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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 7 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du vendredi 6 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Modification de l'ordre du jour «...».
2.  Loi de programme pour l'outre-mer. - Suite de la discussion d'un projet de loi de programme adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commision de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Victorin Lurel, Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances ; Victorin Lurel, Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Louis-Joseph Manscour. - Rejet.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 156 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre, M. Victor Brial. - Rejet.
Amendement n° 158 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 157 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 226 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 154 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 155 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 227 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre, M. Eric Jalton. - Rejet.
Amendement n° 228 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 229 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 1er «...»

MM. Victorin Lurel, Louis-Joseph Manscour, Mmes Gabrielle Louis-Carabin, Christiane Taubira, MM. Mansour Kamardine, le rapporteur pour avis.
Amendement n° 231 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre, M. André Thien Ah Koon. - Rejet.
Amendements n°s 4 de M. Audifax, 191 de M. Jalton et 161 de M. Lurel : MM. Bertho Audifax, Eric Jalton, Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 4.
M. Eric Jalton. - Rejet des amendements n°s 191 et 161.
Amendement n° 405 de M. Victoria : MM. René-Paul Victoria, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 286 de M. Victoria : MM. René-Paul Victoria, le rapporteur, Mme la ministre, M. Victorin Lurel.

Rappel au règlement «...»

MM. Gérard Grignon, le président.

Reprise de la discussion «...»

M. René-Paul Victoria. - Retrait de l'amendement n° 286.
Amendement n° 286 repris par MM. Lurel et Lagarde : M. Jean-Christophe Lagarde. - Rejet.
Amendement n° 230 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 160 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Christophe Lagarde. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 232 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 66 de M. Auberger : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 5 de M. Audifax : M. Bertho Audifax. - Retrait.
Amendements n°s 234 de M. Lurel, 314 de Mme Rimane et 322, deuxième correction, de M. Jalton : M. Victorin Lurel, Mme Juliana Rimane, MM. Eric Jalton, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement n° 234.
Mme Juliana Rimane. - Retrait de l'amendement n° 314 ; rejet de l'amendement n° 322, deuxième correction.
Amendements n°s 190 de M. Jalton et 288 de M. Victoria : MM. Eric Jalton, René-Paul Victoria. - Retrait de l'amendement n° 288.
M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement n° 190.
Amendement n° 187 de M. Jalton : MM. Eric Jalton, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 321, deuxième correction, de M. Jalton : MM. Eric Jalton, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 6 de M. Audifax : M. Bertho Audifax. - Retrait.
Amendement n° 359 corrigé de M. Lagarde : MM. Jean-Christophe Lagarde, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 73 de Mme Rimane : Mme Juliana Rimane, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 65 de M. Auberger : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.
Amendement n° 122 de Mme Louis-Carabin : Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendements n°s 233 de M. Lurel et 336 de M. Payet : MM. Victorin Lurel, Christophe Payet, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.
Amendement n° 159 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 335 de M. Payet : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendements n°s 285 de M. Victoria et 368 de M. Jalton : M. René-Paul Victoria. - Retrait de l'amendement n° 285.
M. Eric Jalton. - Retrait de l'amendement n° 368.
Amendement n° 130 du Gouvernement : Mme la ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 1er modifié.

Après l'article 1er «...»

Amendement n° 235 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 337 de M. Payet : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 2 «...»

M. Victorin Lurel.
Amendement n° 163 corrigé de M. Lurel : MM. Christophe Payet, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 236 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 237 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.
Amendement n° 67 de M. Auberger : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 284 de M. Victoria : M. René-Paul Victoria. - Retrait.
Adoption de l'article 2.

Après l'article 2 «...»

Amendement n° 338 de M. Payet : M. Christophe Payet. - Retrait.
Amendement n° 238 de M. Lurel : MM. Victorin Lurel, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Article 3 «...»

Amendement n° 68 de M. Auberger : M. le rapporteur. - Retrait.
Adoption de l'article 3.

Article 4 «...»

Amendement n° 406 rectifié de M. Auberger : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Saisine du Conseil constitutionnel «...».
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

    M. le président. Mes chers collègues, comme il a été indiqué à la fin de la séance de ce matin, la conférence des présidents vient de se réunir.
    A la demande du Gouvernement, l'Assemblée tiendra séance ce soir, pour poursuivre la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer.
    L'ordre du jour est ainsi modifié.

2

LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n°s 881, 891).

