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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 28 MAI 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 27 mai 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

1.  Consultation des électeurs de Corse. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».
MM.
Bruno Le Roux,
Rudy Salles,
Michel Vaxès,
Jacques Barrot,
Paul Giacobbi,
Camille de Rocca Serra,
Simon Renucci,
Gérard Charasse,
René Dosière.
Clôture de la discussion générale.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Suspension et reprise de la séance «...»
MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault :
MM. Bruno Le Roux, le ministre, René Dosière, Pascal Clément, président de la commission des lois ; Camille de Rocca Serra. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er et annexe «...»

M. Paul Giacobbi.
Amendement n° 16 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois, le ministre, Emile Zuccarelli. - Rejet.
Amendement n° 17 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre, Paul Giacobbi, Emile Zuccarelli. - Rejet.
Amendement n° 18 de M. Le Roux : M. Bruno Le Roux. - Retrait.
Amendement n° 3 corrigé de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 4 de M. Giacobbi : M. Paul Giacobbi. - Retrait.
Amendement n° 19 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre, René Dosière. - Rejet.
Amendement n° 5 de M. Giacobbi : M. Paul Giacobbi. - Retrait.
Amendement n° 20 de M. Le Roux : M. Bruno Le Roux. - Retrait.
Amendements identiques n°s 6 de M. Giacobbi et 21 de M. Le Roux : MM. Paul Giacobbi, Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre, Rudy Salles, Emile Zuccarelli.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. Bruno Le Roux. - Retrait des amendements n°s 6 et 21.
Amendement n° 7 de M. Giacobbi, amendements identiques n°s 14 de M. Renucci et 41 de M. Salles, amendements n°s 42 de M. de Rocca Serra et 43 de la commission des lois, avec le sous-amendement n° 52 de M. Le Roux : M. Paul Giacobbi. - Retrait de l'amendement n° 7.
M. Simon Renucci. - Retrait de l'amendement n° 14.
M. Rudy Salles. - Retrait de l'amendement n° 41.
M. Camille de Rocca Serra. - Retrait de l'amendement n° 42.
MM. le rapporteur, Bruno Le Roux, le ministre. - Adoption du sous-amendement n° 52 et de l'amendement n° 43 modifié.
Amendement n° 8 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 8.
Amendement n° 9 de M. Giacobbi : M. Paul Giacobbi. - Retrait.
Amendement n° 47 de M. Salles : MM. Rudy Salles, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

Amendement n° 40 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre, René Dosière, Guy Geoffroy. - Rejet.
Amendements identiques n°s 10 de M. Giacobbi et 15 de M. Renucci, et amendement n° 22 de M. Le Roux : MM. Paul Giacobbi, le ministre, Simon Renucci, Bruno Le Roux, le rapporteur. - Rejets.
Amendement n° 11 de M. Giacobbi : M. Paul Giacobbi. - Retrait.
Amendement n° 44 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 23 de M. Le Roux : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 12 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 13 de M. Giacobbi, 45 de la commission, avec le sous-amendement n° 51 de M. Zuccarelli, et 39 de M. Zuccarelli : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, Emile Zuccarelli, le président. - Retrait de l'amendement n° 39.
MM. le rapporteur, le ministre, Paul Giacobbi, Emile Zuccarelli, Bruno Le Roux.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM. le rapporteur, Paul Giacobbi. - Retrait de l'amendement n° 13.
M. Emile Zuccarelli. - Retrait du sous-amendement n° 51.
M. le ministre. - Adoption de l'amendement n° 45 rectifié.
Adoption de l'article 1er et de l'annexe modifiée.

Article 2 «...»

Amendement n° 24 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 2.

Article 3 «...»

Amendement n° 1 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 2 de M. Giacobbi : MM. Paul Giacobbi, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 2 rectifié.
Amendement n° 27 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 3 modifié.

Après l'article 3 «...»

Amendement n° 25 de M. Le Roux : MM. Bruno Le Roux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 4 «...»

Amendement n° 46 corrigé de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 28 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 4 modifié.

Articles 5 et 6. - Adoptions «...»
Article 7 «...»

Amendement n° 29 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 30 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 38 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 7.

Article 8. - Adoption «...»
Article 9 «...»

Amendement n° 32 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur. - L'amendement n'a plus d'objet.
Adoption de l'article 9.

Articles 10, 11 et 12. - Adoptions «...»
Article 13 «...»

Amendement n° 33 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 13.

Article 14. - Adoption «...»
Article 15 «...»

Amendement n° 36 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 37 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 15.

Article 16 «...»

Amendement n° 34 de M. Zuccarelli : MM. Emile Zuccarelli, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 16.

Article 17. - Adoption «...»
EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Bruno Le Roux,
Camille de Rocca Serra,
Michel Vaxès.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi.
2.  Dépôt d'un rapport «...».
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
présidence de M. François Baroin,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

consultation des électeurs de Corse

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté
par le Sénat après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, organisant une consultation des électeurs de Corse sur la modification de l'organisation institutionnelle de la Corse (n°s 861, 870).

