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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 12 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 11 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

DÉROULEMENT DES ÉPREUVES
DU BACCALAURÉAT «...»

MM. Christian Ménard, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

RESPECT DANS LE DÉBAT DÉMOCRATIQUE «...»

MM. François Hollande, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

PRÉVENTION DES INONDATIONS «...»

M. Philippe Folliot, Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable.

RÉFORME DES RETRAITES «...»

MM. Frédéric Dutoit, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

AVENIR DU FRANÇAIS DANS L'UNION EUROPÉENNE «...»

M. Michel Herbillon, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

LUTTE CONTRE LES RÉSEAUX TERRORISTES «...»

MM. Frédéric Soulier, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

RESPECT NÉCESSAIRE EN DÉMOCRATIE «...»

MM. Laurent Fabius, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre.

GRÈVES DANS LES TRANSPORTS PUBLICS «...»

MM. Jean Besson, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

POLITIQUE DE LA VILLE «...»

MM. Yves Jego, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

RÉFORME DES MARCHÉS PUBLICS «...»

Mme Elisabeth Guigou, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ÉTABLISSEMENTS D'ACCUEIL
DES PERSONNES ÂGÉES «...»

MM. Pierre Lasbordes, Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

INDEMNISATION DES VICTIMES
DE LA MARÉE NOIRE DU PRESTIGE «...»

Mmes Marie-Hélène des Esgaulx, Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Rappel au règlement «...».
M. Alain Bocquet.
3.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite) «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Denis Jacquat, Maxime Gremetz, Jean-Luc Préel, Gaëtan Gorce. - Rejet par scrutin.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Bocquet : M. Alain Bocquet.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

Question préalable de M. Bocquet (suite) : MM. Alain Bocquet, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Stéphane Demilly, Christophe Masse, Yves Bur.

Demande de vérification du quorum «...»

M. Alain Bocquet.
Question préalable (suite) : MM. Jean-Pierre Brard, Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles.

Rappel au règlement «...»

MM. Bernard Roman, le président.
Le vote sur la question préalable est réservé dans l'attente de la vérification du quorum.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappels au règlement «...»

MM. Jacques Barrot, le président, le ministre, Bernard Roman, Maxime Gremetz, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
MM. Jacques Barrot, le président, Jean-Pierre Brard.
Le bureau de séance a constaté que le quorum n'était pas atteint.
Le vote sur la question préalable est reporté à la prochaine séance.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

DÉROULEMENT DES ÉPREUVES DU BACCALAURÉAT

    M. le président. La parole est à M. Christian Ménard.
    M. Christian Ménard. Ma question s'adresse à M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    Monsieur le ministre, demain, les premières épreuves du baccalauréat vont avoir lieu sur l'ensemble du territoire. Or, les grèves qui se poursuivent depuis plus de dix jours entretiennent une certaine inquiétude. Par ailleurs, des rumeurs ont couru un temps, laissant entendre aux élèves qu'ils ne pourraient passer le baccalauréat dans des conditions de calendrier normales.
    Un député du groupe socialiste. Question téléphonée !
    M. Christian Ménard. Dans ce contexte, les premiers à être lésés sont les élèves eux-mêmes. Outre que, par endroits, ils ont déjà été privés des cours et de l'indispensable préparation aux examens, ils sont aujourd'hui dans l'incertitude quant à la tenue des épreuves.
    Face à cette situation, le Gouvernement a décidé, tout en restant ferme sur la nécessité des réformes, d'ouvrir le dialogue avec les syndicats.
    Aujourd'hui, la priorité est de répondre à l'inquiétude des parents et des élèves.
    Monsieur le ministre, vous le savez, nous vous soutenons pleinement dans votre volonté de mener à bien les réformes nécessaires.
    Quelles sont les garanties que peut donner le Gouvernement sur le bon déroulement des examens, face aux risques de boycott ou du surévaluation des notes ?
    Plus généralement, pouvez-vous nous dresser le bilan des discussions que vous avez eues avec les syndicats et nous présenter les principaux points d'accord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, les négociations qui ont commencé au ministère de l'éducation nationale, il y a trois semaines, se déroulent, en effet, dans une atmosphère constructive. Or ce n'était pas acquis, parce que les partenaires sociaux réclamaient en préalable le retrait des projets de réforme. Nous ne voulions pas y consentir, mais nous ne pouvions non plus nous contenter de leur proposer de négocier simplement sur des modalités d'application. Il fallait donc trouver un chemin. Je pense que c'est fait et que cela a contribué à calmer le jeu, notamment en ce qui concerne les examens.
    Je note d'ailleurs à ce propos que toutes les organisations syndicales appellent aujourd'hui au non-boycott des examens, notamment du baccalauréat, et pour la première fois sans aucune réserve, c'est-à-dire sans ajouter que le Gouvernement porterait la responsabilité d'éventuels dérapages.
    Les organisations syndicales ont pris leurs responsabilités, et elles l'ont fait publiquement. Je leur en rends hommage très volontiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Néanmoins, ne nous dissimulons pas que deux menaces pèsent encore sur les examens.
    Un député du groupe socialiste. La première, c'est Ferry !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. D'abord, étant donné la possibilité d'une grève surprise dans les transports, j'appelle les candidats à prendre leurs précautions.
    M. Maxime Gremetz. Leur vélo !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Par ailleurs, on ne peut écarter l'éventualité de commandos contre les sujets du bac et contre les centres d'examen. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    C'est nous qui avons pris, cette fois, toutes nos précautions : une cellule de veille est constituée au ministère et tout est prévu dans les académies. Il faut que les élèves le sachent : le bac aura bien lieu et dans de bonnes conditions. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais ce qui est plus inquiétant, c'est qu'un certain nombre de gens remettent en cause le principe républicain des élections. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Et là encore, il faut rendre hommage aux organisations syndicales qui ont eu le sens des responsabilités et ne sont pas tombées dans ce piège. J'espère que cela continuera dans les jours qui viennent.
    Quant aux négociations, monsieur le député, elles se poursuivront la semaine prochaine, au ministère de l'éducation nationale, puisque s'y tiendra un groupe de travail sur la réforme de la loi d'orientation de 1989. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RESPECT DANS LE DÉBAT DÉMOCRATIQUE

    M le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, je veux vous interroger avec calme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) mais avec gravité. (Mêmes mouvements.)
    Ici, nous représentons tous la France. Le suffrage universel nous a conféré cette légitimité-là, et elle est exigeante.
    M. Edouard Landrain. Eh oui !
    M. François Hollande. La France nous l'avons, monsieur le Premier ministre, en partage, pas en propriété. Il n'y a donc pas deux sortes de parlementaires, les patriotes ou les partisans.
    M. Jean-Claude Lefort. Ni deux civismes !
    M. Yves Fromion. Mais vous avez chanté L'Internationale !
    M. François Hollande. Il n'y a pas deux France, une bonne et une mauvaise. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ce vocabulaire-là est d'une autre époque, que nous ne voulons par revoir. Que l'on soit dans la majorité ou dans l'opposition, nous agissons les uns et les autres, les uns après les autres, au gré des alternances - et elles ont été nombreuses - en fonction de ce que nous croyons être l'intérêt général.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tu parles !
    M. François Hollande. Nous pouvons diverger sur les solutions. Nous pouvons nous affronter, même durement, sur les projets. Nous pouvons avoir d'autres choix, et ils sont légitimes, notamment quant à cette question majeure des retraites. Mais nous pensons tous sincèrement, servir notre pays en fonction de nos idées et de nos convictions.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
    M. François Hollande. Nul ne peut dès lors s'arroger la vérité, le sens de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et encore moins - encore moins ! - l'idéal patriotique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Georges Tron. Il a raison !
    M. François Hollande. Enfin, pour ce qui concerne les socialistes, vous pouvez, monsieur le Premier ministre, contester autant qu'il vous plaira leurs choix, leurs positions, leurs doctrines, leurs valeurs, mais il y a une chose que vous ne pouvez pas leur dénier et que nous n'accepterons pas que vous leur déniiez, c'est le sens de l'intérêt national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous en prie, donnez un autre spectacle !
    M. François Hollande. Ce sens de l'intérêt national, nous l'avons montré lorsque nous étions au Gouvernement de la France. Ce sens de l'intérêt national, nous l'avons montré aussi dans une circonstance grave pour le pays où nous, nous avons préféré, en effet, la République à nos intérêts partisans ! Ne l'oubliez pas, c'était le 5 mai 2002 ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Quelle est donc la question ?
    M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous avez souhaité à juste titre dans votre déclaration de politique générale améliorer les relations républicaines avec l'opposition. Vous pouvez en donner aujourd'hui une preuve. Si vous pensez, comme nous tous, que le respect - le respect, oui ! - est le fondement de la démocratie, si vous souhaitez clore - et je pense que c'est nécessaire - un incident regrettable, alors, je vous le demande, avec gravité : ajoutez le sens des responsabilités à la courtoisie républicaine et retirez cette phrase-là, elle est de trop ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, je veux vous répondre avec la même gravité. Oui, j'ai moi aussi le respect au coeur, et je considère, comme vous qu'il doit être le fondement de notre démocratie. C'est ce qui nous rassemble. Je ne nie pas que votre famille politique ait été au rendez-vous de la République au printemps dernier, et à propos de l'Irak, au rendez-vous des engagements de la France. Je ne le nie pas. Mais j'ai été déçu. Sur un sujet tel que les retraites, - c'est-à-dire sur l'avenir de la France -, je pensais qu'un débat pourrait avoir lieu comme cela a été le cas dans beaucoup de pays d'Europe (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), un débat rassemblant l'ensemble du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je comprends votre réaction. Je n'ai voulu et je ne veux offenser personne. (« Alors retirez cette phrase ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mais si je comprends, je demande aussi à être compris. Je veux que vous compreniez aussi mon émotion quand j'ai entendu entonner l'Internationale chantée dans cet hémicycle. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je veux que vous compreniez mon émotion quand j'ai vu que seule une partie de l'Assemblée se levait pour chanter notre hymne national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Nous sommes à égalité d'émotion, je vous comprends mais je demande que vous compreniez l'émotion qui a été la mienne dans ces circonstances. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Besson. Scandaleux !
    M. le Premier ministre. Je souhaite vraiment que nous puissions maintenant engager un débat au fond sur le sujet des retraites. Et il est très important pour le pays que ce débat soit serein et porte sur la réalité du texte proposé. C'est ce qui doit nous rassembler.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Retirez la phrase !
    M. le Premier ministre. J'ai dit toute ma compréhension...
    Mme Martine David. Retirez votre phrase, alors !
    M. le Premier ministre. ... et je tiens aussi à affirmer, avec la plus grande détermination, que je respecte l'ensemble des groupes politiques ici rassemblés.
    Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !
    M. le Premier ministre. Je les respecte, mais cela ne veut pas dire que l'on puisse s'autoriser n'importe quel comportement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Peut-être me suis-je habitué aux critiques acerbes et sévères et ai-je surestimé la résistance des autres à ces critiques qu'il m'a bien fallu endurer moi aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Reprenons le débat démocratique. Dépassons ces événements. Venons-en à l'essentiel : le débat sur les retraites. Je vous remercie, monsieur le député, de votre question. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

PRÉVENTION DES INONDATIONS

    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Philippe Folliot. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Quelques jours après les graves inondations dont a été victime la Normandie, la ville de Castres et ses proches environs ont été, durant la nuit du 5 au 6 juin dernier, très lourdement touchés. Ce phénomène d'une ampleur exceptionnelle, qualifié de centennal, laisse de lourdes traces et un cortège de désolation : 300 habitations complètement détruites ou sérieusement détériorées, des commerces endommagés, des entreprises sinistrées avec plus de 400 salariés en chômage technique, sans parler de nombreux dégâts sur le domaine public.
    Quatre ans après les tragiques inondations de 1999, qui avaient déjà touché le sud du Tarn, comme l'Aude et l'Hérault, le bassin versant de l'Agout paie une nouvelle fois un lourd tribut aux caprices de la météorologie.
    Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous remercier pour le message de sympathie adressé aux victimes et de félicitation aux secours, et souligner l'efficacité et la réactivité de M. le ministre de l'intérieur et de son cabinet pour l'engagement d'une procédure de catastrophe naturelle dite accélérée. Il y a des gestes, dans de tels moments de détresse, qui sont particulièrement appréciés.
    Nous connaissons l'attachement de Mme Bachelot à la politique de prévention des inondations et je sais que, prochainement, elle prendra des initiatives particulièrement fortes.
    Quelle est la trame de la politique gouvernementale en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat au développement durable.
    Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur le député, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Bachelot, qui est au Sénat pour présenter la loi chasse.
    Le Gouvernement tient comme vous, monsieur le député, à assurer de sa sympathie les victimes de ces événements, et à remercier les élus, les agents de l'Etat, les services municipaux et tous les autres agents publics qui leur ont porté secours dans ces moments difficiles.
    Le programme de lutte contre les inondations comporte, vous le savez, des mesures législatives qui ont été débattues au sein de votre assemblée, dans le cadre du projet de loi sur la prévention des risques. Nous souhaitons que ce texte puisse être adopté dans les meilleurs délais et nous avons d'ores et déjà demandé aux services du ministère de commencer à préparer les décrets d'application pour que l'essentiel de la loi puisse être mis en oeuvre dès la fin de l'année.
    En outre, l'action de l'Etat en matière de prévision des inondations bénéficiera de la création d'un service central d'hydro-météo et d'appui à la prévision des inondations qui s'installe à Toulouse à côté de Météo-France.
    Enfin, nous avons lancé, en octobre 2002, un appel à concevoir des projets d'actions de prévention des inondations. Cet appel à projets a connu un grand succès auprès des collectivités territoriales. Les services du ministère en achèvent actuellement l'examen de façon à sélectionner les trente projets les plus élaborés, sur lesquels pourront être concentrés les moyens dont nous disposons pour aider à leur mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME DES RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Frédéric Dutoit. Monsieur le Premier ministre, la journée interprofessionnelle d'hier a été une nouvelle démonstration de l'exceptionnelle attention que portent des millions de Françaises et de Français à la réforme des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le mouvement social est d'une ampleur rarement égalée à la veille des grandes vacances. Il est le grand invité du débat parlementaire qui s'est ouvert, hier, ici même. Les députés communistes participeront très activement à la réflexion parlementaire avec un esprit d'initiative et de responsabilité.
    M. Richard Mallié. Six mille amendements !
    M. Frédéric Dutoit. Ils vous ont déjà présenté des propositions alternatives, que vous refusez par avance. Belle leçon de démocratie ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'autres sensibilités politiques, le mouvement social et les organisations syndicales ont les leurs. De nouvelles pistes de réflexion sont donc à creuser.
    Monsieur le Premier ministre, comme vous nous l'avez dit hier, ce projet de loi touche à une question de société. Vous parlez de démocratie sociale, mais comment pouvez-vous vous appuyer sur un accord fragile, qui n'a reçu le soutien que d'une partie des organisations syndicales de salariés, mais de toutes les organisations patronales, en ignorant le mouvement social actuel ? Pourtant, d'après un récent sondage, 71 % des Français souhaitent que le Gouvernement ouvre de vastes négociations avec les partenaires sociaux, quitte à retarder le calendrier d'application.
    Par conséquent, pour prendre une bonne décision, permettez un vrai débat national et reportez le vote de l'Assemblée nationale sur le projet de loi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le Premier ministre, face à ce qui constitue un véritable enjeu de société, n'est-il pas urgent d'engager de réelles négociations avec l'ensemble des partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, après le 21 avril, vous devriez avoir appris, comme nous tous, à vous méfier des sondages ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Albert Facon. Un peu de modestie !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La réforme des retraites est désormais entre les mains du Parlement. Nous avons commencé, hier soir, à croiser nos arguments. Des milliers d'amendements ont été déposés, et vous n'avez d'ailleurs pas été en reste.
    Ils démontrent l'imagination de la gauche sur le dossier des retraites, imagination qui se manifeste particulièrement lorsqu'elle est dans l'opposition. (« Très bien » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous nous demandez de reporter ce projet. En réalité, vous voulez le stopper. Vous parlez de réforme, mais vous rêvez de ne rien changer. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Mais non, c'est faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous préconisez de multiplier les impôts et les taxes pour financer le statu quo, et notamment le maintien à trente-sept annuités et demie dans la fonction publique, qui constitue la raison essentielle du mouvement social sur lequel vous vous appuyez et que vous essayez d'ailleurs sans succès d'attiser. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Monsieur le député, nous sommes déterminés à sauver les retraites, et cette détermination n'est pas le fruit d'un entêtement.
    M. Maxime Gremetz. Acharnement thérapeutique !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle est appuyée sur plusieurs convictions.
    Conviction d'abord que le dialogue social a été poussé jusqu'à ses limites les plus constructives. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je m'interroge d'ailleurs pour savoir à quel moment, dans notre histoire récente, une organisation syndicale importante, à laquelle vous faites référence, a apporté son soutien à une réforme sociale dans notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Jamais !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Conviction ensuite, que la devise de la République, ce n'est pas « toujours plus pour moi », mais « tous ensemble dans un effort équitable et partagé ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Les accords Matignon, on y va !
    M. André Chassaigne. Et le MEDEF ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Conviction, enfin, que cette réforme relève d'un devoir à l'égard des générations futures, et ce devoir-là, nous allons l'assumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

AVENIR DU FRANÇAIS DANS L'UNION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe UMP.
    M. Michel Herbillon. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Dans moins d'un an, l'Union européenne accueillera dix nouveaux pays. Le 1er mai 2004, ce sont aussi neuf nouvelles langues qui viendront s'ajouter aux onze langues officielles que reconnaît actuellement l'Union européenne.
    Alors que la Convention sur l'avenir de l'Europe s'apprête à placer la diversité linguistique et culturelle au rang de principe constitutionnel, le plurilinguisme européen est plus que jamais l'expression d'une formidable richesse qu'il nous appartient de promouvoir. Pour autant, les institutions de l'Union doivent pouvoir continuer à fonctionner efficacement sans que la multiplication du nombre de langues devienne un handicap.
    Des négociations difficiles sont en cours au sein du Conseil pour définir un nouveau régime linguistique. Dans la pratique, vous le savez, l'anglais gagne du terrain dans toutes les institutions de l'Union au détriment des autres langues, notamment du français, qui ne cesse de reculer.
    Les infractions se multiplient alors que l'Europe reconnaît le principe d'égalité entre toutes les langues officielles. Est-il normal que le site internet de la Banque centrale européenne ne soit disponible qu'en anglais ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Est-il acceptable que des annonces de recrutement exigent l'anglais comme langue maternelle et que des appels d'offres ne soient rédigés qu'en anglais ? (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Scandaleux !
    M. Michel Herbillon. Alors que le Premier ministre a rappelé dans sa circulaire du 14 février dernier que le prochain élargissement de l'Union européenne devait être l'occasion de promouvoir le recours à l'utilisation de la langue française en Europe, affirmation qui fait sans aucun doute l'objet d'un consensus sur tous les bancs de cette assemblée, pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, où en sont les discussions sur la réforme du régime linguistique de l'Union et nous donner votre sentiment sur l'avenir du français en Europe ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, la question linguistique que vous évoquez dans le rapport que vous venez de faire adopter à l'unanimité par la délégation à l'Union européenne est effectivement au coeur de l'Europe élargie. C'est pourquoi nous sommes très satisfaits de voir que le principe de la diversité linguistique fait maintenant partie des principes constitutionnels de l'Union, comme l'avait d'ailleurs demandé Dominique de Villepin.
    Cela étant, reste encore des demandes concrètes que nous souhaitons voir aboutir, et je m'attache avec Pierre-André Wiltzer à défendre la place du français en Europe et donc dans le monde. L'une de ces demandes concernait le statut de la fonction publique européenne. A la faveur de la réforme de ce statut, nous venons de remporter un premier succès en obtenant que, pour leur première promotion, les fonctionnaires européens soient obligés de parler au moins deux langues étrangères, ce qui donne évidemment au français une chance supplémentaire que nous comptons bien saisir dans le cadre de l'organisation internationale de la francophonie.
    Se pose encore la question des institutions communautaires. Je vous rassure tout de suite : à la Commission comme à la Cour de justice de Luxembourg, le français gardera une place éminente. Pour le Conseil, le débat est ouvert. Nous entendons en tout état de cause obtenir la systématisation de l'interprétation en français, peut-être davantage. La place de Strasbourg comme capitale européenne est aussi pour nous un enjeu important dans la défense du français.
    Les propositions de votre rapport vont venir alimenter nos propres propositions, et nous sommes heureux de pouvoir compter sur vous pour défendre la place du français en Europe, autrement dit dans le monde. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LUTTE CONTRE LES RÉSEAUX TERRORISTES

    M. le président. La parole est à M. Frédéric Soulier, pour le groupe UMP.
    M. Frédéric Soulier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Et de l'éducation nationale !
    M. Frédéric Soulier. Monsieur le ministre, les nouveaux chiffres publiés confirment la tendance des derniers mois. Les crimes et délits constatés ont diminué de 6,64 % en mai 2003. La délinquance sur la voie publique est en baisse de près de 12 %, alors que, dans le même temps, le nombre de faits élucidés a augmenté de pratiquement 8 %. Pour la ville de Paris, la baisse de la délinquance pour le mois de mai est de 13 % et de 24 % dans le métro. Je tiens donc à saluer l'activité de tous les services de police et de gendarmerie et à leur manifester mon soutien, mais aussi celui de tous mes collègues, pour la poursuite de leurs efforts.
    Par ailleurs, l'ensemble des forces de l'ordre, sous votre impulsion, mènent aussi un travail remarquable dans la lutte contre les risques terroristes. La semaine dernière, la DST, qui maintient une pression continue sur une mouvance islamiste, a, dans le cadre de l'enquête judiciaire commanditée par le juge Jean-Louis Bruguière, interpellé deux suspects proches de la mouvance Al Qaida, en transit à Roissy. Le premier, arrêté le 1er juin, semblait préparer un attentat qu'il allait commettre à la Réunion. Le second, interpellé deux jours après, serait l'un des responsables d'Al Qaida, en contact direct avec Ben Laden.
    Pouvez-vous nous informer plus précisément sur ces deux arrestations et nous dire dans quelle mesure elles pourraient déstabiliser les réseaux terroristes ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Effectivement, monsieur le député, le 1er juin dernier, les services français ont procédé à l'arrestation, à Roissy, d'un individu s'appelant Karim Mehdi, marocain, qui venait d'Allemagne et se dirigeait vers la Réunion. Cette arrestation a d'ailleurs eu lieu grâce à la parfaite collaboration entre les services des grandes démocraties. Cet individu a expliqué qu'il allait à la Réunion pour faire un voyage de repérage, et il a évoqué devant le juge Bruguière la possibilité d'un attentat à la voiture piégée. Je crois que l'on peut dire, et je parle aussi au nom de mon collègue le garde des sceaux, que mieux vaut que cet individu ait été arrêté.
    Le 3 juin, soit deux jours plus tard, un autre individu, Christian Ganczarski, un ressortissant allemand, a été arrêté, toujours à Roissy. C'est un spécialiste de l'informatique et des services de radio-télécommunications. M. Mehdi le désigne comme l'un des organisateurs et le financier de l'attentat qui aurait pu être perpétré à la Réunion. Le même Ganczarski n'a rien déclaré quant à lui, mais les services savent qu'il s'agit d'un haut responsable d'Al Qaida, en contact avec Oussama Ben Laden lui-même, ayant été en Afghanistan et en Bosnie.
    M. Jean-Pierre Brard. Où est Ben Laden ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Bref, les services français ont arrêté depuis le mois de novembre 2002 cinquante et une personnes en liaison avec des organisations terroristes. Un tel bilan vaut mieux que les murmures que l'on entend sur certains bancs de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