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, chers collègues allais-je dire, mais je ne vois pas de collègues...
    Or je tiens absolument à ce que mon excellent collègue Kamardine soit là pour commencer.
    M. le président. Il n'est pas de tradition, monsieur Lurel, que l'on intervienne seulement quand un de ses collègues préférés est arrivé (Sourires.)...
    M. Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. On fait l'appel, maintenant ?
    M. Victorin Lurel. Comprenez, monsieur le président, que je tenais absolument, avant de commencer à défendre cette motion de renvoi, à dire deux mots à mon collègue Kamardine. Il a bien voulu me faire état de son excellente lecture de l'adresse de l'outre-mer aux socialistes. A l'entendre, les socialistes de l'outre-mer auraient « mal à la gauche ». Je le remercie en tout cas de cette lecture, en lui rappelant seulement ce que nous avions écrit :
    « Parce que la gauche est notre famille, nous nous refusons à désespérer d'elle, et n'entendons pas laisser la droite, sa politique nostalgique et clientéliste prospérer outre-mer sur tant d'arrière-pensées et de malentendus. »
    Ce texte est effectivement à bien des aspects fort critique. Mais nous ne sommes pas non plus tendres pour nos amis d'en face, n'ayant rien à attendre d'une droite dont la politique à l'égard des DOM se résume au moins-disant social, au moins-disant fiscal, et à en faire, par caciques locaux interposés, une réserve électorale. C'est cela que nous voulons éviter, afin que les DOM ne divorcent de la démocratie en général.
    Mais je pourrais revenir sur ce sujet, pour peu que notre collègue Kamardine le souhaite, durant la défense de cette motion de renvoi.
    Nous sommes exigeants avec nos amis. La gauche est notre famille. Nous sommes donc exigeants, très exigeants à l'égard de la gauche. Mais, je le dis comme je le pense, sans vouloir faire dans le clivage idéologique, nous n'attendons pas grand-chose de la droite. D'abord parce que l'outre-mer est historiquement, j'oserais presque dire sociologiquement, terre de gauche. Permettez-moi de le dire, et même si cela peut ne pas être partagé sur toutes les travées de cette assemblée : comment pouvez-vous être de droite quand vous êtes issu de l'esclavage ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. C'est vraiment de la caricature ! C'est indécent !
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est pourtant bien Lucette Michaux-Chevry qui gagne les élections, chez nous !
    M. Victorin Lurel. Il y a là une sorte d'aporie, pour ne pas dire une impossibilité philosophique. Comment peut-on être de droite ? Et, monsieur Auberger, ce n'est pas de la caricature !
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Même M. Jospin avait été obligé de s'excuser !
    M. le président. Monsieur Auberger, ne répondez pas aux propos quelque peu provocateurs de M. Lurel.
    M. Victorin Lurel. Ici même, ou peut-être dans l'hémicycle de Versailles, un clivage était apparu lorsqu'il s'est agi de défendre les valeurs de la République. Et je me sens parfaitement, chers collègues, l'héritier de ces valeurs-là. Mon collègue Kamardine ne devrait donc pas l'oublier, d'autant plus que la collectivité départementale de Mayotte est une oeuvre de la gauche... Autant dire que nous n'avons pas à rougir de ce que la gauche a fait depuis tantôt pour l'outre-mer.
    Ma collègue Taubira avait commencé son propos par une sorte de métaphore littéraire : « Et si nous envahissions les USA ? », disait-elle. Moi aussi, j'aimerais peut-être donner à rêver : et si nous décidions d'aider Mme la ministre ?...
    Mme Juliana Rimane et Mme Gabrielle Louis-Carabin. Très bien ! Bravo !
    M. Victorin Lurel. ... Je veux dire : de l'aider à aider l'outre-mer ? Et si en plus, par bonheur, j'allais presque dire par bonheur immarcescible,...
    M. le président. En l'espèce, il faudrait une réforme constitutionnelle !
    M. Victorin Lurel. ... Bah ! Vous verrez tout à l'heure, monsieur le président, que cette motion de renvoi est précisément faite pour aider notre ministre et aider l'outre-mer. Mon intervention n'a pas pour but de faire dans le dilatoire et d'empêcher de débattre. Elle contient, certes, une part de rituel démocratique que vous comprenez parfaitement, madame la ministre. Mais si, par bonheur immarcescible, comme Félix Eboué, vous acceptiez de jouer le jeu et surtout d'y croire, et donc d'amender de manière significative et conséquente votre texte qui est, disons-le, insuffisant ? Je n'étais pas encore député, mais j'ai en mémoire la belle formule créole qu'utilisait mon prédécesseur et excellent ami Philippe Chaulet à propos de la loi d'orientation : gran wach, ti kout baton. Gran parad, ti kout baton. En français, on pourrait le traduire par : « beaucoup de mousse, peu de chocolat »... (Sourires.)
    Je reprendrais volontiers, mais avec moins de méchanceté, la formule qui nous avait été si copieusement servie à l'époque, et je vous épargnerai les propos, particulièrement violents, eux, qu'avait tenus une autre parlementaire de haut vol et de haut rang dans une autre assemblée. En ce qui nous concerne, nous voulons être constructifs et donc participer à l'amélioration du texte. Je suis sûr que vous comprendrez, surtout vous, collègues qui siègez sur les bancs de droite, que nous voulons vous aider et aider le ministère de l'outre-mer. Aider le ministère de l'outre-mer, disais-je, pour que le gouvernement de M. Girardin... (Rires.)
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Quoi ?
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Mais quel macho !
    M. Victorin Lurel. ... comprenne que sa ministre n'est pour rien dans cette situation d'abandon - je suis même persuadé qu'elle se démène comme elle peut. Christian Paul et Jean-Jack Queyranne l'ont dit hier, il n'est pas facile de gagner des arbitrages.
    M. le président. Précisons, pour le lecteur du Journal officiel, qu'il s'agit du Gouvernement de Jean-PierreRaffarin, et du ministère de Mme Girardin. (Rires.)
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Il est décidément très troublé !
    M. Victorin Lurel. En effet, monsieur le président, pardonnez-moi : je parlais bien du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et d'aider le ministère de Mme Girardin. Tout cela, mes chers collègues, j'espère que vous le comprendrez.
    Nous avons attendu ce texte avec beaucoup d'impatience. Depuis plus d'une année, en tout cas depuis le 16 juin dernier, on nous a annoncé à grand renfort de publicité une très grande ambition pour l'outre-mer. Je n'oublierai pas les voyages de M. le Président de la République en Guadeloupe ni une de ses formules : il allait, disait-il, inventer un modèle original pour l'outre-mer. Et ce texte devait être le support de ce modèle original. Eh bien, je reprends la formule et, comme la soeur Anne, j'attends toujours ce modèle...
    Certes, nous avons eu droit à beaucoup d'effets d'annonces et à une communication - pardonnez-moi le mot facile - « d'enfer » ! A ce propos, madame la ministre, permettez-moi de vous féliciter sincèrement pour la qualité de votre communication et des professionnels qui vous entourent. Très franchement, vous avez des collaborateurs très efficaces, à en croire les messages que vous diffusez régulièrement. (Sourires.)
    Mais, je me dois aussi, concomitamment, d'élever une vigoureuse protestation. Depuis que je suis élu député de la nation - c'est bien le mot qui convient, me semble-t-il - je me vois interdit d'antenne sur certaines radios très proches de cette majorité. Depuis une année et sur ordre, je suis interdit de parole. Et pendant ce temps, pratiquement chaque mois, le Gouvernement s'offre une émission à la télévision... Jamais le Gouvernement de M. Jospin ne s'était permis cela. Et à ce que l'on entend, les personnes dites informées, les journalistes en particulier, sont proprement ahuris d'une telle fréquence et d'une telle régularité.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Il nous prend vraiment pour des imbéciles !
    M. Victorin Lurel. Si je dis cela, c'est parce c'est important. La presse et les médias sont le quatrième pouvoir, un pouvoir essentiel dans une région insulaire. Quand il est verrouillé, c'est la démocratie qui ne peut plus fonctionner correctement.
    Dans la collectivité unique de Guadeloupe que l'on veut créer, idée que la gauche soutient, même si nous ne comprenons pas le calendrier, le timing pour parler franglais, la mise en place des indispensables contre-pouvoirs, que nous demandons, passe précisément par le déverrouillage du paysage audiovisuel et de la presse. Il y en a bien d'autres à conforter : le marché - c'en est également un -, la justice et les tribunaux, qu'il faut rendre libres et indépendants, ce qui est loin d'être le cas chez nous, non plus que dans l'Hexagone, faute de quoi l'on sait où cela conduirait.
    Passé cette si longue attente, nous voilà au moment de vérité. A cet égard, notre débat d'aujourd'hui est un critérium, un test. Or le projet tel qu'il est présenté aujourd'hui, au regard de cette attente, n'est à notre sens pas recevable. Il est profondément décevant. C'est du reste l'avis de la plupart des rares personnes qui ont été consultées. Certes, nous pouvons ici nous satisfaire de l'avoir été, presque à la va-vite, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres départements, mais demandez aux syndicats de Guadeloupe. J'ai travaillé avec eux. Ils ont été quelque peu étonnés de ne pas avoir été véritablement associés en amont, en tout cas pas suffisamment pour ce qui touchait aux orientations statégiques, j'allais dire philosophiques de ce projet. Il y a certes eu une concertation, mais en simili, en demi-teinte, en touches impressionnistes, autrement dit une concertation qui laisse à désirer.
    Rappelons que pour la loi d'orientation, texte aujourd'hui diabolisé, satanisé (Sourire.) - cela fait sourire, mais c'est vrai -, nous avions consulté, et personne n'a contesté ces chiffres, plus de 1 200 personnes. A tel point que certains ont trouvé cela un peu long... Reste que M. Lise et M. Tamaya s'étaient rendus partout. Et je n'oublierai jamais la réception houleuse réservée à Claude Lise - mon collègue Joël Beaugendre était peut être présent ce jour-là -, copieusement insulté au siège de la région Guadeloupe...
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. C'est faux !
    M. Victorin Lurel. ... alors qu'il venait consulter son homologue.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. C'est de la démagogie !
    M. Victorin Lurel. Vous étiez là. Apparemment, des indépendantistes avaient été reçus en premier et cela avait posé un problème protocolaire.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. C'est faux ! Allons à l'essentiel, on perd du temps !
    M. Victorin Lurel. Si vous trouvez que la démocratie, c'est d'établir une hiérarchie dans la réception, je répondrai que nous n'avons pas de leçon à recevoir en matière de concertation approfondie.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Je suis resté calme, mais cela commence à bien faire !
    M. Victorin Lurel. Nous l'avions regretté et déploré, cher ami. Il est bon de le dire solennellement à la tribune de cette prestigieuse assemblée : nous avions longuement consulté - trop longuement du goût de certains - et c'est ainsi que nous étions arrivés à un compromis raisonnable. Personne n'a jamais dit que la LOOM était un sésame, la panacée et qu'elle ferait disparaître tous les verrous qui bloquent depuis si longtemps le développement de l'outre-mer. Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons jamais dit.
    Mais nous ne sommes à l'évidence pas les seuls à critiquer votre projet. Voyez le rapport du Conseil économique et social. Vous avez entendu hier, ici même, la rapporteure de cette institution à mes yeux indépendante et objective - non partisane, disons-le. Le rapport du CES est, sur la forme, du type plan Sciences-Po, balancé, équilibré. Mais, on l'a bien vu, très critique sur le fond, dénonçant l'absence de mesures structurelles et les conditions mêmes de la genèse de cette opération.
    Il n'est jusqu'aux membres eux-mêmes de votre majorité qui, à les entendre, ne sont pas très contents. Certes, ils n'oseraient pas dire en public - cela fait partie du jeu - ce que l'on peut se dire entre amis. Mais, au-delà du fond, les propos tenus hier par le président de la commission des finances, ne sont que le reflet du peu d'engouement que suscite votre texte. Au Sénat, on a entendu M. Arthuis protester avant de se retirer, moyennant peut-être quelques engagements ici ou là. Mais cela montre bien qu'il y a objectivement un problème.
    Je sais aussi, pour vivre sur la même petite terre que mes collègues de droite, ce qu'en pense le MEDEF en Guadeloupe. Le MEDEF n'est pourtant pas de ma clientèle, même si j'entretiens d'excellents rapports avec lui. Le terme fort, très fort qu'il a employé a fait un peu les choux gras de la presse locale : « C'est du bricolage ! » On l'a du reste entendu en d'autres lieux. Ils nous avaient habitués, il est vrai, à plus de réserve ; mais cela traduit bien un sentiment largement partagé : au-delà de quelques aménagements techniques, de mesures sur lesquelles on peut être d'accord, le fond, la philosophie elle-même qui structure et qui charpente ce texte a manifestement provoqué une profonde déception.
    Le Gouvernement lui-même laisse transpirer ce sentiment - sans naturellement le dire très clairement, mais, à notre âge, on n'est pas dupe - en laissant entendre qu'il n'y a pas eu d'arbitrage favorable. C'est précisément la raison pour laquelle j'appelais tout à l'heure à venir béquiller notre ministre, à l'aider pour gagner ces arbitrages contre les gnomes de Bercy. (Sourires.) Je suis sûr que vous comprenez cela. C'est le jeu...
    On nous opposera, hélas !, l'argent, la pénurie budgétaire, la crise financière. Mais il n'en est pas moins reconnu par tous que l'outre-mer souffre de quelques retards. Le Gouvernement aurait pu trancher de manière politique en disant : voilà des régions en retard de développement. Donnons-leur une priorité forte...
    M. Alfred Almont C'est ce qu'il fait !
    M. Victorin Lurel. ... même - et ce serait tout à son honneur -, en période de disette budgétaire, de diète financière. Accordons une franche priorité à cet outre-mer qui a quelques longueurs de retard par rapport à un département moyen de l'Hexagone - et ne voyez rien de péjoratif dans ce « moyen » : je pensais à un département qui a reçu beaucoup d'anciens préfets, l'Ariège, qui lui aussi connaît quelques problèmes.
    Voilà pour la déception qu'ont suscitée la préparation de ce texte tout comme ce qui nous est aujourd'hui servi. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Il y a un grand écart entre ce qui nous a été annoncé. Cela m'a inspiré une formule, il est vrai un peu sévère : la montagne de promesses a accouché d'une souris législative. Qui plus est, ont ajouté mes excellents collègues anciens ministres de l'outre-mer, une souris virtuelle...
    M. Philippe Auberger, rapporteur. En informatique, une souris n'a rien de virtuel ! (Sourires.)
    M. Victorin Lurel. La ministre elle-même a employé ce mot en appelant l'outre-mer à autofinancer son développement et à trouver en lui-même les ressources pour auto-entretenir la croissance, bref, pour enclencher une dynamique vertueuse du développement.
    Ce n'est pas être négatif que de tenir ces propos et de dire qu'il faut absolument aider l'outre-mer. C'est le sens de la motion présentée.
    Rappelez-vous cette phrase de la loi d'orientation pour l'outre-mer : « Le développement des activités économiques et de l'emploi dans les DOM est une priorité de la nation. » C'était 760 millions d'euros de dépenses publiques aujourd'hui, 65 millions tout au plus. Et si l'on enlève la compensation de la créance de proratisation - pour être simple, l'alignement du RMI-DOM sur le RMI-métropole - nous nous trouvons, si j'ose dire, créanciers de la République !
    La LOOM, qui avait accordé une vraie priorité politique, s'était traduite par des enveloppes et des crédits budgétaires en proportion. J'ai entendu qu'ils n'avaient pas été consommés ; peut-être aurons-nous l'occasion d'y revenir. Le chômage avait reculé dans tout l'outre-mer de plus de 7 %. Or cette priorité a aujourd'hui disparu. Pourquoi ? Le gouvernement de M. Raffarin s'est transformé en apôtre du marché. On peut le comprendre, même si, pour ma part, je ne l'approuve pas. J'avais utilisé une formule, qui avait apparemment choqué un de mes collègues en parlant d'évangélistes du marché. Car cela ne relève plus de raisonnement objectif et pragmatique, mais bien d'une théologie économique. Bref, en bon apôtre du marché, on a tiré un trait et on a rayé du vocabulaire politique le mot de « volontarisme ».
    Il n'y a plus de volontarisme économique au motif que seule l'initiative privée peut porter les élans du développement. Alors, oui, ce n'est pas être trop sévère que de dire que l'outre-mer, hélas !, a perdu la priorité dont le précédent gouvernement, cinq ans durant, avait su le faire bénéficier dans la politique de la nation ! Au demeurant, sitôt arrivé aux affaires, ce gouvernement avait déjà donné quelques signes précurseurs de cet abandon - à prendre au sens de la thématique gaullienne - dans l'action gouvernementale. Je rappellerai, sans être cruel, que le Président de la République lui-même s'est rendu en Guadeloupe, en bon commis voyageur qu'il sait être, parce qu'il est très efficace - il n'y a là rien de péjoratif, ni pour l'homme ni pour l'institution qu'il représente -, afin de proposer une loi de programme pour les îles du Nord comme il l'a fait pour Wallis-et-Futuna. Je veux bien que l'on me dise qu'une convention tiendra lieu de..., que le DOCUP permettra peut-être de financer ceci ou cela, par des financements d'ailleurs « partagés-croisés », autrement dit des cofinancements à la charge du développement.
    Mais, mon Dieu ! On l'a oublié, on a tout uniformisé et globalisé dans une seule et même loi, la loi de programme, pour tout l'outre-mer.
    Il est peut-être bon de le dire : l'évolution différenciée, à la carte ou sur mesure, sur le plan institutionnel, ne pourrait-elle pas se traduire, sur le plan économique, par une personnalisation, par des mesures adaptées à chaque collectivité d'outre-mer ?
    Depuis un an, on a vu s'installer la déception. Peut-être suis-je devenu un spécialiste des motions de renvoi en commission : je me souviens en tout cas d'en avoir défendu une lors de l'examen de la première loi, emblématique s'il en est, présentée par ce gouvernement, la loi d'amnistie. Son article 22, introduit par une sorte de cavalier législatif - c'est le procédé surtout qui était cavalier -, abandonnait tout le secteur des transports terrestres de voyageurs dans l'outre-mer, au motif que ce qu'avait fait le gouvernement précédent n'était pas bon, était idéologique, dogmatique et coûtait de l'argent. Par solidarité interne, la région Guadeloupe refusait un petit prélèvement pour développer et moderniser un secteur aussi important que celui-là, et qui concerne près de 800 à 900 personnes à la Martinique, 450 en Guadeloupe.
    M. Alfred Almont. Et la concertation ?
    M. Victorin Lurel. C'est aussi une autre façon de faire vivre, sur le plan local, la continuité territoriale et la liberté d'aller et de venir entre tous les points du territoire ...
    M. Alfred Almont. La concertation !
    M. Victorin Lurel. ... que ce soit en Guadeloupe et en Martinique ou entre l'Hexagone et l'outre-mer. C'est une autre manière de traiter le même problème. A deux reprises, c'est le même traitement qui a été choisi : on a refusé de traiter le problème comme il convient. Il s'agissait de complaire à une clientèle politique. J'ai été pris à partie, la vie d'un de mes collègues a même été mise en danger par des gens qui n'avaient pas été sollicités, qui avaient reçu quelques gages, pour ne pas discuter avec les conseils généraux compétents en la matière. Aujourd'hui, l'ordonnance n'a pas été ratifiée. J'ai entendu, il n'y a pas si longtemps, une femme politique dire que nous avons gagné je ne sais quoi en Conseil d'Etat. Quoi qu'il en soit, voilà un secteur que l'Etat et le Gouvernement ont laissé en déshérence, et l'on pourrait citer bien d'autres exemples.
    Le vote du budget a représenté un deuxième acte, symbolique mais ô combien important, peut-être le plus important. Ici même, on s'est escrimé à faire comprendre, alors que la crise n'était peut-être pas aussi profonde qu'aujourd'hui, que ce budget en trompe-l'oeil n'était pas bon. On nous a répondu que les crédits du ministère de l'outre-mer étaient surabondants. C'était une erreur tactique et stratégique. Aujourd'hui, Bercy a beau jeu de nous répliquer que nous avons dit nous-mêmes qu'il n'y avait pas assez d'argent et que les crédits reportés ne sont pas consommés. Et, dans la foulée, il les supprime, les gèle, les annule. Ce n'est d'ailleurs même plus du gel budgétaire, c'est la grande glaciation.
    Je sais bien que, éclairés comme vous l'êtes, au fond de vous-mêmes, vous êtes convaincus.
    M. Mansour Kamardine. Parlez pour vous !
    M. Victorin Lurel. Mais, nous, à gauche, nous avons su dire à notre parti : nous vous demandons plus parce que nous nous demandons plus à nous-mêmes ; nous sommes exigeants avec vous parce que nous le sommes d'abord avec nous-mêmes. Nous n'avons jamais su faire dans la génuflexion, dans la docilité ou dans la soumission.
    Mme Christiane Taubira. Exact !
    M. Victorin Lurel. Je suis connu pour ma liberté de parole : je suis sévère avec mes amis socialistes, et je demande en retour, sinon la même sévérité, du moins la même lucidité.
    Mme Christiane Taubira. De la clairvoyance !
    M. Victorin Lurel. Voilà ce que je vous demande, chers amis, et je sais pouvoir compter sur votre détermination.
    Le troisième abandon concerne le passeport mobilité. J'ai moi-même applaudi le principe ici même, car, contrairement à ce que l'on peut croire, je ne suis pas sectaire.
    M. Mansour Kamardine. Quel aveu ! C'est vous qui le dites !
    M. Victorin Lurel. Mais c'est ce que vous croyez ! Quand c'est bon, c'est bon ! Ici même, j'ai eu à approuver des mesures qui allaient dans le bon sens. Le passeport mobilité va dans le bon sens. Après les 760 millions d'euros de la LOOM, l'accord est assez récent, il ne date pas de vingt ou trente ans.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de l'environnement et du territoire. Qui l'a institué ?
    M. Mansour Kamardine. Il faut le dire !
    M. le président. Chers collègues, laissez M. Lurel revenir à la motion de renvoi.
    M. Victorin Lurel. Rassurez-vous, je n'ai pas perdu le fil, monsieur le président !
    Le gouvernement de M. Jospin a fait un effort de dépenses publiques. Le passeport va dans le bon sens, mais, pardonnez-moi de vous le dire, c'est une facilité en trompe-l'oeil.
    M. Mansour Kamardine. C'est pour cela que vous ne l'avez pas fait, peut-être ?
    M. Victorin Lurel. Peut-être. (Sourires.) On ne l'aurait pas fait comme ça, en tout cas !
    Premièrement, la circulaire d'une page est très bureaucratique - est-ce à un socialiste de vous le dire ? On exige des jeunes qui veulent en bénéficier qu'ils fournissent une vingtaine de pièces. Deuxièmement - madame la ministre, je parle sous votre contrôle et j'espère que vous allez me démentir -, une circulaire adressée à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer dit qu'il n'y a plus d'argent. Où sont passés les 17 millions d'euros ? Je suis maire de Vieux-Habitants, commune sinistrée par Objectif Guadeloupe s'il en est. J'ai dû récemment financer quatre billets d'avion parce qu'il n'y avait pas d'argent à l'ANT. Vous avez supprimé tous les concours de catégorie C - encore du trompe-l'oeil ! Par exemple, lorsque les gens se présentent aux concours d'infirmier et d'infirmière - qui sont pourtant de catégorie B - , ils sont obligés de venir passer l'oral en France hexagonale ; or il n'y a pas d'argent.
    Pourquoi n'y a-t-il pas d'argent ? Premièrement, je ne suis pas sûr de la réalité des crédits budgétaires qui ont été inscrits. Deuxièmement, Air France a augmenté ses tarifs, et les billets coûtent aujourd'hui entre 1 000 et 1 500 euros. S'il y a, comme on l'a dit, 5 000 à 6 000 mesures, on ne peut pas financer plus de 10 % de ce qui avait été prévu. Pardonnez-moi si je vous blesse, car telle n'est pas mon intention, mais c'est une supercherie.
    Cette affaire-là doit être réévaluée puisqu'elle a été instituée par un acte administratif, par une circulaire, il faut la transparence, il ne faut plus d'opacité.
    Par ailleurs, vous le savez, cette mesure a été réservée aux étudiants et à celles et ceux qui vont suivre quelques formations continues. Mais la continuité territoriale est d'une certaine façon un droit constitutionnel, garanti, valable pour tous. Et le texte qui nous est soumis parle des « résidents ». Mais nous aimerions l'étendre aux biens, aux marchandises, au fret export, comme aux intrants.
    Il faut aussi parler - et tant pis si ça prend l'allure d'une litanie, car je n'y suis pour rien - des abandons en matière culturelle. Christian Paul l'a dit : il y avait, ici même, un très bon projet consensuel, la Cité des outre-mer, qui devait être réalisé avec le concours actif et militant de Bertrand Delanoë, maire de Paris. Il a été mis aux oubliettes. J'entends maintenant parler d'un centre d'affaires. Pendant un an, on va nous annoncer ce projet virtuel, mais quand il sortira de terre, on sera sans doute très déçu. Et que dire de la radio FM qui, en Ile-de-France, toucherait pourtant plus d'un million de domiens ou d'ultramarins ? L'outre-mer, en effet, c'est quand même trois millions de personnes, 2,1 millions dans l'ensemble des outre-mer, et un million en métropole, qui ne disposent pas des instruments de diffusion culturelle à la dimension de leur communauté. Ce projet, aussi, a été abandonné.
    Ensuite, pardonnez-moi de le dire, mais c'est le moment de le marteler, sans pour autant s'en prendre aux personnes : une pluie d'insultes s'est abattue sur l'outre-mer, une sorte de crachat a été lancée à la face des ultra-marins.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Mais non !
    M. Victorin Lurel. Les insultes ont été proférées à la Réunion même. Nous n'aimons pas le carnet de chèques. Christiane Taubira parlait de la fierté : oui, nous sommes fiers, et parfois susceptibles. C'est notre culture - une « culture chaude », comme dirait le sociologue Edward Hall. Oui, nous sommes chaleureux, mais parfois un peu soupe au lait. Le carnet de chèques ? Conduire à la baguette ? Nous n'aimons pas !
    Au-delà de ses obligations et de ses devoirs, l'outre-mer a besoin d'être aimé, de se sentir aimé.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. C'est une déclaration d'amour !
    M. Victorin Lurel. Chers collègues, nou an mé ti mo dous. Dous pa sé siwo. Kom sik sosé adan myèl !
    M. le président. Monsieur Lurel, nous avons déjà eu, cette semaine, du béarnais. (Sourires.)
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Je suis incapable de rapporter si les amendements sont rédigés en guadeloupéen !
    M. Victorin Lurel. Nous avons essuyé des insultes. Nous avons récemment entendu le ministre de l'éducation nationale parler de la Réunion comme si des insurrectionnels y dressaient des barricades pour attenter à je ne sais quelle stabilité républicaine. Ça aussi, ça nous choque et ça nous blesse. Tout cela participe d'une philosophie et d'une image qui nous est imposée, que nous n'aimons pas.
    Et puis, il n'est pas inutile de rappeler ici le lynchage médiatique qu'a subi le peuple - pardonnez-moi d'employer le mot de manière connotée - guadeloupéen et, accessoirement, martiniquais, avec la diffusion, savamment distillée, de la lettre de M. Pélisson, cofondateur du groupe Accor.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ce n'est pas vrai !
    M. Victorin Lurel. Nous n'avons pas aimé cela non plus. On a dit que nous étions agressifs, que nous recevions mal, tout simplement parce qu'il fallait des effets d'annonce. On le sait, en politique, surtout quand il s'agit de niches fiscales, la meilleure défense, c'est l'attaque. Aussi le Gouvernement aurait-il dû prendre les devants pour éviter deux ou trois articles du Monde et du Canard enchaîné destinés à permettre des arbitrages favorables de Bercy. Ce n'était pas la peine de piétiner les peuples de l'outre-mer, en particulier le mien !
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Allons !
    M. Victorin Lurel. Nous n'avons pas aimé cela. Là aussi, il s'agit d'une forme d'abandon, mais qui s'accompagne, hélas !, de mépris.
    Enfin, j'ai entendu mon honorable et estimé collègue Victoria évoquer la notion de peuple. Pour ma part, je tiens à l'unité du peuple français, mais je ne désespère pas des juristes. Ce n'est pas la faute de l'outre-mer si les constituants se sont enfermés dans une aporie, dans une impasse politique, affirmant qu'il n'y a qu'un peuple français. Mais qui peut prétendre, aujourd'hui, à cette tribune, qu'il n'existe pas un peuple kanak en Nouvelle-Calédonie, un peuple amérindien en Guyane, un peuple guadeloupéen, un peuple martiniquais qui, chacun, a une façon de vivre, de danser, de chanter, de mourir, bref, d'être au monde qui lui est propre ?
    Inscrire dans la réforme constitutionnelle que les « peuples de l'outre-mer sont une composante de la nation française » aurait été possible. Mais les juristes, en général si productifs et si créatifs, ont été tétanisés par un concept juridique qui les a stérilisés.
    Je ne peux pas accepter cela. Pourtant, je puis vous l'assurer, je ne suis ni plus souverainiste que M. Pasqua, ni un nationaliste hirsute et échevelé. Mais j'estime que la dignité de l'outre-mer commande de respecter son identité, son histoire et la fierté de celles et de ceux qui y vivent.
    Or, aujourd'hui, ainsi que l'a dit Christiane Taubira, à la faveur d'une décentralisation, on re-centralise. On veut nous imposer un rythme, un calendrier, qui est le calendrier personnel de quelques-uns, au point qu'un membre du Gouvernement, M. Léon Bertrand, a semblé lui-même, en Guyane, commencer à renâcler, à freiner des quatre fers : « festina lente », il faut se hâter lentement. Ce n'est pas une bonne manière de traiter l'outre-mer.
    Enfin, il faut reconnaître que cette politique n'a pas tardé, même si je pourrais vous adresser des félicitations, madame la ministre. Je viens notamment d'entendre que, à la faveur d'un décret, vous allez faire disparaître la notion de chef de famille, cette discrimination à l'égard de nos femmes, de nos compagnes, qui perdurait malgré la loi de 1975. C'est une très bonne mesure dont je vous félicite. Il faut la prendre au plus vite. Vous voyez, mes amis n'ont pas tout fait,...
    M. Mansour Kamardine. Ça fait la deuxième bonne mesure ! Vous finirez par voter le texte !
    M. Victorin Lurel. ... Il est vrai que l'on m'a dit que j'étais dans l'antichambre de l'UMP.(Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais nous verrons bien ! En tout cas, au sein de l'UMP, je serais un cactus !
    M. le président. Le sigle UMP n'est pas une insulte, monsieur Lurel ! (Sourires.)
    M. Victorin Lurel. Vous le voyez, je mets l'accent sur les petites misères qui nous sont faites, ici ou là, mais vous êtes une politique avertie, madame la ministre, et vous comprendrez que je ne peux faire autrement que de les pointer du doigt.
    L'abandon est dans le calendrier lui-même, dans les conditions d'examen de ce projet qui sont totalement irrespectueuses, pour ne pas dire scandaleuses, et qui justifient pleinement le renvoi en commission afin que nous puissions travailler sérieusement, dans des conditions décentes et respectueuses de l'Assemblée et de ses élus.
    Les promesses gouvernementales n'ont pas été tenues. Rappelez-vous : le 3 juillet dernier, dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre promettait qu'une loi de programme pour l'outre-mer serait soumise au Parlement avant la fin de l'année 2002. Elle devait développer une politique ambitieuse pour notre outre-mer : nous, nous disons déjà « nos » outre-mer. Elle devait combattre l'inégalité économique : vous verrez qu'elle va, au contraire, favoriser les inégalités économiques. Elle devait mettre en valeur une logique d'activité et non plus d'assistance. Or nous allons le démontrer, il ne s'agit là que d'un postulat.
    A l'époque, nous vous avons cru, madame la ministre. Vous avez dit, hier, que je vous avais souvent interpellée. Heureusement, vous n'avez pas dit que je vous avais harcelée !
    Mme Christiane Taubira. Cela relèverait du pénal !
    M. Victorin Lurel. Vous avez souvent répété cet engagement. Vous avez affirmé, ce qui m'avait beaucoup intéressé - et je n'étais pas le seul -, que, avant l'été, c'est-à-dire dans quinze jours, tous les décrets d'application de ce texte seraient publiés. Ce sera un tour de force ! Je sais bien que les fonctionnaires sont bons et efficaces, malgré le discrédit que l'on cherche à jeter sur tout ce qui est public - fonction publique, service public, dépenses publiques. C'est donc une occasion de rendre un hommage appuyé et chaleureux aux fonctionnaires et aux administrateurs de la commission des finances qui ont effectué un excellent travail, et dans des conditions souvent très difficiles.
    M. Mansour Kamardine. La motion de renvoi ne se justifie donc pas !
    M. le président. Monsieur Kamardine !
    M. Victorin Lurel. Nous avons attendu ce texte une année entière : nous pouvons bien attendre une semaine de plus pour mieux le travailler.
    M. Mansour Kamardine. Vous êtes bien pressé !
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Vous reculez, monsieur Lurel !
    M. Victorin Lurel. Je ne vois pas en quoi il serait dilatoire de renvoyer un texte vide, mal ficelé, de différer sa discussion d'une semaine ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Il signe son crime !
