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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 6 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 5 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Droit d'asile. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Christophe Caresche,
Francis Vercamer,
Patrick Braouezec,
Christian Vanneste,
Jean-Yves Le Bouillonnec,
Gilbert Gantier,
Noël Mamère.

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

MM.
Marc Reymann,
Etienne Pinte.
Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Victorin Lurel, Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie ; André Gerin, Noël Mamère, Serge Blisko, Christian Vanneste. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er «...»

M. Serge Blisko.
Amendement de suppression n° 110 de M. Gerin : MM. André Gerin, Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois ; le ministre. - Rejet.
Amendement n° 74 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 75 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 19 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 44 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 77 de M. Blisko : M. Serge Blisko.
Amendement n° 76 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Rejet des amendements n°s 77 et 76.
Amendement n° 111 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 112 de M. Gerin et 63 de M. Pinte : MM. André Gerin, Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko, Noël Mamère. - Retrait de l'amendement n° 112.
MM. le rapporteur, Etienne Pinte, Noël Mamère. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 63.
Amendements n°s 4 de M. Blisko, 98 de M. Gantier, 20 de la commission et 46 de M. Mamère : MM. Serge Blisko, Gilbert Gantier, le rapporteur, Noël Mamère, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 98 ; rejet de l'amendement n° 4 ; adoption de l'amendement n° 20 ; l'amendement n° 46 n'a plus d'objet.
Amendement n° 113 de M. Gerin : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 64 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 129 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko. - Rejet.
Amendement n° 114 de M. Gerin : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 78 de M. Blisko : M. Serge Blisko.
Amendement n° 5 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche, Noël Mamère. - Rejet des amendements n°s 78 et 5.
Amendement n° 97 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 102 de M. Mariani : MM. Christian Vanneste, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 6 de M. Blisko, 45 de M. Mamère et 115 de M. Gerin : MM. Serge Blisko, Noël Mamère, André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 79 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 80 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 81 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 82 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 88 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur, Christophe Caresche. - Adoption.
Amendement n° 21 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 47 de M. Mamère et 116 de M. Gerin : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 83 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 7 de M. Blisko, 48 de M. Mamère, 65 de M. Pinte et 117 de M. Gerin : MM. Serge Blisko, Noël Mamère, Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Rejet.
Amendement n° 22 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements identiques n°s 49 de M. Mamère et 118 de M. Gerin : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 72 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
L'amendement n° 73 de M. Blisko n'a plus d'objet.
Amendement n° 23 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 50 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 66 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 «...»

M. Serge Blisko.
Amendement n° 24 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 8 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 25 deuxième rectification de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Christophe Caresche, Serge Blisko. - Adoption.
Amendements n°s 9 de M. Blisko, 53 de M. Mamère et 26 de la commission : MM. Serge Blisko, Noël Mamère, le rapporteur. - Retrait de l'amendement n° 9.
MM. le ministre, Noël Mamère, le rapporteur. - Rejet de l'amendement n° 53 ; adoption de l'amendement n° 26.
Amendement n° 52 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Rejet.
Amendement n° 10 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 11 de M. Blisko, 51 de M. Mamère et 119 corrigé de M. Gerin : MM. Serge Blisko, Noël Mamère, le rapporteur, Christophe Caresche. - Rejet.
Amendement n° 27 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 2 modifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DROIT D'ASILE

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (n°s 810, 883).