RESPECT NÉCESSAIRE EN DÉMOCRATIE

    M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste.
    M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, il peut arriver à chaque responsable politique, dans son expression, que ce soit au Parlement ou à l'extérieur, de déraper. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans ce cas, il existe une procédure bien connue, d'ailleurs fréquemment utilisée, qui ne rabaisse jamais ceux qui l'utilisent, qui consiste tout simplement à présenter ses regrets, ses excuses. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Georges Tron. Vous ne l'avez jamais fait !
    M. Laurent Fabius. Vous avez dit hier des socialistes qu'ils préféraient leur parti à leur patrie. Vous n'avez pas voulu tout à l'heure retirer ces propos. Nous pensons que c'est à tort et nous le regrettons.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et lors de l'affaire Greenpeace, vous vous êtes excusé ?
    M. Laurent Fabius. Vos propos d'hier, comme ceux de tout à l'heure, nous inspirent au moins trois courtes leçons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Goasguen. La question !
    M. Laurent Fabius. La première concerne les attaques qui ont été les vôtres.
    M. Jean Marsaudon. Et eux, à Dijon, il n'ont pas attaqué ? Ce sont des voyous !
    M. Laurent Fabius. Elles n'ont pas porté sur le contenu de nos choix politiques. On peut en effet discuter de la façon d'aborder le problème des retraites, de la santé ou tout autre sujet. Elles ont porté sur le fait que, selon vous, les socialistes, et donc aussi leurs électeurs, sont incapables d'incarner l'intérêt national.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvemnt populaire. C'est vrai !
    M. Laurent Fabius. C'est le thème bien connu de l'anti-France. Nous ne saurions accepter un tel argument (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui relève d'autres partis que les partis démocratiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Marsaudon. Roquet !
    M. Laurent Fabius. La deuxième leçon, monsieur le Premier ministre, c'est que ces propos éclairent d'un jour singulier vos leçons sur le rassemblement. Vous parlez volontiers la main sur le coeur de rassemblement, mais, dès que le public s'y prête, vos paroles sont des paroles de division et même d'exclusion (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et cela, nous le regrettons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Richard Mallié. Quel culot !
    M. Laurent Fabius. Quant à la troisième et dernière leçon, elle est inspirée par l'histoire. Il y a une tradition, non pas dans toute la droite - le général de Gaulle n'a jamais procédé ainsi (Exclamations sur plusieurs bancs de l'Union pour un mouvement populaire), mais dans une certaine droite, qui consiste à pratiquer ce genre d'exclusive.
    Ce fut le cas à l'égard de Jaurès. Ce fut le cas à l'égard de Blum. Ce fut le cas à l'égard de Mendès France, dont pourtant vous vous réclamez. Ce fut le cas à l'égard de François Mitterrand. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Et la leçon de l'histoire a toujours été la même : si l'on se rappelle la figure de ceux qu'on a calomniés, on oublie, monsieur Raffarin, jusqu'au nom des calomniateurs. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Lamentable !
    M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Très vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, je ne vous ferai pas le coup du « vous parlez au Premier ministre de la France » ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je n'ai jamais été un excellent élève,...
    Mme Martine David et M. Julien Dray. Cela se voit !
    M. le Premier ministre. ... mais là, la leçon est un peu forte ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'ai toujours fait partie de ceux qui ont su respecter...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Prouvez-le !
    M. le Premier ministre. Je peux vous le prouver (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et je vais vous le prouver tout de suite ! J'ai été le premier à dire « bravo » à Dominique Strauss-Kahn (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Des excuses !
    M. le Premier ministre. ... quand, à vingt heures une, le soir du 21 mai, il a pris position en faveur d'un front républicain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. le Premier ministre. D'autres ont été plus lents à réagir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je n'ai pas attaqué les personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Si !
    M. le Premier ministre. Ecoutez mes propos. J'ai parlé de nos adversaires, pas des socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    Mme Martine David. Si !
    M. le Premier ministre. ... et cela a été repris sur plusieurs antennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. André Vallini. Vous n'êtes pas courageux !
    M. le Premier ministre. Soyons précis ! J'ai dit : « Nos adversaires, dans l'opposition, ont oublié leur mémoire, ils ont oublié le rapport Rocard sur les retraites, ils ont oublié le rapport Mauroy sur la décentralisation. » (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marc Ayrault. Non !
    Mme Martine David. Et après ? Ce n'est pas cela, la phrase !
    M. le Premier ministre. Ensuite, je n'ai pas exprimé une certitude, j'ai formulé une hypothèse. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Laquelle ?
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Qu'avez-vous dit ?
    M. le Premier ministre. Le débat politique qu'attendent aujourd'hui les Français, c'est le débat sur les retraites, et je ne crois pas que ce soit en retirant une phrase...
    Mme Martine David. Si ! Retirez-la !
    M. le Premier ministre. ... de son contexte que l'on pourra empêcher le débat d'avoir lieu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car c'est un débat important pour l'avenir de la France ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. C'est du baratin !
    M. le Premier ministre. Il s'agit de l'équité pour l'avenir ! Comme je l'ai dit tout à l'heure à M. Hollande, je tiens à votre disposition les enregistrements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. On a entendu !
    M. le Premier ministre. Je comprends votre émotion, j'ai demandé que l'on comprenne la mienne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !
    M. le Premier ministre. Je respecte l'opposition ! Je crois qu'aujourd'hui, pour tous ceux qui sont de bonne foi, l'incident est clos ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Loncle. Pitoyable !
    M. Jean-Pierre Blazy et M. Bernard Roman. Lamentable !
    M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !

GRÈVES DANS LES TRANSPORTS PUBLICS

    M. le président. La parole est à M. Jean Besson, pour le groupe UMP.
    M. Jean Besson. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    Monsieur le ministre, la France est en marche, je veux dire qu'elle marche à pied. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Depuis plusieurs jours maintenant, les Français subissent les conséquences des perturbations dans les transports. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    En effet, les personnels des transports publics ont rejoint le mouvement des grèves dans le cadre des protestations contre le projet de réforme des retraites, bien que cette réforme ne porte pas sur les régimes spéciaux qui les concernent. Ainsi, les Français qui ont besoin d'emprunter les transports en commun, le train, le métro, le bus, sont tous les jours confrontés à de grandes difficultés pour se rendre à leur travail, pour aller chercher leurs enfants, ou tout simplement pour rentrer chez eux.
    Aujourd'hui, les perturbations se poursuivent ponctuellement par la volonté de grévistes, de moins en moins nombreux, et ne représentant qu'une faible partie des personnels. Les autres travaillent, mais avec beaucoup de difficultés, pour remplir leur mission de service public. De nombreux cas de pressions et d'intimidations diverses de la part d'une minorité de meneurs sont d'ailleurs signalés.
    M. Maxime Gremetz. Oh !
    M. Jean Besson. Pouvez-vous nous indiquer le sentiment du Gouvernement sur cette situation, l'évolution attendue pour les heures et les jours qui viennent, et dresser le bilan que vous en tirez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, ce n'est pas depuis plusieurs jours, mais depuis près de trois semaines que les Français - familles, salariés, entreprises - vivent des moments difficiles...
    M. Jérôme Lambert. Avec vous, ils vont vivre des années difficiles !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... d'autant plus difficiles qu'ils ne sont dus qu'à des petits groupes et à des mouvements isolés.
    Où en sommes-nous aujourd'hui ? A la RATP, le trafic est assuré à 80 % pour les RER, pour les métros et pour les bus.
    M. François Liberti. Alors où est le problème ?
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Apparemment, cela vous gêne que les services publics fonctionnent, mesdames et messieurs de l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine David. C'est vraiment de la provocation !
    M. Bernard Roman. Incroyable !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Pour l'aérien, le trafic est normal et on ne constate aucun retard particulier. A la SNCF, deux trains sur trois fonctionnent, à l'exception des TER, notamment dans la région sud-est ou dans le nord de la région Ile-de-France. La tendance est donc nettement à la reprise progressive du travail.
    Je voudrais donner un coup de chapeau à la majorité des personnels qui sont restés au travail...
    M. Charles Cova. Eh oui !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... en dépit de conditions difficiles et des intimidations dont ils ont été l'objet (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et qu'ils m'ont rapportées hier, lorsque je me suis rendu à la gare Saint-Lazare. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Aujourd'hui, le personnel est au travail à 85 % à la SNCF et à 90 % à la RATP, car il a, tout simplement, le sens des responsabilités, le sens du service public et le sens de la grève pour des motifs objectifs, ce qui n'est pas le cas depuis trois semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Certains rêvaient d'un grand soir des transports publics. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ils ont échoué. La grande majorité des agents de transport public aspire au contraire à un grand dessein, auquel travaille le Gouvernement, avec les directions des entreprises publiques et les partenaires sociaux, afin d'offrir aux Français une grande qualité de service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

POLITIQUE DE LA VILLE

    M. le président. La parole est à M. Yves Jego, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Yves Jego. Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, ma question concerne directement la vie quotidienne de plusieurs millions de nos compatriotes qui vivent difficilement dans ce qu'il est convenu d'appeler les « quartiers sensibles ».
    Il y a un an, à l'occasion des élections législatives qui ont amené un changement de majorité, nous avons tous été interpellés par les habitants des cités, inquiets de constater que leurs quartiers se transformaient en ghettos. Incontestablement, la priorité que le Gouvernement a accordée aux questions de sécurité a constitué un début de réponse pour tous ceux qui ne supportaient plus la montée incessante de la délinquance. Toutefois, ce préalable indispensable ne suffira pas.
    Monsieur le ministre de la ville, vous avez hérité d'une situation marquée au double sceau de l'inefficacité et de la complexité. Cette situation a d'ailleurs été dénoncée dans un rapport de la Cour des comptes qui a mis sévèrement en cause la gestion de la majorité précédente.
    Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez montré, à de nombreuses reprises, en relançant par exemple les zones franches urbaines, votre volonté farouche de redonner à l'action de l'Etat dans ce domaine plus d'efficacité. Vous avez même évoqué la création d'un guichet unique pour accélérer les processus de décision.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est du pipeau !
    M. Jean-Pierre Blazy. Mensonge !
    M. Yves Jego. Aujourd'hui, afin de garantir que les décisions prises par le Gouvernement et les crédits votés par le Parlement auront des traductions rapides et lisibles dans ces quartiers en grande difficulté, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures et le calendrier que vous comptez mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Albert Facon. Avec quel argent ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur Jego, c'est vrai, les 4,5 millions de nos compatriotes qui vivent dans ces quartiers connaissent une situation difficile en matière de logements, d'équipements publics, d'espaces publics, voire d'écoles.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Elle ne s'est pas améliorée !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Tout le monde - partenaires sociaux, élus, monde HLM et nous - s'accorde sur le diagnostic, et, dans un mois, il vous sera proposé un texte dont les mesures mobiliseront 1,2 milliard d'euros par an. Mais, d'ores et déjà, partout en France, les HLM et les villes se sont mises en mouvement. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tu parles !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. A l'heure où je vous parle, le guichet unique a permis... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mesdames et messieurs de l'opposition, je crois que ce sujet vous intéresse aussi. Je travaille avec toutes les villes, y compris avec celles de gauche !
    A l'heure où je vous parle, 13 000 projets de démolition et de reconstruction ont été organisés dans les quartiers. D'ici à Noël, quatre-vingt-huit conventions pluriannuelles entre les HLM, les maires, les présidents de communauté urbaine auront été signées. D'ici à la fin de l'année prochaine, tous les sites auront reçu leur financement pour ces projets. Il s'agit purement et simplement de reconstruire une partie de nos villes : ce programme, qui n'a pas d'équivalent depuis la guerre, sera exécuté dans le délai de quatre ans et demi qui nous est imparti. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RÉFORME DES MARCHÉS PUBLICS

    M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour le groupe socialiste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, Mme Guigou n'a encore rien dit !
    Mme Elisabeth Guigou. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
    Mais je voudrais d'abord, si vous le permettez, dire un mot à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le Premier ministre, nous attendions de vous un mot, un seul, qui aurait pu être : « Si je vous ai blessés, je le regrette, et je suis prêt à retirer ma phrase. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous, c'est tous les jours que vous nous blessez ! Et deux Pater et trois Ave !
    Mme Elisabeth Guigou. Ce mot, vous ne l'avez pas dit : c'est très dommage et très triste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le garde des sceaux, votre gouvernement a fait voter une loi qui l'autorise à légiférer par ordonnances pour réformer les marchés publics. Cette réforme, nous dit-on, est destinée à simplifier les procédures. Cet objectif de simplification est louable en soi, et nous ne le récusons pas par principe, au contraire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais la réforme que vous préparez va bien au-delà. De fait, toutes les règles mises en place depuis dix ans pour assurer la concurrence, la transparence, et garantir la moralité de la vie publique sont remises en cause.
    Par exemple, dans 95 % des cas, les marchés de travaux ne seraient plus soumis à appel d'offres. On permettrait de nouveau à une même entreprise d'être chargée à la fois de la conception, de la réalisation et de l'entretien d'un ouvrage public,...
    M. Albert Facon. C'est une grande braderie !
    Mme Elisabeth Guigou. ... possibilité qui avait été proscrite par la loi, car elle facilitait la corruption.
    Un député du groupe socialiste. Voir la mairie de Paris !
    Mme Elisabeth Guigou. J'ai trois questions. Comment seront, à l'avenir, assurées la transparence et la régularité des marchés publics ? Comment éviterez-vous, si vous supprimez les garanties actuelles, que pèse sur nos élus et responsables publics un soupçon généralisé, alors que, dans la très grande majorité des cas, ce soupçon est totalement injustifié ?
    M. François Goulard. Mais de quoi parle-t-elle ?
    Mme Elisabeth Guigou. Comment éviterez-vous que, en vertu du principe pénal d'application de la loi la plus douce, la loi nouvelle ne s'applique à des affaires en cours d'instruction et n'aboutisse à une amnistie des délits de favoritisme (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) - je pense aux marchés des lycées d'Ile-de-France, à ceux de la ville de Nice, aux marchés de rénovation des lycées de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et aux marchés des HLM de la ville de Paris ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Marsaudon. Et URBA ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Nantes ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. On veut le garde des sceaux !
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, c'est moi qui ai voulu la réforme du code des marchés publics. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Si je l'ai voulue...
    M. Bernard Roman. C'est pour le MEDEF !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ce n'est pas pour créer les situations que vous craignez...
    M. Bernard Roman. Vous êtes le porte-parole du MEDEF !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais, au contraire, pour donner à toutes les collectivités territoriales la capacité de mieux acheter, de mieux négocier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), de négocier plus vite et, par conséquent, d'être plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Dans tous les domaines, y compris dans celui-là, les meilleures intentions du monde peuvent quelquefois aboutir à des résultats différents de ceux qui étaient souhaités.
    M. Jérôme Lambert. C'est exactement ce qui va se passer !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le nouveau code des marchés publics applicable depuis 2001 constitue assurément un progrès sur certains points.
    M. Bernard Roman. C'est un langage de patron, pas de ministre !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais il n'offre pas aux deux acteurs que sont l'acheteur et le vendeur la capacité de discussion, d'amélioration, de réactivité qui sont nécessaires lorsque l'on veut bien acheter.
    M. Jérôme Lambert. Commissions !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est hors de question pour nous de créer les conditions que vous craignez en ce qui concerne ce que vous appelez l'irresponsabilité des acteurs. Tout se fera dans la transparence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Albert Facon. Magouilles !
    M. le président. Monsieur Facon !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La transparence, madame, a bel et bien été préservée, puisque le projet de décret a été publié, de manière volontaire, sur le net du MINEFI...
    M. Bernard Roman. Sur le quoi du quoi ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... après avoir été l'objet d'une importante concertation avec des élus...
    M. Augustin Bonrepaux. Magouilles !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et afin de recueillir l'avis des acteurs du marché, pour introduire, si nécessaire, les modifications de nature à éviter tout malentendu.
    Nous travaillons donc dans la transparence, en toute responsabilité, pour que les collectivités locales et l'Etat aient une capacité accrue d'acheter bien, vite, de manière transparente et responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. C'est la voix du CNPF que nous avons entendue ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Roman, on n'entend que votre voix !

ÉTABLISSEMENTS D'ACCUEIL DES PERSONNES ÂGÉES

    M. le président. La parole est à M. Pierre Lasbordes, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Pierre Lasbordes. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    La prise en charge des personnes âgées en établissement est un enjeu essentiel de solidarité pour notre pays. Six cent mille personnes âgées, parmi les plus fragiles, sont accueillies dans plus de 10 000 établissements où exercent, avec un grand dévouement, près de 300 000 salariés. Les organisations représentatives, les fédérations de gestion de ces établissements souhaitent organiser, croit-on, une journée d'action le 18 juin, malgré les efforts importants consentis par le Gouvernement pour résoudre les difficultés rencontrées cette année. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous préciser quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour rassurer cet important secteur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le député, votre question se fait l'écho de la journée des organisations représentatives d'établissements de personnes âgées du 18 juin.
    M. François Liberti. Journée d'action et de manifestations !
    M. le président. Monsieur Liberti !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Malgré les fortes contraintes budgétaires que nous connaissons, nous consacrerons toute notre énergie à l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Le montant de cette prise en charge est passé de 1,8 milliard d'euros en 2002 à 3,3 milliards d'euros en 2003. Nous avons valorisé les aides à domicile de 20 % en trois ans. Comme promis, les 320 centres locaux d'information et de coordination seront financés en 2003. Quatre-vingts millions d'euros sont affectés à la poursuite de la médicalisation des établissements publics ou privés qui accueillent nos 600 000 personnes âgées dépendantes en établissement.
    L'engagement que nous avons pris de 1 800 conventions sera tenu.
    M. François Liberti. Ce n'est pas vrai. Pas sur le budget 2003 !
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre par M. Liberti.
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nos partenaires, organisateurs de la journée du 18 juin, ne s'y trompent pas. Ils sont nombreux à saluer l'arbitrage favorable réalisé sur le sujet par M. le Premier ministre. Nous les recevrons d'ailleurs le 23 juin prochain pour une grande journée de concertation.
    Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes plus que jamais à l'écoute des personnes âgées, des fédérations, des personnels qui encadrent ces personnes âgées, des établissements.
    M. François Liberti. Tout le monde sera dans la rue le 18 juin !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Accompagner le vieillissement, l'anticiper, est notre priorité. Nous le faisons en agissant. Vous l'avez fait en braillant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INDEMNISATION DES VICTIMES
DE LA MARÉE NOIRE DU PRESTIGE

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène des Esgaulx, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Le 9 mai dernier, à Londres, le FIPOL a annoncé que les victimes de la marée noire du Prestige ne recevraient que 15 % de l'indemnisation qui leur est due pour les dommages qu'ils ont subis. Cette annonce est d'autant plus regrettable que, trois jours plus tard, l'organisation maritime internationale a décidé de fixer le plafond du FIPOL à un milliard d'euros pour les futures catastrophes, tout en précisant que cela ne pourrait pas s'appliquer au naufrage du Prestige. Je m'étonne de cette décision. Le naufrage du Prestige n'est pas un événement du passé : des boulettes de fioul arrivent sporadiquement sur les plages de notre littoral, en quantités certes moins importantes qu'autrefois, mais elles sont toujours aussi menaçantes. Et je ne parle pas des milliers de tonnes de fioul qui se trouvent encore dans la cale du Prestige et dont on n'a pas encore évalué le risque qu'elles représentent.
    Le Gouvernement a récemment décidé de mettre sa créance en dernier rang pour privilégier l'indemnisation des particuliers et des collectivités locales. C'est très généreux, mais cela revient à dire que c'est le contribuable français qui participera au financement des conséquences de la marée noire.
    Aussi, madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur les fonds européens mis à la disposition de la France et qui ne sont pas utilisés.
    M. Yves Nicolin. Elle a raison !
    Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Je pense particulièrement aux fonds de l'Instrument financier d'orientation de la pêche qui, si vous le demandiez à la Commission européenne, pourraient voir leur destination revue et corrigée et permettre une meilleure indemnisation des professionnels de la mer, ostréiculteurs et pêcheurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes, mais M. Nicolin a d'ores et déjà fait savoir qu'il était d'accord. (Sourires.)
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Madame la députée, les dommages causés par les marées noires doivent être indemnisés à leur juste mesure : il s'agit d'un droit pour les victimes. C'est une priorité pour la France, et ce doit en être une pour l'Europe.
    Comme vous l'avez indiqué le 12 mai dernier, les Etats membres du FIPOL ont décidé de porter à 1 milliard d'euros, somme très importante, le plafonds d'indemnisation. Cela veut dire que la question de l'indemnisation est réglée pour l'avenir, mais cette décision n'a pas de portée rétroactive.
    Cela dit, l'indemnisation dans le cadre du FIPOL sera plus substantielle qu'il n'y paraît. Les 15 % qui ont été annoncés - d'une façon sans doute malencontreuse - ne sont que conservatoires, dans l'attente d'une évaluation définitive qui devrait être beaucoup plus élevée, et les 171 millions dont le fonds est doté devraient permettre, au moins aux particuliers, pêcheurs, aquaculteurs, d'obtenir réparation convenable du préjudice.
    Mais il faut aller plus loin. Nous ne pouvons pas accepter la situation actuelle. Si nous n'avons pas demandé la mobilisation de l'IFOP, c'est que, d'après les réponses qui nous ont été faites, cela eût nécessité un délai important. Nous avons préféré mettre en place d'urgence un important système d'indemnisation national, avec des allègements de charges, des exonérations fiscales, des reports de prêts, et les autres mesures que vous avez rappelées, madame la députée.
    Mais il nous faudra à l'avenir,...
    M. Alain Vidalies. Ce n'est pas l'avenir qui nous intéresse, c'est l'indemnisation présente !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... continuer à plaider pour une réforme en profondeur du FIPOL, dont le mécanisme actuel n'est pas acceptable. Nous sommes pleinement conscients de nos responsabilités : les Etats européens n'ont plus le droit d'admettre dans leurs eaux et sur leurs côtes les « navires-poubelles » qui causent les drames auxquels nous avons assisté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

    M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. Monsieur Bocquet, je vous donne la parole pour faire un rappel au règlement, qui doit être fondé, j'imagine, sur l'alinéa 1 de l'article 58.
    M. Jean-Pierre Brard. Quelle prescience, monsieur le président !
    Alain Bocquet. En effet, monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur cet article du règlement.
    Au cours de la séance de questions au Gouvernement, M. le Premier ministre s'est ému, offusqué et indigné parce que L'Internationale a été chantée sur ces bancs.
    M. Georges Ginesta. Il a eu raison !
    M. Alain Bocquet. Je tiens à le rappeler, ce chant a été écrit par le poète de la Commune Eugène Pottier, mis en musique par l'ouvrier lillois Pierre Degeyter, dans l'estaminet de La Liberté, rue de la Vignette à Lille, chanté face aux balles nazies, pour défendre la France, sa liberté, son indépendance, par des héros de la Résistance, comme l'ouvrier métallurgique parisien Jean-Pierre Timbaud ou comme les jeunes communistes du Nord - Pas-de-Calais Eusébio Ferrari et Félicien Joly, chanté par les vingt et un députés du « chemin de l'honneur » internés au bagne d'Alger et par ceux de Châteaubriand. Et à chaque fois, les accents de L'Internationale ont été mêlés à ceux d'un autre chant révolutionnaire, La Marseillaise, de la même façon que nous avons toujours, nous les communistes français, drapé les plis du drapeau rouge dans ceux du drapeau tricolore.
    En guise de conclusion, permettez-moi de vous citer quelques vers de La ballade de celui qui chanta sous les supplices, extrait du recueil La Diane française, dont l'auteur est Louis Aragon. Celui-ci écrivait à propos de Gabriel Péri, qui siégea ici même :

Il chantait, lui, sous les balles,
Des mots : « sanglant est levé... »
D'une seconde rafale,
Il a fallu l'achever.
Une autre chanson française
A ses lèvres est montée,
Finissant la Marseillaise
Pour toute l'humanité !