    M. Victorin Lurel. N'avez-vous pas pris le temps de semer la zizanie et de raviver les querelles en supprimant le jour de non-chasse ? Cette provocation était-elle une priorité ? N'avez-vous pas pris le temps de baisser l'impôt de solidarité sur la fortune de 400 millions ? On me dit qu'il n'y a pas d'argent. Mais si, il y en a. Avant-hier, nous avons discuté de la loi d'initiative économique. On a encore alourdi les allègements fiscaux pour les fortunés. Ne me dites pas qu'il n'y a pas d'argent ! C'est une question d'arbitrage, de volonté politique. Or l'outre-mer ne fait plus l'objet d'une volonté politique affirmée. Ce n'est agresser personne que de le rappeler. Les arbitrages ont été perdus. Le 18 mars, cette affaire-là a été soumise au Conseil des ministres avec force communication et publicité - les professionnels sont efficaces -, mais il a fallu attendre plus de deux mois pour que ce texte nous arrive. Croyez-vous vraiment qu'un texte qui serait une priorité politique mettrait deux mois - du 18 mars au 6 juin - avant d'être débattu ? Si c'est cela, une priorité politique, c'est que je ne sais plus lire le calendrier ! Mais il était plus urgent de se livrer à des tripatouillages électoraux sur les circonscriptions et le mode de scrutin. Il était plus important d'abolir le code des marchés publics. Il y avait bel et bien des urgences, mais l'outre-mer n'en était pas une.
    Eh bien, tout cela suscite une vive indignation chez beaucoup d'administrés, chez beaucoup d'ultramarins.
    Enfin, il arrive les 21 et 22 mai ! Oui, les Martiniquais n'ont peut-être pas protesté, mais le 22 mai, c'est la date de la commémoration de l'abolition de l'esclavage en Martinique.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Vous l'avez déjà dit !
    M. Victorin Lurel. Mais oui, j'ai eu à le dire, Gabrielle ! On vient de parler de la fierté de l'outre-mer. Christiane a signé un texte avec ses amis socialistes : on respecte cela ! Honneur et respect ! Vous croyez, madame la ministre, que vous m'auriez invité le 14 juillet à travailler sur les retraites ? Personne n'aurait osé m'inviter à travailler sur les retraites le 14 juillet ! Pourtant, il y aura peut-être une session extraordinaire. On respecte les rituels ! On respecte les symboliques ! On respecte...
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. On respecte l'urgence !
    M. Victorin Lurel. ... des événements comme ceux-là ! Il s'agit de nous, il s'agit de vous, même, amis de la Réunion. Oui, nous avons jugé ces conditions de travail profondément humiliantes, pour ne pas dire scandaleuses.
    Mme Christiane Taubira. Tout à fait !
    M. Victorin Lurel. Nous avions l'impression que notre heure n'avait pas vraiment sonné et que cette date-là n'était pas respectée. Elle était tout au contraire banalisée.
    Mais, mieux encore, M. Renaud Dutreil est arrivé en Guadeloupe le 27 mai.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ça aussi, vous l'avez déjà dit !
    M. Victorin Lurel. Le 27 mai, c'est l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage chez nous, en Guadeloupe. J'ai reçu une invitation du ministre. Moi, je respecte les autorités républicaines. Chaque fois que mon calendrier le permet, je vais à l'aéroport recevoir les ministres, et Mme Girardin n'a pas eu à s'en plaindre. Chaque fois que je le peux, je vais dîner, le soir, dans ce qu'on appelle maintenant des « dîners républicains ». Je le fais malgré nos différences. C'est la République. En Guadeloupe, M. Dutreil est chez lui, il est en République. Il m'aurait dit, au moins, qu'il vient rendre hommage aux nègres marrons de la liberté, qu'il vient communier avec nous... Mais il m'a convoqué à plusieurs réunions de travail. Le lendemain, j'ai cru entendre, après mes protestations, qu'il s'agissait d'une visite privée ! Je veux bien, mais enfin, cela aussi, ça prouve qu'il y a banalisation. Tout cela n'est pas très sérieux.
    Par contre, ici même, quand le texte a quitté le Sénat, il a été examiné le 28. J'aurais donc dû quitter les cérémonies de commémoration chez moi, prendre l'avion, pour arriver ici le 28 au matin, et, sans récupérer tout à fait, aller travailler en commission des finances. Le lendemain, c'était l'Ascension. Je dis que le calendrier qui est imposé est un calendrier infernal, qui n'est pas acceptable. L'outre-mer ne doit pas être traité comme s'il était dans un ghetto, il ne doit pas être victime de ce type de calendrier. Même là, donc, la priorité n'existe pas. Je tenais absolument à le dire.
    Mme la ministre m'a interpellé hier quand elle a dit : « M. Lurel n'a eu de cesse de m'interpeller ». Je n'ai pas été le seul, madame la ministre. Et je peux vous assurer que ce n'était pas dans le but de vous déplaire, mais de vous aider. J'espère que vous l'avez compris comme cela.
    M. Loueckhote est le président de notre intergroupe parlementaire. J'ai reçu son calendrier et ses lettres : son insistance, bien entendu courtoise, se lit en creux, entre les lignes. Lui aussi s'impatientait, et il n'était pas le seul.
    Donc, l'urgence a été déclarée, au point que je nourris un affreux soupçon : ce texte ne nous serait-il pas soumis aujourd'hui parce que le Président de la République a décidé de se rendre dans le Pacifique en juillet ? Il fallait absolument, pour qu'il soit bien lesté, bien doté, que cette loi fût adoptée avant ce voyage important.
    M. Mansour Kamardine. Nous l'avons fait pour vous, monsieur Lurel !
    M. Victorin Lurel. Tout cela, ce sont de petites choses, qui, prises ensemble, constituent un massif. Et ce n'est pas bon, la symbolique n'est pas bonne. Tout cela, c'étaient les signes précurseurs. Mais il y a eu aussi des signes patents, au moment de l'exécution.
    C'est d'abord - et je suis sûr que mes collègues du Sénat le comprendront, voire l'approuveront - la priorité donnée au Sénat pour l'examen de ce texte. Nous n'avons pas compris qu'une loi de nature essentiellement économique et surtout fiscale - j'allais presque dire exclusivement fiscale, même si c'est un peu exagéré -, soit soumise en priorité au Sénat. Je veux bien que notre maison soit quelque peu brimée sous ce gouvernement, M. Raffarin n'a pas oublié son ancienne maison et c'est tout à son honneur.
    M. le président. Nous ne sommes pas dans une maison, mais dans une assemblée, monsieur Lurel.
    M. Victorin Lurel. Nous sommes dans une assemblée, monsieur le président, vous avez bien raison. Mais c'est une grande maison.
    Le Sénat représente les collectivités. Nous sommes, nous, les représentants du peuple. Ici, il y a une grande histoire démocratique. On ne comprend pas que ce texte, qui n'a pas pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales, soit d'abord examiné au Sénat. Cinq articles seulement sur quarante-quatre ont pour objet les collectivités locales. Nous n'avons pas compris une si curieuse méthode : mettre ce texte d'abord au Sénat, cela a des conséquences importantes. Ne croyez pas qu'il s'agit là de choses cosmétiques. Vous savez que les règles de recevabilité des amendements sont différentes au Sénat. Par exemple, les sénateurs ont choisi de supprimer le caractère obligatoire de la compensation accordée par l'Etat aux collectivités locales, pour favoriser la mise aux normes des habitations, des bâtiments, face aux risques naturels. Nous en discuterons tout à l'heure, et vous verrez d'ailleurs que nous ne sommes pas enfermés dans des clivages sectaires. Nous vous aiderons. Nous avons même déposé des amendements en ce sens, même si beaucoup ont été retoqués sur la base de l'article 40, comme on vient de l'apprendre. Ce qui confirme, soit dit en passant, qu'il n'y a « pas d'argent », c'est-à-dire en fait pas de priorité budgétaire.
    La priorité donnée au Sénat, c'est un vrai problème. Il risque d'être difficile, pour nous, de revenir sur cette affaire-là.
    Cela peut vous choquer, mais la question des conditions d'examen des textes avaient été abordée de manière virulente par une sénatrice. On avait examiné un texte un 2 novembre, jours des morts, le lendemain de la Toussaint. Et l'on a entendu des propos définitifs et insupportables. C'est dire que je reste dans la décence - et dans mon rôle de parlementaire - quand je proteste.
    Au Sénat, cinq commissions ont été saisies, ce qui prouve la transversalité du texte. Une commission spéciale eût peut-être été nécessaire. On n'a pas souhaité, pour éviter un examen éclaté et parcellisé, créer cette commission. Ici, à l'Assemblée nationale, une seule commission a été saisie pour avis, qui a désigné comme rapporteur pour avis notre excellent collègue Joël Beaugendre. Et là, j'avoue que je ne comprends pas.
    Autre abandon, autre signe patent de l'abandon : la déclaration d'urgence. Quoi ? On prépare un texte pendant une année, on l'annonce à grand renfort de trompettes, et on déclare l'urgence. Il y aura donc une seule lecture ici. Peut-être s'efforcera-t-on, hélas, de voter le texte conforme, sans doute pour éviter l'examen par une commission mixte paritaire. Bref, le pouvoir d'amendement de l'Assemblée nationale est battu en brèche. Il n'est pas respecté.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Combien y a-t-il d'amendements, monsieur Lurel ?
    M. Victorin Lurel. Tout cela nécessite donc un renvoi en commission pour nous permettre de faire notre travail de commission.
    Je dirai à mon excellent collègue Kamardine que près de quatre cents amendements ont été déposés. On me dit que la gauche a reçu une volée de bois vert de la part des socialistes de l'outre-mer, mais je tiens à rappeler que j'ai signé quatre-vingt-onze amendements, dont soixante-dix ont été retenus. Le groupe socialiste les a presque tous repris. Mais je n'ai pas vu un seul amendement signé du groupe UMP.
    M. Mansour Kamardine. Parce que vous ne les avez pas lus !
    M. Victorin Lurel. Non, vous avez présenté, messieurs, des amendements signés en vos noms propres !
    M. Alfred Almont. Oui, et alors ?
    M. Victorin Lurel. C'est que vous n'êtes suivis ni par le Gouvernement ni par votre groupe politique.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Quel culot ! Monsieur le président, c'est indécent.
    M. Victorin Lurel. Si le texte était bon, pourquoi avoir déposé autant d'amendements ? Les miens sont signés par « Victorin Lurel et les membres du groupe socialiste et apparentés ». C'est que nous sommes suivis par notre groupe politique.
    M. le président. Monsieur Lurel, me permettez-vous de vous interrompre quelques instants, pour vous dire qu'il est très difficile que des amendements soient cosignés par le Gouvernement et par des groupes politiques.
    M. Victorin Lurel. Non, monsieur le président, je parle du groupe UMP. Si le Gouvernement avait vu le groupe UMP - M. Barrot est venu s'exprimer hier devant nous -, peut-être le groupe UMP eût-il accepté de signer ces amendements. Cela prouve qu'à gauche, nous ne sommes pas des godillots, nous ne sommes pas des mocassins à gauche, et que vous auriez pu être mieux accompagnés et mieux suivis, chers collègues de la majorité. Souffrez que je vous le dise.
    M. Mansour Kamardine. Nous n'avons pas besoin d'être accompagnés. Nous sommes suffisamment grands ! Vous, par contre, vous êtes sous tutelle !
    M. Victorin Lurel. Les conditions d'examen que vous imposez à l'Assemblée sont donc déplorables, et pourraient être réparées. Une seule séance, donc, de la commission des finances a suffi pour entériner et ratifier ce que le Gouvernement et le Sénat ont fait. Cette séance a été tenue, je l'ai dit, le 28 mai, avec quelques amendements acceptés par le Sénat. Une seule commission a été saisie pour avis, celle de Joël Beaugendre. J'espère que les deux ou trois amendements qu'il a présentés seront acceptés.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Merci !
    M. Victorin Lurel. Mais il y a plus, madame la ministre. Et ici, je prends un ton grave et solennel, je marque un silence, comme on dit en musique, pour m'adresser à vous. C'est que vous n'êtes pas venue devant nous. Vous savez, on dit que nous souffrons parfois de manque. Vous nous avez manqué, madame, la ministre.
    M. Mansour Kamardine. Quelle belle déclaration !
    M. Victorin Lurel. C'est un aveu. Vous nous avez manqué en commission, madame la ministre. Vous n'avez pas été auditionnée, alors que vous l'avez été au Sénat. Quelque part, c'est un signe de négligence, pour ne pas dire d'indifférence. Nous n'aimons pas cela.
    M. Victor Brial. Comme c'est affreux !
    M. Mansour Kamardine. Quelle faute, madame la ministre ! Vous avez manqué à M. Lurel ! Comment allez-vous faire pour vous racheter ?
    M. Victorin Lurel. J'aurais souhaité que vous nous donniez cette chance et que vous reveniez devant la commission. Mais ne le prenez pas mal. Vous voyez bien que je ne veux pas vous brocarder, ni vous critiquer. Vraiment, vous nous avez manqué.
    Il est donc clair que ce projet n'est pas prioritaire, ce qui nous conduit à en discuter un jeudi, et surtout un vendredi, aujourd'hui. Je reviens de la conférence des présidents, où M. Jean-François Coppé nous a demandé de travailler en soirée. Il a donc fallu une conférence des présidents pour nous faire travailler un jour non siégé ! Un jour non siégé ! On nous avait déjà fait le coup pour le vote du budget ! On nous avait déjà fait le coup pour la réforme constitutionnelle ! Et Gabrielle, rappelle-toi, nous avons eu une petite passe d'armes, mais amicale, entre nous. Mais je suis sûr que tu partages mon avis, au fond de toi-même, du moins ce n'est pas improbable. (Sourires.)
    M. le président. Monsieur Lurel, dans l'hémicycle, on ne tutoie pas ses collègues. Vous vous adressez à Mme Gabrielle Louis-Carabin.
    M. Victorin Lurel. Non, non, nos rapports sont bon-enfant, il n'y a aucun problème. (Sourires.)
    En outre, on nous a imposé un calendrier difficile : plus de cinq grandes lois sont soumises à notre assemblée. Il y avait l'initiative économique, le droit d'asile, la violence routière, après-demain il y aura les retraites. Nous sommes donc pris en sandwich entre de grandes lois, plus de cent articles examinés. Et bien entendu, le projet de loi qui concerne l'outre-mer arrive bon dernier, ce qui s'ajoute à la déclaration d'urgence et au fait qu'une seule commission ait été saisie pour avis ! C'est proprement ahurissant, quand on ose dire à la face de l'opinion que les problèmes de l'outre-mer sont une priorité de la nation. Non, non, trois fois non, ils ne sont pas - ils ne sont plus, en tout cas - une priorité de la nation.
    Nous allons donc expédier le texte dans la nuit, devant une poignée de parlementaires endormis.
    M. René-Paul Victoria. Mais non ! Devant les meilleurs !
    M. Victorin Lurel. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, et je suis sûr que je ne vous ai pas choqués. D'ailleurs, moi aussi, je vais piquer un petit pijézyé, comme on dit en créole. Mais j'espère que nous resterons vigilants pour aider Mme le ministre, ou la ministre - j'ai du mal à dire « la » ministre, c'est vrai, je reste encore « sexiste », comme on m'a dit -...
    M. Mansour Kamardine. C'est pourtant une invention de la gauche plurielle !
    M. Victorin Lurel. ... Oui, oui, c'est pas mal. J'espère, disais-je, madame la ministre, que nous pourrons vous donner l'occasion d'améliorer ce texte, à la veille d'un long week-end de Pentecôte, pour que l'outre-mer en soit satisfait.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. C'est un appel au Saint-Esprit ! (Sourires.)
    M. Victorin Lurel. Vous le voyez donc, les bonnes pratiques parlementaires - je ne parle même pas des procédures régulières - n'ont pas été respectées. Mais nous vous demandons plutôt d'être les parfaits démocrates que vous savez être, et de renvoyer ce texte en commission.
    Donc, madame la ministre, c'est une session de rattrapage que nous vous proposons, et je suis sûr que le Premier ministre, M. Raffarin, le comprendra. Oui, une session de rattrapage pour aider l'outre-mer et pour aider notre ministère.
    La deuxième grande raison plaidant pour le renvoi en commission, c'est que ce projet inabouti - c'est bien le mot - comporte un coût budgétaire marginal, voire nul. Et vous me permettrez, même s'il vous semble que je fais dans la redite, de marteler et marteler encore ce qu'ont démontré Christian Paul et Jean-Jacques Queyranne : ce projet ne coûte pratiquement rien au budget de la nation. Oui, disons-le clairement, cela ne coûte rien au total. Sur l'ensemble des cinq titres, vous avez chiffré les dépenses à 236,7 millions. Mais il faut dire que cette estimation varie : parfois, c'est 250 millions, parfois, c'est 300 millions. Mais puisque je veux être précis, je reprends le chiffre de votre prétendue étude d'impact, soit 236,7 millions. Soyons généreux, arrondissons à 240 millions d'euros. Eh bien, nous avont fait le calcul. Sur le titre Ier, quand on supprime les 20 millions de bonification de la LOOM, il reste tout au plus 30 millions. Sur la défiscalisation, le titre II, c'est Mme la ministre elle-même qui a prononcé le mot « virtuel ». Quant à moi, j'ai rappelé ce qu'était une chimère : c'est un couteau sans manche auquel manque la lame, ça n'existe pas. Ça n'existe pas ! C'est zéro franc !
    Sur les titres III et IV : 10 millions. Sur la continuité territoriale : 30 millions, nous y reviendrons. Au total 65 millions. Et en plus, vous avez sucré - pardonnez-moi cette facilité de language - 152 millions de la créance de proratisation, alignant le SMIC DOM sur le SMIC métropole. A cet égard, je rappelle que c'est quand même la gauche qui l'a fait. L'égalité sociale, c'est la gauche. Il ne faut pas usurper ce qui a été fait par la gauche. On peut nous créditer de cela, j'allais dire qu'on peut nous accorder ce crédit d'impôt, pour rester dans la sémantique fiscale.
    Voilà donc un deuxième grand signe de l'abandon affiché, mais non revendiqué, par ce gouvernement.
    Mais il y a plus grave, beaucoup plus grave.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est l'héritage !
    M. Victorin Lurel. Je veux parler de la philosophie nouvelle qui marque le projet qui nous est soumis. Cette philosophie, on nous a dit que c'était la dignité par le travail - et qui peut ne pas y souscrire ? -, que c'était l'instauration d'une logique d'activité. Mais il y a quelque chose, en creux, qui me gêne considérablement, et qui gêne tous les démocrates - tous les humanistes, puisque c'est un mot que M. Raffarin ne récuserait pas, n'est-ce pas ? On nous dit qu'il faut une dynamique auto-entretenue, qu'il faut favoriser l'émergence de forces nouvelles, qu'il faut développer les initiatives privées. Bref, pour résumer, il faut une politique de l'offre. Je vous rappelle, chers collègues, l'origine intellectuelle et théorique de la politique de l'offre : c'est M. Reagan, c'est Mme Thatcher, et en économie, c'est la courbe de Laffer. Or on sait ce que cela a donné en termes d'impôts, en termes politiques et en termes de considération témoignée à l'homme au sens générique.
    Quand on lit en creux ce projet - et je sais que vous êtes des spécialistes -, nous avons le sentiment tenace et lancinant que l'on s'en prend à l'homme de l'outre-mer - à l'homme et à la femme, bien entendu - que l'on s'en prend à sa dignité. On a bien l'impression, à lire tout ce qui, dans ce texte, concerne les allocations, la protection, les chômeurs, que dans votre thématique, il n'y a pas de vrais chômeurs, il n'y a que des chômeurs volontaires, c'est-à-dire des feignants et des fainéants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est cela que vous appelez la logique de la « responsabilité nouvelle ». C'est cet esprit qui traverse tout le texte, et c'est gênant. Comme je l'ai dit, on a beau l'enrober avec du miel et du sucre, kom sik sosé an myel : on ne trompe personne. On a l'impression du fouet ou de la baguette, c'est-à-dire de stigmates que l'on veut inscrire en lettres de feu sur le front des ultramarins. Cela, on ne peut l'accepter. Cette thématique-là, on la trouve dans tous les gouvernements ultralibéraux : il faut casser la protection sociale, il faut casser le secteur public, il faut casser la fonction publique. Tout ce qui est public est marqué au coin du soupçon. Et l'outre-mer, qui accuse pourtant un retard considérable par rapport aux standards de l'Europe, et en particulier de la France européenne, ne fait pas l'objet d'une politique de rattrapage.
    Comment voulez-vous que nous nous en satisfassions ? Certes, on peut critiquer la politique conduite hier par le gouvernement de Lionel Jospin. On peut n'avoir pas été content de la LOOM, malgré les efforts budgétaires importants qu'elle consentait. Mais dire que dorénavant on va bâtir le développement de l'outre-mer uniquement sur le libre marché, sur les initiatives privées, c'est autre chose. Personnellement je ne condamne pas ce discours. Mais au total, et en même temps, condamner les acteurs qui vont conduire ce combat, supprimer les dépenses publiques au motif qu'il n'y aurait pas d'argent dans le budget de l'Etat, c'est, premièrement, stigmatisant et humiliant pour nous, et, c'est, deuxièmement, la preuve, inscrite en lettres de feu, que vous n'avez pas su trancher politiquement, que vous n'avez pas su faire de l'outre-mer une priorité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je répète ici, haut et fort, un gouvernement qui a su trouver 400 millions pour alléger l'ISF et supprimer 400 millions pour les personnes âgées aurait pu, aussi, trouver les quelques centaines de millions nécessaires pour au moins opérer le rattrapage, pour nous mettre au niveau moyen du standard français, afin d'impulser une dynamique auto-entretenue de développement et de croissance. Il n'y a rien de cela dans le texte.
    Je le dis de manière passionnée, car tout cela part d'un postulat méprisant pour les hommes. Or le seul acteur du développement, c'est l'homme. Il faut l'aimer, le chérir, manifester à son égard de la considération et lui donner, notamment par le biais de la formation ou de la culture, la place qu'il mérite dans l'outre-mer.
    La France est riche de ses outre-mer. On vous demandait de le comprendre, et non de stigmatiser. Je répète ici - et nombre d'orateurs, de droite comme de gauche, l'ont dit avant moi -, l'outre-mer est depuis dix ans plus créatif que l'Hexagone. On y crée plus d'entreprises, plus d'emplois, alors que l'aide par tête d'habitant y est moins élevée qu'en métropole, ainsi que l'a indiqué elle-même Mme la ministre. Dès lors, pourquoi fonder ce texte sur une logique d'assistanat ? (« C'est le contraire ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi dénoncer quelque chose qui n'existe pas ? Chimères, vous dis-je, pour ne pas dire mensonges !
    Tout cela méritait une élucidation politique, une élucidation théorique et mérite, bien entendu, un renvoi en commission.
    Comment voulez-vous que l'on se satisfasse - et c'est le troisième point de la démonstration - de l'économie même du texte ? Le titre I pourrait être amélioré. Pourquoi prévoir 1,3 SMIC, 1,4 SMIC ou 1,5 SMIC ? Pourquoi ne pas harmoniser sur 1,5 SMIC, ce qui serait de nature à favoriser l'emploi intermédiaire ? Pourquoi aider uniquement les emplois faiblement qualifiés ? Pourquoi ne pas aider l'emploi intermédiaire, notamment dans les services de production à haute valeur ajoutée ? Pourquoi ne pas favoriser la constitution de cadres intermédiaires pour s'opposer à la concurrence toute proche des îles d'à côté ? Ainsi que l'a bien montré le rapport Malinvaud, il existe une corrélation entre la création d'emplois et l'allégement des charges patronales de sécurité sociale - sur ce point, nous sommes d'accord.
    Pourquoi ne pas avoir inclus les gîtes ruraux dans le périmètre de la défiscalisation ? Pourquoi ne pas préciser dans quel cadre va s'inscrire le petit commerce, notamment l'artisanat : fera-t-il partie des activités de loisirs et ludiques ? Nous n'en savons rien. Pourquoi laisser un tel pouvoir d'interprétation à l'administration fiscale, en particulier à Bercy ? Même si on me dit qu'on ne veut pas surcharger le texte, il y a manifestement là matière à discussion et à nouvel examen.
    Oui, nous sommes d'accord pour moraliser. Oui, nous sommes d'accord pour que le docteur Pons ne revienne pas sous les habits du diable. Oui, nous sommes d'accord pour éviter les dérives permises par la loi Pons.
    L'outre-mer mérite mieux que cela. Or ce texte risque de favoriser, dans ses conséquences, les gros au détriment des petits, notamment les grosses structures économiques au détriment des très petites entreprises. Nous serions contents si, au-delà des SOFIOM, les sociétés de financement de l'outre-mer, les fonds propres étaient admis au bénéfice de la défiscalisation, car un problème de haut de bilan - et donc de fonds propres - se pose dans l'outre-mer.
    Oui, le texte doit être amélioré très sérieusement. Des béances doivent être comblées, des insuffisances corrigées, car nous sommes victimes de handicaps structurels, et ce ne sont pas quelques mesurettes annoncées qui le permettront.
    Oui, notre spécificité doit être mieux reconnue, pour que la richesse de l'outre-mer soit mieux prise en compte.
    Nous avons lu les déclarations de Mme la ministre dans Le Figaro et dans la presse dans lesquelles elle s'étonnait, avec une pointe d'émotion, que peu de personnes en France métropolitaine connaissent les dix collectivités de l'outre-mer et puissent les situer sur une mappemonde. Vous avez bien raison, madame la ministre.
    Créez la radio de l'outre-mer, faites la cité des outre-mers, imposez s'il le faut - même si je n'aime pas le mot - un quota de musique de l'outre-mer pour que nos compatriotes d'ici apprennent à apprécier l'outre-mer et pas simplement à la faveur de l'élection d'une Miss France - même si nous en sommes très fiers - ou d'une victoire remportée dans les stades. Nous aimerions, madame la ministre, qu'il y ait une fête des outre-mers, une fête nationale des outre-mers.
    Christiane Taubira a porté un texte reconnaissant l'esclavage comme un crime contre l'humanité. Le Sénat a pris du temps pour l'adopter mais, finalement, la République s'est honorée, la France s'est honorée en procédant à cette reconnaissance. Mais qu'en est-il de l'application de ce texte ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Les décrets d'application n'ont jamais été publiés !
    M. Victorin Lurel. Le comité auquel participait Maryse Condé est, hélas, tombé en déshérence, et, depuis un an, je n'ai pas entendu suffisamment le Gouvernement sur ce sujet.
    Nous aimerions que l'histoire et la géographie des outre-mers soient au moins évoquées, si ce n'est enseignées. Nous voudrions que l'histoire de l'esclavage, cette plaie à peine réfermée dans le corps de la République, soit enseignée à nos jeunes.
    Et encore : comment se satisfaire que l'agriculture soit la grande oubliée de ce texte, alors qu'elle constitue une charpente indispensable pour un développement équilibré de nos îles et de nos régions ? Pourquoi limiter le bénéfice de l'allégement des charges à quarante hectares pondérés ? Vous savez que le bénéfice de la sécurité sociale est lié à l'application de coefficients dits coefficients AMEXA - l'assurance maladie des exploitants agricoles. Ainsi, si vous cultivez de la banane, il vous est appliqué un coefficient 4, si bien que si votre plantation fait dix hectares, cela revient à avoir quarante hectares pondérés. Eh bien, au-delà de ce seuil, vous perdez le bénéfice de l'allégement des charges, parce que le texte du Gouvernement a conditionné le maintien de cet avantage à une opération de diversification ou de reconquête des terres incultes ou insuffisamment exploitées. Mais, pour ma part, je ne connais pas beaucoup d'exploitants, en Guadeloupe, qui, au-delà de dix hectares réels de bananes, font dans la diversification sur douze ou treize hectares. Je suis donc partisan de passer à cinquante hectares ou à déplafonner, parce que l'agriculture, en particulier le secteur de la banane, connaît une crise structurelle.
    Nous avons peur pour 2006. Et je sais que notre collègue Beaugendre s'intéresse à cela, comme tous les élus de l'outre-mer, qu'ils soient de la Martinique ou de la Réunion, même si, à la Réunion, on cultive un autre type de bananes. En 2006, avec le système du tariff only, l'avenir de la banane paraît loin d'être assuré. D'où notre inquiétude.
    Comment voulez-vous qu'on se satisfasse davantage du silence sur la filière sucre, sur celle du riz pour la Guyane, sujet évoqué par Juliana Rimane, ou encore sur celle du rhum ? S'agissant de ce dernier point, je veux bien lutter contre l'alcoolisme, mais l'amendement qui concerne cette lutte risque d'avoir certaines conséquences en Martinique et en Guadeloupe.
    La production de la canne structure encore l'économie de la Guadeloupe et celle de la Réunion. Mais comment peut-on faire une loi sur un horizon prévisionnel de quinze ans - qui, au demeurant, est un horizon pertinent, puisqu'il correspond à une planification longue -, sans concevoir un réel programme ?
    Et qu'on n'aille pas me répondre que tout n'a pas à figurer dans cette loi ! Je ne saurais me satisfaire d'une telle réponse, surtout quand il s'agit de l'incidence économique de la construction européenne, laquelle a été passée sous silence.
    J'en viens à la continuité territoriale, sujet auquel ne manqueront pas d'être attentifs les membres du collectif des Antillais et des Guyanais, que j'ai accompagnés hier avec d'autres députés. On consacre trente millions pour les 2,1 millions de personnes vivant outre-mer, soit onze euros et demi par habitant, alors que les Corses disposent, eux, de 165 millions, soit 660 euros par Corse ?
    M. Victor Brial. Vous avez été au pouvoir pendant cinq ans et vous n'avez rien fait pour changer cela !
    M. Victorin Lurel. Sans être un grand musicien, je sais tout de même qu'une blanche vaut deux noires. On constate que, s'agissant de la continuité territoriale, un Corse vaut plus de soixante Ultramarins ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous nous réjouissons que nos amis Corses aient pu obtenir cette dotation, mais nous demandons une égalité de traitement.
    Il convient également d'alléger les charges qui pèsent sur les compagnies aériennes. Et je suis content, madame la ministre, que vous ayez obtenu au Sénat, en deuxième délibération, le rejet d'un amendement présenté par l'une de vos amies politiques, lequel prévoyait d'affecter le bénéfice de l'aide aux seules compagnies dont le siège social est situé outre-mer. Cela signifiait qu'il n'était pas possible d'aider les grandes compagnies. Quoi qu'il en soit, encore faudra-t-il que ces grandes compagnies répercutent sur le prix du billet l'aide octroyée. Il doit y avoir obligation de résultat.
    A cet égard, je vous demande, madame la ministre, de prendre l'engagement devant nous que la comptabilité analytique d'Air France ou de Corsair, entre autres, nous sera communiquée.
    M. Victor Brial. Et celle d'Air Lib !
    M. Victorin Lurel. M. Bussereau a également aidé cette compagnie ! La comptabilité analytique d'Air France semble relever du secret défense. J'aime cette compagnie sur laquelle je voyage. J'apprécie la qualité de ses prestations. Je crois en elle. Toutefois, le fait de croire et d'aimer ne dispense pas du désir de transparence. Or que constatons-nous ? Que les vingt-quatre Boeing 747-300 d'Air France qui desservent les Antilles ont une moyenne d'âge de vingt et un ans et qu'ils comptent 507 places chacun, soit 507 « pass » ou passagers, alors que les vingt-trois Airbus 340 de cette compagnie qui desservent New York sont vieux de six ans en moyenne, comptent six toilettes par avion et sont aménagés pour accueillir 252 passagers. Quelle différence de confort, alors que le voyage vers New York se fait avec des avions modernes qui ne sont pas encore amortis et pour un prix allant de 300 à moins 500 euros.
    D'après ce que je sais, le coût « siège par kilomètre offert » - le SKO - pour l'outre-mer est de sept centimes d'euro. Autant dire qu'en faisant payer un billet 3 200 francs, soit 500 euros, Air France fait, pardonnez-moi l'expression, « un fric dingue ». Je ne souhaite pas qu'Air France dépose son bilan, mais une partie de cette marge pourrait être rétrocédée aux passagers.
    J'ai participé avec Gilles de Robien, le ministre des transports, à un débat passionné sur la privatisation d'Air France. A cette occasion le rapporteur du texte, qui est un collègue de qualité, m'a dit que sur les lignes desservant les Antilles et la Réunion, les comptes d'Air France étaient " plombés » par un trop grand nombre de passagers voyageant en GP, c'est-à-dire avec des billets gratuits. Eh bien, qu'Air France nous transmette sa comptabilité analytique pour nous permettre de juger de la rentabilité de ces lignes, de voir si elles peuvent supporter la concurrence.
    Les choses seraient différentes si l'Etat ne s'était pas retiré, ce dont je fais reproche à mes amis politiques ! Oui, il faut imposer des obligations de service public. Cela dit, je ne suis pas idéologiquement opposé à la privatisation d'Air France, car je suis un socialiste qui comprend les nécessités du combat économique.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. En quelque sorte, un socialiste libéral ! (Sourires.)
    M. Victorin Lurel. Il faut que le marché - puisque nous n'avons que ce mot à la bouche - joue son vrai rôle. Mais comment envisager de privatiser Air France sans organiser la concurrence ? Comment privatiser et, en même temps, accepter de consolider, si ce n'est de renforcer le monopole d'Air France, ou son duopole avec Corsair ? Comment continuer à payer un billet entre 1 200 euros et 1 500 euros ? Un smicard avec deux enfants ne peut se permettre de dépenser neuf à dix mois de son salaire pour se rendre chez lui en Guadeloupe ou en Martinique ou à la Réunion ! Cela signifie, que nous organisons la séparation, la désunion et l'indifférence.
    La continuité territoriale est un droit constitutionnel. C'est simplement la liberté d'aller et de venir. Imaginez-vous un Parisien qui ne pourrait aller voir ses amis ou ses parents à Marseille ? Eh bien, c'est le sort réservé aux Ultramarins. Nous réclamons sur ce dossier un engagement autrement important que les 30 millions dispensés aux régions. De plus, il faut savoir que, en Guadeloupe, si vous voulez vous rendre à Marie-Galante, aux Saintes ou à la Désirade, il convient parfois de montrer patte blanche pour obtenir le billet frappé du sceau régional. Quant à l'égal accès aux aides régionales ou nationales, voire européennes, s'il n'est pas assuré, c'est grave.