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, mes chers collègues, je l'ai déjà dit, je pense que nous disposons ce soir de tous les éléments pour avoir un débat serein. Il pourra certes être animé, puisque le sujet anime cette assemblée depuis de nombreuses années. Mais vous avez eu raison, monsieur le ministre, de le rappeler, il convient de l'aborder en toute humilité tant est forte la passion qui l'entoure, et je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit à ce sujet.
    La discussion que nous engageons s'inscrit dans le prolongement de nombreux débats relatifs à la Corse. Je me dois d'évoquer, comme vous l'avez fait vous-même, la création de la collectivité territoriale de Corse par les lois Deferre de 1982 et celle du statut particulier par la loi Joxe de 1991, qui ont abouti au cadre institutionnel actuel.
    Plus récemment, la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, issue de ce que l'on a appelé le processus de Matignon, exprimait la volonté du gouvernement de Lionel Jospin de trouver une solution politique à un problème politique, en ancrant durablement la Corse dans la République : il s'agissait d'assurer la vitalité des principes républicains tout en reconnaissant sa spécificité, en valorisant son identité, en l'accompagnant sur la voie du développement économique, culturel et social. Pour l'avoir vécu à la place qui est aujourd'hui la vôtre, monsieur le rapporteur, je peux vous dire que ce fut un débat passionnant, qui a su parfois, comme les deux débats précédents, transcender les clivages partisans. J'ai plaisir à rappeler l'engagement qui fut celui de quelques hommes dans ce débat. Je pense en particulier à la qualité du travail mené pendant plusieurs mois avec Jean Baggioni, président du conseil exécutif de Corse, avec José Rossi, président de l'Assemblée de Corse, sur l'île, et ici avec les députés corses. C'est ce travail qui nous a permis de surmonter les clivages habituels. Je n'oublie certes pas les cris qui ont accueilli mon rapport et je rappellerai tout à l'heure certains d'entre eux pour vous permettre de mesurer le chemin parcouru en deux ans. Mais je n'oublie pas non plus les quelques députés de droite, notamment Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy, qui eux n'ont pas protesté, quand ils n'ont pas, à l'extérieur de l'hémicycle, approuvé le principe de notre démarche. De sorte que l'immobilisme ne l'a pas emporté alors, à une époque où il fallait que le mouvement triomphe.
    Le processus de Matignon, qui est resté inachevé pour les raisons que l'on sait, avait pour ambition d'extraire la Corse des difficultés qu'elle rencontre depuis des décennies. Vous avez tout à l'heure fait référence au 22 août 1975, à la tuerie d'Aleria et à toute l'incompréhension qui est née de ce drame entre la Corse et un Etat alternant répression des terroristes et discussions avec eux, quand il ne s'agissait pas de concessions. Mais pendant vingt-cinq ans, en l'absence de trame politique, à cause de cette incompréhension entre l'Etat et nos concitoyens corses, nous n'avons pas su incarner, comme nous le faisons, je pense, depuis maintenant deux années, et comme vous continuez à le faire aujourd'hui, un processus politique dynamique, qui oblige chacun à prendre toutes ses responsabilités. Ce point est essentiel dans l'histoire de la Corse, afin que des réponses précises soient apportées à des questions précises, que les engagements pris soient réellement évalués, et que chacun soit comptable du rôle qu'il tient, des engagements qu'il prend, or, que le Gouvernement ait été de droite ou de gauche, cette méthode a été oubliée pendant des années. C'est pourquoi je veux rendre un hommage particulier à Pierre Joxe pour le travail qu'il a fait en Corse et la façon dont il a su mobiliser cette île.
    L'originalité du processus engagé par le gouvernement Jospin, par opposition à certaines pratiques passées, tenait pour l'essentiel à sa volonté de clarté et de transparence. Les discussions ont été menées avec tous les élus de Corse, choisis comme interlocuteurs parce que, issus du suffrage universel, ils étaient les représentants légitimes des citoyens.
    Le projet de loi que vous proposez aujourd'hui à notre discussion, monsieur le ministre, poursuit la logique de la politique qui a été menée en Corse ces dernières années, et qui doit conduire l'île au développement et à la paix. Et il me plaît de voir reconnue dans le rapport de mon collègue Geoffroy cette continuité entre le processus dit de Matignon et ce qui est proposé aujourd'hui. Il me plaît aussi, monsieur le ministre, que vous ayez pu souligner à cette tribune que la Corse mérite un traitement à part, respectueux de ses spécificités. Ce point nous séparait très largement de l'opposition de l'époque. Aujourd'hui, nous sommes tous d'accord dans cet hémicycle pour reconnaître la spécificité corse. Vous l'avez dit : pourquoi cette île ne pourrait-elle prétendre au même traitement que celui qui a permis aux autres îles européennes d'évoluer ? Et si, en fin de compte, cette évolution les a, non pas éloignées de leur métropole, mais a au contraire renforcé les liens qu'elles avaient avec elle, c'est parce qu'elles avaient les moyens d'assurer un développement qui se nourrissait de la reconnaissance des atouts dont elles disposaient. De la même façon, la Corse dispose aujourd'hui d'atouts qui lui sont propres, et nous aurions tort de refuser de reconnaître cette spécificité.
    Le Gouvernement et les parlementaires qui, auparavant, s'étaient farouchement opposés à ce processus, proposent désormais de modifier l'architecture institutionnelle de la région Corse par la création d'une collectivité unique et, de ce fait, la disparition des deux conseils généraux. Vous souhaitez consulter les Corses sur cette évolution rendue possible par la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, adoptée le 17 mars dernier. Nous, socialistes, avions annoncé dès le vote de la loi du 22 janvier 2002 notre volonté de consulter les Corses sur les processus qui devaient être mis en place dès que la Constitution le permettrait. Une consultation locale nous semble toujours opportune.
    Vous parlez de la légitimité des 190 000 électeurs,...
    M. René Dosière. Cela fait beaucoup !
    M. Bruno Le Roux. ... d'où l'importance de ne pas dévoyer cette légitimité. Ces 190 000 électeurs ont voté comme il est normal, aux élections présidentielle et législatives, il y a peu. Ils ont l'occasion d'exprimer leurs idées à toutes les élections. La consultation que nous leur proposons aujourd'hui ne les amènera donc pas à des urnes où ils n'auraient pas l'habitude de se rendre. D'où l'importance que cette consultation, quel qu'en soit le résultat, soit l'occasion pour qu'un véritable débat politique anime en profondeur la société corse ; et on sait combien elle en a besoin, et surtout envie.
    C'est pour cela, monsieur le ministre, que nous pensons que vous avez fait preuve de beaucoup de précipitation en fixant la date du référendum avant même de soumettre votre projet à l'Assemblée. Il est vrai que le rapporteur prend la précaution de préciser que ce référendum se déroulera « à une date qui sera très vraisemblablement le 6 juillet », ce qui est peut-être une façon de laisser ouvertes d'autres possibilités.
    J'entends dire que le camp du « non » est en train de progresser. Mais je n'oublie pas plus que vous que les sondages - on l'a vu à l'occasion d'autres consultations - se sont parfois bien trompés ! Cependant, je pense que le camp du « oui » est toujours plus difficile à mobiliser que le camp du « non », notamment s'agissant d'une consultation de ce type. Alors que le camp du « non » peut rassembler les oppositions les plus hétérogènes, on l'a vu à maintes occasions ; celui du « oui » a souvent besoin de clarté et d'objectifs précis pour se mobiliser, ceux qui se rassemblent derrière le « oui » ont besoin de savoir que ce qui les réunit est plus fort que ce qui les sépare. Je ne sais s'il est possible, aujourd'hui, de défendre un projet dont le flou est une des caractéristiques. Un tel flou, monsieur le ministre, dont on peut comprendre qu'il est destiné dans un premier temps à élargir le camp du « oui », ne risque-t-il pas au contraire de réunir ceux qui ne partagent pourtant pas la même ambition pour l'île ?
    Est-il possible de donner naissance à une nouvelle collectivité par voie de consultation populaire sans préciser le mode d'élection de cette collectivité ? Les Corses, je le répète, accordent une grande importance à ces questions politiques. Il leur faut aujourd'hui savoir quels seront les compétences de cette nouvelle collectivité, son fonctionnement, avec les conseils départementaux ou les conseils territoriaux, et son mode d'élection.
    Vous nous avez dit que le scrutin serait basé sur la proportionnelle, tout en respectant la spécificité corse. Nous avons déposé un amendement qui vise à laisser au groupe de travail que vous avez mis en place une certaine latitude pour fixer les deux éléments qui nous semblent pouvoir traduire une spécificité corse : la prime et le seuil. Il n'y a pas de difficulté à dire aujourd'hui qu'en dehors de ces deux points, puisque la Corse reste dans la République, il faut que le mode d'élection de ses conseillers régionaux soit le même que partout ailleurs sur le territoire. Opter pour le mode d'élection adopté il y a trois mois par l'Assemblée nous permettrait de clore ce débat, même s'il faut laisser ouvertes les questions du seuil et de la prime, qui peuvent être des éléments traduisant la spécificité de l'île, et sont aujourd'hui abordées au sein du groupe de travail.
    M. René Dosière. Très bien !
    M. Bruno Le Roux. Nous espérons ensuite que la parité sera instaurée dès cette loi, conformément aux indications formulées dans sa récente décision par le Conseil constitutionnel, à la suite de la saisine des parlementaires de gauche.
    M. René Dosière. Pas seulement de gauche !
    M. Bruno Le Roux. Mais l'ambiguïté quant aux compétences n'est pas la seule ambiguïté du texte, j'y reviendrai dans quelques instants.
    M. le président. Dans très peu de temps, monsieur Le Roux, car vous avez déjà dépassé votre temps de parole.
    M. Bruno Le Roux. J'aurai l'occasion d'y consacrer plus de temps tout à l'heure, monsieur le président.
    M. le président. Cette fois, vous allez trop vite !
    M. Bruno Le Roux. Pour conclure, je tiens à dire qu'il ne faut pas caricaturer les positions exprimées par les uns ou par les autres, notamment en ce qui concerne le procès des assassins du préfet Erignac, sur lequel un certain nombre d'observations doivent être faites. Nous ne disons pas qu'il faut reculer la date du référendum à cause du procès des lâches assassins du préfet Erignac. Il s'agit simplement, monsieur le ministre, de considérer la situation de notre pays et de la Corse, en particulier l'ambiguïté qui pèse sur le mode de scrutin et sur les compétences, deux points essentiels pour les Corses, et ainsi que ce procès, qui, sans justifier en lui-même quoi que ce soit, vient encore alourdir le climat actuel. Pensez-vous possible, dans les cinq semaines qui nous séparent de la date prévue, d'ajouter encore à tout cela un débat ambitieux ?
    Mobilisons les Corses : nous vous le demandons solennellement à cette tribune ; vous devez prendre le temps nécessaire pour assurer la réussite du « oui », pour mobiliser les citoyens de Corse en leur permettant de savoir véritablement pour quoi ils votent et organiser cette consultation à la rentrée, et non pas le 6 juillet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi représente une avancée démocratique incontestable. En effet, pour la première fois, nous soumettons à des électeurs un projet de réforme de leurs institutions locales. Cette consultation est rendue possible par la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, qui a introduit la possibilité de consulter les électeurs d'une collectivité dotée d'un statut particulier lorsqu'il est envisagé de modifier son organisation.
    Ainsi la révision constitutionnelle a-t-elle renforcé la démocratie en reconnaissant que la décentralisation doit passer par les citoyens. C'est la bonne démarche, la plus efficace, et il faut se féliciter que vous l'inauguriez, monsieur le ministre. Cette consultation est d'autant plus particulière et symbolique qu'elle concerne le territoire de Corse. La Corse a vu, depuis plus de trente ans, des drames aux conséquences inégales se jouer. L'île de Beauté connaît depuis le milieu des années 70 un déchaînement de violence rare sur le territoire français. La paix civile est apparue plus d'une fois menacée. Certains pensaient effrayer la République. Ils ont échoué, car nos institutions sont fortes et la « majorité silencieuse » des Corses n'a jamais approuvé ces actes. A cette violence s'ajoutent les difficultés de développement économique, touristique et culturel. La Corse dispose néanmoins de nombreux atouts qui n'ont pas été valorisés à bon escient.
    Le défi que nous devons relever est de répondre à ces deux problèmes. Nous le savons tous ici, le rôle de l'Etat dans ce débat est primordial. Longtemps, il fut considéré comme le bouc émissaire, le responsable premier des problèmes des Corses. S'il doit assumer une part de responsabilité, nous savons tous aujourd'hui que, pour sortir de ces temps difficiles, la solution doit être politique. La Corse doit disposer d'institutions locales efficaces qui lui permettront de relever ces défis. Pour cela, le Gouvernement a choisi la voie du dialogue et de la fermeté. Mais surtout, il a choisi la voie de la responsabilité.
    L'organisation institutionnelle est un enjeu majeur. Il faut donner aux Corses les moyens de dessiner leur chemin, qui leur permettra ce retour à la paix civile et au développement économique, touristique et culturel qui devrait être le leur. Ce chemin est un chemin politique, dont l'organisation institutionnelle constitue la première étape. Et ces institutions, les Corses doivent les choisir. C'est pourquoi nous leur proposons une consultation sur leur avenir institutionnel. Le groupe UDF approuve très largement cette méthode qui valorise la démocratie. L'affaire est d'importance. Elle pourrait même être historique si l'on allait jusqu'au bout du raisonnement. Le projet de nouvelle organisation de la Corse ouvre en effet de nouvelles perspectives pour la décentralisation de l'ensemble du territoire national.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Exactement !
    M. Rudy Salles. Au cours des réunions de la commission des lois, notre rapporteur a insisté sur le fait qu'il fallait rendre les institutions corses plus lisibles et mettre un terme à l'enchevêtrement des compétences entre les différentes collectivités. C'est vrai en Corse, mais aussi sur le continent. Chacun sait bien que le fonctionnement de nos institutions décentralisées et leurs compétences respectives sont souvent méconnus de nos concitoyens. Or la démocratie ne doit pas être l'apanage des initiés.
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Rudy Salles. Elle doit être appréhendée également par tous les citoyens. Une réforme des institutions territoriales sur l'ensemble du territoire est donc, pour l'UDF, une nécessité. C'est pourquoi notre groupe appelle de ses voeux d'autres consultations de ce type là où cela se justifie.
    Mais cet exercice de consultation ne va pas sans difficultés. Il est primordial de bien doser les exigences de négociation et de consensus local sans jamais oublier les prérogatives premières de la représentation nationale. Et je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement n'a pas oublié que c'est la fonction du Parlement, et d'aucune autre instance, de voter la loi.
    Toutefois, si le « oui » était majoritaire lors de la consultation, le Parlement pourrait difficilement aller à l'encontre de la volonté des Corses. C'est dire toute l'importance du texte que nous présentons en annexe, car le projet de loi statutaire que nous adopterons, probablement à l'automne, devra en suivre les grands principes.
    Voilà pourquoi il est souhaitable que nous ayons un vrai débat sur les points essentiels de cette annexe. Ce débat a été ébauché en commission. Il mérite d'être affiné en séance publique et j'espère que vous pourrez apporter toutes les réponses aux questions que nous nous posons.
    Venons en au fond. Quelles sont les grandes dispositions que vous proposez aux Corses ? Il s'agit d'abord de leur proposer un système nouveau. On vient de reconnaître, sans le dire, que la meilleure façon de donner à un territoire du dynamisme et de la responsabilité politique, bref de lui redonner un second souffle démocratique, c'est de simplifier les échelons politiques. Dans ce projet, il est enfin reconnu que c'est la collectivité régionale qui est la bonne échelle pour conduire une politique décentralisée. Mieux : on institue en fait la région Corse en fédération de deux anciens départements chargés de mettre en oeuvre la politique régionale. C'est en allant dans ce sens que l'on en finira avec les doublons incompréhensibles, les fameux enchevêtrements dont nous parlions.
    Ainsi les Corses diront s'ils acceptent que la Corse, composée actuellement d'une collectivité territoriale et de deux départements, devienne une collectivité unique qui décidera, avec l'Assemblée de Corse, du budget et de la stratégie d'ensemble de développement de l'île. Dans cette nouvelle organisation, chacun des membres de l'Assemblée de Corse - ou certains d'entre eux, comme le prévoit un amendement de notre rapporteur adopté ce matin en commission - siègerait dans l'un des deux « conseils territoriaux » chargés de mettre en oeuvre la politique décidée au niveau régional.
    En fait, cette nouvelle organisation correspond à ce que l'UDF demande depuis longtemps : cela revient à fédérer les départements en région. Ce principe de fédération est le seul qui respecte les deux exigences de notre temps : la préservation des identités et l'efficacité de l'action publique. C'est pourquoi l'UDF approuve très largement cette mesure. Elle doit même être le point de départ d'un débat plus large sur la multiplication des échelons administratifs et politiques dans le reste du pays, comme je le disais au début de mon propos. J'espère que le Gouvernement nous proposera bientôt ce débat.
    Mais pour que ce système fonctionne, une condition nous paraît importante, c'est que le mode de scrutin qui désignera les élus de l'assemblée corse permette à la fois la représentation des courants politiques et des territoires.
    L'actuelle rédaction du projet de loi prévoit un mode de scrutin proportionnel dans le cadre d'une circonscription unique avec une répartition des sièges dans le cadre de sections géographiques. La taille des sections serait déterminée par les commissions spécialisées que vous avez mises en place et qui sont composées d'élus insulaires. Les Corses devraient donc avoir des précisions avant la consultation, conformément à ce que vous vous êtes engagé à faire, monsieur le ministre. Mais ce n'est pas le cas du Parlement. En effet, nous allons adopter un texte très vague qui sera précisé après notre vote, mais l'annexe nous engage puisqu'il nous sera très difficile, voire impossible, de revenir sur le texte qu'auront approuvé les Corses. C'est pourquoi il nous apparaît fondamental d'avoir des précisions sur le mode de scrutin.
    Le groupe UDF est opposé à un mode de scrutin purement proportionnel. Le mode de scrutin, je l'ai dit, doit garantir à la fois la représentation des territoires et des opinions, tout en assurant la proximité avec les élus. Les exigences de représentation des opinions sont évidentes et sont respectées par le mode de scrutin proportionnel. En revanche, l'exigence de représentation des territoires ne serait a priori pas respectée par le texte, ou en tout cas beaucoup plus difficilement. Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez, lors des débats au Sénat, expliqué que les secteurs géographiques pourraient éventuellement représenter les arrondissements, voire sept territoires.
    De telles sections seraient à même d'assurer une juste représentation des territoires, mais il existe une troisième exigence en matière de mode de scrutin, qui est le lien de proximité fondamental entre l'élu et l'électeur. C'est ainsi qu'ont toujours été déterminés, à juste titre, les modes de scrutin des conseils généraux. Cette exigence a été rappelée par le Président de la République et par le Premier ministre.
    En novembre 2001, le Président Jacques Chirac déclarait devant l'Association des maires de France : « Toute collectivité doit être en mesure de mobiliser les capacités d'action nécessaires pour bien rendre les services que la loi lui confie et que les citoyens attendent d'elle. Trop grande et trop lointaine, elle n'aurait pas une bonne compréhension des hommes et des réalités. Elle se perdrait alors dans les règles et les procédures, qui sont les alliées les plus fidèles de la bureaucratie. » Tel est effectivement le danger qui guetterait la future assemblée de Corse avec un mode de scrutin qui serait strictement proportionnel.
    Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, dans son discours devant les assises des libertés locales, a défendu la nécessité des départements au nom de la proximité. Son objectif : « Des départements proches, des régions puissantes face à de nouvelles responsabilités. »
    M. François Sauvadet. Très bien !
    M. Rudy Salles. Les conseils territoriaux étant chargés des politiques de proximité, leur mode d'élection doit refléter cet objectif.
    Enfin, les élus corses eux-mêmes souhaitent cette proximité. En effet, si l'idée d'une consultation fait l'unanimité des élus, l'architecture actuelle du texte est, elle, discutée en grande partie du fait du mode de scrutin. La Corse est composée en majorité de communes rurales qui sont trop éloignées des centres de décision et pour lesquelles les conseillers généraux font le lien entre leurs préoccupations et les institutions. Un mode de scrutin uniquement proportionnel risquerait d'éloigner les élus régionaux des électeurs.
    M. François Sauvadet. Tout à fait !
    M. Rudy Salles. La suppression des conseils généraux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse et l'application du principe proportionnel peuvent avoir pour effet de distendre ce lien de proximité entre les conseillers généraux et la population de l'île. Or chacun connaît le rôle majeur joué par ces élus de proximité, notamment dans les zones rurales.
    M. François Sauvadet. Absolument !
    M. Rudy Salles. Pour être juste, un mode de scrutin doit assurer la représentation équilibrée des hommes et des territoires. Ce lien ne peut exister que si certains élus représentent des secteurs géographiques de faible taille, le canton par exemple. Or un tel mode de scrutin existe et est appliqué dans plusieurs pays, notamment en Allemagne et en Ecosse : il s'agit du scrutin mixte alliant un scrutin proportionnel de liste à circonscription unique et un scrutin majoritaire uninominal, propre à pérenniser ce lien de proximité. Ce mode de scrutin a fait ses preuves et n'a jamais été un obstacle ni à la constitution de majorités fortes, grâce à la prime majoritaire, ni à la représentation de l'ensemble des sensibilités politiques, qui est l'un des objectifs premiers de cette réforme. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement ouvrant la possibilité d'un tel mode de scrutin.
    Le débat est donc encore ouvert, mais le Parlement doit voter une annexe qui mérite d'être précisée. Il nous semble important qu'une telle proposition figure dans l'annexe, afin de ne pas fermer les options au moment de l'examen de la loi statutaire. En vérité, une majorité souhaite un mode de scrutin qui garantisse un lien de proximité et, bien qu'inédit en France, le mode de scrutin que nous proposons est justement la réponse la plus simple à cette triple exigence partagée par tous.
    Enfin, je ferai appel à votre esprit d'ouverture, monsieur le ministre, ainsi qu'à l'esprit de responsabilité de notre assemblée. Il est toujours difficile de revenir sur une partie importante d'un texte, mais comme vous avez su le montrer jusqu'à aujourd'hui au travers des différents projets de loi que vous avez défendu, vous faites preuve d'une grande capacité d'écoute.
    Quant à vous, mes chers collègues, je souhaite que vous entendiez les arguments de bon sens que j'ai dévelopés et qui, finalement, n'ont été contestés par personne au sein de la commission des lois. Notre élection repose notamment sur l'engagement que nous avions pris de rapprocher les pouvoirs et la population. Il s'agit aujourd'hui de mettre en application cet engagement. Je souhaite que, sur ce point aussi, le débat nous permette de répondre à cette exigence qui ouvrira la voie d'un réel fonctionnement démocratique efficace en Corse. C'est le premier pas pour garantir l'avenir de la Corse mais ce ne sera pas le seul. En effet, chacun sait bien que les différentes réformes administratives menées dans l'île depuis vingt ans n'ont pas mis un terme aux problèmes que nous connaissons.
    Cette fois, nous sommes en présence d'un projet plus ambitieux et qui résulte d'une concertation approfondie. Cela devrait lui donner plus de chances de réussir que ceux qui l'ont précédé. C'est en tout cas le souhait que j'exprime à cette tribune, au nom du groupe UDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Corse vit ces derniers jours, et aujourd'hui encore, sous le signe d'une mobilisation sociale de grande ampleur. Les 13, 19 et 23 mai, jours où théoriquement vous auriez dû vous rendre en Corse, monsieur le ministre, 20 000 personnes - femmes, hommes, jeunes, salariés du public et du privé, enseignants, gaziers, électriciens, marins, cheminots, employés - ont choisi de faire entendre leurs attentes réelles et urgentes dans la rue, démocratiquement.
    Force est donc de constater que la réforme institutionnelle que vous leur proposez ne soulève pas chez eux un grand enthousiasme. L'organisation d'une consultation des électeurs de Corse sur la modification du statut particulier de la collectivité territoriale, dont la mesure principale tend à supprimer les départements, semble en effet quelque peu décalée au regard de leurs besoins. Votre priorité ne rencontre pas celle des Corses. Le flou et les imprécisions parfois choquantes de l'annexe au projet de loi ajoutent à l'inquiétude des Corses, qui devront d'abord voter et ne découvriront qu'ensuite le détail et la portée réelle de votre réforme.
    Pourquoi inverser les priorités et vouloir supprimer ces deux échelons importants de la démocratie locale ? Une fois encore, une fois de trop, certains le disent même dans vos rangs, les problèmes de la Corse sont abordés par la voie institutionnelle alors que, jusqu'à présent, toutes les politiques de ce type ont débouché sur des déconvenues.
    Le plan exceptionnel d'investissement, pour lequel les élus et députés communistes ont beaucoup fait, reste un réel espoir, car il devrait soulager la Corse de plusieurs handicaps qui font obstacle à son développement. Sa mise en oeuvre rapide et à long terme, sur quinze années comme prévu, est indispensable. Nous avons bien sûr noté avec satisfaction que les conventions ont été signées ou qu'elles ont fait l'objet de décrets d'application. Mais, précisément, l'urgence n'est-elle pas à présent de contribuer à l'émergence de projets concrets par un soutien technique auquel l'Etat ne peut se soustraire ?
    Pourquoi ne pas avoir forcé la marche de ce soutien logistique à la réalisation des investissements exceptionnels dont le principe et le niveau de financement ont été décidés par la loi adoptée lors de la précédente législature ?
    Pourquoi, si le souci majeur du Gouvernement est la concertation, ne pas avoir ouvert un large débat public sur la programmation, la nature et le contenu des projets du développement ? Si vous aviez ouvert ce dialogue, nous vous aurions soutenu sans aucune réserve. Au lieu de cela, vous vous êtes rendu en janvier dernier devant la Commission européenne à la tête d'une délégation d'élus, à laquelle les élus communistes n'ont d'ailleurs pas voulu participer, pour demander le maintien de la zone franche. Ce choix demeure, à nos yeux, significatif d'une orientation libérale contraire à la justice sociale et fiscale, contraire aux nécessités du développement de la Corse, de son identité et de sa culture, contraire au progrès social.
    En fait, les priorités de l'immense majorité des Corses ne sont pas celles du Gouvernement. Dès lors, nous comprenons mieux votre objectif d'enfermer les Corses dans une réponse binaire - oui ou non - afin d'obtenir le blanc-seing qui vous permettra d'ouvrir une expérimentation institutionnelle supplémentaire dont la logique sera ensuite appliquée à l'ensemble du pays. La disparition des conseils généraux dotés de personnalité morale et de l'autonomie financière est une étape décisive vers une Europe fédérale des régions où la Corse aura plus à souffrir que d'autres de la perte des garanties de la solidarité nationale. La création des conseils territoriaux sans pouvoirs, sinon ceux que la collectivité territoriale unique voudra bien leur concéder, n'est qu'une phase intermédiaire.
    Alors pourquoi cette collectivité unique, sinon pour concentrer tous les pouvoirs et tous les moyens entre quelques mains qui auront encore plus de mal à résister aux exigences de bandes organisées de toutes sortes ?
    M. Maxime Gremetz. Allons-y : il faut décentraliser !
    M. Michel Vaxès. Pourquoi s'attaquer aux départements, contre l'avis des conseils généraux, alors que, sur cette question, l'ensemble des forces politiques, à l'exception des communistes, est divisé ? On notera en revanche que les deux partis nationalistes, qui sur ce sujet parlent d'une même voix, appellent à voter « oui » sans cacher qu'il s'agit pour eux d'un pas supplémentaire dans leur marche vers l'indépendance. Dès lors, comment ne pas s'indigner des déclarations de certains de vos amis, et non des moindres puisque M. Poncelet en fait partie, indiquant que celles et ceux qui voteront « oui » voteront pour l'avenir et l'apaisement et que ceux qui voteront « non » feront le choix de l'immobilisme et de la violence ? Cette convergence d'appréciation sur le sens du vote entre votre majorité, l'UMP, et les partis nationalistes est pour le moins troublante.
    Un sondage récent indiquait voilà trois semaines que 62 % des Corses étaient favorables à votre projet. Je suis persuadé qu'en ce moment les pourcentages sont en train de s'inverser. Au fur et à mesure que le débat se déploie, les Corses découvrent la face cachée de cette entreprise qui fissure le pacte républicain. Ils se rendent compte que la vérité se situe à l'opposé de ce que disent de concert l'UMP et les partis nationalistes.
    C'est au contraire seulement en refusant de plébisciter votre politique que les Corses préserveront la possibilité d'une évolution positive de la situation dans l'île. En votant « non » à ce référendum, ils sortiront de la voie institutionnelle car, à l'évidence, la suppression des départements posera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.
    A qui fera-t-on croire que le chômage, la cherté de la vie, les bas salaires, la mise en cause des services publics cesseront quand cesseront d'exister les départements ?
    Quant à croire que ce plébiscite mettra un terme au chantage à la paix des nationalistes clandestins, c'est une chose à laquelle les Corses eux-mêmes ne croient pas. C'est pourquoi ils ont le sentiment, une fois de plus, que cette concession ne mettra pas un terme à la violence et au terrorisme qui gangrènent la Corse aussi sûrement que l'affairisme et la dérive mafieuse.
    Pour isoler politiquement les adeptes de la violence et stopper la dérive mafieuse, nous avons besoin d'une autre démarche. Il s'agit de construire avec les Corses des avancées démocratiques et sociales qui répondent à leurs attentes.
    La Corse a également besoin de transparence et de démocratie pour sortir d'une impasse où les repères républicains fondamentaux sont brouillés, au point de favoriser la recrudescence des actes racistes et xénophobes, comme ceux perpétrés à Ajaccio en janvier dernier contre l'association antiraciste Ava Basta, ou fin avril, contre les locaux de l'Union des Marocains, qui abritent une mosquée, et, enfin, comme ceux de lundi dernier à Bastia.
    La Corse a besoin de logements sociaux, d'infrastructures de communication, d'équipements, de services publics, avec les moyens nécessaires pour répondre aux attentes des usagers.
    Monsieur le ministre, il faut donner à la Corse les moyens d'exprimer réellement toute la richesse de sa spécificité. Il faut donner aux Corses les moyens de travailler et de vivre dignement sur cette terre si belle et si attachante.
    Nous avons toujours plaidé pour que soit engagée une telle politique. Ainsi, tout en isolant ceux qui refusent l'action démocratique et populaire, deviendrait-il possible de rassembler toutes les énergies citoyennes et responsables, c'est-à-dire celles de la grande majorité des Corses, pour la construction de leur avenir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mais cela, le voulez-vous vraiment ? Nous en doutons, tout simplement parce que les objectifs du Gouvernement sont ailleurs. Votre priorité, c'est le remodelage des institutions de la République dans la perspective d'une Europe mettant en oeuvre les orientations ultralibérales du projet de refondation sociale écrit par le MEDEF.
    Pour justifier votre proposition de référendum en Corse, dont certains chauds partisans du « oui » demandent déjà le report, la seule argumentation, peu glorieuse, que vous avancez, dans des termes qui dissimulent mal d'ailleurs, une certaine arrogance, voire un certain mépris à l'égard des citoyens corses et de leurs représentants, est de prétendre que l'existence des deux départements serait un obstacle à la définition d'un projet global et cohérent pour la Corse.
    Faut-il en premier lieu vous rappeler que vos amis dirigent la région depuis 1984 sans interruption ? Faut-il également insister sur certains aspects positifs des lois de 1982, 1991 et 2002, aspects positifs que vous-même reconnaissez ? Faut-il vous rappeler que la collectivité territoriale dispose de tous les moyens pour élaborer son plan d'aménagement depuis l'adoption de la loi de 2002 ?
    Comment prétendre comme vous le faites, qu'en Corse, personne n'est responsable d'une stratégie d'ensemble car personne n'en aurait les moyens, que personne ne réfléchit à un développement d'ensemble parce que personne n'en aurait la responsabilité, que tout le monde se mêlerait de tout dans la plus grande incohérence ?
    Monsieur le ministre, donnez donc vraiment la parole aux Corses en permettant une véritable concertation qui débouchera sur une consultation non contrainte. C'était le sens de la proposition de loi que nous avions déposée en décembre 2000, visant précisément à consulter vraiment les Corses sur le processus dit de Matignon. Cette proposition permettait de donner enfin à la dimension participative de la démocratie la place qu'aujourd'hui encore vous lui refusez.
    Ne poussez pas les Corses dans l'enfermement que votre référendum suscite en réduisant une question d'avenir à une seule réponse se résumant à un oui ou à un non.
    Vous pourrez alors vérifier que les Corses sont capables de définir une stratégie d'ensemble, globale et cohérente, qu'ils ont l'intelligence de leur territoire et de leur culture, qu'ils ont la capacité de se mêler de l'essentiel pour peu qu'on leur en donne les moyens et le pouvoir.
    Mais cette parole-là, ces moyens-là et ce pouvoir-là, vous les leur refusez, de la même façon que votre gouverment refuse d'entendre aujourd'hui les exigences du mouvement populaire. C'est précisément pour cela aussi qu'en Corse comme sur le continent grandit l'idée qu'il n'y a point de salut sans un peuple rassemblé dans la diversité de ses cultures, dans la communauté de ses revendications et dans l'unité de son action pour construire un autre avenir que celui que vous dessinez.
    Soyez assuré que les élus communistes et républicains, en Corse comme dans cette assemblée, seront de ce combat-là et, pour toutes ces raisons, qu'ils voteront contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Voilà une bonne nouvelle !
    M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot.
    M. Jacques Barrot. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à souligner, au nom de l'ensemble du groupe UMP, l'importance que nous attachons à cette démarche nouvelle que vous proposez à nos compatriotes corses. Notre collègue Camille de Rocca Serra aura l'occasion d'exprimer leur souhait et de marquer lui aussi combien cette nouvelle étape est importante pour la Corse. Je veux aussi remercier Guy Geoffroy, notre rapporteur, qui a exposé les enjeux de ce texte.
