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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 6 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du jeudi 5 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Droit d'asile. Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 3. - Adoption «...»
Après l'article 3 «...»

Amendement n° 127 de Mme Colot : Mme Geneviève Colot, MM. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois ; Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. - Rejet.

Article 4 «...»

MM. Serge Blisko, Etienne Pinte.
Amendements indentiques n°{s 28 de la commission des lois et 84 de M. Blisko : MM. le rapporteur, Serge Blisko. - Retrait de l'amendement n° 84.
M. le ministre. - Rejet de l'amendement n° 28.
Amendements n°s 12 de M. Blisko, 130 de M. Pinte et 128 de la commission des lois : MM. Serge Blisko, Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements n°s 12 et 130 ; adoption de l'amendement n° 128.
Amendement n° 29 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 13 rectifié de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 14 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 30 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 «...»

Amendement de suppression n° 31 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
L'article 5 est supprimé.

Article 6 «...»

Amendement n° 15 de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 1 de la commission des affaires étrangères : M. Eric Raoult, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - Retrait.
Amendement n° 16 corrigé de M. Blisko : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 18 rectifié du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur, Christophe Caresche. - Adoption.
Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7 «...»

Amendement n° 68 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 96 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 86 de Mme Gautier : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 85 de Mme Gautier : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Rejet.
Amendement n° 109 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko, Pierre Cardo. - Rejet.
Amendement n° 93 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 7.

Après l'article 7 «...»

Amendement n° 67 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 8 «...»

Amendement n° 32 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 8 modifié.

Articles 9 et 10. - Adoptions «...»
Article 11 «...»

Amendement n° 33 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 34 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 35 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 36 de la commission des lois. - Adoption.
Amendement n° 89 de M. Kamardine : MM. Mansour Kamardine, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 90 de M. Kamardine. - Adoption.
Amendement n° 91 de M. Kamardine. - Adoption.
L'amendement n° 37 de la commission des lois n'a plus d'objet.
Amendement n° 38 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 39 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 40 rectifié de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 69 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 11 modifié.

Article 12. - Adoption «...»
Après l'article 12 «...»

Amendement n° 131 de M. Cardo : MM. Pierre Cardo, le rapporteur, le ministre, Serge Blisko. - Rejet.
Amendement n° 41 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 13 «...»

Amendement n° 42 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 43 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 13 modifié.

Article 14. - Adoption «...»
Après l'article 14 «...»

Amendement n° 87 de Mme Gautier : MM. Serge Blisko, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Serge Blisko,
Eric Raoult.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Rappel au règlement «...».
M. Victorin Lurel.
3.  Loi de programme pour l'outre-mer. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.
M. Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances.
M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Mme Marlène Mélisse, rapporteure du Conseil économique et social.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : M. Christian Paul, Mme la ministre, MM. Victorin Lurel, Jean-Christophe Lagarde. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Jean-Christophe Lagarde,
André Chassaigne,
Jacques Barrot,
Jean-Jack Queyranne,
Gérard Grignon,
Alain Rodet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Dépôt d'un rapport «...».
5.  Dépôt d'un avis «...».
6.  Dépôt d'un projet de loi organique adopté par le Sénat «...».
7.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

DROIT D'ASILE

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile (n°s 810, 883).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 3.

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - L'article 4 de la même loi est modifié ainsi qu'il suit :
    « I. - Au premier alinéa, les mots : "visés à l'article 2 sont supprimés.
    « II. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « L'office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de les obtenir de leurs autorités. »
    « III. - Au deuxième alinéa, qui devient le troisième alinéa, il est ajouté le mot : "général après le mot : "directeur. »
    L'amendement n° 104 n'est pas défendu.
    Je mets aux voix l'article 3.
    (L'article 3 est adopté.)

Après l'article 3

    M. le président. Mme Colot a présenté un amendement, n° 127, ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Le président du conseil d'administration de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) présente au Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel il établit le bilan détaillé de l'activité de l'Office. Ce rapport est publié et fait l'objet d'une communication du président de l'OFPRA devant chacune des deux assemblées. »
    La parole est à Mme Geneviève Colot.
    Mme Geneviève Colot. Dans le cadre de la loi dont nous débattons depuis ce matin, monsieur le ministre délégué à coopération, l'OFPRA trouve une autorité nouvelle. Il convient que la représentation nationale soit informée de ses travaux.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 127.
    M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 127.
    M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. L'OFPRA publie chaque année un rapport public sur son activité. Le Gouvernement s'engage bien entendu à informer la représentation nationale sur la mise en oeuvre de cette loi et, par conséquent, il ne lui paraît pas souhaitable d'inscrire une telle obligation dans le texte. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - L'article 5 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. 5. - I. - Il est institué une commission des recours des réfugiés placée sous l'autorité d'un président, membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat.
    « La commission comporte des sections comprenant chacune :
    « 1° Un président nommé soit :
    « a) Par le vice-président du Conseil d'Etat parmi les membres du Conseil d'Etat ou du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    « b) Par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ;
    « c) Par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats de l'ordre judiciaire.
    « Les membres de ces corps peuvent être en activité ou honoraires.
    « 2° Une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés ;
    « 3° Une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d'Etat sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'office.
    « II. - La commission des recours des réfugiés statue sur les recours formés contre les décisions de l'office prises en application de l'article 2 de la présente loi. »
    La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l'article 4.
    M. Serge Blisko. L'article 4, comme l'article 1er, pose un problème. Il y a des questions de formulation, on les verra au cours des amendements, mais, si je suis inscrit sur l'article, c'est parce que, ce matin, en réponse à l'exception d'irrecevabilité que j'avais défendue, M. le ministre des affaires étrangères a expliqué que l'Etat pourrait saisir la commission des recours des réfugiés pour contester une décision de l'OFPRA favorable à un étranger.
    Je n'ai pas bien compris son argumentation. Il estime que ce droit est le corollaire logique de l'obligation du ministre de l'intérieur d'appliquer les décisions de l'OFPRA et de la commission des recours des réfugiés. Je ne savais pas que le fait que l'on applique des décisions qui s'imposent puisse avoir pour corollaire le fait qu'on puisse les contester. Une fois qu'une chose est jugée dans le domaine judiciaire, que la chaîne du jugement est terminée, allais-je dire, après l'appel et la cassation, l'Etat s'il n'est pas content, a-t-il un recours supplémentaire ?
    Il y a là quelque chose qui sort de l'ordinaire et je demande le retrait de cette disposition.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte, Monsieur le ministre, le projet de loi met fin à la représentation directe du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés au sein de la commission des recours des réfugiés.
    L'exposé des motifs de votre projet de loi justifie cette modification comme « conforme aux exigences de la souveraineté nationale », dès lors que la commission « sera conduite à statuer très souvent sur des cas de protection subsidiaire, sans faire ici application d'une convention internationale ».
    Or, dans sa décision du 5 mai 1998, le Conseil constitutionnel a déjà validé la présence d'un représentant du HCR au sein de la commission des recours des réfugiés, par un raisonnement en deux temps.
    D'une part, en ce qui concerne l'application de la convention de Genève, le Conseil constitutionnel considère que si, en principe, « ne sauraient être confiées à des personnes [...] représentant un organisme international des fonctions juridictionnelles », il peut être dérogé à ce principe « dans la mesure nécessaire à la mise en oeuvre d'un engagement international de la France et sous réserve qu'il ne soit pas porté atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté nationale ». Le Conseil constitutionnel décide que, « compte tenu du caractère minoritaire » de la présence du HCR au sein de la commission des recours des réfugiés, cette présence « ne porte pas atteinte [...] aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».
    D'autre part, le Conseil constitutionnel valide également la présence du représentant du HCR au sein de la commission lorsque celle-ci statue sur l'asile « constitutionnel », fondé non sur une convention internationale mais sur le quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946. Le Conseil constitutionnel note que les demandes d'asile conventionnel et celles d'asile constitutionnel « présentent entre elles un lien étroit », que, bien que présentées « sur des fondements juridiques distincts, elles requièrent un examen éclairé des mêmes circonstances de fait, et tendront [...] au bénéfice d'une protection identique ». Par conséquent, « dans l'intérêt du demandeur comme dans celui d'une bonne administration de la justice, il était loisible au législateur d'unifier les procédures, de sorte que les demandes fassent l'objet d'une instruction commune et de décisions rapides, sous le contrôle de cassation du Conseil d'Etat ».
    Dès lors, même si la protection subsidiaire est considérée comme relevant du seul droit national, le raisonnement du Conseil constitutionnel, dans sa deuxième branche, valide clairement le maintien de la représentation directe du Haut-Commissariat pour les réfugiés au sein de la commission des recours des réfugiés. En effet, les demandes de protection conventionnelle et de protection subsidiaire présentent entre elles un lien comparable, il en résulte les mêmes conséquences.
    Il faut souligner que, conformément à l'article 1er du projet de loi, chaque demande d'asile doit, en tout état de cause, être examinée en premier lieu au regard de la convention de Genève, la protection subsidiaire n'étant accordée qu'à « toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié » et qui établit qu'elle est néanmoins exposée dans son pays à l'une des menaces graves prévues par le texte. La première mission de l'OFPRA et de la commission des recours des réfugiés reste donc l'application d'une convention internationale.
    De plus, la protection subsidiaire, contrairement à l'asile constitutionnel et comme l'asile conventionnel, est fondée principalement sur des obligations internationales de la France.
    Le projet de loi ne fait que créer un mécanisme national pour la mise en oeuvre de ces obligations internationales, de même que la loi du 25 juillet 1952 a créé un mécanisme national pour la mise en oeuvre de la convention de Genève.
    Dès lors, la première branche du raisonnement du Conseil constitutionnel dans sa décision précitée suffit pour valider la présence minoritaire d'un représentant du HCR au sein de la commission des recours des réfugiés sans même faire appel à la deuxième branche du raisonnement que je viens de développer.
    Le HCR, qui participe directement à la commission des recours des réfugiés depuis cinquante ans, est le garant de l'application de la convention de Genève. On constate en effet, dans plusieurs pays européens, en Allemagne, par exemple, une certaine dérive dans la procédure d'examen du droit d'asile, due en grande partie à l'absence du HCR, la protection subsidiaire étant de manière progressive privilégiée par rapport à la protection conventionnelle.
    Enfin, alors que la France promeut la mission de l'ONU, en particulier dans l'élaboration du processus de paix, il serait incompréhensible de marginaliser le HCR, émanation de cette organisation internationale.
    Pour toutes ces raisons, j'estime aujourd'hui que, sur le plan juridique, contrairement à l'interprétation du Gouvernement, le HCR peut être ès qualités représenté à l'OFPRA, étant bien entendu - et j'entends là en quelque sorte accepter les conditions mises par le Gouvernement français - que ce représentant nommé ès qualités doit être de nationalité française, et j'admets parfaitement que cette nomination puisse être éventuellement validée par le vice-président du Conseil d'Etat.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 56 et 120.
    Ces amendements ne sont pas défendus.
    Je suis saisi de trois amendements, n°s 54, 28 et 84, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 54 n'est pas défendu.
    Les amendements n°s 28 et 84 sont identiques.
    L'amendement n° 28 est présenté par M. Leonetti, rapporteur, et M. de Roux ; l'amendement n° 84 est présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le c du 1° du I du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952, substituer aux mots : "garde des sceaux, ministre de la justice les mots : "premier président de la Cour de cassation. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 28.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Les magistrats administratifs étant nommés soit par le vice-président du Conseil d'Etat, soit par le premier président de la Cour des comptes, rien ne justifie que les magistrats judiciaires soient nommés par le garde des sceaux.
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 84.
    M. Serge Blisko. Il est identique, je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 84 est retiré.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 28 ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je suis embarrassé par cet amendement, je ne le cache pas, parce que, à la différence du vice-président du Conseil d'Etat et du premier président de la Cour des comptes, le premier président de la Cour de cassation, à ma connaissance, n'a pas de pouvoir de gestion administrative sur les magistrats des juridictions qui sont placées sous son contrôle. En d'autres termes, il n'est pas chef de corps de l'ensemble de la magistrature de l'ordre judiciaire.
    Par conséquent, sauf si le rapporteur peut me démontrer le contraire, je ne peux qu'émettre un avis défavorable à cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, n° 55 rectifié, n°s 12, 121, 130 et 128, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 55 rectifié n'est pas défendu.
    Les amendements n°s 12 et 121 sont identiques.
    L'amendement n° 12 est présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 121 est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Rédiger ainsi le 2° du I du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « 2° Un représentant du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés ; »
    L'amendement n° 130, présenté par M. Pinte, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 2° du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « 2° Un représentant du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, de nationalité française, nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat. »
    L'amendement n° 128, présenté par M. Jean Leonetti, rapporteur, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 2° du I du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « 2° Une personnalité qualifiée de nationalité française, nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat ; »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 12.
    M. Serge Blisko. L'amendement est défendu.
    M. le président. L'amendement n° 121 n'est pas défendu.
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour défendre l'amendement n° 130.
    M. Etienne Pinte. Comme je l'ai expliqué dans mon intervention sur l'article 4, mais également ce matin, que chaque section comprenne un représentant du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, ès qualités, de nationalité française, nommé par le haut-commissaire des Nations unies pour réfugiés, sur avis conforme du président du Conseil d'Etat, me paraît la solution conforme à l'interprétation du Conseil constitutionnel en ce qui concerne la représentation du HCR au sein de l'OFPRA. J'ai consulté le haut-commissariat des réfugiés, et une telle formulation lui convient parfaitement.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 128.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Nous avons tous la volonté de donner un rôle majeur au HCR, compte tenu de son expérience, compte tenu aussi du fait qu'il supervise en fait, sur l'ensemble de la planète, les problèmes des réfugiés.
    Néanmoins, le fait de faire rentrer la protection subsidiaire à l'intérieur de l'OFPRA et de la commission des recours pose, évidemment, le problème de la présence d'une organisation internationale au sein de l'organisme. Prévoir que la personne qualifiée est de nationalité française tient compte de l'aspect national. Qu'elle soit nommée par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, sur avis conforme du vice-président du Conseil d'Etat, nous paraît une formule équilibrée qui réintroduit pratiquement de plein droit le HCR mais, en même temps, nous protège sur le plan constitutionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces différents amendements ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Sur ce sujet important, je confirme ce que vient de dire le rapporteur en ce qui concerne le fond. Sur l'objectif, le Gouvernement est tout à fait d'accord avec la démarche proposée par M. Pinte. Toutefois, nous sommes embarrassés par le risque d'inconstitutionnalité que contient la procédure qu'il propose, qui est une procédure directe. Il me semble qu'on obtient le même résultat grâce à la formule proposée par la commission, et je suis favorable à son amendement.
    M. le président La parole est M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. J'ai suffisamment démontré qu'il n'y avait aucun risque sur le plan constitutionnel. Monsieur le ministre, souhaitez-vous, oui ou non, la présence du HCR à l'OFPRA ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Oui !
    M. Etienne Pinte. Vous avez les mêmes sources que moi, j'imagine. Le HCR a écrit qu'après adoption du texte définitif de la loi relative au droit d'asile, il apprécierait les modalités de sa participation dans le processus d'examen des demandes d'asile. J'attire fermement votre attention sur cette phrase qui indique bien que le HCR souhaite être représenté ès qualités au sein de l'OFPRA.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, identiques, n°s 2, 57 et 122.
    Ces amendements ne sont pas défendus.
    L'amendement n° 94 n'est pas défendu.
    M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 29, ainsi rédigé :
    « Dans le II du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952, après le mot : "application, insérer les mots : "du II et du IV ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. C'est un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Blisko et M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 13 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant : « Elle peut être saisie par les étrangers et les apatrides auxquels soit l'office a refusé la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, soit l'office a retiré la protection subsidiaire. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements n°s 3, 105 et 14, qui auraient pu être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n° 3 et 105 ne sont pas défendus.
    L'amendement n° 14, présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 par le paragraphe suivant :
    « III. - La commission des recours des réfugiés examine les requêtes qui lui sont adressées par les réfugiés visés par l'une des mesures prévues par les articles 31, 32 et 33 de la convention du 28 juillet 1951 et formule un avis quant au maintien ou à l'annulation de ces mesures. En cette matière, le recours est suspensif d'exécution. Le droit au recours doit être exercé dans le délai d'une semaine. Les intéressés peuvent présenter leurs explications à la commission, s'y faire assister d'un conseil et d'un interprète. »
    Cet amendement est défendu, monsieur Blisko ?
    M. Serge Blisko. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 30, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 5 de la loi du 25 juillet 1952 par le paragraphe suivant :
    « III. - Le président et les présidents de section peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention d'une formation collégiale. A ce titre, ils peuvent donner acte des désistements, constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur un recours et rejeter les recours entachés d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance. Ils peuvent également statuer sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur de l'office. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. Les amendements n°s 99, 100 et 101 de M. Mariani, qui tendraient à insérer des articles additionnels après l'article 4, ont été retirés.

Article 5

    M. le président. « Art. 5. - Les articles 8 et 9 de la même loi sont abrogés. »
    M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 31, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 5. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé.

Article 6

    M. le président. « Art. 6. - L'article 10 de la même loi devient l'article 8 et est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. 8. - Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'examen de sa demande d'admission au séjour relève du préfet compétent et, à Paris, du préfet de police.
    « L'admission au séjour ne peut être refusée au seul motif que l'étranger est démuni des documents et des visas mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.
    « Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève susmentionnée, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si :
    « 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats ;
    « 2° L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations de l'article 1er C 5 de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il respecte les principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que les droits de l'homme et les libertés fondamentales ;
    « 3° La présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ;
    « 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes.
    « Les dispositions du présent article ne font pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait néanmoins dans l'un des cas mentionnés aux 1° à 4° du présent article.
    « Dans le cas où l'admission au séjour est refusée pour le motif énoncé au 1° du présent article, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission des recours des réfugiés ne sont pas compétents. Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4°, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. »
    La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l'article 6.
    M. Serge Blisko. J'y renonce, monsieur le président.
    M. le président. Vous y renoncez également, monsieur Caresche ?
    M. Christophe Caresche. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 92 n'est pas défendu.
    Je suis saisi de trois amendements, n°s 15, 123 et 58, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 15 et 123 sont identiques.
    L'amendement n° 15 est présenté par M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 123 est présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après le mot : "susmentionnée, supprimer la fin du 2° du texte proposé pour l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952. »
    L'amendement n° 58, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du 2° du texte proposé pour l'article 8 de la loi du 25  juilet 1952, supprimer les mots : "ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l'amendement n° 15.
    M. Serge Blisko. Le concept de « pays d'origine sûr » ne peut pas entrer dans notre droit positif. S'il était appliqué, il induirait une inégalité de traitement selon la nationalité des demandeurs, ce qui serait contraire à l'article 3 de la convention de Genève, lequel prohibe toute application de dispositions fondées sur « la race, la religion et le pays d'origine ».
    Il aboutirait, en outre, à méconnaître le Préambule de la Constitution de 1946 en réduisant singulièrement, en pratique, via la mise en oeuvre de l'examen prioritaire - et rapide - des requêtes par l'OFPRA, l'effectivité du droit d'asile en France. Au demeurant, comme on l'a dit tout à l'heure, on ne sait pas très bien qui établit la liste de l'OFPRA. On ne comprend pas non plus comment la délégation de souveraineté à l'Union européenne, à laquelle il serait procédé dans un deuxième temps, peut être compatible avec le respect de la Constitution. Les mots que nous proposons de supprimer constituent une disposition totalement inconstitutionnelle.
    M. le président. L'amendement n° 123 de M. Gerin n'est pas défendu, non plus que l'amendement n° 58 de M. Mamère.
    Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 15 ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Raoult, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, a présenté un amendement, n° 1, ainsi rédigé :
    « Compléter le 2° du texte proposé pour l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 par la phrase suivante : "La liste des pays considérés comme des pays d'origine sûrs est fixée par décret ;. »
    La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
    M. Eric Raoult, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Comme le rapporteur de la commission des lois le sait, son amendement n° 25 deuxième rectification était beaucoup plus à même de répondre à l'attente de la commission des affaires étrangères. Je retire donc l'amendement n° 1.
    M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
    L'amendement n° 95 n'est pas défendu.
    M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 16 corrigé, ainsi rédigé :
    « A la fin du 3° du texte proposé pour l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952, supprimer les mots : ", la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. »
    La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 18 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter le 4° du texte proposé pour l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 par la phrase suivante :
    « Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Monsieur le président, je remarque que l'amendement du Gouvernement est assorti d'un exposé sommaire assez conséquent. J'aurais bien voulu que M. le ministre le soutienne autrement que par une phrase !
    M. Etienne Pinte. C'est en effet la moindre des choses !
    M. le président. Le Gouvernement est libre de faire ce qu'il veut, monsieur Caresche.
    M. Christophe Caresche. Excusez-moi, mais cet amendement est loin d'être anecdotique ! Le Gouvernement fait évidemment ce qu'il veut, mais je pense qu'il est de son devoir de le défendre.
    M. Etienne Pinte. Tout à fait !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 106 n'est pas défendu.
    Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement n° 18 rectifié.
    (L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 59 tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 n'est pas défendu.