    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. Ce que vous dites est scandaleux !
    M. Victorin Lurel. Nous demandons, là aussi, des garanties. Que n'a-t-on entendu ici quand la LOOM a été examinée. Mais au moins, elle prévoyait un plan d'apurement des dettes fiscales et sociales, ce que tout le monde a oublié. Quant au Gouvernement, il ne veut plus en entendre parler. Pourtant, nous savons que des moratoires devraient être organisés dans nos îles - je ne parle pas d'abandon des dettes fiscales et sociales, mais d'apurement. On pourrait "ressusciter l'article L. 247 du livre des procédures fiscales et enjoindre les fonctionnaires de la direction des services fiscaux dans nos régions de mettre en oeuvre ce plan d'apurement indispensable.
    Votre projet ne comprend pas non plus de plan de rattrapage des équipements et des services collectifs. Comme l'Algérie et le Japon, qui viennent d'être frappés par des tremblements de terre, nous sommes dans une zone sismique parmi les plus dangereuses - la zone 3 ; or le texte ne prévoit rien en ce domaine. Et qu'on ne me rétorque pas que l'on ne veut pas surcharger le texte, car il s'agit d'équipements indispensables. La loi Pons, elle, contenait des objectifs chiffrés et des crédits étaient dégagés chaque année en loi de finances.
    Une fois de plus le secteur social et médico-social est oublié. Comment oublier la situation du CHU de Saint-Denis, de celle du CHU de Fort-de-France, sans évoquer le cas calamiteux de celui de Pointe-à-Pitre, qui doit faire l'objet d'un plan important de remontée en puissance, de redressement ? Comment oublier que chez moi - je ne connais pas la situation dans les autres îles -, il n'existe aucune structure d'hébergement pour les personnes âgées ou handicapées ? Les personnes handicapées vivent plus longtemps aujourd'hui, et c'est tant mieux. Mais où sont les structures pour les accueillir ? Vous ne manifestez aucune volonté en la matière.
    Vous condamnez le volontarisme économique, parce que vous croyez que votre inaction sera suppléée par l'initiative individuelle. Vous ne rassemblez pas l'effort. Vous manquez d'ambition. Compter sur les seules vertus du marché pour assurer la cohésion sociale, c'est être sûr de créer encore plus d'inégalités économiques ! L'outre-mer en souffre déjà bien assez par rapport à la métropole, à l'Europe et en son sein même. Vous n'en tenez pas compte !
    Madame la ministre, le pacte républicain que vous nous aviez proposé n'est pas au rendez-vous ! Voilà ce que je tenais à vous dire, dans un style passionné car j'aime l'outre-mer - c'est chez moi -, j'aime la République, et malgré nos différences politiques, je ne désespère pas de ce gouvernement de la République. Ce sont les Français qui vous ont mis là et on attend donc beaucoup de vous.
    Hier, nous avons su être exigeants avec la gauche. Nous le serons avec vous en toute loyauté, en bon républicains.
    Nous vous demandons, chers collègues, pour l'outre-mer, pour le ministère, de renvoyer ce texte insuffisant devant la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, ne pourrais-je intervenir qu'après le vote...
    M. le président. Il est de tradition que, sur une motion de procédure, le Gouvernement s'exprime avant les explications de vote des groupes. Mais, si vous le souhaitez, vous pouvez répondre dès à présent aux auteurs qui se sont exprimés dans la discussion générale ainsi qu'à la motion de renvoi défendue par M. Lurel...
    M. Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, je demande la parole.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Philippe Auberger, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, je pense que, pour la clarté des débats, il serait préférable d'entendre dès à présent les explications de vote sur la motion de renvoi en commission et que Mme la ministre ne s'exprime qu'après le vote pour répondre aux orateurs. Sinon, on donnerait l'impression de voter sur les réponses de Mme la ministre, ce qui ne serait pas convenable.
    M. Mansour Kamardine. Absolument !
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je souhaiterais, monsieur le président, avoir une précision sur le déroulement de nos travaux. Plus de dix-huit orateurs se sont exprimés avec leurs différences. Conformément à la tradition de cette assemblée, Mme la ministre devrait leur répondre avant que nous ne nous prononcions sur la motion de renvoi.
    M. le président. Monsieur Lurel, la ministre s'exprime quand elle le veut. Si elle souhaite s'exprimer une fois que la motion de renvoi aura été soit acceptée, soit rejetée, elle peut le faire.
    Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi.
    La parole est à M. Joël Beaugendre, pour le groupe UMP.
    M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis hier, nous assistons à des manoeuvres d'obstruction puisque, après la question préalable de Christian Paul invitant l'Assemblée à ne pas débattre des problèmes de l'outre-mer, voilà qu'aujourd'hui nous avons entendu un discours fleuve où a été développé un argumentaire contradictoire.
    M. Lurel, voulant régler ses comptes au sujet du rôle et du pouvoir du CSA en Guadeloupe, nous a en effet parlé de l'achat d'une radio. Je ne vois pas ce que cela vient faire dans le débat.
    Aujourd'hui, l'outre-mer attend de nous que nous prenions ses spécificités en considération pour les transcrire dans une loi de programme. Nous avons suffisamment perdu de temps. Nous sommes missionnés pour donner à l'outre-mer les outils nécessaires à son développement, et c'est pourquoi nous ne devons pas suivre M. Lurel qui, alors qu'il était absent des réunions des commissions, demande le renvoi du texte en commission. Il reconnaît pourtant que nous avons suffisamment travaillé puisqu'il félicite la commission des finances et la commission des affaires économiques pour leur excellent travail. La discussion doit donc se poursuivre.
    M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste.
    M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste soutient bien entendu la proposition de M. Lurel.
    Cela dit, certains propos ne peuvent rester sans réponse. M. Beaugendre a parlé d'obstruction et déploré que des paroles inutiles aient été prononcées. Ce n'est pas acceptable ! Nous sommes dans une démocratie et notre règlement autorise un député à soutenir une motion de renvoi pendant plus d'une heure. On peut dire ce qu'on veut, mais on ne peut interdire à un collègue de s'exprimer parce que l'on n'est pas d'accord avec lui !
    Nous soutenons la motion de renvoi en commission.
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vais essayer d'apporter de premiers éléments de réponse à toutes vos interventions, qui ont été particulièrement riches.
    Béatrice Vernaudon s'est, comme d'habitude, exprimée avec son coeur, nous rappelant le soleil polynésien. Vous avez dit, madame la députée, qu'il fallait que nous fassions aimer l'outre-mer à la métropole. Je crois que nous sommes là pour cela et j'espère que ce débat nous y aidera.
    J'ai entendu Gabrielle Louis-Carabin regretter que nos amis de métropole ne soient pas suffisamment présents dans l'hémicycle. J'avais fait le même constat au Sénat, mais je dois ajouter que, là-bas comme ici, ils sont plus présents à droite qu'à gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Mansour Kamardine. Très juste !
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Merci, madame la ministre !
    Mme Christiane Taubira. Vous devriez tenir un registre d'appel, ce serait plus clair !
    M. Victorin Lurel. Nous n'avons pas choisi le jour du débat !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je voudrais remercier les rapporteurs des deux commissions, qui ont bien travaillé, et dans des délais rapides, sur cet important projet de loi de programme. Peut-être certains sujets n'y sont-ils pas traités, mais je voudrais tout de même rappeler qu'il comporte plus de quarante articles.
    Je souhaite remercier tout particulièrement Philippe Auberger, Joël Beaugendre et Patrick Ollier, qui ont porté un regard à la fois objectif, responsable et tout à fait passionné sur nos dix collectivités d'outre-mer.
    J'ai beaucoup apprécié que la commission que préside Patrick Ollier ait pu se rendre aux Antilles lors de la grave crise du tourisme qu'elles ont traversée. Cette mission m'a beaucoup aidée pour préparer le volet de ce projet de loi de programme consacré au tourisme. Elle nous a permis d'ajouter des mesures auxquelles nous n'avions pas pensé dans un premier temps et qui - en tout cas, je l'espère - nous permettront de sortir de cette crise qui affecte particulièrement durement nos régions de la Caraïbe.
    Bien sûr, j'adhère pleinement à la proposition qui m'a été faite d'organiser des assises sur le tourisme et de préparer une charte d'objectifs. Nous devons tous nous mobiliser en faveur de ce secteur, particulièrement créateur d'emplois outre-mer.
    Patrick Ollier m'a interrogée, à propos de la desserte aérienne, sur le groupe de travail que nous avons mis en place avec Gilles de Robien et Dominique Bussereau, pour commencer à préparer le décret d'application concernant les mesures de continuité territoriale. Il ne faut pas perdre de temps. Nous souhaitons optimiser la dotation de continuité territoriale et nous travaillons actuellement au sein de ce groupe sur les cibles que nous souhaitons privilégier, qu'il s'agisse des différents publics - nous devons, dans un premier temps, aider les populations les plus fragiles pour lesquelles la continuité territoriale doit avoir un vrai sens concret - ou des vols des compagnies aériennes, car il n'est plus acceptable d'avoir des avions vides à certaines périodes et complets à d'autres, et à des prix exorbitants.
    Le président de votre commission des finances a évoqué deux sujets particulièrement complexes : les sur-rémunérations et les majorations de retraites, point également abordé par M. André Thien Ah Koon.
    Je voudrais dire de la façon la plus claire que le Gouvernement n'a absolument aucun projet de réforme sur ces sujets. D'ailleurs, Jean-Paul Delevoye a lui-même répondu sur la réforme des retraites à M. Manscour. Il n'est donc pas dans l'intention du Gouvernement de remettre en cause quelque droit acquis que ce soit.
    Cela dit, si nous n'avons pas de projet, ce dossier m'a laissé quelques souvenirs. Dans une république décentralisée telle que celle dans laquelle nous sommes maintenant, une telle réforme, si elle devait être proposée, ne pourrait l'être en aucun cas par Paris : elle ne pourrait l'être qu'à partir du terrain. Ces sujets doivent être abordés localement.
    Je souhaite reprendre une suggestion qu'a faite René-Paul Victoria - j'en ai d'ailleurs dit un mot à M. Pierre Méhaignerie, qui m'a paru ouvert à cette idée. Il serait intéressant, puisque la commission des finances et son président s'intéressent particulièrement à la question, qu'une délégation se rende sur place pour mieux appréhender la complexité du dossier.
    M. Didier Quentin. Très bien !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Dans ces conditions, un rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale pourrait tout à fait éclairer le Gouvernement.
    M. Didier Quentin. Très juste !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Lagarde, j'ai beaucoup apprécié votre intervention, d'autant que le maire que vous êtes s'intéresse particulièrement aux Ultramarins qui résident en métropole car, dans votre commune de Drancy, ils sont particulièrement nombreux.
    J'adhère pleinement à vos propositions, dont la plupart ne sont pas d'ordre législatif. C'est cependant avec plaisir que je les étudierai de façon très positive.
    Au-delà du « passeport mobilité » que nous avons mis en place dès l'été dernier, je reconnais que les jeunes d'outre-mer qui viennent en métropole ainsi que les personnes originaires d'outre-mer qui y vivent ont très souvent de graves problèmes de logement. Je souhaite instaurer ce que j'ai appelé, par facilité de langage, un « passeport logement ». Dans cette perspective, nous avons constitué un groupe de travail associant les élus d'outre-mer. Nous réfléchissons à quelques pistes. Nous pourrions mettre en place des partenariats avec certaines communes de métropole comme la vôtre pour essayer de ménager un meilleur accueil à nos compatriotes d'outre-mer dans les différentes communes de la métropole.
    A ce propos, je tiens à dire que nous travaillons activement à la création d'un centre culturel et d'affaires de l'outre-mer, dont on n'a commencé à parler, notamment du côté de l'opposition, que lorsque le Président de la République s'y est fortement intéressé, alors que le projet dormait dans des cartons depuis plusieurs années. C'est désormais un projet du Président de la République, et nous allons tout faire pour le mettre en oeuvre rapidement.
    Je voudrais remercier le président du groupe UMP, Jacques Barrot, qui a souligné que, dans toute l'action que nous menons outre-mer, la jeunesse et la formation sont au coeur de nos priorités.
    Il a également insisté à juste titre sur le fait que notre loi de programme met en place un système de contrôle et d'évaluation particulièrement précis.
    Année après année, en effet, on entend des critiques non seulement sur les coûts, mais aussi sur les dérapages éventuels, pour ne pas parler de la gabegie. Si nous évaluons les choses correctement - car il n'est pas question d'avoir un cadre rigide pendant quinze ans -, si nos réalisons cette évaluation tous les trois ans, si nous contrôlons là où il faut contrôler, nous éviterons toute critique car nous aurons le courage, je m'y engage devant vous, de dire si une mesure fonctionne ou pas. Et si ce n'est pas le cas, pourquoi s'entêter à la garder ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En revanche, si une mesure marche particulièrement bien, si elle crée des emplois notamment pour notre jeunesse d'outre-mer, nous devrons nous demander si elle ne doit pas être pas amplifiée.
    Tout notre dispositif est centré sur le pragmatisme. C'est à cette condition que nous serons efficaces.
    J'ai beaucoup entendu, du côté de l'opposition, des critiques sur les problèmes budgétaires. Je constate que la gauche a quelque problème à comprendre la tuyauterie budgétaire. J'avais déjà dû faire des mises au point sur mon budget.
    On m'oppose les chiffres de la loi d'orientation pour l'outre-mer au chiffrage du projet de loi de programme. Mais il faut savoir faire des additions ! Je ne vous propose pas une chose qui en remplace une autre, mais une chose qui s'additionne à ce qui existe déjà. Les dispositifs précédents ne sont pas annulés. Mieux : je les amplifie.
    Apprenez donc, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, à faire des additions !
    Quant aux mesures de continuité territoriale, je voudrais faire une autre mise au point. On m'objecte que l'on ne voit pas très bien pourquoi ces mesures feraient baisser le coût du transport.
    Le coût du transport aérien est évidemment le plus préoccupant pour nos compatriotes d'outre-mer, qui ne sont que deux millions. Si l'on veut que la desserte aérienne soit attractive, il faut mettre en place des dispositifs d'exonération de charges sociales pour les compagnies aériennes privées.
    Cela ne s'est jamais fait. La pluralité de l'offre aérienne nous permettra de briser un monopole de fait, qui se traduit par des coûts exorbitants.
    L'économie française n'est pas une économie administrée mais une économie libérale, où la loi de l'offre et de la demande suscite des mécanismes d'ajustement automatique. Deux chiffres suffiront à le démontrer.
    Lorsque Air France s'est retrouvée en position de monopole pour la desserte de Cayenne, les tarifs ont augmenté subitement de 20 %. La simple annonce de mesures d'exonération de charges sociales, dans la limite de 1,3 SMIC, en faveur des compagnies privées qui desserviraient l'outre-mer, et alors qu'elles ne sont pas encore votées, a immédiatement suscité de l'intérêt pour la desserte de l'outre-mer. Quand à la Réunion Air austral et Air Bourbon ont manifesté leur volonté de desservir la métropole, les tarifs d'Air France ont baissé de 16 %, selon les chiffres de la direction de l'aviation civile. Nous avons un vrai problème aux Antilles, car il est clair que nous ne pouvons pas nous satisfaire que cette destination ne soit desservie que par Air France et Corsair, et encore moins de la situation de la Guyane.
    Depuis que notre dispositif est connu, beaucoup de projets de desserte des Antilles se sont dessinés ; nous sommes en train de les étudier. C'est là encore la démonstration que nos mesures seront efficaces et qu'elles auront pour conséquence de faire baisser le coût, aussi bien du transport passagers, que du fret. Rien n'est pire en tout cas qu'une situation de monopole.
    M. Gérard Grignon, vous n'avez pas à vous inquiéter du remboursement des exonérations prévues à la CPS. Je rappelle ici, comme je l'ai fait au Sénat, que, en application de l'article 29 de l'ordonnance du 26 septembre 1977, toute mesure d'exonération, totale ou partielle de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000, donne lieu à une compensation intégrale à la CPS.
    Or les exonérations prévues par le présent projet, qui seront par définition postérieures à cette dernière date, feront automatiquement l'objet de la mesure de compensation prévue par l'article 29 de l'ordonnance du 26 septembre 1977, sans qu'il soit besoin d'apporter la moindre modification à cet article.
    En outre, monsieur Grignon, j'ai rappelé au gouvernement canadien nos préoccupations concernant l'exploitation des hydrocarbures dans la zone économique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Gouvernement est mobilisé sur ce dossier, vous avez pu le constater vous-même puisque vous avez à son invitation accompagné le Premier ministre lors de son récent déplacement au Canada récemment. Cela montre à quel point il souhaite associer les élus de l'archipel à cette négociation avec le Canada, négociation difficile et que nous suivons avec grande vigilance.
    Nous essayons également d'apporter des réponses concrètes aux pêcheurs de l'archipel, en dépit du contexte délicat que nous connaissons actuellement. Vous savez qu'en concertation avec Hervé Gaymard, nous menons de concert plusieurs projets pour Saint-Pierre-et-Miquelon. J'aurai prochainement l'occasion de tenir avec lui des assises de la pêche d'outre-mer et de faire avancer ces dossiers.
    Je voudrais, sans le moindre esprit polémique, dénoncer certains propos tenus par l'opposition depuis hier, et notamment les accusations d'inspiration colonialiste dont ce projet de loi de programme a été l'objet.
    M. Mansour Kamardine et M. Didier Quentin. Scandaleux !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Très franchement, de telles accusations me consternent. Faut-il vous rappeler que c'est le Gouvernement actuel qui a fait inscrire dans la Constitution l'existence de nos collectivités d'outre-mer, qui sont enfin reconnues comme parties intégrantes de notre république ?
    M. Mansour Kamardine. Eh oui !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Faut-il vous rappeler que c'est la majorité actuelle qui a enfin rassemblé et unifié le peuple français dans la Constitution de la République grâce à un amendement, que j'ai qualifié d'historique, de René-Paul Victoria, d'André Thien Ah Koon et de Bertho Audifax ?
    Mme Huguette Bello. Nous voilà donc un seul et même peuple ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Nous avons précisément mis fin aux dernières survivances juridiques de l'époque coloniale. Faut-il encore rappeler que c'est notre président de la République qui, après avoir réalisé l'égalité sociale, s'est engagé sur l'égalité économique ? C'est l'objet de notre loi de programme. Serait-ce faire preuve de colonialisme que de vouloir réaliser l'égalité entre tous les Français ?
    Quant à tous ceux qui, de ce côté, dénoncent des promesses non tenues du chef de l'Etat, ou de mauvais arbitrages du Premier ministre, je les mets au défi de trouver un engagement du Président de la République qui ne serait pas tenu. Et cela s'adresse tout particulièrement à vous, monsieur Manscour, qui m'avez fait le grand plaisir de lire le discours que le Président de la République a tenu à Capesterre-Belle-Eau. Vous savez que je suis bien placée pour connaître le texte de ses discours. Je me demande donc si vous avez correctement lu la loi de programme, parce que, je le redis, tous les engagements passés alors par le Président de la République figurent dans cette loi, qui reprend aussi ses engagements des discours de Madiana et du Champ-Fleuri ainsi que ceux inscrits dans son programme électoral.
    Quant aux arbitrages du Premier ministre, je tiens à dire que ce dernier m'a particulièrement soutenu dans la négociation de cette loi de programme...
    Mme Christiane Taubira et M. Victorin Lurel. C'est une nouvelle !
    Mme la ministre de l'outre-mer. ... puisque, dans un contexte budgétaire très difficile, j'ai obtenu des arbitrages particulièrement favorables, y compris sur des mesures qui ne faisaient pas partie des engagements du Président de la République, car non contents de tenir tous nos engagements, nous sommes encore allés au-delà. Je pense notamment aux mesures en faveur du tourisme.
    Mme Huguette Bello. Sans doute est-ce qu'il y a tant de manifestations !
    M. Victorin Lurel. Eh oui !
    Mme la ministre de l'outre-mer. J'en viens justement aux problèmes sociaux évoqués par M. André Thien Ah Koon et Mme Bello. Je voudrais dire, aussi bien à Mme Bello qu'à M. Payet, qu'à la Réunion, comme sur n'importe quelle autre partie du territoire français, l'Etat de droit doit être affirmé.
    Nous sommes tous mobilisés par la jeunesse d'outre-mer.
    Nous voulons tous qu'elle reçoive une bonne formation. Alors au nom de quoi devrions-nous laisser ces jeunes perdre une année faute d'avoir pu passer leurs examens ? Là, franchement, j'ai beaucoup de mal à comprendre. Je voudrais citer le Premier ministre qui a affirmé récemment que « la République reconnaît le devoir de dialogue et le droit de grève. Elle doit affirmer aussi le droit à passer le bac. Le Gouvernement ne tolérera aucun débordement dans ce domaine. Dans la ligne de cette position du Premier ministre, j'ai donné instruction très clairement aux préfets de s'assurer que les centres d'examens ne seront plus bloqués par les manifestants, et de prendre toutes les mesures pour que les épreuves des examens se déroulent normalement. Je tiens à dire qu'à la Réunion, le libre accès au rectorat, qui était bloqué par les manifestants depuis plusieurs semaines, a été rétabli hier matin. Plus de 400 manifestants ont dû être dispersés pour permettre aux fonctionnaires non grévistes du rectorat d'accéder aux locaux, afin d'assurer les derniers préparatifs des examens, notamment du baccalauréat. Aujourd'hui au moment même où je vous parle, cinquante salariés du rectorat travaillent pour préparer ces examens. Les centres d'examens du BEP et du CAP fonctionnent maintenant normalement. En agissant ainsi, nous sommes uniquement motivés par le souci de répondre à l'attente légitime des familles et des candidats que ces examens se déroulent normalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'union pour un mouvement populaire.)
    M. Mansour Kamardine. Bravo !
    Mme la ministre de l'outre-mer. Il est de notre devoir de veiller au respect de l'une des libertés fondamentales que garantit l'école de la république : assurer la promotion de tous par le savoir, dans le strict respect du principe d'égalité qui doit régir le déroulement des examens.
    Monsieur Marie-Jeanne, vous avez mis, à juste titre, l'accent sur les petites entreprises. J'ai déjà eu l'occasion de dire que tout mon dispositif est centré autour des PME : parce qu'elles sont les plus susceptibles de créer de l'emploi, elles constituent notre cible privilégiée. Vous avez manifesté une inquiétude concernant les transferts financiers qui devront accompagner les transferts de compétences. Je tiens à vous rassurer sur ce point. Le Gouvernement en a inscrit le principe dans la Constitution. Il n'est désormais plus possible de transférer des compétences sans transférer les ressources correspondantes, à l'inverse de ce qui s'était passé lors des lois de décentralisation de 1982. Désormais, en tant qu'obligation constitutionnelle, cet engagement ne peut qu'être tenu.
    M. Pierre Frogier et M. Jacques Lafleur ont eu raison de demander des plans de développement spécifiques à chaque collectivité d'outre-mer. Nous en tenons compte et c'est ce que nous faisons, que ce soit par les contrats de plan, les fonds structurels européens, ou les conventions spécifiques de développement - je pense aussi aux conventions particulières de Mayotte ou de Wallis-et-Futuna. Bien évidemment, chaque collectivité doit voir sa spécifité reconnue. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, nous associerons bien évidemment les élus aux futures négociations avec l'Australie sur la délimitation du plateau continental.
    Je voudrais dire que je suis évidemment d'accord avec M. Pierre Frogier et avec M. Mansour Kamardine : on ne peut avoir une vision purement comptable de l'outre-mer.
    M. Manscour et Mme Bello m'ont reproché de n'avoir pas évoqué de nombreux sujets, d'avoir fait l'impasse sur de nombreux domaines. Comme je l'ai dit dans ma présentation, je me suis employée, conformément aux prescriptions incessamment répétées du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel, à ne proposer dans ce projet de loi que des mesures de niveau législatif. Je me suis refusé à faire de l'affichage politique, parce que ça permet peut-être de se faire plaisir, mais ce n'est pas ça qui concrètement fait avancer les choses. Qu'il s'agisse de l'éducation, de la formation ou des dossiers agricoles, l'action de ce gouvernement, en particulier de mon ministère, ne saurait se résumer à cette loi de programme.
    Le débat qui a eu lieu au Sénat a semblé très critique à Mme Bello. J'ai observé pour ma part un débat particulièrement constructif, et je me permets de noter que vos amis n'ont pas émis de vote négatif, puisque mon texte a été adopté au Sénat sans la moindre opposition.
    Victor Brial, je tiens à vous remercier vivement pour vos propos, et aussi pour avoir associé toute mon équipe à vos remerciements. Son travail a été effectivement considérable, et je vous remercie en leur nom de l'avoir mentionné. Vous avez évoqué les problèmes bien connus de Wallis-et-Futuna, et vous avez émis le voeu que soient prises des mesures spécifiques. Sans vouloir m'étendre davantage à ce stade, je peux d'ores et déjà vous assurer que vous avez été entendu, comme vous le verrez au cours de notre débat.
    M. Philippe Auberger. Ça s'arrose, monsieur Brial !
    M. Victor Brial. C'est déjà fait ! (Sourires.)
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je vous remercie Alfred Almont, de votre excellente analyse de la situation économique. Je vous remercie aussi d'avoir évoqué des dossiers agricoles importants, que nous défendons au quotidien. Nous avons des échéances européennes à respecter en ces matières et loin de nous l'idée de les négliger. Là encore, c'est la démonstration que cette loi-programme ne résume pas, fort heureusement, toute l'action que nous menons sur l'ensemble des dossiers de l'outre-mer.
    Pour ne pas quitter la question agricole, je tiens à rassurer Christophe Payet : le projet de décret relatif à la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles des DOM est maintenant finalisé, et dès la semaine prochaine il sera en consultation dans les collectivités territoriales.
    M. Christophe Payet. Merci, madame.
    Mme la ministre de l'outre-mer Je voudrais vous dire monsieur Audifa, que j'approuve totalement vos propositions pour l'« après-loi de programme ». Vous démontrez ainsi, et je vous en remercie, que tout ne s'arrête pas avec cette loi de programme, notamment en ce qui concerne le chantier social que vous évoquez, préoccupation à mes yeux essentielle. Nous l'avons d'ailleurs déjà ouvert. Vous avez évoqué le problème de l'aide aux entreprises qui souhaitent exporter. Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer aux milieux socio-professionnels, il faudrait qu'enfin on utilise l'outil de la prime à l'export, dispositif qui existe depuis la loi Perben de 1994. Et j'incite les entreprises à utiliser ce dispositif ; il est certes lié à la création d'emplois, mais cela ne saurait constituer un obstacle, au moment où nous menons la bataille pour l'emploi.
    Eric Jalton, je suis d'accord avec vous pour dire que beaucoup de choses sont encore perfectibles. Je souhaite que notre dispositif d'évaluation tous les trois ans puisse nous y aider. Sachez que toute proposition de votre part - et vous m'avez déjà indiqué les sujets qui vous tiennent à coeur - ne se verra pas opposer une fin de non-recevoir. Nous les prenons en compte pour essayer de les intégrer progressivement au dispositif, en espérant que la situation budgétaire s'éclaircira bientôt. Je crois, en effet, que les mesures que vous avez rapidement évoquées sont particulièrement opportunes et fondées. En tout cas, je suis dans l'état d'esprit de vouloir améliorer tout le dispositif dès que possible pour le rendre encore plus efficace et créateur d'emplois.
    Frédéric de Saint-Sernin a souhaité, lui aussi, que l'effort consenti en matière de réhabilitation hôtelière et de défiscalisation ne se limite pas aux DOM. Pour l'instant, cette mesure est ciblée sur les DOM, tant nous étions préoccupés par la crise aux Antilles. Mais nous verrons s'il y a lieu de l'étendre progressivement à d'autres collectivités.
    Chaque fois, monsieur Kamardine, que vous évoquez Mayotte, nous sommes tous très attentifs à vos propos et tous admiratifs. Nous devons absolument aider cette collectivité, si française dans sa chair. Nous devons accélerer le processus de rattrapage, qui demande d'énormes efforts. D'ores et déjà, nous avons rétabli, à côté du contrat de plan, la convention de développement, que le gouvernement socialiste avait supprimée, pour vous aider à y parvenir plus rapidement. Je prends devant vous l'engagement fort que nous essaierons de raccourcir les délais que nous avons prévus. J'espère que très vite nous pourrons prévoir une adaptation de nos dispositifs à Mayotte pour que cette collectivité en bénéficie totalement.
    J'indique que nous souhaitons créer très vite une vraie fonction publique à Mayotte. Le Gouvernement présentera un amendement en ce sens pour que Mayotte évolue plus rapidement vers le statut de département, qui est déjà en filigrane dans le statut de collectivité départementale actuel. Je tiens à saluer ici votre souci de modernisation de la société mahoraise. Il était particulièrement remarquable de prendre une telle position au cours du débat, sur une question qui n'est pas facile.
    Nous ferons le maximum pour satisfaire le souci de Mme Béatrice Vernaudon de voir la double défiscalisation s'appliquer en Polynésie. Nous verrons les évolutions possibles dans quelque temps. Vous le savez, les communes de la Polynésie feront bientôt l'objet de mesures nouvelles. Le chantier du statut du personnel communal est notamment ouvert. Vous le voyez, nous sommes très mobilisés sur les dossiers polynésiens.
    Merci, monsieur Victoria, de vos paroles. Vous avez eu raison de parler du réel problème du coût des intrants, qui ne se pose plus désormais qu'à la Réunion. Les trois autres DOM ont pu régler cette question dans le cadre des DOCUP et des fonds structurels européens. C'est vrai, la région Réunion est plutôt défaillante sur ce dossier. Il va bien falloir pourtant y remédier si on veut que la Réunion ne soit pas pénalisée par rapport aux trois autres DOM, et que les entreprises réunionnaises puissent rapidement surmonter cet obstacle.
    Vous avez eu raison, madame Rimane, de rappeler que les problèmes budgétaires des collectivités locales ne sont pas dus à un manque de rigueur budgétaire. Nombreux sont les maires en Guyane, comme dans tout l'outre-mer, à conduire une gestion particulièrement rigoureuse de leur commune. Mais malheureusement, nous le savons tous, ces problèmes sont réels.
    Je souligne à cet égard que la défiscalisation appliquée aux concessions de service public va permettre à beaucoup de communes de s'équiper en infrastructures dont le manque est patent. Nous allons corriger la situation actuelle, très inéquitable, grâce à un système de péréquation et à des critères spécifiques pour les dotations de l'Etat destinées à l'outre-mer.
    C'est un principe que nous avons inséré dans cette loi-programme et dans le projet de loi sur l'autonomie financière des collectivités locales. Les spécificités de l'outre-mer seront prises en compte afin de rétablir l'égalité et l'équité.
    Merci, madame Louis-Carabin, de faire confiance au Gouvernement pour ces dispositions d'exonération et de défiscalisation, surtout pour l'aide au tourisme, secteur particulièrement porteur en Guadeloupe. Merci également de nous avoir communiqué votre énergie sur tous ces dossiers.
    J'ai particulièrement apprécié, monsieur Quentin, que vous ayiez fait l'effort, comme je le fais régulièrement moi-même, de tordre le cou à toutes les contrevérités qui circulent sur l'outre-mer. Je vous remercie de votre appui à la navigation de plaisance, secteur à propos duquel on a proféré tant d'erreurs en confondant la croisière et la plaisance, alors que ceux qui connaissent un tant soit peu le terrain savent à quel point ce produit touristique est original aux Antilles, et à quel point il a besoin de moyens pour se développer et résister à la concurrence féroce des Etats voisins.
    Vous m'avez interrogée sur les échéances européennes au-delà de 2006. Nous avons pris toutes les dispositions pour que l'article 299-2 du traité d'Amsterdam se retrouve en bonne place dans la Constitution européenne, ce qui permettra à nos DOM de rester en objectif 1, et de continuer à bénéficier des fonds structurels européens. Ce sera encore plus important dans l'Europe élargie. Nous préparons ces échéances à l'horizon 2004, avant même celles de 2006.
    Avec l'Espagne, le Portugal et la Conférence des sept régions ultrapériphériques, présidée par Alfred Marie-Jeanne, président de la région Martinique, nous avons rédigé tous ensemble un mémorandum que nous avons remis, il y a quelques jours, à Michel Barnier pour que nos dossiers soient bien défendus, pour que nos RUP conservent les avantages dont elles bénéficient dans le système actuel de dérogation au droit communautaire.
    2006, c'est aussi d'autres échéances, comme celle de l'OCM Banane. Avec Hervé Gaymard, nous avons mis en place des groupes de travail depuis le début de l'année pour défendre à la fois le volet interne et le volet externe de cette OCM.
    Enfin, pour conclure sur les questions européennes, j'ai entendu, au cours de ce débat, émettre des doutes sur la position de Bruxelles quant à notre système de défiscalisation. Ce n'est un secret pour personne : nous avons besoin du feu vert de Bruxelles. Mais, parce que nous nous y sommes pris très à l'avance, j'espère que je n'aurai pas à attendre treize mois, comme le gouvernement précédent, avant qu'il n'obtienne l'aval sur un dispositif qui ne faisait pourtant que consolider le peu de chose qui restait de la loi Pons. Nous avons pris contact avec la Commission dès le mois d'octobre et nous travaillons ensemble sur le nouveau système de défiscalisation. Après cinq réunions avec elle, nous sommes en train de répondre à un questionnaire qui vient de nous être adressé. J'ai donc bon espoir que Bruxelles nous confirme rapidement son accord.
    Telles sont, mesdames et messsieurs les députés, les premières réponses que je souhaitais vous apporter. Pour ce qui concerne vos propositions d'amélioration du texte, vous connaissez, tous et toutes, nos contraintes budgétaires. Je rappelle que cette loi fera l'objet d'une évaluation tous les trois ans et que les ajustements qui ne pourront pas être pris en compte aujourd'hui seront reconsidérés à cette échéance. Je m'y engage devant vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du titre Ier :