    M. Gérard Léonard et M. Michel Hunault. Un excellent rapporteur !
    M. Jacques Barrot. D'emblée, je veux exprimer notre attachement aux hommes et aux femmes de Corse, à celles et à ceux qui ont décidé de sortir de l'ornière de la violence et de la désespérance, à celles et à ceux qui croient en un avenir de paix et de développement au sein de la République. Je me réjouis que ce soit avec eux et pour eux que nous utilisions pour la première fois les nouvelles libertés offertes par la révision constitutionnelle du 28 mars dernier. La Corse sera ainsi la première région française à en tirer profit. Sa spécificité et son histoire justifient la priorité qui lui est ainsi donnée.
    Monsieur le ministre, je tiens aussi à saluer, au nom du groupe UMP, votre courage et votre détermination. Dès votre arrivée, vous avez en effet pris les dossiers à bras-le-corps en vous rendant à maintes reprises sur place afin de dialoguer avec les élus et tous les acteurs de la société civile. C'est à votre énergie et à votre pragmatisme que nous devons aujourd'hui ce débat qui offre à la Corse une nouvelle architecture des pouvoirs, plus appropriée à la spécificité de l'île, et c'est grâce à votre détermination que, pour la première fois, nos compatriotes Corses pourront se prononcer sur leur propre avenir.
    Vous avez choisi une approche globale de l'avenir de la Corse et de ses problèmes dans toutes leurs dimensions. Ainsi, la recherche d'une meilleure organisation institutionnelle s'accompagne d'une lutte déterminée contre toutes les formes de violence. Et celle-ci ne vous dispense pas d'apporter une attention soutenue au développement économique. Il n'y avait pas de raison de mettre des préalables à cette démarche institutionnelle. Comme vous l'avez dit il faut mener de front ces trois chantiers.
    Vous avez donc voulu rassembler le plus grand nombre d'élus et d'acteurs de l'île autour d'un projet institutionnel innovant. Mais cela ne vous empêche pas, parallèlement, de créer les conditions d'un vrai développement économique : à Bruxelles, vous avez fait valoir les raisons qui justifiaient un statut fiscal dérogatoire. Ainsi, les entreprises bénéficieront d'un crédit d'impôt dont le taux sera généralisé à 20 %. En outre, l'effort d'investissement public en faveur de la Corse va se poursuivre pour pallier les carences en infrastructures.
    Cela me rappelle un souvenir personnel. Alors ministre du commerce et de l'artisanat, je m'étais passionné pour l'installation des chambres de métiers dans l'île, considérant qu'il fallait que nous nous occupions très activement de la vie économique et de ses acteurs, qui pouvaient progressivement assumer l'avenir de la Corse. Merci pour tout ce que vous faites dans ce domaine.
    J'en viens à l'organisation qui nous est proposée, aujourd'hui. Il s'agit d'un statut innovant. La Corse va pouvoir se doter de structures correspondant au besoin d'une plus grande cohérence, mais aussi d'une attente de vraie proximité. La collectivité unique, dotée de deux conseils territoriaux très articulés entre eux, devrait s'avérer bénéfique : d'une part, une collectivité qui définit les orientations, la stratégie de développement, qui assume la responsabilité de la cohérence générale, et, de l'autre, un échelon de proximité bien adapté à la mise en oeuvre des orientations. Vous avez donné tout à l'heure l'exemple du RMI. Je pourrais en donner d'autres. Pour être moi-même à la tête d'une communauté départementale, je reste convaincu que cette forte imbrication de l'échelon territorial, qui reprend l'échelon départemental d'hier, avec l'échelon régional, est incontestablement le moyen de concilier efficacité et proximité.
    La Corse devrait ainsi surmonter les inconvénients d'une prise de décision parfois trop longue, trop confuse, trop enchevêtrée, et bénéficier d'un processus décisionnel plus efficace, à la mesure des nouvelles compétences qui lui seront confiées. Je suis de ceux qui pensent que cette nouvelle donne inspirera peut-être de nouvelles régions françaises,...
    M. Marc Le Fur. Très bien !
    M. Jacques Barrot. ... tant il est vrai que nos compatriotes ont du mal à s'y retrouver dans les financements croisés et dans les enchevêtrements de compétences. A mon sens, il s'agit non pas de faire disparaître un échelon territorial de proximité mais de l'ancrer dans une institution régionale plus apte à veiller à la cohérence des politiques.
    Cependant, la décentralisation ne doit pas entraver l'action de l'Etat ni l'empêcher de jouer son rôle. Plus de décentralisation signifie non pas un Etat au rabais, mais un Etat plus réactif, plus efficace car modernisé dans son fonctionnement.
    Je ne sais pas si notre rapporteur me permettra cette expression : il me semble que nous allons permettre, à travers les travaux de la commission, un véritable travail préfectoral, exercé davantage en équipe et en réseau qu'aujourd'hui.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Très bien !
    M. Jacques Barrot. Et je suis convaincu pour ma part que ce modèle de travail préfectoral a des chances de s'imposer dans les années à venir dans la mesure où il conforte l'efficacité de l'institution préfectorale tout en lui donnant une modernité qui lui fait parfois défaut.
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. Jacques Barrot. C'est ainsi qu'il faut progresser, selon moi.
    Certes, il faudra ajouter à cette architecture nouvelle une très bonne répartition des compétences. A cet égard, monsieur le ministre, vous avez bien distingué le socle des compétences exclusives, qui sont la garantie que la Corse disposera d'un pouvoir décentralisé fort,...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vrai !
    M. Jacques Barrot. ... le socle minimum de compétences attribuées aux conseils territoriaux et, enfin, des possibilités de délégation qui introduiront une souplesse évolutive intéressante.
    Je ne reviendrai pas sur le mode de scrutin, à propos duquel notre rapporteur a dit des choses très intéressantes. L'important, c'est d'assurer une bonne représentativité. Celle-ci - et Camille de Rocca y reviendra - s'entend de tous les territoires, de la ruralité comme de la ville. Et elle s'entend de manière générale, à travers un scrutin qui doit permettre, comme vous l'avez dit, de représenter les minorités sans pour autant priver la région d'une majorité d'action.
    Ce nouveau mode de scrutin va également introduire la parité. Nous saluons les femmes corses, qui ont réussi, à travers toutes leurs actions, à exprimer la volonté de promouvoir une culture démocratique moderne, faite de débats et de confrontations. Oui, elles doivent pouvoir jouer un rôle essentiel dans l'animation de cette nouvelle collectivité unique qui deviendra un espace public propice au débat, mais aussi aux décisions. Et pour la Corse, comme pour beaucoup de régions françaises, l'enjeu de la parité n'est pas la parité hommes-femmes stricto sensu. C'est aussi celui d'une vie politique plus tolérante, plus conforme à l'idée républicaine.
    Nos compatriotes corses attendent beaucoup de cette démarche décentralisatrice. Et la République attend elle aussi beaucoup de la consultation électorale à laquelle les femmes et les hommes de Corse vont être appelés. Il va en effet leur appartenir de prendre la parole, de saisir les chances que leur offre cette nouvelle organisation. Cette consultation, qui est une première dans l'histoire de la Corse, leur permettra de s'approprier individuellement des institutions régionales et locales qui sont le produit d'une élaboration collective. En se dotant de cette organisation innovante, les Corses manifesteront leur volonté de faire réussir leur territoire au sein de la République. Car tel sera bien le sens de cette consultation.
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. Jacques Barrot. Les femmes et les hommes qui se prennent en charge, qui entendent prendre toute leur part dans l'émulation des régions françaises, vont pouvoir ainsi affirmer leur volonté d'être corses dans une République française décentralisée.
    C'est pourquoi tous les membres du groupe UMP vous apportent leur soutien déterminé non seulement ce projet, mais toutes les démarches dont vous avez pris l'initiative pour redonner aux Corses de solides raisons d'espérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec un plaisir de gourmet que j'ai entendu M. Barrot parler de cette réforme tant de fois conspuée. Au fond, en politique, il ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau. »
    M. Gérard Léonard. Ce n'est pas un beau procès !
    M. Paul Giacobbi. Ce texte est d'une importance capitale, Bien au-delà de la Corse, il inaugure un nouveau principe et une nouvelle méthode pour l'organisation territoriale de notre République. Pour la première fois, du moins sur le territoire métropolitain, une consultation populaire est organisée pour recueillir l'avis des citoyens concernés par une proposition de réforme des collectivités locales. C'est aussi, quant au principe, la première fois que l'on admet que les stuctures des collectivités locales peuvent être adaptées à la géographie. Vous le savez, jusqu'ici, un schéma identique s'imposait partout, jusqu'à l'absurde. Il fallait partout un département, une région, une commune. L'application de ce principe a été poussée jusqu'à faire coexister deux collectivités différentes sur un territoire parfaitement identique. C'est le cas outre-mer, c'est le cas à Paris, dans des conditions de simplicté qui laissent pantois la plupart des commentateurs et des observateurs.
    Ce principe de l'adaptation des structures aux réalités géographiques, cette méthode de la consultation populaire préalable seront sans doute mis en oeuvre dans l'avenir partout où le débat existe, et il n'existe pas qu'en Corse, ...
    M. Jacques Barrot. Tout à fait !
    M. Paul Giacobbi. ... c'est-à-dire sans doute au moins en Normandie, en Savoie, en Alsace et au Pays basque. Personnellement, en tant que député de la Corse, c'est-à-dire de la France tout entière, je tiens à le souligner dans ce débat.
    C'est aussi, évidemment, un débat capital pour notre région, pour la Corse. Celle-ci a connu successivement deux départements, puis un seul, puis à nouveau deux. On lui propose aujourd'hui une collectivité unique regroupant conseils généraux et région, mais une collectivité déconcentrée avec des conseils départementaux ressemblant singulièrement aux conseils d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille, tandis que demeureraient deux départements, circonscriptions administratives de l'Etat, avec à leur tête des préfets. A ceux qui disent que la République est ébranlée, je ferai remarquer que les évolutions précédentes de l'organisation territoriale de la Corse ont permis à l'Empire, à la Monarchie sous ses deux ou trois formes et à la République sous deux ou trois versions de résister parfaitement. De ce point de vue, je crois pouvoir assurer à la République l'innocuité de la réforme.
    Mais surtout, après tant d'années de décennies, peut-être même de siècles, c'est la première fois que la parole est donnée aux citoyens de Corse. Au-delà de la réforme elle-même, de son objet ou de son intérêt, le seul fait de poser une question, et la manière de la poser, constituent en soi un événement politique essentiel.
    M. Gérard Léonard. Bel hommage !
    M. Paul Giacobbi. Ce débat aurait dû intervenir dans une grande sérénité. Il semble malheureusement se perdre quelque peu dans la confusion et, je le dis à regret, la précipitation du calendrier rend difficile de procéder aux clarifications indispensables dans le délai imparti.
    Si l'on remonte un peu dans le temps, on se souvient que tout le monde, en Corse, a appelé de ses voeux la simplification administrative et politique de l'île. Lors du débat sur la bidépartementalisation en 1975 - mes chers collègues, je ne vais pas très loin, mais devant M. Fillon, qui m'a reçu en tant que représentant d'un parti, j'ai évoqué la loi de 1853 sur la retraite : je fais donc des progrès -, deux parlementaires ont fait part de leurs doutes, pour ne pas dire de leur opposition. Le député Nicolas Alfonsi, dont la circonscription était du reste à cheval sur ce qui est aujourd'hui la Haute-Corse et la Corse-du-Sud, avait dit ici même, avec l'éloquence et le talent qu'on lui connaît : « On ne coupe pas la Corse en deux. » C'était une belle formule. Mais quand on veut à nouveau la réunir,...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il s'en plaint !
    M. Paul Giacobbi. ... il semble encore déçu. Finalement, l'insatisfaction est peut-être le ressort de l'homme ! (Sourires.)
    M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ce n'est pas faux !
    M. Paul Giacobbi. Quant au sénateur François Giacobbi, il avait déclaré au Sénat que si l'on voulait réparer l'injustice faite à Bastia et au nord de la Corse - comme l'Empereur est né à Ajaccio, et je ne dis pas cela à l'encontre de mon ami et collègue Simon Renucci, il est vrai qu'on a eu tendance à déplacer l'administration -, il n'était pas nécessaire de rompre « l'unité administrative et politique de la Corse », mais qu'il aurait suffi d'implanter des services publics à Bastia et de leur déléguer certains pouvoirs. Selon François Giacobbi, pour résumer, il ne fallait pas employer le marteau-pilon de la bidépartementalisation pour écraser la mouche du déséquilibre administratif du nord de la Corse.
    Plus récemment, le 10 mars 2000, au début de ce que l'on a appelé le « processus de Matignon » - je n'aime pas beaucoup ce terme, pas plus que l'expression de road map, feuille de route, les cinquante et un membres de l'Assemblée de Corse se sont prononcés sans ambiguïté en faveur du retour à la collectivité unique. Je ne résiste pas au plaisir de citer la motion ayant obtenu la majorité des membres de l'Assemblée de Corse, même si ce n'est pas un grand morceau de littérature. Je crois y avoir pris ma part, comme quelqu'un d'autre, d'ailleurs. Je le fais après Camille de Rocca Serra : bis repetita placent ! Cela vaut la peine d'être répété puisqu'on nous donne des leçons en permanence, puisqu'on nous réplique que la République est atteinte, qu'à cause de cela, elle va crouler, disparaître, et que le ver est dans le fruit. Eh bien, voilà, le ver que ces spécialistes horticoles introduisaient déjà : « La simplification de la carte administrative, tant pour l'Etat que pour les collectivités locales, doit être mise en chantier. Dans ce cadre, la réunion de l'échelon départemental et territorial peut être envisagé comme il adviendra peut-être dans les autres régions. » - je crois entendre M. Barrot, voire M. Sarkozy - « La simplification de la carte administrative et politique n'est acceptable que si elle se traduit par un meilleur service de proximité pour les usagers, par le maintien de l'emploi, par une représentation politique équilibrée des différentes parties et micro-régions de l'île à l'Assemblée de Corse... ». Mais n'est-ce-pas ce que nous disons aujourd'hui, les uns et les autres ?
    Il est tout de même curieux que cette perspective soit maintenant devenue un crime, un attentat contre la République !
    Bien des éléments vont dans le sens de la clarté pourtant. Il faut une fois encore les rappeler.
    En premier lieu, la Corse compte 270 000 habitants. Qui peut croire qu'il faille, pour l'administrer, deux départements, une région ainsi que 360 communes ? Non seulement, cela n'est pas nécessaire, mais c'est pernicieux. Chaque fois que je rencontre un collègue du continent qui m'interroge sur les raisons de la réforme, je lui demande combien d'habitants compte son département. Et j'en déduis, en référence à la Corse, le nombre de régions et de départements qu'il lui faudrait pour obtenir pareille « proximité » ! Rappelons que la collectivité de Corse unique, avec ses 270 000 habitants, serait bien moins peuplée que la plupart des départements français. Monsieur le ministre, vous connaissez bien les Hauts-de-Seine ! Moi aussi, j'y suis né et j'y habite ! A cette aune-là, il faudrait, je suppose, quatre ou cinq régions et une bonne dizaine de départements. Et que l'on ne me dise pas que la proximité est mieux assurée dans les Hauts-de-Seine qu'en Corse ! Figurez-vous que j'ai calculé qu'il fallait nettement plus de temps pour traverser en voiture votre département que la Corse.
    Notre vie publique est en permanence altérée par cette complexité. Soyons concrets, puisque tout le monde le réclame, tel ce collègue qui a parlé de ce qu'il fallait vraiment à la Corse. Ne prenons qu'un exemple. Sachez qu'aujourd'hui il faut à peu près deux ans pour mener à bien le processus de montage financier d'un réseau d'assainissement d'eau ou interviennent l'Agence de l'eau, le département au titre du Fonds national d'adduction d'eau potable et, sur ses fonds propres, la collectivité territoriale de Corse. En outre, les différences de règles procédurales pour la liquidation des financements rendent l'exécution de ces opérations encore plus longue et difficile, voire aléatoire. Je vais même vous faire une confidence, monsieur le ministre, mes chers collègues : je ne crois pas qu'il soit possible, sans faire un faux, d'obtenir les financements définitifs. Les règles étant différentes, il faut mentir à un moment ou à un autre sur la date de début des travaux.
    M. Gérard Léonard. C'est vrai ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Est-ce possible ? (Sourires.)
    M. Paul Giacobbi. Excusez-moi de l'avouer devant le directeur général des collectivités locales ! (Sourires.) Il constatera que, malheureusement, c'est souvent vrai, surtout lorsque la DDA met six mois pour prendre un arrêté ! Quand on sait le retard de la Corse en matière de réseaux d'eau et d'assainissement, ce n'est pas une question secondaire : elle est même primordiale !
    Après cinq années au conseil général, où je crois ne pas avoir chômé, je puis vous citer de multiples exemples de cette effroyable complexité et vous affirmer que, dans ces conditions, l'exécution du programme exceptionnel d'investissement sera à peu près sûrement, si l'on en reste là, un échec. J'admire ceux qui, n'ayant jamais exercé la fonction de conseiller général et très peu celle de conseiller régional, peuvent discourir sur le fonctionnement quotidien de ces institutions. C'est un défaut très corse ! Bien souvent, nous faisons comme les gens de qualité qui savent tout sans avoir jamais rien appris.
    La réforme mettra fin à un débat institutionnel qui a, certes, passionné depuis trente ans la Corse, et parfois la France entière, y compris cette assemblée, mais qui a aussi empoisonné la vie de ce territoire et qui n'a d'ailleurs pas été sans conséquences pour la vie politique nationale. Tout le temps qui a été consacré à ce débat nous a aussi éloignés des questions pratiques et concrètes.
    Ensuite, le débat situe très clairement le problème de la Corse et les solutions qui doivent lui être trouvées dans le cadre de la République française. C'est précisé dans le projet. Le cadre, c'est celui de la Constitution, valable en Corse comme ailleurs.
    Enfin, un point a été clairement tranché : il ne saurait être question de dire qu'il existe un « peuple corse distinct du peuple français » et dont l'existence serait juridiquement reconnue. J'ai assez combattu cette notion pour me réjouir aujourd'hui qu'elle ne fasse plus débat, ni ici ni ailleurs. Et je n'aurai pas la cruauté de rappeler à certains républicains autoproclamés leur faiblesse passée pour ce concept.
    M. Pascal Clément, président de la commission, M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et M. Mansour Kamardine. Très bien !
    M. Paul Giacobbi. Nous devrions donc, pour toutes ces raisons, connaître un débat serein et facilement compréhensible pour tous, et notamment pour les citoyens de Corse qui seront amenés à se prononcer.
    Malheureusement, depuis quelques semaines, la confusion et le trouble sont apparus et je vais y revenir très vite, monsieur le président, avec votre indulgence.
    Les éléments les plus troubles et les plus violents de la famille nationaliste se sont mis en action pour multiplier les attentats et bien affirmer leur refus de toute réforme qui ferait aller la Corse un peu mieux. Quand on se nourrit - dans tous les sens du mot - du trouble, l'apaisement, la stabilité et l'efficacité des politiques publiques sont évidemment des menaces, des ennemis qu'il faut combattre. Ces gens-là s'y sont employés.
    D'autres ont multiplié les déclarations plus choquantes les unes que les autres à l'occasion du sinistre anniversaire de l'assassinat du préfet Claude Erignac. Je tiens ici à affirmer solennellement que la Corse, ce ne sont pas les quelques dizaines de personnes qui n'ont pas eu la pudeur, face à la souffrance et au deuil d'une famille, de s'abstenir de justifier ce crime odieux. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    La Corse, notre Corse, ce sont les dizaines de milliers de personnes - j'y étais, avec d'autres - qui sont, à l'époque, descendues dans la rue et qui ont défilé en une foule immense et spontanée, rendant hommage à un serviteur de l'Etat. La Corse a porté le deuil de Claude Erignac comme celui d'un parent. Dans la tristesse, dans le silence, qui n'a été troublé que par les applaudissements saluant le cercueil de notre préfet quand il quittait la préfecture, à Ajaccio, la Corse a rendu un hommage que les déclarations indignes ne peuvent faire oublier ou ternir.
    Enfin, la famille nationaliste a dit à cette réforme un « oui » pervers et inacceptable. Oui, ont-ils dit, parce que ce serait la première étape d'un processus devant conduire à tout autre chose. Je le déclare aussi très clairement : dire oui à cette réforme, c'est accepter de clore le débat institutionnel, c'est accepter la République et ses lois, c'est accepter de renoncer à toute forme de violence. S'il y a des gens qui ne sont pas d'accord avec cela, il serait préférable qu'ils disent franchement non.
    Bien entendu, ce premier trouble a été exploité sans vergogne par tous ceux qui disent non par principe à tout et qui considèrent que tout va mal, en déduisant aussitôt de cette constatation qu'il ne faut rien changer. Si, Tomaso di Lampedusa, bon connaisseur des méridionalités, disait qu'il fallait que tout change pour que rien ne bouge, eux prétendent qu'il ne faut rien changer, surtout quand tout va mal.
    Je voudrais à cet égard rappeler qu'il ne faut pas galvauder la République, elle est un terrain neutre. En Grande-Bretagne, on disait autrefois qu'un gentilhomme n'utilisait jamais ce mot ; je dirai la même chose, si vous le permettez, des républicains.
    Il y a peut-être aussi, monsieur le ministre, le trouble jeté parfois par vos amis politiques, et je le dis sans intention polémique. Ceux qui, après avoir ardemment combattu la perspective de cette réforme, continuent de le faire assidûment par une campagne sournoise, mais active, en faisant mine, en public, de l'approuver solennellement. Ils répandent en disant qu'ils ont obtenu de vous l'assurance d'un mode de scrutin qui leur donnerait la victoire, et exposent déjà dans le détail, calculs à l'appui, les stratégies qu'ils mettent en oeuvre et les succès qu'ils emporteraient par la grâce de ce mode de scrutin, voire d'un découpage ajusté à leur main.
    Vous avez aussi, monsieur le ministre, sans doute, à votre corps défendant, entretenu parfois la confusion et le trouble. Vous avez mis en place des groupes de travail sur des questions essentielles comme le mode de scrutin et la répartition des attributions entre les différents échelons de la future collectivité unique. Les réunions ne se sont pas très bien passées.
    M. le président. Il faut conclure, s'il vous plaît.
    M. Paul Giacobbi. M. Zuccarelli a parlé une heure et demi. Je serai plus bref et j'ai quand même quelque chose à dire.
    M. le président. Vous devez respecter le temps qui vous a été imparti.
    M. Paul Giacobbi. Si je ne m'exprime pas maintenant, je le ferai lors de la discussion des articles.
    M. le président. Continuez !
    M. Paul Giacobbi. J'irai très vite, rassurez-vous.
    Il apparaît aujourd'hui qu'aucune conclusion ne pourrait être tirée de ces groupes de travail avant plusieurs semaines, donnant, peut-être à tort, le sentiment que l'on a fait sien l'adage selon lequel « On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment ». Vous connaissez la formule et ses conséquences.
    Votre discours, monsieur le ministre, et celui du Premier ministre ont été clairs et convaincants au moins sur un point. Vous avez affirmé que la réforme n'aurait pas d'incidence sur les circonscriptions administratives de l'Etat qui ne partageraient pas le sort des conseils généraux et demeureraient en Haute-Corse et en Corse-du-Sud, avec les préfets et les services extérieurs de l'Etat dans chaque département. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les travaux de la commission des lois ne nous ont pas éclairés. Ils ont encore contribué au trouble que j'espère voir dissipé.
    Alors, monsieur le ministre, il nous faudrait faire campagne, à nous les partisans du « oui », à ceux qui comme moi ont souhaité cette consultation et cette réforme. Mais il n'est pas facile de faire campagne quand on ne sait pas trop comment répondre à certaines questions.
    Quel sera le mode de scrutin de la future collectivité ? Je n'en sais rien. Si on m'interroge sur l'organisation des attributions au sein de la collectivité unique, je dois répondre, « c'est en discussion » et quand arrive la question des services de l'Etat en Haute-Corse, je dois confesser que je n'ai aucune garantie, ni même aucune certitude.
    Au surplus, nous vivons une époque troublée sur le plan social. L'amalgame n'est pas le fait de ceux qui font grève sur le problème des retraites mais il est encouragé par tous ceux qui veulent le trouble : retraite, décentralisation de l'éducation nationale, décentralisation en Corse, comme c'est facile !
    Il faut avoir clarifié trois questions au moins un mois avant le scrutin : le mode de scrutin, la répartition des compétences au sein de la collectivité unique, l'incidence de la réforme sur les services de l'Etat à Bastia comme à Ajaccio et sur l'ensemble du territoire. Il faut aller vite. J'aurais souhaité que le 6 juillet ne soit pas une date butoir. Nous pouvons tout de même nous donner un peu de temps. La démocratie va de pair avec la sérénité et la transparence.
    Mes chers collègues, je suis président du conseil général de Haute-Corse depuis cinq ans. Pourtant, je souhaite ardemment retrouver l'unité administrative et politique de la Corse. Quelqu'un peut-il être aussi attaché à l'intérêt général qu'il accepte de sacrifier un mandat essentiel ? Y a-t-il ici beaucoup de présidents de conseils généraux qui accepteraient aussi facilement ce sacrifice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non !
    M. Paul Giacobbi. Peu suspect d'être opposé à cette réforme par intérêt ou par principe, je rappelle seulement, humblement mais fermement, qu'elle ne peut réussir que dans la clarté et la sérénité. C'est ce que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.
    M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est un moment d'intense émotion pour moi que de m'exprimer ce soir devant vous. Vous avez dit, monsieur le ministre de l'intérieur, que la Corse était une terre de passion, et c'est avec passion que je m'adresse à vous. Mais c'est aussi en citoyen français de Corse, élu de la nation, et avec toute la force du souvenir de ces Corses, Français de Corse, morts pour la France. C'est enfin en républicain convaincu, pour faire partager à notre assemblée la souffrance de ceux qui aiment la République dans une île meurtrie qui est terre de France.
    A peine souhaite-t-on consulter les électeurs de Corse sur la réforme de l'organisation institutionnelle que déjà je lis et que j'entends, ici ou là, que l'on ne pose pas la bonne question ! Si la bonne question est : « Les Corses souhaitent-ils rester dans la République ? », je vous livre la réponse : la Corse, c'est la France ! Et je vous mets en garde. Cette question insidieuse de l'appartenance de la Corse à la nation française profite à l'infime minorité séparatiste. La Corse est terre de France, je le répète. Je sais que nous récoltons aujourd'hui les fruits amers de décennies d'incompréhension réciproque et d'une violence, devenue malheureusement continue, qui envahit l'ensemble de notre société dans ses dimensions économique, sociale et politique.
    Je sais que les républicains que nous sommes ont tous été meutris par le lâche assassinat d'un homme qui était le plus haut représentant de ce que nous aspirons à défendre : les valeurs humanistes de la République. Je veux parler de Claude Erignac, ce républicain, ce Français de France, ce Français de Corse. Oui, de Corse parce qu'il a servi la République en Corse et qu'il était corse parmi les Corses, parce que, être corse, c'est être français. Rien ne pourra justifier, expliquer, ni escuser ce lâche assassinat. Aujourd'hui, à la veille du procès qui va s'engager, rien ne serait pire pour nous que de voir la République reculer alors qu'elle doit avancer. La République doit condamner les coupables, sanctionner sans faiblesse, avec sérénité. Au nom du grand serviteur de l'Etat que fut Claude Erignac, de ce qu'il a laissé en Corse, il faut agir. Nous avons pleuré et son sang s'est mêlé au nôtre, c'est le sang d'un Français. Alors, au nom de sa mémoire, il faut que la République revienne en Corse.
    La société corse vit une situation de sclérose et souffre d'une forme d'incommunicabilité. Trop d'années ont été perdues parce que la République n'a pas su être constante, parce que l'action de l'Etat n'a pas été continue et n'a pas toujours su apporter la bonne réponse. Nous avons connu une période de « yoyo » - excusez cette expression - et la Corse perdait confiance. En même temps, de l'autre côte de la Méditerranée, la communauté nationale ne comprenait plus ce que la Corse attendait. La lisibilité de l'action publique était faible, le discours politique des représentants de la Corse incompris.
    Comment peut-on laisser une telle situation perdurer ?
    C'est tout à votre honneur, monsieur le ministre, de rétablir la permanence de l'Etat en Corse. La question, en effet, est moins de savoir si la Corse doit être dans la République que de savoir si la République doit être présente en Corse.
    Vous l'avez dit, vous êtes déterminé. Vous entendez lutter sans faiblesse contre l'insécurité et contre la violence. En même temps, vous avez compris les particularités de la Corse, parce que vous avez su entendre. Vous connaissez la Corse. Vous avez su l'aimer, et c'est parce que vous l'aimez que vous comprenez qu'il n'est pas possible de la laisser dans la situation actuelle. Certains considèrent cette situation comme une fatalité. Nous sommes recroquevillés dans nos peurs et c'est ce qui a pu faire dire à nos anciens que la Corse ne serait pas heureuse. Vous avez décidé de renoncer à cette vision. Pour vous, il n'y a pas de fatalité et, c'est pourquoi vous avez décidé que l'action de l'Etat devait s'établir dans tous les domaines.
    Vous avez une stratégie que je partage : d'un côté, la République est présente et assure la protection des citoyens en Corse comme ailleurs ; de l'autre, soucieux du développement économique, social et culturel de l'île, vous respectez son identité et sa particularité. Qui peut nier que la Corse soit une île ? C'est son insularité qui fait en grande partie sa particularité. Mais n'oublions pas non plus que c'est une île sous-peuplée, une micro-société, un micro-marché, composée de surcroît de montagnes et de vallées. La Corse est complexe et souffre de ses handicaps.
    Dès votre premier voyage, vous nous avez rendu l'espoir en nous montrant que, au milieu de ces handicaps, il y avait des atouts et qu'il n'y avait pas lieu de se résigner à cette fatalité, à la spirale de la violence, ou encore au non-développement. Quel est le républicain, le défenseur des libertés, le défenseur de la démocratie qui peut accepter la violence ? Celle-ci est illégitime. Nous la condamnons et la République se doit de lutter contre elle, en Corse comme ailleurs. Il n'y a pas de fatalité.
    En même temps, pour moi, qui dit République dit solidarité, main tendue, générosité. Vous avez offert à la Corse d'ouvrir une porte sur l'espoir. Vous lui proposez une ouverture politique. La question corse est en effet une question politique qui pose en même temps celle de la République.
    Les autres gouvernements ont souvent buté sur cet aspect.
    Le précédent a eu la sagesse et la clairvoyance d'ouvrir le débat et de procéder à des consultations. La question qu'il a posée n'était pas partisane, mes chers collègues, c'était véritablement la question de la République et elle dépassait les clivages : comment voyez-vous l'avenir de la Corse ? Quelle est aujourd'hui votre lecture de la situation de l'île, et comment sommes-nous arrivés à cette situation ? Nous y avons répondu. Il y a eu un accompagnement de notre part.
    Mais le gouvernement d'alors a buté sur deux obstacles constitutionnels. Tout d'abord, il fallait assurer la sécurité juridique du dispositif, car elle ne l'était pas dans tous les domaines. L'autre obstacle était la consultation de l'ensemble des Corses, qui se révéla impossible. Le gouvernement se résigna donc à consulter les seuls élus de l'île.
    Il commit également une erreur, je le dis sans animosité. Vous connaissez bien, en particulier M. Le Roux, la permanence et la cohérence de mon discours sur ce sujet. Cette erreur, la seule, était d'imaginer que la deuxième phase de ce qu'on appelait le « processus » ne pourrait être engagée qu'à la condition qu'il y ait la paix. C'était le préalable. C'était faire jouer un rôle immérité à la violence. Elle ne peut pas entrer en ligne de compte dans le débat public, dans le débat démocratique. Elle est illégitime. La Corse fait partie de la République. Donc nous devons condamner et combattre la violence sous toutes ses formes. C'est votre mérite, monsieur le ministre, d'avoir engagé cette action déterminée.
    Au-delà de cette différence, je me félicite de la continuité de l'action de l'Etat. Il était temps de renverser la tendance qui fait qu'à chaque alternance - s'il y a alternance, et je ne la souhaite pas, croyez-moi - on assiste à des divergences, voire à des revirements par rapport aux positions précédentes. Il fallait surtout rompre avec ce qui a trop souvent été l'apanage des gouvernements précédents : compromis tournant à la compromission, négociations trop souvent secrètes. Nous avons aujourd'hui l'avantage de la transparence et de la clarté.
    Il faut dire tout ça, il ne faut pas nier les évidences. Il ne faut pas nier ce qui a été notre passé et qui a conduit à une impasse. Monsieur le ministre, vous avez su débloquer la situation et vous avez, dans la transparence, avec la force de vos convictions et sans complaisance aucune, dit quelles étaient les responsabilités des uns et des autres.
    Nous avons les nôtres en tant qu'élus de la Corse. J'ai été conseiller général pendant quatorze ans, conseiller territorial pendant quatre ans, je suis maire de la troisième ville de Corse depuis 2001, pour ne pas dire depuis 1997, et j'ai l'honneur de siéger à vos côtés, mes chers collègues, en tant que parlementaire. Je ne nierai pas nos responsabilités. La première est l'absence de lisibilité. Nous nous sommes habitués à la situation que nous vivons, comme si elle était presque naturelle. Les propos des uns et des autres ont montré que cette posture était parfois intéressante : action-réaction ; un camp contre l'autre ; chacun reste campé sur ses positions et nous continuons à nous dire que nous sommes capables de résister malgré tout.
    Mais la Corse, elle, a-t-elle avancé ? Non ! Qui a avancé ? la violence sournoise, permanente. La démission des uns et des autres a conduit à cette situation.
    Monsieur le ministre, au-delà de votre analyse, je partage votre ambition. Votre projet a une force essentielle : il rompt avec la situation présente. Tout va mal, et l'on ne devrait rien changer, jamais ! Il nous faut renoncer au renoncement, renoncer à la fatalité, nous mettre en mouvement. Je n'ai jamais considéré la ligne Maginot comme la meilleure défense. La meilleure défense, c'est l'offensive.
    Soyons offensifs et constructifs. La République ne peut pas rester immobile. Elle ne peut pas voir une région, une terre de France s'enfoncer, malade, et la laisser agoniser. Celà relève de notre responsabilité, à nous tous, sur tous les bancs. C'est l'affaire de la République.
    Vous avez eu une méthode que d'aucuns ont qualifiée de marche forcée, trop volontariste.
    M. Gérard Léonard. Bonapartiste !

