il rappeler l'ambiguïté de l'action des multinationales françaises installées en Afrique ? Doit-on condamner à nouveau les pratiques critiquables d'Elf-Gabon, qui n'ont fait que vicier un peu plus les rapports en la France et l'Afrique ?
    Il y a aussi le défi de la sécurité internationale et de la paix. Beaucoup de leçons doivent êtres tirées des guerres et des conflits de ces dernières années en Afrique.
    Des questions se posent en termes d'éducation et de formation, mais aussi en termes de santé et d'accès à l'énergie.
    L'éducation est, comme vous l'avez dit à juste titre, monsieur le ministre, au centre de la problématique. C'est en examinant les chiffres que l'on mesure l'effort immense à accomplir.
    Avec la santé, on touche un des problèmes majeurs rencontrés par le continent africain. Sida, paludisme, rougeole et malaria sont autant de maladies qui frappent. Il suffit de voir les moyens qui leur sont opposés pour se convaincre de l'extrême nécessité d'agir. Dois-je rappeler que, toujours au nom du fric, de l'argent, les multinationales refusaient de mettre des médicaments génériques à disposition de l'Afrique du Sud ? Il a fallu une grande mobilisation pour les obliger à bouger.
    L'accès à l'énergie est un droit pour chaque être humain, mais c'est aussi le droit au développement économique. Or, en Afrique, moins de 10 % des populations sont alimentées en électricité : seules les villes importantes ont un réseau, les zones rurales, elles, sont délaissées.
    L'absence d'électricité dans la brousse accentue l'exode rural et la désertification de bon nombre de zones. Sans électricité, le puisage de l'eau est difficile, le stockage de médicaments ou de vaccins est impossible, les dispensaires sont sans moyens et l'artisanat local ne peut se développer.
    La réponse aux besoins sociaux implique que les « plans d'ajustement structurel », entre guillemets - on ne connaît que ça au FMI et à la Banque mondiale ! -, soient arrêtés et que cessent les privatisations imposées par les institutions internationales.
    M. Jean Dionis du Séjour. Non !
    M. Maxime Gremetz. Dans une telle perspective, il faut poser comme priorité l'annulation de la dette et l'augmentation substantielle de l'aide publique. C'est un préalable, mais cela ne suffit pas.
    La dette, tout le monde le sait, ne sera jamais payée. On la maintient cependant pour exercer une hégémonie politique sur les pays concernés, qui sont insolvables. Lorsqu'on doit quelque chose à quelqu'un, on n'est plus libre. Le prix de la liberté est extrêmement élevé, mais c'est ainsi.
    Il y a ce qui dépend des grandes puissances et des institutions qu'elles dominent. Il y a ce qui dépend des gouvernements et des forces politiques des pays africains eux-mêmes. Et puis il y a ce que nous pouvons faire et ce que nous pouvons attendre de la France et de l'Europe. La question des financements et du crédit est essentielle et, avec elle, celle de la réforme des institutions monétaires internationales.
    Il y a la domination du dollar - ne vous en plaignez pas ! Mais le dollar, ça va, ça vient et il est aussi un moyen de domination ô combien hégémonique.
    Les tensions, les contradictions, les résistances à la pression hégémonique sont nombreuses. On peut regretter que l'Europe s'inscrive dans le mouvement dominant plus qu'elle n'y résiste, comme on l'a encore vu à Doha, lors de la réunion de l'Organisation mondiale du commerce.
    L'Afrique n'est pas morte pour autant et elle reste, c'est notre conviction, source de vitalité.
    L'Afrique est riche en énergies primaires et en matières premières, mais la répartition est très inégale. La mise en commun de ces richesses implique des coopérations « interafricaines » comme avec le reste du monde, l'Europe en particulier.
    Ces richesses doivent être valorisées, transformées sur place pour pouvoir contribuer à des productions industrielles et technologiques ou servir à l'usage domestique, l'excédent pouvant être exporté.
    Comment ne pas se féliciter de la recherche de voies originales pour sortir du sous-développement dans lequel on a enfermé l'Afrique et dans lequel on veut la maintenir ? Un des signes à mes yeux les plus significatifs et porteur de grandes perspectives est l'influence de la culture africaine, sa modernité.
    Le développement des échanges dans les deux sens est aujourd'hui un levier pour l'affirmation de l'égale dignité et de la fierté. C'est un facteur essentiel de l'affirmation de l'Afrique comme acteur de la civilisation mondiale. Tout cela ne rend que plus intolérables les blocages provoqués, au-delà des difficultés structurelles et des conditions héritées de l'histoire, par la mise en oeuvre systématique des politiques ultralibérales, le refus des investissements jugés trop peu rentables, le pillage des ressources et les ingérences de toutes sortes et de tout le monde dans la politique des Etats.
    Aujourd'hui grandit la compréhension que l'aggravation des inégalités, la persistance de la malnutrition ou de la maladie ne sont pas le résultat d'une quelconque fatalité, mais trop souvent le résultat de choix, de décisions prises, et quelquefois très loin de l'Afrique !
    Ainsi se fortifie la conscience que le problème n'est pas d'être contre la « mondialisation », mais bien plutôt de contester les logiques du capitalisme mondialisé. Cette conscience est en train de franchir les frontières, au point de mettre sur la défensive les tenants de l'orthodoxie libérale.
    De partout, des questions montent, auxquelles il faudra bien répondre ! Quel bilan dresser de l'ajustement structurel, des conséquences des coupes dans les dépenses d'éducation et de santé, des privatisations, de la déréglementation, de la libre circulation absolue des capitaux ? Il faut dresser ce bilan dévastateur !
    Quelles leçons tirer des difficultés dans lesquelles se débattent les Etats africains ?
    Quelles leçons tirer de l'effondrement de l'Argentine, qui n'est pas en Afrique mais qui est le dernier exemple éloquent, sous les thérapies de choc du FMI ? Faut-il continuer dans le même sens ou faut-il définir de nouvelles priorités ?
    La France a un rôle à jouer, une responsabilité historique à assumer envers l'Afrique. Cette idée ne procède d'aucun discours moralisateur : elle appelle au contraire la France à l'action !
    En premier lieu, il faut se battre pour l'annulation totale et immédiate de la dette. Il faut cesser de tergiverser, de multiplier les déclarations sans lendemain, ou suivies de décisions d'une telle timidité qu'elles sont sans effet.
    Oui, il faut annuler la dette parce qu'il ne peut y avoir de rattrapage ni de décollage possible pour le développement si l'on ne sort pas du cercle vicieux de l'endettement. Sans doute cette annulation ne résout-elle pas en soi le problème du développement. Mais c'est en quelque sorte un préalable.
    Quant à l'aide publique, la logique libérale veut qu'on la réduise, en privilégiant au contraire des « conditions favorables aux investissements privés ». Monsieur le ministre, je désapprouve, je le dis ici avec une certaine gravité, la réduction constante de l'aide publique française au développement. Rien ne la justifie, tout au contraire ! Pour ma part, je me prononce pour une augmentation substantielle.
    Mme Henriette Martinez. C'est vous qui l'avez réduite !
    M. Richard Cazenave. Et c'est nous qui l'augmentons !
    M. Maxime Gremetz. Je parle pour moi. Que l'on cesse de faire de la politique politicienne ! (Rires.). Je l'ai dit hier, je le redis aujourd'hui.
    M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. De ce point de vue, mon genre n'est pas le vôtre. (Nouveaux rires.)
    Si vous vous référez à mon dernier discours, vous pourrez voir que je n'ai pas changé d'opinion...
    M. Jacques Godfrain. Ça non !
    M. Jean Dionis du Séjour. Le bilan du socialisme en Afrique est catastrophique !
    M. Maxime Gremetz. ... car les problèmes n'ont pas changé non plus.
    M. Richard Cazenave. Vous oubliez que des élections ont eu lieu l'année dernière !
    M. le président. Mes chers collègues, si vous interrompez sans cesse M. Gremetz, je serai obligé de lui accorder cinq minutes supplémentaires...
    M. Maxime Gremetz. Merci, monsieur le président.
    M. le président. ... ce que vous ne souhaitez sans doute pas. Dans ces conditions, laissez M. Gremetz terminer son intervention.
    M. Maxime Gremetz. Je crois que le réveil tardif de mes collègues m'est bénéfique. (Rires.) Ils étaient tout endormis et je les vois maintenant réveillés. Ils pourront ainsi m'écouter avec plus d'attention. (Nouveaux rires.)
    Je poursuis donc.
    Dans le même mouvement, il faut pousser le débat sur une réforme de l'ensemble du système du financement et de l'aide. Mais que le mot « aide » est ambigu ! L'« aide » est lourde d'ambiguïtés, chargée de connotations d'assistance, d'opacité ou néocoloniales, c'est un moyen de pression car elle est assortie de conditionnalités sociales et politiques.
    Nous parlons d'« aide » alors que nous avons pillé ces pays. Nous parlons d'« aide » alors que nous continuons de piller leurs richesses naturelles !
    Je pensais que la langue française était très riche et diverse. « Aide » : ce ne me semble pas le bon mot !
    Ce qu'il faut, je crois, c'est concevoir une véritable dynamique de coopération et de codéveloppement, dans une totale transparence de l'utilisation des fonds publics.
    Nous avons beaucoup à faire en France, vous le savez bien. Mais avec les multinationales en Afrique et à travers le monde, ce n'est plus d'opacité que l'on peut parler ! D'ailleurs, on en découvre tous les jours. Ce n'est pas de tel ou tel gouvernement qu'il s'agit : le problème, c'est qu'au nom de la France on fasse des choses tout à fait repréhensibles ; c'est qu'au nom de la France, avec des fonds publics français, on réalise des opérations qui n'ont rien à voir ni avec les intérêts de notre pays ni avec ceux des peuples africains. Mais personne n'a de solution. Quoi qu'il en soit, des milliards s'envolent en fumée.
    Par courtoisie, je ne citerai pas de noms, ce que je pourrais évidemment faire.
    Certes, ainsi que l'a appelé avec force la conférence de Durban sur le racisme, une réparation des dégâts causés non seulement par l'esclavage et la colonisation, mais aussi par ce que l'on a appelé le néocolonialisme, est nécessaire. Mais, aujourd'hui, il y a surtout une responsabilité pour contribuer au décollage des pays africains, nécessaire à la communauté internationale, pour mettre fin aux déséquilibres du monde. Il s'agit donc de concevoir cette contribution non pas comme une assistance, mais tout au contraire comme un moyen de desserrer la contrainte, de conquérir pour tous ces peuples des capacités propres de développement.
    Ceux qui s'imaginent qu'on peut concevoir le développement des pays dits « riches » en fermant les yeux sur ce qui se passe dans cet océan de misère et de pauvreté se trompent complètement. C'est pourquoi la notion de codéveloppement n'est pas seulement généreuse à l'égard des pays en développement, mais elle est, pour notre propre développement, tout à fait essentielle.
    M. le président. Monsieur Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. Pardonnez ma passion, monsieur le président.
    M. le président. Votre passion est tout à fait louable, mais votre temps de parole ne doit pas excéder quinze minutes. Cela dit, le sujet étant grave, la présidence sera indulgente.
    M. Maxime Gremetz. Je vais conclure monsieur le président. Je sais que j'ai dérogé à certaines règles, mais l'UMP, qui a souhaité ce débat, m'a dit : « Tu peux y aller, on te donnera du temps ! » (Rires.)
    M. le président. Le président ne peut pas vous tutoyer, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Certains proposent la création d'un fonds de réparation sous l'égide de l'ONU, qui serait financé par la taxe sur les mouvements de capitaux, la taxe « Tobin ». L'idée mérite d'être prise en compte. Pour ma part et sans que cela s'oppose à cette idée, je propose qu'on réfléchisse à un grand plan d'investissement en euros, une sorte de plan Marshall européen pour le développement du Sud, avec des crédits à des taux d'autant plus bas qu'ils seraient utilisés pour l'emploi, la formation, les investissements socialement et environnementalement utiles, pour les infrastructures de transport, d'énergie, de communication et pour le développement de l'agriculture.
    Je propose également la mise en place d'un vaste plan de lutte contre le sida et les maladies tropicales.
    De même, je propose une réforme en profondeur des institutions financières et commerciales internationales pour en faire des instruments de financement du développement et non pas le moyen d'imposer le talon de fer des dogmes ultralibéraux. Il faut intégrer le FMI comme l'OMC dans le système des Nations unies, et en démocratiser en profondeur le fonctionnement.
    Concernant l'OMC - j'ouvre une petite parenthèse -, je pense qu'il faut prendre des mesures de discrimination positive en faveur des pays en développement. Il est anormal que, dans l'Organisation mondiale du commerce, on traite sur un même plan, au nom de l'égalité et de la justice, les pays très développés et les pays sous-développés en leur imposant les mêmes devoirs. Cela veut dire que l'on ne remédiera jamais au déséquilibre existant.
    Il faut, je le répète, prendre des mesures de discrimination positive à l'égard des pays en développement. C'est cela l'égalité !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Je termine, monsieur le président.
    Vous n'allez pas me priver de l'occasion de reconnaître qu'une décision du Gouvernement va dans le bon sens...
    M. le président. Je ne suis pas là pour vous priver de quoi que ce soit, mais pour vous faire respecter le temps de parole, quelle que soit l'estime que je vous porte. (Sourires.)
    M. Christian Vanneste. Laissez-le s'exprimer, monsieur le président ! Il ne peut pas le faire ailleurs !
    M. Maxime Gremetz. La décision du Gouvernement de demander une allocation exceptionnelle des droits de tirage spéciaux à la prochaine conférence de Monterrey va dans le bon sens.
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Il fallait le laisser dire cela !
    M. Maxime Gremetz. Mais, là aussi, il faut aller plus loin si l'on veut des réponses qui soient au niveau des enjeux.
    En convergence avec ces proposition sur le financement, la France devrait, selon moi, s'attacher, en relation avec ses partenaires européens et les pays concernés, à la mise en place d'un système de stabilisation des prix des matières premières sous l'égide de l'ONU. En effet, comment pourrait-on mettre en oeuvre une stratégie de développement et d'investissement quand on est à la merci de cours décidés ailleurs, selon la seule loi de l'offre et de la demande ?
    Il faut une réforme en profondeur de la politique de coopération de la France, tout particulièrement en direction de l'Afrique, par une politique audacieuse qui soit élaborée dans la transparence à tous les niveaux.
    Voilà ce que je voulais dire, monsieur le président. Je pense néanmoins que vous vous êtes trompé : je ne disposais pas de dix minutes, mais de quinze...
    M. le président. Le problème est que vous en êtes à vingt-trois ! (Rires.) Mais vu l'intérêt du sujet et votre passion, la présidence, toujours bienveillante à votre égard, vous a laissé dépasser le temps de parole qui vous était imparti.
    M. Maxime Gremetz. C'est vrai ? Alors, je vous présente mes excuses et vous adresse tous mes remerciements, monsieur le président. Il ne faut jamais laisser faire une telle chose ! J'ai donné le mauvais exemple et je fais mon mea culpa. (Rires.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, qui bénéficiera évidemment de la même mansuétude de la présidence que l'orateur précédent.
    M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'UDF se félicite que les députés, à l'initiative du groupe UMP - je salue à cet égard notre collègue Godfrain comme ceux qui vous entourent, monsieur le ministre - aient enfin l'occasion de débattre de l'Afrique et de son développement.