Discussion générale

    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, premier orateur inscrit dans la discussion générale.
    M. Christophe Caresche. Mes premiers mots, monsieur le président, monsieur le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, seront pour regretter l'absence de M. le ministre des affaires étrangères et les conditions dans lesquelles l'Assemblée examine ce texte - comme elle en examine d'autres d'ailleurs, étant donné l'encombrement manifeste de notre calendrier en raison du nombre de textes importants qui nous sont soumis. Je ne suis pas certain que les meilleures conditions possibles soient réunies pour examiner tous ces textes.
    M. le président. Puis-je vous interrompre un instant, monsieur Caresche ?
    M. Christophe Caresche. Je vous en prie, monsieur le président.
    M. le président. Vous reprochez au ministre des affaires étrangères de ne pas être présent, mais je pense que nous devrions tous faire preuve d'un peu de modestie, car le ministre pourrait nous retourner le reproche s'il voyait cet hémicycle quasiment vide.
    M. Christian Vanneste. Absolument !
    M. le président. Je n'ai pas pu résister à l'envie de faire cette remarque.
    M. Christian Vanneste. Vous avez eu raison !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Caresche.
    M. Christophe Caresche. Monsieur le président, je ne suis pas certain que, dans une démocratie parlementaire digne de ce nom, un texte aussi important que le présent projet de loi puisse être débattu en l'absence du ministre qui l'a présenté. Ce n'est pas une critique dirigée contre la personne du ministre, que par ailleurs j'estime, mais je constate que le ministre des affaires étrangères, avec qui nous avons commencé l'examen de ce texte, n'est pas là cet après-midi. Je le regrette et je considère que c'est un problème. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, mais je pense qu'il était nécessaire de souligner ce fait.
    Je voudrais, dans le temps qui m'est imparti, revenir sur un certain nombre de points déjà évoqués depuis l'ouverture de ce débat.
    Tout d'abord, comme je l'ai dit ce matin en intervenant dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, on ne peut que constater la crise du droit d'asile dans notre pays : c'est un point de vue que nous partageons. Cette crise est liée à l'augmentation extrêmement importante des demandes ces dernières années, sans que soient toutefois atteints, je tiens à le souligner, les sommets observés en 1989 et en 1990. Aussi faut-il toujours interpréter ces chiffres avec beaucoup de prudence. Les demandes d'asiles sont liées, à l'évidence, aux troubles, aux désordres du monde. Il ne s'agit évidemment pas d'un flot continu, d'un flux régulier qui vient alimenter le « stock », si l'on peut dire, des demandeurs d'asile, mais bien d'un phénomène qui est tout simplement lié à l'état du monde.
    On ne peut donc, comme le fait, un peu imprudemment peut-être, le projet de loi, attribuer simplement l'augmentation incontestable des demandes au phénomène de fraude, même si celui-ci, bien entendu, existe.
    Cette augmentation des demandes nous impose d'abord et avant tout une obligation de moyens. Il est clair que c'est en augmentant les moyens permettant l'examen des demandes d'asile que nous pourrons restaurer le droit d'asile en France. A cet égard, je tiens à remercier M. Leonetti d'avoir souligné que ces moyens avaient commencé à progresser entre 2000 et 2002. En tout cas, si nous voulons restaurer le droit d'asile, lui redonner toute sa vigueur, il faudra d'abord que des moyens nouveaux soient mis à disposition, et c'est évidemment un choix politique.
    Un autre problème se pose : celui de l'allongement des délais d'examen des demandes d'asile. A l'heure actuelle, un demandeur d'asile doit attendre plusieurs années avant d'obtenir une réponse, ce qui, évidemment, le met dans une situation de précarité absolument inacceptable.
    Une telle situation impose de réformer le droit d'asile dans notre pays. C'était d'ailleurs un des engagements de Lionel Jospin, comme de Jacques Chirac, lors de l'élection présidentielle.
    Nous approuvons donc le fait qu'un texte soit proposé pour réformer les procédures du droit d'asile afin de les rendre plus efficaces. Et si certaines des propositions qui sont faites méritaient d'être améliorées, le principe sur lequel repose ce texte va dans le bon sens.
    Il en est ainsi de l'instauration d'un guichet unique : l'OFPRA sera désormais chargée de l'examen de toutes les demandes, qu'il s'agisse de l'asile dit « conventionnel » ou de l'ex-asile territorial, qui est transformé en protection subsidiaire.
    La refonte de l'asile territorial et sa transformation en protection subsidiaire constitue une amélioration, puisque l'on substitue à une décision arbitraire du ministre une décision de l'OFPRA. Cette orientation nous convient, même si nous ferons un certain nombre de propositions sur le champ d'application de la protection subsidiaire.
    De même, l'abandon du critère de l'origine étatique des persécutions - et donc, corrélativement, la reconnaissance des persécutions menées par des autorités non-étatiques - nous paraît constituer une avancée, un progrès.
    Il s'agit d'autant de points sur lesquels nous pourrions être facilement d'accord si les moyens correspondants suivaient.
    Toutefois, monsieur le ministre, le Gouvernement a voulu être plus ambitieux,...
    M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ce n'est pas un défaut !
    M. Patrick Braouezec. Ça peut en être un !
    M. Christophe Caresche. ... et si ce n'est pas un défaut, ce peut être parfois une source de difficultés, notamment lorsqu'on cherche à obtenir l'accord le plus général possible, si j'ai bien compris l'état d'esprit qui animait le ministre des affaires étrangères ce matin.
    En tout cas, la discussion que nous allons avoir vous permettra-t-elle peut-être de progresser sur les points que je vais citer.
    Vous introduisez dans notre droit deux notions nouvelles - celle d'asile interne et celle de pays d'origine sûr - que nous estimons inacceptables et qui, selon nous, posent de véritables problèmes de fond. En effet, ces deux notions vont contribuer à remettre en cause un principe constitutionnel, c'est-à-dire la possibilité pour un demandeur d'asile de voir sa demande examinée pas les autorités françaises et de se voir reconnu l'asile sur le territoire français.
    Je rappelle que le gouvernement précédent s'était formellement opposé à la notion de pays d'origine sûr, comme en atteste la réponse qu'il avait faite aux propositions de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
    Je le répète, la notion du pays d'origine sûr et celle d'asile interne vont contribuer à remettre en cause le droit de l'asile tel qu'il est défini dans notre Constitution. En outre, l'introduction de ces deux notions dans le texte révèle une erreur de méthode, et j'avoue que j'ai du mal à comprendre l'intention du Gouvernement. Nous savons en effet que ces deux notions, comme celle du droit au travail pour les demandeurs d'asile, sont encore en discussion au niveau européen. Or le Gouvernement nous demande d'anticiper sur des directives qui ne sont pas encore adoptées. Pourquoi ?
    M. Christian Vanneste. Parce que tous les autres pays l'ont fait !
    M. Christophe Caresche. Un tel argument n'est pas recevable ! Soit il y a une directive européenne qui engage la France, et nous examinons sa transposition en droit interne. Soit il n'y en a pas, et, dès lors, pourquoi anticiper ? Du reste, le même problème se pose à propos du texte concernant les flux migratoires que nous examinerons prochainement. J'ai du mal à comprendre la position de la France sur ce point. J'ai d'autant plus de mal à la comprendre que j'ai le sentiment que la France, en transposant de façon anticipée ces notions dans sa législation interne, se prive d'une arme de négociation avec les autres pays européens.
    M. le ministre des affaires étrangères nous a parlé ce matin de la grandeur de la France, de l'image de la France, notions auxquelles il est, je crois, sincèrement attaché. Est-ce rendre service à l'image et à la grandeur de la France que de ne pas défendre jusqu'au bout la position de celle-ci, qui, manifestement, est contraire à ces deux notions. La réponse est « non » ; ce n'est pas rendre un service à la France que d'anticiper un certain nombre de dispositions, car cela l'empêche d'être en bonne position pour négocier les futures directives.
    Finalement, je pense que, avec ce texte, le Gouvernement abdique sans combattre, sans défendre sa position par rapport à la conception du droit d'asile qui est la nôtre et qui est inscrite dans la Constitution.
    Ces deux notions sont manifestement contraires à l'esprit et à la tradition de notre droit fondamental. Et la question se pose de savoir si ce texte ne mélange pas deux problématiques, l'une liée à l'asile et propre à l'exercice d'un droit, l'autre concernant les flux migratoires. Une telle interrogation est légitime, ne serait-ce que parce que le Gouvernement présente ensemble ces deux textes en un tout cohérent.
    J'ai le sentiment que le texte qui nous est présenté traduit une certaine dérive liée à une conception du droit d'asile purement défensive, sous prétexte de mieux réguler les flux migratoires. De fait, cela aboutit à l'affaiblissement du droit d'asile. C'est pourquoi nous ne pourrons pas suivre le Gouvernement sur ce texte.
    Pour conclure, je citerai un passage extrait d'un rapport d'information sur la politique européenne d'asile, déposé par notre collègue Thierry Mariani. Dans ce rapport, que j'ai trouvé très intéressant sur le fond, notre collègue dénonce ce qui me paraît caractériser l'attitude de la France, c'est-à-dire le fait que les Etats membres sont tentés de s'engager « individuellement dans des politiques de plus en plus restrictives pour éviter les "déplacements secondaires suscités par les disparités des législations nationales, surtout en ce qui concerne les conditions d'accueil des demandeurs ».
    M. le président. Monsieur Caresche...
    M. Christophe Caresche. Je termine, monsieur le président.
    J'ai le sentiment que ce qui est ici dénoncé par M. Thierry Mariani - le fait que les pays européens essaient de fermer au maximum le flux - est exactement ce que vous nous proposez par le biais de l'introduction de ces deux notions.
    M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.
    M. Francis Vercamer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, notre objectif est de garantir un droit fondamental, celui de pouvoir demander l'asile, tout en assurant l'efficacité des procédures et l'examen des demandes dans un délai raisonnable.
    L'exposé des motifs du texte montre combien le nombre de demandes d'asile a augmenté ces dernières années. Tout d'abord, je veux réaffirmer, au nom du groupe UDF, combien nous sommes attachés à la différence qui existe entre, d'une part, la politique d'immigration, qui implique un contrôle des flux migratoires, et, d'autre part, la politique d'asile, qui obéit à une logique de protection des personnes, car c'est bien l'imminence d'un danger qui pousse les demandeurs d'asile à quitter leur pays.
    Comme rien ne permet, a priori, de remettre en cause la sincérité d'une demande d'asile, la logique veut que l'accès à celle-ci soit largement ouvert. Ainsi, contrôle des flux migratoires et ouverture à la protection sont les deux termes d'une équation difficile à laquelle aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n'a su répondre jusqu'à ce jour avec une complète efficacité.
    Le grand mérite du texte est d'essayer de trouver une nouvelle solution, en inscrivant notre légilation dans le cadre européen. Député de Roubaix, je suis bien placé pour savoir que cette agglomération constitue une aire géographique où se concentrent de nombreux demandeurs. Or il est clair qu'une ville qui connaît de lourds problèmes économiques, sociaux et urbains ne peut durablement acompagner ces populations en termes d'accueil, d'hébergement d'urgence et de suivi social. Je pense donc qu'il est impératif, soit de mieux répartir l'accueil des demandeurs sur le territoire nationale, en multipliant par exemple les plates-formes, soit d'accompagner plus fortement les agglomérations identifiées comme principales aires géographiques d'accueil. Il ne doit pas être question de laisser ces villes seules face à cette difficulté - on l'a d'ailleurs vu avec l'exemple de Sangatte.
    Ensuite, vous affichez un objectif clair de réduction des délais d'instruction des dossiers. Je note toutefois que la demande d'asile obéit toujours à une procédure en deux temps, avec une autorisation préfectorale préalable et provisoire de séjour, puis un examen au fond de la demande par l'OFPRA. Si le texte allège le rôle des préfectures en limitant le refus d'admission au séjour à quatre cas limitatifs, on peut néanmoins se demander si cela suffira à assurer le déroulement de la procédure dans un délai plus raisonnable. Celui-ci ne sera d'ailleurs respecté que si des moyens matériels et humains supplémentaires et importants viennent renforcer les équipes de l'OFPRA et, bien sûr, celles des préfectures.
    Au-delà des précisions apportées dans l'étude d'impact, si nous voulons vraiment garantir l'efficacité du dispositif, je souhaite un engagement ferme du Gouvernement sur ce point essentiel. Mais je reconnais que, ce matin, M. de Villepin y a souscrit à plusieurs reprises et je l'en remercie.
    Si je ne doute pas de l'application scrupuleuse des nouvelles règles européennes qui régiront l'asile sur notre territoire, je m'interroge en revanche sur leur mise en oeuvre dans chaque Etat de l'Union. Pour que le régime de l'asile soit efficace, il faut aussi qu'il soit appliqué avec la même rigueur chez nos voisins européens. Sur ce point, nous comptons sur votre vigilance.
    Nous comptons aussi sur votre vigilance pour la manière dont doit être abordée la notion de « pays d'origine sûr ». La simple élaboration de la liste de ces pays sera délicate et, parce qu'ils sont très généraux, les critères risquent de donner lieu à des interprétations très différentes d'un Etat de l'Union à l'autre, d'autant que reconnaître implicitement un pays comme n'étant pas sûr sera une décision lourde de conséquences sur le plan des relations commerciales, diplomatiques et stratégiques avec ce pays. Je crains que nous n'ayons affaire à une liste de pays définie trop largement, d'une manière consensuelle, et qui ne tienne pas compte de l'évolution intérieure de ces pays et des risques réels que courent leurs ressortissants. A cet égard, l'expertise du HCR doit être mieux prise en compte.
    Je terminerai en rappelant que le désir de trouver dans notre pays, comme dans d'autres pays européens, des conditions de vie et de travail décentes est évidemment pour beaucoup dans l'augmentation considérable des demandes d'asile ces dernières années - je fais allusion à ce que M. de Villepin a appelé ce matin l'« asile économique ». Il est donc indispensable de convaincre les ressortissants des pays à forte émigration vers la France que leur avenir et celui de leurs familles se réaliseront d'abord dans leur pays. En effet, la richesse qu'ils représentent, leur savoir-faire, c'est dans leur pays qu'ils peuvent réellement les mettre en valeur. C'est la raison pour laquelle une politique de l'asile harmonisée à l'échelle européenne doit également s'articuler avec une politique audacieuse d'aide au développement, où la France doit tenir toute sa place.
    Le débat sur les moyens de relancer une politique européenne de codéveloppement donnera pleinement son sens à nos travaux sur l'asile et sur les conditions d'entrée et de séjour dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chacun le sait, le droit d'asile en France est moribond. Depuis le milieu des années 80, l'accès à ce droit fondamental est remis en cause. Actuellement, les délais de réponse excèdent une année, la proportion des déboutés dépasse les 90 % et les conditions sociales des demandeurs sont de plus en plus précaires.
    Malheureusement, le projet de loi dont nous débattons s'inscrit dans cette dérive répressive en matière d'asile. Son exposé des motifs traduit une approche quantitative, son contenu une vision policière et l'emprise du ministère de l'intérieur, confondant encore davantage l'asile, droit fondamental, avec la politique de maîtrise des flux migratoires.
    Son principal objectif réside dans la réponse à un seul des éléments de la crise du droit d'asile : le raccourcissement des délais. Tout laisse craindre que celui-ci ne se traduise par une proportion accrue de déboutés renvoyés à la précarité absolue de la clandestinité.
    Elu d'une circonscription populaire, je connais les effets de cette politique restrictive irréaliste, inefficace et aggravée depuis vingt ans, tant pour les intéressés que pour les quartiers qui les accueille. A Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine et Villetaneuse, villes de ma circonscription, des centaines d'habitants, des hommes et des femmes, déboutés du droit d'asile, et leurs enfants, nés et/ou scolarisés en France, vivent ainsi privés de tous droits en matière de logement, de protection sociale ou de travail.
    Les quartiers populaires sont de fait les seuls à maintenir la tradition du droit d'asile et à devoir assumer seuls un minimum de solidarité internationale. Le comble, c'est qu'ils sont stigmatisés pour leurs difficultés sociales, qui résultent pour partie du rejet dans la clandestinité de l'écrasante majorité des réfugiés.
    Depuis plus de vingt ans, une série de décisions politiques et juridiques a réduit le droit d'asile à une peau de chagrin. Citons-les : le rétablissement en 1986 de visas d'entrée pour les demandeurs originaires de la plupart des pays du tiers monde, la suppression en 1991 de l'autorisation de travail accordée aux demandeurs, une interprétation restrictive de la Convention de Genève, une plus grande sévérité dans l'examen des demandes par l'OFPRA, laquelle aboutit à l'augmentation du taux de rejet, l'interdiction d'entrée sur le territoire pour des requêtes « manifestement infondées » sans intervention de l'OFPRA, les sanctions infligées aux transporteurs aériens et maritimes qui introduiraient des personnes ensuite déboutées, les accords de Schengen et de Dublin permettant le renvoi des demandeurs vers le pays de premier accueil, et la multiplication des démarches imposées, transformant la procédure en parcours du combattant.
    Le résultat de cette politique est une formidable fabrique de sans-papiers, que l'on nous propose aujourd'hui d'aggraver un peu plus.
    Oui, le droit d'asile est moribond en France. Notre pays est loin, pour reprendre une formule bien connue, d'« accueillir toute la misère du monde ». D'ailleurs, il ne l'a jamais fait. Dans les périodes où son économie en exprimait le besoin, il a importé de la main-d'oeuvre. Aujourd'hui, dans le cadre de la politique libérale du Gouvernement et à force de dérégulation du marché du travail et de précarisation généralisée, il vaut mieux que cette main-d'oeuvre soit privée de papiers, c'est moins cher.
    La France n'accueille pas même la proportion arithmétique de réfugiés qui lui reviendrait. Notre pays représente 5 % du PNB mondial et 1 % de la population mondiale. La planète compte 22 millions de personnes réfugiées ou déplacées. Plus des trois quarts des réfugiés sont accueillis dans des pays du Sud. Le Pakistan et l'Iran accueillent chacun près de deux millions de réfugiés, soit vingt fois plus que la France.
    Il est bon de rappeler quelques chiffres.
    Le nombre des réfugiés statutaires n'a cessé de baisser dans notre pays depuis 1946. De 350 000 en 1950, il est passé à près de 110 000 en 1999. En 2002, 51 000 demandes ont été enregistrées. Il s'agit d'une augmentation après le creux de 1996, où l'on a dénombré 17 500 demandes, mais souvenons-nous que le chiffre était de 60 000 en 1989.
    La France n'est donc pas submergée de demandes. Elle se refuse même à assurer la part de solidarité internationale qui lui revient. En 2002, seulement 8 500 personnes ont obtenu un titre de séjour en qualité de réfugiés. Ces chiffres incluent les enfants de réfugiés parvenant à leur majorité et les recours. Le taux d'accord de 17 % est donc gonflé par rapport à la réalité.
    Et que dire de la procédure de l'asile territorial officialisée en 1998 par M. Chevènement ? Cette protection précaire, accordée pour un an et décidée arbitrairement par le ministère de l'intérieur, n'existe pour ainsi dire pas. En 2001, ce furent 31 000 demandes, émanant dans leur immense majorité de ressortissants algériens, qui ont été déposées, dont 353 seulement connurent une issue favorable, soit à peine plus de 1 %, à l'issue d'une attente de deux ans, sans aucuns droits sociaux, sans droit au travail, dans la précarité la plus absolue.
    Sur ce point, il faut donc saluer le projet de loi qui supprime l'asile territorial, véritable leurre, et unifie le traitement de l'ensemble des demandes par l'OFPRA. Mais il faut remarquer dans le même temps que le projet introduit malheureusement une nouvelle forme de précarisation de l'asile avec la notion d'asile subsidiaire, asile que l'OFPRA peut retirer à tout moment de sa propre initiative ou à la demande du préfet.
    Au total, ce sont environ 90 000 demandes - asile conventionnel et asile territorial confondus - qui ont été adressées à la France en 2002. Résultat : moins de 9 000 cartes de séjour dans une société de 60 millions de personnes. Où est donc l'invasion ? Où est la générosité ? Où est l'abus du droit d'asile dont on nous parle régulièrement ?
    En réalité, notre pays accueille beaucoup plus de réfugiés qu'il n'en reconnaît. Que deviennent la grande majorité des déboutés ? Personne n'est dupe, ils demeurent en France et ne regagnent pas leur pays, la situation de guerre civile, de répression ou de violence qu'ils ont fuie au prix de lourds sacrifices qui ne leur permettent pas d'y revenir.
    Nous savons tous également qu'aucun système policier et judiciaire ne peut permettre de les éloigner dans une proportion significative. Le taux d'exécution des mesures de reconduite à la frontière est de l'ordre de 20 %. Depuis plus de vingt ans, les ministres de l'intérieur se succèdent dans une surenchère répressive, les atteintes aux droits de l'homme et à ceux de la défense se multiplient, la durée de rétention administrative s'allonge, les graves violences commises en zones d'attente sont connues et rapportées publiquement par des associations et même par des parlementaires, les peines de prison pleuvent, condamnant le simple fait d'être étranger. Récemment, deux personnes ont trouvé la mort lors de leur rapatriement de force.
    Dans deux semaines, nous devrions débattre du projet de loi de M. le ministre de l'intérieur - ce sera la vingt-septième modification de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers. Ce projet comporte de nouvelles atteintes graves aux droits de l'homme et à l'insertion des étrangers en France. En héritier zélé de M. Pasqua, M. Sarkozy présente ce énième texte comme un moyen de lutte contre l'immigration clandestine, comme l'avaient fait leurs prédécesseurs, alors qu'il est évident, et vingt ans d'expérience l'attestent, que son seul résultat sera de fabriquer un peu plus de sans-papiers.
    Il faut rappeler que l'arsenal répressif et discriminatoire de M. Pasqua s'est traduit par 2 500 expulsions de plus par rapport à son prédécesseur immédiat. Rappelons une fois encore que notre pays compte 60 millions d'habitants. Dès lors, de qui se moque-t-on ?
    Le pire est, bien sûr, que cette politique où l'étranger est suspect par définition et où sa présence est présentée comme anormale, alimente et légitime la xénophobie et conforte ceux qui l'exploitent électoralement.
    Pourquoi ne pas tout simplement reconnaître l'ensemble des réfugiés présents sur notre sol ? Pourquoi choisir délibérément de fabriquer des sans-droits dont l'écrasante majorité est inéloignable en droit et, surtout, en fait ? Il n'y a, aujourd'hui, aucun moyen matériel de reconduire les Tchétchènes et, dans une moindre mesure, les Afghans et les Mauritaniens.
    Le réalisme consisterait à considérer la gravité des persécutions subies à travers le monde et, pour la France, à assumer sa part de réfugiés dans des conditions dignes pour les intéressés comme pour la société d'accueil.
    On l'a vu, le taux d'acceptation des demandes est aujourd'hui de 10 % environ, alors que, dans les années 70, il était de l'ordre de 90 %. La prétendue qualité des demandes n'a pas fondamentalement varié depuis cinquante ans. C'est bien une politique délibérée qui a rendu leur examen de plus en plus draconien avec des exigences de preuves de plus en plus importantes, avec la non-reconnaissance des groupes sociaux - je pense notamment aux femmes victimes de persécutions sexistes - ou encore avec la jurisprudence sur les agents de persécutions.
    L'obsession de la fraude pourrait se résumer par l'adage : « Mieux vaut rejeter un vrai réfugié que de donner le statut à un faux réfugié. » Le doute joue toujours contre les demandeurs !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Vos propos fallacieux sont une insulte à l'OFPRA !
    M. Patrick Braouezec. Ce basculement complet du taux de reconnaissance ne s'explique pas par l'amélioration de la situation internationale ni par le recul des persécutions, des dictatures et des conflits armés de par le monde : il s'explique par la politique de fermeture officielle des frontières. Le bilan est clair : les restrictions aux possibilités de déplacement légales favorisent les arrivées et les entrées illégales et la « lutte contre l'immigration clandestine » favorise le développement des filières qui l'organisent.
    M. André Gerin. Exactement !
    M. Patrick Braouezec. La persévérance dans l'erreur des gouvernements successifs doit beaucoup au fait que ce formidable gâchis ne gêne en réalité pas grand monde. Il stigmatise et humilie des personnes qui ne votent pas. Il a même des avantages : il fournit une main-d'oeuvre très bon marché aux secteurs les plus dérégulés de l'économie et il permet aussi de diviser, voire d'opposer les plus modestes. En définitive, les intéressés, les quartiers populaires et leurs habitants paient seuls le coût humain et social de cette hypocrisie sans nom. Les bénéficiaires sont connus : employeurs peu scrupuleux, marchands de sommeil et de logements insalubres et, politiquement, l'extrême droite.
    A l'approche de l'examen des articles du projet de loi, il faut s'arrêter sur les nouvelles atteintes au droit d'asile qu'il prévoit et que les amendements défendus par mon collègue André Gerin visent à supprimer.
    Le texte introduit tout d'abord la notion d'asile interne. En clair, les demandes d'asile de personnes ayant accès à une protection sur une partie du territoire de leur pays d'origine seront rejetées. Les zones humanitaires en Bosnie et au Rwanda ont montré que, même sous la protection d'une force internationale, il ne pouvait s'agir d'une protection suffisante et durable. Seuls les Etats engagés par la signature des textes internationaux peuvent offrir une protection effective à leurs ressortissants.
    L'asile véritable au sens de la convention de Genève suppose de pouvoir s'installer durablement et de jouir de l'ensemble des droits attachés à une protection - droits fondamentaux mais également économiques et sociaux. On pense alors - la comparaison est connue - aux Français libres réfugiés à Londres durant la Seconde Guerre mondiale, qu'avec une telle disposition l'Angleterre aurait été en droit d'expulser vers Brazzaville ou ailleurs.
    Le projet de loi ajouterait une nouvelle exception à l'admission au séjour si le demandeur était originaire d'un pays considéré comme « sûr ». Cette notion est une grave entorse au caractère individuel des demandes et au principe de non-discrimination, énoncé à l'article 3 de la convention de Genève. La définition floue des pays « sûrs » ouvre la porte à toutes les restrictions. Il faut rappeler que, ces dernières années, trois ressortissants français se sont vu reconnaître le statut de réfugié aux Etats-Unis et que l'Angleterre a produit de nombreux réfugiés du fait du conflit nord-irlandais. Nous nous opposons donc catégoriquement à cette notion de pays « sûr ». Le fait que la liste en soit dressée par l'OFPRA, à la suite d'un amendement de la commission, ne contribue pas à nous rassurer.
    Il faut s'arrêter sur la situation des réfugiés roms en France, originaires de Bulgarie, de Hongrie, de Tchéquie ou de Slovaquie. Il ne faut pas être grand clerc pour savoir que cette notion de pays sûr permettra d'exclure définitivement les Roms du droit d'asile. Là encore, le seul résultat de cette nouvelle restriction sera d'accroître le nombre d'habitants privés de tout droit dans nos villes.
    En Ile-de-France, notamment à Saint-Denis, depuis plusieurs mois, c'est dans de véritables bidonvilles que s'entassent des centaines de personnes, dont de nombreux enfants, dans des baraquements misérables. La situation sanitaire est dramatique et humainement insupportable pour les familles concernées. Elle entraîne des difficultés, une exaspération et des tensions dans les quartiers d'accueil.
    Pour la plupart, ces personnes sont des citoyens roumains, tchèques, slovaques ou hongrois qui bénéficient, au sein de l'Union européenne, de la liberté de circulation. Elles sont ainsi dispensées de visa et ont le droit de circuler au sein des pays de l'Union, avec l'obligation de retourner dans leur pays tous les trois mois. A terme, avec l'adhésion pleine et entière de ces pays à l'Union européenne, ces citoyens bénéficieront de la liberté d'installation et de travail dans tous les pays de l'Union.
    Le recours aux éloignements du territoire apparaît dans ces conditions non seulement indigne, mais illusoire. Les personnes reconduites dans leur pays, individuellement ou collectivement, sont en effet en droit de revenir puisque libres de circuler.
    Là encore, l'hypocrisie tient lieu de politique et de prise en charge de la question par l'Europe et par l'Etat.
    Ces populations subissent, pour certaines, des persécutions et des traitements dégradants dans leur pays. Elles connaissent toutes une situation de grave discrimination et ségrégation. Plusieurs personnes appartenant à la communauté rom de Zamoly en Hongrie se sont ainsi vu reconnaître le statut de réfugié en France. Le projet de loi achèverait de fermer la porte de l'asile à ces personnes et les priverait, tout comme les villes d'accueil, d'une possibilité d'insertion, seule issue digne efficace aux problèmes rencontrés.
    Par nos amendements, nous demanderons également l'accès à l'aide juridictionnelle de tous les demandeurs d'asile pour leur permettre de mieux défendre leurs droits ainsi que le droit au travail afin de leur permettre de subvenir dignement et honnêtement à leurs besoins, au lieu de survivre avec la très insuffisante allocation d'insertion.
    La misère du système d'hébergement actuel, le manque criant de places, bref, l'ensemble du système d'accueil, relèvent de la maltraitance du plus grand nombre. Le droit au travail est donc essentiel.
    Avec ces propositions, nous souhaitons sortir les demandeurs de l'indigne précarité où ils sont maintenus et qui se répercute sur leur environnement. C'est pour nous une question de respect du principe de l'égale dignité des hommes. C'est aussi une exigence réaliste qui relève de l'intérêt général dans les quartiers et les villes où ils résident.
    Au final, monsieur le ministre, il est évident que le contenu du projet de loi ressortit davantage à la politique du ministre de l'intérieur en matière de fabrication de sans-papiers qu'à la garantie de l'exercice du droit fondamental que constitue l'asile.
    Ce texte est directement inspiré par le ministre de l'intérieur. Outre la coordination française pour le droit d'asile et la Commission nationale consultative des droits de l'homme, il a été sévèrement critiqué par la conférence épiscopale des évêques. C'est alors M. Sarkozy qui a répondu, et non vous, monsieur le ministre.
    Le simple titre d'une dépêche de l'AFP est assez éloquent : « Droit d'asile : premier volet contre l'immigration illégale devant les députés. »
    Cette emprise du ministère de l'intérieur est inscrite dans le texte. Ainsi, le directeur général de l'OFPRA sera nommé conjointement par les ministres des affaires étrangères et de l'intérieur. Le ministère de l'intérieur obtient également la transmission des décisions de rejet motivées et, dans certains cas, des documents d'état civil ou de voyage des demandeurs.
    M. le président. Monsieur Braouezec, veuillez conclure !
    M. Patrick Braouezec. Je termine, monsieur le président.
    Il s'agit là d'une atteinte très grave au principe constitutionnel de confidentialité du dossier OFPRA.
    En d'autres lieux, M. le ministre des affaires étrangères a su défendre l'importance de l'ONU et de la coopération internationale, ce que nous avons salué. Je ne peux donc pas croire que ce projet soit véritablement le sien.
    Dans un discours aux Nations unies qui restera un moment important de la diplomatie de notre pays, il a, avec esprit, détourné le qualificatif de « vieux pays » pour signifier la sagesse de la position française dans son opposition à la guerre en Irak.