TITRE Ier
MESURES EN FAVEUR DE L'EMPLOI

    MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul et Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 156, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans les deux ans suivant la promulgation de la loi n° de programme pour l'outre-mer, le Gouvernement dépose sur le bureau du Parlement un rapport présentant l'orientation générale d'un projet de loi de programme pour Wallis-et-Futuna.»
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, vous me permettrez, avant de défendre cet amendement, de faire deux petites observations.
    D'abord, je ne comprends pas très bien le déroulement de nos travaux et, en particulier, de vos interventions, madame la ministre. Mais c'est fait et on n'y peut plus rien.
    Ensuite, j'espère, moi aussi, que Bruxelles nous donnera une réponse favorable. Je vous signale que, sous le gouvernement de M. Jospin, l'attente avait duré non pas treize, mais onze mois. Sous le vôtre, voilà déjà neuf mois que Bruxelles a reçu les documents et que les échanges de courriers se succèdent. Mais j'ai cru comprendre, au vu des rapports qui nous sont remis, que des voyages avaient été organisés auprès des services de la Commission pour accélérer le processus.
    L'amendement n° 156 vise à faire respecter les engagements du Président de la République à l'égard de Wallis-et-Futuna. Dans les deux ans, le Gouvernement devrait déposer sur le bureau du Parlement un rapport présentant l'orientation générale d'un projet de loi de programme concernant cette collectivité.
    Parce que les outre-mer sont divers, on cherche à les différencier, autant que possible, sans pour autant ignorer leurs points communs, en matière institutionnelle. Or, en matière économique, sans tenir compte de leurs spécificités, on a tout globalisé au sein d'une seule et même loi de programme.
    Le Président de la République, dans ses déplacements de campagne, avait pris des engagements forts. C'était le cas pour Wallis-et-Futuna. C'est pour rappeler ces engagements que le groupe socialiste a déposé cet amendement portant article additionnel avant l'article 1er.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Je donnerai en même temps l'avis de la commission sur les amendements n°s 156, 158 et 157, puisqu'ils déclinent le même principe.
    La commission les a rejetés pour une raison très simple, monsieur Lurel, c'est qu'il n'est pas question, dans cette loi, de faire des injonctions au Gouvernement, ce qui serait d'ailleurs inconstitutionnel. Le Gouvernement aura l'occasion, ne serait-ce qu'au moment de l'examen des lois de finances, de dresser l'état de la situation économique dans chacun des territoires dont vous parlez, qu'il s'agisse de Wallis-et-Futuna, des îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy ou des îles La Désirade, Marie-Galante et les Saintes. Dans ces conditions, une telle injonction paraît tout à fait inutile, voire déplacée.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 156 ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Lurel, avant d'envoyer un texte à la Commission, encore faut-il qu'il ait été adopté par le Parlement.
    Cela dit, votre amendement m'étonne. Je viens de vous expliquer que, pour Wallis-et-Futuna, nous avons rétabli la convention de développement économique que vous aviez supprimée. Alors, franchement, pourquoi nous demander maintenant de prévoir un dispositif particulier pour ce territoire ? C'est fait depuis la fin de l'année dernière. Nous n'avons pas attendu vos injonctions !
    Avis défavorable du Gouvernement.
    M. le président. La parole est à M. Victor Brial.
    M. Victor Brial. Je remercie M. Lurel de sa sollicitude. Mais je voudrais surtout rafraîchir la mémoire de M. Jean-Jack Queyranne et de M. Christian Paul, qui furent tous deux chargés de l'outre-mer et qui sont signataires de cet amendement.
    Je suis député de Wallis-et-Futuna depuis 1997 et je me rappelle fort bien que M. Jean-Jack Queyranne a refusé le renouvellement de la convention de développement 1995-2000. Quant à M. Christian Paul, il a refusé de consentir un effort supplémentaire fin 2000, alors qu'une disposition autorisait le secrétariat d'Etat à faire un avenant. M. Axel Urgin, son directeur de cabinet, m'avait reçu avec des délégations à plusieurs reprises. Il nous avait fait des promesses mais, malheureusement, il a fallu attendre que le Président de la République puisse constituer son nouveau gouvernement pour que l'on commence à honorer les engagements pris auprès des Wallisiens et Futuniens depuis cinq ans.
    Je vous confirme, monsieur Lurel, que les engagements du Président de la République sont tenus. Nous bénéficions d'une convention de développement et également d'une stratégie de développement durable sur quinze ans.
    M. Bertho Audifax. Mais M. Lurel n'a pas de mémoire !
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. M. le rapporteur parle d'injonctions. Mais si l'amendement est adopté, il ne s'agira plus d'injonctions. Le texte est parsemé de dispositions prévoyant le dépôt de rapports. Si nous n'avons même plus un pouvoir d'amendement pour demander au Gouvernement de mieux respecter les engagements qu'il prend devant les électeurs, surtout à la faveur de campagnes électorales, à quoi sert le Parlement ?
    J'espère, Monsieur Brial, que la convention de développement de Wallis-et-Futuna respecte les engagements pris et que les crédits correspondants ont été inscrits. Quant à la stratégie prévisionnelle de développement durable, nous aurons l'occasion d'en reparler. Nous prenons date.
    M. Bertho Audifax. De quoi je me mêle !
    M. Gérard Grignon. C'est M. Brial, l'élu de Wallis-et-Futuna !
    M. le président. Mes chers collègues, nous nous devons un respect mutuel. C'est le premier amendement. Si déjà les prises à partie commencent, nous ne sommes pas couchés ! ...
    Je mets aux voix l'amendement n° 156.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel a présenté un amendement, n° 158, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans les deux ans suivant la promulgation de la loi n°         de programme pour l'outre-mer, le Gouvernement dépose sur le bureau du Parlement un rapport présentant l'orientation générale d'un projet de loi de programme pour les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthelémy... »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement procède du même esprit que le précédent. Puisqu'il s'agit de mon département, la Guadeloupe, j'en dirai quelques mots.
    Les deux îles du nord, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ont fait le choix d'une évolution institutionnelle. Conformément aux voeux émis par leurs élus et très bientôt, je l'espère, à la volonté exprimée par leur population, ces deux îles connaîtront prochainement un autre statut, relevant probablement de l'article 74 de la Constitution. C'est un choix que je soutiens.
    En revanche, sur le plan économique, la loi de programme qui nous est soumise ne répond pas du tout aux spécificités de ces îles. Elles se situent dans un environnement international « travaillé » par le dollar ; elles sont entourées d'autres îles où la compétition économique est très sévère et qui n'ont pas la même législation sociale que la nôtre. A Saint-Martin, qui est divisée par une frontière fictive, le salaire minimum de la partie hollandaise doit être deux fois inférieur au SMIC de la partie française.
    Il faut donc mettre Saint-Martin sinon à égalité, du moins à parité de concurrence économique, tout en y préservant la législation sociale qui fait l'honneur de la République. Cela suppose un plan spécifique conforme à ce que le Président de la République avait annoncé. Vous connaissez le respect, j'allais presque dire l'affection que nous avons pour le président de l'Assemblée, M. Debré. Il est venu à l'époque, en qualité de représentant de M. Chirac, alors candidat, promettre à Saint-Martin une loi de programme spécifique.
    Là encore, on me dira que cela s'apparente à une injonction. Oui, j'aimerais bien que nous puissions, en quelque sorte, faire injonction au Président de la République et à la majorité de l'Assemblée de respecter l'engagement solennel pris devant les électeurs.
    Pour Saint-Barthélemy, on sait qu'il faut opérer un rattrapage. On est en train de faire la décentralisation. On a diagnostiqué le retard pris. On va peut-être transférer de l'argent, mais sans tenir compte du retard accumulé et du rattrapage nécessaire pour mettre l'île au moins au standard moyen d'un département de métropole. Il manquera donc des crédits et le retard perdurera. D'où notre volonté de prévoir une loi de programme spécifique pour ces deux îles du nord de la Guadeloupe.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Rejet, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel a présenté un amendement, n° 157, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans l'année suivant la promulgation de la loi n°             de programme pour l'outre-mer, le Gouvernement dépose sur le bureau du Parlement un rapport sur l'impact des dispositions de celle-ci sur la situation économique et sociale des îles de la Désirade, Marie-Galante et les Saintes et propose, le cas échéant, des mesures spécifiques au développement de ces îles.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. La Guadeloupe a aussi ses îles du sud - la Désirade, les deux îles des Saintes, Terre-de-Bas et Terre-de-Haut, Marie-Galante - qui sont victimes d'un triple, voire d'un quadruple handicap d'insularité. Les marchandises déjà importées en Guadeloupe doivent y être réexpédiées, ce qui entraîne des coût surmultipliés. Des mesures spécifiques s'imposent également pour le développement de ces îles.
    Un collectif de socioprofessionnels a été créé. Il a été reçu partout et des promesses lui ont été copieusement et généreusement prodigués. Depuis, plus rien ! Les mesures contenues dans la loi de programme ne répondent pas aux contraintes particulières des îles du sud. Je le répète, il faut respecter les engagements pris devant les citoyens.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 157.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 226, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer la division et l'intitulé suivants :
    « Titre Ier A. - Promotion de la culture et de la connaissance de l'outre-mer. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Il s'agit du rayonnement de la France et du rayonnement de la culture des outre-mer, ici et ailleurs. Il s'agit également de dignité, car la dignité ne passe pas que par le travail. On ne doit pas réduire l'homme à sa seule dimension laborieuse. Nous pensons qu'il s'épanouit aussi par la culture.
    Nous sommes riches de nos outre-mer ; l'outre-mer est riche de diversité. Nous sommes d'accord avec Mme la ministre quand elle déclare dans la presse qu'il y a une méconnaissance, pour ne pas dire une ignorance, des outre-mer en France européenne. Nous aimerions que la culture, l'identité de nos dix collectivités soient mieux défendues, mieux promues en France pour remédier à cette méconnaissance et ce désintérêt.
    M. le président. Peut-on considérer, monsieur Lurel, que vous défendez en même temps les amendements n°s  154, 155, 227, 228 et  229, qui ont la même inspiration ?
    M. Victorin Lurel. Non, monsieur le président. Je les défendrai successivement. Il s'agit de l'histoire de nos îles, de l'esclavage. Là, je propose simplement qu'un titre additionnel soit inséré dans le projet.
    M. le président. Vous ne souhaitez donc pas intervenir globalement sur ces dix amendements ?
    M. Victorin Lurel. Pour l'instant, j'aimerais intervenir sur chaque amendement. Mais je ferai tout pour accélérer le débat, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 226 ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Monsieur le président, la commission a repoussé l'amendement n° 226 même s'il est tout à fait sympathique. Si nous n'étions pas pour la promotion de la culture et de la connaissance de l'outre-mer, nous ne serions pas ici aujourd'hui, mais dans nos circonscriptions - en tout cas, ce serait mon cas.
    Mais, puisque nous débattons d'une loi de programme pour l'emploi et pour l'économie, les problèmes de la culture et de la connaissance de l'outre-mer n'y ont malheureusement par leur place. L'avis de la commission est donc défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Même position, avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 154, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans le cadre existant des cours de géographie et d'histoire au collège, les enseignants doivent consacrer une partie du programme à l'histoire et à la géographie de l'outre-mer. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Toujours dans le cadre du développement culturel et de la connaissance que devraient avoir les citoyens de la République de certaines parties de son territoire, notre amendement propose que les enseignants consacrent une partie de leurs cours et de leurs programmes à l'histoire et à la géographie de l'outre-mer. Ce n'est pas encore le cas, malgré les engagements pris du temps du gouvernement de M. Jospin. Nous aimerions que ce point ne soit pas oublié au cours des quinze ans à venir.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Avis défavorable. Il s'agit encore d'un amendement très sympathique, mais qui n'a manifestement pas sa place dans ce projet. La disposition proposée est du domaine réglementaire. Et puis, si nous devions fixer l'ensemble des programmes de l'enseignement primaire, secondaire et universitaire, toute une loi de programme n'y suffirait pas.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable, monsieur le président, d'autant plus que la préoccupation ici exprimée a déjà fait l'objet d'instructions en 2001-2002. La question ne relève pas du niveau législatif.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 155, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Chaque école située outre-mer est jumelée avec au moins une école en métropole. Sous réserve de réciprocité, les élèves des écoles se rencontrent dans leurs villes respectives au moins une fois au cours de leur scolarité. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, cet amendement consiste à jumeler chaque école située outre-mer avec au moins une école de métropole. Sous réserve de réciprocité, les élèves des écoles se rencontreraient dans leurs villes respectives au moins une fois au cours de leur scolarité.
    Une telle disposition peut paraître anodine, mais les enfants qui étaient réunis ici même, le 17 mai, pour le Parlement des enfants, ont adopté une proposition, qui sera défendue par le député de la circonscription concernée, portant sur l'apprentissage des gestes de premier secours. L'an dernier, la proposition retenue tendait précisément à un jumelage avec des écoles européennes. Ce que nous proposons contribuerait à une meilleure connaissance de l'outre-mer, dès le plus jeune âge.
    Tel est donc le sens de cet amendement : des échanges pour une meilleure connaissance et, je crois pouvoir le dire, pour une meilleure compréhension, si ce n'est une plus grande fraternité.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Même avis que précédemment, défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 155.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 227, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Il est institué sur tout le territoire de la République une "fête nationale des outre-mers.
    « Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 19 mars de chaque année ou à une autre date choisie par le Gouvernement après consultation des représentants de ces territoires.
    « Cette journée est l'occasion, à travers des événements médiatiques et décentralisés, de mettre en valeur le patrimoine naturel et culturel des outre-mers, leur histoire, leur richesse et leur atout. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je l'ai dit en défendant la motion de renvoi, nous voulons voir instituer sur tout le territoire de la République une fête nationale des outre-mer, qui ne serait ni fériée ni chômée et dont la date serait fixée, si vous en êtes d'accord, au 19 mars. Bien entendu, on peut discuter de cette date et en choisir une autre, mais elle est tout de même une date très symbolique, puisque le 19 mars 1946, c'est le jour où quatre vieilles colonies furent érigées en départements français.
    Vous me permettrez d'ajouter une touche locale, car être un député de la nation n'empêche pas de s'intéresser à toutes ses composantes, y compris à Wallis-et-Futuna. Le 19 mars, c'est également la fête patronale de ma commune, et c'est la Saint-Joseph, la fête du travail. Pour ces raisons, le choix du 19 mars, date emblématique du rattachement fort et conséquent des vieilles colonies, aujourd'hui départements de la République, m'agréerait particulièrement.
    Tel est le sens de l'amendement que j'ai déposé, là encore avec le souci de mieux faire connaître nos pays et nos cultures.
    Celles et ceux qui seraient davantage "branchés sur l'abolition de l'esclavage pourraient préférer le 27 avril. Mais ce choix risquerait de nous diviser, car les dates sont différentes selon qu'il s'agit de la Martinique, de la Guadeloupe ou de la Réunion.
    M. Christophe Payet. Décembre à la Réunion !
    Mme Juliana Rimane. 10 juin en Guyane !
    M. le président. Monsieur Lurel, votre président de séance se trouve être l'élu d'un département où il y a beaucoup de rues du 19-Mars. Alors, permettez-lui de vous inviter à bien considérer le risque de faire descendre dans la rue, alors qu'ils n'y sont pas encore, les anciens combattants. La date du 19 mars a une autre connotation, à cause de l'année 1962, vous le savez bien.
    M. Victorin Lurel. La fin de la guerre d'Algérie.
    M.  le président. Maintenant je rentre dans mon rôle de président pour demander l'avis de la commission.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'estime qu'il n'a pas du tout sa place dans une loi de programme qui traite de l'économie, de l'emploi et de l'activité. En outre, j'observe que notre collègue ne sait pas très bien si sa proposition est tout à fait définitive, puisqu'il apparaît que certaines dispositions sont à géométrie variable. Une loi doit comporter des prescriptions précises, fixes et intangibles. Non, on ne peut pas accepter un tel amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. La visibilité des cultures et des identités d'outre-mer en métropole est, cela va de soi, au coeur de mes préoccupations. Mais la proposition que nous venons d'entendre mérite à mon sens des débats et une concertation préalable, un tel sujet ne pouvant être que consensuel. Elle n'a pas sa place au détour d'un amendement, sauf à vouloir se livrer à une simple opération d'affichage politique. Je ne reviens pas davantage sur la date du 19 mars, dont le président a bien voulu dire qu'elle pouvait être interprétée d'autre façon.
    Je voudrais tout de même faire observer, puisque vous êtes attaché aux commémorations, monsieur le député, que mon prédécesseur a négligé de prendre le décret d'application de la très belle loi du 21 mai 2001, qui votée à l'initiative de Mme Taubira, tend à reconnaître la traite et l'esclavage comme des crimes contre l'humanité. Or ce décret est nécessaire pour instaurer la commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage. Et je m'engage devant vous à combler cette lacune dans les meilleurs délais. Ainsi, nous aurons enfin une date nationale pour commémorer cet événement, ce que vous avez défendu à juste titre, madame Taubira ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Didier Quentin. Enfin !
    M. Victorin Lurel. Je ne peux pas laisser dire cela !
    M. Mansour Kamardine. Mais enfin ! On est d'accord avec vous !
    M. le président. Chers collègues, je vous invite à ne pas vous prendre à partie d'un bord à l'autre de l'hémicycle !
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je prends acte de ce que vous venez de dire, madame le ministre, mais j'aimerais que vous preniez des engagements pour entamer la discussion et aboutir à l'institution d'une fête nationale.
    Vous avez dit, monsieur le président, que la date du 19 mars correspondait à l'armistice ou à la signature des accords d'Evian en 1962 !
    M. le président. Oui.
    M. Victorin Lurel. Eh bien, en effet, je ne vois pas en quoi cette date devrait choquer nos amis anciens combattants !
    M. le président. Je ne suis pas choqué du tout, mais d'autres pourraient l'être !
    M. Victorin Lurel. Nous n'avons pas l'intention d'usurper quoi que ce soit mais il s'agit tout de même d'une date fondatrice pour nous aussi. Il me semble donc qu'elle devrait faire partie de ce qui sera mis sur la table dans le cadre de la discussion consensuelle que Mme la ministre s'est engagée à ouvrir. Non, nous n'avons pas d'arrière-pensée politicienne. Si arrière-pensée il y a, c'est de l'affection pour l'outre-mer et le souci de voir mieux défendus les intérêts, ici même, sur le territoire métropolitain.
    Pour ce qui est du décret d'application de la loi dite « Taubira ».
    Mme la ministre de l'outre-mer. Ce n'est pas la même chose !
    M. Victorin Lurel. Voilà fait quelque temps que j'ai lu ce texte mais il me semble que certaines dispositions sont immédiatement exécutoires. Je parle sous le contrôle de ma collègue. Pourtant, depuis que vous êtes au pouvoir, madame, le texte a été retardé au Sénat à cause de certaines arrière-pensées. Sans la majorité socialiste, Mme Taubira n'aurait pas abouti dans ses démarches.
    Qu'avez-vous fait ? Je vous demande, là aussi, madame la ministre, de prendre des engagements forts pour inscrire, comme cela devrait être, l'enseignement correspondant dans les programmes. Peut-être faut-il un texte, une circulaire ou un décret mais je n'hésiterai pas, madame, par d'autres moyens s'il le faut, à vous interpeller. En tout cas, je prends acte de votre réponse.
    M. le président. La parole est à M. Eric Jalton.
    M. Eric Jalton. Les préoccupations de notre collègue Lurel sont légitimes et partagées par l'ensemble des élus de l'outre-mer. Je me réjouis qu'un consensus ait pu être réuni pour que le peuple français prenne en considération la culture de l'outre-mer. Cela rejoint les initiatives du Président de la République et de Mme la ministre à propos de la création d'un centre culturel et des affaires dans l'Hexagone. Et je me félicite que nous puissions, demain, servir, davantage faire aimer et respecter l'outre-mer dans l'Hexagone.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 228, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans le cadre de ses missions, le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille à ce que les télévision et radio consacrent au moins une partie de leur programme à la diffusion de la culture, notamment musicale, des outre-mers.
    « Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de cet article. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement fait partie de la batterie d'amendements que j'ai présentés pour défendre nos identités et nos cultures. Il ne s'agit pas de s'enfermer dans une identité crispée ou de sombrer dans je ne sais quel communautarisme, mais de faire connaître et de faire vivre autrement l'altérité. On ne peut bien échanger et communiquer que lorsque l'on s'appartient, lorsque l'on se connaît soi-même, lorsque l'on est enraciné, implanté dans sa terre et sa culture. Pour le million de personnes venant des DOM, nous aimerions que leur culture soit connue.
    Je propose donc que la diffusion de la culture des outre-mers, et notamment la culture musicale, soit inscrite dans le cadre des missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel. La musique de la Caraïbe et de la Réunion a fait la richesse du patrimoine musical français pendant les vingt dernières années, avec, par exemple, le maloya, le zouk, la biguine, le gwoka... Sans aller jusqu'à parler de quotas - un mot que je n'aime pas -, nous demandons que ces musiques soient mieux connues et plus régulièrement diffusées.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M.  Philippe Auberger, rapporteur. Monsieur le président, la commission a repoussé cet amendement. Comme les précédents, il n'a pas sa place dans cette loi de programme, qui vise à promouvoir l'économie et l'emploi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, tout simplement parce que les dispositions qu'il propose existent déjà. Les cahiers des missions et des charges des chaînes du groupe France Télévisions stipulent que France 2, d'une part, « convient avec RFO des conditions dans lesquelles sont produites des émissions destinées à être intégrées dans ses programmes à des heures d'écoute favorables et rendant compte de la vie économique, sociale et culturelle dans les départements et territoires d'outre-mer », et que France 3, d'autre part, « programme chaque semaine, à une heure d'écoute favorable, un magazine sur les départements et territoires d'outre-mer produits par la société RFO ».
    Le respect des obligations inscrites dans le cahier des missions et des charges des sociétés publiques de l'audiovisuel fait l'objet d'un compte rendu au CSA. La politique définie et mise en oeuvre par la direction de ces chaînes en faveur de l'outre-mer est sans doute encore insuffisante en pratique, mais son amélioration ne me semble pas pouvoir être acquise par cet amendement. Avis défavorable à l'amendement.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Là aussi, je prends acte de ce qui vient d'être déclaré. Mais si tout allait bien, comment expliquer l'initiative de Musiques France Plus, qui représente les éditeurs, auteurs, compositeurs, producteurs et créateurs musicaux des vingt et un pays de la zone Caraïbe, et en particulier de la Caraïbe française, et qui, après les deuxièmes rencontres caribéennes des auteurs et créateurs de musique, demande à revenir au quota de 40 %, en consacrant la différence de 5 % par rapport aux 35 % actuels à leur répertoire ? Nous aurons l'occasion d'y revenir, afin de mieux répondre à la demande des socioprofessionnels.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel a présenté un amendement, n° 229, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille tout particulièrement dans l'outre-mer au pluralisme de l'information, y compris hors période électorale, et à l'indépendance, notamment financière, des médias.
    « Il remet annuellement au représentant de l'Etat dans ces collectivités ainsi qu'aux responsables de partis politiques un compte rendu des temps de passage de ceux-ci.
    « Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de cet article. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Il s'agit d'un amendement de plus grand poids. Là, il en va, pour ainsi dire, de l'équilibre démocratique et des contrepouvoirs démocratiques. Le pouvoir arrête le pouvoir, ce n'est pas moi qui le dit. On aura très bientôt l'occasion de le vérifier, à la faveur des débats institutionnels et statutaires engagés dans nos régions, où il faut garantir la pluralité et la diversité des expressions.
    En région insulaire, la moindre concentration de pouvoir peut être calamiteuse, et se faire sentir tel un tambour résonnant dans les moindres recoins de l'île. On le voit en Guadeloupe, là où je vis, je peux donc parler d'une réalité vécue et parfois douloureusement où il y a une concentration, une mise sous influence, pour ne pas dire une mise sous tutelle. Dans le service public de l'audiovisuel, la présence du Gouvernement sur les ondes est obsédante. Les relations avec les radios privées sont telles que, dans certaines d'entre elles, il peut y avoir persona non grata. Certains élus ne peuvent pas passer.
    Il faudrait donc que le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille tout particulièrement outre-mer au pluralisme de l'information - y compris hors période électorale - et à l'indépendance, notamment financière, des médias. Je n'aimerais pas m'entendre répondre que le sujet n'a pas sa place dans la loi-programme sous prétexte que ce n'est pas question d'argent.
    Au-delà de l'aspect économique, il y a - et c'est le plus important - la liberté, l'équilibre dans l'expression, la garantie d'accès aux plates-formes audiovisuelles, qui prennent une acuité particulière dans de petites régions où toute concentration de pouvoir est calamiteuse pour la démocratie.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission a refusé cet amendement. Notre collègue a très justement dit qu'il s'agissait avant tout de liberté et de pluralisme, et que les aspects financiers, s'il y en avait, étaient véritablement mineurs. Manifestement, nous ne sommes pas en train de légiférer sur les problèmes de liberté, en particulier de liberté d'expression. Dès lors cet amendement n'a effectivement pas sa place dans notre discussion.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - I. - Le premier alinéa et les I, II, III et IV de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont remplacés par les dispositions suivantes :
    « Art. L. 752-3-1. - Dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1, les employeurs, y compris les employeurs du secteur artisanal, sont exonérés du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de sécurité sociale, dans les conditions suivantes :
    « I. - L'exonération est égale à 100 % du montant des cotisations patronales afférentes aux salaires et rémunérations des salariés employés dans la limite d'un montant de rémunération égal au salaire minimum de croissance majoré de 30 % dues par :
    « 1° Les entreprises, employeurs et organismes mentionnés à l'article L. 131-2 du code du travail, occupant dix salariés au plus, dénombrés selon les dispositions de l'article L. 421-2 du code du travail. Si l'effectif vient à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l'exonération est maintenu dans la limite des dix salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l'exonération est acquis dans le cas où l'effectif d'une entreprise passe au-dessous de onze salariés ;
    « 2° Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics occupant cinquante salariés au plus. Le taux d'exonération est réduit à 50 % au-delà de ce seuil d'effectif ;
    « 3° A l'exclusion des entreprises et établissements publics mentionnés à l'article L. 131-2 du code du travail :
    « - les entreprises de transport aérien assurant la liaison entre la métropole et les départements d'outre-mer ou les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, ou assurant la liaison entre ces départements ou ces collectivités, ou assurant la desserte intérieure de chacun de ces départements ou de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon ; seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés dans l'un de ces départements ou de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
    « - les entreprises assurant la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points de chacun des départements d'outre-mer ou de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, ou la liaison entre les ports de Guadeloupe, Martinique et Guyane, ou la liaison entre les ports de la Réunion et de Mayotte.
    « Pour l'application des dispositions du I, l'effectif pris en compte est celui qui est employé par l'entreprise dans chacun des départements ou collectivités concernés, tous établissements confondus dans le cas où l'entreprise compte plusieurs établissements dans le même département. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues par les articles L. 421-1 et L. 421-2 du code du travail.
    « II. - L'exonération est égale à 100 % du montant des cotisations patronales dans la limite d'un montant de rémunération égal au salaire minimum de croissance majoré de 40 % applicable aux cotisations afférentes aux salaires et rémunérations des salariés employés par les entreprises, quel que soit leur effectif, des secteurs de l'industrie, de la restauration à l'exception de la restauration de tourisme classée, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication et des centres d'appel, de la pêche, des cultures marines, de l'aquaculture, de l'agriculture, y compris les coopératives agricoles et sociétés d'intérêt collectif agricoles et leurs unions, les coopératives maritimes et leurs unions.
    « III. - L'exonération est égale à 100 % du montant des cotisations patronales dans la limite d'un montant de rémunération égal au salaire minimum de croissance majoré de 50 % applicable aux cotisations afférentes aux salaires et rémunérations des salariés employés par les entreprises, quel que soit leur effectif, des secteurs du tourisme, de la restauration de tourisme classée et l'hôtellerie.
    « IV. - Lorsque dans une même entreprise ou un même établissement sont exercées plusieurs activités, l'exonération est applicable au titre des salariés employés dans chacune des activités relevant des secteurs mentionnés aux I, II et III au taux et sur l'assiette de rémunération correspondant à cette activité.
    « V. - Les exonérations prévues par le présent article ne peuvent être cumulées avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale. »
    « II. - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension aux centres d'appel des exonérations prévues au II de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Nous commençons maintenant l'examen des articles adoptés par le Sénat. En général, l'article 1er forge l'identité du texte qu'il introduit. Celui qui nous est soumis n'échappe pas à la règle. Il prévoit des allégements de charges sociales pour abbaisser le coût du travail ; Cet article est emblématique de l'esprit, du projet de loi.
    Nous ne critiquons pas le principe même des allégements, puisque cette politique a été initiée très exactement en 1952, reprise, ô combien par M. Perben - même si c'est nous qui l'avons alors autofinancée -, et poursuivie par le gouvernement de M. Jospin dans la loi d'orientation pour l'outre-mer. Néanmoins, elle n'a toujours concerné que les bas salaires, le travail peu qualifié, un public d'employabilité faible, pour ne pas dire nulle, c'est-à-dire souvent des jeunes qui piétinent sur le parvis du marché du travail. Or nous estimons que l'outre-mer n'a pas à être dédié uniquement au travail déqualifié. Il faut y favoriser l'émergence des emplois de niveaux intermédiaires, tels les agents de maîtrise, voire de cadres supérieurs.
    Nous avions d'ailleurs souhaité, à l'époque, que les exonérations de charges patronales de sécurité sociale portassent sur des salaires allant presque jusqu'à deux fois le SMIC, 1,8 fois exactement. Nous n'avons pas été suivis sous prétexte qu'une telle mesure provoquerait une trop forte diminution des recettes. Pourtant elle aurait été de nature à aider l'embauche de gens qualifiés, gagnant entre 13 000 et 14 000 francs. Or, aujourd'hui, seuls sont concernés les salaires jusqu'à environ 1,3 fois le SMIC, c'est-à-dire 10 000 francs.
    A notre avis, cet article 1er ne va pas assez loin. Il vise des salaires jusqu'à 1,3 fois le SMIC pour certains secteurs, 1,4 fois pour d'autres, voire 1,5 fois pour le secteur hôtelier. Pourquoi ne pas harmoniser à 1,5 fois qui deviendrait une sorte de moyenne ? En métropole même, désormais, certains contrats Fillon concernent des salaires allant jusqu'à 1,7 fois le SMIC. Au moment où chacun reconnait, quelle que soit sa couleur politique, que l'outre-mer est en retard et que nous avons des handicaps - éloignement, manque de compétitivité, problèmes de formation et d'employabilité... -, il est évident qu'il faut faire des discriminations positives.
    Certes, certaines sont opérées, mais en catimini, parce que l'on en a un peu honte, parce que cela ne relève pas de la culture française, parce que cela ressort plutôt de la sociologie américaine, avec l'affirmative action. Pourtant, il est indéniable que ce type de mesure est efficace.
    D'ailleurs cette démarche est déjà parfois utilisée un peu hypocritement, et beaucoup d'arrêts du Conseil d'Etat ou même des décisions du Conseil constitutionnel ou de la CGCE ont reconnu que l'on pouvait traiter de manière différente des situations différentes.
    C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il faut aller plus loin, consentir de nouveaux efforts. La marge est encore grande, le chemin est encore long avant que soient compensés les handicaps structurels dont souffre depuis trop longtemps l'outre-mer.
    M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
    M. Louis-Joseph Manscour. C'est une tradition bien française de considérer que tout ce qui vient de l'autre est forcément mauvais. Aujourd'hui, la majorité de droite nous reproche de critiquer les mesures présentées par le Gouvernement. Or je rappelle que, lorsque l'Assemblée a examiné la LOOM, l'opposition de l'époque avait voté contre l'exonération permanente totale des cotisations et charges patronales pour les salaires jusqu'à 1,3 fois le SMIC. Et aujourd'hui, elle l'accepte jusqu'à 1,4 fois le SMIC !
    La droite parlementaire avait également émis les plus vives critiques à l'encontre de l'allégement des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants. Ses députés n'avaient voté ni le congé solidarité, ni le titre de travail simplifié, ni le dispositif de réinsertion.
    Ainsi que vous le savez, je suis socialiste et je n'en ai pas honte parce que le socialisme porte des valeurs auxquelles je crois. Néanmoins je ne pense pas que tout ce qui vient de l'autre est forcément mauvais. Je ne pratique pas la critique systématique. Il faudrait donc aussi que la majorité d'aujourd'hui, qui était l'opposition d'hier, accepte les critiques, car elles font partie de la vie démocratique de ce pays. Cela me paraît essentiel.
    Ainsi que Mme la ministre l'a souligné, le texte en discussion porte des mesures favorables à l'emploi, notamment en amplifiant des dispositions mises en oeuvre par Christian Paul, alors secrétaire d'Etat à l'outre-mer. C'est pourquoi je considère que, même s'il faut lui apporter quelques correctifs, le titre Ier prévoit de bonnes mesures relatives à l'emploi pour l'outre-mer. Contrairement à d'autres, je ne veux pas critiquer pour le plaisir de critiquer, mais, en face, il faut aussi reconnaître que certaines propositions peuvent être améliorées.
    M. Mansour Kamardine. Très bien !
    M. Louis-Joseph Manscour. Cela étant, je maintiens que tant nous ne disposerons pas d'un texte procédant d'une vision globale de la réalité de l'outre-mer et de toutes les composantes de sa société, il sera impossible de faire progresser ces territoires.
    Mme la ministre a évoqué la défiscalisation pour favoriser les investissements. Or chacun sait que l'outre-mer, les collectivités - communes, départements et régions - sont les donneurs d'ordre, dans 70 % des cas. Ce sont elles qui investissent, y compris dans des hôtels. On en construit beaucoup dans nos pays, mais il faut aussi penser aux bâtiments publics et aux logements. Pourquoi donc exclure les collectivités et les banques de l'exonération ?
    Les taux d'intérêt étant de deux points supérieurs à ceux pratiqués en métropole, je me demande comment nous arriverons à faire progresser nos pays si nous ne prenons pas en compte globalement la réalité économique. Telle est la question que je pose à Mme la ministre de l'outre-mer.
    M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Cet article me paraît fondamental, car le dispositif d'exonération des charges sociales en faveur des entreprises est une mesure forte. Nos entreprises, ainsi que notre jeunesse, pourront saisir l'occasion qui leur est donnée de libérer leur imagination et leurs capacités de création d'emplois, de prendre des initiatives au profit de leur bien-être et, par conséquent, du développement durable de leurs départements. En effet, nous savons bien que, dans nos départements respectifs, les emplois dans la fonction publique ont été une véritable tromperie.
    Je traiterai plus particulièrement des exonérations qui profiteront aux entreprises de transport aérien.
    Après la disparition de la compagnie Air Lib, nous avons fait part de notre inquiétude à Mme la ministre, parce que nous savions que certaines compagnies menaient une politique commerciale discriminatoire. Il existe, en effet, de trop fortes disparités de prix entre les vols vers la métropole et ceux ayant des destinations étrangères, à des périodes identiques et pour des kilométrages pourtant moins longs.
    En prenant la mesure proposée pour réduire les charges des compagnies aériennes, le Gouvernement a su réagir, dans l'urgence, pour créer des conditions optimales de concurrence. Alléger les charges sociales des entreprises aériennes pour le personnel mis à disposition dans les départements, c'est permettre l'émergence de nouvelles compagnies, créer une plus grande pluralité de l'offre, et, par conséquent, rendre nos territoires plus attractifs. La liberté de déplacement de nos compatriotes ne doit pas souffrir de décisions guidées par le seul profit.
    Nos productions locales - nous le voyons chaque année dans notre département, la Guadeloupe, avec le melon - doivent atteindre des marchés porteurs pour favoriser notre développement. Cet article vient donc à bon escient, pour permettre un développement économique durable dans les territoires d'outre-mer, plus particulièrement en Guadeloupe.
    M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. Avec votre permission, monsieur le président, mon intervention comportera trois parties un peu distinctes, ce qui m'évitera de demander la parole plusieurs fois, voire au risque de faire des rappels au règlement, d'allonger inutilement nos débats.
    Je veux d'abord réagir aux propos tenus par Mme la ministre qui, en répondant aux orateurs de la discussion générale, s'est, à plusieurs reprises, tournée vers nous en visant « ce côté de l'hémicycle ». Madame la ministre, je tiens donc à vous dire que nous ne sommes pas une zone géographique, que nous ne sommes pas un côté de l'hémicycle ; nous sommes l'opposition et, à ce titre, à la fois l'honneur et la respiration de la démocratie. Nous sommes une mouvance politique, et non une catégorie géographique. Je m'adresse à vous ainsi parce que je vous crois très sincèrement attachée à l'outre-mer.
    Il existe d'ailleurs un véritable problème de vocabulaire, car nous sommes souvent présentés de façon misérabiliste, même si c'est avec compassion. On parle constamment de nous en termes de souffrance, de handicap, de difficultés, de chômage. Certes ces réalités sont incontestables, mais on ne prend pas le temps d'en expliquer les causes, d'en expliquer les origines et, surtout d'expliquer le courage quotidien dont font preuve les ressortissants d'outre-mer pour surmonter ces difficultés, pour y survivre, pour ne pas sombrer dans la désespérance malgré toutes ces années au cours desquelles se sont additionnés des mesures, des projets de loi, des assurances que nous sortirions des difficultés, que nous allions voir la lueur au bout du tunnel. Par conséquent, soit on prend le temps d'expliquer tout cela, soit on consent de gros efforts pour changer le regard sur l'outre-mer. Cela me paraît essentiel.