Article 7

    M. le président. « Art. 7. - L'article 11 de la même loi devient l'article 9 et est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. 9. - Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions de l'article 8, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la commission des recours, jusqu'à ce que la commission statue.
    « Toutefois, par dérogation aux dispositions du précédent alinéa, le document provisoire de séjour peut être retiré ou son renouvellement refusé lorsqu'il apparaît, postérieurement à sa délivrance, que l'étranger se trouve dans un des cas de non-admission prévus aux 1° à 4° de l'article 8.
    « Lorsqu'en application de l'article 8 ou du présent article, le titre de séjour est refusé, retiré ou son renouvellement refusé pour l'un des motifs mentionnés du 2° au 4° de l'article 8, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue par priorité sur la demande d'asile. »
    La parole est à M. Serge Blisko, inscrit sur l'article 17.
    M. Serge Blisko. J'y renonce, monsieur le président.
    M. le président. Vous renoncez également, monsieur Caresche ?
    M. Christophe Caresche. Oui, monsieur le président.
    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 68, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « La décision d'admettre au séjour l'étranger demandeur d'asile, ou de refuser de l'y admettre, est prise par le préfet, ou à Paris par le préfet de police, dans les huit jours suivant celui où l'intéressé s'est présenté pour la première fois à la préfecture, ou à Paris à la préfecture de police, afin de demander son admission de séjour au titre de l'asile. Lorsqu'il est admis à séjourner en France, le demandeur d'asile est immédiatement mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour d'un mois lui permettant de solliciter, dans ce délai, la reconnaissance de la qualité de réfugié ainsi que la protection subsidiaire auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il est en même temps informé, dans une langue qu'il peut comprendre, des avantages dont il peut bénéficier et des obligations qu'il doit respecter, ainsi que des organisations ou groupes assurant une assistance aux demandeurs d'asile. Lorsque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été saisi d'une telle demande de reconnaissance, le demandeur est mis en possession par l'Office, dans les huit jours, d'un récépissé constatant le dépôt de sa demande. Sur présentation de ce récépissé à la préfecture, ou à Paris à la préfecture de police, le demandeur est immédiatement mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour de trois mois. Cette autorisation est renouvelée jusqu'à ce que l'Office statue et, si un recours est formé devant la commission des recours des réfugiés, jusqu'à ce que la commission statue. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Une des raisons principales de la durée excessive des procédures d'asile est le retard pris par les préfectures, allant de plusieurs mois à un an, pour délivrer aux demandeurs le document dont ils ont besoin pour saisir enfin l'OFPRA de leur demande. Ensuite, l'office lui-même prend parfois plusieurs mois pour enregistrer cette demande, avant de délivrer au demandeur le document correspondant qui lui permet de renouveler son autorisation de séjour.
    Ces retards accumulés prolongent sans raison les délais d'instruction et de jugement des demandes d'asile.
    Ils ont par ailleurs des effets dramatiques sur la situation économique des demandeurs, qui ne reçoivent aucune aide de l'Etat jusqu'à ce que l'OFPRA ait enfin enregistré leur demande.
    Il est donc nécessaire de fixer dans la loi des délais impératifs et courts pour ces procédures, au lieu de renvoyer cette question à des décrets à prendre postérieurement en Conseil d'Etat, au contenu incertain.
    C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement, qui, en quelque sorte, lie les différentes administrations par des délais.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je voulais simplement soutenir cet amendement. Certes, la disposition qu'il propose ne relève pas forcément du domaine législatif - je pense que c'est l'argument que M. le rapporteur mettra en avant -, mais il pose la question des moyens que le Gouvernement va consacrer à l'OFPRA, et donc à l'examen des demandes d'asile. Et nous savons bien que si nous voulons sortir de la situation actuelle, il faut que ces moyens soient beaucoup plus importants.
    Fixer des délais à respecter est une bonne chose, car les administrations, et en particulier l'OFPRA, ont aussi une obligation de résultat. Je considère donc que cet amendement va dans le bon sens.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur Caresche, je vais vous donner raison. Je comprends le souci de M. Pinte, mais vous avez dit ce qu'il fallait dire, à savoir qu'une telle disposition n'appartient pas au domaine législatif. Elle relève d'un décret.
    Cela étant dit, les deux rapports, celui - excellent - d'Eric Raoult comme le mien, ont bien montré qu'il n'était pas possible d'envisager ces dispositions législatives nouvelles et cette nécessaire harmonisation européenne sans une augmentation des moyens. Et je crois que M. le ministre a bien entendu ce message.
    M. Eric Raoult, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je confirme les propos du rapporteur.
    Je suis d'accord sur l'objectif, mais le Gouvernement considère qu'il s'agit là d'une matière réglementaire. Avis défavorable, donc.
    Mais, comme je l'ai indiqué, comme Dominique de Villepin l'a fait de son côté, il va de soi que les mesures seront prises sur les plans réglementaire et matériel pour que les délais en question soient respectés.
     M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gantier et M. Vercamer ont présenté un amendement, n° 96, ainsi libellé :
    « Après les mots : "remettre un document provisoire, rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « "unique de séjour. Les services préfectoraux lui délivrent le document unique dans un délai de 20 jours. Ce document unique lui permet de déposer sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et reste valable jusqu'à ce que l'OFPRA ait statué sur sa demande. »
    La parole est M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Cet amendement vise tout d'abord à supprimer les effets d'aller et retour entre les préfets et l'office, qui sont source de pertes de temps.
    La délivrance d'un document provisoire unique permettra donc d'alléger les procédures et de simplifier les démarches administratives que les demandeurs d'asile doivent engager.
    De plus, les demandeurs d'asile n'ayant aucun droit, il est nécessaire d'introduire un délai maximum dans lequel les services préfectoraux doivent se prononcer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Gautier a présenté un amendement, n° 86, ainsi rédigé :
    « Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, insérer les deux phrases suivantes :
    « A cette occasion, il lui est transmis toutes les informations nécessaires concernant ses droits et les démarches à accomplir. Il lui est indiqué comment bénéficier d'une personne relais et d'un interprète. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir cet amendement.
    M. Serge Blisko. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable. La disposition proposée est d'ordre réglementaire.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. La même raison me conduit à émettre le même avis. Cette raison valait d'ailleurs aussi pour l'amemendement précédent.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Gautier a présenté un amendement, n° 85, ainsi rédigé :
    « Avant la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, insérer la phrase suivante :
    « Ce document entraîne, pendant la durée de la procédure, l'ouverture des droits suivants : autorisation d'exercer une activité professionnelle, mise à disposition d'une place dans un centre d'accueil pour les demandeurs d'asile ».
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir cet amendement.
    M. Serge Blisko. Cet amendement est extrêmement important. Il pose la question du droit au travail des demandeurs d'asile. Celui-ci a été supprimé en 1991 - je sais que le rapporteur va nous le rappeler, je préfère donc prendre les devants.
    Depuis douze ans, donc, les demandeurs n'ont plus le droit au travail tant qu'ils n'ont pas reçu un statut qui les fasse entrer dans le droit commun. En attendant, ils reçoivent une allocation spéciale d'environ 300 euros, en particulier quand ils sont dans un centre d'accueil des demandeurs d'asile. Cela n'est pas satisfaisant. M. Pandraud le faisait remarquer très justement. Octroyer 300 euros d'allocation à un demandeur d'asile pendant une longue période, c'est automatiquement le mettre sur le marché du travail au noir. L'inconvénient qu'il y a à leur refuser le droit au travail est donc certainement plus grand que celui de le leur accorder, et ce malgré les difficultés économiques et sociales que nous connaissons aujourd'hui. Je pense qu'il faut qu'on y réfléchisse plus longuement.
    Nous avons eu à ce sujet une discussion intéressante en commission et un amendement de M. Pinte, qui est en quelque sorte un amendement de repli, vise à instaurer un délai. Nous sommes prêts à nous rallier à des solutions intermédiaires, mais on ne peut pas se satisfaire de cette situation très médiocre qui nourrit le travail clandestin et, d'une manière générale, entretient la non-insertion des demandeurs d'asile.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Sur le fond, l'argumentaire de M. Blisko est parfaitement fondé. D'ailleurs, nous avons mentionné dans le rapport que l'absence du droit au travail précarise de manière inconsidérée et anormale les demandeurs d'asile.
    D'abord, on peut espérer, quelles que soient d'ailleurs les conditions économiques de notre pays, que le raccourcissement des délais rende le problème moins aigu.
    Ensuite, il se pose un problème encore plus important - qui met en lumière la nécessité d'une harmonisation européenne -, c'est celui de la date à laquelle les demandeurs d'asile pourraient bénéficier du droit au travail. Je rappellerai que si, à Sangatte, les demandeurs d'asile souhaitaient absolument aller en Angleterre, c'était pour cette raison-là : parce que le délai en Angleterre est inférieur à ce qu'il est en France.
    Je crois donc que la sagesse est d'attendre, pour fixer des délais, que cette harmonisation s'effectue, en espérant, encore une fois, que le problème sera moins aigu du fait du raccourcissement des délais organisé par la loi. Et lorsque l'harmonisation sera effectuée sur l'ensemble du territoire européen, cela évitera des mouvements migratoires à l'intérieur de l'Union européenne, qui bien entendu se sont pas l'objectif que nous cherchons à défendre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. J'ai évoqué, en réponse aux orateurs inscrits dans la discussion générale, ce problème social lié au droit au travail des demandeurs d'asile. Une réflexion est nécessaire sur ce point, c'est évident. Mais il me semble qu'à ce stade, cette disposition n'a pas sa place dans ce texte-ci. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Si cette disposition n'a pas sa place dans un texte qui concerne les demandeurs d'asile, je ne vois pas dans quel texte elle aurait sa place...
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Elle n'y a pas encore sa place !
    M. Christophe Caresche. ... mais nous reviendrons sur cette question avec l'amendement de M. Pinte.
    On peut comprendre, en effet, la nécessité d'une harmonisation européenne sur la question du droit au travail, parce qu'un pays qui adopterait seul une telle disposition pourrait créer, c'est vrai, une forme d'appel d'air. Cela dit, je note que si vous invoquez l'harmonisation européenne pour refuser cet amendement, cela ne vous pose aucun problème d'anticiper l'adoption de dispositions qui, elles, n'ont pas encore été décidées, comme l'asile interne ou comme celle instaurant la notion de pays d'origine sûr.
    Encore une fois, j'ai le sentiment que vous utilisez cet argument de l'harmonisation européenne selon votre convenance.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 109 et 124, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 109, présenté par M. Pinte, est ainsi rédigé :
    « I. - Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, insérer l'alinéa suivant :
    « En l'absence d'une décision par l'Office sur la demande d'asile dans un délai d'un an, à compter de la demande d'admission au séjour, si ce retard n'est pas principalement imputable au demandeur, une autorisation provisoire de travail sera délivrée au demandeur d'asile. Elle sera renouvelée jusqu'à ce que l'Office statue et, si un recours est formé devant la commission des recours des réfugiés, jusqu'à ce que la commission statue sur la demande. »
    « II. - En conséquence, dans l'avant-dernier alinéa, substituer au mot : "précédent, le mot : "premier. »
    L'amendement n° 124, présenté par M. Gerin, M. Braouezec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « I. - Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, insérer l'alinéa suivant :
    « Le document provisoire de séjour prévu à l'alinéa précédent vaut autorisation provisoire de travail et permet au demandeur d'asile d'exercer l'activité professionnelle de son choix sur l'ensemble du territoire métropolitain. »
    « II. - En conséquence, dans l'avant-dernier alinéa de cet article, substituer au mot : "précédent, le mot : "premier. »
    La parole est M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 109.
    M. Etienne Pinte. Une fois de plus, monsieur le rapporteur, les références à l'harmonisation européenne sont à géométrie variable. Quand cela arrange, on les utilise, et on les applique par anticipation ; quand cela n'arrange pas, on renvoie à la future directive.
    De la même manière, monsieur le ministre, je suis particulièrement déçu de vous entendre dire que ces aspects sociaux ne font pas partie de l'objet de ce texte. Il est évident qu'ils en font partie.
    Et c'est pourquoi je propose ici qu'en l'absence d'une décision de l'OFPRA sur une demande d'asile dans un délai d'un an, une autorisation provisoire de travail puisse être délivrée aux demandeurs d'asile. Pourquoi un an ? Parce que c'est au bout d'un an que l'allocation d'insertion n'est plus versée. Que se passe-t-il après ? On continue les trafics, l'économie clandestine, le travail au noir ? Et l'aspect humain, qu'en faites-vous ?
    Je veux bien, à la limite, attendre une harmonisation en ce qui concerne le droit au travail. Mais ce à quoi je vous demande de vous engager ce soir, c'est qu'au cas où la décision de l'OFPRA n'aurait pas été prise au bout d'un an, on poursuive le versement de l'allocation d'insertion. C'est la moindre des choses.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je suis désolé, monsieur Pinte, de ne pouvoir aller dans votre sens. Je ne peux donner qu'un avis défavorable à votre amendement.
    J'ai dit tout à l'heure que le problème de l'insertion sociale et professionnelle était réel. Je confirme que le Gouvernement est pleinement disposé à traiter, mais ailleurs que dans ce projet de loi, les aspects évoqués dans votre amendement. Dans l'immédiat, je ne peux malheureusement faire davantage.
    M. Etienne Pinte. C'est lamentable !
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. Je ne suis vraiment pas satisfait de ces échanges de vues...
    M. Christophe Caresche. Ce que l'on entend, incroyable !
    M. Serge Blisko. Je sais bien qu'ils ne sont pas destinés à me satisfaire, mais tout de même !
    Mme Gautier a déposé son amendement tendant à donner le droit au travail dès la demande d'asile, mais vous l'avez refusé, avec les arguments qui sont les vôtres. M. Pinte vient de nous rappeler qu'au bout d'un an l'allocation d'insertion n'est plus versée. Dans ces conditions, me prenant à votre propre jeu, je me demande, puisque vous allez renforcer les règles, puisque vous allez examiner plus vite les demandes, puisque vous allez introduire certaines notions nouvelles, combien il restera de demandes au bout d'un an.
    Si l'Etat français n'est pas assez généreux pour donner au bout d'un an le droit au travail aux auteurs du reliquat des demandes, c'est vous qui, monsieur le ministre, contrairement à vos intentions affichées, contribuerez à maintenir dans la précarité des demandeurs d'asile dont les cas seront très difficiles. C'est vous qui provoquerez la création de filières.
    M. Christophe Caresche. On risque de grossir l'immigration clandestine !
    M. Serge Blisko. La personne qui, au bout d'un an, n'a plus le sou, fera des ménages au noir, ou se fera employer dans le bâtiment, toujours au noir.
    M. Pinte nous donne une occasion en or de faire preuve, à peu de frais, car la mesure proposée ne concernerait pas un grand nombre de personnes, de réalisme économique et d'humanité.
    M. Etienne Pinte. Et d'un peu de générosité !
    M. Christophe Caresche. Très juste !
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Si je n'ai pas totalement suivi M. Pinte sur d'autres de ses amendements, je le soutiens sur l'amendement n° 109. En effet, si l'Etat met plus d'un an pour prendre ses décisions, il doit assumer ses responsabilités et si nous ne prévoyons pas la mesure dans la loi relative au droit d'asile, où la mettrons-nous ? Que je sache, nous traitons bien aujourd'hui du droit d'asile et de ses conséquences et il me paraît évident que nous devons préciser les choses.
    Je voudrais poser une question à laquelle je ne demande pas que l'on réponde sur-le-champ : quelle sera la situation d'un enfant né sur le territoire français d'un ménage qui y sera resté assez longtemps sans être régularisé ? Si le droit d'asile est accordé, il n'y aura aucun problème. Mais s'il n'est pas accordé, quelle sera la situation compte tenu des lois en vigueur ?
    J'aimerais que l'on précise les choses en deuxième lecture et que l'on ne reste pas dans le flou.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Monsieur le président...
    M. le président. Vous désirez parler de nouveau, monsieur le rapporteur ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Si vous le voulez bien.
    M. le président. Je le veux bien. C'est mon côté libéral. (Sourires.)
    Vous avez la parole.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Merci de votre libéralisme, monsieur le président.
    M. Serge Blisko. Nous l'avions remarqué !
    M. le président. Mais il est passager, monsieur Blisko !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Je m'en doutais. (Sourires.)
    M. Christophe Caresche. Pas de menaces, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Il n'y a pas de clivage entre la position du Gouvernement et le travail qui a été fait en commission, ni même, j'ose le dire, entre la gauche et la droite.
    Oui, le droit au travail pour les demandeurs est un objectif louable. Dès lors, il est obligatoire de le définir. Néanmoins, deux éléments doivent être pris en considération.
    D'abord, si la majorité vote une loi, monsieur Pinte, c'est qu'elle croit que son objectif sera atteint.
    Ensuite, j'ai l'espoir,...
    M. Pierre Cardo. L'espoir fait vivre !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. ... qui est presque une certitude, que le fait de prévoir les dispositions que nous prévoyons aujourd'hui fera que la plupart des dossiers seront réglés avant un an.
    M. Pierre Cardo. Pas tous !
    M. Serge Blisko. Et les autres ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Dans cette hypothèse, il est fort logique de fixer un délai pour ceux dont la situation ne serait pas stabilisée. Si, entre-temps, l'Europe fixe une date à laquelle devra être reconnu, dans tous les pays de l'Union, le droit au travail, nous en tiendrons bien évidemment compte.
    M. Pierre Cardo. Les pays d'Europe parviendront-ils à se mettre d'accord ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Si nous constatons que l'Europe tarde à fixer cette date, il conviendra, forts de la loi que nous aurons mise en place, de satisfaire la demande de M. Pinte.
    Lorsque l'on a à statuer sur une personne, on veut statuer rapidement. La rapidité de la décision est nécessaire à la fois à ceux qui veulent obtenir le statut et à ceux qui sont déboutés, car débouter quelqu'un qui est là depuis quatre ans est inadmissible ! En quatre ans, on peut faire des enfants - neuf mois seulement sont nécessaires. On peut même les faire ailleurs et venir accoucher en France.
    M. Pierre Cardo. Exactement !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Ainsi, lorsque des gens sont reconduits à la frontière alors qu'ils ont un enfant qui est français en vertu du droit au sol - c'est fort heureusement le droit du sol qui s'applique dans notre pays -, la situation est verrouillée. Mais on sera confronté à une situation analogue si l'on accorde le droit au travail au douzième mois et qu'on décide l'expulsion au treizième.
    M. Eric Raoult, rapporteur pour avis. Très juste !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. On se sentira alors tiraillé. Comme vient de le dire Pierre Cardo, nous devons en conséquence régler le problème des gens qui n'ont pas droit au statut mais que, pour des raisons diverses, familiales, humaines, techniques ou financières,...
    M. Christophe Caresche. Comment vivent-elles au bout d'un an ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. ... nous ne pouvons pas faire partir. C'est une raison supplémentaire pour aller vite sans être expéditif.
    Il faut trouver un équilibre entre la réponse rapide et juste et la possibilité d'agir pour donner le statut à ceux qui en relèvent et pour reconduire à la frontière ceux qui sont déboutés de leur demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. J'ai dit que j'étais prêt à attendre que la Communauté européenne harmonise sa réglementation en matière de droit au travail.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Bravo !
    M. Etienne Pinte. J'ai donc offert au ministre une solution de substitution : si, au bout d'un an, le problème n'était pas réglé, l'allocation de subsistance, de survie continuerait d'être perçue par les intéressés.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. C'est pas une solution !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gantier et M. Vercamer ont présenté un amendement, n° 93, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952 par l'alinéa suivant :
    « L'office convoque le demandeur d'asile pour un entretien. Le demandeur d'asile peut se faire assister d'un conseil. »
    La parole est à M. Gilbert Gantier.
    M. Gilbert Gantier. Cet amendement concerne des personnes à qui on a refusé, parce qu'elles viennent d'un pays sûr, l'admission. Mais il existe des minorités qui peuvent être en danger dans leur propre pays, telles que les Zapotèques au Mexique et les Tchétchènes en Russie. C'est la raison pour laquelle on pourrait, dans un souci de libéralisme, accorder un entretien au demandeur d'asile qui est dans ce cas. Il pourrait alors s'expliquer et se faire assister d'un conseil, éventuellement d'un traducteur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. La généralisation affirmée de la convocation à un entretien est prévue dans les directives européennes. Mais ces directives prévoient un certain nombre d'exceptions essentiellement d'ordre technique, médicale, psychiatrique.
    Nous avons essayé de prévoir à l'article 1er des conditions qui fixaient sur le plan législatif, donc sur le plan normatif, les règles du jeu : chaque demandeur d'asile a le droit de présenter tous les éléments nécessaires pour soutenir sa demande, les dispositions relatives à la généralisation de la convocation à l'entretien étant renvoyées au décrét.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le Gouvernement a bien l'intention de prévoir une telle disposition par la voie réglementaire. Je précise que cette disposition est déjà appliquée dans la pratique.
    Avis défavorable donc.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
    (L'article 7 est adopté.)

Après l'article 7

    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 67 et 125.
    L'amendement n° 67 est présenté par M. Pinte ; l'amendement n° 125 est présenté par M. Gerin, M. Braouzec et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Après l'article 7, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 9 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, il est inséré un article 9 bis ainsi rédigé :
    « Art. 9 bis. - Avant que l'office ne se prononce, il donne au demandeur d'asile la possibilité d'avoir un entretien personnel avec une personne compétente pour mener cet entretien ainsi que la possibilité de s'y faire assister d'un conseil.
    « Chaque entretien personnel fera l'objet d'un procès-verbal dont le contenu sera soumis à l'accord de l'intéressé, voire à rectification lorsque cela est nécessaire.
    « La notification de la décision prise par l'office et des voies de recours se fera en français, ainsi que dans une langue compréhensible au demandeur d'asile s'il ne comprend pas le français. »
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 67.
    M. Etienne Pinte. Cet amendement vise à améliorer, conformément aux déclarations du ministre des affaires étrangères du 25 septembre dernier, les procédures d'instruction des demandes de droit d'asile.
    Dans la pratique actuelle, l'audition du demandeur d'asile n'est pas systématique. Or elle doit l'être. Nul ne peut ignorer l'importance d'un tel entretien dans la phase décisionnelle de la procédure d'asile.
    De même, l'établissement d'un procès-verbal, que le demandeur peut relire et corriger, doit être obligatoire.
    Enfin, il est impératif que les demandeurs d'asile soient assistés d'un conseil à toutes les étapes de la procédure afin de leur rendre celle-ci intelligible et d'assurer au mieux la préparation de leur dossier. Ce conseil peut être un avocat, un membre d'association ou une tierce personne.
    M. le président. L'amendement n° 125 n'est pas soutenu.
    Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 67 ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Le ministre a dit ce matin qu'il y aurait dans le décret d'application des dispositions fixant le principe et les règles de la convocation par l'OFPRA, conformément à l'esprit des directives européennes en cours d'élaboration.
    Je précise que 63 % des demandeurs d'asile sont, d'ores et déjà, convoqués par l'office, ce qui va dans le sens de l'amendement.
    L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Les amendements n°s 60 et 61 ne sont pas défendus.

Article 8

    M. le président. « Art. 8. - L'article 12 de la même loi devient l'article 10 et est modifié ainsi qu'il suit :
    « I. - A l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa, après le mot : "réfugié, sont ajoutés les mots : "ou d'octroi de la protection subsidiaire.
    « II. - A la fin de la dernière phrase du même alinéa, sont ajoutés les mots : "ou la carte de séjour temporaire prévue à l'article 12 ter de cette ordonnance. »
    M. Leonetti, rapporteur, et M. Mariani ont présenté un amendement, n° 32, ainsi rédigé :
    « I. - Avant le I de l'article 8, insérer le paragraphe suivant :
    « I A. - Dans la première phrase du dernier alinéa, les mots : "de l'article 10, sont remplacés par les mots : "de l'article 8 ; »
    « II. - En conséquence, dans le I de cet article, substituer au mot : "deuxième le mot : "même. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Cet amendement, déposé à l'initiative de M. Mariani, est un amendement de coordination.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Les amendements n°s 108 et 107 ne sont pas défendus.
    Je mets aux voix l'article 8, modifié par l'amendement n° 32.
    (L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 9 et 10

    M. le président. « Art. 9. - L'article 12-1 de la même loi devient l'article 11 et, dans cet article, les mots : "demande de reconnaissance de la qualité de réfugié sont remplacés par les mots : "demande d'asile. »
    Je mets aux voix l'article 9.
    (L'article 9 est adopté.)
    « Art. 10. - Les articles 13 à 18 de la même loi sont abrogés. » - (Adopté.)

Article 11

    M. le président. « Art. 11. - Après l'article 12-1 de la même loi, qui devient l'article 11, il est créé un titre III ainsi rédigé :

« TITRE III

« DISPOSITIONS DIVERSES

    « Art. 12. - Le quatrième alinéa et la première phrase du neuvième alinéa de l'article 8 ne sont pas applicables dans les départements d'outre-mer.
    « Art. 13. - Le quatrième alinéa et la première phrase du neuvième alinéa de l'article 8 ne sont pas applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon.
    « Art. 14. - La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie sous réserve des adaptations suivantes :
    « 1° Au IV de l'article 2, les mots : "représentant de l'Etat sont remplacés par les mots : "haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;
    « 2° A l'article 8 :
    « a) Dans le premier alinéa :
    « - les mots : "à l'intérieur du territoire français sont remplacés par les mots : "en Nouvelle-Calédonie ;
    « - les mots : "du préfet compétent et, à Paris, du préfet de police sont remplacés par les mots : "du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;
    « b) Dans le deuxième alinéa, les mots : "visas mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France sont remplacés par les mots : "visas requis par l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie ;
    « c) Dans le troisième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "en Nouvelle-Calédonie ;
    « d) Le quatrième alinéa ne s'applique pas ;
    « e) Dans le sixième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "sur le territoire de la République ;
    « f) La première phrase du neuvième alinéa n'est pas applicable ;
    « 3° A l'article 9 :
    « a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "en Nouvelle-Calédonie ;
    « b) Dans le troisième alinéa, les mots : "de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susmentionnée sont remplacés par les mots : "de l'article 50 de l'ordonnance du 20 mars 2002 susmentionnée ;
    « 4° A l'article 10 :
    « a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "en Nouvelle-Calédonie et les mots : "le territoire français sont remplacés par les mots : "la Nouvelle-Calédonie ;
    « b) Dans le second alinéa :
    « - les mots : "sur le territoire français et "en France sont remplacés par les mots : "en Nouvelle-Calédonie ;
    « - les mots : "mentionnée aux articles 19, 22, 23 et 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par les mots : "prise en application de l'ordonnance du 20 mars 2002 susmentionnée ;
    « - après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "si l'office décide d'entendre le demandeur d'asile hors de la Nouvelle-Calédonie, celui-ci reçoit les autorisations nécessaires ;
    «- le mot : "préfet est remplacé par les mots : "haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;
    « - la dernière phrase est remplacée par une phrase ainsi rédigée : "Il délivre sans délai un titre de séjour dans les conditions prévues par l'ordonnance du 20 mars 2002 susmentionnée ou la carte de séjour temporaire prévue par l'article 18 de cette ordonnance. » ;
    « 5° A l'article 11, les mots : "sur le territoire français sont remplacés par les mots : "en Nouvelle-Calédonie.
    « Art. 15 . - La présente loi est applicable en Polynésie française sous réserve des adaptations suivantes :
    « 1° Au IV de l'article 2, les mots : "représentant de l'Etat sont remplacés par les mots : "haut-commissaire de la République en Polynésie française ;
    « 2° A l'article 8 :
    « a) Dans le premier alinéa :
    « - les mots : "à l'intérieur du territoire français sont remplacés par les mots : "en Polynésie française ;
    « - les mots : "du préfet compétent et, à Paris, du préfet de police sont remplacés par les mots : "du haut-commissaire de la République en Polynésie française ;
    « b) Dans le deuxième alinéa, les mots : "visas mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France sont remplacés par les mots : "visas requis par l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française ;
    « c) Dans le troisième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "en Polynésie française ;
    « d) Le quatrième alinéa ne s'applique pas ;
    « e) Dans le sixième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "sur le territoire de la République ;
    « f) La première phrase du neuvième alinéa n'est pas applicable ;
    « 3° A l'article 9 :
    «a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "en Polynésie française ;
    « b) Dans le troisième alinéa, les mots : "de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susmentionnée sont remplacés par les mots : "de l'article 50 de l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ;
    « 4° A l'article 10 :
    « a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "en Polynésie française et les mots : "le territoire français sont remplacés par les mots : "la Polynésie française ;
    « b) Dans le second alinéa :
    "- les mots : "sur le territoire français et "en France sont remplacés par les mots : "en Polynésie française ;
    « - les mots : "mentionnée aux articles 19, 22, 23 et 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par les mots : "prise en application de l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ;
    « - après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
    « Si l'office décide d'entendre le demandeur d'asile hors de la Polynésie française, celui-ci reçoit les autorisations nécessaires ;
    « - le mot : "préfet est remplacé par les mots : "haut-commissaire de la République en Polynésie française ;
    « - la dernière phrase est remplacée par une phrase ainsi rédigée : "Il délivre sans délai un titre de séjour dans les conditions prévues par l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ou la carte de séjour temporaire prévue par l'article 18 de cette ordonnance. ;
    « 5° A l'article 11, les mots : "sur le territoire français sont remplacés par les mots : "en Polynésie française. »
    « Art. 16. - La présente loi est applicable dans les îles Wallis-et-Futuna sous réserve des adaptations suivantes :
    « 1° Au IV de l'article 2, les mots : "du représentant de l'Etat sont remplacés par les mots : "de l'administrateur supérieur ;
    « 2° A l'article 8 :
    "a) Dans le premier alinéa :
    « - les mots : "à l'intérieur du territoire français sont remplacés par les mots : "dans les îles Wallis-et-Futuna ;
    « - les mots : "du préfet compétent et, à Paris, du préfet de police sont remplacés par les mots : "de l'administrateur supérieur ;
    « b) Dans le deuxième alinéa, les mots : "visas mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France sont remplacés par les mots : "visas requis par l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis-et-Futuna ;
    « c) Dans le troisième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "dans les îles Wallis-et-Futuna ;
    « d) Le quatrième alinéa ne s'applique pas ;
    « e) Dans le sixième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "sur le territoire de la République ;
    « f) La première phrase du neuvième alinéa n'est pas applicable ;
    « 3° A l'article 9 :
    « a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "dans les îles Wallis-et-Futuna ;
    « b) Dans le troisième alinéa, les mots : "de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susmentionnée sont remplacés par les mots : "de l'article 48 de l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ;
    « 4° A l'article 10 :
    « a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "dans les îles Wallis-et-Futuna et les mots : "le territoire français sont remplacés par les mots : "les îles Wallis-et-Futuna ;
    « b) Dans le second alinéa :
    « - les mots : "sur le territoire français et "en France sont remplacés par les mots : "dans les îles Wallis-et-Futuna ;
    « - les mots : "mentionnée aux articles 19, 22, 23 et 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par les mots : "prise en application de l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ;
    « - après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Si l'office décide d'entendre le demandeur d'asile hors des îles Wallis-et-Futuna, celui-ci reçoit les autorisations nécessaires ;
    « - le mot : "préfet est remplacé par les mots : "administrateur supérieur ;
    « - la dernière phrase est remplacée par une phrase ainsi rédigée : "Il délivre sans délai un titre de séjour dans les conditions prévues par l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ou la carte de séjour temporaire prévue par l'article 17 de cette ordonnance. ;
    « 5° A l'article 11, les mots : "sur le territoire français sont remplacés par les mots : "dans les îles Wallis-et-Futuna. »
    « Art. 17. - La présente loi est applicable à Mayotte sous réserve des adaptations suivantes :
    « 1° Au IV de l'article 2, les mots : "représentant de l'Etat sont remplacés par les mots : "représentant du Gouvernement ;
    « 2° A l'article 8 :
    « a) Dans le premier alinéa :
    « - les mots : "à l'intérieur du territoire français sont remplacés par les mots : "à Mayotte ;
    « - les mots : "du préfet compétent et, à Paris, du préfet de police sont remplacés par les mots : "de représentant du Gouvernement ;
    « b) Dans le deuxième alinéa, les mots : "visas mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France sont remplacés par les mots : "visas requis par l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte ;
    « c) Dans le troisième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "à Mayotte ;
    « d) Le quatrième alinéa ne s'applique pas ;
    « e) Dans le sixième alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "sur le territoire de la République ;
    « f) La première phrase du neuvième alinéa n'est pas applicable ;
    « 3° A l'article 9 :
    « a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "à Mayotte ;
    « b) Dans le troisième alinéa, les mots : "de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susmentionnée sont remplacés par les mots : "de l'article 48 de l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ;
    « 4° A l'article 10 :
    « a) Dans le premier alinéa, les mots : "en France sont remplacés par les mots : "à Mayotte et les mots : "le territoire français sont remplacés par les mots : "à Mayotte ;
    « b) Dans le second alinéa :
    « - les mots : "sur le territoire français et "en France sont remplacés par les mots : "à Mayotte ;
    « - les mots : "mentionnée aux articles 19, 22, 23 et 26 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par les mots : "prise en application de l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ;
    « - après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Si l'office décide d'entendre le demandeur d'asile hors de Mayotte, celui-ci reçoit les autorisations nécessaires ;
    « - le mot : "préfet est remplacé par les mots : "représentant du Gouvernement ;
    « - la dernière phrase est remplacée par une phrase ainsi rédigée : "Il délivre sans délai un titre de séjour dans les conditions prévues par l'ordonnance du 26 avril 2000 susmentionnée ou la carte de séjour temporaire prévue par l'article 17 de cette ordonnance. » ;
    « 5° A l'article 11, les mots : "sur le territoire français sont remplacés par les mots : "à Mayotte.
    « Art. 18. - L'étranger qui, arrivant ou séjournant dans les Terres australes et antarctiques françaises, demande l'admission au titre de l'asile est entendu par l'autorité administrative, laquelle recueille sa demande et lui en délivre récépissé.
    « L'intéressé est ensuite invité à quitter sans délai les Terres australes et antarctiques françaises et à rejoindre la Réunion, où sa demande sera traitée dans les conditions prévues par la présente loi.
    « Si l'étranger n'est pas en mesure de se rendre à la Réunion par ses propres moyens, il y est conduit, sur décision de l'administrateur supérieur, soit par la personne qui l'a acheminé dans le territoire, soit par un navire de la marine nationale, soit par un navire ou un aéronef affrété pour le compte du territoire. Dans l'attente, il est autorisé à se maintenir sur le territoire. »
    « Art. 19. - Les modalités d'application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d'Etat, notamment :
    « 1° L'autorité compétente pour saisir l'office d'une demande de réexamen mentionnée au IV de l'article 2 ;
    « 2° Les modalités de désignation des représentants de l'Etat et du représentant du personnel au conseil d'administration, ainsi que celles des personnalités qualifiées ;
    « 3° Les modalités de désignation et d'habilitation des agents mentionnés au dernier alinéa de l'article 3 ;
    « 4° La durée du mandat des membres de la commission des recours des réfugiés ;
    « 5° Les recours prévus au II de l'article 5, le recours en révision contre les décisions de la commission, ainsi que les délais pour les former ;
    « 6° Le délai pour la délivrance du document provisoire de séjour prévu au premier alinéa de l'article 9 et permettant de déposer une demande d'asile ;
    « 7° Le délai dans lequel le demandeur d'asile qui a reçu le document provisoire de séjour susmentionné, doit déposer sa demande auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ;
    « 8° Le délai pour la délivrance, après le dépôt de la demande d'asile auprès de l'office, du nouveau document provisoire de séjour prévu au premier alinéa de l'article 9, ainsi que la nature et la durée de validité de ce document ;
    « 9° Le délai pour la délivrance du titre de séjour après la décision d'octroi par l'office ou la commission du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire ;
    « 10° Les délais dans lesquels statue l'office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire prévue au troisième alinéa de l'article 9. »
    M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 33, ainsi rédigé :
    « Supprimer le b du 3° du texte proposé pour l'article 14 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une mention inutile.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 34, ainsi rédigé :
    « Supprimer le b du 3° du texte proposé pour l'article 15 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 35, ainsi rédigé :
    « Supprimer le  b du 3° du texte proposé pour l'article 16 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Amendement rédactionnel !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 36, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa du b du 4° du texte proposé pour l'article 16 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « - les mots : "le préfet sont remplacés par les mots : "l'administrateur supérieur ; »
    S'agissant de cet autre amendement rédactionnel, la situation sera sans doute la même que précédemment ? (Assentiment.)
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Kamardine et M. Quentin ont présenté un amendement, n° 89, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 1° du texte proposé pour l'article 17 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. Mansour Kamardine.
    M. Mansour Kamardine. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
    Depuis la loi du 11 juillet 2001, à Mayotte, le préfet ne s'appelle plus, fort heureusement, « préfet représentant du Gouvernement » mais « préfet de Mayotte » ou « représentant de l'Etat ».
    Quant aux amendements n°s 90 et 91, je vous dirai que j'ai souvent le sentiment en France que nous n'avons malheureusement pas un comportement qui traduise notre attachement à nos couleurs, contrairement aux Américains. Car si chaque Américain a son drapeau, on a en France, d'une manière générale, peur de s'affirmer. Mayotte étant francaise, je propose d'écrire « à l'intérieur du territoire français de Mayotte », ce qui, je pense, ne pose pas de problème majeur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission.
    M. Jean Leonetti, rapporteur, Je donnerai un accord enthousiaste aux amendements n°s 89, 90 et 91. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable également aux trois amendements de M. Kamardine.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Kamardine et M. Quentin ont présenté un amendement, n° 90, ainsi rédigé :
    « A la fin du deuxième alinéa du a du 2° du texte proposé pour l'article 17 de la loi du 25 juillet 1952, substituer aux mots : "à Mayotte, les mots : "à l'intérieur du territoire français de Mayotte ».
    Je mets aux voix l'amendement n° 90.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Kamardine et M. Quentin ont présenté un amendement, n° 91, ainsi rédigé :
    « « Supprimer le dernier alinéa du a du 2° du texte proposé pour l'article 17 de la loi du 25 juillet 1952. »
    Je mets aux voix l'amendement n° 91.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, l'amendement n° 37 de la commission n'a plus d'objet.
    M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 38, ainsi rédigé :
    « Supprimer le b du 3° du texte proposé pour l'article 17 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 39, ainsi rédigé :
    « Avant le 1° du texte proposé pour l'article 19 de la loi du 25 juillet 1952, insérer l'alinéa suivant :
    « 1° A. Les conditions d'instruction des demandes d'asile dont l'office est saisi ; »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Cet amendement renvoie à un décret les dispositions concernant le droit de chaque demandeur d'asile d'obtenir une instruction au fond de son dossier. Cet amendement de coordination revêt une importance majeure puisqu'il concerne la demande d'entretien.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 40 rectifié, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 5° du texte proposé pour l'article 19 de la loi du 25 juillet 1952 :
    « 5° Les conditions d'exercice des recours prévus à l'article 5, ainsi que les conditions dans lesquelles le président et les présidents de section de la commision des recours peuvent, après instruction, statuer par ordonnance sur les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur de l'office ; »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Pinte a présenté un amendement, n° 69, ainsi rédigé :
    « Supprimer les 6° à 8° du texte proposé pour l'article 19 de la loi du 25 juillet 1952. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Actuellement, le dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique restreint le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux demandeurs d'asile entrés régulièrement sur le territoire, lesquels n'y ont eux-mêmes droit qu'en cas de recours devant la commission des recours des réfugiés.
    Cette disposition prive de tout accès à l'aide juridictionnelle de nombreux demandeurs d'asile qui fuient leur pays d'origine sans pouvoir obtenir préalablement un visa pour la France. Elle prive également tous les demandeurs d'asile de l'aide juridique à l'étape de la procédure qui se déroule devant l'OFPRA. On refuse ainsi aux demandeurs d'asile un droit fondamental et l'on retarde la mise en état des dossiers, ce qui a pour conséquence d'allonger les procédures.
    L'article 13 de la proposition de directive du 3 juillet 2002, dans sa version publiée, prévoit que soient fournies à tout demandeur d'asile l'assistance judiciaire gratuite à la suite du rejet initial de sa demande, ainsi que la possibilité de consulter effectivement un conseil juridique à toutes les phases de la procédure.
    Malheureusement, la plupart du temps, quand on est réfugié, on n'a pas eu le loisir d'aller à l'ambassade ou au consulat - si tant est qu'il en existe encore un - pour demander un visa afin d'entrer de façon régulière dans notre pays. C'est le sauve-qui-peut et on immigre alors forcément de façon irrégulière.
    C'est pourquoi il faut étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux demandeurs d'asile et même à ceux qui ont demandé le statut de réfugié alors qu'ils sont entrés dans notre pays de façon illégale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Je crois que M. Pinte a fait une erreur. Compte tenu du rejet de l'amendement de fixation des délais, l'amendement n° 69 n'a plus d'objet.
    M. le président. Etes-vous d'accord, monsieur Pinte ?
    M. Etienne Pinte. Non !
    M. le président. C'est bien ce que je pensais ! (Sourires.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Article 12

    M. le président. « Art. 12. - I. - A l'article 18 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie, à l'article 18 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française, à l'article 17 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna et à l'article 17 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, les mots : "l'asile territorial en application de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 sont remplacés par les mots : "le bénéfice de la protection subsidiaire en application de la loi du 25 juillet 1952.
    « II. - A l'article 47 de l'ordonnance du 20 mars 2002 susmentionnée, à l'article 47 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 susmentionnée, à l'article 45 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 susmentionnée et à l'article 45 de l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 susmentionnée, les mots : "dans les conditions fixées à l'article 10 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée sont remplacés par les mots : "dans les conditions fixées aux articles 8 et 9 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée. »
    Je mets aux voix l'article 12.
    (L'article 12 est adopté.)

