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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 30 AVRIL 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 29 avril 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

DÉREMBOURSEMENT DE MÉDICAMENTS «...»

Mme Janine Jambu, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

LAÏCITÉ «...»

MM. François Baroin, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

SITUATION ÉCONOMIQUE «...»

MM. Jean-Marc Ayrault, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SURENDETTEMENT «...»

MM. Jean-Christophe Lagarde, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

LOI DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE «...»

MM. Claude Goasguen, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

POLITIQUE PÉNALE ET RÉINSERTION «...»

Mme Christine Boutin, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

DÉREMBOURSEMENT DE MÉDICAMENTS «...»

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

POLITIQUE FAMILIALE «...»

Mme Martine Aurillac, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE «...»

MM. Philippe Cochet, M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

DÉCENTRALISATION À L'ÉDUCATION NATIONALE «...»

MM. David Habib, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

GARDE D'ENFANTS «...»

MM. Patrick Delnatte, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.

PRÉSIDENCE FRANÇAISE D'EURÊKA «...»

Mmes Nathalie Kosciusko-Morizet, Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

2.  Simplification et codification du droit. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi «...».
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
M. Etienne Blanc, rapporteur de la commission des lois.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Jean Leonetti,
Jérôme Lambert,
François Sauvadet,
Patrick Braouezec.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance «...»

3.  Sécurité financière. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat «...».
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. François Goulard, rapporteur de la commission des finances.
M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Pascal Clément, président de la commission des lois.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Alain Bocquet : MM. Jacques Desallangre, le ministre, le rapporteur, Philippe Auberger, André Gerin, Charles de Courson. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

DÉREMBOURSEMENT DE MÉDICAMENTS

    M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Janine Jambu. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, votre décision unilatérale de dérembourser plus de 600 médicaments ne relève en aucune manière d'un souci de santé publique et pourrait se qualifier ainsi : payez et vous serez soignés ! C'est une attitude que nous avons toujours dénoncée. En catimini, vous avez décrété une baisse sensible du remboursement de médicaments couramment prescrits, y compris d'un vaccin important pour les jeunes enfants, le DTcoq. En outre, 800 autres médicaments devraient prochainement ne plus être remboursés du tout. Cette mesure, qui vise uniquement à réaliser des économies à tout prix, conduit en réalité à reporter doublement la charge de ces dépenses de santé sur les assurés sociaux. Ces derniers subiront une diminution de leur prise en charge et l'augmentation de leurs cotisations de couverture complémentaire maladie.
    Censée apporter une réponse au déficit de l'assurance maladie en diminuant ses dépenses, cette mesure ignore la difficulté essentielle de la protection sociale qui est l'insuffisance de ses recettes. Ce stratagème qui vise à culpabiliser, une fois encore, l'assuré et le médecin, est inadmissible. Il faut impérativement trouver des ressources supplémentaires pour la sécurité sociale qui prennent en compte les richesses produites dans notre pays.
    Nous réagissons d'autant plus vivement que cette décision s'inscrit pleinement dans la réforme de fond de la sécurité sociale préparée par le Gouvernement selon le schéma tracé par le rapport Chadelat suggérant trois niveaux de prise en charge des dépenses de santé et ouvrant la voie à la privatisation rampante de la sécurité sociale.
    Hier, monsieur le ministre, vous reconnaissiez la fatalité de la croissance des dépenses de santé. Aujourd'hui, vous accentuez le plafonnement de ces dépenses pour mieux justifier demain la place croissante qui sera laissée au financement privé. Où est passé votre souci de favoriser l'accès de tous aux soins et d'assurer le droit de se soigner dignement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, je vous remercie très sincèrement de la façon dont vous m'avez posé cette question et je vais tenter de vous répondre sur le même ton.
    Je ne crois pas que l'on puisse dire que cette décision de publication, certes malheureuse - cela ne nous aide pas -, puisse cacher une décision en catimini. Je vous rapelle que nous avons discuté de la politique de médicament du Gouvernement lors du PLFSS.
    M. Maxime Gremetz. Mais nous n'étions pas d'accord !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur Gremetz, vous qui me hélez, reportez-vous au Journal officiel de la séance du lundi 28 octobre dernier ! Vous verrez que nous avons eu un échange sur ce sujet précis de baisse de remboursement.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas la question !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Vous n'étiez pas d'accord, mais le sujet a été abordé. Ensuite, les industriels, la mutualité ont été saisis et le débat a eu lieu pendant cinq mois.
    M. Jean Glavany. Avec qui ?
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Je ne peux pas laisser dire que la décision prise ne serait pas une décision de santé publique. Vous me dites que l'on diminue le remboursement du DTcoq. Mais bien sûr, madame, puisque l'on utilise aujourd'hui le Tétracoq et le Pentacoq ! Vous me dites que l'on supprime celui du Voltarène ! Mais nous supprimons le remboursement des suppositoires qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité et maintenons celui des cachets ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous me dites encore que l'on dérembourse le Primpéran et le Vogalene. Oui, car ils ont un effet anti-émétique, mais ils ont aussi des effets secondaires que des produits plus modernes n'ont pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J'ajoute, madame Jambu, qu'un médicament cela naît, cela se développe, cela vit et puis, un jour, c'est remplacé !
    Nous avons prévu parallèlement de nouveaux remboursements de médicaments contre le cancer : le Glivec - 30 000 euros par an et par personne - et le Fludara ; contre la polyarthrite rhumatoïde - le Remicad ; contre la sclérose en plaques - le Copaxone : 12 000 euros par personne et par an - ; contre la maladie d'Alzheimer ; contre l'hépatite C pour laquelle il n'existe aucun traitement satisfaisant. Nous avons aussi prévu de rembourser le vaccin contre le pneumocoque. Notre choix est aujourd'hui de consacrer l'argent des Français aux médicaments les plus efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous avons choisi l'efficacité ! La responsabilité politique, cela consiste à faire des choix. Or, nous choisissons de rembourser les médicaments nouveaux et efficaces contre des maladies graves et, en effet, de laisser de côté ceux qui ont fini leur vie et sont remplacés. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

LAÏCITÉ

    M. le président. La parole est à M. François Baroin, pour le groupe UMP.
    M. François Baroin. Monsieur le Premier ministre, chaque jour apporte la preuve de l'actualité du thème de la laïcité. Des guerres sont à nouveau menées au nom de Dieu. Les conventionnels européens s'interrogent sur la mention de l'héritage religieux dans la future Constitution. L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne suscite toujours un vif débat. Mais, au-delà de ces sujets, le développement des communautarismes s'oppose au projet républicain d'intégration, terme d'ailleurs impropre pour la nouvelle génération, et remet en cause notre conception de l'humanisme à travers la liberté de conscience et le droit des femmes.
    Que faire quand une élève avocate demande à garder son voile pour prêter serment, quand un élève refuse de passer un examen avec une enseignante au motif que c'est une femme, quand une jeune fille renonce à se faire soigner par un médecin parce que c'est un homme, quand des enseignants ne peuvent plus enseigner telle ou telle partie du programme ?
    N'est-il pas temps, monsieur le Premier ministre, de réaffirmer avec force l'idée, au fond assez simple, selon laquelle la laïcité est la première sentinelle et le dernier rempart de l'unité de la nation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communiste et républicains.)
    Préserver la loi de 1905 et ses principes fondamentaux me paraît essentiel. Mais comment permettre alors aux représentants de l'Etat, en particulier dans le secteur de l'éducation nationale, sanctuaire républicain, de ne pas vivre dans une insécurité juridique quasi quotidienne ? Le flou et l'ambiguïté sont actuellement les plus fidèles alliés des fondamentalistes en tous genres pour mettre à mal une part essentielle de notre pacte social. Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, vous ayant écouté, ainsi que de nombreuses personnalités de la majorité et d'ailleurs, je vous demande quelle forme pourra prendre cette clarification et dans quel délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, Dieu est un mystère, ce n'est pas une investiture ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) André Malraux a dit que le xxie siècle serait religieux. Je ne crois pas qu'il nous faille avoir peur des religions, à condition qu'elles acceptent le principe supérieur d'organisation républicaine qu'est le principe de laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Que la personne humaine s'interroge sur l'origine de sa liberté, sur ses capacités de dépassement, il n'y a rien de choquant à cela, mais il en va autrement quand on met la religion au service de manoeuvres politiques, quand on l'utilise pour organiser des communautarismes,...
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
    M. le Premier ministre. ... et pour justifier tout un ensemble de dérives. Face à ce type de manipulation, la République doit dire clairement que la laïcité c'est la liberté, la liberté de conscience, la liberté de religion, l'égalité entre toutes les religions. La République doit assurer l'égalité pour tous les citoyens. Le professeur n'a pas, dans sa classe, des catholiques, des juifs, des protestants ou des musulmans ; il a des jeunes Français qui sont tous des membres de la communauté républicaine ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est pourquoi il nous faut réaffirmer avec force ce principe de laïcité, fondateur de nos principes républicains. Je souhaite que des débats aient lieu dans notre pays à l'occasion du centenaire de la loi de 1905. Nous avons notamment confié à l'Institut de France le soin d'animer des réflexions sur ce sujet entre toutes les parties prenantes de la société. Mais nous ne voulons pas revenir sur la loi de 1905. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Un député du groupe socialiste. Encore heureux !
    M. le Premier ministre. Nous pensons que cette loi garantit la laïcité et qu'elle doit être affirmée en tant que facteur d'équilibre afin que la République reste le pivot de notre communauté nationale.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il a raison !
    M. le Premier ministre. Nous ne toucherons donc pas à la loi de 1905,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est heureux !
    M. le Premier ministre. ... mais il est vrai qu'un débat sur l'école et son avenir est engagé aujourd'hui dans toute la France !
    Nous sommes tous convaincus que l'école est l'espace premier de la République. Nous devons veiller à ce que l'on protège bien, dans l'école, cette valeur suprême qu'est la République et à ce que des signes ostentatoires de communautarisme ne viennent pas rompre notre équilibre scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    A l'issue du débat national qui s'ouvrira au Parlement au mois de juin, qui se prolongera dans tout le pays et se terminera devant vous, au moment où nous réviserons ensemble la loi d'orientation scolaire de 1989 se posera la question de savoir comment nous devons protéger l'école de toutes les dérives communautaristes et de tout ce qui peut apparaître, à un moment ou à un autre, comme un zèle que nous voulons condamner au nom de la laïcité républicaine.
    Ma réponse est claire : oui, nourrissons le concept de laïcité, donnons-lui plus de force dans cette modernité ! Faisons en sorte que ce consensus national s'affirme et faisons en sorte, tous ensemble, à l'occasion du débat sur l'école, que celle-ci reste l'espace par excellence de la République, donc de la laïcité ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION ÉCONOMIQUE

     M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, je suis désolé de vous ramener à de dures réalités. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Leonetti. Parce que la laïcité ce n'est pas la réalité peut-être ? Lamentable !
    M. Jean-Marc Ayrault. L'INSEE vient d'annoncer que la croissance avait reculé au dernier trimestre de 2002.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La faute à qui ?
    M. Richard Mallié. Nous n'avons pas eu votre chance !
    M. Jean-Marc Ayrault. Le déficit a franchi la barre des 3 %. Depuis votre arrivée au pouvoir, notre pays compte 100 000 chômeurs de plus et, toujours selon l'INSEE, la situation va encore se dégrader.
    Monsieur le Premier ministre, selon votre habitude, vous allez nous opposer la conjoncture internationale et l'héritage. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Alors, expliquez-nous pourquoi la croissance française était systématiquement supérieure à la moyenne européenne entre 1997 et 2001 et pourquoi elle est aujourd'hui inférieure ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Expliquez-nous pourquoi votre politique de baisse d'impôts et de charges n'a eu aucun effet sur la croissance et la consommation, de l'aveu même de votre ministre des finances ? Expliquez-nous comment vous allez relancer la machine quand vous gelez ou annulez les crédits d'investissements publics pour l'emploi, l'éducation, la recherche, le logement, l'équipement ? Il n'y a pas plus de deux heures, vous annonciez des mesures pour le plan famille, mais nous n'avez même pas un centime d'euro pour les financer alors que le déficit de la sécurité sociale est sur la pente des 10 milliards d'euros ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Richard Mallié. Vous n'avez pas de leçon à nous donner !
    M. Jean-Marc Ayrault. Expliquez-nous pourquoi, monsieur le Premier ministre, vos grandes réformes appellent toujours les mêmes au sacrifice, à savoir les salariés, les retraités et les assurés sociaux ? Expliquez donc aux agents des services publics au nom de quels principes d'égalité et d'efficacité vous les désignez comme les boucs émissaires (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Yves Cochet. Eh oui !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... des difficultés que vous avez vous-même créées : suppressions d'effectifs, gel des rémunérations, décentralisation forcée, mise en cause de leur régime de retraite ?
    M. Richard Mallié. Vous n'avez rien fait pour les retraites !
    M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas l'Etat stratège dont vous vous réclamez. C'est l'Etat mendiant, l'Etat de l'hyper-impuissance !
    Monsieur le Premier ministre, il est temps de sortir de votre bulle de communication et du pathos de vos déclarations. Votre action conduit jour après jour à une rupture de confiance. Le courage n'est pas de s'entêter dans une politique d'échec comme vous le faites, mais de changer cette politique.
    M. Lucien Degauchy. La question !
    M. Jean-Marc Ayrault. Je vous ai écrit il y a quelques semaines pour vous demander l'actualisation de l'audit que vous aviez vous-même commandé. J'attends toujours un premier mot de réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Ayrault, veuillez conclure !
    M. Jean-Marc Ayrault. Je vous ai également demandé quand vous alliez présenter une loi de finances rectificative. Vous ne répondez toujours pas. Il est temps, monsieur le Premier ministre, de dire la vérité aux Français ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député Jean-Marc Ayrault, il n'est pas correct d'imputer à une politique qui commence (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et qui a cinq ans devant elle les conséquences d'une situation économique internationale qui affecte tous les autres pays. Il n'est pas correct non plus de prétendre que la croissance française est inférieure à la croissance européenne. Cela est faux !
    Il est correct d'indiquer que, au cours des quatre dernières années, la conjoncture économique exceptionnelle qu'ont vécue l'Europe et le monde a été largement gaspillée dans notre pays. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Idiart. Zéro pointé !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est correct d'indiquer qu'une politique se juge dans la durée et que, quelles que soient les difficultés à court terme, que nous ne méconnaissons pas et qui ne sont pas propres à notre pays, nous avons totalement confiance dans la politique que nous mettons en oeuvre, car elle consiste à donner aux acteurs la capacité et la responsabilité de développer leurs propres initiatives. C'est une politique par laquelle l'Etat a créé les conditions pour que l'initiative soit aussi libérée et efficace que possible. C'est aussi une politique qui consiste, au 1er juillet prochain, à travers le redressement des SMIC, à augmenter de 5 % au minimum le pouvoir d'achat des salariés les moins bien lotis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est donc une politique qui ne consiste pas à donner aux riches et à prendre aux pauvres. C'est une politique cohérente, qui a une unité et qui se déroulera au fur et à mesure du temps. Ce n'est qu'à terme que nous jugerons de son efficacité ! (Mêmes mouvements.)

SURENDETTEMENT

    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, vous avez annoncé hier l'intention du Gouvernement de créer une procédure de redressement personnel, à l'instar de ce qui existe en droit local d'Alsace-Moselle. C'est une mesure urgente, économiquement et socialement indispensable quand on connaît la situation du surendettement en France.
    La progression du nombre de personnes surendettées est dramatique. Ces Français sont pris dans une spirale infernale : spirale de la peur et de l'humiliation face aux poursuites, spirale de l'échec d'une vie sans perspective, spirale financière où les agios et les pénalités s'ajoutent sans fin aux dettes auxquelles ces familles ne parviennent déjà plus à faire face, les poussant à prendre un crédit pour rembourser les intérêts d'un crédit précédent.
    Dans mon département de Seine-Saint-Denis, plusieurs dizaines de milliers de familles se retrouvent ainsi privées de dignité. Leur vie familiale est détruite. Elles se retrouvent hors du circuit économique, ce qui pénalise la croissance, incapables qu'elles sont de consommer, même au quotidien.
    Certains créanciers s'émeuvent de cette réforme juste et indispensable, sous prétexte qu'elle aboutira à la déresponsabilisation des emprunteurs. Or ces créanciers sont, dans une grande majorité, premiers responsables de ces situations de surendettement : pour gonfler leur chiffre d'affaires, ils prêtent à tour de bras à des familles dont ils ne regardent même pas la capacité réelle de remboursement. Pire encore : ces familles sont l'objet d'un matraquage publicitaire qui leur fait apparaître le crédit à la consommation comme la seule planche de salut pour régler le problème du mois en cours. Or c'est une planche pourrie qui les précipite dans l'abîme, lorsqu'elles étaient déjà sur la corde raide.
    Pour répondre aux inquiétudes avancées par ces créanciers, je vous propose, monsieur le ministre, un moyen simple qui viendrait utilement compléter votre réforme courageuse, qui a été appuyée par le Premier ministre : rendre les organismes de prêt responsables des crédits qu'ils accordent. C'est ce qu'a proposé récemment le groupe UDF du Sénat dans un amendement qui fut, hélas ! repoussé.
    Est-il envisagé d'évoluer sur ce sujet, ainsi que sur les tarifications bancaires appliquées aux personnes surendettées, qui n'ont pourtant pas besoin d'être pénalisées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député, il est exact qu'un million de familles environ sont dans la spirale du surendettement.
    M. Jean-Louis Idiart. L'Etat aussi !
    M. Richard Mallié. La faute à qui ?
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Ce ne sont pas, comme je l'ai entendu dire, des gens irresponsables. Pour la plupart d'entre eux, ce sont des retraités, des travailleurs, des ouvriers, des cadres ou des fonctionnaires qui, en raison d'un accident de la vie - santé, chômage, dépression, éclatement du couple, la femme se retrouvant seule avec deux enfants -, ne peuvent pas « faire le point » et assurer le paiement de la cantine scolaire, du crédit ou du loyer.
    Dix mille de ces familles surendettées nous ont écrit. Elles sont de bonne foi. Elles veulent rembourser leurs dettes. Simplement, la spirale infernale des indemnités, des pénalités, des procédures - dix, quinze ou vingt - ou la guerre entre créanciers - qui tentent de passer les uns devant les autres - les met dans des situations impossibles. Ces familles veulent le calme, la paix. Elles veulent qu'après la commission de surendettement, sous autorité de justice, soit élaboré un plan en fonction de leurs possibilités. Quand la grande détresse est là et qu'il n'y a plus rien, elles veulent simplement qu'on constate cette situation.
    Le but de ce complément de loi est de reconstruire les familles, de ne pas les laisser aller d'assistance en assistance, de FSL en CCAS, pour rebâtir, retrouver un emploi. C'est d'ailleurs un des meilleurs gages du redémarrage du développement économique de notre pays.
    Je le dis tout clair, cette loi n'est ni pour les frimeurs, ni pour les fraudeurs, avec lesquels nous seront intransigeants. Ce n'est pas une loi de l'irresponsabilité. C'est une loi généreuse, transparente, qui protègera aussi le petit créancier face aux grandes machines.
    Monsieur le député, j'ai bien compris vos remarques sur les organismes de crédit. Mais évitons de désigner des boucs émissaires et de trop restreindre le crédit, qui est par ailleurs nécessaire aux personnes modestes. C'est un débat d'équilibre qui doit avoir lieu.
    Je vous rappelle que cette loi de la deuxième chance qui va donner un espoir à un million de familles dès que vous la voterez avait déjà été votée, sur proposition de Mme Neiertz, par l'Assemblée, en 1997. Je n'ai qu'un regret, c'est qu'on ait attendu cinq ans. Car cinq ans dans la détresse, c'est très long ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LOI DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.
    M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre de l'intérieur, le 24 mars, vous avez publié la circulaire d'application de la loi de sécurité intérieure votée par cette assemblée le 18 mars. Quelques semaines plus tard, nous en avons perçu les premiers résultats, notamment dans la région Ile-de-France. Au cours du dernier week-end, nous avons pu nous réjouir de l'arrestation de réseaux de proxénètes qui y sévissaient depuis de longues années.
    La loi n'est pas, comme on a voulu la présenter, une loi répressive. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Elle réprime le proxénétisme, elle est dissuasive s'agissant du racolage. Après plusieurs mois, plusieurs années d'atermoiements, nous sommes nombreux ici, sur tous les bancs, à vous dire, au nom de l'opinion publique, que nous nous félicitons de la célérité avec laquelle vous avez appliqué cette loi.
    Cela dit, je voudrais vous poser trois questions.
    Premièrement, quels moyens juridiques entendez-vous utiliser dans le domaine du proxénétisme ?
    Deuxièmement, quels moyens matériels allez-vous mettre à la disposition des services de police ?
    Troisièmement, quels sont les premiers résultats obtenus dans la lutte qui nous oppose, au niveau international, aux réseaux mafieux de proxénètes, notamment en provenance d'Europe centrale et orientale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous avez raison, monsieur Goasguen, il ne sert à rien de voter des lois si elles ne sont pas appliquées.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui, c'était précisément l'ancienne majorité que je visais ! (Rires sur bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Professeur Sarkozy ! Cela faisait longtemps...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. S'agissant de la loi sur la sécurité intérieure, nous publierons tous les mois les résultats concrets de l'application des nouvelles incriminations. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons eu un débat au Parlement sur la question très difficile de la prostitution, débat auquel toutes les forces politiques, de droite comme de gauche, ont participé. Nous avons tous été d'accord pour constater que la situation ne cessait de s'aggraver et qu'on ne pouvait pas continuer à fermer les yeux. Certains ont dit avec raison qu'il ne fallait pas faire des prostituées, qui sont des victimes, des coupables en puissance, et ce souci a été partagé par tous.
    Nous disposons aujourd'hui des premiers résultats. Grâce au délit de racolage, cinquante-sept proxénètes ont pu être arrêtés depuis le début de l'année, rien qu'à Paris. Ce délit permet en effet d'amener les prostituées à collaborer avec les services de police pour dénoncer leurs tortionnaires. La semaine dernière encore, six proxénètes albanais ont été mis sous les verrous parce qu'une malheureuse Roumaine a été récupérée par les services de police dans le cadre du nouveau délit de racolage. Mieux : toujours dans la seule capitale, vingt-huit prostituées se sont vu accorder un permis de séjour avec autorisation de travail, après s'être engagées à abandonner la prostitution.
    M. Bernard Roman. C'est la loi !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est la loi, que vous n'avez pas votée et que nous avons proposée !
    M. Bernard Roman. Si on n'avait pas été là...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Durant les trois derniers mois, enfin, douze prostituées étrangères ont accepté de rentrer dans leur pays, en l'occurrence la Bulgarie, et six autres nous l'ont demandé, pour abandonner l'enfer des trottoirs parisiens. Nous allons généraliser cette politique dans toutes les grandes villes.
    Vous voyez, monsieur Goasguen, ici comme ailleurs, l'action vaut toujours mieux que l'immobilisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE PÉNALE ET RÉINSERTION

    M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, pour le groupe UMP.
    Mme Christine Boutin. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    La lutte contre l'insécurité doit reposer sur un système pénal adapté et équilibré, apte à sanctionner de façon effective et proportionnée les délits tout en préparant les détenus à leur sortie de prison. Notre collègue Jean-Luc Warsmann, dans un rapport qu'il vous a remis hier...
    M. François Vannson. Un excellent rapport !
    Mme Christine Boutin. ... souligne que trop de sanctions pénales restent aujourd'hui inexécutées, ouvrant ainsi la porte à la récidive.
    Il apparaît essentiel de restaurer la crédibilité de notre système de sanctions, en le modernisant et en s'assurant d'une exécution rapide des décisions de justice.
    Nous le savons tous, la prison ne constitue pas la seule réponse aux infractions.
    Le développement des peines alternatives doit être poursuivi ; elles sont souvent des réponses mieux adaptées à certains délits et elles préparent mieux à la réinsertion, qui est à la fois l'intérêt de la société mais aussi celui des détenus. Je pense en particulier au recours à la semi-liberté, aux travaux d'intérêt général et, dans certains cas, à l'utilisation du bracelet électronique.
    Monsieur le ministre, que pensez-vous des propositions de notre collègue Warsmann et quels moyens y seront consacrés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous avez raison de le rappeler : à ma demande, le Premier ministre a confié à Jean-Luc Warsmann une mission portant sur l'inexécution des peines - en particulier des peines alternatives à la prison - dont le taux est extrêmement préoccupant. Dans son rapport, Jean-Luc Warsmann avance le chiffre de 50 % ; jusqu'ici, l'inspection générale évoquait le chiffre de 35 %. Tel est l'ordre de grandeur.
    Le faible taux d'exécution des peines alternatives à la prison amène les tribunaux à prononcer systématiquement des peines de prison, de courte puis de moyenne durée. Plus généralement, ce phénomène d'inexécution des peines est le vrai point faible de notre système pénal. C'est la raison pour laquelle j'avais suggéré qu'une étude très approfondie soit engagée. M. Warsmann l'a menée avec la collaboration d'un certain nombre de magistrats et de fonctionnaires du ministère de la justice.
    Les propositions de votre collègue, qui sont très nombreuses, sont extrêmement concrètes. Elles sont de deux ordres. Certaines pourront être mises en oeuvre rapidement ; d'autres, de caractère législatif, nous donneront l'occasion, dans les prochains textes qui viendront en discussion devant vous, de déposer des amendements.
    Ainsi, on pourrait donner aux tribunaux la possibilité de condamner au bracelet électronique, ab initio, alors qu'aujourd'hui ce n'est qu'un élément d'aménagement de peine. De même, et je me suis engagé à le faire dès hier, devrait-on inciter les parquets à pousser les tribunaux à prononcer dès le départ des peines de semi-liberté. C'est très rarement le cas, puisqu'on ne dénombre que 140 condamnations de ce type par an.
    Nous devons mettre en place une meilleure information des juridictions sur ces systèmes de semi-liberté.
    Je souhaiterais également, comme le suggère M. Warsmann, libérer le juge de l'application des peines de certaines tâches qui encombrent sa charge, et l'amener à devenir le juge du conflit ; la procédure d'application des peines serait ainsi simplifiée.
    Au-delà de ce qui peut être fait immédiatement, nous devrons développer le travail d'intérêt général, qui constitue une solution extrêmement pédagogique, en particulier pour les plus jeunes. Cela peut nous permettre d'éviter la récidive, et donc l'aggravation des sanctions.
    Nous devons également développer un programme dans l'esprit de ce que vous aviez suggéré vous-même lorsque vous avez étudié la situation de nos prisons : proposer au nouveau condamné, dès son accueil en prison, d'examiner comment sa situation pourra évoluer jusques et y compris sa sortie, qu'il lui faudra préparer.
    Voilà quelques-unes des idées extrêmement intéressantes proposées par Jean-Luc Warsmann, qui vont nous aider à corriger ce défaut majeur de notre processus pénal que représente l'inexécution des peines. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉREMBOURSEMENT DE MÉDICAMENTS