    A ce titre, je déplore que nous n'ayons pas eu un vrai débat sur les deux motions de procédure.
    M. Victorin Lurel. Il n'y a pas eu de débat du tout !
    Mme Christiane Taubira. Je sais bien qu'il n'est pas coutumier d'utiliser les motions de procédure sur les textes relatifs à l'outre-mer. Il faudra pourtant que chacun s'y fasse, en particulier vos amis qui me font penser, dans cette belle institution laïque, à une formule populaire : « Mon Dieu, préservez-moi de mes amis, mes ennemis, je m'en charge ! ». Il serait bon que les députés de la majorité acceptent la confrontation d'idées, le débat, l'exposé de motions de procédure.
    On ne saurait reprocher à ceux qui utilisent des procédures tout à fait officielles et réglementaires de pratiquer l'obstruction. Ils font simplement leur travail de parlementaires. Défendre une question préalable ou une motion de renvoi en commission, c'est bien faire son travail de parlementaire. Or hier, vous nous avez privés d'un débat, d'explications, de l'exposé de votre point de vue sur les arguments développés pour défendre la question préalable. Que Christian Paul ait été secrétaire d'Etat, c'est son affaire ! Que vous trouviez anormal qu'il prenne librement la parole dans l'hémicycle, c'est votre affaire ! Mais que nous ne puissions pas avoir votre opinion sur le contenu de son intervention, là, c'est notre affaire !
    Sincèrement, je déplore que nous n'ayons pas eu ce débat, d'autant qu'il en a été de même pour la motion de renvoi en commission.
    M. le président. Chère collègue, veuillez en venir à l'article.
    Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, le fait que des questions de fond soient restées en suspens parce que nous avons été privés de débat et de réponses aux stades où elles auraient dû être traitées, risque d'amputer singulièrement la suite de la discussion.
    M. Victorin Lurel. Très bien !
    Mme Christiane Taubira. Madame la ministre, je salue votre engagement à prendre rapidement le décret d'application concernant la commémoration de la date du 19 mars 1946. Je vous en remercie et je vous remercie surtout du ton sur lequel vous avez présenté à la fois le texte et le décret d'application, c'est-à-dire les conséquences. Cela montre l'idée élevée que vous avez de notre histoire commune. Je vous en sais d'autant plus gré que nous avons vu, hier, sur les bancs de la majorité, des réactions que je me bornerai à qualifier de déplorables, pour ne pas trop stigmatiser leurs auteurs. Je vous remercie donc très chaleureusement de votre ton sans ostentation, respectueux.
    S'agissant de notre douloureuse histoire commune, il est en effet bon que nous fassions en sorte de l'appréhender ensemble. Je suis d'ailleurs heureuse que des actions aient déjà été menées à cet égard. Je pense notamment au concours René-Cassin durant l'année scolaire 2001-2002 et aux bourses de recherche de l'année 2001.
    J'en viens, monsieur le président, j'espère que vous l'approuverez, à l'article 1er.
    M. le président. Madame Taubira, si vous souhaitez me faire sortir de mes gonds, n'y comptez pas, parce que je vous apprécie.
    Mme Christiane Taubira Je ne le cherche pas.
    M. le président. Je ne voudrais pas que la mansuétude de la présidence au regard des propos que vous avez tenus au début de votre intervention incite tous nos collègues à prendre cela pour une habitude et à reprendre la discussion générale à l'occasion des interventions sur les articles. Le débat risquerait alors d'être quelque peu mouvementé.
    Si vous pouviez en revenir à l'article 1er, je vous en saurais gré.
    Mme Christiane Taubira. J'y arrivais et vous me ferez ce crédit que je n'ai pas encore totalement consommé mon temps de parole. En fait, je me suis surtout pénalisée moi-même avec mes digressions.
    Je terminerai donc rapidement en formulant, en trente secondes, trois observations sur l'article 1er.
    D'abord, comme je l'ai souligné ce matin, madame la ministre, vous prenez le risque de recentraliser. En effet, les priorités déterminées par les collectivités ne sont pas prises en compte et le poids plus lourd des instruments et des interventions de l'Etat est susceptible de contrecarrer les orientations définies par les collectivités.
    Ensuite, outre-mer, et particulièrement en Guyane, un processus de consultations et de concertation a été engagé de façon à ouvrir des espaces de libertés locales et à permettre, éventuellement, l'édiction de règles générales.
    Enfin, les dispositions de cet article ne concernent que l'initiative privée pour les créations d'activité, alors qu'il s'agit d'une responsabilité hautement politique.
    Je souhaite que vous teniez compte de ces observations pour montrer un esprit d'ouverture lors de l'examen des amendements qui porteront sur ces sujets.
    M. le président. Vous venez d'épuiser vos cinq minutes.
     La parole est à M. Mansour Kamardine, pour cinq minutes également !
    M. Mansour Kamardine. Je ne suis pas sûr, monsieur le président, de pouvoir les utiliser ! (Sourires.)
    Je veux d'abord indiquer à mon ami M. Manscour, combien je suis d'accord avec lui quand il défend la liberté d'expression et manifeste le souci d'avoir la contradiction. Voilà un point sur lequel nous sommes en phase. En effet, on peut être en désaccord tout en s'estimant mutuellement. Je puis donc l'assurer que, de ce côté de l'hémicycle, nous sommes disposés à entendre la différence parce que cela fait aussi la richesse de la République.
    J'ai également noté avec satisfaction qu'il estimait, comme nous, que le titre Ier du texte portait un bon dispositif pour nos jeunes. J'espère que nous nous retrouverons pour voter ensemble au moins cette partie du projet. Ce sera un grand plaisir.
    Par ailleurs, chère collègue et amie, Christiane Taubira, nous avons évidemment tous la même affection pour l'outre-mer. Si nous avons été choqués, hier, cela n'a pas été à cause de la contradiction, mais parce qu'il nous a semblé que l'on violait une certaine tradition républicaine. En effet, les propos tenus par notre collègue M. Christian Paul nous ont heurtés au plus profond de nous-mêmes. Vous avez ainsi forcément remarqué, y compris dans le ton, qu'il ne s'était pas rendu compte qu'il n'était plus le représentant du Gouvernement et qu'il n'était qu'un député comme les autres. Cela, nous ne pouvions pas l'accepter.
    Le suffrage universel sert aussi à cela. Nous devons savoir redescendre sur terre à un moment ou à un autre de notre vie : c'est la règle du jeu. On est tantôt dans la majorité, tantôt dans l'opposition. Que chacun fasse cet exercice. Nous assumons.
    M. Victorin Lurel. Ce n'est pas la question !
    M. Mansour Kamardine. Madame la ministre, le premier volet de votre projet de loi aborde très opportunément la question de l'emploi. Cette question est fondamentale, pour l'outre-mer en général et pour Mayotte en particulier. En effet, vous savez que les élus d'outre-mer sont tous confrontés, dans leurs collectivités, à des taux de chômage exponentiels. C'est pourquoi je me félicite que notre discussion débute par ces articles qui visent à favoriser l'emploi, lequel doit être une priorité absolue.
    Toutefois, avant de vous exprimer ma très forte attente pour Mayotte, je veux saluer certaines avancées, y compris celles opérées lors de la discussion au Sénat, qui permettront d'améliorer la situation. Je pense aux aides accordées aux employeurs qui concluent des contrats de travail à durée indéterminée. Certes le titre de travail simplifié permettra sans nul doute de faciliter les démarches administratives qui pèsent sur les employeurs, tout particulièrement dans le secteur de l'artisanat mahorais, mais la question est de savoir si cela sera suffisant. Je réponds par la négative, surtout pour Mayotte où la situation de l'emploi est catastrophique. Je ne peux pas être plus clair, et vous savez que je n'exagère pas.
    Vous avez précisé, dans votre intervention liminaire, que, outre-mer un actif sur quatre, voire un sur trois, était au chômage, en soulignant, et à juste titre, que cela n'était plus supportable. Or, à Mayotte, ce n'est pas un actif sur quatre ou trois, mais un actif sur deux qui est sans emploi ! C'est dire toute la gravité de la situation sociale.
    Mayotte détient donc le triste record du plus fort taux de chômage recensé dans les collectivités d'outre-mer. Inutile de vous dire que l'île connaît une crise sociale majeure qui me préoccupe profondément. La jeunesse mahoraise subit de plein fouet la pénurie d'emplois. Les jeunes de moins de vingt-cinq ans dont le niveau d'études est compris entre le niveau CM 2 et la troisième sont au chômage à plus de 71 %, selon les chiffres de la préfecture et des services de l'emploi de Mayotte.
    Aucun système ne permet aux sans-emploi, a fortiori après plusieurs années d'inactivité, de subvenir décemment à leurs besoins. Ce n'est plus acceptable. En outre, à Mayotte, la plupart des demandeurs d'emploi sont sous-qualifiés. J'ajoute que la très forte proportion de jeunes accroît la nécessité de prendre des mesures en direction de la jeunesse de l'île.
    Cette situation m'amène donc à la préoccupation centrale selon laquelle les mesures tendant à améliorer l'emploi doivent tenir compte de l'immense retard qu'accuse la collectivité départementale. En termes clairs, madame la ministre, il nous faut des moyens et des mesures en adéquation avec la réalité locale.
    Comme vous le savez, j'ai fait des propositions pour tenir compte de nos handicaps structurels. L'extention à Mayotte du congé solidarité visait à répondre à l'impérieuse nécessité de favoriser l'emploi des jeunes. La volonté des élus de Mayotte de mettre en place le revenu minimum d'activité répond aussi à cette exigence.
    Madame le ministre, je sais combien vous êtes attachée à l'idée qu'il ne s'agit pas de créer un assistanat qui nuirait à la société mahoraise dans son ensemble.
    M. le président. Monsieur Kamardine...
    M. Mansour Kamardine. Monsieur le président, Mayotte n'est représentée au Parlement que par un seul parlementaire...
    M. le président. Vous me l'avez expliqué à moult reprises sur place, monsieur Kamardine. Mais j'applique le règlement de l'Assemblée nationale.
    M. Mansour Kamardine. Par respect pour le règlement, je n'ajouterai qu'une chose : l'extension à Mayotte des zones franches issues de la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville - vous en savez quelque chose, cher président - ou la création des zones d'activités commerciales seraient autant de facteurs d'entraînement susceptibles d'améliorer significativement la situation de l'emploi.
    Dans le même esprit, la création d'une ANPE, à l'instar de celles de la métropole, me tient très à coeur et répond aussi à la nécessité d'accompagner les demandeurs d'emploi dans leurs recherches ou dans leur formation.
    En résumé, madame la ministre, les handicaps structurels de Mayotte et la taille de ses entreprises qui sont la base du tissu économique mahorais exigent des mesures adaptées et de grande ampleur. Je forme le voeu que ce texte soit une nouvelle fois l'occasion d'un débat, afin que, progressivement, nous puissions endiguer ce fléau qui gangrène la société mahoraise.
    M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre.
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques n'a pas été saisie de l'article 1er. Mais il me paraît important de souligner avec vigueur que le dispositif proposé participe pleinement à la relance de l'emploi dans nos régions. Et j'espère vivement qu'il atteindra le but recherché.
    Il faut cependant noter que, dans nos régions, le chômage chronique et les plans successifs d'emploi aidé ont amené les collectivités, en particulier les mairies, à recruter beaucoup d'agents CES et CEC. Et ce faisant, on a fait miroiter à ces agents la possibilité d'être intégrés, alors qu'ils étaient sous contrat de type privé. Tant et si bien qu'aujourd'hui, en particulier en Guadeloupe, beaucoup de syndicats confondent leurs statuts avec celui des emplois précaires et donnent à leurs adhérents l'espoir de se voir intégrés dans la fonction publique avec la rémunération légale supplémentaire de 40 %.
    L'exonération de charges prévue permettra de réduire le fort différentiel qui perdure notamment entre les emplois publics et privés. Elle favorisera par voie de conséquence l'attractivité de notre secteur marchand. Les agents sous contrat privé à mi-temps au sein de nos collectivités pourront ainsi bénéficier d'un emploi, peut-être même à temps complet, en tout cas mieux rémunérés dans la mesure où, jusqu'à présent, nos budgets que l'on sait très serrés nous permettent seulement de leur offrir des emplois à mi-temps voire à quart-temps.
    A l'heure où la nation se penche sur le devenir de ses régimes de retraite, cette disposition permettrait à ces personnes de bénéficier d'une retraite plus rémunératrice - on sait qu'aux Antilles, les 40 % ne sont pas pris en compte dans les retraites du secteur public. Toutefois, madame la ministre, ces mesures pourraient profiter encore plus pleinement à nos régions si elles pouvaient être conjuguées avec les avantages de la loi Fillon et de la RTT.
    M. le président. M. Lurel a présenté un amendement, n° 231, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, substituer au taux : "30 %, le taux : "50 %».
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement, qui se justifie de lui-même, consiste à porter l'exonération de charges patronales de sécurité sociale de 1,3 SMIC à 1,5 SMIC sans distinction des secteurs. M. Perben avait limité l'exonération à un SMIC. MM. Queyranne et Paul l'ont porté à 1,3 SMIC. Une sorte de blocage culturel, probablement budgétaire, si ce n'est fiscal, en tout cas financier, semble interdire d'aller plus loin. Mais au-delà de la dépense fiscale, des moins-values en termes de recettes que représenterait une telle évolution, si nous voulons trouver un levier pour agir, il faut aller plus loin que le 1,3 SMIC.
    Je vous concède que nous ne disposons guère d'études d'impact et d'évaluation sur les conséquences de l'allégement. Mais de grands économistes, dont M. Edmond Malinvaud, ont bien mis en évidence la corrélation entre la diminution des coûts salariaux et la création d'emplois : on crée plus d'emplois quand le salaire coûte moins cher. Cela paraît un truisme, mais de grands débats théoriques l'ont démontré.
     La méthode fiscale est-elle un levier suffisant pour créer des emplois ? Apparemment, c'en est un. Faut-il encore être plus efficace, donc trouver une méthode plus efficiente ? Cet amendement, par une meilleure prise en compte des handicaps et du niveau de qualifications, aura en tout cas le mérite de favoriser l'encadrement intermédiaire, en permettant à l'exonération de s'appliquer à des salariés jusqu'à 12 000 ou 13 000 francs - correspondant à 1,5 SMIC, l'actuel plafond de 1,3 SMIC équivalant en chiffres arrondis, à environ 10 000 francs.
    Rappelons également - et ce n'est pas contradictoire -, que chez nous, comme un peu partout dans l'outre-mer, sur 35 000 ou 37 000 entreprises environ, près de 30 000 n'ont aucun salarié. Cela pose également tout le problème des formations et des simplifications administratives.
    Mais si, d'ores et déjà, nous permettions, par des incitations plus fortes, à ces entreprises de créer ne serait-ce qu'un seul emploi, nous aurions déjà avancé de manière significative. Il faut tirer les leçons de plus de dix années - que dis-je ! Cela remonte à 1986 -, d'application de lois fiscales et d'allégements du code du travail pour aller plus loin. C'est ce que propose mon amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission n'a pas examiné l'amendement n° 231. Je remercie M. Lurel d'avoir a posteriori, quoique avec une dizaine d'années de retard, approuvé la « ristourne Juppé » de 1995, que j'ai eu l'honneur de présenter sur ces bancs et qui avait été la première mesure importante d'allégement indifférencié des charges sociales, quelle que soit l'entreprise.
    Cela dit, M. Lurel ne doit pas oublier non plus que le dispositif du Gouvernement, Mme la ministre l'a rappelé, se veut ciblé. Si tout le monde était aligné à 1,5 SMIC, il ne le serait plus. De surcroît, certains semblaient l'oublier dans la discussion générale, depuis une disposition de 1994, adoptée à l'initiative de Mme Veil et que j'avais également eu l'honneur de rapporter, l'Etat est tenu à compenser intégralement au franc le franc, aujourd'hui à l'euro l'euro. De ce fait, tout dispositif de ce type - M. Lurel le sait bien, puisqu'il a été obligé de gager son amendement - entraîne un coût élevé. Dans ces conditions, compte tenu de la situation financière globale, il ne me paraît pas possible d'adopter cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. J'entends bien ce que dit M. le rapporteur et je vais y ajouter une goutte qui ne fera pas déborder le vase. (Sourires.) Vous avez eu parfaitement raison de rectifier mon propos et de rappeler la compensation par l'Etat, d'où le gage figurant dans mon amendement. Cela dit, le coût total de votre loi de programme, c'est 65 millions d'euros. Le coût de la compensation pour tout l'outre-mer, seulement 2,5 milliards d'euros, autrement dit epsilon ! Je vous demande seulement, madame la ministre, d'améliorer l'efficacité - encore marginale - de l'investissement que représente cette compensation au franc le franc. Je veux bien reconnaître que cela coûte quelque argent, mais je vous demande d'en faire une priorité politique.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Que ne l'avez-vous fait avant !
    M. Victorin Lurel. On me dit qu'il n'y a pas d'argent. Mais il y en a, pardonnez-moi de dire cela, pour les assujettis à l'ISF, il y en a, hélas !. pour appauvrir les pauvres et enrichir les riches. Et n'allez pas crier à la caricature : n'a-t-on pas pris 400 millions d'euros pour l'allocation personnalisée d'autonomie ?
    Les vieux, les personnes âgées, nos aînés, nos seniors, devront payer davantage pour une aide-ménagère pour ne pas dormir - malheureusement peut-être passer l'arme à gauche - seuls ! J'étais ici lorsque vous avez décidé d'alléger la contribution de ceux qui paient l'ISF - on disait autrefois l'impôt sur les grandes fortunes. On me dit qu'il n'y a pas d'argent, que Bercy a encore serré les cordons de la bourse. C'est bien l'illustration de la non-priorité que, une fois de plus, vous imposez à l'outre-mer.
    M. le président. La parole est à M. André Thien Ah Koon.
    M. André Thien Ah Koon. Je voulais simplement vous demander, monsieur le président, d'appliquer l'article 100 du règlement intérieur et de limiter strictement aux cinq minutes imparties le temps de parole dont dispose chaque orateur pour soutenir son amendement ;...
    Mme Christiane Taubira. Quel zèle !
    M. Victorin Lurel. Curieuse conception de la démocratie !
    M. André Thien Ah Koon. ... même s'il s'agit de moi-même. Certaines personnes ici s'ingénient à faire de l'obstruction. Alors que nous avons beaucoup de travail. Je vous remercie par avance de faire appliquer le règlement de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Monsieur Thien Ah Koon, le président est là pour faire appliquer strictement le règlement. Mais ce « strictement » signifie que l'auteur d'un amendement dispose de cinq minutes de temps de parole et qu'un orateur pour et un orateur contre peuvent également s'exprimer. M. Victorin Lurel n'avait pas encore atteint ses cinq minutes.
    J'appelle également votre attention sur le fait que le temps de parole peut parfois s'envisager globalement en fonction du climat qui règne dans l'hémicycle : il vaut mieux parfois perdre une minute ou deux pour s'éviter une suspension de séance d'un quart d'heure ou une demi-heure.
    Mme Christiane Taubira. Voilà un président avisé !
    M. le président. N'en rajoutez pas trop, madameTaubira !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Un président expérimenté ! (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 44 présenté par M. Audifax est ainsi rédigé :
    « I. - a) Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article L.752-3-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : "rémunérations des, insérer les mots : "dix premiers.
    « b) En conséquence, dans la première phrase du 1° du I de cet article, substituer aux mots : "occupant dix salariés au plus les mots : "quel que soit leur effectif.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 191 présenté par M. Jalton, est ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le 1° du I du texte proposé par l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale :
    « 1° Toutes les entreprises dont l'effectif est inférieur ou égal à cinquante salariés bénéficient d'une exonération de charges patronales pour les dix premiers salariés, quel que soit le secteur d'activité. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'extension aux entreprises de moins de cinquante salariés de l'exonération de cotisations sociales visées à l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 161 présenté par MM. Lurel, Manscour et Mme Taubira est ainsi rédigé :
    « I. - Dans le 1° du I du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, substituer par trois fois aux mots : "dix salariés, les mots : "vingt salariés.
    « II. - En conséquence, à la fin du 1° du I de cet article, substituer aux mots : "onze salariés, les mots : "vingt et un salariés.
    « III. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Bertho Audifax, pour soutenir l'amendement n° 4.
    M. Bertho Audifax. Le texte proposé pour l'article L. 752-3-1 incite à la création de micro-entreprises de moins de dix salariés, mais pénalise, par effet de seuil, les entreprises comptant plus de dix salariés. L'amendement vise donc à limiter l'exonération aux dix premiers salariés, comme prévu, mais quelle que soit la taille de l'entreprise.
    M. le président. La parole est à M. Eric Jalton, pour soutenir l'amendement n° 191.
    M. Eric Jalton. Monsieur le président, puisque vous ne m'avez pas donné la parole tout à l'heure, je voudrais préciser que si nous n'avons pas fait de proposition sur la culture dans cette loi de programme, c'est parce que la Constitution dispose, en son article 34, que « des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat ». Nous en avons tiré les conséquences en estimant que la culture ne faisait pas partie de ce domaine, ce qui ne remet pas pour autant en cause l'opportunité des propositions consensuelles présentées sur cette question.
    M. le président. Venez-en à l'amendement n° 191.
    M. Eric Jalton. Mon amendement vise à étendre à toutes les entreprises de moins de 50 salariés, quel que soit le secteur d'activité, le bénéfice des exonérations de charges pour leurs dix premiers salariés, réduisant ainsi la distorsion de concurrence qui, malheureusement, subsiste dans la rédaction proposée.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour défendre l'amendement n° 161.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, je ne sais pas si ces amendements méritent un examen global. Il y a entre eux quelques petites différences qui peuvent se révéler des gouffres. Mais soit. Cet amendement, cosigné par mes collègues Manscour et Taubira, propose de porter le plafond de dix à vingt salariés pour mieux lisser, si j'ose dire, les effets de seuil.
    On a souvent reproché à la LOOM cet effet de seuil. M. Christian Paul, et j'entends lui rendre un hommage appuyé, a tenu tout à l'heure un discours courtois, quoi que vous en pensiez. Il a été ministre. Est-ce une raison pour l'interdire de parole ? C'est un spécialiste de l'outre-mer. Il a parlé sur un ton modéré, mais un ton vrai, de vérité. Pourquoi chercher, alors qu'il est absent, à le diaboliser plus qu'il ne faut ?
    M. le président. Revenons à l'amendement n° 161.
    M. Victorin Lurel. J'y viens, mais je respecte mon temps de parole, monsieur le président. Laissez-moi au moins ma liberté de propos, sinon, à quoi me servirait mon immunité ? La parole est libre, n'est-ce pas ? Et je ne crois pas exagérer.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Quel rasoir !
    M. Victorin Lurel. On nous a suffisamment reproché cet effet de seuil et Christian Paul avait bien raison de rappeler qu'on ne l'avait pas supprimé. La loi Perben ne visait que quelques secteurs. On l'a élargie à tous les autres. Rappelons que l'effet de seuil ne joue pas pour les secteurs dits exposés - et ils sont nombreux : 95 % des entreprises. Autant dire que nous jouerions à la marge, et pour un coût budgétaire peu élevé, si nous passions à vingt salariés. On a déjà exclu - dans le respect des obligations européennes - la banque, l'assurance, la grande distribution. Par souci de lissage, d'efficacité, et pour éviter des inégalités concurrrentielles, éviter de créer une sorte d'apartheid économique entre gros et petits, nous vous demandons de prendre en considération le cas de ces entreprises exclues du dispositif du fait de ce plafond de dix salariés.
    M. le président. Mon cher collègue, si ces trois amendements ont été mis en discussion commune, ce n'est pas parce qu'ils se ressemblent, mais parce qu'ils sont exclusifs les uns des autres.
    Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 4. Elle n'a pas examiné ni l'amendement n° 191 ni l'amendement n° 161, mais, à titre personnel, j'y suis également défavorable.
    Pour commencer, la création d'emplois passe d'abord, personne ne peut le contester, par la création d'emplois dans les petites entreprises. Cela vaut en métropole comme outre-mer. Ensuite, contrairement à ce qui existait dans le passé, l'effet de seuil a été gommé dans la mesure où les entreprises qui croissent au-delà de dix salariés conservent l'avantage acquis pour les dix premiers salariés. Accorder le bénéfice de cette mesure à toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, aboutirait à créer un effet d'aubaine. C'est pourquoi la commission a repoussé l'amendement n° 4.
    Quant à l'amendement n° 191, il doit être également rejeté, car il reviendrait à créer le même effet d'aubaine pour toutes les entreprises de moins de cinquante salariés.
    Enfin, étendre, comme le propose l'amendement n° 161, le dispositif d'exonération de charges sociales aux entreprises employant vingt salariés ne serait pas davantage un élément de nature à développer la création d'emplois dans les petites entreprises.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Je rappelle à M. Audifax que la mesure d'allègement de charges sociales proposée par le Gouvernement se veut, j'ai eu l'occasion de le dire, doublement ciblée. Elle vise en effet les PME et les secteurs d'activités où la création d'emplois doit être encouragée.
    L'amendement ne répond donc pas à cette logique, puisqu'il propose une extension des exonérations de charges à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d'activité. En outre, cette proposition induirait un coût supplémentaire qui serait hors du périmètre budgétaire de l'actuel projet de loi. C'est pour cette raison qu'il ne m'est pas possible d'accepter cet amendement.
    A propos de l'amendement n° 191 de M. Jalton, je voudrais indiquer que les entreprises de dix salariés et moins, concernées par les exonérations, sont au nombre de 28 000 à la fin de décembre 2001, soit plus de 86 % du total, et qu'elles représentent un effectif de 104 000 salariés, soit près de 40 % de l'effectif total. Et dans l'hypothèse d'une extension des exonérations aux entreprises occupant au plus cinquante salariés, l'exonération concernerait environ 31 900 entreprises, représentant un effectif de 141 500 salariés, soit une augmentation des bénéficiaires potentiels de plus de 36 % ; une telle augmentation correspond évidemment à un coût qui sortirait du périmètre budgétaire actuel. Pour ces raisons, il ne m'est donc malheureusement pas possible de vous donner satisfaction.
    Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 161, les entreprises de onze à vingt salariés sont approximativement au nombre de 2 200 dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce qui représente une exonération pour environ 33 000 salariés supplémentaires et un coût de 130 millions d'euros. D'une façon générale, monsieur Lurel, il est vraiment dommage que vous n'ayez pas présenté tous ces amendements lors du débat sur la LOOM : à ce moment-là, les contraintes budgétaires étaient beaucoup moins fortes. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je suis désolée que vous ayez raté cette occasion. En tout cas, il ne m'est aujourd'hui pas possible d'accepter une telle dépense budgétaire supplémentaire, et j'émets un avis dévaforable.
    M. le président. La parole est à M. Bertho Audifax.
    M. Bertho Audifax. Je me rends aux arguments de Mme la ministre, mais je demande que l'on fasse le point dans trois ans et que l'on voie alors s'il est possible d'adopter les nouveaux termes.
    M. le président. Vous retirez donc votre amendement, monsieur Audifax ?
    M. Bertho Audifax. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
    La parole est à M. Eric Jalton.
    M. Eric Jalton. J'admets l'argument de Mme la ministre, qui est cohérent avec les contraintes budgétaires, mais, pour répondre au rapporteur de la commission des finances, je ne vois pas en quoi il y aurait plus d'effets d'aubaine dans mon amendement que dans le dispositif actuel.
    M. le président. Vous maintenez donc votre amendement, monsieur Jalton ?
    M. Eric Jalton. Oui, je le maintiens, pour la forme. (Rires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Victoria et M. Quentin ont présenté un amendement, n° 405, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter la deuxième phrase du 1° du I du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par les mots : "par les personnes de plus de quarante ans disposant de compétences reconnues et inscrites à l'ANPE suite à un licenciement économique.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. J'ai eu ce matin l'occasion d'attirer l'attention de l'Assemblée nationale sur les personnes de plus de quarante ans qui perdent leur emploi à la suite de licenciements économiques. Elles représentent souvent une force, une énergie, une compétence et un savoir-faire. Mon amendement vise donc à les réinsérer dans le tissu économique, notamment pour assurer l'encadrement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement parce qu'il ne correspond pas au mécanisme qui a été prévu et qui favorisait l'emploi dans les petites entreprises, quel que soit le niveau de qualification ou l'âge des personnes. C'est donc un mécanisme indifférencié. L'amendement vise au contraire à introduire une sorte de sélectivité particulière, même si elle concerne des personnes parfaitement dignes d'intérêt.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Victoria, l'esprit de notre texte n'est pas de cibler des publics particuliers, mais les PME et les secteurs d'activité. Toutefois, pour répondre à votre souci, j'indique qu'il existe des mesures d'aide à l'embauche comme le contrat d'accès à l'emploi spécifique à l'outre-mer. Par ailleurs, la condition que vous proposez est techniquement difficile à mettre en oeuvre, car l'exonération de charges sociales est automatique, dès lors que l'entreprise y est éligible et que l'effectif de l'établissement ne dépasse pas un certain nombre. Pour ma part, je ne mésestime pas l'intérêt de ces publics, mais il faut avoir recours à d'autres dispositions que celles qui sont prévues par ce texte. C'est uniquement pour cette raison qu'il ne m'est pas possible d'accepter cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. Rassuré par la réponse de Mme la ministre sur l'utilisation des autres dispositifs existant ou à créer dans les années à venir, je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 405 est retiré.
    M. Victoria et M. Quentin ont présenté un amendement, n° 286, ainsi rédigé :
    « I. - Après le mot : "occupant, rédiger ainsi la fin du 2° du I du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale : "dix salariés au plus. Le taux d'exonération est porté à 70 % au-delà de ce seuil d'effectif ;.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. ».
    La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. Il s'agit de gommer l'effet de seuil pervers de cinquante salariés qui, s'il devait être maintenu, présenterait des risques de déstructuration de la profession du BTP. Cet amendement tend à sécuriser davantage les grandes sociétés et les grandes entreprises de plus de cinquante salariés afin d'éviter l'atomisation de la profession.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Le dispositif du Gouvernement nous semble tout à fait adapté puisqu'il permet l'exonération jusqu'à un seuil de cinquante salariés. Il est vrai qu'il existe davantage d'entreprises de petite taille que d'entreprises qui atteignent ce seuil. Dans ces conditions, il nous a paru préférable de maintenir en l'état le système proposé par le Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement n'y est pas favorable, toujours pour des raisons budgétaires.
    Monsieur le député Victoria, tel qu'il est rédigé, votre amendement pourrait présenter un inconvénient assez important pour certaines entreprises du BTP. En effet, appliquer un coefficient de 70 % aux entreprises de 11 à 50 salariés pénaliserait environ 320 entreprises - dont le tiers à la Réunion - qui, grâce au dispositif d'exonération que nous proposons, pourront bénéficier d'une exonération de 100 %. Cet amendement aurait donc un effet négatif pour ces entreprises, ce qui constitue un argument supplémentaire, au-delà du coût budgétaire, pour le refuser.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Je soutiens l'amendement de M. Victoria. Au-delà des arguments avancés par Mme la ministre, il est un effet pervers qu'on n'a pas suffisamment souligné. Le problème se pose aux entrepreneurs de la Réunion. Vous le voyez, on peut vivre en Guadeloupe et être informé de ce qui se passe à la Réunion : on est député de toute la nation. Ce n'est pas que je veuille m'immiscer dans les affaires de la Réunion et être plus royaliste que le roi, mais les mêmes mécanismes sont à l'oeuvre chez nous et on critique, de la même façon, le seuil de dix salariés. Lorsqu'on atteint les cinquante salariés, on peut assister à des scissions, à des segmentations d'entreprise, on peut voir se mettre en place une stratégie de division des entreprises pour leur éviter de subir le contrecoup du seuil de cinquante salariés. On peut voir, par exemple, de grosses structures européennes - peut-être aussi métropolitaines - débarquer dans les îles uniquement pour profiter de ce seuil de cinquante salariés. On peut avoir des entreprises « boîtes aux lettres ». Peut-être faut-il mieux lisser l'effet de seuil. Les socio-professionnels ont d'ailleurs simulé un autre mécanisme, qui consiste à avoir un taux moindre en dessous de cinquante salariés, et de le lisser sur l'effectif. On sait que les entreprises de BTP emploient beaucoup.
    Monsieur le président, vous me permettrez de dire, sans dépasser les cinq minutes qui me sont accordées, que la posture qui consiste à donner la priorité à l'emploi dans les petites entreprises est bonne, mais que ce ciblage-là est un peu trop restrictif : en effet, les créations d'emplois marginaux dans les grandes entreprises risquent d'être pénalisées. On ne peut plus créer d'emplois quand on dépasse dix salariés. On ne peut plus en créer non plus quand il y en a cinquante. Je veux bien que, dans des secteurs exposés, nombre d'entreprises soient couvertes en termes d'effectifs. Mais manifestement, pour créer un emploi de plus - un emploi marginal, comme on dit en économie -, cela devient pénalisant. Il n'y a plus d'aide et plus de soutien fiscal à la création d'emploi. Je le regrette.

Rappel au règlement

    M. Gérard Grignon. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Gérard Grignon, pour un rappel au règlement.
    M. Gérard Grignon. L'article 100 de notre règlement dispose dans son alinéa 7 que, « hormis le cas des amendements visés à l'article 95, alinéa 2, ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l'un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d'opinion contraire ». Or M. Lurel est pour l'amendement. Il n'avait donc pas à intervenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Grignon, depuis le début de cette discussion, tout s'est très bien passé, grâce à la maestria du président Debré et à la discrétion de l'actuel président. Mieux vaudrait que nos débats n'aillent pas au-delà de quatre heures du matin. Pour le moment, M. Lurel est en pleine forme. Nous n'allons pas le laisser s'épuiser. (Sourires.)
    M. Mansour Kamardine. Nous n'avions pas compris que la stratégie était de l'épuiser. Nous allons donc le laisser parler ! (Sourires.)
    M. le président. D'autres amendements présenteront certains points d'accroche et nous serons très attentifs à ce que soit respecté l'article 100 du règlement.
    Toutefois, je rappelle que l'article 56, alinéa 3, permet au président d'autoriser un orateur à répondre au Gouvernement et à la commission. Monsieur Grignon, monsieur Thien Ah Koon, vous êtes dans cette assemblée depuis bien plus longtemps que moi et vous savez que l'indulgence de la présidence dépend du climat ambiant d'un débat. Celui qui règne aujourd'hui dans l'hémicycle devrait permettre d'aller un peu plus vite tout à l'heure.