    Nous sommes en effet convaincus que le destin de l'Afrique est en grande partie liée à l'action que la France y mènera. C'est d'ailleurs la seule partie du monde - à l'exception de l'Europe, bien sûr - où nous ayons une telle responsabilité.
    La présence française en Afrique ou, pour être plus précis, en Afrique occidentale, se justifie plus qu'ailleurs, par des liens géographiques, historiques, humains, sentimentaux, linguistiques et culturels. Que cela nous plaise ou non, nous avons avec cette Afrique un destin commun. L'avenir du français, comme langue internationale, se joue pour l'essentiel en Afrique, et le devenir de nos équilibres démographiques et migratoires aussi.
    Destin commun donc : si l'Afrique s'enfonce, la France est la première en Europe à souffrir avec elle.
    Or, aujourd'hui, l'Afrique va mal. Non seulement, elle reste le continent qui concentre la plupart des maux de la pauvreté et du sous-développement mais, de plus, elle régresse, ce qu'ont reconnu M. Godfrain et M. Gremetz.
    Quelques chiffres suffisent pour en prendre conscience : depuis 1980, le produit intérieur brut moyen par habitant y décline de 1 % chaque année ; trente-deux pays africains sont plus pauvres aujourd'hui qu'ils ne l'étaient en 1980 ; cette région ne représente que 1,7 % du commerce mondial et reçoit moins de 1 % des investissements privés. C'est ce qui fait tout l'intérêt de notre débat de ce matin.
    L'aide au développement constitue, pour nous, une priorité nationale. Or, malgré des efforts financiers importants et beaucoup de générosité collective et personnelle, nous sommes en situation d'échec.
    Trouver une dynamique de réussite dans notre politique d'aide au développement est un enjeu urgent, à la fois moral et politique. La France a le devoir de renforcer sa solidarité envers ces pays amis, minés par le sous-développement. Cela aussi fait partie de nos valeurs républicaines.
    Quand il y a échec, il faut de l'audace et du courage pour aller vers la réussite ; nous devons donc oser une pratique nouvelle de coopération. A ce propos, j'ai entendu des propositions très intéressante : la loi sur le volontariat ou le livret d'épargne de coopération, évoqué par M. Godfrain. Certes, le sujet est immense et notre débat forcément limité. Aussi, l'UDF souhaite-t-elle modestement apporter trois contributions au débat national, qui porteront plus sur la politique africaine que sur la politique d'aide au développement proprement dite.
    D'abord, il est urgent de remettre en cause les modèles d'administration et de bonne gouvernance que nous promouvons sans cesse en Afrique. La France républicaine a en effet promu en Afrique le concept d'Etat-nation, autour duquel elle s'est elle-même construite. Or, quarante ans après la décolonisation, celui-ci a conduit en Afrique à une impasse majeure.
    Ensuite, il est nécessaire de dire clairement que nous concentrerons l'action de la France en Afrique occidentale et que nous passerons progressivement le relais à l'Union européenne pour les pays du pourtour méditerranéen.
    Enfin, il est urgent de faire de l'évaluation permanente de nos dispositifs d'aide au développement une ardente obligation.
    Il faut remettre en cause l'Etat-nation comme modèle de bonne gouvernance en Afrique.
    Nous le savons tous, la reprise de la croissance et du développement en Afrique ne dépend pas d'abord du montant de l'aide que les pays occidentaux accorderont à ce continent. Elle est à chercher surtout dans le changement des mentalités que nos amis Africains et nous-mêmes consentiront à opérer. Il s'agit en effet d'accomplir une révolution des esprits, de repenser totalement la façon dont nous appréhendons le continent africain et les voies de son développement.
    Nous devons commencer par prendre conscience du poids de la réalité ethnique en Afrique et comprendre qu'il est par conséquent difficile d'y faire vivre des Etats-nations imités du modèle occidental.
    En effet, la réalité africaine est bien différente de ce que nous connaissons dans nos sociétés occidentales : elle fait une place impensable pour nous occidentaux, entre l'individu et la nation, à la famille élargie et à l'ethnie. Or notre vision de ces réalités africaines profondes est extrêmement négative. Nous en voyons à juste titre les effets négatifs : rivalités ethniques, freins à la responsabilisation et à la prise de risque personnelle. Mais nous en méprisons dans le même temps les côtés positifs, qui font que les Africains y sont très attachés : solidarité de proximité, enracinement culturel.
    Là encore, que cela nous plaise ou non, la réalité africaine doit s'imposer à nous !
    Nous avons jusqu'à présent méconnu cette réalité, nous avons imposé aux Africains nos concepts et nos cadres de pensée, que ce soit des frontières à angle droit, tracées sur des cartes d'état-major, ou nos constitutions de démocraties parlementaires. L'Etat-nation, en Afrique, est vécu comme le gros lot de la compétition interethnique. Celui qui l'emporte s'empare de tout : postes de fonctionnaires ou dans les sociétés nationalisées, avantages en tout genre : tout pour l'ethnie qui gagne et ses alliés, ce qui génère une immense frustration chez les ethnies perdantes, qui ne pensent qu'à la revanche, alimentant ainsi le cycle sans fin des rivalités ethniques. J'ai jugé, avec beaucoup d'humilité, car tout ceci est compliqué, qu'en ce qui concerne la Côte d'Ivoire, pays que je connais bien pour y avoir travaillé quatorze mois, les accords de Marcoussis restaient dans cette logique d'Etat-nation et qu'ils risquaient, j'en ai peur, de se fracasser sur ces fameuses réalités africaines.
    Il nous faut donc proposer d'urgence aux pays africains un système de gouvernance qui intègre la réalité ethnique. Osons promouvoir un système fédéral, donnant un pouvoir significatif à de grandes régions, ce qui permettra, bon an mal an, à chaque grande ethnie d'être maître chez elle quant à la gestion des problèmes de proximité et d'aménagement du territoire, laissant à l'Etat-nation les compétences régaliennes et quelques compétences clés, comme l'éducation nationale. Mes chers collègues, la crise ivoirienne n'aurait pas la violence que nous lui connaissons, si les hommes du Nord, les Dioulas, étaient sûrs, quoi qu'il arrive, d'être les décideurs à Ferkessédougou sur les problèmes, quotidiens et si les Baoulés avaient la même assurance de rester les patrons à Yamoussoukro. Et puis, n'est-ce pas le moment pour nous, vieux jacobins, de procéder à cette révision de nos schémas, à l'heure même où nous modifions notre Constitution pour garantir le caractère décentralisé de notre République ?
    L'important est qu'enfin les pays africains arrivent à se doter d'un système politique stable, ouvert à toutes les ethnies, ouvert aussi à l'étranger et, d'abord, à l'étranger africain : souvenons-nous que les difficultés de la Côte d'Ivoire ont commencé, pour une part, par des conflits avec les pays voisins, les Maliens, les Burkinabés. Ce système politique, que nous appelons de nos voeux, doit être ouvert aussi aux Européens, mais aussi aux Libanais ou aux Syriens, si présents dans les réseaux commerciaux de l'Afrique.
    Deuxième priorité, et deuxième contribution, concentrer l'action de la France en Afrique occidentale et passer progressivement le relais à l'Union européenne pour les pays du pourtour méditerranéen.
    La France ne peut plus faire l'économie d'une politique très fortement différenciée selon les grandes régions d'Afrique : il serait irréaliste et incohérent de vouloir élaborer une politique de développement de l'immense continent africain en général. Adopter des dispositifs trop généraux d'aide à l'Afrique serait méconnaître la réalité des situations locales et faire fi des traditions historiques. En effet, il y a là une dimension historique : la responsabilité historique de la France envers le Maghreb et envers ses anciennes colonies d'Afrique occidentale française, ne s'applique guère dans les pays de la Corne de l'Afrique, de l'Afrique australe ou de l'Afrique centrale.
    La France et le Maghreb vivent depuis 1830 une histoire commune extrêmement forte, faite de joies et de drames majeurs. Il suffit de penser aux anciens combattants d'Algérie, à la communauté des pieds-noirs à celle des harkis, pour comprendre qu'il y aura pendant longtemps encore une politique française au Maghreb. Cela dit, l'UDF considère qu'à moyen terme l'Union européenne est mieux qualifiée que la France pour mener l'essentiel de la politique économique,...
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    M. Jean Dionis du Séjour. ... eh oui ! - d'aide au développement, de contrôle de l'immigration à nos frontières avec les pays du Maghreb. Cette politique, en effet, doit s'inscrire dans le débat sur les frontières de l'Union européenne. Nous devons proposer aux pays du Maghreb, comme à tous ceux du pourtour méditerranéen, de la Turquie au Maroc, un véritable statut de nation amie et privilégiée. Telle doit être la véritable réponse aux demandes plus ou moins implicites d'adhésion à l'Union européenne qui viennent du Maroc et d'autres pays, mais également à la candidature très officielle de la Turquie. L'UDF refuse fortement la dilution du projet européen dans une fuite en avant sur cette question fondamentale de ses frontières. Nous refusons donc catégoriquement l'entrée d'un de ces pays dans l'Union européenne, mais nous devons leur proposer un partenariat généreux et des relations privilégiées.
    M. Maxime Gremetz et M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour. Quant à l'Afrique francophone, la France y a tout simplement une responsabilité écrasante : notre pays est le seule capable de présenter un programme de développement complet, à la fois sur le plan de la politique, de la défense, de la culture, de l'éducation, de la francophonie. La France doit prendre envers l'Afrique occidentale un engagement fort et durable. Elle doit y consacrer l'essentiel de ses forces. A titre d'exemple, Dominique de Villepin avait raison de répondre aux critiques, parfois justes, sur les accords de Marcoussis que, si la France n'était pas intervenue fortement en Côte d'Ivoire, une catastrophe majeure serait déjà arrivée.
    Le courage politique c'est aussi reconnaître que nos moyens limités ne nous permettent pas d'être présent en Afrique et, plus précisément reconnaître que la France n'interviendra pas en tant que telle de manière significative, ni dans la Corne d'Afrique - sauf à Djibouti bien sûr - ni en Afrique centrale, ni en Afrique Australe, à l'exception de Madagascar.
    Il y a enfin l'urgence de faire de l'évaluation permanente des dispositifs d'aide au développement une ardente obligation. Il nous paraît essentiel en effet - et cela doit commander toute notre politique d'aide au développement de l'Afrique - de revoir complètement les mécanismes d'évaluation de ces dispositifs.
    Depuis près de quarante ans, la France déploie en Afrique une aide multiple, généreuse, mais parfois brouillonne, incohérente, contradictoire même, quoique toujours motivée par la volonté louable d'aider l'Afrique. Pourtant plus de trente pays africains sont plus pauvres aujourd'hui qu'ils ne l'étaient en 1980. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas échapper à ce bilan, il est donc nécessaire d'évaluer ce qui a été fait. De multiples politique africaines ont été décidées : qu'est-ce qui marche ? Et qu'est-ce qui ne marché pas ? Nous savons mal répondre à cette question de base. Prenons un exemple : il y a eu jusqu'à 40 000 Français en Côte d'Ivoire, dont des instituteurs, des professeurs, des médecins. Quel bilan faisons-nous de cette présence française en Côte-d'Ivoire ? Quels sont les résultats de l'action des ONG, des actions gouvernementales ? Quel est le meilleur système : la coopération d'Etat ou à travers l'action des ONG ? Quel est l'effet réel des actions menées par l'ONU, que ce soit à travers l'UNICEF, l'OMS ou la FAO ? De toute ces actions, une évaluation lucide et pragmatique est nécessaire, afin que les débats parlementaires et l'action gouvernementale puissent être réalistes et porteurs de solutions.
    Nous le savons tous, l'Afrique est une terre de passion, de générosité, mais aussi de gaspillages, que nous devons traquer sans cesse et cela passe par une véritable ascèse de l'évaluation.
    M. Michel Roumegoux. Très bien !
    M. Jean Dionis du Séjour. Une fois ces principes posés, il devient possible de réfléchir à une politique de développement de l'Afrique. L'enjeu, aujourd'hui, c'est de placer l'Afrique sur la voie d'une croissance durable, de mettre en place un plan de développement complet et intégré qui aborde les problématiques sociale, économique et politique. Il s'agit aussi d'accélérer l'intégration du continent africain dans l'économie mondiale. Il s'agit enfin d'adresser au reste du monde un appel à établir un partenariat avec l'Afrique pour son propre développement.
    Rien de tout cela ne se fera si nous ne repensons pas notre manière de faire et d'être en Afrique. C'est à quoi ce matin nous avons osé une modeste contribution, en proposant ces quelques pistes nouvelles.
    D'abord, tirer les leçons de l'échec de l'Etat-nation en Afrique, incompatible avec la réalité de base de l'Afrique, qui est la famille élargie, l'ethnie ; ensuite, oser une politique différenciée pour chaque grande région de l'Afrique, en distinguant les pays du Maghreb et l'Afrique francophone, où notre pays a un devoir d'action ; enfin, évaluer très sévèrement et lucidement les politiques africaines qui ont été menées jusqu'ici.
    L'Afrique n'est pas seulement une exigence morale pour la France. Elle est aussi pour elle source d'avenir. Tous les amoureux de l'Afrique le savent. Nous pouvons beaucoup recevoir d'elle, M.  Gremetz l'a dit, de sa formidable vitalité et de sa joie de vivre. C'est déjà vrai dans les domaines sportif et culturel. Un jour, plus proche que nous le pensons, ce sera vrai aussi en matière d'économie et de politique. C'est avec cet espoir et cette certitude que nous devons ne pas hésiter à bousculer notre politique africaine actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Henri Sicre.
    M. Henri Sicre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui était attendu depuis de longs mois. Au mois de novembre dernier, lors de l'examen des crédits affectés à la coopération, mon collègue Serge Janquin en avait déjà signalé la nécessité. Ce débat était attendu aussi par les très nombreuses associations de solidarité internationale avec lesquelles, les uns et les autres, nous avons l'habitude de travailler et d'entretenir des relations suivies, cordiales et, souvent, de bons partenariats.
    Ce débat vient-il, pour autant, à son heure ? La question mérite d'être posée, aujourd'hui où l'urgence la plus pressante est ailleurs : en Irak. Nos échanges de ce jour sont attendus, importants et nécessaires, mais, aujourd'hui, les « événements », selon l'expression consacrée pour désigner ce qui fait la « une » de la presse, c'est l'Irak, et la portée de nos débats en sera certainement et réduite, et je le regrette.
    Les questions de développement méritent mieux qu'une inscription à l'ordre du jour de notre assemblée de dernière minute, hors de propos. J'aurais préféré, monsieur le ministre, que le Gouvernement prenne cette initiative quelques semaines plus tôt - pourquoi pas à l'issue des rencontres sociales de Porto Alegre ? J'aurais compris que la question soit inscrite plus tard à l'ordre du jour, à la veille du prochain sommet du G8, qui doit se tenir au moins de juin à Evian.