    (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

3

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Exception d'irrecevabilité (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée nationale s'est arrêtée aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
    Dans les explications de vote, la parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Denis Jacquat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais répondre à notre collègue Pascal Terrasse qui, il faut le reconnaître, est un garçon charmant en dehors de l'hémicycle, mais qui m'a surpris hier par sa verve un peu particulière. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Il a été excellent !
    M. Denis Jacquat. Je le féliciterai néanmoins pour ses lectures. Il m'a cité plusieurs fois, ainsi que Jacques Chirac. Je lui dis : « Cher ami, continue ! Tu apprendras beaucoup de choses. » (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je le féliciterai aussi pour la façon dont il partage ses points de vue, si je puis dire. Il a en effet repris des propos de nos excellents rapporteurs, en particulier de Bernard Accoyer et de Xavier Bertrand, confirmant que nous vivions un moment fort, un moment historique, et que nous traitions d'un sujet majeur d'intérêt national.
    Je me réjouis que Pascal Terrasse se rapproche de Bernard Accoyer et de Xavier Bertrand...
    M. le président. Il y a des rapprochements surprenants ! (Sourires.)
    M. Denis Jacquat. Ils sont temporaires, monsieur le président !
    En revanche, nous lui infligeons un zéro pointé - nous sommes à la veille du baccalauréat - pour sa longue diatribe, très souvent hors sujet.
    M. Pierre Cohen. Vous jouez au professeur !
    M. Denis Jacquat. Cette diatribe a été par moments très surprenante, car elle a traduit un doute permanent sur notre volonté de sauver, de garantir la retraite par répartition. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Phobie ou cécité ? Je ne sais.
    Le texte proposé n'a pourtant qu'un seul objectif : consolider le système de retraite par répartition.
    La diatribe de M. Terrasse a également été surprenante par son vocabulaire de combat,...
    M. Pascal Terrasse. Merci !
    M. Denis Jacquat. ... qui n'a pas sa place, à mon avis, dans un débat de politique sociale.
    J'ai relevé les expressions « régime d'austérité », « chaos », « discours catastrophique », « démolition sociale »,...
    Mme Martine David. Eh oui !
    M. Denis Jacquat. ... « passage en force », et même « double peine ». (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lenoir. N'importe quoi !
    M. Denis Jacquat. Tout aussi surprenants furent les propos de M. Terrasse concernant l'emploi car l'emploi fait partie intégrante du texte. A cet égard, on pourrait parler - les rencontres de tennis de Roland-Garros viennent de s'achever - d'une « double faute » : soit notre collègue n'a pas lu le projet, soit il n'a pas écouté hier le Premier ministre, les deux autres ministres qui se sont exprimés et les quatre rapporteurs car ils ont tous parlé de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine David. Ah bon ?
    M. Denis Jacquat. Surprenant encore son passage sur la pénibilité.
    Un député du groupe socialiste. Vous manquez de preuves !
    M. Denis Jacquat. A ce sujet, les règles sont pourtant claires.
    La pénibilité est évoquée dans le texte comme elle a été évoquée hier par les ministres et par les rapporteurs. Mais, et cela est très important, il y aura encore des discussions avec les partenaires sociaux après le vote du Parlement.
    J'ai relevé aussi le passage sur les quarante ans de cotisation pour les salariés qui ont exercé une activité pénible et qui ont atteint l'âge de soixante ans. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Mesdames, messieurs, par vous, pas ça ! Car vous avez eu la possibilité, les années précédentes, de voter ces quarante ans de cotisation !
    M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
    M. Denis Jacquat. Une proposition de loi communiste avait été présentée à la commission des affaires sociales, mais elle a été rejetée. Nous avions même, avec le groupe communiste, déposé des amendements qui avaient connu le même sort.
    L'année dernière, je me suis engagé, en tant que rapporteur, à ce que la mesure soit inscrite dans le futur projet de loi sur les retraites. C'est le cas.
    M. François Liberti. Pas pour tous !
    M. Denis Jacquat. A l'UMP, on fait ce que l'on dit ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'ai également trouvé choquant d'entendre affirmer que nous n'aurions pas le souci des retraités.
    M. Pascal Terrasse. C'est la vérité !
    M. Denis Jacquat. Mais alors, pourquoi présentons-nous ce texte ?
    On nous a aussi accusés de négliger le COR, le Conseil d'orientation des retraites, alors que tout le projet de loi s'appuie sur ses travaux.
    M. Pascal Terrasse. Merci la gauche !
    M. Denis Jacquat. Les travaux du COR sont d'ailleurs d'une telle qualité que Pascal Terrasse y a évincé Maxime Gremetz l'année dernière. Ce dernier souhaitait pourtant y rester. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Ce n'est pas possible !
    M. Denis Jacquat. Pourquoi se battre pour un poste ?
    M. Pascal Terrasse. C'est un socialiste que j'ai remplacé au COR, pas un communiste !
    M. Denis Jacquat. Vous avez disposé de cinq ans pour exprimer votre préoccupation à l'égard des retraités !
    Quant au fonds de réserve des retraites, je l'ai toujours, en tant que rapporteur, défendu, en commission comme en séance publique. Je rappelle qu'il s'agit d'un fonds de lissage dont la valeur ne sera effective qu'après 2020 et que nous avions demandé, lors de sa mise en place, que ses ressources soient pérennes et que sa gestion soit paritaire. Mais cela n'a pas été fait.
    J'ajoute, et j'ai dénoncé ce fait en son temps - mes propos figurent au Journal officiel - que les recettes promises n'ont pas toutes été versées.
    Bernard Accoyer a parlé hier du FOREC et des 35 heures. A cet égard, si nous critiquons le « hold-up » auquel vous vous êtes livrés, reconnaissez que, de notre part, il n'y a jamais eu volonté de « hold-up » !
    M. le président. Monsieur Jacquat...
    M. Denis Jacquat. J'attendais avec une certaine impatience les fameuses « orientations » présentées par le parti de M. Terrasse,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'y en a pas !
    M. Denis Jacquat. ... ce fameux « contre-projet », qui demeure virtuel à ce jour.
    Que n'ai-je entendu ! Que l'on devrait revenir sur la réforme Balladur de 1993. Mais pourquoi cela n'a-t-il pas été fait pendant les cinq ans où les amis de M. Terrasse étaient au pouvoir ?
    M. Pierre Hellier. Bonne question !
    M. Denis Jacquat. Cette réforme a tout de même sauvé le régime général.
    On nous a parlé d'une « conférence annuelle des retraites ». Mais le COR existe et tout le monde a reconnu, à gauche comme à droite, que c'était un excellent organisme.
    On nous a aussi parlé du minimum contributif. Mais tout le monde savait qu'il était inférieur au minimum vieillesse...
    M. Pascal Terrasse. A cause de qui ? De Balladur !
    M. Denis Jacquat. ... et nous avions dénoncé ce fait. Nous nous étions même engagés à ce que le minimum contributif soit concerné par le projet de loi portant réforme des retraites.
    J'en viens aux conjoints survivants.
    Mme Veil avait porté le taux de la pension de réversion à 54 %. La volonté de tous est que nous allions vers 60 %. Ici même, Jean-Luc Préel et Georges Colombier se sont battus pour que les conjoints survivants soient reconnus dans leurs droits. Eh bien, ce sera chose faite dans le texte en discussion grâce à nos rapporteurs Bernard Accoyer et Xavier Bertrand.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Jacquat !
    M. Denis Jacquat. Je terminerai, monsieur le président, en rappelant qu'en cette « année européenne du handicap » de nombreux amendements concernant les handicapés, dont a parlé Jean-François Chossy, ont été acceptés en commission. Quant au financement, Xavier Bertrand en a parlé et François Fillon a exposé les mécanismes du dispositif proposé.
    Mme Martine David. On y reviendra !
    M. Denis Jacquat. Je me demande si l'auteur de l'exception d'irrecevabilité les a écoutés.
    Mme Martine David. Monsieur le président, M. Jacquat a largement dépassé son temps de parole !
    M. Denis Jacquat. Pour conclure, je rappellerai, comme l'a fait François Fillon cet après-midi, que le temps de la concertation est passé. Nous en sommes au temps parlementaire.
    Le projet de loi est évolutif et des réunions avec les partenaires sociaux auront lieu de temps en temps.
    Pour conclure (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), je dirai que le groupe socialiste, par l'intermédiaire de celui qui a défendu l'exception d'irrecevabilité, a voulu « terrasser » le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Plusieurs députés du groupe socialiste. Assez ! Assez !
    M. Denis Jacquat. Au nom de l'UMP, je réponds que c'est loupé, car nous voterons contre l'exception d'irrecevabilité.
    M. le président. Veuillez conclure, cher collègue !
    M. Denis Jacquat. Pour nous, ce n'est pas une exception d'irrecevabilité qui a été défendue : nous avons plutôt assisté à une guerre de tranchées, destinée à retarder le plus possible le débat de fond ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Jacquat, alors que votre temps de parole était de cinq minutes, vous avez parlé durant huit minutes trente.
    Les autres orateurs qui s'exprimeront pour une explication de vote disposeront du même temps.
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, qui souhaitera peut-être avoir un temps de parole moindre...
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, M. Jacquat a parlé durant dix minutes, avez-vous dit...
    M. le président. Non, huit minutes trente !
    M. Maxime Gremetz. Ah ! Huit minutes trente ?
    M. le président. Donc vous parlerez pendant quatre minutes ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera l'exception d'irrecevabilité (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - « Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Jean-Pierre Soisson. En voilà une surprise !
    M. Maxime Gremetz. ... mais je crois que ce n'est pas une surprise.
    Nous souhaitons, mes chers collègues, que vous nous donniez vos signatures pour poursuivre la démarche référendaire que nous avons entamée car la première chose à dire face à la droite et à ce projet néfaste, c'est non ! C'est d'ailleurs ce que font des millions et des millions de Françaises et de Français...
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas vrai !
    M. Maxime Gremetz. Je le savais, monsieur Fillon, que vous alliez dire cela. Mais d'après le sondage que j'ai sous les yeux, ce sont bien 66 % des Françaises et des Français qui affirment que le projet de loi n'est pas bon...
    M. Richard Cazenave. C'est le parti communiste qui a commandé ce sondage !
    M. Maxime Gremetz. ... et qui soutiennent ceux qui étaient hier, qui sont aujourd'hui et qui seront demain encore dans la rue pour repousser votre néfaste réforme de régression sociale et pour imposer d'autres choix. Car il faut faire d'autres choix que les vôtres !
    Deuxièmement, nous ne nous laisserons pas détourner par la manoeuvre que nous voyons se dessiner : utiliser tout pour parler d'autre chose que des retraites. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En ce qui nous concerne, nous parlerons des retraites et en particulier de la réforme que nous proposons. Monsieur le ministre, nous avons déposé des propositions auprès de vous et auprès de M. Raffarin. Ces propositions émanent du plus profond de notre pays et de notre peuple, en particulier des salariés. Il faut une réforme, mais une réforme négociée. Or vous n'avez pas négocié.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si !
    M. Maxime Gremetz. Vous parlez de concertation, mais quand il s'agit de prendre en compte les propositions des organisations syndicales, des formations politiques ou des associations, vous dites non car vous avez un projet préétabli, un projet de société qui est celui du MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Voilà la réalité !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Non !
    M. Maxime Gremetz. Troisièmement, nous n'acceptons pas cette réforme parce qu'elle est profondément injuste. Comment pouvez-vous prétendre qu'elle est équitable alors qu'elle est financée à 91 % par les salariés et que rien n'est demandé aux entreprises ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Telle est la réalité !
    Face à un mouvement aussi important, il faut savoir négocier. Je comprends pourquoi vous dites que vous avez « tout le temps du débat » : c'est parce que vous avez une curieuse conception du débat...
    M. François Goulard. Ah oui ?
    M. Maxime Gremetz. J'ai en main une liasse de cent amendements de fond déposés par le groupe communiste,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les six mille autres, c'est quoi alors ?
    M. Maxime Gremetz. ... et qui tendent à élaborer une autre réforme, avec un autre financement. Ils portent sur les quatre premiers articles du texte. Cent fois, vous avez dit : « Irrecevable ! ». Qu'est-ce que cela veut dire en définitive ? Que vous voulez bien débattre, mais que vous refusez de discuter les propositions alternatives que nous présentons.
    On voit bien quel genre de débat vous voulez : vous êtes prêts à débattre tout le temps que l'on voudra, mais vous n'acceptez pas de discuter de vraies propositions alternatives, parce que cela vous fait mal, parce que cela vous met en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous dites et répétez qu'il faut une réforme, mais vous persistez à croire que votre réforme est la seule qui soit bonne. Eh bien non ! Une autre réforme est possible : c'est celle que proposent les députés communistes. Cela étant, on peut s'interroger : que restera-t-il à l'Assemblée à examiner si la commission des finances considère que les 6 353 amendements du groupe communiste tombent sous le coup de l'article 40 de la Constitution ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Rien !
    M. Maxime Gremetz. Telle est votre conception du débat !
    M. Raffarin dit : « Nous sommes ouverts ! Nous voulons débattre sagement, tranquillement ! Nous sommes prêts à examiner toutes les propositions ! » Mais vous faites tomber le couperet de l'article 40 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Si vous aviez un peu le sens du débat, de la démocratie, de la négociation, vous accepteriez que ces amendements-là soient discutés.
    Monsieur le président, vous devriez dire au moins que vous n'êtes pas d'accord avec le sort fait à ces amendements car ils changent complètement la nature de la réforme. Que disent-ils ? Oui à la retraite à soixante ans ! Pas d'allongement des annuités de cotisation ! Pas de baisse des pensions ! Un autre financement, en particulier par un prélèvement sur les revenus financiers et sur les revenus du capital !
    Nous pourrions au moins en discuter, mais vous n'osez même pas ! Vous laissez jouer l'article 40 et vous faites trancher la commission des finances.
    Quelle image du débat donnez-vous là !
    M. Michel Bouvard. Monsieur le président, on ne peut laisser ainsi mettre en cause l'impartialité de la commission des finances !
    M. Maxime Gremetz. En ce qui nous concerne, nous voulons continuer de discuter, et largement. C'est pourquoi j'espère, monsieur le président, que vous prendrez une décision et que le Gouvernement acceptera que ces amendements soient examinés. Nous pourrons ainsi débattre projet contre projet !
    En tout cas, monsieur Fillon, j'attends une réponse forte de votre part et je souhaite qu'au nom du Gouvernement vous nous disiez, dans l'esprit qu'a indiqué M. Raffarin tout à l'heure, que, passant outre l'article 40, nous débattrons de ces amendements de fond qui sont une véritable alternative.
    Tel est le sens du vote du groupe communiste en faveur de l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Monsieur Gremetz, une fois n'est pas coutume : vous n'avez pas épuisé votre temps de parole. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il nous a épuisés tout court !
    M. le président. Avant de donner la parole à M. Jean-Luc Préel, j'indique à l'Assemblée que, sur l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, après Denis Jacquat, félicitera notre collègue Pascal Terrasse. En effet, parler si longtemps sans même démontrer l'inconstitutionnalité du projet, dire que l'on souhaite, comme nous tous, sauvegarder notre système de retraite par répartition, qui est soumis, comme chacun le sait, à de fortes contraintes démographiques, ainsi que le montrent de nombreux rapports, et critiquer le projet du Gouvernement sans rien proposer à sa place, il faut le faire. Bravo, monsieur Terrasse !
    M. Charles Cova. Pour ça, il faut être socialiste !
    M. Jean-Luc Préel. Qu'avez-vous proposé ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Rien !
    M. Jean-Luc Préel. Rien de réaliste ni de constructif !
    M. Maxime Gremetz. Lorsqu'on propose, vous éliminez !
    M. Jean-Luc Préel. En revanche, il a caricaturé au-delà du raisonnable le projet du Gouvernement.
    Comment être crédible après de tels excès ? Heureusement, certains responsables du PS, parmi les meilleurs...
    M. Charles Cova. Ça existe ?
    M. Jean-Luc Préel. ... ont reconnu que le projet de loi allait dans le bon sens. Michel Charasse n'a-t-il pas trouvé que l'attitude du PS était « pitoyable » ? (« Très juste », sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pascal Terrasse a en particulier critiqué le principe de l'allongement de la durée de cotisation. Or, compte tenu de l'augmentation de la durée de vie, tous les pays y ont recours.
    Permettez-moi de vous poser une question, monsieur Terrasse : n'est-ce pas Lionel Jospin qui, à Barcelone, a accepté le principe du recul de cinq ans de l'âge de départ à la retraite, ce que M. Manuel Valls, porte-parole de Lionel Jospin à l'époque, devrait pouvoir confirmer ? Quant à nous, nous n'allons pas aussi loin.
    Et aujourd'hui, le PS reproche au Gouvernement de vouloir porter, dans un souci d'équité, de trente-sept ans et demi à quarante ans la durée de cotisation dans le public, pour l'aligner sur ce que décida Edouard Balladur pour le privé, mesure sur laquelle vous n'êtes pas revenus pendant cinq ans, alors que vous en aviez tout le loisir ! Aujourd'hui, en vrais démagogues, vous proposez de revenir à trente-sept ans et demi. Est-ce sérieux ? Est-ce courageux ?
    M. Richard Cazenave. Non, ce n'est pas sérieux ! Ils le savent bien !
    M. Jean-Luc Préel. Bien plus, j'ai cru comprendre au détour d'une phrase sur laquelle vous n'avez pas trop insisté - sans doute vous étouffait-elle ! - que vous vouliez proposer, pour le privé, de calculer la retraite sur les six meilleurs mois. Comme démagogie, on ne peut mieux faire ! Pendant cinq ans, outre la création du fonds de réserve, fort peu doté au demeurant, vous n'avez pris aucune mesure pour sauvegarder notre régime de retraite. Vous vous êtes durablement discrédités. La retraite mérite un vrai débat, sérieux. Le pays entier devrait se réunir autour de ce projet pour sauvegarder notre régime de retraites par répartition. Il faut donc saluer comme il se doit le pas important réalisé par ce projet de loi allant vers plus d'équité. Il comporte de très nombreuses avancées et nous espérons l'améliorer encore grâce à nos amendements. Socialistes et communistes évoquent d'autres modes de financement. Est-ce crédible ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Vaxès. Nous ne sommes pas dans la même logique !
    M. Jean-Luc Préel. Nous vantons tous sans cesse et avec raison le principe de la répartition : solidarité entre les générations, solidarité entre les divers régimes, solidarité au sein d'une génération. La répartition, c'est justement le fait que les actifs paient pour les retraités. Cette solidarité, nous y sommes attachés. Changer le financement serait aléatoire et dangeureux, comme l'a dit le ministre François Fillon. Mais ce serait aussi changer de système et évoluer vers une étatisation des retraites. Il n'est pas possible de demander en même temps le maintien de la répartition et un autre financement. Sortez donc de cette contradiction !
    M. André Chassaigne. Il dit n'importe quoi !
    M. Jean-Luc Préel. Contrairement au PS, à l'UDF nous pensons qu'il est indispensable et urgent de réformer notre système de retraites. Nous proposions, certes, une autre méthode et une réforme différente,...
    Un député du groupe socialiste. C'est un aveu !
    M. Jean-Luc Préel. ... donnant plus de responsabilités aux partenaires sociaux et plus de liberté, avec un système de retraites à points.
    M. Bernard Roman. Et moins d'argent !
    M. Jean-Luc Préel. Mais nous félicitons le Gouvernement, et notamment François Fillon, d'avoir eu le courage d'entreprendre cette réforme, d'avoir fait oeuvre de pédagogie, d'avoir entrepris une large concertation, d'avoir obtenu la signature de partenaires sociaux représentatifs. C'est pourquoi l'UDF votera contre cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, dernier orateur inscrit.
    M. Gaëtan Gorce. Oui, une réforme des retraites est nécessaire ! (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Les socialistes sont bien placés pour le savoir, car ils ont dû gérer les conséquences de la politique de M. Juppé. Nous sommes bien placés pour le savoir, car nous avons contribué à dépassionner ce dossier avec la création et la mise en place du Conseil d'orientation sur les retraites dont vous vous prévalez aujourd'hui.
    M. Claude Goasguen. Ça c'est la meilleure !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous n'avez rien fait du tout !
    M. Gaëtan Gorce. Nous sommes bien placés pour le savoir, car nous avons préparé l'avenir avec la création du fonds de réserve des retraites, que vous oubliez d'ailleurs d'abonder dans votre réforme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est faux !
    M. Gaëtan Gorce. ... et qui a permis de tracer des perspectives au-delà de 2020. Nous sommes bien placés pour le savoir, car nous avons mis en place des dispositifs qui ont permis à celles et ceux qui avaient perdu leur emploi et n'avaient aucune perspective d'en retrouver un de bénéficier, à quarante annuités d'une allocation compensatrice égale au SMIC. Mais si une réforme est nécessaire, elle doit être menée dans la concertation, Partout ailleurs en Europe, monsieur le ministre, ce sont la négociation et le consensus qui ont prévalu. C'est le cas dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Nous serions le seul pays où la réforme se ferait contre l'avis de la majorité des organisations syndicale et, à bien y regarder, contre l'avis d'une majorité de Français !
    M. Claude Goasguen. Et les élections, cela sert à quoi !
    M. Gaëtan Gorce. Les Français réclament, avec nous, une renégociation pour que cette réforme soit une réforme de justice et de solidarité et pas simplement une réforme comptable obérée par des a priori idéologiques sur les baisses d'impôt ou le recours éventuel à la CSG. Vous nous présentez ce projet de loi comme le summum du dialogue social. Permettez-moi de vous dire que, même si nous avez tenté quelques efforts en la matière, il est paradoxal de parler de dialogue et de négociation quand la majorité des organisations syndicales s'opposent à ce texte et que des centaines de milliers de salariés sont dans la rue pour protester contre ces dispositions.
    Mme Sylvia Bassot. C'est faux !
    M. Gaëtan Gorce. Il faudra trouver un meilleur exemple pour nous convaincre ! Cette réforme nécessaire, qui doit être menée par la concertation, car c'est la condition pour qu'elle soit acceptée et donc durable doit répondre à la principale question que vous oubliez dans le projet que vous présentez : celle du niveau des pensions. En effet, nous y reviendrons au cours de ce débat et Pascal Terrasse l'a souligné fort justement dans son intervention, vous ne garantissez pas le niveau des pensions à leur montant actuel. Un salarié qui peut aujourd'hui bénéficier d'un taux de remplacement par rapport à son dernier revenu d'activité - lorsque l'on part à la retraite, on veut savoir ce que l'on touchera par rapport à son dernier salaire - et qui perçoit aujourd'hui les trois quarts de ce revenu, n'en conservera plus, demain, que les deux tiers. C'est bien là la question. De plus, avec la décote que vous prévoyez pour la fonction publique - Pascal Terrasse l'a indiqué - vous obligerez un nombre croissant de salariés du secteur public à partir non après quarante annuités, mais à soixante-cinq ans, parce que c'est seulement à cet âge qu'ils bénéfieront non pas du taux plein, mais de la disparition de la décote que vous aurez instaurée.
    Tels sont les éléments dont il faut parler dans le débat. La réforme doit en effet garantir ce niveau de retraite par rapport au dernier revenu d'activité. Sinon, les Français auraient le sentiment d'avoir été trompés - ils s'en rendent compte d'ailleurs aujourd'hui, c'est pourquoi ils manifestent des réserves sur votre projet - et ils n'auraient d'autre solution que de recourir à l'assurance privée, à l'épargne ou à la capitalisation, ce qui ne serait pas scandaleux en soi, à la condition que la répartition reste bien le pivot de notre système, ce que vous ne pouvez pas garantir avec les mesures que vous présentez. Et pourquoi ne pouvez-vous pas le garantir ? Parce que vos n'abordez pas de front la question du financement des retraites. Vous nous accusez de vouloir charger la barque.
    M. Bernard Deflesselles. Non, de la couler !
    M. Gaëtan Gorce. Les propositions que nous avons faites avec Jean-Marc Ayrault, François Hollande et l'ensemble du groupe socialiste...
    M. Bernard Deflesselles. Elles sont tardives !
    M. Gaëtan Gorce. ... visent à faire en sorte que tous les leviers, et non pas un seul, soient utilisés, y compris celui des financements.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais il nous manque la croissance !
    M. Gaëtan Gorce. Et si les propositions de solidarité que nous faisons peuvent représenter huit à dix milliards d'euros supplémentaires, cette somme est à comparer aux trente milliards d'euros de promesse de baisse d'impôts faite par le Président de la République il y a un an ! S'il était possible, il y a un an, de promettre trente milliards d'euros supplémentaires de baisse d'impôts pour les cinq années suivantes, pourquoi serait-il irresponsable de proposer aujourd'hui dix milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2020 ? J'aimerais que l'on nous explique comment on arrive à ce raisonnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Le groupe socialiste votera donc l'exception d'irrecevabilité, considérant que, ce faisant, il ne condamne pas la réforme, mais il lui donne sa vraie chance. (Mêmes mouvements.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   409
Nombre de suffrages exprimés   407
Majorité absolue   204
Pour l'adoption   144
Contre   263