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour le groupe socialiste.
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Ma question, qui porte sur un sujet déjà abordé par Mme Jambu, s'adresse à M. le Premier ministre, car la réponse de M. Mattei - malgré son ton véhément - ne nous a absolument pas convaincus. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Au cours du week-end de Pâques, votre ministre de la santé a fait passer en catimini un arrêté visant à dérembourser plus de six cents médicaments. La plupart d'entre eux sont pourtant des médicaments fréquemment prescrits et utiles au malade. Cette mesure n'est pas justifiée, elle est tout simplement scandaleuse. La santé publique passe une nouvelle fois derrière les intérêts financiers.
    Le précédent gouvernement avait pour sa part permis un classement des médicaments selon leur service médical rendu. L'idée était, dans la concertation, de sortir progressivement du remboursement les médicaments dont le service médical rendu s'avérait insuffisant. Ce que vous faites aujourd'hui est totalement différent : vous vous attaquez à des médicaments dont l'efficacité est réelle, au dire même des médecins, et dont le remboursement est donc pleinement justifié. Cette décision a été prise de surcroît sans aucune concertation, sauf, de l'aveu même du ministère de la santé, avec l'industrie pharmaceutique.
    M. Alain Néri. Voilà !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Les représentants de l'assurance maladie, des mutuelles et des syndicats de médecin s'y opposent fermement,...
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. ... ne comprenant pas davantage que nos concitoyens les raisons de cet arrêté.
    En réalité, cette décision a pour seule raison, et donc pour conséquence, d'opérer un transfert des dépenses de santé sur les ménages, dont les cotisations d'assurance complémentaire devraient augmenter fortement, comme l'a souligné le président de la Mutualité française. Après le rapport Chadelat qui préconise une privatisation de l'assurance maladie et avant la réforme annoncée à l'automne, c'est une nouvelle étape du démantèlement de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) C'est un pas supplémentaire et significatif vers une politique de déremboursement du petit risque, telle que l'a préconisée à l'automne dernier M. Barrot, président du groupe UMP.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Voilà ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Cette politique est injuste. Elle tourne le dos au principe de solidarité et de maîtrise médicalisée, pourtant prônée un temps par votre ministre de la santé.
    A l'évidence, le démantèlement de la sécurité sociale est déjà en marche. Allez-vous enfin, monsieur le Premier ministre, l'avouer aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, je suis un peu surpris. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) A défaut de la forme, je pensais que vous approuveriez le fond.
    Vous venez de raconter l'histoire partiellement. Souffrez que je la déroule en totalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est Mme Aubry qui, en 1998, avec beaucoup de perspicacité, a réorganisé la Commission de la transparence et l'a chargée d'évaluer et de répartir chacun des 4 500 médicaments en cinq classes : majeur, important, modéré, faible et insuffisant.
    M. Jean Le Garrec. C'est exact !
    M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Et elle a signé un décret, que vous pourrez lire à la page 1020 du code de sécurité sociale, selon lequel : « Sont remboursés à 35 % les médicaments dont le service médical rendu n'a pas été classé comme majeur ou important. »
    Le Gouvernement n'a pas touché aux médicaments à effets majeur ou important, conformément au décret signé par Mme Aubry. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'ajoute que Mme Guigou a pris deux arrêtés, en septembre et en décembre 2001, déremboursant 309 médicaments (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour un montant de plus de 300 millions d'euros !
    Les choses sont claires : comme l'a dit le Premier ministre, quand on trouve quelque chose de bien, on le garde ; quand ce n'est pas bien, on l'écarte. En l'espèce, nous avons trouvé que cette mesure était judicieuse, qu'elle reposait sur du bon sens et nous l'avons complétée par une politique fondée sur l'innovation. C'est cela le coeur de la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

POLITIQUE FAMILIALE

    M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe UMP.
    Mme Martine Aurillac. Monsieur le Premier ministre, dès votre arrivée en mai 2002, et rompant en cela avec la politique du gouvernement précédent qui n'avait cessé de pénaliser les familles moyennes - on se souvient de la baisse brutale de l'AGED, sans parler du pillage de la branche famille, destiné en partie au financement des 35 heures -, vous vous êtes attaché à restaurer la confiance, le lien avec les associations, et à rendre à la famille la place qui doit lui revenir. Plusieurs mesures positives ont déjà été prises en ce sens lors du vote du dernier budget. Améliorer les conditions de vie des familles, tenir compte de leur diversité tout en promouvant la justice de la politique familiale, qui ne saurait être confondue avec la politique sociale, tels sont les axes de cette politique.
    Votre ministre délégué à la famille, dans un esprit de dialogue très large, a mis en place trois groupes de travail : sur l'accueil des tout-petits, l'aide à la parentalité et la participation des entreprises. Ces groupes ont rendu leurs conclusions, et d'autres chantiers sont aussi en cours, notamment sur la réforme du divorce.
    Aujourd'hui se tient la conférence de la famille, qui débat des propositions nécessaires pour rendre plus simple et plus efficace l'aide à la petite enfance, avant d'ouvrir en 2004 un volet sur une nouvelle étape du développement de l'enfant : l'adolescence, dont on sait combien elle peut être capitale mais aussi fragile.
    Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, informer la représentation nationale de ces nouvelles perspectives, des résultats attendus et des décisions que vous allez prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame la députée, nous avons souhaité, avec Jean-François Mattei, répondre au triple objectif que nous avait fixé le Premier ministre, à savoir...
    M. Christian Bataille. Dérembourser les médicaments !
    M. le ministre délégué à la famille. ... simplifier les prestations, accroître le pouvoir d'achat des familles et développer l'offre de garde des jeunes enfants.
    Le dispositif phare de cette nouvelle politique que nous allons mettre en place s'appelle la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant. Il répond à l'objectif de simplification, puisque cinq prestations sont transformées en une.
    M. Alain Néri. Finalement, nous n'avez rien fait !
    M. le ministre délégué à la famille. La PAJE comporte deux niveaux : une allocation de base et deux compléments.
    L'allocation de base est versée à la fois en prénatal et en postnatal. En prénatal, c'est une prestation de 800 euros dont vont maintenant pouvoir bénéficier 90 % des familles. En postnatal, c'est une prestation de 160 euros par mois, pendant trois ans, qui sera également versée à 90 % des familles.
    M. Christian Bataille. Après la famille, ce sera le travail et la patrie !
    M. le ministre délégué à la famille. Ensuite, un premier complément, dit de libre choix, permettra aux familles de choisir effectivement le mode de garde qui leur convient. Aujourd'hui, pour les familles modestes dont le revenu est égal à un SMIC, prendre une assistante maternelle, c'est lui consacrer 28 à 30 % de leurs ressources, et avec deux SMIC la proportion est encore de 20 %. Ce n'est pas possible. Nous allons donc ramener le taux d'effort à 10 %, que l'enfant soit confié à une assistante maternelle ou à une crèche.
    M. Jean-Louis Idiart. Avec quels moyens ?
    M. le ministre délégué à la famille. Il s'agit d'une action très forte en direction des familles les plus défavorisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Deuxième complément : toujours dans le souci de préserver la liberté de choix, les parents pourront prendre un congé parental rémunéré, désormais accessible dès le premier enfant, pour une période de six mois au-delà du congé maternité.
    Pour éviter que le congé parental, ouvert pendant trois ans sous certaines conditions, ne devienne en quelque sorte une trappe à pauvreté, nous veillons à favoriser le maintien du lien avec le monde du travail en augmentant, au prorata, de 15 % le montant du complément lorsque le parent continue à travailler à temps partiel en encourageant la formation en fin de congé parental et pour faciliter la réintégration dans l'entreprise.
    A la lumière des efforts annoncés aujourd'hui par le Premier ministre...
    M. Christian Bataille. Ils ne sont pas clairs du tout !
    M. le ministre délégué à la famille. ... vous voyez, madame la députée, combien les petites polémiques entretenues depuis deux jours par Mme Royal et M. Hollande...
    M. François Hollande. Nous ne retirons rien !
    M. le ministre délégué à la famille. ... apparaissent désuètes, ridicules et sans aucun fondement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

    M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Cochet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    Monsieur le ministre, le Président de la République a exprimé, le 14 juillet dernier, sa volonté de faire de la sécurité routière une priorité nationale. En effet, chaque année, 8 000 personnes trouvent la mort sur les routes de France et 26 000 sont gravement blessées. C'est un bien triste record pour notre pays, dont les routes sont les plus meurtrières de l'Union européenne.
    Le Gouvernement s'est engagé avec fermeté et courage dans la lutte contre ce scandale de l'insécurité routière, avec des mesures aussi bien répressives que préventives. Ainsi, le Parlement a voté dans le projet de finances pour 2003 une augmentation de 20 % des crédits affectés à la sécurité routière et a par ailleurs adopté de nombreuses mesures en termes de justice, de contrôle et de prévention, afin de remédier à ce grave problème.
    L'action du Gouvernement porte ses fruits. A titre d'exemple, le nombre d'accidents du week-end de Pâques, malheureusement toujours très dramatique, a baissé de 47,5 %. C'est, depuis quarante ans, le week-end pascal le moins meurtrier. Pourtant, ce chiffre reste symbolique et il doit être replacé dans un contexte global. Pouvez-vous, monsieur le ministre, informer la représentation nationale de la traduction sur nos routes de l'action menée par le Gouvernement et nous confirmer sa ferme volonté de poursuivre l'effort ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Allô, allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, vous avez raison : une hirondelle ne faisant pas le printemps - malheureusement -, le week-end de Pâques n'est pas représentatif de la baisse des accidents de la route sur l'ensemble de l'année. Avec près de 50 % de tués en moins, il traduit, certes, un progrès considérable, mais, mois après mois, c'est plutôt une baisse de l'ordre de 25 % à 30 % que l'on enregistre pour le nombre des accidents de la route, des tués et des blessés. Car on ne parle pas assez du nombre de blessés, qui reste très élevé.
    Cette baisse traduit, me semble-t-il, un changement de comportement des conducteurs, qui implique davantage de respect de l'autre et de respect des règles. Mais ce changement doit s'inscrire dans la durée, et comme il n'a été constaté que sur les sept ou huit derniers mois, c'est encore insuffisant pour crier victoire. On peut toutefois en tirer quelques enseignements, notamment le fait que les accidents sont moins graves parce que les gens respectent les limitations de vitesse.
    Plusieurs moyens seront employés pour inscrire ces résultats dans la durée.
    Premièrement, le Gouvernement engage une forte campagne contre la vitesse au volant, l'une des principales causes d'accident.
    Deuxièmement, la loi contre la violence routière va être présentée au Sénat, cet après-midi et demain, par Dominique Perben et moi-même.
    Troisièmement, mesdames et messieurs les députés, je vous rappelle - mais est-ce vraiment nécessaire - que vous êtes tous les missi dominici de la lutte contre la violence routière. Je fais donc appel à vous et je vous remercie, au nom de la collectivité nationale, de ce que vous pourrez faire pour relayer nos messages contre la violence routière sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉCENTRALISATION À L'ÉDUCATION NATIONALE

    M. le président. La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste.
    M. David Habib. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n'y en a pas !
    M. David Habib. Comme pour l'emploi, les retraites et la santé, les Français, monsieur le ministre, appréhendent vos projets et contestent vos décisions en matière scolaire. Aujourd'hui, c'est votre démarche, abusivement qualifiée de « décentralisation », qui inquiète. Après la diminution des moyens, après la suppression des aides-éducateurs et des surveillants, après la remise en cause effective de la scolarisation des enfants de deux ans, qui participe aussi de la politique familiale, vous poursuivez le démantèlement de l'éducation nationale. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Votre seul objectif est de transférer les charges de l'Etat aux collectivités locales.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
    M. Richard Mallié. Et vous, qu'est-ce que vous avez fait il y a vingt ans ?
    M. David Habib. Les personnels enseignants, techniques et administratifs, les parents d'élèves, dans l'enseignement primaire, au collège et au lycée, contestent l'éclatement de l'équipe éducative et l'inégalité que vous encouragez entre les enfants, entre les établissements et entre les territoires. Ils dénoncent la mise en cause du service public et les probables privatisations que ce dispositif entraînera.
    Dès le 18 mars en Aquitaine, puis dans les autres académies, les Français sont descendus dans la rue pour vous demander d'ouvrir un vrai dialogue, que ne peuvent remplacer - vous en conviendrez, monsieur le ministre - la publication d'un livre et quelques déplacements en province. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Thierry Mariani. La question !
    M. David Habib. Vous aviez cru à tort que les vacances entraîneraient une démobilisation. Il n'en est rien. Le mouvement de contestation est profond, résolu, unanime. Il est temps, monsieur le ministre, d'apaiser les relations au sein de l'école.
    M. Michel Bouvard. Lisez le rapport de la Cour des comptes !
    M. David Habib. Je vous poserai donc une seule question, qui appelle une réponse claire et brève : comptez-vous, oui ou non, maintenir cette réforme (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. le président. Ne faites pas les réponses à la place du ministre !
    M. David Habib. ... qui illustre votre politique : une politique qui porte atteinte au service public de l'éducation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je ne connais hélas qu'un seul moyen de n'inquiéter personne, c'est de ne rien faire, mais ce n'est pas le choix que j'ai fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Comme le souligne fort justement le dernier rapport de la Cour des comptes, nous avons assisté depuis une quinzaine d'années à deux types de réformes dans l'éducation nationale.
    M. Alain Néri. Qui était responsable des programmes : M. Ferry, n'est-ce pas ?
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il y a d'abord les réformes qui consistent à ajouter quelque chose aux dispositifs existants. On procède par empilement, par exemple en ajoutant l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire ou en créant des classes à projets artistiques et culturels. Ce n'est pas forcément mauvais, loin de là, mais cela ne demande en fait aucun courage particulier puisque personne n'est violemment contre l'enseignement des langues dans le primaire ou la création de classes artistiques.
    Et puis, il y a une deuxième façon de réformer, qui consiste à s'attaquer à l'existant...
    M. Christian Bataille. « S'attaquer », c'est le bon terme !
    M. François Hollande et M.  Alain Néri. Vous attaquez l'école !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... en modifiant les structures. C'est ce que nous avons fait avec la loi sur les assistants d'éducation qui, j'ai le plaisir de vous le rappeler, vient d'être validée par le Conseil constitutionnel, avec la loi sur la décentralisation, qui est en cours de rédaction sous l'égide du Premier ministre, et avec la loi sur l'autonomie des universités, que je présenterai devant vous au mois de juin.
    Le vrai problème, aujourd'hui, ce n'est évidemment pas le démantèlement du service public.
    M. Christian Bataille. C'est pourtant bien ce que vous faites !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je rappelle encore une fois qu'il n'y a aucun démantèlement du service public, mais une décentralisation qui est évidemment de bon sens. Nous préciserons dans la loi de décentralisation les missions des personnels qui seront confiés à la fonction publique territoriale, de même que nous préciserons qu'ils continueront de faire partie des équipes éducatives.
    Le vrai problème de l'enseignement, aujourd'hui, c'est que les professeurs n'en peuvent plus de voir arriver dans les collèges des élèves qui ne savent pas suffisamment lire et écrire. C'est qu'ils n'en peuvent plus d'exercer dans des conditions d'insécurité et d'incivilité insupportables (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et qui entraînent une crise des viviers de recrutement. C'est qu'ils n'en peuvent plus de voir l'échec de leurs élèves au sein du collège unique, contre lequel ils se sont massivement prononcés, alors que ce collège ne permet pas de découvrir la voie professionnelle suffisamment tôt. Voilà le vrai problème des enseignants.
    M. Bernard Roman. Leur vrai problème, c'est qu'ils n'en peuvent plus de vous avoir pour ministre !

    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est pourquoi je voudrais recentrer leur métier sur ce qui les intéresse vraiment : la transmission des savoirs et la transmission des valeurs républicaines, que Jean-Pierre Raffarin évoquait tout à l'heure. Voilà les vraies missions des enseignants et je veux faire les réformes de structure qui leur permettront de redonner un sens à leur métier, alors que, parfois, dans les établissements, le sens s'est obscurci au point que nous avons 16 % de crise des vocations cette année dans le secondaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Christian Bataille. Vous êtes un destructeur de l'école !

GARDE D'ENFANTS

    M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe UMP.
    M. Patrick Delnatte. Monsieur le ministre délégué à la famille, nous ne pouvons que nous réjouir des orientations de la politique familiale qu'à présentées M. le Premier ministre à la conférence de la famille. En effet, la famille reste le socle de notre société, elle est son avenir.
    Les familles attendent une politique volontariste, qui leur permette notamment de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle pour pouvoir accueillir les enfants qu'elles souhaitent. Il apparaît que près d'une famille sur deux désirerait accueillir un enfant de plus. Malheureusement, le véritable casse-tête lié à la pénurie de l'offre de garde est bien trop souvent dissuasif. Au-delà de l'aspect financier, qu'il faut bien sûr traiter, l'obtention d'une place en crèche ou l'embauche d'une assistante maternelle reste ce que vous avez vous-même qualifié de « parcours du combattant ».
    Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures que le Gouvernement a l'intention de prendre pour remédier aux difficultés concernant l'offre de garde et permettre ainsi à chaque famille de vivre sereinement l'arrivée d'un nouvel enfant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Allô ! Allô !
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la famille.
    M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le député, le Premier ministre a pris aujourd'hui l'engagement de mettre en place une nouvelle prestation répondant à l'objectif de libre choix du mode de garde. Mais encore faut-il que ce choix soit le plus large possible. C'est pourquoi le Premier ministre a également annoncé la mise en place d'un nouveau plan crèches de 200 millions d'euros, qui permettra de créer 20 000 places de crèche dès sa mise en oeuvre, le 1er janvier prochain.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. Alain Néri. Avec quel budget ?
    M. le ministre délégué à la famille. Deuxième piste de développement des modes de garde : l'ouverture au secteur privé, mesure que je crois importante. A condition, bien entendu, que le privé réponde aux normes d'équipement et de taux d'encadrement ainsi qu'aux critères de formation, c'est-à-dire exerce rigoureusement dans les mêmes conditions que le public, pourquoi ne pas lui ouvrir l'accès aux modes de garde, dans un cadre contractuel avec les caisses d'allocations familiales ?
    M. Christian Bataille. Et la scolarisation à deux ans ?
    M. le ministre délégué à la famille. Troisième piste : le crédit d'impôt. Le Premier ministre a décidé de mettre en place un crédit d'impôt à hauteur de 60 %, qui permettra le financement croisé des crèches entre les collectivités territoriales, les caisses d'allocations familiales et l'entreprise,...
    M. Michel Delebarre. Ben tiens !
    M. le ministre délégué à la famille. ... ainsi que le financement de toutes les actions menées par les entreprises en direction de la politique familiale.
    Le statut des assistantes maternelles est également un point très important. Conformément à l'engagement pris aujourd'hui, l'agrément, jusqu'à présent limité à trois enfants, pourra être élargi à trois temps pleins. Ainsi, en fonction de l'emploi du temps des parents, l'assistante maternelle pourra accueillir quatre enfants en s'occupant de trois en permanence, ce qui se traduira par une augmentation de rémunération, à laquelle s'ajoute l'alignement des SMIC décidé il y a quelques mois par le Gouvernement. Au-delà, mentionnons aussi la prise en charge des caisses de prévoyance, la création d'un fonds de formation continue et la validation des acquis de l'expérience.
    Contrairement à ce qui a pu être dit depuis deux jours, le plan crèches du gouvernement précédent n'a pas été remis en cause. Il a été non seulement maintenu, mais en plus financé, parce que nos prédécesseurs avaient oublié de le faire. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est donc en place et ce deuxième plan crèches vient s'y ajouter. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. Julien Dray. Ils ont réinventé Merlin l'enchanteur !

PRÉSIDENCE FRANÇAISE D'EURÊKA

    M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe UMP.
    Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la ministre déléguée à l'industrie, la dépendance technologique de l'Europe fait peser une menace sur ses emplois et ses économies. Cette vulnérabilité s'avère particulièrement critique dans le contexte international actuel. L'industrie européenne, pour de trop nombreuses technologies, se trouve réduite à une seule source d'approvisionnement, qu'elle soit américaine ou asiatique. Certaines entreprises estiment ainsi que, pour pas moins d'un tiers de leur production, elles dépendent directement de composants étrangers qui ne sont pas facilement, voire pas du tout substituables.
    Cette situation de dépendance technologique n'est pas nouvelle. Déjà, en 1985, l'Europe avait réagi en créant le programme Eurêka. Ce programme ambitieux de soutien à la compétitivité et à l'innovation a permis le renouveau de l'industrie micro-électronique européenne et l'implication croissante des PME dans des projets innovants visant les marchés internationaux. Mais, depuis plusieurs années, Eurêka est confronté à des difficultés importantes : certains pays européens se désengagent, d'autres dénoncent une dérive par rapport à l'esprit qui avait présidé à la mise en place du programme.
    La France prendra la présidence d'Eurêka le 1er juillet prochain. Dans le contexte international tendu, incertain, imprévisible, dans lequel nous évoluons, pouvons-nous, madame la ministre, continuer à subir pareille dépendance technologique ? Quelles initiatives la France peut-elle proposer, dans le cadre de sa présidence, pour prévenir ce risque ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame la députée, vous avez souligné la dépendance technologique croissante de l'Europe. Pourtant, Eurêka avait été créé justement pour renforcer nos capacités d'innovation et notre compétitivité. Mais force est de constater que les résultats n'ont pas été à la hauteur de ces ambitions. Aujourd'hui, vous avez raison, il est urgent d'agir, au niveau national et au niveau européen.
    Au niveau national, ce sont les mesures que j'ai récemment présentées en étroite coopération avec Claudie Haigneré pour rattraper notre retard dans le domaine de l'innovation, de la recherche et du développement.
    Au niveau européen, c'est l'objectif fixé au sommet de Barcelone - faire en sorte que nos dépenses de recherche et développement atteignent 3 % du PIB d'ici à 2010 - et c'est, bien évidemment, le programme Eurêka.
    Nous constatons que si Eurêka a connu des succès, notamment avec le programme MEDEA qui a permis la constitution d'un pôle d'excellence à Crolles inauguré récemment par le Président de la République, son action a été trop dispersée.
    C'est pourquoi pendant la présidence que la France va assumer, nous veillerons à améliorer son efficacité et à assurer une plus grande cohérence avec les programmes communautaires, en particulier avec le programme commun de recherche et développement. Nous essaierons de centrer ses projets sur des domaines stratégiques, tels les nanotechnologies, les biotechnologies, les technologies de l'information.
    Vous pouvez donc constater que nous avons la ferme volonté de redonner à l'Europe une grande ambition dans ce domaine technologique qui est tellement important pour notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)