    M. Camille de Rocca Serra. Vous avez répondu que vous portiez assistance à personne en danger, à société en danger, à Français en danger, et je vous en remercie. Je vous remercie également d'avoir tenté, au-delà de vos propres convictions, de rassembler tous les Corses sur une adhésion.
    La question que vous posez est en même temps une réponse pratique. Qui peut nier que la clarification et la simplification administratives soient une bonne chose ? Je l'entends dire en Corse, comme ailleurs, depuis plus de dix ans. Et cela a été affirmé lors d'un vote auquel j'ai moi-même participé - et je resterai cohérent avec moi-même - le 10 mars 2000 par au moins vingt-six élus de l'Assemblée de Corse dont certains sont devenus, entre temps, amnésiques. Entre le 10 mars 2000 et le 27 mai 2003, il s'est écoulé deux ans. Peut-on parler de précipitation ? Le débat institutionnel sur la Corse n'existait-il pas avant ? Il a toujours existé et, au prétexte qu'il aurait été pour certains une revendication idéologique, il ne faudrait surtout rien changer !
    Si nous voulons donner satisfaction à ceux qui sont contre la République, il faut surtout ne pas bouger et refuser systématiquement toute proposition. Voyant cela, ils ne manqueront pas de dire : « Regardez : c'est tellement figé qu'il faut bien passer outre et utiliser d'autres méthodes ! »
    La force du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, sous l'autorité du Président de la République et sous votre impulsion, monsieur le ministre, est de ne pas avoir attendu. Le cadre institutionnel, la réforme constitutionnelle le permettant, il fallait mener une action urgente pour la Corse et c'est ce que vous avez fait. Vous lui apportez une réponse essentielle en lui proposant de simplifier et de clarifier !
    L'efficacité est la cohérence de l'action publique. Mais il est une autre dimension de votre action qu'il ne faut pas négliger car elle est importante et politique. Pouviez-vous laisser, en effet, ces enfants de France désunis ? Vous tentez de nous rassembler ! C'est un effort énorme, peut-être impossible, mais vous l'aurez tenté.
    Dans le premier discours que vous avez prononcé à Ajaccio, au mois de juillet, vous nous avez dit que le moment de l'action approchait, que le train allait partir et que vous attendiez tous ceux qui étaient de bonne volonté, tous ceux qui voulaient construire au lieu de détruire. Vous avez ajouté que l'on n'attendrait pas indéfiniment et qu'il faudrait à un moment donné que le train démarre. Cela veut dire que vous tendez la main à ceux qui ne pensent pas comme vous. Je fais de même parce que je crois que la République se doit de rassembler et de ne pas laisser des enfants égarés. Il y a encore un espoir pour que certains rejoignent les rangs de la République, respectent ses principes, ses valeurs et ses lois. C'est notre devoir d'oeuvrer en ce sens. C'est le devoir de la République parce que la République, c'est l'intégration.
    Il faudra à un moment donné faire un choix et il y aura nécessairement un clivage. Où sera ce clivage ? Avec ceux qui n'ont pour inspiration que la violence et ne voient d'avenir que dans la violence, avec ceux qui refusent l'espoir d'une vie meilleure, ceux qui ne respectent pas les principes fondamentaux de la République et ne permettront pas à la société corse de se développer. La société corse, républicaine, française, démocratique, ne supportera pas la violence. D'ailleurs, ceux qui l'utilisent se condamnent.
    En même temps que nous tendons la main, nous devons agir contre ceux qui ne respectent pas les valeurs fondamentales. Et c'est ce que vous faites.
    Vous offrez à la consultation populaire un texte dont il ne faut pas sortir. Il ne faut pas s'égarer. Répondons à la question qui est posée et non à celle qui ne l'est pas. En tant que maire de la troisième ville de Corse, je peux vous parler de la complexité des procédures pour monter un projet du fait de l'enchevêtrement des compétences, des niveaux, des strates, des règlements qui se superposent et se contredisent. Lorsque vous demandez un financement public pour un investissement structurant, vous n'êtes jamais sûr du moment où vous aurez l'arrêté de subvention, les modalités divergeant selon les règlements.
    Vous le voyez, l'objectif est l'efficacité. De la consultation, il devrait résulter adhésion, action, pragmatisme, efficacité, cohérence et stabilité. Il faudrait être bien fort pour demander au peuple de défaire ce qu'il aura lui-même décidé.
    La stabilité et la durée sont nécessaires en Corse pour résoudre à la fois le problème de la violence et celui du développement économique, pour lequel il faut aussi des moyens adaptés. Vous avez contribué à l'octroi de ces moyens, monsieur le ministre, puisque vous avez été le premier, en 1994, à soutenir l'idée d'un statut fiscal pour la Corse. Vous vous en êtes souvenu lorsque vous nous avez accompagnés pour essayer d'obtenir de la Communauté européenne des aides publiques supplémentaires, la dérogation dont nous avions tant besoin et la prolongation de la zone franche.
    Vous avez accompagné le développement de l'île en permettant au programme exceptionnel d'investissement - d'être plus efficace et plus rapidement mis en oeuvre grâce à son inscription sur une ligne unique dans le budget de votre ministère. L'efficacité et la transparence fondent votre action, une transparence qui doit se poursuivre car, au-delà de la réforme institutionnelle, nous devons garantir la lisibilité politique par le mode de scrutin.
    Mais je ne suis pas comme certains, je n'en fais pas un préalable. C'est la réforme institutionnelle qui doit conduire celle du mode de scrutin et non l'inverse. C'est le mode de scrutin qui doit être en cohérence avec la réforme. Si nous voulons rester fidèles à notre souci d'efficacité et de cohérence nous n'avons pas beaucoup de choix. On parle de proximité, de territorialité, et on cherche par tous les moyens à écarter toute solution. Il est vrai que, là comme ailleurs, il n'existe pas de modèle parfait, il y a toujours un choix à faire. Pour moi, je ferai celui de l'efficacité, de la stabilité, de la transparence et de la responsabilité ; la Corse en a besoin. Oui, l'élu que je suis souhaite qu'en Corse comme ailleurs nous ayons la responsabilité politique d'assumer en toute transparence devant nos concitoyens les moyens nouveaux, les pouvoirs nouveaux et les compétences nouvelles qui nous seront donnés.
    Le mode de scrutin devra répondre à ces principes. De même, le transfert ou l'organisation des compétences entre la collectivité unique, l'assemblée de Corse et les conseils territoriaux devra se faire selon le principe qui a guidé le transfert des compétences entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse après le vote de la loi de 2002, à savoir le principe de subsidiarité.
    Si l'on reste fidèle aux principes, on ne peut pas se tromper.
    M. le président. Je vous demander de bien vouloir conclure, mon cher collègue : votre temps de parole est expiré.
    M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le ministre, il n'y a pas de temps à perdre. Ceux qui invoquent la précipitation se trompent. Trop de temps a déjà passé. Ceux qui cherchent des prétextes, des attitudes, des effets de manche ou restent figés dans leur posture se trompent également et ne servent ni la Corse ni la République. Je suis à vos côtés et le groupe UMP vous suit parce que la Corse a besoin de la République et parce que, comme l'a dit le Président de la République, vous lui offrez une chance. Cette chance pour la Corse est également une chance pour la France. Merci de nous offrir l'espoir. Nous gagnerons ensemble, je n'en doute pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.
    M. Simon Renucci. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon ami Camille de Rocca Serra a parlé de vérité. La vérité commande en tout cas de rendre ce qui leur revient au gouvernement précédent et à Lionel Jospin, qui ont eu le courage de prendre à bras-le-corps et en toute transparence une situation difficile et de faire ce que d'autres, à leur place, n'auraient peut-être pas osé.
    M. Paul Giacobbi. Très bien !
    M. Simon Renucci. Comprenez que j'étais obligé de répondre à Camille de Rocca Serra sur ce point précis. Ce qui ne m'empêche pas de dire que le projet de loi aujourd'hui soumis à l'examen et au vote des représentants de la nation est historique
    Historique car, pour la première fois, par la grâce d'un riche et long processus dont le gouvernement actuel a accepté l'héritage, bien qu'il ait été engagé par d'autres, dont je fus, les Corses auront à se prononcer sur l'avenir institutionnel de leur île. J'ai la faiblesse de croire, non sans fierté, que l'exception corse, si souvent dénigrée, pourrait en cette occasion se transformer, pour le plus grand bénéfice de la République et de la démocratie, en modèle corse. Oui, mes chers collègues, la Corse, comme c'est finalement le cas depuis 1982, va devenir pour toute la nation un exemple à suivre. Et je me réjouis particulièrement que les Corses éprouvent les premiers la possibilité que leur ouvre la nouvelle rédaction de l'article 72 de notre Constitution.
    Le député d'opposition que je suis, l'opposant résolu à la politique économique du Gouvernement et plus encore à sa politique sociale, a sur le dossier corse, par conviction, par respect de la parole donnée, et par volonté d'en finir avec les errements du passé, décidé de poursuivre, loin des clivages idéologiques entretenus, l'oeuvre de rénovation et de modernisation de l'architecture des pouvoirs de l'île. Je l'ai fait dans un esprit de dialogue, d'ouverture, de tolérance, de transparence. Je l'ai fait également dans le respect des électeurs qui m'ont honoré de leur confiance. Je l'ai fait enfin parce que je crois qu'il est des moments dans l'histoire où les hommes de bonne volonté doivent s'unir...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui !
    M. Simon Renucci. ... pour choisir, dans la sérénité, l'optimisme et le progrès.
    L'historien et écrivain Antoine de Lévis-Mirepoix prétendait qu'il n'y a guère d'expérience des peuples, ce qui revenait à dire que ceux-ci ne peuvent être instruits. Je veux m'inscrire avec force contre cet aphorisme pessimiste pour vous dire justement qu'instruits des drames du passé nous ne voulons plus les vivre à nouveau.
    L'architecture institutionnelle moderne ainsi soumise au jugement du peuple, avec des pouvoirs normatifs forts, des moyens financiers importants, des programmes d'investissement inédits et une simplification administrative indispensable, fournira un nouvel horizon à l'ambition de nos concitoyens. Pour des raisons morales, pour renforcer l'efficacité de ces mesures et parce que nous vivons dans une démocratie, les dérives, les désordres et les violences doivent cesser.
    Je sais qu'il n'y a pas, en matière institutionnelle, de vérité révélée. Il n'y a pas non plus de réponse institutionnelle qui puisse régler une fois pour toute le devenir des peuples, des nations, des régions, en Corse comme ailleurs. Le monde bouge et les hommes avec lui. Mais la situation actuelle de la Corse ne me satisfait pas, pas plus que je ne me satisfais des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales. Le développement des responsabilités locales est pour moi un objectif permanent et une de mes convictions profondes.
    C'est précisément pour ces raisons que je suis depuis le début, c'est-à-dire depuis ma candidature au conseil général à Ajaccio, un partisan de la réforme. Dans une île qui compte 250 000 habitants, 360 communes, des établissements publics de coopération intercommunales sans cesse plus nombreux, deux départements, une collectivité territoriale, des chambres consulaires, des offices, des agences, une administration étatique déconcentrée, que sais-je encore ?, seule une réforme de simplification et de rationalisation peut conduire au progrès.
    Au cours des décennies précédentes, faute de moyens, de vision d'ensemble et de coordination dans la mise en oeuvre des politiques publiques, nous n'avons pas pu empêcher l'exode rural, bâtir des infrastructures dignes d'un pays moderne, permettre le développement économique que réclamait notre jeunesse, contrainte à l'exil.
    Je ne puis me résoudre à cette fatalité. Je ne puis me résoudre au manque d'ambition pour la Corse, pour les Corses et pour la nation tout entière. Aujourd'hui, seule la réforme peut favoriser la mise en place d'institutions modernisées au service d'une politique économique et sociale ambitieuse et d'un élan renouvelé au service du peuple.
    La réforme, ce n'est pas l'aventure,...
    M. Paul Giacobbi. Très bien !
    M. Simon Renucci. ... l'immobilisme oui. Et l'histoire nous enseigne que des hommes sincères peuvent malgré eux saper les bases sur lesquelles ils comptaient s'appuyer. L'aventure serait de croire, alors que tout est mouvement, que les forces vives et la jeunesse peuvent rester prisonnières d'un corset élaboré en d'autres temps, par d'autres générations, pour d'autres hommes et d'autres défis. Les réformateurs, puisqu'il est question d'eux, ne sont pas moins attachés à la patrie, à l'hymne, au drapeau, à la République et à la France que ceux qui revendiquent une continuité frileuse héritée de l'Ancien Régime.
    M. Bruno Le Roux et M. Paul Giacobbi. Très bien !
    M. Simon Renucci. Il est des aventuriers immobiles, il est des conservatismes qui conduisent à l'exaspération, mais il est aussi, fort heureusement, des réformateurs républicains. Nous en sommes.
    Notre pays est une terre de traditions, terre d'identité mais aussi terre de rencontres et d'échanges. Autour de nous, en Europe et ailleurs, des modèles différents nous sont proposés. Sous l'impulsion de François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Defferre, la France a, dans un sursaut, tourné le dos à plusieurs siècles de centralisation sclérosante. Les défis de la modernité lui imposaient le changement. Le général de Gaulle lui-même en avait anticipé la nécessité avant d'en payer le prix. D'autres défis, cette même modernité qui avance inexorablement, imposent aujourd'hui à la Corse de baliser une nouvelle voie, d'éclairer un nouveau chemin.
    Il est réconfortant en pareil cas, mes chers collègues, de se soumettre au jugement du peuple - peuple qui doit, c'est évident, c'est notre rôle et notre responsabilité, être informé sereinement du choix qui s'annonce.
    En premier lieu, et c'est la condition sine qua non, il doit répondre à la question qui lui est posée et non à celles qui ne sont pas soumises à son vote et qui pourraient varier au gré des humeurs du moment et des stratégies politiciennes. La question est la suivante : « Approuvez-vous les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de la Corse ? »
    Pour ma part, vous l'avez compris, je voterai oui. Oui à la collectivité territoriale nouvelle. Elle symbolise la simplification, la rationalisation et la modernisation de l'architecture institutionnelle de la Corse. Elle rétablit l'unité de la Corse en mettant fin à une division Cismonte-Pumonte, Nord-Sud, qui n'a jamais eu d'existence que géographique ou administrative. A l'heure de la mondialisation, de la libre circulation des hommes et des marchandises, certains découpages anciens peuvent constituer des entraves au développement économique, social et culturel.
    La collectivité territoriale nouvelle rétablit également la nécessaire, que dis-je ? l'indispensable unité d'action qui renforcera l'efficacité des politiques publiques. Nous savons tous qu'en Corse celles-ci pèsent d'un poids considérable. Cette unité d'action va permettre enfin de penser l'aménagement et le développement à la seule échelle qui vaille : celle de la Corse tout entière.
    N'oublions pas non plus que les relations entre collectivités territoriales sont régies en France par les principes de libre administration et d'interdiction de tutelles entre elles. Ce qui entraîne immanquablement une concurrence entre collectivités pour s'attribuer des domaines d'intervention, avec pour conséquences des enchevêtrements de compétences et des cofinancements complexes.
    Oui également à une collectivité déconcentrée qui comprendra deux circonscriptions administratives dont les limites territoriales seront la Haute-Corse et la Corse-du-Sud. Les conseils territoriaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud permettront le maintien, et pourquoi pas le renforcement, de la proximité entre les citoyens et les élus et garantiront un égal accès à l'administration.
    Oui à l'élection au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans le cadre d'une seule circonscription électorale correspondant à l'ensemble de la Corse. Grâce à une désignation proportionnelle, les principales sensibilités politiques de l'île seront représentées.
    Pour ma part, je suis favorable au maintien du seuil de 5 % pour être présent au second tour. Je suis favorable aux deux tours parce que le second tour constitue une liberté démocratique : celle de fusionner, celle aussi de se désister. Enfin, je suis d'accord pour une prime modérée, de l'ordre de 6 %, pour la liste arrivée en tête. A cet égard, je souhaite que les groupes de travail rendent vite leurs conclusions et que le Gouvernement fasse connaître définitivement sa position, bien avant la consultation du 6 juillet. J'ai noté que cette solution faisait d'ores et déjà l'objet d'un fort consensus.
    M. Paul Giacobbi. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. En effet.
    M. Simon Renucci. Oui enfin à ce projet de loi car il indique expressément qu'Ajaccio sera le siège de l'Assemblée de Corse. Ajaccio est et demeurera la capitale régionale. Je n'aurais pas accepté qu'il en fût autrement.
    M. Emile Zuccarelli. Ah !
    M. Simon Renucci. Mais, précisément parce qu'Ajaccio fut pendant longtemps sous-représentée, presque oubliée dans les instances dirigeantes de l'île, je comprends les inquiétudes de mes amis bastiais et je veux les rassurer.
    M. Emile Zuccarelli. Pitié !
    M. Simon Renucci. En conservant un préfet de plein exercice, des services déconcentrés de l'Etat et le siège du conseil territorial de Haute-Corse, sans oublier ses atouts propres et le dynamisme économique d'une population entreprenante, Bastia renforcera encore son rôle dans le devenir de la Corse. Je veillerai pour ma part avec objectivité à ce qu'il en soit ainsi et que l'équilibre entre toutes les régions de l'île soit assuré.
    M. Emile Zuccarelli. Vous êtes trop bon !
    M. Simon Renucci. A cet égard, je rappelle que le groupe social-démocrate, dont je suis le président, a proposé à l'Assemblée de Corse que le conseil économique, social et culturel de la Corse soit implanté à Corte pour donner à cette ville universitaire un nouvel élan culturel.
    Voilà, parmi d'autres, une illustration de notre esprit d'ouverture et de notre volonté de dialogue, dialogue qui doit également s'engager, monsieur le ministre, avec les personnels concernés par la réforme, dont ils ne doivent pas avoir à craindre de conséquences pour leur carrière.
    M. Paul Giacobbi. Bien sûr !
    M. Emile Zuccarelli. C'est la grande distribution !
    M. Simon Renucci. Il faudra y veiller très attentivement, tant par volonté de transparence que par souci d'information.
    Permettez-moi enfin de dire quelques mots sur ce qui, peut-être, sera retenu par les historiens de cette période.
    Grâce à loi sur la parité, instituée, faut-il le rappeler, par la gauche, les femmes feront une entrée en masse dans la future assemblée de Corse. Si, comme le dit le poète, la femme est l'avenir de l'homme, la vie politique insulaire s'en trouvera heureusement renouvelée. Ne négligeons pas ce fait : les grands événements passent souvent inaperçus aux yeux des contemporains.
    Enfin, et c'est un signe encourageant de la vigueur de notre démocratie, la parole est au peuple. A mesure qu'approche l'échéance, de petits calculs succédent à l'engouement du départ. Personnellement, j'ai toujours été partisan de cette évolution vers davantage de pouvoirs normatifs, de compétences transférées, partisan d'une nouvelle organisation administrative simplifiée et plus encore de la consultation populaire.
    Je ne renonce pas à mes convictions, je ne dénigre pas le travail effectué par les élus de la Corse - Dieu sait s'il a été important - et je ne renie pas mes engagements au motif que le Gouvernement qui porte cette réforme n'est pas de ma famille politique. Il y va de ma conception de la politique et de l'idée que je me fais de la responsabilité, de l'éthique, de la cohérence et de l'unité intellectuelle et morale d'une démarche.
    Aujourd'hui, il est grand temps que les enfants de la Corse retrouvent la paix et la prospérité à laquelle ils ont droit ; il est grand temps que la violence cesse et que ceux qui l'ont érigée en moyen de pression ou de pouvoir proclament enfin l'adieu aux armes que les Corses souhaitent plus que tout ; il est grand temps aussi qu'un terme soit mis à ces débats institutionnels qui, pour être importants et passionnants - même si la passion brûle -, ne constituent cependant pas l'alpha et l'oméga de l'action des responsables politiques et de l'avenir des peuples.
    Permettez-moi à ce sujet de citer le préambule de la Constitution du 22 frimaire de l'an VIII, rédigé de la main même du plus illustre des Ajacciens, Bonaparte : « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie. »
    Sans doute est-il temps de faire de même avec les réformes institutionnelles et de consacrer nos énergies à mobiliser les moyens, les ressources et les compétences dont nous disposons au service de la vie quotidienne de nos concitoyens.
    C'est dans cet esprit constructif que j'ai, avec mes amis, participé aux processus qui nous ont conduits à ce point. Convaincu que l'enchevêtrement des compétences et la superposition des échelons sont des freins à la modernisation de notre île, convaincu que le nouveau maillage territorial qui sera mis en oeuvre permettra un aménagement du territoire plus équitable et plus équilibré, convaincu également qu'un développement économique durable s'offre à nous, convaincu enfin que la modernisation de notre tissu économique, social et culturel impose de l'imagination, j'attends avec sérénité la décision du peuple souverain, certain qu'entre le statu quo et l'innovation, entre l'immobilisme et le progrès, entre le renoncement et l'espoir, nos compatriotes sauront choisir : ils choisiront le « oui », parce que c'est clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse.
    M. Gérard Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue et ami Emile Zuccarelli l'a dit lors de la question préalable qu'il a défendue avec talent, les radicaux de gauche ne sauraient être défavorables à la consultation des Corses sur leur avenir pour une raison simple : c'est qu'ils l'ont revendiquée depuis longtemps.
    Reste à définir la question à poser. Or c'est bien la méthode que vous avez choisie pour élaborer la question et le projet qu'elle porte, ainsi que le caractère réducteur de sa formulation qui posent problème.
    Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu en Corse à six reprises, vous l'avez clamé haut et fort à grand renfort de médias : il s'agissait de préparer avec les corses les évolutions qu'ils souhaitaient et, à défaut de consensus, le projet qui leur serait soumis pour avis.
    Ça, c'est la version officielle, que j'aurais aimé partager. Mais la vérité est, semble-t-il, différente : avant même votre arrivée au gouvernement, votre opinion était faite sur la réforme institutionnelle qu'il fallait à la Corse et sur les moyens d'y parvenir.
    L'une et l'autre figurent en toutes lettres dans votre livre Libre. Dès janvier 2001, vous vous y prononciez pour la suppression des départements en Corse, la création d'une collectivité unique et la négociation avec les nationalistes.
    Le décor ainsi planté, il ne vous restait plus qu'à tenter de l'habiller d'une tenue convenable : celle du dialogue républicain que vous avez esquissé pour mieux parvenir à vos fins. Car le résultat est là : en soumettant à la consultation populaire, contrairement aux engagements que vos aviez pris, votre seul projet, en rendant systématiquement coupables de la situation de violence et du sous-développement, dont ils sont les premières victimes, les Corses et leurs élus, en satisfaisant tout simplement l'une des revendications les plus anciennes des nationalistes sans qu'eux-mêmes aient renoncé ni à leur revendication finale - l'indépendance - ni à leurs méthodes détestables - le terrorisme -, vous vous retrouvez à faire le jeu des plus extrémistes et à désespérer, n'en doutez pas, les braves gens, ceux-là mêmes qui forment la grande majorité de la population et n'aspirent, dans l'île comme ailleurs, qu'à vivre en paix, dans la sécurité, la stabilité, et à agir pour le développement.
    L'image que leur donne l'Etat depuis trop d'années, statut après statut, recul après recul, sans qu'à aucun moment la violence, les attentats, les assassinats aient significativement reculé, ne les encourage pas à avoir confiance en l'avenir au sein de la République.
    C'est d'abord en cela que votre projet me semble dangereux.
    Il l'est aussi au regard de la proximité dont la Corse, comme toutes les autres régions françaises, a besoin dans la conduite des politiques publiques. Le Premier ministre a dit à plusieurs reprises qu'il considérait la Corse comme une zone d'expérimentation en matière de refonte de la carte administrative. L'insistance que vous mettez à y obtenir, à l'arraché, la suppression des départements m'inquiète pour les autres conseils généraux partout en France. Ne nous prépare-t-on pas, comme on le murmure ici ou là, une disparition générale des départements, que vous jugiez souhaitable dans l'ouvrage déjà cité ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ça n'a rien à voir !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Quelle vision d'avenir !
    M. Gérard Charasse. Nous verrons.
    Enfin, plus ponctuellement, je suis surpris que ce débat ait lieu avant l'étude d'un texte plus global sur l'organisation des consultations désormais ouvertes par la nouvelle rédaction de l'article 72 de notre Constitution.
    Un point en particulier me paraît poser problème : celui du périmètre de la consultation. Il paraîtrait en effet normal que, s'agissant de la disparition de deux départements, on consultât distinctement - quitte à le faire le même jour et sur la même question - les deux populations. Ainsi, l'avis ne pourrait-il être réputé positif que pour autant que la population de Haute-Corse, d'une part, et celle de Corse-du-Sud, d'autre part, se prononcent toutes deux majoritairement en faveur de la réforme envisagée. Si tel n'est pas le cas - et c'est malheureusement ce que vous proposez dans la rédaction actuelle du projet de loi -, il est permis de penser qu'une collectivité pourra sans coup férir en absorber une plus petite sans que les habitants de cette dernière puissent s'y opposer.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est absurde ! Stupide !
    M. Gérard Charasse. Vous l'aurez compris, monsieur le ministre ; j'aborde ce débat, comme d'ailleurs la plupart de mes collègues radicaux de gauche, avec une réelle inquiétude pour l'avenir de la Corse,...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous n'avez pas compris !
    M. Gérard Charasse. ... et plus généralement l'avenir de tous les départements, si votre projet devait être adopté en l'état.
    MM. Emile Zuccarelli et Michel Vaxès. Tout à fait !
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Monsieur le ministre, sur la Corse, vous n'aurez pas de difficulté de principe avec les socialistes car, comme vous l'avez dit à plusieurs reprises, votre démarche est dans la continuité et dans l'esprit du processus de Matignon. J'avoue qu'entendre un ministre du gouvernement Raffarin rendre hommage à la politique de Lionel Jospin et la faire applaudir par sa majorité, est un moment rare, ...
    M. Paul Giacobbi. Trop rare !
    M. Lionnel Luca. Il en faut bien quelques-uns !
    M. René Dosière. ... qui mérite d'être apprécié à sa juste valeur.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. N'en faites pas trop !
    M. René Dosière. Vous avez dit : « Du passé, faisons table rase », et, si j'en suis bien d'accord, il ne faut pas pour autant oublier le devoir de mémoire. Lors de la deuxième séance du 15 mai 2001, à propos du processus de Matignon, l'un de nos collègues, Rudy Salles, qui soutient aujourd'hui votre texte avec enthousiasme - nous l'avons vu tout à l'heure - disait, ici-même à votre prédécesseur, Daniel Vaillant : « D'abord, permettez-moi de vous dire que je ressens comme un malaise à discuter aujourd'hui d'un tel texte alors que les assassins du préfet Claude Erignac ne sont toujours pas arrêtés. » Et le compte rendu intégral précise que sur plusieurs bancs du groupe de l'UDF et du groupe RPR, des députés se sont alors exclamés : « Eh oui ! » M. Salles poursuivait : « Par ailleurs, je constate que ce débat a lieu alors que la violence dans l'île est toujours présente. Ces deux points constituent, selon nous, des préalables incontournables à toute discussion. » Je n'en dirai pas plus, laissant à Bruno Le Roux le soin de faire d'autres citations, pour éviter d'allonger mon intervention.
    Voilà en tout cas un miracle du fait majoritaire : ce qui était hier inacceptable recueille aujourd'hui une approbation enthousiaste.
    M. Lionnel Luca. On en a vu d'autres !
    M. René Dosière. Ce n'est pas, d'ailleurs, le moindre de vos mérites, monsieur le ministre, que d'avoir favorisé aussi ce retournement.
    Mais, je tiens à vous rassurer : pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas changé d'opinion sur ce dossier. Vous avez raison de ne pas faire de l'arrêt de la violence le préalable à toute discussion et à toute avancée : ce serait donner raison à ceux qui détruisent et tuent lâchement.
    Mais ce refus de tout préalable ne vous dispense pas de lutter avec détermination contre tous ceux qui dissimulent sous des slogans pseudo-politiques des actes de banditisme pur et simple. Il ne vous dispense pas de rechercher avec obstination le lâche assassin présumé du préfet Erignac. Si, hier, vos amis doutaient de la volonté affichée en ce domaine par Daniel Vaillant, pour notre part, nous ne doutons pas de votre volonté de traquer sans relâche ces malfaiteurs ; vos déclarations de ce soir le prouvent éloquemment.
    Cela dit, je dois avouer ma profonde insatisfaction quant aux conditions dans lesquelles ce texte a été analysé par l'Assemblée nationale, et là, monsieur le ministre, vous n'êtes pas en cause.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vraiment ?
    M. René Dosière. Bien entendu. Je parle du travail de la commission des lois de l'Assemblée nationale. En effet, alors que, depuis un an, vous vous êtes saisi de ce dossier avec beaucoup de volonté, de travail et d'énergie, cette commission n'a pas jugé utile de constituer la moindre mission d'information. Elle n'a pas non plus jugé nécessaire d'auditionner qui que ce soit, pas même le ministre, laissant ce soin au Sénat, ce qui oblige notre rapporteur à citer les déclarations que vous avez faites au Sénat.
    La primeur de ce texte a, de même, été accordée à la Haute Assemblée. Vous avez, en cela, quelque responsabilité, bien que l'ordre du jour ne dépende pas que de vous.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est la Constitution !
    M. René Dosière. En effet, mais je vous rappelle que notre groupe était opposé à cette disposition.
    Ce texte a donc été discuté en premier lieu au Sénat, en présence, nous a dit le rapporteur, d'une délégation de l'UMP venue écouter la bonne parole des sénateurs. Lorsque le texte est arrivé devant notre commission des lois, le rapporteur a fait en sorte qu'il soit adopté conforme dès sa première réunion, avant de se rendre compte que c'était peut-être un peu rapide pour l'Assemblée, seule chambre issue du suffrage universel. On voit bien, avec ce premier cas, à quel point la réforme constitutionnelle donnant au Sénat le droit d'être saisi en priorité des textes concernant les collectivités locales aboutit à abaisser le travail et à réduire le rôle de l'Assemblée nationale.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ce n'est pas vrai !
    M. Paul Giacobbi. Si, absolument !
    M. René Dosière. Cela, mes chers collègues de la majorité, je ne l'accepte pas, et j'espère que, au fond de vous-mêmes, vous ne l'acceptez pas non plus, même si le fait majoritaire ne vous permet pas de l'exprimer aussi facilement que moi. En tout cas, j'appelle votre attention sur l'abaissement de l'Assemblée qui peut résulter de cette pratique.
    Monsieur le ministre, vous avez décidé d'aller plus loin et plus vite que Lionel Jospin, puisque, dans son projet, ce que vous nous proposez aujourd'hui était prévu pour une étape ultérieure. Il y avait d'ailleurs, je vous le rappelle, une condition à la mise en oeuvre : il ne fallait pas seulement que la réforme constitutionnelle soit adoptée, mais aussi que la paix civile soit durablement rétablie. Vous n'attendez pas ce rétablissement pour agir, mais je ne vous le reproche pas, car les circonstances sont différentes : la réforme constitutionnelle permet d'accélérer le processus, de procéder à cette réforme institutionnelle qui est souhaitable et va permettre de consulter la population, ce qui, jusqu'alors, n'était possible que pour l'outre-mer.
    Toutefois, je discerne à la fois de la précipitation et une volonté, peut-être, de gagner du temps, car il en faudra pour que la situation évolue en Corse. Prendre son temps, ce n'est pas pratiquer l'immobilisme, mais permettre la nécessaire maturation des esprits. C'est aussi assurer la solidité du développement économique. Vous avez rappelé les efforts que votre gouvernement a consentis pour mettre rapidement en application le plan pluriannuel d'investissement prévu par la loi de 2002. Il est important, je crois, d'en favoriser l'application et d'en faire régulièrement l'évaluation, car c'est ce développement qui permettra de limiter l'influence des idées nationalistes.
    J'avoue que je suis un peu gêné par la date butoir, que vous avez fixée très tôt.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je m'en expliquerai !
    M. René Dosière. Les électeurs corses vont être appelés à se prononcer, dans la précipitation sur un texte qui manque de clarté et de précision.
    Je ne prends que deux exemples, qu'ont d'ailleurs rappelés quelques-uns de nos collègues. On supprime les conseils généraux, mais que deviennent les départements en tant que circonscriptions administratives de l'Etat, et quel sera exactement le rôle du préfet ? Je suis, à cet égard dans la plus grande confusion et il me semble que d'autres membres de la commission des lois partageaient ma perplexité à l'issue de la réunion que nous avons tenue ce matin. Je souhaite à ce propos que vous puissiez nous apporter ici les explications que nous n'avons pu avoir jusqu'à présent.
    M. Michel Vaxès. Tout à fait !
    M. René Dosière. Par ailleurs, la formulation qui est retenue dans l'annexe et qui sera soumise au vote est particulièrement vague. Vous avez, au Sénat, apporté des précisions à ce sujet en indiquant vos préférences - elles sont claires et nettes - et les nombreuses autres possibilités. Des points de vue très divergents s'expriment en effet, et il est évident que le choix qui sera fait de tel ou tel mode de scrutin aura des incidences différentes. C'est un point fondamental qui mériterait d'être précisé et sur lequel nous avons déposé un amendement, que la commission des lois a repoussé, mais l'Assemblée sera peut-être plus sensible à nos arguments.
    J'appelle votre attention sur le fait que, dans une consultation référendaire, quand le texte soumis au vote est compliqué et contradictoire, il existe un risque soit de désintérêt de la population, soit de conjonction des mécontentements qui ne peuvent que renforcer le non, alors que le oui, pour s'exprimer valablement, a besoin de clarté. Faut-il rappeler la consultation référendaire de 1969 ?
    Je souligne d'ailleurs que les modalités que vous aviez vous-même préconisées ne sont pas tout à fait respectées, monsieur le ministre. Vous aviez souhaité qu'un audit approfondi des départements et de la collectivité territoriale soit réalisé et rendu public afin d'éclairer la décision de chacun. J'ignore où en est cet audit. Lorsque vous avez installé les deux groupes de travail, vous avez déclaré que l'avis de l'Assemblée de Corse serait évidemment discuté lors des travaux parlementaires, en ce qui concerne tant la répartition des compétences que le mode d'élection des conseillers territoriaux. D'autres idées devaient s'exprimer au sein de ces groupes de travail, qui contribueraient à éclairer le Gouvernement et le Parlement.
    M. le président. Monsieur Dosière, veuillez conclure, s'il vous plaît !
    M. René Dosière. De ce point de vue, le Parlement n'a guère été éclairé par les travaux des groupes de travail des que vous avez mis en place. Je comprends toutefois que le calendrier est un peu resserré, et que c'est sans doute la raison pour laquelle nous manquons d'informations.
    M. le président. Et de temps !
    M. René Dosière. Je conclus, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, ce texte important mérite mieux que l'examen précipité auquel nous avons procédé en commission et qui justifie la motion de renvoi que va défendre notre collègue Le Roux.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Ça ne nous gêne pas !
    M. René Dosière. Monsieur le ministre, les femmes et les hommes de Corse, en particulier les jeunes, veulent vivre et travailler au pays. C'est une île magnifique qui souffre d'une insuffisance de développement et d'une trop faible démographie. Avec votre texte, elle bénéficiera, si la population en décide ainsi, d'un statut institutionnel spécifique, justifié par son insularité et qui devrait favoriser son développement. Cependant, elle sera davantage ancrée dans la République, car la République décentralisée que nous aimons respecte les particularismes et les diversités locales. Au fond, comme l'aurait dit Péguy, il y a pire que d'avoir une mauvaise idée de la République, c'est d'en avoir une idée toute faite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je préfère les citations de Péguy aux critiques de l'opposition !
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, réjouissons-nous de la bonne nouvelle. Il n'est pas si fréquent que, lors d'un débat à l'Assemblée nationale, sur un sujet de cette nature, au lieu de s'opposer classiquement, bord contre bord, camp contre camp, gauche contre droite, on essaie, conscient des difficultés, sans jamais renoncer à ses convictions, comme M. Renucci et, sans doute aussi, comme le président Giacobbi, de cheminer ensemble, les uns en s'abstenant, les autres en votant pour, d'autres encore en acceptant d'évoluer par rapport à leurs convictions passées - mais il n'est pas absurde d'évoluer face à un sujet aussi délicat. Oui, c'est une assez bonne nouvelle que le dossier qui permette que nous nous rencontrions, comme nous le demandent souvent nos concitoyens, soit la question corse. Elle serait donc un élément fédérateur possible entre les hommes de bonne volonté, de gauche comme de droite.
    M. Paul Giacobbi. Grâce à nous !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi ne pas reconnaître, monsieur Le Roux, monsieur Vaillant, que cela s'inscrit dans un processus engagé il y a quelques années. Il faut de la force, du courage, pour reconnaître que la vie ne commence pas avec soi, que l'action des uns a permis d'aboutir aux résultats des autres. Je l'avais d'ailleurs dit, monsieur Vaillant, à propos d'un tout autre dossier, celui du conseil français du culte musulman, lorsque j'ai rendu hommage à mes prédécesseurs, y compris quand ils avaient échoué, car le succès d'aujourd'hui se construit avec les échecs d'hier. Si les accords de Matignon avaient abouti à leur terme, j'en aurais été le plus heureux, car je n'aurais pas hérité de la situation complexe qui nous réunit aujourd'hui. Veut-on me faire dire que ce processus s'inscrit dans une continuité des efforts des hommes de bonne volonté ? C'est vrai, et c'est plutôt une bonne nouvelle que la Corse, pour une fois, rassemble et transcende, au lieu de diviser.
    Je voudrais dire à Bruno Le Roux que j'ai apprécié son soutien au principe de la consultation et de l'accord politique, et que, d'une manière générale, j'ai trouvé son intervention très mesurée.
    Reste cependant un point de désaccord, dont il convient de parler quelques instants. Pourquoi le Gouvernement considère-t-il que le 6 juillet est la bonne date ? C'est un sujet complexe. Monsieur Le Roux, vous êtes un bon connaisseur de ce dossier et vous n'ignorez pas qu'il faut voir ce qui se passera après. Si, ce jour-là, les Corses disent oui, ils auront accepté un principe, une direction, mais le Gouvernement devra ensuite passer l'été à préparer le statut dont le Parlement discutera à l'automne. Ainsi, il s'agit de ne pas perdre de temps. Monsieur Le Roux, je ne dis pas que c'est là un argument dirimant, mais, une fois encore, je demande aux hommes de bonne volonté de réfléchir.
    Le Gouvernement se fixe comme objectif d'organiser à la même date toutes les élections territoriales, en Corse et ailleurs. Que ne dirait-on pas, dans les rangs de ceux qui sont si prompts, monsieur Giacobbi, à nous donner des leçons de républicanisme - et l'on se demande bien pourquoi -, si je prévoyais dès maintenant que, en 2004, la Corse ne votera pas à la même date que les autres régions ? Quel procès ne nous ferait-on pas alors !
    M. Emile Zuccarelli. Nous n'avons rien demandé !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'entends déjà le discours outragé de ceux qui proposent si peu, devant cette horreur antirépublicaine qui consisterait à envisager que la Corse ne vote pas en même temps que les autres régions ! On viendrait m'expliquer que l'on fait sortir la Corse de la République...
    M. Emile Zuccarelli. Vous faites les questions et les réponses. C'est trop facile !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Zuccarelli, permettez-moi de vous donner un conseil : quand ça fait mal, il ne faut pas le dire tout de suite - ça se voit trop ! (Rires.)
    Voilà pourquoi le Gouvernement est attaché à cette date, même si je ne puis être certain, monsieur Le Roux, qu'il ait raison.
    Deuxième élément : est-on sûr que le contexte de septembre ou d'octobre - M. Dosière et vous-même avez évoqué, si j'ai bien compris, ces dates - sera plus favorable ? Est-on sûr que le climat politique et social sera plus apaisé ? Pour le coup, il me plaît de souligner l'optimisme des orateurs socialistes -, pardon de cette malice. On me demande donc de ne pas organiser la consultation en juillet, sous prétexte que c'est agité - mais j'extrapole peut-être - et on me recommande de la faire en septembre. Dois-je comprendre que, pour l'orateur socialiste, septembre sera si calme que nous n'aurons à parler que de la Corse ?
    M. René Dosière. Cela dépend de M. Raffarin !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est une vision optimiste des choses et je la prends comme telle. S'il y a malice, ne la prenez pas mal : j'ai profité de l'argument, bien sûr.
    Je vais vous donner la réponse du Gouvernement : il est favorable à la date du 6 juillet, mais, comme le décret de convocation des électeurs doit être signé aux alentours du 15 juin, il sera toujours possible, au cas où la situation en Corse le justifierait - quelle pourrait être cette situation, je n'en sais rien - de décider d'une autre date. Le Gouvernement préfère donc le 6 juillet, mais nous avons encore quinze jours ou trois semaines pour voir comment évoluent les choses ; je ne peux pas faire de réponse plus ouverte.
    Monsieur Rudy Salles, je vous remercie du soutien du groupe UDF, qui nous est précieux. Je vous répondrai en outre que ce texte ouvre en effet de nouvelles perspectives de décentralisation. Dès lors, quoi de plus normal que le soutien de l'UDF, qui a toujours considéré que l'échelon régional était majeur et que la décentralisation était une orientation incontournable. Si d'autres régions souhaitent s'engager dans la voie que nous ouvrons avec la Corse, elles pourront le faire : c'est ce qu'a demandé et toujours dit le Premier ministre.
    J'évoquerai aussi, ce qui me permettra de répondre à tous les intervenants, la question des deux modes de scrutin et des circonscriptions territoriales. Nous devons prendre garde, car vouloir découper différents territoires pour assurer la proximité implique un redécoupage, et qui parle de redécoupage...
    M. René Dosière. Inquiète.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... laisse entendre magouillage.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement, monsieur Salles, ne s'oppose pas à la proposition de groupe UDF pour des raisons de principe : je connais le scrutin à l'allemande. Simplement, il considère que, dans un territoire comme la Corse, où la confiance n'est pas spontanée, ai-je cru comprendre (Sourires), où les procès d'intention sont si nombreux !...
    M. René Dosière. Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... il ne serait pas raisonnable de prévoir un découpage administratif qui ne correspondrait pas à des découpages ou à des règles territoriales incontestables.
    Quelles sont les règles territoriales ? La circonscription unique, les deux départements - ce sont les sections départementales du mode de scrutin - et, éventuellement les cinq arrondissements, à propos desquels, je l'ai déjà dit au Sénat, je ne suis guère enthousiaste. Juxtaposer de surcroît un scrutin majoritaire et un scrutin proportionnel obligerait à prendre, pour le scrutin majoritaire, une paire de ciseaux.
    Je le dis en tant que ministre de l'intérieur : je pense que cet élément serait de nature à faire douter de la sincérité du projet du Gouvernement. Ma réponse est donc négative, monsieur Salles, mais, encore une fois, il ne s'agit pas d'un désaccord de principe, simplement de l'impossibilité politique et technique de se lancer dans un découpage. Mais nous aurons l'occasion d'en rediscuter lorsque nous étudierons le statut.
    M. Vaxès ne m'en voudra pas de ne pas lui répondre longuement, mais la dénonciation du libéralisme est un thème si classique, qu'on pourrait exhumer des tonnes de discours en ce sens, et autant de discours en réponse. Quant au contexte social, je ne vois pas très bien ce qu'il vient faire dans notre discussion.
    Je lui répondrai simplement que le parti communiste semblait attaché au scrutin proportionnel ; il ne manque d'ailleurs pas une occasion de nous le réclamer. Et le voilà qui défend une assemblée départementale élue au scrutin majoritaire !
    M. Michel Vaxès. Je n'ai jamais dit cela !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Peut-être connaît-il une évolution doctrinale ?
    M. Michel Vaxès. Je continue à défendre le scrutin proportionnel dans les deux départements de Corse !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne pense donc pas que votre intervention, que je respecte par ailleurs, demande de plus amples développements.
    J'ai été très sensible au fait que M. Barrot soit l'orateur de l'UMP dans ce débat. C'est, me semble-t-il, une façon de montrer officiellement l'implication de tout le groupe UMP dans le projet de réforme.
    M. René Dosière. Etait-ce nécessaire ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dans la situation qui est la mienne, abondance de bien ne nuit pas, monsieur Dosière. Vous verrez, un jour, quand vous serez dans la même situation,...
    M. René Dosière. Je n'ai pas cette prétention !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... vous apprécierez les compliments. (Sourires.)
    Monsieur le président Paul Giacobbi, j'ai trouvé votre intervention passionnante - et je suis sûr que beaucoup de vos collègues partagent ce point de vue. Il est rare de voir un président de conseil général expliquer qu'il est prêt à supprimer les fonctions qui sont les siennes, au nom de l'idée qu'il se fait de l'intérêt général. Que l'on soit d'accord ou pas avec vos idées, cette démarche est digne et mérite le respect.
    Je sais parfaitement que vous n'approuvez pas toute la politique du Gouvernement. Cela ne donne que plus de prix, me semble-t-il, au soutien que vous apportez à sa politique en Corse.
    J'ai également apprécié vos citations de M. Alfonsi, notamment la formule : « On ne coupe pas la Corse en deux », et vos allusions à votre collège de Haute-Corse.