    Les choses étant ce qu'elles sont, je laisserai à la majorité de cette Assemblée la charge d'assumer l'ordre du jour fixé en concertation avec le Gouvernement qu'elle soutient. Il est, à tous égards, insolite, et même déplacé. Il reflète la perte d'influence de notre parlement, depuis les dernières élections, pour tout ce qui relève de la politique extérieure. De 1981 à 2002 - en témoigne une publication de l'Assemblée nationale, intitulée la Diplomatie parlementaire - nous avions acquis, de législature en législature, le droit d'être informés dans un délai raisonnable, et même un droit de regard. Aujourd'hui, alors que Bagdad est détruite, que les Nations unies s'interrogent et que la France se concerte à Saint-Pétersbourg avec la Russie, l'Allemagne et le secrétaire général des Nations unies, l'Assemblée nationale, hors de tout agenda international, tient salon académique sur les aléas du « mal-développement » !
    Ces questions, monsieur le ministre, mériteraient une plus grande considération de la part du Gouvernement. Certes, elles sont, malheureusement, inscrites dans le long terme. L'endettement, l'inexistence de l'Etat, le déficit démocratique, les guerres, les impondérables climatiques et les catastrophes naturelles sont à l'origine d'un mal-développement durable. Certes, il nous faut tirer les conclusions des erreurs commises et de responsabilités partagées, par la coopération française notamment. Il y a plus de quarante ans, René Dumont annonçait dans un ouvrage prophétique, L'Afrique noire est mal partie, les graves dysfonctionnements dont souffre aujourd'hui le continent noir.
    Quant au fameux « consensus de Washington » prôné par les tenants du libéralisme à tout crin - à la Maison Blanche comme au FMI -, on sait où il a conduit l'Amérique latine. Au terme de la suppression brutale des barrières douanières, de la privatisation de la quasi-totalité des biens nationaux, d'une réforme de l'Etat qui s'apparente à un démantèlement, ce prétendu consensus est à l'origine d'une succession de sinistres économiques, sociaux et finalement politiques. Lisez à ce propos Joseph Stiglitz, homme du sérail, puisque proche du président Clinton et haut fonctionnaire des institutions financières. Regardez où en est l'Argentine, avec ses quinze ou dix-sept monnaies différentes, l'effondrement de son système de retraite par capitalisation, l'explosion du chômage et de la pauvreté.
    Le président Bush, en verve idéologique permanente, en a tiré des conclusions que nous devons condamner avec la plus grande fermeté. Les pauvres du monde, a-t-il dit en substance, sont dangereux. C'est pourquoi il convient que nos soldats aillent chez eux imposer un ordre qu'ils sont incapables de faire respecter.
    M. Gérard Bapt. Très inquiétant !
    M. Henri Sicre. Je vous renvoie à une déclaration faite par le chef de l'Etat américain au mois de septembre 2002 : « Les Etats faibles peuvent représenter pour nos intérêts nationaux un danger tout aussi important que les Etats forts. La pauvreté, la faiblesse des institutions et la corruption peuvent exposer les Etats faibles à abriter à l'intérieur de leurs frontières des réseaux terroristes et des cartels de la drogue. » La guerre préventive, ainsi justifiée comme l'ultime avatar du fardeau de l'homme blanc, heureusement abandonné par un certain nombre de pays de la vieille Europe, dont nous sommes, ne saurait être pour nous la réponse des pays riches, de la France, en tout cas, au mal-développement.
    Que dire ? Et surtout que faire ? Pour nous socialistes, la réponse que la France doit apporter interpelle les élus tout autant que l'exécutif. Le Gouvernement doit s'efforcer de mettre sur la table toutes les cartes de la France. L'incertitude à l'égard des plus pauvres - sur le volume de l'aide, sur les moyens qui doivent être ceux de la politique de coopération, sur l'esprit même qui doit servir de fil conducteur à notre coopération - permet peut-être de gagner du temps. Mais un écart prolongé entre les discours volontaristes affichés et les réalités est à terme dommageable à la crédibilité de notre pays.
    Annoncer monts et merveilles aux responsables africains et ajuster le budget 2003 en réduisant les crédits du Fonds de solidarité prioritaire, accroître les crédits d'ajustement structurel, afin de permettre à un certain nombre d'Etats de « boucler » leurs budgets, ces décisions prises l'année dernière reflètent un choix politique, le retour à des pratiques comptables au jour le jour que nous ne pouvons accepter.
    Il conviendrait d'affermir le cadre défini avec volontarisme lors de la législature précédente, pour sortir de ce que certains observateurs ont appelé la « Françafrique ». La réforme de la politique de coopération mise en chantier en 1998 privilégiait l'« aide projet ». Nous sommes revenus aujourd'hui, les rapporteurs l'ont signalé, l'automne dernier, lors de l'examen des documents budgétaires, à l'aide budgétaire. La politique d'aide projet définissait une zone de solidarité prioritaire, dotée d'un fonds, en vue de donner lisibilité et cohérence à notre effort. Or ce fonds a servi de variable d'ajustement budgétaire du dernier collectif que vous avez fait adopter. La société civile avait été adroitement associée au renouveau de la coopération française, avec la création du Haut Conseil de la coopération internationale. Or les moyens du HCCI ont été revus à la baisse dans le budget 2003, le conseil ayant été lui-même placé sous la tutelle du Premier ministre.
    Le rôle de nos armées avait été redéfini : elles avaient pour mission de coopérer à la mise en place de forces de paix régionales. Sur ce plan-là aussi, les choses ont bien changé, et nos soldats ont retrouvé le cadre interventionniste d'avant 1998.
    Pour les pays à revenus intermédiaires, les problématiques sont différentes. Leur développement est affecté par le poids d'une dette qui grève chaque année davantage leur croissance. Il l'est aussi par l'échec des méthodes excessivement libérales appliquées avec zèle par les gouvernements de ces pays sur les conseils du Fonds monétaire international. Il est nécessaire de restructurer leur endettement extérieur et d'assurer à leurs produits un meilleur accès aux marchés solvables de l'espace OCDE.
    Quelle est la position de la France sur ces deux questions majeures ? Est-elle disposée à aller de l'avant, ainsi que Lionel Jospin l'avait annoncé à l'occasion d'un voyage au Brésil en 2001 ? Est-elle prête à prendre une initiative audacieuse concernant la dette des pays intermédiaires ? Une allocation de droits de tirage spéciaux est certes nécessaire, mais cela supposerait la mise en chantier d'une conférence internationale entre pays créditeurs et pays endettés. La France, donc, est-elle disposée à ouvrir un dialogue positif avec les pays du Mercosur en matière agricole, ce qui nous fait quitter le domaine proprement africain ? Les propos tenus çà et là par M. le Président de la République, qui vont tantôt dans une direction, tantôt dans une autre, selon les interlocuteurs, ne nous permettent pas de nous faire une religion. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à m'interroger. Un grand hebdomadaire consacré aux questions africaines a évoqué en termes choisis sa perplexité à l'issue du dernier sommet franco-africain : « Jacques Chirac a trouvé sur le terrain économique des accents tiers-mondistes et anti-mondialisation (...). La contradiction entre ce Chirac-là et celui qui, au sein de l'Europe, se fait le défenseur acharné des subventions octroyées aux agriculteurs français est un peu gênante. » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Godfrain. Indignation sélective !
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Vous êtes contre les subventions à l'agriculture ?
    M. Christian Vanneste. Nous le répéterons aux agriculteurs !
    M. Henri Sicre. Je ne dis pas que je suis contre. Je pose la question aujourd'hui, mes chers collègues : que faut-il entendre dans la position volontariste de la France ? Le langage doit être perceptible !
    La conviction des socialistes, celle du groupe socialiste, est en tout cas bien claire et sans équivoque. Nous l'avons exprimée au sein de l'Internationale socialiste, où François Hollande anime un groupe de travail sur la dette, comme au Forum de Porto-Alegre en 2002 et en 2003. Nous soutiendrons tout ce qui va dans le sens d'un renforcement des moyens affectés aux plus pauvres. Nous critiquerons tout ce qui va dans le sens d'une réduction affichée ou honteuse de ces moyens. Nous soutiendrons tout ce qui va dans le sens d'une aide aux projets. Nous critiquerons tout ce qui réduit notre aide à un saupoudrage destiné à boucler les fins de mois budgétaires. Nous ne nous lasserons pas, enfin, de demander la mise en oeuvre d'une réflexion sur la taxation des capitaux associant les élus au Gouvernement.
    Nous regrettons que, sur ces questions, le Parlement ne soit plus écouté comme il l'était. Le groupe socialiste avait fait adopter, en 1998, une disposition novatrice : le dépôt devant le Parlement, par le ministre des finances, d'un rapport sur les institutions financières internationales. Or, il a fallu plusieurs mois de pression pour que le Gouvernement remette à notre assemblée le rapport annuel sur le FMI, la Banque mondiale et les activités de la France au sein de ces organismes.
    En ce qui concerne la guerre et l'utilisation de mercenaires, trop fréquentes en Afrique et à l'origine de régressions brutales, comme on a pu le constater en Afrique centrale, le groupe socialiste a été contraint de déposer une proposition de loi pour qu'enfin le Gouvernement consente à nous soumettre le projet de loi du gouvernement Jospin sur cette question.
    Que dire enfin de notre capacité collective d'écoute, et donc de proposition, brutalement stoppée par la victoire électorale du RPR-UDF-UMP ? Le Parlement, avec ses commissions des affaires étrangères et de la défense, la délégation à l'Union européenne, avait apporté une contribution majeure à la réforme de la politique française de coopération. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler la mission d'information conjointe sur le Rwanda, les rapports d'information sur les activités des sociétés pétrolières, sur les droits de l'homme et la francophonie, sur les différentes conférences de l'OMC, sur le Congo-Brazzaville touché par un grave conflit civil, le forum organisé avec la coordination des ONG sur la politique de coopération, la réunion des commissions des parlements de l'Union européenne sur le développement. Je ne vais pas prolonger la lecture d'initiatives prises lors de la législature précédente, à une époque où nous étions dynamiques et où la concertation était constante.
    Le 15 avril prochain, nous allons effectuer une première mission en Côte d'Ivoire, victime d'un coup d'Etat prolongé depuis le mois de septembre 2002, il y a sept mois. Les interrogations ne manquent pas. Pourquoi ce coup d'Etat ? Qui a si bien armé les rebelles ? Où en est la réconciliation ? Où en sont les contrats de service public en cours de renouvellement, qui concernent au premier chef notre économie ? Où en sont les enquêtes concernant les violations des droits de l'homme ? Dans les circonstances internationales actuelles, le groupe socialiste souhaiterait comprendre pourquoi, à ses attentes répétées concernant les différents éléments constitutifs de la politique étrangère de notre pays, il est peu ou mal répondu et toujours à contretemps. Monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître, avant le prochain G8, qui doit avoir lieu en juin prochain à Evian, les propositions de la France concernant l'aide au développement, le traitement de la dette et les propositions qu'elle compte éventuellement faire à ces pays dans le cadre des négociations OMC. C'est là une initiative que nous vous demandons de prendre.
    Cela dit, la question dont nous débattons n'est pas la seule à occuper nos esprits. Aujourd'hui, Bagdad est tombée, pour prendre une expression familière. La France, dont la position déterminée correspondait au sentiment de l'opinion publique, n'a pu éviter la guerre. Pourra-t-elle maintenant éviter le pire et participer à la reconstruction ? Les Etats-Unis installeront-ils leur démocratie en Irak, avec des hommes qu'ils ont préfabriqués, ou est-ce la communauté internationale qui interviendra ? Les ressources en hydrocarbures seront-elles exploitées sous la tutelle des Etats-Unis ou provisoirement gérées par les Nations unies ? Ce sont des questions importantes pour l'avenir de l'Irak et, au-delà, de toute cette partie du Moyen-Orient. En outre, elles sont prémonitoires de ce qui peut se passer en Afrique. En effet, les Etats-Unis anticipent dès maintenant, avant nous, la découverte de gisements d'hydrocarbures en Afrique occidentale.
    Aujourd'hui, l'interrogation est très forte quant aux dangers qui se profilent pour les Nations unies. La voix de la France sera-t-elle écoutée pour la reconstruction de l'Irak ? Je demande donc au Gouvernement, d'organiser sans tarder un débat au Parlement. En 1990, lors de la guerre du Golfe, il avait bien convoqué l'Assemblée nationale alors qu'elle était en vacances parlementaires !
    M. Gérard Bapt. Absolument !
    M. Henri Sicre. Alors pourquoi n'aurions-nous pas dès la semaine prochaine un débat sur la place de la France dans la suite des évènements en Irak ? Je le répète, ce qui se passe en Irak risque de se reproduire en Afrique dans les semaines ou les mois à venir si nous n'y prenons garde.
    M. Gérard Bapt. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Michel Roumegoux.
    M. Michel Roumegoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la fin de l'époque coloniale, dont elle n'a d'ailleurs pas à rougir, la France ne s'est jamais désintéressée du sort et des difficultés des pays d'Afrique en matière de pauvreté, de santé et de développement. Il faut se réjouir que ces préoccupations soient devenues l'une des cinq priorités retenues par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage budgétaire pour 2003, faisant ainsi suite aux souhaits formulés par le Président de la République Jacques Chirac en septembre 2002 à Johannesburg. Ainsi l'aide publique au développement durable devrait-elle augmenter de plus de 50 % en cinq ans pour atteindre 0,5 % du PIB : c'est beaucoup compte tenu des difficultés budgétaires dont nous avons hérité. Cela dit, c'est encore sans nul doute trop peu au regard des besoins pour une politique de coopération nécessaire, significative et lisible.
    C'est dire l'obligation que nous avons d'optimiser ces moyens, de faire les choix les plus judicieux pour les populations et non plus essentiellement pour leurs dirigeants, les gaspillages pouvant s'avérer dramatiques lorsqu'ils privent une population de moyens souvent vitaux. Une intervention forte et raisonnée des pays du Nord à destination des pays du Sud est vitale souvent au plan humanitaire. C'est un complément utile, sinon indispensable, à une maîtrise de l'immigration. C'est aussi un investissement important pour l'avenir de la présence de la France dans ces régions si l'on refuse d'accepter ce qui a été trop souvent perçu comme un inéluctable déclin.
    C'est vrai, l'Afrique était « mal partie », il semble aujourd'hui que quelques espoirs soient permis avec l'arrivée, ici ou là, d'une nouvelle génération de dirigeants. C'est évidemment vers les pays francophones en développement, avec lesquels nous sommes liés par des solidarités historiques, que doit porter l'effort de la France. Quelqu'un l'a dit - je crois que c'est M. Dionis du Séjour : « Il y a des choses qui ne marchent pas en Afrique. » Pour ne pas se perdre comme une goutte d'eau dans le sable, cette aide, durable - je le répète -, doit se concentrer sur un pays, une filière, sur un secteur, par des actions concrètes, jusqu'à ce que le relais puisse être pris par les acteurs locaux. Il s'agit d'accompagner le territoire bénéficiaire jusqu'au seuil qui lui permettra de perpétuer une action réussie et de la reproduire. Un investissement de départ est souvent nécessaire. Les autorités et les populations locales doivent ensuite être en mesure d'entretenir, de pérenniser, voire de développer les structures mises à leur disposition et qu'elles ont su s'approprier.
    L'aide peut se porter à différents niveaux et dans de nombreux domaines. Selon les moyens disponibles, elles pourra :
     Favoriser la formation - M. le ministre en a parlé longuement et c'est très important -, l'éducation sur place, accueillir des étudiants en France par un système de bourses afin de préparer les élites de demain dans la culture et la formation supérieure françaises - c'est important ;
    Réduire la dette des pays pauvres très endettés dans une logique de désendettement-développement. Cela est trop souvent nécessaire, mais est-ce bien pédagogique ?