Après l'article 12

    M. le président. M. Cardo a présenté un amendement, n° 131, ainsi libellé :
    « Après l'article 12, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 21-24-1 du code civil, est inséré un article 21-24 ainsi rédigé :
    « Art. 21-24-1. - Les conditions de connaissance de la langue française ne s'appliquent pas aux réfugiés politiques et aux apatrides résidant régulièrement et habituellement en France depuis dix ans au moins sous réserve des dispositions de l'article 21-23 du code civil. »
    La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Ceux d'entre nous qui sont maires ont été nombreux à accueillir dans leur commune, comme ce fut le cas dans la mienne, des réfugiés politiques en provenance d'Asie du Sud-Est il y a une vingtaine d'années, et même plus récemment. Le problème qui se pose, c'est que ces gens-là ne parlent pas très bien le français : je pense aux anciens combattants d'Indochine, par exemple, mais il y a d'autres cas bien sûr. Et alors que leurs enfants, depuis le temps qu'ils sont installés en France, sont devenus français, eux ne peuvent toujours pas obtenir la naturalisation française, en raison des dispositions de l'article 21-23 du code civil. Il serait intéressant de prévoir pour eux une exception, selon laquelle ils pourraient obtenir la nationalité française au bout de dix ans de séjour, ce qui permettrait de les intégrer beaucoup plus facilement, outre que ce serait une reconnaissance légitime pour des gens qui se sont battus pour la France.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Avis défavorable, bien que la question de M. Cardo soit importante. Mais elle est difficile à régler dans le cadre législatif dans lequel nous sommes aujourd'hui. Elle relève plutôt du garde des sceaux, et plutôt de l'intégration que du droit d'asile, même si notre souci d'intégration se traduit par la volonté de voir les primo-arrivants dotés d'une véritable pratique de la langue française. Néanmoins, accorder la nationalité française à ces personnes qui sont là depuis très longtemps serait un geste de reconnaissance et de générosité de la part de la France. Je suis vraiment désolé de donner devoir un avis défavorable.
    M. Serge Blisko. Alors, ne le donnez pas !
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Si la proposition de Pierre Cardo pouvait s'insérer dans cette loi, ce serait une bonne chose, mais c'est impossible.
    M. Christophe Caresche. Il suffit de le vouloir !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Comme ministre chargé de la francophonie, je ne peux bien sûr qu'être sensible à la préoccupation que traduit cet amendement. Mais le texte que nous examinons porte sur le droit d'asile et la protection subsidiaire. En aucun cas le critère linguistique ne constitue un obstacle dans cette affaire. Honnêtement, il n'a pas sa place dans ce texte.
    M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.
    M. Serge Blisko. J'ai la même expérience que Pierre Cardo. Le XIIIe arrondissement a accueilli en effet beaucoup de gens en provenance du Vietnam, tels les fameux « Boat People » de l'Ile de lumière, parmi lesquels des anciens combattants d'Indochine. Telle est la situation du président - ex-béret rouge - de la section locale de l'Union nationale des combattants UNC, qui n'est pas l'association d'anciens combattants la plus à gauche qui soit. Et c'est vrai que, s'il parle très mal le français, il compte des années au service de la France, et ses décorations en font foi.
    Nous devons faire un effort pour ces anciens combattants aujourd'hui peu nombreux qui ont servi la France dans des conditions difficiles et qui, après un passé d'héroïsme, sont aujourd'hui réfugiés chez nous. Certes, ils parlent toujours mal notre langue, mais je crois qu'à leur âge ils ne l'apprendront plus, et c'est bien là le drame.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 41, ainsi rédigé :
    « Après l'article 12, insérer l'article suivant :
    « Dans le quatrième alinéa de l'article 16 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les mots : "au dernier alinéa de sont remplacés par le mot : "à. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
    (L'amendement est adopté.)

Article 13

    M. le président. « Art. 13. - La présente loi entrera en vigueur le 1er janvier 2004. Toutefois les dispositions de l'article 13 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 resteront en vigueur pour ce qui concerne les demandes d'asile territorial déposées avant cette date.
    « Les demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié en cours d'instruction auprès de l'office à la date d'entrée en vigueur de la présente loi seront traitées comme des demandes d'asile au sens de la présente loi.
    « Les demandeurs d'asile territorial ayant une demande d'admission au statut de réfugié pendante devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à la date d'entrée en vigueur de la présente loi sont réputés se désister de leur demande d'asile territorial. Il en va de même des demandeurs d'asile territorial qui présentent une demande d'asile à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi. »
    M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 42, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 13, après l'année : "1952, insérer les mots : "dans sa rédaction antérieure à la présente loi. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Leonetti, rapporteur, a présenté un amendement, n° 43, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa de l'article 13, après le mot : "office, insérer les mots : "français de protection des réfugiés et apatrides. »
    Il s'agit, là encore, monsieur le rapporteur, d'un amendement rédactionnel... ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

    M. le président. « Art. 14. - La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte. »
    Je mets aux voix l'article 14.
    (L'article 14 est adopté.)

Après l'article 14

    M. le président. Mme Gautier a présenté un amendement n° 87, ainsi rédigé :
    « Après l'article 14, insérer l'article suivant :
    « Chaque année, le Gouvernement présentera un rapport sur l'application de la loi et notamment sur le nombre de places mises à disposition par les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile. »
    La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir cet amendement.
    M. Pierre Cardo. Encore un rapport !
    M. Serge Blisko. Certes, la demande est assez classique, mais, puisqu'avec ce texte nous avançons dans l'inconnu, cela me paraît s'imposer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean Leonetti, rapporteur. Un rapport annuel est déjà prévu dans le cadre d'une convention d'objectifs et de moyens. En outre, nous avons voté une disposition qui prévoit que deux parlementaires siégeront désormais au sein de l'OFPRA. Il leur sera loisible de diffuser auprès des autres représentants du peuple l'ensemble des documents nécessaires à une bonne compréhension du fonctionnement de cet office et, surtout de plaider pour l'augmentation des moyens nécessaire une bonne application de cette loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Tout à l'heure, lors de l'examen d'un amendement de Mme Colot qui allait exactement dans le même sens, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles un tel rapport n'était pas, à notre avis, nécessaire. Donc, avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste.
    M. Serge Blisko. Monsieur le ministre, tout au long de ce débat, nous avons souhaité attirer votre attention sur certains points qui nous inquiètent tout particulièrement. Ces préoccupations sont d'ailleurs partagées par la plupart des associations humanitaires et des ONG qui accompagnent les demandeurs d'asile. Plusieurs de nos collègues siégeant sur d'autres bancs s'en sont également fait l'écho, et je m'en félicite.
    Nous avons apprécié que la suppression de l'asile territorial se soit accompagnée de la création d'un guichet unique pour les demandeurs d'asile, qui sera géré par l'OFPRA. Nous admettons parfaitement tout ce qui peut contribuer à l'accélération de l'examen et abréger l'attente des décisions. Mais cette accélération ne doit pas être due au seul souci de résorber le retard accumulé, au détriment des demandeurs. Examen rapide ne doit pas signifier examen sommaire.
    En revanche, nous sommes affligés que l'asile subsidiaire soit amoindri et que l'on crée ainsi un droit d'asile au rabais. Nous souhaitons que cette protection soit plus claire, plus respectueuse des droits de l'homme, et que le demandeur d'asile soit considéré comme une personne en danger fuyant son pays plutôt que comme un fraudeur en puissance cherchant à contourner les lois sur l'immigration.
    A ce propos, votre projet ne s'intéresse pas - vous l'avez vous-même reconnu, Monsieur Wiltzer - aux conditions dans lesquelles les personnes non admises sur notre territoire sont entassées en zone d'attente. Tel qu'il se présente, votre projet n'est pas en mesure d'assurer l'ensemble des droits et garanties dus à ces personnes. Si, sur ce point, vous aviez enrichi votre projet d'un accès aux zones d'attente plus large pour les associations, nous aurions certainement été sur la voie d'un progrès, et nous aurions partagé cet objectif.
    Sous couvert d'harmonisation européenne, vous tirez malheureusement vers le bas la tradition française d'application de la convention de Genève, application qui, il faut le redire ce soir, est tout sauf complaisante puisqu'à peine 17 % des demandeurs d'asile reçoivent le statut final, même après appel devant la commission des recours.
    Sous couvert de simplification, ce texte vise en réalité à envoyer un signal aux demandeurs d'asile. Or ce signal n'est pas à la hauteur de la France des Droits de l'homme, puisqu'il peut se traduire ainsi : « Inutile d'essayer de venir, nous fermons de plus en plus nos portes. » Mes propos ne sont pas excessifs. J'en veux pour preuve les deux nouveautés très inquiétantes que vous introduisez dans votre texte : celle d'une liste de pays d'origine sûrs dressée par l'OFPRA, dans un premier temps, puis par l'Union européenne. Un demandeur d'asile qui, par malheur, viendrait d'un pays inscrit sur cette liste verrait sa demande trop vite examinée et vite rejetée à la suite d'une instruction d'une extrême brièveté. Comment assurer dans ces conditions un véritable examen des demandes et donc un traitement équitable ?
    Par ailleurs, en confiant dans quelques mois à l'Union européenne le soin d'établir cette liste de pays sûrs, vous vous dessaisissez d'une partie de notre souveraineté, ce qui, nous l'avons, je crois, amplement démontré, est totalement anticonstitutionnel.
    Vous introduisez, d'autre part, la notion d'asile interne, véritable monstruosité juridique qui consiste à reconnaître qu'un individu est persécuté sans lui donner accès à notre territoire, en le renvoyant, dans des conditions acrobatiques, dans une partie réputée plus tranquille de son pays d'origine. Cela sera extrêmement dangereux, dans bien des cas techniquement inapplicable, et cela contribuera à vider le droit d'asile de son sens premier, qui est de « protéger en accueillant sur notre sol ». Cet asile interne, qui sera en deçà de la protection que peut accorder un Etat, est totalement anticonstitutionnel car il ne respecte pas la convention de Genève que la France a ratifiée il y a plus de cinquante ans.
    Monsieur le ministre, l'objectif de votre texte, qui paraît avoir mal contenu les visées hégémoniques du ministère de l'intérieur, aboutira à diminuer l'efficacité de la protection, ce qui, dans l'Europe des Quinze, est aujourd'hui une « tendance lourde. »
    L'autorisation de communiquer au ministère de l'intérieur des informations confidentielles fournies par des demandeurs déboutés est très inquiétante, et nous nous élevons avec force contre cette disposition.
    Des questions essentielles ne sont pas abordées : le droit au travail des demandeurs d'asile - cela s'est manifesté d'une manière caricaturale et quelque peu surréaliste - ou l'insuffisance criante de places dans les CADA ; en outre, il n'a jamais été question des mineurs isolés, problème très difficile que nous ne savons pas résoudre, je le reconnais volontiers, mais qu'il faut quand même aborder de front.
    M. Eric Raoult, rapporteur pour avis. Quel aveu !
    M. Serge Blisko. Ce texte est malheureusement marqué par le soupçon - soupçon de fraude de la part des demandeurs, soupçon de complaisance de la part du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Comment pouvez-vous, monsieur le ministre, justifier cette méfiance omniprésente alors que M. de Villepin n'a eu de cesse pendant trois mois de réclamer la primauté de l'ONU - excusez-moi, monsieur Wiltzer, mais j'avais écrit ce texte pour l'adresser à M. de Villepin ; vous voudrez bien lui transmettre.
    M. le président. M. de Villepin le lira au Journal officiel.
    M. Serge Blisko. Preuve est faite qu'il est compliqué de débattre avec une personne absente !
    M. le président. Le Gouvernement est un.
    M. Serge Blisko. Bien entendu, monsieur le président, mais, au sein de cette unité M. de Villepin est une voix forte, et qui n'a eu de cesse pendant trois mois, lors de la crise irakienne, de demander la primauté de l'ONU. Peut-on réclamer l'ONU à Bagdad et l'éloigner de Paris ?
    M. Pierre Cardo. L'ONU est quand même plus utile à l'extérieur qu'à Paris !
    M. Serge Blisko. C'est la substance même du droit d'asile qui est remise en cause par votre texte et, au-delà, le mandat général de protection dévolu au HCR par les Nations unies. Pensez aux guerres civiles, à l'éclatement de pays entiers - on l'a vu en Yougoslavie -, aux persécutions religieuses, ethniques, aux crimes contre l'humanité. Les atteintes aux libertés n'ont jamais été aussi nombreuses qu'aujourd'hui.
    Je veux rappeler ce chiffre terrible : il y avait un million de réfugiés en 1951, quand la convention de Genève fut signée ; il y en a vingt-deux millions aujourd'hui !
    M. Pierre Cardo. Ça fait du monde à accueillir !
    M. Serge Blisko. Il y avait d'autres pistes pour améliorer le droit d'asile. Je vous en livre quelques-unes : un respect scrupuleux de la convention de Genève qui a, en France, je le répète, une valeur constitutionnelle ; le renforcement des moyens de l'OFPRA pour un traitement plus rapide et plus efficace des demandes d'asile. Six mois eût été un bon objectif. C'est sans doute là le meilleur moyen de dissuader les demandeurs d'asile abusifs qui comptent sur la durée des procédures pour s'installer sur notre territoire ; des mesures pressantes pour résoudre la situation, jusqu'ici inextricable, des mineurs isolés ; un maillage territorial de l'accueil, qui assurerait à chaque demandeur d'asile l'égalité de traitement, tant en matière d'hébergement qu'en matière d'information.
    Face à ces dangers, et vis-à-vis de tous ces hommes et de toutes ces femmes qui souffrent sur tous les continents, et pour qui la France des droits de l'homme aurait pu être la lueur d'espoir, vous faites preuve de fermeture, et nous le regrettons, quand nous attendions une amélioration, une garantie d'efficacité et plus de générosité.
    Nous voterons donc contre ce texte marqué par un repli frileux.
    M. le président. La parole est à M. Eric Raoult, pour le groupe UMP.
    M. Eric Raoult. Je pourrais résumer ce projet de loi en trois mots : tradition, pragmatisme et efficacité.
    Le Gouvernement et l'excellent rapporteur dont l'Assemblée nationale s'est dotée pour traiter au fond ce dossier du droit d'asile ont rappelé notre tradition d'asile. Tous les juifs polonais qui sont arrivés dans notre pays se souviennent du vieux proverbe yiddish qui dit : « Tu as deux patries, la tienne et la France. » Nous restons avec ce texte, et le ministre des affaires étrangères l'a rappelé ce matin, dans cette tradition. Tout de même, quel paradoxe que les deux motions de procédure défendues par la gauche aient cité le discours à l'ONU du ministre des affaires étrangères !
    Mais nous avons également fait preuve d'un pragmatisme nourri de toute l'expérience et de tous les ratés de la gauche au pouvoir.
    M. Serge Blisko. Toujours nuancé, M. Raoult !
    M. Eric Raoult. La loi RESEDA, c'est vous, vous l'avez rappelé tout à l'heure.
    M. Christophe Caresche. Excellente loi !
    M. Eric Raoult. Les modifications apportées au droit du travail, c'est vous. C'est que certaines expériences, que vous vivez vous-mêmes dans vos circonscriptions, cher collègue Blisko et cher collègue Caresche, sont là pour rappeler que lorsque l'on ne traite pas le dossier du droit d'asile, nous retrouvons les déboutés du droit d'asile dans nos églises et dans nos permanences. C'est la raison pour laquelle ce texte a abordé avec pragmatisme l'ensemble de ces sujets. De Christian Vanneste et son expérience de Tourcoing à Etienne Pinte et sa connaissance de cas individuels, chaque parlementaire a fait preuve d'humanisme. A chacun de reconnaître que le pragmatisme a été une ligne directrice du projet du Gouvernement.
    Enfin, l'efficacité. Parler du droit d'asile à New Delhi ou à Haïti, c'est bien, mais régler ces questions à Clichy ou à Bobigny, chers collègues, c'est beaucoup mieux. Ne donnons pas de faux espoirs à ceux qui, demain, pourraient recréer des Sangatte aux frontières italienne ou belge.
    Et c'est parce que ce texte respecte les traditions d'accueil de notre pays, tout en faisant preuve dans l'ensemble de ses dispositions de pragmatisme et d'efficacité, que je regrette que nos collègues Christophe Caresche et Serge Blisko, qui sont un peu commis d'office dans ce débat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), refusent de voter ce texte de loi. Le groupe UMP, lui, le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
    (Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est supendue.
    (La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour un rappel au règlement.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, d'entrée de jeu, nous fondant sur l'article 58 de notre règlement, nous souhaitons dire que les conditions qui nous sont faites sont proprement déplorables. Nous devons en effet travailler la veille d'un long week-end férié et alors que débute mardi l'examen d'un texte important. Cinq textes importants auront d'ailleurs été examinés cette semaine dans cet hémicycle.
    Nous nous trouvons littéralement pris en sandwich et la commission des finances, qui a été très fortement sollicitée, a, si j'ose dire, la tête ailleurs. Je tiens néanmoins à rendre un hommage appuyé au travail des administrateurs de cette commission, qui nous permettent quand même de travailler.
    Monsieur le président, vous me permettrez, au nom du groupe socialiste et apparentés, de protester vigoureusement contre ce calendrier infernal qui nous est imposé.
    Je ne sais pas à quelle heure nous allons finir : peut-être vers deux heures du matin. Il faudra de plus travailler vendredi. C'est pourquoi j'insiste auprès du Gouvernement pour qu'on nous offre de meilleures conditions de travail.
    Ce n'est pas la première fois que cela se produit, monsieur le président.
    M. Eric Raoult. Ah ça, non !
    M. Victorin Lurel. On nous avait déjà imposé de telles conditions lors du vote du budget. Il en a été de même lors de la réforme constitutionnelle. Vous nous avez fait l'amitié de venir personnellement passer longan si bobo, comme on dit en créole guadeloupéen. Merci. Reste que là, cette façon de travailler, qui se banalise, révèle un certain mépris à l'égard des ressortissants de l'outre-mer.
    Voilà ce que je tenais à dire au nom de mon groupe.
    M. le président. J'en prends acte.