    M. le président. Monsieur Braouezec...
    M. Patrick Braouezec. Je n'ai plus que quelques lignes, monsieur le président.
    Le projet dont nous débattons relève non de cette sagesse, mais des outrages des ans sur l'esprit d'un pays cédant à l'égoïsme et au repli sur soi.
    Entre ces deux visages de la vieillesse, nous sommes passés de la haute politique à la basse police, du Booz endormi de Victor Hugo, dans la Légende des siècles, avec sa sagesse, à Tatie Danielle, avec sa méchanceté et son égoïsme. (Sourires.)
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Le pire, c'est quand il fait de l'humour !
    M. Patrick Braouezec. Ce projet s'inscrit à son tour dans la politique générale du Gouvernement. Une politique libérale en matière économique et financière, une politique de reculs graves de la protection sociale, une politique répressive pour contenir, voire réprimer les victimes de ce nouveau capitalisme sauvage.
    Parce que ce projet ne répond pas à la crise du droit d'asile mais se propose de l'aggraver en programmant une augmentation du nombre de déboutés, parce que les quartiers populaires et leurs habitants feront les frais de cet égoïsme irréaliste et hypocrite, parce que la dérive restrictive qu'il accentue ne fait que creuser chaque jour le fossé entre le Nord et le Sud de notre planète, pour toutes ces raisons, le groupe communiste et républicain votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. André Gerin. Il a raison !
    M. le président. Puis-je dire, monsieur Gerin, qu'il a raison sur tous les bancs du groupe communiste ? (Sourires.)
    M. Noël Mamère. Il a tout à fait raison !
    M. Patrick Braouezec. Et même sur les bancs des Verts, monsieur le président ! (Sourires.)
    M. le président. L'interlude est terminé.
    La parole est à M. Christian Vanneste.
    M. Christian Vanneste. Mes chers collègues, selon l'Enéide, bien après Booz endormi, l'histoire de Rome prend son origine dans le récit mythique de la guerre de Troie. Quelques Troyens, vaincus, s'installèrent dans le Latium, et d'après la légende, Romulus décida de faire de la nouvelle cité un asile pour les exilés et les hors-la-loi. La notion d'asile naquit donc dans la mythologie. Force est de constater que, depuis, la problématique de l'asile est devenue bien autre chose qu'un mythe : une réalité souvent très cruelle.
    Obtenir l'asile, c'est trouver refuge sur une terre. Ce droit, offert aux persécutés, a été, des siècles durant, laissé à la discrétion des Etats et des souverains. Ce n'est que le 28 juillet 1951 que les membres de l'Organisation des Nations unies adoptent ce qui est considéré comme un tournant dans l'histoire du droit d'asile, la convention de Genève.
    Cette convention, s'inspirant des principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme, définit, pour la première fois et dans le contexte de la guerre froide, le statut de réfugié. Ce terme s'applique à toute personne « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » et cherchant secours hors de son pays. Les régimes totalitaires sont, bien sûr, les premiers visés par cette convention, en particulier les nombreux régimes communistes qui sévissent encore, à cette époque, en Europe. La France ratifie cette convention le 17 mars 1954.
    Plus spécifiquement, la législation française sur le droit d'asile a comme texte de référence la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. Cette ordonnance a connu de nombreux remaniements. Sa dernière modification remonte à la loi du 11 mai 1998 instaurant l'asile territorial en sus du statut de réfugié que prévoit la convention de Genève. La création de l'asile territorial correspondait à une véritable demande : permettre à la France d'accorder l'asile aux victimes de persécutions non étatiques, par exemple les Algériens victimes du GIA.
    Cependant - et j'ai presque envie de dire : comme d'habitude - le gouvernement précédent, s'il a fait voter une nouvelle loi, n'a pas remédié aux véritables dysfonctionnements que connaissait notre droit d'asile. On dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Je me permets alors de mettre sur le compte d'une certaine naïveté, devenue chronique de la part de notre ancien gouvernement, ses actions malencontreuses ou, pire, son inaction irresponsable.
    M. Serge Blisko. Vous tombez dans la polémique !
    M. Christian Vanneste. En effet, la loi de M. Chevènement s'est avérée la meilleure... à l'exception de toutes les autres. Les dysfonctionnements enregistrés sont nombreux : souvent plus de deux ans d'attente pour conclure un dossier de demande d'asile ; des préfectures et un Office français de protection des réfugiés et apatrides submergés par le flot des demandes ; des situations inextricables pour certains demandeurs qui sombrent bien souvent dans la clochardisation ; l'existence de quatre asiles différents : territorial, constitutionnel, conventionnel, à la frontière.
    Surtout, cette législation déraisonnable a permis une augmentation exponentielle des demandes : 22 000 en 1998, 83 000 en 2002, soit plus de 235 % d'augmentation entre 1998 et 2001. L'asile ne vise plus désormais la protection de quelques personnes persécutées, mais participe à la gestion des flux migratoires. En laissant faire cela, nous aurions fini par vider de sa substance le droit d'asile. Du reste, chaque fois que vous évoquez, chers collègues, la confusion entre la politique de l'immigration et celle de l'asile, vous confirmez notre point de vue, puisque la pression du Sud sur le Nord à laquelle vous référez sans cesse est essentiellement d'ordre économique. Vous évoquez même le PNB de la France. Voilà encore une référence économique qui est de l'ordre de l'aveu.
    M. Serge Blisko. Mais non !
    M. Christian Vanneste. Une réforme importante et courageuse s'imposait. Le groupe UMP vous félicite et vous remercie, monsieur le ministre, de la présenter aujourd'hui à la représentation nationale.
    Mais cette réforme n'est pas seulement courageuse, elle est aussi cohérente, claire et généreuse. Elle permettra surtout de rétablir la logique du droit d'asile français.
    La loi qui nous est soumise répond en effet à des problèmes essentiels. D'abord, elle permet à la France, conformément aux engagements pris lors des derniers sommets européens, d'élaborer sa législation en vue d'une politique européenne commune du droit d'asile. Ensuite, elle va redonner au traitement des demandes d'asile les moyens de l'efficacité. Enfin, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, elle protégera mieux le demandeur d'asile de bonne foi et permettra de le traiter avec plus de dignité.
    Convergence et cohérence des politiques européennes, efficacité du traitement, humanisation de l'accueil : tels sont les trois axes du texte qui nous est soumis.
    Mes chers collègues, cette loi est une bonne loi, car elle permettra à la France de réaliser concrètement ses engagements internationaux en matière de droit d'asile. Mais surtout, elle donnera à notre pays la possibilité de se mettre au diapason d'une politique européenne commune du droit d'asile, indispensable, à nos yeux, pour traiter un problème qu'un pays comme le nôtre ne peut résoudre que grâce à une coopération accrue avec ses partenaires européens, dans un espace cohérent.
    Ce sont, précisément, les incohérences passées de cet espace qui ont créé, ici ou là, des pressions à l'émigration. Rappelez-vous Sangatte. Etait-ce un endroit où la vie était facile ? Sangatte était-il digne des demandeurs d'asile que nous avons accueillis et de l'image que doit avoir notre pays ?
    M. Serge Blisko. Et aujourd'hui ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous croyez que le problème est réglé ?
    M. Christian Vanneste. La commission des lois a d'ailleurs émis, avant-hier, un avis favorable à l'adoption de la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne, tendant à approuver, à quelques réserves près, les propositions des directives européennes en la matière. Ces réserves doivent, d'une certaine manière, vous satisfaire, puisqu'elles insistent sur le fait que les demandes doivent être traitées individuellement et soulignent, par exemple, que la référence aux pays sûrs a pour seul but d'aller plus vite pour les cas qui sont évidents afin de ne pas garder les demandeurs d'asile trop longtemps en zone de rétention.
    Conformément aux conclusions tirées des derniers sommets européens, où la question de l'asile a été largement discutée, la France inscrit dans sa législation, par l'intermédiaire de l'article 6 du projet de loi, la notion de pays sûr. Un pays d'origine sûr est un pays respectant les principes de la liberté, de la démocratie, des droits de l'homme et de l'Etat de droit, dans lequel on peut présumer que des persécutions ne sauraient être ni perpétrées, ni autorisées, ni laissées impunies.
    M. Victorin Lurel. Ben voyons !
    M. Christian Vanneste. Une liste européenne commune de pays sûrs devrait être établie. Les demandeurs d'asile provenant de ces pays verront leur cas étudié, mais, je le répète, selon une procédure prioritaire.
    L'une des avancées les plus importantes de ce projet de loi consiste en la reconnaissance de ce que l'on pourrait appeler le « non-étatique ». Là encore, il nous faut prendre conscience du monde dans lequel nous vivons. La tradition française consistait à ne reconnaître de persécution ou de protection que lorsqu'elle venait de l'Etat. Désormais, en se plaçant dans le sens de l'évolution européenne, le droit français inclut à la fois la persécution et la protection non étatiques, parce que s'il est vrai que, dans le monde, les démocraties sont de plus en plus nombreuses, il y a aussi de plus en plus de pays où l'Etat n'est pas capable d'assurer véritablement sa souveraineté sur l'ensemble du territoire.
    Cette loi met ainsi en place une nouvelle forme d'asile, dite protection subsidiaire, qui reprend et dépasse le dispositif précédent de l'asile territorial. Cette protection subsidiaire, déjà adoptée ou en train de l'être par l'ensemble de nos partenaires européens, vise en premier lieu les personnes qui établissent qu'elles sont menacées, dans leur pays, de la peine de mort ou de traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La protection subsidiaire ou le statut de réfugié peuvent désormais, dans un souci de cohérence avec la pratique de nos partenaires européens, être obtenus même lorsque les menaces de persécutions proviennent d'acteurs non-étatiques.
    Enfin, cette réforme introduit dans notre ordre juridique la notion d'asile interne, qui vise à mieux épouser les problématiques engendrées par l'évolution des relations internationales. La notion d'asile interne permettra à l'OFPRA de rejeter les demandes d'asile de personnes qui auraient accès à une protection sur une partie du territoire de leur pays d'origine et qui pourraient raisonnablement y être renvoyées.
    Cette notion, si elle correspond à une vraie solution apportée aux demandeurs d'asile, peut susciter quelques interrogations légitimes sur son usage mais, encore une fois, elle correspond à la réalité de notre monde. Il serait facile d'évoquer un certain nombre de cas. Je pense, par exemple, au commandant Massoud dans la vallée du Panshir, par rapport au reste de l'Afghanistan.
    M. Christophe Caresche. Il n'a pas été assassiné ?...
    M. Christian Vanneste. Deuxièmement, le groupe UMP considère que cette loi est bonne parce qu'elle va enfin permettre aux services compétents de traiter avec plus d'efficacité et plus de rapidité les demandes d'asile.
    Sur ce point, une réforme de la loi sur le droit d'asile n'est pas nécessaire : elle est indispensable. Trouvez-vous normal, mes chers collègues, qu'il faille attendre vingt-quatre mois en moyenne pour que la décision définitive sur une demande d'asile soit rendue ? Trouvez-vous normal qu'il existe aujourd'hui, en France, quatre sortes d'asile, alors que 1,5 % des demandes seulement sont acceptées ? Trouvez-vous normal, enfin, que de nombreux demandeurs d'asile déboutés, pour ne pas dire la très grande majorité d'entre eux, restent sur notre territoire dans la clandestinité, malgré les décisions prises par les services compétents ?
    Cette situation ne pouvait durer. La réforme proposée par M. le ministre des affaires étrangères permettra de rendre substance et efficacité à notre système d'octroi du droit d'asile.
    En premier lieu, il n'existera plus qu'une seule formalité à remplir pour demander l'asile en France. Cette disposition tranche avec les nombreux formulaires et convocations, aussi inutiles que déshumanisants, qui plongeaient bien souvent le demandeur d'asile démuni au sein de l'enfer kafkaïen d'une administration trop complexe et souvent d'ailleurs démotivée. Le demandeur d'asile, selon le projet de loi présenté, ne fera plus qu'une demande de statut de réfugié. Si ce dernier lui est refusé, l'administration se chargera de voir d'elle-même si le demandeur peut obtenir la protection subsidiaire. Un seul guichet pour une seule demande : que de temps gagné et de dignité rendue !
    En second lieu, l'OFPRA se voit confier un nouveau rôle. C'est lui qui, désormais, sera entièrement compétent pour tout ce qui concerne le droit d'asile. Le ministre des affaires étrangères restera le ministre de tutelle de l'institution, mais le directeur de l'office sera nommé conjointement sur sa proposition et sur celle du ministre de l'intérieur. La composition de la commission des recours est modifiée et sa compétence est étendue à l'ensemble des décisions de l'office.
    Réjouissons-nous aussi de l'installation d'une meilleure collaboration entre l'office et le ministère de l'intérieur. Eh oui ! Une disposition permettra la transmission par l'office de ses décisions motivées ainsi que des documents d'état civil qui faciliteront la mise en oeuvre des mesures d'éloignement des demandeurs d'asile déboutés. Quelle rupture avec le laxisme latent des dernières années !
    Troisièmement, enfin, cette loi est fondamentalement une bonne loi car elle protégera, comme jamais ce ne fut le cas dans l'histoire de notre droit d'asile, les demandeurs de bonne foi. En effet, les nouvelles dispositions prévues permettront de séparer, rapidement et sans ambiguïté, le demandeur d'asile véritable de celui qui cherche à utiliser ce dispositif à des fins d'immigration économique.
    Certes, monsieur le ministre, d'aucuns diront que votre loi est sécuritaire, car les critères qu'elle définit pour obtenir la protection subsidiaire sont plus précis, donc plus contraignants, que ceux qui valent pour obtenir l'asile territorial. C'est vrai, et nous nous en félicitons. Vous l'avez dit tout à l'heure, cela diminuera l'arbitraire des décisions et augmentera les garanties des demandeurs d'asile.
    M. le président. Veuillez conclure.
    M. Christian Vanneste. Les demandeurs d'asile de bonne foi seront traités avec plus de considération, mais aussi avec plus d'humanité. D'une part, grâce au raccourcissement de la durée de la demande et, d'autre part, parce que les services de l'Etat chargés de s'occuper d'eux devront le faire avec plus de diligence.
    Pour conclure, je réitère avec force et conviction que la loi proposée par le Gouvernement est une loi claire, logique, courageuse, responsable et généreuse. S'opposer à ce texte serait une faute. Une faute politique, celle de ne pas voir quelles sont les réformes dont a besoin la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Serge Blisko. Nous ne sommes pas convaincus !
    M. le président. C'est votre problème !
    Mes chers collègues, je vous invite, les uns et les autres, à respecter votre temps de parole, ne serait-ce que par égard pour nos collègues domiens attendant le projet sur l'outre-mer que nous devons examiner ensuite.
    M. Christophe Caresche. C'est un vrai problème !
    M. le président. Je le sais bien, monsieur Caresche, mais je suis là. (Sourires.)
    M. Christophe Caresche. Je ne vous reproche rien personnellement, monsieur le président.
    M. le président. Vous n'avez rien à me reprocher.
    M. Noël Mamère. C'est au ministre chargé des relations avec le Parlement qu'il faut se plaindre.
    M. Victorin Lurel. C'est un problème de calendrier.
    M. Christophe Caresche. De calendrier impossible !
    M. le président. Allons, monsieur Caresche, vous êtes un vieux parlementaire, comme moi ! (Sourires.)
    De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oh non ! Juste un ancien parlementaire !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour quinze minutes.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce que disait, ce matin encore, M. le ministre des affaires étrangères - et je regrette qu'il ne soit pas présent pour entendre nos observations - la prise en compte par l'OFPRA des risques que représente pour l'ordre public la présence d'un candidat à la protection subsidiaire n'est pas une avancée ; il s'agit d'un sérieux revers pour sa prestigieuse mission. Et cette évolution procède avant tout d'une volonté de prise en mains pernicieuse de l'ensemble du dossier des demandeurs d'asile par le ministre de l'intérieur. C'est ce que je vais maintenant démontrer.
    Tout d'abord, je souhaite évoquer la nouvelle compétence dévolue à l'OFPRA qui l'habilite à refuser, voire à retirer le bénéfice de la protection subsidiaire à des étrangers en raison des risques qui résultent de leur présence pour l'ordre public.
    Cette solution est particulièrement contestable, puisque tant le ministre de l'intérieur que les préfets conservent toujours la faculté de prendre un arrêté d'expulsion d'un étranger, réfugié ou non, qui présente une menace grave pour l'ordre public.
    En outre, au moment de l'admission au séjour d'un étranger demandeur d'une protection, le préfet peut refuser tout droit au séjour en invoquant une menace grave pour l'ordre public et décider une expulsion, comme le rappelle l'article 6 du projet de loi qui réécrit l'article 10 de la loi de 1952. Il est donc inutile, voire incohérent, de prévoir à nouveau le même examen par l'OFPRA, au moment de l'examen au fond de la demande de protection subsidiaire.
    En définitive, l'OFPRA se voit donc reconnaître des compétences parallèles, voire concurrentes à celles des préfets en la matière. Ce n'est pas un cadeau ! Ce n'est pas un avantage ! Ce choix présente un grand risque d'appréciation divergente de la notion d'ordre public entre les juridictions administratives et l'OFPRA ou la commission des recours.
    M. Serge Blisko. Très juste !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au-delà de ce risque, c'est surtout la mise à mal de nombreuses garanties offertes aux demandeurs d'asile qui caractérise votre projet.
    Tout d'abord, lorsque l'OFPRA retirera à un étranger le bénéfice de la protection subsidiaire en raison d'une menace pour l'ordre public, cette décision conduira automatiquement le préfet à prendre un arrêté de reconduite à la frontière.
    Or, normalement, selon le droit positif, lorsque l'Etat estime qu'un étranger séjournant régulièrement en France, réfugié ou non, présente un risque grave pour l'ordre public, il lui appartient de procéder à une expulsion en respectant certaines garanties, notamment celles prévues par l'article 24 de l'ordonnance de 1945. Cet article dispose, je le rappelle, que, sauf urgence absolue, le préfet doit saisir la commission des expulsions avant de prendre tout arrêté d'expulsion à l'encontre d'un étranger séjournant en France. La commission, après avoir invité l'étranger visé par une mesure d'expulsion à se présenter devant elle, remet un avis au préfet. Elle offre donc à l'étranger la garantie d'une procédure contradictoire qui, paradoxalement, ne sera pas requise quand le préfet prendra un arrêté de reconduite à la frontière à la suite du retrait de la protection subsidiaire pour des motifs d'ordre public prononcé par l'OFPRA. On fait vraiment faire les basses oeuvres à l'OFPRA !
    Comment peut-on admettre l'abaissement des garanties offertes aux étrangers bénéficiaires d'une protection subsidiaire par rapport à celles dont bénéficient les autres étrangers également admis à séjourner en France ?
    Les garanties accordées aux réfugiés sont aussi sensiblement réduites. D'une part, le projet de loi prévoit que la commission des recours n'a plus à émettre d'avis préalablement à l'expulsion ou au refoulement des demandeurs d'asile ou des réfugiés pour des motifs d'ordre public. D'autre part, il supprime le caractère suspensif du recours devant la juridiction administrative pour toutes les mesures prises sur la base des articles 31, 32 et 33 de la convention de Genève. Cela s'appelle un cadeau au ministère de l'intérieur !
    Enfin, le projet du Gouvernement s'attaque à une garantie constitutionnelle. En effet, dans sa décision du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a disposé que « la confidentialité des éléments d'information détenus par l'OFPRA relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile ».
    Or voici ce que vous prévoyez « lorsqu'une demande d'asile est rejetée, le directeur général de l'Office ou le président de la commission des recours transmet la décision motivée au ministère de l'intérieur ». Et il est ajouté, excusez du peu : « A la demande de ce dernier - le ministre de l'intérieur -, le directeur général de l'Office communique à des agents habilités des documents d'état civil ou de voyage permettant d'établir la nationalité de la personne dont la demande d'asile a été rejetée, ou, à défaut, une copie de ces documents, à la condition » - précaution, précaution ... « que cette communication s'avère nécessaire à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement et qu'elle ne porte pas atteinte à la sécurité de cette personne ou de ses proches. » Ah ! qu'en termes choisis ces vilaines choses sont établies !
    Il faudra nous expliquer comment cette disposition s'articule avec l'actuel cinquième alinéa de l'article 3, que vous ne modifiez pas et qui, pourtant, énonce ce principe extraordinaire : « Les locaux de l'Office ainsi que ses archives et, d'une façon générale, tous les documents lui appartenant ou détenus par lui sont inviolables. »
    Vous nous opposerez sans doute que l'essentiel est préservé, en maintenant l'OFPRA sous la tutelle du ministère des affaires étrangères. Quelle sornette !
    Votre projet préserve les apparences. Mais regardons de plus près votre projet de décret d'application. Son article 4 énonce « qu'il est créé au sein de l'Office une mission de liaison avec le ministère de l'intérieur » et que « ces agents sont nommés par le directeur général de l'Office sur proposition du ministère de l'intérieur ».
    Comment voulez-vous que le peu de garantie que prévoit votre projet quant à la confidentialité des informations soit effectif ? Pourquoi voulez-vous que le ministre de l'intérieur sollicite le directeur général pour accéder à des documents d'état civil ou de voyage permettant d'établir la nationalité de la personne dont la demande d'asile a été rejetée, ou, à defaut, une copie de ces documents, quand il place lui-même ces fonctionnaires à l'intérieur des murs de l'OFPRA ? Il s'agit là au mieux de naïveté, au pire de cynisme !
    Peut-être nous opposerez-vous que le directeur général veillera à la confidentialité des informations puisque ces agents sont placés « sous son autorité » ? Allez-vous demander à de bons policiers, dont l'Etat et notre société ont besoin de ne pas rester de bons policiers.
    Avant, je vous le concède, cette clause de confidentialité pour le président de l'OPFRA pouvait être une garantie. Mais à cette époque, le directeur était nommé par le seul ministre des affaires étrangères. Aujourd'hui, vous prévoyez qu'il sera nommé par « décret sur proposition conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur ». Il y a des filiations, des légitimités qui constituent des handicaps, ils sont irréversibles en l'absence de statut défini pour ce directeur général.
    Pour toutes ces raisons, nous voterons contre votre projet, à moins que le débat ne provoque en vous une prise de conscience et que vous ne rendiez à l'OFPRA, dans ses compétences, dans ses missions, comme dans ses modalités de constitution, son rôle de fidèle serviteur des libertés individuelles et des droits reconnus par la communauté internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, vous avez été remarquable car vous n'avez pas épuisé votre temps de parole. (Sourires.)
    M. Christophe Caresche. M. Le Bouillonnec est un homme remarquable ! (Sourires.)
    M. le président. Ne perdons pas de temps, monsieur Caresche, et passons tout de suite à l'orateur suivant !
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme prévoit que : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays. » La noblesse de cette disposition, à laquelle la France est toujours restée fidèle, connaît aujourd'hui des dérives et quelques abus qu'il nous appartient de corriger.
    La montée du nombre de demandeurs d'asile est continue et croissante depuis plusieurs années. En conséquence, les procédures en vigueur ne semblent plus adaptées. Il était donc urgent que ce texte soit soumis à la représentation nationale. M. le ministre des affaires étrangères l'a permis et je l'en remercie.
    Vous le savez, la France a besoin d'être réformée dans beaucoup de domaines, malheureusement. Notre système politique repose sur des bases anciennes qui, souvent, sont devenues archaïques et ne correspondent plus aux besoins et aux attentes de notre société.
    C'est ainsi que les procédures d'asile qui nous occupent aujourd'hui en France ne sont plus adaptées, qu'il s'agisse de l'intervention des associations ou de l'exercice des pouvoirs de police. Il était temps d'agir. Ainsi, je souhaite que ce texte nous apporte le moyen d'adopter une attitude responsable et, je l'espère, d'aboutir aux termes de nos débats à un large consensus.
    Ce texte est en effet équilibré : il va dans le sens d'une souhaitable simplification administrative, il redonne surtout au droit d'asile sa noblesse et sa vocation première qui est de permettre l'accès au statut de réfugié à « toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté », mais aussi à « tout étranger si celui-ci établit que sa vie ou que sa liberté est menacée dans son pays ».
    On prend conscience de la valeur de la liberté quand on la perd ou lorsqu'on nous la refuse. Quand des hommes ou des femmes connaissent de très graves atteintes à leur vie ou à leur liberté, la France doit jouer son rôle de terre d'accueil, de refuge. Il ne faut jamais refuser d'être une terre d'asile lorsque cela se révèle vital pour un être humain. Il en va de notre honneur.
    Ainsi, nous n'admettrons pas que l'on restreigne le droit d'asile pour de triviales raisons budgétaires. On ne peut plus se permettre en effet, dans notre société, de mettre à mal le principe de liberté, essentiel à nos yeux, pour des motifs purement financiers. Les valeurs de liberté et de droits de l'homme que nous sommes appelés à défendre aujourd'hui doivent être la règle pour chacun, quelle que soit son origine, la couleur de sa peau ou sa religion.
    Par ailleurs, vous savez combien nous devons être attachés à la simplification des formalités administratives. Je suis donc très satisfait, monsieur le ministre, que ce texte prévoie la création d'un guichet unique pour les demandes d'asile conventionnel, ainsi que pour l'asile territorial, qui devient une protection subsidiaire.
    Le Gouvernement s'apprête également à dégager les moyens humains et financiers nécessaires pour résorber le stock de dossiers existants et diminuer la durée de la procédure devant l'OFPRA. En effet, les délais actuels, qui peuvent parfois atteindre quinze mois, ne sont pas acceptables, vous en conviendrez avec moi.
    Il est également bienvenu que ce texte permette l'élargissement du champ d'exercice du droit d'asile en y intégrant les menaces d'origine non étatiques. Pour toutes ces raisons, je peux donc dès à présent vous affirmer que le groupe UDF votera ce texte, même si nous émettons quelques réserves sur la méthode qui a été employée par le Gouvernement.
    En effet, nous aurions souhaité pouvoir disposer avant ce débat d'une analyse globale de l'arrivée des étrangers en France et nous aurions préféré qu'un seul et même texte aborde les questions de l'asile, de l'immigration et de l'intégration. Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette objection n'est pas de pure forme. Je me permettrai de vous donner quelques exemples.
    Dans ce texte, on unifie la procédure, mais pas les statuts. Ainsi, un réfugié a droit à une carte de résident, il a donc le droit de travailler. En revanche, un bénéficiaire de la protection subsidiaire ne peut recevoir qu'une carte de séjour, renouvelable chaque année, et qui ne lui accorde pas automatiquement le droit de travailler. De ce fait, on laisse subsister deux catégories de droit à l'asile. Cela mérite réflexion.
    Par ailleurs, le projet de loi relatif à l'immigration présenté par M. Nicolas Sarkozy prévoit la création d'une troisième catégorie de droit d'asile, la « protection temporaire », dont les bénéficiaires seraient des personnes déplacées appartenant à certaines catégories qui doivent être définies au niveau européen. Pourquoi cette disposition n'a-t-elle pas été intégrée dans le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis ?
    Enfin, on parle parfois de détournement de la procédure d'asile. Mes collègues Jean-Christophe Lagarde et Nicolas Perruchot ont effectivement eu la preuve, lors des auditions et des visites qu'ils ont effectuées en zone d'attente et en zone de rétention, que des immigrants illégaux étaient incités, notamment par certaines associations, à déposer une demande d'asile bien que celle-ci n'ait aucun fondement sérieux.
    Il en résulte que le droit d'asile, qui devrait être la fierté de notre République, suscite de plus en plus le rejet et l'incompréhension de l'opinion publique. Le danger serait dès lors de considérer l'asile comme une variable d'ajustement de notre politique d'immigration. Une telle position ne serait pas admissible. L'asile, ce n'est pas la gestion des flux migratoires. Il ne doit pas être non plus le moyen « d'accueillir toute la misère du monde », comme le disait un ancien Premier ministre.
    C'est pourquoi il conviendrait de mettre en place des garde-fous contre les procédures abusives, ce que ce projet de loi n'aborde pas encore, ou pas suffisamment. Ne faudrait-il pas, par exemple, prévoir un délai limite pour toute demande d'asile, afin d'éviter la mise en échec à la dernière minute de mesures d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière ?
    Pour conclure, je souhaite suggérer quelques propositions d'amélioration dans trois directions.
    Tout d'abord, nous aurions souhaité que le rôle de conseil du HCR auprès de l'OFPRA et du ministère de l'intérieur soit renforcé. En effet, à terme, nous pensions qu'il serait extrêmement préjudiciable pour les demandeurs d'asile comme pour les services de l'OFPRA de se passer de cette expertise technique à dimension internationale. Il faut que l'OFPRA et le HCR oeuvrent ensemble pour un meilleur éclairage, ce qui permettrait également un gain de temps dans la procédure.
    En deuxième lieu, je pense que ce débat devrait permettre d'élargir la définition de la protection subsidiaire. Celle-ci est en effet trop imprécise dans les textes qui la concernent.
    En troisième et dernier lieu, je considère que nous devons continuer à oeuvrer pour l'allégement des procédures administratives. Les choix qui ont été faits en ce sens, avec pour modèle la création du guichet unique, sont d'ores et déjà notables.
    Aussi, nous soutiendrons ce projet de loi, même si nous défendrons au cours des débats les points que j'ai soulevés précédemment, car, je le rappelle, cette réforme de la procédure d'asile est urgente et indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, ce projet de loi n'est rien d'autre qu'un démantèlement du droit d'asile. Alors que les conflits de toute nature embrasent le monde et chassent hors de leur pays des milliers de personnes en quête de protection, vous mettez en place une véritable machine à débouter et à refouler.
    Les députés Verts que je représente ici refusent ce texte parce qu'il contribue à transformer l'Europe et la France en une gigantesque forteresse entourée de murs à ses fronières. Au prétexte d'une harmonisation européenne qui consiste à aligner, par le bas, les législations des pays de l'Union, vous affranchissez la France de ses engagements internationaux en matière d'asile.
    Comme l'a relevé, très justement, le HCR, la mise en oeuvre du droit d'asile a atteint en France, la cote d'alerte. Au sein d'une Union européenne où chaque Etat tente d'orienter les demandeurs d'asile vers le voisin, la France se retrouve malheureusement en pointe : elle est devenue un pays de transit vers l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, comme l'a montré la tragédie des réfugiés de Sangatte.
    Combiné à une politique européenne de « gestion intégrée des frontières », qui rend de plus en plus difficile l'accès légal au territoire des Etats membres des personnes ayant besoin de protection, votre projet de loi renforce donc la logique d'une Europe qui ne veut décidément plus être le refuge des persécutés.