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Alain Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, oui, il y a bien une alternative au projet de réforme du système des retraites qui nous est proposé aujourd'hui ! Pourtant, vous entendez le maintenir contre vents et marées, au mépris des aspirations de nos concitoyens et des exigences d'un mouvement social qu'approuvent et soutiennent deux Français sur trois. Que les pressions ultra-libérales doivent être fortes pour que le Gouvernement se tienne ainsi arc-bouté sur un projet dont le pays ne veut pas ! La grande journée d'action et de manifestations d'hier, après tant d'autres, en porte témoignage.
    Au-delà de la démonstration faite, notamment par le monde syndical - mais je vais y revenir -, de la nocivité et de la perversité des dispositions autoritaires que vous souhaitez nous imposer, ce qui irrite et préoccupe les forces que vous représentez, ce qui précipite vos démarches et radicalise votre discours sans que le mouvement populaire en soit ébranlé d'un pouce, c'est précisément le fait qu'une autre réflexion s'élabore, que d'autres propositions surgissent de l'expérience, de la fatigue et du stress du monde du travail, et que ces choix s'affirment et soient mis en débat. C'est que de nouvelles sources de financement d'un système de retraite solidaire et par répartition, auquel les Français sont acquis, soient opposées aux mensonges du MEDEF et à vos mesures. C'est que grandisse l'exigence de coupler financement des retraites et politique de l'emploi et de la formation, alors que la récession, le chômage, l'exclusion, la précarité accroissent leur pression depuis des mois, en se nourrissant de vos orientations politiques et de vos coupes budgétaires.
    Nos concitoyens, semaine après semaine, affichent leur volonté de s'emparer de ce dossier des retraites qui les concerne tous directement, dans la diversité de leurs origines sociales, de leurs statuts professionnels, de leurs âges, de leurs revenus et de leurs convictions. Un dossier, un enjeu qui ont davantage à voir avec leur vie quotidienne, leur avenir, celui de leurs enfants ou petits-enfants et leurs revenus qu'avec les attentes du patronat ou la rentabilité des fonds boursiers. Un dossier, un enjeu indissociables des valeurs, des principes qui ont construit l'identité sociale de la France, devenue un référent pour le monde, et qui ont permis l'essor de son économie et l'épanouissement de son peuple.
    Tout cela est donc très éloigné au fond, monsieur le ministre des affaires sociales, du souci exprimé dans votre Lettre aux Français qui doutent de ne surtout pas « puiser dans les plus-values des entreprises et les échanges boursiers ».
    C'est bien de choix de société qu'il s'agit par conséquent, débat dans lequel les Françaises et les Français estiment, à juste titre, avoir leur mot à dire. Les dernières semaines ont montré que, quoi que vous fassiez, ils ne s'en priveraient pas.
    Notre première exigence est donc que ce débat national soit ouvert d'urgence et que la confrontation d'idées, de projets puisse jouer et s'exprimer pleinement. C'est une exigence incompatible avec votre tentative de faire passer en force dans cette assemblée des orientations qui exigent d'être largement débattues avec la population française. Dans les circonstances politiques d'aujourd'hui, l'attitude du Gouvernement confirme son incapacité à retenir le message délivré par le scrutin présidentiel du 21 avril 2002. Rien n'est pris en compte des déceptions, des attentes et des colères de nos concitoyens face à cette société foncièrement injuste, face au manque de citoyenneté, de tranparence et d'écoute, face à l'insolence de la richesse et des profits. Les dossiers de l'éducation nationale et de la décentralisation, celui des retraites et les mouvements contre la recrudescence des plans sociaux témoignent de l'existence d'une lame de fond,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. N'exagérons rien !
    M. Alain Bocquet. ... lame de fond nourrie des effets de la mal-vie et de l'exigence de choix conçus démocratiquement et conformes aux besoins. Ainsi donc, « le temps de l'action » qu'appelait de ses voeux le président de l'UMP est bien là, mais ce sont les Françaises et les Français, inquiets et mécontents d'être voués à travailler plus longtemps, à cotiser plus fortement pour vieillir plus pauvres, qui entendent en régler la marche. Il est encore temps, messieurs les ministres, d'écouter et d'entendre l'aspiration du monde du travail qui ne fait, au fond, que rappeler le Gouvernement à son devoir en revendiquant une vraie concertation nationale et citoyenne, de vraies négociations avec les syndicats et les partenaires sociaux et non pas des accords au rabais, une vraie réforme porteuse de progrès social et d'efficacité économique. A cet égard, nous comptons beaucoup sur la convergence, la complémentarité entre cette expression forte du mouvement social et notre action déterminée ici même, à l'Assemblée nationale.
    M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
    M. Alain Bocquet. Les rapports de forces dans le pays en faveur d'un autre projet de réforme des retraites plus moderne, plus social, plus progressiste, doivent peser sur le rapport de forces au Parlement en faveur d'un projet ô combien rétrograde ! Le débat actuel n'est qu'un début.
    Beaucoup d'arguments ont été avancés par vos soins et beaucoup d'argent public a été consommé en communication de masse pour tenter de prouver l'urgence et la nécessité de votre projet. Comme si des mesures qui engagent les cinquante ans à venir ne pouvaient souffrir d'être discutées et différées de quelques mois de plus. Comme s'il suffisait d'un peu de lobbying ministériel et d'une large dose de médiatisation partisane pour régler, contre leur gré et le plus possible à leur insu, le sort de 60 millions de Français !
    On comprend mieux votre empressement dicté par les circonstances politiques à confisquer le débat, à le passer au rouleau compresseur de votre majorité parlementaire après avoir bâclé la négociation syndicale, pour en finir à la hussarde. Tout cela n'a plus rien à voir avec l'élaboration démocratique, transparente, citoyenne, des véritables mesures économiques et sociales dont notre pays a besoin de se doter pour réformer les régimes de retraites dans le sens du progrès. Août 1993 avait favorisé le projet de M. Edouard Balladur contre les retraites des salariés du privé. La volonté de mettre à profit l'été 2003 pour parachever le mauvais coup que vous préparez en dit long sur la continuité des méthodes et des objectifs dans laquelle s'inscrit l'action du Gouvernement.
    Des méthodes, des objectifs dans la continuité, certes, de ce qui fut mis en oeuvre par M. Balladur, avant que M. Juppé n'échoue durement, mais des méthodes et des objectifs en rupture avec l'histoire sociale de notre pays, notamment en ce domaine des retraites où, depuis cent cinquante ans, la progression avait été lente, chaotique et systématiquement contestée par le capitalisme, mais bien réelle. Il n'est donc pas sans intérêt d'examiner la situation actuelle et les transformations que vous entendez y opérer à la lumière de l'histoire des retraites dans notre pays.
    Les attaques les plus récemment opérées, celle de 1993 avec la réforme Balladur et celle de 1996 avec les modifications apportées aux régimes des retraites complémentaires privées, ont constitué un virage décisif dans l'évolution de notre système de retraites et témoignent de la volonté du MEDEF, avec le soutien des forces que vous représentez, de revenir définitivement sur cet acquis du monde du travail.
    Or cet acquis représente, à l'égal des congés payés, des salaires minimum garantis, de l'encadrement du temps de travail ou de la couverture maladie, une conquête essentielle dans notre pays.
    Il y a un peu plus d'un demi-siècle, la France libérée du fascisme et poursuivant sur sa lancée s'attelait à la reconstruction de son développement tout en se dotant d'une nouvelle et remarquable ambition : celle de s'affranchir de l'insécurité sociale. La sécurité sociale allait rapidement voir le jour, sous l'autorité d'un gouvernement au sein duquel un ministre communiste, Ambroise Croizat, assuma la responsabilité de cette démarche. Ainsi, l'Etat allait-il s'engager à offrir à chacun une assurance contre la maladie et la vieillesse. L'aspiration au temps libre après une vie de travail, telle qu'avaient pu permettre de la faire éclore les décisions du Front populaire, ressurgissait.
    Elle était assortie de l'exigence d'une garantie de ressources. Les gouvernants de l'époque allaient accompagner et favoriser la prise en compte de cette aspiration afin que prenne ainsi naissance ce qui constitue aujourd'hui un des piliers essentiels de notre système de solidarité et de protection sociale.
    Tirant les leçons de la faillite financière d'avant-guerre, avec les assurances privées, rentes ouvrières et paysannes que les efforts actuels d'introduction de la capitalisation et de l'épargne retraite reprennent en dangereux écho, Ambroise Croizat et les gouvernants de 1946 s'inspirèrent du modèle du régime par répartition, en vigueur depuis 1853 pour les fonctionnaires et les salariés des grandes entreprises, ceux de l'énergie notamment.
    La répartition allait rapidement s'imposer et permettre que s'établisse un véritable pacte de confiance entre les différentes générations de salariés. Elle s'apparenta très vite à une assurance tous risques, car seule la faillite improbable de toute l'économie pouvait la mettre à bas. L'actualité récente avec Enron, Vivendi et d'autres, a montré qu'une retraite tributaire de la bourse et des fonds de pension peut signifier et signer la ruine de ses cotisants. On comprend l'opposition résolue grandissante de nos concitoyens à ce que la porte lui soit ouverte.
    Pour cela aussi, il faut sans plus attendre et avec les intéressés eux-mêmes, réformer la réforme pour, par exemple, conforter la capacité de notre système actuel à ajouter à la solidarité des générations la solidarité des individus et celle des métiers. Celle des individus parce que chacun est assuré d'acquérir des droits à la retraite tout au long de sa vie de salarié, même lorsqu'il ne peut plus cotiser comme en période de maladie, d'invalidité, de chômage ou de congé maternité. Celle des professions ensuite, liée à notre histoire sociale, puisque tous les régimes de retraite, professionnels ou interprofessionnels sont reliés entre eux par une compensation démographique. Grâce à cela, ceux qui disposent proportionnellement du plus d'actifs cotisants et du moins de retraites à servir reversent une part de leurs cotisations aux régimes confrontés à la situation inverse.
    Avant d'évoquer quelques-uns des aspects essentiels du creusement de ces inégalités, je veux cependant insister sur la capacité du système actuel, parce qu'il constitue un pacte social de solidarité, à assurer la transition vers 2050 et les équilibres démographiques modifiés qui seront alors constitués.
    Notre système de retraites n'a besoin pour cela que d'élargir le régime des droits et d'assurer leur financement par de nouvelles ressources. Je regrette de devoir constater que ni l'une ni l'autre de ces priorités ne figure au nombre des orientations données à votre réforme. Comment dès lors accréditer l'idée qu'elles seront en mesure de répondre aux aspirations populaires ?
    (M. François Baroin remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. Alain Bocquet. Il faut revenir devant les Français. Car cette démarche que j'évoque, celle de l'ouverture de nouveaux droits et nouveaux financements, se situe à l'opposé de celle que vous dictent les revendications du MEDEF : maintenir le système actuel a minima ; ouvrir l'espace social à une irruption et à une montée en charge de systèmes alternatifs individualisés, indexés sur des placements boursiers ; faire progresser les cotisations sociales ainsi que le note le journal La Tribune : « Le Gouvernement peine à l'avouer. Son projet de réforme comporte un risque de hausse importante des cotisations sociales à hauteur de 11 milliards d'euros, pour financer pas moins des deux tiers de son plan pour les salariés du privé, à l'horizon 2020. »
    Le patronat ne cache d'ailleurs pas son projet de faire ainsi, à terme, coup double : en renvoyant les risques sur les salariés et en dégageant sa responsabilité sociale et celle de l'Etat mais aussi en captant sur les places boursières les sommes et capitaux énormes cumulés et investis dans l'épargne retraite.
    M. André Chassaigne. Les marchands du temple !
    M. Alain Bocquet. Or l'affaire n'est pas sans risques, les exemples n'en manquent pas et la presse apporte régulièrement témoignage de ces difficultés. « L'épargne salariale est pénalisée par la bourse » titrait par exemple récemment le journal Le Monde qui ajoutait : « Confrontés à la chute des marchés financiers, nombre de salariés-épargnants ont vu la valeur de leurs avoirs fondre au cours des derniers mois. Les fonds communs de placement d'entreprises investis en actions ont ainsi chuté de près de 30 % pour la seule année 2002. »
    Or, pour au moins un salarié sur trois engagé dans ces dispositifs, la nécessité de se constituer un complément de retraite est citée comme la première motivation de cet investissement captif. Aucune des dispositions que préconise votre projet ne répond à l'exigence éthique et sociale de libérer les salariés de cette mise en étau.
    M. André Chassaigne. Eh oui !
    M. Alain Bocquet. Vous engagez au contraire notre réglementation sociale plus avant dans cet engrenage, mais tous les risques seront pour eux.
    Ce n'est pas cependant le seul danger lié à la capitalisation du dossier des retraites. Une étude récente a notamment établi que les fonds de pension d'entreprises fragilisent leurs bilans et que les sociétés des pays où existe un système de retraite par répartition sont favorisées.
    Une publication de la revue Encadrement magazine de la CFE-CGC évoque ainsi les dangers de la capitalisation : « La mise en place d'une retraite capitalisée conduirait inévitablement à des prélèvements supplémentaires. » Et l'étude de l'exemple britannique établit la fausse solution que constituent les fonds de pension : « Les fonds de pension britanniques ont mis en place un système à prestation définie, c'est-à-dire que les risques boursiers sont supportés par les entreprises ou les compagnies d'assurances. Mais la situation boursière s'étant dégradée, les compagnies d'assurances et les entreprises disent "pouce, et opèrent un transfert vers des fonds à cotisations définies, reportant ainsi le risque boursier sur les salariés. »
    Ceux d'entre vous qui ont pu voir, lundi soir, le reportage télévisé sur les retraités britanniques diffusé sur TF 1 ont pu avoir une idée exacte de ce qui nous attend si on laisse passer votre projet. Là-bas, un retraité sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté.
    M. Pierre Goldberg. Ecoutez bien, messieurs les ministres !
    M. Alain Bocquet. Des papys de soixante-dix ans sont obligés de reprendre n'importe quel petit boulot pour compléter leur minimum vieillesse et essayer de survivre. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Après avoir supprimé les emplois-jeunes, allez-vous instaurer les emplois-vieux avec ce projet néfaste ?
    M. Pierre Goldberg et Mme Marie-George Buffet. Très juste !
    M. Alain Bocquet. Faut-il rappeler aussi qu'en annonçant, voilà un peu plus d'un mois, l'allongement de la durée du plan partenarial d'épargne salariale volontaire mis en place par la loi Fabius de 2001, votre gouvernement réintroduit les fonds de pension...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Non !
    M. Alain Bocquet. ... avec l'objectif d'en faire un complément de retraite appelé, qui sait, à devenir un jour la retraite elle-même ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Non ! Ça c'est Fabius !
    M. Alain Bocquet. Votre projet pour les retraites vise non pas à sauvegarder le système par répartition...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais si !
    M. Alain Bocquet. ... issu des lois du 22 mai et du 13 septembre 1946, ainsi que vous le clamez, mais à le faire éclater.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est faux !
    M. Alain Bocquet. Messieurs les ministres, messieurs de la majorité, il faut abandonner le projet, y renoncer, afin que les besoins et les priorités puissent être redéfinis avec les Françaises et les Français, car la rentabilité de l'argent ne peut être le critère ultime d'action d'un gouvernement.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est de la vitrification !
    M. Alain Bocquet. Je voudrais à présent aborder les principaux éléments de fond qui ont été jusqu'ici mis en avant de manière caricaturale...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Par M. Terrasse !
    M. Alain Bocquet. ... pour dénaturer le débat, dramatiser la situation et tromper grossièrement les Françaises et les Français.
    Le premier de ces éléments concerne l'évolution démographique. M. le Premier ministre, dans sa lettre adressée à nos concitoyens le 7 mai dernier, donne à cet aspect du dossier des retraites toute l'apparence d'une fausse évidence. Reprenons-en les termes : « En 1960, quatre actifs finançaient la pension d'un retraité. En 2000, ils n'étaient plus que deux ; en 2020, chaque actif devra subvenir aux besoins d'un retraité. Cela signifie que si nous ne faisons rien aujourd'hui, dans moins de vingt ans, nos pensions seront réduites de moitié. »
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est la vérité !
    M. Alain Bocquet. Or c'est un raisonnement en trompe l'oeil qui est proposé là aux Français,...
    M. André Chassaigne. Un raisonnement fallacieux !
    M. Alain Bocquet. ... mais le débat national improvisé dans la rue et dans les entreprises, faute d'écoute officielle, n'a pas manqué d'y relever des faiblesses de taille.
En effet, une question se pose immédiatement : si la logique économique est celle que vous dites, celle que la propagande ministérielle martèle depuis des mois, comment expliquer qu'entre 1960 et 2000, période pendant laquelle le rapport entre actifs et retraités a été divisé par deux, le montant des retraites ait pu, lui, augmenter, sans conduire le pays, son économie, ses entreprises et sa population à la ruine et à la cessation de paiement ?
    M. Michel Vaxès. Eh oui !
    M. Alain Bocquet. La France a franchi l'obstacle, et celui qui l'attend est moindre. Pourquoi vouloir alors tout bouleverser ?
    La part de la population retraitée condamnée à vivre en dessous du seuil de pauvreté est passée de 30 % dans les années 70 à moins de 5 %. Allez-vous remettre en cause cette évolution et le progrès de civilisation que cela constitue ? Je vous demande, messieurs les ministres, de déprogrammer la paupérisation qu'organise votre dispositif sur les retraites.
    Parmi d'autres, la Confédération française des retraités, dans la publication d'avril 2003 de son magazine Actualités-retraites, a démontré le tour de passe-passe auquel Gouvernement et MEDEF se livrent à ce sujet : « En quarante ans, de 1960 à 2000, le ratio actifs-retraités, passé de 4,69 à 1,81, a été divisé par 2,59. Dans les quarante ans à venir, selon les prévisions du plan Charpin, il doit atteindre 1,42, soit être divisé par 1,27. L'effort à faire est deux fois moindre que ce qui a été déjà fait sans drame majeur. »
    M. Michel Vaxès. Exactement !
    M. Alain Bocquet. Il en va de même pour la part des retraites dans le produit intérieur brut. Voici ce qu'indique encore l'enquête : « En quarante ans, le pourcentage du PIB - il s'élevait à 1 460 milliards d'euros en 2001 - c'est-à-dire de la richesse nationale consacrée à l'ensemble des retraites, a plus que doublé, passant de 5,4 % à 12,6 % ; en dépit d'une baisse dans la dernière décennie, le niveau de vie global des retraités s'est indiscutablement amélioré. Dans les quarante ans à venir ce pourcentage doit, selon les prévisions du comité d'orientation des retraites, passer à 16 %. Encore une fois, cela a été obtenu sans drame majeur pour l'économie française, et l'effort à faire est deux fois moindre [...]. »
    Si tout s'est passé sans drame majeur, c'est parce que, grâce à la productivité que tout le monde oublie, la richesse nationale a augmenté entre 1970 et 2000, passant de 121 milliards d'euros à 1 416 milliards, soit près de 12 fois plus.
    M. Pierre Goldberg. Et alors, messieurs les ministres, vous ne dites rien ?
    M. François Liberti. C'est une chose dont ils se gardent bien de parler !
    M. Alain Bocquet. La notion clé de productivité de l'économie et du travail est la grande inconnue des propos que vous avez tenus le 3 juin dernier, monsieur le ministre des affaires sociales, devant la commission de l'Assemblée nationale. Le mot lui-même est absent des 25 pages de votre intervention.
    M. André Chassaigne. Cachez ce sein que je ne saurais voir !
    M. Alain Bocquet. C'est dire l'écart qui sépare aujourd'hui l'exigence de préservation des profits de la prise en compte des besoins de la population et du pays.
    Personne ne conteste les évolutions démographiques. Elles constituent le premier élément qui justifie la nécessité d'une réforme du système des retraites - mais d'une réforme qui soit une consolidation et un progrès, pas un appauvrissement individuel et collectif des droits, des protections et des revenus.
    La seconde contrainte liée à la démographie découle de l'allongement de l'espérance de vie. Contrairement aux appréciations du patronat, qui n'y voit qu'un danger, une charge et un coût financier, nous y voyons le témoignage d'un progrès de civilisation et une chance pour notre pays, et pour les femmes et les hommes que cela concerne.
    Il résulte notamment de ces évolutions que, d'ici à 2050, la France devrait compter trois millions d'actifs, cotisants potentiels aux régimes de retraite, en moins, et 10 millions de retraités en plus.
    Je l'ai dit, ces constats ne sont contestés par personne. C'est d'ailleurs ce qui fait que, contrairement à ce que l'on tente de donner à croire ici ou là pour semer la confusion sur les propositions élaborées par le monde du travail et par le mouvement social, il n'y a pas aujourd'hui en France, d'un côté, une minorité consciente et réaliste, seule convaincue de la nécessité de réformer le système des retraites, et bien entendu tout acquise aux politiques que vous préconisez, et, de l'autre côté, une France mal informée ou mal intentionnée, rabougrie, revancharde, droite dans ses acquis comme d'autres dans leurs bottes, et fermée comme une huître à toute évolution des dispositifs en vigueur.
    M. André Chassaigne. Absolument !
    M. Alain Bocquet. C'est une caricature d'un autre âge qui ne vise qu'à pervertir le débat national et à diviser ou à discréditer dans l'opinion l'opposition lucide à vos principes et à vos objectifs. Je doute qu'elle suffise à décourager le mouvement social en cours.
    A l'évidence, d'ailleurs, et dans un moment où les gouvernements s'attachent à traduire en actes les engagements libéraux du sommet européen de Barcelone en 2002, où l'âge de départ en retraite vint en débat, cela ne marche pas mieux chez nos voisins. L'Europe sociale par le bas n'y fait pas davantage recette qu'en France et le citoyen européen - on l'a vu notamment en Autriche mais pas seulement - n'est pas prêt à se laisser tondre la laine sur le dos.
    Bien évidemment, vous vous efforcez d'inscrire cette dimension européenne dans votre argumentaire et prétextez que nous sommes les derniers de la classe.
    M. Yves Bur. Eh oui !
    Mme Claude Greff, rapporteure de la délégation aux droits des femmes. C'est vrai !
    M. Alain Bocquet. Mais d'une part, si j'en juge par les statistiques qu'ont popularisées les médias, l'âge effectif de départ en retraite est très souvent, dans l'ensemble des pays d'Europe, très en dessous de soixante ans - 58,2 en France -, loin des soixante-trois ou soixante-quatre ans que vous promettez aux Français. Et, d'autre part, on ne gouverne pas par mimétisme, qui plus est lorsque ce mimétisme conduit à casser un système de protection sociale et l'exceptionnalité française qu'il établit en la matière.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. Alain Bocquet. Cela me conduit tout naturellement, car la chose lui est directement liée, au second enjeu de fond : celui du financement de la nécessaire réforme des retraites. Ce financement se doit de répondre à deux questions. Tout d'abord, la part des personnes retraitées étant amenée à grandir inéluctablement dans la composition globale de la population française, est-il juste d'envisager, comme le réclament nos concitoyens, de lui consacrer un pourcentage accru de la richesse nationale ?
    M. Maxime Gremetz. Bien sûr !
    M. André Chassaigne et M. Michel Vaxès. Excellente question !
    M. Alain Bocquet. Nous répondons oui à cette interrogation et nous ne sommes pas les seuls.
    La réponse du MEDEF est également connue : pas un sou de plus pour les retraites revendique le baron Seillière !
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    M. Yves Bur. Et Mme Bettancourt ?
    M. Alain Bocquet. Vos déclarations, comme les dispositifs que vous préconisez, traduisent largement ce diktat.
    M. André Chassaigne. Ce sont les porte-voix du MEDEF !
    M. Alain Bocquet. Vous avez ainsi déclaré, le 27 février, monsieur le ministre des affaires sociales : « Beaucoup d'interlocuteurs sont tentés par le recours à l'élargissement de l'assiette du financement : profits financiers des entreprises, valeur ajoutée, cotisations sur la consommation... », avant d'ajouter que l'éventualité de mise en oeuvre de la « solution du prélèvement » devait être reléguée au « dernier rang » !
    M. Pierre Goldberg. Eh oui !
    M. Alain Bocquet. Voici quelques semaines, répondant à l'interpellation que je lançais au Gouvernement dans ce même hémicycle, vous enfonciez davantage le clou en déclarant que taxer « les bénéfices non réinvestis » serait tout bonnement « irresponsable ».
    Le patron du MEDEF, Ernest-Antoine Seillière...
    M. Jean-Pierre Brard. De Laborde !
    M. Alain Bocquet. ... n'a pas craint de déclarer : qu'« il n'y a pas de raison que les Français soient plus avantagés que d'autres ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Si encore il nous parlait de ses amis : Jean-marie Messier qui, en six mois de présence à la tête de Vivendi Universal, a gagné la bagatelle de 5,6 millions d'euros, dont 800 000 euros de salaire fixe, ou de son successeur Jean-Marie Fourtou qui reçoit un salaire fixe de 1 million d'euros...
    M. André Chassaigne. Ce sont les nouveaux pauvres !
    M. Alain Bocquet. ... et dont le bonus, paraît-il, pourra, l'an prochain, varier entre 150 et 200 % de son salaire fixe.
    M. François Liberti. Le pauvre !
    M. Yves Bur. Ce n'est pas ça qui réglera le problème des retraites !
    M. Alain Bocquet. En comparaison, Patrick Le Lay, PDG de TF1 gagne un salaire de misère : à peine 1,5 million d'euros en 2002.
    M. François Liberti. C'est le tableau de la France des privilèges !
    M. Alain Bocquet. Son grand patron, Martin Bouygues, s'accorde sagement 1,6 million d'euros de salaire annuel.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ces patrons représentent des centaines de milliers d'emplois !
    M. Alain Bocquet. Il faut aussi savoir que les stock-options distribuées à ces dirigeants leur permettent de doubler, voire de tripler leurs salaires.
    M. Pierre Goldberg. C'est vrai !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Allez donc en Grande-Bretagne !
    M. Alain Bocquet. De cotisations sociales sur les stock-options, que nenni !
    Mais non, ce ne sont pas ces privilèges-là, ni les 39 principaux patrons qui cumulent 7,4 millions d'euros de rémunérations mensuelles, c'est-à-dire 554 fois le SMIC que vise le président du MEDEF.
    M. Jean-Pierre Brard. Touchez pas au grisbi !
    M. Alain Bocquet. Non ! Vous l'avez bien compris, il vise les salariés du secteur public.
    Vous le rejoignez aussi sur ce point lorsque vous vous interrogez sur le point de savoir pourquoi les fonctionnaires seraient « exonérés des efforts demandés à tous les Français », ce qui ne vous empêche pas de défendre fermement, une nouvelle fois, l'exceptionnalité boursière, l'actionnariat et le profit des entreprises parce que « il serait irresponsable d'alourdir la barque » et parce que « la France est déjà fort mal placée dans le domaine des prélèvements obligatoires ».
    M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les gardiens du coffre-fort !
    M. Alain Bocquet. Cette argumentation est non seulement contestable du point de vue de l'équité, si chère à votre gouvernement, mais elle est aussi battue en brèche.
    Ainsi, le mouvement syndical n'a pas manqué de rappeler que les entreprises françaises ne croulent pas sous les cotisations sociales.
    Globalement, d'ailleurs les cotisations des employeurs ont baissé de 40 milliards d'euros en quinze ans...
    M. Pierre Goldberg. Eh oui !
    M. Alain Bocquet. ... alors que celles des salariés ne cessaient d'augmenter. La France est désormais, suivant les estimations, au sixième ou septième rang européen pour le coût de la main-d'oeuvre dans l'industrie. En revanche, ces cotisations sont mal réparties. L'une de nos propositions est précisément d'en réformer le calcul et l'application.
    M. André Chassaigne. Très bien !
    M. Alain Bocquet. C'est donc bien la même vieille antienne qui revient pour l'occasion, celle qui veut que le profit et l'allégement d'aujourd'hui fassent l'investissement de demain, et l'emploi de plus tard, toujours plus tard, alors que la France flirte avec les 3 millions de chômeurs.
    M. Jean-Pierre Brard. Helmut disait déjà cela !
    M. Alain Bocquet. Trente ans d'allégements des charges et d'accroissement de la part des profits boursiers dans le bilan global des entreprises n'ont fait qu'accompagner trente ans d'extension du chômage, le développement de l'exclusion et de la précarité. Il est temps d'en finir avec l'hypocrisie sociale du coût du travail derrière laquelle s'abritent les gâchis boursiers du patronat.
    M. Michel Vaxès. Très bien !
    M. Alain Bocquet. Il y a dix ans, les allégements de cotisations sociales patronales représentaient moins de 1 milliard d'euros. En 2002, ils ont atteint 21 milliards d'euros et n'ont servi, pour l'essentiel, qu'à tirer vers le bas qualifications et salaires, au détriment de l'activité économique et du financement des retraites.
    Tout le discours gouvernemental et patronal ne vise, au nom d'une croissance à préserver, dont nos concitoyens sont systématiquement spoliés, qu'à faire oublier que la base de financement du système des retraites doit demeurer l'entreprise. Dans l'ensemble des contre-propositions qu'elles vous avaient opposées dès le 7 janvier, les organisations syndicales n'avaient donc pas manqué d'aborder, dans son principe, le problème du financement de leur projet de sauvegarde et d'amélioration du système des retraites, par la conquête de droits nouveaux. Il n'est pas étonnant que vous ayez dès lors choisi d'écourter l'audience !
    En proposant de donner la priorité aux politiques de l'emploi, pour mettre un terme à l'exclusion par l'âge des jeunes et des plus de cinquante ans, ils affirmaient la nécessité de tabler sur un levier essentiel, second grand absent du discours gouvernemental : le relèvement du taux d'activité. Il est en effet le plus sûr moyen d'assurer, via les cotisations sociales, les ressources des régimes de retraite. Actuellement les jeunes ne trouvent pas de travail alors que les plus de cinquante ans en sont chassés. Or plus d'emplois, c'est plus de cotisants et plus de consommation - alors que 3 millions de chômeurs sont 3 millions de cotisants en puissance ; donc, plus de demandes, plus d'activités et plus de richesses.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Mais il n'y aura plus de patrons !
    M. Alain Bocquet. Plus de richesses devraient donner plus d'investissements. C'est notamment là que le bât blesse, avec l'expansion des placements boursiers.
    En méconnaissant délibéremment la nécessité d'associer la réforme et le financement du système des retraites à une politique de soutien à la création d'emplois, à l'investissement productif de l'entreprise et à l'affirmation du lien emploi-formation, vous choisissez de faire reposer sur les seuls salariés le poids des mesures mises en oeuvre.
    M. Michel Vaxès. C'est une autre logique !
    M. Alain Bocquet. La charge du financement de votre projet de réforme des retraites épargne en effet les entreprises. C'est un fait calculé et vérifié : 91 % des efforts à fournir seront exigés des salariés et pèseront sur leurs seules épaules...
    M. Pierre Goldberg. Toujours les mêmes !
    M. Alain Bocquet. ... pendant que votre gouvernement allège l'impôt de solidarité sur la fortune.
    M. Pierre Goldberg. Et vous ne dites toujours rien, monsieur le ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'attends qu'il ait fini !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Si c'était cohérent, on dirait quelque chose, mais ce n'est pas la peine !
    M. Alain Bocquet. Sur les 90 milliards d'euros qu'il faudrait dégager pour équilibrer les régimes à l'horizon 2020, le monde du travail devrait donc fournir l'essentiel, si l'on vous suivait, au travers de la baisse des pensions, de l'allongement de la durée réelle d'activité et du redéploiement des cotisations.