PRÉSIDENCE DE
M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

SIMPLIFICATION ET CODIFICATION DU DROIT

Explications de vote et vote
sur l'ensemble d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de la loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit (n°s 710, 752).
    La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
    M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'examen en première lecture par votre assemblée du projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification a donné lieu à un débat tout à la fois passionné et passionnant. Sur tous les bancs, les orateurs ont souligné l'audace du projet du Gouvernement et l'ampleur, sans précédent sous la Ve République, de cette entreprise de simplification pour s'en inquiéter, il est vrai, du côté de l'opposition, et pour s'en réjouir dans les rangs de la majorité. Quoi qu'il en soit, le projet est effectivement audacieux et le Gouvernement assume pleinement ce choix ; pas moins de trente lois et quatorze codes sont concernés, touchant à des matières extrêmement diverses du droit économique et social et à tous les domaines de l'administration.
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas audacieux, c'est aventureux !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Si le Gouvernement a été faire le choix de l'audace, c'est parce que, depuis trop longtemps, s'entassaient, année après année, des rapports de toutes provenances, qui dénonçaient le « mal français », la sur-administration et la sur-réglementation, dont on ne connaît que trop les effets pervers : la déresponsabilisation grandissante de nos concitoyens, le découragement de tous ceux qui veulent oser, innover, créer de l'emploi et de la richesse, prendre des risques, et surtout, l'affaiblissement de l'autorité de la loi.
     « Trop de loi tue la loi », dit l'adage célèbre. Et si nous avons mis en exergue de notre projet de loi la phrase de Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », c'est bien parce qu'il était temps de réagir face à l'exaspération et l'incompréhension grandissante de nos concitoyens, qui contribuent pour une bonne part à nourrir le poujadisme et les démons de l'extrémisme.
    A plusieurs reprises, le Président de la République a invité le Gouvernement à agir avec énergie pour mettre fin à ce qu'il a appelé, à l'occasion notamment de ses voeux solennels aux corps constitués, devant l'ensemble de la fonction publique, « les lourdeurs, les archaïsmes, les lenteurs de l'administration, que ne supportent plus les Français ». Et ce projet de loi, véritable choix de société, se veut guidé par des valeurs, celles-là mêmes sur lesquelles nous devons fonder notre démocratie.
    La première, c'est la volonté de restaurer l'autorité de la loi, de faire en sorte que les Français puissent comprendre leurs droits et leurs devoirs et y avoir aisément accès, en tentant de limiter cette prolifération réglementaire non maîtrisée qui aboutit à rendre opaques les règles collectives sur lesquelles repose notre société.
    La deuxième valeur, c'est le choix de la confiance et de la responsabilité. Nous refusons la société du soupçon. Tout au long du débat, ceux qui ne veulent pas de la simplification administrative n'ont eu de cesse de nous opposer le même argument,...
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas que nous n'en voulons pas !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... selon lequel nous encouragerions la fraude, la triche et la corruption. Certes, on trouvera toujours des individus qui s'ingénieront à déjouer les règles et à multiplier les abus. Mais ce n'est pas parce qu'il y a des gens malhonnêtes - il y en aura toujours - qu'il faut soupçonner a priori tous les Français et bâtir un corset de prescriptions d'une lourdeur et d'une rigidité telles qu'il en vient à paralyser le fonctionnement de la société.
    M. Bernard Schreiner. Très juste !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Enfin, la troisième valeur qui anime le Gouvernement, c'est la conviction que les fonctionnaires de terrain, ceux qui sont au plus près de nos concitoyens, et particulièrement ceux qui jouent quotidiennement un rôle d'interface avec le public, ceux qui accueillent les usagers au guichet, aspirent très largement à ne plus devenir les otages de procédures si complexes qu'elles dissuadent tout initiative qui irait dans le sens d'une meilleure écoute, d'un meilleur dialogue avec les administrés. Ce projet, mesdames et messieurs les députés, entend également libérer les énergies de nos fonctionnaires de terrain.
    Au-delà des choix de fond se posait celui de la méthode : le recours aux ordonnances, choix que, là encore, le Gouvernement assume pleinement. Car, sitôt que l'on parle de simplification, la première difficulté est de savoir comment secouer le scepticisme des Français et de tous les acteurs. Ils ont entendu trop de discours incantatoires jamais suivis d'effets.
    M. Hervé de Charette. Ça, c'est bien vrai !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. C'est pourquoi le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a fait de la simplification de la vie des Français, devenue trop compliquée, la première priorité de son action. Il a donc entendu mobiliser l'ensemble du Gouvernement sur ce chantier. A cet égard, le projet qui vous est soumis est l'exemple même d'une politique résolument interministérielle, et je tiens à saluer les contributions éminentes qu'y ont apportées mes collègues Nicolas Sarkozy, Patrick Devedjian, Francis Mer, Alain Lambert, François Fillon, Jean-François Mattei et Renaud Dutreil.
    M. Alain Néri et M. Michel Delebarre. C'est tout ?
    M. Jérôme Lambert. N'en jetez plus !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Elles montrent à quel point l'ensemble du Gouvernement s'est mobilisé pour devenir acteur de la simplification.
    M. Jean Glavany. Cela ne nous rassure pas !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. La question du recours à l'article 38 de la Constitution est celle qui aura le plus nourri nos débats. L'article 38, rappelons-le, autorise le Gouvernement à prendre, pour l'exécution d'un programme précis et pour une durée limitée, des mesures de nature législative. Il ne fait aucun doute que ce projet est constitutionnel.
    M. Jérôme Lambert. On verra bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réfome de l'Etat. En effet, c'est l'esprit même de la Constitution voulue par les fondateurs de la Ve République que de permettre au Gouvernement de procéder par ordonnances sitôt qu'il s'agit d'un aspect fondamental de son programme ; or, je le répète, la simplification est une des priorités majeures de ce gouvernement.
    Procéder ainsi ne fait en rien l'économie du débat parlementaire. Les orateurs de l'opposition nous ont accusés de vouloir passer en force, de demander un blanc-seing, de faire voter des mesures fourre-tout. Rien de cela ne correspond évidemment à la réalité. J'irai jusqu'à dire que ceux qui ne veulent pas des ordonnances ne veulent, en réalité, pas davantage de la simplification. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jérôme Lambert. Pas de la vôtre en tout cas !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. N'oublions pas, mesdames, messieurs les députés, que s'il avait fallu recourir à la procédure parlementaire traditionnelle pour faire adopter toutes ces mesures dont j'ai souligné l'ampleur, une année entière de débats n'y aurait pas suffi ! Ajoutons que si l'on veut réellement simplifier, il faut certainement s'interroger sur la façon de légiférer dans notre pays.
    Enfin, et c'est la meilleure des réponses, le débat a montré que cette loi d'habilitation, et je veux y insister car c'est une première, aura été pour le Parlement l'occasion d'arrêter et de fixer les objectifs qui encadreront l'action du Gouvernement. Trop souvent, dans le passé, les débats sur les lois d'habilitation n'étaient que de pure forme. Cela n'aura pas été le cas cette fois-ci et je tiens à souligner la très grande qualité de notre discussion. Cent trente-cinq amendements ont été déposés et cinquante-cinq adoptés - ratio tout à fait remarquable qui souligne tant l'apport des parlementaires que la volonté du Gouvernement de les associer en amont, au moment du choix politique, c'est-à-dire de la définition des termes de l'habilitation.
    Je voudrais aussi souligner l'excellence du travail de la commission des lois et la très grande qualité du rapport d'Etienne Blanc...
    M. Jean Leonetti. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... qui produira des effets dans la durée sur les voies et moyens pour simplifier notre droit.
    Au-delà du débat lui-même, le Gouvernement s'était engagé devant vous à associer les parlementaires en amont comme en aval. En amont, et ce fut un choix tout à fait novateur, nous avons retenu un amendement d'Alain Madelin tendant à mettre en place une commission dans laquelle des parlementaires seront majoritaires et qui sera chargée de proposer en permanence au Gouvernement des choix de simplification du droit.
    M. Antoine Carré. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Dans le cadre de la modification du règlement initiée par le président de votre assemblée, Jean-Louis Debré, le président de la commission des lois, Pascal Clément, a suggéré qu'une mission d'information et d'évaluation suive la rédaction des ordonnances, dans le respect évidemment du principe de la séparation des pouvoirs. Le Gouvernement laisse bien entendu le soin à l'Assemblée nationale d'en décider, mais il se réjouirait de voir ainsi s'instaurer une coopération novatrice par laquelle le Parlement et le Gouvernement agiraient en co-acteurs d'un véritable et vaste mouvement de simplification au lieu de s'ingénier à voter des textes supplémentaires de plus en plus compliqués.
    J'en viens maintenant aux choix de fond que propose le texte. Sans énumérer l'ensemble des dispositions, j'insisterai sur celles qui ont suscité le plus de débats.
    Le premier volet concerne la modernisation des relations entre l'administration et les Français. Je crois pouvoir dire, afin de m'en réjouir, qu'un très large consensus s'est dessiné sur tous les bancs de cette assemblée pour souligner la nécessité de simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens dans leurs relations avec les services publics. L'introduction dans notre droit de l'obligation faite à tous les services publics de s'engager sur le délai maximal dans lequel ils répondront aux demandes dont ils auront été saisis apparaît à cet égard comme une disposition majeure.
    Autre disposition importante, la réduction du nombre de commissions administratives - 221 en moyenne - dans les départements...
    M. René Couanau. Oh !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Nous espérons en supprimer une bonne partie.
    Troisième disposition de bon sens, mais totalement nouvelle : l'obligation faite aux administrations de mutualiser leurs informations. Ainsi, lorsqu'un de nos concitoyens changera de domicile, il lui suffira de déclarer son changement d'adresse à une seule administration pour que toutes les autres intègrent cette information. A l'heure du numérique, ce qui était impossible hier est possible aujourd'hui et sera encore plus facile demain. Le projet de loi vise également à mettre le service public à l'heure de la société de l'information.
    Je voudrais souligner l'apport important d'un amendement présenté par Eric Woerth, reprenant un thème cher à Alain Juppé : la suppression de l'instruction mixte à l'échelon central.
    M. Alain Juppé et M. Jean-Michel Dubernard. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Cet amendement a valeur symbolique. La procédure de l'instruction mixte à l'échelon central remontait aux années cinquante. Conçue à l'origine pour des raisons militaires, elle imposait que tout projet d'équipement donnant lieu à une instruction territoriale fasse l'objet d'un réexamen au niveau de l'ensemble des administrations centrales, ce qui conduisait le plus souvent à allonger la procédure d'au moins une année, si ce n'est deux. Désormais, l'instruction territoriale suffira et, du même coup, les fonctionnaires territoriaux seront davantage responsabilisés.
    Le deuxième volet regroupe une série de mesures particulièrement importantes qui visent à simplifier bon nombre de procédures relevant du ministre de l'intérieur. Je veux à ce propos remercier tout spécialement mon collègue Patrick Devedjian de sa contribution. Il a su apporter des éclaircissements de nature à rassurer les parlementaires qui s'inquiétaient des possibles dérives en matière de fraude électorale. Désormais, une déclaration sur l'honneur, faite en mairie, suffira pour voter par procuration.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Les gendarmes, policiers et magistrats, jusqu'alors inutilement mobilisés, en seront d'autant soulagés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Le Gouvernement est décidé à agir vite afin que cette disposition soit applicable dès les prochaines élections.
    Une disposition a reçu une approbation unanime - le fait est suffisamment rare pour devoir être souligné : l'introduction de la présomption de nationalité automatique pour tous nos compatriotes nés à l'étranger ou hors des actuelles frontières de l'Hexagone, notamment dans les anciens territoires de la République. Cela mettra fin au parcours blessant, souvent humiliant auquel se voient astreints tous ceux de nos compatriotes qui, au moment du renouvellement de leurs documents d'état civil, sont obligés de faire à nouveau la preuve de leur nationalité française - je pense tout spécialement aux harkis et aux rapatriés. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    M. Jean Marsaudon. C'est vraiment très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Autre disposition de simplification et de bon sens, la création d'un guichet unique pour le permis de chasse répond aux aspirations de tous ceux pour qui la chasse est un loisir important.
    M. Pierre Lasbordes. Excellent !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. J'en viens au troisième volet du projet, préparé notamment par Renaud Dutreil et François Fillon, et qui regroupe une série de dispositions visant à libérer les énergies des entreprises et notamment des petites entreprises.
    Lors de l'examen du projet de loi sur l'initiative économique, la majorité avait souhaité, avec force, l'instauration d'un guichet unique de recouvrement des cotisations et contributions sociales pour les artisans et commerçants. Le Gouvernement s'engage à le mettre en place par ordonnance dans un délai d'un an. Cette mesure a été enrichie par le débat parlementaire et particulièrement par les amendements de François Sauvadet, en particulier celui qui aura permis de garantir aux artisans la liberté de choix de leur caisse. Cet amendement important est de nature, me semble-t-il, à apaiser le caractère passionnel de ce dossier.
    Le Gouvernement prendra naturellement le temps de la concertation avec les personnels concernés pour aboutir au meilleur système, mais l'objectif est clair : c'est bien la mise en oeuvre de ce guichet unique, conformément à l'aspiration des artisans, des commerçants, des indépendants et des professions libérales de ce pays, conformément aussi à la volonté exprimée par la majorité parlementaire.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Autre disposition importante pour les petites entreprises : la création d'un titre emploi simplifié pour faciliter les premiers emplois ou les emplois de courte durée. Le TIS permettra d'accomplir simplement les formalités sociales liées à l'emploi d'un salarié, en dispensant notamment de la déclaration préalable et de la feuille de paie. Il se substituera aux déclarations sociales et facilitera le paiement des cotisations. Inspiré du chèque emploi-service, dont vous connaissez le succès, le TIS sera tout à fait adapté aux activités saisonnières dans les secteurs de la restauration, du BTP et de l'hôtellerie.
    M. Alain Néri. Et la baisse de TVA pour la restauration, c'est pour quand ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. La majorité a également souhaité, à l'initiative de François Sauvadet, que soit posé le problème de la simplification du bulletin de paie.
    M. Alain Néri. Là n'est pas la question !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Le Gouvernement s'efforcera de travailler dans cette direction.
    Le quatrième volet majeur de ce projet regroupe tout ce qui concourt à la simplification de l'organisation et du fonctionnement de notre système de santé. Ce volet de grande ampleur a été naturellement préparé par mon collègue Jean-François Mattei, dans un domaine où la lourdeur de la techno-structure administrative est déplorée sur tous les bancs de cette assemblée.
    Deux dispositions majeures sont prévues pour ce qui touche au système de santé, dont la première est la simplification des procédures pour construire et réaliser des hôpitaux publics de façon à pouvoir tenir les engagements du plan Hôpital 2007. Rappelons que 68 % des bâtiments et équipements hospitaliers ont atteint un niveau de vétusté préoccupant. Le Gouvernement a fait du plan Hôpital 2007 une priorité, avec 1 milliard d'euros d'investissements supplémentaires chaque année. Actuellement, le délai de construction d'un bâtiment hospitalier est en moyenne supérieur à cinq ans, souvent de dix ans. Les dispositions prises permettront de le diminuer au moins par deux.
    Dans le domaine de l'organisation du système de santé, il faut relever la suppression de la carte sanitaire, avec une réorganisation autour d'une planification régionale indicative et un nouveau schéma d'organisation sanitaire qui permettra d'intégrer toutes les catégories d'établissements de santé, y compris les établissements psychiatriques. Le régime des autorisations sera particulièrement simplifié pour l'utilisation des matériels et équipements lourds en encourageant la coopération entre les médecins libéraux et le système hospitalier public, en favorisant la coopération sanitaire en réseaux, notamment pour tout ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées à domicile, afin de dépasser les barrières institutionnelles artificielles qui trop souvent freinaient une approche globale de la personne.
    Le nouveau groupement de coopération sanitaire sera l'instrument juridique de cette approche simplifiée.
    Le dernier volet, qui a donné lieu aux débats sans doute les plus passionnés, la modernisation de la commande publique, comporte des innovations de nature à satisfaire les souhaits exprimés très fréquemment par les élus locaux.
     Le ministre des finances a commencé à simplifier, par voie réglementaire, la nomenclature pour les appels d'offres, notamment en relevant les seuils pour les aligner sur les normes européennes. Le projet de loi qui vous est soumis permettra d'aller plus loin en simplifiant le code des marchés publics ; désormais, si le maître d'ouvrage public en décide ainsi bien entendu, on pourra adopter un seul marché de la conception à la maintenance.
    M. André Vallini. Dangereux !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Cela permettra de diminuer de plusieurs années les délais de réalisation des équipements publics.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Bravo !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Les parlementaires doivent savoir qu'actuellement le délai entre la prise de décision politique et la réalisation de l'équipement public est très souvent supérieur à dix ans, ce qui contribue très largement à décrédibiliser la parole publique. Par conséquent, il faut tout faire pour le réduire, et le Gouvernement attend beaucoup de cette nouvelle faculté donnée aux collectivités publiques.
    En outre, le débat a permis de progresser et de répondre aux inquiétudes légitimes des professions concernées...
    M. Jérôme Lambert. Ce n'est pas ce qu'on lit dans la presse !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... notamment les architectes ou la maîtrise d'oeuvre. Bien entendu, je réaffirme au nom du Gouvernement que toutes les garanties seront prises pour assurer la transparence et le contrôle des procédures. Il va de soi que c'est la collectivité publique et elle seule qui définira le cahier des charges de l'équipement public en question.
    J'ajoute qu'il est à mes yeux essentiel que les équipements publics soient conçus en fonction de leur finalité, et de leurs destinataires une école doit être pensée pour les enseignants et les élèves. Il en va de même pour un commissariat ou une prison. Il y avait en effet quelque chose d'erroné à séparer artificiellement la conception du bâtiment et sa maintenance. A cet égard, nous faisons toute confiance aux élus pour faire preuve de la rigueur nécessaire.
    Enfin, et c'est un des aspects les plus novateurs du projet, nous rendons possible le partenariat public-privé. Pour des opérations très lourdes et très complexes, comme la réalisation de ports, d'aéroports, de barrages, de viaducs ou de bâtiments exigeant un investissement très important, un maître d'ouvrage public pourra confier à une personne privée non seulement la conception, mais aussi l'exploitation de l'équipement sur une longue durée, de façon à amortir des équipements qui ne pourraient l'être sur une période trop courte. Le Gouvernement attend de cette innovation qu'elle relance la participation de l'ingénierie et des capitaux privés aux équipements structurants dont notre pays a grandement besoin, à un moment où l'Etat, vous le savez, ne peut pas tout faire seul. C'est, à mon sens, la traduction concrète du nouvel état d'esprit que le Gouvernement souhaite impulser. Il est vain et dommageable d'opposer sans cesse la France du privé et la France du public.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il n'y a qu'une seule France qui peut gagner les batailles sur le marché mondial ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) A cet égard, je rappelle que c'est le partenariat public-privé qui a permis à certaines de nos entreprises de devenir des champions mondiaux dans le domaine du BTP, de l'eau et du traitement des déchets, entre autres. Il était donc absurde que seul l'Hexagone ne bénéficie pas des possibilités offertes par le partenariat public-privé.
    Telles sont les dispositions essentielles de ce projet, étant entendu qu'il ne s'agit, aux yeux du Gouvernement, que d'une première étape. Tout au long du débat, les orateurs de la majorité ont invité le Gouvernement à aller plus vite et plus loin.
    Je prends devant vous l'engagement de faire en sorte que les ordonnances qui seront prises en application de la loi soient, pour la plupart, terminées avant la fin de l'année.
    Je prends également l'engagement de proposer au Parlement un débat, à l'occasion de la ratification, sous la forme qu'il souhaitera.
    Au-delà de cette première étape, dès la session d'automne, et répondre aux demandes émanant des bancs de votre assemblée, nous présenterons un deuxième projet de loi destiné à poursuivre la simplification par ordonnances, notamment dans les domaines de l'agriculture, de l'urbanisme, de l'environnement et de la vie des familles - évoqué d'ailleurs lors des questions d'actualité par mon collègue Christian Jacob.
    J'ai bien conscience, et vous avez été nombreux à le dire, qu'au-delà des mesures prises pour essayer de simplifier un droit devenu trop complexe, il faut aussi nous interroger sur la façon de moins mais mieux légiférer à l'avenir. Ayons la lucidité de reconnaître que, jusqu'à maintenant, nous avons tous échoué à éviter la prolifération de textes toujours plus complexes et toujours plus difficiles à lire et à interpréter.
    M. Alain Néri. Ce n'est pas une raison pour le faire par ordonnances !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il faut donc que le Gouvernement, pour ce qui concerne la présentation des projets de loi, envisage en amont des études d'impact...
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. ... dans lesquelles seraient posées quelques questions très simples. Ce projet de loi est-il indispensable ? Est-il adapté à sa finalité ? Disposons-nous des moyens humains et financiers nécessaires pour l'appliquer ?
    M. Alain Bocquet. Pouvons-nous passer au vote ?
    M. le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Il faudrait également, et je sais que c'est une préoccupation du président de l'Assemblée nationale comme de la commission des lois, que les assemblées fassent en sorte que l'intervention du Parlement aille plutôt dans le sens de la simplification que dans le sens de l'ajout à la norme collective.
    En résumé, vous le voyez, le Gouvernement, par le biais de ce projet, veut permettre à la société française de respirer, d'être moins prisonnière des règles et des lois qui entravent trop souvent l'initiative personnelle et la responsabilité. C'est un levier majeur pour la réforme de l'Etat. Si nous ne simplifions pas les procédures, il est illusoire et vain de reprocher aux fonctionnaires, dont c'est le devoir, d'appliquer la règle, quitte à ce qu'elle paraisse trop lourde à beaucoup de nos concitoyens.
    Avec cette première étape de la simplification, le Gouvernement entame la réforme de l'Etat de façon qu'elle soit irréversible. C'est une première pierre. Il s'agit, et c'est important, de réconcilier les Français avec les institutions de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Etienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter un texte important, en tout cas un texte qui marquera cette mandature.
    Il est important, d'abord, parce qu'il traduit un engagement très ferme du Président de la République et du Premier ministre, celui de simplifier la vie des Français et surtout de les réconcilier avec l'administration et l'Etat.
    Il est important aussi par sa dimension. Sur tous les bancs de l'Assemblée, chacun, soit pour s'en féliciter, soit pour s'en étonner et le regretter, a pu constater à la fois la diversité et l'ampleur du champ d'intervention des ordonnances. Simplifier, moderniser et adapter nos règles de droit et nos procédures administratives sont des thèmes récurrents de la vie politique française. La loi d'habilitation que nous nous apprêtons à voter constitue à cet égard une étape très significative dans la mise en oeuvre de cette volonté.
    En second lieu, il ressort de nos débats un constat évident : complexifier le droit et les procédures, c'est chose assez simple ; en revanche, simplifier et clarifier, c'est particulièrement complexe.
    M. François Sauvadet. C'est vrai !
    M. Etienne Blanc, rapporteur. Toute mesure change des habitudes, souvent anciennes, et remet en cause des situations acquises, parfois des emplois, et souvent des avantages. C'est pourquoi le Gouvernement devra faire preuve d'une très grande détermination pour amplifier un mouvement de simplification que les Français attendent avec impatience.
    Sur les cent vingt-deux amendements qui ont été proposés sur ce texte, cinquante-cinq ont été adoptés. Ils ont incontestablement amélioré un certain nombre de points sensibles. Je voudrais en rappeler un, qui est significatif. Il s'agissait pour l'amendement n° 86 de soutenir la démarche et de l'amplifier en autorisant la création d'un conseil d'orientation et de simplification administratives qui sera chargé de faire des propositions au Gouvernement. Composé de six parlementaires, trois sénateurs et trois députés, il sera complété par des élus locaux : conseillers régionaux et conseillers généraux. Ainsi, dans l'élaboration des ordonnances, dans leur suivi et dans la préparation d'une loi d'habilitation à venir, le Parlement pourra peser. Et, en raison de leur proximité et de leur parfaite connaissance des problèmes administratifs et de la gestion des réalités quotidiennes des Français, les élus locaux pourront permettre au Gouvernement d'adopter des mesures de simplification beaucoup plus concrètes.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous remercier, ainsi que votre cabinet, pour l'attention que vous avez portée à nos amendements. Je voudrais remercier également les différents cabinets ministériels qui ont été auditionnés, ce qui a permis de concrétiser un certain nombre de points du texte qui étaient particulièrement sensibles.
    Mes chers collègues, en votant cette loi d'habilitation, vous donnerez au Gouvernement, j'en suis convaincu, des moyens juridiques très significatifs pour simplifier et clarifier notre droit, pour réconcilier nos concitoyens avec l'administration et l'Etat, et surtout pour simplifier la vie des Français, ce qu'ils attendent avec beaucoup d'impatience. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Leonetti pour le groupe UMP.
    M. Jean Leonetti. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce n'est pas une grande surprise que d'annoncer que le groupe UMP votera avec enthousiasme cette loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. André Gerin. Nous voilà rassurés !
    M. Jean Leonetti. ... parce qu'elle est à la fois vaste et ambitieuse.
    M. Patrick Braouezec. Aventureuse !
    M. Jean Leonetti. En effet, elle s'attaque à deux projets fondamentaux : la simplification de la vie quotidienne de nos concitoyens et la réforme de l'Etat pour lui rendre une autorité plus forte et plus juste.
    Comment, en effet, demander à nos concitoyens la restauration de l'autorité républicaine si, dans le même temps, on leur présente une législation confuse, complexe dans laquelle les textes s'additionnent, s'empilent, voire se contredisent ? Si le simple citoyen ne comprend pas la loi, il se rend compte que les spécialistes du droit hésitent aussi quelquefois à trancher dans la clarté. C'est la raison pour laquelle il faut mettre fin à cette loi bavarde, qui réglemente plus qu'elle ne dit la règle, qui se préoccupe plus d'affichage médiatique que de régler concrètement les problèmes auxquels sont confrontés l'ensemble des Français.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. Jean Leonetti. Les citoyens sont désemparés devant un service public qu'ils considèrent souvent trop lent, quelquefois inefficace, indifférent et même, malheureusement, hostile. Je pense en particulier aux services fiscaux : le citoyen a l'impression de se trouver dans un système inquisitoire et non plus dans un Etat de droit.
    Sur le fond, l'unanimité s'est faite sur nos bancs pour reconnaître que, effectivement, notre loi est trop complexe, et donc illisible. Or les lois illisibles ne sont pas applicables.
    Si les termes de « loi juste, urgente et nécessaire » ont souvent été employés, nous divergeons, bien sûr, sur la forme et, quelquefois, sur le fond.
    Sur la forme, aucun député ne renonce volontiers à son pouvoir législatif. Si nous le faisons aujourd'hui avec une certaine sérénité, c'est d'abord parce que nous avons conscience qu'il est urgent et nécessaire de le faire. Avec l'encombrement législatif que subit le Parlement, il va de soi que, si nous voulons être efficaces, il ne nous reste que cette voie étroite et difficile.
    De plus, bien qu'urgente, cette loi a été élaborée dans la concertation, en amont, pendant la discussion du texte et en aval. La concertation s'est faite en amont avec l'ensemble des partenaires sociaux et des cabinets ministériels que vous avez cités mais aussi avec la commission des lois que vous avez écoutée. Au cours du débat, vous avez accepté un grand nombre d'amendements qui sont venus bonifier le texte. Et pour après, vous avez créé un système souple et efficace pour mettre en place ce que nous prônons depuis longtemps, à savoir une politique d'évaluation de l'efficacité : nous ne devons pas nous contenter de voter des textes sans nous préoccuper de leur application pratique.
    Politique de l'évaluation et de l'efficacité, c'est le message que nous avons reçu à l'UMP et dans la majorité. Lorsqu'un projet est inefficace, il est inutile, et les lois promulguées mais non appliquées sont encore plus néfastes à nos concitoyens et à l'image du service public que les lois qui ne sont pas votées.
    Cette culture de résultat se mesure par exemple aux délais de réponse de l'administration. Celle-ci doit raccourcir ces délais, pour ne pas donner une impression d'indifférence, voire d'hostilité à celui qui demande, en toute bonne foi, qu'on l'éclaire sur tel ou tel élément.
    Nous entrons aussi dans une culture, vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, de confiance et vous avez souligné, non sans émotion, que cela permettrait à ceux qui sont nés hors de l'Hexagone mais qui sont peut-être plus français que les autres parce qu'ils ont versé leur sang et choisi la France, comme les harkis, ou l'ensemble de la communauté pied-noir qui n'a rien à renier de ce qu'elle a accompli hors du territoire métropolitain, d'être reconnus dans tous leurs droits français, sans être obligés de répéter, à chaque démarche administrative, qu'ils sont français. Cette humiliation leur sera désormais épargnée.
    Croyez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce message de simplification va bien au-delà de la simple suppression d'une démarche administrative : il est symbole de reconnaissance et de justice vis-à-vis de toute une communauté qui vous en est extrêmement reconnaissante. (Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Par ailleurs, on n'aura plus à prouver a priori qu'on est de bonne foi et qu'on est honnête. Grâce aux nouvelles technologies, nous avons la possibilité de faire des déclarations simplifiées et il n'est plus utile de fournir de justificatifs, parce qu'ils pourront être réclamés a posteriori.
    A l'efficacité, à l'évaluation, à la confiance, il faut ajouter la liberté et la responsabilité.
    L'administration sera libérée des contraintes inutiles, alors que, actuellement, par exemple, les soignants, infirmières et médecins, consacrent dans les hôpitaux près de 25 % de leur temps aux tâches administratives. Ne vaudrait-il pas mieux que ce temps soit consacré aux soins à apporter aux malades ?
    Liberté est rendue aussi aux acteurs économiques, artisans et commerçants qui créent la richesse. Grâce au titre emploi simplifié et au guichet unique, ils pourront se consacrer à la tâche d'entreprendre.
    Les citoyens deviendront plus responsables, car ils s'engageront sur l'honneur. En dépit des réticences de l'opposition sur ce terme, il ne me paraît pas désuet. Quand un citoyen s'engage sur l'honneur, il prend une responsabilité vis-à-vis des autres et de lui-même. Nous restituerons ainsi à ce mot, qui me paraît encore d'actualité, toute sa valeur.
    Il y a à peu près un an, nos concitoyens nous envoyaient un message.
    M. Patrick Braouezec. Vous êtes trop long ! Vous ne disposiez que de cinq minutes !
    M. Jean Leonetti. Le temps vous paraît long...
    M. Patrick Braouezec. Non ! objectivement, vous êtes très long !
    M. Jean Leonetti. ... mais il paraît encore plus long à ceux qui n'ont pas le sentiment que la simplification est amorcée. Et pendant les cinq années où vous avez été au pouvoir, monsieur Braouezec, vous avez plutôt multiplié les complications ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    Ce projet de loi ne contient pas seulement un message de simplification : il vise à réconcilier les citoyens avec leurs services publics, voire avec l'action publique. C'est la raison pour laquelle, fidèle à sa philosophie, l'UMP votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste.
    M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au cours des débats que nous avons eus sur ce projet de loi, j'ai noté que la protection que lois et règlements doivent offrir aux citoyens pour qu'ils puissent vivre en bonne harmonie n'a pratiquement jamais été évoquée, ni par les parlementaires de droite ni, à l'instant encore, par vous monsieur le secrétaire d'Etat. Les discours que nous avons entendus à droite se sont toujours résumés à : « trop de lois », « trop de règlements », « faisons confiance à nos concitoyens ».
    M. Jean-Pierre Soisson. Absolument !
    M. Jérôme Lambert. Jamais, on ne s'est préoccupé de rechercher une meilleure protection du faible face au puissant, du petit face au grand. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Au contraire, ce texte s'inspire d'une conception très libérale...
    M. André Vallini. Ultra-libérale !
    M. Jérôme Lambert. ... qui, pourtant, inquiète de plus en plus les hommes et les femmes qui en subissent les conséquences humaines et économiques. Car, ne nous y trompons pas, sous couvert de simplifier le droit, le Gouvernement entend faire passer des réformes importantes à la sauvette, à travers une procédure d'habilitation à légiférer par ordonnance qui spolie le Parlement de ses droits dans des matières où ni l'urgence ni les circonstances ne justifient cette méthode particulière.
    M. Alain Néri. Eh oui !
    M. Jérôme Lambert. Il en est ainsi de la réforme, très controversée, des marchés publics, autorisés sans aucun garde-fou par les articles 3 et 4 du projet de loi.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aïe aïe aïe !
    M. Jérôme Lambert. Sous couvert de simplification du droit, le Gouvernement propose rien de moins que d'abroger les lois qui ont permis, ces dernières années, de donner un caractère transparent à toute opération de financement des marchés publics, qui avaient été si durement et si justement mis en cause.
    M. François Goulard. Vous en savez quelque chose ! Voulez-vous qu'on cite quelques affaires ?
    M. Jérôme Lambert. Ce dessaisissement du Parlement va permettre au Gouvernement, dans la tranquillité des discussions des cabinets ministériels, entourés d'experts en tout genre et de lobbys, d'organiser le retour aux pratiques antérieures, douteuses, en matière de passation des marchés publics.
    M. André Vallini. Scandaleux !
    M. Jérôme Lambert. Face à ce retour annoncé, de nombreuses voix s'élèvent déjà parmi les professionnels hors de cet hémicycle, mais également ici même, au sein de votre majorité.
    M. André Vallini. Très juste !
    M. Jérôme Lambert. Les petites et moyennes entreprises de nos régions risquent d'être exclues des marchés publics, et quelques grands groupes financiers aux intérêts croisés vont faire main basse sur ces marchés...
    M. André Vallini. Scandaleux !
    M. Jérôme Lambert. ... et dicter la loi de la concurrence effrénée à tous ces sous-traitants que deviendront, par la logique libérale...
    M. André Vallini. Ultra-libérale !
    M. Jérôme Lambert. ... les architectes et PME-PMI du secteur du bâtiment et des travaux publics.
    M. André Vallini. Très bien !
    M. Jérôme Lambert. Dans un projet de loi fourre-tout, qui spolie le Parlement de ses droits, c'est le libéralisme dans tous ses excès qui est en train de se tailler la part du lion, celle du prédateur de notre économie de marché.
    Ce texte traite, entre autres, de sujets de droit social, de droit du travail, de fiscalité dont le Parlement va, grâce au soutien d'une majorité docile, se dessaisir au profit exclusif du Gouvernement. Pourtant, le Gouvernement n'est jamais à court de discours sur le rôle du Parlement et sur la concertation tous azimuts. Mais à quoi bon s'embarrasserait-il de débats et de discussions, de contrôle aussi, quand tous les moyens sont entre ses mains ?
    Sous le couvert de quelques arbres qui masquent la forêt, ce projet de loi est extrêmement dangereux pour l'équilibre de certaines règles et pratiques qui ont cours dans notre société. Dans des domaines que j'ai évoqués brièvement, la simplification du droit annoncée ne vise qu'à revenir en arrière, qu'à simplifier le droit pour que celui-ci, dans sa fonction protectrice du faible face au fort, ne puisse plus empêcher les tenants du libéralisme d'avancer à grandes foulées dans une profonde refonte de notre société.
    Le groupe socialiste ne s'y trompe pas, et ne peut, bien entendu, partager cette vision politique faite de désillusions et de mirages. Vous ne pourrez nous convaincre de vos bonnes intentions, en mettant simplement en avant quelques réformes traitant de paperasserie alors que, dans le même temps, vous démolissez le droit des travailleurs, le droit à la protection, que vous revenez sur les acquis sociaux et que, dans certains domaines, ce projet de loi vous permettra aussi de faire reculer la protection dont nos concitoyens ont besoin.
    Dessaisir le Parlement par le 49-3 ne vous a pas porté chance. Vouloir aujourd'hui nous dessaisir en usant de l'article 38 de la Constitution fait courir un risque supplémentaire à votre majorité, celui d'élargir le fossé qui commence à se creuser entre vous et les Français au fil des décisions que vous entendez leur imposer et qu'ils n'approuvent pas toujours. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Goulard. Vous êtes bien mal placé pour dire cela !
    M. Jérôme Lambert. Nombre de raisons, de fond comme de forme, ont donc convaincu le groupe socialiste de s'opposer à votre vision ultralibérale de l'organisation de notre société et de voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. François Sauvadet. En écoutant le porte-parole du groupe socialiste, j'ai eu l'impression que nous ne parlions pas du même projet de loi. S'il est un sujet qui devrait recueillir un minimum de consensus, c'est bien la nécessité de simplifier la vie des Français pour rendre l'action publique plus lisible et plus efficace. En ce sens, ce texte constitue une réelle avancée que le groupe UDF tenait à saluer.
    Contrairement à ce qu'a prétendu l'opposition, un débat très ouvert s'est déroulé, auquel nous avons les uns et les autres largement participé. Vous aviez d'ailleurs annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous accepteriez des amendements, autrement dit la contribution du Parlement, et vous l'avez fait.
    Le texte marque aujourd'hui plusieurs avancées. Je pense, chers collègues de l'opposition, à la simplification du bulletin de paie, que vous n'avez pas citée mais qui est pourtant très attendue par tous les artisans, commerçants et chefs d'entreprise.
    Autre grande avancée : le guichet unique. Notre collègue Hervé Novelli, rapporteur de la loi sur l'initiative économique, pourra en témoigner : nous avons souhaité introduire dans cette loi un tel dispositif pour les contributions sociales. Cela a suscité évidemment des réactions et des débats parmi les professionnels. Et l'UDF a d'ailleurs déposé un amendement, qui a recueilli l'assentiment d'une très large majorité de cette assemblée, pour que figure dans le texte la notion de libre choix afin de responsabiliser les acteurs et de rendre plus efficace la perception des cotisations sociales.
    Autre grande avancée, le titre emploi simplifié pour l'hôtellerie et ces petits métiers dont nous avons besoin. Dans ces secteurs, la complexité liée à l'embauche était un frein à l'emploi et à l'employabilité. Là aussi, il faut saluer cette mesure.
    Mon cher collègue Leonetti l'a rappelé, nous sommes à un peu plus d'un an d'un véritable choc qui nous a tous marqués, la présence, au second tour de l'élection présidentielle, d'un candidat de l'extrême droite. Permettre à nos compatriotes de pouvoir voter dans des conditions plus aisées, notamment grâce à la procuration, c'est une grande avancée que je me permets de saluer.
    M. André Gerin. Lamentable !
    M. François Sauvadet. Certes, une loi d'habilitation n'est pas forcément ce qu'un Parlement moderne apprécie le plus.
    M. Michel Delebarre. Ah ?
    M. François Sauvadet. Toutefois, je comprends les motifs, notamment en matière de codification, qui ont dicté le choix de cette méthode.
    Il reste en suspens la question, non pas du partenariat public-privé qui a pu, par le passé, faire la preuve de son efficacité et qu'il faut renforcer, mais d'un de ses aspects importants, la réforme de la maîtrise d'ouvrages publics, de la loi MOP. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner l'assurance que toutes les PME-PMI pourront avoir accès à la commande publique, que les nouvelles dispositions n'auront pas d'effet négatif sur l'équilibre toujours fragile des petites entreprises et des artisans ? La commande publique, je le rappelle, est extrêmement importante pour l'emploi durable chez les commerçants et les artisans qui peuvent contribuer à faire vivre nos territoires. En tant qu'élu rural, j'insiste beaucoup sur ce point.
    Il faudra aussi veiller que la réforme n'interdise pas aux nouveaux architectes de talent d'accéder à la commande publique et ne conduise pas à des choix déjà établis de groupes, financiers ou autres.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, pour simplifier, il faut non seulement une volonté tenace, mais aussi de l'audace. Nous avons essayé de vous aider sur cette voie notamment en vous proposant de mettre en place la retenue à la source de l'impôt sur le revenu. Cela existe dans beaucoup de pays développés et cela fonctionne très bien. Mais, comme souvent, on nous a opposé une fin de non-recevoir sous prétexte que c'était trop complexe. Vous l'avez dit vous-même, c'est compliqué de faire simple. Mais le groupe UDF reste persuadé que nous avancerons dans cette voie et que le temps, finalement, nous donnera raison.
    Pour simplifier, il faut d'abord éviter de complexifier. Je songe ici aux conditions d'élaboration de la loi. Je voudrais saluer Alain Juppé, qui, à l'époque où il était Premier ministre, avait demandé aux membres de son gouvernement de faire précéder chacune des lois qui était présentée d'une étude d'impact visant à préciser devant la représentation nationale la législation qu'on allait toiletter, les moyens qu'allait mettre en oeuvre le Gouvernement et les objectifs qu'on se fixait.
    M. Alain Juppé. C'est vrai !
    M. François Sauvadet. C'était une bonne mesure que le Gouvernement pourrait utilement remettre à l'ordre du jour. Par ailleurs, une bonne application de la loi doit être accompagnée d'une bonne évaluation. En la matière, nous avons, mes chers collègues, à progresser dans notre rôle, qui est aussi celui d'un Parlement moderne.
    Pour terminer, je vous dirai, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur la voie de la simplification, nous serons résolument au côté du Gouvernement. Nous serons attentifs à la mise en oeuvre effective de ces mesures, et nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Patrick Braouezec. Vous nous demandez, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous autoriser à prendre des ordonnances afin de simplifier le droit, de faciliter, dites-vous, les relations de nos concitoyens avec l'administration. S'il ne s'agissait que de cela, personne, dans cet hémicycle, ne pourrait être contre votre texte. En réalité, quel est véritablement le champ d'application de ce projet de loi d'habilitation ? Droit administratif, règles relatives aux marchés publics, droit fiscal, conditions d'établissement de la nationalité française, réglementation des associations syndicales de propriétaires, permis de chasse, recouvrement des contributions et cotisations sociales, droit des organismes d'assurance maladie, et j'en oublie. Pour vous, il ne s'agit que d'un texte de bon sens. Quant à nous, nous ne pouvons admettre que ces simplifications soient anodines, comme vous voulez nous le faire croire, notamment lorsque vous entendez créer de nouveaux types de marchés publics, qui seraient des marchés globaux et malheureusement similaires aux marchés d'entreprises de travaux publics.
    Vous n'avez cessé, au cours du débat, de prétendre nous apporter des explications, des éclaircissements sur plusieurs des dispositions pour le moins sensibles de ce projet de loi. Mais nous ne votons ni sur vos déclarations ni sur le rapport. Nous sommes amenés à voter sur un texte qui contient des dispositions vagues et ambiguës.
    Par exemple, en matière de droit du travail, vous souhaitez « harmoniser les seuils d'effectifs qui déterminent l'application de certaines dispositions du code du travail, ainsi que le mode de calcul de ces effectifs ». S'agit-il de remettre en cause la prise en compte des salariés précaires et de ceux travaillant à temps partiel ? On ne le sait pas.
    De la même façon, vous souhaitez « harmoniser les délais applicables aux procédures individuelles de licenciement ». Les délais dont disposent, par exemple, les salariés afin de se préparer à l'entretien préalable seront-ils raccourcis ? Les salariés verront-ils leurs droits encore davantage fragilisés ? Là encore, on ne sait pas.
    Par ailleurs, modifierez-vous « uniquement » - si je puis dire - le code du travail ou irez-vous encore plus loin en remettant en cause des accords de branche ?
    Malgré vos efforts d'explication, et celles assez longues que vous venez de produire encore, vos réponses restent évasives et vos dipositions trop générales. C'est pourtant bien sur celles-ci que nous sommes amenés à voter.
    Nous avons la preuve quotidienne que votre politique sociale ultra-libérale et votre politique fiscale sont désastreuses pour la grande majorité de nos concitoyens. De plus, contrairement à ce qui a été dit, vous n'avez procédé à aucune consultation avec les multiples partenaires concernés par ce projet de loi sans précédent de par son ampleur, et nous vous l'avons rappelé lors du débat.
    Vous nous avez répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, que les consultations et les concertations auront lieu une fois le processus des ordonnances enclenché.
    Il aurait mieux valu consulter au préalable, afin de produire des textes de loi clairs et précis, plus proches et respectueux des attentes de nos concitoyens, textes de loi que nous aurions pu ensuite, nous, parlementaires, examiner et débattre sur le fond et publiquement.
    Malheureusement, vous avez choisi une tout autre voie, celle du passage en force, celle de la négation du Parlement et de son travail, en choisissant d'adopter des mesures, toutes plus importantes et sensibles les unes que les autres, par voie d'ordonnance, c'est-à-dire de la manière la plus opaque qui soit.
    Or, en ces temps où nos concitoyens réclament que la démocratie s'exerce pleinement, qu'ils soient rapprochés des centres de décisions et de pouvoir, vous optez pour l'opacité et la technocratie.
    Les domaines que nous avons survolés durant les quelques heures d'examen de ce projet de loi dépassent le cadre de l'habilitation ainsi que celui d'une simplification du droit.
    Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, et pour ne pas dépasser les cinq minutes qui me sont accordées, je dirai que, en l'espèce, la procédure d'habilitation tout à fait inacceptable en raison de l'ampleur du projet de loi et des conséquences qu'il aura sur nos concitoyens, dont nous ne pouvons malheureusement pas anticiper tous les effets, puisque vous ne faites qu'ouvrir la boîte de Pandore.
    Une loi spécifique aurait été nécessaire dans chaque domaine concerné. C'est pourquoi, vous le comprendrez, nous refusons de nous dessaisir de notre compétence législative et d'adopter ce projet de loi d'habilitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   451
Nombre de suffrages exprimés   451
Majorité absolue   226
Pour l'adoption   338
Contre   113