3

LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n°s 881, 891).
    La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de vous remercier très chaleureusement de nous faire le grand honneur de présider nos débats. Vous démontrez, une fois encore, l'immense attachement que vous portez à l'outre-mer, que vous connaissez bien, et nous vous en sommes très reconnaissants.
    Ce projet de loi, que j'ai beaucoup de plaisir à vous présenter, traduit tous les engagements, de nature législative, du Président de la République et du Gouvernement en faveur d'un développement durable de l'outre-mer. Il s'agit, selon les termes mêmes du chef de l'Etat, d'un effort sans précédent, dans un contexte budgétaire et économique pourtant difficile, ce qui traduit bien la volonté de ce Gouvernement d'accorder à nos dix collectivités ultramarines une attention prioritaire.
    J'ai souhaité que ce texte, déjà bien connu des députés d'outre-mer, fasse l'objet, au cours de son élaboration, d'une très large concertation, menée tant outre-mer qu'en métropole avec l'ensemble des acteurs du développement économique, qu'il s'agisse des élus, des parlementaires, des présidents des assemblées locales ou des représentants des milieux socioprofessionnels. C'est ainsi que ce projet s'est progressivement enrichi. Le Sénat l'a complété sur plusieurs points et notre discussion va sans doute nous permettre de l'améliorer encore, à partir notamment des amendements adoptés par vos commissions. Je remercie d'ailleurs celles-ci, en particulier votre commission des finances, pour le travail qu'elle a accompli dans un délai particulièrement court.
    Je voudrais, au préalable, rappeler les grands objectifs que poursuit le Gouvernement et les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour les atteindre.
    Le Gouvernement a pour objectif de mettre en place une véritable stratégie de développement durable de nos collectivités ultramarines. Ce développement doit se concevoir en termes de rattrapage sur la métropole et doit être fondé sur une logique d'activité et de responsabilité, et non pas d'assistanat.
    Les Français d'outre-mer sont des Français à part entière, et on oublie parfois qu'ils l'ont été avant Nice ou la Savoie ! Nos collectivités d'outre-mer et leurs populations font partie intégrante de la communauté nationale. Il est donc normal que notre objectif prioritaire soit de réaliser, après l'égalité sociale, achevée en 1996, l'égalité économique qui est l'ultime étape de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et la dignité.
    Pour l'atteindre, il faut créer outre-mer un environnement économique plus favorable au développement de l'activité des entreprises et, par conséquent, de l'emploi. On ne saurait en effet plus tolérer qu'outre-mer, le RMI constitue un revenu de remplacement pour 19 % de la population, ni que le chômage frappe un actif sur quatre, voire sur trois. Tout doit être fait pour que le PIB par habitant, qui n'atteignait que 54 % du niveau métropolitain en 1998, s'améliore rapidement.
    Cela passe tout d'abord par la réduction des handicaps structurels dont souffrent les économies d'outre-mer : éloignement, insularité, faible superficie, relief et climat difficiles, forte dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits. Ces handicaps sont pleinement reconnus, y compris au niveau européen, par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui permet aux régions ultrapériphériques de l'Europe de déroger au droit communautaire pour prendre en compte ces difficultés. Et vous savez que, notamment grâce à l'appui du commissaire Barnier, nous sommes sur la bonne voie pour que cet article soit repris dans la nouvelle Constitution européenne.
    Cela passe également par la valorisation des atouts dont ces collectivités disposent. Ces atouts sont nombreux. Outre un dynamisme économique qui se traduit par une croissance plus forte qu'en métropole et une capacité à créer relativement plus d'emplois que dans l'Hexagone, il convient de souligner l'atout majeur que constitue, à moyen terme sa jeunesse : la moitié de la population a moins de vingt-cinq ans en Guyane, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ; trois Mahorais sur cinq ont moins de vingt ans.
    L'outre-mer a aussi d'extraordinaires potentialités de développement dans certains secteurs, comme le tourisme et l'hôtellerie, la recherche ou encore le secteur des énergies renouvelables. Il convient donc de les soutenir et de les encourager.
    Le projet de loi de programme que j'ai préparé au nom du Gouvernement a pour ambition de combler le retard de développement des économies de l'outre-mer en inscrivant notre action dans la durée. Il s'agit d'envoyer à tous les acteurs du développement un signal fort, exprimant l'effort que consent la communauté nationale pour l'outre-mer et notre confiance dans leur capacité à tirer le meilleur parti de dispositions destinées à créer les conditions d'un développement durable et cohérent. C'est la raison pour laquelle les mesures qui vous sont proposées ont une durée de quinze ans.
    Quelles sont les principales dispositions de ce projet de loi ? Nous voulons, par ce texte, relever trois défis.
    Premier défi : créer un grand nombre d'emplois durables dans le secteur marchand. Nous considérons qu'il faut pour cela alléger fortement le coût du travail pour les entreprises, afin de les rendre plus compétitives ; mais il faut également mettre en place des incitations directes à l'embauche, afin que les entreprises recrutent les personnes qui, aujourd'hui, rencontrent le plus de difficultés pour accéder à l'emploi. C'est notamment le cas des jeunes.
    Deuxième défi : relancer l'investissement privé. Cette nécessité est d'autant plus forte que les crédits publics deviennent plus rares. Certes, la commande publique doit continuer, dans les années qui viennent, à contribuer à la croissance des économies ultramarines, de même que la solidarité nationale à l'égard des plus démunis ne saurait bien évidemment être remise en cause. Mais il est également indispensable que l'initiative privée prenne une part croissante dans le développement de ces collectivités. La refonte du dispositif de soutien fiscal à l'investissement outre-mer vise à accompagner cet essor.
    Troisième défi : assurer la continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole. La défaillance d'Air Lib, en début d'année, n'a fait à cet égard qu'accentuer un problème qui n'a jamais été traité par le passé. Je tiens à souligner que, pour la première fois, un gouvernement a décidé d'engager des actions pour donner à cette notion de continuité territoriale un début de réalité.
    Nous proposons donc trois séries de mesures.
    Les premières sont destinées à favoriser la création d'emplois durables dans les entreprises. Vous le savez, ce sont avant tout elles qui créent des emplois. Encore faut-il que l'action publique contribue à lever les obstacles qu'elles rencontrent pour qu'elles soient réellement en situation de le faire. A cet égard, l'abaissement du coût du travail est un des axes à privilégier. Il vous est donc proposé, dans la continuité des mesures initiées en 1994 par la loi Perben et confirmées en 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer, un allégement renforcé de charges sociales pour les entreprises subissant plus particulièrement les contraintes liées à l'éloignement, à l'insularité et à un environnement extérieur dans lequel le coût du travail est particulièrement bas. L'expérience l'a montré, ce type de mesures participe de manière incontestable à l'amélioration de la situation de l'emploi outre-mer. Ainsi, dans les DOM, l'augmentation de l'emploi salarié, entre 1994 et 1995, a été de 8 % et, entre 2000 et 2001, de 4,2 % contre 1,7 % en métropole.
    Pour autant, il n'est pas question de consentir un allégement de charges général qui induirait, pour certains secteurs et certaines entreprises, des effets d'aubaine. C'est la raison pour laquelle la mesure proposée est doublement ciblée :
    Nous privilégions certains secteurs d'activité : là où le potentiel de développement est le plus prometteur, comme le tourisme ou l'hôtellerie, pour lesquels nous proposons une exonération dans la limite de 1,5 SMIC ; là où la création de valeur ajoutée est la plus forte, dans l'industrie, l'agriculture, les énergies renouvelables, les NTIC - y compris, s'agissant de ce dernier secteur, et comme l'ont souhaité les sénateurs, les « centres d'appel », en raison des perspectives, en termes de création d'emplois, qu'ils paraissent ouvrir, nous proposons une exonération dans la limite de 1,4 SMIC.
    Nous privilégions aussi les PME, ce qui correspond à la réalité de ces économies d'outre-mer. Plus de 80 % des entreprises d'outre-mer comptent en effet moins de dix salariés.
    S'agissant du secteur du BTP, l'exonération de charges sociales est portée à 100 % pour les entreprises de cinquante salariés au plus. Là encore, il s'agit de « coller » à la réalité : 99 % des entreprises de BTP, dans les DOM, comptent en effet cinquante salariés au plus et emploient 84 % des effectifs de ce secteur.
    S'agissant plus particulièrement des petites entreprises, il vous est proposé de supprimer un mécanisme, pénalisant pour la création d'emploi introduit, en 2000, par la loi d'orientation pour l'outre-mer : ces entreprises, dès lors qu'elles recrutent au-delà de dix salariés, conserveront désormais le bénéfice de l'allégement de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC et de dix salariés.
    Enfin, dans le même esprit, il vous est proposé que les exploitations agricoles dont la surface d'exploitation se développe au-delà de 40 hectares, dans le cadre d'une diversification de la production ou de la mise en valeur de terres incultes ou sous-exploitées, continuent de bénéficier de l'exonération actuellement accordée dans la limite de 40 hectares.
    Par ailleurs, une mesure d'exonération de charges sociales - dans la limite de 1,3 SMIC - est pour la première fois proposée pour les entreprises de transport aérien, maritime et fluvial qui desservent l'outre-mer. Je précise que le texte initial du Gouvernement a fait l'objet d'un amendement du Sénat visant à indiquer explicitement que les liaisons entre la Réunion et Mayotte ouvrent droit au bénéfice de cette mesure. Notre objectif est de créer les conditions d'une diversification de l'offre de transport, en particulier aérien, pour répondre véritablement à la nécessité d'assurer la continuité territoriale, sujet sur lequel je reviendrai dans un instant.
    L'ensemble de ces mesures devra faire l'objet d'une évaluation tous les trois ans notamment au regard notamment de la création d'emplois. Les sénateurs ont amendé notre texte pour que les conclusions de cette évaluation soient transmises au Parlement, ce qui m'apparaît parfaitement fondé. C'est au vu des conclusions de cette évaluation et, en particulier, de l'effet constaté des mesures sur la création d'emplois, qu'il conviendra d'apprécier de façon pragmatique si elles doivent être maintenues ou adaptées.
    Le projet de loi contient également plusieurs mesures destinées aux jeunes d'outre-mer, qui, je le rappelle, sont nombreux et ont des attentes fortes et légitimes.
    Il convient d'abord d'inciter les entreprises à embaucher des jeunes, qu'ils soient diplômés ou non, notamment ceux qui occupent actuellement des emplois jeunes. Au 31 décembre 2002, ces derniers étaient plus de 16 000 dans les DOM et à Saint-Pierre et Miquelon, et il n'est plus acceptable de les voir occuper des emplois qui, pour la plupart d'entre eux, ne leur offrent pas de véritables perspectives. Leur faire croire le contraire, c'est, je le dis très clairement, les tromper et faire preuve d'une grande démagogie.
    Les emplois jeunes ne peuvent être considérés comme des emplois durables. A cet égard, le Sénat a adopté un amendement au texte du Gouvernement, qui précise que les contrats emplois jeunes, lorsqu'ils sont prolongés pour trente-six mois au maximum, sont des contrats de droit privé. Cela va dans le bon sens. Nous proposons aussi d'ouvrir la possibilité, pour les entreprises, de recruter ces jeunes sur des contrats d'accès à l'emploi jusqu'à la fin de 2007.
    Il convient aussi d'offrir aux jeunes qui, souvent, sont employés de façon illégale et travaillent de façon épisodique - ceux que l'on appelle aux Antilles les « jobeurs » -, des solutions d'emploi pérennes et une couverture sociale, lorsqu'ils occupent des emplois occasionnels. Le titre de travail simplifié est une première réponse pour les DOM, Saint-Pierre-et-Miquelon et il a été étendu par le Sénat à Mayotte.
    Mais nous voulons également favoriser le recrutement des jeunes diplômés de dix-huit à trente ans dans les entreprises, notamment celles de moins de vingt salariés. Ces dernières, qui sont les plus nombreuses, ont souvent du mal à franchir le pas et à recruter un cadre. Il convient donc de les mettre en situation de le faire, offrant ainsi à ces jeunes des responsabilités à la mesure de leurs diplômes.
    S'agissant des diplômes, je me félicite de l'amendement voté par le Sénat visant à prendre en compte ceux délivrés à l'issue d'une formation professionnelle qualifiante.
    Une mesure d'incitation à l'embauche des jeunes Moharais par les entreprises est aussi proposée. Elle prend la forme d'une aide consentie pendant trois ans à chaque entreprise qui embauche un jeune sous contrat à durée indéterminée.
    S'agissant des jeunes gens et des jeunes filles qui suivent une formation professionnelle dans le cadre du service militaire adapté, il vous est proposé de donner un fondement législatif aux activités du SMA dans le cadre des chantiers d'application et de rappeler leur absence de caractère commercial ; de moduler la durée de renouvellement des contrats des stagiaires, actuellement fixée à douze mois, afin de l'adapter aux cycles de formation professionnelle dispensés par les unités du SMA ; et, comme l'a souhaité le Sénat en amendant le texte du Gouvernement, d'autoriser les unités du SMA à mettre en oeuvre, à la demande de l'Etat ou des collectivités d'outre-mer, des chantiers d'application dans les pays liés à ces collectivités par un accord de coopération internationale.
    Enfin, je tiens à préciser que le revenu minimum d'activité, proposé par mon collègue François Fillon, a vocation à s'appliquer dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il s'ajoutera par conséquent aux dispositifs particuliers pour l'outre-mer que sont le contrat d'insertion par l'activité, pour le secteur non marchand, et le contrat d'accès à l'emploi, pour le secteur marchand, tous deux créés en 1994 par la loi Perben et qui demeurent, à ce stade encore, plus attractifs que le RMA.
    S'agissant du CAE, le Sénat a amendé le texte du Gouvernement afin de ne pas pénaliser les RMIstes par rapport aux autres publics également éligibles à ce contrat. L'obligation faite aux entreprises de proposer aux RMIstes un contrat à durée indéterminée a ainsi été supprimée. Dans le cas d'un contrat à durée déterminée, la durée du contrat proposé à un RMIste a par ailleurs été fixée à trente mois, comme pour les autres publics éligibles au CAE.
    La deuxième disposition essentielle de cette loi de programme est un nouveau dispositif de défiscalisation destiné à favoriser véritablement l'initiative et à relancer l'investissement privé.
    Il y a urgence car les investissements outre-mer agréés au titre de la défiscalisation, qui ont été divisés par deux entre 1997 et 2000, ont encore baissé de 42 % entre 2000 et 2001. L'année 2002 n'a pas été meilleure et le début d'année 2003 n'est pas plus encourageant.
    Or, il faut le rappeler de la façon la plus claire : aucun investissement ne peut se réaliser outre-mer sans défiscalisation. C'est dire la gravité de la situation actuelle et l'impérieuse nécessité de tenter d'y remédier.
    Une refonte complète du dispositif de défiscalisation des investissements vous est, en conséquence, proposée.
    Nous voulons stabiliser le cadre du dispositif. Sa durée de validité de quinze ans permettra aux investisseurs d'avoir la visibilité nécessaire pour réaliser leurs projets, sans craindre, chaque année, une remise en cause, comme lorsque ce dispositif était inclus dans la loi de finances. Si l'on veut rétablir un climat de confiance outre-mer, il faut impérativement conjuguer durée et stabilité.
    Nous voulons aussi simplifier la mise en oeuvre de la défiscalisation par un changement de logique s'agissant des secteurs éligibles. L'éligibilité des investissements à la défiscalisation devient la règle générale et les secteurs exclus sont explicitement cités. Ce sont ceux où le bénéfice de l'aide serait injustifié, comme le secteur du commerce ou les activités financières, ou bien malaisé à plaider à Bruxelles, par exemple les investissements immatériels. Ce sont surtout ceux qui, par le passé, ont donné lieu à des abus, tel le secteur de la navigation de croisière.
    Le Sénat a souhaité que soit affirmé explicitement l'éligibilité des « centres d'appels » au dispositif de défiscalisation. Les investissements qui s'y rapportent ouvrent droit par conséquent au bénéfice de l'avantage fiscal.
    Le Sénat a également souhaité que cet avantage fiscal bénéficie aux investissements dans le secteur des activités de loisirs, sportives et culturelles qui s'intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique, à l'exception des jeux et casinos.
    Il convient de signaler, par ailleurs, que les investissements nécessaires à l'exploitation de concessions de service public deviennent éligibles quelle que soit la nature des biens considérés et leur affectation finale. Je précise en outre que les investissements nécessaires à l'exploitation d'un service public affermé ouvrent également droit au bénéfice de la défiscalisation, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les investissements affectés à l'exploitation d'une concession de service public. Cette précision est, je pense, de nature à répondre à certaines inquiétudes.
    Nous souhaitons favoriser les investissements dans quatre secteurs particulièrement importants pour le développement de l'outre-mer.
    Le premier est l'hôtellerie.
    Le taux de défiscalisation est porté à 70 % dans les DOM pour les travaux de réhabilitation des hôtels, des résidences de tourisme et des villages de vacances classés. De plus, la « détunellisation » est rétablie dans ces départements, pour une durée de cinq ans. En outre, le taux de 70 % s'applique également, conformément à l'amendement voté par le Sénat, au secteur du tourisme nautique et de la navigation de plaisance. Il convient en effet, au moment où les Antilles traversent une grave crise du tourisme, de les aider à conserver un produit touristique particulièrement compétitif qui consiste à proposer des locations de petits voiliers dans ces îles françaises, dont on apprécie encore plus la beauté depuis la mer.
    Tous ces investissements donnent lieu à un agrément au premier euro, procédure qui permet d'exercer un contrôle renforcé et rigoureux. J'observe d'ailleurs que les abus que d'aucuns dénoncent et qui, souvent, les conduisent, aujourd'hui encore, à rejeter le dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer, sont rares. J'oserai même dire que ces abus, pour l'essentiel, n'existent plus et il faut cesser, en conséquence, d'imputer à la défiscalisation ce qui ne la concerne pas ou du moins ne la concerne plus depuis bien des années. Notre nouveau système, et en particulier la nouvelle procédure d'agrément, sur laquelle je reviendrai, permet d'éviter tout dérapage. Toute polémique à ce sujet me paraît donc infondée.
    Deuxième secteur que nous voulons privilégier : le logement, notamment social.
    Les taux de défiscalisation sont majorés, passant de 25 à 40 % pour les logements locatifs « libres » et de 40 à 50 % pour les logements intermédiaires. Un avantage supplémentaire de dix points est accordé aux logements situés en zone urbaine sensible dans les DOM. Par ailleurs, dans un souci de préservation du patrimoine bâti local, lequel, vous le savez, est particulièrement menacé - on estime que 5 % des cases créoles ont déjà disparu ou sont irréparables -, les logements de plus de quarante ans deviennent éligibles à la défiscalisation, au taux de 25 %. Par ailleurs, le plafond du prix au mètre carré pour les logements constituant la résidence principale de leur propriétaire est portée de 1 525 à 1 750 euros hors taxes.
    A ces mesures destinées à encourager l'investissement privé dans le secteur du logement, il convient d'ajouter celles du titre III de ce texte qui, elles, visent à favoriser la construction ou la réhabilitation de logements sociaux. Ainsi est abaissé à 2,1 % le taux de TVA sur les logements évolutifs sociaux. Un abattement de 30 %, pendant cinq ans, de la taxe foncière sur les propriétés bâties est prévu pour les logements locatifs sociaux ayant fait l'objet de travaux pour les mettre aux normes sismiques ou cycloniques.
    Toutes ces mesures constituent un ensemble cohérent d'actions en faveur d'un secteur-clé pour l'outre-mer, compte tenu des besoins importants en logements qui doivent être satisfaits.
    Troisième secteur que nous privilégions : les énergies renouvelables.
    Une majoration de quatre points est accordée pour les logements alimentés par l'énergie solaire, et une majoration de dix points pour tout investissement en matière de production d'énergies renouvelables.
    Quatrième secteur privilégié : le financement des entreprises.
    Une réduction d'impôt de 50 % est accordée au titre des souscriptions au capital de sociétés spécialisées dans ce financement et exerçant exclusivement leur activité outre-mer. C'est le mécanisme des SOFIOM que nous mettons en place. Par cette mesure très novatrice, nous souhaitons drainer l'épargne des particuliers vers des projets d'investissement et associer davantage nos compatriotes d'outre-mer au développement économique de leur collectivité.
    Nous voulons introduire plus de transparence dans la délivrance de l'agrément lorsque celui-ci est requis, c'est-à-dire pour tout investissement supérieur ou égal à un million d'euros, ce seuil ayant été relevé. C'est ainsi que tout dossier pour lequel des réserves seront émises par l'administration fiscale pourra être soumis, pour avis, à une commission interministérielle présidée par le ministère de l'outre-mer.
    Nous souhaitons également supprimer les dispositions qui constituent des entraves à l'investissement défiscalisé. C'est ainsi que la réduction d'impôt sur le revenu devient imputable sans plafonnement dès la première année, alors qu'elle est limitée à 50 % actuellement.
    Enfin, s'agissant des investissements réalisés en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les aides résultant de la mise en oeuvre des régimes autonomes d'aide fiscale en vigueur dans ces collectivités ne seront plus déduites de l'assiette fiscale éligible. La double défiscalisation est donc désormais possible.
    En contrepartie de ces nouvelles mesures de défiscalisation, les contrôles exercés par l'administration fiscale seront renforcés. En effet, le dispositif législatif de défiscalisation des investissements ne doit en aucun cas être le moyen pour certains d'échapper à l'impôt de manière frauduleuse. Il s'agit avant tout et même uniquement d'un outil de développement économique pour l'outre-mer. C'est cette finalité, et même elle seule, qui doit prévaloir. Le Gouvernement est déterminé à veiller avec la plus grande vigilance à ce qu'il en soit bien ainsi.
    Troisième série de mesures de cette loi de programme : celles qui visent à donner à la notion de continuité territoriale entre les collectivités d'outre-mer et la métropole un contenu concret.
    Je tiens à l'affirmer solennellement : ce gouvernement est le premier à prendre des mesures en matière de continuité territoriale pour l'outre-mer. Jamais rien n'avait été fait auparavant sur ce problème qui mobilise à juste titre nos compatriotes d'outre-mer, y compris ceux qui résident en métropole. Nous sommes donc les premiers à apporter des débuts de solution.
    Nous voulons tout d'abord créer les conditions d'une offre de transport aérien suffisante et adaptée, en termes de capacité et de tarif, aux besoins des collectivités d'outre-mer. C'est le sens de la disposition que j'ai évoquée précédemment, visant à alléger les charges sociales des compagnies aériennes, mais aussi maritimes et fluviales desservant l'outre-mer. La mise en oeuvre de cette mesure, par l'allégement des charges d'exploitation qu'elle induira, doit permettre, en effet, un abaissement du coût du transport, tant pour les passagers que pour le fret. Elle devrait, en outre, susciter une offre supplémentaire de transport et, par conséquent, une saine concurrence, ce qui ne pourra que contribuer à la baisse du coût du transport. La simple annonce de ces mesures a déjà suscité deux nouvelles offres de desserte aérienne à la Réunion avec Air Austral et Air Bourbon.
    Nous voulons également, dans le cadre de la solidarité nationale, compenser en partie les contraintes liées à l'éloignement. Nos compatriotes d'outre-mer doivent en effet pouvoir se déplacer plus facilement, à des conditions acceptables. C'est nécessaire, notamment, pour les jeunes qui ont à se rendre en métropole pour leurs études ou pour y prendre un premier emploi, ou encore pour les familles, qui ont à supporter aujourd'hui un coût de transport particulièrement lourd.
    Après un premier pas franchi dès l'été 2002 avec l'instauration du « passeport mobilité », destiné aux jeunes, il faut aller plus loin. Aussi, à l'instar de ce qu'ont fait l'Espagne et le Portugal pour les résidents de leurs régions ultrapériphériques, et comme cela a été fait pour les liaisons aériennes entre la France continentale et la Corse, il est proposé que l'Etat participe au financement d'un dispositif d'abaissement du coût des billets d'avion, en versant à chaque collectivité d'outre-mer une dotation annuelle de continuité territoriale. Cette dotation permettra d'accorder aux résidents d'outre-mer, c'est-à-dire aux personnes qui y ont leur résidence principale, une aide forfaitaire, limitée à un voyage par an, entre la collectivité et la métropole. L'objectif est que cette dotation s'ajoute aux concours des collectivités locales et de l'Union européenne ayant le même objet.
    Pour faciliter la mise en oeuvre de ces dispositifs, nous avons créé, avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, un groupe de travail associant les compagnies aériennes desservant l'outre-mer et dont l'objectif est de nous aider à optimiser ces mesures afin qu'elles produisent les meilleurs effets. Nous avons bien évidemment fait aussi comprendre aux compagnies aériennes concernées que ces mesures ne sauraient en aucun cas servir à l'amélioration de leur marge bénéficiaire et devaient au contraire se traduire par une baisse du coût du transport pour tous les passagers, qu'ils résident outre-mer ou en métropole.
    Au-delà de ces trois séries de dispositions, le projet de texte qui vous est soumis permet, dans son titre VI, d'actualiser le droit de l'outre-mer. En effet, le droit applicable outre-mer ne doit pas, s'agissant des collectivités soumises au principe de spécialité législative, demeurer trop longtemps en décalage avec le droit en vigueur en métropole. L'article 43 ouvre donc une nouvelle habilitation sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, pour permettre, par ordonnance, ce rattrapage des textes à étendre à certaines collectivités d'outre-mer. En outre, pour renforcer la sécurité juridique du droit applicable outre-mer, l'article 44 du texte procède à la ratification de nombreuses ordonnances prises entre 2000 et 2002.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, comme vous pouvez le constater, ce projet de loi de programme pour l'outre-mer n'a pas pour objet de verser à nos collectivités d'outre-mer des subventions « à fonds perdus ». Il vise, au contraire, en allégeant une partie des contraintes qui pèsent sur ces économies, à créer les conditions d'un développement durable de l'activité pour offrir, notamment aux jeunes, de réelles perspectives d'avenir.
    Devant l'ampleur des défis à relever, certains penseront que ces mesures ne vont pas assez loin.
    M. Victorin Lurel. Eh oui !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Devant l'ampleur des difficultés bugétaires de notre pays, d'autres dénonceront des dépenses irréalistes.
    A ceux qui veulent plus d'exonération de charges sociales, davantage encore de défiscalisation, des mesures en faveur de l'éducation, de la formation, des crédits de rattrapage, je réponds que le Gouvernement, soucieux de préserver les finances publiques et conscient de la nécessité d'agir pour permettre à l'outre-mer de surmonter ses handicaps et de valoriser ses atouts, a fait d'abord le choix de cibler les mesures qu'il propose. C'est faire preuve à la fois de réalisme et de pragmatisme. Il s'agit en effet de soutenir les secteurs dans lesquels l'emploi doit se créer de façon durable, et non de permettre des effets d'aubaine.
    Par ailleurs, cette loi n'est pas une loi de programmation. Elle ne saurait se substituer aux contrats de plan et aux fonds européens - dont il faut veiller à consommer efficacement les crédits - qui ont pour objet de financer des projets de rattrapage économique. Elle ne saurait davantage remettre en cause les engagements pris par l'Etat, et qui seront intégralement tenus, en faveur de certaines de nos collectivités d'outre-mer. Je pense aux conventions de développement que j'ai signées, à la fin de l'année dernière, avec les autorités de Mayotte et de Wallis-et-Futuna. Enfin, de nombreuses actions, en matière d'éducation ou de formation, par exemple, ne nécessitent pas de mesures de niveau législatif. Nous nous sommes attachés à n'inclure dans ce texte que des mesures relevant vraiment du domaine législatif, et nous avons donc écarté toute option d'affichage politique.
    A ceux qui considèrent qu'on en fait trop et que ça coûte trop cher,...
    M. Christian Paul. Ils ne sont pas nombreux ! (Sourires.)
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... je voudrais rappeler un certain nombre de vérités.
    Pour commencer, je trouve vraiment curieux que l'on pose la question du coût de cette partie du territoire français qu'est l'outre-mer et qu'il ne vienne à l'idée de personne de s'interroger sur le coût d'un département métropolitain. Alors que, dans le budget de l'Etat, les dépenses sont en moyenne moins élevées pour un habitant d'outre-mer que pour un habitant de métropole, je ne vois pas au nom de quoi il faudrait refuser à nos compatriotes d'outre-mer de progresser sur la voie de l'égalité économique.
    Par ailleurs, si l'on parle souvent d'un outre-mer qui coûte, demande-t-on leur avis aux populations de ces collectivités lorsqu'il s'agit de recapitaliser, sur crédits publics, telle ou telle entreprise publique dont l'activité outre-mer est inexistante, ou lorsqu'il s'agit de financer le TGV ? Et pourtant, au nom de la solidarité nationale, les impôts perçus outre-mer y contribuent.
    Alors oui, c'est vrai, les mesures de cette loi de programme ont un coût. Une partie de la somme estimée - 250 millions d'euros par an - me semble toutefois très virtuelle,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Enfin la vérité !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... je veux parler des 164 millions d'euros au titre des nouvelles dispositions en matière de défiscalisation.
    M. Victorin Lurel. En matière de virtualité !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Mais je voudrais surtout, si l'on veut donner à ces chiffrages un minimum d'honnêteté intellectuelle, faire trois observations.
    Première observation, il ne me paraît pas sérieux de raisonner uniquement en coût brut des dispositions proposées. Il convient en effet de raisonner en coût net, c'est-à-dire en tenant compte de la dynamique de recettes que la mise en oeuvre des mesures induit.
    M. Victorin Lurel. Des plans sur la comète !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Ainsi, par exemple, s'agissant de la mesure d'exonération de charges sociales, son coût brut est estimé à 40 millions d'euros, ce qui correspond, pour vous donner un ordre de grandeur, à l'indemnisation de 4 700 chômeurs. Je rappelle que, sur les quatre DOM, nous approchons les 200 000 chômeurs. Il suffirait en conséquence de créer 4 700 emplois pour que cette dépense soit compensée.
    J'ajoute que 4 700 emplois nouveaux rapportent à l'UNEDIC environ 34 millions d'euros de cotisations chômage, qui, elles, continueront d'être versées, puisqu'elles sont exclues du champ de l'exonération. Vous voyez que ces chiffres sont à relativiser car je peux vous dire que l'ambition de ces mesures consiste évidemment à créer, chaque année, bien plus que 4 700 emplois outre-mer !
    Deuxième observation, la défiscalisation, qui est non pas une dépense mais une absence de recette pour l'Etat, est le seul moyen, outre-mer, de susciter l'investissement.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est vrai !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Sans défiscalisation, il n'y aura pas d'investissement et, par conséquent, aucune perspective de rentrée fiscale à moyen terme. La Commission européenne, qui, vous le savez, est très soucieuse de contrôler la portée de ce dispositif, ne l'a d'ailleurs jamais remis en cause jusqu'ici, estimant qu'il est adapté à la situation des économies de l'outre-mer. Je peux vous dire que nous en sommes déjà à la cinquième réunion avec la Commission de Bruxelles sur ce texte et que ces réunions se passent parfaitement bien.
    La défiscalisation outre-mer crée de l'investissement et donc de l'emploi, mais elle permet aussi aux entreprises de se moderniser pour rester compétitives et survivre. Par conséquent, c'est souvent un moyen indispensable pour préserver l'emploi.
    Troisième observation, la continuité territoriale concerne toutes nos collectivités d'outre-mer. Aussi, j'estime que la mesure nouvelle qui est proposée et qui coûte pour commencer 30 millions d'euros n'est pas déraisonnable...
    M. Christian Paul. C'est dérisoire !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Elle est peut-être dérisoire, mais c'est toujours mieux que de ne rien faire, comme cela a été le cas ces cinq dernières années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Vous n'aviez rien fait, monsieur Paul !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Cette mesure, disais-je, n'est pas déraisonnable si on la compare à la mesure en vigueur pour la seule Corse, qui, elle, coûte 165 millions d'euros au budget de l'Etat. Cette mesure ne fait qu'amorcer un dispositif qui devra être complété par des financements locaux et européens.
    Je voudrais, en conclusion, vous dire que ce projet de loi de programme ne prétend pas être la seule réponse du Gouvernement aux préoccupations et attentes de l'outre-mer. Il vient prendre sa place au côté des réformes et actions réalisées ou engagées en faveur de l'outre-mer par ce Gouvernement. Je pourrais vous citer, par exemple, les importants dossiers que nous plaidons actuellement à Bruxelles, qu'il s'agisse de la reconduction de l'octroi de mer, des dossiers agricoles ou du memorandum que nous venons de signer avec l'Espagne et le Portugal sur les régions ultrapériphériques de l'Europe.
    Je tiens aussi à rappeler la vocation très interministérielle du ministère de l'outre-mer qui fait prendre en compte la spécificité de nos collectivités ultramarines dans les autres textes législatifs. Nous l'avons fait pour les lois de sécurité intérieure. Nous le ferons également dans les textes en préparation sur la décentralisation et en particulier ceux relatifs à l'autonomie financière des collectivités locales. J'ai toutefois tenu à inscrire dès maintenant le principe de critères spécifiques en faveur de l'outre-mer pour la fixation des dotations de l'Etat.
    J'ajoute que lors des consultations intenses que j'ai menées avec tous nos partenaires pour préparer cette loi, j'ai été saisie de nombreuses propositions intéressantes et constructives auxquelles je donnerai suite, mais qui ne se retrouvent pas dans le texte qui vous est proposé, pour la seule raison qu'elles ne nécessitent pas l'intervention du législateur.
    Au total, j'ai la conviction que ce projet de loi de programme pour l'outre-mer est un élément supplémentaire et déterminant dans la construction d'un outre-mer français qui, fort de ses atouts et conscient de ses handicaps, doit accéder après l'égalité sociale à l'égalité économique avec la métropole.
    Après la réforme de la Constitution qui permet désormais aux collectivités d'outre-mer qui le souhaitent de bénéficier d'institutions et de compétences aménagées, tout en renforçant leur ancrage dans la République, je suis heureuse d'avoir pu mener à bien, en un an, cet acte II de l'ambitieux projet pour l'outre-mer, sur lequel le Président de la République s'était fortement engagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, madame la ministre, mes chers collègues, chacun connaît les difficultés économiques spécifiques à l'outre-mer : fragilité du tissu économique avec peu d'industries et des services qui rencontrent la forte concurrence des services de pays voisins, éloignement qui rend particulièrement élevés les coûts d'approche et, enfin, dans un certain nombre au moins de collectivités, explosion démographique, qui fait que l'emploi des jeunes est très difficile à créer.
    C'est donc tout naturellement que le Gouvernement a eu la volonté d'apporter des solutions. Il a d'abord souhaité aider spécifiquement les secteurs productifs. Comme Mme la ministre a eu raison de le souligner, c'est grâce aux secteurs productifs qu'on arrivera à créer de l'activité outre-mer, et non par les secteurs publics. Outre-mer comme en métropole, ce sont les secteurs productifs qui permettent, en effet, les véritables créations d'emplois. Les dispositions prises dans ce domaine sont donc importantes aussi bien en matière de charges sociales que d'investissements.
    Le Gouvernement a également voulu montrer que sa politique de développement de l'outre-mer est une politique continue dont l'horizon est relativement lointain. C'est, au sens le plus large du terme, une politique de développement durable. Cet outre-mer, trop souvent balloté entre des politiques diverses et changeantes, a besoin, dorénavant, pour son développement économique, d'une politique stable et de long terme. C'est donc à juste titre que cette ambition figure dans cette loi de programme.
    Celle-ci comporte d'abord des mesures en faveur de l'emploi que Mme la ministre a rappelées. Outre l'exonération des charges payées par les employeurs dans l'ensemble des entreprises à hauteur de 1,3 SMIC, dans la limite de 10 salariés ou dans les entreprises plus importantes pour les dix premiers salariés, sont également prévues des exonérations plus larges et plus importantes dans un certain nombre de secteurs spécifiques qu'il importe d'encourager tout spécialement.
    C'est le cas des entreprises du bâtiment et des travaux publics, où les possibilités d'emplois outre-mer sont abondantes, pourvu qu'elles soient aidées. C'est ainsi qu'une exonération limitée à 1,3 SMIC est accordée pour les 50 premiers salariés, et elle est de 50 % au-delà.
    De même, pour les transports aériens, maritimes et fluviaux, si importants pour l'outre-mer, notamment pour remédier à l'isolement des collectivités, l'ensemble des salariés de ces entreprises bénéficiera de l'exonération de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC.
    Pour le secteur productif industriel, cette limite est portée à 1,4 SMIC, sans limitation d'effectifs, parce que le développement et la croissance de ces entreprises sont difficiles.
    Pour le secteur de l'hôtellerie et du tourisme, qui, comme vous l'avez dit très justement, madame la ministre, constitue effectivement une chance pour beaucoup de collectivités d'outre-mer, l'exonération atteint 1,5 SMIC sans limitation d'effectifs.
    Il s'agit donc d'un ensemble de mesures très importantes, dont le coût peut être estimé à 37 millions d'euros, qui viennent s'ajouter aux 500 millions d'euros des mesures actuellement en vigueur. C'est dire si l'augmentation de l'effort consenti dans ce domaine est loin d'être négligeable.
    D'autres dispositions, d'importance plus limitée, visent à favoriser l'emploi. Ainsi, les mesures d'exonération des charges sont étendues pour les exploitants agricoles et pour les marins qui créent ou reprennent une entreprise. Des mesures concernent également le service militaire adapté, ô combien important pour la formation des jeunes outre-mer, et l'utilisation du titre de travail simplifié. En outre, l'attractivité du contrat d'accès à l'emploi pour les bénéficiaires du RMI ou d'un emploi-jeune est singulièrement améliorée. L'emploi-jeune en entreprise est étendu aux entreprises qui embauchent de jeunes diplômés, car les petites entreprises d'outre-mer, notamment, ont besoin de jeunes dotés d'une formation préalable suffisante. Enfin, le congé-solidarité est assoupli.