    Participer à l'aide multilatérale à travers des fonds européens pour le développement, les fonds gérés par des organisations des Nations unies comme l'UNICEF ou le HCR. C'est bien pour lutter contre les grands fléaux - sida, paludisme, ou tuberculose -, pour traiter de l'endettement, des grandes questions de sécurité ou du niveau des prix, mais ce n'est pas nécessairement le meilleur niveau pour l'aide au développement.
    Préférer la coopération bilatérale, certes pour reconquérir de l'influence française sur le terrain, mais surtout parce que nous sommes les mieux placés pour comprendre les besoins, les attentes, la culture des pays francophones...
    Mme Henriette Martinez. Tout à fait !
    M. Michel Roumegoux. ... et ainsi mieux optimiser notre aide dans le respect des pays bénéficiaires où l'on veillera à remplacer la simple assistance par le partenariat et où l'on cherchera à favoriser les investissements privés, sécurisés si besoin par un fonds de garantie, et susceptibles, par effet de levier, de mobiliser des fonds plus importants. On exigera en contrepartie une bonne gouvernance, un minimum de démocratie, une lutte efficace contre la corruption et surtout une évaluation des résultats. La reconduite des aides pourrait être avantageusement conditionnée par les résultats précédemment obtenus.
    Une intervention réussie suppose une bonne connaissance du pays, un bon diagnostic de la problématique locale, une action concertée et complémentaire, cohérente et compatible avec la politique mise en place par les autorités, compatible avec les actions conduites par les autres intervenants : autres pays, ONG, acteurs locaux, etc. Mais bien souvent, que de pertes d'énergie ! Combien de missions animées des meilleures intentions du monde, trop isolées, échouent quand elles ne détruisent pas des équilibres bien fragiles ! Il faut beaucoup de modestie, d'humilité, de compréhension, de diplomatie et de respect. Il faut savoir que l'on ne peut pas tout faire, que l'on ne peut faire seul et imposer sa vision des choses. Pourtant, il faut préserver les initiatives généreuses fondées sur une bonne connaissance du pays et qui débouchent parfois sur de belles réussites.
    Le ministère de la coopération pourrait, non pas contrôler, mais connaître ces initiatives, apporter l'information qui fait parfois défaut aux entrepreneurs enthousiastes, susciter des synergies. De telles expériences ont démontré que l'on pouvait faire beaucoup avec des moyens limités. Je donnerai deux exemples.
    Dans le domaine agricole, une belle réussite, pas si modeste qu'il y paraît, est par exemple l'introduction de la culture de l'oignon en pays Dogon, au Mali, par Griaule, le célèbre ethnologue.
    M. Christian Vanneste. Très juste !
    M. Michel Roumegoux. Cette culture, qui s'est pérennisée depuis plusieurs décennies, est quasiment la seule production commercialisée qui permet aujourd'hui de financer les achats « importés », si j'ose dire, de la ville ou même de l'étranger - piles électriques, moteurs, véhicules, etc.
    Dans ce domaine de la santé, l'expérience du centre de santé communautaire de Sangha en pays Dogon est un exemple intéressant et reproductible. Initiée par une ONG - Via Sahel - dans le respect du programme de développement du Mali, cette structure a été construite en concertation avec les autorités autour d'un plateau technique performant avec un bloc opératoire modeste où oeuvrent un médecin à compétences chirurgicales, des infirmiers d'Etat, des aides-soignants, des hygiénistes et des matrones. Ce centre est d'ailleurs est bien plus qu'un centre de soins. C'est aussi un lieu de vie, d'échanges, de dialogue entre la médecine moderne et la médecine traditionnelle. C'est aussi un centre de formation médicale et de gestion. Cette structure a récemment été mise à la disposition d'une association constituée de représentants démocratiquement élus par une cinquantaine de conseils de villages. C'est une expérience intéressante, avec un rapport qualité-prix imbattable, et généralisable, même si un manque de culture de la gestion, un manque de rigueur et de transparence ont posé quelques problèmes dont il faut tirer les enseignements. C'est une expérience positive, concrète, susceptible de conforter une civilisation où la transmission de la technique par tradition orale est complexe. Et même s'il y a parfois opposition entre la défense des intérêts traditionnels plus personnels, et d'ailleurs légitimes - le savoir, le pouvoir et l'argent, - et le projet collectif, cela fonctionne.
    M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
    M. Michel Roumegoux. Pour pérenniser la structure, l'association doit, à terme, parvenir à une autonomie financière, grâce à des recettes engendrées par l'activité chirurgicale et médicale, même si la population est très démunie et si, dans un premier temps, une intervention active de l'ONG sur le plan des salaires et de la fourniture de consommables a été nécessaire.
    On a pu constater que l'on pouvait faire beaucoup avec peu de moyens, résoudre en fait 80 % des problèmes avec un minimum sachant que si l'on veut s'offrir le luxe de résoudre les 20 % de problèmes restants il faudra rajouter plus de 80 % de moyens. C'est un constat douloureux pour nous, mieux compris et accepté localement, mais a-t-on vraiment le choix ?
    La question qui reste posée est la suivante : peut-on faire une grande politique de la coopération à la lumière d'expériences modestes ? La réponse est oui dans l'agriculture, l'aide au développement, une partie de la politique de santé, pour peu que l'on y associe un peu d'habileté politique, beaucoup de respect et une bonne connaissance des pays bénéficiaires. « On ne commande à la nature qu'en lui obéissant », disait Claude Bernard, maître de l'expérimentation scientifique, celle-là même qui évalue ses résultats. C'est ce qu'il nous faut en Afrique.
    Il y a sans doute beaucoup de grandes politiques souhaitables. Il y a aussi des politiques possibles à la fois modestes, durables et efficientes, fondées sur des hommes qui se respectent et qui travaillent en partenaires au plus près du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. André Schneider.
    M. André Schneider. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour de me féliciter que ce débat ait lieu car, s'il est important pour les pays africains, il l'est aussi pour la France.
    Oui, la France entretient avec l'Afrique des relations séculaires et multiformes qu'elle a toujours su adapter aux réalités politiques et économiques du moment. Hier la France a participé au processus de décolonisation, aujourd'hui elle est présente pour aider ses partenaires africains à poursuivre un développement harmonieux en leur apportant un fort volume d'aide. Mais nos relations avec l'Afrique dépassent largement ce cadre : elles sont d'ordre affectif.
    Entre la France et l'Afrique, c'est une longue et belle histoire d'amour.
    Le Président de la République s'est engagé, lors du sommet de Johannesburg en 2002, à porter le niveau de l'aide publique au développement de 0,34 % à 0,5 % du PIB d'ici à cinq ans. L'aide au développement est pour la France un chantier prioritaire. Jacques Chirac l'a réaffirmé solennellement lors de la dernière conférence des chefs d'Etat de France et d'Afrique, au mois de février.
    Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de substituer le partenariat à l'assistanat. Le partenariat est un enrichissement réciproque, une relation d'égal à égal, et c'est ainsi qu'il faut désormais envisager les relations de notre pays avec l'Afrique afin de renforcer la coopération.
    Oui, nous devons accroître notre aide dans nombre de domaines, ceux que vous avez évoqués, monsieur le ministre. Par exemple l'enseignement, car la production du savoir est le moteur par excellence du développement et de l'autonomie. Aussi devons-nous redéfinir nos politiques de coopération pour mieux répondre aux besoins de formation dans ces pays, en soutenant les systèmes éducatifs et de formation existants et en insistant toujours sur le principe de partenariat.
    En ma qualité d'ancien chef d'établissement du second degré, je me permettrai, monsieur le ministre, de vous faire une suggestion que j'ai déjà soumise au Premier ministre du Cameroun lors de l'audience qu'il m'a accordée à Yaoundé, début février. Il s'agirait de promouvoir la coopération entre nos systèmes éducatifs par le biais d'échanges poste à poste qui permettraient à des enseignants africains de tous les degrés d'enseignement d'occuper pendant un temps donné, au minimum une année scolaire, le poste d'un enseignant français, lequel, durant la même période, occuperait le sien. Ce partenariat existe déjà avec certaines universités africaines et donne de bons résultats sans trop grever les budgets nationaux.
    En Afrique, la demande de partenariat est très forte et requiert de notre part de gros efforts d'adaptation en ce début du xxie siècle. Nous devons accueillir la jeunesse africaine dans nos universités et nos grandes écoles tout en aidant ces pays à former le plus grand nombre d'étudiants sur place. Pour éviter, à moyen terme, que trop de jeunes Africains, une fois leur diplôme en poche, n'envisagent qu'avec réticence le retour au pays, il faudrait accompagner les programmes de formation de projets complémentaires ainsi que de moyens financiers permettant dans de bonnes conditions le retour au pays d'origine. Par exemple, il faudrait faire en sorte que l'étudiant ayant obtenu une bourse de formation bénéficie ensuite d'une aide au retour afin de le fixer durablement dans son pays d'origine et d'y favoriser son insertion professionnelle. Actuellement, il y a plus de médecins camerounais en France qu'au Cameroun.
    Il faudrait aussi mettre en place des filières de formation en partenariat avec d'autres bailleurs, bilatéraux, multilatéraux et privés, sur la base des engagements financiers de ces partenaires. Ces filières permettraient de répondre aux besoins de formation exprimés par les entreprises locales, nationales ou internationales, et par les organisations professionnelles. En relation avec ces dernières, elles s'emploieraient à assurer des débouchés aux diplômés. Il convient également de prévoir des formations à distance.
    Il est donc impératif de redéfinir les objectifs de notre politique de coopération, sans oublier - vous y avez insisté, monsieur le ministre - la recherche et la formation des chercheurs. Il nous faut aussi mieux piloter nos activités en fonction des priorités géographiques et sectorielles et donc accroître la pertinence de notre aide par rapport aux objectifs poursuivis en l'orientant vers les pays les moins avancés. Il convient pour cela de conforter les filières de formation en direction des jeunes filles et des femmes africaines.
    Permettez-moi, avant de conclure, d'évoquer un dernier exemple de coopération efficace, celui du soutien aux micro-entreprises et à la structure bancaire issue du système des tontines. Cette expérience se développe avec succès à Yaoundé, et sans doute ailleurs. Il s'agirait de mettre en place un réseau de banques spécialisées dans l'aide par petits prêts à la création de petites entreprises.
    Monsieur le ministre, mes chers collègues, le message que je souhaite exprimer ici - comme beaucoup d'entre vous, et je m'en félicite encore une fois -, c'est que nous devons tous oeuvrer pour qu'un nouveau partenariat s'instaure en faveur du développement de l'Afrique. Nos relations d'amitié, notre histoire d'amour avec l'Afrique sont exceptionnelles et exemplaires. L'Afrique est au coeur de la France et des Français. Le coeur de la France bat en Afrique. L'Afrique doit donc rester au coeur des priorités de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez, pour le groupe UMP.
    Mme Henriette Martinez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de la journée de la femme 2003, le Secrétaire général des Nations unies a reconnu que, dans l'action que nous menons en vue d'atteindre les objectifs du millénaire pour le développement, l'égalité des sexes n'est pas seulement un but en soi, elle est indispensable pour atteindre les autres objectifs. Il a reconnu aussi qu'aucune stratégie en matière de développement ne saurait être efficace si l'on n'accorde pas aux femmes un rôle de premier plan.
    Car les femmes sont la moitié de l'humanité et personne ne peut imaginer que le monde parviendra à faire reculer l'extrême misère qui affecte trois milliards de ses habitants en continuant à enfermer les femmes des pays en développement dans la sphère procréatrice et domestique, pas plus qu'on ne peut continuer à les enfermer dans des traditions imposées par les hommes pour construire des sociétés à leur avantage, dont les plus symboliques et les plus épouvantables sont les mutilations génitales féminines.
    Les Africains ont coutume de dire que les femmes portent l'Afrique sur leur dos. De fait, elles s'activent comme personne au monde, élevant cinq ou six enfants en moyenne, assurant l'essentiel de l'alimentation familiale par l'agriculture vivrière, la quête épuisante de l'eau et celle du bois. Malgré tous leurs efforts, l'Afrique subsaharienne est la seule région du monde où la pauvreté a progressé dans les années 90 et où l'emploi féminin n'a pas progressé. Le revenu de la moitié de ses habitants est inférieur à un euro par jour, ce qui permet de vivre au jour le jour mais pas de se développer ni de faire reculer la pauvreté.
    Il est donc important que les femmes africaines accèdent à l'autonomie financière, sans bousculer pour autant la situation traditionnelle des hommes. Pour cela, il faut aider les femmes aux endroits clés, là où les projets se gèrent et où les bénéfices se réinvestissent. Les bailleurs de micro-crédits le savent bien, eux qui accordent 95 % de leurs fonds à des femmes ou à des groupements de femmes. Car chacun sait en Afrique que, lorsqu'une femme gagne de l'argent grâce à un micro-crédit, sa priorité ira au remboursement du crédit, puis à ses enfants pour leur éducation et leur santé, puis à son mari, et enfin, s'il reste quelque chose, à elle-même. Alors qu'avec un homme, ce sera le contraire.
    Nourrir, soigner, éduquer ses enfants dans de bonnes conditions, tel est l'objectif de toute femme au monde. Or, les Africaines sont écrasées par les maternités à répétition, les fameux « quatre trop » : trop tôt - la première dès treize ou quatorze ans -, trop rapprochées, trop fréquentes et trop tard - la dernière après trente-cinq ou quarante ans. Pourtant, elles connaissent, pour la plupart, l'existence de la contraception moderne et voudraient avoir moins d'enfants pour mieux les élever. Mais elles sont moins de 20 %, et même moins de 10 % en Afrique de l'Ouest et du Centre, à pouvoir se protéger des grossesses et des maladies sexuellement transmissibles, dont le sida.
    Le sida, dont on sait que près de 60 % des cas d'infection en Afrique concernent les femmes. Elles ne peuvent se protéger en raison d'un manque de moyens évident, en raison aussi du manque de bonne volonté de leurs conjoints.
    Le sida, cette tragédie qui met des enfants dans la rue, des orphelins trouvés sur le corps de leur mère morte, sans identité, sans famille, dont personne ne sait que faire et qui sont recueillis par des ONG, telle, monsieur le ministre, la petite Nata que nous avons rencontrée à l'hôpital Charles-de-Gaulle à Ouagadougou.
    Et que dire des grossesses non désirées qui se traduisent de plus en plus par des avortements à répétition, dans des conditions telles que, dans les CHU d'Abidjan, les avortements sont responsables des trois quarts de la mortalité maternelle. Chaque année, ce sont 500 000 à 600 000 femmes qui meurent pour une raison liée à une grossesse, principalement dans les pays en voie de développement. A ces malheureuses s'ajoutent celles qui sont estropiées à vie, physiquement ou socialement - trente à quarante pour un seul décès -, des femmes qui ne peuvent plus enfanter, dans un pays où la maternité conditionne la reconnaissance sociale.
    L'Afrique subsaharienne se distingue aussi par le nombre des maternités précoces, les plus dangereuses : la première survient dès l'âge de treize ans et le taux de naissance chez les jeunes filles est le double de celui du reste du monde. En Afrique, la moitié des naissances ont lieu chez les moins de vingt ans. Dans ces conditions, comment les femmes pourraient-elles êtres actrices de leur développement de celui de leur communauté ?