    Les députés Verts refusent votre projet parce qu'il introduit des notions dangereuses telles que l'« asile interne », les « agents de protection » ou les « pays d'origine sûr ». Ces dispositions visent à retenir à la source des candidats à l'asile ou à rejeter des demandes dans le cadre d'une procédure expéditive, sans recours suspensif.
    En prévoyant que ne seront pas recevables les demandes d'asile de personnes pouvant trouver protection sur « tout ou partie du territoire de [leur] pays d'origine », votre projet entérine le principe de l'« asile interne », selon lequel l'existence de zones sécurisées dans des régions secouées par les conflits permet aux pays signataires de la convention de Genève de se défausser de leur responsabilité à l'égard des populations en quête de protection.
    C'est au nom de ce principe que votre gouvernement a organisé le rapatriement en charters des ressortissants ivoiriens ou afghans au motif qu'ils n'encouraient désormais plus de risques dans leur pays. Une telle pratique révèle votre impératif principal : restreindre, par tous les moyens possibles, l'accueil des réfugiés sur notre territoire. Ainsi, quelles garanties ont les Kurdes de Turquie, les Afghans, les Ivoiriens, les Tziganes de Roumanie, les Algériens, les Tchétchènes, que vous renvoyez par charters ?
    Les députés Verts refusent votre projet parce que l'introduction de « la protection subsidiaire » n'est qu'un sous-asile, aléatoire, précaire et susceptible d'être remis en cause du jour au lendemain. En substituant à l'asile territorial, appliqué d'ailleurs avec tant de réticence qu'il n'a protégé presque personne, la « protection subsidiaire », vous ouvrez la porte à la généralisation des statuts précaires et révocables.
    La convention de Genève est suffisamment souple pour permettre une évolution de la notion de persécution dont l'objectif est d'offrir une protection aux individus menacés dans leurs pays d'origine en raison de leur race, de leur religion, de leur opinion, quel que soit l'agent persécuteur. La juxtaposition de plusieurs statuts, réduit la protection prévue par la convention.
    Les députés Verts refusent votre projet de loi parce qu'il s'attaque aux principes d'équilibre et d'indépendance qui doivent guider le dispositif français dans l'esprit de la convention de Genève.
    Ainsi, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés est-il marginalisé dans les instances de détermination du statut de réfugié. Pourquoi avez-vous exclu le représentant des organisations non-gouvernementales du conseil de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ?
    Désormais, c'est le ministère de l'intérieur qui s'installe au coeur d'un dispositif dont on sait qu'il ne brillait déjà pas par son indépendance !
    Enfin, les députés Verts refusent ce projet parce qu'il entretiendra le scandale des personnes déboutées mais non renvoyées du fait des risques encourus dans leur pays, des personnes condamnées à vivre sur notre sol dans le dénuement le plus total faute du rétablissement du droit au travail, de l'augmentation et de l'allongement de l'allocation d'insertion.
    Loin des grandes déclarations du Président de la République, votre loi, qui est aussi la sienne, s'inscrit dans la stratégie sécuritaire que vous menez depuis un an. Elle n'assure plus l'effectivité du droit d'asile puisqu'elle privilégie le droit discrétionnaire des Etats contre le droit des personnes.
    Parce que votre loi n'est pas conforme à l'image du pays des droits de l'homme que vous prétendez offrir, les députés Verts voteront contre.
    M. Patrick Braouezec. Très bien !
    (M. Eric Raoult remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La parole est à M. Marc Reymann.
    M. Marc Reymann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la sixième année consécutive, le nombre des demandeurs d'asile politique en France a enregistré une hausse. D'après l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, 51 087 personnes ont demandé l'asile politique en France en 2002, soit une augmentation de 8,7 % par rapport à l'année précédente. Parallèlement, un grand nombre d'étrangers - 30 000 en 2001 - déposent des demandes d'asile territorial du ressort du ministère de l'intérieur et n'entrent donc pas dans le bilan de l'OFPRA.
    Les chiffres peuvent cependant varier d'un département à l'autre. C'est ainsi que dans le département frontalier du Bas-Rhin 1 116 demandes d'asile ont été enregistrées en 2002, correspondant à une diminution de 21 %.
    Cette situation recouvre toutefois une réalité différenciée. Les demandes d'asile conventionnel progressent de 4 % alors que les demandes d'asile territorial, en revanche, marquent un recul de 60 %. En cumulant ces données, la France se trouve dans le peloton de tête des pays européens, après la Grande-Bretagne - 110 700 demandes - et l'Allemagne - 71 000 demandes.
    Comme vous le savez sans doute, monsieur le ministre, nous sommes confrontés chaque semaine dans nos permanences à des problèmes de demande d'asile, essentiellement pour des raisons de délais. D'où les propos du Président de la République le 14 juillet 2002, fustigeant la longueur des procédures : « Il faut, en France, réformer immédiatement le droit d'asile. Le droit d'asile est une absurdité en France. Il correspond à quelque chose d'essentiel qui est totalement dans notre culture et dans notre histoire. Mais, aujourd'hui, quand quelqu'un demande le droit d'asile, la décision demande dix-huit mois, c'est absurde et cela ne sert à rien. C'est simplement parce que nous ne nous sommes pas donné les moyens de le faire. »
    Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est, par conséquent, le bienvenu. Il respecte la tradition française d'accueil des réfugiés en rendant le droit d'asile plus accessible et il met fin à une dérive : l'utilisation de la procédure de demande d'asile pour des raisons économiques. L'accélération des délais de traitement des demandes d'asile réduira le montant des prestations sociales versées aux demandeurs pendant la durée de l'instruction des dossiers. L'inspection des affaires sociales chiffre à 85 millions d'euros l'économie potentielle.
    La réussite de cette ambitieuse réforme dépendra avant tout de sa mise en oeuvre, c'est-à-dire des nouveaux moyens mis à la disposition de l'OFPRA qui sera dorénavant chargé de traiter l'ensemble des demandes d'asile. Pour 2003, il a embauché 171 personnes de plus pour écouler le stock de demandes en attente. Mais, sans moyens supplémentaires, votre projet de loi ne répondra pas aux attentes légitimes tant des demandeurs que des parlementaires. A cet égard, les moyens supplémentaires mis à la disposition des institutions concernées chez nos voisins européens méritent attention : 400 agents pour l'OFPRA, contre 2 200 pour le BAFL allemand, qui traite deux fois plus de dossiers, il est vrai.
    Enfin, cette réforme s'inscrit dans un cadre européen global. Faute d'harmonisation, des transferts de demandeurs d'asile vers les pays les plus attractifs sont probables. Aussi des directives européennes en ce sens sont-elles prévues pour la fin de l'année.
    Comme tous les parlementaires, j'ai reçu le document de la Coordination française pour le droit d'asile. Il ne m'est pas possible de souscrire à ses propositions qui videraient complètement le projet de loi de son contenu. C'est, par conséquent, avec conviction que je voterai ce texte en n'oubliant pas de vérifier chaque année, lors du vote du budget, la volonté politique du Gouvernement sur un sujet certes très sensible, pour mettre fin à des situations humaines indignes de notre pays.
    Il va de soi que je souscris à l'amendement présenté par Eric Raoult, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères, qui demande que soit arrêtée par décret la liste des pays d'origine considérés comme sûrs. Ce sera le meilleur moyen de dissuader certaines demandes infondées, en attendant que l'Union européenne la fixe elle-même.
    Dans ce domaine, la France n'a de leçon à recevoir de personne. Notre aide constante aux pays du tiers-monde, malgré notre situation économique difficile, est la meilleure réponse, comme l'a souligné ce matin le ministre des affaires étrangères, à tous ceux qui, de façon bien compréhensible, quittent leur pays dans l'espoir d'un mieux-vivre qu'ils n'y trouvent pas. Il en résulte que 90 % des demandes d'asile sont rejetées et que la réforme proposée correspond à une nécessité urgente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, réformer la législation sur l'application du droit d'asile est toujours un exercice extrêmement délicat, sinon périlleux. Dans un domaine aussi sensible et à connotation hautement symbolique, toute proposition de modification suscite inquiétudes, interprétations tendancieuses, voire procès d'intention. L'asile est, par essence, l'un des droits de l'homme les plus fondamentaux, unanimement reconnu depuis la nuit des temps.
    Les dispositions présentées par le Gouvernement ont pour objectif d'améliorer les procédures d'exercice du droit d'asile qui remontent à la loi de 1952, laquelle transposait en droit interne les obligations internationales découlant de la convention de Genève de 1951 que nous avions signée. Depuis plus de cinquante ans, la notion de droit d'asile a indéniablement évolué. Il est urgent d'en modifier l'application qui, actuellement, pénalise gravement les demandeurs d'asile. Le texte est attendu avec impatience par tous les acteurs et partenaires concernés par les procédures d'examen des demandes d'asile et par l'accueil des étrangers.
    Trois grandes novations nous sont proposées.
    Premièrement, la création d'un guichet unique chargé d'examiner les catégories de demandes d'asile, qu'elles soient conventionnelles ou non, est une très bonne mesure. A condition, monsieur le ministre, que le Gouvernement, comme il a commencé à le faire, accorde à l'OFPRA et à la commission de recours des réfugiés tous les moyens dont ils ont besoin pour exercer leur mission avec efficacité et satisfaire aux objectifs fixés, parmi lesquels la réduction sensible des délais d'instruction des dossiers. Le projet est ambitieux en la matière, puisqu'il ne prévoit plus que deux mois pour examiner une demande d'asile. Toutefois, dans l'hypothèse où la procédure serait plus longue que prévu, et notamment supérieure à un an, quels seraient alors les moyens de subsistance du demandeur puisque l'allocation d'insertion n'est versée que pendant un an ? Malheureusement, je ne peux que le constater, la réforme est totalement muette sur la question, ô combien importante, des conditions de vie. Nous y reviendrons un peu plus tard, lors de la discussion des amendements.
    Deuxièmement, l'asile territorial est transformé en protection subsidiaire. Les demandes relèveront de l'OFPRA, avec toutes les garanties de procédure qui s'y rattachent, en particulier la possibilité d'un recours. Il s'agit, aussi, d'une avancée importante. Encore faut-il éviter d'être tenté de transformer trop rapidement une demande d'asile conventionnelle en protection subsidiaire.
    Troisième novation, l'introduction dans notre droit de nouvelles notions, tels l'asile interne et les pays d'origine sûre. De telles évolutions ne figurent pas dans la convention de Genève - et pour cause. Elles sont intéressantes à étudier, mais leur mise en oeuvre est sujette à caution.
    M. Christophe Caresche. Très bien !
    M. Etienne Pinte. Personne ne nie qu'il faille, après cinquante ans de pratique, actualiser la loi de 1952, en fonction de l'évolution du monde. Cependant, toute modification n'est acceptable qu'à condition que la protection des demandeurs d'asile soit renforcée et ne puisse en aucun cas, à aucun moment, connaître des dysfonctionnements, des dérapages et être, par conséquent, source d'injustices.
    M. Victorin Lurel. Très bien !
    M. Etienne Pinte. Je vous interrogerai donc, monsieur le ministre, sur l'application des trois notions qui vont être introduites dans notre législation.
    La substitution à l'actuel asile territorial d'un régime de protection subsidiaire suscite des interrogations et des inquiétudes. La protection conventionnelle doit demeurer la voie prioritaire pour obtenir l'asile. L'un des dangers serait en effet qu'il soit fait une interprétation trop restrictive des dispositions conventionnelles qui, seules, offrent une protection internationale sûre. Le phénomène existe chez certains de nos partenaires européens, par exemple en Allemagne, probablement en raison de l'absence du Haut Commissariat aux réfugiés, sur le rôle duquel je reviendrai.
    Ensuite, la protection subsidiaire n'est accordée que pour une année renouvelable. Le renouvellement devrait être automatique tant qu'il n'y a pas eu de modification des circonstances ayant justifié la délivrance du titre de séjour, afin de garantir aux bénéficiaires une réelle stabilité. Rien n'est pire, pour un être humain, et surtout pour celui qui a dû s'exiler et se déraciner, que de vivre en permanence dans la précarité. Tel est l'objectif de l'un des amendements que j'ai déposés.
    Par ailleurs, si la protection subsidiaire peut, à tout moment, être retirée par l'OFPRA, sur requête du préfet, sans que l'intéressé ait pu se justifier, il y a risque d'injustice. Qu'est-il prévu en la matière ? Y a-t-il une possibilité de recours ?
    Enfin, parmi les motifs d'exclusion prévus, figure la menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat, dont l'appréciation relèvera de l'OFPRA et qui rencontrera les mêmes difficultés que nous pour définir ce qu'est l'ordre public, que ce soit dans le domaine judiciaire ou dans le domaine administratif.
    La demande d'asile peut être rejetée dès lors qu'il existe au sein du pays d'origine une possibilité d'asile interne - autre notion nouvelle - que sont susceptibles de procurer des partis ou des organisations, y compris internationales, contrôlant l'Etat ou une partie substantielle de l'Etat. Cette notion est extrêmement ambiguë et source de beaucoup d'inquiétudes. Il faut nous assurer que la personne renvoyée pourra se rendre effectivement dans la partie sécurisée de son pays d'origine, qu'elle aura la capacité de s'y installer et de s'y intégrer. Les droits attachés à cette protection seront-ils bien assurés ? Qu'en sera-t-il de cette protection lorsque l'agent des persécutions est l'Etat ? En tout état de cause, j'ai bien noté que M. le ministre des affaires étrangères nous a annoncé ce matin qu'il avait déposé un amendement qui va dans le sens d'une plus grande prudence quant à l'application de ce concept.
    Enfin, la notion de pays d'origine sûr est tout aussi délicate à définir avec précision. Certes, elle n'exclut pas un examen de la demande, mais elle implique une procédure prioritaire, en d'autres termes, un examen rapide et sans recours suspensif. Je me permets de soulever à ce stade deux objections. En vertu du projet de loi, un pays est sûr lorsque l'on peut présumer que des persécutions ne sauraient être ni perpétrées, ni autorisées, ni laissées impunies. Mais il ne s'agit là que d'une présomption. Votre objectif, monsieur le ministre, est d'aboutir à une liste commune des pays présumés sûrs. Or, le traité d'Amsterdam prévoyant le passage d'un vote à l'unanimité à un vote à la majorité qualifiée à compter du mois de mai de l'année prochaine, la liste pourra alors être modifiée sans le contrôle de la France. De plus, d'un point de vue diplomatique, la constitution d'une telle liste peut être cause de tensions entre certains pays.
    Face à toutes ces incertitudes nées de concepts nouveaux, il me semble fondamental de maintenir la présence du Haut Commissariat aux réfugiés au coeur des procédures d'asile.
    Or, le projet de loi met fin à la représentation directe du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés au sein de la commission des recours des réfugiés.
    L'exposé des motifs du projet de loi invoque la souveraineté nationale pour justifier cette mise à l'écart alors que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 mai 1998, a estimé que la présence du représentant du HCR au sein de la commission ne portait pas atteinte, compte tenu de son caractère minoritaire, aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. De même, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le Conseil constitutionnel, toujours lui, a estimé que les demandes d'asile conventionnel et celles d'asile constitutionnel pouvaient faire l'objet d'une instruction commune. Il semble donc logique d'étendre cette interprétation à la protection subsidiaire et à l'asile conventionnel dont les liens sont tout aussi manifestes. En outre, dans la mesure où la protection subsidiaire dérive de l'application par la France d'engagements internationaux, la présence d'un représentant du HCR ne pose aucune difficulté. Cette décision du Conseil constitutionnel faisant référence à l'asile constitutionnel a parfaitement vocation à s'appliquer à la protection subsidiaire.
    Le Haut Commissariat aux réfugiés, représenté dans notre pays depuis cinquante ans maintenant, doit rester membre ès qualité de la commission de recours des réfugiés dans la mesure où il est le garant de l'application de la convention de Genève. Il serait tout à fait préjudiciable de se passer de son expertise internationale, particulièrement précieuse. Ses analyses en temps réel de l'évolution de la situation des pays en cause sont en effet déterminantes dans l'appréciation des demandes de droit d'asile. De surcroît, l'introduction dans notre droit interne de concepts nouveaux, tels que l'asile interne, impliquera l'élaboration d'une jurisprudence pour en parfaire l'application. Le représentant du HCR a parfaitement sa place dans ce processus.
    Le projet de loi ne parle que d'une personnalité qualifiée, de nationalité française, nommée par le vice-président du Conseil d'Etat, sur proposition du Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés. Cette disposition est restrictive, elle n'est pas satisfaisante car la personne désignée ne pourrait être, comme c'est le cas actuellement, un haut fonctionnaire international dont le statut l'empêche d'être nommé par une administration française. Par ailleurs, elle ne serait pas directement issue du Haut Commissariat aux réfugiés. A ce sujet, M. de Villepin, ce matin, nous a parlé de l'éventualité d'une désignation par le HCR lui-même de ses représentants au sein des sections de jugement de la commission de recours des réfugiés. Je souhaite savoir, monsieur le ministre, ce que le Gouvernement entend par « représentants ». Est-ce la version adoptée par la commission qui parle de personnalité qualifiée ou celle que je propose dans mon amendement, qui parle de représentants du HCR et qui correspond, me semble-t-il, non seulement aux termes utilisés par le ministre ce matin, mais aux souhaits du Haut Commissariat aux réfugiés lui-même ?
    Enfin, alors que la France promeut à juste titre la mission de l'ONU, en particulier dans l'élaboration des processus de paix, il serait incompréhensible de marginaliser le rôle du HCR, émanation de cette organisation.
    M. Noël Mamère. C'est vrai !
    M. Etienne Pinte. En conclusion, l'introduction de normes européennes - on en a beaucoup parlé - dans notre ordre juridique interne, ainsi que le nombre croissant de demandes d'asile, ne doit pas nous conduire à offrir des garanties a minima aux conditions d'examen de la demande et à la protection accordée. Si notre pays, berceau des droits de l'homme et du citoyen, accepte d'être toisé à l'aune du plus petit dénominateur commun européen, alors nous aurions oublié que la France a toujours été une terre d'asile.
    Paraphrasant Jean-Paul II, je terminerai en rappelant que la solidarité est une prise de responsabilité à l'égard de ceux qui sont en difficulté. Pour nous tous, le migrant ne doit pas simplement être un individu conforme à des normes fixées par la loi, mais une personne dont la présence nous interpelle et dont les besoins deviennent un engagement dont nous sommes tous responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Union pour la démocratie française et du groupe socialiste.)
    M. Noël Mamère. Très bien !
    M. le président. La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Quel que puisse être notre plaisir à travailler avec le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, je voudrais, avant de commencer, déplorer l'absence de M. le ministre des affaires étrangères, dont nous aurions souhaité la présence jusqu'au bout de l'examen de ce texte important.
    Conformément à l'article 91, alinéa 7, du règlement de notre assemblée, je suis donc amené, au nom du groupe socialiste et apparentés, à présenter une motion de renvoi en commission.
    Permettez-moi, au préalable, de remercier notre collègue Chantal Robin-Rodrigo, retenue aujourd'hui dans sa circonscription, pour le travail qu'elle a fourni sur ce texte et sur les arguments que je vais développer.
    Le droit d'asile, tel que nous le connaissons en France, est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, qui affirme que « tout homme persécuté, en raison de son action en faveur de la liberté, a droit d'asile sur les territoires de la République ». La Constitution de 1958 rappelle son attachement aux droits de l'homme, tels qu'ils sont définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de 1946.
    Des conventions internationales, notamment la convention de Genève de 1951 et le protocole de New York de 1967, sont venus compléter ce principe.
    La loi du 25 juillet 1952, créant l'office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, a traduit dans notre droit la convention de Genève. Le droit d'asile est donc intimement lié à la République, à ses principes généreux et à une forte tradition d'accueil.
    L'asile est le seul droit qui reste à un être humain lorsque tous les autres lui ont été refusés dans son pays. Il est aussi le reflet des conflits qui secouent la planète, car la plupart des demandeurs viennent de pays connus pour les violations des droits de l'homme qui y sont commises.
    Devant l'afflux de plus en plus important des demandeurs d'asile en Europe, les Etats membres ont souhaité harmoniser leurs législations afin d'éviter tout effet d'appel entre partenaires européens. On peut comprendre le souci d'harmoniser, au plan européen, la législation relative au droit d'asile et à l'immigration et admettre que, afin de faciliter la transposition ultérieure de la directive, de nouvelles règles soient instituées pour éviter l'immigration irrégulière.
    Néanmoins, si l'Union européenne s'est donné un mandat fort en matière de droits de l'homme, la protection des réfugiés semble le point noir de ses ambitions. La préoccupation qui domine ces dernières années est en effet celle du contrôle des flux migratoires et non celle de la protection des personnes en recherche d'asile. L'Union européenne définit ainsi des garanties minimales pour l'accueil des demandeurs, afin d'éviter que certains pays soient plus attractifs que d'autres. Cependant, la France ne s'honorerait pas si elle se dotait d'une législation a minima pour se conformer aux règles européennes.
    En ce sens, le projet de loi du Gouvernement porte un mauvais coup supplémentaire au droit d'asile en créant de nouveaux obstacles de nature à interdire l'exercice effectif de ce droit. Il pose en postulat que les demandeurs d'asile sont aujourd'hui presque tous illégitimes et s'inscrit dans une approche purement comptable du problème.
    L'idée que notre pays serait victime de l'arrivée de fraudeurs, lesquels utiliseraient notre législation souple pour franchir nos frontières, se maintenir abusivement sur notre sol et échapper à tout contrôle, crée un amalgame entre clandestins et demandeurs d'asile. Bien sûr, de tels abus existent : des étrangers utilisent la procédure du droit d'asile pour tenter de s'installer en France, mais ces abus ne doivent pas pénaliser les autres demandeurs.
    A mon sens, le texte qui nous est proposé ne respecte pas, dans sa philosophie, les principes qui ont toujours été les nôtres en matière de droit d'asile. J'y vois, de la part du Gouvernement, une volonté de lutter contre l'immigration qui le conduit à adopter des mesures fort éloignées des principes inscrits dans notre Constitution.
    La création d'un guichet unique, en confiant au seul OFPRA l'instruction des dossiers des demandeurs d'asile, constitue un progrès notable dans la mesure où les réfugiés n'auront qu'un interlocuteur. On ne peut d'ailleurs que se réjouir du fait que cet office reste un établissement public doté de l'autonomie financière et administrative et placé auprès du ministère des affaires étrangères, plutôt que, comme cela avait été envisagé au préalable, sous la double tutelle des ministères des affaires étrangères et de l'intérieur.
    Cependant, d'importantes modifications sont envisagées pour les organes dirigeants. Le texte confère au conseil d'administration des prérogatives renforcées. Ainsi, ce dernier sera chargé non seulement de définir les orientations générales de l'office, mais également de délibérer sur les modalités de mise en oeuvre de l'octroi du statut de réfugié et de la protection subsidiaire. Compte tenu de sa composition, et malgré son autonomie, on peut voir dans cette disposition un renforcement du contrôle des ministères sur son fonctionnement.
    En effet, le conseil d'administration de l'office, composé de représentants de l'Etat et d'un représentant du personnel, sera présidé par une personnalité qui sera nommée par décret par le ministère des affaires étrangères.
    Une autre nouveauté réside dans la nomination par décret de trois personnalités qualifiées qui assisteront aux séances du conseil d'administration, où elles pourront présenter leurs observations, au même titre que le délégué du HCR.
    Cet office sera géré par un directeur général nommé par décret, sur proposition conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur. J'y vois, malgré les intentions affichées par la loi d'indépendance de l'office, une mainmise indirecte du ministère de l'intérieur, qui cherche à réduire la question de l'asile à un problème de politique migratoire. Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il est souligné que « le cumul des procédures [...] contribue à faire de l'asile un moyen utilisé pour séjourner en France et un vecteur d'immigration irrégulière ».
    Il est fait état des « dérives » affectant l'asile, des demandes dilatoires, du nombre élevé des déboutés et de la difficulté de leur renvoi.
    Cette approche du problème suscite quelques inquiétudes, d'autant qu'elle révèle une suspicion envers les demandeurs d'asile qui ne sont que des étrangers exerçant leur droit, reconnu, je le répète, par notre Constitution, de solliciter l'asile. Ils effectuent des démarches en préfecture où ils sont identifiés et, s'ils ne remplissent pas les conditions requises, ils sont déboutés. A ce stade, on peut comprendre que le grand nombre de déboutés pose question, mais le droit d'asile ne doit pas en pâtir pour autant.
    Le HCR, organisation dépendant des Nations unies, assure la protection internationale des réfugiés et la recherche de solutions durables à leur problème. Or son rôle est diminué à deux niveaux.
    D'abord, il perd tout le pouvoir de surveillance sur l'office qu'il détenait depuis l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. Son rôle est réduit à une simple coopération. Ne peut-on y voir une volonté de marginaliser le HCR, en le réduisant à un rôle consultatif au préjudice de la protection des demandeurs d'asile ?
    Ensuite, le nouveau mode d'implication du HCR dans la composition de la commission des recours n'assure plus à cette institution une véritable garantie d'indépendance puisque ses représentants seront nommés par le vice-président du Conseil d'Etat. Comment ne pas imaginer que cette nomination puisse être totalement arbitraire ?
    Je vous rappelle qu'une décision du Conseil constitutionnel, en date du 5 mai 1998, avait validé la représentation en tant que telle du HCR auprès de la commission des recours, garantissant ainsi aux réfugiés le plein exercice de leurs droits.
    Cette volonté d'affaiblir le HCR est surprenante puisque le projet de loi dit ne pas renoncer au caractère premier de la protection instituée par la convention de Genève, laquelle précise que le HCR a un rôle d'expertise des situations des pays d'origine et d'évaluation des menaces pesant sur les demandeurs d'asile.
    Malgré sa présence au sein de l'OFPRA, le haut-commissariat n'aura pas voie délibérative alors que les compétences de l'office sont accrues. La protection des réfugiés doit pourtant être la priorité de toute politique d'asile. C'est pourquoi il serait souhaitable que la présence et le rôle du HCR soient confirmés.
    Il convient également de noter que les organisations habilitées à s'occuper des réfugiés disparaissent, tant dans la composition de l'OFPRA que dans la commission des recours. Il serait préjudiciable, pour la bonne gestion de l'OFPRA, que ces organismes ne soient pas associés. Pouvons-nous nous passer d'elles ?
    La marginalisation du HCR intervient parallèlement à l'introduction de notions nouvelles, comme celles de l'asile interne, ou du pays d'origine sûr, qui auront pour effet de réduire le contrôle des modalités d'application de la convention de Genève par la commission des recours des réfugiés.
    Un certain nombre de concepts nouveaux sont introduits à l'occasion de cette réforme. Ceux-ci concernent les deux types de protection, conventionnelle ou subsidiaire. Si certains d'entre eux peuvent être considérés comme des avancées quant à l'effectivité de la protection - je pense notamment à l'extension de la notion d'agents de persécution, leur portée pratique est cependant largement contrariée par d'autres dispositions qui ont été introduites, telles les notions de pays d'origine sûr ou d'asile interne.
    Je me félicite que le projet de loi explicite la notion d'acteurs de persécution de manière plus conforme à la convention de Genève et tienne compte de différentes sources de persécutions dont font l'objet certains étrangers.
    Les persécutions peuvent en effet être perpétrées par des Etats, des partis ou des organisations qui contrôlent l'Etat, sur une partie substantielle du territoire, par des acteurs non étatiques, lorsque les autorités refusent ou sont incapables d'offrir une protection. Je pense, par exemple, aux jeunes filles maliennes victimes de la pratique coutumière de l'excision.
    Je salue la volonté du Gouvernement d'élargir, conformément à l'évolution de la jurisprudence, la notion de protection, en prenant en compte des persécutions d'origine non étatiques par le simple fait de l'incapacité de l'Etat à offrir une protection. En revanche, je m'étonne du choix du Gouvernement de présenter une réforme du droit d'asile qui introduit des notions restrictives de ce droit, en particulier celles de pays d'origine sûr et d'asile interne, c'est-à-dire la protection par des organisations internationales.
    Monsieur le ministre, j'y vois une contradiction importante avec votre souci d'élargir l'accès au droit d'asile, puisque cette notion d'asile interne va limiter, voire annuler, tous les effets de l'extension de la notion d'agents de persécution.
    En effet, l'introduction de la notion d'asile interne dans notre droit remet gravement en cause la jurisprudence de la commission des recours des réfugiés. Celle-ci recherchait si le demandeur avait des craintes de persécution dans la partie du pays dont il était originaire, voire dans sa ville d'origine. Désormais, la commission des recours devra rechercher si le requérant peut obtenir une protection sur son territoire, notamment auprès d'organisations internationales.
    Les camps de réfugiés placés sous contrôle d'organisations internationales pourraient ainsi être considérés comme des zones de protection internes, alors même que, du fait des événements ou à la demande des autorités nationales, elles peuvent être contraintes de quitter le terrain à tout moment. Les exemples récents de la Bosnie, ou du Rwanda ont montré que, même sous la protection d'une force internationale, l'asile interne ne constitue pas une forme de protection efficace et durable.
    Il faut insister sur le fait que seuls les Etats internationaux reconnus peuvent offrir une protection effective à leurs ressortissants et que seuls les Etats sont engagés par la signature de textes internationaux.
    Un parti ou une organisation internationale ne saurait assurer une protection de la nature de celle d'un État internationalement reconnu. Cette notion, inspirée largement par la proposition de directive européenne, reste beaucoup trop floue et bien en deçà de la norme minimale européenne en cours de discussion, qui définit un certain nombre de critères à partir desquels on détermine si un espace peut être qualifié d'asile interne. Sont à prendre en compte, à cette fin la sécurité du lieu, le contexte politique et social, notamment la question du respect des droits de l'homme, ainsi que les éléments personnels, propres à chaque demandeur d'asile.
    Le texte que vous nous proposez n'apporte aucune précision à ce sujet. De fait, l'OFPRA, comme la commission des recours, pourra rejeter une demande d'asile dès lors que le demandeur aura la possibilité de trouver dans une partie de son pays une protection suffisante. Ainsi, un ressortissant tchétchène ne pourrait demander l'asile, puisque l'on pourrait considérer qu'il est en sécurité à Moscou.