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. J'ai entendu l'avis de la commission des finances et celui du Gouvernement. Comme j'ai l'intention de demander au secteur du BTP de réaliser une étude assez fine et en songeant à la période d'évaluation, je retire mon amendement. Nous en reparlerons dans trois ans.
    M. Jean-Christophe Lagarde et M. Victorin Lurel. Je reprends l'amendement ! (Sourires.)
    M. le président. L'amendement n° 286 est repris à la fois par M. Lurel et par M. Lagarde. Par proximité et par amitié, je donne la parole à M. Lagarde. M. Lurel s'est déjà exprimé et je ne souhaite pas qu'il y ait d'autres rappels au règlement. (Sourires.)
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce qui nous intéresse dans ce projet de loi, c'est de pouvoir développer économiquement des territoires et départements qui souffrent de certains handicaps, mais qui, en raison de leur situation géographique, disposent aussi d'atouts et de richesses. L'amendement présente un intérêt certain. Tout emploi créé, qu'il le soit dans une entreprise de 49 salariés ou de 51, est un emploi de plus, qui favorise la richesse dans ces territoires.
    Je ne vois pas pourquoi on fixe des seuils. Quand on le fait en métropole, c'est pour éviter les effets d'aubaine. Mais, à notre avis, le problème ne se passe pas dans les départements et territoires d'outre-mer. L'amendement nous paraît donc utile. Il favorise les créations d'emplois et à un coût relativement marginal pour l'Etat. De plus, il a été déclaré recevable par la commission des finances et nous pouvons donc parfaitement le voter.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 286.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel a présenté un amendement, n° 230, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le deuxième alinéa du 3° du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, substituer au mot : "métropole, les mots : "territoire européen de la France.
    « II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans l'ensemble du présent projet de loi. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, vous avez raison, je suis en pleine forme. Mais, même si notre débat a lieu dans la bonne humeur, la démocratie semble parfois difficile à supporter pour certains. On nous fait des rappels au règlement. Manifestement, notre collègue Grignon, qui est un ancien de cet hémicycle, n'a pas ouvert le règlement depuis longtemps. Je l'invite à le relire plus attentivement,...
    M. Gérard Grignon. Ça, alors !
    M. Victorin Lurel. ... et à apprécier la maestria du président.
    M. Mansour Kamardine. Voilà une belle leçon de démocratie !
    M. le président. Monsieur Lurel, s'il vous plaît, revenons-en à l'amendement n° 230.
    M. Victorin Lurel. Je referme la parenthèse. Je ne dépasserai pas les cinq minutes, mais j'y ai droit. La parole est libre, dès lors qu'elle n'est ni agressive ni violente.
    Mme la ministre m'a reproché d'avoir été absent de cet hémicycle depuis 1997. Elle me fait remarquer que j'aurais pu proposer moi-même, ou par l'intermédiaire de mes amis, de porter le seuil à 1,5 % du SMIC. L'ubiquité, madame la ministre, est un attribut de Dieu. Je n'en suis pas encore là !
    M. Mansour Kamardine. Dieu, maintenant !
    M. le président. Monsieur Lurel, pour éviter que la présidence ne fasse une interprétation beaucoup plus restrictive de la liberté d'intervention sur un amendement, je vous propose de revenir au sujet réel de notre intervention, c'est-à-dire à l'amendement n° 230.
    M. Victorin Lurel. Je suis certain que vous décompterez ce que je viens de dire de mon temps de parole, monsieur le président.
    Je rappelle que l'amendement que j'ai présenté l'avait été, lors de la précédente législature, par M. Chaulet. Que n'avait-on entendu alors ! Nous ne faisons que vous resservir la question des vingt salariés. A l'époque, l'opposition faisait son travail. Pourquoi m'interdiriez-vous d'avoir la même pugnacité et la même santé, évoquée par M. le président ? Je le reconnais, je présente un amendement à caractère symbolique. Il s'agit de remplacer le mot « métropole » par les mots « territoire européen de la France ». Je sais bien qu'une telle substitution risque de déclencher ici des débats passionnés.
    M. Mansour Kamardine. Alors, pourquoi le faire ?
    M. Victorin Lurel. Mais le mot « métropole » est historiquement daté et connoté. Je vois des gens de culture, en face de moi, qui seront probablement d'accord. Nous l'utilisons ordinairement par facilité et pour éviter toute répercussion en Europe, compte tenu de la qualité de région ultrapériphérique, c'est-à-dire au sens géographique. Mais où avez-vous vu que, dans une République, il y ait une métropole et des colonies ? On a évoqué l'esprit colonial, pour ne pas dire colonialiste du projet de loi. C'est vrai, par facilité de langage, nous disons tous que nous allons « en métropole » ou même que nous allons « en France ». Mais nous sommes en territoire français et européen. On pourrait donc dire « territoire européen de la France » au sens géographique du terme. Cela ne devrait pas faire l'objet de clivages idéologiques. Ce mot de « métropole » dans un texte de la République me rappelle l'époque de mes études, où les marxistes disaient « centre » et « périphérie ». C'est encore plus stigmatisant.
    M. Mansour Kamardine. Nous ne sommes pas marxistes !
    M. Victorin Lurel. Eh bien, vous en êtes là, pourtant. C'est même pire que cela : vous en êtes à l'avant Marx ! Au xvie siècle qui a déporté les nègres. Oui, c'est cela, mon cher. On te demande de rester conforme à tes origines et à ta culture, en supprimant cela.
    M. Mansour Kamardine. Mais j'en suis fier !

    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement. Le mot « métropole » est utilisé dans le droit positif français depuis de longues années.
    Quoi qu'il en soit, à mon avis, cet amendement n'est pas recevable, car il est dit dans son paragraphe II : « En conséquence, procéder à la même substitution dans l'ensemble du présent projet de loi », ce qui n'est pas une façon normale de présenter un amendement.
    Si l'on voulait pratiquer une telle substitution, il faudrait le faire dans tous les textes où le mot « métropole » apparaît. C'est un travail de codification qui n'a pas sa place dans notre discussion.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. L'expression de « territoire européen de la France » porte à confusion. L'Europe, en reconnaissant les régions ultrapériphériques comme frontières ultramarines, n'entend pas être limitée à sa seule partie continentale.
    Par ailleurs, je suis surprise, monsieur Lurel, que vous reveniez sur une expression consacrée par la Constitution de la République, notamment dans son article 74-1, et qui n'avait d'ailleurs pas choqué vos amis politiques en 2000, lors de l'examen de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Je vous renvoie notamment à l'article 37 de la LOOM, qui utilise le mot « métropole ».
    Aucune des raisons que vous avancez ne me paraît justifier votre proposition. Avis défavorable.
    M. Victor Brial. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 230.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Avant d'appeler l'amendement n° 160, j'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que, sur cet amendement, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    L'amendement n° 160, présenté par MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour, Mme Taubira et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa du 3° du I du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale après les mots : "ou assurant la liaison entre ces départements ou ces collectivités, insérer les mots : "à la condition de signer une convention avec l'Etat, dans les conditions définies par un décret en Conseil d'Etat, portant notamment sur un prix maximum des trajets pour les usagers ainsi que sur l'augmentation de leur capacité,. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Permettez-moi, monsieur le président, de revenir un instant - j'espère que je ne ferai pas l'objet d'un rappel au règlement - sur l'amendement précédent, qui proposait d'introduire la notion de « territoire européen de la France. » Vous ne m'avez peut-être pas vu quand je vous faisais signe, mais j'avais souhaité intervenir pour le retirer, m'étant rendu aux arguments de Mme la ministre. Vous voyez que nous savons reconnaître la qualité des arguments qui nous sont opposés ! Si la notion de métropole figure dans la Constitution, je n'ai plus rien à dire. Mais il me paraissait tout de même nécessaire que la question soit posée ici.
    Notre amendement concerne la continuité territoriale. Il s'agit de lier les exonérations de charges patronales de sécurité sociale accordées aux entreprises de transport aérien assurant la desserte entre l'outre-mer et la métropole à une baisse effective du prix du billet.
    Monsieur le président, je me permettrai de donner lecture, dans le cadre de mon temps de parole, de ce que dit le Collectif des Antillais et Guyanais, créé en février 2003, et qui réunit déjà plus de 10 000 Domiens usagers des transports publics. Ils disent ceci : « Nous manifestons parce que les tarifs aériens abusifs, deux fois plus chers que pour les Etats-Unis, nous séparent de nos familles et isolent et pénalisent nos régions ultramarines. Pour partir en août 2003, avec son épouse et trois enfants de plus de douze ans, il faudra dépenser sept à neuf mois de salaire. En mars 2003, le trafic passager entre la métropole et les DOM a reculé de 12 %, parce que les prix des billets ont explosé. Nous manifestons parce que la France ne respecte pas ses propres règles et viole ses obligations juridiques et morales envers ses citoyens ultramarins. La continuité territoriale est un droit constitutionnel. L'Union européenne permet d'ailleurs l'imposition d'obligations de service public, ce qui n'est pas fait, hier comme aujourd'hui. Nous disons qu'on donne 167 millions d'euros à 260 000 habitants de la Corse, c'est bien, nous demandons la même égalité de traitement. » Ils continuent : « Nous manifestons parce qu'aider les Corses et ne pas aider nos régions ultramarines dans la même proportion est une discrimination et une rupture de l'égalité que rien ne justifie. Nous manifestons parce que le déni de continuité territoriale est aussi un déni de citoyenneté. »
    Nous voulons que, au-delà des engagements qui sont pris ici ou là, verbalement, l'allégement des charges octroyé aux compagnies aériennes soit effectivement répercuté sur leurs tarifs, et qu'il y ait donc une obligation de résultat. Nous savons, et je l'ai dit lorsque que j'ai défendu la motion de renvoi en commission, que les marges bénéficiaires de ces compagnies-là, sur ces dessertes-là, sont importantes. Il ne convient pas d'augmenter par un effet d'aubaine la marge bénéficiaire de ces entreprises, sans répercussion pour celles et ceux qui ne demandent qu'une chose, à savoir disposer du droit d'aller et de venir.
    Nous demandons donc, puisque tous les collègues qui ont été contactés par le collectif des Antillais et Guyanais ont signé son manifeste, que chacun prenne date et vote cet amendement, conformément aux engagements donnés aux usagers et à nos frères et soeurs des DOM.
    M. le président. Quel est l'avis de la comission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Défavorable. Alors que le dispositif du Gouvernement est en faveur de l'emploi, cet amendement propose de conditionner l'allégement des charges à une baisse des prix. Si les compagnies qui desservent l'outre-mer étaient aussi bénéficiaires que veut bien le dire notre collègue, compte tenu des prix qu'elles pratiquent, on n'aurait naturellement pas besoin de pratiquer ces allégements de charges sociales...
    M. Louis-Joseph Manscour. Ah bon ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. ... ce qui constituerait évidemment un allégement substantiel pour les finances publiques. D'autre part, il s'instaurerait une concurrence beaucoup plus grande. Si la concurrence n'est malheureusement pas ce qu'on souhaiterait qu'elle soit, s'il est difficile d'intéresser de nouvelles compagnies, c'est précisément parce que la rentabilité n'est pas celle qu'il croit.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. L'amendement pose une difficulté d'application vis-à-vis de la réglementation européenne en matière de concurrence, dans la mesure où les compagnies aériennes seraient traitées différemment selon qu'elles auraient signé ou non une convention. La desserte des DOM est déjà assortie d'obligations de service public pour les compagnies aériennes. Il s'agit là du bon outil pour s'assurer du respect des engagements que doivent prendre les compagnies aériennes en termes de qualité de cette desserte. Ces obligations pourront être renforcées, et c'est d'ailleurs l'un des objets du groupe de travail que mon collègue des transports et moi-même avons mis en place sur la question de la continuité territoriale.
    Enfin, l'évaluation de l'impact des exonérations prévues par le projet de loi, et des conséquences qu'elles pourraient avoir sur la révision des secteurs bénéficiaires, répond tout à fait, sur le fond, à la préoccupation des auteurs de cet amendement.
    Notre avis est donc défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe UDF considère que les préoccupations avancées par les auteurs de cet amendement sont parfaitement légitimes, mais que l'amendement en lui-même ne peut pas y répondre de façon satisfaisante. Il propose de fixer, par une convention, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État, un prix maximum. En clair, il s'agit de définir un prix par avance, de façon arbitraire, et sans tenir compte aucunement d'un certain nombre de critères d'évolution des coûts. Or on le sait très bien, faisant cela, on est toujours en décalage avec les réalités. J'entendais parler tout à l'heure d'un décret d'application qui n'a toujours pas été publié, ce qui veut dire qu'une loi pourtant votée par le Parlement n'est toujours pas entrée en vigueur. C'est le problème lorsqu'on fixe les choses de façon arbitraire. C'est encore plus vrai en matière de prix.
    En revanche, il est légitime, et je l'ai dit hier, dans la discussion générale, que l'on se préoccupe fortement des coûts qui peuvent être induits pour les liaisons entre la métropole et les départements et territoires d'outre-mer, d'une part, mais également, d'autre part, pour les liaisons entre ces derniers. Nous pensons que c'est par un autre moyen que l'on peut y parvenir. Aujourd'hui, il existe un dispositif qui a été adopté et validé pour la Corse. Il lui manque sans doute des moyens, mais on n'a pas besoin d'y ajouter d'autres dispositions. Dans un esprit de confiance, de décentralisation et d'adaptation à chaque département et territoire, nous préférons qu'il soit possible, dans le cadre d'une application équitable et équivalente à ce qui s'est fait avec la Corse, de négocier, territoire par territoire, des tarifs accessibles aux populations qui vivent dans les DOM-TOM, comme à celles qui en sont originaires et qui vivent en métropole. Cela permettrait à tous d'établir de vrais liens entre la métropole et l'outre-mer.
    M. Mansour Kamardine. Très bien !
    M. Victorin Lurel. Je demande la parole, monsieur le président.
    M. le président. Je vous la donne, mais pour quelques brefs instants, monsieur Lurel, étant donné qu'un scrutin public a été demandé. D'ailleurs nous pourrons continuer ce débat à la faveur d'autres amendements.
    M. Victorin Lurel. Nous sommes d'accord, monsieur le président, mais je n'ai pas choisi le jour. Une fois de plus, le Gouvernement est maître du calendrier,...
    M. le président. Mais ce n'est pas un débat sur le jour !
    M. Victorin Lurel. Je veux bien, mais on me reproche de faire mon travail de parlementaire ! C'est pénible. Ce que je vous demande, monsieur le président, est conforme au règlement, et vous le savez.
    M. le président. Bon, allez-y, allez-y !
    M. Victorin Lurel. Bien, alors vous voyez. Merci. Mme la Ministre et M. le rapporteur viennent de dire que les tarifs baisseraient s'il y avait de la concurrence, si c'était rentable. Je ne peux pas laisser dire cela. Le texte européen de juillet 1992 est très clair : quand la concurrence ne joue pas assez, l'Etat organise un appel d'offres. Et dans cet appel d'offres, on impose des obligations de service public, avec une compensation financière. On l'a fait quelque part pour la Corse. Il y a même des aides régionales qui ont été agréées récemment par la Commission européenne, en mars 2000. Contrairement à ce qu'on dit, le gouvernement socialiste n'a pas été défaillant. Il y a, c'est vrai, des contraintes juridiques européennes, mais on ne peut laisser dire que la concurrence ne joue pas parce que les lignes ne sont pas rentables. Alors moi, je demande au Gouvernement de nous faire tenir la comptabilité analytique d'Air France, puisqu'il nous dit que ce n'est pas rentable. Moi je vous dis, et nous avons des chiffres, que le bénéfice annuel net d'Air France sur les lignes de l'outre-mer est considérable. Vraiment, on ne peut pas laisser passer de telles affirmations ! Organisez donc des appels d'offres avec compensation financière, comme cela a été fait en Corse, pour aider le transport aérien et assurer l'effectivité du principe de la continuité territoriale pour les Domiens !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je vais mettre aux voix l'amendement n° 160.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   37
Nombre de suffrages exprimés   37
Majorité absolue   19
Pour l'adoption   10
Contre   27

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Lurel a présenté un amendement, n° 232, ainsi rédigé :
    « I.- Dans le II du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, substituer au taux : " 40 % , le taux : " 50 % .
    « II.- Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recette est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. L'amendement n'a pas été examiné par la commission, mais compte tenu de la position qu'elle a prise sur les amendements précédents, elle l'aurait certainement rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Auberger a présenté un amendement, n° 66, ainsi rédigé :
    « I.- Dans le dixième alinéa (« II ») du I de l'article 1er, après les mots : " nouvelles technologies de l'information et de la communication , supprimer les mots : " et des centres d'appel .
    « II.- En conséquence, supprimer le II de cet article. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Il s'agit d'un point qui a été déjà discuté. Le Sénat a inclus les centres d'appel dans la liste des secteurs exposés bénéficiant d'un allégement de charges renforcé. Il semble qu'une telle disposition soit superflue. Soit les centres d'appel sont déjà intégrés dans une entreprise, auquel cas ils bénéficieront du même régime que cette dernière ; soit ils constituent une entreprise distincte qui fait appel aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, et dans ce cas ils bénéficieront de l'allégement de charges renforcé. L'ajout du Sénat ne paraît donc pas utile, et il peut même, d'une certaine façon, conduire à stigmatiser les centres d'appel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Le Sénat avait considéré qu'il fallait être explicite sur ce problème. Il ne semblait pas absolument certain que les centres d'appel soient inclus dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication. On pouvait craindre en effet qu'ils soient exclus du dispositif en tant qu'entreprises de service.
    Nous sommes pour la clarté, et nous ne souhaitons donc pas revenir sur l'inclusion des centres d'appel dans la liste des secteurs exposés. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de lever le gage sur un amendement relatif à cette question - nous l'examinerons un peu plus tard.
    L'avis du Gouvernement est défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Audifax a présenté un amendement, n° 5, ainsi rédigé :
    « I.- Dans le II du texte pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : " centres d'appel, , insérer les mots : " et les maîtres d'oeuvre sociaux .
    « II.- Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Bertho Audifax.
    M. Bertho Audifax. Je retire cet amendement, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
    Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 234, présenté par M. Lurel, est ainsi rédigé :
    « I.- Dans le II du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : " centres d'appel , insérer les mots : " de l'hospitalisation privée. .
    « II.- Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 314, présenté par Mme Rimane, est ainsi rédigé :
    « I.- Dans le dixième alinéa du I de l'article 1er, après les mots : " de l'information et de la communication, , insérer les mots : " de l'hospitalisation privée .
    « II.- Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 322, deuxième correction, présenté par M. Jalton, est ainsi rédigé :
    « I.- Compléter le III du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par les mots : " et de l'hospitalisation privée .
    « II.- Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l'amendement n° 234.
    M. Victorin Lurel. Il s'agit d'inclure l'hospitalisation privée dans le périmètre des allégements. En effet, les cliniques privées subissent des surcoûts qui ne sont pas pris en compte. Pour améliorer l'offre de soins dans l'outre-mer, nous demandons qu'il leur soit permis de bénéficier de cet avantage.
    Pour ce qui concerne le secteur public hospitalier, d'autres propositions seront faites ultérieurement.
    M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane, pour soutenir l'amendement n° 314.
    Mme Juliana Rimane. Cet amendement vise à développer le secteur de la santé, dont la situation est particulièrement préoccupante en Guyane. Les centres hospitaliers publics ne peuvent actuellement répondre aux besoins des populations en matière de santé publique. Les cliniques privées jouent donc un rôle important, en contribuant à l'amélioration de l'offre de soins.
    C'est pourquoi il conviendrait de soutenir ce type d'établissements, pour leur permettre d'améliorer leur fonctionnement.
    M. le président. La parole est à M. Eric Jalton pour soutenir l'amendement n° 322, deuxième correction.
    M. Eric Jalton. Cet amendement tend à étendre aux cliniques privées les exonérations patronales prévues pour le secteur hôtelier, afin d'améliorer leur fonctionnement, d'une part, et de promouvoir, d'autre part, la création d'emplois dans un secteur qui constitue un maillon important dans le système sanitaire, en assumant notamment des missions de service public et en pérennisant nombre d'emplois directs et indirects.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission ne les a pas examinés.
    En fait, l'hospitalisation privée dépend, au point de vue des charges et donc de la fixation des prix, des agences régionales d'hospitalisation. Dans ces conditions, s'il y a allégement des charges sociales, ce qui est possible, et qui induirait évidemment une dépense supplémentaire, les prix de l'hospitalisation privée devraient être revus.
    A titre personnel, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Les entreprises visées par tous ces amendements bénéficieront par ailleurs du dispositif d'exonération de la loi Fillon. Elles ne sont donc pas prévues dans le périmètre budgétaire de notre loi de programme. Pour cette raison, il ne nous est pas possible de les accepter.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à Mme Juliana Rimane.
    Mme Juliana Rimane. Je retire l'amendement n° 314, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 314 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 322, deuxième correction.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 190, présenté par M. Jalton, est ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le II du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par les mots : " du logement social, de l'aménagement, de l'environnement, des déplacements et de la culture .
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'extension au secteur du logement social, de l'aménagement, de l'environnement, des déplacements et de la culture de l'exonération de cotisations sociales visées à l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 288, présenté par M. Victoria et M. Quentin, est ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le II du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par l'alinéa suivant :
    « L'exonération prévue à l'alinéa ci-dessus est également applicable aux sociétés d'économie mixte des secteurs du logement social, de l'aménagement du territoire, de l'environnement et de la culture.»
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.»
    La parole est à M. Eric Jalton, pour soutenir l'amendement n° 190.
    M. Eric Jalton. Cet amendement tend à étendre à des secteurs d'intérêt général contribuant au développement de l'outre-mer, et dans lesquels interviennent les SEM, entreprises des collectivités locales, les exonérations de charges sociales prévues pour les entreprises des secteurs de l'industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, de la pêche, des cultures marines, de l'aquaculture et de l'agriculture.
    Une telle exonération est justifiée par le caractère d'intérêt général de ces activités, leur contribution au développement économique de l'outre-mer et donc à la lutte pour l'emploi.
    M. le président. Vous retirez votre amendement, monsieur Victoria ?
    M. René-Paul Victoria. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 288 est retiré.
    Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 190 ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission ne l'a pas examiné - mais elle a débattu du problème des sociétés d'économie mixte. A titre personnel, je ne suis pas favorable à l'amendement. La loi de programme vise l'emploi, essentiellement dans le secteur productif. Si les secteurs visés par l'amendement sont dignes d'intérêt, ils ne participent pas tous, et pas au même degré, au secteur productif, notamment lors qu'ils touchent à la culture, voire peut-être à l'environnement ou à l'aménagement.
    Dans ces conditions, je ne pense pas qu'il soit possible, notamment par le biais des sociétés d'économie mixte, de faire bénéficier ces secteurs des allégements de charges sociales en question. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. A propos de cet amendement n° 190 concernant les SEM, je rappelle que ces sociétés dont l'effectif est au plus égal à dix salariés bénéficient déjà des exonérations de charges patronales prévues dans le paragraphe 1° du I, et que les secteurs exposés concernés par l'exonération allant jusqu'à 1,4 SMIC ont été volontairement ciblés. Les dispositions qui les concernent n'ont donc pas vocation à s'étendre à tous les secteurs d'activité. Ces entreprises, là encore, bénéficient du dispositif de la loi Fillon. Et j'ai eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet au congrès des SEM. Une réflexion est en cours sur l'ensemble des SEM au plan national. A ce stade, il ne nous paraît pas souhaitable de donner suite à l'amendement.
    M. Eric Jalton. Je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 190 est retiré.
    Les amendements n°s 101 de M. Hériaud et 25 de M. Deprez auraient pu faire l'objet d'une discussion commune, mais ils ne sont pas défendus.
    M. Jalton a présenté un amendement, n° 187, ainsi rédigé :
    « I. - A la fin du III du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : ", et de l'hôtellerie, les mots : ", de l'hôtellerie et des centres de formation professionnelle hôtelière. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l'extension aux centres de formation professionnelle hôtelière de l'exonération de cotisations sociales visées à l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Eric Jalton.
    M. Eric Jalton. Le secteur touristique ayant été défini comme prioritaire par le Gouvernement - tout le monde en conviendra -, il semble indispensable d'étendre certaines des dispositions prévues pour le secteur hôtelier aux centres de formation professionnelle hôtelière, car ils en sont le vivier.
    Sans un soutien appuyé à la formation professionnelle hôtelière, la relance du secteur hôtelier, de la restauration ou des autres activités touristiques demeurerait vaine, ou du moins serait très atténuée.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j'y suis défavorable, puisque les problèmes de formation professionnelle ne sont pas traités dans ce projet de loi de programme. Il est vrai qu'il s'agit de problèmes importants, mais ils ne sont pas directement liés à l'activité et à l'emploi.
    Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accorder aux centres visés par votre amendement les exonérations prévues pour l'hôtellerie.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Il est très difficile d'identifier précisément les organismes spécialisés dans les formations touristiques. Il en va de même pour les stages qui concernent ce secteur et qui sont dispensés au sein des autres organismes de formation professionnelle. Il y aurait donc un problème technique pour appliquer votre proposition, laquelle est d'ailleurs alignée sur le taux de 1,5 % du SMIC accordé au secteur du tourisme.
    Je tiens à rappeler que le plan d'urgence que Léon Bertrand et moi-même avons élaboré, qui comprend vingt et une mesures, prévoit le renforcement des actions de formation des personnels du secteur. Par conséquent, monsieur le député, vos préoccupations sont prises en compte.
    Ayant entendu ces explications, peut-être accepterez-vous de retirer l'amendement.
    M. le président. La parole est à M. Eric Jalton.
    M. Eric Jalton. Je vous fais confiance, madame la ministre, et nous verrons dans trois ans quel aura été l'effet de ces mesures. Je retire donc mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 187 est retiré.
    M. Jalton a présenté un amendement, n° 321, deuxième correction, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le III du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par les mots : "et des établissements d'hébergement de personnes âgées, relevant du champ social et médico-social ».
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Eric Jalton.
    M. Eric Jalton. Cet amendement vise à étendre aux établissements d'hébergement des personnes âgées, relevant du champ social et médico-social, les exonérations patronales prévues pour le secteur hôtelier afin, d'une part, d'améliorer leur fonctionnement et, d'autre part, de promouvoir la création d'emplois dans un secteur où les pathologies émergentes seront de plus en plus lourdes et nécessiteront l'embauche d'un nombre croissant de personnels formés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, je n'y suis pas favorable. En effet, il me semble hardi d'assimiler les établissements d'hébergement de personnes âgées à des établissements de tourisme. Certes, des problèmes existent dans cette branche, mais ce ne sont pas les mêmes que ceux auxquels est confronté le secteur du tourisme : il n'est pas question de compétitivité, de productivité ou de salaires attractifs.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées par M. le rapporteur.
    M. le président. Monsieur Jalton, maintenez-vous votre amendement ?
    M. Eric Jalton. Monsieur le rapporteur, il ne s'agit évidemment pas d'assimiler à des établissements de tourisme des établissements qui hébergent des personnes âgées dépendantes, mais de promouvoir l'emploi, direct ou indirect, dans ce secteur. Le tourisme n'est pas la seule source de création d'emplois en Guadeloupe.
    M. le président. Vous maintenez donc votre amendement ?
    M. Eric Jalton. Je le maintiens pour la forme.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321, deuxième correction.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Audifax a présenté un amendement, n° 6, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le III du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par les mots : ", et des secteurs contribuant à la diversification des productions et des débouchés des départements d'outre-mer.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Bertho Audifax.
    M. Bertho Audifax. La réponse de Mme la ministre à propos du secteur de l'exportation me conduit à retirer l'amendement.
    M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
    M. Lagarde a présenté un amendement, n° 359 corrigé, ainsi rédigé :
    « I. - Après le III du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, insérer le paragraphe suivant :
    « III bis. - L'exonération est égale à 100 % du montant des cotisations patronales dans la limite d'un montant de rémunération égal au salaire minimum de croissance applicable aux cotisations afférentes aux salaires et rémunérations des salariés employés par les entreprises des secteurs non mentionnés au I, II et III de cet article, dès lors que cet emploi accroît le nombre de salariés de l'entreprise. Cette exonération est limitée à un contrat pour un entrepreneur individuel et à deux contrats pour les entreprises de capitaux et se limite dans le temps aux cinq premières années du contrat. Cette exonération s'applique aux entreprises des secteurs visés au I, II et III de cet article pour tout emploi créé au-delà des seuils d'employés qui les excluent des exonérations visées au I, II et III. Cette exonération n'est accordée que si les conditions suivantes sont réunies :
    « - L'employeur n'a procédé à aucun licenciement pour motif économique dans les six mois précédant l'embauche du salarié.
    « - L'employeur est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales.
    « - Le salarié n'a pas travaillé chez l'employeur dans les douze mois précédant cette embauche, sauf s'il était titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire arrivé normalement à échéance.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes pour les organismes de la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle à ces mêmes droits. »
    La parole est M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement, qui tend à compléter et à enrichir le texte du Gouvernement, propose de mettre en place un dispositif dont j'ai évoqué le contenu dans la discussion générale. Ainsi que je l'ai signalé en reprenant un amendement d'un de nos collègues, ce qui importe, c'est de favoriser le développement économique et l'emploi dans des territoires et des départements qui sont notablement sinistrés de ce point de vue.
    Bien que très détaillé, ce dispositif n'en est pas moins simple et surtout extrêmement lisible par tous les employeurs. Il s'agit d'exonérer de charges patronales la partie équivalente au SMIC pour tout emploi créé, quel qu'il soit, quel que soit le niveau de qualification et quel que soit le secteur concerné. Cette exonération est soumise à deux conditions : d'une part, que l'employeur soit à jour du paiement de ses cotisations sociales - ce qui paraît légitime ; d'autre part, afin d'éviter tout effet d'aubaine, que l'employeur n'ait procédé à aucun licenciement pour motif économique dans les six mois précédant l'embauche du salarié et que le salarié embauché n'ait pas travaillé chez ledit employeur dans les douze mois précédant cette demande. Enfin, le dispositif est limité à deux emplois par entreprise.
    La disposition que je propose devrait permettre à un certain nombre de nos concitoyens d'outre-mer de retrouver un emploi. Elle est d'autant plus nécessaire que le rapport remis par le sénateur Virapoullé au Premier ministre montre bien que, quelles que soient les catégories d'emplois, il faut absolument réduire le coût du travail dans les DOM-TOM pour leur permettre de résister à la concurrence de territoires dont la législation du travail n'a rien à voir avec la nôtre, qui est plus faite pour la métropole. Il convient donc d'amplifier les mesures prévues par le Gouvernement.
    De surcroît, ce dispositif présente l'avantage de ne rien coûter à l'Etat, puisqu'il s'agit d'emplois non créés à ce jour. Mieux : en permettant que des chômeurs retrouvent un emploi, cette mesure serait source d'économies, le poids des indemnités chômage diminuant tout comme celui du RMI.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais, à titre personnel, je n'y suis pas favorable.
    M. Victorin Lurel. C'est pourtant un bon amendement !
    M. Philippe Auberger, rapporteur. D'abord, cet amendement a un coût, ce que M. Lagarde admet implicitement en prévoyant un gage. Ainsi que je l'ai rappelé précédemment, toute exonération de charges sociales consentie par l'Etat doit donner lieu à compensation, et, dans la plupart des cas, la compensation est plus élevée que ne le sont les prestations sociales qui ne seraient plus servies.
    Cela dit, même si le dispositif proposé est intéressant pour beaucoup de secteurs, il l'est moins que celui prévu par le Gouvernement pour des secteurs ciblés parce que particulièrement créateurs d'emplois et pour lesquels il faut justement développer une dynamique. Cet amendement, en prévoyant une exonération pour un ou deux emplois, n'aura pas un effet d'entraînement aussi fort.
    Enfin, comme je ne pense pas que les deux systèmes puissent coexister, je propose à l'Assemblée de s'en tenir au texte du Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Le Gouvernement comprend l'objectif visé, mais s'interroge sur les conséquences, autres que budgétaires, qu'aurait l'application d'un tel dispositif, dont il craint qu'il limite fortement la portée des mesures d'exonération de cotisations sociales et dissuade les entreprises de prendre le risque du recrutement. En vérité, cet amendement risque d'être contre-productif en matière de création d'emplois. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
    M. le président. La parole est à Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaite éviter toute confusion sur le sens de l'amendement et de mes propos. Il ne s'agit pas de remplacer le dispositif du Gouvernement ni de mettre les deux dispositifs en concurrence. Le dispositif ciblé du Gouvernement resterait intact, tandis que les entreprises non ciblées par les mesures gouvernementales bénéficieraient d'une aide, ce qui serait une bonne chose pour l'outre-mer.
    En outre, monsieur le rapporteur, s'agissant de la compensation, il me semble que lorsque, dans une famille qui vivait à la fois du RMI et des aides sociales, on retrouve de l'emploi, ce retour à l'emploi devrait générer une économie compensant l'exonération de charges sociales que je propose d'appliquer. Si l'on ajoute au RMI les aides sociales - comme les aides familiales ou les aides au logement -, la somme obtenue représente largement le montant des cotisations sociales sur le SMIC. L'Etat s'y retrouverait.
    M. le président. Vous maintenez dont votre amendement, monsieur Lagarde ?
    M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 359 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Madame Rimane a présenté un amendement, n° 73, ainsi rédigé :
    « I. - Après le IV du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, insérer le paragraphe suivant :
    « IV. bis - L'exonération est égale à 100 % du montant des cotisations patronales dans la limite d'un montant de rémunération égal au salaire minimum de croissance majoré 50 % applicable aux cotisations afférentes aux salaires et rémunérations des salariés handicapés employés par des entreprises et organismes, quels que soient leur secteur d'activité et leur effectif. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recette est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à Mme Juliana Rimane.
    Mme Juliana Rimane. L'Union européenne a fait de l'année 2003 l'année des personnes handicapées, dont le sort préoccupe le Président de la République au premier chef. Par rapport aux autres membres de l'Union, la France n'occupe pas une place enviable. Or si la situation des handicapés est particulièrement difficile à vivre en métropole, elle l'est bien plus encore dans les collectivités d'outre-mer, où rien n'est prévu à leur intention. Cet amendement vise à améliorer significativement les conditions de vie de ces personnes en leur offrant un plus large accès au monde du travail et en leur assurant une plus grande insertion au sein de la société.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Il va de soi que l'on ne peut qu'être sensible à la préoccupation exprimée par l'auteur de l'amendement de voir davantage de handicapés s'insérer dans les entreprises. Toutefois, la législation relative à l'emploi des handicapés dans les entreprises s'applique aussi dans les départements d'outre-mer. Il n'est donc pas nécessaire de prévoir une disposition spécifique. C'est pourquoi la commission a repoussé l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Chacune s'accorde sur l'objectif affiché par cet amendement, mais les allégements de charges sociales proposés dans le projet de loi concernent tous les salariés des entreprises éligibles, c'est-à-dire y compris les salariés handicapés. De plus, les personnes handicapées sont toujours, en tant que public prioritaire des politiques de l'emploi, éligibles aux diverses mesures pour l'emploi définies au plan national, comme les contrats emploi-solidarité, ou spécifiques à l'outre-mer, comme les contrats d'accès à l'emploi.
    Pour le recrutement d'une personne handicapée par contrat d'accès à l'emploi, par exemple, l'employeur bénéficie d'une exonération pouvant aller jusqu'à 1,3 % du SMIC, d'une prime mensuelle de 305 euros et d'une prime supplémentaire de l'AGEFIPH - l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées -, pouvant atteindre 1 600 euros. Enfin, les entreprises recrutant ou occupant des personnes handicapées bénéficient également de primes à l'embauche, de subventions pour l'adaptation au milieu du travail versées par l'AGEFIPH et d'un abattement concernant le salaire.
    Tant le dispositif national que le dispositif spécifique à l'outre-mer répondent déjà à votre préoccupation, madame la députée. C'est la raison pour laquelle je demande le rejet de votre amendement.
    M. le président. Madame Rimane, compte tenu des réponses apportées par Mme la ministre, retirez-vous votre amendement ?
    Mme Juliana Rimane. Je le retire, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 73 est donc retiré.
    M. Auberger a présenté un amendement, n° 65, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er, substituer à la division "V la division "IV bis.
    « II. - En conséquence, rédiger ainsi le premier alinéas de cet article :
    « I. - Les onze premiers alinéas de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale sont remplacés par treize alinéas ainsi rédigés : »
    La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Cet amendement est d'ordre rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Mme Louis-Carabin et M. Beaugendre ont présenté un amendement, n° 122, ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le V du texte proposé pour l'article L. 753-3-1 du code de la sécurité sociale :
    « V. - Les exonérations prévues par le présent article peuvent être cumulées avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale dans les conditions prévues avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Cet amendement permettrait aux entreprises des régions de l'outre-mer de ne pas se voir appliquer, au même titre que la Corse, le dispositif de la loi du 17 janvier 2003, dite « loi Fillon », qui exclut le cumul des exonérations de charges liées à l'alignement progressif des SMIC avec d'autres avantages de même nature.
    Il serait souhaitable de permettre à la loi de programme de produire son plein effet. Par conséquent, les régions d'outre-mer devraient pouvoir bénéficier de dispositions dérogatoires pour articuler la loi du 17 janvier 2003 avec le présent texte.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Personnellement, je suis assez dubitatif sur son intérêt. Dans la plupart des cas - dans le secteur de l'hôtellerie, par exemple -, l'exonération totale va jusqu'à 1,5 SMIC. Le dispositif Fillon, lui, est dégressif jusqu'à 1,7 SMIC. Par conséquent, il n'y a guère qu'une petite fraction, entre 1,5 et 1,7 SMIC, qui serait légèrement avantagée par la loi Fillon. Pour plus de clarté, il faut éviter le cumul des différents dispositifs. C'est la raison pour laquelle, à titre personnel, je ne suis pas favorable à l'adoption de cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Cet amendement pose en effet un problème de cumul des dispositifs. L'allégement supplémentaire de cotisations patronales était dans les DOM associé à la mise en oeuvre de la législation relative à la réduction du temps de travail. Compte tenu des modifications apportées à cette législation et du renforcement des mesures d'exonération de charges sociales prévu dans le présent projet de loi, lequel organise la mise en oeuvre d'un dispositif spécifique d'exonération nettement plus favorable que le dispositif Fillon, le maintien du dispositif Fillon - qui concerne, je tiens à le souligner, moins de 4 % des entreprises des DOM - ne me paraît plus justifié.
    Compte tenu de ces éléments, je vous serais reconnaissant, madame la députée, de bien vouloir retirer cet amendement.
    M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin.
    Mme Gabrielle Louis-Carabin. Effectivement, le maintien d'un tel dispositif n'est plus justifié. Je retire mon amendement.
    M. le président. L'amendement n° 122 est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 233 et 336, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 233, présenté par M. Lurel, est ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le V du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par les mots ", sauf celle résultant des dispositions du III de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale résultant de l'article 2 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2001.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 336, présenté par M. Payet et Mme Bello, est ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le V du texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par les mots : "à l'exception de celles découlant des dispositions du III de l'article 752-3-1 du code de la sécurité sociale résultant de l'article 2 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation relative à l'outre-mer.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l'amendement n° 233.
    M. Victorin Lurel. Je regrette que Mme Louis-Carabin ait retiré son amendement, car il avait le même objet que le mien. Il aurait d'ailleurs pu être appelé en discussion avec les amendements n°s 233 et 336. La LOOM consentait 9 000 francs de bonification. L'allégement de charges représentera, lui, 2 440 francs. La perte sera donc de près de 6 500 francs !
    Les entreprises attendaient une articulation entre les lois Girardin et Fillon. Même celles qui bénéficieront d'une exonération de 1,4 ou 1,5 SMIC perdront leur avantage comparatif. La discrimination positive réclamée pour l'outre-mer est battue en brèche, et je le regrette.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Payet, pour soutenir l'amendement n° 336.
    M. Christophe Payet. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission ne les a pas examinés, mais, pour les raisons que j'ai exposées à propos de la loi Fillon, il ne me paraît pas, à titre personnel, opportun de les adopter.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 336.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour, Payet, Mme Taubira et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 159, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le V du texte proposé pour l'article L. 752-2-3-1 du code de la sécurité sociale par l'alinéa suivant :
    « Dans les six mois suivant la promulgation de la loi n°        de programme pour l'outre-mer, un décret détermine les conditions d'application des dispositions de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi combinées aux dispositions du présent article afin de maintenir dans l'outre-mer le maintien des mesures spécifiques de soutien à l'emploi à raison de leurs situations et de leurs handicaps propres. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Toujours dans le même esprit, cet amendement tient compte du fait que l'avantage donné en termes d'allégements de charges de salaires sera absorbé par l'augmentation du SMIC. Il préservera l'avantage comparatif dont dispose l'outre-mer, il permettra de mieux répondre aux discriminations et aux handicaps et offrira une autre forme d'articulation entre le dispositif qui nous est proposé et les contrats Fillon.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Du fait que le cumul des avantages aurait un coût et que l'effort fait par le Gouvernement pour compenser les allégements de charges sociales est déjà important, il ne me paraît pas opportun d'adopter l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 184, présenté par M. Chassaigne et M. Brunhes, est ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par le paragraphe suivant :
    « VI. - Les entreprises bénéficiaires des exonérations des charges sociales prévues par la loi s'engagent à créer des emplois, mettre en oeuvre des actions de formation professionnelle en faveur de leurs salariés, ou à faciliter le dialogue social, même lorsque leur effectif est inférieur à dix salariés.
    « L'exonération est supprimée si l'effectif de l'entreprise diminue par rapport à celui déclaré au moment du bénéfice de la mesure. »
    L'amendement n° 335, présenté par M. Payet et Mme Bello, est ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale par le paragraphe suivant :
    « VI. - L'exonération est supprimée si, en raison de licenciement, l'effectif de l'entreprise diminue par rapport à celui déclaré au moment du bénéfice de la mesure. »
    L'amendement n° 184 n'est pas défendu.
    La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l'amendement n° 335.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Personnellement, j'y suis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 335.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 285 et 368, malgré la place pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 285, présenté par M. Victoria et M. Quentin, est ainsi rédigé :
    « I. - Après le I de l'article 1er, insérer le paragraphe suivant :
    « I bis. - Les entreprises, employeurs et organismes ayant bénéficié, avant le 1er juillet 2003, de l'allégement des cotisations prévu au III de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale continuent à en bénéficier jusqu'à la prochaine évaluation, dont les modalités sont précisées à l'article 4 du présent projet de loi. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    L'amendement n° 368, présenté par M. Jalton, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 1er par les deux paragraphes suivants :
    « III. - Les entreprises, employeurs et organismes ayant bénéficié, avant le 1er juillet 2003, de l'allégement des cotisations prévu au III de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale continuent à en bénéficier jusqu'à la prochaine évaluation, dans les conditions prévues à ce III.
    « IV. - La perte de recettes résultant, pour les organismes de sécurité sociale, du maintien des allégements de cotisations prévus au III de l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est M. René-Paul Victoria, pour soutenir l'amendement n° 285.
    M. René-Paul Victoria. Cet amendement ayant un objet identique aux amendements proposés tout à l'heure par M. Lurel et par Mme Louis-Carabin, je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 285 est retiré.
    La parole est M. Eric Jalton, pour soutenir l'amendement n° 368.
    M. Eric Jalton. Je ne me fais guère d'illusions sur le sort de cet amendement...
    M. le président. Donc, vous le retirez ?
    M. Eric Jalton. Oui, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 368 est retiré.
    Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 130, ainsi rédigé :
    « « Supprimer le II de l'article 1er. »
    La parole est à Mme la ministre.
    Mme la ministre de l'outre-mer. Cet amendement tend à supprimer la création d'une taxe additionnelle qui n'a plus d'objet. Il s'agit de la levée du gage sur les centres d'appel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. C'est un amendement de conséquence. Je n'étais pas très favorable au maintien des centres d'appel dans le dispositif du II de l'article 1er. Quoi qu'il en soit, il faut, si je comprends bien, voter cet amendement. (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