    L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente.)
    M. le président. La séance est reprise.

3

SÉCURITÉ FINANCIÈRE

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de sécurité financière (n°s 719, 807).
    La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord d'excuser le garde des sceaux, Dominique Perben, qui est en ce moment retenu au Sénat par le projet de loi tendant à renforcer la lutte contre la violence routière, mais qui, bien sûr, sera parmi vous pour la discussion du titre III de ce projet de loi.
    Le projet de loi de sécurité financière que je vous présente aujourd'hui est une réponse à la fois politique et technique à la crise de confiance dans les mécanismes du marché et aux insuffisances de régulation dont le monde économique et financier a pris conscience depuis deux ans. Avant de revenir sur ses principales dispositions, je dirai quelques mots du contexte dans lequel ce texte a été préparé, de ses objectifs, de la méthode qui a présidé à son élaboration, ainsi que de l'esprit qui l'anime.
    Le contexte, vous le connaissez : c'est une perte de confiance dans la sincérité des comptes des entreprises et dans les mécanismes de contrôle de ceux-ci - en un mot, dans le fonctionnement même des marchés.
    Le doute s'est installé dans les esprits à la suite des graves irrégularités commises aux Etats-Unis par Enron, il y a près de deux ans. D'autres irrégularités ont, depuis, affecté les comptes de grandes entreprises dans le monde.
    Même si les événements géopolitiques jouent évidemment un rôle majeur dans leurs évolutions, les bourses mondiales ont connu de fortes baisses, qui auraient des incidences sur la croissance si elles perduraient trop longtemps.
    Les entreprises doivent en effet pouvoir trouver sur les marchés les moyens de financer leur croissance, et l'épargne des Français, qui atteint, vous le savez, des sommets historiques, doit vouloir s'investir dans des emplois porteurs d'avenir. Il nous faut donc agir afin de reconstruire le pacte de confiance dans l'économie de marché, et de faire de cette crise une opportunité pour progresser.
    Quant à sa méthode d'élaboration, ce projet de loi est l'aboutissement d'une réflexion que le Gouvernement a engagée dès son arrivée, en reprenant parfois pour les mener à leur terme des projets entamés antérieurement.
    Avec Dominique Perben, nous avons beaucoup consulté depuis l'été dernier. La société civile et les autorités publiques concernées ont été largement associées aux réflexions qu'elles ont enrichies de nombreuses propositions et contributions. Avant même nos débats, le Sénat et l'Assemblée nationale ont joué un rôle important dans le débat d'idées, par l'intérêt constant qu'ils ont manifesté à ces questions. A l'issue de nombreuses auditions, vos rapporteurs proposent de clarifier ou d'améliorer le texte adopté par le Sénat. Sur certains points importants, nous avons des conceptions différentes, mais je ne doute pas que nos débats nous permettront d'aboutir à une loi à la mesure des enjeux.
    Quelques mots, enfin, sur l'esprit de ce projet de loi. Soyons clairs, quelle que soit son ambition, cette loi ne supprimera pas le risque, et c'est heureux, car le risque est un moteur nécessaire pour le mouvement de nos sociétés. Elle ne supprimera pas davantage la volatilité, celle-ci étant consubstantielle aux marchés financiers.
    Ne nous racontons pas d'histoire : l'investissement dans des titres de sociétés cotées présentera toujours un aléa, car l'entreprise doit faire des paris sur l'avenir et il y a toujours dans cette aventure des accidents de parcours.
    M. Maxime Gremetz. Oh, il n'y a pas beaucoup de risques ! Ils se payent bien, mais ils ne prennent pas beaucoup de risques !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par contre, ce qui n'est pas acceptable, c'est que l'épargnant prenne des risques inconsidérés, car fondés sur des informations fausses qui interdisent une appréciation juste des situations. Ce sont ces détournements de la règle du marché que la loi a l'ambition de limiter autant que possible.
    Le projet que nous vous soumettons propose de mettre en place les instruments permettant de lutter contre des comportements déviants. Mais il ne doit pas être une nouvelle ligne Maginot. La loi ne doit pas édicter des règles pointillistes, car ce sont les plus faciles à contourner, nous ne le savons que trop depuis Enron. La loi doit édicter des principes clairs pour renforcer la transparence et créer les conditions d'une pression du marché en faveur de la mise en oeuvre des meilleures pratiques par les entreprises, sans pour autant chercher à régenter leur organisation dans les moindres détails. Nous devons apprécier, point par point, ce qu'il est justifié de laisser au marché, ce qui peut être laissé à l'autorégulation des acteurs, mais aussi ce qui doit être régulé par les autorités.
    Ensuite, il faut renforcer les moyens de contrôler l'application de ces principes. Et pour cela, il faut disposer de gendarmes visibles et respectés. C'est un équilibre fragile car la soif de règles est d'autant plus grande que les contournements ont été importants et, nous le savons, la tentation de la réglementation tous azimuts reste forte dans notre pays.
    Venons-en au texte lui-même. Il s'articule autour de trois grandes idées : une surveillance des marchés renforcée ; une meilleure protection des consommateurs ; une démocratie actionnariale plus forte. Ces trois grands objectifs se déclinent dans les trois parties du projet de loi, qui ont donné lieu à deux rapports de qualité de François Goulard, pour la commission des finances, et de Philippe Houillon, pour la commission des lois.
    M. Jean Proriol. Excellents rapports !
    M. Maxime Gremetz. Excellents ? Ça dépend pour qui !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Renforcer la surveillance des marchés est notre premier objectif. Pour cela, nous modernisons nos autorités de contrôle, qui jouent un rôle essentiel dans des matières très techniques où les enjeux sont considérables et où la réactivité doit être immédiate. Pour dissuader les comportements qui nuisent à l'intégrité des marchés, dans des matières financières où les enjeux sont tels que l'éthique est malheureusement parfois prise en défaut, il faut des autorités fortes.
    Les autorités de régulation jouent un rôle essentiel : elle permettent un nouveau mode d'exercice de la puissance publique, plus proche du terrain, plus légitime grâce à la présence de professionnels ayant une connaissance concrète des réalités. Grâce à elles, l'Etat peut assurer avec plus d'efficacité ses missions d'intérêt général, sous votre contrôle et sous celui du juge.
    La création de l'Autorité des marchés financiers, qui résultera de la fusion de trois institutions, la Commission des opérations de bourse, le Conseil des marchés financiers et le Conseil de discipline de la gestion financière, était attendue depuis longtemps. Cette autorité aura une triple mission : la protection de l'épargne, l'information des investisseurs et le bon fonctionnement des marchés.
    Autorité publique indépendante, elle rendra notre système plus efficace, grâce à une capacité de contrôle accrue et à un mécanisme de sanctions qui doit être rapide et sûr car sa crédibilité en dépend. Elle sera dotée de la personnalité morale, afin de pouvoir recruter ses collaborateurs librement et de bénéficier directement des ressources prélevées sur les opérateurs qu'elle contrôle. C'est une innovation dans notre paysage institutionnel, et cette première marque bien l'importance de la tâche qui lui est confiée. L'AMF sera la tour de contrôle vigilante de notre marché. Elle disposera pour cela de tous les moyens lui permettant d'agir avec fermeté et rapidité.
    Mais il faut aussi veiller à ce que les acteurs des marchés soient efficacement contrôlés. Dans le secteur de l'assurance, la coexistence de deux commissions de contrôle n'était pas un schéma idéal.
    Le Gouvernement a donc souhaité la création d'une autorité de contrôle unique pour les entreprises exerçant un métier d'assureur, qu'elles soient mutuelles, institutions de prévoyance ou sociétés d'assurance, par la fusion de la Commission de contrôle des assurances et de la Commission des mutuelles et institutions de prévoyance. Ceci permettra de rationaliser nos structures et d'en augmenter l'efficacité, dans un secteur qui joue un rôle majeur dans nos économies. La spécificité du monde mutualiste devant être prise en compte dans cette nouvelle organisation, le projet veille à l'équilibre et à la juste représentation des différentes sensibilités au sein de la nouvelle commission.
    J'ajoute que cette nouvelle autorité coopérera étroitement avec le superviseur du secteur bancaire, la Commission bancaire, car les problématiques communes à la banque et à l'assurance justifient de développer les échanges d'expériences.
    Nous aurons donc désormais une autorité unique pour le contrôle des marchés, et deux autorités pour contrôler les acteurs : d'un côté les banques, de l'autre les assurances.
    Fallait-il aller plus loin et créer une seule autorité pour s'occuper de tout cela ? Je pense qu'il faut être pragmatique.
    Les Britanniques ainsi que les Allemands ont fait le choix de l'autorité unique, alors que nous proposons de distinguer les autorités chargées respectivement du pôle marchés et du pôle prudentiel. C'est le choix qui nous paraît aujourd'hui le mieux à même de renforcer la sécurité et l'efficacité de notre dispositif. Pour deux raisons.
    D'une part, parce que rassembler au sein d'une même entité le contrôle des acteurs et celui des produits présente l'inconvénient de mêler deux logiques de contrôle différentes et deux métiers dont les finalités sont opposées. La surveillance prudentielle vise, à partir d'une information confidentielle, à détecter le plus tôt possible les difficultés avant qu'elles ne soient rendues publiques. Cela afin d'éviter les contagions de nature systémique et de préserver, tant qu'elle peut l'être, la confiance des assurés et des déposants dans une institution qui traverserait des difficultés qui peuvent n'être que passagères. La régulation des marchés vise, au contraire, à ce que rien de ce qui doit être rendu public ne demeure dans l'ombre. Les deux piliers de la régulation doivent s'équilibrer publiquement, voire se confronter. La réunion en une même instance des deux types de contrôle poserait donc le problème de la gestion interne de l'équilibre entre ces deux catégories de préoccupations.
    D'autre part, parce que l'idée séduisante d'un « guichet unique » pose en pratique des difficultés importantes pour des structures lourdes à gérer, alors que l'objectif de limiter les formalités auxquelles sont tenus les professionnels peut aussi bien passer par une coopération renforcée entre les autorités. Les difficultés rencontrées dans certains pays qui ont fait le choix d'une autorité unique sont une illustration des limites de ce modèle.
    Pour ces raisons, le Gouvernement a choisi de regrouper les autorités de supervision des marchés au sein de l'Autorité des marchés financiers et de rationaliser nos structures dans le champ prudentiel, car c'est l'organisation qui, aujourd'hui, correspond le mieux à notre configuration nationale.
    Enfin, les instances consultatives dans le secteur financier seront simplifiées pour que les consommateurs et les professions financières disposent d'une enceinte de concertation unifiée. Le Comité consultatif du secteur financier procédera de la fusion de trois instances existantes.
    En amont, le Conseil consultatif de la législation et de la réglementation financières sera chargé de donner un avis sur l'ensemble des textes relatifs au secteur financier. Il remplacera deux instances existantes.
    Au total, nous aurons ainsi supprimé six autorités ou instances pour mettre en place un dispositif plus efficace, plus réactif, qui permettra notamment de mieux faire entendre notre voix dans les enceintes internationales.
    Venons-en au deuxième grand objectif du projet de loi : renforcer la protection des consommateurs, qui sont des épargnants et des assurés. Il s'agit de sujets en apparence très techniques, mais ils ont un impact souvent déterminant sur la vie de nos concitoyens. Je me limiterai aux deux principales dispositions de cette partie du projet de loi.
    Le renforcement de la sécurité de l'épargnant implique la réforme de la législation sur le démarchage financier, vieille de trente ans, et la création du statut de conseillers en investissements financiers. François Goulard considère que ce texte introduit des rigidités excessives, mais je voudrais souligner qu'il vise à mieux contrôler des professions au contact de nos concitoyens dans des rapports de force déséquilibrés. Celui qui, à son domicile, fait l'objet de sollicitations sur des produits financiers plus ou moins sophistiqués doit en effet bénéficier d'une certaine protection. Pour cela, les démarcheurs doivent être enregistrés auprès d'une autorité publique et posséder une carte inscrite sur un fichier centralisé, accessible en permanence. Ils devront en outre répondre à plusieurs obligations permettant de justifier la confiance des épargnants.
    Le nouveau dispositif repose sur trois principes simples : la responsabilisation des intervenants ; l'obligation d'une information complète et appropriée de la personne démarchée ; la facilité des vérifications et des recours. De même, les conseillers en investissements financiers seront encadrés, mais plus légèrement puisqu'ils ne seront en aucun cas habilités à opérer directement des opérations financières pour le compte de leurs clients, sauf bien sûr s'ils s'enregistrent simultanément en tant que démarcheurs.
    Cette réforme importante doit éviter deux écueils : le premier serait de fixer un cadre excessivement rigide qui pénaliserait indûment le fonctionnement de l'économie. Dans cet esprit, certains amendements au texte issus de la première lecture au Sénat me semblent nécessaires.
    M. Jacques Desallangre. Vive le capitalisme !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. De même, il ne faut pas confondre la réforme du démarchage et la lutte contre le surendettement, même s'il est vrai que les problématiques peuvent se rejoindre à propos de la publicité sur le crédit. Vous savez que le Gouvernement élabore une réforme du dispositif dans ce domaine, qui vous sera soumise après avis du Conseil économique et social.
    Sur ces deux points, le Gouvernement pourra donc se rallier à la position adoptée par votre commission des finances.
    M. Maxime Gremetz. Se rallier !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais s'il faut veiller à ne pas rigidifier à l'excès nos règles, il faut, en sens inverse, créer les conditions d'une juste protection des épargnants. Je le dis clairement, le Gouvernement ne sera pas favorable à des amendements qui videraient la loi de son contenu, et qui constitueraient un recul par rapport aux lois qui existent d'ores et déjà dans ce domaine.
    Deuxième innovation importante, la création d'un fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, pour combler un vide dans nos dispositifs de protection des assurés. Alors qu'il existe des fonds de garantie pour indemniser les clients des banques ou des compagnies d'assurance-vie en cas de faillite de l'une d'entre elles, il n'existe aujourd'hui en France aucun mécanisme analogue pour les entreprises d'assurance-dommage. Or, lorsque ces assurances sont obligatoires, il n'est pas normal que le particulier qui a rempli son obligation ne puisse en bénéficier en cas de défaillance de l'assureur. Ceux d'entre vous qui ont reçu des courriers de particuliers ayant payé leur maison sur plans et dont à la fois le constructeur et l'assureur ont fait faillite savent à quel point ces situations peuvent être dramatiques.
    M. Philippe Auberger. Tout à fait.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il sera mis fin à cette anomalie, et le Gouvernement a soutenu l'initiative du Sénat qui a proposé que le fonctionnement de ce fonds soit rétroactif.
    M. Philippe Auberger. Très bien.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Venons-en au troisième objectif, le renforcement de la démocratie actionnariale, ce que l'on appelle souvent le gouvernement d'entreprise. Les vingt-sept articles qui lui sont consacrés et que nous avons préparés avec Dominique Perben sont sans doute les plus attendus.
    Le projet du Gouvernement a été jugé parfois insuffisamment ambitieux. Certains considèrent notamment qu'il aurait fallu traiter de manière exhaustive tous ceux qui contribuent, d'une manière ou d'une autre, à la production de l'information financière, banques d'affaires, avocats, analystes, agences de notation, etc. Le Sénat a apporté de ce point de vue d'utiles compléments, qui, sur l'essentiel, me paraissent aller dans le bon sens. D'autres pensent que nous sommes en retrait par rapport aux initiatives prises notamment aux Etats-Unis avec la loi Sarbanes-Oxley. Je ne doute pas qu'un examen attentif du texte les convaincra du contraire.
    Permettez-moi de rappeler brièvement les dispositions prévues.
    Le projet procède d'abord au renforcement de la profession comptable. Les commissaires aux comptes sont en première ligne, car ils jouent un rôle déterminant dans la confiance que les investisseurs accordent à la sincérité des comptes des entreprises. Même si notre dispositif présente des sécurités que bien d'autres pays nous envient, même si les professionnels français n'ont pas démérité, ici comme ailleurs les marges de progrès à dégager sont importantes. Le Gouvernement propose donc d'agir dans trois directions.
    D'abord, il convient d'étendre aux réseaux l'interdiction d'exercer au profit d'un même client des fonctions d'audit et de conseil, à l'exception de ce qui concourt à la mission d'audit en ce qui concerne les conseils. Cette interdiction, qui vise à établir solidement l'indépendance des auditeurs, ne remet pas en cause la pluridisciplinarité des cabinets, qui est le gage de leur compétence et de leur efficacité. Certains considèrent que ces dispositions sont trop strictes, d'autres à l'inverse qu'elles le sont insuffisamment, notamment pour les réseaux. J'y vois le signe d'un certain équilibre, mais nous aurons certainement l'occasion d'en débattre.
    Ensuite, la création d'une autorité de contrôle externe à la profession permettra de garantir l'indépendance et la discipline des commissaires aux comptes et de veiller à la problématique particulière des sociétés faisant appel public à l'épargne. L'instauration de relations étroites entre le Haut Conseil du commissariat aux comptes et l'AMF poursuit cet objectif.
    Enfin, des dispositions de bon sens vous sont proposées en matière de rotation des auditeurs, comme on en trouve souvent, désormais, aux Etats-Unis, et comme le recommande la Commission européenne. L'associé signataire devra ainsi changer tous les six ans. Le texte du Gouvernement propose d'instaurer également un décalage de trois années entre les deux mandats pour renforcer l'effectivité du co-commissariat. Nous aurons l'occasion de débattre de ce dernier point.
    S'agissant de ce que l'on appelle le « gouvernement d'entreprise », la loi doit fixer les principes fondamentaux. L'instauration d'un gouvernement d'entreprise fort est en effet l'une des principales réponses à la crise de confiance que j'évoquais. Il ne faut pas cependant croire que dans ce domaine tout doit relever de la loi. Les actionnaires doivent pouvoir jouer leur rôle. C'est le sens des dispositions du projet, qui confirment le caractère de pivot central de l'assemblée générale, lieu fondamental de l'expression du contrôle exercé sur les décisions du management. Pour les sociétés cotées, l'organisation des travaux du conseil d'administration, du contrôle interne ainsi que les délégations de pouvoirs feront ainsi l'objet d'une information précise, et l'Autorité des marchés financiers dressera un rapport annuel sur les pratiques en matière de gouvernement d'entreprise, afin de donner au marché ses repères.
    Grâce à ces principes forts et à la vigilance active de l'AMF, la transparence sera un puissant levier pour une meilleure gouvernance des entreprises, qui sont, rappelons-le, en concurrence pour attirer l'épargne privée.
    Cette réflexion est également valable, bien sûr, pour l'Etat actionnaire. Après la création de l'Agence des participations de l'Etat, j'attends les conclusions de votre commission d'enquête sur les entreprises publiques pour prendre d'autres mesures adaptées et contribuer à la nécessaire amélioration des procédures actuelles.
    Mais je le répète, tout ne peut être prévu par la loi. Au-delà de la détermination des règles essentielles par le législateur, chaque entreprise doit s'engager résolument à mettre en oeuvre les meilleures pratiques. L'élément clé de la séparation des pouvoirs est l'indépendance, la compétence des hommes et les moyens qui leur sont alloués. L'indépendance, la compétence et la représentativité du conseil d'administration et des comités du conseil sont les ingrédients essentiels d'une protection contre les excès du capitalisme financier.
    M. Maxime Gremetz. Ah ! Quelle horreur !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les entreprises doivent faire preuve d'audace, et ne pas attendre que la loi leur impose demain ce qu'elles doivent faire aujourd'hui spontanément.
    M. Jacques Desallangre. Elles sont si vertueuses !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement a donc délibérément choisi de laisser aux entreprises la liberté de s'organiser. Il avait également choisi de ne pas traiter dans le cadre de la loi certains acteurs, et cette abstention a été parfois regrettée. Avec le soutien du Gouvernement, le Sénat a proposé un dispositif pour les analystes et les agences de notation, qui me paraît adapté sur l'essentiel.
    S'agissant des analystes financiers, des réformes ont déjà été menées en France et nous ne partons pas de zéro. J'avais indiqué au Sénat que le Gouvernement pourrait accepter une solution pragmatique et efficace, qui tienne compte de la très grande mobilité de ces acteurs. Il me semble que le dispositif qui vous est soumis est satisfaisant mais nous aurons l'occasion d'en débattre, car votre commission des finances est d'un avis différent.
    S'agissant des agences de notation, j'ai toujours dit que nous ne devions pas nous résigner à une situation où l'autorité boursière américaine, seul régulateur mondial de fait, édicterait des règles s'appliquant au reste du monde.
    M. Jean-Pierre Balligand. Eh oui !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai donc engagé le dialogue au niveau international sur ce sujet, ainsi qu'avec les responsables des agences en question. Identifier clairement l'Autorité des marchés financiers, qui rédigera un rapport annuel sur les agences, comme l'interlocuteur du régulateur américain, me paraît participer utilement de cette pression collective mise sur les acteurs pour qu'ils améliorent la transparence de leurs activités.
    Je note enfin que le projet du Gouvernement s'est enrichi au Sénat de plusieurs articles qui renforcent aussi la compétitivité et l'attractivité de notre place financière. Le Gouvernement a soutenu ces initiatives dans la mesure où elles restaient cohérentes avec l'axe fondamental du texte.
    Pour prendre quelques exemples, la modernisation du droit de la titrisation, des sociétés de crédit foncier ou des OPCVM, apporte un complément utile à notre cadre juridique et je pense que les avantages qu'il faut en attendre justifient amplement quelques digressions par rapport au thème central de la loi. Mais ce n'est, encore une fois, qu'à la condition d'en respecter l'esprit. Nos débats fourniront d'autres illustrations de cette approche pragmatique qui doit nous animer.
    Au total, ces dispositions constituent un ensemble cohérent pour moderniser notre système juridique et renforcer la protection de l'épargne publique. Avec cette loi, notre pays se dotera d'un ensemble de règles au meilleur niveau des standards internationaux, qui nous permettront de poursuivre le dialogue avec nos partenaires en disposant d'une position forte. Mais il est clair que nos efforts ne se résument pas à ce projet de loi : la régulation ne s'exerce pas en vase clos mais dans un environnement européen de plus en plus intégré. La France poursuit donc ses efforts au niveau communautaire et dans le cadre de sa présidence du G 7 pour les questions qui ne peuvent trouver de réponse que dans un cadre élargi. Il en va ainsi du contrôle des entités non régulées, comme les hedge funds, des normes comptables, à propos desquelles les travaux se poursuivent activement, ou encore de la négociation des directives européennes qui encadrent les marchés et leurs acteurs.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Montesquieu nous rappelle qu'« il ne faut jamais faire par les lois ce qu'on peut faire par les moeurs ».
    M. François Goulard, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Absolument.
    M. Philippe Auberger. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par le projet qu'il vous soumet, le Gouvernement souhaite établir des principes clairs et faire en sorte qu'ils soient respectés. Avec mon collègue Dominique Perben, je suis déterminé à agir en ce sens. Sans confiance des membres d'une société les uns dans les autres et de tous dans leur avenir commun, il n'y a pas d'avenir possible. Pour restaurer cette confiance, il faut clarifier certaines règles, en édicter d'autres. Il faut aussi, et surtout, que nos comportements soient à la mesure des enjeux de nos économies modernes, car aucune règle ne permettra de pallier une éthique défaillante. Je suis confiant dans notre capacité collective à relever ce défi, et à faire ensemble de ce texte un élément fondateur du retour de la confiance dans notre système économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Maxime Gremetz. Il va dire qu'il trouve M. Mer trop à gauche !
    M. François Goulard, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en lisant l'excellent rapport pour avis que mon collègue Philippe Houillon a établi au nom de la commission des lois, je me suis aperçu que nous avions commencé, bien que n'ayant pas copié l'un sur l'autre, notre rapport par la même réflexion. Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, n'est pas une loi Sarbanes-Oxley à la française, pour une raison extrêmement simple : nous n'avons pas connu en France les scandales qu'ont rencontrés les Etats-Unis en matière de véracité et de sincérité des comptes des entreprises.
    M. Maxime Gremetz. Nous sommes pourtant bien partis avec M. Messier. Si vous trouvez cela insuffisant...
    M. François Goulard, rapporteur. Monsieur le président, j'aimerais poursuivre, avec l'autorisation de M. Gremetz...
    M. le président. Monsieur Gremetz, votre groupe aura l'occasion de s'exprimer dans l'exception d'irrecevabilité.
    M. Maxime Gremetz. Le Président de la République a parlé de « patrons voyous » et vous, vous trouvez que tout va bien ? Ne contredisez pas le Président de la République.
    M. le président. Vous parlerez tout à l'heure, monsieur Gremetz, M. Goulard a la parole.
    M. François Goulard, rapporteur. Merci, monsieur le président.
    Les difficultés rencontrées par les entreprises américaines sont avant tout dues à un manque de sincérité des comptes présentés au public, aux actionnaires et aux marchés. A aucun moment, dans les problèmes qu'ont rencontrés certaines entreprises françaises, la sincérité et l'exactitude des comptes qu'elles présentaient n'ont été mises en cause. Ne confondons pas les problèmes de présentation des comptes et les crises du management qui ont affecté, il est vrai, un certain nombre d'entreprises françaises.
    Monsieur le ministre, votre collègue Henri Plagnol nous incitait, il y a quelques instants, à réfléchir à la nécessité et à l'objectif d'une loi avant de l'adopter. Quels sont donc les difficultés que les sociétés commerciales et les marchés rencontrent depuis quelques années ? Elles sont diverses, mais certaines d'entre elles appellent une réponse législative, d'autres non. La volatilité des marchés, que vous avez évoquée, et tout ce qui a été lié à ce que l'on a appelé la « bulle internet », c'est-à-dire la progression considérable du cours de certaines valeurs et l'engouement pour une partie de l'économie qui était présentée comme l'avenir des entreprises, sont des choses tout à fait classiques quand on se réfère à l'histoire économique.
    A chaque fois qu'il y a une grande innovation technologique, qu'un secteur économique porté par celle-ci apparaît, on assiste à un engouement des actionnaires pour ces sociétés. Les cours atteignent alors très vite des niveaux absolument déraisonnables et ce qui doit arriver arrive : ils s'effondrent, sans d'ailleurs que la validité et la valeur de ces technologies soient remises en cause. Les sociétés de la bulle internet, dont le cours avait monté anormalement et s'est effondré depuis, commencent ainsi à gagner de l'argent. Ce sont des phénomènes classiques, qui se corrigent d'eux-mêmes dans le temps et contre lesquels les lois sont au demeurant assez impuissantes.
    Quant à la crise du management, nous en avons eu deux exemples frappants - l'un dans le public, l'autre dans le privé - qui ont conduit deux très grandes entreprises françaises au bord de la défaillance. C'est incontestable. C'était une crise de management et non une crise affectant la sincérité des comptes ou le bon fonctionnement des marchés. Existe-t-il des réponses législatives ? Vous l'avez dit, monsieur le ministre, la vie d'une entreprise tient pour une large part à la valeur de son chef, à son initiative, aux décisions économiques, à l'attention portée par les actionnaires à la bonne marche de leur entreprise à la justesse des choix qui y sont opérés. Et à cela, la loi ne pourra rien. Elle ne pourra rien contre le charme des escrocs ou l'ascendant qu'exercent certains faiseurs. Soyons réalistes quant à la capacité de légiférer ! La loi ne peut pas faire en sorte que l'économie de marché ne subisse pas de soubresauts. Il y aura toujours des entreprises défaillantes et des entreprises en crise, mais l'énorme vertu de l'économie de marché, c'est précisément sa capacité à surmonter ces crises. L'histoire économique nous le montre constamment.
    Il est vrai que, sur certains points, la législation peut être perfectionnée afin de mieux répondre à des objectifs d'intérêt général. Deux sujets relèvent à l'évidence de cette analyse : le bon fonctionnement des marchés et la sincérité des comptes présentés par les entreprises. Les Américains ont été conduits à adopter très rapidement une législation évidemment nécessaire dans leur pays, mais qui présente des lacunes que nous ne connaissons pas, en particulier en matière de contrôle légal des comptes - vous l'avez dit, monsieur le ministre. Le projet de loi que vous nous proposez est un texte de perfectionnement de législations qui ont fait leurs preuves, mais qui sont évidemment confrontées à des situations nouvelles, à des défis nouveaux et qui doivent par conséquent être adaptées. Ces législations peuvent être améliorées, c'est ce que nous allons faire, mais elles ne sont pas remises en cause dans leurs principes, car - il faut le dire - le système français n'a pas connu de défaillance dans la période récente.
    Vous nous proposez, monsieur le ministre, un nombre considérable de nouvelles dispositions. Ce texte long, complexe et technique aborde des sujets extrêmement nombreux.
    S'agissant de l'Autorité des marchés financiers, tous les professionnels, tous les observateurs s'accordent pour dire que la réforme que vous engagez est bonne. Au demeurant, elle s'inscrit dans la ligne d'une régulation des marchés financiers qui, en France, est reconnue comme étant de bonne qualité : les autorités qui existent aujourd'hui n'ont pas failli dans leur tâche qui consiste à encadrer le fonctionnement des marchés financiers. La fusion de la Commission de contrôle des assurances et de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance va dans le même sens. Elle est, bien sûr, également souhaitable, sachant que le contrôle des mutuelles gagnera à être amélioré. Nous avons en effet connu des défaillances manifestes dans un passé récent et il faut accentuer le contrôle que l'autorité publique exerce sur les mutuelles d'assurances.
    A propos de l'Autorité des marchés financiers, deux questions ont été soulevées s'agissant des analystes financiers et des agences de notation. Nous sommes d'accord quant à la nécessité d'instaurer un contrôle des analystes financiers.
    M. Jean-Pierre Balligand. Vous avez repoussé nos amendements en ce sens !
    M. François Goulard, rapporteur. Nous devons mettre au point le dispositif sans oublier qu'il y a une circulation internationale de l'information. Légiférer sans se soucier de ce qui se passe à l'extérieur serait parfaitement vain, car nos acteurs économiques ont accès à une information mondiale, diffusée à partir d'autres pays. Le mieux serait d'ailleurs - j'y reviendrai - de parvenir à une coordination internationale plutôt que d'élaborer des législations juxtaposées qui montrent très vite leurs limites. Et ce que je dis est encore plus vrai pour les agences de notation. Il est bon que la future Autorité des marchés financiers se soucie de leur rôle, mais n'oublions pas qu'aucune d'entre elles n'a son siège sur notre territoire. Notre législation ne peut donc leur être applicable.
    S'agissant des commissaires aux comptes - sujet ô combien important pour la vie des sociétés et le fonctionnement d'une économie de marché ! -, la réforme proposée est extrêmement positive. La création du Haut conseil du commissariat aux comptes est acceptée par les professions concernées. Considérée comme une bonne chose, elle est un gage d'indépendance, indépendance que d'autres dispositions viendront encore renforcer. Nous ferons, dans le prolongement des amendements du Sénat, des propositions pour répondre à la difficile question du cumul des fonctions de conseil et de contrôle légal des comptes en trouvant une juste mesure entre l'interdiction absolue, qui présenterait des inconvénients, et un laisser-aller qui serait dommageable. Bref, notre système de contrôle des comptes, qui était d'ores et déjà de qualité, en sortira amélioré !
    Vous avez regroupé d'autres dispositions, monsieur le ministre, sous la rubrique de la protection du consommateur tout en spécifiant que certaines d'entre elles avaient trait au surendettement. J'ai tenu des propos relativement critiques sur cette partie du projet de loi, non pas que j'en conteste l'objectif, mais parce qu'il serait malheureux que nous adoptions un texte qui serait immédiatement versé au dossier de la simplification administrative.
    Le projet de loi initial contient en effet - je me permets de vous le dire, monsieur le ministre - certaines mesures dépourvues de réelle portée pratique et qui seront très lourdes à mettre en oeuvre. Je me réfère à nouveau à Henri Plagnol, qui nous disait tout à l'heure qu'il fallait nous poser les questions suivantes. Une loi est-elle nécessaire ? Si oui, ses dispositions sont-elles de nature à répondre à ses objectifs ? Enfin, troisième question, à mon avis parfaitement pertinente en l'occurrence : quels sont les moyens humains et matériels qui permettront de mettre en oeuvre ces dispositions ? Je rappelle en l'espèce qu'il existe une législation assez précise sur le démarchage bancaire et financier. Certes, elle a vieilli, elle est disparate, mais elle existe. Or, je constate qu'elle n'est absolument pas appliquée, tout simplement faute de moyens pour cela. Il faut donc nous demander s'il est très réaliste de vouloir soumettre plusieurs dizaines de milliers de salariés à un enregistrement systématique, avec les mutations qui se produisent dans toutes nos entreprises financières, et si nous aurons jamais les moyens de faire respecter les dispositions que vous nous proposez d'adopter.