    Cela me semble traduire une volonté de limiter considérablement le nombre de dossiers acceptés et de privilégier une gestion restrictive des flux migratoires, au détriment de la notion de protection.
    Il existe en effet un réel danger que la possibilité théorique qu'un asile interne puisse être offert par un acteur de protection différent de l'Etat soit utilisée pour rejeter les demandes d'asile de personnes qui ont dû fuir non seulement des persécutions et des menaces graves dans une partie du territoire, mais également l'indigence et l'absence de droit dans une autre partie du territoire. On peut citer, à cet égard, les exemples du Rwanda, du Congo ou du Timor oriental.
    Une autre nouveauté est introduite par la réforme que vous nous proposez : la notion de protection subsidiaire, inspirée des travaux européens visant à harmoniser par une directive le droit d'asile. Cette notion vise, comme son nom l'indique, à offrir une protection subsidiaire à celle qu'accorde la convention de Genève. Or elle n'offrira à ces bénéficiaires qu'une protection moindre que celle à laquelle peuvent prétendre les réfugiés conventionnels.
    Ainsi, ce ne sont plus les motifs de persécution qui déterminent le bien-fondé de la demande, mais bien la nature des persécutions et le degré qu'elles atteignent. Il faut se réjouir que cette nouvelle forme de protection se substitue à l'asile territorial, introduit par la loi RESEDA et dont l'octroi était laissé à la discrétion du seul ministère de l'intérieur.
    Avec cette réforme, l'OFPRA sera tenu d'octroyer la protection, alors que la loi prévoit actuellement que seul le ministère peut accorder l'asile territorial. Il appartiendra donc à l'office de vérifier, en premier lieu, si le demandeur relève des critères de la convention de Genève, avant d'envisager, si tel n'est pas le cas, l'octroi éventuel de la protection subsidiaire. Ce n'est donc qu'à titre secondaire que la demande d'asile sera traitée sous cet angle.
    Le principe doit rester la protection au titre de la convention de Genève, le bénéfice de cette protection subsidiaire n'étant subordonné - comme cela était le cas dans la loi RESEDA - à aucune condition de persécution. Seules sont prises en compte les atteintes graves à la personne. Toutefois, il n'est pas précisé si la personne doit avoir réellement subi ces atteintes graves ou si la simple crainte d'une de ces atteintes suffit à lui permettre de bénéficier de cette protection. On peut espérer que les craintes seront prises en compte de la même façon que les atteintes effectivement subies.
    En outre, le projet de loi fait disparaître la notion de menaces graves contre la liberté d'une personne qui figure dans les critères d'éligibilité à l'asile territorial.
    Par ailleurs, la dernière atteinte grave énoncée dans les critères d'octroi de la protection subsidiaire fait état d'une violence généralisée, résultant d'une situation de conflit armé, interne ou international, qui s'ajouterait à une menace directe et personnelle du demandeur.
    Il convient de s'interroger sur la conciliation entre des menaces individuelles et des violences exercées dans le cadre d'un conflit, dans la mesure où le demandeur devra prouver que les menaces qui pèsent sur sa vie résultent directement d'une situation de conflit généralisé.
    Il faut regretter que le projet de loi restreigne ainsi la définition de la notion de protection subsidiaire telle qu'elle figure dans la proposition de directive européenne, laquelle offre une définition plus générale des atteintes graves qui peuvent être perpétrées contre un individu.
    L'autre crainte qui découle de cette notion de protection subsidiaire réside dans son statut précaire, puisque cette protection peut être retirée à tout moment parl'office ou par le préfet, sur la base des motifs énumérés dans l'article 1er. On ne saurait évidemment remettre en cause le principe même des clauses d'exclusion. Néanmoins, l'élargissement de motifs autres que ceux retenus par la convention de Genève risque d'exclure certains demandeurs de la protection subsidiaire, alors même qu'ils entrent pourtant dans l'un des cas où cette protection leur est offerte.
    En particulier, la notion de crime grave de droit commun ne précise pas s'il s'agit d'un crime au sens du droit pénal français ou s'il faut retenir l'interprétation faite par l'OFPRA, qui s'appuie sur des critères dégagés par la jurisprudence, c'est-à-dire les crimes commis pour des raisons personnelles, mais aussi ceux accomplis dans un but politique.
    Par ailleurs, l'introduction de l'existence d'une clause faisant état d'une menace contre l'ordre public ou la sécurité de l'Etat semble pour le moins floue. Seules les autorités de police peuvent apprécier si des raisons d'ordre public sont susceptibles de fonder une restriction au séjour des bénéficiaires de la protection subsidiaire. En aucun cas l'OFPRA n'aura compétence pour apprécier la menace liée directement à la sécurité de l'Etat et à l'ordre public, sauf à considérer qu'il exerce une compétence de police.
    La confusion qui est faite entre les missions premières de l'OFPRA - celles de protection - et les pouvoirs de police qui lui seraient conférés est particulièrement dangereuse et elle est contraire à ses objectifs même. Pour ces raisons, il serait souhaitable de s'en tenir aux clauses d'exclusion prévues par la convention de Genève.
    J'en viens, enfin, à la dernière notion introduite dans notre droit par ce projet de réforme, celle de pays sûr.
    De nombreuses associations défendant les droits de l'homme et les réfugiés ont exprimé leur plus grande crainte sur le choix fait par le Gouvernement de restreindre davantage l'application du droit d'asile par l'introduction de cette référence.
    En effet, il est pour le moins hâtif de vouloir introduire dans notre droit cette notion, alors même qu'elle est toujours en discussion au sein de l'Union européenne, laquelle ne fait qu'énoncer des règles minimales. Ainsi, un demandeur d'asile qui a la nationalité d'un pays considéré comme sûr pourra se voir refuser son admission au séjour par le préfet !
    Cette notion introduit dès lors une discrimination entre demandeurs d'asile selon leur nationalité, puisque les demandes des ressortissants de ces pays seront examinées selon la procédure prioritaire et ne bénéficieront, par conséquent, que d'un examen rapide de leur dossier.
    Par ailleurs, la convention de Genève ne prévoit pas la prise en compte de la nature du pays et pose clairement le principe de la non-discrimination entre les demandeurs d'asile. En élargissant le champ d'application de la procédure prioritaire des demandes d'asile des personnes en provenance d'un pays sûr, le législateur ne pourra pas garantir toutes les conditions requises pour un tel examen. En outre, la reconnaissance d'une liste, fût-elle établie par l'OFPRA, ne peut que nuire à l'exercice du droit d'asile dans notre pays.
    Monsieur le ministre, en introduisant par anticipation des notions telles que celles de pays sûr ou d'asile interne, le Gouvernement fait le choix de confronter le droit d'asile à des considérations et des enjeux diplomatiques et commerciaux qui ne feront que restreindre sa portée.
    Le projet de loi méconnaît en outre le droit des personnes, en ce qui concerne l'accès au marché du travail, à la formation ou au maintien de l'unité familiale. A cet égard, il aurait mérité un examen plus approfondi en commission.
    Il est regrettable qu'un travail de réflexion n'ait pas été entrepris avec les principales organisations de défense du droit d'asile et des droits de l'homme. On peut donc considérer que le travail parlementaire n'a pas suivi la procédure régulière ni les bonnes pratiques. En voulant adopter dans l'urgence une directive européenne, qui est d'ailleurs encore en discussion, vous prenez le risque de réformer le droit d'asile d'une manière restrictive au regard du droit international.
    J'aurais voulu demander à M. de Villepin où sont passées les convictions qu'il exprimait au Conseil de sécurité des Nations unies, le 14 février 2003 : « C'est un vieux pays, la France, un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie, un pays qui n'oublie pas et qui sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs, et qui pourtant n'a cessé de se tenir debout face à l'histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur. »
    Aujourd'hui, ces combattants pour la liberté, qu'ils nous viennent d'Amérique et d'ailleurs - surtout d'ailleurs -, vous nous proposez de les renvoyer là où ils risquent leur vie.
    C'est la raison pour laquelle nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-es communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je renouvelle les excuses de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, qui a dû rejoindre Bruxelles où se tient en ce moment la réunion de la Convention sur les institutions européennes, dont il est membre. Vous le savez, les discussions au sein de cette convention traversent une période particulièrement cruciale et sa présence est évidemment nécessaire. Il avait prévu de participer à l'ensemble de ce débat, mais l'ordre du jour ayant subi quelques modifications, il a été contraint de partir.
    C'est donc en tant que ministre délégué auprès de lui que j'ai l'honneur de le suppléer. J'espère, monsieur Caresche, que vous n'y verrez pas trop d'inconvénients.
    Je vais m'efforcer de répondre à la fois aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale et à la motion de renvoi en commission que M. Victorin Lurel vient de défendre. En effet, ce sont les mêmes thèmes que l'on retrouve dans les différentes interventions, c'est naturel, même s'ils sont traités de façon contrastée, voire opposée selon les orateurs. C'est la règle du débat dans cette assemblée.
    Je voudrais d'abord remercier la commission des lois, saluer son président et son rapporteur, M. Jean Leonetti, ainsi que la commission des affaires étrangères et son rapporteur, M. Eric Raoult, qui préside nos travaux en ce moment, pour leur soutien et leur engagement constructif en faveur de cette réforme. Je remercie également tous les membres de l'Assemblée qui ont participé à cette discussion et que j'ai écoutés très attentivement.
    J'articulerai mes réponses autour de cinq thèmes principaux, qui permettent de regrouper les quelques observations que je souhaiterais formuler : la nécessité d'agir - pourquoi ce texte ?, le respect de la logique de l'asile - qu'est-ce qu'il y a derrière ce texte ?, l'urgence qui s'attache à prendre en compte la réalité concrète, celle du terrain, la volonté de se doter des moyens nécessaires et, enfin, le souci d'être au rendez-vous de l'Europe.
    Premièrement, notre débat s'est illustré par le souci d'aller au-delà du rappel des principes, qui sont essentiels, afin d'évoquer aussi les grandes lignes de l'action qui doit être celle de l'Etat. Le débat qui se déroule depuis ce matin a permis d'aller au fond des choses. Chacun des orateurs a été inspiré par les principes qui fondent le droit d'asile, une règle ancienne dans notre pays, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises. La position de la France dans les enjeux internationaux doit être avant tout motivée par la défense d'un certain nombre de grands principes qui organisent les rapports entre les peuples et les Etats, dont le droit d'asile fait évidemment partie.
    Bien sûr, au-delà des principes, il y a l'action. Et ce n'est pas sur les principes, mais sur la façon de les mettre en oeuvre que des points de divergence sont apparus au cours du débat, même si un point de vue identique s'est exprimé dans toutes les interventions quant à l'urgence d'agir. Tous les orateurs ont reconnu la nécessité de réformer maintenant les procédures du droit d'asile. La situation absurde de l'asile, selon les termes du Président de la République, aboutit, comme vous l'avez dit très justement, monsieur Leonetti, « au désordre et à l'injustice ». « Il y a une crise du droit d'asile », avez-vous noté, monsieur Caresche.
    Je souhaite, comme l'a indiqué le vice-président Raoult dans ses fonctions de rapporteur de la commission des affaires étrangères, que nous puissions sortir au plus vite du « cercle vicieux » dans lequel notre dispositif est désormais enfermé.
    La France a l'obligation de protéger ceux qui en ont réellement besoin. Le Gouvernement se devait donc de vous proposer des solutions équilibrées entre rigueur et générosité. Il est convaincu d'avoir réussi à atteindre cet équilibre.
    Oui, monsieur Vanneste, cette loi protégera davantage le demandeur d'asile de bonne foi, qui sera traité avec plus de considération et de dignité. J'ajoute qu'il sera traité avec un souci particulier de préservation de ses droits.
    Quant, à M. Le Bouillonnec et M. Victorin Lurel, qui a défendu la motion de renvoi en commission au nom du groupe socialiste, j'ai été frappé de l'esprit dans lequel ils ont analysé le projet de loi, tenant en suspicion systématique toutes les dispositions de ce texte, ou presque, ce qui les conduit à des erreurs d'appréciation et des jugements très contestables sur le fond, quand ils dénoncent, par exemple, la protection subsidiaire comme une procédure dangereuse du point de vue du respect des droits, alors qu'elle comporte, au contraire, un progrès important dans ce domaine. En effet, un recours introduit devant la commission de recours des réfugiés contre le refus d'octroi de la protection subsidiaire sera suspensif, alors que, comme vous le savez, il ne l'est pas dans le système actuel de l'asile territorial. De même, s'agissant de la cellule de liaison entre l'OFPRA et le ministère de l'intérieur, il faut tenir compte d'une réalité : l'OFPRA est une institution cinquantenaire, qui a acquis une forte crédibilité et dont les méthodes inspirent le respect. C'est une institution qui comporte des recours juridictionnels très protecteurs. Pourquoi tout cela serait-il remis en cause ? En tous cas, ce n'est pas ce que propose le Gouvernement ni ce qui est écrit dans le texte du projet.
    Et puisque nous parlons des cellules de liaison entre l'OFPRA et le ministère de l'intérieur, je rappelle que celui-ci renonce à sa compétence sur l'asile territorial. Dans ces conditions, il ne paraît pas anormal de l'associer à la désignation du directeur général de l'OFPRA, dès lors que la protection subsidiaire n'entre pas dans le champ de la convention de Genève. Plus généralement, je ne pense pas qu'on doive développer une défiance systématique à l'égard du ministère de l'intérieur et de ses agents qui remplissent, dans ces domaines, des tâches particulièrement délicates avec une grande conscience professionnelle.
    Le rapport établi par M. Jean Leonetti au nom de la commission des lois a démontré qu'il était impératif de réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Tous les orateurs se sont accordés à reconnaître que ces délais sont incompatibles avec le respect qui est dû aux demandeurs d'asile, qu'ils rendent plus attractive la protection offerte aux demandeurs d'asile et qu'ils encouragent, par conséquent, les détournements de procédure.
    Après avoir évoqué ce premier point, je voudrais, comme l'a déjà fait Dominique de Villepin ce matin, insister sur la distinction entre droit d'asile et immigration.
    Plusieurs orateurs, M. Caresche et M. Braouzec, notamment, ont exprimé la crainte que ce projet de loi ne soit dicté par la préoccupation de mieux maîtriser les flux migratoires. Mais comme l'a dit M. Gilbert Gantier, l'asile n'est pas la gestion des flux migratoires, et ne doit pas l'être. Il ne doit pas non plus obéir à une procédure aisément détournable pour gérer les problèmes de flux migratoires.
    Répondant à la question préalable de M. Gerin, le ministre des affaires étrangères a donné, ce matin, quelques chiffres sur la présence des étrangers et les titres de séjour. J'évoquerai pour ma part ceux qui ont trait aux visas. Nos consulats reçoivent chaque année quelque trois millions de demandes de visas. Ils en accordent environ deux millions. Comme vous le voyez, il n'y a aucune commune mesure entre les 6 000 à 8 000 droits d'asile accordés chaque année et les deux millions de visas délivrés dans le même temps. Je répète donc, avec beaucoup de fermeté, que la question de l'immigration ne passe pas par celle de l'asile et qu'elles doivent être distinguées très clairement. C'est bien pour cela que la réforme de l'ordonnance de 1945 et celle de la loi de 1952, dont nous débattons aujourd'hui, vous sont soumises séparément, selon des procédures différentes et un calendrier distinct.
    Troisièmement, il est tout aussi important que notre discussion se focalise sur les réalités de terrain, en ce qui concerne le problème de l'asile. Le traitement social de la demande d'asile a été évoqué par plusieurs intervenants, notamment par M. Leonetti. Je vous ai déjà dit combien ce point préoccupe le Gouvernement, qui réfléchit à différentes formules, notamment de nouvelles formes d'hébergement. Ces questions impliquent évidemment d'autres départements ministériels, dont celui de l'intérieur et celui des affaires sociales. Je prendrai l'exemple de communautés qui sont fragilisées par la précarité et l'exclusion, dont beaucoup d'entre vous connaissent les difficultés pour y être confrontés dans leur circonscription. Soyez convaincus que le Gouvernement s'en préoccupe. M. Braouezec, M. Mamère et M. Vercamer ont rappelé le quotidien de l'exclusion pour ceux qui sont en demande d'asile et en attente du traitement de leur dossier. Notre approche du droit d'asile n'est pas coupée de cette réalité et c'est la raison pour laquelle cette réforme est fortement marquée par le souci de raccourcir les délais de traitement des dossiers.
    Depuis le début de l'année 2003, plus de 450 Turcs d'origine kurde, répartis dans une dizaine de villes - Bordeaux, Colmar, Fréjus, Montpellier entre autres -, ont entamé une grève de la faim. Presque tous ont déjà été déboutés par l'OFPRA, puis par la commission de recours des réfugiés. Leur protestation vise évidemment à obtenir le réexamen de leur situation, même si, la plupart du temps, ils n'ont pas d'élément nouveau à présenter. En fait, ils tentent d'obtenir tout simplement la remise en cause de décisions qui, ayant l'autorité de la chose jugée, sont en principe définitives. L'OFPRA et la commission de recours des réfugiés n'en ont pas moins réétudié ces demandes au cas par cas avec le plus grand soin. C'est dire la scrupuleuse honnêteté qui caractérise les responsables de ces institutions.
    Autre population exposée, les Roms, principalement installés en région parisienne. De la même manière, les pouvoirs publics s'efforcent de traiter avec humanité les membres de cette communauté, qui sont très souvent en situation irrégulière. Les opérations ponctuelles d'évacuation des bidonvilles qu'ils occupent, menées au cours des derniers mois en Ile-de-France en raison de l'insalubrité, n'ont pas donné lieu à des reconduites systématiques à la frontière. Ainsi, sur les 150 Roms évacués lors d'une opération dans le Val-de-Marne, seuls quatre ont été reconduits à la frontière. Les autres ont été relogés dans des centres d'accueil ou des hôtels, avec l'aide des associations caritatives, notamment de la Croix-Rouge française, dont le Gouvernement tient à saluer l'inlassable engagement dans cette cause.
    De façon plus générale, mesdames, messieurs les députés, la France, fidèle à ses principes d'accueil et d'intégration, défend sans réserve à Bruxelles, en ce moment même, le droit au travail et l'égalité des droits sociaux pour les bénéficiaires du droit d'asile, y compris pour ceux qui bénéficieront, dans le texte qui vous est soumis, de la protection subsidiaire.
    Au-delà du traitement social des demandes, se pose la question de l'asile à la frontière qu'il convient d'examiner avec le plus grand soin. Je voudrais, au passage, saluer le travail de fond qui a été effectué sur ce sujet par M. Mariani, en tant que rapporteur de la délégation pour l'Union européenne de cette assemblée, sur deux projets de directive relatifs au droit d'asile.
    L'asile à la frontière est, en fait, une procédure d'admission sur le territoire français pour permettre aux victimes de persécutions d'y présenter sur place une demande d'asile. C'est une compétence du ministère de l'intérieur, avec avis du ministère des affaires étrangères. Le but de cette procédure est de faire obstacle aux demandes manifestement infondées, aux termes mêmes de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France.
    Or le nombre des demandeurs d'asile à l'aéroport de Roissy est en forte augmentation : 3 216 demandes en 2002 contre 2 719 en 2001, et cette tendance s'accélère. Dans le même temps, le nombre d'avis favorables, et par conséquent le nombre de décisions d'admission, ne cesse de diminuer, passant de 18,8 % des demandes en novembre 2002 à 3,4 % en mars 2003.
    A cet égard, je précise que des agents du ministère des affaires étrangères, plus spécialement de la direction des Français à l'étranger, sont présents en permanence à l'aéroport de Roissy, chaque jour de la semaine, dimanches et jours fériés compris. De la sorte, tous les demandeurs d'asile à la frontière sont entendus à Roissy par nos fonctionnaires, dans un délai permettant au ministère de l'intérieur de prendre une décision dans les délais légaux de rétention.
    Pourtant, le nombre de demandeurs d'asile entrant sur le territoire français via Roissy-Charles-de-Gaulle augmente pour les raisons qui ont déjà été citées. Que faire pour que les demandes d'asile soient examinées au fond ? On pourrait imaginer que l'OFPRA installe une plate-forme à Roissy pour les instruire dans le laps de temps raisonnable que vous proposez légitimement d'impartir aux demandeurs. Il faut y réfléchir. Cela dit, je souligne une fois de plus le souci du Gouvernement de ne pas instaurer de confusion entre le traitement de l'asile et celui, plus général et différent, de l'immigration. Il me semble que vos propositions sur le sujet, tout à fait pertinentes, trouveront leur place dans la réforme de l'ordonnance de 1945 que votre assemblée aura prochainement à examiner.
    Je passe au quatrième point, les moyens que la réforme exige. Je ne serai pas très long sur ce point qui, je crois, est assez largement consensuel. Quelques précisions sont toutefois nécessaires pour mesurer l'effort que le Gouvernent entend conduire pour assurer le succès de cette réforme. Vos rapporteurs, M. Jean Leonetti et M. Eric Raoult, mais aussi plusieurs orateurs, M. Vercamer, M. Braouezec, M. Gantier, M. Reymann, se sont inquiétés de ce sujet. Je rappellerai simplement que la subvention versée à l'OFPRA a doublé entre 2000 et 2003, passant à 34,5 millions d'euros. Cela correspond à une réalité.
    La réforme que nous examinons aura effectivement un coût. Elle nécessitera des moyens supplémentaires, des améliorations dans les méthodes de travail, des efforts de productivité. Il en résultera notamment la reconduction des 171 emplois créés en 2002, la création d'emplois pour faire face aux nouvelles procédures issues de la réforme de l'asile et des crédits additionnels pour l'équipement informatique, le fonctionnement courant, les prestations d'interprétariat.
    Tous ces éléments sont en cours d'évaluation. Ils seront intégrés dans le contrat d'objectifs et de moyens qui est en préparation, qui a été évoqué ce matin et qui sera adopté en liaison avec les ministères concernés. Le Gouvernement vous en rendra compte lors du vote du projet de loi de finances pour 2004.
    Enfin, dernier point, notre débat a montré la part croissante que prend, en matière d'asile, la dimension européenne. Cette inspiration européenne a été mentionnée par la plupart d'entre vous, en particulier, M. Raoult, M. Vanneste et M. Vercamer. Comme l'a dit M. Vanneste, cette réforme donnera la possibilité à notre pays de se mettre au diapason d'une politique européenne commune du droit d'asile.
    Vous avez eu raison d'insister sur cette dimension. D'abord, le droit communautaire s'impose à nous, nous le savons bien. Tôt ou tard, il nous faudra le transposer. Réformer notre système sans tenir compte de ce contexte et de cette perspective ne serait pas responsable. Ensuite, notre destin, sur cette question comme sur beaucoup d'autres, ne peut pas se détacher de celui de nos partenaires européens. Du reste, les deux rapports que j'ai évoqués tout à l'heure en font foi. L'ignorer serait s'exposer à des déconvenues, sur le plan juridique, mais aussi bien plus largement. Laisser s'instaurer des différences de régimes entre Etats européens dans le traitement de l'asile conduirait, en particulier, comme l'ont indiqué plusieurs orateurs, à des migrations secondaires au sein même de l'espace Schengen.
    C'est en nous inspirant du droit européen que nous avons introduit les notions nouvelles d'asile interne, de pays sûr, de protection subsidiaire ou d'origine non étatique des persécutions. Chacun, au cours de la discussion générale, a pu prendre position pour ou contre chacune de ces innovations et nous pourrons y revenir au cours des débats sur les amendements.
    C'est la pratique de l'OFPRA et de la commission des recours des réfugiés qui donnera toute leur portée à ces notions, des institutions qui, jusqu'à présent, à la satisfaction, je crois, du plus grand nombre, ont été les gardiennes, en France, de la Convention de Genève. Ces deux organisations continueront d'oeuvrer dans le même esprit en demeurant sous le contrôle, en cassation, du Conseil d'Etat, et avec le concours attentif et maintenu, je le confirme particulièrement à M. Pinte, du Haut-commissariat pour les réfugiés - nous en reparlerons à propos de la discussion d'un amendement. M. Pinte a soulevé bien d'autres questions sur lesquelles nous reviendrons au cours de la discussion.
    J'en viens au contenu de ces différentes notions. Nous le savons tous, la menace a évolué, le monde d'aujourd'hui ne se limite plus aux seuls affrontements qui étaient prévus par les conventions internationales établissant le droit de la guerre. Les persécutions, les violences, les atteintes aux droits des gens prennent désormais des formes diverses, dans des espaces nouveaux, fragmentés, là où la légalité internationale, en réalité, n'a plus cours. Il faut prendre en compte ces nouvelles réalités, en tirer les conséquences dans la façon dont nous concevons et dont nous gérons le droit d'asile. C'est le but de ces innovations d'inspiration communautaire contenues dans le projet qui vous est présenté.
    Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant de vous être soumis, ce projet de loi a été examiné par la commission nationale consultative des droits de l'homme. Le ministre des affaires étrangères lui-même a reçu les représentants des associations engagées dans cette cause comme le Secours catholique, la Croix-rouge française ou d'autres associations, France terre d'asile notamment. Il a rencontré les rapporteurs des commissions des lois et des affaires étrangères, dont je voudrais saluer une fois de plus le travail conduit avec beaucoup de conscience et de volonté.
    Le Gouvernement retire de l'ensemble de ces contacts la conviction que, face aux limites atteintes par le dispositif actuel, ce projet apporte des solutions pragmatiques, équilibrées et conformes à nos principes. Celui-ci mérite donc d'être soutenu si nous voulons être à la hauteur des défis du monde que nous affrontons chaque jour et si nous sommes décidés à réaliser des réformes maintenant devenues indispensables. Il a fait l'objet de débats sérieux, de discussions approfondies et, par conséquent, le Gouvernement souhaite bien entendu que l'Assemblée repousse la motion de renvoi en commission défendue il y a quelques instants.
    Je me réjouis de nos échanges et de vos propositions. Je pense que le débat que nous avons eu depuis le début de la journée va nous permettre de conforter l'indispenssable renouveau du droit d'asile en France. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. André Gerin, pour le groupe communiste.
    M. André Gerin. Je serai bref pour dire pourquoi je voterai cette motion de renvoi en commission, comme j'ai voté l'exception d'irrecevabilité.
    M. de Villepin nous a expliqué qu'il fallait refuser le statut quo. Effectivement, ce projet de loi refuse le statu quo mais, pour l'essentiel, nous assistons à un enterrement de première classe de la question du droit d'asile en France.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Les députés Verts voteront la motion de renvoi en commission présentée par M. Lurel, pour plusieurs raisons.
    D'abord, comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer dans la discussion générale, nous avons le sentiment d'assister à un enterrement du droit d'asile, donc à un recul de la vocation de notre pays, et surtout à une régression par rapport à la Convention de Genève.
    Par ailleurs, lorsque l'on voit dans l'exposé des motifs des mots comme « recentrer », « performant », on a le sentiment que le droit d'asile est traité un peu comme une entreprise. Si on le regarde d'un peu plus près, on s'aperçoit que le motif avancé pour justifier ce projet, c'est que ce pays serait en quelque sorte submergé par les réfugiés.
    Il serait peut-être temps de rappeler devant la représentation nationale la réalité de la position française pour l'accueil de réfugiés, et la réalité de l'Europe. Dans les années 50, il y avait 200 000 réfugiés statutaires dans ce pays. En 2002, il n'y en avait plus que 100 000. Il y a 22 millions de réfugiés sur cette planète, et la majorité d'entre eux, qui viennent de pays pauvres, ne viennent pas en Europe mais vont dans d'autres pays pauvres. L'Europe accueille très peu de réfugiés et la France est au onzième rang des pays de l'Union européenne pour l'accueil des réfugiés ! J'aimerais donc que l'on m'explique comment on peut nous affirmer aujourd'hui que la France est victime d'une véritable submersion !
    Point qui me paraît beaucoup plus important, le Président de la République, lorsqu'il a voulu accélérer les procédures de l'OFPRA, nous a expliqué que les gens attendaient trop et que cela entraînait une augmentation du nombre de faux réfugiés. Voilà une expression très grave, qui se retrouve maintenant dans la loi, que nous ne voterons pas, pour une raison très précise, c'est que ce gouvernement, dans la ligne de sa politique sécuritaire menée depuis un an, sous la pression du ministère de l'intérieur, est en train de donner à la figure de l'étranger la posture de l'indésirable. Nous revenons à des années que nous ne voudrions plus voir, elles ont été évoquées ce matin par M. Gerin, notamment les années 30. Ceux qui sont persécutés, ceux qui cherchent asile dans notre pays, doivent-ils aujourd'hui être considérés comme des gens de mauvaise foi, soupçonnés en permanence, et être considérés comme indésirables ? La réponse est évidemment non. C'est pourtant cet état d'esprit qui anime le projet qui nous est soumis.
    Dernière chose, on nous donne comme prétexte le fait qu'il faut s'aligner sur la politique de l'Union européenne. Or les directives européennes ne sont pas encore promulguées, c'est-à-dire que la France, anticipant leur élaboration, va donner aux autres pays de l'Union européenne le plus mauvais des exemples, le refus du droit d'asile, en s'alignant sur des politiques qui ne sont pas brillantes, celles de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne.
    Pour toutes ces raisons, il faut nous battre résolument contre ce projet, qui n'est rien d'autre qu'un enterrement du droit d'asile et une régression. M. le ministre des affaires étrangères brille à la tribune de l'Organisation des Nations unies et lors des sommets africains en expliquant qu'il faut lutter contre les inégalités et faire triompher le droit, mais lorsqu'il revient dans la marmite française, lorsqu'il rejoint la France d'en bas et s'exprime devant les députés, il se conforme à la ligne sécuritaire adoptée par ce gouvernement depuis qu'il est en place. Cela s'appelle de la schizophrénie politique !
    M. Charles Cova. C'est un expert en la matière qui parle ainsi !
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.
    M. Serge Blisko. Bien évidemment, nous soutiendrons la motion de renvoi en commission que M. Lurel vient de défendre brillamment, non seulement parce c'est un ami, mais aussi parce qu'il a mis le doigt sur les points essentiels.
    En effet, au-delà de l'aspect soupçonneux de ce texte, sur lequel il est revenu, il a demandé que soient retravaillés des notions nouvelles et dangereuses introduites par ce projet de loi : celles de pays sûrs, d'asile interne, et de protection subsidiaire. Certes, nous nous félicitons que cette dernière soit instruite par l'OFPRA, mais elle offrira, à moins que certains de nos amendements ne permettent d'améliorer le texte, une moins bonne protection que l'asile territorial, introduit par la loi RESEDA de 1998.
    Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'en dépit du travail sérieux qui a été accompli en commission, ce texte peut encore aller plus loin. Des amendements ont été déposés et un grand nombre de mes collègues, siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, demandent que des précisions importantes, et non pas simplement d'ordre réglementaire, soient apportées, car ils s'inquiètent du flou de certaines définitions. Pouvoir, par exemple renvoyer quelqu'un s'il y a des garanties raisonnables qu'il ne soit pas persécuté, cela ne nous rassure pas. Une garantie raisonnable, cela n'existe pas !