    M. le président. MM. Lurel, Queyranne, Christian Paul, Manscour et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 235, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Pour bénéficier des exonérations prévues à l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, les entreprises de transport aérien mentionnées au premier alinéa du 3° du I de l'article sont tenues de remettre annuellement au ministre chargé du transport aérien et au ministre chargé de l'outre-mer une copie de leur comptabilité analytique permettant de distinguer l'activité de desserte entre la métropole et l'outre-mer des autres activités. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. J'ai déjà eu l'occasion de défendre cette disposition. L'amendement vise à obliger les compagnies de transport aérien qui vont bénéficier de l'allégement de charges patronales à transmettre une copie de leur comptabilité analytique, permettant de distinguer et d'identifier les dessertes de l'outre-mer ainsi que les coûts et avantages qui leur sont attachés. La transmission de cette comptabilité analytique permettra d'éviter tout effet d'aubaine.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, je n'y suis pas favorable. Cependant, je comprends bien ce qui l'inspire, d'autant que nous avons déjà parlé du sujet à plusieurs reprises.
    D'abord, il n'est pas sûr que les entreprises de transport aérien soient en mesure de livrer une comptabilité analytique fiable.
    Ensuite, les différents ministères n'auront pas le pouvoir d'aller contrôler sur place cette comptabilité analytique, dont la communication sera par conséquent sans conséquence.

    Enfin, l'effet sur les prix n'est pas certain. Or nos collègues souhaitent, dans un certain nombre de cas, compenser le manque de concurrence par un abaissement des prix.
    A mon avis, l'amendement n'aurait aucune suite et, dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de l'adopter.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Monsieur le président, je suis étonné d'entendre qu'une compagnie de la qualité de Corsair ou d'Air France ne serait pas capable de fournir une comptabilité analytique.
    Si l'on conditionne l'exonération des charges de sécurité sociale à l'identification des lignes et de la desserte, cela signifie que, dans la comptabilité matière, l'identification des dessertes sera faite. On pourra même identifier physiquement les personnes affectées à l'outre-mer, domicilier les avions et conditionner ainsi l'aide à la domiciliation, ce qui apporterait de la taxe professionnelle pour les villes de Guadeloupe, de Martinique et de la Réunion.
    J'ai demandé au ministre intéressé de me fournir cette comptabilité. J'ai même demandé à des rapporteurs pour avis de la réclamer, notamment dans le cadre de commissions d'enquête ou d'information. Jusqu'à présent, on a opposé aux représentants de la nation que nous sommes le « secret défense ». Et l'on nous bassine en répétant que ces lignes ne sont pas rentables. Je me suis même laissé dire que c'était parce que trop d'Antillais les empruntaient. Cela aussi est stigmatisant.
    Je demande à Mme la ministre de prendre, devant la représentation nationale, l'engagement solennel de nous fournir cette comptabilité analytique. Quand celle-ci nous sera fournie, monsieur le rapporteur, nous aviserons.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 235.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Payet et Mme Bello ont présenté un amendement, n° 337, ainsi rédigé :
    « Après l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « I. - Les entreprises bénéficiaires des exonérations des charges sociales prévues par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer et par la présente loi de programme s'engagent à créer des emplois et/ou à mettre en oeuvre des actions de formation professionnelle en faveur de leurs salariés.
    « II. - Les conditions de cet engagement font l'objet d'une convention conclue entre l'employeur et l'Etat.
    « III. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article, et notamment celles de la suspension ou de la suppression des exonérations des charges sociales patronales. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Victorin Lurel. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Je conclus personnellement à son rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 337.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2 - L'article L. 762-4 du code rural est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Si, au cours d'une année civile, la surface d'exploitation vient à dépasser le seuil de quarante hectares pondérés, dans le cadre d'une diversification de la production ou de la mise en valeur de terres incultes, de terres laissées à l'abandon ou de terres insuffisamment exploitées, le bénéfice intégral de l'exonération est maintenu dans la limite de quarante hectares pondérés pour une période de cinq ans à compter de l'année civile de réalisation du dépassement de ce seuil dans des conditions fixées par décret. »
    La parole est à M. Victorin Lurel, inscrit sur l'article.
    M. Victorin Lurel. L'article 2 prévoit de maintenir l'exonération de charges sociales pour les surfaces d'exploitation dépassant, dans un certain cadre, les quarante hectares pondérés. Je veux bien que l'initiative privée suffise pour impulser un développement, compte tenu qu'il n'y a plus de subventions. Encore faut-il ne pas être trop restrictif !
    La disposition intéresse la culture de la banane, en Guadeloupe et en Martinique, et celle de la canne à la Réunion. Compte tenu des coefficients, on dépassera très rapidement les quarante hectares pondérés : à partir de dix hectares réels auxquels on applique un coefficient 4, on arrive à quarante.
    Comment voulez-vous qu'un agriculteur spécialisé dans une monoculture de rente, telle que celle de la banane, fasse une opération de diversification pour maintenir l'avantage de l'allégement ? Autrement dit, le Gouvernement, par petites touches impressionnistes, refuse le maintien de l'exonération au-delà du seuil de quarante hectares.
    En Guadeloupe, à la Réunion et en Martinique, nous avons des SICA cannières qui sont soit propriétaires, soit concessionnaires par le biais de baux emphytéotiques souvent générateurs de droits réels, et ces sociétés dépassent très largement les quarante hectares pondérés. Elles ne pourront donc pas bénéficier de l'exonération. Or, pour avoir une bonne rentabilité et une bonne compétitivité d'une exploitation cannière, il faut entre quinze et vingt hectares.
    Sous le couvert d'une générosité apparente, le Gouvernement refuse en fait le maintien de l'avantage, puisqu'il conditionne celui-ci à la reconquête de terres incultes, insuffisamment cultivées, ou à une opération de diversification.
    M. le président. M. Lurel et M. Payet ont présenté un amendement, n° 163 corrigé, ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 2 :
    « Les exploitants agricoles exerçant leurs activités sur des exploitations de plus de quarante hectares pondérés sont exonérés de la part des cotisations dues au titre des quarante premiers hectares. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes pour le budget annexe des prestations sociales agricoles est compensée à due concurrence par un relèvement du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts.»
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Christophe Payet. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement, qui l'a surprise. Cet amendement vise à supprimer pratiquement toute condition pour accorder l'exonération quelle que soit la taille de l'exploitation.
    Or le Gouvernement, et c'est tout à son honneur, a prévu différentes conditions. Normalement, l'exonération ne subsiste que pendant une période de cinq ans, mais l'extension même de l'exploitation est soumise à un certain nombres de conditions qui ne sont pas très restrictives mais qui donnent néanmoins une idée de la diversification de la production ou de la mise en valeur de terres incultes, laissées à l'abandon ou insuffisamment exploitées.
    Il convient d'éviter que l'avantage, qui est assez important puisqu'il coûte un peu plus d'un million d'euros, ne soit donné sans un minimum de contreparties.
    C'est la raison pour laquelle la commission a rejeté l'amendement n° 163 corrigé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel a présenté un amendement, n° 236, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le dernier alinéa de l'article 2, substituer par deux fois au nombre : "quarante, le nombre : "cinquante.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes pour le BAPSA est compensée à due concurrence par l'augmentation du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement procède du même esprit que le précédent.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. L'amendement n'a pas été examiné par la commission. J'y suis à titre personnel défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Lurel a présenté un amendement, n° 237, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le dernier alinéa de l'article 2, substituer au nombre : "cinq le nombre : "dix.
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « La perte de recettes pour le BAPSA est compensée à due concurrence par un relèvement du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Auberger a présenté un amendement, n° 67, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « Les exonérations prévues par l'alinéa précédent ne peuvent être cumulées avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale. »
    La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Cet amendement de coordination tend à interdire le cumul de différentes exonérations. La commission a suivi son rapporteur en l'adoptant.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. L'amendement pose un problème. En effet, aucune interdiction de cumul n'avait été prévue par la loi du 13 décembre 2000. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette position.
    Deux cas de figure peuvent se présenter : soit l'exploitant agricole travaille sa terre sans l'aide de salariés et la mesure d'interdiction de cumul ne l'intéresse pas ; soit il souhaite recourir à l'aide d'un ou plusieurs salariés et il convient alors de permettre le cumul du bénéfice de l'exonération prévue à l'article L. 762-4 du code rural, avec celle prévue à l'article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, par exemple, et qui vise à encourager l'embauche de salariés.
    A la lumière de ces explications, la commission des finances et son rapporteur pourraient comprendre que le Gouvernement est attaché au maintien de son texte et qu'il ne souhaite pas que l'amendement soit adopté.
    M. le président. Monsieur Auberger, êtes-vous sensible à l'argumentation de Mme la ministre ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. J'y suis en effet sensible, monsieur le président. (Sourires.) Cela dit cette argumentation m'a laissé quelque peu perplexe, puisque le I de l'article 4 du projet de loi prévoit que « les exonérations et allégements prévus par les articles 1er à 3 ne peuvent être cumulés avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale ».
    Je vais retirer l'amendement, non sans observer que la discussion que nous venons d'avoir avait quand même une vertu : elle m'a fait comprendre qu'en ce qui concernait l'agriculture, le cumul des différents avantages peut être parfaitement admis. Que le Gouvernement me permette cependant de lui faire observer que je n'ai fait que reprendre son idée initiale. Il a abandonné cette idée, et je l'abandonne également, pensant que la position nouvelle qu'il a adoptée est préférable à la précédente.
    M. le président. L'amendement n° 67 est retiré.
    M. Victoria et M. Quentin ont présenté un amendement, n° 284, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par l'alinéa et le paragraphe suivants :
    « Les exploitants agricoles exerçant leur activité sur des exploitations de plus de quarante hectares pondérés sont exonérés de la part des cotisations dues au titre des quarante premiers hectares. »
    « II. - Les pertes de recettes pour le BAPSA sont compensées à due concurrence par l'augmentation du taux de la taxe prévue à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »
    La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. Cet amendement tend, pour supprimer l'effet de seuil, à une exonération des cotisations AMEXA pour les quarante premiers hectares pondérés afin de permettre aux moyennes exploitations une diversification.
    Mais, compte tenu de son sort prévisible, je préfère dès à présent le retirer.
    M. le président. L'amendement n° 284 est retiré.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

    M. le président M. Payet et Mme Bello ont présenté un amendement, n° 338, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Le décret relatif à l'application dans les départements d'outre-mer de la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles est publié au plus tard dans les deux mois suivant la promulgation de la présente loi. »
    La parole est à M. Christophe Payet.
    M. Christophe Payet. Madame la ministre, je prends acte de votre déclaration au sujet des décrets d'application sur les retraites agricoles. Je vous remercie de nous avoir indiqué qu'ils étaient prêts, et qu'ils allaient être soumis aux collectivités territoriales. Je retire donc mon amendement et je vous remercie encore de votre diligence, au nom des agriculteurs d'outre-mer.
    M. Mansour Kamardine. Bravo !
    M. le président. L'amendement n° 338 est retiré.
    M. Lurel a présenté un amendement, n° 238, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Afin de sauvegarder le foncier agricole, le ministère chargé de l'agriculture et le ministère chargé de l'outre-mer déposent dans l'année suivant la promulgation de la loi n°      de programme pour l'outre-mer un rapport au Parlement, après consultation des représentants syndicaux, des chambres d'agriculture et des représentants de ces territoires, en vue d'élaborer un plan pluriannuel permettant notamment un zonage des terres agricoles, d'assurer le respect des schémas d'aménagement régionaux et les modalités de récupération des terres en friche ainsi que les instruments permettant la mise en oeuvre de ces politiques au plan local. »
    La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Le rapport du conseil économique et social sur l'agriculture en outre-mer, dû à Mme Chantal Berthelot, soulignait fortement que « dans un contexte de compétition économique mondiale exarcerbée, le maintien et le développement des activités agricoles et agro-alimentaires constituent des enjeux stratégiques ». L'objet de mon amendement est de contribuer à maîtriser l'offre foncière dans les DOM.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La commission n'a pas examiné l'amendement. A titre personnel, je pense que notre collègue a raison de se préoccuper de l'aménagement foncier en milieu agricole. Reste que la question relève également des différents départements et territoires. Dans certains cas, il existe même des établissements fonciers qui font ce travail. Il est sans doute préférable que ces dispositions, qui sont quand même spécifiques, soient prévues par le projet de loi d'orientation agricole et d'aménagement rural, plutôt que par ce projet de loi de programme dont l'objet, vous l'avez dit, n'est pas agricole : il s'agit essentiellement de l'emploi et de l'investissement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Monsieur Lurel, j'ai le plaisir de vous dire que les préoccupations que vous venez d'exprimer rejoignent tout à fait celles du ministre chargé de l'agriculture et les miennes propres ainsi que celles du Conseil économique et social et des professionnels des DOM.
    C'est pourquoi le projet de loi relatif aux affaires rurales, en préparation, comportera un volet relatif à la protection du foncier agricole naturel et forestier. Le sujet pourra être utilement traité dans ce cadre. C'est pourquoi je suis défavorable à l'adoption de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.
    M. Victorin Lurel. Au bénéfice des déclarations de Mme la ministre, et fort des engagements pris, je retire mon amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Mansour Kamardine. C'est très bien !
    M. Victorin Lurel. Nous sommes positifs, vous le voyez !
    M. le président. L'amendement n° 238 est retiré.

Article 3

    M. le président. « Art. 3.- Le II de l'article 3 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les marins devenant propriétaires embarqués d'un navire immatriculé dans un département d'outre-mer et assurant en droit la direction de l'entreprise qu'ils créent ou qu'ils reprennent sont exonérés des cotisations et contributions les concernant pour une période de vingt-quatre mois à compter de la date de cette création ou de cette reprise. »
    Vous voulez intervenir, monsieur Lurel ?
    M. Victorin Lurel. Non, monsieur le président, je renonce à mon temps de parole sur l'article 3. Je ne voudrais pas faire durer plus qu'il n'est nécessaire !
    M. le président. Nos collègues de l'UMP pourraient applaudir M. Lurel ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous avions déjà applaudi précédemment !
    M. le président. M. Auberger a présenté un amendement, n° 68, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 3 par l'alinéa suivant :
    « Les exonérations prévues par l'alinéa précédent ne peuvent être cumulées avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale. »
    La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. Je vais retirer cet amendement et voici pourquoi. L'inspiration de l'article 3 est exactement la même que celle de l'article 2. Il prévoit en effet l'exonération des charges sociales des marins pêcheurs à titre d'exploitant, comme l'article 2 prévoyait l'exonération, dans certaines limites, des charges sociales de l'exploitant agricole. Il n'y a donc pas double emploi avec les dispositions de l'article 1er concernant les salariés de ces différents secteurs puisqu'ils peuvent bénéficier également de l'exonération.
    Dans ces conditions, le cumul des deux est évidemment tout à fait souhaitable. Sinon, cela voudrait dire que ces dispositions, notamment concernant les salariés, n'auraient pas leur plein effet. Voilà pourquoi je retire l'amendement n° 68.
    M. le président. L'amendement n° 68 est retiré.
    Je mets aux voix l'article 3.
    (L'article 3 est adopté.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - I. - Supprimé.
    « II. - Les dispositions des articles 1er à 3 font l'objet d'une évaluation tous les trois ans, notamment pour ce qui concerne leurs effets en termes de création d'emploi. Les conclusions de cette évaluation, transmises au Parlement, peuvent amener à revoir les niveaux d'exonération.
    « III. - Les dispositions des articles 1er à 3 et du présent article sont applicables à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. »
    Renoncez-vous encore à votre temps de parole, monsieur Lurel ?
    M. Victorin Lurel. Oui, monsieur le président.
    M. le président. M. Auberger a présenté un amendement, n° 406 rectifié, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le II de l'article 4 :
    « II. - L'article 85 de la loi de finances pour 1969 (n° 68-1172 du 27 décembre 1968) est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
    « Les exonérations de cotisations sociales prévues aux articles L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, L. 762-4 du code rural et 3 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer font l'objet d'une évaluation précisant notamment le nombre d'emplois qu'elles ont créés.
    « Les conclusions de cette évaluation peuvent amener à revoir les niveaux des exonérations. »
    La parole est à M. Philippe Auberger.
    M. Philippe Auberger, rapporteur. La loi adoptée le 1er août 2001 prévoit déjà, non seulement que le Parlement est pleinement informé de l'ensemble des crédits affectés à tel ou tel programme - et cet ensemble d'exonérations de cotisations sociales outre-mer peut effectivement faire l'objet d'un programme - mais en outre, qu'une évaluation régulière de l'utilisation des crédits aura lieu, conformément aux objectifs. Plutôt que de prévoir un document particulier, il me semble personnellement préférable que le coût des exonérations figure dans ce qu'on appelle le « jaune » dans notre jargon budgétaire, c'est-à-dire un document récapitulant l'ensemble des crédits de l'outre-mer, quel que soit le ministère auquel ces crédits sont affectés.
    Je reconnais néanmoins la pertinence des objections du ministère, et je vais vous présenter un sous-amendement qui en tiendra compte. Le document devrait être un document annuel, également disponible au moment de l'examen de la loi de finances. Or on me dit qu'il est difficile d'évaluer chaque année avec précision le nombre d'emplois créés. Je propose donc de supprimer la mention « précisant notamment le nombre des emplois qu'elles ont créés », du moment que figure au moins dans le jaune l'évaluation du coût annuel des exonérations. Naturellement, serait maintenue la possibilité de revoir périodiquement, en fonction des évaluations, le niveau des exonérations, soit précisément ce qu'a proposé Mme la ministre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    Mme la ministre de l'outre-mer. Compte tenu du sous-amendement proposé par le rapporteur, je vous demande une courte suspension de séance pour faire le point.
    M. le président. Compte tenu de l'heure, je vous propose de lever la séance et de reprendre la discussion de ce point en séance de nuit.
    Mme la ministre de l'outre-mer. D'accord.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

    M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi urbanisme et habitat.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 881, de programme pour l'outre-mer :
    M. Philippe Auberger, rapporteur au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 891),
    M. Joël Beaugendre, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 887).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du vendredi 6 juin 2003
SCRUTIN (n° 158)


sur l'amendement n° 160 de M. Lurel à l'article 1er du projet de loi de programme pour l'outre-mer (conditions d'octroi des exonérations de charges aux entreprises de transport aérien assurant la desserte entre l'outre-mer et la métropole).

Nombre de votants

37


Nombre de suffrages exprimés

37


Majorité absolue

19


Pour l'adoption

10


Contre

27

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 26 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants :  MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Eric Raoult (président de séance)
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22).
Non-inscrits (12) :
    Pour : 4. - Mme Huguette Bello, MM. Philippe Edmond-Mariette, Eric Jalton et Alfred Marie-Jeanne.