    Je prends un engagement, monsieur Giacobbi : le Gouvernement ne recourra à aucune combine en ce qui concerne le mode de scrutin. Il fera connaître avant la consultation ses orientations précises en la matière. Comme vous, je pense que les quinze premiers jours de juin devraient permettre au Premier ministre de clarifier les choses, sur le mode de scrutin et sur les compétences. En tout cas, j'ai apprécié votre soutien, je vous le dis avec la même franchise que celle dont vous avez fait preuve.
    Monsieur Camille de Rocca Serra, ce n'est pas parce que vous êtes un ami de longue date que votre soutien était naturel. Je sais parfaitement que cela exige de vous un engagement personnel et j'aurai l'occasion vendredi d'en porter témoignage dans votre région. Vous avez évoqué dans votre propos le souvenir du préfet Erignac et je n'y reviens pas. Mais, dans votre bouche, celle d'un élu de la Corse, dont le nom est très symbolique pour la Corse et pour la France, cela prenait, me semble-t-il, une dimension émotive que nous avions déjà trouvée dans le discours de M. Paul Giacobbi. Là encore, un homme de la majorité et un homme de l'opposition se retrouvent pour condamner la violence avec la même émotion et la même force. Vous avez donné tous deux une belle image de la Corse.
    J'ai apprécié également que vous ayez souligné que le mode de scrutin n'était pas un préalable. Vous avez montré ainsi que vous saviez faire la différence entre le principal et l'accessoire.
    M. Renucci, député-maire d'Ajaccio, ne s'est pas renié en apportant son soutien au Gouvernement. Il m'appelle à mettre un terme au débat institutionnel ; mais c'est justement ce que nous souhaitons faire.
    Si les Corses répondent « oui », et même s'ils répondent « non », croyez-vous réellement, avec votre expérience de responsables politiques, qu'il se trouvera un gouvernement pour se donner autant de mal pour organiser la consultation des 190 000 électeurs de Corse sur le statut ? Simon Renucci a parfaitement eu raison de le souligner : la consultation, ce n'est pas l'ouverture d'un débat, c'est un débat qui se clôt, d'une manière ou d'une autre. C'est toute la différence, je le dis à M. Dosière, avec le processus de Matignon. Matignon réunissait 50 personnes, là, ce sont 190 000 électeurs. C'est pour cela que le débat sera tranché.
    Monsieur Charasse, vous avez manifesté une inquiétude. Visiblement, je n'ai pas été clair dans mes explications et vous n'avez pas compris le texte, ni ce que voulait faire le Gouvernement. Dès lors, votre inquiétude est légitime et j'essaierai à nouveau de vous convaincre.
    Monsieur Dosière, j'ai apprécié votre propos quand vous avez affirmé que je n'aurais pas de difficulté de principe avec les socialistes.
    M. René Dosière. Sur ce texte !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'avais compris. Vous m'appelez au devoir de mémoire. Je vous renvoie la balle. Nous pourrions en effet nous rappeler mutuellement bien des choses sur la Corse, tout comme sur les retraites.
    M. René Dosière. Nous verrons cela dans quelques jours !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Un partout, la balle au centre. Tournons-nous plutôt ensemble vers l'avenir. Chaque responsable politique a ses faiblesses, ses contradictions : je ne suis pas sûr que nous gagnerions beaucoup à trop les utiliser.
    S'agissant de la violence, je partage votre point de vue, vous le savez. Vous vous interrogez sur l'avenir des départements en tant que circonscriptions administratives de l'Etat. Je vous rassure : les départements sont maintenus, le préfet de Haute-Corse est maintenu. J'aurai, vendredi prochain, l'occasion de faire des annonces précises, notamment concernant des bâtiments qui appartiennent à l'Etat, qui prouveront que la circonscription administrative de l'Etat, département et préfet, ne changera pas, en Haute-Corse comme en Corse-du-Sud. Que les choses soient donc parfaitement claires.
    J'aurai par ailleurs l'occasion de publier dans quelques jours l'audit réalisé par l'inspection générale des finances et par l'inspection générale de l'administration, et chacun pourra en tirer les conséquences qu'il souhaite.
    Enfin, il va de soi, s'agissant d'un projet gouvernemental, que je me rendrai en Corse pour essayer de convaincre. Qui pourrait comprendre que je croie si peu au texte que je présente que je renonce à aller convaincre ? Je chercherai à convaincre parce que je pense que ce texte est bon, qu'il permet de se tourner vers l'avenir. Qui peut reprocher à un homme politique d'essayer de convaincre que ses convictions et son projet méritent d'être soutenus ?
    Avec le soutien déterminé du président de la commission des lois et la passion qu'il met à soutenir le Gouvernement, je m'en vais confiant. Je conclurai sur cette phrase, M. le président m'ayant annoncé son intention de suspendre la séance quelques minutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à minuit, est reprise le mercredi 28 mai 2003 à zéro heure quinze.)
    M. le président. Le séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais expliquer rapidement pourquoi il nous semble qu'il convient de travailler plus longtemps sur ce projet de loi. Mais je souhaiterais qu'auparavant nous rendions hommage, comme nous l'avons fait à chaque débat sur la Corse, à la mémoire du préfet Erignac et exprimions toute notre sympathie à sa famille.
    M. Emile Zuccarelli. Très bien !
    M. Bruno Le Roux. Je voudrais également dire l'indignation qui nous a saisis ces dernières semaines à la lecture des appels qui pouvaient laisser penser que le procès qui s'ouvrira bientôt pourrait revêtir une quelconque dimension politique. A cet égard, je dis l'indignation du groupe socialiste...
    M. Paul Giacobbi. Tout à fait !
    M. Bruno Le Roux. ... Je dis mon indignation et je pense pouvoir dire aussi celle de toute notre assemblée.
    M. Paul Giacobbi. Certainement !
    M. Bruno Le Roux. L'assassinat du préfet Erignac ne souffre aucune ambiguïté : il est l'oeuvre de malfrats, il est une atteinte à la République, il ne peut en aucun cas porter d'autre qualificatif que celui de lâche, il a été perpétré par ceux qui font du crime un style de vie et qui essayent de maquiller leur forfait en avançant des prétextes qui ne trompent plus personne aujourd'hui.
    Une grande partie de la violence sur l'île, à laquelle on a tenté de prêter des motifs politiques, est en fait relative à d'autres aspects sur lesquels il convient que l'Etat ne relâche jamais son attention ni ses efforts. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    Je voudrais également rappeler, monsieur le ministre, après René Dosière, que nous ne sommes pas de ceux qui jouent les aboyeurs dès que le mot Corse est prononcé, tandis que d'autres, sitôt ce mot prononcé, criaient hier le nom d'Yvan Colonna. Je pourrais citer les déclarations de certains membres de l'opposition d'alors, qui subordonnaient le processus mis en place dans cette assemblée ainsi que la discussion sur le nouveau statut et sur les compétences au fait qu'Yvan Colonna soit arrêté et déféré à la justice. Tout comme Daniel Vaillant avait tout mis en oeuvre pour le retrouver, nous pensons que vous faites aujourd'hui de même...
    M. Paul Giacobbi. Comme Daniel Vaillant, en effet !
    M. Bruno Le Roux. ... parce que c'est nécessaire pour la République.
    M. Christian Estrosi. Il ne fallait pas le laisser s'échapper !
    M. Bruno Le Roux. Depuis un an, nous n'avons jamais mis en doute votre volonté d'aboutir en la matière, et nous pensons que les efforts doivent être, là aussi, poursuivis.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ils le seront !
    M. Bruno Le Roux. Notre motion de renvoi en commission tend à vous aider...
    M. Christian Estrosi. M. Sarkozy n'en a pas besoin !
    M. Bruno Le Roux. ... car vous êtes prisonnier de votre calendrier, que vous avez fixé il y a quelques semaines. Vous me faites l'effet d'un randonneur parti par beau temps sur le GR 20 sans prévoir que le temps pouvait tourner. (Sourires.) Mais les nuages arrivent, et avec eux le mauvais temps s'annonce. Et la nuit tombe. Nous vous proposons de vous envoyer un hélicoptère pour vous ramener à la réalité. (Sourires.)
    M. René Dosière. Ne rappelez pas de mauvais souvenirs !
    M. Bruno Le Roux. Nous allons essayer de vous donner le temps d'atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé : assurer la mobilisation des Corses pour le « oui » et poursuivre, paré de la légitimité de la population corse, un processus de mise en place de nouvelles institutions qui apportent la sérénité au débat dans l'île et qui permettent à celle-ci de maîtriser véritablement son développement.
    Notre assemblée, et je le dis sans vouloir porter atteinte au travail du rapporteur, n'a pas accompli l'effort que l'on était en droit d'attendre d'elle sur le texte qui nous est présenté.
    Puis-je rappeler que la précédente législature s'était attelée, en 2000, à un travail de fond sur la question corse ? La commission des lois avait procédé à de nombreuses auditions : le 4 octobre 2000, elle avait entendu Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur ; le 28 mars 2001, José Rossi, président de l'Assemblée de Corse, et les présidents de tous les groupes politiques de l'Assemblée de Corse ; le 4 avril 2001, Jean Baggioni, Noël Sarrola, Paul Giacobbi ; le 17 avril 2001, Daniel Vaillant, une nouvelle fois.
    De plus, le 9 novembre 2000, une mission d'information avait été créée afin de préparer l'examen du projet de loi relatif à la Corse. L'objectif de cette mission d'information était de permettre à l'Assemblée nationale de se saisir du texte en amont pour préparer son examen par notre assemblée. En effet, la question de l'avenir institutionnel, économique et social de l'île de Beauté nous semblait d'une importance considérable pour la République. Le travail réalisé préalablement au dépôt du texte a alors été considéré par le gouvernement de l'époque, notamment par le ministre de l'intérieur, comme indispensable à la qualité du débat qui allait suivre dans notre assemblée. Il convenait, pour la majorité d'alors, que la représentation nationale se tînt informée du processus en cours. A cette fin, la mission d'information s'est déplacée à deux reprises dans l'île.
    M. René Dosière. Eh oui !
    M. Bruno Le Roux. Elle a rencontré les principaux élus de Corse, des responsables des services de l'Etat ainsi que des représentants du monde socio-économique. J'ai moi-même eu la chance, en qualité de rapporteur, d'assister, les 8 et 9 décembre 2000, aux délibérations de l'Assemblée de Corse sur l'avant-projet de loi transmis par le Gouvernement. Au total, ce sont cent quarante-trois auditions ou rencontres qui ont permis d'accompagner le projet du Gouvernement.
    M. René Dosière. En ce temps-là, l'Assemblée n'abandonnait pas ses prérogatives !
    M. Bruno Le Roux. J'allais le dire, monsieur Dosière.
    Pour le texte d'aujourd'hui, nous n'avons même pas eu droit à une audition du ministère de l'intérieur. Or on sait, monsieur le ministre, que, depuis un an, vous travaillez sur une question qui a toujours la même importance pour notre assemblée. Pourtant, pas une seule mission d'information ni la moindre volonté d'accompagner le travail du Gouvernement : on attend. C'est sûrement une marque de confiance, mais je crois qu'on ne gagne rien à se dessaisir d'un dossier qui engage l'avenir, et peut-être pas seulement celui de la Corse, mais aussi celui de nos régions et de la République. On ne gagne rien à laisser le Gouvernement avancer sans chercher à se tenir au courant.
    Bien sûr, il y avait la presse, il y avait Le Monde. Et je n'oublie pas les parlementaires et autres élus corses. Mais pour ce qui concerne l'Assemblée nationale, rien du tout ! On ne vous a même pas demandé - peut-être ne l'avez-vous pas proposé - de venir une seule fois devant la commission des lois nous parler du processus que vous envisagiez. (Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire : « On ne le lui a pas demandé ! »)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je n'y suis pour rien !
    M. Bruno Le Roux. Je le sais et c'est pourquoi je ne vous en fais pas le reproche. Mais ce que je regrette particulièrement, c'est la façon dont nous avons travaillé en commission.
    M. René Dosière. Vous avez raison !
    M. Bruno Le Roux. Ce seul fait justifierait aujourd'hui que nous retournions en commission pour y faire un travail qui soit cette fois-ci un travail de fond et pour vous poser la question qui est la seule qui vaille : comment voyez-vous, après la consultation que vous nous proposez, la suite du processus en Corse ? Nous pourrions ouvrir un débat au sein de la commission des lois, nous entretenir des perspectives institutionnelles auxquelles vous pensez et peut-être élargir le débat aux autres régions. En effet, la question que vous voulez poser aux Corses est-elle le résultat d'un processus politique mis en place depuis maintenant deux ans ou pensez-vous qu'elle puisse, indépendamment de ce processus, se poser demain dans d'autres régions françaises ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui !
    M. Bruno Le Roux. Ce débat serait assurément intéressant, mais pour l'instant nous nous dessaisissons totalement de votre capacité à nourrir la réflexion de la commission des lois.
    Je le pense très sincèrement : nous avons commis une erreur, non pas en vous laissant tout seul,...
    M. Christian Jeanjean. Il ne l'était pas !
    M. Bruno Le Roux. ... mais en vous abandonnant sur un chemin qui était déjà tracé et que, prenant vos responsabilités, vous aviez décidé d'emprunter. L'Assemblée nationale n'a pas joué son rôle d'accompagnement, alors qu'elle aurait dû rencontrer les acteurs économiques, les acteurs politiques, les acteurs sociaux, à la faveur d'allers et retours qui auraient pu, Daniel Vaillant ne m'en voudra pas de le dire, être utiles au Gouvernement pour continuer d'avancer et pour bien comprendre la façon dont les choses pourraient se passer.
    Monsieur le ministre, nous regrettons ce dessaisissement de l'Assemblée nationale et le président de la commission des lois n'a pris aucune initiative pour nous permettre de travailler convenablement non seulement sur ce texte, mais aussi, plus largement, sur le dossier corse. C'est donc ce dessaisissement, subi ou voulu, de l'Assemblée nationale qui justifie notre demande de renvoi en commission, car le sujet dont nous débattons est d'une haute importance.
    L'attente de nos concitoyens corses quant au devenir de leur région est immense. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas économiser notre temps ni notre énergie si nous voulons apporter enfin une solution durable à leur demande de paix et de développement.
    Permettez-moi de rappeler, car la méthode est importante, qu'en décembre 1999 le Gouvernement avait engagé avec les représentants de la Corse, parlementaires, élus de la collectivité territoriale et présidents des conseils généraux, une réflexion sur l'avenir de l'île dont l'objectif était justement de mettre fin aux situations de crise et de violence qui ont eu, notamment ces vingt-huit dernières années, des conséquences graves sur le développement ainsi que sur les équilibres sociaux de l'île et ses rapports avec l'Etat.
    L'enjeu était et reste aujourd'hui encore primordial : mettre un terme à la violence, objectif que nous ne devons pas abandonner.
    A cet égard - il y a des conversions extraordinaires -, M. de Rocca Serra a dénoncé une erreur majeure dans le processus choisi par le précédent gouvernement : subordonner la seconde étape, l'étape institutionnelle, à l'arrêt de la violence, quand tous les élus de l'actuelle majorité, l'opposition d'alors, qui s'étaient exprimés subordonnaient non pas la seconde étape, mais l'engagement de la première à l'arrêt de la violence.
    M. Plagnol n'avait-il pas déclaré : « Nous ne voulons pas que, sous couvert de voter un projet de loi anodin, on cautionne une démarche dangereuse, faite de violence, qu'auront à gérer ceux qui gouverneront la France en 2004 » ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Monsieur Estrosi, ne pensez-vous pas que si l'arrestation de M. Yvan Colonna constituait une condition préalable à l'examen de ce projet de loi, l'enquête avancerait plus vite ?
    J'ai encore à votre disposition des propos de MM. Cazenave, Devedjian, Ollier et Salles. Je comprends que ça fasse mal...
    M. Eric Diard. Tout ça a déjà été dit !
    M. Mansour Kamardine. Nous assumons nos bébés !
    M. Christian Estrosi. Et vous, quel héritage laissez-vous ?
    M. Christian Jeanjean. Ça n'apporte rien au débat !
    M. Bruno Le Roux. Il faut assumer ainsi ces propos !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Le Roux puisque vous avez trouvé de bons auteurs ! Mais pas d'échanges avec vos collègues !
    M. Bruno Le Roux. Ce que vous nous dites aujourd'hui semble bien être le contraire de ce que vous disiez hier. Ne voyez aucune malice dans cette observation. Je m'en félicite au contraire, et je mets cela sur le compte de la force de persuasion du ministre de l'intérieur et sur la capacité de votre président de groupe à parler pour tout le groupe, malgré la diversité qui est la vôtre, peut-être même encore aujourd'hui.
    M. Mansour Kamardine. Vous aussi, vous êtes d'accord avec le ministre ! C'est ça, une assemblée !
    M. Bruno Le Roux. La démarche mise en place par le précédent gouvernement était transparente. Fondée sur un dialogue avec les élus du suffrage universel mené dans la clarté, elle consacrait la primauté du débat démocratique. Les discussions qui ont eu lieu depuis le 13 décembre 1999 ont permis d'abord d'effectuer un examen de l'ensemble des problèmes de l'île, qu'il s'agisse des aspects institutionnels ou des questions économiques, culturelles et d'équipement. Le 20 juillet 2000, le Gouvernement présentait un relevé de conclusions, approuvé par l'Assemblée de Corse à une très large majorité de ses membres le 28 du même mois. Ce relevé de conclusions comportait une série de propositions à caractère institutionnel, économique et social. Pour assurer la mise en oeuvre de ces propositions, un projet de loi a été déposé, discuté et adopté en 2001 par le Parlement après un débat difficile, où, je le rappelle, seuls quelques députés de l'opposition d'hier firent le choix de l'analyse de fond, tous les autres préférant le positionnement politicien ! Alors qu'en la matière il est nécessaire de se défaire des a priori partisans, afin de privilégier l'intérêt de la Corse et de la République, tel n'avait pas été leur choix à l'époque. Je me félicite donc que ce soit à présent le choix de l'immense majorité dans cet hémicycle.
    Aujourd'hui, le Gouvernement, soutenu par de nombreux députés, encore hier farouchement opposés au processus de Matignon, propose de modifier l'architecture institutionnelle de la région Corse en créant une collectivité unique, ce qui entraînerait la disparition des deux conseils généraux. Une telle évolution institutionnelle n'a rien de choquant puisqu'elle était déjà prévue par ce que l'on a appelé la seconde étape du processus de Matignon.
    Faut-il demander leur avis aux Corses ? Pourquoi pas ? On peut, sans doute, imaginer d'autres questions, comme celle posée tout à l'heure par Emile Zuccarelli. Je me méfie quant à moi - et je pense que je rejoins le ministre sur ce point - de toutes celles qui tendraient à remettre en cause l'appartenance à la République. Il n'y a aujourd'hui aucun intérêt à poser cette question sur l'île.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et M. Guy Geoffroy, rapporteur. Elle ne se pose pas !
    M. Bruno Le Roux. Bien plus, elle ferait régresser le débat démocratique...
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Elle est derrière nous !
    M. Bruno Le Roux. ... tel que nous l'avons mené ces dernières années.
    La Corse est inscrite au sein de la République.
    M. le ministre de l'intérieur et des libertés locales. Exactement !
    M. Bruno Le Roux. Le projet porté depuis deux ans, même s'il innovait par bien des aspects, qui ont été validés ensuite par les évolutions constitutionnelles et institutionnelles, l'ancrait cependant dans la République. Demander aux Corses s'ils veulent rester dans la République constituerait la pire des régressions.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Absolument !
    M. René Dosière. Est-ce que l'on demande aux Picards s'ils veulent rester dans la République ?
    M. Bruno Le Roux. Il me semble que la réponse est claire, si l'on en croit le résultat des élections en Corse, où le score des partisans de l'indépendance, et même de l'autonomie, n'a jamais dépassé 15 % des électeurs de l'île.
    Nous ne sommes donc pas opposés au fait de poser une question aux Corses. Nous avions même annoncé dès le vote de la loi de janvier 2002 notre volonté de consulter les Corses sur le processus qui était mis en place. Dans une déclaration du 3 mars 2000, nous estimions nécessaire que « l'ensemble du processus soit soumis à une consultation populaire ».
    Nous avions aussi réclamé un plan exceptionnel d'investissements et une loi programme de mise à niveau économique sur dix ans destinée à combler les retards de l'île en matière d'équipements structurants. Nous le chiffrions à treize milliards de francs ; aujourd'hui, vous parlez de deux milliards d'euros : là encore, nous nous félicitons qu'après un débat serré dans cet hémicycle, nos engagements soient respectés, parce que c'est véritablement la clé du développement de l'île. Les orateurs qui se sont exprimés à la tribune ont eu raison de souligner que la cohérence institutionnelle est nécessaire pour gérer un tel projet de développement sur les dix années.
    Votre projet monsieur le ministre, plein de bonnes intentions, s'inscrit donc dans une continuité. Pourtant, il nous semble aujourd'hui que la précipitation avec laquelle vous nous entraînez dans un calendrier annoncé depuis plusieurs semaines est porteuse de difficultés. On ne peut imaginer, je le répète, un débat qui se déroule dans le contexte qui est celui de l'île aujourd'hui. Cet emballement est la première source d'une perplexité très largement exprimée. On pourrait répondre qu'il s'agit aujourd'hui de passer à l'étape suivante, mais beaucoup de Corses nous disent qu'il vaut mieux attendre que la loi de 2002 ait été véritablement mise en oeuvre, et que les nouveaux transferts de compétences aient été réalisés et leurs effets évalués.
    De même le plan exceptionnel d'investissement, très attendu sur l'île, n'a pas encore commencé à être véritablement mis en oeuvre. En ce qui concerne la diminution de la violence enfin, il est difficile d'expliquer aux Corses qu'on va passer à l'étape suivante alors qu'il n'y a pas encore eu une baisse tendancielle en ce domaine. Bien plus, s'il n'y a pas eu ces derniers mois de recrudescence du nombre d'attentats sur l'île, ils n'ont cependant marqué aucune décrue. Pourquoi, dans ces conditions, brusquer l'avancée du processus ?
    D'autant que vous ne mettez pas tous les éléments du débat sur la table et que nous ne sommes pas aujourd'hui en situation de mener campagne de façon claire. Et si votre projet, avec ses lacunes et ses non-dits extraordinaires, ne vous empêche pas de faire campagne à vous en croire, c'est que vous-même peut-être vous savez où vous allez, mais nous, nous l'ignorons. Or, pour pouvoir faire campagne clairement en faveur du « oui », il faut pouvoir répondre à des questions essentielles, comme la question du mode de scrutin, celle des compétences ou celle des services publics sur l'île.
    Monsieur le ministre, libre à vous de nous apporter ces réponses trois ou quatre jours seulement avant le 6 juillet. Mais attendez-vous dans ce cas à mener campagne seul, parce que personne ne pourra s'engager, à vos côtés ou contre vous, si vous ne posez pas clairement sur la table les éléments permettant à chacun de savoir exactement où il va.
    Nous vous demandons tout simplement de la clarté, et la possibilité d'animer le débat public avec toutes les informations nécessaires. Nous voulons participer à ce débat public sur la base non de déclarations d'intentions, mais d'un projet clair. Et, pour cela, le délai va être court. Si nous proposons de repousser le référendum au mois de septembre, ce n'est pas pour faire obstacle à l'évolution du statut : c'est simplement parce que nous pensons que la Corse mérite une véritable campagne, qui nous laisse le temps de discuter, de participer au débat public, et que les Corses eux-même puissent s'en emparer. Pensez-vous raisonnablement qu'entre le 15 juin et le 6 juillet, dans la situation qui est celle d'aujourd'hui, le débat public sera à la hauteur des espérances que conçoivent les Corses ? J'ai peut-être tort, mais je ne le crois pas.
    D'autant que ces moments de confusion, que révèle toute une série d'indicateurs sociaux plutôt mauvais, et que risque d'aggraver le flou de certaines dispositions de votre projet, sont propices à ceux qui véhiculent des idées fausses et des peurs, ceux pour qui aujourd'hui sera meilleur que demain. Ce sont toujours ceux-là qui, dans de telles occasions parviennent à mobiliser, c'est toujours le camp de la peur et du doute qui prospère alors. Nous, nous refusons une telle éventualité parce que nous la jugeons néfaste pour la Corse, parce que ce n'est pas l'issue que méritent tous les efforts qui ont été déployés par les uns et les autres ces dernières années.
    C'est parce que nous voulons que vous précisiez vos intentions que nous demandons le retour en commission, afin que nous puissions faire campagne à vos côtés. Vous êtes bien trop seul aujoud'hui mais c'est à croire parfois que vous le cherchez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, juste quelques mots.
    M. Le Roux me propose un hélicoptère.
    M. Bruno Le Roux. De la sécurité civile !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est sympathique. Il m'explique qu'en hélicoptère j'irai moins vite. Or, en général, on va plus vite.
    Plus sérieusement, monsieur Le Roux, j'essaie honnêtement de comprendre votre raisonnement. Vous avez, avec une certaine ironie, développé l'idée que, finalement, la politique que je propose s'inscrit dans la stricte continuité des accords de Matignon. Vous avez reproché à la majorité d'approuver un ministre qui fait exactement ce qe faisait Jospin. Mais, dans la foulée, vous lui demandez de faire attention et de réfléchir à ce qu'on lui propose. Soit je fais ce que faisait Jospin et, dans ce cas, il n'y a pas besoin de recommencer tout le travail déjà engagé, il peut servir pour la même action ; soit je fais aure chose, et dans ce cas-là il est justifié de repartir de zéro. Mais le même orateur ne peut pas à la fois nous reprocher d'être dans la stricte continuité de Jospin, de nous renier, et nous demander dans le même temps de tout recommencer comme s'il s'agissait d'un projet complètement différent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En bref, soit ce que je fais est différent et vous avez parfaitement raison, il faut recommencer la discussion depuis le départ, soit ce que je fais est dans la stricte continuité de l'action du gouvernement précédent, et dans ce cas les travaux préparatoires aux accords de Matignon valent pour ce projet. C'est soit l'un soit l'autre.
    Il y a un deuxième point que j'avoue ne pas comprendre. Il y aurait plus de cohérence, monsieur Le Roux, à dire que, puisqu'il faut encore étudier la question, il ne faut fixer aucune date de consultation, afin qu'on ait vraiment le temps. Mais dire que la démocratie sera mieux respectée en septembre revient à laisser penser que les mois de juillet et d'août en Corse sont propices à un vaste débat qui mobiliserait les orateurs de toutes les formations politiques. Qui a été en Corse aux mois de juillet et d'août sait parfaitement que c'est la période idoine pour les réunions de préaux et les débats politiques. (Rires sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cher Paul Giacobbi, vous le savez parfaitement, à partir du 14 juillet arrivent sur l'île de nombreux vacanciers et tant mieux. J'espère qu'ils seront, cher Bruno Le Roux, le plus nombreux possible. Il n'y a pas un responsable politique corse qui vous dira - et je remercie Simon Renucci de bien vouloir le reconnaître - qu'on fait une campagne politique en Corse du 14 juillet au début septembre. Nous voilà ramenés à une période effective de campagne qui commencerait soit au mieux le 1er septembre, soit une durée équivalente à celle que je propose.
    Troisième point, monsieur Le Roux, le débat n'est pas terminé et c'est peut-être que nous pouvons nous retrouver : puisque vous voulez me voir plus souvent à la commission des lois, je suis prêt à satisfaire l'envie du groupe socialiste.
    M. René Dosière. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Après tout, ce n'est pas rien d'être demandé comme cela ! Je le prends comme un honneur.
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est nous qui serons honorés de vous recevoir, monsieur le ministre !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je viendrai donc aussi souvent qu'il le faudra. Et nous aurons un débat sur le statut, sur le mode de scrutin et sur les compétences. La consultation n'est pas la fin des débats sur la Corse, ...
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. C'est le début !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... c'est au contraire l'autorisation d'aller plus loin.
    Enfin, vous m'avez posé trois questions auxquelles je vais essayer de répondre très précisément.
    Premièrement, sur les services publics en Corse. Le Gouvernement donnera des réponses très précises en la matière avant la fin mai, très exactement vendredi ou samedi. Deuxièmement, sur le mode de scrutin. Le Premier ministre devrait annoncer les grandes lignes du projet en la matière, mais avec une assez grande précision avant le 10 juin. Troisièmement, sur les compétences, j'espère que nous pourrons vous apporter plus de précisions au début du mois de juin.
    Aux trois interrogations que vous avez légitimement présentées, le Gouvernement apportera donc des réponses précises.
    Si nous ne le faisons pas dès à présent, c'est pour la simple raison qu'il est tout de même difficile d'expliquer aux Corses, sur une question qui les touche au plus profond d'eux-mêmes, que nous mettons en place des groupes de travail comptant en leur sein des personnes opposées à la réforme. Il est en effet normal que ces personnes s'expriment, même si les Corses répondent oui à la question posée. Il ne s'agit pas de tout bloquer dès le premier débat au Parlement, sinon autant dire qu'il n'est pas besoin de consulter les élus insulaires. Ce n'est pas possible et d'ailleurs M. Le Roux le sait très bien, puisqu'il ne l'a pas proposé.
    Cela ne signifie pourtant pas que le Parlement n'aura pas le dernier mot ! Et vous ne l'avez d'ailleurs pas mis en doute. C'est le Parlement en effet, et personne d'autre, qui se prononcera en dernier ressort sur le statut.
    Voilà pourquoi les réponses à ces questions n'ont pas été apportées dans le cadre de ce débat. Il s'agit de laisser aux élus corses le pouvoir d'en débattre, pour voir de quel côté penchent la majorité d'entre eux. Ce n'est pas un débat simple. Pour certains, il faut choisir le mode de scrutin continental, afin de marquer que la Corse appartient à la République. Pour d'autres, il ne faut rien changer au mode de scrutin actuel, parce que c'est une façon de préserver les minorités qui sont une spécificité de la Corse. Pour d'autres encore, il faut trouver un juste milieu. Laissons ces points de vue s'exprimer encore quelques jours. De toute manière, le Gouvernement prendra ses responsabilités sur le mode de scrutin, comme il l'a fait pour le statut. Il y aurait du reste quelque contradiction à nous reprocher de nous engager sur le statut et de craindre que nous ne le ferions pas sur le mode de scrutin.
    Monsieur Le Roux, j'ai essayé de vous répondre le plus honnêtement et le plus complètement possible. Vous connaissez maintenant le calendrier. J'espère que cela vous permettra, puisqu'il n'y a pas de problème de principe, de ne pas suivre l'exemple de ceux que vous avez moqués, il y a quelques minutes. Puisque vous êtes si différent de ce que nous étions,...
    M. Bruno Le Roux. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... je ne doute pas un instant, monsieur Le Roux, que la conséquence que vous en tirerez sera également différente. Vous nous avez montrés du doigt.
    M. Bruno Le Roux et M. Daniel Vaillant. Vous avez en effet voté contre !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... vous nous avez moqués. Vous avez défini ce qu'il n'était pas bien de faire ; c'était votre droit. Mais comme votre argumentation gagnera en force quand vous nous démontrerez, avec le courage qui est le vôtre, que vous allez faire le contraire de ce que vous dénonciez il y a quelques minutes. J'attends donc avec plaisir votre vote en faveur du projet du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour une explication de vote.
    M. René Dosière. Jamais demande de renvoi en commission n'aura été aussi justifiée. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. C'est un peu trop !
    M. René Dosière. On sait bien dans cet hémicycle que les motions de procédure sont généralement détournées de leur objet. (Exclamations sur les mêmes bancs,...)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pas dans le cas présent.
    M. René Dosière. ... c'est-à-dire qu'elles permettent de disposer d'un temps de parole supplémentaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Reconnaissez, mes chers collègues, que chacun a recours à cette pratique et plus spécialement l'opposition, car c'est pour elle l'occasion de faire jouer son droit à la parole. C'est même le seul droit qui nous reste. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Bref, on sait bien qu'il y a parfois un détournement des motions de procédure.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Quel aveu !
    M. René Dosière. Mais ce n'était pas le cas en l'occurrence. Et ceux qui ont écouté attentivement Bruno Le Roux expliquer la manière dont nous avons travaillé en commission des lois, seront convaincus...
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. On a très bien travaillé.
    M. René Dosière. ... que jamais une motion de renvoi en commission visant à approndir l'étude d'un texte n'a été autant justifiée.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il ne faut pas exagérer !
    M. René Dosière. Bien entendu, le ministre nous affirme que le débat lui permettra de nous apporter des précisions supplémentaires. Mais le renvoi en commission n'a pas pour raison une mise en cause du ministre. Il s'agit simplement de permettre à l'Assemblée et à sa commission des lois de travailler, ce qu'elle n'a pas fait suffisamment sur ce texte.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Si !
    M. René Dosière. Non, pas suffisamment et, monsieur le rapporteur, vous n'êtes pas en cause. Ne disposant que de délais très courts, vous avez rédigé un rapport dont on a souligné les qualités ; mais enfin, vous ne pouviez pas rendre compte d'auditions que nous n'avons pas pu mener, de visites que nous n'avons pas pu faire, de rencontres que nous n'avons pas pu organiser. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà simplement ce que nous disons : en aucun cas nous ne mettons en cause votre travail.
    Il serait donc souhaitable que nous puissions approfondir les choses. Vous nous dites, monsieur le ministre, que le Premier ministre donnera prochainement des informations plus précises s'agissant notamment du mode de scrutin, mais je regrette que ces annonces ne soient pas faites devant la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, c'est nous qui, en définitive, voterons le mode de scrutin. Cela fait partie de nos prérogatives en vertu de l'article 34 de la Constitution. Mais que se passera-t-il ? On nous apportera un texte qui aura d'ailleurs sans doute été présenté au préalable au Sénat et que nous n'aurons plus qu'à accepter, voire à voter conforme. Procéder de la sorte, ce n'est pas respecter la voix du peuple. Le Sénat, qui prend au cours de cette législature le pas sur l'Assemblée nationale, est loin d'avoir la légitimité de celle-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je pensais que l'Assemblée était largement informée, car Dieu sait à quel point le ministre a pris le temps, au début de la discussion et encore maintenant, de répondre à toutes les interrogations.
    M. Pierre Hellier. C'est vrai !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il a même su, avec l'habileté qu'on lui connaît, montrer les contradictions des uns ou des autres.
    M. Emile Zuccarelli. Et même les siennes !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je ne peux pas laisser dire que la commission des lois n'a pas pris le temps de travailler. Le travail de chacun, c'est celui qu'il exprime à travers ses propos. Je ne me souviens pas que M. Dosière ait été avare de paroles. Quant à M. Zuccarelli, il a été extrêmement abondant. Chacun s'est donc exprimé comme il l'a souhaité et je n'ai pas entendu un seul député de Corse demander qu'une mission aille sur place pour vérifier si la proposition du Gouvernement est en adéquation avec la situation. Donc, ne soyez pas plus corses que les Corses : eux-mêmes ne le demandent pas. C'est un argument de tribune que vous utilisez là.
    M. Bruno Le Roux. Mais non !
    M. Paul Giacobbi. Loin de là !
    M. Pascal Clément, président de la commission. La commission des lois a écouté tous ceux qui ont voulu s'exprimer, y compris ceux qui n'en font pas partie.
    M. René Dosière. C'est l'application de notre règlement !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Certes, mais tous les députés de Corse, qu'ils appartiennent ou non à la commission, sont venus s'exprimer. Nous avons aujourd'hui le choix entre ne rien faire, rester sur l'échec de Matignon ou prolonger ces accords, comme le propose M. le ministre avec, vous l'avouerez, une grande honnêteté intellectuelle, puisqu'il rend hommage au travail préparatoire. Soyez aussi élégants que lui ! N'empêchez pas l'Assemblée de travailler et le Gouvernement d'essayer d'aider les Corses !
    M. Bruno Le Roux. Nous ne vous avons pas empêchés de travailler : vous n'avez rien fait !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Le renvoi en commission serait franchement dommageable pour l'intérêt que vous prétendez défendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra.
    M. Camille de Rocca Serra. Je suis surpris, monsieur Le Roux. Vous avez en effet contribué à l'élaboration du dispositif qui bénéficiera à la Corse demain ; vous avez participé aux très longs et très fructueux débats qui ont eu lieu en commission d'enquête ou d'information ; vous avez assisté aux réunions de la commission des lois, aux auditions, et vous voudriez que nous ne profitions pas de ces acquis ! Pourquoi revenir à la case départ, alors que tout le travail a été fait ?
    M. Bruno Le Roux. Il faut continuer !
    M. Camille de Rocca Serra. Mais non ! Des missions d'information seraient aujourd'hui complétement superflues. Nous avons un acquis sur les compétences et nous sommes en train de placer le chapeau qui permettra de mieux utiliser l'ensemble des outils. La concertation sur la Corse a eu lieu pendant neuf mois. Le ministre de l'intérieur s'est beaucoup investi et tous les élus sont suffisamment informés. Vous utilisez aujourd'hui des subterfuges pour dériver.
    Ne créons pas le trouble et la confusion dans l'esprit des 190 000 électeurs de Corse qui devront se prononcer dans la clarté sur une question simple - une réforme institutionnelle au bénéfice de la Corse - et ne confondons pas l'annexe, qui fixe des orientations, avec le statut dont nous débattrons à l'automne. Le Parlement aura le dernier mot. M. le ministre vous a apporté des réponses. Je demande donc à l'Assemblée de rejeter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er et annexe