    Ce n'est supportable ni pour nos concitoyens dont les revenus et conditions de vie seront bouleversés, ni pour l'économie nationale dont l'essor repose d'abord sur le dynamisme d'un marché qu'alimente la consommation des ménages.
    En outre, lorsque dans sa Lettre aux Français, M. le Premier ministre écrit : « Je me suis engagé à vous dire la vérité : la solution, c'est un effort partagé », les salariés sont autorisés à penser que, pas plus que celle d'une vraie concertation, cette promesse ne sera tenue.
    Ainsi se trouvent rapidement fixées les limites de l'équité donnée comme l'une des grandes orientations de votre démarche. Je rappelle à ce sujet vos propos, monsieur le ministre des affaires sociales : « La deuxième orientation de cette réforme est celle de l'équité et de la justice sociale. » Or l'examen du texte montre que rien n'est plus faux. Le mouvement social qui redoute, à juste titre, une course au toujours moins pour les salariés, sait de quoi il parle.
    L'égalité entre public et privé que vous mettez en avant est en fait un alignement médiocre et sans gloire sur la situation dégradée des salariés du secteur privé tant en termes de durée des cotisations que pour ce qui concerne le niveau des retraites.
    J'évoquais le dixième anniversaire de la réforme d'Edouard Balladur. Il faut y revenir plus longuement pour établir, comme elles doivent l'être, les responsabilités. En effet, présenter les fonctionnaires comme des privilégiés et réclamer l'alignement de leurs régimes sur celui des salariés du privé - et non l'inverse - relève aujourd'hui d'une belle hypocrisie. L'équité public-privé : oui, mais à 37,5 annuités ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Paul Garraud. Surtout ne changeons rien !
    M. Yves Bur. Les conservateurs sont là ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un spécialiste qui parle ! Unterbrecher !
    M. André Chassaigne. Eux, ils conservent les coffres-forts !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Allez donc en Grande-Bretagne !
    M. le président. Monsieur Brard, ne voulez-vous pas que M. Bocquet poursuive ?
    M. Éric Raoult. Il l'empêche de s'exprimer ! (Sourires.)
    M. le président. Allez-y, monsieur Bocquet.
    M. Alain Bocquet. J'espère que vous décompterez cela de mon temps de parole, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous en prie, M. Bocquet a seul la parole.
    M. Alain Bocquet. Ces divers régimes présentaient, il y a dix ans, des avantages globalement comparables. Aussi, le vrai scandale réside-t-il dans cette réforme de 1993, jamais abolie, y compris sous la gauche malgré nos demandes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Claude Greff, rapporteure. Tiens donc !
    M. Jean-Paul Garraud. Il ne fallait pas rester au Gouvernement !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Ils y sont pourtant restés cinq ans !
    M. Alain Bocquet. En effet, cette réforme programmait l'appauvrissement des retraités du régime général et mettait en oeuvre une tactique des plus claires : d'abord s'attaquer aux régimes du privé, ensuite matraquer l'opinion de discours scandalisés - j'en ai donné deux regrettables exemples - sur les prétendus avantages des régimes publics, pour mieux démanteler ces derniers à leur tour.
    Le passage de 37,5 à 40 annuités va frapper directement les salariés des générations 1943-1947 dont 20 % au moins, d'après le conseil d'orientation des retraites, seront contraints de retarder leur départ en retraite pour pouvoir toucher une pension à taux plein. Il en ira de même, sans compter les mesures aggravantes que vous entendez mettre en oeuvre, pour 44 % des salariés des générations des années 1970-1974, autant dire un sur deux !
    Un autre aspect essentiel de la réforme Balladur modifiait le mode de calcul du montant des pensions, passant des dix aux vingt-cinq meilleures années, et l'indexant sur les prix. L'impact fut énorme. Il le demeure et, selon le conseil d'orientation des retraites, le taux de remplacement, c'est-à-dire le rapport entre le dernier salaire et la pension, qui ne cesse de diminuer, pourrait perdre une douzaine de points, de 1994 à 2010.
    La réforme de 1996 sur les retraites complémentaires vint aggraver ces difficultés puisque le cumul des deux réformes réduira le taux de remplacement d'un salarié cotisant à l'ARRCO de 84 % en 2000 à 71 % en 2020 et à 67 % en 2040 !
    M. André Chassaigne. Le Gouvernement ne le dit pas !
    M. Alain Bocquet. Pour un cadre cotisant à l'AGIRC, ce taux régressera de 75 % en 2000 à 62 % en 2020 et à 58 % en 2040.
    C'est vers une régression du même type que vous entendez conduire les régimes de retraites du secteur public, encouragé en cela par les campagnes réactionnaires et conservatrices, orchestrées par le MEDEF. Pourtant, le conseil d'orientation des retraites et l'observatoire des retraites ont démontré que ces campagnes n'étaient pas fondées, qu'il s'agisse de la prétendue différence de cinq ans entre public et privé dans l'âge du départ en retraite - il se situe en fait entre cinquante-sept et cinquante-huit ans dans les deux cas -, du taux de remplacement - en moyenne 76 % pour tous - ou de la progression des pensions, laquelle a été de 0,2 en moyenne pour le privé entre 1995 et 1999 contre 0,1 % pour les fonctionnaires.
    Nul n'ignore plus aujourd'hui que vous entendez compenser par un allongement sans précédent de la durée d'activité les fortes baisses de pensions que vous programmez. Or la durée moyenne validée est aujourd'hui d'environ trente-cinq ans dans le secteur privé où l'on s'insère plus tôt, et de trente-deux ans et demi dans la fonction publique. Que reste-t-il par conséquent de votre déclaration, monsieur le ministre des affaires sociales, devant la commission de l'Assemblée le 3 juin dernier, affirmant que « le droit de liquider sa retraite à soixante ans est confirmé » ? Une coquille vide !
    M. Yves Bur. Elle n'a jamais été pleine !
    M. Alain Bocquet. Dans vos propres rangs, notamment en ce qui concerne les salariés de plus de cinquante ans, l'allongement de la durée d'activité est envisagée avec scepticisme et beaucoup de réserves. En témoigne une enquête des Echos indiquant que « les entreprises ne sont pas prêtes à faire travailler les salariés âgés plus longtemps » (« Très juste ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et rappelant la culture d'exclusion, de discrimination et de traitement inégalitaire en matière de formation ou d'évolution des rémunérations, qui reste trop souvent celle de l'entreprise à l'égard de ses salariés les plus âgés.
    M. André Chassaigne. Voilà la réalité !
    M. Alain Bocquet. La même édition des Echos témoigne du fait que « les entreprises accélèrent le recours aux préretraites, avant la réforme Fillon ». Et ce ne sont pas les mesures que vous préconisez qui viendront bouleverser ces gestions d'effectifs.
    A tous égards, messieurs les ministres, quels gâchis humains, quelle absence totale de dignité et de respect pour ces catégories de salariés ! Seulement 82 % des hommes et 52 % des femmes arrivant à la retraite ont fait le plein de leurs droits. Qu'il s'agisse dès lors de travailler plus ou de toucher moins, que reste-t-il de cette nouvelle liberté que vous laissez miroiter à tous ? Enfin, alors qu'à l'heure actuelle, deux salariés seulement sur dix sont encore en activité au moment de liquider leur retraite, qui peut raisonnablement penser que tout salarié travaillera quarante-deux ans en 2020, pour toucher une retraite à taux plein ? Ce ne sera généralement pas le cas.
    Cinq années manquantes leur coûteront le quart de leur pension. Quand on sait que 30 % des salariés nés après 1960 ont moins de dix ans de cotisation à trente ans, et que 50 % des salariés du privé, partis en 2001, n'avaient pas quarante annuités, on mesure les dégâts que prépare votre réforme.
    M. Michel Vaxès. Absolument !
    M. Alain Bocquet. Ainsi les retraites du privé ont, depuis 1994, perdu 10 % par rapport aux salaires. Le cumul des législations en cours et de vos projets se traduirait par des pertes estimées de 20 à 50 % selon les situations. Il conduirait à faire de la retraite un véritable minimum vieillesse dénoncé par ma collègue Marie-George Buffet, comme un recul de civilisation.
    On voit comment l'allongement de la durée de cotisation, que vous présentez comme le moyen de garantir des retraites de haut niveau, ne constitue pour vous en réalité, à l'instar du licenciement boursier pour le patronat, qu'une variable d'ajustement, qui fait peu de cas du respect dû au salarié comme, d'ailleurs, de celui de la parole donnée par l'Etat.
    Cette trahison des dispositions sociales réglementaires et des statuts n'est pas le moindre problème posé par votre réforme car leur existence a pu conduire dix ans, vingt ans ou trente ans plus tôt, des femmes et des hommes, à s'engager dans tel ou tel secteur de l'activité économique en particulier dans le service public. Ces hommes, ces femmes, ces générations de salariés ont tenu leur engagement, et respecté leur parole tout au long de leur vie professionnelle. Ils l'ont fait y compris - je pense notamment aux agents retraités d'EDF revenant sur le terrain après les tempêtes de l'hiver 1999 - lorsque les circonstances exigeaient qu'ils assument cette responsabilité morale qui continue de les lier au service public, après leur cessation d'activité. Cet engagement moral entre d'ailleurs en ligne de compte dans les droits sociaux qui leur sont octroyés, mais vous oubliez délibérément d'y faire référence. C'est aussi cela le service public. Il est de la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité de savoir s'en souvenir dans leur actes.
    J'ai évoqué le creusement des inégalités entre les bénéficiaires de notre système actuel de retraite par répartition. Je veux y revenir car le choc démographique n'est pas le seul impératif auquel ce système se trouve confronté, ni le seul problème appelant une évolution de ses dispositifs, pour lui permettre d'y faire face. Nul ne peut plus ignorer en effet, et le Gouvernement moins que tout autre, l'accumulation des déficiences qui allongent la liste des inégalités face au droit à la retraite. Des centaines de milliers de retraités vivent encore avec une pension indécente, et l'on compte près de 800 000 personnes soumises au minimum vieillesse.
    Il y a encore inégalité en ce qui concerne la durée de vie à la retraite, dont témoignent les situations respectives dans vingt ans, d'un cadre supérieur et d'un ouvrier arrivés, l'un et l'autre, à soixante ans.
    L'espérance de vie des cadres supérieurs à cet âge est en effet de 24,4 ans, celle d'un ouvrier spécialisé de 17,4 ans. Porter la durée de cotisation à quarante-cinq ans, comme ont pu en évoquer l'éventualité M. Seillère ou M. Guillaume Sarkozy, reviendrait à réduire la durée de vie en retraite de 42 % pour l'ouvrier spécialisé, de 31 % pour le cadre supérieur !
    Inégalités enfin, celles que subissent les femmes dont le journal L'Humanité a pu rappeler qu'elles demeurent toujours les plus « mal retraitées ».
    La réforme de 1993 a fortement pénalisé, bien évidemment, les retraites des femmes salariées du secteur privé. Votre réforme, monsieur le ministre, étend aujourd'hui cette régression au secteur public. Je rappellerai que les pensions de retraite des femmes sont en moyenne inférieures de moitié à celles des hommes. Le temps partiel imposé, les emplois précaires, les carrières interrompues pour s'occuper des enfants, les salaires au rabais, le chômage représentent autant de caractéristiques, j'ai envie de dire moyenâgeuses, du salariat féminin. Et ces caractéristiques convergent fatalement vers des retraites difficiles, appuyées sur des pensions restreintes et sur un nombre d'annuités limité. Encore doit-on remarquer que, dans cet ensemble, les femmes d'artisans, les femmes d'agriculteurs, les femmes confrontées aux emplois les moins valorisés sont parmi les catégories les plus touchées.
    Les chiffres, s'ils sont connus, n'en demeurent pas moins impressionnants pour autant, et témoignent de l'ampleur de l'écart avec la situation, déjà très insatisfaisante, de beaucoup de salariés hommes.
    Selon les calculs de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques rattachée au ministère des affaires sociales, les femmes à la retraite disposaient en 2001, avec 848 euros mensuels, d'un montant inférieur de 42 % à celui des hommes. Quatre-vingts pour cent des femmes vivent avec une pension en dessous du SMIC, ce qui est le cas de 40 % des hommes. Et pour 10 % d'entre elles, les droits acquis en contrepartie de leur travail ne représentent qu'une retraite de 151 euros par mois... Les femmes prennent ainsi leur retraite en moyenne deux ans plus tard que les hommes. Celles qui ne sont pas salariées et qui ne disposent pour vivre que d'une seule pension ont des retraites les plus basses.
    Par bien des aspects encore, chiffres à l'appui, je pourrais évoquer ces dures réalités que la réforme que vous proposez ne va pas manquer d'aggraver. L'allongement de la durée de cotisation à quarante-deux ans à l'horizon 2020 punira un peu plus impitoyablement ces parcours incomplets et fera des ravages chez les femmes liquidant leur retraite.
    M. Michel Vaxès. Très juste !
    M. Alain Bocquet. Où est l'équité, mesdames et messieurs les députés de la majorité présidentielle ?
    M. André Chassaigne. Dans les mots !
    M. Alain Bocquet. Où est l'équité quand, on le sait, toutes les estimations déjà conduites le montrent, ce changement affectera particulièrement les quatre retraités sur dix qui touchent les pensions minimales, dont deux tiers de femmes ?
    Et que dire de l'épée de Damoclès que constitue l'instauration des décotes dans le secteur public ? Dans les métiers pénibles et fortement féminisés, telle la fonction publique hospitalière, le départ à cinquante-cinq ans, de ce fait, n'est plus lui non plus garanti.
    Ainsi que les principales intéressées l'ont établi elles-mêmes, les compensations chichement consenties sous forme d'intégration d'une petite part des primes dans le calcul des pensions, et la bonification supplémentaire d'un an tous les dix ans, ne suffisent pas à gommer les effets de cet allongement de carrière obligé.
    Après avoir été dès 1993 « les précurseurs du travailler plus longtemps pour toucher moins », ce que dénonçait la sociologue Annette Langevin, les femmes se voient d'ores et déjà, dans leur ensemble, installées au premier rang des retraités qui seront frappés par l'extrême pauvreté et dont le sort devra dépendre de l'Etat et de l'aide sociale.
    Messieurs les ministres, le projet du Gouvernement est foncièrement inadapté à la société française, à l'aspiration de sa population à bénéficier d'une juste reconnaissance de son droit à la sécurité, au bien-être et au repos au terme de son activité salariée.
    Monsieur le ministre des affaires sociales, vous avez, hier, lors de votre intervention à la tribune, évoqué les six milliards d'humains qui attendent d'avoir leur part du progrès sur notre planète, pour ajouter aussitôt que les Français devaient renoncer à la retraite à soixante ans. Outre le fait que vous jetez le masque en liquidant le droit à la retraite à soixante ans, vous passez rapidement l'éponge sur une construction historique et sociale qui fait souvent parler d'une « exceptionnalité française ». Si désormais les citoyens du monde réclament des droits, leurs droits, nos luttes et nos acquis sociaux n'y sont pas étrangers et nous devrions en être plutôt fiers. La France a tout à gagner, en Europe et dans le monde, à rester à la pointe de l'invention sociale. Nous sommes de ceux qui veulent contribuer au rayonnement d'un nouveau modèle social français, moderne et progressiste.
    M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
    M. Alain Bocquet. Fruit des luttes sociales, notre système de retraite par répartition s'est construit sur les bases de la solidarité nationale. C'est un principe d'une ardente modernité qui pourrait justement concerner l'ensemble des êtres humains. Le progrès, ce n'est pas la remise en cause des avancées sociales, comme vous ne cessez de le marteler ; c'est au contraire leur extension à tous, et la production des richesses comme le développement impétueux des technologies l'autorisent désormais, pour peu que l'on veuille bien poser la question de leur répartition.
    M. Jean-Paul Garraud. Cela ne veut rien dire !
    M. Alain Bocquet. Votre projet s'inscrit en rupture de la longue tradition humaniste et progressiste qui imprègne la société tout entière et dont les luttes de nos concitoyens ont imposé, au fil des décennies, la prise en compte dans notre système de protection sociale.
    Est-il acceptable d'imposer aux générations futures de vivre moins bien que celles d'aujourd'hui ou d'hier ? Est-ce cela le progrès social ? Est-ce cela, l'avancée de la société ou de la civilisation ?
    Est-il juste, quand l'argent s'accumule d'une manière arrogante à un pôle étroit de la société, de proposer un tel recul social ?
    M. Jean-Paul Garraud. Que de clichés !
    M. Alain Bocquet. Ce n'est pas un projet pour notre peuple ni un projet pour aujourd'hui,...
    M. Pierre Goldberg. C'est sûr !
    M. Alain Bocquet. ... mais une tentative de réforme foncièrement réactionnaire, porteuse de retours en arrière dont les conséquences sociales et économiques incalculables doivent être résolument écartées.
    Votre projet n'est pas recevable lorsque l'on voit les conditions d'élaboration que vous avez choisi de retenir. Non seulement vous excluez toute confrontation des idées, des réflexions et des projets, mais vous mettez les partenaires sociaux, et particulièrement le mouvement syndical, dans l'incapacité de se faire entendre autrement que par l'appel à l'action des salariés et à la grève.
    Recevable, il ne l'est pas davantage dans le contenu de ses dispositions qui ne recherchent que la précarisation des situations et des moyens de vie de l'immense majorité de nos concitoyens, avec l'explosion du système de retraites par répartition et la part progressivement dominante que sont appelés à y prendre les fonds de pension et la capitalisation. C'est la société française tout entière qui sera tirée vers le bas avec l'irruption du loup de la capitalisation dans la bergerie de la répartition solidaire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Christian Estrosi. Ah, le loup, le loup !
    M. Alain Bocquet. Nous serons alors loin, hélas ! de la solidarité intergénérationnelle.
    Recevable, votre projet ne l'est pas non plus dans la définition des sources de financement susceptibles de maîtriser les situations nouvelles liées notamment à l'évolution de la démographie. Rappelons que plus de 90 % de l'effort reposera sur les seules épaules des salariés et que vous épargnez ceux qui continuent de gagner, pour reprendre une formule célèbre, de l'argent en dormant.
    Voilà pourquoi nous avons fait le choix de nous opposer fermement et définitivement à votre projet.
    Nous considérons qu'il n'est pas du rôle et de la responsabilité nationale de débattre d'un texte que le pays condamne.
    Il est au contraire de notre rôle et de notre responsabilité de vous demander sa réécriture en concertation étroite avec les partenaires sociaux, tous les partenaires sociaux. Au nom de quel principe les organisations syndicales majoritaires dans le pays devraient-elles être ici méprisées ?
    M. Gilbert Biessy. Humiliées !
    M. Alain Bocquet. Les trois syndicats engagés dans la lutte et qui appellent à une journée d'action demain, la CGT, Force ouvrière et l'UNSA, ont représenté, je le rappelle, 55 % des suffrages aux dernières élections prud'homales.
    M. Maxime Gremetz. Elles sont majoritaires !
    M. Alain Bocquet. De à quoi il convient d'ajouter les 10 % obtenus par la CFTC, qui ne s'est pas ralliée à l'accord du 15 mai dont vous vous targuez. Soit un total de 65 %... Monsieur le ministre des affaires sociales, 65 % des voix des salariés, cela fait beaucoup, cela se respecte et il faut en tenir compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Paul Garraud. Ce calcul est vraiment n'importe quoi !
    M. Alain Bocquet. Vous ne pouvez pas vous conduire, messieurs les ministres, comme si tout cela n'existait pas !
    D'autres hypothèses de travail ont été avancées, élaborées à partir des besoins. Des solutions novatrices ont été soumises à l'attention du Gouvernement.
    Il faut suspendre toute conclusion au débat parlementaire actuel...
    M. Jean-Paul Garraud. Taisez-vous, alors !
    M. Yves Bur. Autrement dit, on n'est pas à cinq ans près !
    M. Alain Bocquet. ... pour continuer de débattre dans le pays. M. le Premier ministre a déclaré à la presse qu'il y était prêt tout l'été. Raison de plus pour ouvrir une véritable négociation - un calendrier, cela peut se modifier -, afin de trancher à l'automne prochain. Un avenir à cinquante ans peut souffrir de trois mois de délai !
    M. André Chassaigne. Eh oui !
    M. Yves Bur. A vous entendre, on n'a pas assez attendu !
    M. Alain Bocquet. Dans le cadre de ces démarches que vous avez choisi, messieurs les ministres, jusqu'ici de traiter de fait par un mépris poli, les députés et sénateurs communistes et républicains ont élaboré un ensemble de propositions. Je veux devant la représentation nationale en rappeler l'essentiel et l'objectif que nous considérons indispensable de fixer à une telle réforme : celui d'apporter des améliorations réelles à la situation présente des retraités.
    Les solutions que nous préconisons ont été présentées au mouvement syndical et associatif et discutées avec ses représentants, ainsi qu'avec des experts.
    M. Yves Bur. La nôtre aussi ! Mais la vôtre date d'un autre siècle.
    M. Alain Bocquet. D'un autre siècle ? Du siècle du social, mon cher collègue, et non pas du siècle de la bourse, comme vous le souhaitez.
    M. Yves Bur. Du siècle de l'action, oui !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Des experts ? Vous, vous êtes des ex-pères Noël ! (Sourires sur les bancs du groupe du l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Goldberg. C'est tout ce qu'ils trouvent à dire ?
    M. André Gerin. M. Bur se trompe d'époque !
    M. Jean-Pierre Brard. Et la qualité de l'humour de M. Bénisti baisse !
    M. François Liberti. L'esclavage, c'était hier !
    M. le président. Il est tout de même curieux que le groupe des député-e-s communistes et républicains souhaite toujours intervenir pendant que M. Bocquet s'exprime...(Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela lui donne en tout cas de l'élan !
    M. Jean-Pierre Brard. Quant aux experts de la droite, on les connaît : ce sont Kessler et Bébéar !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Elles cherchent, d'une part, à garantir le fondement de notre système par répartition et son architecture. Elles aspirent, d'autre part, à assurer un haut niveau de pension en affirmant le droit à la retraite à taux plein à soixante ans, afin de permettre à chaque retraité de vivre dans la dignité la troisième partie de son existence.
    Elles sont indissociables de l'existence d'une politique orientée vers la construction d'un nouveau système de sécurité d'emploi et de formation et visant à la progression du pouvoir d'achat des salaires, pensions et minima sociaux nécessaires pour soutenir un nouveau type de croissance appuyé sur le développement des ressources humaines.
    Les retraites ne sont ni une charge ni un handicap pour l'économie, bien au contraire. En libérant les emplois et en consommant, les retraités contribuent à faciliter le renouvellement des générations d'actifs, comme ils contribuent au dynamisme économique. La productivité du travail et la demande effective et, par voie de conséquence, la croissance et l'emploi s'en trouvent stimulés. De surcroît, de meilleures conditions de travail, une formation jusqu'à la retraite, l'amélioration de la santé et de la sécurité au travail, l'accroissement du temps libre sont autant d'élements de nature à assurer une retraite active pour une partie plus nombreuse de la population. C'est pourquoi nous proposons de rompre avec la régression du pouvoir d'achat et assurer la revalorisation des retraites.
    Bien loin d'être des « nantis », les retraités sont parmi les oubliés de la croissance. Il y a une urgente nécessité à inverser la tendance et, pour cela, à déterminer des garanties quant au montant et à l'évolution des retraites, qui permettront leur revalorisation effective et le rattrapage du pouvoir d'achat perdu.
    Nous proposons donc une augmentation immédiate des retraites et pensions incluant une première étape de rattrapage du pouvoir d'achat ; la ré-indexation des retraites sur l'évolution moyenne des salaires ; la garantie d'une retraite totale au moins égale à 75 % du salaire brut moyen des dix meilleures années de la crrière dans le secteur privé, ou du traitement indiciaire brut des six derniers mois pour le secteur public ; la prise en compte, pour établir le montant des pensions de retraite, de la totalité des rémunérations - primes et heures supplémentaires comprises - y compris par leur intégration dans les traitements indiciaires pour le secteur public ; la suppression des prélèvements obligatoires ou temporaires sur les pensions.
    Il faut que le minimum contributif retrouve son niveau de 1983 par rapport au SMIC, ce qui porterait son montant à 727 euros par mois, ré-indéxé sur les salaires et tenant compte d'une augmentation du SMIC sur cinq ans.
    Il faut également modifier les règles d'attribution de la pension de réversion et augmenter son taux. C'est pourquoi il convient de supprimer les conditions restrictives d'attribution, particulièrement les règles de cumul et de plafond de ressources et, dans l'immédiat, de porter son taux à 60 %.
    Bien évidemment, nous demandons l'abrogation des lois et décrets Balladur-Veil de juillet-août 1993 et nous proposons d'assurer le droit et la possibilité de partir à la retraite à taux plein à soixante ans au plus tard, avec 37,5 annuités.
    M. Jean-Paul Garraud. C'est la révolution !
    M. Alain Bocquet. Eh oui ! Pour cela, les périodes non travaillées telles les études, les contrats d'insertion, la recherche d'un premier emploi, les périodes de chômage et les fins de droits doivent être validées gratuitement.
    Quant à la suppression des abattements supplémentaires pour carrière incomplète comme de tout principe de décote des pensions, elle fait partie des mesures qu'il est possible et nécessaire de mettre en oeuvre. De même la possibilité, pour ceux qui le souhaitent, de choisir librement, moyennant toutes les garanties nécessaires, le moment auquel ils veulent interrompre partiellement ou totalement leur activité professionnelle.
    Dans ce cadre, les femmes et les hommes ayant exercé des travaux pénibles ou contraignants doivent pouvoir faire valoir leur droits à la retraite à taux plein dès cinquante-cinq ans. Tout salarié, après quarante ans de cotisation doit pouvoir immédiatement, comme l'ont proposé les groupes communistes et républicains de l'Assemblée nationale et du Sénat, demander et obtenir sa retraite à taux plein sans attendre sa soixantième année. Les demi-mesures que vous préconisez en la matière ne répondent pas complètemement à cette attente et au texte que nous avions déposé ici.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est l'histoire du verre à moitié plein et du verre à moitié vide !
    M. Alain Bocquet. C'est pourquoi nous réitérons au Gouvernement la proposition, que j'ai défendue à deux reprises au nom des député-e-s communistes et républicains en novembre 2001 et en mars 2003 dans cet hémicycle, tendant à ouvrir un droit plein et entier au départ en retraite avant soixante ans pour tout salarié ayant atteint les quarante annuités. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Bur. C'était pourtant les socialistes qui étaient alors au Gouvernement, et ils avaient refusé !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous n'aviez pas quitté la majorité à l'époque ! C'était donc un gouvernement que vous souteniez !
    M. Alain Bocquet. Bien que cela ne soit pas prévu dans le projet du Gouvernement, il est nécessaire de réaffirmer la pérennisation des régimes spécifiques dans une réforme de notre système de retraites par répartition.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En 2001, vous auriez dû écouter M. Gremetz !
    M. Alain Bocquet. Comme l'a noté le Conseil d'orientation des retraites, il n'y a pas globalement de situation privilégiée...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. M. Gremetz vous avait dit à l'époque qu'il fallait quitter la majorité. Il n'avait décidément pas tort !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. M. Gremetz n'a jamais tort !
    M. Jean-Paul Garraud. Vous cultivez la différence !
    M. Alain Bocquet. Vous n'êtes pas encore membre du parti communiste, monsieur le rapporteur ! Enfin !
    M. le président. Monsieur Bocquet, on ne formule pas que des voeux ici. Poursuivez votre démonstration.
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, c'est proprement incroyable. M. Bocquet a sans cesse été interrompu. Généralement, c'est l'interrupteur que l'on rappelle à l'ordre !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est que le président est fasciné !
    M. André Chassaigne. Il est troublé parce qu'il trouve la mariée trop belle !
    M. Éric Raoult. C'est vous qui êtes troublés !
    M. le président. Monsieur Emmanuelli, vous avez vous-même occupé ce siège. La présidence n'est pas contestable. Je préfère mettre M. Bocquet dans la meilleure situation pour poursuivre sa démonstration. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Yves Bur. On est quand même sympa !
    M. Maxime Gremetz. Où en sommes-nous ?
    M. Alain Bocquet. Comme l'a noté le Conseil d'orientation des retraites, il n'y a pas globalement de situation privilégiée des salariés du secteur public,...
    M. Jean-Paul Garraud. Vous l'avez déjà dit !
    M. Alain Bocquet. ... et le retour à la situation d'avant 1993 dans le privé rétablirait une équité de principe.
    Mme Sylvia Bassot. Il fallait le faire avant !
    M. Alain Bocquet. C'est là un point particulièrement important dans la mesure où ces régimes sont effectivement menacés, malgré vos dénégations, par un effet de domino. Menace que confirment les révélations récentes sur le devenir et la privatisation d'EDF...
    M. François Liberti. Eh oui !
    M. Alain Bocquet. ... ou le jeu d'intox lancé par le Gouvernement à propos des retraites RATP, SNCF, Banque de France, par exemple.
    M. Franck Gilard. En Russie, l'espérance de vie diminue. Là-bas, le problème ne se pose pas, camarades !
    M. Alain Bocquet. Dans l'esprit de réforme progressiste que nous soutenons, il est indispensable de poursuivre l'amélioration des retraites agricoles en introduisant notamment le principe de la parité du montant de la retraite des conjoints et conjointes avec celle du chef d'exploitation, en supprimant les coefficients de minoration et en mettant en place la mensualisation du paiement des retraites.
    M. André Chassaigne. Très bien !
    M. Alain Bocquet. A l'opposé de la République des tabous que vous défendez, qui exclut de toucher à l'actionnariat comme au profit spéculatif des entreprises, nous proposons de créer des conditions d'un financement dynamique des retraites de demain.
    L'emploi et la croissance, en liaison avec un autre type de progression de la productivité du travail et de gestion des entreprises, sont au centre de l'avenir des régimes de retraite.
    Il convient donc de relever la part des salaires dans la valeur ajoutée globale, source de cotisation, et d'y ajouter une politique familiale dynamique afin d'assurer un bon renouvellement des générations. Cela doit aller de pair avec une politique de formation des jeunes et de tous, tout au long de la vie, y compris pour les travailleurs vieillissants, aujourd'hui rejetés hors de l'emploi.
    Trouver les financements supplémentaires indispensables ne pose pas de problèmes insurmontables, comme le confirme notamment le rapport du Conseil d'orientation des retraites. Ils doivent être recherchés dans une croissance durable et dans une autre répartition des richesses.
    Le financement des retraites à l'échéance 2040 nécessite d'après les estimations du Conseil d'orientation des retraites, de 4 à 6,5 points supplémentaires de PIB. Dans cette perspective, nous proposons une refonte globale du financement de notre système de retraite par répartition - et plus généralement de la sécurité sociale - afin de mettre un terme aux exonérations de cotisations sociales patronales, au moyen de la baisse sélective des charges financières du crédit.
    Il faut mobiliser le crédit pour sécuriser l'emploi et la formation,...
    M. André Chassaigne. Très bien !
    M. Alain Bocquet. ... faire reculer l'appel aux marchés financiers en France et en Europe avec une nouvelle orientation de la Banque centrale européenne, décider une baisse sélective des taux d'intérêt pour les projets d'investissements, en fonction des créations effectives d'emplois et des mises en formation qu'ils programment.
    De même, il est indispensable de modifier l'assiette des cotisations sociales patronales afin qu'elle favorise l'emploi et les qualifications professionnelles.
    Aujourd'hui, plus une entreprise embauche et augmente les salaires, plus elle paye de cotisations. Alors qu'une entreprise qui licencie, qui comprime les salaires par rapport à la valeur ajoutée et fait des placements financiers paye de moins en moins de cotisations. Par exemple, les entreprises de main-d'oeuvre, notamment du bâtiment ou du textile, ont une part de cotisations sociales dans la valeur ajoutée qui représente plus du double de celle des institutions financières, banques ou compagnies d'assurances.