    Pour que cela change, il faut redoubler l'aide au développement en direction des pays les plus pauvres, qui concerne plus de trois milliards de personnes. Faire reculer la pauvreté nécessite un doublement du budget annuel de l'APD, qui passerait ainsi de 50 à 100 milliards d'euros. Cette somme permettait de couvrir tous les besoins sociaux de base - la santé, l'éducation, l'eau, l'assainissement - et d'assurer les fondements du développement. La relance de l'APD est à l'ordre du jour des pays riches et je me réjouis que la France semble vouloir tenir ses engagements, spécialement vis-à-vis de l'Afrique.
    De même, il est admis aujourd'hui que l'amélioration de la condition des femmes est une condition nécessaire du développement. Ce souci du rôle de la femme se traduit, dans l'approche statistique, par la question du « genre » qui consiste à s'interroger sur la situation respective des hommes et des femmes : celle-ci doit en effet être rééquilibrée, si l'on veut appliquer le principe de réalité à la question du développement.
    Ainsi, l'analyse sexo-spécifique permet de constater que, si le taux d'enfants scolarisés en Afrique sub-saharienne est de 50 %, celui des filles scolarisées est seulement de 20 %. Ce chiffre fait évidemment de la scolarité des filles une priorité pour le développement, car les filles qui auront été scolarisées n'auront pas la même mentalité. On sait en effet depuis longtemps que l'âge du mariage et de la première grossesse recule au fur et à mesure que s'élève celui de la fin de scolarité.
    C'est par les femmes que se transmet l'éducation qui permet, barreau après barreau, de gravir l'échelle sociale et de sortir de la misère.
    Monsieur le ministre, le ministère des affaires étrangères a récemment relancé sa stratégie « pour la promotion des droits des femmes et l'égalité homme-femme ». Il serait nécessaire que nous renforcions notre soutien au Fonds des Nations unies pour la population, le FNUAP, pour que notre contribution soit digne de notre ambition dans le monde. Pouvez-vous prendre l'engagement de le faire dans la prochaine loi de finances ? Et êtes-vous prêt, les 23 et 24 avril, devant le Comité économique et social pour l'Asie et l'Afrique, à soutenir les droits des femmes contre les Etats-Unis, qui risqueraient à nouveau d'y porter atteinte, si l'administration Bush, comme elle l'a fait à Bangkok, menace encore de supprimer sa contribution au FNUAP, soit 12 % du budget de ce fonds ?
    Alertée par les ONG, notamment Equilibre et population, dont je salue le travail remarquable, je vous demande de veiller, comme vous l'avez fait à Bangkok avec la délégation française, à la sauvegarde des droits des femmes. Vous y gagnerez la gratitude des femmes du monde, et notamment des femmes africaines. Ce qui sera un atout déterminant pour la politique française d'aide au développement.
    « Quand les femmes prospèrent, toute la société en profite et les générations qui suivent prennent un meilleur départ dans la vie », a déclaré Louise Fréchette, vice-secrétaire générale des Nations unies.
    Monsieur le ministre, au nom des femmes africaines, je vous remercie de l'aide que leur apporte la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.
    M. Antoine Herth. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors d'une récente mission en Afrique, au fin fond de la brousse, j'ai sympathisé avec un adolescent malien. A la question habituelle sur ce qu'il veut faire quand il sera grand, voilà ce qu'il me répond : « Chauffeur de taxi à Paris ! »
    Cette réponse résume parfaitement les enjeux et les ambiguïtés du sujet qui nous rassemble. Elle montre l'attraction que continue d'exercer la France et aussi, par contraste, l'absence de perspectives que le continent africain offre à sa jeunesse. De ce côté-ci de la Méditerranée, une affirmation comme celle-là contribue également à alimenter les fantasmes protectionnistes de ceux qui craignent une invasion, tout comme elle peut susciter un début d'interrogation sur la place et le rôle de l'aide au développement.
     Le débat d'aujourd'hui, j'en suis convaincu, arrive à point pour clarifier les objectifs de la politique française d'aide au développement et pour préciser les moyens que nous souhaitons mettre en oeuvre. Je veux, par conséquent, souligner combien je trouve positive l'initiative de M. Godfrain.
    Vous avez, monsieur le ministre, parfaitement résumé les enjeux de la coopération. Mon propos se limitera donc à évoquer quelques aspects qui me tiennent particulièrement à coeur.
    L'économie africaine, vous l'avez dit, est basée essentiellement sur l'activité agricole, fondement de l'économie rurale, avec deux dimensions : une agriculture de rente - coton, café, cacao - dont la production est destinée à l'exportation, qui, par le passé, a bénéficié de toutes les attentions et qui suscite encore énormément de convoitises ; une agriculture de subsistance, malheureusement bien souvent délaissée.
    Je ne ferai pas le tour d'horizon de cette question, mais je tiens à mettre en lumière les éléments nouveaux et positifs apparus récemment et plus particulièrement les fruits que porte le travail du ministère de la coopération et des organisations non gouvernementales, à l'instar de AFDI - Agriculteurs français et développement international - en matière d'aide à la création et à la structuration des organisations paysannes. Cette ONG a pour principe de nouer une relation de paysan à paysan qui concrétise notre volonté de mettre en place des ponts entre le Nord et le Sud. Elle a permis l'émergence d'une véritable élite, capable aujourd'hui de discuter avec les gouvernements des pays du Sud, mais aussi de militer dans le cadre de forums internationaux, comme les négociations sur les cycles de l'Organisation mondiale du commerce. Un socle essentiel est ainsi bâti pour renforcer les agricultures vivrières, vitales pour ces pays, car elles constituent la base de toute l'economie locale.
    Je voudrais également abonder dans le sens de Mme Martinez, qui a souligné très justement le rôle incontournable des femmes, et plus particulièrement des organisations féminines, dans la préservation et la structuration de l'agriculture vivrière. C'est souvent la grande découverte que font les organisations non gouvernementales et leurs militants : au bout d'un certain temps passé en Afrique, ils se rendent compte que, si l'on ne s'adresse pas aux femmes, on n'arrive à rien.
    J'insisterai également, monsieur le ministre, sur l'importance que revêt aujourd'hui, pour le soutien à cette agriculture, la coordination des interventions du Nord dans un cadre multilatéral, et notamment au sein de l'Union européenne. C'est une autre avancée notable, et il faut poursuivre sur cette voie.
    En revanche, les questions environnementales, dont vous avez souligné l'importance à propos de l'eau, me préoccupent gravement. Déjà, elles donnent lieu, chez nous, à de vives controverses. Mais comment ne pas être choqué par ces images de villes africaines dont la périphérie est envahie par des déchets de matière plastique ? Et comment ne pas redouter ce que l'on voit beaucoup moins : ces produits chimiques que l'on répand inconsidérement, en particulier des pesticides ? Certaines firmes liquident ainsi leurs fonds de stock, généralement des produits interdits à l'usage au Nord mais largement utilisés par les agriculteurs du Sud, sans aucune protection et sans en mesurer les conséquences sanitaires et environnementales.
    Les enjeux en matière d'environnement sont considérables. Ils sont même accrus par le fait que la croissance démographique exerce une pression sur l'environnement naturel et menace la pérennité de la faune et de la flore, notamment la grande faune d'Afrique qui fait partie du patrimoine de l'humanité. A mes yeux, il s'agit d'un enjeu stratégique pour l'avenir de notre coopération.
    A cet égard, je veux insister sur deux points en particulier.
    Le premier est la préservation des sols en Afrique, menacés tant par la rudesse du climat que par certaines pratiques. En effet, ce moyen de production essentiel pour garantir, à terme, l'indépendance alimentaire de ces pays disparaît jour après jour. Il me paraît donc indispensable que nous portions une attention particulière à ce problème chaque fois que nous développons un programme en agriculture ou que nous menons des réflexions sur l'autonomie alimentaire de ces pays.
    Le second, qui fait l'objet de beaucoup de convoitises, est le patrimoine génétique ou semencier de l'Afrique. Actuellement, en effet, certaines firmes voudraient s'accaparer ce patrimoine et déposer des brevets le concernant. En la matière aussi, il conviendrait que la France et l'Europe mettent en place des balises permettant de garantir, à terme, ce patrimoine du continent africain.
    Par ailleurs, je tiens à évoquer la coopération décentralisée, élément relativement nouveau dans le paysage de la coopération Nord-Sud, car elle me semble présenter de nombreux avantages.
    Elle constitue d'abord une coopération à l'échelle humaine puisqu'elle lie une collectivité française ou européenne à une collectivité, une commune par exemple, d'un pays du Sud. Elle permet ensuite d'aborder globalement une problématique africaine en traitant en même temps et de front les problèmes de santé, d'éducation, d'urbanisme, de transport, les problèmes tant culturels qu'économiques.
    En mettant l'accent sur cette coopération décentralisée, on pourrait fédérer les opérateurs publics et les ONG sur des projets localement définis, ce qui me paraît extrêmement positif et productif.
    En revanche, elle a aussi des limites car elle repose souvent sur des personnes qui, si elles font preuve de bons sentiments, manquent totalement d'expérience. La coopération risque alors de s'égarer dans des démarches strictement caritatives ou d'aboutir à un clientélisme contre-productif. A cet égard, je vous suggère, monsieur le ministre, de faire en sorte que le réseau décentralisé du ministère des affaires étrangères accompagne ces initiatives et les coordonne afin de les rendre plus efficaces sur le terrain.
    Enfin, il convient de s'interroger sur les raisons qui militent en faveur de la coopération. Cette interrogation que M. Dionis du Séjour a déjà évoquée peut paraître saugrenue. En réalité, c'est une question de fond qui me paraît très pertinente. La coopération française tire certes sa légitimité de l'histoire coloniale de notre pays. Nos partenaires africains ne manquent d'ailleurs pas une occasion de rappeler la dette morale que nous avons à leur égard.
    Cependant, s'il est important de se souvenir de l'histoire, cette seule considération ne suffit pas à justifier notre engagement en faveur de l'Afrique. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes générations d'Européens qui n'ont pas vécu cette époque. Il serait donc judicieux de fonder de plus en plus notre démarche sur une approche partenariale - en ce sens la notion de co-développement est la bienvenue - et sur le concept de communauté de destin.
    Monsieur le ministre, je souhaite ardemment que ce débat auquel vous avez bien contribué soit régulièrement suivi par d'autres dans cet hémicycle. En effet, une matinée ne saurait suffire pour traiter d'un sujet aussi fondamental, vital même pour que les jeunes générations de Français se sentent mobilisées dans cet engagement fort de la France et de l'Europe en faveur de l'Afrique.
    Je forme aussi le voeu que, quand je demanderai, dans quelques années, à un jeune adolescent ou à une jeune adolescente d'un pays d'Afrique ce qu'il voudra faire plus tard, il me réponde qu'il désire être facteur en Afrique, instituteur en Afrique, agriculteur ou agricultrice en Afrique. Ce serait une grande satisfaction et cela prouverait que les efforts que nous déployons auront réellement porté leurs fruits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Frédéric de Saint-Sernin.
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement du continent africain a été au coeur des grandes réunions internationales qui ont marqué l'année 2002. A la conférence de Monterrey en mars, au sommet du G8 à Kananaskis ou lors de la conférence sur le développement durable de Johannesburg, le renforcement de la solidarité vis-à-vis de l'ensemble des pays du Sud, et en particulier de l'Afrique, a été retenu comme une priorité.
    En chacune de ces occasions, la France s'est engagée de manière forte, en particulier par la voix du Président de la République. Cependant, notre aide au développement reste encore bien faible puisque, je le rappelle, elle n'atteint pas 0,4 % du produit intérieur brut. Je salue donc la volonté du chef de l'Etat, que le Gouvernement s'attache à mettre en oeuvre, de parvenir, à la fin de la législature, à un objectif de 0,7 % du PIB.
    Cette année 2003 est aussi rythmée par plusieurs rendez-vous importants : le sommet Afrique-France du mois de février, la présidence française du G8, en juin prochain à Evian, ont donné ou donneront à notre pays la possibilité de présenter de nouvelles propositions. Tel a été le cas avec l'initiative en faveur du développement agricole lancée par le Président de la République. L'objectif, donc l'impératif majeur, reste bien l'accroissement de notre aide au développement, en particulier l'augmentation de l'aide publique au développement. Il est vrai que l'on a déjà pu observer une forte augmentation de la part de l'aide bilatérale dans l'APD française, puisque, aujourd'hui, celle-ci représente deux tiers du total de notre aide.
    Plus particulièrement, il me paraît important de rappeler que cette aide au développement doit se tourner en priorité vers le continent africain, dans le cadre du NEPAD. A Kananaskis déjà, ont été rappelées l'importance d'une attention renforcée vis-à-vis de l'Afrique, et la nécessité d'instaurer un nouveau type de relations, organisées dans un véritable partenariat, afin d'éliminer le principe de l'assistance - qui a guidé trop longtemps notre action - et avec un plan d'action. Ces principes ont été adoptés après Kananaskis. La réunion d'Evian doit maintenant faire avancer concrètement cette ambition.
    L'aide bilatérale de la France à l'Afrique doit être maintenue et même accrue. Cependant, il faut aussi que la France et l'Union européenne répondent aux défis que pose ce continent dans le cadre de l'aide multilatérale. Il me paraît, ainsi, très important d'insister sur la problématique propre aux pays les moins avancés, les PMA, dont les deux tiers sont situés sur le continent africain. La France doit orienter une bonne partie de ses efforts vers ces Etats qui souffrent, plus encore que les autres, de la pauvreté.
    Par ailleurs, le NEPAD doit nous permettre de concentrer notre politique de coopération sur des objectifs de développement durable. Jacques Chirac, à Johannesburg, avait rappelé son souhait de voir figurer le développement durable au coeur de notre action internationale. Bien évidemment, il est également indispensable que la lutte contre la pauvreté soit intégrée dans cette réflexion, puisque la pauvreté se traduit par le manque d'eau potable, l'inexistence de l'assainissement, la faiblesse de l'éducation ou de la politique de santé, sans oublier le sous-développement des infrastructures.
    Si nous devons augmenter le montant de notre aide, il convient aussi de songer à moderniser nos modes d'intervention, car il faut bien reconnaître que les situations auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui rendent certaines approches obsolètes.
    Pour l'avoir constaté sur le terrain à plusieurs reprises, je peux ainsi témoigner que l'Agence française de développement a besoin de pouvoir élargir son activité, en particulier à de nouvelles zones géographiques. De même, certains pays africains, qui ne sont pas éligibles à l'initiative dite PPTE, qui concerne les pays pauvres très endettés se trouvent confrontés à des difficultés quant à l'allègement de leur dette. Il faut aussi s'intéresser à la mise en place de systèmes de garantie afin de réduire les risques pour les investisseurs extérieurs aux pays africains et, ainsi, de conforter leur souhait de s'implanter durablement sur place.
    Enfin, beaucoup de ces pays sont en proie à des conflits politiques ou militaires majeurs, ce qui rend particulièrement difficile un soutien extérieur, en particulier le nôtre. Nous pourrions songer à mettre en place de nouvelles modalités, avec les autres intervenants bailleurs de fonds, pour subvenir aux besoins de ces pays particulièrement nécessiteux.