    M. le président. Je donne lecture de l'article 1er:

TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

    « Art. 1er. - Une consultation est organisée dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi afin que les électeurs de nationalité française inscrits sur les listes électorales de Corse donnent leur avis sur les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de la Corse dans la République, qui figurent en annexe à la présente loi.
    « Les électeurs sont convoqués par un décret auquel n'est pas applicable la procédure de consultation préalable de l'Assemblée de Corse prévue par le V de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales. »

ANNEXE

    « L'organisation institutionnelle actuelle de la Corse au sein de la République se caractérise par la coexistence de trois cent soixante communes, de deux départements et d'une collectivité territoriale à statut particulier.
    « L'existence de deux départements remonte à la loi du 15 mai 1975, auparavant, et depuis le découpage du territoire de la France en départements en 1790, la Corse ne connaissait qu'un seul département, à l'exception de la période comprise entre 1793 et 1811. Les deux départements actuels ont un régime juridique de droit commun, tant pour ce qui est de leur organisation, avec une assemblée délibérante, le conseil général, et un exécutif confié au président de ce dernier, que pour ce qui est de leurs compétences, qui portent essentiellement sur l'aide sociale, les transports scolaires, les routes départementales, l'aménagement rural.
    « La collectivité territoriale de Corse a été créée par la loi du 2 mars 1982. Elle bénéficie d'un statut particulier depuis cette date, confirmé et renforcé par diverses lois successives. La loi du 30 juillet 1982 a conféré à cette collectivité territoriale des compétences étendues par rapport aux régions instituées sur le reste du territoire et a créé les premiers offices spécialisés pour les transports, l'agriculture et l'hydraulique. La loi du 13 mai 1991 a organisé les institutions de la collectivité territoriale de manière spécifique, en créant un conseil exécutif chargé de la direction de l'action de la collectivité, responsable devant l'Assemblée de Corse. Enfin, la loi du 22 janvier 2002 a organisé de nouveaux transferts de compétences et de biens vers la collectivité territoriale.
    « Sur proposition du Gouvernement, le Parlement a décidé, par la loi n°... du ..., d'appliquer les dispositions de l'article 72-1 de la Constitution résultant de la récente révision constitutionnelle, qui permettent, "lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, ... de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. Les électeurs de Corse sont donc consultés sur les orientations de modificiation de cette organisation institutionnelle, qui sont présentées ci-après.
     « La Corse conservera, au sein de la République, une organisation institutionnelle particulière. Elle sera organisée sous la forme d'une collectivité territoriale unique mais largement déconcentrée, comme le permet la récente révision constitutionnelle.
    « L'objectif du nouveau statut est de garantir la cohérence de l'action publique, tout en préservant le rôle de proximité que jouent actuellement les départements.
    « 1. Une collectivité unique.
    « Une collectivité territoriale unique sera substituée à l'actuelle collectivité territoriale de Corse et aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. Elle disposera d'une compétence générale pour les affaires de la Corse. Son siège sera fixé à Ajaccio.
    « La collectivité unique sera administrée par une assemblée délibérante, appelée Assemblée de Corse, et par un conseil exécutif, élu par l'Assemblée de Corse et responsable devant elle.
    « Elle exercera les compétences actuellement dévolues à la collectivité territoriale de Corse et aux deux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud complétées, le cas échéant, par les futures lois générales de décentralisation. Les services de ces trois collectivités lui seront transférés dans le respect de la garantie statutaire des personnels.
    « L'existence des communes ne sera pas remise en cause.
    « 2. Une collectivité déconcentrée.
    « La collectivité unique comprendra deux subdivisions administratives dépourvues de la personnalité morale, dont les limites territoriales seront celles de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud.
    « Chaque subdivision sera le ressort d'une assemblée délibérante, l'une dénommée conseil territorial de Haute-Corse et l'autre conseil territorial de Corse-du-Sud, ayant chacune un président. Les mêmes élus siégeront à la fois à l'Assemblée de Corse et, selon le secteur géographique dans lequel ils auront été candidats, dans l'un ou l'autre des deux conseils territoriaux.
    « Ayant seule la personnalité morale, la collectivité unique sera seule habilitée, aux côtés des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, à recevoir tout ou partie du produit d'impositions de toutes natures et à recruter du personnel.
    « Les conseils territoriaux seront chargés de mettre en oeuvre les politiques de la collectivité unique. Ils agiront toujours pour son compte et selon les règles qu'elle aura fixées. A cette fin, la collectivité unique leur accordera des dotations, dans le cadre de son budget, et mettra ses services à leur disposition, en tant que de besoin.
    « Le conseil territorial de Haute-Corse siégera à Bastia, celui de Corse-du-Sud à Ajaccio.
    3. Un mode d'élection permettant d'assurer à la fois la représentation des territoires et des populations.
    « Les membres de l'Assemblée de Corse et des deux conseils territoriaux seront élus dans le cadre d'une seule circonscription électorale corresponsant à l'ensemble de la Corse.
    « L'élection aura lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, avec attribution d'une prime majoritaire, dans le cadre de secteurs géographiques. Elle sera organisée sur une base essentiellement démographique. Le mode de scrutin permettra d'assurer à la fois la représentation des territoires et des populations. Il garantira le respect du principe de parité entre hommes et femmes en imposant que chaque liste de candidats soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.
    « L'Assemblée de Corse élira son président ainsi que le président et les membres du conseil exécutif. Chaque conseil territorial procèdera à l'élection de son président.
    « 4. Des compétences de la collectivité unique et des compétences mises en oeuvre par les conseils territoriaux.
    « L'Assemblée de Corse arrêtera les politiques de la collectivité unique, assurera leur planification et fixera les règles de leur mise en oeuvre.
    « Pour des raisons de bonne gestion et de proximité, elle pourra confier cette mise en oeuvre aux deux conseils territoriaux.
    « La loi définira cependant les compétences de la collectivité unique dont la mise en oeuvre ne pourra être confiée aux conseils territoriaux, parce qu'elles engagent l'unité des politiques publiques et la cohérence des décisions prises au niveau de l'île. Figurent parmi ces compétences la détermination du régime des aides aux entreprises et l'élaboration du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse.
    « Réciproquement, la loi réservera aux deux conseils territoriaux la mise en oeuvre, dans les conditions fixées par l'Assemblée de Corse, de certaines compétences de proximité actuellement dévolues aux départements, telles que la gestion de l'aide sociale, l'entretien des routes ou les aides aux communes.
    « Par ailleurs, la collectivité unique pourra, dans des conditions déterminées par la loi, confier la mise en oeuvre de certaines de ses compétences aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale.
    « 5. Une organisation des services de l'Etat adaptée.
    « L'organisation des services de l'Etat sera adaptée pour tenir compte de la création d'une collectivité territoriale unique. Elle assurera un équilibre entre toutes les parties du territoire de l'île.
    « Un préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité unique, sera installé à Ajaccio. Il bénéficiera, pour la circonscription administrative de Haute-Corse, du concours d'un préfet installé à Bastia. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi, inscrit sur l'article.
    M. Paul Giacobbi. En fait, mon intervention est destinée à soutenir par avance l'amendement n° 16, qui va être présenté par Bruno Le Roux au nom du groupe socialiste. J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que c'est un amendement de raison, de soutien, même. En effet, il vise à permettre au Gouvernement de disposer de plus de temps pour prendre le décret nécessaire à la consultation des électeurs en ne l'enfermant pas dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, mais en portant celui-ci à six mois. L'autorité réglementaire pourra ensuite faire ce qu'elle veut. Nous sommes là de très bonne volonté, car le calendrier est terriblement serré. Vous nous dites que vous allez annoncer certaines choses en Corse - j'en suis fort aise ! - vers le 10 juin. Cela ne laisse déjà pas énormément de temps. Et vous connaissez mieux que nous les contingences de vos fonctions, monsieur le ministre. Vous pouvez très bien être appelé ailleurs le 10 juin et être obligé de reporter la consultation au 15 juin, voire à plus tard, car nous vivons dans un monde agité, difficile, dangereux et beaucoup de choses sont imprévisibles, M. Hollande l'a d'ailleurs rappelé. Bref, vous ne pouvez pas vous lier à ce point !
    Vous nous dites par ailleurs que vous êtes un grand partisan de la démocratie directe et que vous allez faire vos annonces en Corse, aux citoyens de la Corse. Fort bien ! J'en suis, je suis donc heureux, mais nous sommes aussi dans une démocratie représentative et, par respect pour le Parlement, il serait bon de l'informer aussi, mais cela prendra un peu de temps.
    On nous dit également que la consultation doit à tout prix avoir lieu début juillet pour que le Gouvernement puisse travailler en été au projet de loi qui sera présenté à la rentrée à l'Assemblée nationale, ou plutôt au Sénat, puisque c'est maintenant à lui que l'on soumet en priorité ce genre de texte, ce que je n'approuve pas, d'ailleurs. Je suggère de vous ouvrir le droit de procéder à cette consultation en septembre. Il faudra que les services du Gouvernement travaillent en été. Je vous rassure, monsieur le ministre, on travaille parfois en été en Corse : cela m'arrive, et pas seulement dans mon jardin ! Il faudra rencontrer les gens, procéder à des arbitrages sur le projet de loi, même si nous n'avons pas la garantie que la consultation sera positive. Et si elle est négative, nous aurons travaillé pour rien, que voulez-vous ! J'insiste encore une fois sur le fait que cet amendement ne vise pas à instaurer une contrainte pour le Gouvernement. Au contraire, celui-ci aurait plus de liberté. Pour une fois que l'opposition veut accroître la liberté du Gouvernement sans contrepartie, il serait peut-être intéressant d'en profiter !
    M. le président. M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 16, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa de l'article 1er, substituer au nombre : "trois le nombre : "six. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Celui qui a le mieux défendu cet amendement c'est vous, monsieur le ministre, en disant que le Gouvernement souhaitait maintenir la date du 6 juillet, mais qu'il pouvait y avoir une analyse de la situation le 15 juin. Nous proposons un délai de six mois, parce que nous souhaitons le report de cette consultation, mais il ne s'agit là que d'une possibilité. Si quelque chose empêchait la consultation, cela vous permettrait de l'organiser au mois de septembre sans avoir à revenir devant l'Assemblée. Nous admettons qu'il puisse y avoir deux lectures de cet amendement, mais il offrirait une garantie juridique au Gouvernement au cas où il ne lui serait pas possible d'organiser la consultation le 6 juillet, comme il en affiche aujourd'hui la volonté.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, dont M. Le Roux vient d'ailleurs de reconnaître qu'il était possible de faire deux lectures. Je souhaite rappeler à l'Assemblée une partie de son exposé sommaire : « Ce délai qui permettrait d'organiser cette consultation à l'automne » - l'automne, c'est après le 21 septembre - « pourrait aussi dans l'intervalle fournir l'occasion d'approfondir le débat sur les compétences et les modalités d'élection ». On revient à ce que l'on a développé tout à l'heure, c'est-à-dire que l'on veut relancer le débat, organiser celui sur le statut avant celui sur la loi autorisant la consultation. Pour toutes ces raisons, la commission a eu la sagesse de repousser de cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tant de sollicitude est vraiment très touchant ! Honnêtement, j'accepte ces propositions d'aide, de soutien, d'amitié, de présence constante sans manifester aucune malice. Mais s'il s'agit vraiment de rendre possible le report à septembre, le délai de trois mois est suffisant ! Donc, pourquoi me proposer un délai de six mois ? Je prends vos intentions pour ce qu'elles sont - excellentes - et je vous en remercie, mais c'est une analyse politique que nous faisons. Ce projet, le Gouvernement y croit. Il y a une situation d'urgence en Corse, personne ne le conteste. Une date a été annoncée : le 6 juillet. Je ne doute pas qu'en dehors de cet hémicycle, la moindre faiblesse de ma part serait exploitée.
    M. Bruno Le Roux. Pas du tout !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pas par vous, monsieur Le Roux, et certainement pas par vous non plus, monsieur Giacobbi, mais certains diraient alors - j'en vois non loin de vous - que c'est le signe que cela ne va pas, que c'est la débandade. Eh bien, cela va très bien ! Le Gouvernement a un bon projet pour les Corses. J'irai en Corse cette semaine. Le Premier ministre s'y rendra au moins de juin et le Président de la République aura l'occasion de s'exprimer fortement.
    M. Bruno Le Roux. Pas le 14 juillet !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Chacun prendra ses responsabilités. Il n'en reste pas moins que j'ai été très sensible à la chaleur des interventions. Comme vous l'avez dit, monsieur Giacobbi, c'est un amendement de soutien. Je prends donc le soutien et je refuse l'amendement. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Je m'exprimerai à votre choix, monsieur le président, pour un fait personnel ou pour répondre au Gouvernement.
    M. le président. Monsieur Zuccarelli, je veux bien vous donner la parole pour répondre à la commission ou au Gouvernement, mais si vous souhaitez intervenir pour un fait personnel ce sera à la fin de la séance, vers quatre ou cinq heures !
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le ministre, vous ne devriez pas abuser du procédé qui consiste à faire parler des personnes qui ne se sont pas exprimées en faisant les questions et les réponses. En l'occurrence, vous avez engagé un débat, puis vous avez évoqué ce qui se passerait si vous le différiez et vous avez imaginé quelles réactions cela pourrait entraîner de la part de ceux que vous avez désignés en dirigeant votre pouce par-dessus votre épaule. C'est extrêmement désagréable ! Je n'ai rien dit. Je ne vous ai pas poussé à engager ce débat et je ne me suis pas exprimé sur l'opportunité qu'il pourrait y avoir à le retarder ou, le cas échéant, à repousser l'élection de l'assemblée territoriale. Tout cela, c'est de votre responsabilité. Je n'ai rien dit parce que, à partir du moment où vous avez engagé cette réforme malencontreuse, vous devez en assumer toutes les péripéties et, vous verrez, je ne m'en mêlerai absolument pas ! Ceux de mes voisins qui vous ont fait des propositions pour écarter de vous certains écueils en sont pour leurs frais, et je le regrette par amitié pour eux.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 17, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa de l'article 1er, substituer aux mots : "n'est pas applicable la procédure de consultation préalable, les mots : "est applicable la procédure de consultation préalable d'urgence. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Cet amendement vise à faire en sorte que le décret de convocation des électeurs soit soumis à l'Assemblée de Corse. Sommes-nous, là encore, prisonniers d'un calendrier qui rendrait impossible la consultation de cette assemblée en raison des délais fixés par le ministre de l'intérieur ? Un décret de convocation des électeurs pour une première consultation régionale, ce n'est pas quelque chose d'anodin et il me semblerait déraisonnable de prévoir une exception à l'examen de ce décret par l'Assemblée de Corse.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'argument de l'auteur de l'amendement serait valable si le décret comprenait non seulement la date de la convocation, mais également toutes les modalités nécessaires à l'organisation de celle-ci. Or il n'en est rien, puisque les modalités d'organisation de la consultation figurent dans le projet de loi lui-même. Le décret se limitera à fixer la date. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Nous vivons, là encore, un moment de décentralisation. Il s'agit simplement de permettre à l'Assemblée de Corse de donner son avis sur le décret de convocation des électeurs ; elle n'est peut-être pas incompétente là-dessus, après tout ! Elle sera de bonne foi. De plus, elle est composée de gens qui, majoritairement, approuvent cette réforme. On ne peut donc pas craindre d'eux qu'ils veuillent torpiller quoi que ce soit. Cette assemblée est de bon conseil, pourquoi se priver de son avis ? Cette consultation pourrait être très rapide. Je vous l'assure : il n'y a aucun vice dans cette proposition ! Demandez donc à l'Assemblée de Corse ce qu'elle en pense. Elle appréciera très vite.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Contre l'amendement car, si je retiens l'argumentation de mon collègue et ami Paul Giacobbi, selon laquelle il n'y aurait pas d'obstacle à consulter l'Assemblée de Corse parce qu'elle est majoritairement composée de gens favorables à la réforme, cela suppose qu'il n'aurait pas fait cette proposition si l'Assemblée de Corse était composée majoritairement de gens hostiles à la réforme. Dire que l'on va consulter ou non l'Assemblée de Corse en fonction de l'orientation supposée de ses membres ne me paraît pas très conforme à l'éthique du travail législatif.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 18, ainsi rédigé :
    « Avant la dernière phrase du troisième alinéa, de l'annexe à l'article 1er, insérer la phrase suivante : "Cette assemblée est actuellement composée de 51 membres élus dans le cadre de la circonscription unique constituée par la Corse, au scrutin de liste proportionnel à deux tours avec attribution d'une prime majoritaire de trois sièges à la liste arrivée en tête. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Je retire cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.
    M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 3 corrigé, ainsi rédigé :
    « Dans le sixième alinéa de l'annexe à l'article 1er, substituer aux mots : "de l'action publique, les mots : "des politiques publiques. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. C'est un amendement rédactionnel. Les politiques publiques, c'est l'action des collectivités locales, alors que l'action publique désigne l'action des parquets. Ne confondons pas. Une telle proposition ne mange pas de pain. En outre, cela nous permettrait d'écrire dans un français juridique rigoureux.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. A l'origine, cet amendement était incorrect et pouvait paraître inacceptable. Récrit de cette manière, il est plus précis et semble de nature à lever un risque de confusion. Donc, avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 corrigé.
    (L'amendement est adopté.)
    M. Emile Zuccarelli. Quel succès !
    M. le président. M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 4, ainsi rédigé :
    « Supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du 1 de l'annexe à l'article 1er. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Je retire cet amendement, qui tendait à rappeler que la fixation du siège des collectivités locales est non pas du domaine de la loi mais de celui du règlement. Je ne souhaite pas, en effet, acréditer l'idée que l'on veut tout bouleverser. Je le retire simplement parce qu'il s'agit de l'annexe, qui n'est pas la loi.
    M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
    M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 19, ainsi rédigé :
    « Dans le troisième alinéa du 1 de l'annexe à l'article 1er, après le mot : "exécutif, insérer le mot : "collégial. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Cet amendement permet de faire une distinction entre l'assemblée de Corse, qui aura bien un exécutif collégial, et l'exécutif de chaque conseil territorial, qui sera constitué par son seul président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cette distinction, apparemment logique, ne l'est pas tant que cela, en réalité, puisque le conseil exécutif n'est pas un exécutif collégial, le président ayant lui-même des pouvoirs propres, qui lui sont attribués par le code général des collectivités territoriales. En voulant préciser les choses, on rique au contraire de les polluer. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Je voudrais saisir l'occasion de cet amendement pour rappeler que la Corse bénéficie, s'agissant de son assemblée régionale, d'un système particulier et innovant, puisque le président de l'assemblée de Corse n'est pas l'exécutif de cette assemblée. Or la séparation entre l'exécutif et le délibératif est propice à la démocratie. Peut-être aurait-on intérêt, monsieur le ministre, à étendre à l'avenir cette formule aux assemblées régionales continentales.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 5, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du 1 de l'annexe à l'article 1er :
    « L'application de la réforme ne comporte pas d'incidence sur les communes. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Je retire cet amendement qui proposait pourtant une rédaction plus précise que celle du texte du Gouvernement.
    M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
    M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 20, ainsi rédigé :
    « Substituer à la première phrase du troisième alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er, les deux phrases suivantes : Chaque conseil départemental sera doté d'une assemblée et d'un président. L'assemblée de chacun des deux conseils départementaux, dénommés respectivement conseil départemental de Haute-Corse et conseil départemental de Corse-du-Sud, sera composée des membres de l'Assemblée de Corse. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Je retire cet amendement au profit de l'amendement n° 7 de M. Giacobbi, que nous allons bientôt examiner.
    M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements identiques n°s 6 et 21.
    L'amendement n° 6 est présenté par M. Giacobbi ; l'amendement n° 21 est présenté par M. Le Roux et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans la première phrase du troisième alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er, substituer par deux fois au mot : "territorial, le mot : "départemental. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l'amendement n° 6.
    M. Paul Giacobbi. Avec cet amendement, je souhaite souligner l'importance des mots. Il convient, d'abord, d'éviter la confusion entre les deux niveaux de représentation. En effet, il faut que nos concitoyens puissent s'y retrouver, et ce n'est pas si facile.
    Jusqu'à présent, en Corse, l'adjectif « territorial », s'appliquait à la collectivité territoriale de Corse, qu'on nomme ailleurs la région. Et, par conséquent, les membres de l'Assemblée de Corse étaient appelés, tout à fait officiellement, des conseillers territoriaux. Avec la régionalisation, les conseillers territoriaux seront désormais ceux qui siègent non plus à l'Assemblée territoriale, qui est l'assemblée de Corse, mais au niveau départemental.
    Voilà l'excellente raison pour laquelle - c'est une logique délicieusement anglo-saxonne - on les appelle des conseillers territoriaux. J'ai d'ailleurs noté avec intérêt, monsieur le ministre, que le mot « département », qui semblait exclu du débat, y a été réintroduit par vous-même en tant que circonscription administrative de l'Etat.
    Afin d'éviter la confusion, il faudrait donc baptiser très simplement ces conseils - qui recouvrent au niveau géographique au moins, la délimitation bien connue du département « conseils départementaux », et parler de « conseillers départementaux » pour désigner ceux qui y siègent.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l'amendement n° 21.
    M. Bruno Le Roux. Je considère qu'il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Certes, il y a là une apparence de cohérence. Mais, puisque l'on cherche à éviter la confusion, allons jusqu'au bout de cette démarche. Le projet de loi - personne ne le conteste - supprime les départements au profit d'une collectivité unique.
    M. René Dosière. Pas les départements, les conseils généraux !
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Dès lors, faire référence aux départements au moment où l'on supprime la collectivité territoriale départementale sera source non pas de clarification, mais de confusion et d'ambiguïté. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé ces deux amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce n'est vraiment pas un problème de principe ou d'opposition entre nous : il s'agit de trouver de bonne foi la meilleure solution. Le Gouvernement propose, pour la collectivité unique, la dénomination de « conseillers de Corse » et, pour les conseils territoriaux, celle de « conseillers territoriaux ». Le président Giacobbi nous suggère de les appeler « conseillers départementaux ». Or, si l'on entre dans une nouvelle ère, celle d'une assemblée unique pour la Corse, il y aura des conseillers de Corse, parlant pour la Corse, définissant une stratégie pour la Corse dans son ensemble, collectivité décentralisée avec deux conseils de territoire. Les conseillers de Corse assureront une vision cohérente et les conseillers territoriaux exprimeront la proximité du territoire. Je ne dis pas que ce dispositif est parfait. Je ne prétends pas qu'on ne pourra pas trouver mieux. Mais il me semble en tout cas qu'il ne laisse pas place à l'incertitude ou à la confusion, contrairement à la dénomination de « conseillers départementaux ». En outre, en parlant de « conseillers territoriaux », on montre bien qu'on a préservé les territoires de proximité.
    Tel est l'avis du Gouvernement qui ne voit pas là, cependant, un problème idéologique.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Deux précisions, monsieur le ministre.
    Tout d'abord, le rapporteur nous a dit qu'on supprimait les départements.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non : les conseils généraux !
    M. Paul Giacobbi. En la matière, il faut être très précis car le mot « département » a trois significations. Premièrement, c'est une collectivité territoriale, ce qu'on appelle, en la désignant par le nom de son assemblée, le conseil général. Et ce nom est dû au fait qu'auparavant, l'exécutif du conseil général, c'était le préfet, donc un organe de l'Etat. Deuxièmement, le département c'est aussi la circonscription administrative de l'Etat. Et cela recouvre deux significations : d'une part, non pas une personnalité morale, mais un ensemble de services et une autorité déconcentrée, celle du préfet, et, d'autre part, un territoire. A cet égard, si les mots ont changé - Haute-Corse, Corse-du-Sud, département du Golo, département du Liamone, évoqués tout à l'heure par Simon Renucci - la délimitation elle, n'a pratiquement pas bougé.
    Je vais donc faire une proposition. Je ne sais pas si j'ai le droit de déposer un sous-amendement. Je vais en tout cas me permettre un sous-amendement oral. Monsieur le ministre, puisqu'on va appeler les conseillers à l'Assemblée de Corse les « conseillers de Corse », au lieu de faire allusion aux « conseillers territoriaux », parlons plutôt de « conseillers de Haute-Corse » et de « conseillers de Corse-du-Sud ». Tout le monde comprendra ainsi de quoi il s'agit.
    M. le président. M. Giacobbi, et cette considération n'est pas politique, la rédaction des sous-amendements répond à un certain nombre de règles et de procédures. La présidence doit notamment en être saisie auparavant. Je le regrette vivement pour votre démarche, mais il n'est pas inutile de le rappeler à l'Assemblée.
    M. Paul Giacobbi. Vu la rapidité avec laquelle les travaux ont été effectués en commission, faut-il un tel formalisme ?
    M. le président. Monsieur Giacobbi, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole dans la discussion générale, prenant en compte votre position et le peu de temps qui vous était imparti, au regard du message que vous avez diffusé. Mais il existe des règles qu'il faut respecter. La motion de renvoi en commission a été rejetée par l'Assemblée nationale, les dés ont roulé et nous en sommes à présent à l'examen des amendements. Vous avez défendu le vôtre et M. le Roux n'a rien souhaité ajouter à vos propos.
    M. Bruno Le Roux. Je demande la parole pour un rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Monsieur le ministre, il ne faudrait pas que ce qui peut apparaître comme un simple problème de sémantique soit source de confusion. Nous aurons donc des conseillers de Corse et des conseils territoriaux. Parlerons-nous des conseillers territoriaux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse ? Le préfet qui siégera à Bastia sera-t-il celui du territoire de la Haute-Corse ou celui du département ? Il faut préciser ces points.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Même si le sujet ne paraît pas passionnant, ce que dit Paul Giacobbi est exact : il faut se préoccuper des conséquences de cette terminologie. Les intégrismes sémantiques se sont en effet succédé. A une époque, on nous a dit que la Corse était une collectivité territoriale. Mais les membres de cette assemblée étaient-ils pour autant des conseillers régionaux ? Surtout pas, nous a-t-on expliqué, car on aurait alors pu penser que la Corse était une région ! Ce point a été longuement débattu et on a finalement opté pour l'appellation de conseillers territoriaux. Ainsi, chaque fois qu'il est question de « conseiller régional » dans un texte législatif, il est précisé dans une parenthèse que, pour la Corse, il s'agit de « conseiller de Corse ». C'est d'un ridicule achevé ! Un conseiller est du niveau régional ou non.
    Il me semble donc qu'il serait beaucoup plus clair d'employer la dénomination « conseiller départemental ». En outre, cela familiariserait la population avec la fonction de ces bons conseillers qui vont travailler dans le périmètre des anciens départements. Si l'on se préoccupe un tant soit peu de la population, il faut suivre la proposition de Paul Giacobbi.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. D'abord, monsieur Zuccarelli, je ne vois pas ce qu'il y a de ridicule dans cette discussion. Je ne sais d'ailleurs pas si votre expression visait les propos de M. le Roux, de M. Giacobbi ou de M. Salles. Je pense quant à moi que ce débat ne manque pas d'intérêt.
    M. Emile Zuccarelli. Je n'ai pas dit que c'était ridicule ! J'ai dit exaxtement le contraire !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vous prie de m'excuser : je ne l'avais pas compris ainsi.
    En tout état de cause, si les Corses votent « oui », dans le cadre du statut qui viendra ensuite en discussion, nous aurons tout le loisir de prendre le temps qu'il faut pour fixer la dénomination exacte,...
    M. Paul Giacobbi. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... et je dis cela en toute bonne foi.
    Par ailleurs, monsieur Salles, le Gouvernement ne clôt pas le débat, prétendant que sa dénomination est la meilleure. Pour répondre plus précisément à votre question, il s'agira du préfet de Haute-Corse et du préfet de Corse-du-Sud dans la mesure où, comme je l'ai précisé tout à l'heure, l'organisation administrative de l'Etat restera la même.
    Aux termes de la proposition que nous faisons et qui sera soumise à débat si les Corses votent « oui », à l'automne, il sera question de conseillers de Corse. Mais cela peut évoluer, je n'ai pas de vanité d'auteur.
    Quant aux conseillers territoriaux et, je réponds à la question du président Giacobbi, cette expression s'apparentait dans mon esprit au conseil territorial de Haute-Corse et à celui de Corse-du-Sud. Il nous a semblé, peut-être à tort, que la notion de territoire exprimait le mieux la proximité, comme l'a souligné le rapporteur. Et la Haute-Corse et la Corse-du-Sud restent des circonscriptions d'Etat. Elles correspondent en effet à des réalités culturelles. Le terme « conseil territorial » signifie bien que l'on ne se situe plus dans le cadre d'un conseil général, contrairement à l'expression « conseil départemental », qui pourrait laisser penser qu'on est encore dans le schéma des conseils généraux.
    Je le dis à tous les intervenants : nous serons très ouverts à la discussion dans le cadre de l'adoption du statut. Nous proposons cette formule au moins pour la consultation car nous estimons, peut-être à tort, qu'elle permettra d'éviter la confusion. Quant à la dénomination définitive, monsieur Camille de Rocca Serra, l'imagination de tous les élus sera la bienvenue. Il me semble qu'en la matière nous faisons preuve de cohérence et de logique.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le ministre, vous m'avez écouté d'une oreille distraite car vous avez entendu exactement le contraire de ce que je disais.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Excusez-moi !
    M. Emile Zuccarelli. J'ai expliqué que cette question sémantique, qui pouvait paraître secondaire, était en réalité très importante. Et j'ai apporté mon soutien, une fois n'est pas coutume, à Paul Giacobbi, car certains intégrismes dans le vocabulaire me paraissent inquiétants.
    Personnellement, j'insiste pour que cette question soit tranchée non pas après un éventuel vote positif des Corses, mais le plus tôt possible, pour que les électeurs sachent à quoi s'en tenir. Il faut avoir un éclairage sur ce que sera demain la Haute-Corse ou la Corse-du-Sud. On va d'ailleurs ouvrir le débat tout à l'heure sur la véritable nature du préfet, sur la véritable nature des services de l'Etat en Haute-Corse ou en Corse-du-Sud, qui seront demain décentralisés et se retrouveront donc sous la houlette du département ou de la collectivité unique. Tout cela intéresse beaucoup les électeurs.
    C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que cette question soit tranchée dès à présent.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, puisque, comme on le voit, cette question est source de confusion, et que vous faites preuve d'une rigidité, certes normale, pour accepter les sous-amendements, je demande une suspension de séance de cinq minutes, afin de nous permettre de vous transmettre une nouvelle rédaction dans les formes.
    M. le président. La suspension est de droit. Vous me permettrez toutefois de faire observer que vous n'avez guère à vous plaindre de la présidence s'agissant du respect des temps de parole impartis dans le cadre de la discussion générale.
    M. Bruno Le Roux. Nous n'avons pas abusé non plus !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à une heure vingt-cinq, est reprise à une heure quarante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Compte tenu du sous-amendement qui vient d'être déposé et que nous examinerons ultérieurement, les amendements identiques n°s 6 et 21 sont-ils maintenus ?
    M. Bruno Le Roux. Je les retire, monsieur le président.
    M. le président. Les amendements n°s 6 et 21 sont retirés.
    Je suis saisi de cinq amendements, n°s 7, 14, 41, 42 et 43, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 7, présenté par M. Giacobbi, est ainsi rédigé :
    « Substituer à la dernière phrase du troisième alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er, les deux phrases suivantes : "Les élus à l'Assemblée de Corse siégeront dans l'un des deux conseils départementaux selon le secteur géographique dans lequel ils auront été candidats. Les conseils départementaux seront également composés d'élus non membres de l'Assemblée de Corse. »
    Les amendements n°s 14 et 41 sont identiques.
    L'amendement n° 14 est présenté par M. Renucci ; l'amendement n° 41 est présenté par M. Salles.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Substituer à la dernière phrase du troisième alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er, les deux phrases suivantes : "Les élus de l'Assemblée de Corse siégeront dans l'un des deux conseils territoriaux correspondant au secteur géographique dans lequel ils auront été candidats. Les conseils territoriaux seront aussi composés d'élus non membres de l'Assemblée de Corse. »
    L'amendement n° 42, présenté par M. de Rocca Serra, est ainsi rédigé :
    « Substituer à la dernière phrase du troisième alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er, les deux phrases suivantes : "Les élus de l'Assemblée de Corse siègeront dans l'un des deux conseils territoriaux selon le secteur géographique dans lequel ils auront été candidats. Les conseils territoriaux pourront également être composés d'élus qui ne sont pas membres de l'Assemblée de Corse. »
    L'amendement n° 43, présenté par M. Geoffroy, rapporteur, et M. Salles est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du troisième alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er : "Ces conseils territoriaux seront composés d'une part des membres de l'Assemblée de Corse élus dans leurs ressorts respectifs, d'autre part de conseillers élus selon les mêmes modalités. »
    Sur cet amendement, M. Le Roux a présenté un sous-amendement, n° 52, ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 43 par la phrase suivante :
    « Ces membres seront appelés conseillers territoriaux de Haute-Corse et conseillers territoriaux de Corse-du-Sud ».
    La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l'amendement n° 7.
    M. Paul Giacobbi. Il est défendu dans son principe mais, comme il y en a plusieurs autres qui sont quasiment identiques et que je n'ai pas de vanité d'auteur, je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
    La parole est à M. Simon Renucci, pour soutenir l'amendement n° 14.
    M. Simon Renucci. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
    La parole est à M. Rudy Salles, pour soutenir l'amendement n° 41.
    M. Rudy Salles. Il est retiré.
    M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.
    La parole est M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l'amendement n° 42.
    M. Camille de Rocca Serra. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 42 est retiré.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 43.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cet amendement est né de la réflexion de la commission, ce qui me permet au passage, sinon de prendre en défaut certains intervenants, du moins de signaler que, contrairement à ce qui a pu être dit, la commission a travaillé.
    De même, contrairement à ce qui a pu être dit au tout début de la réunion de la commission mercredi dernier, rien n'était définitivement acquis dans un sens ni dans l'autre. J'avais d'ailleurs indiqué que, si des amendements reposaient sur des motifs pertinents, ils seraient adoptés. C'est bien le cas en l'occurrence et je remercie les auteurs des amendements conformes à celui que j'ai présenté au nom de la commission de les avoir retirés ; je me félicite de les voir agir ainsi. Le sous-amendement n° 52 précisera, dès ce texte de loi, la dénomination des conseillers territoriaux des deux circonscriptions administratives que deviendront la Haute-Corse et la Corse-du-Sud.
    L'amendement n° 43 répond à un besoin accentué de proximité. En effet, dans l'annexe initiale qui nous était présentée, il était prévu que les conseillers territoriaux seraient des élus de l'Assemblée de Corse provenant de chacun des deux ressorts géographiques, Haute-Corse et Corse-du-Sud. D'après l'amendement, siégeront dans les conseils territoriaux non seulement les conseillers territoriaux de l'Assemblée de Corse mais aussi d'autres conseillers élus selon les mêmes modalités et en même temps qu'eux. C'est un dispositif qui s'apparente au dispositif PLM et permet de mieux répondre au souci légitime de proximité et de relation entre les territoires et leurs élus.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour défendre le sous-amendement n° 52.
    M. Bruno Le Roux. Il vise à mettre à profit la discussion que nous avons eue il y a quelques instants en ajoutant à l'amendement n° 43 du rapporteur la phrase : « Ces membres seront appelés conseillers territoriaux de Haute-Corse et conseillers territoriaux de Corse-du-Sud. »
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable à l'amendement de la commission et au sous-amendement n° 52 de M. Le Roux.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 52.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43, modifié par le sous-amendement n° 52.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er, supprimer les mots : "toujours pour son compte et. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. C'est un amendement rédactionnel. L'expression « toujours pour son compte » n'est pas suffisante.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cette mention n'est pas uniquement rédactionnelle, elle présente tout de même l'intérêt de bien marquer l'absence de personnalité juridique des conseils territoriaux, ce qui n'est pas négligeable. Donc avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Excusez-moi de dire qu'il y a tout de même une légère confusion. Par exemple, l'Assemblée nationale n'a pas de personnalité morale, sauf pour ses besoins propres. Néanmoins, nous accepterions difficilement qu'un texte constitutionnel dispose qu'elle agit toujours pour le compte de l'Etat ou du Gouvernement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 9, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du 2 de l'annexe à l'article 1er. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Je retire cet amendement, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
    M. Salles a présenté un amendement, n° 47, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 3 de l'annexe à l'article 1er :
    3. Un mode d'élection permettant d'assurer à la fois la représentation des populations et des territoires tout en garantissant un lien de proximité entre les élus et les électeurs :
    Les membres de l'Assemblée de Corse et des deux conseils territoriaux seront élus dans le cadre d'un scrutin mixte. La moitié des conseillers de l'Assemblée ce Corse sera élue dans le cadre d'un scrutin proportionnel et l'autre moitié le sera dans le cadre d'un scrutin majoritaire.
    Chaque électeur disposera de deux voix. Avec la première, il votera au scrutin proportionnel dans le cadre d'une circonscription unique, avec prime majoritaire à la liste arrivée en tête. Avec la seconde, il votera au scrutin majoritaire dans le cadre du canton.
    Le scrutin proportionnel à circonscription unique permettra d'assurer la représentation démographique et de donner une majorité à l'Assemblée grâce à la prime majoritaire. Le scrutin majoritaire dans le cadre de secteurs géographiques assurera une représentation des territoires et garantira un lien fort entre les élus et les électeurs.
    Le mode de scrutin proportionnel garantira le respect du principe de parité entre hommes et femmes en imposant que chaque liste de candidats soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe.
    L'Assemblée de Corse élira son président ainsi que le président et les membres du conseil exécutif. Chaque conseil territorial procèdera à l'élection de son président. »
    La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Lors de mon intervention dans la discussion générale, j'ai insisté sur la nécessité, d'une part, d'obtenir une représentation des courants politiques - que je pense pour ma part réalisable dans le cadre de la circonscription unique régionale -, et, d'autre part, d'arriver à la plus grande proximité possible. Vous avez dit tout à l'heure que, pour avoir une représentation politique, il fallait une circonscription la plus grande possible mais que la représentation des territoires nécessitait au contraire la circonscription la plus restreinte possible, de très petits territoires. Je suis d'accord.
    Vous avez dit aussi très justement que prendre des ciseaux pour procéder à un découpage serait évidemment très mal perçu et qu'on parlerait de magouille à la veille d'une élection. Tout cela serait très malvenu, j'en conviens.
    Dans l'amendement n° 47, je propose un système mixte qui ne remette pas en cause ce qui existe déjà, c'est-à-dire d'un côté des conseillers territoriaux ou régionaux élus au scrutin de liste pour la représentation des courants politiques et de l'autre les anciens conseillers généraux qui siègent dans la nouvelle collectivité régionale. Comme le découpage existe, il n'a pas besoin d'être refait, quitte à augmenter quelque peu le nombre des élus de la future assemblée de Corse. L'objectif est de parvenir à avoir cette double représentation.
    Cela étant, comme je vais bientôt remplacer le président de séance au perchoir, je n'aurai pas l'occasion de m'exprimer au moment des explications de vote. Aussi voudrais-je d'ores et déjà dire que le groupe UDF votera ce texte, parce que, pour nous, cette aspiration à la représentation politique et à celle des territoires est très importante, et que nous souhaitons qu'elle soit prise en compte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce que vient de dire notre collègue est important. Sans vouloir allonger nos débats, je vais me permettre de vous lire le texte proposé par le Gouvernement. Il prévoit bien, dans le respect du groupe de travail dont le ministre nous a confirmé tout à l'heure que ses résultats seraient en toute logique communiqués avant que la consultation ait lieu et que la campagne ne se soit engagée, d'obtenir une représentation à la fois démographique et territoriale. Mieux on le lit, plus on s'aperçoit qu'il répond à l'ensemble des attentes, sans enfermer ni exclure. « L'élection aura lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle avec attribution d'une prime majoritaire dans le cadre de secteurs géographiques. Le mode de scrutin permettra d'assurer à la fois la représentation des territoires et des populations. Il garantira le respect du principe de parité entre hommes et femmes en imposant que chaque liste de candidats soit composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »
    Il faut aussi insister sur le respect de la parité. Il est d'autant plus important de le faire que la récente décision du Conseil constitutionnel fixe de manière extrêmement précise l'obligation dans laquelle se trouvera le législateur de mettre en oeuvre un mode de scrutin qui en respecte scrupuleusement le principe. Il y a fort à craindre, surtout si nous faisions apparaître de manière trop précise et trop stricte le recours à un scrutin majoritaire dans le projet de loi tel qu'il est aujourd'hui et qui doit se cantonner à des orientations, certes les plus précises et les plus illustratives possibles, que cette mention ne vienne en contradiction profonde avec le principe de parité et n'entraîne des difficultés qu'aucun d'entre nous ne souhaite.
    C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant le sens de cet amendement et la volonté exprimée par notre collègue Rudy Salles, la commission a émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