    C'est pourquoi nous ne cessons de proposer le maintien du calcul des cotisations sur la base des salaires bruts versés, mais également la modulation de l'assiette des cotisations sociales patronales.
    C'est la réforme structurelle la plus importante à mettre en oeuvre. Cela inciterait à la progression de l'emploi, en quantité et en qualité, et pénaliserait la croissance financière. Une telle modulation encouragerait les entreprises qui augmentent les salaires et la formation et développent l'emploi, tandis que seraient pénalisées celles qui préfèrent investir contre l'emploi, placer de l'argent en Bourse, délocaliser, économiser sur les salaires et les efforts de qualification de la main-d'oeuvre.
    Au total, une telle incitation engendrerait une masse de cotisations sociales patronales bien plus élevée. En poussant à la hausse dans les entreprises le rapport dépenses en salaires et formation sur valeur ajoutée globale, ces dispositifs contribueraient à l'efficacité sociale des productions et au soutien de la demande globale.
    Une telle modulation pourrait engendrer, en année pleine, 15 à 17 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Ceci pourrait s'ajouter aux 23 milliards d'euros que dégagerait un élargissement de l'assiette des cotisations, mettant à contribution les revenus financiers des entreprises, des banques et des assurances, ainsi que les ménages très aisés. C'est à eux qu'il faut demander en priorité un effort. Pourquoi pas des cotisations à hauteur de 10,35 % comme pour les salariés ? Ce serait là la vraie justice et la véritable équité.
    Sur un autre plan, nous estimons indispensable l'extension des prélèvements sociaux à tous les revenus financiers. La « protection rapprochée » dont ils jouissent grâce à vos bons soins devient intolérable, en particulier aux yeux de ceux de nos concitoyens qui supportent les coups les plus rudes. Cela concerne, par exemple, les revenus financiers des entreprises et des institutions financières, qui échappent totalement aux prélèvements sociaux. Ainsi, 70 milliards d'euros sont « à l'abri » : les taxer rapporterait sept milliards d'euros !
    Ainsi, il serait possible d'envisager un scénario de rééquilibrage structurel des comptes sociaux, dans une dynamique nouvelle de croissance et d'emploi efficace.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce serait un Hiroshima social !
    M. Alain Bocquet. Contrairement à ce que vous préconisez, une telle démarche ne se contente pas de traiter le problème du financement des retraites comme celui d'un gâteau limité à partager, elle s'insère dans une série de réformes structurelles visant à augmenter les richesses à partager, en modifiant le contenu de la croissance et en amorçant un dépassement du marché.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Utopie !
    M. Alain Bocquet. Ainsi que je l'ai démontré, et comme le dit le mouvement social, contrairement aux mesures que vous voulez imposer aux Français, des propositions comme celles-ci répondent à des impératifs de justice sociale et d'équité. Leur mise en application serait bénéfique, tant pour les salariés actifs et retraités que pour l'ensemble de la société.
    En les présentant, les parlementaires communistes et républicains entendent réaffirmer leur volonté d'ouverture et leur désir de participer de façon constructive au débat.
    Messieurs les ministres, un écart insurmontable sépare le projet de réforme que vous préconisez, des aspirations de nos concitoyens,...
    M. Pierre Goldberg. Eh oui !
    M. Alain Bocquet. ... de leur droit à la sécurité et au bonheur. Il ne tient pas compte des richesses de notre économie et de sa capacité très réelle à répondre à ces aspirations. Cette capacité, vous préférez la nier ou la taire, pour mieux servir les choix de la haute finance.
    Nous vous demandons le retrait de votre projet. Nous vous demandons sa réécriture et l'ouverture de vraies négociations. Ouvrez sans attendre un « Matignon » des retraites, sous l'autorité de M. le premier ministre, avec tous les partenaires sociaux, pour déboucher sur un autre projet qui aurait l'approbation de tous les représentants du monde du travail.
    Nous vous demandons d'entendre l'exigence de justice sociale et de démocratie citoyenne qui s'exprime et grandit dans notre pays.
    Il y a eu de grands rendez-vous dans l'histoire sociale de notre pays, comme les accords Matignon en 1936, pour les quarante heures et les premiers congés payés ;...
    M. Pierre Goldberg. Vous hurliez déjà à l'époque, messieurs de la droite !
    M. Alain Bocquet. ... les accords de Grenelle, en 1968, pour les salaires et la reconnaissance des syndicats.
    M. Pierre Goldberg. Vous hurliez encore !
    M. Alain Bocquet. Pourquoi pas une conférence à Matignon, en 2003, pour un grand accord sur les retraites ?
    Nous refusons, avec beaucoup d'autres, de céder au chantage de la mort annoncée de notre système de retraite par répartition et, avec eux, lucidement, nous refusons de céder au chantage et de croire que la seule alternative à votre réforme est la retraite par capitalisation.
    M. Antoine Carré. C'est faux !
    M. Alain Bocquet. Dans cette perspective et parce que votre projet de réforme de retraite n'est ni juste ni équitable, nous demandons à cette assemblée de voter - et nous demandons un scrutin public - la question préalable que je viens d'exposer. (Appaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président Bocquet, le parti communiste a un projet. Il vaut ce qu'il vaut, mais il existe.
    M. Jean-Claude Lefort. Enfin !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Votre intervention est à l'image d'une politique économique et sociale qui n'a désormais plus cours dans aucun pays d'Europe ni même sans doute du monde.
    M. Jean-Claude Lefort. Si, en belgique !
    M. Yves Bur. L'Union soviétique ça n'existe plus !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai écouté M. Bocquet avec beaucoup d'attention et vous allez voir que je vais répondre à chacun de ses arguments. Je vous demande donc de m'écouter avec la même attention.
    C'est une politique qui tend à étouffer l'économie pour financer le contrat social.
    M. Pierre Goldberg. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans un monde compétitif et dans une Europe ouverte, cette politique est source de déclin économique et de chômage.
    M. André Chassaigne. C'est tout le contraire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous estimons que la prospérité sociale et le développement économique doivent être accordés et équilibrés. Vous estimez, pour votre part, qu'il existe « un trésor caché » que prélèvements obligatoires et taxes sauront bien dénicher.
    Finalement, pour vous, la réforme des retraites n'est autre que le moyen de contester l'économie libérale que vous continuez de combattre.
    M. André Gerin et M. Jean-Claude Lefort. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est votre droit...
    M. Pierre Goldberg. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et nous le respectons, mais ce n'est pas notre choix. Notre projet n'est nullement indexé, comme vous le dites, sur les desiderata du MEDEF.
    M. André Chassaigne. Votre nez s'allonge !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement respecte tous les partenaires sociaux, contrairement à vous, mais n'est l'otage ni le serviteur de personne.
    Monsieur Bocquet, contrairement à ce que vous affirmez, c'est la répartition que nous sauvons. La capitalisation a été écartée, elle ne peut pas être confondue avec l'élargissement de l'épargne-retraite. Je ne vois pas pourquoi le parti communiste accepte sans rien dire la PREFON et rejette son extension dans le secteur privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Votre hostilité viscérale à l'égard du marché est cohérente avec votre idéologie mais elle l'est un peu moins avec vos pratiques. N'oubliez tout de même pas que vous avez participé, pendant des années, à une majorité qui a davantage privatisé l'économie que la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    N'oubliez pas que la politique que vous avez soutenue pendant cinq ans a surfé sur une augmentation, entre 1998 et 2000, de près de 100 % de certaines valeurs boursières ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Dans votre intervention, monsieur Bocquet, il est une chose que je ne puis entendre sans réagir : qu'il n'y aurait eu ni concertation ni négociations.
    M. André Chassaigne. Un peu courtes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Celles-ci ont duré, vous le savez, trois mois et demi avec l'ensemble des partenaires sociaux.
    M. Pascal Terrasse. C'est énorme !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est beaucoup plus en tout cas que tout ce que vous avez fait ! Elles ont été marquées par vingt et une réunions. Pourquoi encensez-vous aujourd'hui ceux qui s'opposent à l'accord du 15 mai et pourquoi manifestez-vous autant de mépris pour ceux qui ont accepté de le signer ?
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Combien étaient-ils ?
    M. Yves Bur. Etaient-ils moins légitimes ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler les conditions du dialogue social qui ont accompagné la seconde loi sur les 35 heures ou la loi de modernisation sociale !
    La CGT, que vous avez citée, a participé à l'ensemble de cette négociation, presque jusqu'à son aboutissement.
    M. Jean-Pierre Brard. A la concertation !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle a pesé sur le projet, comme je l'ai dit souvent, mais elle n'a pas franchi le pas - elle ne l'a d'ailleurs jamais franchi dans son histoire -...
    M. François Liberti. Faux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'apporter son soutien à une grande réforme sociale.
    M. Maxime Gremetz. Et les accords de Grenelle en 1968 ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quant à Force ouvrière, elle a manifesté dès le départ son opposition radicale à l'harmonisation de la durée de cotisation entre le public et le privé, ce qui naturellement rendait impossible l'aboutissement d'une négociation avec le Gouvernement.
    Quoi qu'il en soit, monsieur Bocquet, et quoi que l'on puisse penser de votre arithmétique, le seul juge de paix, c'est le peuple. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et le peuple, n'est représenté dans nos institutions...
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Par nous !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... que dans un endroit, ici, au Parlement et c'est le Parlement qui va trancher. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur Bocquet, cette réforme n'est pas une agression contre le social.
    M. Alain Néri. C'est une régression !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle est au contraire un progrès social.
    M. André Gerin. Non, une régression !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle permet beaucoup d'avancées que je vais vous rappeler.
    D'abord, l'objectif pour 2008 d'une pension de retraite pour un salarié au SMIC égale à 85 % du SMIC représente un progrès de près de cinq points par rapport à la situation d'aujourd'hui.
    M. Maxime Gremetz. Après, ce sera 65 % !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela sera rendu possible par la revalorisation du minimum contributif. Comme vous contestez l'indexation sur les prix, et que vous souhaitez une indexation sur les salaires, vous dites que c'est 85 % à la liquidation mais que ce sera moins par la suite.
    Ce qui compte, c'est de garantir le pouvoir d'achat de cette pension, ce que fait le projet de loi.
    M. André Chassaigne. Pas du tout !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On reviendra tout à l'heure sur le chiffrage de votre projet, mais il faut que le Parlement ait tous les chiffres, toutes les données pour juger.
    Indexer les pensions sur les salaires, c'est 2,5 % de PIB en plus à l'horizon 2040.
    M. Henri Emmanuelli. Voilà, ce n'est pas pareil !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est donc plus quatre points de PIB qu'il faut trouver pour financer notre régime de retraite par répartition, mais 6,5.
    M. François Liberti. Et alors ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Deuxième avancée, les départs anticipés pour les longues carrières. Grâce à l'accord que nous avons signé, les personnes ayant commencé à travailler à l'âge de quatorze, quinze et seize ans, et justifiant d'une durée d'assurance et de cotisation définie par le relevé de décision du 15 mai 2003, pourront partir à la retraite entre cinquante-six et cinquante-neuf ans.
    M. Jean-Claude Lefort. Pas tous !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela représente, pour le régime général, un coût qui est compris, selon le nombre de personnes qui choisissent cette option, entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros.
    Mme Muguette Jacquaint. Ces gens-là ont cotisé quarante-deux ans ! On croirait que vous leur faites des cadeaux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Bocquet, c'est vous qui avez lancé ce débat dans cet hémicycle, en novembre 2001. La réponse qui vous avait été faite à l'époque par le gouvernement socialiste, c'était l'allocation équivalent retraite, qui ne concerne que moins de 50 000 personnes et qui n'était qu'une revalorisation de l'allocation spécifique d'attente.
    Donner satisfaction, comme vous le réclamez, au départ anticipé de tous ceux ayant quarante ans de cotisation avant soixante ans est impossible : cela représente plus d'un million de personnes pour un coût de plus de 8 milliards d'euros, pour le seul régime de base. On compte beaucoup de salariés ayant, avant même l'âge de soixante ans, plus de quarante deuxans de cotisation. Cela montre au passage que l'allongement de la durée prévu entre 2009 et 2020 n'aura pas d'impact sur ceux qui ont commencé à travailler avant l'âge de dix-neuf ans, c'est-à-dire essentiellement sur les ouvriers et les employés. Ils pourront toujours partir à soixante ans à taux plein : la réforme leur assure ce droit.
    M. André Chassaigne. Et ceux qui arrivent derrière ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Troisième avancée, la suppression de la condition d'âge pour les pensions de réversion. Le système de l'assurance veuvage, qui bénéficie aujourd'hui aux veuves ayant moins de cinquante-cinq ans, est aujourd'hui contesté par les associations de conjoints survivants. Cela concerne 16 % des veuves. Supprimer, dans le mécanisme de la réversion, la condition d'âge représente un effort supplémentaire de 300 millions d'euros à l'horizon 2008.
    Enfin, pour la première fois dans l'histoire de notre système de retraite, la notion de pénibilité entre dans la loi.
    Mme Martine Billard et Mme Muguette Jacquaint. Elle n'en dit rien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Les partenaires sociaux, pour la première fois, seront invités à conclure une négociation sur la pénibilité afin de la mieux prendre en compte et de définir les moyens de la réduire. J'insiste sur ce point. Il est important que ce soit les partenaires sociaux qui définissent les conditions de la pénibilité, d'abord pour pouvoir l'adapter à la réalité des situations mais, surtout, pour que les entreprises elles-mêmes, parce qu'elles vont en supporter le coût, soient incitées à réduire le nombre des emplois pénibles...
    M. Michel Vaxès. C'est bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ce qu'elles ne feraient pas si c'était l'ensemble de la collectivité qui en supportait le coût.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est ce que M. Seillières a fait dans la sidérurgie : il a fermé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je peux d'ores et déjà vous dire que le Gouvernement donnera un avis favorable à l'amendement qui a été déposé par M. Bertrand tendant à inscrire cet engagement à négocier dans la loi.
    J'en viens maintenant, monsieur Bocquet, à l'analyse de vos propositions.
    Vous proposez une augmentation immédiate des retraites et pensions, incluant une première étape de rattrapage de pouvoir d'achat. Le coût en serait de 2 milliards d'euros pour les retraités du seul régime général.
    M. Pierre Goldberg. Et alors ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. Vous les trouvez où ?
    M. Pierre Goldberg. Ne diminuez-vous pas l'impôt sur la fortune ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous proposez une réindexation des retraites sur l'évolution moyenne des salaires bruts. Cela représenterait 16 milliards d'euros en 2020. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Attendez, il y en a beaucoup d'autres !
    M. Jean-Pierre Brard. Et l'ISF ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Discutons sérieusement ! Je ne dis pas que vos propositions ne sont pas intéressantes, je veux simplement que tout le monde en connaisse le coût pour que, ensuite, on puisse parler des moyens de les financer. Et on va en parler, naturellement.
    M. Jean-Pierre Brard. Pendant des jours !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous proposez la prise en compte, pour établir le montant des pensions de retraite, de la totalité des rémunérations pour les fonctionnaires, y compris avec l'intégration des primes dans les traitements indiciaires dans le secteur public : ce sont 5 milliards d'euros supplémentaires.
    M. Jean-Claude Lefort. Par rapport à quoi ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous proposez la suppression des prélèvements obligatoires ou temporaires sur les pensions. Je vous fais remarquer que cela signifierait qu'on exonère totalement les retraités imposables de CSG maladie, de CSG famille et de CSG fonds de solidarité vieillesse.
    C'est naturellement un coût pour la sécurité sociale, mais c'est surtout socialement injuste. Pourquoi un retraité imposable serait-il exonéré de la CSG alors qu'un salarié au SMIC y serait soumis ? (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Charles Cova. C'est anti-social !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous proposez la revalorisation du minimum contributif au niveau de 1983, soit 95 % du SMIC, ce qui coûterait 2,1 milliards d'euros à l'horizon 2020.
    M. Jean-Claude Lefort. Par rapport à quoi, monsieur le ministre ? Quel sera le PIB à ce moment-là ? Vous balancez des chiffres comme ça ! Par rapport à quoi ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Attendez la fin ! Soyez patient !
    M. le président. Laissez le ministre répondre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous proposez la suppression des règles de cumul et de plafond de ressources des pensions de réversion avec un taux de 60 % dans le régime général et les régimes de la fonction publique. Cela représente 1,3 milliard d'euros pour le régime général.
    M. Jean-Claude Lefort. Par rapport à quoi ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Laissez le ministre répondre, s'il vous plaît !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est un joueur de bonneteau !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On sent qu'on touche au coeur des choses, il y a une opposition très forte.
    Vous proposez d'abroger les lois et les décrets Balladur. A lui seul, monsieur Bocquet, le retour à trente-sept annuités et demie coûterait au régime général 3 milliards d'euros...
    M. Jean-Claude Lefort. Quand ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... auxquels il faut ajouter, si on reste à 37,5 annuités pour les fonctionnaires, les 7 milliards d'euros prévus. C'est donc 10 milliards qu'il faudrait trouver.
    Vous proposez le départ avant soixante ans pour ceux qui ont cotisé quarante ans. Je l'ai dit tout à l'heure, cela représente 8 milliards d'euros pour les régimes de base.
    Naturellement, vous avez des solutions pour financer l'ensemble de ces dépenses.
    M. Maxime Gremetz. Voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous proposez notamment l'augmentation de la productivité, qui assurera comme vous prétendez qu'elle l'a fait dans le passé, le financement des retraites.
    Le Conseil d'orientation des retraites répond très clairement à cette question. Il a chiffré l'incidence d'une productivité haute, la plus haute imaginable. Le besoin de financement est alors réduit de 1,1 point par rapport aux 4 points de PIB en 2040. Mais c'est un scénario qui repose sur l'idée que la totalité des gains de productivité sont reportés sur les seules entreprises, sur le seul financement des retraites. Si on partage, ce qui est naturel, les gains de productivité entre les salariés et les retraités, il n'y a plus d'effet sur le solde des régimes de retraite.
    M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas un argument, il faut des preuves !
    M. Jean-Pierre Brard. On va en apporter, vous ne serez pas déçus !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous aurez la parole pendant plusieurs jours. Vous pourrez donc reprendre tous ces arguments et les discuter.
    Vous proposez la suppression des exonérations de cotisations. J'ai eu l'occasion de le démontrer à plusieurs reprises, je sais que nous ne sommes pas d'accord sur ce sujet, mais je vais vous le redire une nouvelle fois,...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes têtu, entêté, obstiné !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... de telles exonérations sont nécessaires pour alléger le coût de l'emploi, notamment le coût de l'emploi peu qualifié. Si on les supprimait aujourd'hui, il y aurait un choc en retour immédiat sur l'emploi et donc sur les recettes de sécurité sociale.
    M. François Liberti. Les profits !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous dites qu'il suffit d'augmenter les cotisations patronales, qui sont à la charge des entreprises. Selon le rapport du COR, page 234, toutes les études économiques menées dans le passé montrent qu'une hausse des cotisations pour les employeurs ou pour les salariés finit toujours par peser sur le salarié.
    M. Pierre Goldberg. Ah !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La hausse des cotisations n'est naturellement pas à rejeter puisque nous la retenons pour les deux tiers du besoin de financement, mais ce ne peut être la seule réponse au problème.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est faible !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vos propositions, monsieur Bocquet, révèlent une sorte de glaciation...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est la Sibérie !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... par rapport aux approches finalement plus modérées de la CGT. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Ne nous opposez pas à la CGT !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même le fonds de réserve, dont le principe a été approuvé en 1999, puis en 2001, sous le gouvernement précédent, ne trouve pas grâce aux yeux des parlementaires communistes. Même le fonds de solidarité vieilllesse, créé par la loi de 1993 pour financer les avantages non contributifs, serait supprimé.
    Ces propositions, si elles étaient appliquées, auraient un effet massif dès la première année compte tenu des demandes de revalorisation générale. La seule remise en cause de la réforme de 1993 et le rétablissement de l'indexation des pensions sur les salaires, qui n'est plus pratiquée depuis 1987, représenteraient un coût minimal de l'ordre de 30 milliards d'euros à l'horizon 2010.
    On le voit bien, l'ensemble des demandes que vous formulez représentent une remise en cause totale de notre système.
    Mme Muguette Jacquaint et M. André Chassaigne. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avec un besoin de financement supplémentaire - l'addition des chiffres que je viens de vous donner - de l'ordre de 50 milliards d'euros,...
    M. Jean-Claude Lefort. Par rapport à quoi !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... elles rendent impraticable le maintien de notre régime par répartition. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Pour financer les retraites du régime général, il faudrait y affecter la quasi-totalité du produit de la CSG !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce ne serait pas très raisonnable !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, avant de demander naturellement à l'Assemblée nationale de rejeter votre question préalable, je voudrais emprunter ma conclusion à un tract du parti communiste (« Ah ! » sur divers bancs)...
    M. Jean-Pierre Brard. De quelle tendance ?
    Mme Muguette Jacquaint. Le ministre a de bonnes lectures !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... que j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres.
    M. Maxime Gremetz. Quelle section ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On y voit un petit encadré intitulé « une fausse bonne idée ». Je lis : « taxer les revenus financiers peut être justifié à titre dissuasif, mais asseoir une part du financement des retraites sur une telle taxe revient à les rendre dépendantes de la Bourse comme avec les fonds de pension. Seul le travail crée vraiment des richesses. » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il faudra les mettre au goulag !
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Fusillez le responsable de section !
    M. René Couanau. Qui est le secrétaire départemental ?
    M. Jean-Claude Lefort. On peut l'avoir, ce tract ? (M. Fillon donne le document à M. Lefort.)
    M. Jean-Claude Lefort. C'est un vrai-faux tract !
    M. Alain Marsaud. Au goulag !
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe UDF.
    M. Stéphane Demilly. Le groupe UDF ne votera évidement pas la question préalable, dont l'objet, je le rappelle, est de reconnaître qu'il n'y a pas lieu de délibérer, alors qu'il y a évidemment lieu de légiférer sur un tel dossier. Si nous suivions nos collègues communistes et socialistes, nous nous séparerions sans avoir agi pour sauvegarder notre régime de retraite, ce qui, à moyen terme, serait purement dramatique.
    La réforme est nécessaire et urgente. A cet égard, le précédent gouvernement a perdu trop de temps, si bien que certains devraient aujourd'hui faire preuve de modestie. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Tous les pays européens ont entrepris et, pour la plupart, déjà réalisé de telles réformes. En France, sur le sujet, depuis trop longtemps, on pratique la procrastination, c'est-à-dire une tendance stratégique, démagogique ou irresponsable, ce qui n'est pas incompatible chez certains, à remettre systématiquement au lendemain les décisions qu'il est urgent de prendre.
    Messieurs les ministres, vous faites preuve de courage dans ce dossier difficile, et l'UDF ne hurlera pas avec les loups. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cette réforme sera également l'occasion de corriger des inégalités insupportables, qu'il s'agisse de l'âge de départ à la retraite, du taux de cotisation ou des modalités de prise en compte du salaire de référence.
    Le projet, qui tend vers l'égalité, comprend de très nombreuses améliorations. Le temps du débat parlementaire légitime est venu. Il permettra aux élus d'éclairer les enjeux, de croiser les arguments et de prendre leurs responsabilités devant la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Masse, pour le groupe socialiste.
    M. Christophe Masse. Monsieur le ministre, vous avez conclu en indiquant qu'il fallait discuter sérieusement de ce projet, et c'est vrai. Malheureusement, que ce soit dans la question préalable défendue par nos amis communistes...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Des amis ?
    M. Christophe Masse. ... ou dans les propos tenus hier soir par Pascal Terrasse, force est de constater que vous caricaturez systématiquement toutes nos positions,...
    M. Pascal Terrasse. Quel mépris !
    M. Christophe Masse. ... ce qui révèle une certaine gêne.
    Sur un autre ton, à quelques nuances près, M. Bocquet a décrit les autres pistes possibles de l'indispensable réforme,...
    M. Pierre Hellier. Ce ne sont pas les nôtres.
    M. Christophe Masse. ... indispensable, car nous sommes tous d'accord sur l'urgence d'une réforme.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Laquelle ? Vous n'avez rien fait !
    M. Christophe Masse. J'y viendrai, ne vous inquiétez pas.
    Il existe une alternative à la réforme que vous nous proposez.
    M. René Couanau. Laquelle ?
    M. le président. Laissez parler M. Masse s'il vous plaît.
    M. Christophe Masse. Cette alternative, qui a été présentée hier soir par Pascal Terrasse et dont les pistes ont été évoquées à l'instant par M. Bocquet, confirme évidemment le principe de répartition, mais dans un dispositif plus juste, plus solidaire et surtout beaucoup moins comptable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. René Couanau. Les comptes et vous !
    M. Christophe Masse. Nous proposons une réforme qui, d'abord, reconnaît clairement la pénibilité du travail, qui ne se contente pas d'utiliser la durée de cotisation comme seul paramètre de financement, mais qui, au contraire, utilise tous les leviers de financement à notre disposition. On a parlé de la hausse des cotisations, mais on peut aussi envisager une éventuelle taxation des flux financiers. Lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, vous aviez indiqué que les flux financiers étaient aléatoires, volatils et indéfinis. Vous auriez pu ajouter « intouchables », si l'on en croit les pressions faites par le MEDEF à ce sujet.
    Enfin, nous voulons une réforme qui fasse du retour à l'emploi une vraie priorité. Gaétan Gorce l'a dit, le gouvernement précédent a mis en place le COR, créé le fonds de réserve, et, surtout, fait en sorte que la France ait un million de chômeurs en moins. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Auclair. Et les 35 heures ?
    M. Christophe Masse. Ces trois arguments sont très importants dans la préparation du terrain sur la réforme des retraites.
    Pour toutes ces raisons, et dans le plus grand sérieux qui sied à un tel projet, nous voterons la question préalable proposée par nos amis du groupe communiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Bur, pour le groupe UMP.
    M. Yves Bur. Je ne voudrais pas revenir sur l'argumentaire très détaillé que le ministre a opposé au projet communiste car, effectivement, il y a un vrai projet, bien qu'il soit totalement utopiste.
    Ce qui, au fond, nous sépare, mes chers collègues du groupe communiste, c'est bien le regard que nous portons sur le travail. En effet, vous considérez toujours le travail comme une aliénation, un poids dont il faut se débarrasser le plus rapidement possible. C'est cette idéologie qui vous a conduits à imposer à toutes les entreprises, sans d'ailleurs la moindre concertation avec un quelconque syndicat, une réduction du temps de travail qui a marqué profondément les esprits dans toutes les couches sociales, y compris dans les professions non salariées, et qui mine encore aujourd'hui la compétitivité de nos entreprises.
    M. Henri Emmanuelli. Ridicule !
    M. Yves Bur. C'est cette idéologie qui annonçait il y a quelques années la fin du travail, qui vous a conduits aussi à refuser tout allongement de la vie au travail, et à lui préférer comme solution des impôts, des impôts, et encore des impôts, qui ne pourront jouer que contre l'économie et contre le site France.
    M. Henri Emmanuelli. Et Juppé ? Et Madelin ?
    M. Yves Bur. Oui, nous devons certainement, pour des raisons démographiques, prendre à bras-le-corps la question de l'emploi des salariés les plus anciens. C'est une recommandation du COR. Vous en revendiquez la paternité à juste titre, mais vous devriez vous inspirer beaucoup plus souvent de ses conclusions. Oui, nous devrons faire en sorte de nous préoccuper de l'emploi des salariés les plus anciens, de leur « employabilité », et donc de l'inévitable adaptation des métiers et des postes de travail.
    Cette réforme est nécessaire. Elle fait le choix irréversible de sauver les retraites par répartition, car, pour nous, ce système représente l'expression d'une vraie solidarité entre les générations. En proposant cette réforme, nous entendons ne pas laisser à la charge des générations futures le coût d'une réforme que vous n'avez jamais eu le courage d'entreprendre.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. Yves Bur. Vous aviez le temps, pendant cinq ans, de traduire dans la réforme, dans l'action, toutes les bonnes intentions que vous évoquez aujourd'hui, et que vous n'avez pas eu l'occasion de mettre en oeuvre. Nous sommes convaincus que cette réforme sert l'intérêt général. Elle sert la France, parce qu'elle prépare l'avenir. Nous ne voulons pas, et je crois que c'est notre honneur, nous défausser de nos responsabilités, comme vous l'avez fait en partenaires obligés et obéissants d'un gouvernement pluriel.
    Voter cette question préalable serait poursuivre la politique d'abandon qui fut la vôtre dans le passé. Ce serait jouer contre la France et les Français qui seraient les grands perdants d'un projet qui, comme l'a dit M. le ministre, s'apparente davantage à la chasse à un trésor irréel qu'à un projet crédible pour l'avenir de la France et qui signerait certainement la fin des retraites par répartition dans notre pays. C'est la raison pour laquelle nous ne la voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. J'indique à l'Assemblée que, sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Demande de vérification du quorum