    Cette partie du texte contient d'excellents principes, des mesures très positives et d'autres excessives, qui risquent de rester lettre morte, mais nous aurons l'occasion d'en reparler lors du débat.
    Au total, monsieur le ministre, vous nous proposez un projet de loi de nature à améliorer le système financier français sur beaucoup d'aspects. C'est un texte technique, dont la compréhension n'est pas immédiate, car les phénomènes qu'il vise à encadrer ne sont pas eux-mêmes extrêmement simples et relèvent de la compétence de spécialistes, et non de l'appréciation des généralistes que nous sommes. Néanmoins, ce texte est très bon dans l'ensemble et nous aurons fait progresser notre législation financière à l'issue de nos débats.
    Cela dit, je conclurai sur un regret. Je déplore en effet que, sur tous ces sujets, l'Europe ne soit pas suffisamment présente. Bien sûr, certaines directives ont une incidence directe sur les dispositions que nous allons adopter, mais sur de nombreux points nous sommes conduits aujourd'hui à suivre les normes définies aux Etats-Unis. C'est particulièrement vrai en matière comptable. Naturellement, on n'évoque pas dans un document législatif les normes comptables, dont l'incidence est pourtant considérable. J'évoquais tout à l'heure la volatilité des marchés. Les normes anglo-saxonnes sont, à mon avis, assez largement responsables de la volatilité observée sur les marchés financiers depuis quelques années. Je n'entrerai pas dans les détails techniques, mais c'est incontestable. Or, nous sommes en pratique conduits à suivre presque exactement ce que font les Anglo-Saxons en la matière. Il y a une sorte de dictature des normes américaines, de fait et non pas de droit, dont nous avons du mal à sortir.
    M. Jean de Gaulle. Très juste !
    M. François Goulard, rapporteur. Certes, il s'agit de sujets très évolutifs et pas toujours très simples, mais je regrette que l'Europe ne pèse pas suffisamment dans des discussions qui devraient avoir une dimension internationale. Il nous faudrait en effet déterminer un ensemble de règles communes qui seraient ensuite déclinées dans chaque Etat membre. Cela nous éviterait d'être systématiquement à la remorque des Etats-Unis dans ces domaines, ce qui n'est pas une bonne chose, même si les dispositions que ce pays adopte peuvent être pertinentes dans certains cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certes, l'affaire Enron et d'autres tout aussi retentissantes nées de malversations flagrantes étaient américaines et non françaises, mais elles ont entraîné un phénomène transnational simple : la perte de confiance dans les mécanismes du marché, une cassure dans toute la chaîne de confiance.
    En France, mon collègue Goulard le disait à l'instant, nous avons plutôt connu des crises d'endettement liées à des décisions de gestion parfois critiquables qui ont frappé de plein fouet les actionnaires de Vivendi, de France Télécom ou d'Alcatel, par exemple. Tout cela a sonné le glas de l'autorégulation. La confiance ne se décrète certes pas, même par une loi, mais quand elle est rompue, l'inaction est inconcevable et des gestes forts sont nécessaires. C'est en vertu de ce constat que le Gouvernement présente aujourd'hui ce texte dont le titre dit, à lui seul, tout de l'objectif poursuivi. Cette démarche s'inscrit d'ailleurs dans un même grand mouvement de réflexion et d'action aux Etats-Unis, au Japon et au sein de l'Union européenne.
    Cela étant, il convenait de placer le curseur au bon endroit et, tenant compte du fait que la législation française était plutôt en avance dans la définition de mécanismes protecteurs des actionnaires et des investisseurs, le projet de loi qui nous est soumis après examen du Sénat, se veut non pas une loi Sarbanes-Oxley à la française, mais un outil de correction de certains dysfonctionnements, d'adaptation d'un système soumis à de perpétuelles évolutions, un outil de prévention aussi, bref un dispositif de restauration de la confiance.
    Ce projet contient trois volets : l'unification des autorités de contrôle des marchés financiers au sein de la nouvelle AMF ; la réglementation du démarchage et du conseil en investissements et, enfin, un titre III, sur lequel porte la saisine pour avis de la commission des lois, relatif à la modernisation du contrôle légal des comptes et à la transparence.
    Le projet consacre clairement une amélioration du contrôle légal des comptes avec, comme axe prioritaire, la pertinence et la transparence de l'information financière fournie par les entreprises, tout comme le bien-fondé de leurs choix stratégiques. A cet égard, les commissaires aux comptes sont constitués en maillon essentiel de la chaîne de sécurité financière. Soulignons au passage que les professionnels français n'ont pas démérité puisque, sur 250 000 comptes certifiés chaque année, les « accidents » n'arriveraient que dans un cas sur 10 000. Indiquons également qu'une grande partie du chiffre d'affaires du secteur, soit 2,6 milliards d'euros en 2002, est réalisée par quatre grands cabinets et qu'une cinquantaine d'autres totalisent 40 % des honoraires d'audit et d'expertise comptable réalisés par les huit premiers cabinets.
    Eu égard à l'importance croissante des missions de commissariat, l'autorégulation ne saurait suffire pour en garantir la légitimité et la crédibilité. Certes, il existe déjà des exceptions françaises comme les incompatibilités, la déontologie, le co-commissariat, la formation professionnelle obligatoire, la révélation des faits délictueux, la discipline ou la procédure d'inscription. Mais il convenait de renforcer la régulation de la profession et d'en préciser l'unité, sauf à adapter certaines mesures à la qualité des sociétés contrôlées, en particulier à celles faisant appel public à l'épargne ou à la générosité publique.
    C'est ainsi que le projet crée un Haut Conseil du commissariat aux comptes, composé en majorité de personnalités extérieures à la profession et appelé à devenir la nouvelle autorité morale de la profession dont il définira les bonnes pratiques, tout en assurant la surveillance, le contrôle, le respect de la déontologie et de l'indépendance. Restent deux questions : celle des modalités et du champ exact de ses compétences, et celle de ses moyens. Les débats nous éclaireront peut-être à cet égard.
    A côté du Haut Conseil, le projet consacre la reconnaissance de la Compagnie nationale sur le même principe que celui du Conseil national des barreaux qui, conjointement avec le Haut Conseil, assurera la surveillance de la profession, notamment par des inspections et contrôles dont les modalités sont définies par le texte qui nous est soumis.
    Le garde des sceaux, quant à lui, se voit attribuer la faculté de prononcer la suspension temporaire d'un commissaire aux comptes. J'ai, à ce sujet, proposé un amendement, adopté par la commission des lois, pour greffer, sur cette procédure relativement inédite, le principe du contradictoire et respecter ainsi la Convention européenne.
    Par ailleurs, au coeur de la réforme proposée se trouve posée la question de la séparation de l'audit et du conseil, sujet directement lié à l'indépendance des commissaires aux comptes en ce qu'il s'est avéré que l'audit constituait, notamment dans le cadre des réseaux, une occasion de vendre simultanément du conseil pour un chiffre d'affaires bien supérieur à celui de l'audit. Ce fut le cas avec Arthur Andersen dans l'affaire Enron. D'ores et déjà, notre droit interdit le cumul des fonctions d'audit et de conseil dans une même société. Toutefois, cette règle n'a pas toujours été respectée et a finalement été contournée avec le développement des réseaux.
    Le projet de loi réaffirme donc fortement la règle d'incompatibilité, tout en autorisant explicitement le conseil expressément lié aux diligences de la mission de certification, mais sans aborder la question du conseil dans les sociétés mères ou filiales de la société dont les comptes sont contrôlés. Il introduit, en outre, pour la première fois, la délicate question des réseaux sans y apporter de définition. La commission des lois souhaite qualifier plus précisément cette notion en faisant référence au concept d'intérêt économique commun.
    Le Sénat, contre l'avis du Gouvernement, a étendu le principe de la séparation de l'audit et du conseil, pour les membres d'un réseau pluridisciplinaire, aux sociétés mères ou filiales. Mais, en pratique, la dimension extraterritoriale du système affaiblit, voire rend illusoire, la portée de cette mesure. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a adopté, dans l'esprit du projet de loi, un dispositif qui organise l'information et la transparence de l'activité des réseaux.
    Le principe en est le suivant : interdiction totale du cumul audit et conseil dans une même société ; information écrite par le commissaire, en vue de sa désignation par l'assemblée générale, de son appartenance à un réseau national ou international, et du montant global des honoraires perçus par ce réseau au titre d'autres prestations fournies aux sociétés mères ou filiales ; actualisation, chaque année, de ces renseignements et renvoi au code de déontologie - dont le respect est surveillé par différentes autorités de contrôle - du soin de préciser les situations dans lesquelles l'indépendance du commissaire affilié à un réseau pluridisciplinaire est, le cas échéant, affectée. Ces propositions se situent dans la droite ligne de ce que la COB avait préconisé de sa propre initiative dans son règlement n° 2002-06.
    A côté d'autres mesures comme la rotation des commissaires, leur désignation, l'organisation du co-commissariat et divers aspects dont nous aurons l'occasion de débattre, le projet aborde les conditions dans lesquelles des associations d'investisseurs sont le droit d'ester en justice.
    Actuellement, il existe deux dispositifs de mise en jeu de la responsabilité et d'indemnisation : le premier, sur le fondement du droit commun de l'article 1382 du code civil ; le second par le bais de l'action sociale de l'article L. 225-252 du code de commerce qui permet à un actionnaire, ou à plusieurs actionnaires groupés, ou à une association répondant à des conditions précises, dont l'agrément, d'ester en justice.
    Le projet de loi proposait un diptyque : absence d'agrément de ces associations et interdiction de rechercher des mandats. Le Sénat a opté pour un maintien de l'agrément, allégé, en levant l'interdiction de recherche de mandat qui existait jusqu'alors dans notre droit. La commission des lois a donné un avis favorable à la position du Sénat.
    Reste que, quel que soit l'initiateur de la mise en jeu de la responsabilité, la jurisprudence ne laisse guère de place à l'indemnisation d'un préjudice propre distinct du préjudice social. Concrètement, la baisse de la valeur des actions ne constitue pas un préjudice propre, mais un préjudice affectant le patrimoine social, ce qui correspond à une logique pertinente. Mais à côté de cela, il n'y a actuellement guère de place dans la jurisprudence pour un préjudice distinct, c'est-à-dire pour ce que le président Clément, a appelé à juste titre les « dommages collatéraux ». (Sourires.) C'est pourquoi votre commission des lois a adopté un amendement ouvrant plus clairement une faculté de réparation, au-delà du seul préjudice social, en faveur de l'actionnaire, afin que notre assemblée puisse en débattre.
    Pour en terminer, je voudrais aborder un sujet qui n'apparaît pas dans le projet de loi, même si le ministre et le rapporteur de la commission des finances en ont parlé à l'instant. Il est présent dans tous les esprits : je veux parler des agences de notation et des analystes financiers.
    Mon rapport écrit traite largement de ces questions que je ne puis développer ici, faute de temps.
    Le Sénat a introduit quant à lui quelques dispositions sur ce sujet qui reste en grande partie à défricher, dans un contexte qui, pour des raisons évidentes, ne peut être franco-français, alors même que tous les acteurs s'accordent à en souligner l'importance et le rôle déterminant dans les mouvements de marché.
    La SEC américaine y travaille, l'Allemagne et d'autres pays également. Notre ministre des finances a proposé que le sujet soit traité au sein du G 7 sous présidence française. Il apparaît souhaitable que notre Parlement entreprenne une étude et une réflexion sur ces deux catégories d'acteurs dont la personnalité, certes, transnationale, ne saurait empêcher la participation de notre pays, qui est plutôt en avance sur ces thèmes, à la définition de règles communes.
    Au total, ce projet remplit son objectif. Contrairement à d'autres textes, comme la loi NRE, il privilégie à la seule quantité la qualité et l'efficacité de l'information.
    Je vous invite donc, mes chers collègues, à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le ministre, très honnêtement, sans les événements américains, je pense que la France aurait pu se passer du présent projet de loi. Certes, l'échec relatif des différents rapports sur la gouvernance des entreprises cotées laisse à penser que nous l'aurions fait un jour ou l'autre; mais sans doute pas maintenant.
    L'affaire Enron est d'autant plus importante que cette société était un modèle aux Etats-Unis - donc dans le monde - pour sa transparence, la qualité de ses dirigeants, la sécurité de ses chiffres. Le scandale s'explique par le fait que la présentation des comptes de l'entreprise était carrément mensongère. Cette affaire s'inscrira dans l'histoire comme une crise très forte du capitalisme américain, que l'affaire WorldCom n'a fait que conforter.
    M. André Gerin. Tout à fait !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La crise de confiance qui en résulta fut d'autant plus dramatique qu'aux Etats-Unis, quand on veut financer les études universitaires de ses enfants, quand on veut préparer sa retraite, on investit en bourse. Aujourd'hui, 80 millions d'Américains sont ruinés ! Voilà le contexte international dans lequel nous allons légiférer.
    Les Américains avaient toujours soutenu la thèse de l'autorégulation : il ne fallait en aucun cas que la législation se mêle de la gestion des entreprises. Or, contrairement à ce qu'on aurait pu prévoir quelques mois plus tôt, ils se sont précipités pour faire une loi qui, en comparaison de la vôtre, monsieur le ministre, peut paraître ultra-libérale. (Sourires.) Je dis cela un peu par provocation, mais surtout pour faire comprendre que la loi Sarbanes-Oxley est incroyable aux Etats-Unis !
    Ce démocrate et ce républicain, ce sénateur et ce représentant sont à l'origine d'une loi dont les verrous laissent rêveur ! L'extraterritorialité prévue risque par ailleurs de décourager les entreprises européennes, comme celles du monde entier, de venir s'inscrire à la bourse de New York.
    M. André Gerin. C'est bien le but recherché !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois.     C'est dans ce contexte que se sont produits des scandales d'une autre nature : erreurs stratégiques pour France Télécom, erreurs stratégiques et, peut-être, faits de dissimulation pour Vivendi.
    Dans le même temps, les chefs d'entreprise français, à travers deux groupes de travail, « Vienot 1 » puis « Vienot 2 », ont cherché à faire avancer les choses et à poser, en matière de gouvernance, certaines contraintes, de plus en plus demandées par le marché américain. Mais on s'est aperçu que 24 % seulement des entreprises cotées au CAC 40 suivaient tout ou partie des recommandations de « Vienot 2 ». A tel point que les chefs d'entreprise des entreprises cotées ont décidé de former un autre groupe de travail : le groupe Bouton, ou, comme je le dis parfois avec perfidie, « Bouton 1 ». Si - comme pour me contredire - il ne doit pas y avoir de « Bouton 2 », ce sera grâce à la loi qui va être votée.
    Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises cotées ont fait d'énormes progrès en matière de gouvernance, de transparence, de connaissance de leur comptes, et du marché, par le biais des analystes ou des agences de notation. Compte tenu de la législation française, qui prévoyait déjà les dispositions adoptées par la loi Sarbanes-Oxley, comme le co-commissariat et la prise en compte du hors-bilan, ou l'interdiction faite aux chefs d'entreprise d'emprunter auprès de leur propre entreprise, on aurait pu considérer qu'on pouvait en rester là.
    Or le ministre des finances et le garde des sceaux ont pris leur plume et nous proposent aujourd'hui un projet de loi qui s'inscrit à la fois dans un contexte de liberté et dans un cadre législatif très clairement précisé.
    La grande nouveauté de ce texte, qui me paraît constituer un énorme progrès, est qu'une seule autorité sera gestionnaire et garante du traitement de tous les acteurs de la société financière en France ; un certain mélange de privé et de public dans le personnel contribuera à l'enrichissement des cultures. Cette novation tout à fait importante me semble de nature à rassurer les marchés.
    Nous avons constaté que les entreprises avaient pour habitude de s'adresser toujours aux mêmes commissaires aux comptes. Dorénavant, les commissaires aux comptes devront laisser la place à d'autres, au bout de six ans ; et, au bout de trois ans, un associé du même commissariat s'intéressera aux comptes de l'entreprise.
    Les comptes des entreprises cotées étant très difficiles à comprendre et à découvrir, le choix des commissaires aux comptes risque d'être relativement limité. Il me paraîtrait donc sain que les candidats commissaires aux comptes qui seront proposés par l'exécutif à l'assemblée générale des actionnaires puissent faire savoir quelles sont les entreprises cotées ou les filiales à l'étranger dont ils contrôlent déjà les comptes. Cela renseignera sur leurs risques de dépendance et d'influence.
    Ce système relève plus, à mon sens, de l'expérimentation. Nous verrons dans quelques années si le délai de six ans est satisfaisant, s'il permet au commissaire aux comptes de connaître la totalité des entreprises et - ce qui est toujours si difficile, dans tous les pays du monde - le hors-bilan, même si la France a légiféré sur ce point.
    Reste l'éternel problème des agences de notation et des analystes - sur lesquels je serai le plus sévère.
    Inutile de s'occuper des agences de notation, puisque le problème est réglé. Sur les quatre grandes qui existent, deux sont américaines, l'une est canadienne, et une seule, Fitch, est française, du moins en termes de capitaux. Car son siège est à Londres. Il est évident qu'il s'agit d'une activité mondiale. Que voulez-vous qu'y fasse la législation française ? Il n'est pas question, comme vous l'avez dit très bien, monsieur le rapporteur Goulard, d'imposer quoi que ce soit à ces agences.
    Il n'en va pas de même des analystes, qui sont des salariés de banques d'affaires, lesquelles possèdent des participations dans de grandes entreprises. Or, quand ils livrent leurs analyses, ils omettent de dire que, très souvent, ils jugent en fonction de leurs propres intérêt...
    M. André Gerin. Très souvent !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois ... ou de préciser qu'ils ont aussi pour mission d'inciter les investisseurs institutionnels à acheter certaines actions, et donc de présenter les comptes de certaines entreprises sous le jour le plus attractif. C'est pourquoi je crois qu'il serait urgent de retenir la proposition fort intéressante du Sénat, qui est de confier à l'AMF le contrôle de l'activité de ces analystes.
    Je pense même que la dénomination même d'« analyste » devrait être modifiée, afin de supprimer la confusion qui existe dans l'opinion entre les analystes des agences de notation et les analystes des banques d'affaires. Seuls les premiers sont indépendants, même s'il est vrai qu'on devrait exiger des agences de notation une plus grande transparence, en particulier dans la définition des critères qu'elles utilisent : elles répètent à longueur de temps qu'elles ne sont pas responsables des informations qu'on leur donne ; mais au moins, quand elles n'ont pas d'informations fiables, qu'elles le disent ! Bref, il s'agit de faire en sorte d'avancer dans ce domaine.
    Un dernier mot sur la gouvernance d'entreprise : il est aujourd'hui indispensable qu'un certain nombre de comités puissent s'inscrire dans le cadre des activités d'un conseil d'administration. Un comité d'audit me paraît incontournable, de même qu'un comité des rémunérations, ne serait-ce que par souci de transparence. C'est d'ailleurs prévu par la loi. On peut aller au-delà, en instituant d'autres comités, mais en faisant bien attention à ne pas démotiver les membres du conseil d'administration qui n'appartiendraient pas à ces comités.
    Je m'interroge sur la notion « indéfinissable » de l'administrateur indépendant, dont s'étaient préoccupées les commissions Vienot et Bouton, sous la pression des Anglo-Saxons. Ceux-ci tiennent en effet beaucoup à ce qu'il y ait des administrateurs « indépendants ». D'abord, il faut savoir que le capitalisme américain est éclaté dans un vaste pays. Tel n'est pas le cas en France. Cette notion ne peut donc pas s'apprécier de la même manière. Ensuite, pour savoir qui est plus indépendant que l'autre, il convient de distinguer entre celui qui est membre de l'exécutif et celui qui ne l'est pas. Enfin, et surtout, est indépendant un administrateur qui est éloigné de ses propres intérêts.
    Adopter un tel critère permettrait d'éviter de parler de la nouvelle profession d'« administrateur indépendant » : des gens qui ne feraient que cela, qui appartiendraient à plusieurs conseils d'administration, qui feraient croire aux uns et aux autres qu'ils sont indépendants, alors qu'ils vivent précisément de ces nombreux conseils ? Ce n'est sûrement pas la bonne approche de l'indépendance des administrateurs.
    Le législateur français a dû se pencher sur plusieurs questions : le fonctionnement d'un conseil d'administration ; la transparence vis-à-vis des assemblées générales d'actionnaires, qui sont très souvent des chambres d'enregistrement ; la complication de la présentation des comptes...
    M. André Gerin. Le moment de vérité !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ... qui est aujourd'hui telle que beaucoup d'administrateurs n'y comprennent rien et qu'il serait utile de créer un comité chargé de synthétiser les données financières des différentes entreprises, mais cela rélève du règlement intérieur, et non de la loi.
    Le législateur a décidé de faire en sorte de placer le curseur de manière à ne pas gêner le capitalisme français dans son rayonnement international, car c'eût été une politique de Gribouille. Il est totalement exclu que nous tombions dans ce défaut, auquel la France a parfois succombé : nous l'avons vu dans une loi qui a maintenant un peu plus d'un an, la loi NRE.
    On ne fait pas la loi française sans tenir compte du marché. Pour autant, il y a des choses que l'on peut dire dans la loi. Je pense aux stock-options, qui font tant parler d'eux, et à juste titre, les salaires des responsables de grandes entreprises françaises atteignant des sommets déraisonnables pourraient faire l'objet d'amendement. J'ai ainsi proposé que le délai de vingt jours imposé à un responsable de l'entreprise pour acheter des stock-options soit grandement allongé...
    M. Alain Bocquet. Excellent !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ... afin de ne pas donner prise à la tentation de jouer avec le cours de l'action, idée qui n'est malheureusement pas le fruit de mon imagination... Il y a là le moyen d'introduire une certaine moralisation dans le mode de rémunérations et d'intéressement des cadres dirigeants ou des simples cadres des entreprises - sachant que les salaires de quelques-uns et ceux des nombreux autres sont sans commune mesure.
    En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, n'attendons pas de cette loi qu'elle puisse régler tous les problèmes. Dans le droit des affaires, jamais une loi ne se substituera à la vertu. Il s'agit d'abord et avant tout de l'honnêteté des agents économiques. Certains ont perdu tout sens moral, parce que l'argent était devenu une telle force qu'ils n'y ont pas résisté. Il faut revenir à des proportions raisonnables, ce qui permettra, je crois, à la morale de retrouver la ligne de l'économie. L'économie ne doit pas se passer de morale, pas plus que le reste des activités humaines. Trop longtemps, on a cru qu'on pouvait faire le distinguo. Les dures réalités américaines, les dures erreurs stratégiques françaises ramènent tout le monde sur le sol, et tant mieux si cela rejoint aussi la morale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Jacques Desallangre.
    M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis pose des questions qui touchent au fondement de la construction démocratique. Mais je me dois, avant de les aborder, de présenter une remarque liminaire.
    Force est de constater que ce type de texte met en question la possibilité même pour le Parlement d'effectuer un travail digne de ce nom, un travail à la hauteur des enjeux politiques, surtout dans un contexte où l'on examine projets et propositions de loi à marche forcée.
    M. François Goulard, rapporteur. Oh !
    M. Jacques Desallangre. En effet, seul un virtuose du droit peut prétendre être en mesure de se repérer dans ce texte fourre-tout, extrêmement, voire excessivement technique, qui touche aussi bien au droit des affaires, au droit des sociétés et au droit des marchés financiers qu'au droit des assurances.
    Nous connaissons tous la célèbre formule d'Henri Queuille, déclarant en substance que la meilleure façon de résoudre un problème politique consiste à ne pas le poser. A l'heure actuelle, alors que chacun semble faire l'éloge de la complexité, la meilleure façon de résoudre un problème politique consiste plutôt à le poser en des termes si obscurément techniques que les tenants et aboutissants en deviennent incompréhensibles pour le plus grand nombre.
    Pas moins de 126 articles, en comptant les 28 articles additionnels adoptés en première lecture au Sénat, 176 pages, une multitude de renvois vers une kyrielle de codes juridiques : voilà le programme qui nous attend pour les séances à venir ! Ce maquis inextricable recèle pourtant des enjeux majeurs qui concernent l'ensemble de la population. Des enjeux qui ont, j'y reviendrai, un rapport direct avec les préoccupations quotidiennes de l'ensemble de nos compatriotes.
    Mais comment définir ces enjeux et espérer les traiter au nom des valeurs que nous défendons lorsqu'il est si difficile de le faire en toute connaissance de cause ? Je pose cette question parce qu'il me semble qu'elle nous concerne tous et qu'elle touche au coeur de l'idéal démocratique, dans la mesure où, face à une telle situation, il est plus que jamais indispensable de mesurer la véritable portée du principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi.
    Est-il envisageable d'adhérer à un texte, une déclaration, un principe qui est rendu sciemment incompréhensible par ses auteurs ?
    Si l'on comparait les débats parlementaires et les textes de loi à une production culturelle quelconque, c'est-à-dire si l'on se mettait à imaginer un instant que les textes de loi sont des oeuvres d'art, on serait plus enclin à considérer que leur diffusion et réappropriation n'est pas uniforme, qu'elle est différenciée selon des critères socioculturels relativement lourds et désormais bien connus.
    Or, lorsque l'on examine le niveau de compétence nécessaire à l'appropriation de la plupart des dispositions législatives créées ou modifiées par le projet de loi de sécurité financière, on ne peut que conclure que la compréhension de ces mécanismes subtils sera réservée à une minorité culturellement privilégiée, qui sera seule en mesure d'opiner en la matière et, partant, sera la plus à même d'oeuvrer dans le but de faire partager ses vues. Il ne peut en résulter qu'un débat démocratique dénaturé, car atrophié, voire confisqué.
    Et ne croyez surtout pas qu'il s'agisse ici de défendre un nouvel avatar de la fameuse théorie du complot. Loin de nous cette idée. Mais on ne peut décemment tenir pour quantité négligeable les acquis les plus solides des recherches anthropologiques et sociologiques.
    Ces dernières montrent et démontrent que celui qui entend se montrer fidèle à un idéal démocratique exigeant et authentique doit prendre en compte certaines conditions sans lesquelles un tel idéal n'est pas envisageable. La domination n'est bien entendu pas seulement économique, mais aussi culturelle et symbolique.
    Ces remarques nous conduisent, vous l'aurez compris, mes chers collègues, à condamner l'illisibilité de ce texte qui, de par son caractère justement illisible, donne des ressources de pouvoir à ceux - en fait une infime minorité - qui, parmi nos compatriotes, disposent de privilèges culturels. Jamais un projet de loi n'aura aussi bien mis en évidence à quel point les verbes « savoir » et « pouvoir » se ressemblent et peuvent finir par se confondre.
    Ces nécessaires précisions ayant été données et, je l'espère, entendues, notre exception d'irrecevabilité aura pour objet de mettre en lumière l'un des enjeux majeurs de ce projet de loi pour l'ensemble de nos compatriotes. Il ne s'agit pas de revenir sur l'ensemble des points clés - jugés tels, en tout cas, par la presse économique - que le texte aborde. Il n'en reste pas moins crucial de révéler, de dévoiler les enjeux masqués par sa technicité et sa densité. Il nous revient essentiellement de rendre perceptible aux yeux de nos concitoyens ce qu'impliquent les reculades du Gouvernement et de la majorité en matière de relations entre les établissements de crédit et leurs clients car, ne nous y trompons pas, nous avons affaire à un enjeu sur lequel nos compatriotes sont les premiers à avoir leur mot à dire.
    Plus que jamais, il est temps de faire savoir que les relations entre les banques et leur clientèle sont marquées par une évidente situation de subordination des déposants. Celui qui se référerait en la matière aux principes de consensualisme et d'autonomie de la volonté, bien connus en droit civil, serait particulièrement naïf. L'examen des relations entre les établissements de crédit et les déposants met en relief, une fois de plus, le décalage existant entre droits formels et droits réels.
    Alors qu'ils sont tenus par la loi d'avoir au moins un compte de dépôt, nos concitoyens sont, à l'heure actuelle, confrontés à des pratiques d'une opacité, voire d'une iniquité telle qu'en comparaison, le fonctionnement du conseil d'administration d'une multinationale lambda semble d'une transparence exemplaire.
    Avant de revenir sur ce point en l'illustrant longuement par le cas exemplaire des dates de valeur, je voudrais m'arrêter un instant pour mettre en évidence le double langage tenu par le Gouvernement sur ce dossier comme sur bien d'autres. Si ce dernier, comme il le prétend depuis des mois, se montrait réellement à l'écoute de la France qu'il appelle avec condescendance la France « d'en bas », il s'emparerait du dossier et s'emploierait à trouver les moyens de rappeler les établissements de crédit à leurs devoirs les plus élémentaires. Est-il besoin de rappeler que toute relation contractuelle implique des droits et des devoirs pour chacune des parties prenantes ? Est-il besoin de signaler en outre que, conformément aux acquis des recherches sociologiques que nous avons mentionnées, les plus désarmés face aux pratiques des établissements de crédit sont les citoyens les plus démunis au niveau économique, certes, mais, d'abord et surtout, au niveau social ?
    Et pourtant, avec ce projet de loi, et plus précisément par le truchement des dispositions de l'article 56 bis - qui, malgré son caractère hautement significatif, pourrait passer pour quantité négligeable puisque noyé au beau milieu de flots rédactionnels -, le Gouvernement rend les armes avant d'avoir livré bataille sur le médiatique dossier des conventions de compte. On peut d'ailleurs se demander s'il était réellement prêt à s'engager dans un combat contre les pratiques abusives des établissements de crédit. Y avait-il seulement songé ?
    Cette question apparemment provocatrice mérite d'être posée lorsqu'on voit que de nombreux ministres se sont contentés, face à la cascade de plans sociaux, d'un timide mouvement d'indignation incapable de dépasser les frontières de la rhétorique. Le discours, en effet, est parfaitement libre lorsqu'il ne porte pas atteinte au pouvoir des acteurs qu'il prétend viser et lorsqu'il n'est pas suivi d'actes forts. Mais cette liberté, aussi large soit-elle, est bien peu de chose quand on constate l'inconséquence des propos tenus dans un contexte aussi dramatique.
    Les conventions de compte n'étaient qu'une première étape sur la voie qui doit mener à une réelle transparence en matière de pratiques des établissements de crédit, puisque, si j'ose dire, ce dossier n'est que la partie immergée d'un immense iceberg. La loi portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier du 11 décembre 2001 avait constitué une avancée indéniable en la matière. L'enterrement de première classe auquel procède le Gouvernement à travers le texte qui nous est soumis aujourd'hui nous ramène en quelque sorte à la case départ sur un sujet où tout reste à faire.
    Et pourtant, un peu plus d'un an après le premier tour de l'élection présidentielle, dont personne ne peut jurer être sorti indemme, faudra-t-il répéter encore longtemps que la crise de la représentation politique que nous vivons trouve principalement sa source dans le sentiment que le politique est impuissant à changer tant soit peu la vie ? Un sentiment que viendra attiser encore un peu plus cette décision injustifiable.
    A ce sujet, qu'il me soit permis de citer Brice Teinturier, directeur du département « Politique et opinion » de la SOFRES, qui livrait, le 2 avril dernier, son interprétation du séisme : « Il y a une crise qui me paraît fondamentale : c'est la crise de l'efficacité du politique. En effet, depuis déjà très longtemps, nous mesurons dans nos enquêtes une inquiétude sourde de la part des Français, qui est celle-ci : "Les politiques sont-ils capables d'agir sur les problèmes qui nous préoccupent ? Pendant vingt-cinq ans, ce fut le chômage. On a eu ensuite une reprise avec l'enjeu de la sécurité. (...) Ce qui est extrêmement important, c'est que, aussi bien sur l'enjeu du chômage que sur celui de la sécurité, les Français avaient le sentiment que les politiques n'avaient pas prise. Il y a là une interrogation catastrophique pour les hommes politiques : est-ce que la luttte en matière d'emploi, est-ce que la lutte du Gouvernement contre le chômage est efficace ou non ? Eh bien, le différentiel, c'est-à-dire le nombre de gens qui nous disent qu'elle est efficace par rapport au nombre de ceux qui nous disent qu'elle ne l'est pas, est systématiquement inférieur à zéro. Cela suit relativement bien la courbe réelle du chômage, mais cela montre en tout cas que, sur l'enjeu qui était l'enjeu numéro 1, les Français considèrent depuis très longtemps que le politique est incapable de résoudre ce problème. »
    Ces propos tenus par un responsable d'un des principaux instituts de sondage nous concernent tous, bien évidemment. Mais si certains sont a fortiori tenus d'en prendre acte, c'est bien vous, monsieur le ministre, et vous, mes chers collègues de la majorité, qui disposez aujourd'hui de tous les leviers institutionnels pour mener une politique conforme aux attentes des Français. Cependant, rien, pas même une large majorité au Parlement, ne peut pallier l'absence patente de volonté politique.