    J'y reviendrai au fur et à mesure de la discussion si mes collègues décident à la majorité de poursuivre l'examen de ce texte. Il me semble tout de même qu'il faut apporter de nombreuses précisions. Encore une fois, il s'agit de la vie et de la mort d'hommes et de femmes qui ont fui pour trouver un havre dans notre pays.
    M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.
    M. Christian Vanneste. Je serai bref mais je tiens à dire quelques mots, car certaines énormités ont été proférées.
    Le groupe UMP, bien sûr, repousse la notion de renvoi en commission. Le débat va justement nous permettre de modifier et, sans doute, d'améliorer le texte. Il y a eu des avancées, des membres de l'UMP, notamment M. Pinte, ont fait des remarques extrêmement pertinentes sur un certain nombre de points sur lesquels on peut réfléchir raisonnablement, les pays sûrs ou l'asile interne, par exemple. Ce sont des notions qui méritent d'être analysées.
    Mais quand j'entends dire que la France n'aurait pas une politique honorable dans ce domaine, je suis scandalisé. Contrairement à ce qu'on a indiqué tout à l'heure, la France est au troisième rang pour l'accueil des réfugiés en Europe.
    M. Noël Mamère et M. André Gerin. C'est faux !
    M. Christian Vanneste. Elle arrive après la Grande-Bretagne, qui, on le sait très bien, a attiré beaucoup de gens pour des raisons essentiellement économiques, avec la possibilité d'avoir du travail six mois après la demande d'asile.
    M. André Gerin. Normal !
    M. Christian Vanneste. C'est une demande en grande partie économique, on le sait et il faut le dire. Quant à l'Allemagne, le nombre de demandes d'asile y a baissé de 10 % au cours des trois dernières années, et le ministre rétrograde auquel a fait allusion M. Mamère tout à l'heure, il faudrait tout de même le souligner, c'est M. Joschka Fischer, qui, si je ne m'abuse, a la même coloration politique que lui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Noël Mamère. Ce n'est pas une garantie !
    M. Christian Vanneste. Soyons donc clairs ! Il y a un philosophe qui parlait des belles âmes. Oui, elles ont les mains blanches, les belles âmes, monsieur Mamère, mais c'est parce qu'elles n'ont pas de mains ! C'est bien de dire que la situation des réfugiés est malheureuse, mais, avec le système actuel, le malheur dure deux ans !
    Nous, nous voulons, au contraire, que des solutions plus rapides et plus dignes soient apportées. Deux mois, plutôt que deux ans, pour faire en sorte que les vrais réfugiés soient véritablement accueillis dans ce pays : tel est le but de ce projet de loi, et il me semble montrer à quel point notre politique est honorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.
    M. le président. « Art. 1er. - L'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. 2. - I. - L'office exerce la protection juridique et administrative des réfugiés et apatrides ainsi que celle des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Il assure, en liaison avec les départements ministériels intéressés, l'exécution des conventions, accords ou arrangements internationaux intéressant la protection des réfugiés en France, et notamment de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Il coopère avec le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés et facilite sa mission de surveillance dans les conditions prévues par les accords internationaux.
    « II. - L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. Au terme d'une instruction unique :
    « I° Il reconnaît la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée ;
    « 2° Sous réserve des dispositions du IV du présent article, il accorde le bénéfice de la protection subsidiaire à toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié énoncées à l'alinéa précédent et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :
    « a) La peine de mort ;
    « b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
    « c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et personnelle contre sa vie ou sa sécurité en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international.
    « Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé pour une période d'un an renouvelable.
    « III. - Les persécutions prises en compte dans l'octroi de la qualité de réfugié et les menaces graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l'Etat, de partis ou d'organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat, ou d'acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies à l'alinéa suivant refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection.
    « Les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat, des partis ou des organisations, y compris des organisations internationales, contrôlant l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat.
    « L'office peut rejeter la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine si cette personne n'a aucune raison de craindre d'y être persécutée ou d'y être exposée à une atteinte grave et s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du pays.
    « IV. - La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne dont on a des raisons sérieuses de penser :
    « a) Qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ;
    « b) Qu'elle a commis un crime grave de droit commun ;
    « c) Qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
    « d) Que sa présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
    « L'office, procédant à son initiative ou à la demande du représentant de l'Etat à un réexamen, peut retirer à tout moment le bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérés aux alinéas a, b, c et d précédents.
    « Il peut refuser à chaque échéance de renouveler le bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celle-ci ne soit plus requise. »
    La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l'article 1er.
    M. Serge Blisko. Je serai bref, parce que beaucoup de choses ont déjà été dites. Néanmoins, je tiens à souligner, alors que nous commençons la discussion des articles, le fait que tout le débat est contenu dans cet article 1er - c'est-à-dire tous les points imparfaits, qui méritent, comme l'a dit tout à l'heure M. Vanneste, d'être améliorés.
    Nous souhaitons que la protection subsidiaire, qui remplace l'asile territorial - et, je le répète, nous reconnaissons qu'il est bénéfique qu'elle soit désormais instruite par l'OFPRA - soit, dans sa formulation et dans la garantie qu'elle donne, au moins égale au plus petit dénominateur commun de la future directive.
    A défaut, nous souhaitons que l'on en revienne, et c'est le sens d'un amendement que Christophe Caresche et moi-même avons déposé, à la définition de l'asile territorial de 1998 - certes toujours instruit par l'OFPRA, et c'est mieux -, qui est moins restrictive.
    Cet article 1er suscite de notre part une autre inquiétude. Les persécutions par des acteurs non étatiques, qui peuvent être des partis ou des organisations qui contrôlent l'Etat, sont reconnues, mais le pendant de la persécution est la protection. Or nous pensons qu'il est extrêmement grave de s'en remettre à la « protection » qui serait offerte sur le territoire de l'Etat du demandeur par des partis, voire des organisations internationales. Je citais tout à l'heure des exemples de dérives. Ce matin, M. le ministre faisait référence à l'ONU. On pourrait être tenté, en effet, de mettre en avant la présence du HCR ou d'autres organisations internationales pour considérer que le demandeur est « protégé ». Mais qu'il me soit permis de rappeller encore une fois l'exemple abominable de Srebrenica, qui ne remonte pas, comme les exemples que citait mon collègue Gerin, aux années trente mais à 1995. Ce n'est pas vieux ! Il y avait là des forces de l'ONU, des hommes armés. Nous avons vu ce dialogue entre un chef de gang serbe - qui aujourd'hui est certainement devant le TPI - et un général français commandant les forces de l'ONU. Que lui disait ce chef de gang serbe ? « Vous pouvez y aller, nous entrons à Srebrenica et tout le monde sera protégé. » Les officiers n'y croient pas un instant mais, ligotés par leur mandat, ils sont obligés d'accepter. On fait sortir les femmes et les enfants. Sept mille hommes, des musulmans bosniaques, disparaissent, égorgés. On retrouvera un charnier quelques mois plus tard.
    Vous comprenez donc qu'il y a des raisons d'être inquiet quand on voit ce texte évoquer la « protection » qu'offrirait un parti politique sous pretexte qu'il contrôlerait une partie substantielle du territoire de l'Etat. Vous savez, l'asile interne, cela me fait penser à cette vieille histoire juive : on n'est pas un peu enceinte. Ou on est réfugié ou on n'est pas réfugié, mais on ne peut pas être entre les deux.
    M. Christophe Caresche. Tout à fait !
    M. Serge Blisko. On ne peut pas être un réfugié dans son pays, ou dans sa région - et je passe sur l'ethnicisation que cela peut signifier. On n'est pas réfugié à demi. Si l'on a le droit d'être réfugié, on a droit à l'accueil dans notre pays.
    Voilà ce que je voulais dire sur l'article 1er. Je passe sur les notions d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Nous y reviendrons tout à l'heure, mais il me paraît extrêmement douloureux de faire en sorte que l'OFPRA soit chargé d'une mission de maintien de l'ordre public. Je crois que ce n'est pas sa mission. Les agents de l'OFPRA ont déjà assez à faire comme ça.
    M. le président. M. Christophe Caresche, inscrit sur l'article, renonce à sa parole.
    M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont déposé un amendement, n° 110, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 1er. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Nous avons proposé cet amendement de suppression parce que nous considérons que cet article est inacceptable. Il introduit dans le droit des normes communautaires restrictives, dont l'élaboration n'est même pas encore achevée. Sous couvert de rationaliser et de simplifier, on restreint le droit d'asile. L'asile à deux vitesses est conservé - l'asile conventionnel et l'asile territorial, qui devient protection subsidiaire. Et en plus, on ajoute à la notion d'ordre public la sécurité publique et la sécurité de l'Etat.
    Au fond, cet article contribue à la suspicion. C'est pourquoi nous en demandons la suppression.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 110.
    M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Avis défavorable. M. Gerin n'a sûrement pas vu qu'il proposait de supprimer le guichet unique, d'empêcher que l'asile territorial ne se transforme en protection subsidiaire. La suppression de l'article serait donc un retour en arrière. Comme quoi, le mieux est souvent l'ennemi du bien. Vous supprimez, monsieur Gerin, ce qui est considéré par tous comme une avancée pour le droit des réfugiés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis que la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 74, ainsi rédigé :
    « Dans la deuxième phrase du I du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, substituer aux mots : ", l'exécution des conventions, accords ou arrangements internationaux intéressant la protection des réfugiés en France, et notamment de les mots : "l'application des garanties fondamentales offertes par le droit national, l'exécution des conventions, accords ou arrangements internationaux intéressant la protection des réfugiés en France, et notamment la protection prévue par. »
    La parole est M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cet amendement est un rappel du bloc de constitutionnalité. Il est important de souligner que le droit d'asile trouve son fondement dans le Préambule de la Constitution de 1946.
    Comme nous le disions ce matin, nous ne pouvons pas, sur un tel sujet, déléguer notre souveraineté, même à l'Union européenne.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Avis favorable. Nous avons considéré que l'amendement de M. Blisko et de M. Caresche apportait un élément supplémentaire dans les garanties fondamentales offertes par le droit national.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Avis favorable, également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 75, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du I du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, substituer aux mots : "facilite sa mission de les mots : "est soumis à sa. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Il convient de donner plus de poids au HCR.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis que la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 19, ainsi rédigé :
    « Compléter le premier alinéa du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par les mots : "au cours de laquelle le demandeur d'asile aura été mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande :. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Cet amendement définit les conditions dans lesquelles le dossier est instruit et renforce le principe selon lequel toute instruction est personnalisée et étudiée au fond. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que le demandeur soit mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande. Il reviendra au décret de préciser les modalités concrètes de l'instruction des demandes.
    M. Serge Blisko. C'est un progrès par rapport au texte.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui va dans le sens de ses préoccupations. En effet, pour que l'office puisse se prononcer en toute connaissance de cause, il est important que le demandeur puisse faire valoir ses arguments et présente tous les éléments dont il dispose.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 44, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, après les mots : "à l'alinéa précédent, insérer les mots : ", ainsi qu'à toute personne qu'il est manifestement impossible de renvoyer en raison de situations d'insécurité générale ou de manque de liaison de transport et ceux dont la mesure d'éloignement est annulée en ce qui concerne le pays de renvoi sur la base de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Cet amendement tend à préciser la notion de protection subsidiaire. En effet, la définition qui a été retenue par le projet de loi s'inspire de celle de la proposition de directive qui est actuellement en cours de discussion. Or, comme on a essayé de l'expliquer au cours de la discussion générale, si la notion de protection subsidiaire est couplée aux notions d'asile interne et d'acteurs de la protection, cela risque de créer des situations nouvelles où des personnes ne seront ni éligibles au droit d'asile, ni reconductibles, en particulier si elles viennent de pays où existe un conflit armé, interne ou international. Il suffit de regarder ce qui se passe autour de nous, en Afrique, au Proche-Orient ou dans certaines régions de l'Asie.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Avis défavorable. Nous sommes face à une double contradiction. Tout d'abord, bien entendu, nous nous retrouverions en non-conformité avec la directive de l'Union européenne, alors qu'il paraît logique d'essayer d'harmoniser la définition de la protection subsidiaire au niveau européen. Ensuite, cette proposition revient à lier la protection internationale et les mesures d'éloignement, ce qui n'est pas dans notre droit.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
    La protection subsidiaire vise les étrangers qui sont personnellement menacés en cas de retour dans leur pays, et il ne s'agit pas, comme vient de le dire à l'instant le rapporteur, d'étendre cette appréciation à la situation générale qui peut exister, et dont l'appréciation est à ce moment-là extrêmement difficile à faire. Ce serait là un changement très important, et le Gouvernement n'y est pas favorable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je voudrais répondre à M. le rapporteur. La proposition que nous faisons n'est pas du tout contradictoire. Elle est peut-être en contradiction avec les directives européennes, mais elle est tout à fait conforme à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui, jusqu'à nouvel ordre, prime.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 77, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi les a, b et c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « a) La peine de mort, la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
    « b) Une violation suffisamment grave de l'un de ses droits individuels pour engager les obligations internationales de l'Etat membre ;
    « c) Une menace contre sa vie, sa sécurité ou sa liberté en raison d'une violence non ciblée liée à un conflit armé ou de violations systématiques ou généralisées des droits de l'homme. »
    Peut-être pourriez-vous défendre en même temps l'amendement n° 76, monsieur Blisko ?
    M. Serge Blisko. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 76 présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste est ainsi rédigé :
    « Substituer aux a, b et c, du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 les deux alinéas suivants ;
    « a) La peine de mort, la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
    « b) Une menace contre sa vie ou sa liberté. »
    Vous avez la parole monsieur Blisko.
    M. Serge Blisko. Ces deux amendements visent à mieux préciser le texte actuel du projet de loi.
    Nous proposons de regrouper dans un même alinéa « la peine de mort, la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » Je crois que cela ne pose pas de problème.
    Dans un autre alinéa, nous proposons de faire figurer parmi les menaces justifiant la protection subsidiaire du demandeur « une violation suffisamment grave de l'un de ses droits individuels pour engager les obligations internationales de l'Etat membre. » Cette formulation, qui peut paraître un peu compliquée, signifie simplement qu'il y a pour les Etats une espèce de minimum, de cahier des charges, qui, s'il n'est pas rempli, justifie que le demandeur bénéficie de la protection subsidiaire.
    La formulation actuelle du projet de loi nous semble imprécise. Il faudrait se rapprocher de la directive, ou plus exactement de la proposition de directive - car comme nous le rappelons depuis ce matin à chaque fois qu'on nous parle d'harmonisation avec le droit européen, il s'agit d'une proposition de directive, qui s'appelle poétiquement COM (2001) 510, et qui n'est pas encore adoptée. Nous avons intérêt, donc, à ne pas être en retrait par rapport à cette proposition.
    L'amendement n° 76 est un amendement de repli par lequel nous proposons que, faute d'adopter l'amendement n° 77, l'on en revienne au moins au texte originel de la loi RESEDA de 1998.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    S'agissant de l'amendement n° 77, il étend à ce point le champ de la protection subsidiaire qu'il risquerait d'avoir un effet pervers : des situations relevant de l'asile conventionnel pourraient, demain, basculer dans la protection subsidiaire. Le HCR lui-même s'est inquiété de cette confusion entre les deux statuts, dont on sait bien que l'asile conventionnel est le plus favorable. Il ne faudrait pas qu'il soit vidé de son sens, au profit de la protection subsidiaire.
    Quand à l'amendement n° 76, nous avons beaucoup travaillé sur ce qu'il propose pour transposer la directive européenne. Et l'amendement n° 20 de la commission ne renvoie plus à la sécurité de l'étranger, mais à sa personne humaine. De sorte que la protection de sa liberté sera incluse dans la protection de sa personne.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement partage l'avis qui vient d'être exprimé par le rapporteur. Son avis est défavorable sur les deux amendements.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je voulais simplement souligner une certaine contradiction dans l'attitude du Gouvernement. D'un côté, il dit qu'il est bon, et même nécessaire, de transposer la directive dans notre législation. Mais, d'un autre côté, sur ce cas précis, il ne reprend pas les préconisations de cette même directive. On a le sentiment que le Gouvernement a en quelque sorte « fait son marché » dans cette proposition de directive, pour piocher ce qui l'intéresse.
    Il faut être clair : soit le Gouvernement estime qu'il faut transposer cette directive - qui, encore une fois, n'est pas adoptée à ce jour -, et à ce moment-là il me semble qu'il doit aller jusqu'au bout de cette logique ; soit il estime, et ce point de vue aurait aussi sa cohérence, que nous n'avons pas, pour le moment, à transposer cette directive, et alors on comprendrait qu'il choisisse de retenir des définitions qui en sont assez éloignées.
    Je voulais souligner cette incohérence, que l'on retrouvera à plusieurs reprises dans notre débat.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. L'incohérence que vous voyez dans la forme est effective. Mais, en réalité, monsieur Caresche, vous faites référence à la directive initiale, qui depuis a été amendée et qui a abouti à une directive simplifiée. C'est sur celle-ci que nous nous calquons.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 111, ainsi rédigé :
    « Supprimer le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi de 1952 nous paraît ambigu. C'est pourquoi nous proposons de le supprimer. En effet, on se demande pourquoi seuls les civils - ou les militaires, pour des raisons sans rapport avec leur activité militaire - pourraient être menacés. De plus, comment est appréciée une « menace grave, directe » ? Comment une menace peut-elle être « personnelle » lorsqu'elle résulte d'une violence généralisée, donc indiscriminée ? Et pourquoi retenir les seuls conflits armés comme pouvant être causes de menaces ?
    Il nous semble en réalité que ce c est destiné à fournir un argument d'autorité pour justifier des décisions de refus.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable. Je comprends votre objectif, monsieur Gerin, ou plutôt je viens de le comprendre, mais la suppression que vous proposez aurait pratiquement pour effet d'éliminer la prise en compte du contexte de violence dans l'examen des demandes, ce qui est contraire aux objectifs que je suppose que vous poursuivez. Il me semble que vos intentions sont d'élargir le champ de la protection, alors qu'avec cet amendement, vous le restreignez.
    M. André Gerin. Mais votre rédaction est ambiguë !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable, pour la raison que le rapporteur vient d'expliquer.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 112 et 63, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 112, présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « c) Une menace contre sa vie, sa sécurité ou sa liberté ou des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
    L'amendement n° 63, présenté par M. Pinte, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « Une menace contre sa vie, sa sécurité ou sa liberté. »
    La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement n° 112.
    M. André Gerin. Cet amendement tend à définir des conditions précises pour accorder le droit d'asile, sans qu'il soit possible d'avoir recours à l'arbitraire. Nous faisons une proposition positive et concrète en évoquant la menace contre la vie du demandeur, contre sa sécurité ou sa liberté ou tout autre traitement constituant une atteinte aux droits de l'homme.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 63.
    M. Etienne Pinte. Le projet de loi supprime l'asile territorial et le remplace par la protection subsidiaire, notion reprise de l'article 15 de la proposition de directive européenne du 12 septembre 2001, dans sa dernière version publiée.
    Or les motifs ouvrant droit à la protection, retenus par le projet de loi dans le cas de la protection subsidiaire, sont plus restreints que ceux prévus actuellement dans le cas de l'asile territorial. Ainsi, en vertu de la loi du 11 mai 1998, le candidat à l'asile territorial doit établir « que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
    Cet amendement a pour objectif de maintenir pour la protection subsidiaire les motifs de protection actuellement applicables à l'asile territorial, en y ajoutant la menace à la liberté.
    Ainsi que l'a souligné M. Caresche, on ne peut pas à la fois invoquer l'harmonisation - même anticipée - avec des directives européennes et rejeter certaines de nos propositions qui font référence justement à cette harmonisation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Ces amendements soulèvent les mêmes objections que les précédents. Rappelons-nous qu'il existe deux systèmes de protection : la convention de Genève, qui concerne essentiellement les persécutions ; la protection subsidiaire qui, quant à elle, remplace l'asile territorial - à l'égard duquel personne, je l'espère, n'éprouve de nostalgie -, tout en donnant, avec l'examen devant l'OFPRA, des garanties supplémentaires.
    Si la définition de la protection subsidiaire était plus large que celle de la protection relevant de la convention de Genève, nous irions obligatoirement vers une dérive : la protection subsidiaire serait invoquée dans 80 % des cas, et nous nous retrouverions avec un résultat contraire à l'esprit de ce texte et à celui qui, je crois, nous anime tous, c'est-à-dire offrir la meilleure protection pour ceux qui demandent le droit d'asile.
    Etendre de manière démesurée la protection subsidiaire ferait courir le danger de porter atteinte au statut défini par la convention de Genève.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. J'ajouterai qu'une grande différence sépare l'asile territorial tel que nous le connaissons de la future protection subsidiaire. Auparavant, la décision d'accorder l'asile n'était que facultative ; désormais, le système proposé va lier véritablement l'OFPRA. Ce dernier sera tenu d'accorder la protection subsidiaire dès lors que les conditions seront remplies. Il est donc important qu'il puisse s'appuyer sur des critères précis et rigoureux.
    Voilà qui complète l'explication du rapporteur et explique pourquoi le Gouvernement souhaite ne pas modifier la rédaction de son texte.
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Nous sommes là au coeur du débat sur la notion de protection subsidiaire, terme anglo-saxon, comme nous l'a rappelé le président Clément. Malheureusement, encore une fois, une écriture trop rapide et des sources trop diverses - en particulier les étapes successives de la directive communautaire -, nous mettent dans une situation embarrassante.
    Je reconnais la subtilité du raisonnement de M. Leonetti, mais nous faisons une autre lecture que lui. Nous avons tout de même le sentiment que la protection subsidiaire offre, en raison de ses caractéristiques, moins de protection que n'en offre l'asile territorial tel que défini dans la loi RESEDA.
    Par prudence, je propose d'en revenir à la notion d'asile territorial, et, en conséquence, je me rallie à l'amendement n° 63 de M. Pinte, sur lequel je demande un scrutin public, car il ne faut pas se tromper sur cette question.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Je serai bref, parce que je partage les arguments avancés par Serge Blisko. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi mon amendement n° 46 n'a pas été appelé en même temps que l'amendement n° 63, puisqu'il propose exactement la même chose. Quoi qu'il en soit, je soutiens l'amendement de M. Pinte.
    Les arguments avancés par M. le rapporteur ne me semblent pas valides pour une raison très simple : alors que, jusqu'à présent, la notion de liberté faisait partie des critères permettant d'être éligible au droit d'asile, ce ne sera plus le cas avec la protection subsidiaire, qui sera plus restrictive que l'asile territorial et en contradiction avec la convention de Genève. C'est une limitation de plus à la notion de protection.
    Une fois encore, vous démontrez que vous préférez privilégier l'arbitraire des Etats, plutôt que le droit de la personne, qui fonde le droit d'asile.
    M. le président. Sur l'amendement n° 63, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Je retire mon amendement n° 112 et je me rallie à l'amendement n° 63 de M. Pinte, qui me paraît plus clair et plus explicite que le mien.
    M. le président. L'amendement n° 112 est retiré.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean Leonetti, rapporteur. Je tiens à vous indiquer, monsieur Mamère, que l'arbitraire c'était avant,...
    M. Noël Mamère. Ah non !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. ... quand la majorité plurielle avait instauré l'asile territorial.
    M. Noël Mamère. J'avais voté contre, et contre la loi RESEDA !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. De toute façon, vous votez toujours contre, que vous soyez dans la majorité ou dans l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous manifestez ainsi une certaine constance, et cela permet en même temps de vous donner une certaine posture. (Mêmes mouvements.)
    M. Noël Mamère. Mieux vaut être indépendant !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Il n'y a que dans la salle des Quatre Colonnes que vous n'êtes pas contre !
    M. Noël Mamère. C'est assez facile, monsieur le rapporteur !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. En quoi consistait l'arbitraire ? A refuser la demande faite en préfecture sans en justifier la raison ; il suffisait de dire que c'était contraire à l'intérêt du pays. La définition floue précédente permettait de rejeter toutes les demandes. D'ailleurs, sur 30 000 demandes, seules un peu plus de 350 ont abouti, soit environ 1 % !
    Aujourd'hui, on dit le droit, on fait prévaloir l'impartialité, grâce notamment au guichet unique. Cela dit, il faut établir un distinguo entre la protection qui relève de la protection subsidiaire, qui, effectivement, ne remplace pas l'asile territorial, dans la mesure où elle étend considérablement les droits des demandeurs d'asile, et celle qui concerne les réfugiés au sens de la convention de Genève. Il ne faut pas calquer l'un sur l'autre, sinon il n'y aura pratiquement plus d'asile conventionnel et vous serez les premiers à vous en plaindre en disant que le Gouvernement a mis en place un système destiné à détruire l'asile conventionnel et à le remplacer par la protection subsidiaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le rapporteur, la protection subsidiaire constitue certes une avancée, mais en ce qui concerne les procédures, puisque les bénéficiaires de cette protection se verront appliquer les procédures de l'OFPRA, ce qui n'était pas le cas pour les bénéficiaires de l'asile territorial.
    Cela dit, la notion de menace sur la liberté, qui était prise en compte pour bénéficier de l'asile territorial, n'est pas retenue dans le cas de la protection subsidiaire. Certes, cette dernière apporte de vraies garanties supplémentaires, mais ce qui compte, c'est la protection des libertés individuelles.
    M le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour une intervention très brève.
    M. Noël Mamère. Monsieur le rapporteur, je faisais partie de ceux qui, dans la majorité précédente, se sont prononcés contre la loi proposée par M. Chevènement. Parmi les motifs qui m'ont conduit à voter contre cette loi dite « loi RESEDA », il y en avait un qui tenait à la création de la notion d'asile territorial, notion que nous considérions comme un recul par rapport à la convention de Genève. Je ne vais donc pas me plaindre de la substitution de la notion de protection subsidiaire à celle d'asile territorial,...
    M. Jean Leonetti, rapporteur. C'est déjà ça !
    M. Noël Mamère. ...mais à condition qu'elle soit appliquée dans l'esprit de la convention de Genève. Et, sur ce point, je rejoins les observations qui ont été formulées par Etienne Pinte. Or vous proposez d'étendre l'application de la notion de protection subsidiaire au-delà de ce que propose la convention de Genève. De même, vous proposez que les préfets puissent saisir l'OFPRA à tout moment.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Nous ne parlons plus du même amendement !
    M. Noël Mamère. De fait, le ministère de l'intérieur va se voir accorder une sorte de pouvoir arbitraire.
    Par ailleurs, en plus de voter toujours contre, je suis un affreux cumulard, puisque je suis aussi maire. Eh bien, je reçois dans ma commune beaucoup de gens qui ne sont ni expulsables ni régularisables, et qui ont été placés dans des conditions absolument effrayantes à cause des lois Pasqua-Debré, que la gauche n'a d'ailleurs pas abolies, contrairement à ses engagements. Or on leur demande de retourner dans leur pays d'origine, alors que nous savons parfaitement qu'eux et leur famille y risquent leur vie. Nous connaissons les drames et les tragédies qu'ont vécus ces personnes, et il est de notre devoir de les protéger, au sens le plus large du terme.
    Voilà pourquoi j'avais, comme André Gerin, proposé un amendement destiné à faire prendre en compte la notion d'insécurité générale. Voilà pourquoi je suis attaché au maintien de ce qui est conforme à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, c'est-à-dire à la notion de menace sur la liberté.
    M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l'amendement n° 63.
    Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   43
Nombre de suffrages exprimés   43
Majorité absolue   22
Pour l'adoption   8
Contre   35