    M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Monsieur le président, en vertu de l'article 61, alinéa 2, du règlement, je vous demande de bien vouloir faire procéder à la vérification du quorum. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je suis donc saisi par le président du groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande, faite en application de l'article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur la question préalable.

Question préalable (suite)

    M. le président. Nous poursuivons les explications de vote.
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe communiste.
    M. Jean-Pierre Brard. Le début du propos de M. Bur était alléchant puisqu'il commençait à évoquer le concept d'aliénation. Nous pensions prendre de la hauteur et entamer un débat philosophique. Hélas ! Il s'est vite achevé.
    Monsieur le ministre, vous êtes un homme habile. Vous faites partie du trio d'idéologues qui ont fabriqué le projet de la droite « Alternance 2002 ». N'en reniez pas la paternité, même si la plupart de vos collègues de droite ne l'ont pas lu. Mais il ne suffit pas d'être habile. Comme le disait Charles-Ferdinand Ramuz, « il ne suffit pas de fuir, il faut fuir dans le bon sens ». (Sourires.)
    L'heure est grave car, d'une certaine manière, pour la première fois, nous allons faire marche arrière. Il est toujours très important de savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va et c'est à cette aune qu'il faut mesurer votre projet.
    La notion d'assistance est née en 1544, avec la création du Grand bureau des pauvres de Paris, au moment de l'affrontement entre François Ier et Charles Quint. Des progrès ont eu lieu, je ne vais pas tous les énumérer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) En 1670, il y eut les mesures prises par Colbert. En 1768 fut créé le régime de retraite des employés des fermes générales. En 1790, sous l'influence de la Révolution, se créait la caisse de retraite des fonctionnaires de l'Etat, devenue Pension civile en 1853.
    Notre histoire est ainsi ponctuée de progrès : en 1894 est créée la caisse de retraite des mineurs ; en 1900 celle des cheminots ; en 1910, apparaît l'idée d'un droit à la retraite pour tous les salariés.
    M. Jean Ueberschlag. Il y a longtemps que ça existait en Alsace !
    M. Jean-Pierre Brard. Pour ne pas allonger mon propos, et si mes collègues veulent bien me laisser continuer mon intervention...
    M. Jean Auclair. Vous oubliez Staline !
    M. le président. Monsieur Auclair ! Vous ne l'avez pas oublié, vous, on vous a entendu ! Laissez M. Brard conclure, s'il vous plaît, dans le calme et avec le respect que nous nous devons les uns aux autres.
    M. Jean-Pierre Brard. S'il est un reproche que l'on ne peut pas adresser à M. Degauchy, c'est de manquer de références historiques, puisqu'il se targue lui-même de son inculture ! (« M. Degauchy n'est pas là ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Brard, n'en rajoutez pas ! En plus, c'était M. Auclair !
    M. Jean Ueberschlag. Des excuses !
    M. Jean-Pierre Brard. La dernière grande mesure, c'est, en 1982, la retraite à soixante ans. Vous nous proposez votre réforme, monsieur le ministre, et en particulier l'allongement de la durée des cotisations sociales en les présentant comme inéluctables, comme dictés par le bon sens. Mais vous avez certainement lu, dans Le Monde des 8 et 9 juin, l'excellent article de René Passet qui, à propos de l'allongement des cotisations, écrivait : « La plus mauvaise des solutions, c'est l'allongement de la durée de cotisation. Mais cela n'exonère pas de réfléchir - nous y reviendrons - à d'autres pistes ». Elle est la plus mauvaise des solutions, « parce qu'elle tourne le dos à une tendance lourde de l'évolution économique qui est la relève du travail par les technologies. En France, en 1896, il y avait 18 millions de travailleurs qui fournissaient 55 milliards d'heures de travail. »
    M. Jean-Paul Anciaux. C'était hier !
    M. Jean-Pierre Brard. « En 1996, on en recensait 22 millions, qui fournissaient 35 milliards d'heures de travail. (« Regardez ! Les socialistes quittent l'hémicycle ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Et, dans le même intervalle, le pouvoir d'achat individuel a été multiplié par huit. » (« Tricheurs ! » sur les mêmes bancs.) Evidemment, vous ne voulez pas l'entendre, parce que, déjà, en 1936, quand la semaine de travail a été réduite à 40 heures, ceux qui étaient à votre place prétendaient que le pays allait être ruiné. (« Déserteurs ! » sur les mêmes bancs.) « Enfin, la durée annuelle du travail individuel a baissé d'un peu plus de 3 000 heures à un peu moins de 1 600 heures. » (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est une insulte au parti communiste ! Le PS aurait pu écouter le PC jusqu'au bout !
    M. le président. N'avez-vous donc pas compris que M. Brard poursuivrait, imperturbable, jusqu'à la fin de ses cinq minutes ?
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie, monsieur le président. Au moins, vous, vous êtes impartial et je sens que je commence à vous convaincre.
    « En 1850, le travail représentait 70 % de la vie éveillée d'un homme ; en 1900, ce n'est plus que 43 % ; et aujourd'hui, le taux est de l'ordre de 17 %. C'est une tendance lourde que personne ne peut négliger. »
    M. le président. Il vous faut conclure, maintenant.
    M. Jean-Pierre Brard. « Cela s'appelle aussi progrès social » - que vous combattez - « et partage des gains de productivité. Rien d'autre ne peut donner sens à l'activité économique. »
    Monsieur le ministre, votre gouvernement veut faire faire marche arrière à toute vapeur à notre société et c'est cela que vous ne voulez pas reconnaître, ni devant la représentation nationale ni devant le pays.
    Vous parlez de démocratie, mais quelle est, dans notre pays, la forme suprême de la démocratie ?
    M. Yves Fromion. C'est le courage !
    M. le président. Monsieur Brard, veuillez conclure d'un mot.
    M. Jean-Pierre Brard. D'une phrase... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Un mot, et c'est terminé.
    M. Jean-Pierre Brard. La démocratie... (« C'est ça, la démocratie ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Fromion. Vous nous l'expliquerez !
    M. Charles Cova. C'est la démocratie communiste !
    M. Jean-Pierre Brard. ... son expression suprême dans le pays, c'est le référendum. Laissez notre peuple trancher ce problème essentiel qu'est l'avenir des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. Michel Delebarre. Très bien ! Quelle leçon d'histoire !
    M. François Goulard. Il a bien fait son numéro !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Je voudrais exprimer mon indignation (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), au nom de la commission des affaires sociales, à laquelle appartiennent la plupart des députés présents dans l'hémicycle et qui, la semaine dernière, a travaillé - le groupe des député-e-s communistes et républicains en est témoin - pendant trois jours et presque deux soirées, achevant ses travaux très tard dans la nuit. Or que constatons-nous ?
    M. Christian Estrosi. Les communistes sont là !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Au moment où le groupe communiste, sous l'impulsion de son président, M. Bocquet, a demandé que l'on vérifie le quorum, et alors que les 289 députés requis, si mes informations sont exactes, pour que le vote soit valable, étaient présents dans l'hémicycle, nous avons vu le groupe socialiste se comporter - une fois de plus - comme l'allié objectif du groupe communiste. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Delebarre. Mais non ! Nous sommes là !
    M. le président. Mes chers collègues, le bruit n'ajoute rien à l'affaire.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je me permets donc d'interpeller M. le président Bocquet, qui, à l'évidence, apparaît, avec le groupe communiste, comme associé à l'immobilisme et complice de l'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Fromion. Déserteurs !