    Pour revenir au dossier des relations entre établissements de crédit et déposants, j'observe que le Gouvernement disposait et dispose encore de réelles marges de manoeuvre. Il aurait pu et peut encore prendre appui sur les dix-sept associations de consommateurs qui ont accepté, depuis de nombreuses années, d'engager des négociations impliquant la Fédération bancaire française et La Poste. Jusqu'à présent, il n'en a rien été et un examen serré des faits ne peut conduire qu'à cette conclusion : les déposants devront se contenter d'un inacceptable statu quo.
    C'est d'autant plus grave qu'en choisissant de céder au lobbying des établissements de crédit et de leurs représentants, le Gouvernement fait preuve d'un inadmissible dédain pour le dialogue social.
    Depuis 1999, d'abord dans le cadre de la commission Jolivet, des négociations étaient engagées et l'on envisageait des solutions. Mais on constate aujourd'hui qu'aucune avancée notable n'a été effectuée. Parallèlement, on nous suggère d'entériner la suspension, pour une durée de dix-huit mois, des dispositions de la loi MURCEF relatives aux conventions de compte et le ras-le-bol des Français s'amplifie.
    Trois reproches sont en général adressés aux banques. Premièrement, elles augmentent de plus en plus leurs tarifs. Deuxièmement, elles tendent de plus en plus à faire payer des prestations traditionnellement gratuites. Troisièmement, elles font tout cela sans prévenir leurs clients.
    Sous le titre « Les Français n'ont plus confiance », un article très instructif paru dans l'hebdomadaire Le Point, début avril, revenait longuement sur ce contexte. Le journaliste Nicolas Gurgand n'hésitait pas à poser une question qui fâche, mais bien légitime : « Les banques nous volent-elles ? »
    Nicole Perez, administratrice nationale de l'UFC Que Choisir, se livre, pour sa part, à un constat éloquent : « En une semaine, nous enregistrons plus de 400 plaintes liées aux banques rien que sur notre site Internet. Depuis deux ou trois ans, nous sentons bien que les relations entre banques et clients se dégradent. » Vous voyez, monsieur le ministre, qu'on ne peut pas simplement compter sur l'honnêteté des uns ou des autres.
    Ces propos rejoignent les informations fournies par d'autres sources. Selon un rapport du comité consultatif de la Banque de France, les réclamations écrites adressées aux établissements de crédit français ont bondi de 48 % en 2001.
    Au regard de ces données, les résultats des enquêtes d'opinion ne sauraient nous surprendre. Ils ne font que confirmer l'ampleur du malaise. Ils ne font que confirmer l'urgence des demandes de transparence adressées au Gouvernement et au Parlement. Des demandes vis-à-vis desquelles le Gouvernement s'obstine à faire la sourde oreille.
    Un sondage réalisé par l'IFOP selon la méthode des quotas, les 6 et 7 mars derniers, auprès d'un échantillon de 1 006 personnes représentatives de la population française âgées de quinze ans et plus, est on ne peut plus clair.
    A la question : « Avez-vous une idée précise du montant que votre banque vous facture au titre des frais bancaires ? », sept Français sur dix répondaient par la négative.
    Fort logiquement, à la question : « Etes-vous favorable à ce qu'une présentation claire et séparée des frais bancaires soit obligatoire ? » , 84 % des Français répondaient par l'affirmative et six sur dix s'y déclaraient carrément très favorables.
    Le taux de réponse à ces questions est, de plus, très élevé. Seulement 2 % des personnes interrogées n'ont pas répondu. C'est assez inhabituel et cela tend à prouver qu'il s'agit réellement d'un problème qui se pose aux Français dans le cadre de leur vie quotidienne. Quasiment tous ont un avis sur la question.
    Pour prendre la mesure d'une telle situation, pour dresser un diagnostic aussi précis que possible et, partant, envisager une thérapie adéquate, il semble qu'il faille s'intéresser aux raisons susceptibles d'expliquer ce ras-le-bol. Comprendre cette crise de confiance suppose que l'on s'aventure dans la jungle de la tarification bancaire. Une enquête de l'UFC Que Choisir, menée auprès de 23 établissements de crédit, a permis de recenser pas moins de 180 différents types de frais bancaires. Certains d'entre eux semblent particulièrement difficiles à justifier. Citons en particulier les frais comptabilisés pour établir une procuration, les frais de conservation en agence d'un chéquier non retiré depuis six semaines, les frais de mise à disposition d'un chéquier en agence, les frais de renseignements donnés par téléphone, etc.
    Peu familiarisés avec l'écosystème complexe qui semble caractériser cette jungle, les clients ne savent pas, dans la grande majorité des cas, que les opérations qu'ils ont demandées - ou pas - seront facturées. Ils en connaissent encore moins le prix. L'affichage en agence des tarifs bancaires et l'édition de plaquettes tarifaires ne permettent pas nécessairement d'avoir un point de vue satisfaisant en la matière puisque l'exhaustivité est rarement au rendez-vous.
    Cependant, le problème principal n'est pas le manque d'exhaustivité de l'information disponible, c'est plutôt celui des conditions dans lesquelles elle est mise à disposition, c'est aussi et surtout son manque de lisibilité. L'information est en effet constamment fournie a posteriori. Dans un premier temps, les banques « se payent » sur le compte de leur client, puis, dans un deuxième temps, soit plusieurs jours, voire plusieurs semaines après avoir débité le compte, elles l'en informent via son relevé de compte. Cette absence d'avis préalable constitue à n'en pas douter un véritable abus de pouvoir, que rien ne saurait justifier. Alors que tous les professionnels sont tenus de présenter une facture avant paiement, ou tout au moins une note d'information spécifique, on est en droit de se demander au nom de quoi les banques échappent encore à cette obligation.
    De surcroît, l'information fournie est littéralement noyée parmi toutes les autres informations qui figurent sur le relevé de compte. La présentation actuelle des relevés empêche sciemment les clients d'évaluer le coût de fonctionnement de leur compte. Elle rend l'information, dans la mesure où on peut encore parler d'information, parfaitement illisible. Cette culture de l'ésotérisme est d'autant plus problématique que pour parvenir à gérer son budget, il est indispensable de pouvoir prendre en compte, entre autres, les frais perçus par la banque.
    Les raisons ne manquent donc pas pour expliquer la crise de confiance des déposants, qui est bien légitime. Vous aviez raison, monsieur le ministre, dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles du 21 mars dernier : « Le système économique repose sur un certain nombre de règles et ses différents acteurs : l'épargnant, l'entrepreneur, le client, le salarié, ont besoin de règles pour avoir confiance. Autrement, c'est la loi de la jungle. » Par conséquent, qu'attendez-vous pour agir quand les règles les plus élémentaires sont aussi manifestement bafouées par la plupart des établissements de crédit ?
    Un examen plus détaillé du cas des dates de valeur permet de saisir que ces pratiques opaques, déloyales et, pour certaines, illégales cachent tout simplement une histoire de gros sous. L'UFC Que Choisir a publié à ce sujet une étude particulièrement intéressante, fondée sur l'analyse de vingt-huit plaquettes tarifaires de banques, et les éléments dont je vais maintenant faire état ne vous surprendront certainement pas, monsieur le ministre, puisque je crois savoir que vous avez été personnellement informé des résultats éloquents de cette étude.
    Sur ces 28 banques, 25 pratiquent des dates de valeur et l'affichent ouvertement. La durée de ces dates de valeur est en règle générale très élevée : elle varie de deux à sept jours ouvrés selon les banques. On ne mentionnera pas les mauvais élèves, car ce serait trop long et particulièrement fastidieux, mais on notera que seules La Poste, la BICS et la Caisse d'épargne d'Ile-de-France n'appliquent pas les dates de valeur.
    Cette question n'a rien d'anodin. Outre le fait que les dates de valeur constituent un contre-exemple du souci de transparence officiellement affiché par les établissements de crédit, elles constituent aussi une véritable tarification occulte, incontrôlable et tout à fait incompréhensible pour les consommateurs. Il s'agit là d'une pratique illégale, comme l'a rappelé une jurisprudence constante, que les banques continuent d'utiliser pour engranger plusieurs centaines de millions d'euros par an, au détriment de leurs clients.
    Pour saisir la véritable portée de cette pratique, il est indispensable de comprendre comment elle fonctionne concrètement. Lorsqu'on dépose un chèque sur son compte, on pense, en toute bonne foi, disposer de cette somme pour combler un découvert ou même procéder à quelques emplettes. C'est compter sans les dates de valeur, qui sont fort différentes des dates d'opération. De nombreuses banques utilisent encore ce système de comptabilité occulte pour décaler les sommes créditées ou débitées dans leur intérêt.
    Le système est particulièrement subtil. Les banques ne diffèrent pas la date du débit ou du crédit et la date d'opération qui apparaît sur le relevé est conforme à la réalité. En fait, les banques tiennent un deuxième système de comptabilité qui, lui, prend en compte ces décalages artificiels.
    Dans ce deuxième système totalement opaque, les banques font comme si les dépôts et les dépenses avaient eu lieu à une autre date : les débits auraient été effectués un ou deux jours plus tôt et les chèques au crédit auraient été déposés sept jours plus tard, dans certains cas !
    Les banques ont toujours utilisé les marchés financiers pour engranger des intérêts financiers. Grâce aux dates de valeur, elles augmentent les durées de leurs placements et, par là, leurs profits. Le consommateur ne connaît rien de ces pratiques, d'autant que le décompte peut être basé sur les jours ouvrés, les jours ouvrables ou les jours calendaires. Il s'acquitte implicitement d'agios et de frais financiers, parfois sans s'en rendre compte et sans connaître leur justification. Nous sommes donc très loin de l'idéal de transparence.
    Deux colonnes « dates » figurent ainsi sur les relevés bancaires : l'une pour les dates d'opération, l'autre pour les dates de valeur. Il faut comparer ces deux colonnes pour connaître la date de valeur appliquée par la banque. Si les dates coïncident, cela signifie que la banque n'y recourt pas ou bien, parce qu'il convient de demeurer sur ses gardes, qu'elle ne les fait pas clairement apparaître. Pour connaître le détail des dates de valeur qui sont appliquées, le meilleur moyen consiste à demander une plaquette tarifaire détaillée à la banque. Encore faut-il être capable d'en percer la complexité.
    Les dates de valeur appliquées sur les chèques présentés à l'encaissement dépendent, par exemple, de trois facteurs.
    Le premier est l'heure de dépôt car la journée bancaire est arrêtée à un horaire variable selon les établissements bancaires : 9 heures, 11 heures ou 17 heures. Les opérations effectuées au-delà de cet horaire ne sont traitées que le lendemain.
    Elles varient également selon le système de décompte utilisé. En fonction de la base de calcul choisie par la banque - jours calendaires, jours ouvrés ou jours ouvrables -, la date de valeur varie de deux à huit jours.
    Avec l'utilisation des jours calendaires, tous les jours sont pris en compte dans le calcul de la date de valeur, y compris ceux de fermeture de l'agence.
    Si la banque a choisi les jours ouvrés, seuls les jours ouvrables de l'agence sont pris en compte dans le calcul des dates de valeur.
    Enfin le recours aux jours ouvrables donne le décompte le moins avantageux pour les clients. Dans ce cas, en effet, les jours ouvrés durant le week-end et les jours fériés ne sont pas pris en compte. Ainsi une opération effectuée le samedi est systématiquement décalée de deux jours, voire plus, si un jour férié et un éventuel pont prolongent encore ce délai.
    Le troisième facteur est le nombre forfaitaire de jours ajoutés par la banque : de zéro à sept, selon le type d'opération et selon la banque.
    La combinaison de ces trois facteurs aboutit à des dates de valeur de deux à sept jours en moyenne sur les chèques déposés à l'encaissement.
    Cette méconnaissance des pratiques bancaires peut, rappelons-le, coûter cher, très cher. La somme déposée est officiellement disponible dès la date de remise, soit la date de l'opération, pour honorer les débits. La banque agit cependant comme si elle avait disposé de la somme plusieurs jours plus tard et se permet en conséquence, en cas de découvert, de facturer des agios au prorata. De ce fait, chaque achat effectué durant ce délai viendra saler un peu plus la note à payer.
    Encore plus scandaleux, dans ce double système de comptabilité fondé sur les dates de valeur, les banques ne se contentent pas de retarder les opérations créditrices. Elles anticipent également la date des opérations de débit ; on parle dans ce cas de dates de valeur négatives.
    En effet, les banques arrivent à remonter le temps. Elles appliquent des dates de valeur anticipées sur les opérations de débit, y compris sur les retraits d'espèces pour certaines. Ce décalage est généralement de deux jours sur les chèques présentés au débit : un paiement effectué le lundi aura la date de valeur du samedi précédent, si la banque utilise les jours calendaires. Si elle applique la règle des jours ouvrés, cette date de valeur peut tout à fait se trouver décalée au vendredi précédent, en fonction des jours d'ouverture de l'agence. Ce décalage « anticipatif » a les mêmes conséquences : une durée de placement financier accrue pour la banque et des frais supplémentaires pour le client.
    S'il convient de reconnaître qu'un certain nombre de banques n'appliquent pas de dates de valeur négatives sur les chèques au débit, de nombreux établissements continuent cependant d'anticiper d'un ou deux jours la date à laquelle elles n'auraient plus disposé de la somme.
    Un nouvel exemple doit être donné pour illustrer cette pratique qui lèse quotidiennement des millions de Français : on fait un chèque le jeudi matin à un commerçant qui le dépose le jour même sur son compte. Aussi impensable que cela puisse paraître, la banque agit comme si la somme lui avait été débitée deux jours auparavant, soit le mardi précédent ! Là encore, si ce compte est à découvert, son titulaire paiera autant d'agios supplémentaires.
    Par ailleurs, si les sommes portées à votre crédit ne se voient effectivement décalées que de deux à sept jours par l'application de dates de valeur, elles sont censées rester disponibles pour honorer les opérations de débit. C'est bien la moindre des choses. Or les nombreux témoignages recueillis chaque mois par les associations de consommateurs prouvent le contraire. Des clients se voient facturer des agios, éventuellement assortis de frais de rejet d'écriture, du simple fait des dates de valeur. Aucun autre professionnel ne peut s'approprier ainsi l'argent de ses clients pour l'utiliser à son profit et à leur détriment !
    Le bilan de l'étude des dates de valeur pratiquée par vingt-huit banques est riche d'enseignements.
    Il révèle d'abord une grande variété de pratiques. L'application des dates de valeur varie en fonction du type d'opération et de la banque. Au sein d'un même groupe, les dates de valeur diffèrent également d'une direction régionale à une autre. Pour déposer un chèque, par exemple, mieux vaut être client de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France - pas de date de valeur - que de celle d'Auvergne : date de valeur de trois jours calendaires.
    Cettte étude met aussi en évidence de nombreuses pratiques illégales et d'ailleurs condamnées depuis de nombreuses années déjà. Ainsi dans une décision du 6 avril 1993, la chambre commerciale de la Cour de cassation a condamné l'application de dates de valeur sur les opérations de remise et de retrait d'espèces. Un arrêt, rendu par la Cour de cassation le 27 juin 1995, a également rappelé aux banques que les dates de valeur ne sont pas plus admissibles sur les virements que sur les retraits d'espèces. Néanmoins, cela ne semble pas gêner certains établissements bancaires qui continuent d'appliquer des dates de valeur sur les retraits aux distributeurs et sur les virements.
    Si La Poste, ou la Caisse d'épargne d'Ile-de-France n'appliquent aucune date de valeur, les dépôts des chèques ne sont pas pour autant crédités le jour même. Ils restent soumis - ce qui est tout à fait compréhensible et légitime - à des délais techniques de regroupement, de transmission et de traitement. Ainsi, si votre CCP est domicilié à Paris, un chèque déposé dans un bureau de poste parisien sera porté au crédit le jour même ou le lendemain, selon l'heure de dépôt. Le même chèque déposé dans un bureau de poste d'une autre région nécessitera un délai de 48 heures, voire de 72 heures. La Poste justifie ce délai par l'étendue de son réseau : 16 000 bureaux, parfois fort éloignés des centres de traitement.
    Rappelons que les consommateurs ne connaissent pas le montant du préjudice qu'ils subissent chaque année à cause des dates de valeur. Les banques, elles, savent en tous cas combien cela leur rapporte : au moins 2 milliards d'euros chaque année.
    Qui plus est, il existe une indéniable différence de traitement entre certaines catégories de clients des établissements de crédit. Ainsi les grandes entreprises peuvent obtenir la suppression de l'application des dates de valeur, moyennant le paiement de services auparavant gratuits. Compte tenu de la masse de capitaux et des flux importants qui circulent sur leurs comptes, leurs services financiers peuvent négocier des contrats avec les banques. En revanche les particuliers ne disposent pas d'un tel pouvoir de négociation. Ils ignorent tout, le plus souvent, des techniques utilisées et des montants dont ils sont spoliés ou ponctionnés. Les règles de gestion des comptes peuvent évoluer sans qu'ils en soient informés.
    Quel est, en fin de compte, le bilan en termes économiques selon que l'on se situe du côté des banques ou du côté des consommateurs ?
    Pour ces derniers, il y a d'abord le coût des agios si le compte est à découvert au moment où on le crédite par chèque ou par virement. La date de valeur va allonger la durée du découvert jusqu'à une semaine dans le meilleur des cas, davantage si l'on est dans une période de jours fériés cumulés avec un week-end. Par conséquent, la facture d'agios sera alourdie d'autant. Il faut donc considérer que chaque opération effectuée pendant tout le temps où le compte est à découvert engraisse un peu plus l'établissement de crédit.
    De surcroît, les périodes de découvert créées ou prolongées par les dates de valeur peuvent engendrer des rejets de prélèvements et des rejets d'écritures, assortis d'envois de lettres d'injonction et de déclarations à la Banque de France. Les banques facturent lourdement ces prestations, aggravant ainsi la situation financière de leurs clients.
    En moyenne les coûts sont les suivants : 28 euros pour les rejets de chèques d'un montant inférieur à 50 euros ; 34,50 euros pour les rejets de chèques d'un montant supérieur ou égal à 50 euros et 7,20 euros pour les rejets d'ordre de prélèvement : prélèvements, TIP, effets de commerce.
    En règle générale toutefois, les sommes perçues du fait des dates de valeur ne sont pas très importantes et passent, de manière inaperçue le plus souvent, au sein d'un relevé de compte. Cependant, l'addition de ces petites sommes fait que l'on atteint des montants colossaux.
    M. François Goulard, rapporteur. Les petits ruisseaux font les grandes rivières !
    M. Jacques Desallangre. Pour les banques, en effet, l'addition de ces opérations se révèle particulièrement juteuse. Le Conseil national du crédit et du titre avait ainsi estimé en 1990 à 10 milliards de francs - environ 1,5 milliard d'euros - la recette procurée par le seul placement de la trésorerie résultant des dates de valeur.
    Le jeu en vaut la chandelle, n'est-ce-pas, monsieur Goulard ?
    Référons-nous aux données statistiques officielles de l'année 2000 : Banque de France, rapport annuel exercice 2000. Cette année-là, les paiements de masse représentaient 10 247 millions d'opérations, pour un montant de 4 381 milliards d'euros. En tenant compte du taux de rémunération des banques en 2000, au taux moyen de 4,1 % et de dates de valeur de quatre jours en moyenne, deux jours sur les crédits et deux jours sur les débits, nous aboutissons au chiffre de 2 milliards d'euros et ce montant est certainement inférieur à la réalité car les dates de valeur appliquées sont souvent plus longues. Il faudrait encore y ajouter les frais et autres agios qui sont prélevés sur les comptes à découvert pour avoir une idée du montant de ce hold-up à répétition.
    On le voit, ces dates de valeur rapportent gros ou coûtent beaucoup selon le point de vue où l'on se place. Cela est d'autant plus grave que rien ne les justifie.
    Les banques s'appuient clairement sur des arguments fallacieux pour légitimer la pratique des dates de valeur. L'argument du délai de transmission des documents puis celui du financement de services de caisse gratuits sont tour à tour invoqués pour justifier ce tour de passe-passe.
    En ce qui concerne les dates de valeur sur les retraits et sur les virements, le regroupement, l'échange puis le traitement des écritures pouvaient, il y a fort longtemps, nécessiter plusieurs jours. Les banques utilisaient une centaine de centres de compensation en France pour s'échanger les chèques et les autres effets. Elles appliquaient alors des dates de valeur afin de compenser ces délais et de couvrir les avances de trésorerie faites aux clients. Les progrès de l'informatique et des télécommunications ont progressivement supprimé ces délais et la justice a condamné l'iniquité de ces pratiques comme je l'ai déjà mentionné.
    Grâce au système interbancaire de télécompensation, les retraits aux distributeurs sont ainsi transmis en quelques minutes, voire en quelques secondes, à la banque du client. Il a pourtant fallu trois arrêts de la Cour de cassation pour que les banques décident, enfin, de mettre fin aux dates de valeur sur les retraits et sur les remises d'espèces. En janvier 1995, l'Association française des banques et l'Association française des établissements de crédit, ancêtre de la Fédération des banques françaises, recommandaient à leurs membres de ne plus appliquer ces dates sur les retraits et sur les dépôts d'espèces.
    Cette jurisprudence n'a admis la légitimité des dates de valeur que pour les chèques, en raison de délais techniques de traitement, mais cet argument avancé en ce qui concerne les chèques ne tient plus depuis le mois de juin 2002. En effet, depuis sa mise en place en 1991, le système interbancaire de télécompensation a lui aussi évolué. Ainsi, depuis l'année dernière, les chèques sont numérisés, c'est-à-dire scannés, puis transmis, sous forme d'images chèques, à la banque émettrice au travers des réseaux de télécommunications.
    De plus, les centres de compensation ont été supprimés, d'abord en province, depuis le 8 mars 2002, puis à Paris, le 30 juin 2002. Seuls 2 % des chèques font l'objet d'un traitement traditionnel. C'est le cas des chèques d'un montant supérieur à 5 000 euros. Désormais, les dates de valeur ne se justifient donc pas plus sur les chèques que sur les retraits d'espèces.
    Enfin, les banques justifient également l'application des dates de valeur comme une compensation aux coûts des services de caisse et de tenue de compte fournis gratuitement. Cet argument ne tient plus puisque, aujourd'hui, tout est payant ou presque. Je pourrais revenir longuement sur la facturation des retraits aux distributeurs des réseaux concurrents ou sur celle des retraits effectués aux guichets de sa propre banque. Il faut, en effet, de plus en plus souvent payer pour disposer de son argent, ce qui est tout à fait aberrant. Les établissements bancaires ne peuvent continuer de jouer sur les deux tableaux : les dates de valeur ne sont pas la contrepartie d'un service rendu.
    A l'heure de la transparence qui sous-tend, paraît-il, l'esprit du projet de loi qui nous est soumis, les dates de valeur constituent une tarification déguisée sans cause réelle. Ce système généralisé que l'on peut qualifier d'escroquerie doit donc disparaître.
    Les rappels effectués précédemment visent, mes chers collègues, à mettre enfin clairement à l'ordre du jour, dans cet hémicycle, une question d'intérêt général. Ils entendent placer en perspective la réelle portée du choix du Gouvernement de suspendre pour dix-huit mois l'une des mesures phares de la loi MURCEF.
    L'adoption par le Sénat, en première lecture, de l'amendement n° 87 déposé par le Gouvernement, devenu depuis l'article 56 bis du présent projet de loi, doit être analysée, en fin de compte, comme un aveu significatif de faiblesse. Oui, il est temps de poser cette question : le Gouvernement est-il indifférent aux attentes des Français ? Entend-il demeurer plus longtemps dans une attitude aussi attentiste ? Peut-être nous reprochera-t-on de dresser un tableau exagérément sombre de la situation. Peut-être arguera-t-on que, si la situation était aussi intolérable, les Français se rassembleraient par milliers dans les rues de nos villes pour manifester leur mécontentement.
    Pourtant, les principaux éléments du tableau que je viens de brosser pourront être aisément confirmés, voire étayés, par les associations de consommateurs. Il est à espérer que l'impératif de proximité, dont les conseillers en communication nous pressent de faire l'éloge depuis des lustres, finira par servir à quelque chose. Peut-être finira-t-on par entendre sur le terrain les attentes les plus pressantes et les plus concrètes de nos concitoyens.
    Vous l'aurez donc compris, nous condamnons sans nuance ce fantastique retour vers le passé que vous nous proposez d'entériner aujourd'hui à travers ce fameux article 56 bis.
    Certes, lorsque l'on écoute attentivement les membres du Gouvernement ou lorsqu'on lit les rapports de M. Marini et de M. Goulard, on s'aperçoit qu'un certain nombre d'arguments sont avancés pour légitimer la suspension pour dix-huit mois de l'application des dispositions du premier alinéa du I de l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier. Or nous démontrerons ici que ces arguments ne tiennent pas la route et nous mettrons en évidence le fait que la solution de remplacement proposée est contraire à la Constitution, donc, de ce fait, irrecevable. A ce stade, il importe de revenir aux textes.
    L'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier prévoit que la gesion d'un compte de dépôt est réglée par une convention écrite passée entre la banque et son client. Ce contrat, conclu au cas par cas, est destiné à mettre à plat les conditions générales et tarifaires d'ouverture, de fonctionnement et de clôture du compte. Les mentions obligatoires de cette convention doivent être précisées par arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances après avis du comité consultatif institué à l'article L. 614-6 du même code.
    A cet égard, je rappelle que ce comité consultatif placé auprès du Conseil national du crédit et du titre est précisément chargé d'étudier les problèmes liés aux relations entre les établissements de crédit et leur clientèle et de proposer toutes mesures appropriées dans ce domaine. Il est composé en majorité, et en nombre égal, de représentants des établissements de crédit et de représentants de la clientèle. Il s'agit donc d'une instance qui offre les conditions d'un dialogue constructif entre les banques et leurs clients.
    La loi MURCEF a été promulguée le 11 décembre 2001. Or aucun arrêté n'a été pris avant l'entrée en vigueur de cette disposition, soit le 11 décembre 2002.
    M. François Goulard, rapporteur. C'est vrai !
    M. Jacques Desallangre. Cependant, l'avis du comité consultatif, élaboré après de longues et âpres séances de concertation entre établissements de crédit et organisations de consommateurs a bien été transmis au ministre le 10 avril 2002. Aucun arrêté n'a malheureusement été pris avant la fin de la onzième législature et le nouveau gouvernement n'a pas souhaité faire son devoir, ce qui fait que le processus n'a pu être mené à son terme. Il a préféré proposer sa solution, à savoir la suspension de l'application des dispositions législatives. Toutefois, peut-on encore parler de solution puisque, de toute évidence, le problème qui a été posé, ici même, il y a près de deux ans ne sera pas résolu une fois que nous aurons quitté nos bancs ?
    Le premier argument avancé pour justifier la suspension de l'application de ce texte repose sur un avis rendu par le Conseil d'Etat le 30 octobre 2002. Cet avis, selon un communiqué du ministère de l'économie et des finances en date du lundi 25 novembre 2002, valide les principes de modernisation des relations entre les banques et leurs clients mais écarte, pour des raisons juridiques, les solutions proposées pour les comptes existants.
    Page 296 de son rapport, M. Goulard précise la nature de ces mystérieuses raisons juridiques sur lesquelles s'est fondé le Conseil d'Etat pour rendre un avis défavorable. La loi interdit de traiter différemment les comptes existants et les comptes nouveaux aurait estimé le Conseil d'Etat. Sans entrer dans le détail, il convient de reconnaître que l'avis transmis par le comité consultatif avait en effet retenu un calendrier distinct d'entrée en vigueur des conventions de compte et des modalités d'application différenciées selon que l'on avait affaire aux comptes existants ou aux comptes à venir.
    Compte tenu de l'inapplicabilité du dispositif prévu par l'arrêté, d'autres solutions devaient être envisagées. L'une d'entre elles consistait à prévoir un envoi massif de soixante millions de conventions de compte de dépôt avant l'entrée en vigueur de la loi. Une autre passait par l'intervention du législateur. Ce dernier aurait pu être amené, par exemple, à prévoir de nouveaux délais d'application. Mais le Gouvernement a préféré, on le sait, faire le choix de suspendre l'application des dispositions de la loi.
    La solution de l'envoi massif de conventions de compte était en effet réputée très difficilement applicable car lourde et onéreuse pour les établissements de crédit. On peut s'étonner de cette argumentation. En effet, si elle semble s'appuyer sur des considérations de bon sens, il n'en reste pas moins que les établissements de crédit sont déjà tenus d'envoyer à leur client un relevé de compte mensuel. Il y a donc autant de relevés de compte qu'il y a de comptes de dépôt. Ainsi, les banques procèdent nécessairement à soixante millions d'envois par mois.
    Etait-il réellement inenvisageable, comme l'ont répété à l'envi les principaux intéressés, de joindre les conventions de compte à ces envois ? C'est très certainement ce type de réflexion qui a conduit les associations de consommateurs à émettre des jugements résignés et sarcastiques sur ce parti pris gouvernemental.
    D'ailleurs, on soulignera, non sans une pointe d'ironie, que, lorsque la société BNP-Paribas a pris la décision, au demeurant particulièrement controversée, de facturer 5 euros les retraits d'espèces au guichet inférieurs à 150 euros, la société a envoyé gratuitement par courrier à ses 300 000 clients une carte gratuite permettant de retirer gratuitement des billets aux distributeurs de son réseau. Il ne semble pas que, en l'occurrence, BNP Paribas ait jugé insurmontable la fabrication et l'envoi, sans compter les coûts afférents, de ces 300 000 cartes de retrait.
    On se permettra donc de douter fortement de la validité et de la portée de l'argument avancé pour justifier le recours à une décision de suspension d'application des dispositions de l'article L. 311-1-1. Cet argument sonne d'autant plus creux que les banques affichent des bénéfices confortables : 15 milliards d'euros en 2001.
    En contrepartie de cette suspension, le Gouvernement a tout de même demandé aux banques, ainsi qu'à La Poste, de s'engager à respecter les principes de contractualisation et de transparence tarifaire définis par la loi. Ce souhait exprimé par le Gouvernement s'est traduit par la signature, le 9 janvier dernier, sous les auspices de M. le ministre de l'économie et des finances, d'une charte relative aux conventions de compte de dépôt, malheureusement dépourvue de tout caractère contraignant. Cette charte a été signée par M. Michel Pébereau, président de la Fédération bancaire française et M. Jean-Paul Bailly, président de La Poste.
    Il convient toutefois de noter que les associations de consommateurs, dénonçant ce qu'elles considéraient comme une supercherie et un désaveu des démarches entreprises au cours de plusieurs années de discussion, ont boycotté cette réunion et ont refusé de cosigner le document. Certains ont contesté le terme de « suspension » des dispositions de la loi MURCEF, préférant parler d'abandon ou d'enterrement. La lecture du dernier paragraphe de la charte ne peut que les renforcer dans leur conviction puisqu'il est écrit que « les établissements signataires s'engagent à réexaminer tous les trois ans le contenu de la présente charte ».
    La charte s'inscrit donc dans la durée. On peut légitimement se demander si le terme de « suspension » demeure bel et bien d'actualité alors qu'est clairement affiché le souhait de pérenniser un nouveau dispositif qui, de par sa nature même, se trouve dénué de tout caractère contraignant.
    Cette « suspension » sera-t-elle de la même nature que celle que vous avez déjà fait voter contre les salariés et qui a abouti à la disparition des quelques réserves contenues dans le projet de loi de modernisation sociale, les seules de nature à les protéger, quoique bien insuffisamment, contre les « licenciements boursiers » ?
    Ainsi, compte tenu du caractère volontairement opaque et déloyal des pratiques des établissements de crédit, compte tenu du souhait de transparence clairement exprimé par nos concitoyens, compte tenu de la régression que représente la charte relative aux conventions de compte de dépôt, nous vous proposerons, mes chers collègues, de supprimer l'article 56 bis adopté en première lecture au Sénat et nous vous soumettrons des amendements portant articles additionnels invitant le législateur à prendre ses responsabilités en palliant les errements coupables du Gouvernement, et qui viseront à rendre effectivement applicables les dispositions de la loi MURCEF.
    L'UFC Que choisir ? vient judicieusement d'assigner quatre établissements bancaires aux fins d'obtenir la condamnation de leurs pratiques : la BNP-Paribas, le Crédit agricole, le Crédit lyonnais et la Société générale. Quatre procédures qui ont pour fondement la cessation d'agissements illicites - articles L. 421-2 du code de la consommation - et la suppression de clauses abusives - article L. 421-6 - et visent à la suppresion des dates de valeur pour les remises de chèques.
    On pourra toujours déplorer, comme vous le faites, monsieur le ministre de l'économie et des finances, la « judiciarisation » de l'activité économique ; on pourra toujours s'offusquer, comme le fait M. le garde des sceaux, de l'encombrement des tribunaux. Pour ce qui nous concerne, nous ne nous étonnerons pas de constater que, dès lors que les élus refusent de reconnaître les droits légitimes de leurs concitoyens, ces derniers en viennent à poursuivre leur quête de reconnaissance devant la justice.
    Quoi qu'il en soit, et dans l'attente que nos futurs débats puissent donner corps aux exigences exprimées par les Français, il est clair que le texte proposé par le Gouvernement pour ce qui touche à l'article 56 bis n'a pas pour seul défaut d'être tristement inopportun et terriblement conservateur. Le mécanisme envisagé par ce texte est, qui plus est, irrecevable et devrait de ce fait être censuré si jamais le texte venait à être adopté en l'état.