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je suis saisi de quatre amendements, n°s 4, 98, 20 et 46, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 4, présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste est ainsi rédigé :
    « Dans le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, supprimer les mots : "grave, directe et personnelle. »
    L'amendement n° 98, présenté par M. Gantier et M. Vercamer, est ainsi rédigé :
    « Dans le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, supprimer les mots : ", directe et personnelle. »
    L'amendement n° 20, présenté par M. Leonetti, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Dans le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi les 25 juillet 1952, substituer aux mots : "personnelle contre sa vie ou sa sécurité les mots : "individuelle contre sa vie ou sa personne. »
    L'amendement n° 46, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet est ainsi rédigé :
    « Dans le c du 2° du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, après les mots : "contre sa vie ou sa sécurité, insérer les mots : "ou sa liberté. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 4.
    M. Serge Blisko. Comme il est écrit dans l'exposé sommaire de cet amendement n° 4, il convient de supprimer les adjectifs, « grave, directe et personnelle », car ils sont surabondants et source de contentieux. Cela donnera lieu à des discussions sans fin pour savoir ce qui est grave, mais pas direct ; grave et personnel, mais indirect.
    Je crois que le droit, en particulier la définition d'une menace à l'encontre d'une personne, ne doit pas s'encombrer d'adjectifs, qui seront autant de motifs pour ne pas bien travailler.
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement n° 98.
    M. Gilbert Gantier. L'adjectif « grave » me paraît, au contraire, tout à fait essentiel car il faut que la menace soit grave. Toutefois, je m'interroge sur les termes « directe et personnelle ». S'agissant, par exemple, des persécutions menées par les Hutus contre les Tutsis, il était très difficile d'affirmer que la menace était personnellement dirigée contre un individu déterminé. Je crois donc opportun d'élargir la portée du texte en supprimant les mots « directe et personnelle ».
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 20.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Ces différents amendements rendent compte, effectivement, d'une inquiétude. Une définition trop complète rendrait l'application de la protection trop restrictive et pourrait exclure certaines personnes de son bénéfice. Une définition trop vague risquerait, au contraire, d'étendre la protection subsidiaire au-delà peut-être de ce que nous souhaiterions.
    Je me permets juste de rappeler que l'article 15 de la proposition de directive énumère, parmi les atteintes justifiant le bénéfice de la protection subsidiaire, la peine de mort, la torture ou les traitements inhumains, les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Nous nous sommes inspirés de cet article pour rédiger l'amendement n° 20, et au lieu de parler de menace personnelle contre la vie et la sécurité d'un individu, il nous a paru préférable de parler de menace individuelle contre la vie et la personne d'un individu. Cette expression nous paraît suffisamment précise et suffisamment large, dans la mesure où une atteinte à la personne d'un individu recouvre aussi bien des menaces à la liberté de celui-ci que des actes dégradants ou des actes de torture. Il nous a semblé que cette formule était équilibrée et permettait d'assurer la protection, tout en évitant d'indroduire dans le texte des éléments trop restrictifs.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 46.
    M. Noël Mamère. J'ai déjà défendu cet amendement quand a été discuté l'amendement n° 63 de M. Pinte. Il s'agit, purement et simplement, de maintenir la référence à la menace sur la liberté.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 14, 98 et 46 ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable. La commission considère que la menace sur la liberté est incluse dans l'atteinte à la personne.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces quatre amendements ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le choix des mots est effectivement très important.
    N'oublions pas qu'il y aura deux procédures : celle de l'asile conventionnel, qui doit continuer à jouer son rôle - on a cité le cas, par exemple, des persécutions de masse lors de l'affrontement entre les Tutsis et les Hutus ; celle de la protection subsidiaire, qui se substituera à l'asile territorial et qui offrira beaucoup plus de garanties, mais qu'il faut tout de même un peu encadrer, sous peine de faire exploser le système.
    Finalement, la synthèse à laquelle est parvenue la commission, par le biais de l'amendement n° 20, permet de bien équilibrer le texte. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement et défavorable sur les trois autres amendements.
    M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Je retire mon amendement au profit de celui de la commission, car je crois que le terme « individuelle » répond à notre préoccupation. Des individus peuvent en effet être menacés d'une façon générale sans l'être personnellement.
    M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 4.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 46 tombe.
    M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 113, ainsi libellé :
    « I. - Après le mot : "subsidiaire, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 : "doit être renouvelé automatiquement, à moins qu'il soit établi par l'office que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement profond et durable pour que la protection ne soit plus requise.
    « II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du IV de cet article. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Noël Mamère. Oui, il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    Bien que, dans l'esprit, nous soyons tout à fait d'accord avec M. Gerin sur le fait que le renouvellement de la protection subsidiaire doit être automatique, il n'en demeure pas moins que le visa étant renouvelable tous les ans, le dossier des bénéficiaires de la protection doit être rééxaminé chaque année.
    Quoi qu'il en soit le texte précise que la protection ne peut s'arrêter que lorsque les circonstances ont changé. Par conséquent, si les circonstances ne changent pas, on peut penser a contrario que la protection subsidiaire est reconduite de manière automatique.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis que celui de la commission : défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 64, ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « 3° Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire lui est octroyée, le même statut est reconnu aux membres de sa famille. Les membres de la famille du demandeur sont : son conjoint ou son partenaire non marié engagé dans une relation stable ; les enfants de ce couple ou du demandeur seul ou de son conjoint seul ; les ascendants du demandeur et de son conjoint ; et les autres enfants mineurs proches du demandeur et de son conjoint qui vivaient au sein de l'unité familiale à la date du départ du pays d'origine et qui étaient alors entièrement ou principalement à la charge du demandeur ou de son conjoint. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Cet amendement vise à étendre la définition des membres de la famille à des catégories de personnes qui en sont à présent exclues, tels que les ascendants du demandeur et de son conjoint ainsi que les mineurs qui ne sont pas leurs enfants mais qui étaient à leur charge à la date du départ du pays d'origine.
    On peut effectivement s'interroger lorsque, dans certains pays où les conflits sont durs, où il y a eu des massacres, le frère ou la soeur de ceux qui veulent les quitter et s'exiler ont été tués et ont confié leurs enfants à ceux qui ont la chance d'être encore en vie. Il serait normal, si les intéressés peuvent prouver que des enfants mineurs étaient à leur charge, que ces derniers puissent bénéficier de la protection.
    Mon amendement garantit le droit fondamental du demandeur à bénéficier d'une protection internationale de sa vie familiale et protège les membres de sa famille de l'éventualité de persécutions « par ricochet ».
    En commission, il m'a été rétorqué que cette extension de la notion de protection de la vie familiale risquait, en tout cas pour des demandeurs d'asile originaires de certains pays, de donner lieu à des abus. Je suis conscient du problème, mais je ne vois pas pourquoi on refuserait d'étendre cette protection aux ascendants et aux descendants du demandeur, ainsi qu'aux enfants mineurs qui ont pu être confiés aux survivants d'un massacre demandant le bénéfice de l'asile.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Pinte, la commission a majoritairement considéré que cette extension du droit et de la notion de famille n'était conforme ni à la jurisprudence ni à l'esprit du texte. Je ne sais si vous vous rendez bien compte de ce que l'expression « les autres enfants mineurs proches du demandeur » peut recouvrir. Outre les proches des proches, les ascendants, les descendants, les conjoints, les ascendants et descendants des conjoints, les enfants mineurs proches du demandeur pourraient donc bénéficier d'une mesure d'asile. Un village tout entier pourrait ainsi prétendre, au titre d'une seule demande, à bénéficier du statut de réfugié. Ce ne serait conforme ni au statut actuel des réfugiés, qui peuvent bénéficier, dans un cadre limité, de la protection familiale, ni au régime de la protection subsidiaire, selon lequel la famille proche a droit à un titre de séjour.
    Etendre ainsi les droits existants nous ferait courir le risque d'obtenir l'effet contraire à celui que, j'en suis sûr, vous recherchez : la protection des réfugiés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement a le même avis que la commission.
    M. le rapporteur a raison : les réfugiés, ainsi que leur conjoint ou leur conjointe et que leurs enfants, bénéficient déjà, dès lors que leur statut est reconnu, d'une carte de résident valable dix ans, et ce régime sera appliqué aux bénéficiaires du système de la protection subsidiaire.
    Il nous semble très risqué de modifier les règles de regroupement familial en vigueur. C'est pourquoi, tout en comprenant bien l'esprit de la proposition de M. Pinte, le Gouvernement n'y est pas favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 129, ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « 3° Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire lui est octroyée, le même statut est reconnu aux membres de sa famille. Les membres de la famille du demandeur sont : son conjoint ou son partenaire non marié engagé dans une relation stable ; les enfants de ce couple ou du demandeur seul ou de son conjoint seul et les ascendants du demandeur et de son conjoint. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Cet amendement a le même objectif que le précédent, mais il se contente d'étendre la protection familiale aux ascendants. Il est plus facile de comprendre cet amendement si l'on se souvient que la commission des recours des réfugiés avait pendant de très nombreuses années inclus les ascendants du demandeur dans le principe de l'unité de famille. C'est en raison de ce précédent que, j'ose l'expérer, l'Assemblée me suivra.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cet amendement de M. Pinte pose bien le problème.
    Un réfugié, surtout d'une culture qui n'est pas notre culture, n'est pas un individu isolé : il a une famille, des enfants et de vieux parents. Un réfugié peut être mortellement angoissé, au-delà même des persécutions dont il est l'objet, à l'idée de laisser ses vieux parents dans son pays d'origine où ils subiront des représailles à cause de son départ. Récemment, on a découvert en Irak des charniers, où étaient entassés les corps de personnes qui avaient été sommairement exécutées car un membre de leurs familles avait osé quitté le pays ou s'était déclaré contre le dictateur déchu.
    Nous avons une vision des choses très individualiste dans notre société occidentale. Mais les persécutions, les représailles, les punitions peuvent être familiales.
    M. Pinte a donc raison de poser le problème.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Si nous nous retrouvions, les uns ou les autres, dans de telles situations, laisserions-nous nos parents derrière nous ?
    Pendant la dernière guerre, pensez-vous que mes parents, qui ont dû s'exiler, auraient laissé mes grands-parents tout seuls chez eux ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Pinte, je sors rarement de la modération qui est habituellement la mienne, mais il ne faut pas dire n'importe quoi.
    Vous demandez le statut de réfugié pour une famille élargie au-delà de ce que prévoit la Convention de Genève et de ce qu'admet la jurisprudence.
    Que l'on soit inquiet pour sa famille, que l'on ait le statut de réfugié et qu'à côté de soi il y ait des gens qui aient des titres de séjour, c'est là une situation conforme au droit humanitaire, conforme à l'esprit que nous avons de l'humanitaire en général et du rôle de la France dans le monde. Il n'y a rien d'insultant à ne pas faire en sorte que tout le monde soit réfugié !
    Ne faisons pas d'amalgame et arrêtons, au nom du coeur, de détruire des éléments juridiques qui sont la base de l'activité de notre pays en matière de défense des réfugiés.
    M. Etienne Pinte. Vous préférez la loi à l'homme !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Je pense que la loi protège l'homme. Je suis persuadé que c'est la loi qui protège les faibles et que c'est la liberté qui les met en danger !
    M. Etienne Pinte. Cela dépend des lois !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 114, ainsi rédigé :
    « Supprimer le deuxième alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. La notion d'« acteur de protection interne » est profondément choquante. Dès lors qu'un Etat se trouve dans l'incapacité d'assurer la protection de ses ressortissants, le droit d'asile doit jouer.
    Qui peut réellement croire qu'en cas de défaillance de l'Etat un pays peut être sûr ? La présence éventuelle d'organismes internationaux, voire de l'ONU, ne fait que mettre en évidence la désagrégation du pays concerné, avec le cortège de drames humains que celle-ci entraîne.
    Faut-il rappeler que les génocides perpétrés au Rwanda ou en Bosnie ont eu lieu en dépit de la présence sur place d'une mission d'assistance des Nations unies ? Seuls les Etats internationalement reconnus peuvent offrir une protection effective. Toute autre solution relève, selon nous, de cette astuce pernicieuse tendant à refuser aux étrangers dans notre pays le bénéfice d'un droit universel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 78, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le deuxième alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « Les autorités susceptibles d'offrir une protection effective sont l'Etat, un organisme ou une institution des Nations unies autre que le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, une organisation internationale ou des autorités permanentes s'apparentant à un Etat qui contrôlent un territoire clairement défini, suffisamment grand et stable, et qui veulent et peuvent faire respecter les droits de la personne et la protéger contre les atteintes de la même manière qu'un Etat reconnu à l'échelon international. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Monsieur le président, me permettez-vous de défendre également l'amendement n° 5 ?
    M. le président. Je vous en prie.
    L'amendement n° 5, présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le deuxième alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1982 :
    « Les seules autorités susceptibles d'offrir une protection sont les Etats. »
    Vous avez la parole, monsieur Blisko.
    M. Serge Blisko. Comme je le disais tout à l'heure à M. Vanneste, alors que nous nous sommes brutalement convertis, moi au souverainisme et lui à l'européanisme, les amendements n°s 78 et n° 5 ont le même objet.
    Plus sérieusement, c'est un véritable problème de philosophie du droit qui se pose.
    Qu'est-ce qu'un « agent de protection non étatique » ? Pour ma part, je ne connais guère que les Etats qui soient en mesure de protéger leurs citoyens avec les pouvoirs régaliens, qui sont ceux de la justice et de la police. Les autres systèmes ne m'inspirent guère confiance. J'ai quelque confiance dans l'organisation internationale, beaucoup moins dans une ONG qui a des moyens limités, et je n'en ai aucune dans le service d'ordre d'un parti politique, par exemple - puisque tels sont, dans le texte, les agents non étatiques évoqués pour protéger une famille ou un individu persécutés. Il y a quelque chose de profondément choquant à voir brutalement apparaître ces sous-catégories de sous-protecteurs, et je préfère résolument en rester à ce que j'ai appris sur les bancs de la faculté : ceux qui protègent, ceux qui font appliquer la loi, ce sont l'Etat et ses différentes administrations, et personne d'autre.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 78 et 5 ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Mes observations vaudront pour les autres amendements qui traitent du même sujet.
    Il faut bien comprendre que la situation internationale a considérablement évolué au cours des cinquante dernières années. Il y avait les Etats, avec un rideau de fer entre un monde libre et un monde communiste : la liberté d'un côté, l'oppression et le totalitarisme de l'autre. C'était simple. En tout cas, ceux qui étaient d'un côté avaient plutôt envie de venir de l'autre, plus rarement l'inverse. (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est vrai !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Dans cette situation, la persécution exercée par un système, par un Etat, provoquait une fuite de réfugiés vers des démocraties.
    Le monde a considérablement changé depuis la chute du monde soviétique. Ici ou là apparaissent des fractures, des problèmes ethniques, des problèmes religieux, des problèmes de terrorisme,...
    M. Pierre Cardo. Des problèmes mafieux !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. ... et des problèmes mafieux, en effet. Nous nous trouvons donc dans un système où la reconnaissance de la persécution non étatique conduit obligatoirement à considérer, en parallèle, que des parties importantes du territoire de certains Etats peuvent être contrôlées par des organisations non étatiques.
    Mais en regardant plus loin, on peut espérer qu'une force d'intervention européenne pourra intervenir sur un territoire et y apporter la paix. D'ailleurs, point n'est besoin de rêver : c'est en train de se produire.
    Cette force, qui serait à la fois celle de la loi et de la démocratie, créerait sur ce territoire une situation de protection.
    Il me semble donc que la notion d'Etat, à laquelle on s'attend à ce que nous soyons plutôt attachés de ce côté-ci de l'hémicycle, avec celle de France, de patrie et de nation, a été remodelée, du moins dans les faits, et en particulier dans les situations de persécution.
    Il nous semble donc logique de ne pas restreindre le problème aux seuls Etats.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement partage le point de vue de la commission.
    Il est clair que, généralement, ce sont les Etats qui seront concernés. Mais, dans certaines situations de fait, telles que nous en connaissons aujourd'hui et qui se multiplieront certainement, les interlocuteurs responsables de la sécurité sur le terrain seront des organisations internationales ou régionales.
    La rédaction du projet de loi nous paraît donc plus adaptée.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Monsieur le rapporteur, vous avez raison de dire que le monde est plus complexe qu'il y a quelques années, ce qui n'est pas sans nous inquiéter.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Vous êtes nostalgique du mur de Berlin ? (Sourires.)
    M. Christophe Caresche. En Irak, par exemple, il y a actuellement une armée.
    M. Pierre Cardo. Il y en a même deux !
    M. Christophe Caresche. En tout cas, il y a des forces armées sur l'ensemble du territoire irakien, issues de plusieurs pays démocratiques et qui donnent toutes les garanties que l'on veut en termes de respect de la liberté. Ces armées ont-elles réussi à empêcher que ne se produisent des exactions ? La présence américaine et anglaise en Irak a-t-elle empêché, par exemple, les règlements de comptes et les pillages ? La réponse est non.
    Le concept qu'introduit le projet de loi est donc très dangereux et il procède du même esprit que l'asile interne.
    Nous sommes inquiets parce que je vois mal comment, dans des situations complexes, pourrait s'exercer de façon satisfaisante un droit d'asile au sens où on l'entend dans notre pays.
    Pour toutes ces raisons, nous sommes extrêmement dubitatifs.
    M. Pierre Cardo. Rien n'est simple !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Aux doutes qu'a exprimés M. Caresche et que je partage, je souhaite ajouter, à l'intention de M. le rapporteur, que la proposition qui nous est faite de reconnaître des agents de protection non étatiques est en contradiction avec la position très juste qui a été exprimée par le Président de la République et son ministre des affaires étrangères à l'occasion de la crise irakienne. Ceux-ci estimaient en effet que l'on ne pouvait laisser aux armées de deux pays, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d'Amérique, auxquels il convient d'ajouter l'Australie, le soin d'assurer l'ordre et le retour à la liberté en Irak.
    M. Pierre Cardo. Ce n'est pas tout à fait cela !
    M. Noël Mamère. Le Président de la République s'est donc battu pour que l'Organisation des Nations unies ne soit pas réduite au rôle de simple organisation humanitaire que le Président George Walker Bush voudrait lui voir jouer aujourd'hui.
    Je vous répondrai, monsieur le rapporteur, que personne ne va se plaindre de la disparition des totalitarismes. Oui, le monde est plus complexe. Mais nous n'avons pas attendu la chute du mur de Berlin pour savoir que, en dehors du camp de la lutte contre la liberté - Staline et ses succédanés -, il y avait aussi, dans le camp dit de la liberté, des pays africains soumis à des formes de colonialisme par des Etats comme la France, lesquels n'ont pas hésité à soutenir des dictateurs qui se sont livrés à des exactions, à des barbaries, à des sauvageries.
    Qu'avons-nous fait pour ceux qui en ont été les victimes ? Qu'avons-nous fait, en 1997, lorsque les sociétés pétrolières françaises ont financé des Sassou N'Guesso et des Lissouba qui sont responsables dans leurs guerres civiles de près de 10 000 morts ? Que faisons-nous pour les familles de ceux qui, aujourd'hui, dans notre grand silence et notre complaisance, sont poursuivis par l'actuel président du Congo-Brazzaville ? Que faisons-nous pour ceux qui sont pourchassés dans les forêts du Congo ? On vient de se décider, paraît-il, à envoyer une force d'interposition. Il serait temps !
    Et quand on regarde, par exemple, la politique d'un de nos nouveaux alliés, M. Poutine, le grand ami de l'humanité - les Tchétchènes pourront en témoigner - que faisons-nous ? Allons-nous laisser introduire cette notion d'agent de protection ? C'est pour la combattre que nous soutenions, même si nous sommes dans l'opposition, le plaidoyer du Président de la République et de son ministre des affaires étrangères en faveur du multilatéralisme et du droit contre toutes les formes de violence et de sauvagerie qui perdurent dans ce monde complexe.
    En instituant l'agent de protection, vous ne faites qu'ouvrir la porte à tous les apprentis dictateurs, à tous les petits tyrans qui sont prêts à tout, y compris à la suppression de la vie et aux massacres, pour assouvir leur volonté de pouvoir. C'est le retour de l'arbitraire. Il faut donc se doter d'instruments qui ne soient pas seulement souverainistes et français, mais qui soient aussi européens et internationaux pour régler ces problèmes qui nous dépassent.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Mamère, nous sommes dans le cadre d'une loi, d'un article et d'un amendement. Et vous pouvez toujours faire votre numéro sur la défense des droits de l'homme et l'idée de la France dans le monde : ce gouvernement n'a pas de leçons à recevoir de vous.
    En ce qui concerne l'apparente contradiction que vous avez cru déceler dans ses positions et que M. Caresche avait subtilement évoquée, il ne me semble pas que la France ait trouvé que la présence des troupes anglo-américaines en Irak soit un élément de protection totale sur l'ensemble du territoire garantissant qu'il n'y ait pas de réfugiés de ce pays. Par conséquent, ne répondez pas à M. Caresche en interpellant la commission ou le Gouvernement. M. Caresche a choisi volontairement, non sans subtilité, un mauvais exemple. Cela ne vous autorise pas à le reprendre pour essayer de mettre le Gouvernement en contradiction.
    Discutons plutôt de cette loi, des amendements et des articles. La salle des Quatre-Colonnes n'est pas loin. Je suis sûr que vous y serez interrogé tout à l'heure, monsieur Mamère.
    M. Noël Mamère. Je demande la parole.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ça suffit !
    M. le président. Pardonnez-moi, monsieur Mamère, mais vous pourrez vous exprimer sur les autres amendements.
    M. Noël Mamère. J'ai été personnellement mis en cause !
    M. le président. Pour un fait personnel, vous pourrez intervenir en fin de séance. Mais je vous accorde quelques mots. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Je retire mon propos, monsieur le président, cela nous permettra de gagner du temps.
    M. Noël Mamère. Monsieur le rapporteur,...
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Si vous me répondez, je le maintiens !
    M. Noël Mamère. ... je suis, tout comme vous, porteur de la légitimité démocratique des électeurs qui m'ont désigné à la représentation nationale.
    M. le président. Nous le sommes tous, monsieur Mamère.
    M. Noël Mamère. A ce titre, mon univers ne se réduit pas à la salle des Quatre-Colonnes, il s'étend à la construction de l'Etat de droit.
    M. le président. Monsieur Mamère, vous avez pu vous exprimer durant tout ce débat, au-delà même des droits que vous confère le règlement...
    M. Noël Mamère. Le droit d'amendement est imprescriptible !
    M. le président. ... puisque vous avez pris la parole dans les explications de vote sur les motions de procédure, alors que les députés Verts ne sont que trois et ne constituent pas de groupe.
    Ce débat s'est très bien déroulé jusqu'à maintenant et je souhaite qu'il se poursuive de même.
    M. Noël Mamère. Alors, que M. Leonetti cesse de me provoquer !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gantier et M. Vercamer ont présenté un amendement, n° 97, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, supprimer les mots : "des partis ou des organisations, y compris des organisations internationales. »
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani a présenté un amendement, n° 102, ainsi libellé :
    « Après le mot : "internationales, rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 : "à condition que ces autorités exercent un contrôle effectif sur l'Etat ou sur une partie substantielle du territoire de cet Etat. »
    La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir cet amendement.
    M. Christian Vanneste. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Et du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 6, 45 et 115.
    L'amendement n° 6 est présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 45 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ; l'amendement n° 115 est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 6.
    M. Serge Blisko. L'asile interne - nous y voilà ! - n'a rien pour nous rassurer. Il nous inquiète même, car il n'est pas au point. Le sera-t-il un jour ? Quantité d'exemples nous viennent à l'esprit. Certains ont été donnés, tant en commission qu'en séance publique, qui montrent bien l'extrême difficulté technique de sa mise en oeuvre et l'extrême danger que nous faisons courir aux demandeurs d'asile avec une telle notion. Renvoyer des gens dans une partie que l'on croit sûre de leur territoire me paraît non seulement difficile, mais très périlleux et même contraire à la convention de Genève et à la Constitution. Ou bien on est réfugié et on obtient le statut, ou bien on ne l'est pas, mais on ne peut pas l'être, si je puis dire, chez ses voisins.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l'amendement n° 45.
    M. Noël Mamère. Je rappelle, monsieur le président, car je souhaite que cela figure au Journal officiel, que le droit d'amendement est imprescriptible, y compris pour les députés non inscrits, puisque nous sommes tous porteurs d'une part de la souveraineté nationale.
    M. le président. Mais le droit de s'exprimer ne s'exerce que jusqu'à ce que l'Assemblée soit suffisamment éclairée.
    Alors venons-en à l'amendement n° 45.
    M. Noël Mamère. Bien sûr. Je confirme les propos de Serge Blisko et ce que j'ai dit au nom des députés Verts dans la discussion générale.
    Juridiquement, l'asile interne ne nous semble conforme ni à l'esprit de la convention européenne des droits de l'homme ni à la Constitution.
    Sur le plan pratique, il est bien compliqué de le définir pour celui qui en serait non pas le bénéficiaire, mais la victime. Dans ce monde complexe décrit par M. le rapporteur, il serait intéressant de savoir comment un tzigane de Roumanie interprète l'asile interne. Quelle idée s'en fait un Kurde de Turquie. Ce qu'il signifie pour un Afghan qui, dans un pays, paraît-il, libéré n'appartient pas à un des clans des seigneurs de guerre. On pourrait décliner à l'envi les exemples de pays où l'on prétend qu'il existe des zones relativement sûres pouvant offrir l'asile interne, alors que nous savons pertinemment qu'elles présentent un risque pour la liberté et même la vie du demandeur.
    Voilà pourquoi cette notion dangereuse, régressive et en retrait par rapport à la convention de Genève nous semble devoir être supprimée.
    M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour défendre l'amendement n° 115.
    M. André Gerin. Je ne vais pas reprendre l'argumentation que nous avons développée à propos de l'amendement concernant les agents de protection interne. Mais la notion d'asile interne nous paraît avoir des conséquences encore plus graves, parce qu'elle revient à admettre dans les faits que la partition d'un Etat pourrait être une solution pour assurer la sécurité sur une partie de son territoire.
    L'histoire même de notre pays nous offre un bon exemple. Au nom de cette notion, la Grande-Bretagne aurait-elle dû refuser l'asile au général de Gaulle en 1940 au prétexte qu'il existait une zone libre ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cette disposition risque d'inciter l'OFPRA à rechercher en priorité une éventuelle zone sûre plutôt que d'examiner la situation des demandeurs d'asile.
    M. Charles Cova. Et à Moscou, il y avait un droit d'asile ?...
    M. André Gerin. Gardez votre calme, mes chers collègues, même si ce sont des vérités qui fâchent !
    M. Charles Cova. Et Thorez ?
    M. le président. Monsieur Gerin, évitez les provocations ! Jusqu'à présent, nous avons discuté sur le fond, et je souhaite que le débat aille à son terme dans d'aussi bonnes conditions. Par conséquent, gardons-nous, de part et d'autre, de susciter de trop vives réactions.
    M. André Gerin. Ce n'est pas mon style, vous le savez très bien !
    M. le président. C'est pour cela que je vous le dis.
    M. Charles Cova. Laissez le général de Gaulle tranquille, monsieur Gerin !
    M. André Gerin. Vous voyez bien, monsieur le président, que je ne mérite pas cette critique. Ce n'est pas moi qui réagis, ce sont les membres de l'UMP. De ma part, ce n'était qu'un clin d'oeil historique...
    M. le président. Revenons-en aux amendements de suppression.
    Quel est l'avis de la commission, monsieur le rapporteur ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. M. Gerin a raison d'invoquer cet exemple. Winston Churchill examine la demande de Charles de Gaulle. (Sourires.) La France, occupée, est séparée en deux. Winston Churchill est un homme raisonnable...
    M. Noël Mamère. Il boit beaucoup !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Déterminé, mais raisonnable, ce qui est assez compatible. Comment pourrait-il considérer que sur le territoire de la France dite « libre » Charles de Gaulle ne court pas le moindre risque ? Sachant que le général s'est dressé non seulement contre les envahisseurs, mais aussi contre le gouvernement qui collaborait avec l'Allemagne nazie, Winston Churchill considérerait qu'il est en danger sur l'ensemble du territoire et lui accorderait de toute évidence le droit d'asile. C'est ainsi que Charles de Gaulle aurait été le premier réfugié accueilli en Angleterre.
    M. André Gerin. Vous mettez le doigt sur votre contradiction !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Votre démonstration, monsieur Gerin, montre que l'asile interne est une notion difficile à cerner...
    M. André Gerin. Nébuleuse, même !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. ... et que son application doit être extrêmement restrictive. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, avec le soutien de la commission, qui a beaucoup travaillé à ce sujet, a voulu encadrer cette notion dans une définition très stricte, de telle sorte qu'il soit exclu que le moindre doute puisse ne pas bénéficier à celui qui demande la protection de la France.
    Alors, faisons confiance aux mots « raisonnable », « aucun risque » et à ceux qui figurent dans l'amendement du Gouvernement, et puis faisons confiance aussi à l'esprit dont procède cette mesure : il y a certainement à l'OFPRA des gens raisonnables qui peuvent raisonnablement penser que nous n'avons aucun intérêt, pour l'image de la France et pour la protection de chaque personne humaine, à commettre de telles erreurs.
    M. André Gerin. Belle touche !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Mesdames et messieurs les députés, l'asile interne est évidemment un apport important de ce projet de loi. Cette notion tient compte de l'évolution de la situation dans le monde, du changement de la nature des conflits, de la nature des persécutions, de l'identité de leurs auteurs.
    Le concept d'asile interne n'est absolument pas contraire à la convention de Genève, ce que confirme le Haut Commissariat aux réfugiés. Il est vrai cependant - et c'est pourquoi les amendements présentés à ce sujet méritent d'être soigneusement étudiés - que ce concept doit être manié avec beaucoup de prudence.
    Le Gouvernement en est tout à fait conscient. Aussi a-t-il prévu que l'asile interne ne serait pas appliqué abstraitement, automatiquement, de manière indistincte à tous les demandeurs, sur la base, par exemple, de listes préétablies de pays ou de régions qui seraient classés comme sûrs. Au contraire, il y aura lieu de procéder à une évaluation au cas par cas et d'examiner chaque dossier individuellement. C'est bien cela, le travail qu'accomplissent l'OFPRA et la Commission des recours des réfugiés.
    Ceux d'entre nous qui sont amenés à suivre un conflit particulier, par exemple sur le territoire africain - et je n'en fais que trop fréquemment l'expérience - savent pertinemment qu'une protection peut être estimée suffisante dans une partie du territoire pour une catégorie d'individus, comme une ethnie, alors qu'elle ne l'est plus du tout pour une autre ethnie.
    C'est pour essayer de donner des garanties à cet égard que le Gouvernement a proposé, dans son amendement n° 88, une rédaction qui encadre très précisément cette notion. Tout en exprimant un avis défavorable sur les quatre amendements de suppression, j'invite donc l'Assemblée à prêter attention à cette définition qu'elle examinera dans quelques instants.
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Je vous écoute les uns et les autres et je vois à quel point vous-mêmes avez peur de cette notion. Vous, monsieur le ministre, qui voulez en encadrer la mise en oeuvre dans un amendement, et vous, monsieur Leonetti, qui nous dites : « Il faut être très prudent. » Quand on a tellement peur de quelque chose, pourquoi vouloir absolument s'y risquer ? Et j'ai envie de vous rassurer en vous proposant une solution plus simple : « Supprimez cette affaire et tout marchera mieux ! »
    Je vais y aller, moi aussi, de mon exemple. Sous la législature précédente, j'ai eu l'occasion de me rendre dans ce qu'il est convenu d'appeler la Macédoine, que les diplomates dénomment plus précisément la FYROM, the Former Yugoslav Republic of Macedonia. Dans cette région qui était toujours en proie aux conflits, où vit le peuple macédonien qui s'est révélé peuple national depuis 1990 et qui est plutôt un mélange ethnique, une mosaïque, une « macédoine », si j'ose dire, de cultures, de religions et de langues, la situation différait de village à village. Il y avait au nord des villages majoritairement peuplés d'Albanais et, à la frontière de la Serbie, des villages majoritairement peuplés de Serbes. Chacun de ces villages s'adonnait à des persécutions et s'appliquait à embêter son voisin, mais avec des armes, puisque, en ex-Yougoslavie, ils ont tous des kalachnikovs et des canons légers.
    Alors, malgré la science, que je présume très grande, des officiers de protection de l'OFPRA, je ne sais pas dans quel village ils auraient envoyé tel ou tel malheureux. D'autant qu'il demeure des nuances d'espoir, puisque beaucoup de couples sont issus de deux villages différents, de deux religions différentes. On l'a bien vu à Sarajevo où il était formidable de voir des Musulmans de Bosnie mariés avec des Serbes ou avec des Croates et qui essayaient, dans ce monde de fous, de faire entendre la voix de la raison. Que faire ? Allez-vous envoyer le mari, d'origine musulmane, dans tel coin de Bosnie et la femme, catholique croate, à Zagreb ou à Dubrovnik ? Et je ne parle pas des enfants : ont-ils le droit, eux, d'être massacrés des deux côtés ?
    On voit bien, à cet exemple, que l'asile interne ne peut pas marcher : justement, monsieur le rapporteur, parce que le monde s'est terriblement compliqué depuis les temps antérieurs à 1990, où la question de l'asile, des persécutés et des réfugiés était aussi simple que vous l'avez décrite.
    Dans ce monde éclaté, le mieux que l'on puisse faire face à des drames aussi terribles, c'est d'accorder un asile, j'allais dire classique, chez nous, où on protégera, où on « cocoonera » ces gens qui sont les grands blessés de l'histoire et des conflits récents. Voilà pourquoi il faut absolument supprimer l'asile interne.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 6, 45 et 115.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 79, ainsi rédigé :
    « Au début du dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, substituer aux mots : "L'office peut rejeter la demande d'asile d'une personne qui aurait les mots : "Tout en reconnaissant le bien-fondé de la demande d'asile d'une personne, l'office peut, le cas échéant, la rejeter au motif que le demandeur a. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cette rédaction plus précise nous semble meilleure parce qu'elle se rapproche de la future directive. Nous souhaitons que soit examiné et reconnu le bien-fondé de la demande d'asile avant son éventuel rejet au motif de l'existence d'une protection interne suffisante. C'est un amendement de méfiance, monsieur le ministre.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Oh !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission, monsieur le rapporteur ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. La commission travaillant plutôt dans un climat de confiance, elle émet un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis.
    M le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Blisko et M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 80, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, après le mot : "protection, insérer le mot : "effective. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Je considère que cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 81, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, après les mots : "qu'elle peut, insérer les mots : "accéder et. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cet amendement se justifie par son texte même.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 82, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par les mots : "au regard de la sécurité, des conditions politiques et sociales et de sa situation personnelle, notamment de son âge, de son sexe, de son état de santé, de sa situation familiale et de ses liens ethniques, culturels et sociaux. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Il s'agit de préciser les conditions que les agents de l'OFPRA doivent prendre en compte pour accorder l'asile. Alors qu'un certain nombre de choses ne vont pas dans notre monde difficile, il ne faut pas se contenter de généralités. Il convient au contraire de faire en sorte que tous les éléments aient été examinés. Je regrette d'avoir parlé tout à l'heure « d'amendement de méfiance » : il s'agit plutôt d'un amendement de précaution.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. A mon avis, cet amendement sera satisfait par l'amendement n° 88 du Gouvernement. Donc avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 88, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par la phrase suivante : "L'office tient compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire et de la situation personnelle du demandeur au moment où il statue sur la demande d'asile. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je vais être bref puisque nous avons évoqué cette question il y a peu de temps. Il ne s'agit pas, comme je l'ai entendu dire, d'apaiser une sorte d'inquiétude qui nous saisirait brusquement,...
    M. Serge Blisko. Un vertige !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. ... mais simplement de tenir compte des différentes suggestions et de répondre aux différentes questions qui sont posées. C'est tout l'intérêt du débat parlementaire. Cet amendement vise précisément à apporter des compléments au texte initial en définissant plus rigoureusement et plus précisément les conditions dans lesquelles l'office peut rejeter la demande d'asile d'une personne.
    Le Gouvernement propose donc de compléter le dernier alinéa du III par la phrase suivante : « L'office tient compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire et de la situation personnelle du demandeur au moment où il statue sur la demande d'asile. » La mission de l'office est ainsi précisée : il doit examiner à la fois la situation dans le territoire et la situation personnelle du demandeur. Le Gouvernement pense que cette rédaction est une bonne synthèse des différents soucis exprimés par les orateurs dans leurs amendements précédents.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je m'interroge d'abord sur la portée juridique de cet amendement.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Ne faites donc pas la fine bouche !
    M. Christophe Caresche. Mais je trouve surtout qu'il est parfaitement révélateur des inquiétudes provoquées par la mise en oeuvre de la notion d'asile interne, inquiétudes que le Gouvernement partage manifestement. L'exposé des motifs est tout à fait parlant : « La notion d'asile interne correspond à la réalité des situations de crise actuelles. Il convient cependant d'être prudent et de s'assurer avec une vigilance particulière que nul ne pourra être renvoyé dans un pays ou une région où il risquerait d'être persécuté. » L'amendement trahit donc les inquiétudes que le Gouvernement éprouve à l'égard de son propre texte. La possibilité de renvoyer le demandeur d'asile dans un pays ou une région où il risquerait d'être persécuté n'est manifestement pas totalement exclue par le Gouvernement.
    Cela renforce nos réserves à l'égard de ce texte et plus particulièrement de cette notion d'asile interne. J'ajoute qu'il aurait été intéressant que le Gouvernement rende public l'avis du Conseil d'Etat, car nous considérons que cette notion constitue un motif très sérieux de censure par le Conseil constitutionnel.
    M. Pierre Cardo. On verra !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 21, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, substituer aux mots : "dont on a les mots : "s'il existe. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 47 et 116.
    L'amendement n° 47 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ; l'amendement n° 116 est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    « Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 47.
    M. Noël Mamère. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai également l'amendement n° 116.
    M. le président. D'accord.
    M. Noël Mamère. L'ajout de clauses d'exclusion à la protection subsidiaire autres que celles prévues par la convention de Genève, en particulier la référence à un « crime grave de droit commun », sans précision de lieu de la commission de ce crime, alors que cette notion, dont les éléments constitutifs ne peuvent être répertoriés, est en droit français des plus mouvantes, est inquiétante et paraît incompréhensible. En effet, pourquoi le demandeur de la protection subsidiaire serait-il soumis à des conditions d'exclusion plus rigoureuses qu'un demandeur du statut de réfugié ?
    De plus, contrairement à ce que prétend le ministre des affaires étrangères dans l'exposé des motifs de son projet de loi, la possibilité offerte à l'office d'exclure de la protection subsidiaire un demandeur qui aurait commis un crime grave ou qui mencacerait la sécurité ou l'ordre public n'est pas une possibilité prévue « à l'instar des dispositions de l'article 1 F de la convention de Genève de 1951 ».
    L'amendement n° 116 de mes collègues Gerin et Braouezec vise, comme le nôtre, à supprimer la commission d'un crime grave de droit commun des motifs d'exclusion de la protection subsidiaire. En effet, dans certains pays, les infractions de nature politique sont souvent considérées comme des crimes de droit commun et cette disposition serait une porte ouverte à l'arbitraire.
    Avec ce qui vient d'être voté s'agissant de la notion d'asile interne, nous ne renforçons pas, loin de là, la protection des persécutés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. La protection subsidiaire est de la compétence nationale. On n'est pas dans le cadre de la convention de Genève. Certes, cette distinction peut faire l'objet de débats. Il n'en reste pas moins qu'il existe deux types de protection offertes aux réfugiés. Dans ce contexte, et même si l'on reprend la convention de Genève, le crime grave doit être commis en dehors du pays. Sur le fond, essayons de faire preuve ensemble d'un peu de bons sens : si la compétence est nationale, qui pourrait prendre la responsabilité de faire pénétrer sur le territoire français, au titre de la protection subsidiaire ou en qualité de réfugié, quelqu'un qui a commis un crime grave de droit commun ?
    M. Noël Mamère. Qu'est-ce que vous en savez ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. A un moment, monsieur Mamère, il faut redescendre sur terre et regarder ce qui se passe dans la pratique. Avec ces amendements, nous sommes en dehors des clous !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Même avis que la commission. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par seul vote les amendements n°s 47 et 116.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 83, ainsi rédigé :
    « Compléter le b du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 par les mots : "en dehors du pays d'accueil avant d'y être admise en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cet amendement de précision reprend ce que vient de dire M. Leonetti. Je suppose donc qu'il va l'accepter.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. Serge Blisko. Incroyable !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, n°s 7, 48, 65 et 117.
    L'amendement n° 7 est présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 48 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Cochet ; l'amendement n° 65 est présenté par M. Pinte ; l'amendement n° 117 est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le d du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 7.
    M. Serge Blisko. Pourquoi donner à l'OFPRA, qui a déjà une mission précise et parfois difficile à accomplir, le pouvoir de décider en plus s'il y a risque d'atteinte à l'ordre public. Celui-ci est d'ores et déjà dévolu au ministre de l'intérieur et aux préfets, qui peuvent décider qu'un étranger bénéficiant ou souhaitant bénéficier de la protection subsidiaire ne doit pas séjourner sur le territoire national en raison des risques que présente son séjour pour l'ordre public. C'est là une compétence de l'Etat. Pourquoi la déléguer à l'OFPRA, qui n'a pas à connaître de troubles à l'ordre public, potentiels ou virtuels ?
    Il existe effectivement des cas - on en compte quatre ou cinq par an - où la personnalité qui arrive est controversée et peut être considérée comme générant un trouble à l'ordre public. Mais dans la mesure où ce n'est pas le problème de l'OFPRA, nous proposons de supprimer le d du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952.
    M. Christophe Caresche. C'est l'effet Sarkozy !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir les amendements n°s 48 et 117.

    M. Noël Mamère. Je vais reprendre les arguments qui viennent d'être invoqués par mon collègue Blisko. En effet, le 3° de l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 autorise le refus d'admission au séjour de demandeur d'asile seulement si ce dernier constitue une menace grave pour l'ordre public, et non s'il constitue une menace simple pour l'ordre public, comme le présent texte. Celui-ci ajoute en effet des clauses d'exclusion à la protection subsidiaire, restreignant ainsi davantage encore le champ d'application de la protection des persécutés. Sans faire de provocation et comme vient de le dire mon collègue Caresche, le sentiment que ces dispositions ont été inspirées non pas par le ministre des affaires étrangères, mais par celui de l'intérieur.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 65.
    M. Etienne Pinte. Ce matin, le ministre nous a donné des explications sur les motivations du Gouvernement à propos de cette disposition. Et je crois pouvoir dire en toute honnêteté qu'il nous a en partie rassurés. Je m'interroge néanmoins encore sur deux points. Ainsi l'OFPRA a-t-il dans ses compétences juridiques la possibilité d'exercer des pouvoirs qui ne lui ont jamais été jusqu'à présent attribués ? C'est la raison pour laquelle on peut se poser la question du fondement constitutionnel de cette disposition. Je rappelle par ailleurs, puisqu'on nous explique à tout bout de champ qu'il faut harmoniser au plan communautaire ces dispositions, que cette clause d'exclusion n'est pas prévue à l'article 17 de la proposition de directive du 12 septembre 2001, en tout cas dans sa dernière version publiée. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé la suppression de cet alinéa.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Les réponses sont un peu courtes s'agissant d'un point qui n'est pas totalement anecdotique. M. Pinte a notamment invoqué des arguments juridiques. On va en effet confier à un établissement public une compétence d'ordre public. Or je croyais que celle-ci était une compétence régalienne, qui relevait du ministre de l'intérieur. Il y a là une sorte d'innovation juridique et législative qui mériterait d'être éclairée. Je souhaiterais donc que le Gouvernement nous réponde plus précisément, d'autant que, comme le dit M. Pinte, il peut y avoir un motif d'inconstitutionnalité.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Vous connaissez parfaitement la réponse, monsieur Caresche. D'abord, l'amendement suivant tend à mieux cerner cette menace. Si la menace à l'ordre public est « légère » - pardon d'exprimer un adjectif relativement faible en termes de droit - l'OFPRA n'aura pas à prendre cet élément en considération. En revanche, si la menace à l'ordre public est grave, il faut donner à l'OFPRA les moyens d'intervenir. Le terrorisme international, cela existe et cela peut exister aussi sur notre sol. Enfin, s'il fallait ajouter un argument, je dirais que cela figure clairement dans les directives européennes qui vont très certainement être adoptées compte tenu du contexte international. Donc, il paraît logique de prévoir cette dispositiion dans le présent texte.
    Anecdotiquement, vous qui vous préoccupez tant que le ministre de l'intérieur pénètre en force au sein de l'OFPRA et s'immisce dans les problèmes des réfugiés, vous devriez vous réjouir qu'une compétence d'ordre public soit donnée à l'OFPRA, organisme indépendant.
    M. Serge Blisko. Vous ne nous avez pas rassurés !
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le rapporteur, désolé de vous contredire, mais vous ne nous avez pas rassurés. D'ailleurs, vous venez, en quelque sorte, de lever le couvercle du pot de confiture pour nous montrer ce qu'il y a dedans. « Vous vous plaignez du fait que le ministère de l'intérieur mette la main sur l'OFPRA », nous avez-vous dit. Eh bien c'est précisément parce que le ministère de l'intérieur a mis la main sur l'OFPRA que ce dernier va assumer maintenant des fonctions d'ordre public et de police qui sont des fonctions régaliennes.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Mamère, vous avez un certain talent pour détourner les propos des autres. Mais préoccupez-vous plutôt de comprendre ce que vous exprimez au lieu de faire l'exégèse de ce que vous ne comprenez pas lorsque vos adversaires politiques exposent des arguments et essaient de faire un peu d'humour à ce stade du débat.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 7, 48, 65 et 117.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 22, ainsi rédigé :
    « Dans le d du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, après le mot : "menace, insérer le mot : "grave ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. J'ai défendu cet amendement en répondant à M. Mamère sur les amendements précédents.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 49 et 118.
    L'amendement n° 49 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Cochet ; l'amendement n° 118 est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir les amendements n°s 49 et 118.
    M. Noël Mamère. Je commencerai par demander à M. le rapporteur d'avoir la gentillesse de bien vouloir se calmer. Je pensais qu'il considérait que le débat devait se poursuivre dans une atmosphère constructive. Je lui rappelle que nous sommes là pour défendre les libertés, les améliorer, et pas pour tourner en ridicule ceux qui siègent sur ces bancs et qui essaient de remplir la fonction pour laquelle ils ont été élus.
    L'amendement que nous proposons avec mes collègues Verts, bien que nous ne soyons que trois, vise à supprimer l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. Le projet de loi prévoit que le titre de séjour du bénéficiaire pourra lui être retiré à tout moment, ce qui risque de le laisser dans une incertitude permanente - nous l'avions d'ailleurs fait observer dans la discussion générale - et prouve la nature précaire du nouveau statut de protection subsidiaire.
    Quant à l'amendement n° 118, ses auteurs considèrent que la possibilité de « réexamen » et de « retrait à tout moment » de la protection subsidiaire confond les clauses d'exclusion du statut et les clauses de cessation du statut.
    La convention de Genève, puisque nous y faisons souvent référence dans ce débat, et c'est normal, les distingue pourtant très clairement, les clauses d'exclusion figurant à l'article 1er D et E, les clauses de cessation à l'article C.
    Par ailleurs, cette disposition est inquiétante et dangereuse, car elle passe sous silence la procédure de réexamen et de retrait, alors que, pour les réfugiés, ces mesures ouvrent droit à un recours suspensif devant la commission de recours.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Que mon collègue Noël Mamère sache bien que je respecte autant sa personne que ses électeurs. Connaissant sa vive intelligence, j'avais simplement trouvé que son interprétation était tellement à côté de ce que j'avais exprimé que je ne pouvais pas penser qu'il ne sagissait pas là d'une volonté perverse de détourner la vérité.
    Quant aux amendements n°s 49 et 118, il faut bien lire le texte du projet. Je reprends les termes de l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 : « L'office, procédant à son initiative ou à la demande du représentant de l'Etat à un réexamen, peut retirer à tout moment » - et c'est cette expression qui vous fait dire qu'il y a une certaine précarité - « le bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérés aux alinéas a, b, c et d précédents. » Or, dans ces alinéas, figurent entre autres les activités terroristes.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Avis défavorable, pour les raisons que vient d'indiquer le rapporteur.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 49 et 118.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 72, ainsi rédigé :
    « Dans l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, supprimer les mots : "ou à la demande du représentant de l'Etat. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. En prévoyant que l'Etat dispose de la possibilité de saisir l'OFPRA afin qu'il retire une protection subsidiaire, le projet instaure une rupture au regard de la pratique qui prévaut depuis la création de l'office. L'Etat ne peut pas de manière concomitante renforcer la tutelle sur l'OFPRA et s'octroyer un droit de recours contre ses décisions. Nous souhaitons donc la suppression des mots « ou à la demande du représentant de l'Etat ».
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. L'exemple que l'on a pris précédemment montre bien que le préfet peut être à même de demander le réexamen de la demande. Imaginons une activité terroriste : c'est bien le préfet qui va demander le réexamen. Dans la mesure où le ministre de l'intérieur aura connaissance des actes susceptibles de justifier le retrait, il est logique que l'on ne puisse pas supprimer la possibilité de réexamen à la demande du préfet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement partage le même avis. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 73 de M. Blisko n'a plus d'objet.
    M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 23, ainsi rédigé :
    « A la fin de l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, substituer au mot : "précédents les mots : "du présent paragraphe. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 50, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Le projet de loi prévoit le réexamen de la demande à chaque renouvellement. Cette disposition peut être interprétée comme laissant la charge de la preuve du non-changement au bénéficiaire de la protection. Elle nous semble donc en contradiction avec la proposition de directive du 12 septembre 2001 qui, dans ses motifs, stipule que le titre délivré au bénéficiaire de la protection subsidiaire doit être automatiquement renouvelé et que la preuve d'un changement permettant de refuser le renouvellement incombe aux autorités.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. M. Mamère a raison sur le fond, mais il faut encore relire le texte :
    « Il peut refuser à chaque échéance de renouveler le bénéfice de la protection subsidiaire » - et là, effectivement, c'est une source de précarité, mais il faut lire la suite - « lorsque les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celle-ci ne soit plus requise. » Autrement dit, on ne peut pas ne pas renouveler la demande, sauf si les circonstances qui ont justifié son octroi ont cessé. A contrario, en lisant le texte d'une façon positive et non plus négative, on voit que le renouvellement est automatique, sauf si les conditions cessent d'exister, ce qui paraît normal.
    M. Pierre Cardo. M. Mamère a raison. C'est à l'intéressé d'en faire la preuve.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le rapporteur a très bien exposé le contenu du projet gouvernemental sur ce point.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 66, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du IV du texte proposé pour l'article 2 la loi du 25 juillet 1952 :
    « Le bénéfice de la protection subsidiaire doit être renouvelé automatiquement, à moins qu'il soit établi par l'Office que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond et durable pour que la protection ne soit plus requise. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Mon amendement n'a pas pour objet de supprimer le dernier alinéa de l'article 1er selon lequel la protection subsidiaire peut être refusée à chaque échéance, mais de le modifier. Je propose une rédaction plus ouverte, puisque, dans l'hypothèse où la situation aurait changé, on n'attendrait pas la fameuse échéance - dont, d'ailleurs, on ne précise pas le délai. De la sorte, la protection subsidiaire serait automatique, tout en laissant à l'OFPRA, dans des cas extrêmes et de force majeure, la possibilité d'en retirer le bénéfice à tout moment. L'amendement, je me permets de le souligner, met le projet de loi en conformité avec l'article 16 de la proposition de directive du 12 septembre 2001 dans sa dernière version publiée.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable, même si l'idée est la même.
    M. Serge Blisko et M. Christophe Caresche. C'est le renversement de la charge de la preuve !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. La rédaction du projet nous paraît préférable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2.- L'article 3 de la même loi est modifié ainsi qu'il suit :
    « I. - Les premier, deuxième et troisième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
    « L'office est administré par un conseil d'administration comprenant des représentants de l'Etat et un représentant du personnel de l'office. Le conseil d'administration fixe les orientations générales concernant l'activité de l'office. Il délibère sur les modalités de mise en oeuvre des dispositions relatives à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Le président du conseil d'administration est nommé parmi ses membres par décret sur proposition du ministre des affaires étrangères.
    « Le délégué du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés ainsi que trois personnalités qualifiées nommées par décret assistent aux séances du conseil d'administration et peuvent y présenter leurs observations et leurs propositions.
    « L'office est géré par un directeur général, nommé par décret sur proposition conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre de l'intérieur. »
    « II. - Après le cinquième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
    « Lorsqu'une demande d'asile est rejetée, le directeur général de l'office ou le président de la commission des recours des réfugiés transmet la décision motivée au ministère de l'intérieur. A la demande de ce dernier, le directeur général de l'office communique à des agents habilités des documents d'état civil ou de voyage permettant d'établir la nationalité de la personne dont la demande d'asile a été rejetée, ou à défaut une copie de ces documents, à la condition que cette communication s'avère nécessaire à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement et qu'elle ne porte pas atteinte à la sécurité de cette personne ou de ses proches. »
    La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l'article 2.
    M. Serge Blisko. Compte tenu de l'heure, j'attendrai de savoir si les amendements présentés par M. Leonetti modifient l'article 2 dans le bon sens, en particulier sur l'organisation interne de l'OFPRA. Il vaut mieux ne pas parler pour rien, surtout à dix-neuf heures vingt-cinq !
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur a présenté un amendement, n° 24 rectifié, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 2, après le mot : "comprenant, insérer les mots : "deux parlementaires, désignés l'un par l'Assemblée nationale et l'autre par le Sénat,. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Selon l'amendement, deux parlementaires désignés l'un par l'Assemblée nationale, l'autre par le Sénat, siégeront à l'OFPRA. Plusieurs amendements proposent que le rapport soit transmis à l'Assemblée nationale et que le point de vue des représentants du peuple soit pris en compte par l'OFPRA. Cet amendement suit la même logique.
    A titre de comparaison, la participation des parlementaires est d'ores et déjà prévue dans d'autres établissements publics placés sous tutelle du ministère des affaires étrangères, tels que l'agence pour l'enseignement français à l'étranger.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement est favorable à ce que des représentants du Parlement puissent siéger dans cette instance, comme c'est déjà le cas dans d'autres.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 8, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 2, substituer aux mots : "des représentants de l'Etat les mots : "un représentant du ministre des affaires étrangères, un représentant du garde des sceaux, ministre de la justice, un représentant du ministre de l'intérieur, un représentant du ministre des finances, un représentant du ministre du travail et de la sécurité sociale, un représentant du ministre de la santé publique et de la population. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Aux mots « des représentants de l'Etat », nous avons préféré substituer l'ancien texte, qui reprend tous les départements ministériels qui devraient, à notre avis, sièger au conseil d'administration, afin de lui garantir son caractère interministériel. La présence de fonctionnaires qui portent des regards différents est importante, qu'ils s'occupent de sécurité sociale, de travail, de population, de santé publique..., sans exclure le ministère de l'intérieur, que nous ne nous acharnons pas à chasser de partout. Dans un OFPRA aux compétences étendues, plusieurs hauts fonctionnaires venant d'horizons différents, avec chacun leur approche, nous semblent un atout.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Sur le fond, bien entendu, nous sommes d'accord pour conserver le caractère interministériel de l'OFPRA. Néanmoins, il s'agit d'une disposition à caractère réglementaire, ne serait-ce que parce qu'aujourd'hui le ministre est celui des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si son titre changeait, il faudrait revoir le texte de loi. Donc avis défavorable, tout en nous ralliant au fond.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je confirme, monsieur le président, le caractère interministériel du conseil d'administration de l'OFPRA. Le Conseil d'Etat a considéré que c'était plutôt du domaine réglementaire que relevait l'énumération des départements ministériels représentés, et qu'elle figurerait dans le décret d'application de la loi. C'est pourquoi, à ce stade, le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 25, deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l'article 2 par les mots : "ainsi que, pour la période comprise entre la date d'entrée en vigueur de la loi n°              du et              l'adoption de dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs, mentionnés au 2° de l'article 8.. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. S'agissant des pays sûrs, se pose le problème de l'autorité qui sera chargée d'en dresser la liste avant qu'elle ne le soit à l'échelon communautaire. A la proposition, intéressante au demeurant, de la publier par décret, nous avons préféré celle qui consiste à en charger l'OFPRA. Cet office a en effet prouvé son expérience dans ce domaine et sa connaissance de la situation du monde. Cette façon de procéder, à laquelle participeront de fait le HCR et les associations, nous paraît plus souple qu'un décret, dans la mesure où elle permet de modifier la liste à tout moment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement est favorable à l'amendement du rapporteur.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Ce n'est pas tant sur la procédure qui nous est proposée dans l'amendement de M. le rapporteur que sur la critique de la notion de pays sûr, que nous avons formulée depuis le début du débat, que je souhaite revenir. Encore une fois, qu'est-ce qu'un pays sûr ? La Turquie est-elle actuellement un pays sûr pour les Kurdes, la Côte d'Ivoire pour les personnes qui habitent le nord du pays ou l'Algérie pour ceux qui ne veulent se soumettre ni à la dictature des généraux ni à celle des intégristes ? Couplée à celle d'asile interne, que nous avons combattue tout à l'heure, cette notion me paraît dangereuse, car elle représente une sorte de régression par rapport à la convention de Genève.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Mamère, vous me donnez l'occasion de rappeler que la notion de pays sûr n'est pas nouvelle, puisque, en 1987, Jean-Pierre Chevènement déclarait - je vais être obligé de le citer à nouveau, même si je sais que vous ne partagez pas ses idées : « Il ne faut pas encombrer l'OFPRA et la commission de recours de demandes manifestement infondées. C'est le sens de la procédure d'examen des demandes prioritaires, c'est-à-dire accélérées. Elle concernera les ressortissants des pays devenus ou redevenus démocratiques. » Vous avez bien compris que, dans l'esprit du ministre de l'intérieur de l'époque, le pays « démocratique » était un pays « sûr », notion qui existait alors sous le terme de clause de cessation.
    C'est donc un faux débat que de prétendre que nous sommes en train de créer la notion de pays sûr. Non ! Elle existe depuis longtemps et elle était soumise à l'appréciation discrétionnaire d'un seul individu, qui décidait tout seul du caractère démocratique ou non du pays. Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est que dans le cadre de l'harmonisation européenne, une liste des pays sûrs soit publiée et qu'elle soit évolutive afin qu'elle puisse tenir compte des aléas - car la situation peut devenir explosive à tout moment dans n'importe quel pays - et être élaborée de manière plus démocratique et plus réfléchie.
    Encore une fois, arrêtons de dire que nous sommes en train de créer la notion de pays sûr. Elle existait, mais on l'utilisait sans que l'ensemble de la population et les médias le sachent, tel M. Jourdain avec la prose.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Nous aurons peut-être l'occasion de revenir sur la notion de « pays sûr » mais il ne faudrait pas qu'il y ait d'ambiguïté. J'ai ici la réponse du Gouvernement à l'avis de la commission consultative des droits de l'homme, la CNCDH, sur l'asile en France, émis le 6 juillet 2001. Elle est extrêmement claire : « Les autorités françaises regrettent, comme la CNCDH, la place importante réservée par la Commission au concept de "pays sûrs - concept que vous n'avez heureusement pas repris dans le projet de loi - « et de "pays d'origine sûrs », qui sont étrangers à notre tradition juridique en matière d'asile. Ces concepts, pourtant appliqués par la plupart de nos partenaires européens pour écarter d'office l'examen de certaines demandes, paraissent difficilement acceptables, surtout s'il s'agit d'établir des listes officielles de pays réputés sûrs. Bien que la Commission laisse aux Etats le choix d'appliquer ou non ces notions de pays sûrs - c'est effectivement l'argument que j'ai développé tout à l'heure, il s'agit de normes minimales et la directive européenne, qui n'est pas encore adoptée, ne nous oblige pas à appliquer ce concept - « la France soutient le principe d'un examen individuel de toutes les demandes d'asile ». Voilà la preuve que c'est une notion que nous réfutons, et le gouvernement précédent aussi.
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour une courte intervention.
    M. Serge Blisko. Il y a des pays sûrs et des pays qui ne le sont pas. Si l'on suivait cette logique, il y aurait des pays qui le seraient à moitié ou au quart ! Voyez La Résistible Ascension d'Arturo Ui : ça commence par une petite atteinte aux libertés et ça finit par la dictature la plus féroce, le schéma est connu.
    Je le répète, avec un tel concept, vous mettez le doigt dans un engrenage qui va broyer un certain nombre de demandeurs d'asile. Christophe Caresche le rappelait, vous avez heureusement réfuté la notion de « pays tiers sûr » qui nous aurait conduits à chercher, comme pour certains déchets nucléaires, des endroits où l'on pourrait installer des réfugiés. Mais n'y revenons pas, ce n'est pas dans le texte.
    En matière de pays d'origine sûr, je citerai un exemple frappant, il existe un Français, une personne de nationalité française, qui a obtenu l'asile politique aux Etats-Unis ! Or, nous sommes un pays sûr, nous le savons bien, surtout dans cet hémicycle. Le cas est très spécial, et même spécieux, mais c'est ainsi.
    Ses avocats ont monté et plaidé son dossier de sorte qu'il a obtenu l'asile politique des Etats-Unis. Il est donc des circonstances où un pays tout à fait sûr peut ne pas être considéré comme tel par un autre, au motif qu'il n'a pas accordé toutes les garanties à la défense.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Blisko, nous sommes d'accord sur le fait que la démocratie totale n'existe pas. Il faudrait d'ailleurs se méfier d'un pays qui se considérerait comme son parangon. La démocratie, c'est un chemin, une voie, c'est aussi le doute et la recherche perpétuelle d'un équilibre instable. C'est d'ailleurs à cela qu'on la reconnaît.
    En revanche, ne laissez pas croire non plus que le fait de venir d'un pays sûr interdit de demander l'asile. La demande est recevable en vertu d'une disposition qui n'est pas différente de celle utilisée par M. Jean-Pierre Chevènement en 1997, sauf que M. Chevènement, et pardonnez-moi de caricaturer, choisissait sans le dire quel pays était démocratique. Maintenant, il y a une liste...
    M. Christophe Caresche. Vous parlez de l'asile territorial ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. ... que nous sommes tenus de faire évoluer. Je suis caricatural parce que ce n'était pas Jean-Pierre Chevènement qui choisissait le « pays démocratique ».
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25, deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 9, 53 et 26, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 9, présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Après le nombre : "trois, rédiger ainsi la fin de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2 : "représentants, nommés par décret, des organisations officiellement habilitées à s'occuper des réfugiés. »
    L'amendement n° 53, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « Dans l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2, après les mots : "nommées par décret, insérer les mots : "et des représentants d'associations en charge de l'accueil des réfugiés et demandeurs d'asile. »
    L'amendement n° 26, présenté par M. Leonetti, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2 par la phrase suivante : « "Au moins l'une des trois personnalités qualifiées susmentionnées représente les organismes participant à l'accueil et à la prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 9.
    M. Serge Blisko. Avant de défendre mon amendement, je souhaite entendre M. le rapporteur sur l'amendement n° 26 pour savoir si, comme il l'a annoncé, il a des propositions plus précises à formuler.
    M. le président. Monsieur Noël Mamère, souhaitez-vous défendre votre amendement n° 53 ?
    M. Noël Mamère. Oui, monsieur le président, parce que je n'ai pas encore entendu de propositions claires sur la représentation des organisations chargées de l'accueil des réfugiés au sein du conseil d'administration del'OFPRA.
    Je me suis déjà plaint, dans la discussion générale, que le projet de loi ne prévoie plus la présence de représentants d'organisations non gouvernementales. Il parle seulement de la désignation par décret de trois personnalités qualifiées. Or nous savons tous combien il est important que des relations étroites soient établies entre l'OFPRA et les associations.
    Si elle était maintenue en l'état, la modification risquerait d'être un recul important au regard du nécessaire dialogue et de la coopération entre l'OFPRA et les associations, au moment même où la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA est accrue pour le projet de loi.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 9 et 53, et pour soutenir l'amendement n° 26.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Ces trois amendements visent à réintroduire les associations à l'intérieur del'OFPRA. La rédaction initiale du projet prévoyant la désignation de trois personnalités qualifiées, nous avons présenté un amendement qui précise qu'une de ces trois personnes au moins devra représenter obligatoirement les organismes qui participent à l'accueil et à la prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés.
    La commission a entendu les représentants des associations, qui accomplissent un travail remarquable sur le terrain. Ils s'inquiétaient d'être exclus d'un dispositif tel que l'OFPRA. Or qui peut le plus peut le moins : si plusieurs des personnalités choisies viennent de leurs rangs, tant mieux, mais on pourra aussi choisir des personnalités pour leurs connaissances, leur travail ou leurs compétences particulières. Nous appuyant sur le fait que, auparavant, une seule personne représentait ces associations, nous avons prévu une personnalité au moins au lieu de viser trois organismes.
    M. Serge Blisko. Convaincu par le rapporteur, je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 53 et 26 ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 53 et favorable à l'amendement n° 26 de la commission.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Monsieur le rapporteur, la personnalité représentant les associations pourra-t-elle prendre part aux décisions ou se bornera-t-elle, comme vous l'écrivez dans l'exposé sommaire, à présenter ses observations et ses propositions, ce qui signifierait qu'elle aurait seulement une voix consultative et non délibérative ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. En cela, monsieur Mamère, votre amendement ne diffère pas de celui de M. Blisko ou du mien. Vous n'avez pas prévu de donner pouvoir de décision au représentant des associations. Je vous confirme donc qu'il pourra faire seulement des propositions et qu'il n'aura qu'une voix consultative.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 52, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du I de l'article 2. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. L'alinéa que je propose de supprimer par cet amendement illustre bien l'esprit de ce projet de loi. J'ai en effet déjà indiqué qu'il nous donne le sentiment que le ministère de l'intérieur mettait la main sur l'OFPRA. Nous en avons la preuve avec cette disposition, alors qu'il semble totalement inutile, et même plutôt néfaste, que le ministre de l'intérieur participe au choix du directeur de l'OFPRA, ce choix ne relevant nullement de ses compétences et de ses domaines de responsabilité.
    Cela démontre que ce projet de loi est inspiré non par le désir de protéger des personnes persécutées, mais par la volonté d'instaurer une gestion restrictive des flux migratoires et par la stratégie sécuritaire mise en place par ce gouvernement depuis qu'il est en charge des responsabilités.
    M le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Franchement, monsieur Mamère, je me demande toujours si vous croyez vraiment ce que vous dites, ou si vous le dites strictement par provocation.
    M. Noël Mamère. Ah ça ! Je ne le sais pas moi-même !
    M. Pierre Cardo. Lui même ne le sait pas !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Me voilà rassuré !
    M. Noël Mamère. Vous tournez un député en dérision, monsieur le rapporteur. Ce n'est pas courageux !
    M. le président. Monsieur le rapporteur, jusqu'à présent tout se passait bien. (Sourires.)
    M. Jean Leonetti. Si nous ne votions pas ce texte, trente mille demandes d'asile territorial continueraient d'être traitées par les préfets. Or ces derniers sont sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Cela signifierait que trente mille personnes qui demandent protection à la France dépendraient directement des préfectures, sans aucune possibilité de recours contre des avis de refus non motivés, le seul critère étant l'intérêt du pays !
    Ne pensez-vous pas que, compte tenu du fait que tous les dossiers seront désormais confiés à l'OFPRA, lequel restera sous l'unique tutelle du ministre des affaires étrangères, la moindre des choses est de faire en sorte que le ministère de l'intérieur puisse collaborer en amont et en aval ?
    En amont, cela s'impose parce que la protection subsidiaire est du ressort de la nation, mais je sais bien que ce mot vous choque ! En conséquence, il est logique que soient associés celui auquel incombe la protection internationale, c'est-à-dire le ministère des affaires étrangères, et le ministère de l'intérieur, qui veille au respect des intérêts de la nation.
    Par ailleurs, arrêtons de considérer dans ce pays que le ministère de l'intérieur est obligatoirement constitué de tortionnaires, d'éjecteurs de demandeurs d'asile, de personnes qui n'ont qu'une obsession en tête : refouler aux frontières de pauvres gens qui viennent demander à la France un brin d'humanité. Vous connaissez certainement comme moi, mon cher collègue, des ministres de l'intérieur qui ont été, qui sont, voire qui seront des républicains et des démocrates. Dans ce contexte, on peut penser que la force publique, dans une République, est là pour défendre les individus, et non pas pour les opprimer. Il ne faut pas confondre les forces de l'ordre dans une République et les forces de répression dans unedictature.
    Or il me semble - et la liberté de parole que vous avez et dont je me réjouis en est la preuve - que nous vivons dans une démocratie. Il est donc discriminant, voire insultant, que le moindre geste du ministre de l'intérieur, la moindre action policière soit interprétée comme obligatoirement répressive et attentatoire aux droits de l'homme. Moi, je continue à penser que la loi protège et que, dans une République, les forces de l'ordre sont des forces républicaines qui protègent les individus les plus faibles contre les individus les plus forts.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Encore une fois, monsieur le rapporteur : pas de caricature, pas d'amalgame. Et puis, critique pour critique, l'exposé que vous venez de faire n'a absolument rien à voir avec l'amendement que nous avons déposé.
    Je suis d'ailleurs curieux de savoir ce que vous allez répondre à mes collègues, M. Caresche et M. Blisko, quand ils auront défendu leur amendement, qui est inspiré par les mêmes motifs que le mien. Allez-vous les traiter de provocateurs, d'imbéciles, de gens qui ne comprennent rien ?
    M. Pierre Cardo. Personne ne vous a traité d'imbécile ! C'est encore une caricature !
    M. Noël Mamère. Comme vous n'êtes pas très courageux et parce que vous avez une majorité avec vous face à quelqu'un qui se défend tout seul, vous pouvez continuer ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Par ailleurs, cessez de nous irriter avec votre monopole en essayant de faire croire -  vous l'avez fait quatre fois - que vous avez le monopole de l'Etat, le monopole de la patrie, le monopole de la nation.
    Arrêtez aussi de me montrer du doigt chaque fois que vous parlez de nation, comme si je n'aimais pas la nation. Ce n'est pas parce que je n'ai pas tout à fait la même conception de la République et de la place de la nation dans l'Europe que vous que je ne défends pas la nation !
    Avec le Gouvernement que vous soutenez, vous multipliez les discriminations et les ségrégations à l'encontre des plus faibles. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Cardo. Encore une caricature ! On ne peut pas laisser dire ça !
    M. Charles Cova. Si ce n'est pas de la provocation !
    M. Noël Mamère. Ne continuez pas à pratiquer cette sorte de discrimination entre ceux qui penseraient bien, à droite, et ceux qui penseraient mal, à gauche, au prétexte que vous auriez raison juridiquement, éthiquement et politiquement.
    Arrêtez ce genre de procès ! Nous n'avons pas besoin de telles caricatures dans un débat aussi important.
    Je répète que mon amendement a été simplement inspiré par le fait que l'OFPRA dépend du ministère des affaires étrangères et non pas de celui de l'intérieur. La question de l'ordre public n'a rien à voir avec l'existence de l'OFPRA ou avec le statut des réfugiés.
    Si vous voulez vraiment, comme vous essayez de le faire depuis le début de la discussion, introduire, subrepticement ou en force, la démarche de politique sécuritaire de ce Gouvernement, dans la gestion, si j'ose dire, des réfugiés, c'est-à-dire dans la protection des persécutés, dites-le franchement et cessez d'essayer de faire croire que nous voulons caricaturer le ministère de l'intérieur en en faisant le ministère des casseurs. Tel n'est pas le sens de nos propos. Nous ne le critiquons que quand il faut le critiquer. Nous l'avons fait lorsque M. Sarkozy a présenté son texte sur la sécurité et nous le ferons encore lorsqu'il présentera celui sur l'immigration. Mais chaque chose en son temps et pas de caricature, s'il vous plaît. Nous avons le droit à la parole et au respect autant que vous.
    M. le président. Je suis saisi de plusieurs demandes de parole, mais je rappelle à l'Assemblée - car vous ne pouvez l'ignorer - qu'après ce texte il faudra examiner un projet sur l'outre-mer qui concerne un grand nombre de nos collègues. Or le retard pris risque de leur poser de grandes difficultés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. Christophe Caresche. Vous ne pouvez pas nous reprocher de faire traîner les débats !
    M. Noël Mamère. Ce n'est pas nous qui avons décidé du calendrier !
    M. le président. Ne vous énervez pas ! Ma remarque vaut pour les deux côtés de l'hémicycle.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Il est difficile de nous reprocher d'avoir fait traîner le débat. Nous avons au contraire essayé de tenir compte des contraintes de temps. Par ailleurs, ce n'est pas nous qui établissons l'ordre du jour du Parlement. A cet égard, je suis, d'ailleurs, très inquiet pour la suite, mais c'est votre problème et pas tout à fait le nôtre.
    J'ai bien entendu les arguments de M. Leonetti. J'ai donc compris que cette proposition est sans doute la contrepartie de la disparition de l'asile territorial, donc de son intégration dans l'OFPRA. Dans cette optique, on conçoit que le ministre de l'intérieur soit associé à son collègue des affaires étrangères pour la désignation du directeur général de l'office. La seule question que je me pose est la suivante : que se passera-t-il s'ils ne sont pas d'accord ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Votre imagination se complaît dans l'horreur ! (Sourires.) Bien sûr, nous sommes tous dans des majorités plurielles ou dans des oppositions plurielles, mais on peut quand même imaginer qu'un arbitrage - peut-être d'un Premier ministre ? - résoudra le problème.
    M. Christophe Caresche. Alors donnons ce droit au Premier ministre !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Nous dérivons légèrement !
    En tout cas, je me réjouis que M. Caresche ait compris le sens de mon intervention, qui ne cherchait pas à caricaturer qui que ce soit. Lorsque certains passent leur temps à faire des caricatures, il ne faut pas qu'ils s'étonnent en cas de retour de bâton !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 10, ainsi libellé :
    « Après le mot : "général, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du I de l'article 2 :
    « Choisi parmi les agents du ministère des affaires étrangères, il est nommé, pour cinq ans non renouvelables, par arrêté du ministre des affaires étrangères. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. D'abord, permettez-moi de rappeler, monsieur le président, que nous avons écourté nos interventions ce matin par courtoisie, parce que M. le ministre, qui devait partir avant d'être remplacé par M. Wiltzer, nous avait demandé de lui permettre de nous répondre dans la matinée. J'ai bien volontiers accédé à son souhait en ne lisant pas un certain nombre de pages de l'introduction que j'avais préparée. Vous ne pouvez donc pas nous reprocher d'allonger les débats.
    M. Pierre Cardo. C'est exact !
    M. Serge Blisko. D'ailleurs, il me semble possible d'affirmer, car j'ai suivi beaucoup de débats difficiles, que celui-là ne traîne pas. Nous ne demandons pas de scrutins publics, ou si peu que cela ne mérite même pas d'être signalé.
    Ma deuxième observation est d'ordre médical. En effet, cher collègue rapporteur et cher confrère, comment va faire ce ministre de l'intérieur qui veut prendre en charge tous les dossiers à la fois ? J'en appelle à votre amitié pour lui : demandez-lui de se ménager ! (Sourires.)
    Il n'est pas possible d'être à la fois sur les fronts de la décentralisation, de l'école, de l'intérieur et, en plus, du ministère des affaires étrangères !
    M. Pierre Cardo. Et de la prévention !
    M. Serge Blisko. Il risque de craquer, et ce sera de votre responsabilité, monsieur Leonetti, parce que vous ne lui aurez pas épargné certaines tâches trop lourdes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Cardo. Il a la santé !
    M. Serge Blisko. J'ai cependant le droit, à cette heure-ci, de vous donner d'autres arguments pour essayer de faire en sorte que le ministère de l'intérieur retire la lourde main qu'il veut poser sur l'OFPRA. En effet, l'office se débrouillera très bien sans lui.
    A ce propos, je tiens à préciser, monsieur le ministre délégué à la coopération, que nous n'avons aucune obsession anti-flic, anti-ministre de l'intérieur ou anti-préfet ! Nous n'oublions pas que Jean Moulin était préfet. On peut donc être un très grand républicain et préfet. Tous les préfets sont, d'ailleurs, de grands républicains.
    Néanmoins, il y a tout de même un tropisme du ministère de l'intérieur, car aucune police au monde n'aime les gens qui passent à travers les frontières.
    Par ailleurs, cette question est délicate et exige beaucoup de diplomatie. Or le ministère de l'intérieur ne fait guère dans la diplomatie ; il a plutôt généralement de gros souliers. Je préférerais donc que le sujet soit traité par des diplomates, dont les escarpins sont plus fins. (Sourires.)
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il n'aime pas les chaussettes à clous ?
    M. Serge Blisko. Ils sont mieux à même de s'occuper des relations internationales. Il est en effet très délicat d'accorder le statut de demandeur d'asile. Il est ainsi de grands pays voisins, avec lesquels nous avons d'importantes relations diplomatiques, commerciales, culturelles. Comment ferons-nous quand il faudra décider si certains de leurs ressortissants ont le droit de se réfugier chez nous ? A cet égard, on parle beaucoup de la Turquie, on donne le droit d'asile à des Kurdes. Plus la Turquie va avancer dans le processus d'intégration dans l'Union - on sait qu'elle est à mi-chemin -, plus ces problèmes vont devenir délicats.
    En effet, même si la Turquie devient le vingt-sixième ou le vingt-septième Etat membre, nous ne pourrons ni dénier à tous les Kurdes la possibilité de bénéficier du droit d'asile ni continuer à accepter tous les Kurdes, alors que la Turquie aura consenti de gros efforts. Elle a commencé à en faire, notamment à la suite de son entrée au Conseil de l'Europe, en essayant de se rapprocher des normes minimales européennes. Vice-président du groupe d'amitié France-Turquie, je peux affirmer qu'il s'agit d'un grand enjeu.
    Ce sujet n'est pas simple. C'est pourquoi je préfère que, dans ces conditions, il soit traité par la diplomatie, et non par les gens de la place Beauvau.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je ne vais pas commenter le point de vue de M. Blisko sur les corps et ministères qu'il a cités ! (Sourires.)
    M. Christian Vanneste. Ni sur les chaussures !
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. J'indique simplement que, sur un tel sujet et compte tenu des garanties qui doivent entourer le fonctionnement de cet établissement public, encadré et coiffé par une juridiction, il est de bonne méthode d'instaurer une concertation interministérielle. En l'occurrence, le choix conjoint par le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'intérieur du directeur général est une solution raisonnable et positive. Je rassure d'ailleurs les membres de l'Assemblée : il s'agit d'une pratique très courante. Nombreux sont en effet les organismes, des établissements publics en particulier, pour lesquels un ministère, celui des affaires étrangères par exemple, partager avec un autre département ministériel le pouvoir de faire des propositions pour les nominations.
    Cela nous paraît de bonne méthode et c'est pourquoi j'émets un avis défavorable à l'amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 103 n'est pas défendu.
    Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 11, 51 et 119 corrigé.
    L'amendement n° 11 est présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 51 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ; l'amendement n° 119 corrigé est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le II de l'article 2. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 11.
    M. Serge Blisko. Cette proposition s'inscrit dans la suite logique de la discussion que nous venons d'avoir.
    Nous nous méfions en effet du ministère de l'intérieur, non pas du ministre lui-même ni des préfets, mais d'un état d'esprit de cette administration. Nous estimons donc qu'il n'est pas judicieux de lui transmettre des informations confidentielles recueillies par l'OFPRA. Je ne veux pas revenir sur les explications que j'ai données, peut-être trop longuement, ce matin, d'autant que nos collègues de la majorité, surtout ceux qui vivent dans de grandes villes, connaissent bien le problème.
    En effet, le demandeur d'asile a été un clandestin dans son parcours, puisqu'il a essayé d'échapper à la police, aux milices, aux persécuteurs dans son pays. Quand il dépose une demande d'asile, il doit se dévoiler et donner sa véritable identité, sinon l'OFPRA ne peut pas savoir qui il est véritablement. D'ailleurs, des signes distinctifs de la demande d'asile abusive est constitué par le refus du demandeur de donner sa véritable identité, son pays d'origine. Pour que son dossier soit étudié, il faut qu'il donne des éléments fiables, même s'il a perdu une partie de ses papiers.
    Il n'y a donc pas moins clandestin qu'un demandeur d'asile qui sort de l'anonymat, non pas dès son arrivée dans la ZAP de Roissy, par exemple, où il a encore raison de faire preuve de méfiance, mais quand il rencontre l'officier de protection. Quel joli nom, d'ailleurs, monsieur le ministre, pour le fonctionnaire de cadre A qui traite le dossier.
    Il n'y a rien de plus beau que ce titre : officier de protection ! On en rêve ! Devant lui, le demandeur d'asile ne peut que donner des éléments identifiants, dévoiler toute sa vie, même les choses les plus horribles qu'il a vécues. Car il est sûr de ne pas obtenir l'asile s'il ment, s'il farde la réalité, s'il n'en dit pas assez, s'il est imprécis. Les motifs de refus sont : « persécutions vagues » ou bien, « il dit qu'il est Tamoul et que les Tamouls sont persécutés au Sri Lanka ». Moi-même, je reconnais que c'est trop vague et qu'on ne doit pas accorder l'asile sur ces fondements. Mais s'il explique : « J'étais à Jaffna, j'ai été arrêté, passé à tabac, je suis resté huit jours entre la vie et la mort. En voici des preuves, un certificat médical, un article de journal, sur cette photo, cet homme au visage défiguré, c'est moi ! »
    Que peut-il y avoir de pire pour ce demandeur d'asile qui se dévoile que de s'entendre signifier - le plus dramatique c'est qu'on ne le lui dira pas ! - que sa vie intime qu'il raconte, les persécutions qu'il décrit, les adresses, les contacts qu'il a à l'étranger ou en France, ses cousins chez qui il se rendra peut-être en sortant de ce bureau de Fontenay, tout cela sera soigneusement gardé, avant d'être livré au ministère de l'intérieur. Comment pourrait-il ne pas perdre confiance ?
    N'allons-nous pas - j'ose à peine le dire tant ce serait injuste, mais je le crains - transformer les officiers de protection de l'OFPRA en auxiliaires du ministère de l'intérieur - ce qui n'a rien à voir avec la présence du ministère de l'intérieur, ou le poids qu'il pourrait avoir dans l'OFPRA ?
    Voilà un mécanisme extraordinairement pervers et pernicieux, qui risque de nous conduire droit dans le mur !
    M. le président. Les amendements n°s 51 et 119 corrigé sont-ils défendus, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. Ils sont défendus, monsieur le président. Je n'ajouterai rien à ce que vient de dire M. Blisko, qui a défendu ces amendements avec beaucoup de talent, de sincérité et d'humanité.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. M. Blisko a raison lorsqu'il présente les choses de cette manière. Effectivement, on détournerait l'OFPRA de sa mission qui est une mission de confiance et de protection. Néanmoins, je lui demande, une fois de plus, de regarder le texte, et d'essayer de s'affranchir de peurs infondées.
    Lorsqu'une demande est présentée à l'OFPRA, elle fait l'objet d'un examen individuel, d'une convocation à un entretien, d'une écoute attentive, mais elle peut éventuellement conduire à une décision de rejet. Cependant, cette décision n'est pas définitive. Il peut y avoir un recours devant des juges dont on ne peut que garantir l'impartialité. On ne peut pas dire que l'on transmette des informations concernant un demandeur d'asile puisqu'il s'agit à ce stade d'un demandeur d'asile débouté.
    J'ai interrogé tant l'OFPRA que la commission de recours des réfugiés. Lorsque j'ai posé la question de manière claire : « Le doute bénéficie-t-il à la personne qui demande l'asile ? », la réponse a été oui. Il faut donc considérer que nous avons un double filtre d'impartialité efficace.
    Dès lors, si les délais sont raccourcis, et s'il est décidé que le statut de réfugié ne peut pas être accordé - « ne peut pas » au sens juridique du terme  - la personne déboutée a donc vocation à rentrer chez elle. Aujourd'hui, pourquoi ne la renvoyons-nous pas ? Parce qu'au bout de deux à quatre ans, des liens familiaux et amicaux se sont créés, l'insertion en France est réalisée en même temps que la « désinsertion » du pays d'origine et, il faut le dire clairement, on n'ose pas ! Et on a raison !
    En revanche, si la décision de refus intervient dans des délais raisonnables, il est logique de dire que la vocation de ces personnes est de rentrer chez elles. Examinons s'il y a un risque : « Lorsqu'une demande d'asile est rejetée, le directeur général de l'office ou le président de la commission de recours des réfugiés transmet la décision motivée au ministère de l'intérieur. A la demande de ce dernier, le directeur général de l'office communique à des agents habilités des documents d'état civil ou de voyage » - pas question d'aller raconter l'histoire intime, les drames et les souffrances ! - « permettant d'établir la nationalité de la personne dont la demande d'asile a été rejetée, ou à défaut une copie de ces documents, à la condition que cette communication » - voilà pourquoi il est important de lire le texte jusqu'au bout - « s'avère nécessaire à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement et qu'elle ne porte pas atteinte à la sécurité de cette personne ou de ses proches. »
    Ainsi, même lorsque le demandeur est débouté, que le recours est épuisé, même lorsque les informations ont été transmises à des personnes habilitées, concernant seulement l'état civil et le pays d'origine, on ne renverra pas dans leur pays des gens qui n'ont pas le statut mais qui, de toute évidence, peuvent y subir une atteinte à la sécurité de leur personne ou de leurs proches.
    Il me semble que le droit, c'est des mots et que les mots ont un sens. En écrivant que la communication des informations ne doit pas porter atteinte à la sécurité de la personne ou de ses proches, j'estime qu'on a installé un cliquet supplémentaire de protection pour des personnes qui devraient - légalement - sortir de notre territoire.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Peut-être vais-je fournir des éléments nouveaux. Dans sa décision du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel a disposé que la confidentialité des éléments d'information détenus par l'OFPRA relatifs à la personne sollicitant en France la qualité de réfugié est une garantie essentielle du droit d'asile.
    Comment concilier la disposition que l'on vient d'évoquer avec cette décision du Conseil constitutionnel ? Il y a manifestement contradiction.
    De même, l'actuel cinquième alinéa de l'article 3 - qui ne sera pas modifié - énonce que « les locaux de l'office ainsi que ses archives et, d'une façon générale, tous les documents lui appartenant ou détenus par lui sont inviolables ».
    N'y a-t-il pas contradiction entre cette disposition de l'article 2 et la décision du Conseil constitutionnel, je le répète, mais aussi l'actuelle réglementation qui régit le statut de l'OFPRA ?
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 11, 51 et 119 corrigé.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa du II de l'article 2, substituer au mot : "ministère le mot : "ministre. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Au risque, après ce que nous avons dit, de me voir reprocher de personnaliser la fonction, je pense qu'il est plus juste de remplacer le mot "ministère par le mot "ministre. L'amendement est purement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 810, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile :
    M. Jean Leonetti, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 883) ;
    M. Eric Raoult, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (avis n° 872).
    Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 881, de programme pour l'outre-mer :
    M. Philippe Auberger, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 891) ;
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 887).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du jeudi 5 juin 2003
SCRUTIN (n° 157)


sur l'amendement n° 63 à l'article premier du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (introduction dans la protection subsidiaire du motif de menace à l'encontre de la liberté).

Nombre de votants

43


Nombre de suffrages exprimés

43


Majorité absolue

22


Pour l'adoption

8


Contre

35

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Pour : 1. - M. Etienne Pinte.
    Contre : 34 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Eric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).
    Pour : 1. - M. Noël Mamère.