    (M. Rudy Salles remplace M. François Baroin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 40 ainsi rédigé :
    « Substituer aux deuxième et troisième alinéas du 3 de l'annexe à l'article 1er les deux alinéas suivants :
    « Les membres de l'Assemblée de Corse sont élus dans une circonscripion électorale unique correspondant à l'ensemble de la Corse au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec attribution d'une prime majoritaire à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour et la majorité relative au second tour.
    « Les sièges attribués à chaque liste sont répartis entre deux sections départementales. Au sein de chaque section, la liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Si je me réfère à ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur tout à l'heure, il me semble que cet amendement respecte totalement la volonté de ne pas nous priver de donner aujourd'hui, ne serait-ce que dans l'annexe, une orientation précise sur le futur mode de scrutin. Aussi avons-nous eu soin de le rédiger dans l'esprit de l'annexe. Nous nous bornons à donner une indication de l'Assemblée nationale au groupe de travail qui se réunit aujourd'hui, et à faire part de notre souhait que le mode de scrutin ressemble à celui que nous avons adopté il y a quelques semaines pour les élections régionales. Nous laissons par ailleurs ouverte, comme nous le demandent tant le groupe de travail que les élus corses, la réflexion sur le niveau de la prime majoritaire et la question du seuil. Ces deux questions suscitent aujourd'hui un débat en Corse, et nous acceptons qu'il y soit trouvé une réponse différente de celle que nous avons adoptée ailleurs. Mais, pour le reste, n'allons pas au-delà ! Formulons une proposition relativement précise et fidèle à l'esprit de l'annexe. C'est le sens de notre amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Pour des raisons qui relèvent de la même logique, et bien qu'elle comprenne la volonté de préciser le mode de scrutin, la commission a repoussé cet amendement. Elle souhaite en effet que l'on prenne garde à ne pas anticiper sur les conclusions des groupes de travail, qui ne tarderont plus.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Tous ces amendements tournent autour de la même question : précise-t-on dès maintenant le mode de scrutin ou s'en tient-on à la première explication du Gouvernement ? Tout le débat est là.
    Qu'a dit le Gouvernement ? Qu'avant la consultation, et suffisamment avant, il faut que ces questions soient tranchées sans ambiguïté et sans combines ; c'est la réponse que j'ai faite. Deuxièmement, laissons prospérer le travail avec les élus corses. Beaucoup de propositions sont avancées. Je réunis les groupes vendredi. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous voulez fermer par avance une discussion qui n'entame en rien les droits du Parlement, puisque c'est lui qui, en fin de compte, décidera.
    J'ai lu le texte de votre amendement, monsieur Le Roux et, je vous le dis franchement, à titre personnel, il n'y a rien dedans qui m'affole. Mais je ne vois pas très bien l'avantage qu'il présente étant donné que le Gouvernement vous a déjà répondu que le mode de scrutin serait défini au mois de juin.
    Ce n'est pas un non de principe ou idéologique que je vous oppose. Ce n'est pas un non d'opposition sur le fond. Je conteste simplement l'opportunité de votre amendement. Pourquoi fermer la porte alors que, dans deux jours, je me retrouverai en présence des mêmes interlocuteurs pour parler du même sujet ? La question importante était de savoir si nous connaîtrions le mode de scrutin au début du mois de juin ? La réponse est oui. Excusez ma réponse franche. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement non sur le fond mais quant à son opportunité.
    M. le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. L'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les règles concernant le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est ce que nous ferons.
    M. René Dosière. Ce rôle nous incombe en effet.
    Vous nous dites que, en tout état de cause, l'Assemblée devra, pour respecter la Constitution, fixer le mode de scrutin.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Bien sûr !
    M. René Dosière. Mais votre démarche n'est pas tout à fait la même.
    D'habitude, l'Assemblée indique, par voie d'amendement, quelle est son orientation. Dans la démarche que vous proposez, le groupe de travail va définir une position qui sera ensuite soumise au Parlement : celui-ci n'aura plus qu'à l'accepter. Ce n'est pas la même chose.
    Dans l'amendement n° 40 nous donnons une orientation, sans fermer d'ailleurs, contrairement à ce que vous dites, complètement le débat puisque la définition des seuils, qui a son importance dans cette affaire, est laissée à l'appréciation du groupe de travail.
    Mais, il est vrai, nous proposons une orientation. Je ne crois pas d'ailleurs que, personnellement, cela vous choque beaucoup...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Moi, non !
    M. René Dosière. ... puisque, d'après ce que vous avez déclaré au Sénat, l'orientation proposée rejoint assez votre point de vue.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est exact !
    M. René Dosière. Cela dit, puisque c'est l'Assemblée qui légifère, il ne serait pas mauvais que, dans un domaine dont tout le monde a bien voulu reconnaître l'importance, on sache très clairement quel sera le mode de scrutin. Vous nous avez assurés que des précisions supplémentaires seraient apportées ultérieurement. D'accord. Mais je pense qu'il est plus logique et plus conforme à notre Constitution que ce soit l'Assemblée qui fixe les grandes orientations.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'article 34 de la Constitution, nous en sommes tous d'accord, s'appliquera pleinement - et fort heureusement - le jour où nous nous pencherons sur la question du statut.
    L'annexe ne fixe que des orientations mais elles sont beaucoup plus précises qu'on ne le pense. Aller plus loin aujourd'hui serait anticiper de manière un peu dommageable sur les travaux du groupe de travail chargé d'étudier cette question. Retenir la proposition initiale du Gouvernement ne me semble pas choquant.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 10, 15 et 22, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 10 et 15 sont identiques.
    L'amendement n° 10 est présenté par M. Giacobbi ; l'amendement n° 15 est présenté par M. Renucci.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du 3 de l'annexe à l'article 1er, substituer aux mots : "des secteurs géographiques, les mots : "de chaque secteur correspondant aux limites des départements. »
    L'amendement n° 22, présenté par M. Le Roux et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « A la fin de la première phrase de l'avant-dernier alinéa du 3 de l'annexe à l'article 1er, substituer aux mots : "secteurs géographiques, les mots : "sections départementales. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l'amendement n° 10.
    M. Paul Giacobbi. M. le ministre a évoqué tout à l'heure, comme il l'avait fait au Sénat, les risques que comporterait à l'évidence la définition de secteurs géographiques électoraux inférieurs aux limites départementales. Parmi les circonscriptions administratives existantes, l'arrondissement pourrait être retenu mais il ne conviendrait pas puiqu'il ne procède pas d'une logique démographique. Ce choix ne serait donc pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. De plus, il n'a aucune légitimité électorale. L'arrondissement de Corte-Calvi va de Calvi jusqu'aux confins de la Corse-du-Sud, du côté de la plaine orientale. Il ne peut donc être retenu comme un territoire cohérent.
    Vous allez peut-être me dire, monsieur le ministre, que mon amendement « ferme » un peu la discussion qui aura lieu dans les groupes de travail, mais il me paraît important d'apporter cette précision dès maintenant.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Sans vouloir vous faire d'injure, votre amendement s'inspire de la même logique que les précédents. En vérité, c'est une question de confiance. La stratégie du Gouvernement est de laisser la discussion se poursuivre pendant quelques jours au sein des groupes dont vous faites d'ailleurs partie, monsieur de Rocca Sera, monsieur Renucci, monsieur Giacobbi, monsieur Zuccarelli. Quel sens y aurait-il à fermer, à la demande d'un des membres du groupe de travail ou d'un membre de l'Assemblée nationale, une discussion que chacun souhaite ouverte ? Le Gouvernement a pris l'engagement que, dans quelques jours, la discussion serait terminée et qu'une proposition précise serait avancée.
    Nous savons qu'un certain nombre d'entre vous sont favorables à la section départementale, et donc, de ce point de vue au moins, - disons les choses comme elles sont - au mode de scrutin continental. C'est ce qu'avait indiqué le député-maire d'Ajaccio lors de la visite du Premier ministre en Corse : il souhaitait un mode de scrutin simple, compréhensible.
    M. Simon Renucci. Ce n'est pas exactement ma position !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non : je sais qu'il y a des désacords entre vous. Mais je ne vois pas quel avantage il y aurait à trancher le débat. Qu'y gagnerions-nous ? Deux ou trois jours ? A partir du moment où le Gouvernement a pris des engagements solennels devant la représentation nationale, tenons-nous en là. Cela ne veut pas dire, monsieur Giacobbi, que quelque chose se prépare. Lors de la discussion au Sénat, j'ai eu l'occasion de dire quelles étaient mes préférences. Mais je ne vois pas ce que je pourrais dire au groupe de travail si, deux jours avant, je ferme la discussion.
    M. René Dosière. C'est juste !
    M. le président. L'amendement n° 15 est-il défendu ?
    M. Simon Renucci. Il est défendu, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l'amendement n° 22.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, êtes-vous conscient de la double incohérence qui est due à votre calendrier ?
    Première incohérence : nous légiférons alors que les groupes de travail continuent à se réunir. Il eût été plus facile d'attendre qu'ils aient fini leur travail et rendu leurs conclusions avant de proposer ce texte au Parlement. Nous aurions pu en discuter en nous inspirant de l'étude réalisée par ces groupes de travail.
    La seconde incohérence est encore pire, puisque nous allons adopter aujourd'hui le texte d'une annexe qui sera modifié dans les tout prochains jours. Heureusement que la consultation se passe en Corse et heureusement que les Corses sont bien informés, lisent les journaux et qu'il y a un débat public, parce que, l'annexe que nous aurons adoptée et qu'ils liront sera modifiée dans quatre ou cinq jours,...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais non !
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Ce serait contraire à l'annexe !
    M. Bruno Le Roux. Elle sera modifiée par les annonces du Gouvernement et les précisions qu'il aura apportées. De plus, le texte que nous allons adopter sera modifié par le débat public, puisque vous nous dites vous-même que le mode de scrutin sera précisé par le Premier ministre.
    M. le président. Monsieur Le Roux, je vous avais demandé de présenter l'amendement n° 22.
    M. Bruno Le Roux. Je n'ai pas dépassé le temps de parole de cinq minutes dont je dispose pour le faire, monsieur le président.
    M. le président. Vous auriez dû commencer par l'amendement.
    M. Bruno Le Roux. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous avons présenté l'amendement n° 22 : il apporte une précision à même de clarifier le débat.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Le Roux, en dehors de toute polémique, le débat est très simple.
    Que demandons-nous à l'Assemblée nationale ? Son accord pour organiser une consultation. C'est simple, c'est important, ce ne sera pas modifié.
    Que proposons-nous ? Premièrement, l'établissement d'une collectivité unique. Ce n'est pas compliqué à comprendre et cela ne sera pas modifié. Deuxièmement, la suppression des départements. C'est simple, ce n'est pas compliqué à comprendre non plus et c'est l'essentiel.
    Nous sommes donc réunis pour débattre de trois points importants : une consultation, une collectivité unique et la suppression des départements, entraînant la création des conseils territoriaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud. Voilà. Ces trois points ne seront pas modifiés. C'est d'une clarté biblique. Les uns sont pour, les autres sont contre, c'est leur droit le plus absolu.
    Qu'est-ce qui sera modifié ? Rien. Qu'est-ce qui sera précisé ? Le mode de scrutin, et encore ! Il est défini par l'annexe du projet du Gouvernement comme étant un mode de scrutin proportionnel avec une prime majoritaire et des secteurs garantissant la proximité. Il reste en vérité à préciser deux points, peut-être trois, et vous êtes suffisamment fin pour le comprendre, monsieur Le Roux. Ces trois points sont le nombre de secteurs, le montant de la prime majoritaire, étant entendu que le principe de celle-ci, est déjà acquis, et le seuil pour obtenir un ticket d'entrée ; c'est tout.
    Ne faites pas croire - car cela vous ferait revenir sur l'intelligence et l'ouverture de vos propos précédents - que ces précisions modifieront l'annexe. Il m'a seulement été demandé si elles seraient données suffisamment tôt pour que les électeurs en aient connaissance. Il n'y a donc aucune incohérence et personne ne peut dire que ces trois précisions qui seront connues comme vous me l'avez demandé, avant la consultation, seront de nature à changer l'annexe.
    Quant au Parlement, il aura tout pouvoir d'en débattre. Si les Corses répondent oui aux orientations de principe présentées par le Gouvernement, il reviendra au Parlement de voter un statut dans le détail à l'automne.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de préciser ma pensée mais je n'ai pas douté un seul instant que vous l'ayez bien comprise.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques n° 10 et 15 ainsi que sur l'amendement n° 22 ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. L'avis de la commission a été, est et reste négatif sur ces trois amendements. Après les précisions qui viennent d'être apportées par M. le ministre, je suggère à nos collègues, dans le cadre de cet échange confiant qui nous réunit aujourd'hui, de les retirer. Ce retrait donnerait acte au ministre de tout ce qui vient d'être très clairement précisé, et permettrait d'éviter un vote de rejet.
    Précision importante : certains de nos collègues ont laissé entendre que les conclusions des groupes de travail pourraient amener le Gouvernement à modifier le texte de l'annexe tel que nous allons le voter, mais cela est impensable et impossible. Les travaux des groupes de travail sur le mode de scrutin et les compétences ne pourront relever que de la précision. Leurs conclusions seront strictement encadrées par le texte de l'annexe. Raison de plus, à mon sens, pour que, compte tenu de l'avis défavorable de la commission, nos collègues retirent leurs amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 10, 15 et 22 ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. On ne peut nier un problème de chronologie. Comme l'a fait remarquer M. Dosière, il avait été indiqué au début que les résultats des groupes de travail éclaireraient notre assemblée. Ce n'est manifestement pas le cas ; c'est même plutôt l'inverse. La poursuite des réunions des groupes de travail, ces prochains jours, rend nos débats un peu plus difficiles, mais n'y revenons pas.
    Monsieur le ministre, une fois que ces groupes de travail auront rendu leurs conclusion, c'est vous, en définitive qui déciderez, et j'espère que ce sera le plus tôt possible, car si les décisions intervenaient trop tard, nous serions obligés de ne pas faire campagne, faute de temps, ce qui reviendrait à appeler à voter non.
    Maintenant, supposons que l'arbitrage ne nous convienne pas. Nous serions amenés, à notre corps défendant, à voter contre, et ce serait un terrible gâchis. Au contraire, si nous nous donnions un peu de temps, nous disposerions du résultat des réunions des groupes de travail et, l'Assemblée étant éclairée, nous pourrions nous mettre d'accord sur la question restant en suspens en connaissance de cause et sans ambiguïté. Je pense très sincèrement que les choses se passeraient mieux ainsi. Là, nous prenons un risque politique.
    Certes, monsieur le ministre, vous distinguez le principal de l'accessoire, mais Dieu est souvent amené dans les détails et, quand ces derniers concernent des sujets aussi importants que le mode de scrutin et l'organisation territoriale, il n'est pas impossible qu'ils provoquent des changements d'avis, non seulement de la part des élus responsables, comme moi-même, mais surtout de la part du peuple. Et ces questions, pour le peuple, sont extrêmement importantes.
    Par conséquent, si ce que vous annoncerez convient à la majorité, tant mieux. Si cela ne convient pas, tant pis. Mais je ne voudrais pas que l'on pratique la politique du « tant pis - tant mieux », parce que le texte dont nous débattons a une très grande importance politique pour les citoyens que je représente et pour l'avenir de notre île.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.

    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai du mal à voir en quoi nous sommes en désaccord. Nous avons tous fait la promesse que les groupes de travail pourraient poursuivre leurs réunions et que j'écouterais leurs conclusions. J'insiste sur le fait que j'ai employé le pluriel. Encore une fois, je ne vois pas ce qu'il y aurait à gagner à bloquer la discussion avant la réunion prévue dans deux jours. Pour le reste, que je vous donne tort ou raison maintenant, ou dans deux ou trois jours, en quoi cela peut-il changer vos prises de position politiques ? Nul ne doute que chacun d'entre vous prendra ses responsabilités le moment venu. J'ai pris l'engagement de laisser prospérer ces groupes. Quand ils rendront leurs conclusions - j'insiste une nouvelle fois sur le fait qu'elles seront plurielles, au vrai sens du terme - le Gouvernement, comme tout gouvernement, prendra ses responsabilités, organisera des consultations avec sa majorité et avec l'opposition, essaiera d'assurer l'association du plus grand nombre de personnes, et de rendre des arbitrages et des compromis afin que le maximum de personnes s'y retrouve. Voilà ce qui va se passer : c'est d'une transparence complète.
    Je ne vois pas pourquoi il faudrait décider maintenant, alors que je me suis engagé à cette concertation. Les premiers gênés, d'ailleurs, seraient les membres du Parlement qui sont également membres de ces groupes, car ils seraient obligés d'expliquer pourquoi ils ont voulu s'appuyer sur une majorité de parlementaires pour décider avant.
    Comme je vous l'ai dit, monsieur Giacobbi, lorsque je vous ai reçu au ministère de l'intérieur, et comme je l'ai dit aussi à M. de Rocca Serra, à M. Renucci et à M. Zuccarelli, qui n'est pas partisan de la réforme, il n'y aura pas de décision secrète ni de complot politique. Et ce, pour une raison simple, c'est que, pour gagner le référendum, il faut rassembler une majorité et, pour rassembler une majorité, il faut avoir la sagesse d'additionner des compétences venues d'horizons divers.
    Cela nous obligera à faire un pas les uns vers les autres, et ce sera d'ailleurs très bien : un des problèmes de la Corse tient justement au fait que, chacun étant persuadé de détenir la vérité, on n'a pas l'habitude du compromis utile.
    M. Christian Jeanjean. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, nous ne voyons pas de manoeuvre là où il n'y en a certainement pas. Mais convenez que le calendrier que vous avez fixé fait peu de cas du rôle de l'Assemblée : visiblement, nous n'intervenons pas au bon moment. C'est à se demander ce que nous faisons ici ce soir...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous décidez une consultation sur une collectivité unique !
    M. Bruno Le Roux. Certes, mais chaque fois que nous présentons un amendement, vous nous renvoyez au groupe de travail ! Il aurait été plus utile d'attendre ses conclusions et les arbitrages du Gouvernement avant de venir devant l'Assemblée !
    M. Christian Jeanjean. Ça ne changerait rien !
    M. Bruno Le Roux. Je répète ce que je disais tout à l'heure, monsieur le ministre : l'annexe que nous allons adopter sera dépourvue de certaines précisions. Vous allez les apporter dans les prochains jours, nous dites-vous. Heureusement que les Corses lisent les journaux !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ils ne sont pas les seuls !
    M. le président. Monsieur Le Roux, maintenez-vous vos amendements ou les retirez-vous comme le rapporteur l'a suggéré ?
    M. Bruno Le Roux. Nous les maintenons, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 10 et 15.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 11, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du 3 de l'annexe à l'article 1er :
    « La répartition des sièges attribués à chaque secteur départemental sera proportionnelle à leur population respective. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Je retire cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
    M. Geoffroy, rapporteur, a présenté un amendement, n° 44, ainsi libellé :
    « Après le mot : "permettra, rédiger ainsi la fin de la troisième phrase de l'avant-dernier alinéa du 3) de l'annexe à l'article 1er : "à la fois la représentation des territoires et celle des populations ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 23, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du quatrième alinéa du 4 de l'annexe à l'article 1er, supprimer le mot : "cependant ».
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. C'est plus qu'un amendement rédactionnel : la rédaction proposée introduit un « balancement » entre les compétences qui peuvent être déléguées aux conseils territoriaux et celles qui ne le peuvent pas. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 12, ainsi libellé :
    « Après le mot "gestion, rédiger ainsi à la fin de l'avant-dernier alinéa du 4 de l'annexe à l'article 1er : "des politiques sociales, la gestion des routes secondaires ou les aides aux communes. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. L'avant-dernier alinéa du 4 de l'annexe prévoit que sera confié aux conseils territoriaux l'entretien des routes, autrement dit de toutes les routes, qu'elles soient nationales, départementales ou autres. La logique du critère de répartition dont nous avons parlé à plusieurs reprises voudrait que l'Assemblée de Corse s'occupe des routes nationales et répartisse entre les conseils territoriaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud les crédits nécessaires à l'entretien des routes secondaires. Distinguer l'entretien et l'investissement serait totalement inopérant car le premier peut avoir des répercussions sur le second. Ainsi, en Haute-Corse, on a l'habitude de ne pas saler les routes, alors qu'on les sale en Corse-du-Sud. C'est bien de l'entretien, que je sache. Or cette différence de traitement doit être prise en compte lors de l'investissement, en ce qui concerne notamment l'épaisseur de la sous-couche. Soyons donc logiques. Evidemment, le problème n'est pas bien grave et l'on pourra toujours y revenir. Mais à tant faire...
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Cette précision, loin d'être inutile, est plutôt pertinente. Avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 13, 45 et 39, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 13, présenté par M. Giacobbi, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du 5 de l'annexe à l'article 1er :
    « Les deux circonscriptions administratives de l'Etat, Haute-Corse et Corse-du-Sud, demeurent. Le préfet de Corse est le représentant de l'Etat en Corse. Le préfet de Haute-Corse est son délégué. »
    L'amendement n° 45, présenté par M. Geoffroy, rapporteur, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du 5 de l'annexe à l'article 1er :
    « Un préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité unique, sera maintenu à Ajaccio ; un préfet, exerçant l'ensemble de ses attributions dans la circonscription administrative de Haute-Corse, sera maintenu à Bastia et apportera par ailleurs son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales. »
    Sur cet amendement, M. Zuccarelli a présenté un sous-amendement, n° 51, ainsi libellé :
    « Après le mot : "attributions, rédiger ainsi la fin de l'amendement n° 45 : "comme préfet de la Haute-Corse sera maintenu à Bastia. Il apportera par ailleurs son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales. Il disposera des services de l'Etat dans le département et notamment des directions départementales dans leur structure actuelle. »
    L'amendement n° 39, présenté par M. Zuccarelli, est ainsi rédigé :
    « Substituer à la dernière phrase du 5 de l'annexe à l'article 1er les trois phrases suivantes :
    « Un préfet de département sera maintenu à Bastia. Ces deux préfectures seront des entités départementales, administratives, de plein exercice. A ce titre, elles disposeront des services déconcentrés de l'Etat comme tous les autres départements et régions français. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi, pour soutenir l'amendement n° 13.
    M. Paul Giacobbi. Voilà un point sur lequel nous pourrions tomber d'accord, monsieur le ministre, dans la mesure où il ne devrait pas relever d'un groupe de travail. En effet, lorsque le Premier ministre et vous-même êtes venus en Corse, vous avez été très clairs : la réforme, autrement dit la substitution d'une collectivité unique à l'actuelle collectivité territoriale de Corse et aux deux conseils généraux n'aura, disiez-vous, aucune conséquence importante sur la présence des services publics de l'Etat, tant en Haute-Corse qu'en Corse-du-Sud. A tel point, nous disait-on, que les plaques d'immatriculation resteraient les mêmes ; en fait, cette affirmation n'aura duré qu'un temps puisqu'il est fortement question, pour des raisons d'ordre général, de les changer. Mais les deux circonscriptions administratives de l'Etat, Haute-Corse et Cord du Sud demeuraient. C'est en tout cas ce que nous avions compris.
    L'amendement n° 13 vise tout simplement à dire les choses clairement. On pourrait peut-être le faire autrement, mais il me paraît utile de couper court à toute interprétation - et elles n'ont pas manqué - pour ne pas donner d'arguments à certains alors que beaucoup de gens s'agitent sur ce sujet. De ce point de vue, ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, nous convenait parfaitement. Autant l'écrire expressément, car force est de reconnaître que les rédactions de l'annexe, dans la version initiale comme dans la version modifiée, sont à cet égard loin d'être aussi limpides que votre discours, tout à fait remarquable. Si nous sommes quelques-uns à l'avoir entendu ici, ce n'est pas le cas de tous les citoyens habitant ou résidant en Corse ou inscrits sur les listes électorales. Alors que l'annexe, en principe, si La Poste marche, tout le monde la recevra. Comme le faisait remarquer M. Le Roux, les gens lisent beaucoup. Mais ils ne lisent pas tous le Journal officiel. Je serais donc très heureux si le texte précisait expressément le sort des circonscriptions administratives de l'Etat. Du reste, plusieurs amendements de notre collègue Emile Zuccarelli tendront eux aussi à rendre le texte un peu plus précis quant à la consistance des services de l'Etat.
    Je le répète, monsieur le ministre : si je me référais seulement au discours que le Premier ministre et vous-même avez tenu en Corse, je n'aurais aucune inquiétude. Le trouble est né de la rédaction de l'annexe, par trop floue. Je ne vous demande que de corriger ce sentiment et d'y mentionner un minimum d'engagements, ceux-là mêmes que vous venez de prendre oralement.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 45.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. La rédaction de l'annexe concernant les préfets d'Ajaccio et de Bastia a suscité bon nombre d'interrogations et des débats, reconnaissons-le, assez vifs. D'où mon amendement n° 45 qui, par sa formulation beaucoup plus précise, devrait répondre au souhait de clarification exprimé par les membres de la commission. Plus explicite que ceux de nos collègues, il rappelle que le préfet représentant de l'Etat dans la collectivité unique sera maintenu à Ajaccio, et qu'un préfet exerçant l'ensemble de ses attributions dans la circonscription administrative de Haute-Corse sera maintenu à Bastia et apportera par ailleurs son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales.
    Il s'agit d'affirmer une bonne fois pour toutes ce que le ministre a dit sur tous les tons il y a quelques instants : la modification institutionnelle apportée en Corse ne changera absolument rien à la présence de l'Etat, au niveau tant de la représentation des préfets que des services placés sous leur autorité, et la population de Corse sera assurée du maintien de l'ensemble des services de la collectivité nationale.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli pour soutenir l'amendement n° 39 et le sous-amendement n° 51.
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le président, si les amendements n°s 13, 45 et 39 sont soumis à une discussion commune, ils ne sont pas pour autant identiques. Et nos règles normales de procédure auraient voulu, me semble-t-il, que l'on commençât par le plus éloigné du texte pour finir par le plus proche. Mon amendement n° 39 est, sauf erreur de ma part, le plus éloigné ; mais je vais le retirer, ce qui vous facilitera la tâche et aidera à la compréhension du débat, et me rabattre, par simple réalisme parlementaire, sur mon sous-amendement n° 51.
    Monsieur le ministre, si j'ai déposé l'amendement n° 39, c'est qu'il me paraissait correspondre à l'intérêt de la Corse, et particulièrement de la Haute-Corse.
    La question de l'équilibre territorial mérite tout de même une prise en considération. Je ne voudrais pas que mes critiques à l'encontre de ce projet de réforme soient réduites à une simple défense des intérêts du maire de Bastia. Reste que j'ai entendu, notamment dans votre bouche, monsieur le rapporteur, parler avec beaucoup de légèreté de la bidépartementalisation. Force m'est de vous faire remarquer que la bidépartementalisation a représenté un fantastique ballon d'oxygène pour la moitié nord de la Corse, alors en état d'asphyxie. Si j'ouvre cette parenthèse, c'est pour rappeler que la présence des services publics, des services de l'Etat, est une chose qui compte énormément pour nous et qui comptera beaucoup pour les électeurs.
    Nous sommes également très attentifs à ce qu'il adviendra des services de l'Etat, transférés ou en voie de l'être aux collectivités locales, qu'il s'agisse de l'actuelle collectivité territoriale ou de la collectivité unique de demain. Cette question, j'en conviens, dépasse largement le cadre de cet amendement et de ce seul alinéa. Mais la façon dont le législateur traitera ce problème sera tout de même fondamentale aux yeux de nos concitoyens.
    C'est la raison pour laquelle je propose, par mon sous-amendement n° 51, de préciser dans l'amendement de la commission qu'un préfet sera maintenu à Bastia comme préfet de la Haute-Corse, et qu'il apportera par ailleurs son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales. Il disposera des services de l'Etat dans le département, et notamment des directions départementales dans leur structure actuelle.
    Ce point est très important, monsieur le président, et mérite que je m'y attarde quelques minutes. Parler de « services départementaux de l'Etat » n'a rien de blasphématoire au regard du grand projet qui nous est proposé ! Faudrait-il à toute force donner aux populations ébahies le sentiment qu'on a banni du paysage la notion honnie de département ? Ce périmètre a encore aujourd'hui son importance. Si, demain, les services de l'Etat dans l'ancienne Haute-Corse ne sont plus des services départementaux au sens plein du terme, mais de simples services subdivisionnaires, ce changement n'aura rien d'anodin. Pour ma part, en tout cas, je le dis tout net, il ne me satisfera pas. Personne ne voudra les considérer comme des directions départementales, y compris dans le cursus d'un fonctionnaire d'Etat qui aura fait étape dans l'ex-Haute-Corse.
    Je vous demande d'être très attentif à cet aspect des choses.
    M. le président. Je vous demande quant à moi de conclure, monsieur Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Je vais conclure, monsieur le président, mais je n'ai pas abusé de mon temps de parole...
    M. le président. Certes, mais vous l'avez maintenant dépassé.
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le président, ces mesures ne sont pas anodines et ne doivent pas être balayées d'un revers de main. Croyez-moi, monsieur le ministre : le peuple que vous allez consulter y sera très attentif.
    M. le président. Monsieur Zuccarelli, vous avez retiré votre amendement n° 39.
    Vous avez demandé pourquoi il avait été classé après le n° 13 et le n° 45. Tout simplement parce qu'il ne modifiait qu'une phrase, alors que les deux autres amendements proposent une nouvelle rédaction du dernier alinéa du 5, le service de la séance a donc bien fait son travail.
    M. Emile Zuccarelli. J'ai voulu, par pur esprit sportif, vous faciliter la tâche, monsieur le président. Cela valait bien une minute de dépassement !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 51 ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Sans être totalement opposé à l'amendement n° 13, je ne puis émettre un avis favorable dans la mesure où sa rédaction est inférieure, sur le plan de la précision, à celle de l'amendement n° 45 de la commission. Quant au sous-amendement n° 51 de notre collègue Zuccarelli, il n'a pas été examiné. A titre personnel, j'émets un avis défavorable. Il a été clairement affirmé, notamment par le ministre, et à plusieurs reprises, que l'Etat serait maintenu dans toutes ses dimensions, aussi bien au niveau de la préfecture de la collectivité de Corse qu'à celui de la préfecture correspondant à la circonscription administrative de Haute-Corse.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Autant je comprends l'exposé des motifs de l'amendement n° 13 de M. Giacobbi, autant je suis surpris par sa rédaction qui tendrait à faire du préfet de Haute-Corse un délégué du préfet de Corse ! Je le refuse, monsieur Giacobbi : je veux pour la Haute-Corse un préfet de plein exercice.
    M. Paul Giacobbi. Je peux sous-amender !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si je suis disposé à faire droit à la demande de M. Zuccarelli, je ne saurais approuver l'amendement n° 13, qui ramènerait le préfet de Haute-Corse au rang de simple préfet délégué alors que c'est précisément ce que vous ne voulez pas ! Si je donne un avis défavorable, ce n'est pas par esprit polémique, mais parce que je suis sûr qu'il est contraire à la volonté de son auteur. L'aurais-je moi-même proposé que vous l'auriez, et à juste titre, refusé.
    Sur l'amendement n° 45 en revanche, le Gouvernement émet un avis favorable, mais j'irai jusqu'à proposer de le sous-amender en m'inspirant du sous-amendement n° 51 de M. Zuccarelli et en précisant que le préfet maintenu à Bastia dirige les services de l'Etat en Haute-Corse. On ne peut être plus clair. Au demeurant, monsieur Zuccarelli, prenons garde : à trop vouloir expliciter les attributions de ce préfet de plein exercice, on finira par les limiter. Il serait beaucoup plus simple de dire que c'est un préfet de plein exercice avec les mêmes pouvoirs que les autres. Sinon, tout ce qui ne sera pas mentionné sera a contrario considéré comme ne relevant pas de ses attributions. Mais, si vous le voulez, je suis d'accord pour préciser qu'il dirige l'ensemble des services de l'Etat en Haute-Corse. L'idée est - nos débats arbitreront - d'avoir en Haute-Corse et à Bastia un préfet de plein exercice, comme dans tous les autres départements de France et de Navarre.
    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. Monsieur le ministre, ma rédaction n'est sûrement pas sans reproche. Mais le texte issu du Sénat évoquait un préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité unique, installé à Ajaccio. Autrement dit, son rôle se réduisait à celui de représentant auprès de la collectivité unique alors qu'un préfet représente l'Etat dans un territoire. Et pour la circonscription administrative de Haute-Corse - dont on ne nous rappelle même plus qu'elle est aussi celle de l'Etat, ce qui laisse à penser qu'elle n'est plus qu'une subdivision de la collectivité unique - , le préfet d'Ajaccio bénéficiait du concours d'un préfet installé à Bastia.
    Je sais bien qu'un Corse célèbre, et qui a au demeurant créé les préfets, a dit : « Je veux que les Français datent leur bonheur de l'institution des préfets. » C'était tout de même très optimiste, notamment pour les préfets et pour le bonheur des peuples. Ce qui compte, en effet, ce n'est pas seulement le préfet et son autorité, mais, bien plus encore, la présence des services publics. Le citoyen de base s'adresse rarement au préfet. Nous, élus, présidents de conseils généraux, nous nous adressons assez facilement à lui quand nous rencontrons un problème administratif, mais ce n'est tout de même pas la règle. La plupart des gens, eux, s'adressent à un guichet. Il faut donc prêter attention à cela, c'est important pour la bonne perception du dispositif par la population.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous sommes d'accord !
    M. Paul Giacobbi. Vous n'imaginez pas à quel point la population est attentive à ce que nous sommes en train de dire. C'est pourquoi je pense qu'il serait souhaitable que nous suspendions nos travaux un instant, de manière à mettre au point cette rédaction avec M. Zuccarelli et d'autres, et, naturellement, avec le Gouvernement. Il ne doit subsister aucune ambiguïté. Il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions, il faut être précis, j'y insiste. Je m'en excuse, mais c'est très important, et ça conditionne peut-être en partie le résultat de la consultation.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Monsieur le ministre, si je rejoins partiellement M. Giacobbi sur cette question, c'est que, telle la bonne mère du jugement de Salomon, je vais abandonner dans cette affaire toute préoccupation tactique. J'aurais intérêt à ce que votre texte soit le plus repoussant et le plus inquiétant possible pour les populations attachées aux services de l'Etat, en particulier celles de la Haute-Corse.
    M. Christian Jeanjean. Il ne le pense pas !
    M. Emile Zuccarelli. Pourquoi vous agitez-vous, cher collègue ? Je ne comprends pas ce que vous avez à dire.
    M. le président. Continuez, monsieur Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Cher collègue, vous grommelez, mais je ne vous comprends pas !
    M. le président. Monsieur Jeanjean, il est deux heures et demie : n'interrompez pas M. Zuccarelli, laissez-le parler et accélérons !
    M. Emile Zuccarelli. J'en conclurai que ce que vous dites n'est ni très important ni très intéressant !
    M. le président. Continuez !
    M. Emile Zuccarelli. Je pourrais donc jouer la politique du pire, mais, nonobstant l'intérêt électoral que j'y trouverais, je vais tout de même essayer de limiter la casse.
    Monsieur le ministre, j'ai cru que vous alliez faire un pas dans ma direction car, presque involontairement, vous avez parlé du préfet de Haute-Corse. Or la moitié de mon sous-amendement consiste à dire qu'il y aura, à Bastia, un préfet qui occupera ses fonctions dans la circonscription en tant que préfet de Haute-Corse. Le titre me paraît en effet important et symbolique. Vous avez utilisé la même terminologie et je pensais donc que vous l'aviez acceptée.
    Mon sous-amendement précise qu'« il apportera par ailleurs son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales. Il disposera des services de l'Etat dans le département » - vous l'avez vous-même proposé - « et notamment des directions départementales dans leur structure actuelle ». Je veux ainsi éviter qu'il y ait une capitis diminutio des directions départementales actuelles, qu'elles perdent de leur attractivité pour des fonctions de qualité et qu'il s'ensuive un appauvrissement du service public en Haute-Corse.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je comprends mieux pourquoi tout le monde est désespéré en Corse.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. J'ai annoncé, tout à l'heure, que, après les échanges que nous venons d'avoir, et étant donné l'importance du texte, il conviendrait que nous nous accordions sur une rédaction. Pour ce faire, je demande une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à deux heures trente-cinq, est reprise à deux heures quarante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je propose à l'Assemblée une nouvelle rédaction de l'amendement n° 45. J'en donne lecture :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du 5 de l'annexe :
    « Un préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité unique, sera maintenu à Ajaccio. Un préfet de Haute-Corse, exerçant l'ensemble de ses attributions dans la circonscription administrative de Haute-Corse, sera maintenu à Bastia et dirigera en Haute-Corse les services de l'Etat, organisés de la même façon que dans tout département. Il apportera par ailleurs son concours au préfet de Corse dans l'exercice de ses fonctions territoriales. »
    M. Bruno Le Roux. Ce n'est pas léger !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est du Proust !
    M. le président. L'amendement n° 13 est-il maintenu, monsieur Giacobbi ?
    M. Paul Giacobbi. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Le sous-amendement n° 51 est retiré au bénéfice de l'amendement que nous venons de rédiger conjointement avec M. le rapporteur. C'est une position de repli, mais l'amendement rectifié me paraît meilleur que le texte initial.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 45 rectifié ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 39 a été retiré.
    Je mets aux voix l'article 1er et l'annexe, modifiée par les amendements adoptés.
    (L'article 1er et l'annexe, ainsi modifiée, sont adoptés.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Le corps électoral se prononce à la majorité des suffrages exprimés.
    « Les électeurs ont à répondre par "Oui ou par "Non à la question suivante :
    « Approuvez-vous les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de la Corse figurant en annexe de la loi n°        du        2003 ? »
    Le texte de l'annexe et deux bulletins de vote, l'un portant la réponse "Oui et l'autre la réponse "Non, sont imprimés sur papier blanc et adressés par l'Etat aux électeurs, à l'exclusion de tout autre document, au plus tard le mercredi précédant le scrutin.
    Monsieur Giacobbi, souhaitez-vous utiliser votre temps de parole et intervenir sur l'article ?
    M. Paul Giacobbi. J'y renonce, monsieur le président.
    M. le président. M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 24, ainsi rédigé :
    « Compléter le troisième alinéa de l'article 2 par les mots : "afin de substituer une collectivité territoriale unique déconcentrée à l'actuelle collectivité territoriale à statut particulier et aux deux conseils généraux. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Cet amendement entend apporter une contribution constructive à la rédaction de la question posée aux Corses. Entre l'actuelle question, très générale, et le texte de l'annexe qu'on leur soumet par ailleurs, il doit y avoir un juste milieu. Il nous a semblé que la précision proposée reflétait bien le caractère principal de ce sur quoi porte la consultation, à savoir le passage à une collectivité territoriale unique déconcentrée et la suppression des conseils généraux.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, non que cette proposition soit contraire à l'esprit du texte, mais parce qu'elle va à la fois trop et pas assez loin et tend à compliquer la question sur laquelle les électeurs de Corse auront à se prononcer par « oui » ou par « non » et qui est, je vous le rappelle, ainsi formulée : « Approuvez-vous les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de la Corse figurant en annexe de la loi n°                 du                  ? » La question, tout comme l'annexe à laquelle elle renvoie, est suffisamment précise pour que les électeurs puissent se prononcer en connaissance de cause.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - Il est institué une commission de contrôle de la consultation. Présidée par un conseiller d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, elle comprend en outre deux membres du Conseil d'Etat ou des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel désignés par le vice-président du Conseil d'Etat et deux magistrats de l'ordre judiciaire désignés par le premier président de la Cour de cassation. Elle peut s'adjoindre des délégués. Elle siège au chef-lieu de la collectivité territoriale de Corse. Son secrétariat est assuré par les services du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.
    « Cette commission a pour mission de veiller à la liberté et à la sincérité de la consultation.
    « A cet effet, elle est chargée :
    « 1° De dresser la liste des partis et groupements habilités à participer à la campagne ;
    « 1° bis De leur attribuer les panneaux d'affichage, dans les conditions définies à l'article 8 ;
    « 1° ter De répartir entre eux la durée des émissions radiodiffusées et télévisées dans les programmes diffusés en Corse par France 3 Régions et France Bleu Radio Corse Frequenza Mora, dans les conditions définies à l'article 9 ;
    « 2° De contrôler la régularité du scrutin ;
    « 3° De procéder au recensement général des votes et à la proclamation des résultats, dans les conditions définies à l'article 16.
    « Pour l'exercice de cette mission, le président, les membres et les délégués de la commission procèdent à tous les contrôles et vérifications utiles. Ils ont accès à tout moment aux bureaux de vote et peuvent exiger l'inscription de toutes observations au procès-verbal soit avant, soit après la proclamation des résultats du scrutin. Les autorités qualifiées pour établir les procurations de vote, les maires et les présidents des bureaux de vote sont tenus de leur fournir tous les renseignements qu'ils demandent et de leur communiquer tous les documents qu'ils estiment nécessaires à l'exercice de leur mission. »
    M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 1, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 3 : "Elle désigne des délégués et des délégués suppléants dans chaque bureau de vote en zone urbaine et dans chaque canton en zone rurale. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Giacobbi a présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « Compléter le 2° de l'article 3 par les mots : "et, à ce titre, de communiquer au parquet toute constatation de fraude ou tentative de fraude qu'elle aurait pu faire. »
    La parole est à M. Paul Giacobbi.
    M. Paul Giacobbi. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. La commission serait prête à accepter cet amendement sous réserve d'une modification de sa rédaction. En effet, dans la rédaction actuelle, on ne peut savoir si c'est le mot « fraude » ou le mot « constatation » qui est le complément d'objet direct du verbe « faire ». C'est pourquoi je propose de retenir l'amendement dans cette rédaction rectifiée : « et, à ce titre, de communiquer au parquet toute fraude ou tentative de fraude qu'elle aurait pu constater. »
    M. René Dosière. Excellent !
    M. le président. Monsieur Giacobbi, êtes-vous d'accord ?
    M. Paul Giacobbi. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2, tel qu'il vient d'être rectifié.
    (L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
    M. le président. M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Dans le 3° de l'article 3, après le mot : "résultats, insérer les mots : "pour chacun des deux départements concernés et pour la région. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'origine de l'amendement n° 27 remonte à notre débat d'il y a deux ou trois mois sur la loi constitutionnelle, dont un article prévoyait que, quand une collectivité à statut particulier pourrait se substituer à une ou plusieurs autres collectivités, le Gouvernement aurait la faculté de consulter les électeurs desdites collectivités. Lorsque nous avons examiné cette disposition, j'ai essayé de faire prospérer un amendement disant que le Gouvernement pourrait consulter les électeurs de chacune des collectivités concernées. La saison n'était sans doute pas très propice à l'adoption d'amendements par notre assemblée. Je me souviens que, sur certains bancs, quelques députés avaient été irrités par ma proposition. Pour me consoler, on m'avait dit que cette question serait abordée à nouveau au moment de l'examen de la loi organique. Mais, comme le Gouvernement a choisi de ne pas attendre la loi organique pour précipiter la Corse sur la voie exaltante de la réforme, je reviens avec la même question : consulte-t-on les populations de chacune des collectivités concernées ?
    Ce n'est pas une question anodine. Si, demain, on envisageait de fusionner les deux départements de Savoie, j'imagine que l'on organiserait une consultation et que, si une majorité se dégageait sur l'ensemble, on n'en conclurait pas que, séparément, la Savoie et la Haute-Savoie ont acquiescé à cette fusion. Je pourrais prendre un autre exemple, comme celui d'une commune de 10 000 habitants à qui l'on proposerait de fusionner avec une commune de 100 000 : la majorité obtenue sur l'ensemble vaudra-t-elle acquiescement pour la population de la plus petite commune, qui pourra ainsi se faire avaler, sans enthousiasme ? De même, le fait de consulter la population de l'ensemble de la Corse vaut-il consultation des populations des deux départements ? Certes, le total sera le même, mais il paraît important de communiquer le décompte, de proclamer le détail des résultats, afin de connaître l'avis des populations de chacun des deux départements actuels.
    Cette préoccupation peut vous paraître un peu esthétique, mais elle n'en est pas moins respectable. Je vous demande de m'en donner acte : vous retrouverez cette question dans l'avenir.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Le tempérament esthète de notre collègue n'aura échappé à personne, surtout à cette heure de la nuit. Je propose que nous donnions acte de sa demande à M. Zuccarelli.
    Mais de quoi s'agit-il précisément à l'article 3 ? Il y a bien deux commissions de recensement, une par département, mais la commission de contrôle qui proclame les résultats est instituée pour la collectivité unique. Il est donc tout à fait cohérent qu'elle proclame les résultats dans la collectivité. On peut faire confiance à la presse pour, dès le lendemain des élections, communiquer les résultats et faire apparaître les résultats tels qu'ils auront été comptabilisés dans l'ensemble des cantons, arrondissements et départements actuels.
    La commission émet donc un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Un mot pour répondre à la commission, c'est tout ce qu'elle mérite, d'ailleurs : je constate que le législateur se propose de faire confiance à la presse pour trancher une question de cet ordre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 2 rectifié.
    (L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 3