    Au demeurant, ce n'est pas là la seule et unique disposition irrecevable de ce texte. Ainsi, monsieur le rapporteur, si je me réfère à la page 144 du tome 1 de votre rapport, certaines dispositions de l'article 26 relatives au secrétariat général de la commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance sont, de l'avis de tous, y compris du vôtre, clairement de nature réglementaire.
    M. François Goulard, rapporteur. Ce n'est pas pour autant un motif d'inconstitutionnalité !
    M. Jacques Desallangre. Reste que, au regard de la stricte logique, c'est sans doute la plus grave et la plus inconséquente.
    En effet, le substitut édulcoré des dispositions de la loi MURCEF qui nous est ici proposé prévoit, sur la base de la charte relative aux conventions de compte de dépôt, que, pour les nouveaux comptes, une convention de compte sera systématiquement et gratuitement proposée aux clients à partir du 28 février 2003 au plus tard. La mesure est donc d'ores et déjà entrée en vigueur, pour que les banques aient bel et bien tenu leur engagement de papier. Pour les comptes déjà ouverts, en revanche, les clients pourront obtenir une convention sur simple demande au plus tard à partir du 30 avril 2003, c'est-à-dire demain.
    Dans les deux cas, les établissements de crédit signataires s'engagent à informer leurs clients de tout changement tarifaire trois mois avant son entrée en vigueur. De même, en cas de modification substantielle de la convention de compte, les déposants pourront clôturer leur compte sans frais pour aller dans un autre établissement.
    Nonobstant ces points de convergence, cette jolie mécanique consiste à traiter différemment les comptes existants et les comptes nouveaux. En effet, les titulaires des comptes nouveaux se verront adresser une convention de compte de dépôt sans qu'ils en fassent la demande, tandis que les titulaires de comptes déjà existants devront adresser à leur établissement de crédit une demande expresse de convention de compte. Il y a là une inégalité de traitement manifeste.
    De surcroît, le dispositif prévoit que ces mesures s'appliqueront dès le 28 février pour les nouveaux comptes. Pour les autres, ce sera deux mois plus tard. Nouvel exemple manifeste d'un traitement inégal. Dans ce savant dispositif, il y a bien déposant et déposant.
    Le choix d'une pseudo-solution basée sur une indéniable inégalité de traitement est d'autant plus difficile à comprendre que, si je ne m'abuse, le refus de prendre l'arrêté d'application de la loi MURCEF était motivé par le souci de respecter un avis du Conseil d'Etat mettant en garde contre l'irrecevabilité d'une inégalité de traitement entre déposants...
    Les gesticulations du Gouvernement sur ce dossier, dont il sera difficile de rendre raison, confinent au grotesque. A l'évidence, l'inégalité de traitement entre déposants, hier si vigoureusement dénoncée, ne gêne désormais plus grand-monde dans les rangs de la majorité. Si le problème n'était pas aussi grave et les attentes des Français aussi fortes en la matière, ces subtils numéros de contorsionnistes pourraient prêter à sourire.
    Cette dérive scandaleuse n'est qu'un exemple parfaitement révélateur de l'esprit d'un texte qui se refuse à édicter des règles pour condamner des comportements malhonnêtes. Loin de tout mettre en oeuvre pour ne pas succomber - je reprends l'élégante expression de M. Goulard - au charme des escrocs, ce projet se borne à décliner le credo de M. le ministre : lorsque l'on a envie d'être corrompu ou corrupteur, ce n'est pas un texte de loi qui vous empêchera de l'être.
    M. Philippe Auberger. C'est vrai ! On le voit dans l'affaire Elf !
    M. Jacques Desallangre. Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à réagir et et à voter notre exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. A vous entendre, Monsieur Desallangre, il s'agirait d'un texte trop long, trop technique et de surcroît présenté à marche forcée. Je me permets simplement de rappeler que le Gouvernement n'a pas déclaré l'urgence. Autrement dit, la « marche forcée » est à prouver... Ajoutons qu'il a fait l'objet d'une très longue préparation et donné lieu à force concertations. M. Woerth, notamment, a organisé un colloque cet hiver, d'une très grande utilité.
    M. Eric Woerth. Tout à fait !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Autrement dit, une très large place a été faite au débat démocratique, car si la matière est effectivement technique, la question qui nous est posée est politique.
    Venons-en à la question des relations entre les banques et leurs clients.
    L'exception d'irrecevabilité pose une question largement débattue depuis quelques mois : celle de savoir comment on renforcera efficacement la qualité des relations entre les établissements financiers et leurs clients. Deux approches sont possibles : l'une de nature bureaucratique, l'autre reposant sur une confiance contrôlée entre les acteurs. Le Gouvernement a décidé de privilégier la confiance et la responsabilisation des partenaires, conformément au principe défini dans la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, pour formaliser les relations entre les établissements de crédit et leurs clients. C'est dans cet esprit que j'ai proposé au Sénat de suspendre pour dix-huit mois la disposition législative qui imposait l'envoi des conventions de compte. Ma décision s'appuie, vous l'avez rappelé, sur l'avis rendu par le Conseil d'Etat sur le projet d'arrêté établi à la suite des concertations menées au printemps dernier entre représentants des établissements bancaires et des consommateurs. Le Conseil d'Etat a validé les principes de modernisation de ces relations mais a écarté, pour des raisons juridiques, les solutions proposées pour les comptes existants. Dans ces conditions, le recours à une obligation de nature légale et bureaucratique obligeant à envoyer en une seule fois des dizaines de millions de conventions pour des comptes existants ne m'apparaissait pas - et ne m'apparaît toujours pas - pertinente.
    En contrepartie, et ainsi que vous l'avez rappelé, les responsables de la Fédération bancaire et de La Poste ont signé, à ma demande et en ma présence, pour renforcer les droits des consommateurs, une charte d'engagement relative à ces conventions de compte, par laquelle ils ont pris l'engagement de proposer gratuitement à leurs clients des conventions de compte écrites précisant la nature et les tarifs des prestations fournies. Pour les nouveaux comptes, une convention est systématiquement proposée depuis le 28 février ; pour les comptes déjà ouverts, les clients pourront en obtenir une, sur simple demande, à compter d'aujourd'hui, 30 avril.
    Aux termes de cette charte, les établissements de crédit et La Poste se sont notamment engagés à informer leurs clients de tout changement tarifaire trois mois avant leur entrée en vigueur. En cas de modification substantielle de la convention de compte, les clients pourront clôturer leur compte ou le transférer dans un autre établissement, sans frais. Aux termes de cette charte figureront également dans la convention de compte les dates de valeur appliquées - point que vous avez très longuement commenté.
    Une revue de la mise en oeuvre des engagements des banques et de La Poste sera régulièrement effectuée, en concertation avec les représentants des établissements de La Poste et des consommateurs. Un premier point de la situation sera du reste effectué lors d'un prochain comité de la médiation bancaire. A l'issue du délai prévu de dix-huit mois, je dresserai le bilan de cette démarche fondée sur la confiance et sur la responsabilisation des partenaires. S'il apparaît que les obligations figurant dans cette charte ne sont pas remplies, je me réserve la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions prévues par voie réglementaire.
    Vous comprendrez donc, monsieur Desallangre, qu'il ne s'agit aucunement de réduire la protection des consommateurs, et ce d'autant moins que cette suspension ne concerne pas les autres dispositions de la loi MURCEF.
    Ainsi que je l'ai indiqué, le principe de transparence tarifaire est intégralement maintenu. Tout projet de modification de tarifs des produits et services doit être communiqué par écrit au client trois mois avant sa date d'effet. En cas de désaccord, le client peut clôturer son compte. Le principe de l'interdiction des ventes liées ou des ventes avec prime est, lui aussi, maintenu. L'arrêté qui doit fixer le seuil maximal des primes autorisées dans le secteur bancaire sera examiné au sein du Comité consultatif.
    Par ailleurs, le Gouvernement a veillé à la mise en place des médiateurs prévus par la loi MURCEF, qui sont chargés de recommander des solutions aux litiges relatifs au fonctionnement d'un compte de dépôt. Le comité de la médiation bancaire a été mis en place à la fin de l'année dernière ; ses conditions de fonctionnement ont été définies par décret le 5 mars. Il sera notamment chargé d'examiner les rapports des médiateurs bancaires, en veillant à garantir leur indépendance.
    Je vous rappelle enfin que, depuis le 1er décembre dernier, un dispositif d'accès urgent aux sommes à caractère alimentaire figurant sur un compte saisi, dit « solde bancaire insaisissable », est en place. Ainsi que vous le voyez, le Gouvernement s'attaque aussi aux problèmes qui frappent les plus démunis.
    Pour tous ces motifs, monsieur le président, je demande à l'Assemblée de rejeter cette exception d'irrecevabilité.
    M. le président. La parole est M. le rapporteur.
    M. François Goulard, rapporteur. J'éprouve, je vous l'avoue, une très sincère admiration devant la performance de l'orateur qui vient de défendre avec brio une exception d'irrecevabilité en s'appuyant sur un seul article...
    M. Jacques Desallangre. Illustratif !
    M. François Goulard, rapporteur. ... d'un projet qui en en compte plus de cent ! Ajoutons que l'article en question, introduit par voie d'amendement au Sénat, n'est sans doute pas le plus fondamental de ce texte.
    Toujours est-il que nous avons eu droit à une explication tout à fait détaillée - et fort pertinente au demeurant - de l'intéressante question des dates de valeur dans les banques, dont plus personne...
    M. Philippe Auberger. N'ignore les mécanismes !
    M. François Goulard, rapporteur. ... ne peut désormais, en tout cas aucun de ceux qui l'ont écoutée, rien ignorer.
    Sur un plan strictement juridique, car l'objet de cette motion est bien de prouver que le texte est contraire à la Constitution, je ne peux que m'inscrire en faux contre l'argumentation développée par notre collègue Desallangre. Il ne saurait y avoir, au sens de la jurisprudence du juge constitutionnel, de rupture d'égalité dans la mesure où un traitement, certes différencié, est justifié par des différences de situation : il est bien clair que le fait d'être déjà titulaire d'un compte vous différencie de celui qui ne l'est pas...
    M. Jacques Desallangre. Léger !
    M. François Goulard, rapporteur. ... ou de celui qui s'apprête à en souscrire un. Notre législation fourmille d'exemples comparables de traitements variant selon les situations. Passons donc sur l'argument strictement juridique : il ne résiste pas à l'examen.
    Sur la justification au fond de cet article, le ministre a largement développé l'argumentation du Gouvernement. La question de savoir si la banque doit par un envoi écrit proposer à ses clients qu'une convention leur soit adressée, ou la leur envoyer d'emblée, ne me paraît pas d'une importance déterminante : la majorité des consommateurs bancaires y verront-ils une énorme différence ? Je n'en suis pas certain. Pour ne citer que mon cas personnel, si j'avais vu arriver un document de ce genre, je n'aurais probablement pas pris la peine de le renvoyer, d'autant que, sur un plan juridique, il existe bel et bien une convention tacite entre le client et l'établissement bancaire : je vois un ancien banquier acquiescer...
    L'argumentation de M. Desallangre m'aura peut-être davantage touché lorsqu'il a parlé de l'illisibilité de la loi. N'allez pas croire que, par une conversion subite, je sois devenu marxiste et tout comme lui persuadé qu'il existerait une volonté délibérée de la classe dominante d'asseoir son pouvoir sur la classe dominée en rendant les textes incompréhensibles... De manière beaucoup plus prosaïque, je crois que nous pouvons largement partager cette préoccupation et regretter avec lui que les textes de loi soient de moins en moins lisibles. Et celui-là est particulièrement illisible...
    Cela dit, l'illisibilité peut dans certains cas être compréhensible, et dans d'autres...
    M. André Gerin. Calculée ?
    M. François Goulard, rapporteur. ... l'être moins. L'illisibilité peut tenir au fait que la matière est particulièrement complexe. Ainsi que je le reconnaissais moi-même à la tribune, tout à l'heure, la diversité des sujets évoqués, leur caractère extrêmement technique les rend souvent assez inabordables pour le grand public et même pour les généralistes que nous sommes. Nous éprouvons souvent une réelle difficulté à nous faire une opinion sur les dispositions qui nous sont proposées. Je puis témoigner, en tant que rapporteur, qu'il n'est pas facile de savoir si le choix retenu par le Gouvernement est le bon sur tous les sujets. Reste que c'est notre devoir et, pour ma part, je me suis attaché à le faire en conscience. Nous sommes souvent amenés à légiférer sur des matières compliquées et bien malaisées à comprendre. C'est dans la nature des choses, c'est une des difficultés de notre tâche, acceptons-le.
    Mais il arrive que l'illisibilité tienne moins à la complexité du sujet qu'à la façon dont la loi a été rédigée. Le problème, s'il n'est pas nouveau, n'en est pas moins préoccupant. Faut-il y voir une volonté délibérée du pouvoir politique, du Gouvernement...
    M. André Gerin. A voir !
    M. François Goulard, rapporteur. ... de la majorité ou, plus exactement, des majorités successives ? Sûrement pas, dans la mesure où, sur ce plan, les textes qui nous sont soumis se valent largement. La cause doit être recherchée, me semble-t-il, du côté de nos administrations qui n'ont pas pris l'habitude de simplifier, et c'est probablement un euphémisme. Dans certaines matières, l'écriture des lois atteint des sommets de complication et le texte qui nous est soumis est loin d'être irréprochable à cet égard. Mais comment s'élaborent les textes ? Si les ministres fixent les grandes orientations, arrêtent les choix principaux, ce sont les bureaux, on le sait fort bien, qui tiennent la plume. Or les textes que nous soumettent les bureaux, il faut le dire parce que c'est une réalité, sont souvent fort peu satisfaisants au point de représenter parfois un véritable défi au bon sens alors qu'une loi est a priori faite pour être comprise par tous ceux qui auront à en subir l'application.
    Cela dit, vous aurez compris que je ne soutiens pas la motion présentée par notre collègue Desallangre et que je propose son rejet. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Philippe Auberger, pour le groupe UMP.
    M. Philippe Auberger. Ayant dû m'absenter quelques minutes de cet hémicycle, j'ai eu l'impression à mon retour d'assister à un cours sur les opérations bancaires au Conservatoire national des arts et métiers... Les systèmes de tarification et les dates de valeur nous ont été longuement détaillés. Mais était-ce vraiment l'objet du débat d'aujourd'hui ?
    L'objet de ce débat est simple : ce texte contient-il des dispositions qui justifieraient l'exception d'irrecevabilité ? En fait, l'orateur n'en a trouvé aucune. Comme l'a très justement dit François Goulard, il s'est focalisé sur un seul point, en l'occurrence, un article additionnel visant à suspendre une disposition pour une durée limitée - dix-huit mois - en attendant de voir, le ministre l'a parfaitement expliqué, si les parties étaient capables de mettre en place une forme d'autorégulation qui éviterait à la puissance publique d'intervenir.
    C'est si vrai que l'orateur nous a dit avoir préparé un amendement visant à supprimer cet article et d'autres visant à y substituer quelque chose ! C'est dire qu'il ne croit pas lui-même à son argumentation sur l'irrecevabilité ! Il ne doit qu'à l'indulgence et à la bienveillance habituelles de la présidence d'avoir pu faire un long développement sur le problème des relations entre les consommateurs et les établissements bancaires. Comme l'a dit François Goulard, ce n'est pas l'objet du texte qui nous est soumis, lequel concerne les marchés financiers, en particulier le marché des actions.
    Par conséquent, mes chers collègues, il faut absoluement refuser l'exception d'irrecevabilité et nous hâter de délibérer sur les différentes dispositions qui nous sont soumises. Elles sont nombreuses et elles requièrent toute notre attention. Essayons, comme nous y invite le rapporteur, de leur apporter encore plus de clarté et de lisibilité : ce n'est pas tout à fait inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. André Gerin. Je dirai brièvement pourquoi il faut soutenir cette exception d'irrecevabilité. Vous avez expliqué, monsieur Goulard, que le projet de loi était complexe. Cela s'explique par le fait que vous cherchez à redonner un tant soit peu de légitimité au capitalisme - c'est toute la question qui est posée aujourd'hui, ici et au niveau international. Par son exception d'irrecevabilité et l'exemple très concret qu'il a présenté, notre collègue a montré que cette complexité était délibérée car destinée à masquer vos véritables objectifs. Le comportement des banques à l'égard des citoyens ordinaires n'en est qu'une illustration.
    Il faut voter cette exception d'irrecevabilité, car d'une certaine manière, vous êtes démasqués ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Charles de Courson. Bas les masques !
    M. André Gerin. Pourquoi, en effet, faire simple quand on peut faire compliqué ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je serai bref. Rien dans l'intervention de notre collègue ne concerne l'inconstitutionnalité de la loi. C'est la raison pour laquelle il faut repousser cette exception d'irrecevabilité.(Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 719, de sécurité financière :
    M. François Goulard, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 807) ;
    M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis n° 772).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 29 avril 2003
SCRUTIN (n° 142)