Rappel au règlement

    M. Bernard Roman. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement.
    M. Robert Lamy. C'est scandaleux !
    M. Bernard Roman. Nous avons dit clairement qu'il n'y aurait pas d'obstruction et il n'y en aura pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je veux simplement rappeler au président Dubernard que, lorsque la demande de quorum est déposée par un président de groupe, il appartient au président et aux services de l'Assemblée de vérifier la présence de la majorité des députés dans l'enceinte du palais...
    M. Michel Delebarre. Pas dans l'hémicycle !
    M. Bernard Roman. ... et que le fait que certains d'entre nous aient quitté l'hémicycle n'a aucune incidence sur l'application du règlement.
    M. Jean-Jack Queyranne. Absolument !
    M. Henri Emmanuelli. Ce n'était pas la peine de faire ce numéro !
    M. Michel Delebarre. C'est du cafouillage !
    M. Robert Lamy. Hypocrites ! Ce n'est pas possible !
    M. Bernard Roman. Je pense que cela devrait être dit.
    M. Michel Delebarre. Ils sont un peu jeunes, les garçons !
    M. le président. M. Roman s'est exprimé. M. Dubernard a manifesté son indignation - telle est du moins mon impression - d'avoir vu certains membres du groupe socialiste quitter l'hémicycle...
    M. Claude Goasguen. Pour aller où ? Aux toilettes ?
    M. Eric Raoult. A la buvette ?
    M. le président. ... pendant que M. Brard donnait une explication de vote pour le groupe des député-e-s communistes et républicains sur la question préalable de M. Bocquet. Il me semble donc que chacun a fait connaître son point de vue.
    Je suis saisi par le président du groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande faite en application de l'article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur la question préalable.
    Le vote est donc réservé dans l'attente de cette vérification qui aura lieu dans l'hémicycle.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Je rappelle que M. le président du groupe des député-e-s communistes et républicains a présenté une demande tendant à faire vérifier le quorum avant le vote sur la question préalable.
    Je vais demander à chacune et à chacun d'entre vous de bien vouloir regagner sa place.
    Je suis assisté, dans cette éminente opération, par M. Brunhes et M. Quentin, secrétaires de l'Assemblée nationale,...
    M. Jean-Pierre Brard. Ce sont les seuls qui savent compter !
    M. le président. ... et nous allons procéder à la vérification.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Où sont les députés socialistes ?
    M. Christian Vanneste. Les députés communites demandent la vérification du quorum et ils ne sont que quatre à être présents dans l'hémicycle ! C'est méprisable !

Rappels au règlement

    M. Jacques Barrot. Rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot, pour un rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est l'heure des vêpres ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Mallié. Ah ça, c'est fin ! C'est nul !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Présentez des excuses, monsieur Brard !
    M. Claude Goasguen. C'est une atteinte à la religion !
    M. Jacques Barrot. Il est inutile, monsieur Brard, d'ajouter l'insulte à une attitude pour le moins contestable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur le président, je vous demande de prendre acte du départ à l'hémicycle de certains de nos collègues, dont on peut penser qu'ils se sont égarés dans l'Assemblée (Rires), dans je ne sais quel lieu.
    M. Christian Vanneste. Ils sont certainement en train de défendre l'intérêt national ! (Sourires.)
    M. Jacques Barrot. Il s'agit-là, manifestement, d'un non-respect, sinon de la lettre, tout au moins de l'esprit de l'article 61, de notre règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est bien ce que je disais, c'est l'Esprit saint !
    M. Jacques Barrot. Plus grave encore : c'est un non-respect des collègues.
    Certes, il est vrai que le quorum existe et que sa vérification peut être demandée par un président de groupe, mais il est tout aussi vrai que celui-ci aurait été atteint si nos collègues n'avaient pas quitté l'Assemblée.
    M. Pierre Hellier. Bien entendu !
    M. Yves Bur et M. Henri Novelli. C'est scandaleux !
    M. Robert Lamy. C'est un abus de procédure !
    M. Jacques Barrot. Je note que, s'il y a, sans aucun doute, un respect littéral de l'article 61, tout cela est tout de même contraire à l'esprit de notre règlement. Non seulement, il y a abus dans la demande de vérification du quorum, mais de plus, il y a, d'une certaine manière, un abus,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Une manoeuvre !
    M. Jacques Barrot. ... une manoeuvre frauduleuse ! Je voudrais, monsieur le président, que vous me donniez acte de mon intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Acte vous est donné de votre intervention, monsieur Barrot, et, de surcroît, elle figurera au Journal officiel.
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il y a quelques instants, M. Roman nous a indiqué, dans cet hémicycle, que, conformément à ce que certains de ses membres avaient déclaré à plusieurs reprises, le groupe socialiste ne ferait pas d'obstruction dans ce débat. (A ce moment, M. Roman entre dans l'hémicycle. - Huées sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Or, aussitôt après, l'ensemble du groupe socialiste a quitté l'hémicycle ! (« Déserteurs ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cet après-midi, nous avons entendu plusieurs leçons de morale émanant de hauts dirigeants du parti socialiste.
    M. Jean Auclair. Des voyous !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'attitude du groupe socialiste, qui déclare ne pas vouloir faire d'obstruction mais qui, manifestement, la pratique, est choquante.
    M. Robert Lamy. Cela appelle des excuses !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Elle est choquante tant du point de vue du fonctionnement de notre démocratie que du point de vue de la morale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'ajouterai que tout cela se passe sous les regards de la jeunesse de notre pays (« Eh oui ! » sur les mêmes bancs), à laquelle les enseignants essaient d'apprendre le respect de la démocratie, des institutions et des autres.
    Je crois, malheureusement, que, à cause en grande partie du groupe socialiste, ce débat commence dans de très mauvaises conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Bernard Roman, pour un rappel au règlement. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur Roman, vous l'avez compris, votre arrivée solitaire a été saluée. (Sourires.)
    Poursuivez, je vous prie.
    M. Bernard Roman. Je voudrais simplement...
    M. Claude Goasguen. Présenter des excuses !
    M. Bernard Roman. S'agissant de la morale, nous ne nous situons sans doute pas sur le même terrain...
    M. Richard Mallié. Ça, c'est sûr !
    M. Bernard Roman. ... que celui qu'a évoqué M. Fillon.
    Je voudrais simplement dire, puisque nous sommes à l'Assemblée nationale,...
    M. Christian Vanneste. Ah bon !
    M. Bernard Roman. ... et que le président Dubernard ne semble pas être le seul à ignorer un certain nombre de pratiques découlant de l'application de notre règlement intérieur (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est pitoyable, vous refusez le débat !
    M. Bernard Roman. M. Accoyer, qui m'interpelle de manière assez impolie (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Fait personnel !
    M. Bernard Roman. ... doit avoir le même niveau de connaissances en la matière !
    Je voudrais simplement rappeler, disais-je, que le quorum a été introduit dans notre règlement afin que des majorités qui ne seraient pas cohérentes - ce qui n'est pas le cas de celle-ci, naturellement -,...
    M. Jean-Paul Anciaux. Vous refusez le débat !
    M. Bernard Roman. ... soient pleinement présentes dans l'Assemblée pour assumer le vote de certains textes. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Ça ne sert à rien de crier, mes chers collègues !
    M. Yves Fromion. Pour ce qui est de la cohérence, vous en manquez plutôt, monsieur Roman.
    M. Bernard Roman. Tel est le sens, me semble-t-il, de la demande de vérification du quorum qui a été déposée,...
    M. François Goulard. C'est pitoyable !
    M. Christian Vanneste. On n'a pas de leçon à recevoir !
    M. Claude Goasguen. Nemo auditur...
    M. Bernard Roman. ... non par le groupe socialiste, monsieur Fillon, mais par le groupe communiste.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et en plus, il est lâche !
    M. Bernard Roman. A partir du moment où cette demande a été déposée, il appartient maintenant à la majorité de montrer qu'elle est capable d'assumer son projet.
    M. Marc Le Fur. Vous discréditez l'Assemblée !
    M. Richard Mallié. C'est un faux-cul !
    M. Bernard Roman. Eh bien, au travail, chers amis de la majorité ! Soyez suffisamment nombreux pour que le quorum soit atteint et les choses seront réglées ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Ne faites pas porter la responsabilité de ce qui se passe à ceux qui combattent votre texte ! (Vives protestations sur les mêmes bancs.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Scandaleux ! Lamentable !
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Maxime Gremetz. Cessez de vous exciter comme ça ! D'abord, vous n'êtes pas assez nombreux ! Donc, taisez-vous ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous n'avez pas le quorum, vous n'avez plus rien à faire ! Par conséquent, écoutez ce que j'ai à vous dire !
    M. le président. Mais dites-le rapidement, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Pourquoi avons-nous demandé la vérification du quorum ? Tout simplement parce que, si, comme vous l'avez entendu tout à l'heure, l'article 40 continue - ainsi que cela a été le cas pour les quatre premiers articles - à s'abattre sur les amendements examinés en commission, en particulier sur les amendements de fond du groupe communiste,...
    M. Jean-Paul Anciaux. Cela n'a rien à voir !
    M. Claude Goasguen. Hors sujet !
    M. Denis Jacquat. Cela a aussi été le cas pour les miens !
    M. Maxime Gremetz. ... qui proposent une alternative à un projet que nous contestons, il n'y a plus de débat possible ! Dans ce cas, que faut-il faire ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Goasguen. Quel cynisme !
    M. Robert Lamy. Il fait de l'obstruction !
    M. Richard Mallié. Il est pitoyable !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas parce que vous êtes majoritaires ici que vous ne devez pas respecter l'apport de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. Jean Auclair. Quel apport ?
    M. Maxime Gremetz. ... et ne pas examiner des propositions qui correspondent à ce qu'attendent des millions de femmes et d'hommes. Je le rappelle pour mémoire. Il ne s'agit pas, pour nous, d'utiliser cette procédure pour le plaisir de l'utiliser.
    M. Claude Goasguen. Quel cynisme !
    M. Maxime Gremetz. Donnez-nous tous les moyens du débat, y compris pour défendre des amendements, et nous les utiliserons ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Charles Cova. C'est du chantage !
    M. Richard Mallié. Pitoyable comme argumentation ! Lamentable !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour un rappel au règlement.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, j'aurais pu vous demander la parole au titre de l'article 58, alinéa 4, pour fait personnel, mais je me contenterai de faire un rappel au règlement.
    M. Roman m'a interpellé au prétexte que j'aurais été impoli avec lui. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je confirme que j'ai dit que l'attitude du parti socialiste était pitoyable. (« Très juste ! » et applaudissements sur les mêmes bancs.) Il n'y a pas d'impolitesse à décrire avec les termes justes l'attitude qu'a adoptée un groupe politique.
    M. Christian Estrosi. Charasse en a fait autant !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Que penser en effet d'un parti politique qui n'a cessé, depuis plusieurs semaines, et il y a encore quelques minutes, d'affirmer qu'il ne pratiquerait pas l'obstruction et qui, au moment où les membres de l'Assemblée ont rarement été aussi nombreux...
    M. Jean-Paul Anciaux. Sauf sur les bancs de la gauche !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... et où l'on demande la vérification du quorum, quitte l'hémicycle massivement, alors même qu'il a vocation à être un parti de gouvernement ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Qu'il avait ! C'est du passé !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Qui avait vocation à être un parti de gouvernement, vous avez raison.
    Ce parti pratique physiquement l'obstruction alors qu'il avait pourtant garanti qu'il ne le ferait pas !
    M. Pierre Micaux. C'est dégueulasse !
    M. Hervé Novelli. Ce sont des déserteurs !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, je voulais tout simplement confirmer que cette attitude est absolument inadmissible. (« Honteuse ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je la dénonce avec la dernière vigueur.
    Je le répète encore une fois ouvertement devant M. Roman, j'éprouve une grande gêne, sinon une certaine honte, à constater l'absence de courage du groupe socialiste, qui se refuse à entrer dans un débat qui est urgent et indispensable pour l'avenir de la protection sociale. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce sont des déserteurs !
    M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot, pour un nouveau rappel au règlement.
    M. Jacques Barrot. Afin qu'il n'y ait pas d'équivoque - mais ceux des parlementaires qui connaissent bien notre règlement et qui l'utilisent n'ignorent rien de cela -, je voudrais savoir ce que l'on entend quand on dit que le quorum se vérifie dans l'« enceinte » de l'Assemblée. En effet, certains de nos collègues du groupe socialiste ne se sont pas aussi égarés que je ne le craignais, et ils sont même tout proches.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ils sont à la buvette !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ils sont même derrière les portes d'accès à l'hémicycle !
    M. Jacques Barrot. Notre règlement parle d'« enceinte », mais je crois qu'il faut comprendre « hémicycle ». Reconnaissez, monsieur le président, que cette interprétation est tout de même contestable, et que le règlement devrait employer le terme exact du lieu où se vérifie le quorum.
    M. le président. Vous avez raison, monsieur le président Barrot, c'est une question que l'on peut légitimement se poser à la lecture du règlement. Je rappelle que, sur décision du 18 décembre 1980 du bureau de l'Assemblée nationale, la vérification du quorum est effective dans l'hémicycle et non dans l'enceinte du Palais. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Cela signifie que si la majorité des députés, soit 289 d'entre eux, n'est pas présente dans l'hémicycle, le quorum ne sera pas atteint.
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, le hasard de l'enchaînement des interventions fait que vous me donnez la parole après M. Barrot. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. C'est vraiment un hasard !
    M. Jean-Pierre Brard. Je tiens à préciser que je n'ai évidemment pas voulu insulter le président Barrot.
    M. Jean-Paul Anciaux. C'est trop tard !
    M. Robert Lamy. Présentez des excuses, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Il sait bien, d'ailleurs, que ce n'est pas dans ma façon de faire. Evoquer les vêpres était une manière pour moi de souligner l'heure qu'il était, puisque, avant que chacun n'ait une montre, les offices servaient aussi à marquer les temps de la journée. Mais tel n'est pas l'objet de mon intervention, monsieur le président.
    Il faut dire la vérité aux Français et aux médias qui nous observent. La droite compte près de 400 députés. La majorité requise est de 289. Le problème, messieurs les ministres, c'est que votre majorité n'est pas là pour vous soutenir ! (Huées sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Mes chers collègues, nous allons appliquer le règlement à la lettre.
    Le bureau de séance - M. Quentin et M. Brunhes, les secrétaires de l'Assemblée, et moi-même, président de séance - a constaté que le quorum n'est pas atteint dans l'hémicycle.
    Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61 du règlement, je devrais susprendre la séance durant une heure. Toutefois, étant donné l'heure, je vais lever la séance.
    Le vote sur la question préalable est reporté au début de la prochaine séance, qui aura lieu à vingt et une heures trente.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 11 juin 2003
SCRUTIN (n° 160)


sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Ayrault au projet de loi portant réforme des retraites.

Nombre de votants

409


Nombre de suffrages exprimés

407


Majorité absolue

204


Pour l'adoption

144


Contre

263

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Pour : 1. - Mme Geneviève Levy.
    Contre : 251 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 122 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Abstentions : 2. - MM. Jean Lassalle et Rudy Salles.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 19 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Noël Mamère.

Mises au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    MM. Jean-Jacques Descamps et Mme Geneviève Levy, qui étaient présents au moment du scrutin ou qui avaient délégué leur droit de vote, ont fait savoir qu'ils avaient voulu voter « contre ».