    Cet ensemble de mesures relativement complet permettra l'embauche ou le maintien de l'emploi dans les entreprises d'un plus grand nombre de jeunes à la recherche d'un emploi et se révélera certainement bénéfique en améliorant une situation de l'emploi parfois difficile, voire préoccupante.
    La deuxième série de dispositions, qui figurent dans le titre II, concerne la défiscalisation. Celle-ci existe outre-mer depuis la loi Pons, c'est-à-dire depuis plus d'une quinzaine d'années maintenant, et elle a incontestablement donné des résultats. Les gouvernements successifs n'ont d'ailleurs pas remis en cause le principe de ce dispositif, se contentant d'y apporter des adaptations. Toutefois, il faut reconnaître que si la défiscalisation est un instrument puissant pour favoriser l'investissement outre-mer, elle est aussi devenue relativement compliquée, comme en témoigne la lecture des articles 199 undecies A, undecies B et 217 undecies. Du reste, ces mesures posent souvent des problèmes de frontières et des difficultés d'adaptation qui font peut-être la fortune d'un certain nombre de juristes spécialisés, mais qui ne correspondent pas véritablement à l'objet initial.
    C'est donc très justement que le Gouvernement propose de les remanier, d'abord en assurant au nouveau dispositif une durée de validité de quinze ans - celles des dispositifs précédents étaient effectivement trop courtes - car pour préparer et réaliser un investissement outre-mer, puis en tirer tous les bénéfices, il faut pouvoir bénéficier d'un délai relativement long, notamment lorsqu'il s'agit d'investissements immobiliers.
    La deuxième amélioration très significative, consiste à faire de l'éligibilité des investissements à la défiscalisation la règle et de l'exclusion l'exception. Cela facilitera notamment l'examen des dossiers de toutes les entreprises qui, comme c'est bien souvent le cas outre-mer, travaillent dans plusieurs secteurs à la fois, ce qui pose des problèmes de frontières difficiles à aborder.
    Les secteurs écartés de la défiscalisation sont, dans l'ensemble, les mêmes que précédemment, c'est-à-dire le commerce, les activités financières, les expertises et conseils, les cafés et petits restaurants et, comme l'a rappelé justement Mme la ministre, la navigation de croisière.
    Troisième innovation extrêmement importante : la création de sociétés agréées, les SOFIOM, qui sont appelées à prendre des participations dans les entreprises. Ce système va singulièrement faciliter la mise en oeuvre de la défiscalisation tout en en moralisant, si nécessaire, l'emploi.
    Je signalerai encore deux autres mesures non négligeables. En premier lieu, l'avantage fiscal ne sera plus limité à 50 % de l'impôt dû car il est normal à ce niveau de revenus que les investisseurs divisent le risque. A mon avis, il ne doit pas relever de la responsabilité de l'Etat de leur imposer une limite.
    En second lieu, la procédure d'agrément va être plus largement déconcentrée et simplifiée, ce qui va faciliter l'instruction des dossiers et l'accélération des décisions.
    En outre, quelques mesures plus spécifiques et bien ciblées doivent être plus particulièrement examinées parce qu'elles sont très intéressantes.
    Dans le logement, d'abord, le taux de défiscalisation passe de 25 à 40 % pour les logements à loyer libre et surtout de 40 à 50 % pour les logements intermédiaires qui ont besoin d'une aide toute spécifique pour se développer outre-mer. Il faut noter aussi que les travaux de réhabilitation pour les logements de plus de quarante ans sont désormais éligibles au taux de 25 %.
    Dans l'hôtellerie, les travaux de rénovation et de réhabilitation seront éligibles à 70 % dans les DOM. C'est donc une défiscalisation extrêmement puissante. Le Sénat a étendu cette défiscalisation aux résidences de tourisme et aux villages de vacances classés qui ont également besoin d'efforts de rénovation. Deviendront aussi éligibles toutes les activités de loisirs sportives et culturelles qui s'intègrent directement et à titre principal à l'activité hôtelière, les hôtels de tourisme devant aujourd'hui offrir, quelle que soit leur situation, un certain nombre d'activités pour retenir leurs clients. Pour ces investissements, notamment de réhabilitation, la détunnellisation est obtenue.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Sans détunnellisation, c'est-à-dire sans possibilité d'imputer les déficits au cours des premières années, ces investissements deviendraient en effet très difficiles.
    Le Sénat a également cru devoir faire bénéficier d'une défiscalisation à 70 % la navigation de plaisance. J'aurai l'occasion de dire quel est l'avis de la commission des finances à ce sujet.
    Pour conclure sur la défiscalisation, je dirai qu'il y a là une dépense fiscale, donc un manque à gagner qui est évalué par les services de Bercy à 170 millions d'euros. C'est une somme qui mérite beaucoup de considération.
    Par ailleurs, ce projet de loi comporte d'autres aspects très intéressants. Je pense notamment à la diminution de la TVA pour les constructions et les ventes de logements évolutifs sociaux, à l'abattement de 30 % pour la taxe foncière des propriétés bâties lorsque certains travaux sont réalisés, et au réexamen prochain des dotations de l'Etat aux collectivités d'outre-mer pour tenir compte de leur situation spécifique et des problèmes qui se posent.
    Il y a surtout la nouvelle mesure concernant la continuité territoriale, avec la mise en place d'une dotation qui sera versée aux collectivités d'outre-mer pour faciliter les déplacements des résidents vers la métropole. Une somme de 30 millions d'euros sera affectée dès la première année à cette disposition dont on pourra donc observer rapidement les effets significatifs.
    Viennent enfin une série d'autorisations qui permettront au Gouvernement de prendre un certain nombre d'ordonnances et des mesures spécifiques concernant l'outre-mer. Nous les examinerons le moment venu.
    En conclusion, je dirai que la commission des finances, qui a naturellement approuvé ce projet de loi, a bien conscience qu'un effort de la solidarité nationale est nécessaire pour aider l'outre-mer, surtout dans la situation économique actuelle. Et l'effort proposé est particulièrement significatif, compte tenu également de la situation budgétaire de notre pays, puisque, entre les dépenses fiscales et les crédits budgétaires nouveaux, il représente quelque 250 millions d'euros, comme l'a indiqué Mme la ministre. Bien sûr, la commission des finances et les rapporteurs spéciaux de l'outre-mer s'attacheront, année après année, à évaluer les effets de ces mesures et à veiller à ce qu'elles contribuent réellement au progrès économique de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est un grand honneur pour moi de présenter l'avis de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi de programme pour l'outre-mer. Il s'agit en effet d'un texte très attendu à deux titres.
    D'une part parce qu'il a été préparé, conformément aux souhaits du Président de la République, dans le cadre d'une large concertation avec l'ensemble des partenaires politiques et socio-économiques concerné. Il comporte donc des mesures de nature à redonner espoir et confiance à la communauté ultramarine.
    D'autre part parce qu'il fournit enfin une réponse à la revendication majeure de tous ceux qui souhaitent inscrire la politique en faveur de l'outre-mer dans une perspective de long terme. Il vient en effet rompre la logique de traitement social s'appuyant sur une extension artificielle du secteur non marchand...
    M. Jacques Barrot. Très bien !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. ... pour, au contraire, créer les conditions d'un développement économique vraiment durable fondé sur la redynamisation du secteur productif.
    M. Eric Raoult. Très, très bien !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Ce projet de loi de programme fait en effet la pari de la relance de l'investissement et de l'emploi grâce aux allégements de charges sociales et à la défiscalisation.
    M. Victorin Lurel. C'est une contrevérité !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Qu'il me soit permis de féliciter le Gouvernement d'avoir fait si vite. Non seulement, en effet, il a su construire ce texte très complexe en moins d'un an, mais, de plus, il a déclaré l'urgence dans la discussion parlementaire, ce qui montre qu'il est parfaitement conscient des tensions que la situation actuelle entretient sur le terrain.
    Il convient de saluer les mesures favorisant l'emploi des jeunes diplômés, celles encourageant le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et celles simplifiant les formalités imposées aux petites entreprises.
    Au-delà de ce soutien à l'investissement et à l'emploi, le Gouvernement aura su proposer, avec ce projet de loi, des solutions pour trois graves sujets de préoccupation dans les collectivités d'outre-mer : la crise du tourisme, la pénurie de logements et l'enclavement territorial.
    La crise du tourisme constitue un phénomène d'autant plus grave qu'elle touche particulièrement les Antilles où ce secteur est de loin le plus développé en outre-mer. Il procure l'essentiel de leurs ressources à certaines îles comme Saint-Martin et Saint-Barthélemy dans l'archipel de la Guadeloupe. Or, la fréquentation touristique ayant connu une forte baisse, de l'ordre de 20 % à 25 %, sur les trois dernières années, plusieurs groupes hôteliers ont annoncé leur retrait des Antilles.
    Le projet de loi fournit un ensemble cohérent de réponses à ces difficultés, axé notamment sur une exonération des charges pour les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration et un relèvement du taux de défiscalisation pour l'hôtellerie.
    Quant à la pénurie de logement social, elle est un effet direct de la croissance démographique qui progresse outre-mer quatre fois plus vite qu'en métropole. La demande est particulièrement forte pour les logements sociaux, car le revenu moyen est peu élevé à cause du maintien à un niveau non acceptable du taux de chômage.
    L'offre supplémentaire annuelle représente cinq à six mille logements sociaux par an, alors que le besoin est estimé à dix mille logements sociaux nouveaux chaque année pour les dix ans qui viennent. Cette pénurie de logements est d'autant plus préoccupante que le parc disponible se dégrade plus rapidement qu'en métropole, du fait des particularités du climat, en moyenne plus humide et plus chaud. D'ailleurs, le parc de logements insalubres ou sous-équipé, bien qu'en diminution, reste important. On estime ainsi à un quart la part du parc composé de logements précaires ou dépourvus de confort.
    Pour faire face dans l'urgence à cette situation, le projet de loi prévoit pertinemment des mesures d'allégement fiscal encourageant la construction de nouveaux logements sociaux, mais aussi l'amélioration du parc existant. Il prévoit également des exonérations de charges sociales pour les petites entreprises du bâtiment et des travaux publics, afin que ce secteur puisse être en mesure de suivre une accélération du rythme de construction.
    L'article 34, en particulier, prévoit la mise en place d'un abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les logements locatifs sociaux ayant fait l'objet de travaux d'amélioration destinés à prévenir les risques naturels. En effet, chacun sait que les éruptions volcaniques, les cyclones sont une menace réelle et constante pour les populations d'outre-mer. L'évolution de cette disposition voulue par le Sénat, qui a rendu l'abattement facultatif et l'a mis à la charge des collectivités qui décideraient de l'appliquer, n'a pas paru souhaitable à notre commission. J'ai donc déposé un amendement qui tend à revenir au texte initial, lequel prévoyait un abattement systématique compensé par l'Etat.
    M. Victorin Lurel. On le soutiendra !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. S'agissant de l'enclavement territorial, il est le résultat d'une forte dépendance vis-à-vis de la desserte aérienne. En effet, le maintien du lien commercial et humain avec la métropole s'accommode mal de la longueur des liaisons maritimes. Or, après les déboires des compagnies spécialisées dans la desserte de l'outre-mer, Air France se trouve désormais en situation de quasi-monopole sur les liaisons avec la métropole. La disparition de la concurrence favorise l'augmentation des tarifs.
    Pour réduire cet obstacle, le projet de loi institue en son article 42 une dotation territoriale qui était souhaitée depuis fort longtemps. Néanmoins, votre rapporteur pour avis souhaite que cette avancée déterminante ne close pas la question, car il reste à étendre cette continuité aux trajets inter-îles non seulement pour les personnes, mais aussi pour le fret. Le projet de loi prévoit certes une exonération des charges patronales pour les entreprises de transport aérien, maritime et fluvial desservant l'outre-mer, mais il faudrait surtout étendre l'utilisation de la dotation territoriale.
    J'évoquerai rapidement un dernier problème soulevé par l'article 41. Il s'agit de la création d'une redevance pour prélèvement d'eau, dont la collecte peut être décidée par les offices de l'eau pour financer des programmes pluriannuels de travaux. Elle concerne le prélèvement d'eau sur les milieux naturels. Cependant, outre-mer, particulièrement en Guadeloupe, les réseaux de distribution d'eau font l'objet de pertes très importantes, pouvant représenter plus de la moitié du flux prélevé à la source. Elles ne correspondent pas nécessairement à des raccordements clandestins et à l'état de vétusté des canalisations. Elles résultent souvent d'une tolérance d'accès gratuit accordée en échange d'une servitude de passage.
    M. Victorin Lurel. C'est vrai !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Ce type de tolérance fait supporter la totalité des charges liées à la distribution d'eau par les consommateurs réguliers. Une redevance sur le prélèvement aurait pour effet de renforcer cette injustice, puisque les collectivités effectuant le prélèvement auraient à acquitter un montant de redevance double de celui qui serait justifié par la seule distribution d'eau à titre onéraux. J'ai l'intention de vous soumettre un amendement visant à corriger cette injustice.
    En conclusion, madame la ministre, je dirai que le projet de loi de programme pour l'outre-mer s'illustre dans l'ensemble, sous réserve de quelques remarques que j'ai pu formuler et qui ont motivé mes amendements, par la pertinence de sa démarche d'ensemble et par son adéquation à la réalité des problèmes rencontrés sur le terrain. C'est pour cela que nous appuierons très vivement l'adoption de ce texte de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Mes chers collègues, conformément à l'article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné Mme Marlène Mélisse, rapporteure de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire, pour exposer devant l'Assemblée nationale l'avis du Conseil sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer.
    Messieurs les huissiers, veuillez conduire Mme la rapporteure du Conseil économique et social à la tribune (Applaudissements.)
    Mme Marlène Mélisse, rapporteure de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire du Conseil économique et social. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, c'est effectivement en application de l'article 69 de la Constitution que, après m'être exprimée au Sénat, je viens, en ma qualité de rapporteure de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire, vous présenter l'avis du Conseil économique et social sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer.
    Je mesure l'honneur qui est fait à l'institution, qui se trouve ainsi confortée dans son rôle d'éclaireur de la décision publique, un rôle qu'elle souhaite voir mieux reconnu, de telle sorte que les préoccupations de la société civile soient mieux prises en compte dans l'élaboration des politiques publiques. Au nom du Conseil et de son président, Jacques Dermagne, je tiens donc, monsieur le président, à vous remercier pour votre invitation, dont nous mesurons le caractère encore exceptionnel. Je remercie également le Gouvernement, madame la ministre, car vous avez, avec la saisine, créé les conditions permettant que les échanges, certes contradictoires, au sein du Conseil, fassent progresser une image de l'outre-mer plus proche des réalités qui le fragilisent.
    Examinant le projet, le Conseil a d'abord relevé une grande diversité dans l'outre-mer qui fait que l'on ne peut l'appréhender comme un tout. Pour autant, la géographie, l'histoire et, aujourd'hui, la mondialisation conduisent ces territoires à partager, vis-à-vis des politiques nationales, des problématiques communes de développement. Il s'agit en effet avant tout de territoires peu intégrés dans leur environnement, très dépendants économiquement de la France et de l'Europe, dont ils sont pourtant séparés par des milliers de kilomètres ; de territoires confrontés à des handicaps structurels, à des retards, à la crise de productions généralement protégées, à des inégalités qu'illustrent les taux de chômage élevés, l'insalubrité et la violence des conflits sociaux ; de territoires cependant contributifs, avec des atouts réels, que des politiques nationales ciblées doivent pouvoir mieux prendre en compte et valoriser.
    Dès lors, une loi de programme apparaît effectivement nécessaire et urgente pour donner à ces territoires de nouvelles chances au sein de la République et pour réduire les inégalités. Prenant acte de l'objectif du Gouvernement - contribuer au développement économique durable et agir sur trois fronts : l'emploi, la relance de l'investissement, la continuité territoriale - le Conseil s'est attaché à apprécier en quoi ces mesures constituaient des réponses durables et un rapport avec les problèmes posés.
    Il a d'abord relevé le choix du Gouvernement en faveur de la fiscalité comme principal instrument d'intervention, avec des exonérations généralisées de charges pour réduire le coût du travail, ainsi que la reconduction du dispositif corrigé de défiscalisation, ciblant spécialement l'industrie hôtelière et le logement.
    Après avoir souligné le caractère controversé de ces mesures, ainsi que les risques que comporte, pour ces territoires et pour les hommes, le choix d'investissements externalisés qui induisent des logiques de dévéloppement non maîtrisés par les acteurs locaux, le Conseil a regretté que ces dispositions, qui se situent dans la continuité de celles mises en oeuvre depuis 1952, soient reconduites sans que l'on ait pu véritablement en mesurer l'impact sur l'emploi ni tirer des conclusions quant aux mesures structurelles qui doivent les accompagner pour enclencher une dynamique de dévéloppement endogène et durable.
    M. Victorin Lurel. C'est bien vrai !
    Mme Marlène Mélisse, rapporteure du Conseil économique et social. Le Conseil a rappelé que si les nombreux rapports dont les mesures fiscales ont fait l'objet ne concluent pas à leur inefficacité, ils font en revanche apparaître clairement la nécessité de moyens et de structures de pilotage permettant de cerner les dérives et, surtout, d'agir mieux et plus efficacement là où cela est nécessaire. Le Conseil insiste donc sur la mise en place de ces moyens et sur le caractère effectif des évaluations prévues dans la loi qui doivent associer les collectivités et les partenaires sociaux.
    Quoi qu'il en soit, le conseil souligne la nécessité de se situer dans le cadre de stratégies locales de développement négocié. Outre la fiscalité, il s'agit de s'appuyer sur les hommes dont on devra favoriser la formation et la culture entrepreneuriale, d'agréer des mesures complémentaires tendant notamment à compenser durablement les handicaps et les retards et de donner aux collectivités locales les moyens d'assumer leurs missions dans le développement local.
    Ces observations formulées quant à l'objectif de développement durable, le Conseil considère que le projet de loi comporte des avancées indéniables, notamment en faveur de l'hôtellerie, du BTP, du logement et de l'emploi. Spécialement, le projet de loi propose des mesures en faveur de l'emploi productif, qui ne remettent en cause ni le traitement social du chômage ni les dispositifs particuliers de la loi d'orientation.
    Le Conseil souligne également les mesures favorables à l'emploi, notamment à l'emploi des jeunes, des jeunes Mahorais, des jeunes diplômés, inscrits à l'ANPE locale ou relevant des dispositifs emplois jeunes. Il insiste sur le caractère innovant et incitatif des mesures nouvelles qui autorisent le cumul de plusieurs aides à l'emploi et qui paraissent de nature à renouveler le dialogue avec les entreprises sur les ajustements de l'offre et sur le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI.
    Toutefois ces mesures, de même que les exonérations de charges, devront être mises en harmonie avec les dispositifs nationaux, de telle sorte que soit maintenu le différentiel dont la vocation est de réduire les handicaps à la fois vis-à-vis de la métropole et par rapport aux pays voisins dont les coûts du travail sont très faibles.
    S'agissant de la défiscalisation, le conseil considère que l'inscription du dispositif dans la durée - quinze ans - est de nature à donner de la lisibilité au système et à rassurer les investisseurs. La réservation au secteur hôtelier de la détunnellisation et d'un taux exceptionnel de défiscalisation de 70 % pour la réhabilitation, lui paraît correspondre à la nécessité de privilégier la remise à niveau d'un parc hôtelier particulièrement dégradé et déjà important. Il pose toutefois, pour des régions accusant des retards en équipements dans ces domaines - Mayotte et la Guyane notamment -, le problème du gel du parc hôtelier.
    En revanche, s'agissant de la continuité territoriale, le Conseil considère que, si le projet de loi a le mérite d'en affirmer pour la première fois le principe, le dispositif proposé se situe bien en deçà de celui initialement annoncé, consistant à mettre en oeuvre un système analogue à celui dont bénéficient les régions ultrapériphériques d'Europe.
    Globalement, le Conseil considère que les propositions du projet de loi constituent des réponses en rapport avec les urgences qui nourrissent la crise dans les régions d'outre-mer, réponses qui correspondent généralement aux demandes de nombreux acteurs locaux. Cependant, s'agissant d'une loi de programme, et sans prétendre englober tous les champs, le Conseil estime que le texte gagnerait à être enrichi par des mesures complémentaires tendant à renforcer les capacités d'analyse et de prospective locale, à assurer les moyens d'une insertion régionale effective, à renforcer les moyens de la formation initiale et professionnelle, à développer la recherche et les métiers liés aux nouvelles technologies, à favoriser l'accès au crédit des entreprises, à apurer la situation financière des collectivités.
    Outre ces recommandations, l'avis du Conseil préconise d'élargir les mesures de défiscalisation aux secteurs exclus, notamment à la navigation de plaisance, en sorte de traiter l'activité touristique comme un tout, d'étendre le taux exceptionnel de 70 % de défiscalisation réservé à la réhabilitation, à la construction hôtelière neuve en Guyane et à Mayotte ; de porter le taux d'exonération des charges sociales, au profit des très petites entreprises, notamment artisanales, à 1,4 % et à 1,5 % lorsque celles-ci s'organisent en groupement, ce qui est de nature à faciliter les recrutements de cadres et à favoriser le dialogue social ; de permettre, pour maintenir le différentiel du coût du travail, le cumul des exonérations des charges avec les mesures liées à la réduction du temps de travail ; de revoir le prix plafond du mètre carré éligible à l'avantage fiscal pour tenir compte des différences de prix de marché pratiqués sur les différents territoires ; de faire de la formation professionnelle et de la création effective d'emplois une condition d'éligibilité aux exonérations de charges ; de conforter les moyens financiers et en ingénierie des collectivités locales ; enfin, de créer un fonds d'utilité sociale pour solvabiliser les besoins de proximité, soutenir les petits projets locaux, élargir, en raison de l'ampleur du chômage, l'offre d'activité.
    Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, les principales observations du conseil économique et social. (Applaudissements.)
    M. le président. Je vous remercie, madame la rapporteure, de nous avoir fait part des observations du Conseil économique et social. Elles vont éclairer nos débats. Je suis heureux d'avoir pu ainsi répondre au souhait de votre institution d'être entendue par notre assemblée.
    Messieurs les huissiers, veuillez reconduire Mme la rapporteure du Conseil économique et social.
    La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs, chers collègues, la discussion de ce projet de loi de programme traduit la détermination du Gouvernement à définir un cadre juridique favorable pour mener des activités économiques productives indispensables pour dans le cadre d'un développement durable et équilibré de l'outre-mer.
    Je centrerai mon intervention sur le secteur touristique, dont la croissance constitue un enjeu majeur pour l'outre-mer, notamment aux Antilles. En effet, il apparaît comme le secteur économique le plus porteur, face au déclin de certaines activités traditionnelles, notamment agricoles. Il est aujourd'hui le seul secteur suffisamment créateur d'emplois capable de résorber le chômage des jeunes outre-mer. Pour favoriser l'expansion touristique, l'outre-mer dispose de réels atouts, mais doit aussi surmonter certains handicaps très pénalisants face à la concurrence agressive de pays tels que la République dominicaine, Cuba ou encore le Mexique pour les Antilles.
    En octobre dernier, les médias ont donné un large écho aux propos du président du groupe Accor, qui annonçait le désengagement de sa société des Antilles françaises en raison de pertes de rentabilité de cette destination et de la dégradation du climat social, qui portait gravement atteinte à l'image de marque des Antilles françaises. Cette déclaration fracassante et excessive a néanmoins permis de concentrer toute notre attention sur une situation effectivement préoccupante. La gravité de celle-ci a d'ailleurs amené dès le mois de novembre 2002 la commission des affaires économiques à organiser une mission d'information aux Antilles, sur la crise du tourisme, avec la participation de députés de la majorité et de l'opposition, auxquels je tiens à rendre hommage ce soir. Je salue, présents parmi nous, M. Jalton, M. Manscour et M. le rapporteur Joël Beaugendre, et je tiens à remercier Mme Louis-Carabin, M. Almont et M. Marie-Jeanne, présents parmi nous également ce soir, de nous avoir reçus avec une attention toute particulière et le souci de nous aider dans nos travaux.
    Cette mission a l'intention de poursuivre ses travaux jusqu'après le vote du projet de loi que vous présentez aujourd'hui. Elle produira alors son rapport, afin d'apporter certains éléments constructifs à sa mise en oeuvre. Cette démarche de concertation a eu un premier résultat positif : elle a permis de relayer auprès du Gouvernement les préoccupations des professionnels et des salariés du secteur pour aider à préparer le plan d'urgence en faveur du tourisme d'outre-mer que M. Léon Bertrand, avec votre soutien, est venu présenter en décembre 2002 aux Antilles, en Guyane.
    Je voudrais dire quelques mots des entretiens que nous avons eus en décembre avec l'ensemble des partenaires de la filière touristique, sur place, puis, à Paris, avec les principaux intervenants professionnels. Nous avons d'abord été frappés par la prise de conscience de l'ensemble des acteurs de la vie antillaise de la nécessité d'aider la filière touristique. Pour répondre à cet objectif, les premières conclusions de notre mission nous ont conduits à proposer un certain nombre d'initiatives dans plusieurs domaines.
    Il importe, tout d'abord, de favoriser l'investissement dans l'immobilier touristique, pour réhabiliter les équipements existants, largement obsolètes, et pour en créer de nouveaux, répondant aux standards de la concurrence actuelle.
    Deuxièmement, il convient d'améliorer les conditions de desserte aérienne pour les destinations Antilles et Guyane.
    Troisièmement, il faudra mettre en place un dispositif de formation professionnelle, permettant d'adapter la compétence des employés aux réelles exigences du tourisme international d'aujourd'hui.
    Il importera également de mettre en place un système de diversification des produits touristiques, de clarifier les compétences des organismes locaux chargés du développement touristique et, bien sûr, si possible, d'engager des actions spécifiques à la promotion des Antilles françaises au niveau international.
    Le projet de loi que vous présentez aujourd'hui, madame la ministre, va certainement permettre de satisfaire la plus grande partie des exigences que nous avons présentées, et notamment de procéder à la réhabilitation et à l'adaptation de notre immobilier touristique non seulement à la Guadeloupe et à la Martinique, mais aussi dans les autres départements et territoires d'outre-mer, ce dont je me réjouis.
    Je me félicite des mesures de défiscalisation qui permettront d'atteindre ces objectifs. Il s'agit du taux de réduction d'impôt porté de 60 à 70 %, comme nous le souhaitions, et surtout du dispositif de « détunnelisation » dont nous avons longuement parlé, établi pour une durée de cinq ans, qui correspond aux demandes que nous avons formulées. Je suis très heureux que le Gouvernement les ait entendues, car nous les avons défendues avec détermination auprès de M. le Premier ministre et de M. le ministre des finances pour soutenir votre action, madame la ministre.
    Quand j'entends dire que la défiscalisation entraînerait 170 millions d'euros de manque à gagner,...
    M. Christian Paul. C'est virtuel !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ... je ne peux m'empêcher de penser aux emplois qu'elle va permettre de préserver, aux gains fiscaux pour l'Etat induits par les emplois créés grâce aux richesses nouvelles. Je ne peux pas accepter que l'on mette en balance un manque à gagner virtuel et un gain certain, notamment sur le plan social et sur ceux de l'emploi et du développement économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Jalton. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis un ardent partisan de la défiscalisation. L'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Jalton. Très bien !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est aussi une notion d'aménagement du territoire que je défends avec vigueur. Il ne s'agit pas d'un effet d'aubaine mais d'une nécessité absolue pour le développement de ces économies.
    Cela ne suffira pas, malheureusement, car il est évident qu'il faut aussi, en même temps, améliorer la desserte aérienne. Vous en avez parlé, je n'y reviendrai pas. J'aimerais, madame la ministre, que vous puissiez nous donner plus d'informations sur les résultats du groupe de travail, afin de nous permettre d'accompagner les travaux du Gouvernement. Je suis heureux d'apprendre que le travail a bien avancé, mais je crains que des difficultés majeures ne permettent pas d'accomplir les progrès qu'on est en droit d'attendre dans ce domaine.
    Bien entendu, rien ne pourra être efficace si ne sont pas réglés les problèmes de la formation, aujourd'hui largement insuffisante.
    M. Bertho Audifax. Eh oui !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il faut offrir une main-d'oeuvre qualifiée, parfaitement adaptée à la clientèle recherchée aujourd'hui. Pour y parvenir, il faut encourager la création de lycées hôtelliers. Les professionnels du tourisme que nous avons rencontrés sont, d'ailleurs, d'accord pour prendre toute leur part dans cette formation, afin de garantir un service hôtelier de qualité, notamment vis-à-vis de la clientèle non francophone. Il faut donc définir une démarche concertée de formation professionnelle continue, indispensable à cette remise à niveau.
    S'agissant de la diversification, il est important que nous engagions une politique volontariste dans le cadre de la création de produits touristiques nouveaux, conçus sur d'autres supports que le soleil, le sable ou la mer. Nos départements et territoires d'outre-mer offrent des arrière-pays exceptionnels, protégés, préservés, où la sécurité des personnes et des biens et la sécurité alimentaire et sanitaire sont assurées, ce qui n'est pas le cas dans la plupart des pays concurrents. Il faut en profiter et demander à l'AFIT d'aider, par l'ingénierie touristique, à la création de tous ces produits nouveaux qui doivent permettre d'améliorer la situation touristique de ces territoires.
    J'ai parlé de la diversification. Je tiens aussi à remercier le Gouvernement d'avoir accepté de modifier son texte à la demande des élus d'outre-mer pour rendre éligible à la défiscalisation l'ensemble des investissements de loisir, à l'exclusion, bien sûr, des jeux de hasard. L'essor du tourisme suppose, en effet, une offre d'équipements et de produits diversifiés. Le Gouvernement l'a bien compris. Je me félicite également qu'il ait accepté l'amendement de notre collègue sénateur Lucette Michaux-Chevry tendant à faire bénéficier les navires de plaisance - sans complaisance d'ailleurs - du taux de défiscalisation. Cela sera utile pour développer cette activité qui est un véritable atout pour les Antilles et les autres territoires et départements d'outre-mer. Je me suis rendu sur place. J'ai pu constater qu'il y a un gisement d'emplois important qu'il faut encourager et qui, contrairement à ce que l'on peut penser, est complémentaire de l'activité d'hébergement touristique que nous voulons aussi encourager. C'est un tout ! On ne peut pas avoir l'un sans l'autre. Sinon, on se prive d'un levier essentiel pour le développement de la création d'emplois.
    Tous ces éléments étant mis en place, une grande partie grâce au projet de loi que nous étudions aujourd'hui, madame la ministre, il me semble néanmoins nécessaire que des procédures liées à la mise en place d'une politique touristique efficace au plan local soient simplifiées. Tous les élus responsables dans ces régions nous l'ont dit. Ceux des départements et collectivités locales que nous avons rencontrés le demandent. Les acteurs économiques sont les premiers à le souhaiter. Cette simplification est nécessaire pour être efficaces dans la compétition économique dans laquelle nous sommes engagés, dans laquelle vous êtes engagée, sur des territoires relativement réduits, avec plusieurs organismes correspondant à différents niveaux de compétences sur le même territoire.
    Je souhaite que ces appels soient entendus et que cette simplification intervienne très rapidement.
    Notre mission a tracé quelques pistes pour relancer la filière touristique, qui ont reçu l'approbation de la quasi-totalité des partenaires que nous avons rencontrés. Et je dois dire que ma satisfaction a été très grande d'entendre les responsables du groupe Accor, du Club Méditerranée et de Nouvelles Frontières nous dire, il y a quelques semaines, que, compte tenu des objectifs envisagés, ils étaient prêts à préserver leurs activités, à les maintenir, voire à les développer. Que faut-il attendre de plus pour aller dans le sens que vous proposez aujourd'hui, madame la ministre ?
    Mais tout cela ne suffira pas si nous n'arrivons pas à rassurer l'ensemble des partenaires qui peuvent être les acteurs de ce développement touristique. C'est pourquoi, et je vous en ai déjà parlé, je vous fais deux propositions.
    Après le vote de ce texte, il me semble qu'il serait possible d'organiser - je parle bien entendu pour les Antilles - des états généraux afin de permettre à l'ensemble des responsables économiques et sociaux de dégager les lignes forces des actions communes à engager.
    M. Christian Paul. C'est déjà fait !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ensuite, il serait important, afin de responsabiliser tous ceux qui veulent s'engager dans cette voie, de leur demander de signer une charte d'objectif définie à partir des travaux de ces états généraux et d'une durée de trois ans, afin de permettre la mise en place d'un programme pluriannuel. Cette charte d'objectif ne serait pas contraignante. Mais, selon qu'ils la signent ou non, nous verrons ceux qui veulent être réellement les partenaires du développement touristique de nos Antilles et ceux qui préfèrent l'attitude politicienne au développement.
    Telles sont, madame la ministre, les différentes propositions que notre commission souhaitait vous faire. Je vous remercie d'en avoir déjà retenu un certain nombre par anticipation. M. Beaugendre continuera tout au long des débats à défendre nos objectifs afin de contribuer à aider ces territoires si chers à notre coeur, qu'il s'agisse des Antilles ou de l'ensemble de nos départements et territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nombreux sont les députés à vouloir intervenir. Je m'en tiendrai donc à quelques brèves réflexions.
    Tout d'abord, madame la ministre et chers collègues, je mesure parfaitement les difficultés économiques des départements et territoires d'outre-mer, et donc les problèmes redoutables que posent le chômage et la désespérance des jeunes. J'en suis si convaincu que j'ai rompu la tradition communautaire qui voulait que les ministres de l'agriculture, lorsqu'ils exerçaient la présidence du Conseil des ministres, aillent dans leur région d'origine. Et, lorsque j'ai été président du conseil des ministres de l'agriculture, je n'ai choisi ni la Bretagne, ni le Mont-Saint-Michel, ni Saint-Malo, mais les Antilles,...
    Mme Christiane Taubira. Il y fait plus chaud !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. pour convaincre - et c'était difficile - mes collègues ministres de l'agriculture de l'époque de ne pas oublier les productions tropicales. Et je crois avoir fait quelques progrès à cette période.
    J'approuve tout ce qui va dans le sens du développement économique, c'est-à-dire l'allégement du coût du travail, les incitations directes à l'embauche, les efforts en matière de continuité territoriale parce que ces mesures permettent de combler en partie les retards de développement.
    Cependant, et ce sera la seconde partie de mon propos,...
    M. Jean-Jack Queyranne. Ah !
    M. Christian Paul. Un instant de vérité !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ... dans la situation budgétaire du pays aujourd'hui, il n'est pas interdit d'examiner toute dépense supplémentaire sous l'angle de son efficacité économique, de son utilité sociale ou de la cohérence d'ensemble du dispositif. Or si, sur l'efficacité et l'utilité sociale, je ne doute pas de l'importance et de la qualité du projet, il m'apparaît qu'il y a un problème sur le point de la cohérence et je regarde avec attention certaines surenchères qui sont faites aujourd'hui, alimentées par des effets d'aubaine, à partir de situations qui pouvaient se justifier il y a trente ou quarante ans mais qui, aujourd'hui, n'ont plus la même raison d'être et peuvent même porter atteinte, compte tenu des comparaisons, au développement économique. Les surrénumérations, par exemple - je ne devrais peut-être pas en parler en cette période de l'année - sont justifiées par la différence de coût de la vie, mais n'entraînent-elles pas entre les secteurs des comparaisons qui peuvent être préjudiciables au développement économique ?
    Le seul point que je retiendrai - je ne parlerai pas des bonifications ni des déplacements - est la majoration des retraites. Je ne parlerai pas du stock pour me concentrer sur le futur flux. Je me permets à ce sujet de vous livrer cette réflexion de la Cour des comptes : « Il importe », est-il écrit dans le dernier rapport - « de mettre fin à l'attribution d'une indemnité injustifiée d'un montant exorbitant et sans le moindre équivalent dans les autres régimes de retraite. »
    Entre nous, il faut se dire certaines vérités. Je crois aux mesures de développement économique. Je ne consteste pas l'intérêt des surrénumérations lorsqu'elles sont justifiées par les différences de coût de la vie, mais la majoration des retraites, proposée même pour ceux qui n'ont pas habité ou travaillé dans les départements d'outre-mer, pose quand même certains problèmes.
    Je suis tenue à une certaine exigence de vérité : l'efficacité économique exige parfois de regarder si certaines surenchères ne peuvent pas porter atteinte au développement économique. Telles sont, madame la ministre, les réflexions que je me devais de faire, en tant que président de la commission des finances et compte tenu de la nécessité pour nous tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégerons, de mesurer l'efficacité de la dépense publique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Louis-Joseph Manscour. Vos amis n'applaudissent même pas !