sur l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de codification du droit.

Nombre de votants

451


Nombre de suffrages exprimés

451


Majorité absolue

226


Pour l'adoption

338


Contre

113

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :     Pour : 320. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, Philippe Auberger, François d'Aubert, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Étienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, René Bouin, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Bruno Bourg-Broc, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Philippe Briand, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, MM. Bernard Brochand, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Bernard Carayon, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Dino Cinieri, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Jean-Claude Decagny, Christian Decocq, Jean-Pierre Decool, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Richard Dell'Agnola, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Jean-Pierre Dupont, Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Marc Francina, Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Jean Grenet, Gérard Grignon, François Grosdidier, Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, Jean-Jacques Guillet, Emmanuel Hamelin, Joël Hart, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Antoine Herth, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lasbordes, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, MM. Lionnel Luca, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Alain Marleix, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Philippe Armand Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Étienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Jérôme Rivière, Camille de Rocca Serra, Mme Marie-Josée Roig, MM. Vincent Rolland, Jean-Marie Rolland, Serge Roques, Philippe Rouault, Jean-Marc Roubaud, Michel Roumegoux, Max Roustan, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, André Samitier, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Alain Suguenot, Mmes Michèle Tabarot, Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, M. Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, François-Xavier Villain, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Éric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
    Non-votants :  MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale)
Groupe socialiste (149) :
    Contre : 89. - Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Jean-Claude Bateux, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Thierry Carcenac, Jean-Paul Chanteguet, Pierre Cohen, Mmes Claude Darciaux, Martine David, MM. Jean-Pierre Defontaine, Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Jean-Pierre Dufau, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Claude Evin, Jacques Floch, Pierre Forgues, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Paul Giacobbi, Joël Giraud, Jean Glavany, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, François Huwart, Jean-Louis Idiart, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Patrick Lemasle, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Michel Liebgott, François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Didier Mathus, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Henri Nayrou, Alain Néri, Michel Pajon, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, Chantal Robin-Rodrigo, MM. Alain Rodet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Philippe Tourtelier, André Vallini, Michel Vergnier et Philippe Vuilque.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Pour : 18. - M. Christian Blanc, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Philippe Folliot, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jarde, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Rudy Salles, François Sauvadet et Rodolphe Thomas.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 22. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (11) :
    Contre : 2. - MM. Gérard Charasse et Emile Zuccarelli.