    M. le président. M. Le Roux et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 25, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 370 du code électoral est ainsi rédigée : "Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »
    La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Il n'y a plus aucune raison, maintenant que nous ne sommes plus dans l'hypothèse d'un vote conforme, de ne pas adopter cet amendement qui tire la conséquence de la décision du Conseil constitutionnel. En effet, cet amendement propose d'inscrire dans la loi le principe de la parité. Ce n'est pas au groupe de travail d'en discuter. L'Assemblée a le droit et le devoir de décider aujourd'hui que l'élection des conseillers régionaux en Corse doit se faire sur la base d'une parité stricte, avec des listes qui alternent un homme et une femme. Et je ne vois pas pourquoi nous renverrions à une prochaine loi ce que nous pouvons inscrire aujourd'hui comme l'affirmation de la volonté de notre assemblée.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.
    D'abord, et l'auteur de l'amendement le reconnaît dans l'exposé sommaire, parce que le texte de l'annexe rappelle déjà le principe de la parité.
    Ensuite, parce qu'il ne nous semble pas judicieux de faire figurer, dans un texte qui lance un processus de consultation des électeurs, un article sur la parité en partant du principe que la consultation va aboutir à un résultat négatif.
    M. Bruno Le Roux. Mais non !
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Si le résultat de la consultation est négatif, ce que la majorité des élus présents sur ces bancs ne souhaitent pas, je l'ai constaté, la loi que nous votons, et qui autorise cette consultation, sera sans suite. On voit mal en effet le Gouvernement proposer un texte créant un statut contre l'avis formulé par les habitants de Corse. Nous aurions donc voté un texte qui ne serait pas appliqué.
    Je suggère par conséquent que l'on en reste au texte de l'annexe, qui est très explicite, et que l'on s'en tienne, mais je pense que M. le ministre va le confirmer, à l'engagement du Gouvernement, le jour venu, en cas de malheur avant l'issue de la consultation, de procéder à la mise à jour de la législation pour se mettre en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. C'est une question importante. En changeant le code électoral pour afficher le principe de la parité stricte en Corse, nous pouvions donner un signe fort. Je comprends bien les arguments du ministre mais j'observe qu'une fois de plus, il ne concrétise pas, quand l'occasion se présente, les intentions qu'il affiche.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Certains s'ingénient à vouloir compliquer ce qui est simple. Nous rédigeons un texte pour susciter une consultation, en vue de proposer aux Corses un statut, dans lequel la parité sera introduite. Et vous voulez complexifier le texte en demandant qu'une partie s'applique quand même dans le cas où la consultation aboutirait à un rejet.
    Si le texte est repoussé, nous aurons alors à discuter de ce qui sera l'avenir de l'organisation de la Corse. C'est à ce moment-là seulement qu'il faudra engager cette discussion.
    M. Bruno Le Roux. Mais non !
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Si !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour l'instant, nous examinons un texte qui propose de consulter le population corse sur un projet du Gouvernement qui prévoit la parité. C'est d'une clarté biblique. Et il faut s'en tenir à cela.
    M. Bruno Le Roux. Non !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si les Corses disent non, ce qui est leur droit le plus absolu, même si le Gouvernement le regrette profondément, il devra tirer les conséquences de ce vote et adapter certains textes. Mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure. Nous en sommes à l'organisation d'une consultation sur un statut proposé par le Gouvernement. Il ne s'agit pas de savoir ce qui se passera si le statut est refusé. Ce sera un autre temps. S'il est accepté - et c'est le but -, nous reviendrons proposer un statut à l'Assemblée. S'il est refusé, le Gouvernement en tirera toutes les conséquences.
    M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.
    M. Bruno Le Roux. Monsieur le ministre, cet amendement est invisible par rapport à la procédure mise en oeuvre. Il ne figure pas dans l'annexe, il ne paraîtra pas sur le bulletin de vote et il ne changera pas la question.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais c'est un cavalier.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Eh oui !
    M. Bruno Le Roux. Nous avions l'occasion d'afficher très clairement notre volonté de modifier le code électoral, sans prendre appui sur le fait qu'il pourrait y avoir un refus du texte. Il ne s'agit pas d'un cavalier qui s'ajouterait au texte.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Si !
    M. Bruno le Roux. L'amendement que nous proposons permettrait en outre de mettre en application les recommandations du Conseil constitutionnel.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est un cavalier, puisqu'il s'agit d'une modification du code électoral à propos d'un autre texte.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

    M. le président. Je donne lecture de l'article 4 :

TITRE II

CAMPAGNE ÉLECTORALE, OPÉRATIONS PRÉPARATOIRES AU SCRUTIN ET DÉROULEMENT DES OPÉRATIONS DE VOTE
    « Art. 4. - Sont applicables à la consultation, [ ] sous réserve des dispositions des articles 5, 7 et 8 :
    « - les dispositions des chapitres II (sections 3 et 4), V, VI et VII du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles L. 52-3, L. 56, L. 57, L. 57-1, L. 58, L. 65 (quatrième alinéa), L. 66, L. 68 (deuxième alinéa), L. 85-1, L. 88-1, L. 95, L. 113-1 (1° à 5° du I, II et III) ;
    « - les dispositions des chapitres II (sections 3 et 4), V (article R. 27 et premier, deuxième et troisième alinéas de l'article R. 28), VI et VII du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l'exception des articles R. 55, R. 55-1, R. 56, R. 66-1, R. 93-1 à R. 93-3 et R. 94-1.
    « Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de lire : "parti ou groupement habilité à participer à la campagne au lieu de : "candidat et de "liste de candidats.
    « Au troisième alinéa de l'article L. 65, il y a lieu de lire : "les réponses portées au lieu de : "les noms portés ; "les feuilles de pointage au lieu de : "les listes préparées ; "des réponses contradictoires au lieu de : "des listes et des noms différents ; "la même réponse au lieu de : "la même liste ou le même candidat.
    « Pour l'application du deuxième alinéa de l'article R.41, les préfets peuvent retarder l'heure de clôture du scrutin dans une ou plusieurs communes. »
    M. Geoffroy, rapporteur, a présenté un amendement, n° 46 corrigé, ainsi rédigé :
    « Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 4, supprimer le mot : "préparée. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46 corrigé.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Zuccarelli a présenté un amendement n° 28, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa de l'article 4. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'amendement propose d'homogénéiser les heures de fermeture des bureaux de vote dans toutes les communes.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Le texte prévoit de donner la possibilité au préfet d'accorder de la souplesse sur les horaires de fermeture des bureaux de vote. Je propose qu'on en reste au projet. L'avis de la commission est défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 46 corrigé.
    (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 5 et 6

    M. le président. « Art. 5. - Les interdictions prévues par l'article L. 50-1, le troisième alinéa de l'article L. 51 et l'article L. 52-1 du code électoral prennent effet à compter de la publication de la présente loi. »
    Je mets aux voix l'article 5.
    (L'article 5 est adopté.)
    M. le président. « Art. 6. - La campagne est ouverte le deuxième lundi précédant le scrutin à zéro heure. Elle est close la veille du scrutin à minuit. » - (Adopté.)

Article 7

    M. le président. « Art. 7. - Sont habilités, à leur demande, à participer à la campagne les partis et groupements politiques auxquels ont déclaré se rattacher trois élus au moins parmi les parlementaires et les conseillers généraux élus en Corse, le président, les membres du conseil exécutif et les conseillers de l'Assemblée de Corse.
    « Les demandes d'habilitation sont présentées auprès du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse, au plus tard le troisième lundi précédant le scrutin à 17 heures. Elles sont accompagnées de déclarations individuelles de rattachement à ces partis ou groupements signées par les élus intéressés.
    « Chaque élu ne peut se rattacher qu'à un seul parti ou groupement politique pour l'application des deux alinéas précédents.
    « Le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse transmet sans délai les demandes dont il a été saisi à la commission de contrôle qui dresse la liste des partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne au plus tard le troisième mercredi précédant le scrutin. »
    M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 29, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa de l'article 7, substituer aux mots : "trois élus au moins parmi les parlementaires et, les mots : "dix élus au moins parmi les maires, les parlementaires,. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Je propose d'ouvrir aux maires la possibilité de se rattacher à un parti ou à un groupement politique à même de participer à la campagne électorale. Même si on parle abondamment de conseil général ou de conseil territorial, il ne me paraît pas illogique que les maires aient leur mot à dire sur ce sujet.
    Corrélativement, j'accrois le nombre des élus nécessaires pour accéder à la campagne électorale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable. Le texte, rappelons-le, prévoit déjà que trois élus au moins parmi les parlementaires et les élus des collectivités de Corse pourront parrainer des formations. Cela donne la possibilité de parrainage de trente-huit formations, ce qui est déjà considérable. Aller au-delà semble exagéré.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 30, ainsi rédigé :
    « Après le premier alinéa de l'article 7, insérer l'alinéa suivant :
    « Sont également, à leur demande, habilités à y participer les partis et mouvements qui ont obtenu, lors de la dernière consultation régionale, plus de 2,5 % des suffrages exprimés ».
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 38, ainsi rédigé :
    « Avant le dernier alinéa de l'article 7, insérer l'alinéa suivant :
    « Le rattachement d'un élu tel qu'il est prévu à l'alinéa précédent compte pour autant de mandats qu'en détient l'élu concerné parmi les mandats permettant de se rattacher à un parti ou groupement politique dans le cadre de la campagne pour la consultation des électeurs de Corse prévue par le présent texte. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
    (L'article 7 est adopté.)

Article 8

    M. le président. « Art. 8. - Pour l'application de l'article L. 51 du code électoral, les panneaux d'affichage sont attribués à chacun des partis et groupements politiques habilités, par la commission de contrôle, par voie de tirage au sort. »
    Je mets aux voix l'article 8.
    (L'article 8 est adopté.)

Article 9

    M. le président. « Art. 9. - Les partis et groupements politiques habilités disposent dans les programmes diffusés en Corse par France 3 Régions et par France Bleu radio Corse Frequenza Mora d'une durée de deux heures d'émission radiodiffusée et de deux heures d'émission télévisée, sous réserve des dispositions du troisième alinéa du présent article.
    « Cette durée est répartie par la commission de contrôle entre les partis et groupements politiques habilités proportionnellement au nombre d'élus ayant déclaré s'y rattacher.
    « Le temps d'émission de chacun des partis et groupements politiques habilités est porté à cinq minutes d'émission radiodiffusée et cinq minutes d'émission télévisée lorsque l'application des règles définies ci-dessus conduirait à lui accorder une durée inférieure.
    « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les conditions de réalisation des émissions et, compte tenu de la durée totale d'émission attribuée à chaque parti ou groupement politique, le nombre, la date, les horaires et la durée des émissions. »
    M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 32, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa de l'article 9, substituer aux mots : "deux heures d'émission télévisée, les mots : "trois heures d'émission télévisée. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable. En état de cause, il tombe, puisque l'amendement déposé à l'article 7 a été repoussé.
    M. le président. En effet.
    Je mets aux voix l'article 9.
    (L'article 9 est adopté.)

Articles 10, 11 et 12

    M. le président. « Art. 10. - Les recours contre les décisions prises par la commission de contrôle et par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application des articles 7 et 9 sont portés dans les trois jours devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort. Ils sont déposés soit au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, soit auprès du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse.
    « Lorsque les recours sont déposés auprès du représentant de l'Etat dans la collecitvité territoriale de Corse, ils sont transmis par ce dernier sans délai au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat. »
    Je mets aux voix l'article 10.
    (L'article 10 est adopté.)
    M. le président. « Art. 11. - Les dispositions de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion et les dispositions de l'article 16 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont applicables à la consultation. » - (Adopté.)
    M. le président. « Art. 12. - Sans préjudice de l'envoi des bulletins de vote aux électeurs effectué en vertu de l'article 2, chacun des deux types de bulletins de vote est fourni par les services des représentants de l'Etat en nombre égal à celui des électeurs inscrits dans la commune. Ils sont expédiés en mairie au plus tard le premier mardi précédant le scrutin.
    « Les bulletins de vote et les enveloppes électorales sont placés, dans chaque bureau de vote, à la disposition des électeurs, sous la responsabilité du président du bureau de vote. Le jour du scrutin, les services des représentants de l'Etat peuvent compléter, en tant que de besoin, les quantités de bulletins déposés dans les bureaux de vote. » - (Adopté.)

Article 13

    M. le président. « Art. 13. - Pour l'application des dispositions des articles L. 65, L. 67 et R. 44 à R. 47 du code électoral, et notamment pour la désignation de scrutateurs à laquelle peuvent procéder les partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne, chaque parti ou groupement politique habilité désigne un mandataire unique pour les départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. »
    M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 33, ainsi libellé :
    « Après le mot : "mandataire, rédiger ainsi la fin de l'article 13 : "par département, pour la Haute-Corse et un pour la Corse-du-Sud. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 13.
    (L'article 13 est adopté.)

Article 14

    M. le président. « Art. 14. - Les bulletins de vote autres que ceux fournis par l'Etat, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans une enveloppe non réglementaire, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions quelconques n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau de vote.
    « Chacun des bulletins ou enveloppes annexés porte mention des causes de l'annexion. »
    Je mets aux voix l'article 14.
    (L'article 14 est adopté.)

Article 15

    M. le président. Je donne lecture de l'article 15 :

TITRE III
RECENSEMENT DES VOTES, PROCLAMATION
DES RÉSULTATS ET CONTENTIEUX

    « Art. 15. - Dans chacun des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, une commission de recensement, siégant au chef-lieu, totalise, dès la clôture du scrutin et au fur et à mesure de l'arrivée des procès-verbaux, les résultats constatés dans chaque commune.
    « La commission tranche les questions que peut poser, en dehors de toute réclamation, le décompte des bulletins et procède aux rectifications nécessaires, sous réserve du pouvoir d'appréciation de la commission de contrôle.
    « La commission comprend trois magistrats, dont son président, désignés par le premier président de la cour d'appel de Bastia.
    « Les travaux de la commission sont achevés au plus tard le lendemain du scrutin, à minuit.
    « Le procès-verbal dressé par la commission de recensement est transmis à la commission de contrôle. Y sont joints, avec leurs annexes, les procès-verbaux des opérations de vote qui portent mention de réclamations. »
    M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 36, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 15 :
    « Dans chacun des départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse, une commission de recensement, siégant au chef-lieu, totalise, pour chacun des deux départements, dès la clôture du scrutin et au fur et à mesure de l'arrivée des procès-verbaux, les résultats constatés dans chaque commune. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Mon explication rejoint celle que j'ai déjà donnée sur un amendement que vous avez repoussé. Je persiste à penser que, pour la clarté des résultats de cette consultation, il est préférable de procéder à des décomptes séparés dans chacun des départements actuels.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable, pour les raisons déjà exprimées tout à l'heure.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Zuccarelli à présenté un amendement, n° 37, ainsi rédigé :
    « Avant le dernier alinéa de l'article 15, insérer l'alinéa suivant :
    « Dès qu'elle a terminé son recensement départemental et avant de transmettre le procès verbal prévu par le dernier alinéa du présent article à la commission de contrôle, la commission proclame les résultats pour le département dont elle a la charge. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
    (L'article 15 est adopté.)

Article 16

    M. le président. « Art. 16. - La commission de contrôle procède au recensement général des votes. Elle contrôle le décompte et les rectifications opérées par les commissions de recensement. Elle proclame publiquement les résultats. Un exemplaire du procès-verbal qu'elle établit est remis au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse. »
    M. Zuccarelli a présenté un amendement, n° 34, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernière phrase de l'article 16 par les mots : ", pour chacun des deux départements. »
    La parole est à M. Emile Zuccarelli.
    M. Emile Zuccarelli. Sans illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, je demande avec obstination que les résultats soient proclamés séparément dans chacun des deux départements.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Guy Geoffroy, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 16.
    (L'article 16 est adopté.)

Article 17

    M. le président. « Art. 17. - Les résultats de la consultation peuvent être contestés devant le Conseil d'Etat statuant au contentieux par tout électeur admis à participer au scrutin et [...] par le représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse. La contestation doit être formée dans les dix jours suivant la proclamation des résultats. »
    Je mets aux voix l'article 17.
    (L'article 17 est adopté.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.
    M. Bruno Le Roux. La bonne ambiance qui a prévalu pendant toute la discussion n'enlève rien à la profonde irritation du groupe socialiste quant à la façon dont on nous fait débattre de cette consultation des Corses.
    Je ne reviendrai pas sur les précisions qui n'ont pas été apportées dans le débat parlementaire et qui seront données, nous dit le ministre, dans les prochains jours, mais qui retardent le moment où nous disposerons de toutes les données pour dégager l'avis qui permettra de conduire une campagne, quelles que soient les décisions prises par les différentes formations politiques ou les différents élus. Ce débat ne nous a pas éclairés. Nous estimons que, pour garantir un vrai débat en Corse, il faut retarder la consultation prévue le 6 juillet et la repousser à la fin de l'été ou au début de l'automne.
    En résumé, sur le principe, nous considérons qu'une consultation est nécessaire, mais que celle-ci est mal préparée, et présentée dans la précipitation. Pour cette raison, nous nous abstiendrons sur ce texte.
    M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le ministre, le débat nous a éclairés sur de nombreux points, et les amendements qui ont été adoptés par notre assemblée, à l'initiative de la commission des lois, du Gouvernement ou de certains élus, ont montré votre souci d'associer l'Assemblée nationale à votre démarche.
    Le principe de ce texte est de poser une question simple, qui n'est entachée d'aucune ambiguïté et ne nécessite aucun préalable, au moyen d'une consultation qui s'adresse à l'ensemble des électeurs de Corse. Je crois que, ce soir, nous avons apporté une réponse essentielle, en permettant que cette consultation ait lieu dans les meilleurs délais. La Corse n'a que trop attendu. A nous de faire comprendre l'importance de la voie que vous ouvrez, grâce à cette consultation. Nous saurons vous accompagner, monsieur le ministre, et ce sera la responsabilité des élus de Corse de faire en sorte qu'un autre chemin s'ouvre, un autre avenir pour la Corse, de paix et de progrès.
    Bien sûr, le groupe UMP apporte un soutien sans faille au projet du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre, au terme de la discussion générale, vous vous réjouissiez d'un certain consensus sur un texte que vous considériez comme fédérateur de la gauche et de la droite. Permettez-moi de vous rappeler notre ferme opposition à votre projet.
    D'une certaine façon, vous en avez convenu, en distribuant des gratifications en direction de nombreux bancs, sauf des nôtres, ce qui, évidemment, non seulement ne nous surprend pas, mais serait plutôt de nature à nous rassurer. Au moins, sur ce point, les choses sont claires : nous ne partageons pas du tout votre analyse des conséquences des dispositions que vous nous proposez d'adopter.
    Vous n'avez pas jugé nécessaire de répondre aux arguments qui nous font rejeter ce texte. C'est évidemment votre droit, et vous m'avez demandé courtoisement, ce dont je vous remercie, de ne pas m'en formaliser. Je tenais à vous rassurer, monsieur le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'étais inquiet en effet !
    M. Michel Vaxès. Non seulement je ne m'en formalise pas, mais je comprends que, sur l'essentiel des questions posées, vous ayez refusé d'engager le débat, si bien que, sur l'essentiel, le débat n'aura pas lieu.
    Mon interprétation de la concision de vos remarques à notre égard est sans aucun doute très différente de la vôtre. Mais je suis convaincu, et c'est qui nous réconforte vraiment, que si les questions que nous avons posées ne sont pas, pour vous, les bonnes questions, elles le sont assurément pour une partie très significative de nos concitoyens corses, et c'est ce qui nous importe. Le débat qui se poursuivra avec eux sur le terrain en témoignera, j'en ai la conviction.
    Puisque vous avez mis tant de soin à les taire, je me sens contraint d'en rappeler quelques-unes pour motiver notre vote.
    Vous proposez une nouvelle évolution des institutions de la Corse. Ce n'est pas ce que les Corses attendent. Ce choix vous conduira à de nouvelles déconvenues et nos concitoyens corses à de nouvelles déceptions.
    Vous dites vouloir débattre avec la population de l'île, mais vous emprisonnez son expression dans le piège d'un choix qui n'en est pas un pour elle, parce que le dialogue qu'elle s'épuise à réclamer depuis trop longtemps vise à l'associer à la recherche de réponses aux difficultés de sa vie quotidienne.
    Vous dites espérer que vos propositions contribueront à avancer dans la voie de l'apaisement quand nous pensons au contraire - et croyez bien que nous le regrettons très sincèrement - qu'elles vont être l'occasion de nouvelles surenchères de la part de ceux qui les soutiennent aujourd'hui et savent déjà qu'elles seront insuffisantes demain.
    M. Emile Zuccarelli. Tout à fait !
    M. Michel Vaxès. Vous dites vouloir, avec les dispositions de ce texte, contribuer à donner de l'efficacité au travail d'élaboration d'un projet global et cohérent pour la Corse, mais nous avons la conviction que vous visez beaucoup plus fondamentalement un remodelage profond de l'organisation institutionnelle de la France dans la perspective d'une Europe qui se construit contre l'intérêt de nos concitoyens sur le continent et, plus encore, contre celui de nos concitoyens en Corse.
    Le débat qui vient de se tenir sur les amendements confirme que vous réclamez un blanc-seing pour pouvoir continuer votre politique.
    Je m'en tiendrai là, considérant qu'il y a dans ces quelques observations largement de quoi justifier le votre contre votre projet du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Emile Zuccarelli. Très bien !

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
    Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
    (L'ensemble du projet de loi est adopté.)

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 27 mai 2003, de Mme Catherine Vautrin et M. Gilles Carrez, un rapport, n° 882, fait un nom de la commission spéciale sur le projet de loi, modifié par le Sénat, pour l'initiative économique.

3

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Aujourd'hui, à quinze heures, séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction :
    M. Jean Proriol, rapporteur (rapport n° 879).
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 28 mai 2003, à trois heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT