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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 22 MAI 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 21 mai 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Jacques Floch,
Rudy Salles,
Noël Mamère,
Georges Fenech,
Jean-Pierre Blazy,
Didier Quentin,
Jérôme Lambert,
Christian Estrosi,
Mme
Hélène Tanguy,
MM.
Thierry Mariani,
Christian Decocq.
Clôture de la discussion générale.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Patrick Braouezec, Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 380 de M. Blazy : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Article 1er «...»

M. Noël Mamère.
Amendement n° 38 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

ARTICLE 706-73 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Amendement n° 639 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 39 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 260 de M. Fenech : MM. Georges Fenech, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 578 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Yves Le Bouillonnec, Pascal Clément, président de la commission des lois. - Rejet.
Amendement n° 691 de M. Warsmann. - Adoption.
Amendement n° 40 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 41 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 42 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Noël Mamère, Jean-Yves Le Bouillonnec, le président de la commission. - Adoption.
Amendement n° 43 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 421 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.
Amendement n° 44 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt d'un projet de loi «...».
3.  Dépôt de rapports «...».
4.  Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution «...».
5.  Dépôt de rapports d'information «...».
6.  Dépôt d'un avis «...».
7.  Dépôt d'un rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques «...».
8.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

ADAPTATION DE LA JUSTICE
AUX ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n°s 784, 856).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à M. Jacques Floch.
    M. Jacques Floch. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, mes amis Vallini et Le Bouillonnec ont dit tout le bien qu'ils pensaient de ce projet de loi. (Sourires.) Je voudrais, en ce qui me concerne, concentrer mon intervention sur les dispositions organisant la lutte contre la délinquance et la criminalité internationales.
    Aujourd'hui, la grande criminalité s'organise en sachant que les frontières n'existent plus en Europe. Dans l'Europe des Quinze, et demain, en mars 2004, dans celle des Vingt-Cinq, cette évolution, qui n'est pas nouvelle, s'accentuera. Ce constat a déjà entraîné, il y a plus de soixante-dix ans, la création d'Interpol et celle d'Europol, il y a cinq ans, ce qui confirme la volonté tardive des Etats de s'opposer de façon très conséquente à la délinquance internationalisée. Mais si des moyens ont été mis en place, nous restons trop « franco-français ».
    On ne peut pas dire, monsieur le garde des sceaux, que les services de la chancellerie soient farouchement internationalistes, ni même chaudement européens. Le peu de cas qui est fait du système Eurojust confirme cette remarque - particulièrement négative, je le conçois. Seuls quelques magistrats qui se heurtent courageusement aux mafias internationales ou aux malfrats européens connaissent le prix d'une collaboration transfrontalière franche et loyale. Seuls quelques policiers, confiants eux aussi, savent qu'il leur faut échanger sans arrière-pensée informations, résultats d'enquêtes et analyses.
    Je viens, monsieur le garde des sceaux, de terminer un rapport sur le rôle d'Europol, à la demande du président de la délégation pour l'Union européenne de notre assemblée. J'ai été effaré par l'absence de la France dans cette démarche européenne. J'ai essayé de comprendre pourquoi et j'ai retenu : la routine, la méconnaissance des mécanismes, la crainte de la déperdition d'informations, les difficultés d'apprentissage des langues, la non-compréhension des systèmes judiciaires des autres Etats et, il faut le dire aussi, la prétention de certains de nos partenaires à imaginer que leur système judiciaire et policier est le meilleur et qu'il est difficile de faire confiance aux autres.
    La discussion a été longue et ardue, à la Convention pour l'avenir de l'Europe, pour faire reconnaître et faire inscrire dans le projet de traité constitutionnel la reconnaissance mutuelle de nos systèmes judiciaires et la manière dont, les uns et les autres, nous acceptons les preuves fournies par ceux qui sont chargés des enquêtes. Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de vous féliciter des avancées qui sont proposées pour lutter contre la délinquance organisée au niveau international. Mais il vous faudra, monsieur le garde des sceaux, beaucoup de pédagogie, voire d'autorité, pour exiger de tous la nécessaire application de cette nouvelle législation. Il vous faudra aussi informer les responsables politiques, députés, sénateurs, mais aussi les ministres, que les « eurocrimes » existent. Il y a quinze jours, le ministre de l'intérieur n'en connaissait que deux catégories, alors que, depuis le 1er janvier 2002, Europol est compétent pour vingt-cinq types d'infractions, délits ou crimes.
    Dans un pays démocratique, la police est sous contrôle du juge. Il ne peut en être autrement dans un grand ensemble comme l'Union européenne. Mais, aujourd'hui, la justice européenne n'existe pas, ou peu. Le projet de loi, dans ce domaine tout à fait particulier de la criminalité internationale, apporte les premiers éléments de réponse. Actuellement, les demandes françaises émanant du ministère de la justice, comme les démarches étrangères, transitent par la voie diplomatique et sont exécutées selon les règles du droit français, dans le respect des droits des parties et des garanties de procédure. Mais la procédure est trop souvent longue et fastidieuse. Sans compter les interventions externes, qui n'ont rien à voir avec le souci d'une bonne justice...
    Demain, si votre projet est appliqué avec loyauté, les demandes urgentes donneront lieu à un transfert direct au magistrat compétent et à sa hiérarchie judiciaire. Les demandes de nature à porter atteinte à l'ordre public et aux intérêts de la nation feront l'objet d'une procédure de transmission au parquet - c'est-à-dire à vous, monsieur le garde des sceaux -, qui devra alors en assumer la responsabilité politique. Il y aura une explication publique car rien ne pourra être confidentiel sur des sujets de cette importance.
    Pour assurer de telles responsabilités, vous utiliserez des équipes communes d'enquêteurs, c'est-à-dire des policiers, des magistrats, des gendarmes, des agents des douanes français et issus des pays avec lesquels nous avons des accords ; ceux de l'Union européenne, mais aussi ceux des pays avec lesquels nous avons signé des conventions, ce qui n'est pas sans poser de difficulté. Les Etats-Unis d'Amérique, par exemple, ce grand pays ami est intéressé, tout comme nous, par un travail commun. Mais ils ne protègent pas les données individuelles et il n'y existe pas d'équivalent de la CNIL. Même si les missions confiées aux agents étrangers ne peuvent aller au-delà de celles confiées aux officiers de la police judiciaire française, ceux-ci pourront constater, dresser des procès-verbaux, surveiller, infiltrer et recueillir des déclarations. Or de telles activités demandent un fort encadrement et un contrôle judiciaire, tant au niveau national qu'européen. La France doit assumer sa mission internationale, surtout sur le plan européen. Nous ne pouvons et ne devons pas laisser à d'autres le soin de parler en notre nom au sein d'Eurojust. Pourtant, nous sommes loin du compte. Nous en portons tous la responsabilité.
    Voilà, monsieur le garde des sceaux, ce que je voulais vous dire sur cet important sujet. Aujourd'hui, j'ai le grand honneur de représenter l'Assemblée nationale là où se joue l'avenir de l'Europe, notre avenir, dans ce vaste ensemble que l'on veut libre, en sécurité, démocratique. La justice française doit y être présente pleinement.
    J'ai apprécié par ailleurs le rapport de Jean-Luc Warsmann sur l'évolution des peines. Nous avions, il y a quelque temps, essayé d'assumer cette responsabilité. Mais sur les bancs de droite, ce fut un tollé du style : « La gauche complice des délinquants. » J'espère, monsieur Warsmann, que vous n'êtes pas complice des délinquants ! J'ai dans mes dossiers quelques documents aussi précieux que ridicules dénonçant le laxisme de l'ancienne majorité. Je sais, monsieur le rapporteur, que vous n'êtes pas laxiste.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je vous remercie, monsieur Floch !
    M. Jacques Floch. Je connais votre humanisme. Vous osez reprendre dans ce rapport des propositions qui nous sont communes. Que recherchons-nous ensemble ? Une échelle et une évolution des peines conformes à ce que l'on entend par une bonne justice et une bonne application de la justice. En le disant, j'espère ne pas vous faire du tort auprès de vos amis. (Sourires.)
    Je crois aussi comprendre, et ce n'est pas pour m'en féliciter, que la politique du tout-sécuritaire que vous avez conduite depuis treize mois commence à poser quelques problèmes. Ainsi, monsieur le garde des sceaux, une rumeur circule dans certains milieux, selon laquelle l'administration pénitentiaire ne serait plus en mesure, d'ici à quelques semaines, d'assurer financièrement l'entretien des détenus. Mieux vaudrait couper les pattes à ce « canard », parce que c'est ce qui se dit et ce que certains écrivent.
    Cela prouve que l'idéologie poussée au bout de sa logique peut déboucher sur de mauvaises politiques. Le tout-sécuritaire a conduit en prison près de 60 000 de nos concitoyens. En fin d'année, plus de 100 000 personnes seront passées dans les établissements pénitentiaires, contre 80 000 l'année dernière. Cela commence à coûter cher sur le plan financier, mais aussi sur le plan social.
    Pour autant, c'est l'intervention de la France au niveau international et au niveau européen qui a guidé mon propos. En ce domaine, vous avez fait des propositions convenables. J'espère que vous pourrez en assurer l'application. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à l'heure d'examiner ce texte portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, je souhaiterais rappeler en préambule que son but principal est de lutter contre la criminalité organisée.
    Trop souvent, nous avons l'impression - relayée par le cinéma et la littérature - que la grande criminalité se limite à la mafia sicilienne, installée en Italie et aux Etats-Unis. Ces dix dernières années, l'effondrement de l'empire soviétique a provoqué l'apparition d'une mafia russe sur le devant de la scène internationale, venant concurrencer la mafia italienne et les triades chinoises. La mondialisation et le développement de la communication ont eu pour effet d'étendre les réseaux criminels à l'échelle de la planète. Ces réseaux maîtrisent toutes les activités illégales, du trafic d'armes au trafic de drogue en passant par le terrorisme, la fausse monnaie, les jeux de hasard, à tel point qu'il est impossible de dresser une liste exhaustive de tous les pans de l'économie qu'ils gèrent.
    Ces réseaux très structurés et très organisés disposent d'un tissu de petite criminalité nécessaire à leur développement et à la maîtrise des activités clandestines qui font leur richesse. Toute cette petite délinquance se révèle souvent être le premier maillon d'une chaîne beaucoup plus importante. On ne pourra donc lutter durablement contre la grande criminalité transnationale qu'en s'attaquant, dans un premier temps, aux petites organisations qui prolifèrent dans nos villes.
    Ces pans entiers de la criminalité ne disparaîtront qu'à la condition de pouvoir combattre efficacement cette petite délinquance. C'est dans cette optique, monsieur le garde des sceaux, que nous nous devons de vous apporter notre soutien.
    Les moyens que vous mettez en place dans votre texte constituent un élément utile et nécessaire au sein de ce dispositif global. Mais le mieux ne doit pas être l'ennemi du bien. Des moyens extraordinaires, des juridictions supplémentaires, des régimes de procédure s'ajoutent à ceux qui existent déjà. Prenons garde à l'empilement législatif. Je n'entrerai pas dans les détails de votre texte, ce que nous aurons l'occasion de faire ces prochains jours, mais je tiens à appeler votre attention sur un point symbolique de la superposition législative.
    Le projet de loi envisage de créer un quatrième régime de garde à vue, se superposant aux trois régimes existant déjà dans notre procédure pénale.
    Les professionnels rencontrés, notamment les magistrats, avouent que la succession de réformes du code de procédure pénale conduit à des confusions très préjudiciables pour eux et pour les justiciables. Surtout, les risques de nullité de procédure s'accroissent sans cesse en raison d'un code de moins en moins maîtrisé par nos magistrats. Nous savons qu'en la matière les délinquants sont toujours à la pointe et ils trouveront un terrain propice pour soulever des vices de procédure, réduisant à néant les efforts des policiers et des juges. Nous ne devons pas, monsieur le ministre, compliquer la tâche de ces professionnels surchargés de dossiers en les obligeant à des remises à niveau juridique chaque année, uniquement à cause du législateur. Je sais que ce souci est partagé par nombre de nos collègues, notamment notre rapporteur, M. Warsmann, qui a très justement proposé un amendement tendant à uniformiser les régimes de garde à vue.
    J'en viens maintenant aux dispositions relatives aux repentis. Ces dispositions législatives, qui existent notamment en Italie, mais aussi au Canada et aux Etats-Unis, ont montré dans leur application toute l'utilité d'un dispositif complet de protection, afin de rendre effective cette mesure. On se souvient de triste mémoire que les célèbres repentis italiens, Tommaso Buscetta et Salvatore Contorno, ont respectivement perdu dix et trente-cinq membres de leur famille et de leur entourage, à titre de représailles. Or d'un dispositif global de protection, assistance et réinsertion, votre texte ne parle point. Il comporte simplement quelques lignes sur la protection des repentis. On pourrait me rétorquer - cela a d'ailleurs été dit en commission des lois - que la France n'est pas confrontée au même phénomène mafieux que celui qui existe depuis de nombreuses années en Italie. Je ne reviendrai pas sur le début de mon intervention, mais la mondialisation nous a montré que le phénomène mafieux dépasse désormais les frontières et les cultures. Il suffit pour cela de se rendre au coeur de Paris pour apprécier la violence qui peut régner au sein de la communauté chinoise, où la mafia locale gère un grand nombre d'activités clandestines. La loi du silence est, d'ailleurs, la seule que ces réseaux criminels respectent. On peut reprocher à ce projet de loi, monsieur le ministre, de ne pas prévoir de quartiers particuliers dans les établissements pénitentiaires, de ne pas prévoir de structure de réinsertion. Soit la France est un pays qui ne possède pas cette culture mafieuse et, par conséquent, cette possibilité qui est offerte aux repentis est inutile ; soit on souhaite, face à la criminalité mondiale grandissante, éradiquer le phénomène, et il est nécessaire de s'en donner les moyens. Le groupe UDF proposera un amendement de suppression de l'article en question. Non pas que nous soyons opposés à ce principe, mais parce qu'il nous apparaît nécessaire de prévoir un dispositif complet afin de rendre effective cette mesure. Il ne faut pas prendre des risques sans se doter des moyens correspondants.
    A la lecture du titre du projet de loi, il apparaît clairement que ce texte s'inscrit dans la droite ligne choisie par le Gouvernement : lutter contre l'insécurité, la délinquance et la criminalité. Monsieur le ministre, vous avez choisi d'apporter votre pierre à cet édifice, en proposant d'adapter la justice, et plus précisément les règles de procédure.
    Nous sommes tous conscients du fait que la lutte contre l'insécurité passe par une mobilisation de toute la chaîne pénale. Le ministre de l'intérieur nous a proposé un texte sur la sécurité intérieure ; vous nous présentez à votre tour ce qui semble être le deuxième maillon de cette chaîne pénale. Il est important, pour que cette lutte prenne tout son sens, que tout le monde se mobilise. Sinon, ces mesures ne seraient que simple affichage, ce qui nuirait gravement à la confiance que les Français ont dans leurs institutions.
    Il ne faudra pas négliger non plus d'envisager des mesures concernant l'emprisonnement. M. Warsmann nous a rendu un excellent rapport, particulièrement édifiant - M. Floch l'a souligné - sur le taux d'exécution des peines, montrant par ce constat que des solutions devaient être trouvées rapidement, notamment pour remédier à la surpopulation carcérale, la prison ne pouvant plus remplir, entre autres, ses fonctions de réinsertion.
    Revenons à ce que je considère comme la deuxième étape de ce vaste chantier entrepris par le Gouvernement. Que signifie adapter la justice ? Est-ce donner de nouveaux pouvoirs, des pouvoirs extraordinaires, est-ce créer des procédures particulières et de nouvelles infractions, ou bien est-ce changer notre système en essayant d'en appliquer un autre ?
    Votre texte, monsieur le garde des sceaux, comprend tout cela. Il crée de nouvelles infractions auxquelles une procédure particulière va pouvoir être appliquée, permettant de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée. De nouvelles juridictions sont instituées : les juridictions spécialisées, qui auront désormais à connaître de toutes ces infractions et seront donc à même de mieux combattre ce fléau. Cette nouveauté fait l'unanimité parmi les professionnels, très favorables à la spécialisation.
    Le projet de loi comprend aussi l'extension des compétences d'institutions déjà en place. Il s'articule autour d'un triangle procureur - juge d'instruction - juge des libertés et de la détention.
    Afin de pouvoir mieux lutter contre le crime organisé, le procureur se voit conférer des pouvoirs, par exemple, la possibilité de mener une enquête de flagrance durant quinze jours ou celle de diligenter des écoutes téléphoniques.
    Le JLD voit son rôle renforcé et son avis devient obligatoire dans un certain nombre de domaines.
    Quant au juge d'instruction, clé de voûte inévitable de l'enquête criminelle, il ne reçoit aucune extension de compétence, ni aucun pouvoir supplémentaire. J'y vois, pour ma part, une contradiction du projet de loi. En effet, les affaires de grande criminalité sont souvent très complexes, avec des ramifications très obscures qui nécessitent des investigations à long terme. Qui mieux que le juge d'instruction peut mener ce type d'enquête ? Puisque nous voulons lutter contre tous les réseaux mafieux, il faut en donner les moyens à la seule institution habilitée à le faire. Or seul le procureur acquiert des pouvoirs supplémentaires au niveau de l'enquête,
    Le but avoué de ce texte est de redonner aux juges d'instruction un véritable rôle pour qu'ils puissent conduire une instruction digne de ce nom. L'idée est donc de réduire de 20 à 30 % le nombre de dossiers qui leur sont confiés afin qu'ils aient les moyens et le temps de mener leurs enquêtes. Bien entendu, cette finalité est très louable. Il reste que la disparition à terme des juges d'instruction semble se profiler. C'est en tout cas une inquiétude qui a été exprimée et je souhaite, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez nous rassurer sur ce point.
    Les lois du 23 juin 1999 et du 15 juin 2000 avaient déjà consacré le nouveau rôle dévolu au parquet. Je dois dire que votre projet de loi s'inscrit dans la même ligne. Outre les nouveaux pouvoirs d'enquête confiés aux procureurs, les mesures de composition pénale sont étendues, ainsi que les contrôles sur les enquêtes. Dès lors, quelle place veut-on réserver au juge d'instruction dans l'avenir ? Va-t-on vers une procédure accusatoire ?
    Le transfert de pouvoir d'investigation vers le parquet nous amène à nous interroger sur l'intérêt de conserver la juridiction d'instruction. Rappelons simplement que le juge d'instruction a pour rôle de mener une enquête à charge et à décharge, indépendamment de toute hiérarchie, qu'il assure le même traitement pour tout le monde, qu'il garantit une certaine égalité, valeur maîtresse de notre procédure. Bien évidemment, le juge d'instruction fait peur, de par son indépendance et de par ses pouvoirs. Mais je ne crois pas que la solution aux problèmes que rencontre la justice puisse passer par sa disparition. Il doit rester le juge de l'instruction et uniquement cela.
    Dans cette perspective, monsieur le garde des sceaux, vos mesures tendant à développer la transaction pénale paraissent aller dans le bon sens, mais il faut rester vigilant sur les pouvoirs que l'on confère à d'autres institutions. La composition pénale et le plaider coupable représentent une alternative aux poursuites quand celles-ci ne semblent pas utiles. Il suffit de se rendre à une audience correctionnelle pour se rendre compte de la rapidité de traitement des dossiers. On peut, dès lors, s'interroger sur l'opportunité du renvoi devant une juridiction d'instruction ou de jugement. Vous avez tranché en institutionnalisant une pratique couramment utilisée outre-Atlantique : la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou, dit plus simplement, le « plaider coupable ». Inspirée directement du plea guilty et du plea bargaining anglo-saxons, cette procédure a le mérite de passer outre à la juridiction de jugement et d'aboutir rapidement à une réponse pénale, une fois formulée la reconnaissance de culpabilité. Elle permettra ainsi un désengorgement des tribunaux.
    Je crois donc que nous pouvons nous féliciter d'une telle mesure. Pour certains petits délits, le passage devant une juridiction de jugement se révèle complètement inutile et superflu. La transaction pénale peut être encouragée à condition de rester dans des limites raisonnables. Néanmoins, cette dose d'américanisation de la procédure nous amène à nous interroger. Je vous demande, monsieur le garde des sceaux, de bien vouloir apaiser nos craintes qu'elle ne nous entraîne vers les dérives de la justice américaine, qui ne peut, en aucun cas, être érigée en modèle.
    En outre, si l'on décidait d'appliquer totalement en France une procédure telle que le plaider coupable, il semblerait nécessaire de commencer par rendre le parquet indépendant, ce qui est loin d'être le cas puisque le projet de loi, au travers de deux articles, nous prouve le contraire. Soit nous décidons d'appliquer une procédure accusatoire et nous nous en donnons les moyens en rendant le parquet indépendant et en faisant disparaître le juge d'instruction, soit nous cessons d'introduire des mesures comme celle qui nous est présentée.
    Je ne suis hostile ni à la modernisation de notre système judiciaire, ni à la recherche de solutions pour redonner aux Français la confiance en leur justice. Je crains simplement, monsieur le garde des sceaux, que cette réforme ne fasse perdre à notre procédure son identité et son efficacité.
    J'ai bien conscience que la procédure française se caractérise par son aspect mixte, empruntant à la fois au système accusatoire, notamment durant le jugement, et au système inquisitoire, lors de l'instruction. Nous sommes attachés à cette mixité et nous voudrions que vous nous rassuriez sur son maintien.
    Pour conclure, et au-delà des interrogations, bien légitimes dans une discussion générale, que nous avons pu exprimer, je veux affirmer ici que ce projet de loi va dans le bon sens, puisqu'il accroît les moyens de lutte contre la délinquance et la criminalité, qu'il ambitionne de rendre la justice plus efficace et qu'enfin il renforce les droits des victimes. C'est pourquoi le groupe UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le garde des sceaux, en adaptant la justice aux besoins de l'action policière, votre projet de loi ne fait que parachever le travail commencé en juillet 2002 par M. le ministre de l'intérieur. Il s'inscrit donc, très logiquement, dans la ligne de ce que j'appellerai la « contre-réforme » engagée par le gouvernement Chirac-Raffarin dans tous les domaines de la vie sociale, économique, politique et judiciaire. Son but inavoué est d'ébranler les bases mêmes de notre République (Murmures),...
    M. Georges Fenech. Vous y allez fort !
    M. Noël Mamère. ... fondée sur la cohésion sociale, l'égalité de tous devant la loi, les libertés individuelles et collectives. Vous prétendez adapter la justice aux évolutions de la criminalité, mais vous faites l'impasse sur la grande délinquance économique. Après les catastrophes de l'Erika et du Prestige, vous prévoyez une juridiction traitant de la pollution maritime. Nous ne nous en plaindrons pas, mais vous ne dites pas un mot sur ce qui a pourtant été évoqué par le Président de la République : la criminalité écologique.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous n'avez pas lu le texte.
    M. Noël Mamère. Rien sur ceux qui introduisent les OGM, qui polluent notre air et nos sols et qui provoquent des problèmes de santé publique !
    M. Didier Quentin. Mais si !
    M. le garde des sceaux. C'est dans le texte.
    M. Christian Estrosi. Il ne lit jamais les textes !
    M. Noël Mamère. Monsieur Estrosi, je viens de mentionner la création d'une juridiction sur la pollution marine ; c'est effectivement ce que vous avez fait, mais vous ne parlez pas de la criminalité écologique qu'a évoquée le Président de la République après la catastrophe du Prestige.
    M. Christian Estrosi. Il n'a même pas lu le rapport !
    M. le président. Laissez parler M. Mamère, il n'a que cinq minutes.
    M. Noël Mamère. Vous ne prévoyez rien contre ceux qui cultivent des OGM sans autorisation, rien contre ceux qui polluent notre air et nos sols, pour la bonne raison que vous ne voulez toujours pas introduire le principe pollueur-payeur.
    M. le garde des sceaux. Ah bon...
    M. Noël Mamère. Comme celle qui l'a précédée pour la police, votre contre-réforme, monsieur le garde des sceaux, s'appuie sur trois éléments essentiels.
    D'abord, un accroissement des pouvoirs de la police et un affaiblissement du rôle constitutionnel de la justice dans le domaine de la garantie des libertés individuelles.
    La logique de votre loi s'inscrit dans la dynamique du « tout-sécuritaire » imposé par M. Sarkozy, au point que l'on peut se demander si, dans sa boulimie, ce dernier n'a pas avalé purement et simplement le ministère de la justice en reléguant aux oubliettes le principe de séparation des pouvoirs !
    Le président de l'Union syndicale des magistrats ne dénonçait-il pas récemment la volonté du ministre de l'intérieur « d'envahir et de prendre le contrôle de l'espace judiciaire » à propos de la juridiction d'exception imposée aux étrangers à Roissy ?
    M. Christian Estrosi. Vous n'avez vraiment plus rien à dire !
    M. Noël Mamère. Votre loi montre que l'extension de la procédure dérogatoire à la notion de criminalité organisée, de bande organisée, dont nous avons d'ailleurs vainement cherché dans le texte une définition précise, donne le champ libre aux services de police pour choisir la qualification des infractions sur lesquelles ils enquêtent. Le résultat est connu d'avance : la police préférera utiliser le nouveau cadre mis à sa disposition, qui est évidemment moins contraignant pour la recherche des preuves.
    Dans son avis rendu le 27 mars 2003, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a exprimé la vive inquiétude que lui inspire un projet qui crée une procédure dérogatoire au droit commun et accroît la complexité de la procédure pénale. Cette conception, qui relève d'une approche criminologique et non d'une définition juridique, est susceptible de permettre de graves détournements de procédure.
    Mais, allez-vous me dire, cette commission consultative n'est qu'une bande organisée de « droits-de-l'hommistes » qui ne respectent pas les exigences sécuritaires de votre collègue de l'intérieur. Exigences qui passent par l'extension de la notion de perquisition, par les visites domiciliaires, par l'infiltration, par le doublement de la durée de l'enquête de flagrance qui est portée de huit jours à quinze jours et qui donne aux seuls policiers de grands pouvoirs de perquisition et d'investigation pour toutes les infractions. Tous ces nouveaux pouvoirs sont censés être contrôlés par les procureurs de la République et par les juges des libertés, mais l'activité actuelle de ceux-ci démontre qu'ils ne sont qu'un alibi judiciaire, sans réel contrôle de l'action policière.
    Deuxième trait essentiel de votre loi : l'américanisation des procédures.
    M. Christian Estrosi. Heureusement qu'il y a Mamère ! Sans lui, le débat serait triste !
    M. Noël Mamère. Le statut de « repenti », importé de la tradition américaine, et dont l'application chez nos voisins italiens a montré les dérives, est une prime à la délation. Combien de Sofri, ce journaliste italien emprisonné depuis des années sans preuve, allons-nous connaître en appliquant ce système que la justice américaine appelle statut des « collaborateurs de justice » et qui introduit la délation sans preuves dans la procédure pénale ?
    Le recours aux repentis, c'est l'introduction à tous les niveaux de la manipulation, qui peut se retourner contre les justiciables, mais aussi contre la police, les juges ou n'importe quelle institution. Et je préfère une véritable enquête, menée par un juge d'instruction sur la base de preuves, à une justice qui laisse la porte ouverte à l'infiltration. Peu m'importe que nos amis d'outre-Atlantique s'esclaffent devant cette vieille Europe si respectueuse de l'habeas corpus. L'infiltration est aussi dangereuse pour la défense puisque les avocats ne pourront faire valoir leurs droits à la confrontation et à l'expertise. Ils seront soumis à l'anonymat de procès-verbaux venant de policiers qui, eux aussi, pourront être conduits à commettre des infractions pour se protéger, parce qu'ils n'auront aucun filet juridique.
    Je vais écourter mon propos puisque je vois que le temps qui m'est imparti s'est déjà écoulé, faute que soient décomptées les interruptions de mon collègue Sarkozy... (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Voilà un lapsus que vous me pardonnerez sûrement, cher collègue Estrosi, tellement vous collez aux basques du ministre de l'intérieur, tellement vous en êtes le représentant fidèle et vassalisé à l'Assemblée nationale !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Un peu de respect, tout de même, pour les ministres et les députés !
    M. Noël Mamère. J'en viens, monsieur le garde des sceaux, au troisième élément de cette « contre-réforme » : l'atteinte à l'indépendance de la magistrature par rapport au pouvoir exécutif.
    La marginalisation de la fonction de juger au profit d'un parquet tout puissant est une des bases de votre projet. Au choix par le parquet du juge du pôle de criminalité organisée, en fonction d'infractions à géométrie variable, s'ajoute une procédure de jugement en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les délits les plus courants. Cette procédure élimine le juge, elle élude la question de la culpabilité, elle réduit les droits de la défense, surtout pour les personnes les plus démunies. Quant au juge d'instruction, son rôle est marginalisé, alors que c'est lui qui garantit le mieux les droits de la défense.
    Une fois de plus, une loi, qui devrait être simple, cède au particulier et peine à éclairer le principal. L'indépendance de la magistrature et l'accès de tous au droit, qui auraient dû constituer les axes de votre réforme, en sont les parents pauvres. Votre texte, monsieur le ministre, éloigne un peu plus les citoyens de la justice. Voilà pourquoi les députés Verts voteront contre l'adoption de cette loi, parce qu'elle renforce la fracture judiciaire et morale, qui mine pourtant gravement notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.
    M. Christian Estrosi. Enfin quelqu'un qui s'exprime bien et que je comprends !
    M. Georges Fenech. Monsieur le garde des sceaux, ce projet de loi était nécessaire et attendu. Ce n'est pas à mon sens une énième réforme empreinte d'idéologie : accusatoire ou inquisitoire ? inquisitoire ou accusatoire ? C'est une adaptation nécessaire à l'évolution de la criminalité, comme vous l'avez rappelé en présentant votre projet.
    Je dirai pour ma part que chaque partie concernée y trouve son compte : d'abord les magistrats et les forces de police, qui vont être dotés d'outils juridiques et de structures nouvelles, ensuite les victimes, mieux prises en compte, enfin la défense, dont les droits sont respectés, voire renforcés.
    J'entends dire que votre projet est une menace pour l'institution judiciaire, une menace pour l'indépendance de la justice, une menace pour les droits de la défense. On cite le point de vue, paru dans un journal, d'un président de syndicat.
    Alors, je m'interroge : où sont les magistrats en grève qui manifestaient dans la rue au moment du vote de la loi Guigou ? Où sont les policiers et les gendarmes qui manifestaient eux aussi ? En réalité, votre projet constitue l'assurance d'une meilleure justice et d'un bon équilibre entre la lutte nécessaire contre la grande délinquance et le respect des libertés individuelles.
    A entendre la critique systématique de M. Vallini, je me demande si nous avons lu le même texte - sauf, peut-être, pour la coopération internationale, où il reconnaît certaines avancées. Car, tout d'abord, vous dotez la justice d'outils nouveaux, qui vont la rendre plus efficace contre le crime organisé et mieux adaptée à la gestion du contentieux pénal.
    Plus efficace contre le crime organisé par la création de juridictions interrégionales spécialisées, qui auront une compétence élargie, des moyens renforcés, avec des magistrats spécialisés et des assistants de justice formés. Cette optimisation des moyens et des hommes était devenue nécessaire face aux nouvelles formes de criminalité.
    Plus efficace par la définition du crime organisé : c'est une première dans notre code pénal ! Aux crimes organisés tels que le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la traite des êtres humains perpétrés en bande organisée, répondront dorénavant des procédures d'enquête mieux adaptées et dérogatoires au droit commun. Oui à la garde à vue renforcée. Oui aux opérations d'infiltration. Oui à la sonorisation et à la fixation d'images dans les lieux publics et privés. Oui aux perquisitions de nuit et aux écoutes téléphoniques. Oui encore au gel des avoirs, à la prolongation de la détention provisoire, au renforcement des règles de l'enquête de flagrance et à la possibilité d'exemption ou de réduction de peine pour ceux qui auront coopéré avec la justice.
    Mais il est important de souligner que, pour toutes ces mesures et pour chacune d'entre elles, vous avez prévu, monsieur le garde des sceaux, l'intervention du juge des libertés et de la détention, véritable garant du respect des libertés individuelles.
    Chaque partie y trouve son compte, et d'abord la défense avec le droit de la personne placée en garde à vue d'être informée des suites de la procédure dans un délai de six mois, avec le rôle de l'avocat dans la procédure de comparution immédiate, avec l'intervention du juge des libertés et de la détention.
    C'est, enfin, une justice pénale plus souple et plus rapide, qui répondra au plus près aux infractions commises, notamment grâce à la très grande nouveauté que constitue l'introduction dans notre code de procédure pénale de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, plus communément appelée « plaider coupable », dont vous avez rappelé à juste titre qu'il ne s'agit pas du plea bargaining anglo-saxon plaqué sur une procédure française.
    J'ai dit que chaque partie y trouvait son compte : c'est aussi, en effet, le cas de la victime, qui est mieux prise en considération à tous les stades de la procédure - y compris lors de l'exécution de la peine, puisqu'elle sera tenue informée - et dont le préjudice sera mieux réparé.
    Je voudrais, en conclusion, monsieur le garde des sceaux, dire ma satisfaction de voir à quel point vous avez rendu à votre fonction de ministre de la justice sa véritable dimension, conformément à notre Constitution, et je souscris entièrement aux propos de notre rapporteur, Jean-Luc Warsmann, à ce sujet. En effet, le précédent gouvernement avait abdiqué la responsabilité du ministre dans la définition et la conduite de la politique pénale, par l'aberration constitutionnelle que représentait l'institution de procureurs indépendants, livrés à eux-mêmes et sans autre forme de légitimité.
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. Jacques Floch. C'est faux !
    M. Georges Fenech. Vous, vous avez réaffirmé que la transparence et le souci de l'égalité des citoyens devant la loi sont votre première responsabilité devant le pays.
    M. Christian Estrosi. Très bien !
    M. Georges Fenech. La République - faut-il le rappeler ? - est une et indivisible. Les procureurs de la République sont donc « indivisibles ». Ils appliquent la même loi pour tous et partout, dans la cohérence et l'équité.
    M. Jérôme Lambert. Comme des machines !
    M. Georges Fenech. C'est ainsi, monsieur le ministre, que nous allons assister à une redéfinition totale de votre fonction et non pas, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure, à une reprise en main des parquets dans je ne sais quelle intention inavouable. Vous allez pouvoir remplir votre mission régalienne en versant, de manière transparente, les instructions écrites au dossier. Vous l'avez fait, par exemple, pour votre pourvoi dans l'affaire Papon.
    Monsieur le garde des sceaux. parce que votre projet de loi répond aux menaces de notre temps, parce qu'il réaffirme la responsabilité gouvernementale dans la lutte contre la délinquance, nous le voterons avec fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Noël Mamère. Autant de lauriers, c'est douteux !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons l'examen de ce projet de loi avec la conviction qu'une lutte efficace contre la criminalité organisée et les réseaux mafieux est indispensable, et il se dégage sur nos bancs un consensus quant à la nécessité de traiter cette question.
    M. Gérard Léonard. C'est après que l'on diverge !
    M. Jean-Pierre Blazy. Soyons clairs, nous n'entendons pas faire de mauvais procès au Gouvernement. Le groupe socialiste est tout à fait conscient des enjeux que soulève la délicate question de la délinquance et de la criminalité organisée, et tout spécialement celle due aux mafias et aux réseaux criminels internationaux.
    M. Gérard Léonard. C'est une pétition de principe !
    M. Jean-Pierre Blazy. Certainement pas. J'allais d'ailleurs rappeler les avancées en matière de lutte contre le terrorisme et de trafic de stupéfiants réalisées sous la précédente législature...
    M. Gérard Léonard. Ça va être court !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... avec des moyens budgétaires à la hauteur des engagements pris.
    C'est également le précédent gouvernement qui a créé les pôles économiques et financiers. Je tiens ainsi à relativiser les propos de notre rapporteur qui a considéré, dans une magnifique envolée lyrique en conclusion de son intervention, que l'actuel gouvernement était le premier à réformer notre système pénal depuis la réforme du code de procédure pénale de 1958.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non pas le premier, mais celui qui a engagé la réforme la plus importante !
    M. Jean-Pierre Blazy. M. le rapporteur a su, par ailleurs, percevoir les problèmes et les carences de ce texte puisqu'il a jugé bon d'en réécrire une bonne partie en déposant plus de deux cent cinquante amendements en commission, ce qui représente un nombre particulièrement élevé. Je tiens tout de même à souligner la qualité des travaux de notre rapporteur...
    M. Gérard Léonard. C'est bien !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... et les efforts méritoires dont il a fait preuve, d'une part, pour faire face en commission aux ultras de la majorité...
    M. Gérard Léonard. Il n'y en a pas !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... et, d'autre part, pour proposer des améliorations au dispositif de sanctions alternatif à la prison, dans le prolongement de sa récente mission parlementaire auprès du garde des sceaux.
    M. Gérard Léonard. Le président était très bien, lui aussi !
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur Warsmann, prenez garde toutefois à ne pas vider les prisons que certains de vos collègues se font une joie de remplir, au rythme d'un millier par mois comme l'a rappelé M. Vallini.
    M. Gérard Léonard. C'est un peu facile !
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que ce texte représente la plus vaste réforme du code de procédure pénale depuis 1958. C'est surtout aussi la plus grave, car il s'agit bien d'une transformation réelle du système pénal et non d'une simple adaptation, comme le laisse envisager l'intitulé du projet.
    Il vous arrive cependant, monsieur le ministre, d'avoir la main heureuse sur des sujets dictés, il est vrai, par une actualité chargée : par exemple lorsque vous envisagez l'aggravation des peines pour les pollutions maritimes causées par les « voyous des mers », selon l'expression désormais consacrée, ou lorsque vous vous saisissez du problème des discriminations, nous sommes pleinement d'accord avec vous sur ce point.
    Pour autant, nous sommes déçus. Nous nous attendions à un texte qui s'attaquerait de manière frontale à la lutte contre la criminalité organisée et aux réseaux mafieux, sans autre préoccupation et affichage déplacés.
    Or le coeur de votre propos sur la lutte contre la criminalité organisée se résume à quelques mesures qui accentuent la coopération internationale, et particulièrement européenne, en application d'obligations internationales comme la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire entre les Etats membres de l'Union, ou la décision du 28 février 2002 instituant Eurojust. Concrètement, ces mesures, que nous soutenons, se résument à un seul article dans un projet de loi qui en compte quatre-vingt-sept. C'est bien l'article 6 qui justifie votre texte, monsieur le ministre, et l'on ne peut que s'interroger sur la pertinence des suivants.
    Pourquoi tant de tapage et de publicité autour d'une loi qui devrait être courte et consensuelle ? C'est que vous avez une revanche à prendre, et que, sous des aspects techniques, le Gouvernement ne parvient pas à dissimuler ses objectifs politiques de remise en cause de la loi sur la présomption d'innocence, ainsi que sa volonté de renforcer les pouvoirs du parquet et du garde des sceaux. C'est en réalité à une reprise en main du système judiciaire que ce projet contribue.
    Ce texte traduit aussi un certain désarroi du Gouvernement. Désarroi, parce que votre loi d'orientation et de programmation pour la justice ne fournissait pas tous les moyens nécessaires à la politique répressive menée par le ministre de l'intérieur. Les moyens budgétaires ne suivant pas, il vous fallait à nouveau trouver une solution pour économiser, encore et toujours. La réponse qu'apportent certaines mesures de ce projet de loi, visant à simplifier la procédure, à éviter certains transfèrements de prisonniers dangereux, ou encore des procès longs et coûteux, reste toutefois bien partielle.
    Désarroi également, parce qu'il fallait octroyer au plus vite des moyens aux policiers auxquels vous confiez des missions toujours plus importantes. En augmentant leur autonomie en matière d'enquête, sans contreparties véritables pour les droits de la défense, votre texte, monsieur le ministre, apporte une solution rapide mais incomplète.
    Désarroi enfin, parce qu'en ces temps où l'actualité politico-judiciaire est chargée, la mainmise de la chancellerie sur le parquet que vous encouragez semble pouvoir apporter certaines réponses simples et discrètes à des affaires qui mériteraient un peu plus l'intérêt de la justice - en tous cas, celui d'une justice beaucoup plus indépendante. La logique de votre projet dans ce domaine s'inscrit dans la continuité de la volonté du Président de la République, qui a empêché la ratification de la réforme constitutionnelle sur le Conseil supérieur de la magistrature, ainsi que la réforme du parquet qui aurait nécessairement suivi. Après l'absence de réforme, le statu quo et les incantations sur l'indépendance du parquet, nous comprenons clairement la volonté du Gouvernement en la matière.
    Bien sûr, la perception des véritables enjeux de ce texte est brouillée par le contexte sécuritaire que le Gouvernement entretient. Pour autant, les conséquences des nouveaux dispositifs que vous souhaitez seront majeures et risquent de déséquilibrer notre système procédural.
    Ainsi, vous souhaitez innover en instaurant une « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ». Cette mesure - le plaider coupable - n'est pas la seule, mais elle a le mérite d'être révélatrice de l'adaptation de la justice que vous souhaitez. Désormais, si un prévenu reconnaît les faits qui lui sont reprochés, il pourra négocier avec le parquet une peine moins sévère que celle qu'il pourrait se voir infliger s'il était jugé. Cette procédure de négociation vaut pour les délits condamnés jusqu'à dix années de prison.
    Car c'est bien de négociation qu'il s'agit, monsieur le ministre, une négociation de la peine entre un procureur tout-puissant et un prévenu qui renonce à un procès équitable. Cette logique est dangereuse, parce qu'elle permet de marchander la vérité, et la perspective d'un procès sera présentée aux prévenus comme un aléa redoutable, à fuir autant que possible. En fuyant le procès et les juges du siège, vous institutionnalisez une renonciation à la recherche de la vérité, et vous autorisez la justice négociée et expéditive.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous me répondrez que la composition pénale existe déjà, et que vous n'innovez pas. Vous vous trompez. La composition pénale existait pour les délits mineurs et se présentait comme une alternative à la prison pour les petits délinquants. Désormais, vous allez élargir cette procédure d'exception aux affaires plus complexes, punies de cinq ans d'emprisonnement.
    Mais vous ne vous arrêtez pas là. Vous souhaitez également systématiser le recours aux repentis, qui existe déjà dans le code pénal à titre exceptionnel dans les affaires de trafic de stupéfiants. Dorénavant, les diminutions de peines pourront concerner les prévenus dans des affaires d'assassinat, d'empoisonnement, de torture, d'enlèvement et de séquestration, de détournement d'avion par fausse indication, de proxénétisme et de banditisme.
    Vous prévoyez même une exemption complète de peine si l'individu interpellé permet, en dénonçant ses complices, d'éviter un de ces crimes. Soyons sérieux, monsieur le ministre : s'il paraît légitime de vouloir prévenir toute possibilité de crime en bande organisée, peut-on penser laisser en liberté un complice, voire un organisateur de l'un de ceux-ci, sous prétexte qu'il se confesse ?
    Procédure d'exception banalisée, négociation de la peine et prime à la délation : est-ce là votre conception de la justice ?
    Votre projet prévoit également un accroissement des pouvoirs de la police. En matière d'enquête, ceux-ci disposent d'une plus grande autonomie, que ce soit pour les surveillances dont ils auront désormais l'initiative, pour contraindre les personnes convoquées dans le cadre des enquêtes préliminaires, pour la garde à vue, dont la durée maximale sera dorénavant de quatre-vingt-seize heures, pour les enquêtes de flagrance qui se trouvent rallongées. Toutes ces dispositions, qui ne sont pas condamnables en soit, déséquilibrent néanmoins fortement ce texte, au point que vous avez dû faire face à l'hostilité des organisations de magistrats et d'avocats. Celles-ci, en effet, ont encore une fois rappelé à ce gouvernement que les règles procédurales que vous voulez attaquer sont là non pas pour gêner les policiers dans leur travail, mais pour garantir les libertés individuelles et les droits de la défense ! Ne faites pas les mêmes erreurs que votre collègue de l'intérieur, monsieur le ministre !
    Nous en arrivons là à un point important de votre projet. Si les droits de la défense sont jugés gênants, vous n'hésitez pas à les remettre en cause sous prétexte d'adapter la justice. J'insisterai particulièrement sur une grande nouveauté de votre projet. En matière criminelle, hors les cas de non-comparution de l'accusé à l'audience déjà prévus par la loi, votre projet prévoit également une absence pour cause de risque d'évasion.
    Dans cette nouvelle hypothèse, si un avocat de la défense est présent, une partie du procès peut se dérouler sans même la présence des jurés. La cour peut même décider d'aller jusqu'au jugement de l'affaire. Monsieur le ministre, quelle sera la valeur d'un jugement prononcé par des jurés à partir d'une « intime conviction » forgée sur la base d'éléments incomplets ? Quelles garanties pour le prévenu ?
    Monsieur le ministre, vous dites vouloir vous attaquer à la criminalité organisée et aux mafias, et nous soutenons cet objectif. Mais nous ne pouvons cautionner une telle attaque en règle de notre procédure pénale sous prétexte de modernisation. Le flou qui entoure votre notion de délinquance organisée ou de bande organisée tend à banaliser des procédures d'exception et à les faire sortir de leur cadre d'origine. Or pour lutter efficacement contre les réseaux mafieux, c'est de magistrats formés à la culture des réseaux criminels que nous avons besoin. Faute de quoi, la seule véritable politique en la matière sera celle définie par les policiers eux-mêmes, qui, dans un souci d'efficacité statistique, se focaliseront sur la petite délinquance. La bande organisée n'est plus le réseau mafieux, monsieur le ministre, elle est une bande de jeunes dans une cage d'escalier !
    Mais si la criminalité organisée n'est pas la préoccupation première de ce texte, quel est le but recherché ? Monsieur le ministre, vous étendez curieusement le plaider coupable à tous les délits punis de cinq ans d'emprisonnement. Laissez-moi rappeler ce que recouvrent ces délits : il s'agit, entre autres, des abus de biens sociaux ou des abus de confiance. Curieuse complaisance pour des délits si impopulaires auprès des Français ! Le Canard Enchaîné...
    M. Christian Estrosi. Votre bible !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... rappelait d'ailleurs à juste titre qu'avec cette loi le cas de M. Loïc Le Floch-Prigent se serait réglé à l'amiable, sans procès.
    M. Thierry Mariani. M. Le Floch-Prigent nommé par la gauche !
    M. Jean-Pierre Blazy. Peu importe ! Ni vous ni nous ne pourrions l'accepter ! En tout cas, pas nous.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous en profitez également pour renforcer la hiérarchisation des procureurs au garde des sceaux. Quelle lourde responsabilité, monsieur le ministre ! Résumons-nous : les abus de biens sociaux pourront donc désormais se régler sans procès public, auprès d'un procureur aux pouvoirs renforcés, et hiérarchiquement dépendant du Gouvernement.
    M. Xavier de Roux. Très bien ! Formidable !
    M. Jean-Pierre Blazy. Auriez-vous, par hasard, des intérêts, vous ou votre majorité, à ce que certaines affaires de ce type se règlent à l'amiable, par la négociation, dans le bureau d'un procureur ? Je n'ose le penser ! Rassurez-moi sur ce point, monsieur le ministre. Limiter les délits pouvant se régler par l'intermédiaire du plaider coupable à ceux punis par trois ans de prison au maximum, comme le propose un amendement du groupe socialiste refusé par la commission, permettrait au moins d'éviter toute dérive inacceptable. Nous en reparlerons.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !
    M. Jean-Pierre Blazy. Elle paraît loin, l'indépendance de la justice, souhaitée par le Président de la République avant qu'il ne l'empêche en ne réunissant pas le Congrès à propos de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Le temps est venu de la justice négociée, des petits arrangements, et de la subordination accrue du parquet. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Thierry Mariani. Caricature !
    M. Jean-Pierre Blazy. Je ne peux que le regretter. Mais qu'en est-il de la question essentielle des moyens, monsieur le ministre ? C'est là un sujet que vous n'approfondissez guère. Certes, vous nous l'avez dit tout à l'heure, vous espérez une augmentation rapide des effectifs de 15 %. Mais les années de rigueur que nous prépare le Gouvernement ne laissent, à ce propos, rien présager de bon. De plus, votre évident souci de réaliser des économies ne semble pas non plus accréditer cette éventualité.
    En termes de moyens, la loi d'orientation et de programmation pour la justice posait en effet plus de questions qu'elle n'apportait de réponses. Et c'est dans l'urgence que ce texte tente de trouver les moyens d'y remédier. Par exemple, en élargissant la procédure dite de « comparution immédiate » à tous les délits punis jusqu'à dix années d'emprisonnement, vous aviez voulu accélérer le passage des prévenus devant le juge et donc réaliser des économies. Bonne démarche, peut-être. Mais désormais, c'est la grande majorité des affaires non criminelles qui est ainsi réglée, accentuant de cette manière l'engorgement des tribunaux.
    Vous créez une difficulté supplémentaire pour la justice, et vous vous trouvez aujourd'hui dans l'obligation de la résoudre. Quelle solution proposez-vous ? Si les procès sont trop coûteux, et trop difficiles à mettre en oeuvre dans ces conditions, évitons-les tout simplement. Un règlement négocié avec le procureur, sans passer devant un juge, suffira ! Le droit d'être jugé effectivement est pour le moins confiné, le plus souvent confisqué. Le contrôle a posteriori du juge des libertés et de la détention ne pourra être que formel, et vous le savez bien. Les procès deviendront-ils un luxe ?
    D'autre mesures montrent également à quel point la question des moyens budgétaires se pose toujours. C'est la première fois que, pour y remédier, on manipule de la sorte le code de procédure pénale.
    J'attire également votre attention sur le coût élevé du système des repentis. Systématiser ce système n'est donc pas la meilleure façon de faire des économies. L'exemple italien le montre.
    Monsieur le ministre, laissez-moi vous expliquer que l'on ne peut entreprendre une réforme du système judiciaire aussi importante sans véritables moyens budgétaires. Or je ne suis pas sûr que vous les ayez réellement. Le précédent gouvernement, que l'opposition d'hier a beaucoup critiqué,...
    M. Christian Estrosi. Il y avait matière !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... avait fait de la justice une priorité budgétaire...
    M. Thierry Mariani. On a vu le résultat !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... en augmentant les effectifs de magistrats pour la première fois depuis quinze ans et le budget de la justice dans des proportions importantes par rapport à la période précédente...
    M. Christian Estrosi. C'était très insuffisant !
    M. Thierry Mariani. Augmentation proportionnelle à celle de la délinquance !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... pendant laquelle, mes chers collègues, vous étiez au pouvoir.
    Monsieur le ministre, à l'issue de l'adoption de ce texte par le Parlement, vous n'aurez pas réalisé la réforme de la justice que les Français et les professionnels attendent...
    M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais si !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... et que la législature précédente avait envisagée sans pouvoir l'achever, c'est vrai. Notre justice doit bien évidemment être conforme aux normes européennes. Elle doit surtout être conforme aux normes européennes. Elle doit surtout être compréhensible et légitime pour nos concitoyens
    Après Jacques Chirac qui a interrompu le processus qu'il avait lui-même initié et qui aurait pu aboutir à la création d'un pouvoir judiciaire indépendant et responsable dont notre pays a besoin, vous continuez à remettre en cause des avancées de la précédente législature en développant la dépendance du parquet, en accroissant l'autonomie concédée aux forces de police,...
    M. Christian Esposi. Vous n'aimez vraiment pas la police !
    M. Jean-Pierre Blazy. ... en affaiblissant le juge d'instruction, mais également le juge des libertés et de la détention, sans vraiment beaucoup renforcer les droits des victimes.
    Vous avez un alibi : la nécessité, certes réelle, de lutter contre la criminalité organisée. Vous avez surtout un objectif idéologique : vous aligner sur la politique essentiellement répressive du ministre de l'intérieur et de votre majorité.
    En dépit des aspects positifs certains que comporte votre projet, d'ailleurs introduits en grande partie par le rapporteur, le groupe socialiste ne pourra donc voter ce texte en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.
    M. Didier Quentin. Monsieur le ministre, votre projet de loi visant à adapter la justice aux évolutions de la criminalité nous donne l'occasion de renforcer la répression de la délinquance maritime...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
    M. Christian Estrosi. M. Mamère est parti, c'est dommage !
    M. Didier Quentin. ... et de répondre au souhait exprimé par le Président Chirac, notamment lors du sommet franco-espagnol de Malaga. Je ne peux que me réjouir de cette volonté de sanctionner plus vite et mieux, car, avec notre collègue Guy Lengagne, nous avions préconisé un tel objectif dans un rapport élaboré au nom de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale.
    M. Jérôme Lambert et M. Jacques Floch. Excellent rapport !
    M. Didier Quentin. Je vous remercie.
    Tout d'abord, vous renforcez, à juste titre, la compétence exclusive en matière d'enquête, d'instruction et de jugement des trois juridictions actuellement compétentes pour les affaires maritimes, Le Havre, Brest et Marseille. Vous avez également eu raison, comme l'a fait valoir notre rapporteur Jean-Luc Warsmann, de donner la possibilité de saisir le TGI de Paris pour les affaires les plus complexes.
    Votre projet de loi a également le mérite d'être plus répressif à l'égard des pollueurs. C'est ainsi que les peines sont augmentées en cas de rejets d'hydrocarbures. Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende. Il s'y ajoute la possibilité de remplacer la peine par une amende équivalant aux deux tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret. C'est une excellente mesure car, comme vous l'avez récemment déclaré à Brest, nous avons la conviction que, dans ces affaires, la sanction financière est la plus efficace.
    En outre, dans les eaux territoriales, la confiscation du navire et des biens, tant des personnes morales que physiques, est désormais possible, ce qui constitue un véritable progrès pour responsabiliser les différents acteurs du transport maritime.
    La portée de ce texte est toutefois limitée, lorsque l'infraction a lieu dans la zone économique exclusive. Pour que des sanctions pénales plus lourdes puissent être appliquées dans cette zone, de nouvelles négociations seront nécessaires dans le cadre de l'organisation maritime internationale. Je souhaite que la représentation française à l'OMI ait à coeur d'y parvenir.
    En tout état de cause, il est urgent de réaffirmer le principe « pollueur-payeur » et non « pollué-payeur », dans ces catastrophes de plus en plus mal ressenties par l'opinion publique.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur Très bien !
    M. Didier Quentin. Le système actuel d'indemnisation est inacceptable, car il ne permet pas un bon niveau de dédommagement pour les victimes : l'indemnisation du FIPOL est en effet plafonnée à 171,5 millions d'euros alors que les dégâts provoqués par le naufrage du Prestige vont s'établir à plus d'un milliard d'euros pour les trois pays touchés, dont plus de 200 millions d'euros pour la France...
    Certes, la conférence diplomatique du FIPOL réunie à Londres, vendredi dernier, 16 mai, a décidé de porter à près d'un milliard d'euros le fonds d'indemnisation à partir de 2004 mais on peut regretter que cette décision n'ait pas d'effet rétroactif pour les victimes du Prestige. Il conviendra donc de rester vigilant, pour que ce fonds soit réellement porté à 249 millions d'euros, dès novembre 2003.
    Dans ce contexte, il apparaît souhaitable que les compagnies pétrolières soient juridiquement contraintes, comme le propose votre texte, d'améliorer les conditions du transport des produits polluants, notamment le fioul lourd.
    Il importe aussi de recourir à des armateurs recensés et classifiés, disposant de personnels bien formés et appliquant le droit du travail. A cet égard, des progrès semblent en cours de réalisation avec la signature par certains Etats de six conventions de l'Orgnisation internationale du travail, relatives aux conditions des équipages.
    Il serait également bienvenu de s'inspirer, en la matière, de l'exemple des Etats-Unis. En effet, chaque navire entrant dans les eaux territoriales américaines doit pouvoir présenter un certificat d'assurance garantissant la cargaison à hauteur d'un demi-milliard de dollars au minimum. Il en résulte que, depuis dix ans, il n'y a plus aux Etats-Unis de marée noire. Les systèmes d'assurances ont permis d'éliminer les bateaux-poubelles. Il y a là incontestablement une piste à explorer et il y aurait sans doute intérêt à transposer, à terme, ces dispositions dans notre droit.
    D'autres voies existent pour rendre les sanctions encore plus dissuasives et réduire l'irresponsabilité qui prévaut trop souvent dans le transport maritime, notamment de la part d'Etats à pavillons de complaisance dont certains frappent à la porte de l'Union européenne...
    C'est dans cet esprit qu'il faut saluer le travail de la Commission européenne qui vient de présenter une proposition de directive, complétée par une décision-cadre, qui prévoit des sanctions lourdes, telles que le placement sous contrôle judiciaire ou encore la liquidation judiciaire. Là encore, j'espère que notre pays aura à coeur de transcrire ces dispositions.
    Enfin, monsieur le ministre, lors du colloque organisé par Roselyne Bachelot, le 13 mars dernier, sur la charte de l'environnement, vous avez évoqué la notion de crime contre l'environnement. Celle-ci me semble devoir être approfondie pour prévenir, sanctionner et réparer efficacement les atteintes de grande ampleur à notre environnement. Elle pourrait, peut-être, déboucher sur l'extension des compétences du tribunal pénal international, et - pourquoi pas ! - sur la création d'un tribunal pénal international maritime.
    Je terminerai, monsieur le ministre, en affirmant que votre projet de loi représente un progrès incontestable dans la lutte contre les nouvelles formes de criminalité. Il devrait marquer pour les « voyous des mers » la fin de l'impunité, à condition, bien sûr, de mieux faire appliquer ces mesures que les précédentes et d'éviter les contentieux interminables auxquels a fait allusion notre excellent rapporteur, M. Warsmann. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos magistrats et nos policiers mènent, à n'en pas douter, un travail difficile et parfois dangereux dont nous devons les remercier.
    Ce travail les conduit à être en contact avec des délinquants et des criminels qu'ils sont chargés de détecter et de réprimer. Pour autant, ce travail, très particulier de par sa nature et par les moyens qui peuvent être mis en oeuvre pour le réaliser, doit être scrupuleusement encadré, sauf à produire, même dans la société la plus démocratique qui soit, des risques importants pour les libertés publiques. La voie est étroite, vous l'avez vous-même concédé, monsieur le garde des sceaux.
    Oui, la voie est étroite, et notre législation doit veiller à garantir le respect des libertés des citoyens, tout en donnant les moyens à notre société de lutter efficacement contre la délinquance et la criminalité. Je crois donc que les hommes et les femmes qui exercent ces métiers difficiles ont besoin, pour agir efficacement, de règles de procédure précises, garantissant les actions qu'ils engagent dans le cadre du respect des règles des libertés fondamentales. En revanche, je ne crois pas un seul instant que ces policiers, ces gendarmes et ces magistrats veuillent pouvoir agir en toute liberté et mener les enquêtes à leur guise. Tout le problème réside dans l'équilibre que la loi, émanation de la volonté du peuple, entend instaurer entre les moyens mis en oeuvre par l'enquête contre la délinquance et le crime et les libertés publiques de tous les citoyens. Là où les moyens d'enquête augmentent, les libertés diminuent forcément... le tout étant de trouver le juste point d'équilibre entre ces deux impératifs.
    Pourquoi, aujourd'hui, à travers un certain nombre de mesures, entendez-vous modifier ce point d'équilibre ? Vous prenez prétexte de l'évolution de la criminalité pour demander au Parlement un certain renforcement des moyens d'enquête et de répression. Qu'en est-il en fait ?
    Il est indéniable que le nombre des actes de délinquance est très important, de l'ordre de 4 millions par an, en 1994 comme en 2001, avec quelques variations d'une année sur l'autre. Nous observons cette année, heureusement, une variation à la baisse - rien de formidable, toutefois, puisque l'on reste, avec un peu moins de 4 millions, dans la fourchette que nous connaissions il y a peu de temps. Quoi qu'il en soit, notre société doit effectivement trouver les moyens de réduire significativement ce nombre. Mais il est tout aussi vrai que les faits de « grande délinquance » ne représentent qu'une part infime de ces actes. Les homicides, par exemple, sont de l'ordre du millier par an - ce qui est bien entendu un millier de trop !
    Il est un fait aussi, et vous l'avez justement rappelé, monsieur le garde des sceaux, que les moyens mis en oeuvre pour lutter contre cette grande criminalité ont permis, ces six dernières années, des résultats très significatifs, si je m'en tiens aux chiffres que vous avez vous-même cités tout à l'heure : multiplication par sept des condamnations pour proxénétisme aggravé, par deux des condamnations pour trafics d'armes, les condamnations dans le cadre d'une bande organisée passant de 29 à 486. Ces résultats ont été obtenus entre 1994 et 2001, avec les lois en vigueur.
    En fait, il n'y a rien de véritablement nouveau en matière de criminalité, si ce n'est que le nombre des infractions commises au niveau international a tendance à évoluer à la hausse ce qui nécessite d'élaborer des outils nouveaux en développant la coopération internationale. La mise en place de ces nouveaux outils est en cours et nous devons continuer de la développer, comme ce texte le prévoit. Jacques Floch vient d'évoquer ces questions. Je n'y reviens pas.
    Mais, pour le reste, il n'y a rien de bien nouveau en matière de criminalité. Faut-il dès lors se doter d'outils différents de ceux que nous connaissons et qui produisent déjà des résultats dont nous pouvons nous réjouir ? Obtiendrons-nous vraiment de meilleurs résultats et une plus grande efficacité avec les mesures que vous proposez, tout en restant dans un cadre acceptable pour l'exercice des libertés fondamentales ? Vouloir infiltrer les organisations criminelles, est-ce vraiment une démarche nouvelle et surtout utile au regard des risques de toute nature encourus ?
    Vous avez indiqué, monsieur le garde des sceaux, dans votre discours liminaire que « cela implique pour le fonctionnaire concerné de se comporter en criminel ». J'avoue mon trouble car cela signifie qu'il devra agir ainsi au regard de tous, y compris du citoyen dont il croisera la route dans le cadre de sa mission. Quels seront alors le regard et le sentiment de celui-ci vis-à-vis de ce policier en mission ? Je ne pense pas qu'il sera rassuré par son action. Et que dire de la disposition qui entend exempter les personnes dont ce fonctionnaire aura sollicité l'action afin de mener son infiltration ? S'il est, par exemple, dans le cadre de celle-ci, chargé par la bande de recruter un complice pour conduire un véhicule afin de commettre un délit ou un crime, ce complice sera-t-il écarté des poursuites engagées ultérieurement alors qu'il aura pu agir de façon criminelle ? Vaste question, qui ne me semble pas trouver de réponse satisfaisante dans votre texte.
    Que dire également des repentis ? On pourrait aussi bien parler d'indics, car le procédé n'est pas nouveau non plus, à cette différence près que vous proposez un véritable contrat entre le malfrat et la police et la justice de notre pays ? Que penser de tels « contrats de travail », si j'ose dire ? L'actualité nous montre, aussi bien par-delà les Alpes - demandez ce qu'en pense M. Andreotti ! - que chez nous, où depuis peu la dénonciation va bon train, que l'accusation n'est pas toujours justifiée, et que certaines personnes, pour des raisons parfois complexes, et donc difficiles à déceler de prime abord, peuvent avoir intérêt à mettre en cause des personnes étrangères aux faits reprochés. Encourager de telles pratiques, qui ne sont pas toujours facilement détectables, risque d'entraîner notre police et notre justice à mener des enquêtes encore plus sordides qu'elles ne le sont déjà - on sait où mènent parfois les dénonciations et les délations !
    Comment pouvons-nous croire également que le fait d'avouer dans le cadre d'une enquête puisse suffire pour que celui qui a avoué soit considéré comme coupable et soit condamné par ceux-là même qui auront mené l'enquête et obtenu les aveux, sous le simple contrôle a posteriori d'un juge ? Nous connaissons pourtant de nombreuses affaires, parfois gravissimes - ce sont d'ailleurs en général celles-là que nous connaissons - où une personne condamnée dans un procès après avoir avoué, a été finalement reconnue innocente grâce à des concours de circonstances, le rejet de ses aveux ne suffisant jamais à produire une révision d'une décision judiciaire. C'est dire le risque de multiplication des erreurs judiciaires que votre projet fait courir ! Comme il n'y aura bien souvent plus d'instruction ni de véritable procès, tout sera fait pour qu'un présumé innocent devienne le plus rapidement possible un coupable incarcéré.
    Puisque je parle d'incarcération et de modalités d'application des peines, permettez-moi de vous dire que je trouve certaines propositions de notre rapporteur très intéressantes et porteuses d'une vraie réflexion sur la nature de la peine et les conditions de sa réalisation. Certains amendements votés par la commission des lois sont encourageants. Mais je crains qu'au sein de votre propre majorité, d'autres parlementaires ne l'entendent pas de cette oreille et se disposent à mettre à mal la volonté lucide de M. le rapporteur, et que le groupe socialiste partage, de modifier certaines règles d'application des peines.
    Pour terminer, monsieur le garde des sceaux, j'ai bien noté que vous nous proposez d'aggraver certaines peines. Vous les avez choisies de façon à présenter votre projet sous les meilleurs auspices, alors qu'il contient, comme je viens d'en donner des exemples, bien des dispositions contestables, voire dangereuses pour la conduite du travail des enquêteurs et l'administration d'une meilleure justice. Mais l'aggravation de certaines peines, pour des actes dont la nature nous préoccupe tous, ne saurait masquer que, par ailleurs, vous prévoyez de réduire significativement la sanction résultant d'une infraction douanière sur le transfert illégal des capitaux, acte qui ne concerne pas, en général, le petit délinquant mais un homme dont la responsabilité apparente est souvent de mise !
    De plus, vous prévoyez une réduction de 10 % sur le paiement des amendes judiciaires lorsque celles-ci sont payées dans un délai très bref. Cette mesure ne peut profiter qu'à ceux qui ont les moyens financiers d'y faire face pendant que tous les autres, qui ne peuvent pas payer immédiatement, seront pénalisés pour leur manque de moyens financiers... C'est, socialement et moralement, profondément injuste.
    Votre projet, monsieur le garde des sceaux, méritait un examen attentif, mais le temps qui m'est accordé ne me permet que d'évoquer très brièvement quelques-uns de ses aspects. Le sentiment général que je retire de son examen et des discussions que nous avons pu avoir est qu'il contient des aspects préoccupants, qui font courir des risques aux institutions policière et judiciaire, qui se verront confrontées à des actes compliqués à mettre en oeuvre et contestables dans leur réalisation. La justice court le risque de ne pas être mieux rendue. De surcroît, des dispositions dangereuses y trouveront plus ou moins leur place.
    La lutte contre la délinquance et le crime devrait toujours nous réunir si nous recherchions ensemble les moyens de la rendre efficace, dans le respect des principes qui guident notre société démocratique. A bien étudier votre texte et à écouter un grand nombre d'acteurs du monde judiciaire, avocats et même magistrats, cela n'est pas le cas aujourd'hui. Nous le regrettons, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, je veux, avant tout, vous remercier pour le respect que vous manifestez envers l'engagement que nous avons pris il y a un peu plus d'un an devant les Français de lutter avec fermeté contre la montée de la violence et de la délinquance dans notre pays, et aussi pour la concertation que vous avez su engager avec tous les partenaires et avec la représentation nationale dans le cadre de la préparation de ce projet de loi.
    Oh ! Face à cela, quelles critiques n'a-t-on pas entendues de la part de braillards venus de tous côtés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je regrette que M. Mamère se soit absenté...
    M. André Vallini. Nous lui raconterons !
    M. Jean Proriol. Il est à la télé !
    M. Christian Estrosi. Nous avons vu défiler le MRAP, la Ligue des droits de l'homme, ou qui sais-je encore,...
    M. Jacques Floch. N'insultez pas ces associations !
    M. Christian Estrosi. ... qui ne cessaient de dénoncer ce texte comme étant sécuritaire, liberticide et portant atteinte aux droits de l'homme.
    M. Jacques Floch. Vous appelez braillards les défenseurs des droits de l'homme ?
    M. Christian Estrosi. Tout en rendant hommage à ces magistrats formidables qui ont choisi d'engager leur vie au service des autres, pour l'application d'une justice équitable dans notre pays, je trouve inadmissible qu'un certain nombre de syndicats de magistrats se soient mis à dénoncer ces dispositions et aient même menacé de refuser d'appliquer la loi votée par le Parlement au nom du peuple français. (Exclamation sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Georges Fenech. C'est inadmissible !
    M. Christian Estrosi. Les mêmes avaient déjà menacé de ne pas appliquer les dispositions votées à l'unanimité par le Parlement au lendemain des attentats du 11 septembre dans la loi de sécurité quotidienne sur la fouille des véhicules afin de lutter contre le trafic d'armes de guerre dans notre pays. Cela n'est pas acceptable, monsieur le garde des sceaux. C'est faire offense au Parlement, et nier le travail formidable qu'accomplissent tous les jours, dans des conditions difficiles, les forces de l'ordre au service des Français.
    Je suis heureux, en tout cas, que ce texte vienne utilement compléter le travail que nous avons déjà accompli depuis le mois de juillet dernier et s'ajouter à l'arsenal déjà adopté : loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, loi sur la justice, loi de sécurité intérieure. Il s'attaque enfin aux maillons faibles de la chaîne pénale.
    Les propositions de notre rapporteur pour une justice plus rapide et plus efficace me semblent, d'une manière générale, aller dans le bon sens, et d'abord pour les victimes, qui doivent être au coeur de toute réforme. A ceux qui dénoncent l'atteinte aux droits de l'homme, nous répondons que, pour beaucoup d'entre nous, ceux-ci sont d'abord les droits des victimes, trop longtemps délaissées par une procédure pénale plus soucieuse des droits des délinquants. Elles attendent du Gouvernement des gestes forts et déterminés. Le texte améliore la prise en compte des victimes à tous les stades de la procédure pénale, y compris au moment de l'application des peines : amélioration de l'information des victimes, possibilité d'accorder des indemnités au cours de l'instruction, prise en considération de l'intérêt des victimes avant le prononcé de remise de peine.
    Mais je veux, monsieur le garde des sceaux, attirer votre attention sur le problème posé par la composition pénale. Si je soutiens votre démarche, qui consiste à proposer à un délinquant qui se serait livré à un acte brutal ou malveillant, une négociation, si je puis l'appeler ainsi, pour alléger la peine ou le mettre à l'épreuve, je considère - et nous sommes un certain nombre à avoir déposé des amendements en ce sens - qu'il est important de placer la victime au coeur de la composition pénale. Il ne peut être question de prendre la moindre décision en matière de négociation sur le dos de la victime.
    M. Christian Decocq. Excellent !
    M. Christian Estrosi. Un chauffeur de taxi qui se serait fait agresser ne comprendrait pas d'apprendre le lendemain, sans avoir été associé à la composition pénale et à la décision prise, que son agresseur a été immédiatement libéré.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. La victime n'est pas le juge !
    M. Christian Estrosi. Ce projet n'appelle pas beaucoup de remarques puisqu'il s'attaque, sans faux-fuyant et sans honte, à toutes les formes de criminalité. Je me réjouis d'y retrouver un certain nombre de dispositions que j'avais, avec certains collègues, fait retenir par la commission des lois lors du débat sur la loi de sécurité intérieure, comme les infiltrations de réseaux et de livraisons surveillées. A la demande du Gouvernement, nous les avions ensuite retirées, considérant qu'elles n'avaient plus leur place dans votre texte. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, d'en avoir tenu le plus grand compte.
    Vous permettez tout à la fois aux forces de l'ordre de voir aboutir leurs actions et à la justice de disposer des outils nécessaires.
    Je me félicite également d'y voir figurer des mesures que nous proposions, pour certains d'entre nous, à l'époque où nous étions dans l'opposition, comme l'allongement des délais de garde à vue dans certaines hypothèses, les perquisitions de nuit, l'allongement des délais des enquêtes de flagrance.
    Un mot enfin sur un engagement fort que nous avions pris dans la LOPSI et qu'il nous appartient désormais de tenir pour soulager l'action des forces de l'ordre : je veux parler du transfèrement des détenus. Nous savons aujourd'hui à quel point cette tâche, cette charge mobilise des milliers de policiers qui, pendant ce temps, ne sont pas dans la rue pour assurer la sécurité quotidienne des Françaises et des Français. Profitons de l'opportunité de ce débat pour arrêter, une fois pour toutes, conformément à l'engagement pris dans la LOPSI, une décision sur ce sujet. Ou bien nous confions aux personnels pénitentiaires, monsieur le garde des sceaux, la charge du transfèrement des détenus,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. Christian Estrosi. ... ce qui leur permettra de prendre un peu l'air de temps en temps, ou bien nous trouvons des solutions modernes, à l'exemple d'autres pays, ou encore des solutions alternatives,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aïe !
    M. Christian Estrosi. ... qui consisteraient notamment à faire appel à des sociétés privées,...
    M. Jean-Pierre Blazy. Ah non !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà, c'est dit !
    M. Christian Estrosi. ... déjà organisées dans le domaine du transport de fonds, par exemple, et d'ores et déjà parfaitement agréées et formées à cet égard, pour assurer le transfèrement de détenus. Quoi qu'il en soit, les Françaises et les Français attendent de notre part que nous prenions des dispositions modernes afin de réaffecter les policiers à leur mission de sécurité quotidienne au lieu de les mobiliser à ces tâches ingrates.
    Enfin, si ce texte est d'une grande ambition, conforme à nos engagements, il vous appartiendra, monsieur le garde des sceaux, d'en assurer la parfaite mise en oeuvre et aux magistrats d'appliquer la loi telle que voulue par les représentants de la nation. Mais je sais qu'en prévoyant un article confiant la charge au garde des sceaux de veiller à la cohérence de la politique pénale, vous avez souhaité vous engager personnellement dans ce combat, ce qui, à ce jour, n'avait encore jamais été fait. Il n'est qu'à voir la disparité des décisions prises par les parquets en fonction des juridictions ! Il serait temps que nous ayons une procédure pénale unique sur l'ensemble du territoire national. Les dispositions de la loi de sécurité intérieure en matière de lutte contre le proxénétisme en sont un exemple frappant : un mois et demi après la parution des décrets d'application, les politiques pénales conduites pour poursuivre l'action nécessaire de la justice contre la prostitution et contre le proxénétisme ne sont toujours pas les mêmes selon les juridictions... Nous comptons beaucoup sur vous, monsieur le ministre de la justice, pour faire en sorte, grâce à ces nouvelles dispositions qui vous donneront une autorité renforcée pour l'application de la politique pénale du Gouvernement, de garantir une véritable équité dans le domaine de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Hélène Tanguy.
    Mme Hélène Tanguy. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis concerne le renforcement de la lutte contre les nouvelles formes de criminalité. Tout comme Didier Quentin, je limiterai mes propos au seul volet du texte qui a trait aux infractions en matière de pollution des eaux maritimes par rejets des navires.
    Elue du Finistère, je ne puis en effet rester indifférente aux actes délictueux commis par certains « voyous des mers » qui dégazent sauvagement au large de nos côtes. La masse d'hydrocarbures ainsi régulièrement rejetée dépasse largement celle des marées noires, même si ces dernières touchent davantage l'opinion publique, comme on a pu s'en rendre compte ces derniers temps.
    Notre territoire, comme bien d'autres, n'a pas été épargné ces dernières années : l'Amoco Cadiz, l'Erika, et enfin le Prestige en 2002, autant de drames écologiques, autant de coups de poignard portés à notre littoral, autant de tragédies qui font l'objet de procédures lourdes et spécifiques.
    Mais ces catastrophes ne semblent pas suffisantes à certains qui n'hésitent pas à s'en servir comme paravent afin de commettre leurs méfaits, ce qui rend évidemment leur traque plus aléatoire... Sans parler de ces dizaines de dégazages commis lors des tempêtes, parfois même par des marins pêcheurs, ou loin de nos côtes, la nuit, comme le font des cargos plus importants.
    Les peines risquées par ces malfrats ne semblent pas dissuasives et le présent texte se propose de les alourdir. Les dispositions du code de l'environnement relatives à la répression des rejets polluants des navires seront en effet modifiées afin d'aggraver les peines encourues, y compris au pénal.
    Concernant les délits de pollution par imprudence, négligence ou absence de précaution, les montants des peines susceptibles d'être prononcées seront désormais clairement énoncés.
    De surcroît, de nouvelles sanctions complémentaires sont introduites : confiscation du navire et des biens, interdiction d'exercer son activité professionnelle. Parallèlement, les dispositions relatives aux tribunaux spécialisés du littoral maritime sont améliorées afin de les aligner sur celles applicables aux autres tribunaux spécialisés.
    Ce projet et l'ensemble des mesures qu'il contient sont donc pleinement satisfaisants. En tant qu'élue du littoral, je ne peux que me réjouir de ces avancées dans la lutte contre cette forme de criminalité, qu'elle soit « accidentelle » ou volontaire.
    J'aimerais toutefois exprimer plusieurs réflexions personnelles - six en fait.
    Avant de se donner les moyens de sévir, encore faudrait-il trouver les coupables. Je citerai les chiffres que nous avons entendus ensemble à Brest, monsieur le garde des sceaux, la semaine dernière : depuis le 1er janvier dernier, sur 234 échantillons de polluants prélevés sur nos côtes atlantiques, 201 identifiaient le Prestige. Et les autres ? Aucune réponse, aucun responsable !
    Cela m'amène tout naturellement à un deuxième aspect : il faut travailler sur les moyens d'investigation et permettre une évolution des preuves, en lien avec l'innovation. On parle des satellites : bientôt le moindre trait de nos chalutiers en zone protégée en matière de ressource sera détecté... mais pas les rejets polluants ! Les aéronefs ne peuvent identifier la nuit. Il faudra de toute urgence trouver le moyen de valider, afin de pouvoir s'en servir comme preuves, de nouveaux éléments, par exemple dans le domaine de la thermographie. Dans celui de la photographie, un nouveau pas a été récemment franchi.
    A ce propos, permettez-moi de vous faire part d'une demande exprimée à la fois par les magistrats et par le CEDRE. Nous disposons à Brest d'un Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux, reconnu tant au plan national qu'international. Il offre des formations, sur deux à quatre jours, pour les magistrats. Mais l'engorgement des tribunaux ne laisse malheureusement à ces derniers que peu de temps pour suivre ces stages. Pourriez-vous étudier cette question, monsieur le garde des sceaux ?
    Vous comprendrez alors pourquoi il me paraît judicieux d'étendre les compétences des tribunaux du Havre, Brest et Marseille sur ces questions. Pour avoir constaté à Brest la qualité du partenariat qui associe la préfecture maritime de la zone atlantique, les affaires maritimes et le CEDRE, je mesure tout l'intérêt de votre décision. Il serait également intéressant de constituer une base de données répertoriant les jugements afférents à ce type de délits.
    Reste que l'essentiel, au-delà de ce projet de loi, sera de nous donner les moyens d'appliquer les peines ! En 2002, sur 320 procès-verbaux de pollution, on ne compte que vingt-trois jugements ; et comme l'a souligné M. le rapporteur, sur onze peines d'amendes prononcées en 2002 par le TGI de Paris, aucune n'a pu être recouvrée. Il faut pour cela pouvoir se doter de moyens d'immobiliser les navires.
    La seule solution passe par une nouvelle négociation internationale, amendant la convention de Montego Bay de 1982. Nos côtes pâtissent des conséquences d'un trafic de transit, sans entrées dans un port français. Nous sommes donc tributaires d'une prise de conscience internationale.
    Une première étape me paraît mériter notre attention et le soutien déterminé de notre gouvernement : il s'agit de la directive du Parlement européen et du Conseil, en date du 5 mars dernier. Elle justifie les sanctions, notamment pénales, contre les contrevenants dans toutes les eaux côtières de la Communauté, ainsi qu'en haute mer. Encore faut-il que les quinze Etats membres l'adoptent rapidement, comme l'a souhaité Didier Quentin que je rejoins. Elle s'imposera lors de l'élargissement y compris, je l'espère, dans certains Etats a priori moins réceptifs à cette évolution. C'est le principal message que j'ai retenu des rendez-vous, à Bruxelles, hier, de notre délégation au titre de la commission d'enquête ouverte par notre assemblée.
    En conclusion, il faut plus largement - au-delà des moyens judiciaires - travailler sur des alternatives économiques attractives face à ce type de délinquance. C'est la partie prévention, pour moins de répression... un jour peut-être !
    Les inspections des navires doivent être encore renforcées. Notre gouvernement a pris - en un temps record - les moyens de corriger une situation dégradée. Il faut poursuivre et surtout conforter les moyens techniques de nos ports pour assurer le nettoyage des cuves - des moyens efficaces, moins coûteux et surtout facilement accessibles aux navires. Mais nous sommes là sur un autre chantier...
    Au-delà de ces remarques, monsieur le garde des sceaux, saluons aujourd'hui un projet qui marque une réelle avancée dans le domaine de l'écologie et qui s'inscrit dans les priorités mondiales rappelées par le Président de la République à Johannesburg l'été dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues : « La sécurité est l'un des droits les plus fondamentaux de nos concitoyens. » Cette simple phrase a été prononcée par les leaders de tous nos partis politiques, y compris, et à de multiples reprises, ceux de l'actuelle opposition. Mais quand bien même ils l'ont brandie pendant la campagne présidentielle, les Français n'ont pas été leurrés pour autant. La raison en est simple : il existe une différence profonde entre énoncer un principe et le mettre en oeuvre.
    En effet, mes chers collègues socialistes, il ne suffit pas de poser un grand principe dans une loi et de créer des procédures contraignantes et impossibles à mettre en oeuvre sur le terrain pour améliorer l'efficacité de la justice pénale. Il faut se renseigner, aller sur le terrain, et donner effectivement de vrais moyens matériels et humains à la justice.
    La précédente majorité avait cru faire une grande loi le 15 juin 2000. Ce fut en réalité un désastre. Les premiers mois d'application de la loi relative à la présomption d'innocence ont provoqué une paralysie de l'action de la justice et de la police et, nous l'avons tous constaté, une augmentation de l'insécurité.
    M. André Vallini. Quelle caricature !
    M. Thierry Mariani. Les Français vous ont sanctionnés le 21 avril. Il était indispensable de mettre un terme à la naïveté coupable qui a prévalu pendant les cinq dernières années et qui a révolté bon nombre de nos concitoyens ; ils n'ont d'ailleurs pas manqué de vous le rappeler à l'occasion des élections législatives.
    A la différence de la gauche plurielle, l'actuel gouvernement a énoncé un programme - moderniser la justice et améliorer son efficacité - et s'est engagé à le réaliser. Et c'est bien ce que vous faites, monsieur le garde des sceaux !
    En juillet dernier, vous étiez déjà au travail. Nous avons voté ensemble, quelques semaines après l'installation de la nouvelle assemblée, une loi de programmation et d'orientation sur la justice qui lui a enfin donné de nouveaux moyens pour assurer l'indispensable modernisation de la justice pénale.
    Aujourd'hui, vous poursuivez la démarche de modernisation de la justice engagée par la loi du 9 septembre 2002 et fondée sur l'identification de besoins spécifiques, l'élaboration de réponses juridiques et structurelles adaptées et l'attribution des moyens ciblés correspondants.
    Ainsi, comme nous l'avions annoncé cet été, nous discutons aujourd'hui le projet de loi visant à adapter la justice aux évolutions de la criminalité.
    Je soutiens bien sûr totalement ce projet de loi qui, à mes yeux, a deux mérites essentiels : son pragmatisme et la fin d'une partie des aberrations issues de la loi du 15 juin 2000.
    En effet, ce texte est de bout en bout inspiré par les réalités du terrain. A la différence de la loi du 15 juin 2000, il n'énonce pas de ces grands principes si difficiles à mettre en oeuvre compte tenu des moyens que la précédente majorité avait prévus. Il propose des mesures pragmatiques visant à lutter efficacement contre des agissements spécifiques ; il se veut, comme certains l'ont affirmé, une sorte de boîte à outils.
    En premier lieu, il renforce la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées. Tout d'abord, il définit ces domaines, comblant ainsi une lacune de notre code de procédure pénale. Sans chercher à vous voiler la face sur les problèmes graves auxquels notre pays est confronté en matière de criminalité organisée, vous proposez de créer, monsieur le garde des sceaux, des procédures spécifiques à ces agissements. Des juridictions interrégionales spécialisées sont enfin créées ; compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel, elles permettront de lutter efficacement contre ces menaces. Parallèlement, les pouvoirs du parquet et de la police sont renforcés. Désormais, il sera possible aux forces de l'ordre françaises d'infiltrer les réseaux criminels. On a pu mesurer dans d'autres pays l'importance d'un tel outil dans la lutte contre la criminalité organisée transnationale.
    J'espère aussi qu'il sera possible, grâce à l'amendement que j'ai déposé en ce sens et que la commission des lois a adopté, de rémunérer les informateurs. Tout comme l'infiltration, le renseignement humain est indispensable en cette matière. On ne peut continuer plus longtemps à le nier. Pourquoi priver les forces de l'ordre des moyens qui ont prouvé, auprès des services des douanes, toute leur utilité ?
    En matière de renseignement humain, le projet de loi effectue une avancée remarquable en étendant le statut de repenti. Cette extension contribuera sans aucun doute à faciliter le démantèlement des réseaux criminels.
    Enfin, en matière d'adaptation de notre procédure pénale aux nouvelles réformes de criminalité et délinquance, le projet va plus loin en améliorant la coopération judiciaire internationale. Il prépare ainsi l'entrée en vigueur de la convention européenne du 29 mars 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
    M. Thierry Mariani. ... et de la décision du 28 février 2002 instituant Eurojust, organe européen chargé de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance transnationale en Europe.
    Et je n'oublie pas l'adaptation de notre droit à d'autres formes particulières de délinquance et de criminalité comme la pollution maritime ou les actes racistes.
    En second lieu, le projet renforce l'efficacité de la procédure pénale. Pour commencer, il consacre le principe de la réponse judiciaire lorsque les faits sont constitués et l'auteur identifié. Ensuite, il innove en matière de jugement en créant la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite procédure du « plaider coupable ». Ainsi, pour les délits les moins graves, un mis en cause pourra éviter un procès en reconnaissant sa culpabilité et en acceptant une peine inférieure à la peine encourue.
    Enfin, le projet de loi assure une meilleure prise en compte de l'intérêt des victimes en leur offrant une possibilité accrue de défendre leurs droits tout au long de la procédure pénale, y compris lors de la phase de l'application des peines. A aucune étape de ce projet les droits des victimes n'ont été oubliés, monsieur le garde des sceaux ; j'y ai, tout comme mes collègues, été particulièrement sensible.
    Mais votre texte a également le mérite de corriger certaines dérives de la fameuse loi du 15 juin 2000. Vous ne tombez pas dans les travers de cette fameuse loi sur la présomption d'innocence. A la différence de la majorité de l'époque, vous ne vous bornez pas à affirmer de grands principes ou à énoncer des règles inapplicables ; vous êtes déterminé à vous donner réellement des moyens, tant juridiques que financiers.
    C'est du reste pour en finir avec ce système biaisé que, soutenu par d'autres députés de la majorité, j'ai déposé plusieurs amendements visant à réformer la loi sur la présomption d'innocence, afin d'en corriger certains effets pervers et si décriés. La commission des lois en a adopté un certain nombre ; je m'en réjouis, en espérant qu'il en ira de même pendant la discussion.
    Désormais, les forces de l'ordre ne se verront plus obligées de relâcher des délinquants pour une faute de procédure - aberration qui témoigne de l'éloignement du terrain de la gauche plurielle et son incapacité à prendre à bras-le-corps la lutte contre la délinquance.
    Enfin, et j'en terminerai par là, une autre de ces aberrations héritées de la gauche devrait, j'espère, bientôt être supprimée.
    M. Jean-Pierre Blazy. Au bout d'un an, ce n'est pas encore fait ?
    M. Thierry Mariani. Cela le sera bientôt, monsieur Blazy !
    Si l'Assemblée suit la commission des lois en adoptant certains amendements que j'ai présentés - dont un judicieusement modifié, du reste, par notre rapporteur -, l'amnistie systématique de mineurs et l'effacement de leur casier judiciaire le jour de leurs dix-huit ans devraient, je l'espère, être supprimés.
    M. André Vallini. Scandaleux !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ça, ce n'est pas du progrès !
    M. Jean-Pierre Blazy. On en reparlera !
    M. Thierry Mariani. Aujourd'hui, en application de l'article 769-2 du Code de procédure pénale, presque toutes les fiches relatives aux procédures judiciaires engagées contre un mineur sont purement et simplement supprimées de son casier judiciaire sitôt que celui-ci atteint l'âge de la majorité. Ainsi, à dix-huit ans et un jour, ne restent plus dans le casier judiciaire de l'individu que les fiches relatives aux condamnations ayant donné lieu à des peines d'emprisonnement ferme de plus de deux mois.
    Cette aberration judirique a été appliquée pour la première fois à la suite de la loi d'amnistie du 4 août 1981 ; la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 lui a donné un caractère permanent, par les articles 26 et 27, deuxième alinéa.
    Précisons, même si cela peut paraître superflu, que nous devons ces deux lois à l'opposition d'aujourd'hui, pétrie de bonnes intentions, mais qui n'a jamais tenu compte des conséquences sur le terrain. Dans ce domaine aussi, mes chers collègues, il est temps de faire l'inventaire de deux septennats socialistes et d'en corriger les excès. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je veux vous remercier de la qualité de ce projet de loi. Je tiens aussi à saluer l'excellent travail de notre rapporteur, Jean-Luc Warsmann, sur l'ensemble de ce projet, sans oublier son rapport sur les peines alternatives et les amendements concrets et de qualité qu'il a déposés sur ce sujet en commission. Votre texte en a été considérablement amélioré ; Jean-Luc Warsmann a su réellement apporter sa pierre à ce travail de grande ampleur qu'est l'amélioration de la justice pénale.
    Vous aurez, monsieur le garde des sceaux et monsieur le rapporteur, tout mon soutien, car ce projet de loi est un acte majeur de la modernisation de notre justice, un nouveau signal d'une remise en ordre de nature à rassurer notre population et à inquiéter, comme il se doit, les criminels et les délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Decocq.
    M. Christian Decocq. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après mes collègues Hélène Tanguy et Didier Quentin, je veux moi aussi revenir sur le problème des pollutions marines, qui devient insupportable. J'ai du reste plaisir à souligner que sur sept interventions du groupe UMP, trois y sont spécifiquement consacrées, ce qui prouve à quel point mes collègues sont sensibles à cette question.
    A en croire une vieille formule, il y aurait trois sortes d'hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer. Sans doute la société humaine a-t-elle traduit d'instinct dans son organisation juridique le caractère mystérieux et surnaturel qu'elle attribuait à l'univers maritime. Et c'est peut-être pour cette raison que nous avons hérité d'un droit maritime hétérogène, lacunaire, stratifié et si sourcilleux de la souveraineté des Etats ? Quoi qu'il en soit, il est temps pour nous de le remanier profondément pour faire face à des situations inconnues jusqu'à ces dernières années.
    L'Erika, le Prestige, le Tricolore, autant de noms qui font mal, mais qui cachent de surcroît une réalité quotidienne aussi honteuse et catastrophique à terme : je veux parler des dégazages et des déballastages quotidiens commis à la sauvette, en toute impunité.
    Permettez-moi d'illustrer mon propos par un exemple concret que je connais bien.
    Le détroit du Pas-de-Calais, le plus fréquenté du monde, concentre 20 % du trafic mondial ; 250 millions de tonnes de produits dangereux y transitent chaque année et ce sont 700 à 800 navires qui empruntent chaque jour ce passage maritime.
    Voici une région, le Nord-Pas-de-Calais, qui a une façade maritime importante pour son économie, par la pêche, puisque Boulogne-sur-Mer est désormais le premier port européen à cet égard mais aussi, et c'est moins connu, par son tourisme : 60 millions de nuitées par an pour la façade maritime. Quelle reconversion ! Et voici que des pirates de la mer, les voyous dont on parlait tout à l'heure, pratiquent, pour faire des économies, dégazage et déballastage en pleine mer par dizaines, voire par centaines, chaque jour dans ce détroit. Cette pollution n'est pas accidentelle, elle est volontaire, et son impact sur l'écologie et sur l'économie est gravissime : faune mazoutée, plages souillées.
    On mesure mal la conséquence écologique à long terme de la disparition prévisible de la biodiversité. Mais les économistes ont calculé la conséquence directe sur l'activité régionale.
    Le chiffre d'affaires annuel du tourisme y est de l'ordre de deux milliards d'euros, dont plus de la moitié se réalise sur le littoral. C'est désormais la deuxième activité économique de la région, une activité riche d'emplois. Or des études très précises menées dans le cadre de la reconquête de la qualité des plages - avec beaucoup d'argent public - ont montré que lorsqu'une plage est interdite à la baignade, c'est 30 % à 50 % des touristes qui la désertent, annulent leur réservation hôtelière et finalement changent de destination.
    Député du Nord, je sais combien nous sommes déjà victimes des nombreuses pollutions historiques qui datent du temps où cette région était « l'usine de la France ». Après l'avoir été de l'histoire, faudrait-il maintenant que nous soyons victimes cette fois de la géographie ?
    Il était grand temps d'engager une vraie politique pénale répressive contre ces pollutions qui n'ont rien d'accidentel.
    Monsieur le ministre, avec les articles 9 et 10, vous jetez les bases d'une protection de l'environnement par la voie pénale. Vous recherchez les moyens d'une régression efficace des infractions de pollution maritime. J'approuve bien sûr cette volonté politique.
    J'approuve encore plus les pages 148 à 164 de l'excellent rapport qui fait une analyse complète et lucide de l'actualité de cette question. Jamais ce constat n'avait été fait avec autant de lucidité et de limpidité.
    Cher collègue Warsmann, il fallait que ces choses-là soient mises en perspective. Merci de l'avoir fait.
    Bien sûr, comme l'a dit Didier Quentin, nous savons que la portée effective de ce que nous allons décider est limitée, ce qui souligne combien la convention internationale initiale de Montego Bay de 1982 avait organisé l'impuissance publique en ce domaine.
    En proposant ce texte, monsieur le ministre, vous donnez un signe diplomatique d'intelligence et de volonté, propre à interpeller la communauté internationale. Nous ne saurions trop vous encourager à poursuivre votre effort dans cette voie. Il faut, on vous l'a déjà dit à cette tribune, renégocier.
    Monsieur le ministre, ce projet n'est qu'un début. Votre action dans le domaine de la protection des eaux maritimes, poursuivez-la contre vents et marées. La pollution chronique et diffuse de nos côtes françaises ne doit pas être une fatalité, tant il est vrai que les batailles pour l'environnement ne se gagnent pas en subissant les conformismes et les conventions même internationales. Avec l'adoption de ces textes, nous démontrerons, une fois encore, que toutes les grandes lois d'environnement auront été votées dans ce pays par les majorités gaullistes libérales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est un peu excessif !
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord remercier M. Warsmann, le rapporteur du texte, pour la présentation qu'il en a fait, mais aussi pour ses propositions, issues de son rapport sur les conditions d'exécution des peines et sur les peines alternatives à la prison.
    Il nous a montré son souci de voir les peines s'exécuter en temps réel. Il suggère de promouvoir le travail d'intérêt général, de renforcer les possibilités de prononcer directement des peines alternatives et d'adapter les pouvoirs du juge de l'application des peines et l'exercice de ses responsabilités.
    Nous aurons l'occasion, au cours de l'examen de ses amendements, de revenir sur ces sujets mais je voulais souligner l'intérêt de ses propositions à l'occasion de l'examen du texte de procédure pénale, qui est l'objet principal de cette discussion.
    Monsieur Vaxès, vous avez évoqué plusieurs questions. Sachez que j'entends donner à la procédure pénale une logique liée à la gravité des infractions : les moyens doivent être renforcés pour les plus graves, c'est l'esprit du texte, je pense que vous l'avez bien compris. Cette logique me paraît claire, lisible et surtout conforme aux réalités.
    Pour ce qui est du « plaider coupable » - appelons-le ainsi pour faire simple - il se veut pragmatique. Ce n'est qu'un outil de plus mis à la disposition de la justice. Il appartiendra au procureur de la République de l'utiliser lorsqu'il considérera, dans le cadre de la loi, que c'est opportun. Je pense que nous pouvons tous partager cet objectif. En tout cas, je ne pense pas que vous puissiez le partager sans adhérer au dispositif : ce serait manquer de cohérence.
    Monsieur Léonard, vous avez souligné que les dispositions proposées ont été élaborées en tenant compte des règles et des principes dégagés par le Conseil constitutionnel. Bien entendu, mes collaborateurs et moi-même avons été très attentifs aux décisions les plus récentes du Conseil et j'ai tenu à les respecter avec le plus de rigueur possible.
    S'agissant de la définition de la criminalité organisée, elle va nous permettre - c'est l'un des points clés du projet et j'ai souhaité, dès le début, qu'il soit précis sur ce point - de donner un contenu à ce qui n'était jusqu'à présent qu'un standard international. Nous pourrons ainsi faire progresser le coopération judiciaire dans les négociations internationales.
    A cet égard, je l'ai déjà dit, j'ai été très frappé, lors de la réunion du G8 que nous avions organisée avec Nicolas Sarkozy, par la façon dont nos collègues des sept autres grandes puissances avaient déjà adapté ou allaient adapter, eux aussi, leurs règles en matière de lutte contre la grande criminalité. Les questions qui se posent à nous se posent aussi à toutes les autres grandes démocraties - et toutes ont procédé, ou veulent procéder, à ces adaptations tant de l'organisation des polices que des institutions judiciaires ou des règles de procédure pénale.
    M. Rudy Salles a évoqué le diagnostic à partir duquel nous avons travaillé. Selon nous, la justice ne doit pas être en retard sur l'évolution de la criminalité - et c'est surtout à celle de la criminalité organisée, que je qualifierai de professionnelle et internationale, que nous devons adapter notre organisation et nos règles de procédures. Il a souhaité que la protection des repentis soit bien garantie. Nous partageons sa préoccupation et nous en reparlerons au moment de l'examen de l'article concerné. Si la loi fixe le principe, il appartiendra, bien sûr, au pouvoir exécutif, en particulier au ministère de l'intérieur, de mettre en place les dispositifs pratiques permettant d'assurer la sécurité de ces personnes.
    Sur la question du juge d'instruction, je serai tout à fait clair pour que M. Salles sache bien qu'il s'agit, pour moi, de recentrer ce magistrat sur l'essentiel de la procédure pénale, à savoir le traitement des affaires qui requièrent son travail spécifique, du fait de leur complexité. Il faut aussi faire en sorte que les juges d'instruction aient un nombre raisonnable d'affaires à traiter. A quoi sert d'encombrer les cabinets des juges d'instruction d'un nombre considérable d'affaires, y compris des affaires relativement simples, qui en s'additionnant rendent le travail de ces magistrats quasi impossible ?
    M. Fenech a pour sa part illustré une des principales ambitions de mon projet, celle d'être à l'écoute de la pratique. J'insiste une nouvelle fois devant vous, mesdames et messieurs les députés, au-delà de l'annonce des grandes orientations de mon action, sur le souci de concertation avec l'ensemble des professionnels qui m'a animé pendant plusieurs mois. Le but n'est pas de se concerter pour se concerter, mais d'essayer de trouver les réponses techniques les plus adéquates. Je souhaite nous donner la capacité de répondre d'une manière moderne aux défis que nous posent les différentes formes nouvelles de criminalité.
    J'aimerais à cet égard qu'on essaie de sortir, autant qu'il est possible, de polémiques un peu artificielles ou de débats théoriques qui ne correspondent pas à l'esprit de mon texte. Mon seul objectif est de donner à la justice les moyens de lutter efficacement contre toutes les nouvelles formes de criminalité : la grande criminalité organisée, mais aussi celle qui a trait à la pollution, la criminalité financière, ou encore les questions de racisme ou d'intolérance. C'est dans cette perspective que, en concertation avec les professionnels - magistrats et avocats, notamment -, nous avons construit ce texte destiné désormais à bénéficier des améliorations que le débat parlementaire lui apportera.
    S'agissant de l'article 36, monsieur Fenech, j'ai en effet voulu clarifier les choses et je revendique cette pratique des instructions particulières et précises que j'ai progressivement mise en oeuvre. C'est ainsi que, dans l'affaire Papon, j'ai donné en effet au parquet général des instructions précises, ou que dans des affaires de racisme ou d'antisémitisme dans la région du Nord, j'ai donné instruction au parquet de faire appel à la suite de décisions qui ne me paraissaient pas correspondre à la politique pénale qui doit être celle de notre pays.
    Monsieur Blazy, une des ambitions de mon texte est de mettre en place - enfin ! - de vrais pôles économiques et financiers. Dans le cadre de ces juridictions spécialisées - interrégionales - nous nous donnerons les moyens humains et techniques indispensables tant au niveau des parquets, de l'instruction que des assistants spécialisés, pour pouvoir disposer de « plateaux techniques » - j'ai déjà employé l'expression - à même de lutter contre ce type de délinquance.
    Quant à la définition de la bande organisée, elle est précise et remonte à plusieurs années - 1992. Elle n'a pas changé et je ne comprends pas ce que vous trouvez flou dans cette définition qui est le fruit des travaux d'un excellent ministre de la justice, à ce qu'on dit sur vos bancs.
    Je partage l'analyse de M. Quentin quant aux sanctions financières en matière de pollution maritime : c'est ainsi que nous serons le plus efficace. Voilà pourquoi je soutiens les négociations sur la décision-cadre préparée par la Commission européenne et soutiendrai la mise au point de ce dispositif dans le cadre des futurs conseils.
    Lors du dernier d'entre eux, mes 14 collègues de l'Union européenne et moi-même avons d'ailleurs approuvé la décision-cadre permettant la reconnaissance mutuelle des sanctions financières dans l'Union européenne, ce qui ne pourra qu'avoir des conséquences positives, d'autant que, lorsque nous serons 25, nous aurons deux Etats comptant beaucoup d'armateurs, Malte et Chypre. Je crois savoir qu'ils se préparent à l'entrée dans l'Union européenne et sont décidés à faire en sorte que les professionnels battant leur pavillon respectent mieux qu'aujourd'hui les règles internationales indispensables.
    M. Didier Quentin. Très bien !
    M. le garde des sceaux. Oui, monsieur Estrosi, il y a complémentarité entre les textes présentés par mon collègue de l'intérieur et le présent projet. Le premier, sur la sécurité intérieure, que vous avez adopté il y a quelques semaines, se proposait tout particulièrement d'apporter des réponses à ce que j'appellerai volontiers la délinquance de voie publique, la délinquance du quotidien. Pour ma part, j'ai cherché des réponses en termes d'organisation et de procédure à la criminalité organisée et aux nouvelles formes de délinquance. Je me réjouis de cette complémentarité.
    Mme Tanguy a évoqué, comme Didier Quentin et M. Decocq, la délinquance maritime. J'ai retenu avec intérêt sa suggestion au sujet d'une base de données sur les affaires de pollution maritime. C'est très important et nous avons eu l'occasion d'en parler il y a quelques jours à Brest, alors que j'avais réuni en sa présence et celle d'autres élus, à la fois des armateurs, des responsables d'entreprises pétrolières et des assureurs. J'ai d'ailleurs découvert avec surprise que c'était la première fois qu'un ministre de la justice réunissait ainsi les partenaires de la vie maritime. Ils se sont dits fort intéressés de se retrouver autour de la table avec les magistrats et les responsables de la gendarmerie maritime. C'est ensemble, dans un esprit de responsabilité partagée, que nous parviendrons à mettre un terme à ce type de pollution.
    Soyons clair : mon objectif n'est pas seulement de sanctionner les pollueurs, mais de faire en sorte que ces pollutions n'existent plus. Il convient donc que les sanctions soient dissuasives. Cela dit, dans le même temps, nous devons pousser armateurs et transporteurs à trouver des solutions concrètes, pratiques et efficaces. Vous y avez insisté, il faudra mettre à disposition, dans les ports, des installations permettant le dégazage dans des conditions respectueuses de l'environnement. Il s'agit là d'un travail interministériel. Il me paraît très intéressant même si, vous l'avez noté à juste titre, c'est un autre débat.
    Je vous assure, madame, de la volonté de la France de participer à ce débat au niveau international, comme le souhaitait également Didier Quentin, pour faire en sorte que des règles non seulement européennes mais mondiales nous permettent de mettre un terme à ce type de pollution.
    Cela dit, monsieur Quentin, nous aurons une difficulté supplémentaire par rapport aux Etats-Unis, dans la mesure où passent, au large de nos côtes, dans les eaux internationales, des navires qui vont d'un continent à l'autre, dirai-je pour ne pas mettre en cause telle ou telle nation, sans respecter un certain nombre de règles, alors qu'à proximité des côtes américaines on trouve en général des navires qui vont aux Etats-Unis ou qui en viennent, ce qui rend les choses un peu plus faciles pour nos amis américains que pour les pays de l'Union européenne.
    Monsieur Mariani, vous avez évoqué un certain nombre de sujets, et souligné en particulier le fait que nous avons voulu, à travers le texte de l'été dernier, mais aussi à travers ce texte, corriger les dysfonctionnements générés par la loi de juin 2000. Je vous confirme, bien sûr, cette analyse. Dans cette démarche, mon approche est purement pragmatique. Au vu des erreurs qui ont été commises à ce moment-là, peut-être avec les meilleures intentions du monde, peu importe, il est bien naturel de revenir sur ce qui a posé problème aussi bien aux services d'enquêtes qu'aux magistrats. C'est dans cet esprit que je vous propose un certain nombre de modifications.
    Enfin M. Decocq est revenu comme Didier Quentin et comme Mme Tanguy sur les questions de pollution maritime. Je vous redis ma volonté, à travers ce projet, d'adapter la justice aux évolutions de la délinquance et en particulier celle-ci. Le rétablissement de la sécurité doit être une politique globale qui doit couvrir l'ensemble des types de délinquance ou de criminalité, quelle que soit leur nature (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à M. Patrick Braouezec, pour une durée qui ne peut excéder une heure trente.
    M. Patrick Braouezec. N'ayez crainte, monsieur le président, elle n'excédera pas une heure.
    M. Gérard Léonard. La ritournelle !
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le garde des sceaux, chers collègues, à l'issue de la discussion générale de ce projet visant à adapter la justice aux évolutions de la criminalité, il me revient au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains d'exposer la motion de renvoi en commission.
    Ce texte est la huitième remise en chantier en moins de trois ans de la procédure pénale.
    Adapter la justice à l'évolution de la criminalité est en soi et de prime abord un sujet pertinent susceptible de recueillir l'assentiment sur tous les bancs de cette assemblée. En effet, personne ne peut ignorer que la grande criminalité ne connaît plus, et depuis longtemps, les frontières qui bornent notre pays. Personne ne peut ignorer non plus les sommes d'argent brassées par les diverses organisations criminelles. La justice doit donc être adaptée, repensée même, afin de traiter le plus efficacement possible ces nouvelles formes de délinquance et de criminalité.
    Aussi, le clivage ne porte pas sur la volonté d'assurer la sécurité des biens et des personnes, mais bien sur les diagnostic de l'évolution de cette criminalité et sur les moyens de la combattre. En la matière, l'activisme législatif de ce gouvernement ne saurait dissimuler un manque de moyens et de vraie volonté dans les réponses à apporter au nouveau visage de cette criminalité.
    On se heurte là à un problème de culture. L'idéologie libérale de ce gouvernement le prédispose en effet très mal à combattre une criminalité qui s'enracine dans la libéralisation des échanges, des marchés de capitaux et autres paradis fiscaux. Une lutte efficace contre cette délinquance en réseau ne se limitant pas aux petits exécutants, sans cesse remplacés, suppose notamment une coopération judiciaire renforcée entre les Etats, l'avènement d'un espace judiciaire européen et le renforcement du contrôle des pouvoirs publics en matière financière.
    Le projet qui nous est présenté ne propose aucune avancée en ces matières. On nous dira que l'avancement des négociations avec nos partenaires ne le permet pas. Peut-être, mais le gouvernement français est malheureusement loin d'ouvrir la voie et de prendre les mesures qui dépendent de lui seul. Au contraire, sa doctrine libérale le conduit en matière sociale, fiscale, économique et financière à réduire l'intervention et le contrôle de l'Etat. Pour se borner à un exemple susceptible de favoriser les délits, on mentionnera l'assouplissement décidé tout récemment en matière d'attribution et de contrôle des marchés publics.
    Dans le même temps qu'il libéralise et dérégule, le Gouvernement s'est engagé dans une voie sécuritaire spectaculaire qui l'a conduit à multiplier les incriminations en matière de petits délits, voire à stigmatiser les comportements ou situations sociales parmi les plus précaires. Cette politique qualifiée par ses détracteurs de « criminalisation de la pauvreté », est cohérente. La voie libérale, qui glorifie le moins d'Etat pour ce qui est des services rendus au public, s'accompagne nécessairement du plus d'Etat lorsqu'il s'agit de masquer, de contenir et de réprimer les conséquences sociales de la dérégulation du travail et de la détérioration de la protection sociale.
    Les priorités budgétaires du Gouvernement sont limpides en la matière : prison, police et armée, tandis que l'emploi, l'éducation, le logement ou la santé voient leur part réduite.
    Il nous revient de souligner comment le projet dont nous débattons s'inscrit dans cette logique libérale pour les puissants et répressive pour les plus modestes, et la renforce.
    Notre désaccord de fond porte sur le grave déséquilibre d'un texte qui renforce considérablement les pouvoirs de la police et de l'accusation au détriment des droits de la défense et du travail d'instruction. Nous jugeons cette dérive non seulement dangereuse pour les libertés individuelles, mais inefficace et source probable d'erreurs judiciaires, d'inégalités et de vices de forme.
    M. Gérard Léonard. Il faut vous renouveler un petit peu !
    M. Patrick Braouezec. Le projet bouleverse la culture du système judiciaire français. Vous proposez de basculer vers un modèle accusatoire, à l'américaine, où la personne mise en cause se trouve face à une cohérence police-parquet, qui cherche à démontrer sa culpabilité avec des pouvoirs accrus, tandis que les juges du siège, et notamment le juge d'instruction chargé d'instruire à charge et à décharge, sont marginalisés.
    Le projet, en l'état, risque fort de cumuler les défauts des deux systèmes : ceux du système accusatoire, faute de renforcer les droits de la défense et d'engager l'amélioration de l'aide juridictionnelle et l'accès au droit, et ceux du système inquisitoire, faute de contrôle suffisant du juge sur la procédure et l'enquête policière.
    Il n'est pas inutile de rappeler que la première ébauche de ce projet a été concoctée par le ministère de l'intérieur et non par vous-même, monsieur le garde des sceaux. Vous vous êtes ému à juste titre de cette grave incursion du ministre de l'intérieur dans le champ de votre compétence, celle de la justice, mais, si vous avez repris l'initiative, vous avez également repris à votre compte l'inspiration policière de ce projet.
    Ici, il faut s'arrêter sur la politique pénale du Gouvernement, marquée par la priorité accordée à l'emprisonnement, à l'aggravation des peines, et à la création de nouvelles incriminations.
    Selon la gravité de l'infraction, le principe est que la sévérité de l'infraction est échelonnée. Le problème, c'est que cet échelonnement, dans les divers projets du Gouvernement, se fait à l'inverse de ce que l'on pourrait croire. Il est en tous cas en totale contradiction avec une certaine conception de la justice.
    En effet, depuis bientôt un an, les petits délits, et les nouveaux, instaurés sous l'égide de M. Nicolas Sarkozy, qui ont la caractéristique d'être visibles et de désigner comme coupables non des individus, mais des catégories de personnes parmi les plus démunies, tels que le racolage, la mendicité, les squats de halls d'immeuble, sont proportionnellement à la faute passibles de lourdes sanctions. Par exemple, les prostituées encourent jusqu'à deux mois de prison et 3 750 euros d'amende, pour un indéfinissable racolage passif. On a d'ailleurs pu constater l'iniquité de cette mesure, qui s'est traduite ces dernières semaines par des jugements très contradictoires selon les juridictions, allant de la relaxe à la peine maximale.
    A l'opposé de cette répression accrue pour les petits délits, voire pour les victimes de trafic organisé, vous nous proposez dans votre projet de loi d'aménager et de réduire les peines pour des délits et des crimes beaucoup plus graves.
    Ainsi, la composition pénale pourrait être proposée à une personne encourant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. Comment cela se traduit-il concrètement ? Une personne qui aura commis un acte de blanchiment ou un abus de biens sociaux, ces deux infractions étant punies de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende, tout de même, ou encore aura été l'auteur d'une agression sexuelle autre qu'un viol, également punie de cinq ans de prison et de 75 000 euros d'amende, pourra se voir proposer des mesures alternatives à la peine.
    Parmi ces mesures alternatives, on peut citer le versement d'une amende, l'accomplissement d'un travail d'intérêt général, le fait de se dessaisir de la chose ayant servi à commettre l'infraction, ou encore de remettre son permis de conduire pour six mois maximum.
    Nous pourrions alors croire que vous souhaitez faire preuve d'une certaine tolérance à l'égard des grands délits, et exonérer leur auteur en permettant désormais au procureur de leur proposer une composition pénale.
    Le système de la reconnaissance préalable de culpabilité entraînerait aussi des réductions de peine lorsque la peine encourue par le présumé coupable - puisqu'il faut l'appeler ainsi désormais - sera de cinq ans maximum.
    L'aspect le plus grave à nos yeux réside dans le système des repentis, car ceux-ci pourront bénéficier d'une exemption de peine si, ayant tenté de commettre un crime ou un délit, ils ont permis d'éviter la réalisation de l'infraction ou d'identifier les autres coupables. Cette disposition fait peu de cas du principe de présomption d'innocence, puisque les personnes dénoncées par le repenti sont considérées comme coupables, avant qu'aucun jugement ne soit intervenu.
    Des réductions de peine sont également prévues pour des personnes ayant tenté de commettre les crimes les plus graves, comme l'assassinat, l'empoisonnement, tortures ou actes de barbarie.
    Comment faire comprendre aux gens la différence de traitement entre les petits délinquants et des délinquants et grands criminels qui bénéficieront d'une irresponsabilité de fait uniquement parce qu'ils auront reconnu leur culpabilité ?
    Comment accepter cette justice à deux vitesses ? En quoi lutte-t-elle contre la grande criminalité et la criminalité organisée ?
    Il faut nous efforcer de comprendre ce que le projet de loi désigne par la lutte contre la criminalité organisée.
    Tout d'abord, nous nous interrogeons sur la pertinence de l'abandon de la notion de bande organisée, définie par l'article 132-71 du code pénal, au profit du nouveau critère de criminalité organisée, qui s'appuie sur la gravité des faits.
    Concrètement, la notion de criminalité organisée n'est pas clairement définie par la liste des crimes et délits commis en bande organisée et désormais soumis à un régime spécial de procédure pénale. Les nouveaux articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale créent un régime dérogatoire susceptible d'être applicable à un grand nombre d'affaires, compte tenu de la définition large et floue des notions de bande organisée et d'association de malfaiteurs.
    Premier traitement particulier de ces infractions : elles seront soumises à des juridictions spécialisées. La rédaction du nouvel article 706-75 laisse planer un doute sur la saisine d'une juridiction spécialisée. En effet, la compétence territoriale d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction, et le jugement des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74, à l'exception des actes de terrorisme, ou dans les affaires qui sont ou apparaîtraient « d'une grande complexité ».
    La compétence d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel. Quel est le critère permettant d'établir l'extension de cette compétence ? L'expression « peut être étendue » laisse ouvertes toutes les possibilités.
    Ces juridictions spécialisées seraient compétentes pour traiter des infractions relevant de la criminalité organisée ou dans les affaires « qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité ».
    Là encore, la notion de grande complexité ne peut que nous laisser perplexes, car se fonder sur ce seul critère pour déterminer que certaines affaires seront de la compétence d'une juridiction spécialisée revient à se fonder sur un élément subjectif, avec l'arbitraire que cela suppose. En effet, comment ne pas penser qu'une affaire sensible, ayant peut-être des implications politiques, sera orientée vers telle ou telle juridiction ou, pour être clair, vers tel ou tel procureur, afin d'être traitée avec une attention particulière, le tout avec pour seul critère la volonté politique de l'exécutif ? La saisine de ces juridictions risque d'être déterminée exclusivement en termes d'opportunité.
    Le fait d'instaurer des juridictions spécialisées soulève aussi d'autres questions. En effet, il nous semble dangereux de multiplier les juridictions spécialisées et les régimes particuliers. La criminalité présente de nos jours une tendance indubitable à s'organiser sous la forme de réseaux particulièrement structurés et sur un modèle financier par définition en bande organisée. Cela justifie à vos yeux la création de nouvelles juridictions.
    La multiplication des juridictions créerait une justice « haut de gamme », dont le critère de saisine ne serait pas forcément exprimé en termes de complexité de l'affaire, mais plutôt en termes d'opportunité, avec tout ce que cela comporte d'arbitraire.
    M. Gérard Léonard. Il ne faut rien faire ?
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas ce que je dis, et vous le verrez.
    Une confrontation entre justice haut de gamme et justice ordinaire deviendrait alors inévitable. Une fois de plus, comment l'expliquer aux justiciables ? Certaines infractions, du seul fait qu'elles auront été commises en bande organisée, seront jugées par des magistrats spécialisés. Les autres infractions de droit commun, qui concernent tout de même la majorité des cas et la majorité des justiciables, ne seront désormais jugées que par des juges « ordinaires ».
    Pour notre part, nous proposons le renforcement des pôles financiers existants et bénéficiant des assistances utiles, dont la compétence pourrait s'étendre aux infractions connexes afin de ne pas multiplier les pôles spécialisées. Cette multiplication de pôles séparés selon les infractions ne nous apparaît pas opérationnelle pour combattre une criminalité organisée en réseaux et non selon les infractions. La dispersion des compétences qui en résultera conduira la police elle-même à définir la politique pénale. Pour des raisons d'efficacité statistique, il ne faut pas être grand clerc pour prévoir que les petites bandes des quartiers populaires constitueront une cible bien plus accessible que les réseaux plus importants qui sont souvent leurs commanditaires.
    La police financière, notoirement négligée en France, et le renforcement des pôles financiers sont, à nos yeux, les deux priorités pour lutter efficacement contre les réseaux. Compartimenter proxénétisme, trafic de drogue, trafic d'armes ou encore terrorisme nous apparaît beaucoup moins efficace que de concentrer les efforts sur le nerf de la guerre qui relie tous ces trafics. La plupart des réseaux commettent, en effet, une multitude d'infractions dans des domaines que votre projet propose de séparer.
    Enfin, pour en terminer avec les juridictions spécialisées, la territorialisation envisagée pose un problème concret pour les droits de la défense. L'éloignement géographique entre les justiciables et les tribunaux désormais compétents rendra plus difficile l'accès à ceux-ci.
    Nous devons maintenant nous pencher sur les dispositions relatives à la procédure pénale applicable aux infractions des articles 706-73 et 706-74 du code de procédure pénale.
    Jusqu'à présent, ce code prévoyait, avant l'ouverture d'une information judiciaire, deux régimes d'enquête : le régime de droit commun d'enquête préliminaire et le régime d'exception d'enquête de flagrance. Dorénavant, il faudra considérer qu'il existe deux régimes supplémentaires d'exception, les enquêtes préliminaires ou en flagrance en matière de criminalité organisée.
    La Commission nationale consultative des droits de l'homme relevait, dans son avis du 27 mars dernier, que les nouvelles dispositions envisagées, qui ajoutent au régime dérogatoire du droit commun déjà existant, ne font, à cet égard, que rendre plus difficile encore l'accès à la règle de droit, condition d'un procès équitable.
    Dans le cadre de ces nouvelles enquêtes, les services de police disposeront de nouveaux pouvoirs particulièrement étendus. Ces dispositions appellent donc les plus grandes réserves quant à leur justification et à leur application.
    L'infiltration est, en effet, loin d'être une procédure sans risque, aussi bien pour les officiers de police judiciaire - ils le soulignent d'ailleurs eux-mêmes -, que pour les éventuelles victimes des personnes commettant une infraction en complicité avec un de ces policiers.
    Sur le risque encouru par les policiers, on imagine bien les problèmes soulevés par ce genre d'opération. Cette technique sera particulièrement dangereuse pour les policiers qui mettront en jeu leur vie mais pourront aussi, malheuseusement, commettre des infractions sans en être pénalement responsables, avec tous les risques de dérapages que cela comporte.
    M. Gérard Léonard. Qu'est-ce qu'on fait alors ?
    M. Patrick Braouezec. Par ailleurs, l'infiltration légalisée pose des problèmes au regard notamment du droit de la preuve. Pourra-t-on encore débattre contradictoirement du caractère légal du recueil de la preuve dans la mesure où l'agent infiltré est anonyme et doit le rester ? Un dossier pourra-t-il uniquement être construit sur les preuves recueillies par la technique de l'infiltration, c'est-à-dire sur des procès-verbaux anonymes, sans que les avocats puissent faire valoir les droits de la défense, exiger des auditions, des confrontations et des expertises ?
    Cette technique pose ainsi des problèmes relatifs aux droits de la défense, mais elle en pose aussi concernant la responsabilité des agents infiltrés. Le projet de loi précise bien, en effet, qu'ils ne seront pas responsables pénalement. Mais qu'en sera-t-il de leur responsabilité civile ?
    Imaginons qu'une victime, qui subit un dommage causé par l'agent infiltré, veuille obtenir réparation de ce dommage. A l'heure où le Gouvernement affirme vouloir par-dessus tout protéger les victimes et assurer leur droit à réparation, il serait bien malvenu de leur interdire toute réparation en raison de l'irresponsabilité dont jouirait l'agent infiltré.
    Les conséquences graves de la prolongation de la garde à vue nous apparaissent également avoir été insuffisamment mesurées.
    Il est en effet prévu que, dans le cadre de la procédure particulière applicable aux infractions relevant de la criminalité organisée, la garde à vue fera l'objet d'un régime spécial, puisqu'elle pourra durer jusqu'à quatre-vingt-seize heures, autrement dit quatre jours et quatre nuits.
    Qu'est-ce que cela implique concrètement ? Premièrement, se pose la question de la légitimité d'une telle prolongation de la garde à vue. En effet, le principe qui devrait prévaloir est celui qui établit que la durée maximale de la garde à vue doit concilier, d'une part, les droits de la personne et, d'autre part, l'efficacité des poursuites, efficacité intimement liée à la pertinence de l'enquête de police. Plus que la durée maximale possible, c'est donc la légitimité du maintien en garde à vue qui doit être considérée. Vous comprendrez que nous souhaitons éviter ici tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à des gardes à vue abusives qui, si elles peuvent être prolongées jusqu'à quatre-vingt-seize heures, seraient assimilables à des prédétentions provisoires.
    Deuxièmement, se pose un problème matériel. Il est proposé de pouvoir prolonger les gardes à vue jusqu'à quatre jours et quatre nuits. Mais connaît-on vraiment l'état des cellules de garde à vue en France ? Les policiers eux-mêmes qualifient ces cellules de véritables « culs-de-basse-fosse », dans lesquels il est inconcevable de retenir une personne quatre-ving-seize heures. M. le ministre de l'intérieur l'a lui-même reconnu dans sa circulaire du 11 mars dernier : « Les conditions dans lesquelles se déroulent les gardes à vue sont insatisfaisantes en termes de respect de la dignité des personnes. » Du reste, le Comité européen contre la torture dénonce depuis longtemps les procédés dégradants pratiqués lors des gardes à vue en France, et la Commission nationale consultative des droits de l'homme déplore que votre texte, monsieur le garde des sceaux, ne prévoie aucune garantie particulière contre les risques de traitements inhumains ou dégradants inhérents à une telle prolongation de la durée des gardes à vue.
    Il convient maintenant d'approfondir l'examen des dispositions qui bouleversent totalement notre justice et notre procédure pénale.
    Je veux bien évidemment parler de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité, mais aussi des dispositions relatives aux repentis et à la composition pénale. J'ai évoqué ces sujets au début de mon intervention, mais je crois nécessaire d'essayer de vous convaincre, monsieur le garde des sceaux, que vous êtes en train de faire glisser notre système judiciaire et pénal, inquisitoire, vers un système accusatoire.
    Cette dérive est conduite sous le prétexte de désengorger les tribunaux, mais le projet propose de sacrifier notre justice sur l'autel de la négociation et de la tractation. Car c'est bien à cela que nous allons aboutir : à une justice négociée, dans laquelle la fonction de juger sera complètement marginalisée. La délation devient un moyen de lutter contre la criminalité organisée, en introduisant le repenti dans la procédure pénale. Ce procédé est éthiquement condamnable et techniquement critiquable.
    Sur le plan de la simple justice, il est difficile de défendre une disposition qui aurait pour effet, au nom de l'efficacité des recherches, de dispenser totalement ou partiellement un criminel de la peine qu'une juridiction aurait prononcée au nom du peuple français. Par ailleurs, sur le plan de l'équité, il semble que de telles absolutions fassent peu de cas de la demande légitime de justice des victimes et des parties civiles. Ainsi, il rompt l'égalité de traitement devant la justice. Les victimes sont les grandes oubliées de ce système, qui favorise même les grands criminels, puisque les chefs de réseau auront nécessairement plus à négocier que les petits délinquants voleurs de voiture en bande organisée.
    Enfin, il consacre le recours à un mode de preuve à la fiabilité douteuse, susceptible d'entraîner des erreurs judiciaires. Ce procédé permet toutes les manipulations du crime organisé à l'encontre tant des services de police que de la justice. Est-ce vraiment le sens que vous souhaitez donner à un procès juste et équitable, auquel a droit tout justiciable ?
    La nouvelle procédure de composition pénale et celle de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité sont dans le même esprit. La négociation devient un nouveau mode de jugement, si l'on peut encore appeler « jugement » une décision rendue par un procureur de la République, magistrat du parquet, ne jouissant pas d'une indépendance totale.
    En outre, la procédure de composition pénale, avec l'extension que vous prévoyez afin de la rendre possible dès que le délit concerné n'encourt pas une peine de plus de cinq ans d'emprisonnement, se rapproche de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité, ce qui est de nature à entretenir la confusion.
    Quant à la reconnaissance préalable de culpabilité, elle mérite nos plus vives critiques. En effet, nous sommes en présence d'un mécanisme qui n'a qu'un but, rendre une pseudo-justice, et le plus rapidement possible : pseudo-justice, car ce n'est pas un magistrat du siège qui rendra un jugement sur la base d'éléments de preuve permettant d'éclairer et de justifier celui-ci ; pseudo-justice qui anéantit le principe de présomption d'innocence, puisque la personne reconnaîtrait sa culpabilité et que cet aveu serait la seule base juridique de la procédure, la recherche de preuves devenant inutile ; pseudo-justice, enfin, car cet aveu se ferait nécessairement sous la pression. Chacun imagine aisément que le choix ne sera pas laissé à la personne déférée devant le procureur. Soit celle-ci, en avouant immédiatement sa culpabilité, bénéficiera d'une réduction de peine, soit elle prendra le risque - car, désormais, cela s'apparentera à un risque - d'avoir un procès équitable devant un magistrat du siège, où, lui dira-t-on, elle risquera gros. Le choix sera rapide, d'autant plus pour une personne n'ayant pas les moyens de bien se défendre.
    Je ne parle même pas de celui qui aura avoué mais refusera, par la suite, la proposition du procureur. Etant donné qu'aucune confidentialité n'est assurée autour de la procédure de négociation, la décision de refus arrivera très vite aux oreilles du juge du siège chargé de rendre une décision sur l'affaire. Son intime conviction ne pourra qu'en être influencée. Son verdict sera forcément plus sévère à l'encontre d'une personne ayant avoué dans un premier temps mais qui se sera ensuite rétractée en refusant la proposition du procureur.
    Est-ce là votre conception d'un procès équitable ? Ce n'est certainement pas la nôtre, ni celle de la Convention européenne des droits de l'homme.
    Avec les mesures de négociation de la justice, le Gouvernement cultive le paradoxe. Depuis un an, il pratique la surenchère sécuritaire et stigmatise la responsabilité des délinquants, de préférence jeunes, voire mineurs, habitant les quartiers populaires, bien sûr. Mais, aujourd'hui, il propose que les délinquants encourant des peines de cinq ans maximum - ce qui comprend, je le repète, l'abus de biens sociaux ou le blanchiment - se déresponsabilisent de ces actes graves en négociant leur peine, le tout dans le plus grand mépris des victimes. Quelle incohérence et quelle iniquité !
    Votre politique pénale n'est accompagnée d'aucune réflexion sur le sens et l'utilité de la peine. Les détenus et les détenus provisoires - car près de 44 % des personnes incarcérées sont en détention provisoire, voilà encore une triste réalité - s'entassent dans les prisons. Vous renforcez encore les mesures de sûreté à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Mais à quoi tout cela sert-il ? Les mesures alternatives à la peine sont-elles uniquement bonnes pour les grands criminels ? C'est ce que nous pourrions croire à la lecture de ce projet de loi.
    Sur le fond, notre plus profonde opposition porte sur la place désormais accordée à la justice et au juge du siège. En effet, la procédure pénale, telle que modifiée par ce projet de loi, donne l'avantage à la procédure intervenant avant le jugement. La police verrait ses pouvoirs considérablement accrus, le parquet détiendrait le pouvoir de prononcer des peines de sûreté.
    Préoccupant pour la justice et les justiciables, ce projet s'inscrit dans une politique générale également dommageable pour la police, l'utilité, la déontologie et l'intérêt de son travail. En effet, la priorité est donnée au visible, à l'apparence. Les policiers sont mobilisés sur la voie publique. Les forces de l'ordre se voient confier des tâches répressives à l'encontre de catégories de personnes parmi les plus marginalisées désignées comme suspectes, voire coupables a priori. Les contrôles d'identité se multiplient, de même que les cas de violences policières avérées recensés par la Commission nationale de déontologie.
    Dans le même temps, les effectifs missionnés de la police judiciaire, de la police d'enquête et d'investigation diminuent. Du coup, rien n'est fait pour améliorer le taux d'élucidation des délits les plus graves qui demeure la carence centrale de notre système. L'action spectaculaire est privilégiée par rapport au travail de fond, moins visible sur le court terme et ne fournissant pas de chiffres exploitables par la communication gouvernementale.
    Parce que ce projet ne permet pas de s'attaquer aux racines financières des trafics en réseau, parce qu'il déséquilibrerait gravement notre système judiciaire en renforçant considérablement les pouvoirs de la police et de l'accusation au détriment des droits de la défense et du travail d'instruction, parce que cette dérive n'améliorera en rien la protection des biens et des personnes, nous vous demandons de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je voudrais réagir à plusieurs points de l'intervention que nous venons d'entendre.
    Il ne s'agit pas de généraliser les procédures d'infiltration, demain, à des centaines de cas. Cette technique délicate doit être réservée à des services spécialisés.
    Vous avez estimé, monsieur Braouezec, que la défense n'aurait aucun moyen d'effectuer son travail. Le texte permet au contraire de respecter les droits de la défense, à telle enseigne que nous avons même prévu la confrontation avec l'agent infiltré, alors que chacun mesure les risques qu'il peut courir, pour sa propre sécurité, en se dévoilant. Le texte prévoit cependant des dispositions pour que l'individu ne soit pas identifié, mais il a ménagé cette garantie ultime d'organiser une confrontation. Sur ce point, il me paraît parfaitement équilibré.
    Vous semblez par ailleurs croire que nous souhaitons retenir en garde à vue pendant quatre jours toutes les personnes mises en cause dans les affaires de criminalité organisée.
    M. Michel Vaxès. Ce n'est pas notre souhait !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tel n'est absolument pas notre but. Il est prévu un verrou toutes les vingt-quatre heures, le premier ne pouvant être levé que par un magistrat du parquet, et les autres ne pouvant l'être que par un juge de la liberté des détentions. Il sera donc chaque fois vérifié si la prolongation de la garde à vue est bien nécessaire au regard des besoins de l'enquête.
    M. Patrick Braouezec. En améliorant les conditions de détention ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous avez fait, si je puis dire, le procès de la procédure du « plaider coupable » que vous avez accusée de ne pas respecter les victimes. Il s'agit là d'une contrevérité manifeste et totale. Je me permets d'attirer votre attention sur le texte proposé, dans le projet de loi, pour l'article 495-13 du code de procédure pénale : « Lorsque la victime de l'infraction est identifiée, le procureur de la République doit proposer à l'auteur des faits (...) de réparer les dommages causés par l'infraction dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois. » Elle doit être informée sans délai et pourra comparaître à l'audience au moment où l'ordonnance d'homologation sera discutée. Même si elle s'est simplement portée partie civile au début de la procédure ou par simple lettre, sa demande devra être examinée.
    Enfin, si elle ne s'est pas constituée, elle sera informée de la possibilité qu'elle a de le faire, et il lui sera adressé une convocation à comparaître devant le tribunal qui statuera sur sa demande de dommages et intérêts. Il ne s'agit donc absolument pas d'une procédure qui nie les victimes. Au contraire, à chaque étape, la victime est informée et on lui permet de faire valoir ses droits. J'ajoute qu'elle a le droit de faire appel.
    D'autre part, il y a une contradiction totale dans votre argumentation : vous venez de nous expliquer que, d'après votre analyse, la précédente loi qui a été votée dans cet hémicycle, et défendue par le ministre de l'intérieur, visait les petits délits. Vous nous dites que l'impunité sera réservée aux grands délits et au vol de véhicules en bande organisée, car on pourra proposer une composition pénale ou du « plaider coupable ». Mon cher collègue, le vol en bande organisée est passible d'une peine de quinze ans, alors que la limite maximale de composition pénale ou du « plaider coupable » est de cinq ans.
    Le projet de loi vise au contraire à donner les moyens de sanctionner durement la grande criminalité, les gens qui sont à la tête de ces réseaux et ceux qui vivent et profitent de l'argent sale. Je m'imaginais que, sur ces objectifs-là, vous auriez soutenu le projet de loi.
    M. Patrick Braouezec. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous avons accompli un gros travail en commission, avec cinquante heures d'audition. Nous avons examiné plus de 700 amendements et en avons approuvé 300. Il n'est absolument pas opportun de proposer un renvoi en commission et je vous demande, mes chers collègues, de refuser cette motion, pour que nous puissions enfin entamer la discussion des articles.
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.
    Si vous en êtes d'accord, mes chers collègues, nous pourrions convenir d'interrompre nos travaux à une heure du matin.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture des intitulés du titre Ier :
    « Titre Ier. - Dispositions relatives à la lutte contre les formes nouvelles de délinquance et de criminalité.
    « Chapitre Ier. - Dispositions concernant la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées.
    « Section 1. - Dispositions relatives à la procédure particulière applicable à la délinquance et à la criminalité organisées. »
    MM. Blazy, Vallini, Lambert, Le Bouillonnec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 380, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « L'article 132-71 du code pénal est ainsi rédigé :
    « Art. 132-71. - Constitue une bande organisée au sens de la loi un groupement de personnes qui participent sciemment à une structure ou une entreprise pérenne conçue, pour une durée déterminée ou indéterminée, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions. »
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous abordons la discussion des articles par un amendement qui revêt à nos yeux une grande importance puisqu'il s'agit - comme l'ont demandé plusieurs orateurs - de définir la bande organisée. Dans la question préalable, j'ai souligné que la définition de la bande organisée, telle qu'elle figure dans l'article 132-71 du code pénal, est insuffisante. L'article stipule en effet que « constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ». Cette définition est d'autant plus insuffisante qu'elle est identique à celle de l'association de malfaiteurs, à l'article 450-1 du même code.
    Compte tenu de l'importance de la qualification de bande organisée, dont nous avons compris qu'elle conditionnerait, d'une part, l'usage d'une procédure et, d'autre part, d'incriminations particulières, il nous semble très important que la notion soit parfaitement définie. Ainsi proposons-nous cette rédaction : « groupement de personnes qui participent sciemment » - le terme « sciemment » exprimant la volonté d'engager un processus d'organisation - « à une structure ou une entreprise pérenne » - ce qui sous-entend la durée - « conçue, pour une durée déterminée ou indéterminée, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions ».
    Nous pensons ainsi caractériser la bande organisée mieux qu'elle ne l'était dans une prescription antérieure dont, je le rappelle, le seul objet était de créer une circonstance aggravante.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable. La bande organisée est parfaitement définie par l'article 132-71 du code pénal. De plus, cette définition, qui existe depuis plusieurs années, est parfaitement adaptée et reconnue par la jurisprudence, et nous paraît donc suffisamment précise.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis. Il est inutile de modifier cette définition que, comme vient de le dire le rapporteur, la jurisprudence a nourrie et éclairée.
    Cela ne pourrait qu'entraîner un flou qui irait à l'encontre de l'objectif qui vient de nous être proposé.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 380.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Après l'article 706-72 du code de procédure pénale, il est inséré un titre XXV ainsi rédigé :

« TITRE XXV

« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE
À LA DÉLINQUANCE
ET À LA CRIMINALITÉ ORGANISÉES

    « Art. 706-73. - La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :
    « 1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 7° de l'article 221-4 du code pénal ;
    « 2° Crime de tortures et actes de barbarie commis en bande organisée prévu par le 11° de l'article 222-3 du code pénal ;
    « 3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-42 du code pénal ;
    « 4° Crimes et délits d'enlèvement et de séquestration prévus par les articles 224-1 à 224-5 du code pénal ;
    « 5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;
    « 6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;
    « 7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l'article 311-9 du code pénal ;
    « 8° Crimes aggravés d'extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;
    « 9° Actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-5 du code pénal ;
    « 10° Délits en matière d'armes commis en bande organisée prévus par l'article 3 de la loi du 19 juin 1871, les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives, l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point d'armes biologiques ;
    « 11° Délits d'association de malfaiteurs prévus par l'article 450-1 du code pénal, lorsqu'ils ont pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées au 1° à 10° ;
    « Pour les infractions visées au 3°, 6° et 9° ci-dessus, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII.
    « Art. 706-74. - Lorsque la loi le prévoit, les dispositions du présent titre sont également applicables :
    « 1° Aux crimes et délits commis en bande organisée, autres que ceux relevant de l'article 706-73 ;
    « 2° Aux délits d'association de malfaiteurs prévus par le deuxième alinéa de l'article 450-1 du code pénal autres que ceux relevant du 11° de l'article 706-73.

« Chapitre Ier

« Compétences des juridictions spécialisées

    « Art. 706-75. - La compétence territoriale d'un tribunal de grande instance et d'une cour d'assises peut être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9°, ou 706-74, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité.
    « Cette compétence s'étend aux infractions connexes.
    « Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d'instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.
    « Art. 706-76. - Le procureur de la République, le juge d'instruction, la formation correctionnelle spécialisée du tribubal de grande instance et la cour d'assises visés à l'article 706-75 exercent, sur toute l'étendue du ressort fixé en application de cet article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382, 663 (deuxième alinéa) et 706-42.
    « La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d'instruction prononce le renvoi de l'affaire devant le tribunal de police compétent en application de l'article 522.
    « Art. 706-77. - Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux visés à l'article 706-75 peut, pour les infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 9°, et 706-74, requérir le juge d'instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction compétente en application de l'article 706-75. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations. L'ordonnance est rendue huit jours au plus tôt après cet avis.
    « Lorsque le juge d'instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu'à compter du délai de cinq jours prévu par l'article 706-78 ; lorsqu'un recours est exercé en application de cet article, le juge d'instruction demeure saisi jusqu'à ce que soit porté à sa connaissance l'arrêt de la chambre de l'instruction passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
    « Dès que l'ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent en application de l'article 706-76.
    « Les dispositions du présent article sont applicables devant la chambre de l'instruction.
    « Art. 706-78. - L'ordonnance rendue en application de l'article 706-77 peut, à l'exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, soit à la chambre de l'instruction si la juridiction devant laquelle le dessaisissement a été ordonné ou refusé se trouve dans le ressort de la même cour d'appel, soit, dans le cas contraire, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre de l'instruction ou la chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d'instruction chargé de poursuivre l'information.
    « L'arrêt de la chambre de l'instruction ou de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d'instruction ainsi qu'au ministère public et notifié aux parties.
    « Les dispositions du présent article sont applicables à l'arrêt de la chambre de l'instruction rendu sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 706-77, le recours étant alors porté devant la chambre criminelle.
    « Art. 706-79. - Les magistrats mentionnés à l'article 706-76 ainsi que le procureur général près la cour d'appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 706, de participer, selon les modalités prévues par cet article, aux procédures concernant les crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74.

« Chapitre II

« Procédure

« Section 1

« De la surveillance

    « Art. 706-80. - Les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'avoir commis l'un des crimes et délits entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74 ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre.
    « L'information préalable à l'extension de compétence prévue par le premier alinéa doit être donnée, par tout moyen, au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou, le cas échéant, au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76.

« Section 2

« De l'infiltration

    « Art. 706-81. - Lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction concernant l'un des crimes ou délits entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 le justifient, le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d'instruction saisi peuvent autoriser, à titre exceptionnel, qu'il soit procédé, sous leur contrôle respectif, à une opération d'infiltration dans les conditions prévues par la présente section.
    « L'infiltration consiste, pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité dans des conditions fixées par décret et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs. L'officier ou l'agent de police judiciaire est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés à l'article 706-82. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions.
    « L'infiltration fait l'objet d'un rapport rédigé par l'officier de police judiciaire ayant coordonné l'opération.
    « Art. 706-82. - Les officiers ou agents de police judiciaire autorisés à procéder à une opération d'infiltration peuvent, sur l'ensemble du territoire national, sans être pénalement responsables de ces actes :

    « 1° Acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à la commission de ces infractions ;
    « 2° Utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.
    « L'exonération de responsabilité prévue au premier alinéa est également applicable aux personnes requises par ces officiers ou agents de police judiciaire pour leur permettre de procéder à l'opération d'infiltration.
    « Art. 706-83. - A peine de nullité, l'autorisation donnée en application de l'article 706-81 est délivrée par écrit et doit être spécialement motivée.
    « Elle mentionne la ou les infractions qui justifient le recours à cette procédure, l'identité de l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération ainsi que l'identité d'emprunt de l'agent ou des agents qui effectuent l'infiltation.
    « Cette autorisation fixe la durée de l'opération d'infiltration, qui ne peut pas excéder quatre mois. L'opération peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Le magistrat qui a autorisé l'opération peut, à tout moment, ordonner son interruption avant l'expiration de la durée fixée.
    « L'autorisation est versée au dossier de la procédure après achèvement de l'opération d'infiltration.
    « Art. 706-84. - L'identité réelle des officiers ou agents de police judiciaire ayant effectué l'infiltration sous une identité d'emprunt ne doit apparaître à aucun stade de la procédure.
    « La révélation de l'identité de ces officiers ou agents de police judiciaire est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
    « Lorsque cette révélation a causé, même indirectement, la mort de ces personnes, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
    « Art. 706-85. - En cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'issue du délai fixé par la décision autorisant l'infiltration et en l'absence de prolongation, l'agent infiltré peut poursuivre les activités mentionnées à l'article 706-82, sans en être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité.
    « Art. 706-86. - L'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération d'infiltration peut seul être entendu en qualité de témoin sur l'opération.
    « Toutefois, s'il ressort du rapport mentionné au troisième alinéa de l'article 706-81 que la personne mise en examen ou comparaissant devant la juridiction de jugement est directement mise en cause par des constatations effectuées par un agent ayant personnellement réalisé les opérations d'infiltration, cette personne peut demander à être confrontée avec cet agent dans les conditions prévues par l'article 706-61.
    « Art. 706-87. - Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par les officiers ou agents de police judiciaire ayant procédé à une opération d'infiltration.

« Section 3

« De la garde à vue

    « Art. 706-88. - Pour l'application des articles 63, 77 et 154, si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction relatives à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, la garde à vue d'une personne peut, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.
    « Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction saisi.
    « La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation prévue par le présent article peut toutefois, à titre exceptionnel, être accordée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.
    « Dans le cas où la prolongation est décidée, un examen médical est de droit. Le procureur de la République ou le juge d'instruction est compétent pour désigner le médecin chargé de cet examen.

    « La personne dont la garde à vue est prolongée en application des dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l'article 63-4, à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure.
    « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-16 ou 706-26, dont le régime de garde à vue est prévu respectivement aux articles 706-23 et 706-29.

« Section 4

« Des perquisitions

    « Art. 706-89. - Si les nécessités de l'enquête de flagrance relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser, selon les modalités prévues par l'article 706-92, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient opérées en dehors des heures prévues par l'article 59.
    « Art. 706-90. - Si les nécessités de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser, selon les modalités prévues par l'article 706-92, que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction soient faites, par dérogation aux dispositions de l'article 76, sans l'assentiment de la personne chez laquelle elles ont lieu.
    « Lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions, autoriser leur réalisation en dehors des heures prévues à l'article 59.
    « Art. 706-91. - Si les nécessités de l'instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut, selon les modalités prévues par l'article 706-92, autoriser les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire à procéder à des perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction en dehors des heures prévues par l'article 59, lorsque ces opérations ne concernent pas des locaux d'habitation.
    « En cas d'urgence, le juge d'instruction peut autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à ces opérations dans des locaux d'habitation lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant ou lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels.
    « Art. 706-92. - A peine de nullité, les autorisations prévues par les articles 706-89 à 706-91 sont données pour des perquisitions déterminées et font l'objet d'une ordonnance écrite, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites ; cette ordonnance, qui n'est pas susceptible d'appel, est motivée par référence aux éléments de fait justifiant que ces opérations sont nécessaires. Les opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées, et qui peut se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.
    « Dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 706-91, l'ordonnance comporte également l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision par référence aux seules conditions prévues par cet alinéa.
    « Art. 706-93. - Les opérations prévues aux articles 706-89 à 706-91 ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction.
    « Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ne constitue pas, à lui seul, une cause de nullité des procédures incidentes.
    « Art. 706-94. - Les dispositions des articles 706-89 à 706-93 ne sont pas applicables aux infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-16 ou 706-26, dont le régime des perquisitions est prévu respectivement aux articles 706-24 et 706-24-1 et à l'article 706-28.
    « Art. 706-95. - Lorsqu'au cours d'une enquête de flagrance ou d'une instruction relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73, la personne au domicile de laquelle est faite une perquisition est en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité en raison des risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport, la perquisition peut être faite, avec l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins requis dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 57.
    « Les dispositions du présent article sont également applicables aux enquêtes préliminaires, lorsque la perquisition est faite sans l'assentiment de la personne dans les conditions prévues à l'article 706-90. L'accord est alors donné par le juge des libertés et de la détention.

« Section 5

« Des interceptions de correspondances émises
par la voie des télécommunications

    « Art. 706-96. - Si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, 100-1 et 100-3 à 100-7, pour une durée maximum de quinze jours, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
    « Pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat.
    « Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis en application de l'alinéa précédent.

« Section 6

« De l'utilisation de moyens
de communication audiovisuelle
en cas de prolongation de la détention provisoire

    « Art. 706-97. - Pour la prolongation d'une détention provisoire d'une personne mise en examen pour l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 ou 706-74, le juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement peuvent, par décision spécialement motivée, si la comparution personnelle de l'intéressé devant la juridiction doit être évitée en raison des risques graves de troubles à l'ordre public ou d'évasion, décider qu'il sera fait application, pour la tenue du débat contradictoire ou de l'audience, d'un moyen de communication audiovisuelle selon les modalités prévues à l'article 706-71.
    « Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables sous les mêmes conditions aux demandes de mise en liberté examinées par la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement.

« Section 7

« Des mesures conservatoires

    « Art. 706-98. - En cas d'information ouverte pour l'une de infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, l'exécution de la confiscation, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, peut ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par les articles 67 à 79 de la loi n° 91-150 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen.
    « La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
    « La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
    « Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national.

« Section 8

« Dispositions communes

    « Art. 706-99. - Le fait qu'à l'issue de l'enquête ou de l'information ou devant la juridiction de jugement la circonstance aggravante de bande organisée ne soit pas retenue ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement accomplis en application des dispositions du présent titre alors que cette circonstance paraissait caractérisée.
    « Art. 706-100. - Lorsqu'au cours de l'enquête il a été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, le procureur de la République, interrogé en application des dispositions des articles 77-2 et 77-3 par une personne ayant été placée en garde à vue six mois auparavant doit, lorsqu'il est décidé de poursuivre l'enquête préliminaire et dans les deux mois suivant la réception de la demande, informer le demandeur de la décision.
    « Dans ce cas, la personne ayant été gardée à vue peut demander qu'un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier puisse consulter le dossier de la procédure. Le dossier est alors mis à la disposition de l'avocat par le procureur de la République au plus tard dans un délai de quinze jours à compter de la demande et avant, le cas échéant, toute nouvelle audition de la personne au cours de l'enquête préliminaire.
    « Art. 706-101. - Lorsqu'au cours de l'enquête, il a été fait application des dispositions des articles 706-80 à 706-96, la personne qui est déférée devant le procureur de la République en application des dispositions de l'article 393 a droit à la désignation d'un avocat. Celui-ci peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec elle, conformément aux dispositions des deuxièmes et troisièmes alinéas de l'article 393. La personne comparaît alors en présence de son avocat devant le procureur de la République qui, après avoir entendu ses déclarations et les observations de son avocat, soit procède comme il est dit aux articles 394 à 396, soit requiert l'ouverture d'une information.
    « Si le procureur de la République saisit le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 397-1 permettant au prévenu de demander le renvoi de l'affaire à une audience qui devra avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois sans être supérieur à quatre mois sont applicables, quel que soit le montant de la peine encourue. »
    La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l'article.
    M. Noël Mamère. La philosophie politique du projet de loi est très largement contenue dans ce premier article. Il articule une notion floue, celle de la criminalité organisée, avec la création de nouvelles juridictions spécialisées, la procédure de l'infiltration, la garde à vue de quatre jours. Cet ensemble de dispositions organise l'assujettissement de la justice à une police de plus en plus omnipotente. Nous ne voyons d'ailleurs plus aucun des objectifs d'une justice équitable, qui s'interroge sur les finalités de la peine et sur la réparation. La mise en avant de la notion de criminalité ou de bande organisée a été dénoncée clairement, contrairement à ce que vient de nous dire M. le garde des sceaux, par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le 23 mars 2003. Cette notion, que l'on a du mal à démêler d'autres définitions, comme la réunion, la complicité, la co-action, l'association de malfaiteurs, a été mise en question, permettez-moi de vous le rappeler, monsieur le garde des sceaux, par une circulaire que vous ne pouvez pas ignorer, celle du 14 mai 1993, commentant la partie législative du code pénal. En raison d'une définition ambivalente et imprécise, des interprétations extensives du texte peuvent donc être faites, et ce contenu sera forcément utilisé par les services de police. Nous proposerons donc de supprimer les éléments de cet article qui nous semblent développer l'arbitraire. De plus, ce projet ne prend pas en compte la nécessité de la construction d'un véritable espace judiciaire européen.
    Sans ignorer l'importance ni l'ancienneté de la pratique de l'infiltration, force est de constater que les dispositions que vous proposez d'inscrire dans le code de procédure pénale sont dangereuses pour les personnels, dont l'anonymat s'accommode mal de la procédure écrite, comme pour les droits de la défense, qui est laissée dans l'ignorance non seulement de l'identité des accusateurs - ce qui pourrait encore se comprendre - mais également des moyens utilisés, et même du respect ou du non-respect par le procureur de la procédure d'autorisation.
    Pour les agents autorisés à commettre des infractions dans le cadre d'une opération d'infiltration comme pour les personnes qu'elles utilisent, l'irresponsabilité pénale absolue prévue par le texte constitue une véritable incitation sinon une tentation à commettre ces délits dans leur intérêt. C'est pourquoi le pouvoir judiciaire doit pouvoir exercer son contrôle effectif pendant la durée de la procédure. En toute hypothèse, cette disposition constitue un véritable encouragement à recourir aux méthodes d'infiltration, qui ne doivent en aucun cas être banalisées.
    Par ailleurs, le recul des droits de la défense et de la présomption d'innocence s'exprime notamment par l'allongement de la durée de la garde à vue, qui consacre une culture de l'aveu et fait de l'exception la règle, au mépris des règles procédurales.
    Enfin, il ne convient pas de doubler la durée de la garde à vue en la portant à quatre jours - en dehors, bien sûr, de cas très particuliers que constituent le terrorisme et le trafic de stupéfiants. Du reste, une telle disposition n'est pas applicable : en effet, les commissariats ne sont pas conçus pour permettre des gardes à vue aussi longues, et l'engorgement des lieux de rétention, lorsqu'ils existent, ne pourra que rendre plus difficile encore l'exercice de leurs missions quotidiennes par les agents de police et les gendarmes.
    Par l'accroissement infini des prérogatives policières qu'il prévoit, l'article 1er constitue donc une régression injustifiable des droits de la défense et présente un risque possible d'arbitraire parce qu'il fait prévaloir une justice expéditive.
    Le projet de loi ne s'attaque pas réellement, comme vous le prétendez, aux réseaux mafieux, sur la base du renforcement des compétences professionnelles de la justice. En fait, il laisse aux policiers le choix de leurs propres procédures. Il concentre ses coups non sur les têtes de réseaux mafieux mais sur la petite délinquance des bandes de banlieue. Une fois encore, on ne s'attaquera pas aux gros bonnets mais aux revendeurs, aux petits dealers dans les quartiers !
    Ce texte, mes chers collègues, nous concerne tous. Rappelons-nous que la Constitution de 1958, notamment son article 66, dispose que l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle et qu'elle assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. Or le texte qui nous est proposé par le Gouvernement n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution, car il ôte à la justice ses pouvoirs de contrôle effectif du bon usage de la force publique par la police.
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Fenech ont présenté un amendement, n° 38, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'article 1er :
    « De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.
    (L'amendement est adopté.)

ARTICLE 706-73 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 639, ainsi rédigé :
    « Supprimer le texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Cet amendement est dans la ligne du commentaire général sur l'article 1er, auquel je me suis livré, au nom des députés Verts. Il s'agit ici de la question des bandes organisées, une de ces notions juridiques qui fait partie de la liste à la Prévert dont nous accable le texte proposé pour l'article 706-73 et qui correspond à ce qu'on appelle en termes juridiques des « types ouverts », à savoir une catégorie susceptible de recouvrir un grand nombre de situations, comme, par exemple, certaines actions syndicales. Celles-ci pourraient finalement entrer dans le champ d'application de ce texte.
    M. Gérard Léonard. Ridicule !
    M. Noël Mamère. Non ce n'est pas ridicule ! C'est d'autant moins ridicule, mon cher collègue, que certains leaders syndicaux sont menacés de prison pour avoir mené des actions syndicales. Je vous ferai remarquer qu'on est en train d'introduire une notion extrêmement dangereuse pour les libertés syndicales, celle de récidive. Comme si la vocation d'un responsable syndical n'était pas précisément de récidiver dans ses actions ! Demandez à M. Luc Ferry ou à M. Fillon ce qu'ils en pensent, eux qui ont à faire face à une très large mobilisation des Français contre les atteintes à l'éducation nationale et contre le projet de réforme des retraites.
    M. Gérard Léonard. N'importe quoi !
    M. Noël Mamère. Grâce à ces catégories juridiques de « types ouverts », on pourrait s'en prendre aux responsables syndicaux qui sont aujourd'hui dans la rue parce que votre gouvernement n'a pas engagé de réelles négociations. Ce projet de loi est aussi une déclaration de guerre au mouvement social. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Sans vouloir m'attarder davantage sur la notion de « bande organisée », que mes collègues socialistes, notamment Jean-Yves Le Bouillonnec, ont très bien analysée, je dirai simplement qu'elle est particulièrement floue. C'est une sorte de fourre-tout qui vous permettra d'appliquer à la lettre et de manière servile ce qu'a engagé le ministre de l'intérieur, M. Sarkozy.
    Du reste, il était très intéressant d'entendre tout à l'heure M. Estrosi nous commenter à la tribune la loi sur la sécurité présentée par le ministre de l'intérieur en juillet 2002. Il s'est trompé de texte, car, ce soir, nous parlons de justice. Au fond, sans le vouloir, notre collègue nous a fait une belle démonstration de ce que peut être la soumission de la justice aux exigences de la police et du ministère de l'intérieur.
    La notion de bande organisée est tellement floue que son application devient extrêmement grave. Et, comme nous le savons, elle frappera d'abord les plus démunis.
    M. Gérard Léonard. Quel culot !
    M. Noël Mamère. J'ai entendu tout à l'heure une de nos collègues insister sur la question des pollutions maritimes.
    M. Gérard Léonard. Mais quel culot !
    M. Noël Mamère. Toutefois, à aucun moment, et je le regrette, je ne l'ai entendu évoquer, dans la ligne du Président de la République - et pourtant elle fait partie de son camp politique -, à propos de la catastrophe de l'Erika et de celle du Prestige, la notion de « crime écologique ». Pourtant, si elle lit la presse comme moi, et si elle s'intéresse à ces questions - sûrement beaucoup plus que moi puisque c'est une élue du littoral -, elle aura sans doute pris connaissance de l'enquête menée par le WWF sur la question de la criminalité écologique et qui montre que 83 % des Français se prononcent pour que la notion de crime écologique soit reconnue dans le droit français et dans le droit international, et que ce type de crime relève de la compétence de la Cour pénale internationale de La Haye.
    Je ne comprends pas que, d'un côté, on propose d'introduire la notion de pollution maritime dans le code de procédure pénale, mais que, de l'autre, on ne veuille pas reconnaître celle de criminalité écologique.
    M. Gérard Léonard. Quel culot ! Quelle démagogie !
    M. Noël Mamère. Mais, pardonnez-moi de vous le dire, la criminalité écologique n'est pas le seul fait d'armateurs véreux, de grands producteurs pétroliers véreux que vous appelez des « voyous des mers », d'affréteurs véreux, d'employeurs embauchant des marins originaires des pays les plus pauvres du monde, elle est aussi le fait de grands groupes internationaux, y compris français, qui polluent nos sols,...
    M. Gérard Léonard. Arrêtez votre démagogie scandaleuse !
    M. Noël Mamère. ... qui polluent notre air et qui nous obligent à ingérer des OGM.
    M. Gérard Léonard. Ce n'est pas acceptable !
    M. Noël Mamère. Tout est acceptable dans cette maison, y compris les bêtises que vous êtes en train de proférer, monsieur !
    M. le président. Monsieur Mamère, ne provoquez pas vos collègues !
    Monsieur Léonard, chacun ici a le droit de s'exprimer, de défendre ses amendements et d'avancer ses arguments.
    M. Gérard Léonard. Mais pas d'attaquer ses collègues !
    M. Noël Mamère. Défendez-vous !
    M. Gérard Léonard. C'est lamentable !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 639 ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Cela dit, je voudrais présenter quelques remarques.
    Premièrement, c'est bien le gouvernement actuel, dirigé par Jean-Pierre Raffarin, qui propose aujourd'hui de durcir tous les textes contre les voyous des mers. J'aurais préféré, monsieur Mamère, que ce problème eût été réglé il y a quelques années par le gouvernement précédent. Vous n'en auriez été que plus à l'aise pour tenir un tel discours si le gouvernement que vous souteniez il y a encore quelques mois avait fait ce travail. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gérard Léonard. Bravo !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Deuxièmement, je fais entièrement confiance au ministre de la justice quant à la définition qu'il nous propose de la criminalité organisée à partir d'une liste d'infractions.
    Troisièmement, je vous rappelle que la notion de bande organisée est clairement définie par l'article 132-71 du code pénal et par la jurisprudence. Le socle est solide.
    Quatrièmement, la criminalité organisée n'a absolument rien à voir avec les manifestations dans la rue. Vos propos sont totalement hors sujet.
    Cinquièmement, enfin, il est vrai, monsieur Mamère, que les séquestrations posent un problème. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement, n° 691, qui devrait vous donner entièrement satisfaction.
    M. Gérard Léonard. Si c'est pour faire plaisir à M. Mamère, je ne le voterai pas ! (Sourires.)
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est bien évident que les séquestrations simples ne doivent pas entrer dans le champ de la criminalité organisée.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. J'ai beaucoup apprécié l'art de la provocation de M. Mamère. Toutefois, cela ne m'empêchera pas d'émettre un avis défavorable sur son amendement. (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 639.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 39, ainsi libellé :
    « Après le mot : "et, rédiger ainsi la fin du 2° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale : "d'actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l'article 222-4 du code pénal ;. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Fenech a présenté un amendement, n° 260, ainsi rédigé :
    « Après le 3° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 3° bis Abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse prévu par les articles 223-15-2 et 223-15-4 ; »
    La parole est à M. Georges Fenech.
    M. Georges Fenech. L'objet de cet amendement est d'ajouter à la liste des infractions de délinquance et de criminalité organisées les plus graves abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse prévu par les articles 223-15-2 et 223-15-4 du code de procédure pénale.
    Par cet amendement, il s'agit de renforcer la lutte contre l'une des formes de crimes et de délits organisés les plus pernicieuses et les plus insidieuses que connaît notre société, je veux parler des abus commis par les groupements sectaires dangereux.
    Au demeurant, vous connnaissez l'importance qu'attache le Premier ministre à la lutte contre les mouvements sectaires dangereux, puisqu'il a créé la MIVILUDE, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, qui est chargée de lutter contre l'évolution et la criminalité des mouvements sectaires dangereux.
    Si nous ajoutions l'infraction en question à la liste des crimes organisés, nous irions dans le sens d'une plus grande efficacité dans la lutte contre les dérives sectaires. Cela permettrait également de saisir une juridiction spécialisée et de former certains magistrats à mieux connaître ces réseaux criminels de taille nationale, voire européenne ou internationale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je comprends parfaitement la démarche de Georges Fenech et je partage son souci. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement car l'ensemble des infractions visées dans le texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale sont passibles d'une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement. Il serait incohérent d'y inclure une infraction passible d'une peine de trois ans d'emprisonnement. C'est pour des raisons de cohérence, et parce que le champ de la criminalité organisée doit être strictement défini, que la commission s'est opposée à cet amendement.
    Toutefois, celui-ci est en partie satisfait dans la mesure où le projet de loi prévoit de confier aux pôles économiques et financiers, donc à des magistrats spécialisés, l'abus frauduleux de l'état d'ignorance prévu par l'article 223-15-2.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à l'adoption de cet amendement pour les mêmes raisons que celles exposées par la commission.
    La logique du texte est de définir d'une manière limitative les sujets qui seront traités par ces juridictions spécialisées, au nombre de sept à dix. Celles-ci n'auront à traiter que de crimes et délits qui, en raison de leur extrême gravité, de leur dimension souvent internationale, sont passibles d'une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement. Les caractéristiques de ces crimes et délits justifient ce traitement particulier et les règles de procédure qui leur seront appliquées.
    Je comprends la gravité des délits visés par l'amendement, mais je considère qu'il ne faut pas tout mélanger.
    Par conséquent, au cas où je n'aurais pas été suffisamment convaincant pour suggérer à M. Fenech de retirer son amendement, j'en propose le rejet.
    M. Georges Fenech. Vous m'avez convaincu, monsieur le ministre : je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 260 est retiré.
    MM. Vaxès, Braouezec, Brunhes et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 578, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 4° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à supprimer le 4° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale. Ce texte définit la criminalité organisée la plus grave en termes de crimes et délits contre la personne. Il a pour objectif de retenir les formes de criminalité organisée qui, par nature, portent l'atteinte la plus grave aux intérêts sociaux les plus importants et justifie le recours à un ensemble de nouveaux moyens d'investigation.
    Cet article appelle d'abord une remarque de nature purement juridique, qui vous a déjà été opposée, monsieur le ministre, par la Commission nationale consultative des droits de l'homme : le concept de criminalité organisée relève davantage d'une approche criminologique que d'une définition juridique. Il s'agit d'une notion sans grande cohérence, aux contours flous, qui ne répond pas aux exigences de précision inhérentes au principe de l'égalité criminelle. La circulaire d'application du nouveau code pénal du 14 mai 1993 soulignait bien, au demeurant, la difficulté de distinguer la notion de bande organisée de ses notions voisines : la coaction, la complicité et la réunion.
    Il s'agit là d'un facteur d'insécurité juridique considérable, d'autant que l'ensemble du dispositif proposé par l'article 1er reposera sur la qualification, juridiquement périlleuse, donnée aux faits par les premiers enquêteurs. C'est parce que cette qualification juridique est délicate à réaliser que nous avons déposé cet amendement visant à supprimer de la liste des infractions les crimes et délits d'enlèvement et de séquestration.
    Vous êtes plusieurs fois intervenu, monsieur le rapporteur, pour soutenir que la notion de bande organisée n'était pas floue, mais précise. C'est votre opinion, mais vous conviendrez avec moi que de nombreux articles de doctrine sur cette question n'apportent pas la même réponse que vous.
    Tout à l'heure, un de nos collègues du groupe socialiste proposait une définition précise.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non, c'est l'inverse !
    M. Michel Vaxès. J'ai donc quelque difficulté à comprendre quel inconvénient il y avait à adopter le texte qu'il proposait.
    Aussi, nous craignons qu'en raison d'une absence de définition stricte du concept de bande organisée, des interprétations arbitraires ou extensives du texte conduisent à traiter des actions syndicales, par exemple, comme une criminalité dangereuse, aussi dangereuse que le proxénétisme ou les tortures, et justifiant de ce fait le recours à une procédure exceptionnelle. Ne souhaitant pas voir les actions syndicales rangées dans un chapitre traitant de la criminalité la plus grave, nous vous demandons donc la suppression du 4° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    Je le répète encore une fois, le Gouvernement a défini le champ de la criminalité organisée de la manière la plus stricte et la plus claire, en énumérant une liste d'infractions qui existent déjà dans notre code pénal. Il n'y avait vraiment pas de manière plus stricte d'encadrer le dispositif !
    En deuxième lieu, l'amendement propose de supprimer purement et simplement les qualifications d'enlèvement et de séquestration. Or ce sont des infractions exprêmement graves, qui relèvent bien de la bande organisée !
    Troisièmement, je répète ce que j'ai indiqué précédemment à Noël Mamère : l'amendement n° 691 vous donnera satisfaction sur ce point.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je confirme que les dispositions de l'article 224-1 ont été utilisées par les juridictions pour sanctionner des actions syndicales. La qualification de séquestration a en effet déjà été retenue. Cela signifie que si le texte prévu reste en l'état, il pourra permettre lui aussi de mettre en cause certaines actions syndicales. Il convient donc de prévoir les conditions dans lesquelles on ne pourra pas utiliser ce texte.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour éclairer l'Assemblée, je vais défendre dès maintenant l'amendement n° 691.
    L'article 224-1 du code pénal prévoit dans son troisième alinéa : « Toutefois, si la personne détenue ou séquestrée est libérée volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de son appréhension, la peine est de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, sauf dans les cas prévus par l'article 224-2. »
    Je propose, par cet amendement n° 691, de faire sortir ce troisième alinéa du champ de la criminalité organisée. La raison en est simple : les infractions visées dans cet article sont assorties d'une peine de dix ans et non de cinq. Nous sommes ainsi logiques avec nous-mêmes.
    Cette proposition donnera satisfaction à M. Vaxès. Je souhaite donc qu'il retire son amendement. Sinon, je souhaite que l'Assemblée vote contre.
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Ce débat est très intéressant et va permettre de bien préciser les choses. Il convient de rester dans cette idée de proportionnalité. Comme je l'ai dit à propos de l'amendement déposé par M. Fenech, la précision suggérée par M. Warsmann lève l'ambiguïté qui résulte de la rédaction actuelle de cet article, lequel vise des cas assez différents. Elle permettra d'éviter qu'on utilise de manière intempestive les futurs dispositifs.
    Voilà pourquoi je demande à l'Assemblée de ne pas retenir l'amendement M. Vaxès, s'il n'est pas retiré, et d'adopter celui de M. Warsmann, qui nous assure un dispositif cohérent, applicable aux infractions entraînant plus de dix ans de prison.
    M. le président. Monsieur Vaxès, maintenez-vous l'amendement n° 578 ?
    M. Michel Vaxès. Oui, monsieur le président.
    J'ai bien entendu que notre rapporteur allait nous proposer un amendement n° 691 qui limite les risques de confusion en matière de séquestration et supprime le danger que nous pointons. Cette proposition constitue d'ailleurs l'aveu qu'il sera effectivement difficile d'interpréter le texte.
    Je voterai très volontiers cet amendement n° 691. Pour autant, mon inquiétude, qu'éprouvent d'ailleurs nombre de juristes, embarrassés par l'imprécision de la définition de bande organisée, perdure. Je remarque par ailleurs qu'une telle qualification devra être portée par les premiers enquêteurs, et que l'interprétation deviendra délicate.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur Vaxès, vous vous intéressez au droit syndical, ce qui est tout à fait légitime. Mais nous étudions ici un texte concernant la grande criminalité. Ne pouvez-vous pas admettre qu'il puisse exister, dans ce cadre, un délit qui s'appelle la séquestration, et n'a pas grand-chose à voir avec celui que vous visez dans vos propos ?
    Nous n'allons pas, sous prétexte de protéger le droit syndical, exclure du champ de la grande criminalité le délit de séquestration. C'est pourtant ce que vous demandez avec cet amendement.
    M. Jean-Pierre Blazy. Mais comment protégez-vous le droit syndical ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. On vient de l'expliquer ! Le rapporteur l'a très bien dit et il a même apporté des précisions. Le maintien de l'amendement n° 578 ne peut relever que d'un problème de compréhension.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président de la commission, il ne faut pas me faire dire ce que je ne dis pas. Vous-même, à l'occasion de la discussion sur une proposition de loi que j'avais eu le plaisir de présenter devant vous, avez indiqué qu'entre le souhait qu'on peut avoir d'un texte soit lu d'une certaine façon et la réalité de son interprétation, il y avait une différence.
    Je ne vous prête pas l'intention d'élargir la définition de la séquestration à d'autres cas que ceux qui concernent la grande criminalité. Je sais à quelle sortes d'actes vous pensez. Mais l'interprétation qui en sera faite par d'autres personnes peut être différente. C'est cela que nous visions avec notre proposition d'amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 578.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann a présenté un amendement, n° 691, ainsi libellé :
    « Après les mots : "par les, rédiger ainsi la fin du 4° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale : "deux premiers alinéas de l'article 224-1 et par les articles 224-2 à 224-5 du code pénal ; »
    Cet amendement a été défendu.
    Le Gouvernement a donné son avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 691.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 40, ainsi rédigé :
    « Après le 8° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'aliné suivant :
    « 8° bis Crime de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée prévu par l'article 322-8 du code pénal ; »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'inclure dans le champ d'application de la criminalité organisée les destructions commises en bande organisée qui s'apparentent à des actes de terrorisme. Elles sont punies de vingt ans de réclusion criminelle.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Fenech ont présenté un amendement, n° 41, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du 9° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale :
    « Crimes et délits constituant des actes... (Le reste sans changement.) »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'une très bonne amélioration rédactionnelle, qui a été proposée par notre collègue Fenech.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 42, ainsi rédigé :
    « Après le 10° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 10° bis Délits d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France commis en bande organisée prévus par le quatrième alinéa du I de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'ajouter à la liste le délit « d'aide à l'entrée et à la circulation et au séjour irrégulier d'un étranger en France commis en bande organisée ». Cette infraction serait punie d'une peine de dix années d'emprisonnement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. Thierry Mariani. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Dans la mesure où la définition de la bande organisée manque de clarté et que l'on reste dans le flou juridique le plus total, la justice pourra très bien considérer qu'une personne de bonne foi, qui a aidé un étranger à entrer dans notre pays en vue d'une régularisation postérieure, est membre d'une bande organisée et, à ce titre, mérite d'être lourdement condamnée.
    On pourra aussi considérer que des associations telles que le GISTI ou le MRAP sont des bandes organisées de « droits-de-l'hommistes » favorisant l'entrée, dans notre pays, de personnes persécutées ou qui fuient le sous-développement et la tyrannie. Si la loi est votée, ces associations risqueront d'être condamnées. Vous faites prendre un risque considérable à tous ceux qui, aujourd'hui, dans le mouvement associatif, essaient d'aider les plus démunis. C'est la raison pour laquelle, pas plus, je suppose, qu'aucun autre député de gauche, je ne pourrai voter un tel amendement. C'est d'ailleurs l'illustration, pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, sans aucune provocation...
    M. Gérard Léonard. N'importe quoi !
    M. Noël Mamère. ... que ce texte est directement inspiré de la loi sur la sécurité de M. Sarkozy, qu'il oriente vers le tout-sécuritaire.
    M. Gérard Léonard. Ce que vous dites est lamentable !
    M. Noël Mamère. Nous en aurons d'autres preuves lorsque nous serons appelés à examiner les textes portant sur l'immigration et le droit d'asile. Nous verrons alors que le recul est grand.
    M. Gérard Léonard. C'est nul !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je précise, pour la clarté des débats, que nous ne modifions en rien le contenu de l'infraction. Nous travaillons à droit constant.
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Il faut savoir de quoi l'on parle. Je suis extrêmement inquiet de voir se développer au plan international des organisations criminelles qui utilisent les difficultés de ceux qui souhaitent immigrer d'une manière illégale dans les différents pays d'Europe.
    De quoi s'agit-il, monsieur Mamère ? De punir ceux qui ont, par exemple, amené par ce bateau des centaines de malheureux, originaires de Syrie, de Turquie et d'Irak. Ne croyez-vous pas que des nouveaux trafiquants d'esclaves méritent d'être jugés dans le cadre du projet de loi que je vous propose ?
    Nous savons qu'aujourd'hui des organisations criminelles organisent ce type de transfert de populations et en retirent des profits considérables. Ce sont les auteurs de ces trafics que vise la loi.
    Il faut que notre organisation judiciaire et notre procédure pénale nous permettent de coopérer au niveau international. Nous ne pouvons admettre, et je suis convaincu que vous ne l'admettez pas non plus, ce type de comportement.
    De pauvres malheureux payent des sommes considérables pour monter sur ces bateaux qui sont des cercueils flottants. Il faut absolument que nos juridictions et que nos magistrats puissent lutter avec des armes efficaces contre ce type de trafic. C'est la raison pour laquelle cet amendement n° 42 doit être adopté.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. J'entends, monsieur le ministre, vos arguments sur ces réseaux mafieux qui profitent de la faiblesse et de la vulnérabilité de populations en très grande difficulté dans leur propre pays et qui cherchent à fuir pour aborder des latitudes plus clémentes au plan des libertés et du respect de la dignité humaine. Mais existe-t-il dans votre texte des dispositions significatives pour lutter contre les têtes de ces réseaux mafieux ?
    M. le garde des sceaux. C'est dans mon texte !
    M. Noël Mamère. Vous avez fait référence au bateau qui transportait ces malheureux. Mais avez-vous arrêté ceux qui étaient à l'origine de ce trafic ? Que dites-vous du plan Eurojust ? Qu'y a-t-il, dans votre texte, en matière de justice européenne ? Rien !
    Vous oubliez aussi d'autres exploiteurs. Certes, des réseaux organisés partent de ces pays, avec les fameux passeurs qui font payer durement et pendant longtemps ceux qu'ils ont aidé à franchir les frontières. Mais vous devriez aussi vous préoccuper de ces grandes sociétés françaises qui, par l'intermédiaire de leurs sous-traitants, utilisent aujourd'hui, dans des conditions qui s'apparentent à un esclavage moderne, des gens qui ne sont pas déclarés. Nous vous félicitons que Saint-Nazaire accueille le chantier du plus grand paquebot du monde. Mais je tiens à affirmer ici très clairement, car des témoignages, des reportages de journalistes, des déclarations de responsables syndicaux, nous en ont apporté la preuve, que la société qui construit le plus grand paquebot du monde emploie d'un côté des gens qui sont déclarés et protégés par leurs syndicats et, de l'autre, des hommes et des femmes qui sont des clandestins et vivent dans des conditions de très grande précarité. Franchement, entre la condition de ces hommes et de ces femmes dans des chantiers français, et celle des Sri Lankais, des Turcs ou des Ukrainiens sur les pavillons de complaisance, sous la férule des voyous des mers, je ne vois pas de grande différence !
    Enfin, monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ignorer que dans notre pays, dans toutes nos grandes villes, il y a des exploiteurs. Des sociétés petites et grandes utilisent ces clandestins qui vivent dans la peur. Vous ne pouvez pas ignorer que le nombre d'inspecteurs du travail est absolument insuffisant.
    Il faut savoir balayer devant sa porte avant de déclarer que les réseaux mafieux sont les plus dangereux ! Oui, nous voulons nous battre contre eux ! Mais les mafieux ne sont pas seulement là où on le dit.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'un des intervenants du groupe socialiste, Jacques Floch, avec une grande honnêteté, a reconnu les grandes avancées contenues dans ce texte en matière d'Eurojust et de coopération européenne. Je regrette, monsieur Mamère, que vous ne le suiviez pas sur ce constat de simple bon sens.
    M. Pascal Clément, président de la commission. M. Mamère n'a pas lu le projet !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Lorsqu'une affaire extrêmement complexe arrive devant un tribunal habituel, débordé par la délinquance quotidienne, quel est le risque ? Que le tribunal constate l'infraction qui lui est soumise, poursuive l'homme de main, le lampiste, mais ne dispose ni du temps, ni de la compétence, ni de personnel spécialisé pour remonter jusqu'aux « gros bonnets ». Et si nous souhaitons créer ces juridictions spécialisées, c'est parce que nous ne voulons pas que les hommes de main ou les lampistes soient les seuls à payer.
    Ces délits sont très graves, on peut quasiment parler de traite des êtres humains. Les magistrats spécialisés disposeront de moyens spécialisées, qui leur permettront de remonter à la tête de ces réseaux. Je crois très sincèrement que l'on partage sur tous les bancs cette volonté de traduire les responsables devant la justice et de les faire payer. C'est pourquoi je souhaite que nous votions cet amendement à l'unanimité.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, mes chers collègues, la difficulté procède uniquement de l'absence de définition de la criminalité organisée. Si cette définition était apportée, elle rassurerait les députés que nous sommes, qui combattons la criminalité organisée, qui use de la séquestration, du trafic et de la traite d'êtres humains.
    M. Gérard Léonard. C'est par les actes qu'il faut combattre, pas par les discours !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le problème tient au fait que les articles du code pénal permettent de mettre en cause des personnes participant directement ou indirectement à l'infraction. On a pu ainsi poursuivre des gens qui avaient simplement hébergé des clandestins.
    Nous avions proposé d'éviter toute confusion en précisant les critères de la bande organisée. Si vous aviez accepté, nous n'aurions pas craint que cette incrimination puisse s'appliquer aux actes d'action syndicale, que nous considérons comme légitimes. De la même manière, on n'aurait pas mis en cause les activités associatives, syndicales et celles qui s'intéressent aux conditions de vie des étrangers, fussent-ils en situation irrégulière.
    Il existe un vrai problème de fond. Ne nous prêtez pas la mauvaise intention de vouloir faire accepter des actes de criminalité qui ne sont pas acceptables. Aucun d'entre nous, à cette tribune, n'a mis en cause la pertinence de l'action menée à l'encontre de la criminalité organisée. Ce que nous craignons, ce sont les effets induits par l'absence de précision de cette définition dans le droit interne.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La notion de bande organisée est bien définie...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non, c'est faux !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne voudrais pas être désagréable, mais je vais me permettre, mon cher collègue, de vous rappeler que, dans l'amendement n° 380 que vous nous avez proposé, vous avanciez la définition suivante : « une entreprise pérenne conçue pour une durée déterminée ».(Sourires.) Pensez-vous vraiment ainsi éclairer la loi ? Restons-en donc au droit présent.
    Cher collègue, je respecte votre avis, chacun vote comme il le veut. Pour notre part, nous voterons l'amendement n° 42.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Peut-être sommes-nous de mauvais législateurs. Mais il y a, dans la rédaction que nous avons proposée, un élément qui est le « sciemment » et dont vous savez très bien, monsieur le rapporteur, ce qu'il signifie. Cela veut dire que la personne incriminée a délibérément et volontairement participé à un processus organisé. Or l'intention est l'élément constitutif du délit ou du crime. Auriez-vous simplement introduit ce mot dans la définition du code, que la nature même en était changée. C'est la volonté de participer à un processus organisé qui est génératrice de la commission du crime ou du délit. Faute de cette précision, nous ne pouvons que critiquer votre proposition.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je rappelle que l'intention, la volonté est un principe général du droit pénal, posé dans l'article 121-3. Il ne sert strictement à rien de le rajouter là, et le débat sur le mot « sciemment » n'a pas lieu d'être.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour une très courte intervention, puis nous passerons au vote.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Puisque nos collègues insistent, je vais leur donner lecture de l'article 121-3 du code pénal : « Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. » Evitons la redondance.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.
    (L'amendement est adopté).
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 43 et 611, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 43, présenté par M. Warsmann, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Après le 10° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 10° ter Délits de blanchiment prévus par l'article 324-1 du code pénal, ou de recel prévus par l'article 321-1 du code pénal, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 10° bis ; »
    L'amendement n° 611 de M. d'Aubert n'est pas défendu.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 43.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'ajouter à la liste des crimes et délits de l'article 706-73 les délits de blanchiment ou de recel, mais uniquement liés aux infractions mentionnées par cet article. Nous visons les délits financiers, mais nous restons dans le cadre fixé par le Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis favorable du fait de la précision, rappelée par M. Warsmann, qui limite la procédure au blanchiment et au recel liés aux « infractions mentionnées aux alinéas 1° à 10° bis ». Pour répondre à certaines inquiétudes et pour que les choses soient bien claires, je rappelle que j'ai procédé par énumération limitative. C'est un point très important sur lequel nous avons longuement travaillé avec des magistrats et des avocats, justement pour éviter une utilisation trop large par les parquets des possibilités de procédure offertes par le texte. C'est dans cet esprit de stricte limitation que s'incrit ma démarche.
    Je comprends la volonté du rapporteur d'ajouter les délits de blanchiment et de recel, mais je n'accepte cet élargissement que parce qu'il s'agit d'infractions connexes à celles d'ores et déjà mentionnées par le texte. Nous ne devons pas aller trop loin pour rester fidèles à cette idée de proportionnalité qui correspond, comme le rappelait M. Léonard, à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Les nouvelles possiblités procédurales données aux parquets et aux juges d'instruction sont proportionnées à la gravité des infractions. C'est vraiment l'esprit du texte.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
    (L'amendement est adopté.)
    M. président. MM. Mariani, Cova, Giro et Calvet ont présenté un amendement, n° 421, ainsi rédigé :
    « Après le 10° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :
    « 10° bis Délits d'évasion prévus par les articles 434-27 à 434-37 du code pénal lorsque les personnes qui se sont évadées étaient poursuivies ou condammnées pour l'une des infractions mentionnées aux 1° à 10° ; »
    La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Force est de constater qu'au cours des derniers mois, les moyens employés pour l'évasion des détenus relevaient de la criminalité et de la délinquance organisées. Lance-roquettes, hélicoptères, fusils-mitrailleurs : on n'est plus dans l'artisanat ! (Sourires.)
    Ainsi, le 12 mars 2003, Antonio Ferrara, fiché au grand banditisme, connu des services de police et de la justice pour homicide, vols à main armée et une première évasion en 1998, s'est évadé de la prison de Fresnes. Un commando d'une dizaine d'hommes en uniforme de policier, armés d'armes de poing, de kalachnikovs, d'au moins un lance-roquettes et d'explosifs, a mené l'attaque qui a duré quinze minutes. Comment ne pas qualifier ces faits de criminalité et délinquance organisées ?
    Quelques semaines plus tôt, c'était Joseph Menconi, lui aussi fiché au grand banditisme, qui s'évadait de Borgo, grâce à un lance-roquettes avec lequel ses deux complices se sont fait ouvrir les portes et conduire jusqu'à sa cellule avant de repartir. Comment ne pas qualifier ces faits de criminalité et délinquance organisées ?
    Enfin, le 9 mai 2003 - tous les faits que je cite datent de cette année -, quatre hommes fichés eux aussi au grand banditisme ont été arrêtés à Richerenches dans le Vaucluse. Trois d'entre eux, dont l'un considéré comme un des « parrains » du Var, s'étaient évadés de la maison d'arrêt d'Aix le 14 avril 2003 en hélicoptère, tout comme le quatrième, évadé, lui aussi par hélicoptère, de la même maison d'arrêt, cette fois en 2001. D'après les premières déclarations des policiers, ces quatre hommes étaient, de plus, en train de préparer de prochains braquages. Comment ne pas qualifier ces faits de criminalité et délinquance organisées ?
    En conséquence, il apparaît légitime d'étendre les possibilités prévues par le présent titre dont l'objet est de lutter contre la criminalité et la délinquance organisées à ces délits d'évasion particulièrement graves qui, de plus, mettent en péril la vie des membres de l'administration pénitentiaire.
    Monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, dans vos interventions sur les précédents amendements, vous avez souligné qu'il fallait tenir compte de la dimension géographique et du caractère exceptionnel des infractions. Dans de telles affaires, nous ne sommes plus dans la simple dimension géographique d'une cour d'appel et le caractère exceptionnel des faits est avéré.
    En outre, cet amendement vient avant un autre que j'ai déposé à l'article 71 pour doubler les peines quand l'évasion a lieu en bande organisée. Si mes deux amendements étaient adoptés, nous respecterions, monsieur le garde des sceaux, la cohérence que vous souhaitez, puisque les peines encourues seraient alors supérieures à dix ans.
    Je pense que nous devons donner un signe fort, à la fois pour ceux qui sont tentés de s'évader et pour le personnel pénitentiaire. Et, à mon avis, ces faits, qui ont tendance à se multiplier, relèvent indéniablement de la criminalité organisée que nous voulons sanctionner.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je partage la préoccupation de Thierry Mariani. Néanmoins, la commission a émis un avis totalement défavorable à son amendement pour une raison de cohérence. Actuellement, le délit d'évasion n'est pas puni de dix ans d'emprisonnement, même si je donne acte à Thierry Mariani de la logique de sa démarche ; puisqu'il propose parallèlement de relever la sanction à dix ans.
    Le Gouvernement nous propose de renforcer la sanction en portant le plafond de trois à cinq ans, ce qui est déjà lourd pour des détenus. Mais je ne crois pas que le délit d'évasion ait sa place parmi les infractions relevant de la criminalité organisée. Il y aurait là un manque de cohérence. Nous devons rester dans une démarche très limitative, comme l'a indiqué le garde des sceaux, sous peine de dénaturer l'ensemble du dispositif.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les raisons que vient d'évoquer le rapporteur et que je souhaite compléter par un autre argument. Si l'évasion se déroule en utilisant, par exemple, des explosifs, ou s'il y a, par exemple, un homicide, l'infraction commise en bande organisée sera constituée, soit en tant que membre, soit en tant que délit de destruction lié à l'utilisation d'explosifs ou d'armes de guerre. La loi que je propose sera donc applicable. Mais il ne faut pas qu'une évasion consécutive à une condamnation liée à ces infractions entraîne automatiquement l'application du texte. Voilà un argument complémentaire qui me paraît très important.
    M. Gérard Léonard. Décisif !
    M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le rapporteur, l'article 434-30, alinéa 2, du code pénal prévoit une peine de dix ans dans les cas que j'ai évoqués : « Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende lorsqu'il a été fait usage d'une arme ou d'une substance explosive, incendiaire ou toxique. »
    Cela dit, en relisant le texte de mon amendement, je reconnais volontiers qu'il est trop large. Mais si je le sous-amendais en précisant : « Délits d'évasion prévus par l'article 434-30, alinéa 2, du code pénal », ceux déjà punis de dix ans parce qu'il est fait usage d'une arme, ne pensez-vous pas que ces délits pourraient entrer dans le champ de la criminalité organisée ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsman, rapporteur. Je donne volontiers acte à Thierry Mariani que, dans ce cas précis, très limitatif, la sanction peut monter à dix ans.
    Mais qu'il m'autorise un dernier argument : à quoi cela servirait-il d'introduire ces évasions dans le champ de la criminalité organisée ? Cette qualification donne un certain nombre d'outils de procédure pour l'enquête et le jugement qui, là, ne sont pas nécessaires. Cet amendement n'aurait donc pas d'utilité juridique.
    M. le président. Le maintenez-vous monsieur Mariani ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il faut le retirer.
    M. Thierry Mariani. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 421 est retiré.
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 44, ainsi rédigé :
    « A la fin du 11° du texte proposé pour l'article 706-73 du code de procédure pénale, substituer à la référence : "10°, la référence : "10° ter. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. le Premier ministre, un projet de loi relatif à la politique de santé publique.
    Ce projet de loi, n° 877, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mars 2003, de M. Guy Geoffroy, un rapport, n° 870, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse (n° 861).
    J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Etienne Blanc, un rapport, n° 871, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi, modifié par le Sénat, habilitant le Gouvernement à simplifier le droit (n° 831).
    J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Didier Julia, un rapport, n° 873, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'amendement à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination (n° 266).
    J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Jean-Paul Bacquet, un rapport, n° 874, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur :
    - le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie sur l'emploi des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autre (n° 403) ;
    - le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à l'emploi salarié des membres des agents des missions officielles de chaque Etat dans l'autre (ensemble un échange de lettres) (n° 551).
    J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Jean Proriol, un rapport, n° 879, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi urbanisme et habitat.

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT
SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Michel Herbillon, un rapport, n° 878, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de résolution de M. Noël Mamère tendant à créer une commission d'enquête relative aux conditions d'attribution d'une fréquence à la chaîne Khalifa TV (n° 646).

5

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Laurent Hénart, un rapport d'information, n° 875, déposé en application de l'article 145 du règlement au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 21 janvier 2003, sur l'impact de l'intervention des architectes et des services archéologiques dans les procédures de sauvegarde du patrimoine.
    J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Georges Tron, un rapport d'information, n° 876, déposé en application de l'article 145 du règlement au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle constituée le 21 janvier 2003 sur les organismes publics d'évaluation et de prospective économique et sociales.

6

DÉPÔT D'UN AVIS

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mai 2003, de M. Eric Raoult, un avis, n° 872, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952, relative au droit d'asile (n° 810).

7

DÉPÔT D'UN RAPPORT
DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE
D'ÉVALUATION DES CHOIX
SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

    M. le président. J'ai reçu, le 21 mai 2003, le rapport, n° 869, retraçant l'audition publique sur la charte de l'environnement organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

8

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :
    Discussion de la proposition de résolution, n° 446, sur la création d'un procureur européen :
    M. Guy Geoffroy, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 565) ;
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 784, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité :
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 856).
    M. François d'Aubert, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 864).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le jeudi 22 mai 2003 à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :

Communication du 20 mai 2003

N° E 2276. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche ;
N° E 2277. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (COM [2003]) ;
N° E 2278. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (ACAA - COM [2003] 182 final) ;
N° E 2279. - Proposition de directive du Conseil modifiant les directives 92/79/CEE et 92/80/CEE, en vue d'autoriser la France à proroger l'application d'un taux d'accise réduit sur les produits du tabac mis à la consommation en Corse (COM 186 final) ;
N° E 2280. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA - COM [2003] 194 final) ;
N° E 2281. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA - COM [2003] 196 final) ;
N° E 2282. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision du Conseil du 7 décembre 1998 portant approbation de l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique à la convention sur la sûreté nucléaire pour ce qui concerne la déclaration qui y est jointe (COM 206 final) ;
N° E 2283. - Proposition de règlement du Conseil modifiant pour la troisième fois le règlement (CE) n° 2465/1996 du Conseil concernant l'interruption des relations économiques et financières entre la Communauté européenne et l'Iraq (COM [2003] 214 final) ;
N° E 2284. - Recommandation pour une recommandation du Conseil à la France visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif - Application de l'article 104, paragraphe 7, du Traité (SEC 516 final).