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Christian Paul.
    M. Christian Paul. Madame la ministre, depuis un an nous vous regardons gouverner. Nous observons la politique que ce gouvernement, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, conduit à l'égard des outre-mers. Nous le faisons sans complaisance mais sans vous priver du temps de la démonstration et de l'action. Tous ceux qui sont présents aujourd'hui dans cette assemblée et que j'ai plaisir à retrouver et à saluer, sont attentifs à votre action.
    Nous savons tous ici la dureté de la tâche. Nous n'ignorons pas que l'on demande souvent - trop souvent - à l'outre-mer patience et compréhension et qu'il faut, dans la charge que vous exercez, plus encore que dans d'autres, convaincre des bureaux aveugles et des décideurs froids que les outre-mers valent mille fois et bien davantage ce que la République consent à leur accorder, n'en déplaise au président de la commission des finances.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Vous m'avez mal compris !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Méhaignerie n'a pas dit cela !
    M. Pierre Méhaignerie. président de la commission des finances. Vous faites de la démagogie, monsieur Paul.
    M. Christian Paul. Parce que nous savons tout cela, madame la ministre, nous avons regardé le gouvernement Raffarin agir outre-mer.
    Certes, le budget pour 2003, amputé avant même d'être voté, aurait dû valoir signal d'alarme. Beaucoup ici ne vous l'ont pas caché et l'ont dit avec fermeté. Mais il y avait la force de la promesse, l'espoir, sans doute naïf, mis dans ces engagements pris devant tous les peuples d'outre-mer et devant les élus des collectivités, et même ceux, dont j'étais, qui craignaient que, bien vite, les masques ne tombent, vous laissaient travailler, considérant que le bénéfice du doute passe bien avant le bénéfice d'inventaire.
    Un an a passé, vous avez travaillé, mais ce gouvernement ne vous a pas entendue.
    L'heure est donc venue. L'heure est venue de rendre compte d'un projet de loi et d'une politique qui constituent à nos yeux une supercherie. Pire, transparaît parfois la marque d'une inspiration coloniale (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est inacceptable !
    M. Philippe Auberger, rapporteur. C'est du mauvais Jospin !
    M. Christian Paul. Attendez, monsieur Auberger, attendez la suite !
    ... cette inspiration, madame la ministre, dont je veux voir l'expression la plus aboutie dans la bouche de votre collègue M. Devedjian, qui, arrivant à la Réunion aux côtés du Premier ministre, prononça ces mots jamais démentis, ni par lui, ni par vous, ni par d'autres : « Lorsqu'on arrive ici, il faut avoir le carnet de chèques à la main. »
    Je pensais que cet humour colonial figurait depuis longtemps à l'index de la République. A M. Devedjian, comme au Premier ministre, les Réunionnais ont massivement répondu, comme il le fallait, c'est-à-dire dans la rue.
    La question préalable, dont je défends ici les motifs au nom du groupe socialiste, ne signifie pas qu'il n'y a pas lieu de débattre de l'outre-mer, bien au contraire. Elle signifie tout simplement qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur un projet annoncé comme ambitieux et, à l'arrivée, si profondément décevant. Elle signifie que nous entendons, c'est notre droit, et c'est aussi notre devoir, mettre en question, mettre en examen ce grand écart entre les promesses et les actes. C'est dans cet écart entre les engagements encore si proches du Président de la République et la réalité de la politique de ce gouvernement pour l'outre-mer que viendront se nicher tous les populismes et toutes les rancoeurs. Nous avons là tous les ingrédients d'une occasion manquée.
    Bien sûr, ici ou là, on objectera que tel ou tel des articles de ce texte constituerait une amélioration technique des lois existantes, mais, de Madiana à Champfleurie, que de promesses savamment distillées, que d'espérances soulevées et flattées, de voir une politique audacieuse venir relayer et, pourquoi pas, améliorer la grande loi d'orientation pour l'outre-mer votée ici à l'automne 2000.
    M. Victor Brial. Vous n'avez rien fait pour Wallis et Futuna !
    M. Christian Paul. Je crains avant tout qu'il ne s'agisse là de solder hâtivement ces promesses.
    Non, nous l'affirmons, ce n'est pas une loi de programme, encore moins une loi de programmation. Ou alors le programme, c'est de ne rien changer.
    M. Victor Brial. Il y a des actes !
    M. Christian Paul. Ou alors le seul programme, c'est de fixer pour quinze ans, et pour solde de tout compte, un effort dérisoire de la République pour l'outre-mer. M. Méhaignerie sera rassuré, je crois, à la fin de ma démonstration. Ou alors le programme, c'est d'enterrer l'espoir qu'a fait naître, à défaut d'y répondre complètement sans doute, la loi d'orientation pour l'outre-mer.
    C'est vrai, nous mettons aujourd'hui en question la politique outre-mer de ce gouvernement, en préalable à tout autre débat.
    On ne peut pas séparer ce texte d'une situation politique et d'une réalité sociale. Le moment politique que nous vivons nourrit toutes nos inquiétudes. Les erreurs s'accumulent et l'outre-mer n'est plus une priorité pour ce gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bertho Audifax. Vos propres amis ont dit le contraire !
    M. le président. La parole est libre !
    M. Christian Paul. Merci, monsieur le président, de le rappeler.
    Ce n'est pas le temps de la démocratie, après une alternance, c'est le temps de la revanche. La démocratie ne progresse plus quand le dialogue disparaît au profit d'impérieuses injonctions.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce qui est excessif est insignifiant.
    M. Christian Paul. Les évolutions institutionnelles aux Antilles comme en Guyane on témoignent. Vous imposez, là où il aurait fallu maintenir le consensus républicain que les réunions des congrès avaient permis de dégager.
    A Saint-Pierre-et-Miquelon, l'on transforme radicalement le droit applicable presque par mégarde, et sans aucune concertation.
    La démocratie ne progresse pas non plus, quand la parole de l'Etat est oubliée, comme en Nouvelle-Calédonie, où l'accord de Nouméa semble suspendu, peut-être nié demain si le compromis recherché à propos du corps électoral est remis en cause.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Mais non ! Ce n'est pas l'avis du Conseil constitutionnel !
    M. Christian Paul. Et que dire de cette habitude désormais prise et qui ne semble pas avoir de limites d'imputer à vos prédécesseurs les pires turpitudes. J'en sourirais volontiers, et Jean-Jack Queyranne avec moi, car nous avons la mémoire précise et le goût de la vérité,...
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Vous faites un beau duo !
    M. Christian Paul. ... j'en sourirais si la coupe n'était pas pleine. Ainsi, dans un hebdomadaire du dimanche 18 mai dernier, vous déclariez : « mon prédécesseur avait supprimé les exonérations de charges pour les entreprises de plus de dix salariés. »
    Le mensonge ne sera jamais acceptable dans une démocratie. Il ne renforce jamais le crédit d'un gouvernement. Nous n'avons jamais supprimé ces exonérations. Nous les avons maintenues pour les entreprises qui en bénéficiaient avant 1997, et surtout, nous les avons largement étendues pour un grand nombre de petites entreprises de moins de dix salariés, dans des secteurs qui n'en bénéficiaient pas jusqu'alors.
    Le temps de la revanche, il est aussi dans la constance que met ce gouvernement à nier les progrès accomplis par d'autres avant lui et à casser les projets les plus avancés, quels que soient leur intérêt ou l'adhésion qu'ils suscitaient.
    On l'a vu ici, sur tous les fronts. François Fillon en a fait une spécialité nationale. Les emplois-jeunes, les 35 heures ou la loi de modernisation sociale en firent également les frais.
    M. Victor Brial. Il fallait trouver une solution pour les emplois-jeunes !
    M. Christian Paul. Pour l'outre-mer, des démarches à la fois concrètes et symboliques ont été brisées net. Je pense d'abord, chère Christiane Taubira, au devoir de reconnaissance de ce crime contre l'humanité que furent l'esclavage et la traite (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.),...
    Mme Christiane Taubira. Respect et honneur, en face !
    M. Mansour Kamardine. Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous !
    M. le président. S'il vous plaît, un peu de dignité.
    M. Christian Paul. ... et au comité que présidait, et vous y participiez, Maryse Condé. Je pense aussi au beau projet que nous avions conçu avec Bertrand Delanoë de créer, avec l'aide de la ville de Paris, une cité des outre-mers et de l'installer dans un lieu prestigieux et accessible. Je pense à l'abandon du projet de radio que RFO destinait à nos citoyens d'Ile-de-France. On me dit que la liste s'allonge chaque jour.
    Non, l'outre-mer n'est pas une priorité de ce gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Mansour Kamardine. Ce n'est pas le sentiment de vos amis !
    M. Victor Brial. Soyez sérieux.
    M. Christian Paul. Je ne prétends pas, madame la ministre, que vous n'ayez pas défendu vos budgets. J'affirme, et je vais le démontrer, que vous n'avez été ni écoutée ni entendue par le Premier ministre. Encore qu'il y ait de meilleures manières pour obtenir les moyens d'une politique nouvelle que d'indiquer, comme cela a été fait publiquement, que les crédits du ministère de l'outre-mer seraient surabondants.
    C'est vrai, vous n'avez pas trouvé les caisses vides. Il y avait deux raisons à cela. D'abord, nous avions fortement augmenté ce budget pour accompagner l'application de la loi d'orientation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Mansour Kamardine. C'est ce qui était affiché !
    M. Christian Paul. Ensuite, à la veille des élections nationales, il avait été procédé, et c'est notre tradition républicaine, au gel de nombreuses dépenses pour ne pas hypothéquer l'année 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Alors, c'est vrai, vous n'avez pas trouvé les caisses vides.
    L'outre-mer n'est pas une priorité pour ce gouvernement et je vous invite, mes chers collègues, à regarder les faits un instant.
    En 2001, dernier exercice budgétaire exécuté par le gouvernement de Lionel Jospin, l'engagement de l'Etat en direction de l'outre-mer, tous ministères confondus, s'est élevé à 7 881 millions d'euros, hors autorisations de programme. Dès l'exécution par vos soins du budget 2002, cet engagement affiche un recul de 376 millions d'euros, soit près de 5 %. Et l'exécution du budget 2003 tourne au cauchemar. Sur votre seul budget, près de 250 millions d'euros ont été gelés ou annulés, et là, M. Méhaignerie peut trouver, encore une fois, réponse à ses inquiétudes.
    Deux secteurs en font les frais : la lutte contre le chômage, avec une baisse de 110 millions d'euros pour le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, et le logement, dont on nous dit pourtant qu'il est une priorité : plus de 80 millions d'euros en sont détournés cette année.
    On peut donc affirmer, sans crainte de démenti, que les 300 millions d'euros de coût budgétaire revendiqués par le Gouvernement pour le projet qui est débattu ce soir ne compensent pas, loin de là, le sévère recul financier constaté pour l'outre-mer depuis l'arrivée du gouverment Raffarin.
    C'est pourquoi, sans grossir le trait et sans exagération, il est désormais de notre responsabilité de dénoncer la supercherie que constitue la loi de programme, si mal nommée.
    Si la majorité persiste à souhaiter ce débat, en dépit de notre démonstration, alors, pied à pied, point par point, nous dénoncerons cette supercherie, mais, d'ores et déjà, je veux dire que le dessein du Gouvernement, ce n'est pas de programmer un effort supplémentaire pour l'outre-mer, c'est de demander à l'outre-mer d'autofinancer son développement sans un euro de plus.
    C'est une très mauvaise habitude contractée par la droite depuis la loi Perben, qui avait financé des mesures provisoires d'allégement de charges pour cinq ans grâce à une hausse durable de TVA de deux points.
    Le projet du Gouvernement comporte des mesures, sur lesquelles je ne reviendrai pas, bien entendu, dans le détail, qui concernent à la fois les baisses de charges sociales, les défiscalisations et les transports.
    Le Gouvernement affiche un effort sans précédent.
    Il s'agit tout d'abord, par un effet de zapping, dont, je l'espère, vous ne serez pas les complices, d'effacer la loi d'orientation et d'en imputer les bons résultats à son action d'aujourd'hui.
    Il s'agit ensuite de gonfler artificiellement l'effort budgétaire de la loi de programme. Or les mesures d'abaissement du coût du travail peuvent être évaluées à 30 millions d'euros, soit un vingtième, 5 %, des allégements qui avaient été décidés dans le cadre de la loi d'orientation budgétaire, qui prévoyait plus de 600 millions d'euros d'allégement de charges.
    Les mesures de défiscalisation, j'y reviendrai brièvement tout à l'heure, ne constituent par ailleurs que des dépenses virtuelles, car chacun sait que le ministère des finances les maintient dans une enveloppe que lui seul plafonne et qu'il faut parfois forcer, on le sait bien, en Nouvelle-Calédonie, par exemple.
    Les mesures dites de « continuité territoriale » sont chiffrées par le Gouvernement lui-même à 30 millions d'euros, illustrant ainsi par leur insignifiance leur faible portée.
    M. Victor Brial. Qu'avez-vous fait ? Rien !
    M. Christian Paul. A titre de comparaison, la dotation de continuité territoriale pour la Corse, pourtant plus proche de l'Hexagone, s'élève à 616 euros par habitant, contre 11,5 euros pour le projet de loi de programme qui nous est présenté.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Avec vous, c'était zéro !
    M. Christian Paul. Au total, grâce à cette vérité des chiffres, on peut constater que la loi de programme, c'est en réalité moins de 65 millions de dépense assurés, à comparer aux crédits gelés ou annulés, je les ai évoqués tout à l'heure, à comparer surtout aux 5 milliards de francs par an que le gouvernement de Lionel Jospin avait mobilisés pour la loi d'orientation pour l'outre-mer. Alors, oui, il faut faire les comptes et, si nous ne les faisons pas dans cet hémicycle, d'autres le feront dans vos circonscriptions.
    Enfin, il est également de mon devoir d'alerter l'Assemblée nationale sur le risque que ce texte fait courir à l'entreprise de moralisation du soutien fiscal outre-mer à laquelle le Parlement avait voulu s'attacher, à l'unanimité des deux assemblées en l'année 2000.
    Eh oui, monsieur Auberger, vous aviez voté !
    La réforme du soutien fiscal est le coeur, si j'ose dire, de cette loi de programme. La représentation nationale avait adopté à l'unanimité en 2000, sur la base d'un excellent travail de notre collègue Didier Migaud, des dispositions qui, sans être parfaites, étaient applicables, contrairement à vos dires. Il s'agissait surtout d'éviter les excès et les dérives que la loi Pons avait connues. Mais, ce soir, je sens bien que le docteur Pons est de retour.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. En tout cas, pas M. Migaud. Où est-il ?
    M. Christian Paul. Il s'agissait de moraliser le soutien fiscal à l'investissement outre-mer pour le rendre incontestable et donc durable quelles que soient les majorités. Il s'agissait d'encourager les investissements des entreprises plutôt que celui des personnes physiques. On en connait bien, en effet les effets pervers, même s'il ne faut pas le diaboliser : investissements fictifs, navires qui ont rouillé en cale sèche, détournement de fonds confiés à des conseillers fiscaux peu scrupuleux.
    A l'inverse de cet effort de moralisation, à 180° en quelque sorte, votre projet va encourager des investissements qui ne sont pas porteurs d'un développement durable. Vous favoriserez non pas l'efficacité économique mais, au contraire, l'optimisation fiscale au profit des contribuables métropolitains les plus fortunés.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Encore !
    M. Jean-Jack Queyranne. Eh oui !
    M. Christian Paul. C'est vrai que ce sont eux qui sont depuis des mois maintenant, depuis près d'un an, l'objet de toutes les attentions de cette majorité.
    Un exemple : le retour à cette pratique de « détunnélisation », comme on dit dans le jargon élégant de Bercy, qui permet d'imputer les déficits d'une activité économique sur le revenu imposable, qui conduit à privilégier les projets d'investissements qui vont dégager un résultat d'exploitation déficitaire.
    Tout aussi choquant, le déplafonnement de la réduction d'impôt sur le revenu auquel ce projet souhaite procéder. Là encore, il y avait un consensus républicain, et vous préférez passer outre.
    Mais surtout, à la lecture de ce texte, on se prend à imaginer un instant ce qu'aurait pu être une véritable loi de programme. A la lecture de ce projet, on peut légitimement s'interroger sur une approche que vous avez voulu fonder exclusivement sur le soutien fiscal à l'investissement. Les entreprises elles-mêmes et de nombreux acteurs économiques et sociaux d'outre-mer l'ont dit avec force au Gouvernement, à la Réunion comme ailleurs : ce n'est pas un bon projet. Ils savent bien, eux, qu'il ne règle pas les problèmes d'aujourd'hui, mais surtout qu'il ne prépare pas à surmonter les difficultés de demain. Il n'évoque en rien l'avenir des grandes filières agricoles, les ressources des collectivités locales, dont nous savons la faiblesse, ou la formation des femmes et des hommes d'outre-mer.
    Nous aurions tant aimé, madame la ministre, au-delà de la sécheresse des chiffres, au-delà de l'âpreté inévitable de nos échanges, retrouver dans les débats qui entourent cette loi, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, le message si fort que les outre-mer adressent au pays tout entier.
    Ce soir, en concluant mon intervention, mes pensées vont à un vieil homme ardent et combatif qui vit désormais sur les hauteurs de Fort-de-France et qui a tant donné pour l'égalité des droits dans notre République.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. C'est un poète, pas vous !
    M. Christian Paul. Aimé Césaire aura quatre-vingt-dix ans dans quelques jours.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Il a du talent, pas vous !
    M. Christian Paul. Pour lui aussi, et pour plus de deux millions de nos concitoyens d'outre-mer, j'aurais aimé que ce nouveau rendez-vous entre l'outre-mer et la République provoque un vrai souffle, et non un si pâle inventaire.
    Madame la ministre, je sais que tant d'arbitrages vous furent défavorables. Je sais que vous allez tenter de nous convaincre qu'à défaut d'une grande loi, il faut engranger ces quelques petits pas. En votant cette question préalable, votre majorité pourrait vous dispenser de cet exercice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Elle ne le fera sans doute pas.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Ce n'est pas l'heure de rêver.
    M. Christian Paul. Alors il lui faudra le moment venu rendre des comptes sur cette occasion manquée, et sur ce grand écart entre la parole donnée et la réalité des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Christiane Taubira et Mme Huguette Bello. Très bien !