    Je veux également insister sur le rôle important que peuvent jouer les collectivités locales dans la coopération de la France avec l'Afrique. S'il est vrai que cette coopération dite décentralisée est de plus en plus dynamique, il existe encore beaucoup de possibilités de l'améliorer. Chacun d'entre nous, dans sa circonscription, peut constater ce désir partagé par l'ensemble des élus locaux de faire plus et mieux. Nous devons donc encourager cette coopération décentralisée, et renforcer la concertation entre nos collectivités locales et l'ensemble des acteurs potentiels : bailleurs de fonds, Agence française de développement et Etat.
    En conclusion, je tiens, après avoir remercié notre ami Jacques Godfrain d'avoir pris cette initiative, à insister sur la nécessité de mettre en oeuvre une aide plus simple et plus lisible, afin de la rendre plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, à deux heures d'avion de Paris, en Afrique, il existe une accumulation d'armes de destruction massive qui sont une menace sans pareil pour notre avenir proche, engendrant de multiples troubles et conflits. Ces armes de destruction massive ne s'appellent pas gaz moutarde, VX, bacille du charbon ou bombes sales, mais pauvreté, maladie, montée des intégrismes, affrontements religieux, explosion démographique, délabrement des services publics, ruine de l'Etat, garant de toute collectivité publique. Cette situation, on le sait, s'est malheureusement généralisée dans nombre d'Etats d'Afrique et elle risque de s'aggraver.
    La croissance démographique - l'explosion démographique même - constitue la cause principale de cette situation. Il ne faut pas être aveugle. En 1950, l'Afrique avait 250 millions d'habitants. A l'époque, on critiquait le manque d'hommes nécessaires au développement. En l'an 2000, elle a dépassé le cap des 800 millions et il y aura plus de 1 250 000 Africains en 2025, c'est-à-dire demain matin, dans des conditions qui deviendront encore plus précaires qu'aujourd'hui. Rappelons que la croissance annuelle, qui est de 2,4 %, signifie que la population double tous les trente ans. Et il y a même des endroits d'Afrique, en Afrique centrale, notamment, où ce taux de croissance est de 3 %.
    Devant une telle situation, devant une telle catastrophe annoncée, comment peut-on comprendre, comment peut-on admettre que la France, ces dernières années, ait délibérément tourné le dos à ce continent à la dérive qui est à notre porte, sur notre palier ?
    Il s'agit d'abord d'une ingratitude sans nom sur le plan humain. Qui ne se souvient, en effet, de cette force noire qui, lors de deux conflits mondiaux, est venue de tout l'empire verser son sang pour notre liberté ? Qui peut ignorer ces Africains, qui, avec leur verve, leur faconde, défendent avec force et enthousiasme notre langue, alors même que des diplomates français excellent à la faire déchoir ? Qui peut ignorer ces Africains qui, à l'ONU, se tournent vers la France ?
    Pire qu'une ingratitude, il s'agit aussi d'une faute. Honte à ceux qui, ces dernières années, ont voulu délibérément larguer l'Afrique, au mépris de notre histoire, de la géographie, de nos intérêts bien compris de grande puisssance ! Dois-je rappeler qu'en 1998, l'aide publique au développement de la France était de 0,64 % du PIB et qu'elle est tombée, avec le gouvernement socialiste, à 0,32 %, ces dernières années ?
    M. Maxime Gremetz. Avant, elle était de 0,70 %.
    M. Jacques Myard. Monsieur Gremetz, vous vous êtes reconnu, je m'en félicite.
    M. Maxime Gremetz. Je vous approuve ! Mais vous avez sauté une étape intermédiaire !
    M. Jacques Myard. On ne peut, dès lors, que se féliciter de voir le Gouvernement décider de la porter à 0,7 % de notre PIB dans les dix ans qui viennent.
    M. Maxime Gremetz. C'est bien le moins !
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'aimez pas être interrompu, alors n'interrompez pas vos collègues !
    M. Jacques Myard. Au-delà du nécessaire redressement quantitatif, il faut redéfinir qualitativement notre aide et notre coopération, en privilégiant, je ne vous le cache pas, des programmes de maîtrise démographique, grâce à l'alphabétisation, notamment des femmes, et au contrôle des naissances. « Quand un enfant ne va pas à l'école, c'est tout un peuple qui ne grandit pas », dit le sage africain.
    Le développement des PME et de l'agriculture est également nécessaire pour fixer sur place des populations qui voient à la télévision les fastes trompeurs de l'Occident et ne souhaitent qu'émigrer.
    Nous devons renforcer notre aide bilatérale ainsi que notre aide de substitution, lorsqu'elle est acceptée, car il faut tout reconstruire. Les belles théories sur l'aide par projet et le multilatéralisme plaisent sans doute aux technocrates, mais elles ne sont plus à la hauteur des enjeux. Elles ont même trop longtemps constitué l'alibi de notre renoncement, comme si la France ne voulait plus être un acteur de son histoire. De surcroît, c'est en agissant en son nom et de manière visible que la France fera comprendre qu'elle n'abandonne pas celles et ceux avec lesquels elle a tant partagé.
    Mon propos serait incomplet si je n'évoquais pas la nécessité de mobiliser les Africains qui vivent chez nous pour cette immense tâche. Je pense d'abord aux cadres que nous formons dans notre pays et qui, trop souvent, restent en France après leurs études.
    M. Michel Voisin. Absolument !
    M. Jacques Myard. Cela n'est pas acceptable !
    M. Michel Voisin. Tout à fait !
    M. Jacques Myard. Il serait utile de mettre en place des aides et des procédures particulières afin que ces personnes puissent contribuer directement au développement de leur pays, tout en leur permettant de conserver des liens avec nous et de revenir en France après être retournés dans leur pays. La France pourrait, par exemple, cofinancer des « plans épargne retour entreprise » ouverts à des cadres installés en France, afin de les aider à créer leur entreprise au pays.
    L'immigration zéro n'existe pas et n'existera jamais. Toutefois il est manifeste que l'aide au développement est l'un des moyens pour combattre l'immigration sauvage et irrégulière qui ne fera que se développer si nous restons passifs.
    Je ne saurais oublier non plus la nécessité de rendre plus cohérente notre aide, encore écartelée entre les comptables de Bercy et vous-même, monsieur le ministre. Il faudra sans doute une révolution pour y arriver, mais il est évident que vous devez l'emporter sur le corporatisme des bureaux, afin d'être le seul maître à bord.
    Le monde connaît aujourd'hui plusieurs zones de fractures géostratégique. La dérive du continent africain est sans doute la plus difficile à maîtriser, car elle ne se prête pas à une action militaire de force. Elle demande que l'on pense à long terme par nous-mêmes et que l'on agisse avec ténacité. Les Africains en sont heureusement conscients, puisque quatre de leurs plus prestigieux chefs d'Etat viennent de lancer le « nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique », le NEPAD. Néanmoins il ne s'agira que d'une déclaration solennelle sans lendemain si nous ne renouons pas avec une politique active de coopération.
    Monsieur le ministre, notre avenir ne se joue pas à Bruxelles dans l'élaboration laborieuse et vaine de directives et de règlements plus abscons les uns que les autres.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. Jacques Myard. Il se joue sur notre flan Sud : mettons-y le cap ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Très bien ! Tu as joué à saute-mouton, mais tu t'es bien repris ! (Rires.)
    M. le président. C'est du Gremetz. (Rires.)
    M. Maxime Gremetz. C'est la vérité !
    M. le président. La parole est M. Pierre Micaux.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Micaux.
    M. Pierre Micaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous estimez sans doute toutes et tous, comme moi, que ce débat était nécessaire. Je tiens donc à remercier M. le ministre de l'avoir accepté et Jacques Godfrain de l'avoir suscité.
    Nous avons entendu de bonnes interventions et je suis particulièrement satisfait que les orateurs, aient su se départir de tout esprit partisan. L'Afrique le mérite. A cet égard, j'ai particulièrement apprécié l'intervention de Mme Martinez. Elle a parlé autant avec son coeur qu'avec sa raison. Ses propos avaient une certaine hauteur.
    Mme Henriette Martinez. Merci !
    M. Pierre Micaux. J'éprouve une affection sincère pour l'Afrique. Je connais bon nombre des pays qui la composent. Je lui témoigne un sentiment presque filial, mais surtout pas de la condescendance. J'aime bien ce continent, sa population, ses hommes et ses femmes.
    Compte tenu de la brièveté du temps qui m'est imparti - cinq minutes que j'essaierai de respecter - je limiterai mon propos à quelques sujets essentiels. J'avais initialement choisi de le centrer sur la formation et l'éducation.
    Il me suffira de dire qu'on estime, dans le monde, à 120 millions le nombre d'enfants de six à douze ans qui ne sont pas scolarisés, dont un tiers en Afrique. Dans le programme EPT, « Education pour tous », la France assume sa part puisqu'elle y consacre entre 300 et 350 millions de francs. Mais elle doit encore accroître son effort. Actuellement, il représente 0,33 % du PIB. Il faudrait, comme le souhaite notre Président de la République, le porter à 0,5 %, ce qui ne représenterait jamais que 50 milliards par rapoprt à un produit intérieur brut de 9 500 milliards : cela n'est pas considérable. Je sais bien que nous n'avons pas que cet aspect à prendre en compte, mais il faut toujours relativiser les choses et les situer dans leur vérité.
    Bien évidemment, nous devons également faire porter notre effort sur l'enseignement universitaire et l'accueil des étudiants africains en France. Actuellement, force est de constater que les étudiants africains privilégient l'anglophonie.
    Mme Henriette Martinez. C'est vrai !
    M. Pierre Micaux. Il nous appartient de défendre la francophonie en incitant ces jeunes à venir dans nos universités.
    Mme Henriette Martinez. Tout à fait !
    M. Pierre Micaux. Pour leur en donner les moyens, il faudrait, monsieur le ministre, accroître le nombre et le montant des bourses. Cela me paraît très important.
    Mme Henriette Martinez. Très bien !
    M. Pierre Micaux. Il n'est pas question de déclarer forfait, loin de là. La France est actuellement en deuxième position, derrière l'Angleterre, avec 196 000 étudiants africains contre 220 000. Nous devons mener une politique active de recrutement, tout particulièrement dans le domaine de la recherche et mettre l'accent sur le troisième cycle et l'accueil des jeunes docteurs. Voilà pour l'éducation et la formation. Le règlement m'impose d'être bref.
    En tant que président d'un syndicat départemental des eaux, je m'inquiète, je souffre même, de savoir qu'il y a de par le monde 1,2 milliard de personnes qui n'ont pas d'eau potable, ni, bien sûr, d'assainissement. C'est purement et simplement dramatique ! Comparons : plusieurs centaines de millions de morts, y compris des jeunes, des enfants, des tout-petits, qui meurent de soif, tandis que, actuellement, nous nous inquiétons des morts en Irak, 10 000 à 15 000 peut-être. C'est toujours trop. Je m'incline devant ces morts, mais je m'incline encore plus bas devant les centaines de millions d'enfants et d'adultes qui meurent de soif. Nous devons toujours relativiser les situations.
    Le dernier point, que je ne peux pas résister à aborder, puisque je suis un ancien forestier, et que je le resterai toujours dans l'âme, c'est la déforestation. Je ne parlerai pas de l'Amazonie, seulement de l'Afrique. Arrêtons la déforestation, mettons fin à la gestion outrancière et malheureuse des forêts africaines. J'ai une suggestion à vous faire à ce sujet. Lorsqu'on sait qu'il faut, pour « fabriquer » un acajou, ou un okumé, deux ou trois siècles, on voit l'intérêt que représenterait la mise en place de ce que j'ai moi-même baptisé un Office africain de la forêt. Je pense que l'ONF pourrait contribuer à sa constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.
    M. Christian Vanneste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la coopération internationale décentralisée est au coeur du débat sur le renforcement des politiques de coopération et de développement, notamment en Afrique. Depuis vingt ans, des collectivités territoriales, l'Etat et l'Union européenne se sont engagés de façon pragmatique vers cette forme nouvelle de relation internationale. Les opérateurs de la société civile - les associations - ont joué un rôle moteur dans cette nouvelle dynamique. Aujourd'hui, l'intérêt porté en France par les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile à une consolidation des politiques nationales et communautaires en matière de codéveloppement et de dialogue est fondamental.
    Alors que l'engagement humanitaire semble marquer le pas, cette nouvelle forme de solidarité internationale est apparue, depuis peu finalement, au niveau des collectivités locales. Encore peu connues, ces initiatives concernent pourtant quantité de villes françaises. Aux côtés de communes défavorisées des pays du Sud, les municipalités engagent des projets de développement qui prévilégient le partenariat et l'action à long terme. Pour les acteurs impliqués, ces programmes constituent une véritable école de l'engagement, qui pourrait bien être à l'origine d'une mondialisation - il est dommage que M. Gremetz soit parti ! - des mouvements de solidarité civique.
    Les lois de décentralisation française de 1982 ont indirectement joué un rôle important dans l'essor de la co-opération décentralisée en créant un climat propice au développement des actions extérieures des collectivités locales françaises. Fidèles à leur mission de développement local, ces collectivités coordonnent une multiplicité d'initiatives, auxquelles elles apportent un surcroît de crédits nationaux et internationaux - notamment européens - mais aussi de la cohérence, de la crédibilité et de l'efficacité.
    La reconnaissance de l'action internationale des collectivités locales est donc renforcée. Ainsi, le titre IV, consacré à la coopération décentralisée, de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République reconnaît juridiquement le droit aux collectivités locales françaises de conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France. Les possibilités ainsi ouvertes ont été mises en oeuvre, notamment par Jacques Godfrain, et vous avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, votre attachement à cette politique lors de la séance plénière de la Commission nationale de la coopération décentralisée le 13 mars dernier.
    Je remarque que la totalité des régions françaises, la moitié des départements et la grande majorité des grandes villes et des villes moyennes soutiennent aujourd'hui près de 6 000 programmes internationaux dans pas moins de 114 pays, dont de nombreux pays africains. Le financement apporté par les collectivités locales entraîne l'octroi d'aides parfois importantes de l'Union européenne ou de l'Etat français, qui a versé cette année 69,7 millions de francs, c'est-à-dire presque 11 millions d'euros, pour 319 projets, ce qui correspond à une progression du budget de 62 % depuis 1994. Tous crédits confondus, l'engagement financier des collectivités territoriales à l'action internationale se monterait aujourd'hui à près de 230 millions d'euros.
    Ma circonscription est d'ailleurs un assez bel exemple de l'implication des communes françaises dans la coopération décentralisée puisque, sur six communes, cinq la pratiquent, dont trois depuis fort longtemps : Bousbecque, Linselles et Roncq. J'insiste d'ailleurs sur le fait que les communes les plus impliquées sont les plus modestes et ce n'est pas le fruit du hasard : avoir affaire à des communes à taille humaine favorise les relations humaines et rend plus facile la coopération décentralisée.
    M. Jacques Godfrain. C'est vrai !
    M. Christian Vanneste. Je citerai deux exemples pour le démontrer.
    Tout d'abord, le jumelage de la commune de Linselles avec les villes de Willich en Allemagne et de Zogoré au Burkina Faso a permis depuis quinze ans de nombreuses réalisations : la mise en place de nombreux points d'alimentation en eau potable dans cette région aride de la zone sahélienne, l'implantation de banques de céréales dans de nombreux villages et surtout la construction de neuf écoles qui accueillent les enfants du département de Zogoré.
    Deux remarques incidentes. D'abord, ces projets correspondent bien aux axes que vous-même, monsieur le ministre, avez définis tout à l'heure : l'assainissement notamment et la lutte contre l'analphabétisme. Ensuite, ce jumelage constitue en quelque sorte un modèle de coopération triangulaire dans lequel deux villes européennes jumelées en aideraient une troisième située en Afrique.
    Second exemple : la ville de Roncq, par l'intermédiaire de l'Association pour l'aide au développement de Sélinkégny, essaie depuis vingt ans de promouvoir des projets de développement économique, sanitaire et culturel dans ce village du Mali. Ont ainsi été creusés plusieurs puits et a été créée une coopérative dont l'activité consiste à stocker des denrées alimentaires. Cette coopération emprunte le chemin exactement inverse de ce qu'on pourrait appeler le « sentier des éléphants blancs ».
    Loin de se limiter à un simple transfert de compétences, la coopération décentralisée constitue bien plutôt un partenariat mutuellement profitable. S'apparentant davantage à une école de la citoyenneté et de l'action, elle permet à ceux qui s'y impliquent de gagner une expérience de l'action collective sans laquelle il leur serait difficile de s'engager ou de prendre une responsabilité publique. Les communautés défavorisées deviennent ainsi les médiateurs grâce auxquels les intervenants du Nord prennent conscience de leur propre capacité à agir pour les autres, mais aussi pour eux-mêmes.
    En France, cependant, la coopération décentralisée semble aujourd'hui stagner. La fracture sociale et le chômage, qui obligent les collectivités à recentrer leurs initiatives au niveau local, sont bien sûr la source principale de ce blocage. La coopération décentralisée, pourtant, ne devrait pas être appréhendée en seuls termes financiers, car elle apporte aussi son lot d'enrichissement humain. Il est aujourd'hui nécessaire de lui donner une impulsion nouvelle. On peut imaginer, par exemple, un nouvel effort du Gouvernement, qui à la fois inciterait une implication plus grande de nos collectivités territoriales et rationaliserait davantage cette coopération.
    On peut notamment penser à une concentration plus forte des moyens sur certaines régions. Il y a ainsi des exemples pertinents de coopérations gigognes, où des communes d'un même département ou d'une même région de notre pays pratiquent une coopération décentralisée avec des communes elles-mêmes situées dans une même région d'un pays africain, permettant ainsi l'intervention du département ou de la région française. C'est le cas de la région Nord - Pas-de-Calais, avec le cercle de Kayes, au Mali, ou encore le département de l'Ille-et-Vilaine, avec le cercle de Mopti, également au Mali. Il est évident que ce type de coopération est doublement nécessaire, lorsqu'il vise des régions fortement marquées par l'immigration, comme c'est le cas du cercle de Kayes au Mali, par exemple.
    Développement économique, solidarité, et reconnaissance des uns et des autres, sont les objectifs poursuivis par la coopération décentralisée, qui doit être l'un des axes majeurs de notre action en faveur de l'Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Voisin.
    M. Michel Voisin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans le contexte international que nous savons que s'ouvre ce débat particulièrement important sur l'aide au développement. En regardant défiler les images de la guerre en Irak et le dénuement de la population iraquienne, nous ne pouvons qu'être interpellés sur le sens et les moyens qu'il nous appartient de mettre en oeuvre pour que l'aide au développement, à laquelle nous tenons, devienne effective non au profit de quelques-uns, mais au bénéfice des femmes et des hommes qui vivent dans les pays auxquels elle est destinée.
    Aujourd'hui, encore plus qu'hier, nous nous devons de veiller à ce que les efforts que nous consentons en faveur des pays qui en ont besoin ne soient pas, comme cela a été trop souvent le cas par le passé, détournés par une poignée de dirigeants pour la satisfaction de leurs besoins propres, voire de leur mégalomanie. L'aide au développement doit non seulement être dirigée vers des pays en difficulté économique, mais aussi s'adresser prioritairement à ceux répondant à certains critères démocratiques, gages d'une plus juste répartition sur les populations des retombées qu'elle sera à même de générer.
    Telle était et doit demeurer la conception française de l'aide au développement, autrefois baptisée politique de coopération, à une époque où les relations multilatérales n'avaient pas encore pris le pas sur les relations bilatérales. S'il reste essentiel de grouper les efforts des pays économiquement développés afin de créer des synergies et éviter ainsi la multiplication et l'empilage, voire la surenchère des structures nationales, il n'en demeure pas moins vrai que nous nous devons aussi de faire en sorte que ce changement de dimension ne crée pas une dilution de la nature des aides et surtout des principes devant présider à l'aide au développement.
    L'aide au développement couvre plusieurs secteurs géographiques, dont certains apparaissent aujourd'hui plus largement sinistrés que d'autres. Un bref regard sur l'état de l'économie mondiale et des différents continents suffit à démontrer que la théorie des géographes concernant la tectonique des plaques trouve aujourd'hui des prolongements dans les domaines économiques, culturels, sociaux et politiques alors que le fossé se creuse année par année entre les continents. Nous voyons bien à ce jour qu'un continent avec lequel la France a toujours entretenu des liens forts se trouve à la dérive, je veux naturellement parler de l'Afrique.
    La France, « mère des droits de l'homme », ne peut accepter sans rechigner la notion « d'afro-pessimisme » qui tend à se dessiner et à prendre corps dans les institutions internationales. Nous ne pouvons accepter l'idée d'une quelconque résignation qui reviendrait à considérer que le déclin de ce continent est inéluctable. Bien au contraire, il appartient à notre pays et à ses représentants d'afficher une solidarité active avec l'Afrique dans les différentes instances internationales pour éviter que le monde développé ne se désintéresse de ce continent et pour que l'aide au développement soit au minimum maintenue à un niveau de suffisance et au mieux augmentée de façon à ancrer durablement ce continent si attachant dans le développement. Participer à la solidarité internationale, indispensable dans une époque de mondialisation des échanges, constitue pour nous une sorte de responsabilité morale.
    L'Afrique traverse aujourd'hui une profonde crise, touchant à l'ensemble des facteurs structurants des Etats. Certes les bailleurs de fonds internationaux se sont portés avec gravité à son chevet. Toutefois, la froideur technocratique des remèdes prescrits par le FMI, la Banque mondiale et l'Europe ne semble pas toujours adaptée à une réalité africaine pragmatique si éloignée des superbes concepts théoriques que l'on entend lui appliquer. En effet, comment intégrer et adapter les impératifs de production, d'investissements à long terme, d'exportation et d'importation alors que trop souvent l'horizon est limité par le nombre de jours de marche, voire de taxi-brousse, qui séparent les lieux de production agricole ou autres de la capitale ou mieux encore du port à partir duquel les produits peuvent avoir une chance d'être chargés pour obtenir des débouchés ? Comment passer du troc qui constitue aujourd'hui encore l'essentiel des échanges économiques en brousse aux sociétés d'import-export ? Il y a là, à n'en pas douter, un terrain privilégié de l'aide au développement.
    J'aurais voulu parler des infrastructures de transport, du développement économique, du développement en matière sanitaire et sociale mais je me concentrerai ici sur le développement culturel sans lequel les actions que j'ai évoquées seraient de peu d'utilité. Le taux d'analphabétisme en Afrique est l'un des plus élevés de la planète. Il ne s'agit pas seulement de former des élites capables de faire bonne figure dans les dîners en ville et de discuter d'égal à égal avec les technocrates de Bruxelles, de Washington et de Paris, mais aussi et surtout de revenir à une conception peut-être plus simpliste de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, sans négliger bien sûr des formations professionnelles.
    Ensuite, l'action en faveur du développement ne saurait se limiter à sa seule composante économique. Elle fait partie d'un tout et relève par conséquent d'une politique globale dont le développement démocratique ne saurait être absent. Nous pouvons mesurer, au gré des événements qui perturbent la vie politique africaine, combien cette dimension est importante.
    Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, j'ai représenté notre assemblée à la réunion des pays de la communauté économique des Etats d'Afrique centrale. Il m'avait été demandé de parler d'un thème à la mode - la bonne gouvernance - et de la lutte contre la corruption. Je l'ai fait avec beaucoup d'humilité, nos vieilles démocraties sachant ce qu'il en est. Là aussi, il me paraît nécessaire - et je m'adresse à notre président - de développer des relations beaucoup plus fréquentes et beaucoup plus serrées avec ces pays qui, s'interrogeant sur la manière de mettre en place la nouvelle démocratie, nous demandent notre aide.
    M. Richard Cazenave. Absolument ! Notre assemblée a un rôle à jouer en la matière.
    M. Michel Voisin. Je dirai enfin quelques mots de l'importance, à côté du rôle des acteurs institutionnels, de l'action des organisations non gouvernementales. Leur présence permanente et volontaire sur le terrain, au plus près des besoins exprimés par les populations, leur donne une connaissance précise de la réalité du travail quotidien. Il est indispensable, monsieur le ministre, que vous sachiez les écouter car elles constituent le lien essentiel entre les pays que nous devons aider à se développer et nos socités de bien-être. Qu'il me soit permis, pour terminer, de remercier Jacques Godfrain d'avoir demandé ce débat et vous, monsieur le ministre, de l'avoir organisé et accepté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord remercier toutes celles et tous ceux qui se sont exprimés au cours de ce débat, à la suite de Jacques Godfrain qui en avait pris l'initiative. Beaucoup de sujets ont été évoqués, de nombreuses observations intéressantes ont été faites et plusieurs points de convergence méritent d'être relevés.
    Chacun s'accorde évidemment sur l'importance de la place que nous devons accorder à la politique de développement et de coopération en direction de l'Afrique notamment, et sur la nécessité de faire mieux et davantage. Il en est de même sur le rôle prééminent que les femmes, et particulièrement sur le continent africain, ont à jouer pour lui donner toutes chances de surmonter ses difficultés, sur le poids souvent très lourd, qu'il leur faut supporter, mais aussi sur les espoirs dont elles sont porteuses et sur la nécessité d'orienter les politiques de développement en leur faveur. Tout cela, Mme Martinez l'a fort bien rappelé.
    Il en est de même sur la nécessité de favoriser l'éducation, tout comme le développement agricole, à la base, sans pour autant négliger la protection de l'environnement et la préservation des ressources naturelles. C'est tout le contenu de ce qu'il est désormais convenu d'appeler le développement durable. A cet égard, les interventions de MM. Schneider, Herth et Micaux, que j'ai écoutées attentivement, contenaient nombre d'éléments intéressants qui emportent évidemment l'adhésion du Gouvernement.
    J'ai également entendu bien des observations très constructives sur le renforcement souhaitable de la coopération décentralisée où il convient tout à la fois de préserver la liberté d'initiative des collectivités territoriales françaises et de favoriser la mise en commun des expériences que celles-ci conduisent grâce au réseau des postes diplomatiques dans les pays concernés, quitte éventuellement à mettre au point des mécanismes incitatifs pour encourager ces collectivités à conjuguer leurs efforts pour devenir encore plus efficaces. M. Herth et M. Vanneste notamment se sont exprimés très précisément dans ce sens. M. de Saint-Sernin a de son côté insisté sur la nécessité de rendre notre coopération plus transparente, plus efficace mais également plus simple. Ses remarques nous seront très utiles.
    Permettez-moi de vous soumettre quelques-unes des observations que m'inspirent les sujets abordés au cours de ce débat.
    En ce qui concerne le volume de notre aide publique au développement, les interventions de M. Gremetz et de M. Sicre m'obligent à une mise au point. Je n'ai évidemment aucune envie de caricaturer les choses, mais seulement de rappeler une réalité que plusieurs orateurs, au demeurant, ont rappelée avant moi. Au début des années 1990, notre aide publique au développement avait atteint un niveau supérieur à 0,6 % du PIB, valeur de référence internationale. Précisons que ce chiffre résulte d'un calcul effectué non par les pays intéressés, qu'il s'agisse de la France, de la Grande-Bretagne ou d'autres, mais par le comité d'aide au développement de l'OCDE, en respectant toujours les mêmes critères. Ses chiffres peuvent donc être considérés comme objectifs. Nous étions donc, au plus haut de la courbe, aux environs de 0,6 % et encore à un peu plus de 0,5 %, au début de la précédente législature. Or le dernier chiffre officiel connu, rendu public par le comité d'aide au développement de l'OCDE, n'est plus que de 0,32 % pour l'année 2001.
    Autrement dit, l'effort de la France en matière d'aide publique au développement se sera réduit de près de 50 % en cinq ans. Par conséquent, messieurs, je veux bien entendre tous vos conseils et vos appels à renforcer notre aide publique au développement, conformément du reste à l'engagement pris par le Président de la République et que le Gouvernement a pour mission d'appliquer, mais je vous demande de faire preuve à tout le moins de lucidité et de reconnaître qu'une pente a été descendue, qu'il s'agit maintenant de la remonter...
    M. Maxime Gremetz. J'ai une question à vous poser, monsieur le ministre...
    M. le président. Monsieur Gremetz, laissez le ministre répondre à l'ensemble des orateurs. Vous interviendrez ensuite.
    M. Maxime Gremetz. C'est seulement à propos d'un chiffre !
    M. le président. Allons, monsieur Gremetz ! Nous ne sommes pas dans un débat budgétaire !
    M. Maxime Gremetz. C'est seulement pour que le débat soit clair, monsieur le président !
    M. le président. Je crois qu'il l'est suffisamment, monsieur Gremetz.
    Mme Henriette Martinez. On ne peut plus clair !
    M. Maxime Gremetz. Non, pas si clair que ça. Ma question est la suivante, monsieur le ministre...
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez pas la parole !
    M. Maxime Gremetz. L'outre-mer est-il pris en compte dans votre calcul de l'aide au développement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le député, je reprends les chiffres publiés par un organisme international...
    M. Maxime Gremetz. Mais prennent-ils en compte l'outre-mer ?
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Ça n'a rien à voir !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Plus maintenant. Au demeurant, même en enlevant l'outre-mer, la différence ne change rien au fait que la décroissance de notre aide publique au développement est, hélas ! avérée. Loin de moi l'idée d'en faire un prétexte à polémique : je dis simplement que nous avons suivi une pente descendante et qu'il nous faut la remonter.
    Vous avez également posé la question des dettes dont le poids représente effectivement, pour les pays pauvres, un handicap considérable. Or la France, dans ce domaine, a été en avance par rapport à bien d'autres, organisations internationales comprises, puisqu'elle a annulé la totalité des dettes des pays dits, par euphémisme, les moins avancés - en fait, les pays les plus pauvres. Nous allons donc bien dans le sens que vous souhaitez.
    M. Sicre, au tout début de son intervention, s'est interrogé sur l'opportunité de ce débat. Je crois pour ma part qu'il tombe bien, ne serait-ce que pour une raison qu'il a lui-même évoquée : la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement du G8 qui se tiendra très prochainement, dans six semaines, à Evian. M. Sicre m'a du reste interrogé sur les principaux sujets qui allaient être traités lors de cette réunion et sur ceux que la France a proposé d'inscrire à l'ordre du jour. Je lui répondrai un peu plus loin.