    M. le président. La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur le secrétaire d'Etat, je n'ai pas du tout l'intention d'ouvrir une polémique avec vous, parce que, moi, je respecte un minimum de courtoisie républicaine. Je crois que c'est la première fois que l'on voit dans cet hémicycle deux personnes qui se sont succédé rue Oudinot, n'appartenant pas à la même mouvance politique, se livrer à un tel échange. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Paul. Sarkozy fait la même chose chaque semaine !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Quant au fait que vous défendiez une question préalable, j'y vois une certaine contradiction avec vos amis politiques, et je pense notamment à M. Lurel, qui, toutes ces dernières semaines, n'a cessé de me demander par voie de presse, par question écrite ou par question au Gouvernement...
    Mme Christiane Taubira. C'est son droit de parlementaire.
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... que cette loi de programme soit inscrite...
    M. Victorin Lurel. C'est mon droit.
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... toutes affaires cessantes à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
    Monsieur Lurel, vous avez manifesté une telle impatience que je suis étonnée de voir M. Paul nous demander aujourd'hui de ne plus délibérer sur cette loi de programme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je crois qu'il y a décidément quelques problèmes au parti socialiste, et je comprends que vous, élus d'outre-mer de gauche, lui ayez tous signé une adresse. Il y a de nombreuses contradictions qu'il faudrait éviter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste.
    M. Victorin Lurel. J'aurai l'occasion de répondre presque du tac au tac à Mme la ministre.
    Nous ne pouvons pas accepter ce texte en l'état. Le groupe socialiste et apparentés votera avec enthousiasme la question préalable défendue par notre excellent collègue Christian Paul. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ce n'est pas nous qui avons suscité une immense attente dans l'outre-mer. Une année durant, à quoi avons-nous eu droit ? A une politique de la poudre aux yeux. Il faut le dire ! Et sachez, madame la ministre, que je ne cesserai de demander une bonne politique, efficace, pertinente, éclairée et dotée de moyens conséquents pour le développement de nos régions.
    Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Chaque semaine, nous avons droit à une déclaration dans les colonnes de la presse nationale. Chaque mois, madame la ministre, vous avez une émission sur RFO Radio. C'est la première fois que l'on voit un gouvernement coloniser - c'est bien le mot, il n'est pas trop fort -, coloniser la presse locale et la presse nationale pour vendre du vent, permettez-moi de le dire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Oui ! je demandais - et le groupe socialiste dans son entier demandait - un bon texte. Qu'avons-nous aujourd'hui ? Vous connaissez, madame la ministre, la fameuse définition de Lichtenberg sur la chimère : c'est un couteau sans manche, auquel manque la lame. C'est précisément votre loi de programme. On voit la loi, on ne voit pas le programme. Il n'y a rien dedans, si ce n'est tout au plus quelques aménagements techniques. Et cela coûte 65 millions de francs.
    M. René-Paul Victoria. Notre monnaie est l'euro !
    M. Victorin Lurel. De ce point de vue, cette loi est à l'image de celle de Dominique Perben, même si elle contenait de bonnes choses.
    Je n'oublierai jamais. J'étais jeune, je m'intéressais à l'économie. En 1996, le financement de la loi Perben n'a coûté que 2 millions de francs au budget de l'Etat. C'est l'outre-mer qui finançait son propre développement. Et cela a continué ! Et c'est la loi d'orientation pour l'outre-mer, une grande loi,...
    M. René-Paul Victoria. C'était une loi faite pour les élections !
    M. Victorin Lurel. ... portée par un souffle et une grande ambition, qui a étendu le bénéfice de la défiscalisaiton, qui a étendu le champ d'éligibilité. C'est vrai. Il n'est pas juste de se répandre dans la presse, d'engager des polémiques avec ses prédécesseurs. C'est de Gaulle qui disait, et je l'ai répété chez moi : « Etre homme, c'est soutenir une grande querelle. » Madame la ministre, ce n'est pas faire de la polémique que de vous dire, comme vous le disent vos prédécesseurs, que, depuis une année, nous ne voyons pas la politique du Gouvernement. Comme Soeur Anne, nous scrutons l'horizon, mais nous ne voyons rien venir !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ouvrez les yeux !
    M. Mansour Kamardine. Et nous, pendant cinq ans, nous n'avons rien vu !
    M. Victorin Lurel. Et c'est pourquoi nous n'avons pas hésité à déposer une question préalable. Et, à l'issue de la discussion générale, nous défendrons une motion de renvoi en commission.
    J'ose dire également, puisque certains ont été choqués qu'on ait évoqué un esprit colonialiste, que je suis blessé, pour ma part - et je crois pouvoir dire que l'outre-mer est blessé -, de lire en creux dans votre texte une philosophie inacceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On laisse entendre, on distille l'idée selon laquelle l'outre-mer serait plus assisté que d'autres. C'est pourtant vous, madame la ministre, qui, dans les colonnes de La Croix, disiez : « Par tête d'habitant, l'outre-mer n'est pas plus assisté qu'un département de l'Hexagone. »
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Oui !
    M. Victorin Lurel. Alors, pourquoi cette stigmatisation des habitants de l'outre-mer ? On a l'impression que tout ce qui est aides, allocations, protection sociale, cela gêne, il faut le démanteler, que les gens de l'outre-mer sont assimilés à des fainéants.
    Mme Christiane Taubira. Tout à fait !
    M. Victorin Lurel. C'est ce qui apparaît en creux lorsque l'on décode, lorsque l'on décrypte votre texte. Nous ne saurions accepter cette philosophie qui parcourt de part en part votre texte.
    Il y a moult motifs pour refuser ce texte en l'état. En tout cas, nous sommes animés de bonnes intentions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Il ne faut pas voter la question préalable, alors !
    M. René-Paul Victoria. Au contraire, votez le texte !
    M. Mansour Kamardine. Mais oui ! Vous allez sûrement le voter puisque vos intentions sont bonnes !
    M. Victorin Lurel. Nous participerons activement à son amélioration, madame la ministre. Mais en l'état, tel qu'il est présenté devant la représentation nationale, nous refusons votre projet de loi et nous voterons avec enthousiasme, comme un seul homme, comme une seule femme, la question préalable défendue par Christian Paul. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe UDF ne votera naturellement pas cette question préalable. Au risque de me répéter de débat en débat, je rappelle que la question préalable est théoriquement destinée, selon le règlement de notre assemblée, à considérer qu'il n'y a pas lieu à débattre. Or, comme vient de le rappeler Mme la ministre, il y a bel et bien lieu à débattre. Il y a lieu de légiférer pour permettre à l'outre-mer de bénéficier d'une loi de programme. On peut ne pas être d'accord avec ce qu'elle contient, on peut juger que tel ou tel aspect est insuffisant ou contradictoire, mais en tout état de cause on ne peut pas dire, étant donné les difficultés que rencontre l'outre-mer, qu'il n'y a pas lieu à débattre ce soir et que le Parlement n'a pas à légiférer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je viens d'apprendre par votre bouche, monsieur Lurel, que vous et vos collègues étiez animés de bonnes intentions. Si cette motion était effectivement adoptée, ces bonnes intentions aboutiraient à ce que nous nous séparions sans avoir rien fait pour l'outre-mer. Je trouverais cela extrêmement dommageable. (Applaudissements sur les bancs du groupe l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les territoires d'outre-mer nous posent le défi de l'égalité républicaine. La situation actuelle ne permet pas d'affirmer qu'il existe entre la métropole et l'outre-mer ni une égalité économique, ni une égalité sociale.
    Pour le groupe UDF, la situation actuelle de ces territoires, que le rapporteur a parfaitement décrite, requiert un effort exceptionnel de la part de l'Etat et de la nation afin d'assurer l'égalité des chances face à l'éducation et l'égalité des chances face à l'emploi. Et pour ce qui concerne l'outre-mer, comme l'a rappelé le président Ollier, il est légitime d'appliquer une inégalité de traitement aux territoires pour leur assurer l'égalité des chances.
    Concernant l'égalité des chances face à l'emploi, le projet de loi que vous nous soumettez doit pouvoir donner un souffle à l'emploi ultramarin. Les exonérations de charges dans des secteurs ciblés ainsi que les incitations à l'investissement sont une des conditions du développement. Mais à nos yeux, elles ne suffiront pas. Et je voudrais parler d'éducation. Dans ce projet, sur 270 millions d'euros, elle ne reçoit qu'un million d'euros. Pourtant, l'Etat doit garantir une stabilité économique et sociale dans les territoires d'outre-mer. Il doit aussi, j'y reviendrai, permettre un meilleur accès à l'éducation.
    Pour ce qui concerne la stabilité économique et sociale, comment ne pas voir que les investisseurs reculent aussi devant la multiplication des conflits sociaux et de l'insécurité dans certains de ces territoires ou départements.
    On ne doit pas oublier que, comme l'a montré récemment la crise du secteur hôtelier aux Antilles, le coût de l'emploi est loin d'être le seul facteur pris en compte par les investisseurs pour s'établir ou rester dans ces territoires. L'Etat doit donc faire un effort pour assurer la paix sociale, mais aussi pour réduire l'insécurité qui pèse dans certaines collectivités. L'amélioration du climat social ne sera possible qu'à la condition de l'instauration du dialogue, sur la durée.
    Malgré les différents projets de loi spécifiques aux DOM-TOM que nous avons connus ces dernières années, on ne peut que constater que la situation de l'emploi reste dramatique. Les chiffres exorbitants des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RMI ne peuvent laisser indifférent aucun d'entre nous.
    Ce projet de loi est ambitieux, et nous savons que la baisse des charges patronales est un des meilleurs moyens pour redonner du souffle au marché de l'emploi.
    Le groupe UDF vous proposera d'ailleurs un dispositif innovant, peu coûteux et efficace pour participer à cet effort : des emplois francs pour l'outre-mer.
    Il s'agit d'accorder, comme le proposait François Bayrou lors de l'élection présidentielle, une exonération de 100 % des charges patronales, dans la limite du SMIC, et de deux emplois par société, pour tout nouvel emploi créé dans ces territoires. C'est un dispositif qui ne s'applique qu'aux emplois nouveaux et qui est donc réellement incitatif pour la création d'emplois. Il viendrait compléter ceux que le Gouvernement a prévus dans le projet de loi. Ce dispositif a l'énorme avantage de la lisibilité puisqu'il s'applique à tous les postes, dans tous les secteurs. Il respecte les contraintes budgétaires qui sont les nôtres actuellement puisqu'il s'agit de ne pas payer de charges patronales uniquement pour les emplois nouvellement créés, qui seront sources de rentrées fiscales pour l'Etat et surtout de moindres dépenses sociales.
    Il s'agit donc d'un dispositif blanc, sur le plan budgétaire, puisqu'il ne coûte rien, et on peut même raisonnablement penser qu'il serait une mesure d'économie pour l'Etat en même temps qu'une incitation réelle au développement de l'emploi.
    Pour le groupe UDF, la priorité à laquelle l'Etat doit se consacrer, si l'on souhaite offrir une véritable opportunité de développement durable à l'outre-mer, comme je le disais à l'instant, c'est l'éducation. L'école est le lieu républicain de l'égalité. Or, on ne peut que constater une inégalité criante et scandaleuse entre les étudiants d'outre-mer et ceux de métropole.
    M. Christophe Payet. Ça, c'est vrai !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cette inégalité joue un rôle primordial dans le développement économique et social des territoires d'outre-mer. Les taux de réussite au baccalauréat sont de 74 % contre 79,85 % en métropole. On pourrait croire que l'écart n'est pas si énorme que cela. Mais en réalité, c'est bien pire. Seul un enfant d'une classe d'âge sur trois accède, dans les territoires et départements d'outre-mer, au niveau du baccalauréat contre une moyenne nationale supérieure à deux enfants sur trois. La situation est, de ce point de vue, presque dramatique. Ainsi, en Guyane, un enfant sur deux sort du système éducatif sans qualification. C'est un des facteurs - la démographie en est un autre - qui expliquent que le chômage des jeunes prenne une telle proportion : 53 % dans les DOM, contre 20,7 % en métropole.
    Il est donc plus que légitime d'avoir pour l'outre-mer une politique éducative volontariste, car l'éducation est bien la priorité des priorités. S'il faut mettre des moyens, mettons-les pour aider les élèves à passer leur baccalauréat. Il s'agit en effet de leur donner la formation initiale qui donne à tous le sentiment d'appartenir à une société humaine commune, ainsi que la formation professionnelle qui leur permette ensuite de s'insérer et de s'épanouir comme acteurs de notre société.
    S'il semble que le Gouvernement affiche cette volonté, le dispositif - et j'évoquais tout à l'heure les aspects financiers - nous paraît encore insuffisant. La question est bien sûr trop complexe pour qu'on la traite dans le cadre de cette loi, mais elle demeure essentielle. Pour cela, il faut mener un débat sur l'éducation dans l'outre-mer, qui établisse un diagnostic de ce qui ne fonctionne pas, des causes d'échec scolaire, et qui évalue les actions qui ont été menées auparavent. L'Etat doit s'engager fortement et explicitement sur une évaluation-diagnostic du système scolaire dans les DOM-TOM. Tel sera l'objet d'un amendement du groupe UDF.
    Un autre sujet est, à juste titre, au coeur des préoccupations de nos concitoyens d'outre-mer ; il s'agit de la continuité territoriale. Ce principe a été reconnu par le Président de la République et le projet de loi prévoit un effort significatif de la part de l'Etat.
    M. Victorin Lurel. Un effort epsilonesque, vous voulez dire !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe UDF considère que pour être en cohérence avec le discours du chef de l'Etat, il convient d'aller plus loin, notamment dans deux directions.
    En premier lieu, le principe de continuité territoriale implique nécessairement, à nos yeux, que les transporteurs aient l'obligation d'assurer une mission de service public.
    M. Victorin Lurel. Ah ! Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. A l'instar de ce que le Parlement a voté pour la collectivité territoriale de Corse, il semble juste que si l'on applique le même principe à la Corse et aux territoires d'outre-mer, à savoir la nécessité de la continuité territoriale, la République doit aussi donner des moyens identiques aux collectivités. C'est pourquoi le groupe UDF vous proposera de reprendre le dispositif de l'article 14 de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, qui donne la possibilité aux collectivités d'imposer des missions de service public aux transporteurs. Refuser une telle possibilité aux collectivités d'outre-mer reviendrait à pérenniser une inégalité importante entre deux territoires de la République qui ont pourtant des contraintes géographiques similaires ou comparables.
    M. Victorin Lurel. Voilà ! C'est de l'égalité, ça !
    M. Jean-Christophe Lagarde. La continuité territoriale doit s'appliquer à tous. Et pas seulement, chers collègues de l'outre-mer, aux résidents des DOM-TOM. En effet, je pense à tous ceux qui, en métropole, sont originaires de l'outre-mer et qui ne sont pas membres de la fonction publique. Pour quelle raison n'auraient-ils pas droit à la continuité territoriale ? Ils sont des dizaines de milliers à avoir fait le choix de vivre en métropole. Ils doivent avoir accès aux mêmes droits, exactement aux mêmes droits,...
    M. Louis-Joseph Manscour. Tout à fait !
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... que ceux qui vivent dans les territoires d'outre-mer et qui souhaitent venir en métropole. L'Etat doit pouvoir favoriser leur retour dans les territoires, qu'il soit occasionnel ou définitif, notamment dans certaines situations dramatiques, mais aussi, tout simplement, pour assurer la continuité de la vie familiale.
    Dans ma circonscription, on rencontre souvent ces cas de rupture. Pour payer le voyage, si l'on a deux ou trois enfants, il faudrait dépenser quatre ou cinq mois de salaire. Ceux qui sont dans ce cas ne peuvent pas retourner chez eux.
    M. Victorin Lurel. Absolument !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Aujourd'hui, s'ils n'ont pas la chance d'être fonctionnaire, nous ne leur reconnaissons pas le droit à la continuité territoriale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Il arrive même que lors d'un drame familial, comme un décès, ou d'une heureuse nouvelle, par exemple un mariage, ou encore lors d'un drame climatique, comme malheureusement nos territoires d'outre-mer en subissent souvent, ils ne puissent pas se rendre dans leurs familles.
    Un autre point est primordial : la continuité territoriale ne s'arrête pas aux transports. Elle concerne aussi les échanges. Et le maire que je suis souhaite tout particulièrement attirer votre attention sur ce point. Qu'ils soient économiques, scolaires ou culturels, ce sont aussi, aujourd'hui comme demain, ces échanges qui fondent notre lien profond. Dans ces échanges, les collectivités locales ont un rôle important à jouer. Elles doivent être encouragées à passer des contrats d'association avec des collectivités d'outre-mer, favorisant l'échange culturel, la mobilité et les échanges économiques. Dans ma commune, j'ai passé, avec la ville de Saint-Louis de la Réunion, une convention d'association. Et l'an prochain, j'espère bien pouvoir la poursuivre en direction des Antilles.
    J'avais évoqué ce point, madame la ministre, lors du débat budgétaire. J'attendais des réponses dans ce projet de loi, des réponses que je n'ai point vues. C'est pourquoi je vous proposerai de nous aider à avoir une étroite relation avec les collectivités territoriales d'outre-mer, parce que c'est aussi cela le lien profond d'une nation. Ainsi, je vous proposerai de créer un office, qui serait en charge du développement de cette coopération entre collectivités, et qui serait le maçon de cette continuité territoriale. C'est un comble que de constater que l'on peut se jumeler avec toutes les villes du monde, et trouver à la fois une structure et des aides pour cela, alors qu'avec des collectivités d'outre-mer, on a toutes les peines du monde à le faire. Et pourtant, nous avons la possibilité d'accueillir des jeunes - j'y reviendrai - pour favoriser leur formation, pour leur faciliter l'accès au logement, ici en métropole. Nous avons la possibilité de faire découvrir ce qu'est la culture d'outre-mer, et faire en sorte que les ultramarins qui vivent en métropole ne soient plus considérés par leurs propres compatriotes comme des citoyens de seconde zone.
    M. Victorin Lurel. Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Une autre voie pour rendre cette coopération efficace consisterait à favoriser l'accès des ultramarins aux logements sociaux, et ce notamment lorsque, comme c'est le cas dans ma circonscription, une collectivité locale coopère avec une autre collectivité d'outre-mer. Cela relève du bon sens, car le logement est un véritable frein à cette mobilité. J'espère que l'ensemble des groupes de cette assemblée sauront soutenir notre amendement. Enfin, le groupe UDF estime que, compte tenu de l'importance de l'effort social et fiscal de la part de l'Etat, il est nécessaire d'évaluer régulièrement les effets de l'ensemble du projet de loi. Cela correspond d'ailleurs à une demande du Conseil économique et social et des conseils économiques et sociaux régionaux.
    Dans cet esprit, le groupe UDF propose d'étendre la procédure d'évaluation prévue à l'article 4 à l'ensemble des dispositifs des deux premiers titres.
    Mais, surtout, cette évaluation doit intervenir en concertation avec les principaux acteurs économiques et sociaux des DOM-TOM. Tel est l'unique moyen de vraiment contrôler et d'améliorer les dispositifs existants. On peut aussi envisager cette évaluation comme un moyen supplémentaire de garantir la démocratie sociale, nécessaire partout sur le territoire et aujourd'hui particulièrement dans les territoires d'outre-mer.
    Ce texte est certes ambitieux, et souhaite donner une perspective aux DOM-TOM. Mais, je le répète, il aurait été préférable que plus de moyens soient consacrés au développement d'une politique d'éducation et de formation volontariste, qui reste la véritable clé du développement. J'espère, madame la ministre, que vous serez attentive aux différentes demandes que j'ai formulées au nom de l'UDF. De toute façon, je tiens à vous assurer que nous voterons ce projet de loi...
    M. Christian Paul. Après toutes ces critiques ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. ... et j'espère sincèrement que ce sera le dernier pour l'outre-mer, parce qu'il aura été réellement efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République, lors de sa campagne électorale, s'était fixé une grande ambition pour l'outre-mer en affirmant : « Après l'égalité sociale, mon objectif est l'égalité économique grâce à un modèle de développement mis en oeuvre par une grande loi de programme présentée au Parlement. »
    Il a fallu attendre plus d'un demi-siècle pour que l'égalité sociale devienne une réalité pour les départements français d'Amérique et la Réunion, alors même que leur population aurait dû en bénéficier dès 1946, en vertu de la loi de départementalisation votée cette année-là. Il a fallu attendre 2002 pour que le Président de la République pose clairement l'objectif de l'égalité économique. Mieux vaut tard que jamais, mais encore faut-il bien mesurer l'ampleur de la tâche au vu des handicaps structurels de ces territoires, liés aux facteurs historiques et géographiques, et définir des stratégies qui tiennent compte des limites des plans de développement appliqués jusqu'à présent en outre-mer.
    Que ces territoires ultramarins accusent un grave retard de développement par rapport à la métropole, ce qu'attestent tous les indicateurs socioéconomiques, n'est un secret pour personne. Le chômage y touche un actif sur quatre, voire un sur trois dans certaines régions ; le nombre de RMIstes atteint 19 % de la population ; le PIB par habitant se situe à peine à 50 % du niveau métropolitain ; le « mal-développement » se lit aussi dans le faible taux de couverture - à peine 10 % - des importations par les exportations ; l'outre-mer produit peu, importe beaucoup, y compris les biens de consommation courante et les produits des industries alimentaires ; l'ampleur de la crise économique induit une situation sociale dramatique et explosive qui s'aggrave avec l'approfondissement des inégalités socioéconomiques lié à la mondialisation.
    Cette situation perdure alors que plusieurs plans de développement ont été mis en oeuvre. Tous ont été fondés sur des stratégies traditionnelles de réduction du coût du travail et de défiscalisation, mais avec un succès limité. Sans leur mise en relation avec une véritable stratégie de développement, ces stratégies ne peuvent pas répondre au défi concurrentiel posé par les pays environnants où les coûts de travail sont de quatre à trente fois inférieurs.
    L'annonce d'une loi de progamme sur quinze ans a tout naturellement suscité dans l'outre-mer de fortes attentes et un grand espoir : on y a cru. On a cru à la mise en place d'une grande loi s'inspirant d'une vision novatrice et globale et visant un développement durable à long terme.
    Or force est de constater, madame la ministre, que votre projet ne répond pas à ces attentes : non seulement il n'innove pas, restant dans la logique des plans antérieurs, mais il n'y apporte que quelques petits aménagements positifs. Votre texte, comme le Conseil économique et social le relève dans son avis, s'inscrit en effet « dans le prolongement des mesures antérieures, spécialement de la LOOM ». Ses trois axes concernent essentiellement l'amélioration des mesures d'allégement de charges sociales et fiscales en vigueur, un nouveau dispositif de défiscalisation qui, selon l'avis suscité, introduit « des correctifs, mais à la marge des dispositifs hérités de la législature précédente », et le renforcement de la continuité territoriale entre l'outre-mer et la métropole qui se résume, toujours selon le même avis, « à une aide au transport des personnes ».
    Le léger relèvement du plafond des salaires bénéficiant d'une exonération de cotisations sociales pour les entreprises des secteurs productifs, de l'hôtellerie et du tourisme, ainsi que la suppression de l'abattement de 50 % pour le secteur du BTP auront sans doute des effets positifs pour les entreprises concernées, tout comme l'aide fiscale à la réhabilitation de logements existants et aux investissements en logements locatifs. Il en sera de même des mesures pour la réhabilitation d'hôtels, qui répondent à la crise du tourisme, secteur crucial pour beaucoup d'économies ultramarines.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Alors, vous allez voter le texte !
    M. André Chassaigne. Mais permettez-moi de souligner à quel point votre effort demeure infime comparé au saut qualitatif et quantitatif que la LOOM a représenté par rapport à la loi Perben de 1994.
    M. Louis-Joseph Manscour. Tout à fait.
    M. André Chassaigne. Cette loi d'orientation avait en effet quadruplé le montant budgétaire annuel consenti en faveur des mesures incitatives à l'investissement et à l'emploi, ce qui avait permis un champ très large des exonérations de charges sociales et fiscales.
    La contrainte budgétaire fait que vous vous contentez de simple retouches, n'allant même pas au bout de votre propre logique. Ainsi, les activités culturelles, sportives et de loisir liées au tourisme ne bénéficient pas du régime d'exonération. Les dispositions concernant le congé solidarité restent toujours peu attractives faute d'un aménagement suffisamment favorable du régime fiscal et social de l'indemnité de départ et de la révision du plafond de référence pour le calcul de cette indemnité.
    M. Victorin Lurel. Hélas !
    M. André Chassaigne. Aucune augmentation des moyens de formation, de recherche ou d'exportation des services n'est prévue, alors qu'il s'agit des atouts les plus importants des collectivités d'outre-mer par rapport à leur environnement régional. Le dossier des emplois-jeunes n'est pas réglé. Le principe de la continuité territoriale n'est retenu que pour les trajets entre les collectivités d'outre-mer et la métropole, et non entre les collectivités elles-mêmes. Pourtant, un billet pour se rendre de Fort-de-France à Cayenne, par exemple, coûte aussi cher qu'un billet pour se rendre de la Martinique à Paris.
    Mme Christiane Taubira et M. Victorin Lurel. C'est vrai !
    M. André Chassaigne. De même, rien n'est prévu pour un archipel comme la Guadeloupe où le prix de transport entre les îles et le continent est exorbitant.
    Mme Christiane Taubira et M. Victorin Lurel. C'est vrai !
    M. André Chassaigne. Par ailleurs, l'avantage consenti est bien moindre que celui dont bénéficient la Corse ou d'autres régions ultrapériphériques de l'Union européenne. Et je pourrais multiplier les exemples qui relativise singulièrement la portée de votre texte.
    Ce qui est parfaitement clair, c'est votre refus de vous engager au-delà de petits aménagements, comme en atteste le débat au Sénat et le sort réservé aux amendements impliquant des dépenses nouvelles qui visaient à améliorer l'efficacité du dispositif.
    Ce serait cette même contrainte budgétaire qui justifierait, selon vous, les annulations de 140 millions d'euros de dotations budgétaires affectées à l'outre-mer.
    Dès lors, nous sommes obligés de constater que vos déclarations ne sont que des effets d'annonce, relevant de ce qu'il faut bien appeler une publicité mensongère. (Exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La recherche et la mise en oeuvre de nouvelles pistes pour le développement durable exigeraient au contraire un projet de loi de programme d'envergure élaboré dans la plus grande concertation avec les forces vives locales et après évaluation des mesures en vigueur. Mais la concertation n'a pas été à la hauteur, bien loin de celle engagée pour la LOOM.
    Vous avez eu recours à la procédure d'urgence pour engager la consultation des assemblées locales, ce qui les a privées du temps nécessaire à une étude approfondie et sérieuse du texte. Mais vous considérez sans doute que les technocrates parisiens savent mieux que les élus locaux ce qui convient à ces territoires situés à des milliers de kilomètes de Paris.
    C'est vraisemblablement pour cette raison aussi que vous refusez que les exécutifs locaux soient consultés pour avis dans le cadre des procédures d'agrément des projets d'investissement. Pourtant, le Gouvernement ne jure que par la décentralisation ! Il est vrai que cette dernière est surtout un alibi pour justifier le désengagement de l'Etat et le démantèlement des services publics, comme le prouve, entre autres, le projet de transférer les ATOSS aux départements et aux régions.
    Ce n'est pas seulement en métropole que le personnel concerné et les enseignants sont dans la rue pour défendre une certaine idée de l'école républicaine : la mobilisation est tout aussi forte outre-mer, notamment à Saint-Denis de la Réunion, où le Premier ministre en personne a pu mesurer l'ampleur du mécontentement qui s'est exprimé dans les massives manifestations de colère organisées lors de son arrivée dans l'île en février dernier.
    Par ailleurs, aucune évaluation de l'action publique engagée outre-mer n'a été entreprise, alors même que le projet privilégie les exonérations de cotisations pour réduire le coût de travail et, surtout, le renforcement du dispositif corrigé de défiscalisation. Le coût par emploi de l'ensemble des mesures fiscales en faveur du secteur marchand exigerait pourtant une réflexion sur l'efficacité et la pertinence des mesures elles-mêmes.
    Enfin, les limites de cette approche, dans une perspective à long terme, ne peuvent être ignorées, même si celle-ci permet de répondre à une situation d'urgence. A cet égard, l'avis du Conseil économique et social reste édifiant. En rappelant que l'impact de ces mesures sur l'emploi et leur efficacité pour le développement endogène et durable de l'outre-mer n'a jamais été évalué avec précision, il souligne leur caractère controversé ainsi que les risques inhérents aux choix d'investissement externalisés dans un mode de développement qui ne s'appuie pas sur les capacités et l'initiative locales.
    Dans son avis, le Conseil ajoute que la logique de la réduction du coût de travail et de la défiscalisation ne peut suffire à enclencher une dynamique de développement durable. Il faudrait pour ce faire privilégier des stratégies locales de développement négocié, s'appuyer sur les hommes et agréger des mesures complémentaires.
    Bref, madame la ministre, en dépit de certains aspects positifs, votre projet n'est pas l'instrument requis pour atteindre l'égalité économique, tant s'en faut. Il pourrait certes consolider la croissance à court terme que la LOOM a permise mais, à long terme, rien n'est moins sûr.
    De surcroît, des défis difficiles attendent l'outre-mer, avec l'élargissement de l'Union européenne et la modification prévue de l'organisation commune du marché de la banane et du sucre, en conformité avec les règles ultra-libérales imposées par l'Organisation mondiale du commerce. Les acteurs économiques et politiques locaux attendent avec angoisse le sort qui sera réservé aux mesures spécifiques qui leur sont destinées dans le cadre de l'Union européenne.
    Dans ce contexte, les quelques aspects positifs du projet ne peuvent contrecarrer la déception car le décalage est trop grand entre les espoirs suscités et ce que le dispositif permettrait d'atteindre. Il faudrait faire preuve d'une grande volonté politique pour réaliser un objectif aussi ambitieux que celui fixé par le Président de la République. Mais il est vrai que c'est une promesse électorale et nous savons, par expérience, ce que deviennent les promesses électorales une fois la victoire acquise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    D'ailleurs, comment un gouvernement engagé dans une vaste entreprise de démantèlement de notre système social, comme en attestent le projet sur les retraites, la réforme à venir de la sécurité sociale et bien d'autres mesures, pourrait-il s'y atteler ? La régression sociale sans précédent qui est en marche ne fera qu'aggraver la profondeur de la crise socio-économique en outre-mer.
    En conséquence, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Voilà qui est étonnant !
    M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot.
    M. Jacques Barrot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les nombreux collègues de l'UMP qui appartiennent à ces chers départements et ces chers territoires d'outre-mer auront tout lieu de s'exprimer ici, illustrant d'ailleurs la diversité de notre France d'outre-mer, qui offre beaucoup de possibilités sur les quatre continents.
    Quant à moi, je soulignerai simplement notre attachement à la France d'outre-mer et notre approbation à la démarche de long terme que vous engagez, madame la ministre, avec courage, avec détermination, avec votre passion.
    La France d'outre-mer doit avoir les moyens de son développement. Elle dispose d'atouts, tels qu'un bon équipement en services publics et un cadre de vie attractif. Mais elle souffre aussi de handicaps qui imposent non pas une assistance humiliante, mais un soutien efficace. L'outre-mer a besoin d'outils spécifiques pour valoriser ses ressources humaines et ses richesses naturelles.
    Ce débat est le fruit d'une République aujourd'hui décentralisée. Il fait suite à une réforme constitutionnelle qui conduit les départements et les collectivités de la République à prendre mieux en charge leur développement. Dans cet esprit, nous voulons aujourd'hui reconnaître la spécificité de certaines régions et les aider à surmonter leur retard.
    Comment la France pourrait-elle être indifférente à son outre-mer ? Il existe un lien historique précieux, parce que chargé d'affection, entre la France hexagonale et la France des rivages marins.
    Mais notre intérêt pour notre outre-mer est aussi fondé sur la conviction que celui-ci est également une richesse pour nous et pour l'Europe.
    Sans l'outre-mer, la France pourrait-elle aujourd'hui se sentir aussi rayonnante dans une mondialisation qui doit être mieux comprise et façonnée à visage humain ?
    Notre outre-mer est une occasion extraordinaire, ainsi que l'a dit le Président de la République, de donner à la France et à l'Europe leurs nouvelles frontières.
    L'outre-mer peut porter un modèle économique et social, qui puisse être exemplaire aussi bien dans l'océan Indien, dans l'océan Pacifique que dans l'océan Atlantique. Elle peut être aussi, pour la francophonie, une chance exceptionnelle.
    Madame la ministre, cette loi de programme présente l'avantage de s'inscrire dans la durée et de traiter dans la globalité les problèmes de nos départements et territoires d'outre-mer. Dans cette perspective, vous utilisez deux leviers majeurs, qui permettent aujourd'hui aux économies, même développées, d'accroître leur développement : la défiscalisation et la baisse des charges, toutes deux ciblées. Car tout cela conduit à la création d'emplois marchands et participe au développement durable. C'est là le vrai moyen de faire face à une certaine pénurie de capitaux, à une certaine faiblesse de rentabilité de ces capitaux. C'est là le vrai moyen de s'engager - l'instrument fiscal en est la preuve - dans un développement qu'ont permis notamment les premières mesures de la loi Perben.
    Pour avoir personnellement beaucoup sollicité un renouveau de l'emploi par la baisse des charges, je vous félicite de donner à cette baisse une permanence dans la durée qui est une clé de la réussite.
    Mais la réussite exige aussi une volonté locale de développement. Nous pouvons nous réjouir de cette France d'outre-mer qui est jeune. Aujourd'hui, alors que nombre de pays et de continents connaissent des difficultés, le dynamisme démographique, qui a paru à un moment donné être une faiblesse, peut brutalement devenir une chance. Encore faut-il que cette jeunesse soit bien formée. Pour ce faire, nous devons rappeler l'exigence de formation.
    Vous avez mis en place le « passeport mobilité », qui permettra à cette jeunesse d'échanger avec la jeunesse de la métropole, de jouer ainsi son rôle et de prendre toute sa place.
    Il faut en effet relever les défis majeurs d'un secteur productif qui commande l'avenir.
    Je ne parlerai pas d'agriculture, mais je voudrais évoquer à mon tour le tourisme.
    Le tourisme est affaire de capitaux, car il faut répondre aux nouvelles attentes d'une clientèle très sollicitée par tous les autres territoires. Il exige aussi de la formation professionnelle.
    Jean-Chistophe Lagarde a parlé tout à l'heure de formation. Je voudrais, quant à moi, insister sur la formation sous le statut d'alternance, très adaptée à ces pays jeunes et à la recherche du développement.
    Le troisième défi consiste à accroître le dynamisme des PME. Sans revenir sur tout ce que vous avez dit à cet égard, madame la ministre, je me contenterai de confirmer que nous adhérons à vos convictions : le développement économique et l'insertion de la population passent davantage par la création d'emplois durables dans le secteur marchand que par la création subventionnée d'emplois publics. Il faut progressivement dépasser le stade d'une économie autoritairement administrée, d'une économie administrative et fiscalement coûteuse.
    Pour la période de transition, vous avez souligné, et je n'y reviendrai pas, la nécessité de disposer d'une bonne panoplie, notamment pour répondre aux souffrances sociales d'une jeunesse qui ne parvient pas à s'insérer. Vous avez montré qu'à la différence des emplois-jeunes, dont les titulaires avaient été laissés sans perspectives et sans formation, vous allez utiliser, dans la panoplie des contrats aidés, ce qui est nécessaire pour passer cette période de transition et permettre ensuite à la plupart de ces jeunes de rattraper un secteur marchand qui se développera progressivement.
    Nous nous félicitons de voir apparaître ces outils nouveaux, dont il faudra faire usage d'une manière appropriée, selon les territoires et les départements.
    Tout cela est un acte de confiance, un pari sur l'avenir. Nous avons tout lieu de penser que les mentalités évoluent. En outre-mer comme en France métropolitaine, il y a aujourd'hui, chez les jeunes, une inspiration, une appétence à l'initiative, qu'il faut maintenant favoriser et qui permettra le développement économique.
    J'ajoute que nos territoires et nos départements d'outre-mer - je pense notamment à la Nouvelle-Calédonie et à l'océan Indien - sont au contact de territoires qui sont eux-mêmes en plein développement et qui sont extrêmement dynamiques sur le plan économique.
    Merci également, madame la ministre, d'avoir doté ce dispositif de mécanismes de contrôle. Le contrôle sera d'autant plus aisé que les règles seront plus simples. Et puis, cette fois, le cap est mis sur l'évaluation. Il était indispensable que nous puissions, comme nous allons pouvoir le faire désormais, mesurer tous les trois ans les résultats et, s'il le faut, adapter les dispositifs. Voilà l'efficacité que nous attendons de l'Etat, et qui lui permettra de jouer tout son rôle.
    En conclusion, je voudrais dire que notre groupe appuie unanimement cette nouvelle démarche courageuse, qui vise à dynamiser l'économie de nos sociétés d'outre-mer. Cela ne passe, ni par un surcroît d'assistance, ni par l'octroi de privilèges. Il s'agit de donner aux collectivités d'outre-mer, et aux hommes et aux femmes qui les habitent, les moyens de se développer par la mise en place d'une économie dynamique, capable, sans complexe, de prendre sa place dans l'univers concurrentiel.
    Je termine, monsieur le président, en disant que si nous avons reconnu l'esclavage comme un crime contre l'humanité, si nous avons fait repentance - et nous ne le ferons jamais assez -, il nous faut aller bien au-delà. Aujourd'hui, nous devons aider nos compatriotes d'outre-mer à construire leur avenir par le travail, l'initiative et la valorisation de leurs atouts et les accompagner pour inscrire leur destin dans celui d'une République française solidaire, généreuse et fraternelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jack Queyranne.
    M. Jean-Jack Queyranne. Madame la ministre, une loi de programme pour l'outre-mer destinée à préparer les quinze prochaines années, c'est un projet pour le moins ambitieux. Il s'agit pour vous de tenter d'honorer l'une des multiples promesses de campagne du Président-candidat, qui dans ce domaine, il est vrai, ne s'est jamais montré avare.
    Dès lors, l'exercice devient plus périlleux. En effet, comment convaincre nos compatriotes d'outre-mer qu'au-delà d'intentions toujours généreuses, le Gouvernement auquel vous appartenez leur accorde un réel intérêt ? Car l'outre-mer ne veut plus se laisser payer de mots. Une loi de programme, c'est d'abord une vision prospective, mais ce sont surtout des engagements financiers. Ayant exercé les fonctions qui sont les vôtres, je connais les difficultés d'obtenir des arbitrages favorables. Une loi pour l'outre-mer, ce n'est donc pas seulement le résultat des efforts du ministre en charge, ni même de son talent, mais avant tout la traduction de la place que l'outre-mer occupe réellement dans la hiérarchie des priorités gouvernementales. Or, de ce point de vue, madame la ministre, le Gouvernement Raffarin a pris le risque de susciter les plus grandes déceptions. Loi de programme, relance de l'investissement, stratégie de développement durable, continuité territoriale : vous ne pouvez pas nous griser de mots pour masquer la banalité de votre texte au plan de l'inspiration et son indigence sur le plan financier.
    M. Christian Paul. Très bien !
    M. Jean-Jack Queyranne. Je reviens sur les trois objectifs de votre projet.
    Vous entendez tout d'abord favoriser la création d'emplois. Mais comment pouvez-vous présenter ce projet de loi comme un effort sans précédent, alors qu'il se résume à un petit complément à la loi d'orientation ?
    M. Louis-Joseph Manscour. Eh oui !
    M. Christian Paul. Ah, c'est sans précédent !
    M. Jean-Jack Queyranne. Les chiffres ont été évoqués. Vos compléments d'exonération représentent moins de quarante millions d'euros et les autres mesures dix millions. Or, en supprimant, sans doute par idéologie - à moins que ce ne soit par nécessité - la prime qui accompagnait le passage aux 35 heures, vous avez réalisé au bas mot une économie de vingt millions d'euros en année pleine : votre titre I, consacré aux « mesures en faveur de l'emploi », se résume donc à trente millions d'euros de mesures nouvelles financées par le budget de l'Etat.
    M. Louis-Joseph Manscour. Tout juste !
    M. Jean-Jack Queyranne. Je confirme donc les propos de mon collègue Christian Paul : vous ne faites en matière d'emploi, que le vingtième de ce qu'a fait le Gouvernement Jospin dans le cadre de la loi d'orientation. L'effort sans précédent ? La vérité, madame la ministre, c'est qu'aucun Gouvernement, droite et gauche confondus, n'avait osé consacrer aussi peu de moyens en faveur de l'emploi de nos concitoyens dans l'outre-mer.
    Le soutien à l'investissement par la défiscalisation constitue le deuxième volet de votre loi de programme. Dans votre propos liminaire, vous avez évoqué le chiffre de 165 millions d'euros supplémentaires, en soulignant qu'il s'agit d'un chiffre virtuel. Mais, madame la ministre, nous savons vous et moi à quoi nous en tenir. Les arbitrages en ce domaine sont réalisés par l'administration des finances et, bon an, mal an, celle-ci fait ses choix à partir d'une enveloppe qui est de l'ordre de deux milliards de francs, soit 300 millions d'euros. Après avoir entendu le président Méhaignerie, je n'ai pas le sentiment que le contexte actuel des finances publiques permettra une augmentation de cette enveloppe, bien au contraire.
    En fait, votre texte revient sur les mesures de moralisation et de transparence introduites par la loi Paul sous la précédente législature, vous ne faites que ressusciter la loi Pons, source de tant d'abus. Qui peut s'en réjouir, à part quelques contribuables fortunés de la métropole, quelques grands groupes hôteliers, probablement aussi, et il l'a d'ailleurs exprimé au Sénat, le président du gouvernement territorial de la Polynésie française qui, dans ce domaine comme dans d'autres, n'aime guère les entraves réglementaires. Et tout cela en restant dans les limites d'une enveloppe qui, dans les faits, ne progressera pas.
    M. Christian Paul. Il fallait le rappeler !
    M. Jean-Jack Queyranne. J'en viens maintenant à ce qui est présenté comme la principale innovation : la continuité territoriale. Vous annoncez une enveloppe de trente millions d'euros à répartir entre les différentes collectivités afin de faire baisser le coût pour les résidents des billets d'avion vers la métropole. Nous sommes curieux d'en savoir plus, notamment sur les critères qui présideront à la répartition entre les collectivités...
    M. Victorin Lurel. Clientélisme !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... voire de vérifier si l'intention du Gouvernement est d'en proposer pour que soit gérée de façon impartiale et transparente l'attribution de cette aide aux bénéficiaires. Le sujet est devenu en effet crucial compte tenu des tarifs pratiqués par les compagnies aériennes faute de véritable concurrence.
    M. Michel Buillard. Air Lib !
    M. Jean-Jack Queyranne. J'enregistre certes, madame la ministre, votre voeu que cette dotation donne le signal d'une baisse des tarifs, mais vous ne prenez, à travers ce texte, aucune disposition pour la confirmer. Christian Paul a tout à l'heure comparé de ce point de vue la Corse et l'outre-mer. Vous avez indiqué les chiffres. Ils sont, là encore, édifiants, et, de ce point de vue, l'effort est très nettement insuffisant.
    M. Michel Buillard. Vous ne l'avez pas fait, malheureusement !
    M. Jean-Jack Queyranne. Non, nous ne l'avons pas fait, mais nous avons essayé d'encourager la concurrence pour faire baisser les tarifs.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. C'est faux !
    M. Michel Buillard. Ou alors c'est raté !
    M. Jean-Jack Queyranne. Ce n'est plus le cas. Cette mesure en faveur de la continuité territoriale serait intéressante, si elles ne se résumait pas pour l'heure à une peau de chagrin.
    M. Michel Buillard. Air Lib, c'est une réussite peut-être ?
    M. Jean-Jack Queyranne. Fallait-il une loi de programme pour une si maigre enveloppe ? Madame la ministre, vous inventez aujourd'hui une nouvelle catégorie juridique : la loi de programme sans crédits. En fait, l'outre-mer ne peut pas être dupe d'une politique qui consiste, comme pour la loi Perben - M. Lurel l'a rappelé -, à reprendre d'une main ce que l'on affecte d'avoir donné de l'autre.
    Je rappellerai que votre gouvernement a déjà supprimé la compensation intégrale de l'alignement du RMI, qui avait été décidée par le gouvernement Jospin, soit 152 millions d'euros...
    M. Victorin Lurel. Oui, 152 millions !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... affectés pour partie au logement social et pour partie à l'insertion. Ils ont disparu du budget de votre ministère.
    J'ajouterai les mesures de régulation budgétaire, qui pour 2003 portent déjà sur près de 250 millions d'euros, pris, là encore, sur les crédits de l'emploi et du logement. Faites le calcul : au total, ce sont 400 millions d'euros qui manquent aujourd'hui au budget de l'outre-mer.
    Ce ne sont pas les quelques mesures de votre loi qui, en elles-mêmes, sont critiquables. Ce n'est pas même l'absence, dans une loi qui se dit de programme, de toute perspective, de tout projet, bref, de tout programme. Ce n'est pas non plus le caractère virtuel, - vous avez employé le mot - de certaines de ces mesures, puisque vous attendez l'accord des instances communautaires, que vous avez d'ailleurs tardé à solliciter,...
    Mme la ministre de l'outre-mer. Oh ! Quel culot !
    M. Jean-Jack Queyranne. ... ce qui fait que vous ne pouvez pas nous dire, au jour d'aujourd'hui, si toutes vos propositions pourront entrer en vigueur, ni surtout quand. Connaîtraient-elles le même sort que la demande que le Gouvernement lui a adressée en matière de baisse de la TVA ?
    Non, madame la ministre, ce qui est difficilement supportable, c'est cette logique qui conduit à juger que l'outre-mer, coûte toujours trop cher - car telle est la position réelle de votre gouvernement - tout en essayant bien évidemment - et là est votre tâche - d'assurer les élus du contraire.
    Madame la ministre, vous qui avez accompagné le Premier ministre à la Réunion, il y a quelques semaines, vous avez pu y mesurer combien la déception était grande après vos premiers mois de gouvernement.
    M. Christian Paul. La mesure a été prise, en effet !
    M. Jean-Jack Queyranne. L'annonce de la suppression des emplois-jeunes dans des départements où - M. Barrot l'a rappelé - la jeunesse souffre de ne pas trouver d'emploi. L'insuffisance des crédits dans des secteurs aussi essentiels que l'éducation et la santé, la critique systématique de la fonction publique, tout cela y est douloureusement ressenti.
    Madame la ministre, il ne faut pas tromper l'outre-mer, car vous risquez d'y nourrir la désespérance et la révolte. Il faut au contraire impulser des politiques de développement, de solidarité, de dignité, qui ne figurent pas dans votre texte. Celui-ci n'est qu'un rendez-vous manqué. Croyez bien que je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon.
    M. Gérard Grignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, combien de débats sur l'avenir de l'outre-mer a entendu cet hémicycle ces dernières années ! Loi Pons, loi Perben, loi d'orientation pour l'outre-mer, et bien avant sans doute beaucoup d'autres textes. Le fort taux de chômage outre-mer, qui dépasse souvent les 30 % et frappe essentiellement une jeunesse nombreuse et déconcertée, la situation économique et sociale dramatique, des collectivités au bord de l'explosion : combien de fois n'avons-nous pas abordé ces thèmes, presque toujours convaincus que la potion aurait un effet, sinon miraculeux, tout au moins efficace ? Et malgré tout cela, la situation économique de l'outre-mer ne s'est guère améliorée.
    L'outre-mer doute. L'outre-mer se sent blessé d'être considéré comme coûteux pour la France alors qu'il lui a tant apporté et qu'il le pourrait encore. Blessé quand s'agissant de l'outre-mer on parle d'assistance et non, comme en Fance hexagonale, de solidarité. Blessé, car l'outre-mer, malgré des handicaps structurels, dispose de tant d'atouts favorables au développement et à la diversification économique, seule à même de créer des emplois pérennes, à donner la dignité dans le travail. C'est ce que nous voulons outre-mer, mais nous sommes tellement loin de Paris et souvent si peu écoutés des administrations centrales, peu soucieuses de l'avenir de ces « confettis de l'empire », de ces « danseuses de la France ». Certains vont jusqu'à considérer, sans le clamer trop fort, qu'il vaudrait mieux se débarrasser d'un outre-mer qui coûte si cher, sans que cela serve à rien.
    En ce qui me concerne, madame la ministre, je suis convaincu de votre attachement à l'outre-mer français : votre passé, votre passion le prouvent, votre travail le démontre.
    Aujourd'hui, vous nous proposez, pour remédier à ces difficultés économiques et sociales, un texte supplémentaire : une loi de programme pour l'outre-mer. Mais la loi ne suffit pas, madame la ministre, quelle que soit sa qualité, si elle n'est accompagnée de la volonté politique de faire aboutir les grands dossiers, les projets de l'outre-mer, au plan local d'abord, mais aussi au plan gouvernemental. Et c'est sans doute parce que l'un ou l'autre de ces éléments a fait défaut à l'outre-mer, malgré la densité des textes cités plus haut, que l'outre-mer se trouve toujours dans une situation de désarroi économique et social.
    Je serai bref sur votre projet de loi, madame la ministre, certains ont été plus bavards tout à l'heure, qui n'avaient rien à vous reprocher malgré ce qu'ils ont voulu démontrer.
    Je considère que votre texte est globalement un bon texte, je le voterai bien évidemment. Il contribuera en effet à abaisser considérablement le coût du travail, en exonérant à 100 % de nombreux secteurs d'activité des charges sociales patronales, dans la limite de 1,3 SMIC dans certains secteurs ; 1,4 SMIC dans d'autres, comme ceux de l'industrie et de l'agriculture, des énergies renouvelables, ou de 1,5 SMIC dans les secteurs du tourisme et de l'hôtellerie. Ces dispositions vont au-delà de la loi d'orientation pour l'outre-mer. D'autant que vous cassez l'effet de seuil - ce que vous n'avait pas réussi le précédent gouvernement -, en maintenant cette exonération pour les dix premiers salariés des entreprises lorsque ces dernières recrutent au-delà.
    Pour la première fois, bien au-delà, là encore, de la loi d'orientation, l'exonération de charges sociales, patronales dans la limite de 1,3 SMIC est applicable aux entreprises de transports aérien, maritime et fluvial qui desservent l'outre-mer. C'est un premier pas, cher collègue Queyranne, à condition bien évidemment que ces exonérations de charges sociales servent effectivement aux compagnies aériennes à baisser les prix des billets d'avion...
    M. Victorin Lurel. C'est bien le problème !
    M. Gérard Grignon. ... et aux compagnies maritimes à baisser le prix du fret maritime...
    M. Victorin Lurel. C'est toute la question !
    M. Gérard Grignon. ... et à employer des marins français, contrairement à ce qui se passe actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon.
    M. Victorin Lurel. Pourquoi ne pas l'imposer ?
    M. Gérard Grignon. Mesures nouvelles aussi que celles s'appliquant aux marins qui créent ou reprennent l'entreprise en devenant propriétaires embarqués, qui bénéficieront d'une exonération de charges sociales pendant vingt-quatre mois.
    Votre texte prend une disposition très favorable pour un secteur fortement porteur d'emplois outre-mer : celui du bâtiment et des travaux publics - ce que n'avait pas fait non plus la majorité précédente - qui bénéficiera de mesures d'exonération de charges à 100 % jusqu'à cinquante salariés et à 50 % au-delà.
    Sont à signaler aussi de nombreuses dispositions qui visent à inciter les entreprises à embaucher des jeunes, qu'ils soient diplômés ou non, notamment ceux qui occupent actuellement des emplois-jeunes.
    Ces dispositions, madame la ministre, constituent donc un outil, qui devrait être extrêmement efficace si les organismes locaux chargés de la diversification économique et de l'emploi savent en tirer parti, d'autant que ces mesures s'étendent sur quinze ans. Ce qui ne veut pas dire qu'elles devront rester figées pendant quinze ans - ce que j'ai cru comprendre. J'apprécierais cependant que vous nous confirmiez, comme vous l'avez fait au Sénat, que ces exonérations de charges sociales, plus importantes que celles de la loi d'orientation, seront bien intégralement remboursées à la caisse de prévoyance sociale localement, et dans des délais raisonnables.
    Deuxième volet important de votre texte, madame la ministre, la relance de l'investissement par la mise en place d'un dispositif de défiscalisation stabilisé sur quinze ans, simplifié dans sa mise en oeuvre et visant la plupart des secteurs d'activité. Certes, Saint-Pierre-et-Miquelon ne bénéficiera pas à 100 % de ces dispositions, puisque la notion d'établissement stable, conséquence de la compétence de la collectivité territoriale, en matière fiscale, de la convention fiscale la liant à l'Etat, interdit les investissements directs. Mais bien d'autres possibilités existent, telle la souscription au capital des sociétés locales. Tout dépendra aussi de l'usage que nous saurons en faire localement.
    J'ajoute, madame la ministre, que la possibilité offerte aux investisseurs de bénéficier des dispositions prises par les collectivités ou les territoires ayant la compétence fiscale est un point extrêmement positif et attractif pour les investisseurs.
    Je reviendrai au cours du débat sur la continuité territoire et la desserte aérienne de Saint-Pierre-et-Miquelon.
    Le temps me manque, madame la ministre, pour évoquer les autres dispositions de votre texte, mais je vous l'ai dit, je considère qu'il s'agit globalement d'une bonne loi pour l'outre-mer. Mais je répète aussi que la loi ne suffit pas, quelles que soient sa densité et sa qualité. La volonté politique locale et gouvernementale de traiter les grands dossiers de l'outre-mer et de les faire aboutir est fondamentale.
    Je m'abstiendrai bien évidemment de faire la moindre remarque sur la volonté politique locale de l'assemblée territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ce n'est pas l'endroit pour le faire. Mais vous savez, madame la ministre, que certains dossiers demandent un soutien et un engagement fort du Gouvernement.
    Vous connaissez ces dossiers, je n'en retiendrai que trois, sur lesquels je suis souvent revenu, et encore récemment, auprès du Premier ministre, lors de son déplacement au Canada : celui de la négociation des traités d'utilisation concernant l'exploitation des hydrocarbures off shore, celui de la pêche, celui du captage des émissions de RFO Sat et de RFO Saint-Pierre-et-Miquelon sur le Canada.
    Sans entrer dans le détail, madame le ministre, je dirai que le dossier des hydrocarbures, qui est une des clés de l'avenir de l'archipel, n'est pas défendu par le Gouvernement, ou plutôt par les administrations centrales, avec la compétence, la technicité et finalement la volonté politique indispensables, face à des Canadiens intransigeants et particulièrement armés techniquement, juridiquement et financièrement. Nous conduisons cette affaire avec la même légèreté que celle qui a présidé, de 1989 à 1991, à la défense de la zone économique exclusive française autour de l'Archipel. Si la barre n'est pas redressée, nous courons tout droit au même échec.
    S'agissant de la pêche, nous faisons preuve du même manque de combativité face aux Canadiens. Il s'agit pourtant d'user de droits intangibles, issus de l'accord franco-canadien de mars 1972 et du droit international maritime. Le Canada rejette en effet nos pêcheurs de merlu argenté au large des côtes canadiennes, les assimilant aux pêcheurs étrangers. Le Gouvernement devrait officiellement affirmer son soutien à tout armateur qui entreprendrait d'aller pêcher le crabe sur le plateau continental en dehors des 200 milles, c'est-à-dire dans les eaux internationales, conformément au droit maritime international.
    Venons-en à la captation des émissions de RFO Sat et de RFO Saint-Pierre-et-Miquelon sur le Canada. RFO, avec la caution du ministère de la culture, a donné l'instruction d'installer une cage de Faraday devant l'antenne émettrice pour empêcher l'image et la voix de la France d'atteindre le Canada et pour protéger deux ou trois producteurs au détriment de bien d'autres. Pourtant, la loi canadienne le permet. Quant aux Américains, ils en profitent, tout en inondant par ailleurs la France d'émissions médiocres. Cela ne coûte rien à l'Etat, ni à RFO. Par ailleurs, il s'agit d'un extraordinaire outil au service de la francophonie, de l'image de la France et de l'outre-mer français, par le biais de Saint-Pierre-et-Miquelon, sur le continent nord-américain. Il faut bien admettre que cela relève de l'obscurantisme technologique, de l'automutilation linguistique, culturelle et technologique.
    Madame la ministre, j'aimerais que vous assuriez votre détermination à plaider ces trois dossiers au plus haut niveau. J'estime en effet que le Gouvernement doit faire preuve de volonté politique, laquelle est tout à fait complémentaire et indispensable si l'on veut atteindre les objectifs affichés dans l'excellent texte que vous nous proposez et que je soutiendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Rodet.
    M. Alain Rodet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moins de trois ans après le vote de la loi de l'orientation sur l'outre-mer, nous voici à nouveau à l'ouvrage pour examiner un projet de loi de programme sur lequel l'urgence a été déclarée.
    L'alternance politique a certes ses impératifs, ses exigences et ses conséquences. Mais il n'est pas interdit de penser que l'inflation législative soit davantage source de doute et de complexité que d'efficacité pour l'outre-mer. Par ailleurs, ce débat prenant place dans un calendrier fortement marqué par les tensions sociales et par des prévisions budgétaires de plus en plus sévères et pessimistes, on comprendra aisément le scepticisme que suscite aujourd'hui la démarche gouvernementale.
    On pourrait m'objecter que le présent projet s'inscrit dans la durée : quinze ans, autrement dit dans le long terme. Si l'on s'en tient à la pratique de la Ve République, avec les dissolutions, cela fait quatre législatures. Et si on observe les vingt-cinq dernières années, cela fait six alternances. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, au moment où s'engage la discussion de ce texte, il nous paraît nécessaire d'introduire dans le débat plus de largeur de vue, plus de ténacité aussi et plus de vérité dans l'effort en faveur l'outre-mer ; en d'autres termes, moins de replâtrage et plus de méthode.
    Le diagnostic sur l'outre-mer est aujourd'hui bien établi : nos collègues parlementaires représentant ces départements et territoires ont su nous faire partager leurs attentes, leurs angoisses, leurs ambitions. Nous identifions bien, désormais, les contraintes de la géographie, la singularité des situations et des climats, la dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, l'étroitesse des marchés locaux, le manque d'autonomie économique, la pression démographique, l'environnement des zones où se trouvent ces départements et territoires. Mais puisque nous discutons aujourd'hui de cette loi de programme, pourquoi ne pas saisir l'occasion de favoriser une vision nouvelle de l'outre-mer par nos compatriotes de métropole ? Les clichés réducteurs ont la vie dure et il me paraît nécessaire d'inciter la métropole à porter un regard plus solidaire, plus attentif, plus participatif, plus confiant sur l'outre-mer, à prendre en compte ses réalités et mieux comprendre les problèmes que rencontrent aujourd'hui nos concitoyens ultramarins.
    Cette appréhension nouvelle des réalités de l'outre-mer doit non seulement être affirmée, mais traduite dans des dispositions équitables et efficaces.
    On a parlé de la continuité territoriale, et le projet de loi fait une ouverture.
    A ceci près cependant que la situation s'est fortement dégradée au cours des derniers mois et qu'elle n'évolue pas encore dans un sens favorable, loin s'en faut. L'expérience montre qu'il ne faut pas se contenter de demi-mesures, même si le contexte économique du transport aérien reste difficile.
    Quant aux mesures relatives à la défiscalisation, on a le sentiment qu'elles ne concernent qu'un secteur économique trop concentré, que les grandes entités, les grandes entreprises ou les entreprises importantes. Nous ne jugeons pas ces mesures sur des critères moraux ou sur des questions de principe. Nous sommes prêts à reconnaître l'intérêt de drainer une épargne depuis la métropole vers les DOM, plutôt que vers les paradis fiscaux des Caraïbes. Mais nous remarquons que cette défiscalisation se traduit rarement, en fin de compte, par un rattrapage économique. Voilà pourquoi il nous paraîtrait essentiel aujourd'hui d'en faire profiter le secteur des petites entreprises artisanales, commerciales et touristiques.
    Parlons clair : nous n'avons rien contre le fait de permettre au groupe ACCOR, au Club Med ou à Air France de profiter des mesures envisagées dans le projet de loi. Mais nous pensons qu'il ne faut pas négliger la petite entreprise, dont on sous-estime aujourd'hui le rôle dans l'économie de l'outre-mer.
    De la même façon, on a l'impression que, dans ce projet de loi, on cherche toujours à diaboliser la dépense publique. Cela apparaît très nettement quand on examine les dispositions relatives au logement social, au fonctionnement des collectivités locales et au soutien à l'emploi. Or se contenter de cibler la réhabilitation des logements de plus de quarante ans, c'est éliminer du champ de la loi un tiers du parc des logements. Le climat tropical n'est pas celui de la métropole et nous ne pouvons pas appliquer les mêmes échelles de valeur.
     Pour les collectivités locales, comment ne pas comprendre l'angoisse de nos collègues de l'outre-mer lorsqu'ils lisent ou entendent la phrase suivante : « La dotation de l'Etat s'ajoutera au concours des collectivités locales. » On connaît la fragilité des finances de bien des collectivités locales d'outre-mer. Et on sait aussi que l'Etat s'engage aujourd'hui dans une politique budgétaire d'extrême rigueur.
    En réalité, une politique de l'outre-mer ne peut pas reposer essentiellement sur l'allégement des charges patronales et la défiscalisation. Cette dernière, d'ailleurs, pour être véritablement opérationnelle, doit pouvoir prendre en compte une certaine base imposable, ce qui est loin d'être garanti, compte tenu de la faiblesse des structures économiques. On doit rappeler aussi qu'en matière de défiscalisation une trop grande liberté a été laissée à certains cabinets spécialisés dans le - prétendu - conseil en investissement.
    Pour l'agriculture, on peut considérer qu'il en va de même. Il conviendrait sans doute d'aider davantage les petits agriculteurs qui travaillent sur des sols médiocres, à forte déclivité.
    En fait, ce projet de loi donne beaucoup trop dans l'effet d'annonce. Il soutient mal la comparaison avec la loi d'orientation de l'automne 2000. Il ne pose pas la véritable problématique d'un développement durable pour l'outre-mer. On nous dit évidemment qu'il ne faut pas confondre une loi de programme et une loi de programmation. Mais cela ne revient-il pas à dire, comme ce personnage du théâtre de Molière, que l'« on peut faire bonne chère avec un peu d'argent » ? Il faut craindre, que cette loi, une fois de plus, provoque plus de déceptions que d'initiatives, d'actions et de projets.
    C'est la raison pour laquelle, sans être des jeteurs de sorts, nous ne pourrons pas l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT

    M. le président. J'ai reçu, le 5 juin 2003, de M. Bernard Accoyer un rapport n° 898, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi portant réforme des retraites (n° 885).

5

DÉPÔT D'UN AVIS

    M. le président. J'ai reçu, le 5 juin 2003, de M. Xavier Bertrand, un avis n° 899, présenté au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi portant réforme des retraites (n° 885).

6

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE
ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 5 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif au référendum local.
    Ce projet le loi, n° 900, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

7

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 881, de programme pour l'outre-mer :
    M. Philippe Auberger, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 891) ;
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 887).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée, le vendredi 6 juin 2003, à deux heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
CONVOCATION DE LA
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 10 juin 2003, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmission

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communication du 3 juin 2003

N° E 2292. - Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de la République tchèque et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la République tchèque (COM [2003] 268 final).
N° E 2293. - Proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de la République slovaque et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la République slovaque (COM  269 final).

Communication du 4 juin 2003

N° E 2294. - Proposition de règlement du Parlement et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2236/95 du Conseil déterminant les règles générales pour l'octroi d'un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens (COM [2003] 220 final).
N° E 2295. - Proposition de règlement du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia (COM  330 final).