    Ajoutons que les événements tragiques qui se déroulent en ce moment même au Proche-Orient, et particulièrement en Irak, ne sont pas sans lien avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui. La gravité de la situation et la nécessité de mobiliser la communauté internationale pour la reconstruction, par exemple, de l'Irak, doit-elle entrer en compétition et jouer au détriment de l'effort que doit mener cette même communauté internationale en faveur de l'Afrique conformément à la thèse que nous défendons ? Raison de plus, me semble-t-il, pour réaffirmer la priorité dont, nous en sommes convaincus, le développement de l'Afrique doit continuer à bénéficier...
    M. Richard Cazenave. Très bien !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophinie. ... et qui doit notamment se traduire par la réalisation du plan d'action pour l'Afrique, annoncé l'année dernière par le même G8 lors de sa précédente réunion à Kananaskis.
    Je profite également de l'occasion pour donner à M. Sicre quelques indications sur l'aide budgétaire. J'ai cru l'entrendre parler d'un retour à certaines anciennes méthodes de coopération, parmi lesquelles cette tendance à se servir finalement de l'aide budgétaire pour faire, comme on disait autrefois, « les fins de mois » de certains pays. Sur ce point, je veux le rassurer totalement : les crédits inscrits dans le budget pour 2003 au fonds de solidarité prioritaire, lequel finance exclusivement des projets concrets ou des programmes identifiés et contrôlés, ainsi que les fonds gérés par l'Agence française de développement suivant les mêmes principes, s'élèvent, en crédits de paiement, à 250 millions d'euros. Les crédits d'aide budgétaire ne représentent quant à eux, en tout et pour tout, que 33 millions d'euros. Le temps est bien passé où l'on versait des subventions sans se préoccuper de savoir à quoi elles seraient affectées. Cette période est heureusement révolue et M. Sicre peut avoir toutes assurances sur ce point.
    Je n'aurai pas la prétention de vouloir traiter aujourd'hui, car cela prendrait trop de temps, de la question fondamentale posée par M. Dionis du Séjour sur le cadre dans lequel la coopération - celle de notre pays, mais également des autres, sans oublier les grandes institutions - doit intervenir sur le continent africain. C'est tout le problème de l'Etat nation et il n'est pas question de refaire l'histoire. Des frontières avaient été définies par la colonisation, en fonction de critères qui sont ce qu'ils sont. Au moment de leur indépendance, les Etats africains ont insisté sur la nécessité de ne pas y touche pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore et entraîner une remise en cause générale de ces limites, quelque artificielles qu'elles puissent être. Tout le problème est de savoir comment surmonter les difficultés, voire les contradictions nées de la non-conformité de ces frontières nationales arbitrairement tracées avec les limites traditionnelles, ethniques et culturelles. Il y a deux moyens de le résoudre.
    Le premier, c'est le traitement au niveau régional ou plutôt, comme on dit, « sous-régional » : l'Afrique étant considérée comme une région, les organisations regroupant plusieurs pays sont dites sous-régionales. C'est bien du reste un des principes directeurs du NEPAD - je préfère utiliser cette appellation, désormais entrée dans les moeurs, même si l'un d'entre vous m'a fait observer que l'on devrait dire « NOPADA », nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.
    En principe du NEPAD, disais-je, consiste bien à s'appuyer sur cette dimension régionale dans la mesure où elle permet précisément de dépasser les clivages, parfois artificiels, entre pays et d'aborder les problèmes à leur véritable niveau qui souvent dépasse les frontières étroites des Etats nationaux. Cette première démarche me paraît très positive. Nous faisons de même pour ce qui touche à notre politique de coopération et de développement en favorisant systématiquement les programmes de développement à l'échelle de plusieurs pays, ce qui, du coup, incite les Etats concernés à concevoir des projets en commun.
    Il existe un second moyen : c'est la décentralisation qui permet de se rapprocher des communautés et de leur donner la possibilité de se gérer elles-mêmes à leur niveau, à l'instar de ce que nous connaissons dans nos communes, départements et régions.
    Je voudrais, enchaînant sur une autre observation de M. Dionis du Séjour, rejoint par plusieurs autres intervenants, dont M. André Schneider, insister sur la nécessité d'adopter une méthode de travail fondée sur une évaluation permanente de nos actions. On ne saurait pour autant négliger l'importance d'un réel partenariat avec les divers interlocuteurs et acteurs du développement, qu'il s'agisse des autres pays ou des organisations inernationales spécialisées dans le développement, au premer rang desquels la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, le programme des Nations unies pour le développement, les organisation spécialisées en matière sanitaire, sans oublier les organisations non gouvernementales, les collectivités locales, le secteur privé, les instituts de recherche. Ces méthodes sont de plus en plus à l'ordre du jour et l'on ne peut que s'en réjouir.
    J'en reviens à la question des priorités qui pourraient être retenues lors du G8, à Evian, dans six semaines. La présidence de ce G8 sera assurée par la France. Quelles positions entend-elle défendre ?
    D'ores et déjà, vous le savez, la France a inscrit l'Afrique parmi les éléments majeurs de « l'agenda d'Evian », autrement dit à l'ordre du jour de ce G8.
    Le Président de la République, M. Chirac, a par ailleurs invité plusieurs chefs d'Etat africains, notamment ceux qui sont à l'origine du projet NEPAD, à participer à une journée particulière consacrée à ce sujet afin qu'un dialogue concret puisse s'engager entre les chefs d'Etat et de gouvernement des pays industrialisés les plus riches du monde et les dirigeants des pays africains.
    Enfin, la France a proposé de concentrer les discussions sur quelques thèmes majeurs : la santé, en particulier le sida, l'eau, à travers le rapport de Michel Camdessus dont j'ai parlé tout à l'heure, les infrastructures, dans le cadre du projet NEPAD, et l'accès des productions agricoles africaines aux marchés internationaux - je vous ai résumé tout à l'heure les trois éléments de la proposition présentée par le Président de la République française sur ce sujet.
    Tels sont les axes principaux qui formeront l'essentiel des discussions du G8 sur l'Afrique à Evian.
    Mme Martinez m'a interrogé sur la façon dont nous entendions orienter notre politique et mobiliser nos moyens en direction des femmes. Sa question porte en fait sur la contribution française au fonds des Nations unies pour la population, le FNUAP. Rappelons au préalable que le renforcement de l'aide au développement que nous entreprenons aujourd'hui s'étalera sur toute la durée de la législature. Tout ne vient pas évidemment d'un coup. Les moyens que nous engageons iront, nous l'espérons, en s'accroissant régulièrement d'année en année, particulièrement dans les domaines où nous avons un retard à rattraper. Tel est le cas en particulier des contributions volontaires à nombre d'organisations ou de fonds internationaux. Ainsi en est-il du FNUAP, qui a reçu cette année de la France une contribution - volontaire - de 1,2 million d'euros. Il mériterait naturellement davantage ; malheureusement, nous n'avons pas pu faire mieux.
    Au total, les contributions volontaires françaises aux divers fonds s'élèvent à 48,8 millions d'euros pour 2003. Dans plusieurs domaines, nous devrions pouvoir les abonder significativement et nous hisser à un rang plus conforme à notre vocation. Il nous faudra, je veux l'espérer, nous y attacher à l'occasion des prochains exercices budgétaires.
    M. Myard, à très juste titre, a appelé notre attention sur la nécessité d'aider les pays du continent africain à maîtriser leur démographie. Cela suppose d'agir dans toute une série de domaines, à commencer par celui de l'alphabétisation. L'alphabétisation des filles notamment exige d'importants efforts, particulièrement dans certains pays où les traditions ne considèrent pas l'éducation des jeunes filles comme une priorité.
    Je signale, à cet égard, des expériences intéressantes que nous soutenons dans des pays de culture islamique, par exemple avec nos amis et partenaires tunisiens, avec qui nous avons imaginé des coopérations triangulaires pour lesquelles nous fournissons, outre un soutien financier, diverses aides, notamment en matière de programmes, nos partenaires tunisiens fournissant des enseignantes ou éducatrices, qui pour des raisons culturelles ou religieuses sont plus facilement écoutées, sur place, par les familles. Toutes les démarches de ce genre sont intéressantes et doivent être encouragées. C'est aussi, bien entendu, le cas de l'information et de la sensibilisation des femmes ainsi que du développement des systèmes de santé sur le terrain.
    Il faut, par ailleurs, tenir compte du fait que la démographie d'un certain nombre de pays va être gravement affectée par le sida. Dans certains pays, en effet, ou dans certaines régions de ces pays, les démographes prévoient déjà une baisse de la population liée au sida qui, quand il atteint des taux de prévalence de 50 %, 60 %, voire 70 % dans certaines régions, a sur la démographie d'évidents effets dévastateurs. Cette maladie, qui touche, précisément, les populations actives, et souvent les femmes et les hommes jeunes, formés, dans des milieux urbains, va, pratiquement, décapiter une génération. La démographie est donc un problème extrêmement sensible, auquel il faut s'intéresser de très près.
    M. Micaux a, tout à l'heure, évoqué, parmi d'autres sujets, l'accueil des étudiants, dont nous n'avons pas, en effet, beaucoup parlé ce matin, et qui mériterait un plus long débat. Pour de nombreuses raisons, liées notamment à la forte réduction du nombre de visas délivrés, le nombre des étudiants accueillis en France - avec ou sans l'aide du système des bourses - avait baissé. Nous sommes en train de remonter la pente. Après avoir dépassé le niveau de nos voisins et amis allemands, nous nous rapprochons de celui des Anglais, qui sont en tête en Europe dans ce domaine, et notre intention est bien de poursuivre dans cette voie.
    Mais nous rencontrons bien des difficultés. Comment répartir les demandes, qui sont nombreuses, selon la provenance des étudiants ? Comment, en outre, offrir à ces étudiants un accueil correct et un logement convenable alors qu'il y a, en la matière, un goulet d'étranglement : il faut que nous nous y attaquions.
    M. Micaux a, dans un tout autre domaine, appelé l'attention sur la nécessité de protéger les forêts africaines. C'est judicieux. L'un des grands projets évoqués à Johannesburg lors du sommet mondial sur le développement durable, qui a toutes les chances d'être l'un des premiers à être testé dans le cadre du NEPAD, est précisément un projet d'aménagement et de préservation des massifs forestiers du Congo, lesquels sont, après l'Amazonie, le deuxième « poumon vert » de la planète. Sans être encore en danger, il a déjà subi des atteintes, si bien que l'on a pris conscience de la nécessité de s'en préoccuper sérieusement. La France joue un rôle actif, avec les Etats-Unis, la Banque mondiale et bien d'autres partenaires ; dans l'élaboration d'un programme associant les différents pays riverains du Congo.
    Je n'ai certainement pas évoqué tous les sujets abordés par les orateurs qui se sont succédé et je prie l'Assemblée de bien vouloir m'en excuser.
    Pour « boucler la boucle », en quelque sorte, je voudrais revenir au sujet traité en introduction par M. Jacques Godfrain, à savoir le codéveloppement et les techniques, parfois très simples, à mettre en oeuvre pour favoriser le développement d'un tissu d'activités économiques, petites mais qui devenues par la suite moyennes peuvent se révéler extrêmement positives.
    Je retiens l'idée d'un livret ou d'un plan d'épargne développement. Il n'est d'ailleurs pas indispensable d'inventer un système complexe nouveau. On pourrait ouvrir les instruments existants - livret A, CODEVI - dans cette direction nouvelle. Cela suppose des discussions avec le réseau bancaire pour en obtenir l'accord et aussi des facilités. Cela suppose probablement aussi la mise au point de quelques systèmes et de quelques moyens propres à assurer des garanties financières.
    C'est une piste intéressante sur le plan économique et qui peut également s'avérer extrêmement positive sur le plan social, puisque le tissu humain formé par les communautés originaires d'Afrique, qui vivent souvent durablement dans notre pays, pourra établir des liens profitables avec les pays d'origine. Je retiens donc cette idée.
    A titre de conclusion, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais vous dire que la tâche qui nous attend en matière de développement est à la fois urgente et considérable, mais qu'elle n'est pas hors de portée. La France, dans ce domaine, pour une foule de raisons qui ont été évoquées ce matin, fait preuve d'une motivation particulière : tout le monde peut le constater et, sur le plan international, ce message est reçu positivement - au reste, il n'y a pas que la France : d'autres pays se mobilisent ou doivent être mobilisés.
    On mesure dès lors toute l'importance de débats comme celui que nous avons eu ce matin : par-delà les propos tenus dans les enceintes internationales classiques, ils contribuent à mobiliser les médias nationaux, et à travers eux l'opinion française, qui doit comprendre à quel point tout se tient dans le monde actuel et à quel point nous sommes directement concernés par ce qui se passe sur le continent africain. Cela est vrai, bien entendu, dans d'autres parties du monde, mais l'Afrique reste pour nous un interlocuteur privilégié.
    Je ne nie pas qu'il y ait des problèmes, mais ce sont toujours eux que l'on met en avant selon la loi médiatique qui veut qu'on ne parle que de ce qui va mal ou des événements « chocs ». Pourtant, il y a aussi des éléments positifs ! Gardons-nous de sombrer dans l'« afro-pessimisme », et de penser que l'ensemble du continent est affecté par des guerres et des maladies et que rien n'y sera jamais possible. Ce découragement-là est sans doute l'ennemi le plus redoutable.
    Il y a aussi en Afrique, je peux en témoigner puisque mes fonctions m'amènent à m'y rendre très souvent, des pays où les choses vont mieux et où l'on accomplit de sérieux progrès. Le taux de croissance de certains atteint parfois à 6 % par an. La liberté de la presse y est assurée, on n'y arrête personne injustement et l'équipe dirigeante fait des efforts sérieux pour lutter contre la corruption.
    Le bilan est contrasté. Ne nous laissons pas influencer par les images de ce qui ne va pas : cela nous découragerait mais surtout découragerait nos partenaires africains, qui ont besoin, au contraire, de se sentir soutenus et salués dans leurs initiatives.
    Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, d'avoir consacré cette matinée à ce débat, qui, je pense, contribuera efficacement à renforcer les efforts que nous faisons en faveur du développement de l'Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la participation à l'aide au développement en Afrique.

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 554, autorisant la ratification de la convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international :
    M. Christian Philip, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 675).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 555, autorisant la ratification du protocole coordonnant la convention internationale de coopération pour la sécurité de la navigation aérienne « Eurocontrol » du 13 décembre 1960 suite aux différentes modifications intervenues :
    M. Christian Philip, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 675).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 16, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, la fortune, les successions et les donations :
    M. Jacques Godfrain, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 672).
    (Procédure d'examen simplifiée : art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 520, autorisant l'approbation de la Convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise :
    M. Jacques Godfrain, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 767).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 336, autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques :
    M. Michel Destot, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 673).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 272, autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France :
    M. Richard Cazenave, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 637).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 342, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres) :
    M. Jean Glavany, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 676).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du règlement).
    Discussion du projet de loi, n° 338, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n°s 338-674) :
    M. Henri Sicre, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 674).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du règlement).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 552, autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Montréal le 17 septembre 1997 ; du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 553, autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté à Pékin le 3 décembre 1999 :
    M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 766).
    (Discussion générale commune)

(Procédure d'examen simplifiée ; art. 106 du règlement)

    Discussion du projet de loi, n° 611, portant transposition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau :
    M. André Flajolet, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 763).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT