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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 13 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du jeudi 12 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC

1.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (suite) «...»

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault (suite). - Rejet par scrutin.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

MM. Maxime Gremetz, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»

Amendement n° 74 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. - Rejet.

Rappel au règlement «...»

MM. Gaëtan Gorce, le président.

Reprise de la discussion «...»

Amendements identiques n°s 3164 à 3170 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Jean-Claude Sandrier, Jacques Dessalangre, Mmes Jacqueline Fraysse, Muguette Jacquaint, MM. Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 3171 à 3177 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Jean-Claude Sandrier, Jacques Desallangre ; l'amendement n° 3173 n'est pas défendu ; Mmes Jacqueline Fraysse, Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard. - Rejet par scrutin.
MM. Jean-Pierre Dufau, Pascal Terrasse, le président, Jean-Marie Le Guen.
Amendements identiques n°s 3178 à 3184 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; MM. Jean-Claude Sandrier, Jacques Desallangre ; l'amendement n° 3180 n'est pas soutenu ; Mmes Jacqueline Fraysse, Muguette Jacquaint, Maxime Gremetz, Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
M. Gaëtan Gorce.

Suspension et reprise de la séance «...»

Amendements identiques n°s 250 à 398 de Mme Adam et des membres du groupe socialiste et apparentés : MM. Pascal Terrasse, Jean-Marc Ayrault, Gaëtan Gorce, Philippe Vuilque, Augustin Bonrepaux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Serge Janquin, Alain Vidalies, Jean-Marie Le Guen, Mme Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Gilles Cocquempot, Manuel Valls, François Brottes, le ministre, André Vallini, David Habib, Jean-Marie Aubron, Pierre Cohen, Henri Nayrou, Kléber Mesquida, Claude Bartolone, Jean-Yves Le Déaut, Mme Ségolène Royal, MM. Julien Dray, le rapporteur, le ministre, Denis Jacquat. - Rejet par scrutin.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat «...».
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Motion de renvoi en commission (suite)

    M. le président. Je rappelle qu'en application de l'article 61, alinéa 3, du règlement, le vote sur la motion de renvoi en commission a été reporté.
    Je vais donc maintenant faire procéder à ce vote.
    Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   240
Nombre de suffrages exprimés   240
Majorité absolue   121
Pour l'adoption   67
Contre   173

    L'assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du titre Ier.

TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES

    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, pour discuter des amendements, encore faudrait-il qu'on les eût.
    M. le président. Ils sont en distribution, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Sur les neuf séries d'amendements que nous avions déposées avant l'article 1er, seules trois séries figurent sur la feuille de séance. Que sont devenues les autres ? Je demande une suspension de séance pour nous permettre de faire le point. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    M. le président. Monsieur Gremetz, vous avez parfaitement le droit de demander une suspension de séance. Mais nous allons engager un travail difficile sur les articles...
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    M. le président. ... et je trouverais dommage qu'il commence par une demande de suspension. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Comme vous le savez, les amendements qui ne viennent pas en discussion sont tombés sous le coup de l'article 40. Nous n'allons pas reprendre ce débat. Vous êtes trop fin parlementaire, monsieur Gremetz, pour ne pas le savoir !
    M. Pierre Lellouche. M. Gremetz est un facétieux !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, le problème porte sur nos amendements qui n'ont pas été repoussés au titre de l'article 40, mais qui ne figurent cependant pas sur la feuille de séance. Que sont-ils devenus ? Nous voulons débattre sérieusement, encore faut-il que nous ayons les conditions minimales pour le faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous êtes trop fin parlementaire, je le répète, pour ne pas être capable de suivre un débat auquel vous participez assidûment depuis le début.
    Vous demandez une suspension de séance, je vais vous l'accorder, mais pour cinq minutes seulement. Cela vous laissera largement le temps de consulter la liasse qui est distribuée.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt et une heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 74, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le système de retraites par répartition exprime pleinement les valeurs de solidarité entre les générations et renforce le sentiment de confiance entre les citoyens. Il a fait ses preuves dans l'histoire de notre pays. Il a permis des évolutions démographiques et sociales, fort heureuses, vers un niveau de vie amélioré pendant une période plus longue, du fait de l'accroissement de l'espérance de vie qui transforme les modes de vie à long terme dans le sens d'un meilleur bien-être, d'une meilleure justice et d'une meilleure efficience économique. Ces trois qualités se renforçant mutuellement correspondent aux valeurs du développement soutenable. Les fonds de pension sont aux antipodes du développement soutenable : ils supposent des rendements élevés et immédiats et diluent l'exercice de la solidarité qui est la base même du type de société que la Nation veut construire. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Cet amendement porte sur la notion de solidarité, qui n'est pas la même pour vous et pour nous.
    Avant d'intervenir sur le fond, je ferai deux remarques.
    Premièrement, la moitié des amendements que j'ai déposés au nom des députés verts ont été retoqués au titre de l'article 40 de la Constitution. Pour certains, cela ne m'étonne pas. Pour d'autres, je dois avouer que j'y ai vu une application drastique de cet article. Mais j'imagine que nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.
    Deuxièmement, monsieur le ministre, vous nous avez lu beaucoup de tribunes d'opinion de divers économistes à propos des prélèvements.
    M. Charles Cova. M. le ministre a de bonnes lectures !
    Mme Martine Billard. Je peux vous en lire d'autres.
    M. Charles Cova. De Karl Zéro !
    M. Patrick Ollier. Ou de Karl Marx !
    Mme Martine Billard. Je pourrais vous lire une déclaration que M. René Passet, professeur émérite d'économie à l'université Paris I - Panthéon-Sorbonne, a faite hier et dans laquelle il dit exactement le contraire de ce que vous avez lu aujourd'hui. Je pourrais citer encore celle de M. Pirou, du 9 mai, économiste lui aussi. Ce que cela montre, c'est que l'économie n'est pas une science exacte et que, sur un même sujet, les opinions peuvent être totalement différentes, voire contradictoires.
    J'en viens à la notion de solidarité. Tout le débat qui a déjà eu lieu montre que nous en avons une vision différente. La vôtre est étriquée, limitée à la solidarité entre les salariés, ceux qui gagnent un peu plus devant être solidaires de ceux qui gagnent moins ou sont exclus du travail.
    Pour nous, la solidarité doit impliquer l'ensemble des citoyens, y compris ceux qui placent leur argent en Bourse et qui, au lieu d'investir les profits qu'ils en retirent, les utilisent pour consommer d'une manière discutable. Certains patrons ont dilapidé les fonds de leurs entreprises...
    M. Philippe Martin. Pourriez-vous un peu élever le débat ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ces propos sont démesurés !
    Mme Martine Billard. ... au point que les salariés doivent rembourser, pendant des années, le gâchis fait par ces patrons !
    Je voudrais dire aussi quelques mots de la notion de développement durable, qui est devenue très à la mode et dont nous n'avons pas non plus la même conception.
    M. Charles Cova. Qu'est-ce que cela a à voir avec les retraites ?
    Mme Martine Billard. Ce n'est pas un développement qui dure quelles que soient ses conséquences sur la planète et sur les êtres humains qui y habitent. Je crois que vous n'avez rien compris à cette notion. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Charles Cova. Vous parlez dans votre amendement de développement soutenable, pas durable !
    M. le président. Mes chers collègues, Mme Billard est seule ce soir à représenter un mouvement important, les Verts. Ayez au moins la courtoisie de la laisser s'exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai, soyez courtois, au moins !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est lui qui dit ça !
    Mme Martine Billard. Merci, monsieur le président.
    Vous prétendez, monsieur le président, défendre la répartition, ne pas mettre en cause les retraites fondées sur ce principe, et vous consacrez un titre entier de ce projet à l'introduction de l'épargne-retraite.
    Soit l'épargne-retraite est volontaire - et, dans ce cas, la liberté de chacun doit s'exercer -, soit, comme le disent certains - je suppose que nous aurons enfin des éclaircissements au titre V, - elle est obligatoire pour les salariés dans les entreprises - et pourquoi n'est-ce pas la répartition qui est obligatoire ?
    Le développement soutenable permet aujourd'hui à l'ensemble des citoyens - et permettra demain à nos descendants - de pouvoir continuer à vivre sur cette planète, au Nord ou au Sud, avec des moyens dignes. N'hypothèquons pas l'avenir des habitants de ce pays...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce pays, c'est la France !
    Mme Martine Billard. Je le sais bien, que c'est la France, je n'ai pas besoin que vous me le disiez ! Je suis née en France, j'habite la France, je suis Française ! Vous n'êtes quand même pas le seul à savoir que c'est la France !
    M. le président. Veuillez poursuivre, madame Billard.
    Mme Martine Billard. Je conclurai en redisant que nous avons une conception différente de la solidarité. Pour moi, elle est beaucoup plus que ce que vous dites : elle ne s'exerce pas uniquement entre les salariés mais implique tous les citoyens de ce pays. Et, qu'ils soient Français ou non, ils doivent être traités de la même manière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Guy Geoffroy. Nous n'avons jamais dit le contraire !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 74.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 74.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement, que je qualifierai, pour être aimable avec Mme Billard, de littéraire, n'a rien à voir avec un projet de loi. Il n'a manifestement pas sa place dans un texte normatif. J'en demande donc le rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

    M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement, fondé sur l'article 58, alinéa 1, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.
    M. Gaëtan Gorce. J'ai écouté attentivement Mme Billard, et j'ai observé l'attitude de la majorité depuis le début de cette discussion. On nous a fait beaucoup de leçons de morale et on a souvent prôné le respect dû aux uns et aux autres. Commençons par montrer un minimum de respect pour ceux qui s'expriment. Je parle dans l'intérêt de l'organisation des débats, conformément au règlement de notre assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Merci, monsieur Gorce, de rappeler ce que j'ai déjà dit à deux occasions.
    M. Patrick Ollier. Vous n'avez pas écouté, monsieur Gorce ?
    M. le président. Je l'ai suffisamment répété, et c'est à moi qu'il appartient de le dire.
    M. Pascal Terrasse. Mais ils ne vous ont pas écouté, monsieur le président !

Reprise de la discussion


    M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques, n°s 3164 à 3170.
    L'amendement n° 3164 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3165 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouzec ; l'amendement n° 3166 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3167 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3168 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3169 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3170 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 1er, insérer un article ainsi rédigé :
    « Préambule pour une réforme audacieuse dans l'intérêt du peuple du système français de retraite par répartition.
    « Le peuple de France affirme solennellement les principes suivants : »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 3164.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement précise le sens de nos propositions.
    Avec l'allongement de la durée de vie, l'idée de retraite renvoie à la fois aux enjeux de la réduction du temps de travail à l'échelle d'une vie entière et à la nécessité d'envisager cette troisième partie de la vie comme un moment de pleine vie, et non de relégation sociale. A propos de la réduction du temps de travail, je voudrais dire quelques mots sur le procès d'intention qui nous est fait. A croire certains, ce serait en effet une hérésie de penser que l'on puisse et que l'on doive travailler moins. Mais l'hérésie, c'est de proposer à nos concitoyens de travailler plus longtemps alors même que la société est incapable actuellement de permettre à tout le monde de travailler. On peut ensuite légitimement et logiquement supposer que le progrès de la productivité du travail permettra de dégager du temps libre. Il est prévu en 2040 - il est d'ailleurs assez extravagant de se projeter si loin quand on sait qu'il est difficile de faire des prévisions à dix ans - que 1,7 salarié produira autant de richesses que quatre salariés en 2000. On peut donc imaginer que cela libérera du temps libre.
    Troisième observation : au cours de notre histoire, jamais la réduction de la durée du travail n'a été acceptée, ni par le grand patronat ni par vos prédécesseurs, mesdames, messieurs de la majorité.
    Ce que nous proposons, c'est d'assurer le droit et la possibilité de partir à la retraite à taux plein à soixante ans pour tous ceux qui peuvent se prévaloir de 37,5 annuités de cotisation. Pour cela, les périodes non travaillées, comme les études, les contrats d'insertion, la recherche d'un premier emploi, les périodes de chômage et les fins de droits, doivent être validées gratuitement comme annuités. Nous voulons également garantir un taux de remplacement de 75 % calculé sur les dix meilleures années pour le privé et sur la totalité de la dernière rémunération pour le public. Nous plaidons aussi pour la possibilité de départ anticipé avant soixante ans et dès quarante annuités, pour gommer les inégalités d'espérance de vie devant le travail liées à la pénibilité, l'insalubrité et les astreintes professionnelles. Nous voulons rompre la régression du pouvoir d'achat des retraites en indexant les pensions sur l'évolution des salaires et non des prix, et en revalorisant le minimum contributif. Nous sommes favorables à une véritable réforme du financement : développer l'emploi, la qualification, la formation et augmenter les salaires sont des conditions primordiales pour garantir le financement des retraites. Il faut aussi moduler les taux de cotisation en fonction de la part plus ou moins grande des salaires dans la valeur ajoutée globale, afin de favoriser les entreprises qui créent effectivement des emplois et augmentent le niveau des salaires et des qualifications, et de sanctionner celles qui choisissent la croissance financière contre l'emploi. Il convient également d'instaurer une cotisation additionnelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques à hauteur de la contribution des salariés.
    Nous proposons aussi des mesures d'accompagnement : il faut intégrer tous les éléments de la rémunération dans l'assiette des cotisations sociales et augmenter la part patronale dans les cotisations, bloquée depuis 1979.
    Enfin, il faut stopper les exonérations de cotisations sociales patronales, qui coûtent très cher et dont l'effet est négligeable sur l'emploi et la croissance et désastreux sur les finances de la protection sociale. Il y a lieu également de mener une politique du crédit sélectif, pénalisante pour la croissance financière et la spéculation mais encourageante pour l'emploi et la formation, et donc pour les cotisations.
    Telles sont les motivations de cet amendement.
    M. le président. Je rappelle que les six amendements suivants sont rigoureusement identiques. Celui-ci ayant été excellemment défendu par M. Sandrier, la présentation des autres devrait pouvoir être un peu plus rapide.
    La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l'amendement n° 3165.
    M. Jacques Desallangre. Je compléterai les propos de M. Sandrier par quelques citations relevées dans des revues que nos collègues de la majorité ont l'habitude de consulter et auxquelles ils se réfèrent...
    M. Jean-Pierre Brard. Le Capital !
    M. Charles Cova. Si ce n'est pas faire de l'obstruction, ça !
    M. Jacques Desallangre. ... afin de montrer que répartition et fonds de pension sont incompatibles.
    Contrairement à la retraite par répartition, celle par capitalisation laisse en effet chacun face à sa retraite. Mais ce que l'on veut, n'est-ce pas justement faire perdre tout sentiment de sécurité à ceux qui bénéficient de la retraite par répartition ? N'est pas ce que cherche le MEDEF ? Dans une de ses revues (Ah ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), j'ai lu la phrase suivante : « La retraite par répartition, par le sentiment de sécurité qu'elle crée, contrarie l'alimentation des marchés financiers. » Cela donne à réfléchir. En tout cas, cela a au moins le mérite de la franchise.
    Dans L'Express du 22 novembre 2001 - on ne connaissait pas encore les affaires Enron, Vivendi Universal, Alsthom, Alcatel et autres -, il est reconnu que la capitalisation n'est pas une garantie absolue. Ainsi Patrick Arthus, directeur des études économiques à la Caisse des dépôts, estime-t-il que, à partir de 2005, le prix des actifs risque de se dévaloriser. Les fonds de pension du monde entier vendront leurs actions pour payer les pensions des baby-boomers, et ce flux ne sera pas entièrement compensé. La thèse est contestée. Toutefois, elle met en lumière que la capitalisation n'est à l'abri ni des caprices de la Bourse ni de ceux de la démographie.
    M. Charles Cova. Il ne va se trouver personne pour lui dire qu'il est hors sujet ?
    M. Jacques Desallangre. Dans un autre article publié en 1999 et titré : « Retraites, la fête est finie », on lit : « En revanche, imaginer que de l'argent placé sur un compte nominatif garantit de récupérer sa mise quarante ou quarante-deux ans plus tard, agrémentée d'une plus-value, est illusoire. Un organisme gérant un fonds de pensions peut faire faillite. Un krach boursier, une crise financière asiatique, une affaire Maxwell » - rappelez-vous : le magnat britannique avait prélevé 740 millions de livres sur la caisse de retraite de son groupe et 32 000 salariés s'étaient retrouvés sans retraite - « , tout cela met les travailleurs à la merci de forces imprévisibles, contre lesquelles il n'existe pas de recours. La répartition reste donc plus sûre en ce qu'elle garantit toujours le principe d'une retraite alors que la capitalisation reste soumise à des aléas importants » - les marchés financiers, qui sont votre Bible - « que la communauté nationale ne peut pas maîtriser et qui peuvent aboutir à la spoliation des actionnaires. »
    Je vous fais grâce d'autres citations tirées de La Vie financière.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Merci !
    M. Jacques Desallangre. Ce que je vous ai cité mérite réflexion.
    M. le président. Les signataires de l'amendement suivant ne sont pas présents.
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 3167.
    Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons d'inscrire dans la loi la possibilité pour tous les salariés de bénéficier d'une retraite à taux plein au bout de trente-sept ans et demi de cotisations.
    J'entends déjà mes collègues s'écrier : « Cette proposition est irréaliste ! Elle prône un impossible retour en arrière ! » Nous pensons le contraire. Avec cette mesure, nous prenons en compte à la fois les réalités économiques et sociales de notre époque et les aspirations profondes des salariés à ne pas travailler au-delà de soixante ans, qui sont aujourd'hui réalisables grâce au progrès technologique et à l'amélioration considérable de la productivité du travail.
    Trois raisons confortent notre proposition : le développement économique de notre pays permet des progrès sociaux ; les dispositions de Mme Veil et de M. Balladur, qui ont allégé en 1993 la durée des cotisations, montent aujourd'hui leurs effets négatifs ; votre projet veut paradoxalement les étendre désormais à tout le monde. Il est en effet paradoxal de lier, comme vous le faites dans votre projet de loi, le maintien du niveau des pensions à l'allongement de la durée des cotisations. Les Françaises et les Français sont en train de s'apercevoir que cela ne marche pas et vous le disent. Ils se rendent compte qu'au total on leur a demandé de travailler plus longtemps pour, lorsque la retraite sera venue, gagner moins.
    Il y a à cela deux raisons simples.
    En premier lieu, l'allongement progressif à quarante annuités de la durée des cotisations du régime général et simultanément l'allongement à vingt-cinq années de la durée de référence pour le calcul du montant de la retraite ont pour effet automatique une diminution importante de ce montant car cette mesure accroît considérablement le risque de voir prises en compte les mauvaises années. Ce risque est encore aggravé pour les carrières plus courtes qui sont le lot d'un nombre croissant de salariés et notamment de femmes.
    En second lieu, l'indexation des salaires de référence sur les prix et non pas sur les salaires est une formule défavorable aux salariés puisque les prix évoluent moins vite que les salaires. C'est dans ces conditions que vous prévoyez d'allonger pour tous la durée des cotisations et vous aggravez encore les choses en créant une décote par annuité manquante dans la fonction publique.
    C'est pour empêcher cette dérive qui allonge la durée des cotisations et programme la baisse du niveau des pensions que nous proposons cet amendement.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. le président. Mme Muguette Jacquaint, de manière incisive et courte, va présenter l'amendement n° 3168.
    Mme Muguette Jacquaint. Incisive et courte, c'est trop demander, monsieur le président !
    M. Éric Raoult. Brillante !
    M. Alain Marty. Intense !
    Mme Muguette Jacquaint. Une réforme audacieuse des retraites nécessite, monsieur le ministre, deux garanties, qui sont loin d'être assurées dans votre projet de loi.
    Premièrement, comme l'avaient unanimement -même si les choses se sont modifiées par la suite - réclamé les organisations syndicales au mois de janvier, il faut garantir un haut niveau de pension, qu'il est raisonnable de fixer à 75 % du dernier salaire perçu. Si j'en juge par le puissant mouvement social, qui, loin de s'essouffler comme on le dit, existe et se poursuit, c'est bien sur cette question que s'expriment les inquiétudes des organisations syndicales et de nos concitoyens. Nous avons démontré précédemment que vous souhaitiez le maintien et même l'aggravation des mesures Balladur. Vous avez soutenu qu'il était impossible de les abroger. Il n'empêche que les salariés en subissent encore aujourd'hui les conséquences.
    Deuxièmement, il convient de garantir un taux de remplacement de 100 % pour les salariés payés au SMIC. Ce serait une mesure de justice sociale, voire d'équité. Comment peut-on en effet concevoir que des hommes et des femmes, qui, toute leur vie, n'ont connu que de très bas salaires ou de longues périodes de chômage - ce qui est forcément le cas des salariés qui terminent leur vie professionnelle à ce niveau de rémunération - voient encore leurs ressources amputées de 15 %, comme le prévoit votre projet de loi ? Ce serait indécent dans une société développée comme la nôtre.
    A y regarder de plus près, la garantie d'une retraite équivalente à 85 % du SMIC n'est d'ailleurs même pas assurée par votre texte, qui ne parle que d'un objectif susceptible d'être atteint en 2008, objectif qui, selon l'exposé des motifs de votre projet de loi, sera « réexaminé dans cinq ans, en tenant compte des perspectives financières des régimes de retraite et des réformes intervenues ». Il n'y a donc aucune garantie.
    Se pose ensuite la question du montant des pensions lors de la liquidation, c'est-à-dire au moment du passage à la retraite. Quand on sait que votre projet généralise par ailleurs l'indexation des retraites sur les prix, et non sur la croissance, qui à moyen terme évolue plus vite, les smicards peuvent avoir quelques craintes sur la réalité de ces 85 % qui dans quatre ans auront fondu comme neige au soleil !
    Voilà toutes les raisons qui nous ont conduits à déposer ces amendements.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre l'amendement n° 3169.
    M. Maxime Gremetz. C'est un amendement important...
    M. André Schneider. Bien sûr !
    M. Maxime Gremetz. Il faut tout de même savoir si l'on veut débattre sérieusement ici ! Bon nombre de nos amendements, je l'ai dit tout à l'heure, ont été réfusés. Le Gouvernement veut jouer l'obstruction ? Nous aussi, nous savons faire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et nous ne manquons pas d'armes, je le dis simplement et très gentiment.
    M. Patrick Ollier. Et sans rire !
    M. Maxime Gremetz. Parfaitement ! Le Gouvernement joue l'obstruction pour empêcher le débat. Je viens d'entendre encore le Président de la République dire qu'il fallait un grand débat, que les opinions de chacun s'expriment, que les propositions se confrontent, etc.
    M. Patrick Ollier. Le Gouvernement n'y est pour rien si vos amendements sont tombés !
    M. Maxime Gremetz. Que voulez-vous ! Le fait que nous ne puissions pas présenter nos amendements, qui constituent autant de propositions d'un projet alternatif à celui du Gouvernement, me met très mal à l'aise dans ce débat, je vous le dis. Il va vous falloir choisir des armes parmi celles que nous avons.
    M. Alain Marty. Aux armes, citoyens !
    M. Maxime Gremetz. C'est de l'obstruction, je le répète, quand on nous empêche de défendre nos amendements, de les présenter et de les faire voter. Si ce n'en est pas, je me demande ce que c'est !
    M. Patrick Ollier. Mais le Gouvernement n'y est pour rien !
    M. René Couanau. C'est l'application de l'article 40 !
    M. Maxime Gremetz. Ne me dites pas que c'est l'article 40 et qu'on n'y peut rien ! Le Gouvernement a tout pouvoir et fait ce qui lui plaît ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous en prie, n'interrompez pas monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Avec ce fameux article 40 et le Gouvernement qui laisse faire, eh bien !, toute une série d'amendements tombent, que nous ne pouvons pas défendre et faire voter. Chacun est libre de se faire son opinion.
    M. Jean-Luc Warsmann. Qu'est-ce que peut faire le Gouvernement ?
    M. Maxime Gremetz. Je dis que c'est anormal dans un tel débat. Donc, je ne vais pas aller plus loin dans la défense de mon amendement n° 3169. Il a été parfaitement défendu.
    M. Alain Marty. On peut faire mieux !
    M. Maxime Gremetz. Je demande seulement au Gouvernement deux choses pour que nous ayons un débat sérieux et responsable.
    Premièrement, que l'on nous écoute défendre nos amendements. Ensuite, chacun émettra le vote qu'il voudra mais il faut savoir se respecter mutuellement.
    M. Léonce Deprez. Mais on se respecte !
    M. Maxime Gremetz. Deuxièmement, il faut aussi que nos amendements de fond viennent en débat.
    Si ces deux conditions ne sont pas réalisées, nous seront obligés d'utiliser tous les moyens parlementaires dont nous disposons pour ne pas laisser passer cette réforme, qui est une réforme de société, un enjeu de civilisation tout à fait considérable pour l'avenir, sans intervenir ni donner notre opinion. Voilà le sens de nos interventions de ce soir.
    M. Charles Cova. C'est la messe selon Gremetz !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 3170.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce projet de loi est extrêmement important car il renvoie à des problèmes de société essentiels. Il est très important de chercher à apprécier tout à la fois son assise théorique et son fondement historique.
    M. Pierre Lellouche. C'est ce qui a été dit !
    M. Jean-Pierre Brard. Les références ne manquent pas. Et je vous prie, monsieur Charles-Amédée de Courson, de bien vouloir écouter : vous allez apprendre quelque chose.
    M. Charles de Courson. Je suis là !
    M. Jean-Pierre Brard. Marx, dans ses travaux, a fait une découverte extrêmement importante : l'être humain est capable de produire plus qu'il n'est nécessaire à sa propre subsistance. Il y a donc un excédent. Tout l'enjeu dans les sociétés modernes est de savoir quoi faire de cet excédent.
    M. Pierre Lellouche. Savez-vous que l'Union soviétique est morte en 1991 ? Il faut être moderne !
    M. Jean-Pierre Brard. Marx a découvert que celui qui achète la force de travail essaie de confisquer l'excédent. Mais, cet enjeu, avant qu'il ne soit formulé d'une façon claire par Marx,...
    M. Pierre Lellouche. Lequel, le clown ou l'autre ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... avait déjà été souligné par Sénèque entre 49 et 55 après Jésus-Christ. (Rires.)
    M. André Schneider. Sacrée référence !
    M. René Couanau. Pas entre 49 et 55, mais entre 45 et 48 !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j'entends M. Couanau ironiser sur Sénèque !
    Puisque la vie est brève, disait Sénèque, il faut « lutter de vitesse avec le temps par sa promptitude à en user ».
    M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas votre cas, monsieur Brard !
    M. Pascal Terrasse. Ecoutez plutôt ! Sénèque.
    M. Jean-Pierre Brard. Il constate que « les hommes les plus puissants, déjà les plus hauts placés, laissent échapper des mots » - écoutez, monsieur le ministre, cela vous concerne - « où ils souhaitent la retraite, la louent, la préfèrent à tous leurs biens ». La retraite, toujours selon Sénèque, qui parlait ainsi il y a 2 000 ans, est le temps des « méditations vertueuses » et doit être prise de bonne heure, car « c'est un peu tard de commencer à vivre à l'heure où il faut cesser de vivre ».
    M. Pierre Lellouche. Savez-vous quelle était l'espérance de vie sous Sénèque, monsieur Brard ? Vingt-quatre ans et demi !
    M. le président. Je vous en prie !
    M. Jean-Pierre Brard. Sénèque ne parle évidemment pas encore de la retraite comme d'un droit, mais il en fait cependant une obligation morale à la charge de la société et au bénéfice de chacun de ses membres.
    Je le cite encore : « Les hommes se dépensent pour recevoir des pensions, des distributions ; ils leur consacrent leur peine, leur soin, leur travail ; personne n'attache de valeur au temps ; on en use largement comme s'il ne coûtait rien. Mais ces gens, vois-les, malades, s'ils sont en danger de mort, aux genoux de leur médecin », monsieur Dubernard,... (Rires.)
    M. Guy Geoffroy. Ça, ce ne doit pas être dans le texte !
    M. Jean-Pierre Brard. Je le reconnais !
    M. Pierre Lellouche. Faites attention, monsieur Brard !
    M. Guy Geoffroy. C'est Sénèque revisité !
    M. Jean-Pierre Brard. ... « s'ils craignent la peine capitale, prêts à dépenser tout leur avoir pour vivre. Tant les passions chez eux sont discordantes ! »
    M. le président. Monsieur Brard, veuillez terminer sur Sénèque !
    M. Jean-Pierre Brard. J'ai presque fini, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) « Si l'on pouvait présenter à chacun » - je reviens à notre sujet - « le compte des années à vivre comme celui des années passées, comme ceux qui verraient le peu qui leur en reste trembleraient, comme ils les épargneraient ! »
    M. Pierre Lellouche. Tremblez, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. « Or il est facile d'administrer ce qui est tout petit, mais sûr ; il faut conserver plus soigneusement encore ce qui te fera défaut à une date inconnue ».
    Dans l'échange que je citais tout à l'heure entre Bernard Thibault et...
    M. Jean-Luc Warsmann et plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Sénèque !
    M. Pierre Lellouche. Et le petit frère de Sénèque !
    M. Jean-Pierre Brard. Et Jean-François Copé ! (Rires,...)
    M. le président. Honnêtement, là, monsieur Brard, reconnaissez que vous l'avez cherché.
    M. Jean-Pierre Brard. M. Warsmann ignore que les dirigeants de la CGT, qu'il ne côtoie pas suffisamment,...
    M. Pierre Lellouche. Ça c'est vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. ... ont souvent une culture encyclopédique. Rappelez-vous, monsieur Warsmann, ...
    M. Pierre Lellouche. Ils ont le temps, ils ne bossent jamais !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, puis-je continuer ?
    M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
    M. Jean-Pierre Brard. Bernard Thibault, disais-je, déclare dans cette confrontation avec Jean-François Copé : « L'acte politique devrait être, aujourd'hui, de faire reconnaître par exemple la pénibilité du travail par la loi, comme un des paramètres de l'équité. »
    M. Pierre Lellouche. Thibault est passé au Parti socialiste ! Vous perdez votre temps !
    M. Jacques Barrot. Nous sommes éclairés !
    M. Jean-Pierre Brard. Et d'ajouter, à propos de l'argument de l'équité que lui oppose Jean-François Copé : « L'équité ne nous choque pas. Cela ne veut pas dire qu'elle doive se traduire par un allongement de la durée de cotisation quant il y a 10 % de chômeurs. Vous proposez une équité dans la régression. »
    Mais M. Copé vient d'arriver et j'en suis fort aise.
    Votre réforme, monsieur le ministre, n'est pas « petit bras »...
    M. Pierre Lellouche. Allez Sénèque !
    M. le président. Monsieur Brard, je vous demande de conclure.
    M. Pierre Lellouche. Ecoutez-le, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Brard. ... mais bel et bien régresssive. Et la première régression a été mise en place par M. Balladur. Mais avec vous, comme dirait Marx, il y a un bond qualitatif. (« Sénèque ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Mes chers collègues, arrêtez d'interrompre. M. Brard, veuillez conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Plus qu'une simple régression, c'est une rupture. Et vous cassez du même coup toute l'évolution qui a marqué l'humanité de ce que MM. Bush et Rumsfeld appelleraient la vieille Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous sommes repassés de Sénèque à Marx, fort bien. (Sourires.)
    Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 3164 à 3170 ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, nous avons entendu nos collègues du groupe communiste,...
    M. Jacques Desallangre. ... et républicain !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... s'appuyer sur les travaux les plus pertinents et les plus connus de Karl Marx...
    M. Patrick Ollier. Et de Sénèque !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous devriez le lire, cela vous ferait du bien !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... et nous décliner des solutions qui sont en réalité les fondements de leur projet alternatif, comme ils disent. S'ouvre, on le voit bien, un débat relativement simple où nous ne partageons pas tous les arguments du parti communiste.
    M. Jean-Pierre Brard. Marx appartient au patrimoine universel. Il n'existait pas encore de parti communiste au moment où.
    M. le président. M. Brard, laissez parler le rapporteur, s'il vous plaît.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les propositions du parti communiste reprennent la liste habituelle des prélèvements de toute sorte qui aboutiraient tout simplement à la modeste somme de quelque 100 milliards d'euros supplémentaires chaque année.
    Si nos collègues croient avoir trouvé là une solution, nous pensons exactement le contraire et la commission n'a donc pas adopté ces amendements.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, car la réforme audacieuse que propose le groupe communiste ne sert pas les intérêts du peuple de France, pour reprendre les termes de vos amendements.
    M. André Schneider. Ni ceux de Sénèque !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je crois tout au contraire qu'elle aboutirait à l'accabler d'impôts, de taxes et de charges, à réduire la croissance, l'emploi et le financement des retraites.
    M. Jean-Pierre Brard. Apocalypse now !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je profite de l'occasion pour rappeler à M. Gremetz que le Gouvernement n'a rien à voir avec l'application de l'article 40 de la Constitution, et qu'il n'a pas tous les pouvoirs dans un pays de droit comme le nôtre.
    M. Jean-Pierre Brard. Un pays de droite, oui !
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est le règlement de notre assemblée !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il a le devoir de respecter la loi et la Constitution. Je souhaite, simplement que le débat soit le plus transparent et le plus intéressant possible pour ceux qui nous écoutent comme pour ceux qui liront ces débats.
    M. Jacques Barrot. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si donc le groupe communiste, à l'occasion de la défense des innombrables amendements qu'il a déposés et qui ne sont pas tous, il en conviendra avec moi, de la même importance, veut interroger le Gouvernement sur les sujets abordés dans les amendements tombés du fait de l'application de l'article 40, je me ferai un devoir d'essayer de lui répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 3164 à 3170.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. J'informe l'Assemblée que, sur les amendements identiques suivants, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Ces sept amendements identiques portent les n°s 3171 à 3177.
    L'amendement n° 3171 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3172 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3173 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3174 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3175 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3176 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3177 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 1er, insérer un article ainsi rédigé :
    « La solidarité entre les générations constitue le principe et la fin de toute réforme du système de retraite. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 3171.
    M. Jean-Claude Sandrier. Il conviendrait que M. le ministre se mette d'accord avec le rapporteur sur les propositions du groupe communiste. J'ai entendu une première fois qu'il en coûte 50 milliards d'euros, alors que M. Accoyer vient avancer le chiffre de 100 milliards,... j'aimerais qu'on nous explique comment on est passé du simple au double !
    L'amendement n° 3171 est un amendement de principe, ce que nous pourrions appeler un « amendement solidarité ». Il a pour but de rappeler que la solidarité est un préalable de notre système de retraite.
    La solidarité est une valeur essentielle à toute civilisation qui veut se renforcer et durer. Ce n'est pas par hasard que ce principe s'est développé au coeur de la Résistance. C'est lui qui, à la Libération, a présidé à la construction de tout notre système de protection sociale et a permis de réaliser pour tous les Français une avancée sociale sans précédent dans l'histoire face aux aléas de la vieillesse.
    Jamais, dans notre histoire nationale, on n'avait connu système de protection sociale aussi audacieux dans la mise en application des principes de solidarité. Il s'est pourtant réalisé dans des conditions très difficiles. La France avait connu six années de guerre, de privations et de pénuries : le pays totalement dévasté était à reconstruire. Tout à son effort de redressement économique, notre pays a malgré tout trouvé les ressources pour mettre en place un mécanisme d'assurance vieillesse fondé sur la solidarité et trouvé le moyen de construire un sytème de retraite apparemment hors de sa portée.
    Aussi peut-on se demander aujourd'hui par quel miracle il ne serait plus possible d'avoir une retraite décente dès soixante ans. Nous avons consolidé et développé ce système au cours de ce qu'on a appelé les Trente Glorieuses. Cette expansion économique est la preuve que solidarité et efficacité ne s'opposent pas, bien au contraire. Ajoutons que la solidarité est un facteur évident de justice sociale, mais également de stabilité. La justice sociale n'est pas seulement compatible avec l'efficacité économique, elle en est même la condition.
    Force nous est de reconnaître que cette construction a permis pendant plus de trente ans de concilier solidarité et développement économique. C'est aujourd'hui ce que vous remettez en cause au nom de l'efficacité économique. Or nous sommes l'une des cinq premières puissances économiques et commerciales du monde, et infiniment plus riches qu'au sortir de la guerre. Mais, paradoxalement, vous voulez mettre toujours moins d'argent dans la protection sociale, en particulier dans les retraites. L'individualisme monte et la solidarité baisse.
    Je voudrais tout de même rappeler que la part du PIB à consacrer aux retraites en 2040 sera multipliée par 1,5 par rapport à aujourd'hui. Or, théoriquement, si tant est que l'on puisse faire des prévisions, par nature hypothétiques, à quarante ans, le PIB devrait en principe être, sur la même période, multiplié par deux. Cela nous laisse tout de même une marge de manoeuvre.
    Vous voulez faire de l'individualisme le seul moteur de la régulation de nos sociétés. Face aux risques de la vieillesse, de la mauvaise santé et du chômage, vous demandez toujours plus aux individus et toujours moins à la solidarité. C'est pourtant la seule valeur qui maintiendra l'unité et la cohérence de notre peuple. Seuls les principes de solidarité entre les générations assureront la cohésion et l'équilibre de notre société. Notre amendement le réaffime de la manière la plus solennelle qui soit.
    M. Alain Marty. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l'amendement n° 3172.
    M. Jacques Desallangre. Pour défendre la solidarité entre les générations qui doit constituer le socle du dispositif, j'évoquerai trop rapidement l'aspect inégalitaire du mécanisme que vous nous proposez.
    Actuellement, 8 % des personnes dont le salaire net est de 1 000 euros disposent d'une épargne salariale, alors que ce pourcentage passe à 45 % chez ceux dont le salaire est supérieur à 3 000 euros.
    Mais, de façon encore plus pernicieuse, vous détruisez la substance des mécanismes de mutualisation et de solidarité en détruisant la confiance sur laquelle reposent pour l'essentiel les régimes par répartition du fait qu'il est demandé à une génération active de payer pour une génération retraitée. Mais les actifs n'acceptent ce pacte garanti par l'Etat que parce qu'ils ont l'assurance que la génération suivante assurera leur propre retraite et respectera le même pacte. Or votre projet, monsieur le ministre, et les perspectives que vous tracez - allongement de la durée de cotisation, baisse des pensions - ruinent cette certitude.
    Les jeunes actifs ont même la conviction qu'ils devront payer pour leurs aînés, mais assurer ensuite leur retraite par leurs propres moyens. Ainsi, vous gagnerez le défi que le MEDEF a lancé au Gouvernement car, en sapant la confiance, vous retirez la solidarité des coeurs et vous préparez le terrain au régime individualiste de la capitalisation.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais non !
    M. Jacques Desallangre. Votre réforme, donc, n'est pas seulement injuste en faisant payer les seuls salariés et retraités, elle est aussi d'une extrême dangerosité pour le régime par répartition car, par idéologie, vous faites croître le germe de l'individualisme.
    M. le président. L'amendement n° 3173 n'est pas défendu.
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour présenter l'amendement n° 3174.
    Mme Jacqueline Fraysse. Nous voulons inscrire dans la loi le droit à la liquidation à taux plein pour les salariés qui, ayant commencé à travailler jeunes, ont totalisé les quarante annuités de cotisation exigées avant leur soixantième anniversaire. Nous voulons ainsi affirmer un principe intangible dont les modalités concrètes resteront à définir pour qu'il soit appliqué.
    Nous tenons à affirmer ce principe car le texte qui nous est présenté, tel qu'il est rédigé sur ce sujet, est trop restrictif. En effet, ce droit s'appliquerait uniquement à ceux qui ont commencé à travailler entre quatorze et seize ans, ce qui ne concernerait en fait que 200 000 personnes, alors que plus d'un million d'hommes et de femmes ayant cotisé quarante ans et âgés de moins de soixante ans pourraient y prétendre.
    De surcroît, ce droit au départ anticipé risque d'être amoindri, puisque vous le liez au versement de cotisations à la charge de l'assuré. C'est méconnaître la réalité sociale et la vie réelle car, bien souvent, ce sont des personnes, des femmes en particulier, qui, dans leurs quarante annuités de carrière, comptent des périodes validées au titre des droits non contributifs. Aucune d'entre elles n'aurait de ce fait accès à ce dispositif. Nous pensons, au contraire, que ce droit ne doit subir aucune restriction. En le proclamant, nous conjuguons progrès social, lutte contre le chômage, développement de la solidarité entre les générations.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint pour soutenir l'amendement n° 3175.
    Mme Muguette Jacquaint. La décote, monsieur le ministre, est en contradiction avec le principe républicain d'égalité des citoyens devant la loi. A contribution égale, la pension ne sera pas égale ! Elle place certains citoyens en seconde zone ; elle rend certains citoyens moins citoyens que d'autres. Elle sert à les exploiter pour fournir aux autres des pensions plus conséquentes.
    Je veux faire la démonstration que la décote pénalise surtout les femmes.
    Mme Catherine Génisson. C'est vrai !
    Mme Muguette Jacquaint. 61 % à 63 % des femmes adhérentes au régime général n'ont pas quarante annuités validées à soixante ans ; les hommes sont beaucoup moins nombreux dans ce cas : 15 % à 18 %. Cela signifie que la majorité des femmes sont victimes de l'exploitation engendrée par la décote au profit de la majorité des hommes : tous ceux qui n'ont pas été victimes d'accidents de la vie, qui n'ont pas eu une carrière atypique.
    M. Claude Goasguen. Caricature !
    Mme Muguette Jacquaint. Quelles sont les femmes qui n'atteignent pas les quarante annuités validées ? Celles qui ont interrompu leur carrière professionnelle au-delà du temps pour lequel des compensations sont fournies par certains dispositifs familiaux en matière de retraite.
    Doit-on punir les femmes, pour avoir contribué aux succès français à l'exportation ? Certaines femmes ont, en effet, interrompu leur carrière pour suivre leur mari à l'étranger et n'ont pas toujours pu retrouver un emploi.
    Doit-on punir les femmes qui ont dû s'occuper d'un parent, d'un beau-parent, ou de leur mari, de leur enfant victimes d'un accident, d'une maladie ou d'un handicap ? Doit-on les punir d'avoir préféré être à leurs côtés ?
    Doit-on punir les femmes qui ont suspendu leur carrière pour élever leurs enfants ?
    Doit-on aussi punir les hommes et les femmes qui ont galéré ? Eux aussi sont pénalisés. Le fait que des hommes, et tout particulièrement les moins chanceux, soient victimes de la même discrimination, ne fait qu'ajouter au scandale. Par exemple, les personnes qui, n'ayant pas de droits à la retraite suffisants, sont amenées à demander le bénéfice du minimum vieillesse, n'y ont droit qu'à soixante-cinq ans. La retraite à soixante ans est refusée aux Rmistes et aux personnes marginalisées, comme elle l'est à la majorité des femmes.
    Alors qu'on nous parle d'équité et d'égalité, voilà des inégalités flagrantes. Et je ne pense pas, monsieur le ministre, que les dispositions du projet de loi vont répondre aux cas précis que j'ai cités !
    M. le président. la parole est à M. Maxime Gremetz pour soutenir l'amendement n° 3176.
    M. Maxime Gremetz. Le rapporteur a chiffré le coût de nos propositions à 100 miliards d'euros. La somme a donc doublé depuis hier où elle s'élevait à 50 milliards !
    Mais on ne peut pas considérer les retraites sous le seul angle financier. Certes, il y a un problème financier. Votre chiffrage - discutable - a le mérite d'exister, monsieur le ministre : 56,6 milliards d'euros. Nous sommes d'accord. Et c'est pourquoi je vous ai dit hier que nous avions des propositions qui rapporteraient précisément 56 milliards, c'est au Journal officiel.
    M. René Couanau. Il en manque 44 !
    M. Maxime Gremetz. Il faut simplement en avoir la volonté politique. Or beaucoup de gouvernements ne l'ont jamais eue, pas plus que dans d'autres pays. Vous ne cessez de dire que, dans tout les pays autour de nous, on fait la même chose que nous, on procède à une réforme des retraites. En effet, nous ne sommes plus originaux. Nous l'étions quand nous avons créé la sécurité sociale ! Mais le libéralisme a pris le dessus et tout le monde veut appliquer les mêmes recettes, avec les mêmes résultats d'ailleurs.
    Vous nous reprochez de ne prévoir que des dépenses, pas de recettes.
    C'est faux ! Il faut tenir compte du fait qu'un million d'emplois nouveaux, cela représente 20 milliards d'euros de cotisations - et je ne les inclus même pas dans ma comptabilité.
    Voici selon nous quelques mesures qu'il faut appliquer. Un élargissement de l'assiette des cotisations mettra à contribution les revenus financiers des entreprises, des banques, des assurances et des ménages fortunés. Cette cotisation additionnelle rapporterait, en année pleine, 23 milliards d'euros. Vous pouvez le nier et nous en débattrons sérieusement. On nous rétorque que cette taxe additionnelle serait aléatoire. Mais où vont aujourd'hui ces milliards ? Plutôt que d'être investis dans la production, l'innovation, la création, ils servent à spéculer sur les places financières. Mieux vaudrait qu'ils contribuent à la solidarité nationale. Par la même occasion, nous lutterons ainsi contre la spéculation financière, qui est un drame dans l'ensemble des pays.
    Il conviendrait aussi de moduler la cotisation vieillesse des entreprises en fonction de l'effort qu'elles fournissent en matière de créations d'emplois, de formation et de salaires. Cela ferait entrer 15 à 17 milliards, tout en favorisant la création d'emplois et le développement de la croissance.
    Il faut, en outre, mettre fin aux exonérations de cotisations sociales patronales. Monsieur le ministre, 16,6 milliards du budget du ministère de l'emploi ne sont-ils pas consacrés à ces exonérations de charges pour les salaires équivalents à 1,8 fois le SMIC. Or elles bénéficient non pas aux petites et moyennes entreprises mais, pour l'essentiel, aux grandes. Et on ne fait pas la différence entre celles qui innovent et investissent et les autres. Même les grands groupes peuvent en bénéficier, alors qu'ils utilisent ces sommes faramineuses non pas pour le développement de l'emploi et le développement durable du pays mais pour accroître les profits et en faire bénéficier les actionnaires !
    Voilà un vrai débat. Il existe des propositions alternatives. Sont-elles viables ? Non, si l'on en croit les nombreux « experts » que vous citez. Mais je peux vous en citer d'autres ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. René Couanau. Lesquels ?
    M. Maxime Gremetz. Pas ceux qui, hier, conseillaient certains (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et fort mal, puisqu'ils ont conduit au 21 avril !
    M. René Couanau. Eh oui !
    M. le président. Monsieur Couanau, n'apportez pas trop vite votre soutien à M. Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Vous devriez en tirer les leçons : c'est parce qu'on les a trop écoutés et qu'on n'a pas fait la réforme qu'il fallait qu'il y a eu le 21 avril !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 3177, sans faire référence à Sénèque !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, il n'y a pas que Sénèque.
    M. Éric Raoult. Il y a aussi Pline l'Ancien !
    M. Jean-Pierre Brard. Virgile, Pline, Platon et bien d'autres, sans compter ceux du futur dont je ne connais pas encore le nom.
    Monsieur le ministre, vous avez cité les relaps cet après-midi, Bernard Kouchner, par exemple.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas moi !
    M. Jean-Pierre Brard. Alors, c'est votre garde du corps, M. Dubernard. Permettez-moi de faire référence à l'un de nos anciens collègues, avec lequel je travaille au sein du forum de la gauche citoyenne, membre du Conseil économique et social, Dominique Taddéi.
    Hier, monsieur le ministre, vous n'avez fait qu'évoquer son rapport, mais connaissant votre méticulosité, je suis sûr que vous l'avez lu mais que vous avez vu que son raisonnement démolissait le vôtre, et qu'il était donc prudent de ne pas le citer. Je vais par conséquent combler cette lacune.
    « Pourquoi parle-t-on autant de retraites depuis une dizaine d'années ? Parce qu'un choc démographique inéluctable est en train de s'abattre sur nous ! Telle est du moins la réponse des experts officiels. A y regarder de plus près, avec ce que comporte de traumatisant ce terme, les phénomènes à venir n'ont rien d'inattendu - on les connaît depuis longtemps - ... » Jusque-là vous êtes d'accord ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est clair !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne suis pas sûr que vous le serez encore longtemps !
    « ... ni de particulièrement brutaux - ils s'étendront sur plusieurs dizaines d'années » - donc la date de 2006 est contestable ! « pour une part importante, les arguments avancés n'ont même rien de nouveau - le fait de vivre plus longtemps -, ou ils sont carrément imaginaires - le fait que les Françaises aient de moins en moins d'enfants. Tout au plus doit-on prendre conscience que se présente donc devant nous un défi démographique, ce qui n'est déjà pas si mal et est plus valorisant ».
    Plusieurs phénomènes, nous explique Dominique Taddei, viennent se mêler à ce défi démographique, dont « celui de la destinée d'une génération particulière, les « baby boomers », nés entre 1944 et 1974, » - cela concerne un certain nombre d'entre nous - « qui vont bientôt commencer à partir en retraite, et dont les derniers représentants devraient s'éteindre vers le milieu du siècle. Incontestablement, à partir de 2005, ce papy boom, qui est surtout un mamy boom, compte tenu de la plus grande longévité féminine, grossira le nombre des sexagénaires et plus, et cela pendant une trentaine d'années, jusqu'au milieu des années 2030 : la plupart d'entre eux seront alors décédés et ils seront remplacés par de jeunes sexagénaires issus des générations moins nombreuses qui les ont suivis, si bien que ce second phénomène s'effacera alors. »
    Monsieur le ministre, vous n'avez pas osé contester, parce que vous savez qu'il est exact, le rapport de Dominique Taddei. Je continue la lecture :
    « La question cruciale pour les retraites provient du fait que les baby boomers ont eu moins de successeurs : moins de naissances, contraception aidant, et moins d'immigration, avec la montée et la pérennité d'un chômage de masse. On sera donc, dans les décennies à venir, à législation constante, devant une diminution du nombre de ceux qui vont cotiser par rapport à ceux qui auront droit à une retraite : les experts les plus doctes se répandent partout en parlant d'une dégradation de 60 % d'ici à 2040, voire de 80 % d'ici à 2050 ! Les solutions les plus extrêmes et les plus urgentes s'imposeraient donc de manière indiscutable. Ah ! si seulement les Français pouvaient perdre l'habitude de toujours discuter, alors que l'on se charge de penser pour eux »...
    Vieille tradition depuis Vercingétorix !
    « Disons le tout de suite : le soi-disant consensus démographique avec lequel on prétend nous affoler n'est qu'une imposture, peut-être l'escroquerie du siècle, encore que celui-ci ne fasse que commencer. »
    On peut faire confiance à votre imagination pour en inventer d'autres !
    Dominique Taddei poursuit : « Commençons par le commencement...
    M. le président. En général, Dominique Taddei écrit très longuement. Plutôt que de commencer, peut-être vaudrait-il mieux conclure !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vois que vous avez gardé de bons souvenirs de lui, monsieur le président ; je le lui rapporterai !
    Voici ce qu'il écrit : « Les démographes, comme tous les experts, se trompent souvent ; suivant même l'un des meilleurs d'entre eux, ils auraient une propension à l'erreur qui pourrait dépasser celle connue dans les autres sciences humaines. »
    Encore trois phrases, et c'est terminé, monsieur le président !
    « Alfred Sauvy, le plus grand d'entre eux, ne prévoyait-il pas, dans les années 1930, que la France aurait 40 millions d'habitants en l'an 2000 ! Or, nous sommes dans une situation inédite dans les sciences humaines, où il n'existe aucune prévision démographique concernant la population française ! Mais alors, le lecteur se demandera d'où sortent ces chiffres qu'on nous assène si souvent. La réponse est simple : les seuls chiffres existants sortent de l'INSEE et de sa direction de la population mais, comme le répète cet institut économique chaque fois que ces chiffres sont débattus, ils ne constituent pas des prévisions, mais des "projections des tendances passées.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 3171 à 3177.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    M. Jean-Pierre Dufau. Puis-je répondre d'un mot, monsieur le président.
    M. le président. Je suis désolé : le scrutin est déjà annoncé. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   191
Nombre de suffrages exprimés   191
Majorité absolue   96
Pour l'adoption   56
Contre   135

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Brottes. Nous n'avons pas tous eu le temps de voter ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Vous nous perturbez, monsieur le président !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, je ne veux pas allonger les débats, mais lorsque les amendements ont été défendus, j'avais levé la main pour demander la parole et vous ne m'avez vraisemblablement pas vu. Je l'ai fait à nouveau quand le dernier orateur s'est exprimé mais vous avez répondu que le scrutin était déjà annoncé.
    Sans vouloir insister exagérément, il me semblait que, dans les amendements en question, le mot « fin » prêtait à équivoque et qu'il valait mieux utiliser celui de « finalité ». Ils auraient alors été rédigés ainsi : « la solidarité entre les générations constitue le principe et la finalité de toute réforme du système de retraite ». Cela me paraissait beaucoup plus conforme à l'esprit et à la lettre de l'amendement. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Je partage d'autant plus cette opinion qu'il s'agit d'un point très important. En effet, lors de l'examen de ces amendements en commission, nous avions, me semble-t-il, évoqué ce problème, et il nous paraissait nécessaire de rectifier ces amendements pour les rendre lisibles par tous, nous en avions d'ailleurs parlé avec nos collègues du groupe communiste, qui avaient accepté notre proposition. Il nous paraissait nécessaire de resituer le contexte.
    Bref, notre collègue a eu raison de rappeler que se posait un véritable problème de sémantique. Cela dit, je crois que le groupe communiste a eu quelques difficultés avec ses ordinateurs.
    M. le président. Monsieur Terrasse, j'ai parfaitement saisi l'importance du problème. Il est regrettable qu'aucun sous-amendement n'ait été déposé sur ces amendements.
    M. Pascal Terrasse. On verra en deuxième lecture !
    M. Jean-Marie Le Guen. M. Dufau a levé le bras, mais on ne l'a pas vu.
    M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques, n°s 3178 à 3184.
    L'amendement n° 3178 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3179 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3180 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3181 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3182 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3183 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3184 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Avant l'article 1er, insérer un article ainsi rédigé :
    « La répartition est le seul moteur efficace de la solidarité intergénérationnelle. Elle seule permet de conforter le principe fondateur de la retraite inscrit dans le fonctionnement de la branche vieillesse de la sécurité sociale française : assurer à chacun un revenu décent face aux aléas de l'existence. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 3178.
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement vise à placer la répartition au coeur de notre système de retraites. En effet, la répartition est le mécanisme qui décline concrètement le principe de la solidarité : les actifs cotisent pour les retraités. La solidarité est le principe, et la répartition est son mécanisme. La répartition est l'instrument de la redistribution : elle place le collectif avant l'individuel et la cohésion d'un peuple avant le « chacun pour soi ».
    L'assurance vieillesse est considérée comme un revenu de transfert, assuré par la communauté nationale. La solidarité nationale est une assurance beaucoup plus solide que celle contractée à la bourse et à titre individuel.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est sûr !
    M. Jean-Claude Sandrier. En matière de vieillesse, la solidarité découle de l'idée que, malgré nos différences générationnelles, nous pouvons compter sur les jeunes générations. Au contraire, l'allongement de la durée de cotisation, la capitalisation - quel que soit le nom dont on veut la maquiller - et la disparition de toutes les solidarités collectives vont entretenir et développer l'individualisme.
    Dans le système que vous êtes en train de nous préparer, seule la capacité contributive dont dispose le salarié tout au long de sa vie déterminera le montant de sa retraite. Les élus de votre système seront les hauts revenus, ceux qui auront eu la chance de travailler toute leur vie et qui auront les moyens financiers de partir, s'ils le souhaitent avant terme. Ceux-ci pourront capitaliser et racheter des trimestres. Mais comment voulez-vous qu'un smicard épargne pour sa retraite ? Pour les smicards comme pour tous les salaires modestes, ce sera la misère !
    Le principe qui fonde la répartition est fort simple : lorsque les richesses sont créées, la répartition assure leur partage équitable entre les actifs et les retraités ; et lorsque la proportion des retraités augmente, il est légitime que la part des richesses qui leur est consacrée croît aussi.
    Contrairement aux affirmations un peu simplistes qu'on peut lire dans certains journaux, le problème n'est pas seulement celui du capital et de sa répartition, même si ce problème est réel. Il s'agit surtout du développement de l'emploi, de la formation, et donc aussi des salaires, c'est-à-dire des richesses nouvelles.
    Il faut rappeler qu'un million d'emplois équivaut à 20 milliards d'euros de cotisations, ce qui n'est tout de même pas rien.
    Ce que nous contestons absolument, c'est que les temps soient, comme vous le prétendez, plus difficiles qu'à la Libération. Ils sont, au contraire, bien meilleurs qu'au moment où nous avons installé ces systèmes. La situation économique est incomparablement meilleure et depuis vingt ans les profits boursiers se sont accumulés. Nous continuons à produire régulièrement des richesses, et le PIB a plus que doublé ces vingt-cinq dernières années et il doit encore doubler d'ici à quarante ans.
    Vous prétendez que nos systèmes sociaux sont devenus trop chers. Mais, en vérité, vous voulez libérer toujours plus d'argent pour les marchés financiers. Les richesses continuent à s'accroître, mais en démantelant progressivement tous les systèmes de redistribution, vous faites le choix de la concentration inéluctable de ces richesses.
    Rappelons que cette histoire de retraites est parti, d'un rapport de la Banque mondiale publié en 1994. Derrière tout cela, se cachent deux objectifs très précis, et pas davantage. Il s'agit d'abord de faire baisser encore plus les cotisations patronales, voire d'exonérer leur paiement. Il s'agit ensuite de dégager de l'argent frais pour le capital, par le biais de différents systèmes d'épargne dont on maquille les noms.
    Pour vous, l'efficacité économique se résume à la richesse de quelques élites. La solidarité dans le langage libéral a toujours été synonyme de pauvreté. Les valeurs que vous prétendez préserver dans les principes sont anéanties dans les faits par les lois que vous promulguez. Nous voulons vous mettre dès maintenant face à vos contradictions, parce que le jour n'est pas loin où, face à une compétition sans partage devant les risques de la vie, vous direz qu'il n'y a plus lieu de défendre les principes de solidarité.
    M. le président. Selon une mécanique qui commence à être bien rodée, je donne la parole à M. Jacques Desallangre, pour soutenir l'amendement n° 3179.
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, mais nous allons changer plus tard !
    M. le président Si c'est pour raccourcir vos interventions, ce sera très bien.
    Vous avez la parole, monsieur Desallangre.
    M. Jacques Desallangre. La répartition est le seul moteur efficace de la solidarité intergénérationnelle. Elle seule peut assurer à chacun un revenu décent face aux aléas de l'existence, comme je vais tenter de le prouver.
    C'est au nom de l'évolution démographique, monsieur le ministre, que vous mettez en danger la répartition. Certes, le nombre de retraités par rapport à celui des actifs va augmenter, puisque le nombre de personnes à la charge de dix actifs passerait de quatre à sept entre les années 2000 et 2040, selon les projections citées par Jean-Pierre Brard. Quant au taux de vieillissement de la population, il aggraverait le taux de dépendance, celui-ci passant de 38,5 actuellement à 72,6 à l'horizon 2040. Mais en raisonnant ainsi, on aurait pu, en 1945, prophétiser qu'un demi-siècle plus tard, notre pays traverserait la crise alimentaire la plus tragique qu'il ait connue depuis le Moyen Age. Or, alors qu'un agriculteur nourrissait 5,3 personnes à l'époque, il assurait en 2000 l'alimentation de plus de cinquante de ses concitoyens. Aujourd'hui, le pays ne manque pas de denrées et il en exporte, grâce à l'augmentation spectaculaire de la productivité.
    Il en est de même pour la productivité du travail : les actifs sont moins nombreux mais ils produisent beaucoup plus. Ainsi, dans ma circonscription, les ateliers laminoirs de Beautor, qui employaient 2 000 personnes il y a trente ans, n'en comptent plus que 250, mais qui produisent dix fois plus de tôles électro-zinguées pour le compte d'Usinor. L'industriel a décuplé sa production en faisant l'économie de 1 750 emplois, et ce sont autant de cotisations qui manquent pour la caisse de retraite et pour la caisse de sécurité sociale - sujet dont nous parlerons à la prochaine rentrée parlementaire.
    Selon le rapport Charpin, avec une croissance annuelle de la productivité du travail de l'ordre de 1,7 %, la charge par actif devrait même diminuer jusqu'en 2020 pour retrouver son niveau actuel en 2030. Entre 2000 et 2040, le rapport actifs/retraités sera donc divisé par deux, tout comme les retraites. On passera de deux actifs pour un retraité à un actif pour un retraité.
    Ce rapport a déjà été divisé par deux entre 1960 et 2000, passant de quatre actifs pour un retraité à deux actifs pour un retraité. Or non seulement le montant des retraites n'a pas diminué mais il a progressé. Pourquoi ? Parce que le choix a été fait de consacrer la part nécessaire de la richesse nationale à leur financement.
    Il faut donc, d'ici à 2040, amplifier cet investissement social, ce que refuse le patronat, dont vous êtes le relais. Il faut également maintenir le système par répartition, car il est juste et car c'est possible, pour peu que notre société continue, comme nous le souhaitons, de rester solidaire.
    M. le président. L'amendement n° 3180 n'est pas défendu.
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l'amendement n° 3181.
    Mme Jacqueline Fraysse. Vous l'avez compris, pour l'avoir souvent entendu, nous sommes attachés au principe de la retraite par répartition. Mais nous sommes également attachés à ce que les niveaux de pension soient suffisamment élevés pour permettre une existence digne à celles et ceux qui ont travaillé et cotisé toute leur vie, quelle que soit la profession qu'ils aient exercée. Or la suppression, en 1993, de l'indexation des pensions sur l'évolution des salaires contenait déjà en elle les germes d'une remise en cause du statut même des retraites.
    Les retraites sont des revenus du travail. Elles sont un droit, un acquis des avancées sociales de la Libération. Supprimer cette indexation, c'était reconnaître un statut dérogatoire aux revenus des inactifs, multiplier les catégories afin d'opacifier le fonctionnement du système et dénouer les solidarités. La diversification des contrats de travail et l'opposition encouragée entre salariés du public et ceux du privé s'inscrivent dans la même logique : diviser les catégories pour empêcher les mobilisations unitaires.
    Les syndicats, les associations de retraités et divers organismes officiels évaluent en moyenne à plus de 10 % la régression du pouvoir d'achat des retraites sur les dix dernières années. Les taux de remplacement des revenus moyens d'activité des secteurs public et privé sont aujourd'hui en moyenne de l'ordre de 76 %. D'après le Conseil d'orientation des retraites, au rythme des effets des réformes antérieures, le taux de remplacement moyen du secteur privé descendrait à 64 % d'ici à 2040. Le niveau et l'évolution négative sont sensiblement les mêmes dans le régime général et le secteur public.
    La supression, par la loi Balladur de 1993, de l'indexation des retraites du régime général sur les salaires et son remplacement par l'indexation sur les prix a rompu le lien de solidarité intergénérationnel qui est à la base du système par répartition. De même, l'application des accords AGIRC-ARRCO sur les retraites complémentaires de 1993, 1994 et 1996 a fortement amplifié cette tendance.
    Les prélèvements sur les retraites institués à partir de 1980 par le gouvernement Barre ont été, au total - cotisation maladie, CSG, CRDS -, multipliés par 2,5 entre 1993 et 1997, tant pour les retraités du régime général que pour ceux du secteur public. L'égalité de traitement, à laquelle vous tenez tant, elle se pratique sur les prélèvements, qui représentent annuellement près d'un mois de retraite net ! Ainsi, loin d'être des nantis, les retraités sont parmi les oubliés de la croissance.

    Il y a donc une urgente nécessité à inverser la tendance et, pour cela, à fixer des garanties permettant la revalorisation effective des retraites et le rattrapage du pouvoir d'achat perdu.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement n° 3182.
    Mme Muguette Jacquaint. La retraite par répartition répond, ainsi que vient de l'indiquer Jacqueline Fraysse, à un souci de justice et d'efficacité sociales. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez souligné dans vos différentes interventions que nombre de pays de l'Union européenne nous enviaient ce système qui traduit la reconnaissance de la communauté nationale envers ceux qui, en travaillant, ont contribué toute leur vie aux avancées de notre société.
    Mais la retraite par répartition est en danger. Il ne suffit pas d'affirmer solennellement qu'on veut la protéger et qu'elle constitue un acquis social inaliénable, encore faut-il inscrire ce principe dans le texte.
    Je rappelle que si la loi n'affirme pas le droit à la répartition pour les petits salaires, et surtout le droit de partir à la retraite à taux plein à soixante ans, elle sera en contradiction avec la loi relative au régime par répartition. Le droit à une bonne retraite ne sera plus accessible qu'aux riches, à ceux qui ont assez de revenus pour se permettre de payer une assurance. Vous ne ferez donc une loi que pour les hauts revenus.
    Or il existe de nombreuses solutions pour maintenir la possibilité de toucher une bonne retraite par répartition et à taux plein à soixante ans. Il y a aussi plusieurs options, que vous n'avez pas voulu étudier, pour assurer le financement de ce grand principe. Si vous n'inscrivez pas dans le marbre de la loi la possibilité d'une bonne retraite à taux plein - qui doit, à l'évidence, être assurée par la répartition -, vous briserez l'égalité des citoyens devant les risques de la vieillesse. Aux gros revenus, tous les avantages de la liberté de choix ; aux petits salaires le choix entre partir à la retraite avec une misère ou de continuer à travailler après soixante ans, voire après soixante-cinq ans... et peut-être ne verront-ils pas la retraite du tout !
    Oui, la retraite par répartition assure l'égalité. Ne pas la respecter, c'est creuser les inégalités qui existent déjà et que nous dénonçons.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 3183.
    M. Maxime Gremetz. A la suite de mes collègues, je voudrais appeler l'attention sur le fait que le Gouvernement multiplie les contrevérités, dans une campagne de communication sans précédent, en proclamant qu'il veut sauver le système par répartition.
    Tout d'abord, il cherche à faire oublier qu'une réforme de grande ampleur est enclenchée depuis 1993 pour les salariés du privé. Vous avez du reste confirmé, monsieur le ministre, que vous la prolongez jusqu'en 2020 et vous l'avez même aggravée sur plusieurspoints.
    En vérité, nous discutons d'une réforme que l'on pourrait qualifier de réforme « Fillon-Balladur » et qui est d'une extrême sévérité pour tous les salariés, en particulier pour ceux du privé. C'est, en clair, l'égalité dans la régression.
    Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, supposez que les fortes baisses des pensions que vous programmez seront compensées par un allongement sans précédent de la durée d'activité. Je rappelle que, selon les chiffres officiels, la durée moyenne validée est aujourd'hui d'environ trente-cinq ans dans le secteur privé et de trente-deux ans et demi dans la fonction publique. Est-il raisonnable de penser que tout salarié travaillera quarante-deux ans en 2020, condition pour toucher une retraite à taux plein ? Non. Et les pensions baisseront de manière importante. La réforme proposée est par conséquent un marché de dupes.
    Le Gouvernement prétend garantir le pouvoir d'achat des retraites. C'est une illusion, car la seule indexation sur les prix ne permet pas aux retraites de suivre l'évolution des salaires qui, sur le moyen terme, est sensiblement plus favorable, toutes les courbes le montrent. Ainsi, les retraités du privé ont-ils déjà perdu 10 % depuis 1994 par rapport aux salaires du simple fait du changement de mode d'indexation ; il y a donc tromperie.
    Enjeux sociaux et enjeux financiers sont étroitement liés. Alors qu'il faudrait, je le rappelle, 90 milliards pour maintenir et améliorer les retraites sur la base des droits en vigueur avant la réforme de 1993, le Gouvernement a fait le choix de rechercher des économies au lieu de trouver de nouvelles ressources. Il ne peut pas dire qu'il sauve le régime par répartition. C'est tellement évident qu'il prévoit la possibilité de cumul d'un emploi avec la retraite. Ce sera effectivement le sort des salariés qui auront une toute petite pension et qui devront, demain, la compléter.
    Vous entendez, de plus, développer une épargne retraite qui est l'amorce des fonds de pension. Les fonds de pension étaient arrivés jusque chez nous. Je vois encore notre ancien collègue M. Thomas. Certes, cela ne lui a pas porté chance, il n'est plus parmi nous aujourd'hui.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais chez Lazard, il va bien !
    M. Maxime Gremetz. Sans doute, mais il n'est plus parmi nous.
    M. Alain Marty. Il y en a d'autres ! (« Le camarade Hue par exemple ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. C'est tout à son honneur : il avait des convictions, il a défendu la loi instituant les fonds de pension et la majorité l'a votée.
    M. le président. Concluez, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Il nous a fallu quatre ans d'acharnement pour faire abroger cette loi. Heureusement, nous l'avons fait avant que vous ne reveniez au pouvoir.
    Maintenant, vous ne pouvez pas la reintroduire directement. Alors on baisse les pensions, on nous explique qu'il faut compléter sa petite retraite pour demain et on amorce la pompe des fonds de pension.
    C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui est très important.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 3184. Une intervention peut-être plus rapide...
    M. Jean-Pierre Brard. Vous savez, la rapidité est une notion bien relative.
    M. le président. J'en suis d'accord, monsieur Brard, mais la lenteur aussi.
    M. Jean-Pierre Brard. Newton l'a fort bien expliqué.
    M. Maxime Gremetz. Einstein aussi !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, mais pas dans le même sens.
    Il est indiqué dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 que la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, de la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
    Eh bien, je le répète, ce que vous proposez, monsieur le ministre, constitue une rupture avec le passé. Je l'ai démontré tout à l'heure en citant Sénèque et hier en montrant qu'en fin de compte, le processus qui s'est développé peu à peu était né en France en 1944. C'est la première fois dans l'histoire de notre pays que l'on va réduire et le temps qui reste disponible après le travail et les revenus qui vont avec.
    Quoi que vous en disiez, et nous y reviendrons avec des exemples précis, qu'avec méticulosité nous allons vous asséner jusqu'à ce que l'opinion soit complètement convaincue - encore qu'on n'ait guère besoin d'user de persuasion, si j'en juge par le nombre de Françaises et de Français qui, depuis des semaines, battent le pavé de nos villes, vous rompez avec une tradition qui plonge ses racines dans la période de la Révolution française.
    Parmi ceux qui ont préparé la Révolution française, peut-être sans le savoir, l'abbé Mably fait, en 1774, de la commercialisation des produits de première nécessité et de la protection des conditions d'existence une obligation de l'Etat et une propriété sociale appartenant à tous les citoyens : « Si les pauvres sont citoyens comme les riches, si de trop grandes richesses d'une part et une trop grande pauvreté de l'autre multiplient les vices d'une société et la plongent dans les plus grands malheurs, qui sera l'homme assez raisonnable pour prétendre qu'une saine politique ne peut prescrire aux riches les conditions auxquelles ils jouiront de leur fortune et les empêcher d'opprimer les pauvres ? ».
    Après les pères fondateurs de la Révolution, il y a ceux qui l'ont faite, je pense à quelqu'un qui vous donne encore le grand frisson, plus de deux siècles après, Maximilien Robespierre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. Vous avez perdu la tête !
    M. Jean-Pierre Brard. Qu'est-ce que je vous disais ?
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Jean-Marie Le Guen. Ne lui coupez pas la parole !
    M. Jean-Pierre Brard. Dès qu'on parle de Robespierre et de Saint-Just, ils se réveillent, parce que ces hommes sont précisément le symbole de l'intégrité morale, de la justice et de l'égalité, même s'ils ne sont pas les seuls à avoir incarné ces valeurs pendant la Révolution.
    En avril 1791, Robespierre dénonce l'aristocratie la plus insupportable de toutes, celle des riches. Il ajoute : « le peuple ne demande que le nécessaire, il ne veut que justice et tranquillité. Les riches prétendent à tout ». Vous en connaissez, monsieur le ministre, j'ai ici une liste de 500 personnes. Votre collègue Jean-François Copé m'a reproché...
    M. le président. Coupez, maintenant !
    M. Jean-Pierre Brard. ... de toujours faire la promotion de Mme Bettencourt.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. Eh bien, il y en a d'autres que je peux citer si vous le souhaitez.
    « Les riches prétendent à tout ; ils veulent tout envahir et tout dominer. » Voyez, monsieur le président, cela n'a pas beaucoup changé. « Les abus sont l'ouvrage et le domaine des riches, ils sont les fléaux du peuple. L'intérêt du peuple est l'intérêt général, celui des riches l'intérêt particulier. » Et Maximilien Robespierre ajoutait, le 2 décembre 1792 : « Quel est le premier objet de la société ? C'est de maintenir les droits imprescriptibles de l'homme. Quel est le premier de ces droits ? Celui d'exister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société des moyens d'exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là. »
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. « La propriété n'a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c'est pour vivre d'abord qu'on a des propriétés. Il n'est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes. »
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est fondamental !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 3178 à 3184 ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les références qui se succèdent sont toutes de nuance, de délicatesse et d'apaisement. De Marx, nous sommes passés à Robespierre.
    M. Jean-Pierre Brard. Il vous fait encore peur !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il est vrai qu'avec la méthode de Robespierre, le problème des retraites ne se posait guère pour ceux qui croisaient son chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous préférez certainement Barras et les autres !
    M. le président. Monsieur Brard, s'il vous plaît, laissez parler le rapporteur.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela étant, tous les thèmes évoqués dans les interventions de nos collègues communistes,...
    M. Jean-Pierre Brard. ... et républicains ! Vous avez du mal à vous décoincer !
    M. Alain Marty. En effet, on a du mal !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... c'est-à-dire la volonté de sauver la répartition, d'assurer un bon niveau de remplacement, de financer les retraites et surtout le fait que l'immobilisme ferait courir un danger, trouvent des réponses dans le texte proposé par le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle la commission a rejeté tous ces amendements.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est incroyable !
    M. Jean-Pierre Brard. Quel dommage !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Le ministre est un authentique républicain.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. De tels amendements sont inutiles car ils reprennent, dans une bien moins bonne rédaction, l'article 1er, qui affirme le principe de la répartition comme fondement de notre système de retraites.
    Je profite de l'occasion pour répondre à la question posée par M. Gremetz sur le chiffrage du projet du parti communiste. Le chiffre de 56 milliards d'euros que j'ai donné pour le régime général représente le coût des mesures supplémentaires que propose le groupe communiste.
    M. Maxime Gremetz. Et républicain.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et républicain. Naturellement, de telles mesures ne permettraient pas de réduire le besoin de financement initial, qui était de 15 milliards.
    M. Pierre Hellier. C'est en plus, effectivement.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faudrait donc ajouter 15 milliards à 56 milliards, soit 71 milliards, auxquels on doit évidemment ajouter le financement des retraites de la fonction publique. Mon chiffrage précédent était de fait assez imprécis. Je m'en suis aperçu grâce à vous. Le chiffre de 28 milliards d'euros que j'ai donné correspond au besoin de financement actuel. Mais le groupe communiste et républicain a certainement beaucoup d'imagination pour améliorer les retraites des fonctionnaires. Le calcul devrait donc être révisé à la hausse. En restant au chiffrage actuel, le régime général et les régimes de la fonction publique auraient en tout cas besoin de 99 milliards d'euros en 2020 pour être équilibrés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous voyez, monsieur Brard, je n'étais pas loin du compte.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je vous demande d'ores et déjà, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance après le vote sur ces amendements.
    M. le président. Elle était déjà prévue après le vote de ces amendements.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 3178 à 3184.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Je suis saisi de cent quarante-neuf amendements identiques n°s 250 à 398, déposés par Mme Adam et des membres du groupe socialiste ou apparentés.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Il garantit à chacun un niveau élevé de pension. »
    Pour la clarté des débats, je vous propose que le premier amendement soit présenté par M. Terrasse, puis que les membres du groupe socialiste qui souhaitent intervenir lèvent la main et je leur donnerai la parole successivement, nous allons noter leurs noms.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. En préambule, je ne peux que regretter, comme je l'ai fait en commission des affaires culturelles, qu'aucun des amendements que nous avons déposés n'ait fait l'objet d'un avis favorable, d'autant que la précédente majorité acceptait toujours des amendements de l'opposition au cours de la dernière législature.
    En réponse à Gaëtan Gorce, qui a soutenu la motion de renvoi en commission, vous nous avez reproché, monsieur le ministre, de n'avoir pas de projet alternatif. Nous allons donc vous démontrer le contraire tout au long de la discussion des articles en vous présentant toute une série de propositions. Cet amendement me permet de vous dire à quel point votre projet de loi nous inquiète, notamment en ce qui concerne le niveau des pensions. A nos yeux, il est important d'inscrire dans la loi, en préambule à l'article 1er, que le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. C'était d'ailleurs le thème développé dans le premier rapport remis au COR. En outre, ce système doit garantir un haut niveau de pension. Or rien, dans la réforme que vous nous proposez, n'est de nature à rétablir la confiance. En effet, le niveau des retraites va se dégrader par rapport aux revenus d'activité, ce qui, à terme, laissera inéluctablement le champ libre à la capitalisation. Nous avons eu l'occasion de le dire dans la discussion générale, mais nous le rappellerons tout au long de ce débat !
    Les travaux du COR ont clairement démontré qu'avec l'indexation des salaires, qui, dans quelques années, portera sur les vingt-cinq dernières années, et la réforme Balladur, le taux de remplacement brut va petit à petit se dégrader par rapport au dernier salaire et que, dans certains cas, il devrait diminuer jusqu'à 41 % à l'horizon 2008. Nous souhaiterions savoir ce que M. le ministre pense des prévisions du COR. La même évolution négative est en cours dans les régimes complémentaires. Le COR a également démontré que le taux de remplacement net du salaire moyen ARRCO devrait passer, petit à petit, de 29 % aujourd'hui à 21 % en 2020 et à 19 % en 2040. Là encore, nous voudrions savoir ce que M. le ministre en pense. Au total - régime de base et régimes complémentaires -, le taux de remplacement net passera, dans cet exemple, de 84 % aujourd'hui à 70 % en 2020. Il subira donc une dégradation très forte. Comment pouvez-vous défendre la répartition alors même que vous n'entreprenez rien pour stopper cette érosion ? Celle-ci est d'ailleurs très insidieuse. Vous allez certainement nous répondre que les retraites vont augmenter en valeur absolue. Mais, vous le savez, là n'est pas le problème. La vraie question, celle que se posent les Français et à laquelle nous attendons qu'il soit répondu, c'est : « combien vais-je perdre quand je partirai à la retraite ? »
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est de la désinformation !
    M. Pascal Terrasse. Vous n'avez jamais répondu à cette question très claire, très simple : combien les Français vont-ils perdre en termes de retraite, notamment en raison de la baisse du taux de remplacement ? Cela sera-t-il supportable pour eux ? Nous pensons que non. Les partenaires sociaux étaient unanimes sur ce point lors des travaux qui ont été menés au sein du COR. D'ailleurs, la plate-forme commune des organisations syndicales a mis en évidence, dès le début, le risque, à terme, d'une forte dégradation du taux de remplacement due à la réforme Balladur qui est en cours et à celle que vous nous proposez. Dès lors, les retraités chercheront à épargner.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. L'épargne est très importante dans notre pays. Or plus les Français épargnent, moins la croissance est vigoureuse. Et si la croissance n'est pas au rendez-vous, cela signifie moins d'emplois : on le voit bien cette année. Avec le système que vous proposez, les retraités vont s'appauvrir petit à petit et, par voie de conséquence, le chômage va peu à peu remonter.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela n'a rien à voir avec le texte !
    M. Pascal Terrasse. Or, quand le chômage évolue à la hausse, cela signifie moins de rentrées pour les caisses d'assurance vieillesse : on le voit depuis des mois. Si vous voulez garantir le système de retraite par répartition, comme vous le dites, il est donc important d'inscrire dans la loi que ce système doit garantir un niveau élevé de pension.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
    M. Jean-Marc Ayrault. Il faut que le Gouvernement nous réponde précisément sur le niveau des pensions et du taux de remplacement. Vous nous avez dit, monsieur le ministre des affaires sociales, que vous garantissiez le niveau des retraites, mais on peut en douter quand on se penche sur les cas types que vous avez cités dans votre campagne de communication. En effet, d'autres simulations donnent des résultats très différents et indiquent un niveau moyen de baisse des pensions de 15 % à 20     %, parfois même plus, à l'horizon 2020. Vous prétendez, par exemple, garantir 85 % du SMIC en 2008 au « manoeuvre Gilbert », dont vous avez parlé dans les journaux et dans votre campagne de communication, mais qui nous dit que ce sera vraiment le cas ? Nous nous interrogeons, parce que j'imagine que ces 85 % du niveau du SMIC c'est retraite complémentaire comprise. En tout cas, il faudra nous dire si c'est bien cela. Une incertitude pèse sur le résultat de la négociation qui s'engage maintenant entre les partenaires sociaux, les organisations syndicales et le MEDEF sur l'avenir des retraites complémentaires, et nous connaissons le point de vue du MEDEF, qui est en général peu généreux, et très silencieux ces derniers temps. Dès lors, comment pouvez-vous affirmer que vous allez garantir 85 % du SMIC ? Du reste, nous pensons que ce taux est insuffisant. Nous nous sommes prononcés pour 100 % du SMIC, pas moins, mais vous devez nous éclairer. Dans vos différentes interventions, vous ne parlez pas des retraites complémentaires et nous souhaiterions avoir des explications sur ce point.
    S'agissant des fonctionnaires, il y a également plusieurs cas types. Pour un enseignant qui a commencé à travailler à vingt-cinq ans et qui part à la retraite à soixante ans, le taux de remplacement, après trente-cinq ans de cotisation, serait aujourd'hui égal à 70 % du salaire des six derniers mois d'activité. Mais, si votre réforme est votée, un tel enseignant partant à la retraite en 2020 ne percevra plus que 47 % de son salaire des six derniers mois d'activité. Le taux de remplacement aura baissé de vint-trois points. Qui dit la vérité ? Ce débat doit nous permettre de savoir si le niveau des pensions sera vraiment garanti. Les différents exemples, du secteur privé comme du public, montrent qu'il y a vraiment de quoi s'interroger. Maintenant que nous avons entendu les déclarations générales des uns et des autres sur la philosophie même de ce que doit être une réforme garantissant le régime de retraite par répartition, il faut aborder les cas concrets et nous vous demandons, monsieur le ministre, de nous dire point par point, précisément, chiffres à l'appui, quel sera le niveau des pensions si votre réforme des retraites est adoptée.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Comme je l'ai indiqué en défendant la motion de renvoi en commission, et comme Jean-Marc Ayrault vient de le dire, la question est bien de savoir quel niveau de pension le système de retraite par répartition pourra garantir. Nous craignons que la dégradation du taux de remplacement ne continue à se poursuivre de façon mécanique, compte tenu des dispositifs mis en place. En effet, ce taux de remplacement est calculé sur la base du dernier revenu d'activité. Mais le revenu d'activité va progresser plus vite que la référence et suivre l'évolution du pouvoir d'achat, tandis que la pension, elle, ne progressera qu'au rythme de l'inflation.
    On assistera donc à un décrochage, encore accentué par le phénomène de décote. Par ailleurs, certains salariés ne pourront pas retarder leur départ à la retraite n'ayant pas le nombre d'annuités suffisant, ils ne pourront bénéficier du taux plein.
    On assistera donc à une dégradation sensible. Le comité d'orientation des retraites a estimé qu'en moyenne les dispositions proposées se traduiraient par une baisse de 78 à 64 % du niveau moyen de la pension accordée à un salarié lors de son départ à la retraite. Or c'est bien là la question centrale.
    M. Jean-Jacques Descamps. Et si on ne fait rien ?
    M. Gaëtan Gorce. Si on ne fait rien, ce sera pire ! Tout le monde est d'accord pour considérer qu'il faut faire quelque chose. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous donnez le sentiment de le découvrir chaque fois. Comme si nous y étions opposés ! Mais cessez cette caricature ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Sortez de ce faux débat ! Chacun est d'accord pour considérer qu'une réforme est nécessaire !
    M. Jean-Jacques Descamps. Proposez quelque chose !
    M. Gaëtan Gorce. Ne pensez pas que vous êtes les seuls réformateurs ! Nous avons d'ailleurs dû gérer les conséquences des réformes que vous avez tentées, une fois que nous sommes revenus aux responsabilités. Nous ne voudrions pas que cela recommence ! Autant que cette réforme soit réussie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Evitons que des centaines de milliers de personnes ne descendent dans la rue pendant des années pour contester la mise en oeuvre de la réforme lorsqu'ils prendront conscience de ce que vous êtes en train de décider (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et qui se traduira par une baisse du niveau des pensions par rapport au dernier revenu d'activité.
    Vous devez expliquer le niveau de retraite jugé juste et légitime par rapport au dernier revenu d'activité. Est-on prêt à accepter une baisse concrète de 20 % par rapport à la situation actuelle ? On aurait dû engager ce débat avec les partenaires sociaux, comme avec les Français car la véritable question est bien là.
    Le ministre nous a répondu que nous n'avions pas de propositions. Or nous sommes dans un débat contraint. Nous savons que nous ne pouvons agir que sur un certain nombre de leviers. Quel dosage souhaitons-nous ? La véritable question est bien celle-là. Mais le problème est qu'elle n'a jamais été clairement débattue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    On n'a pas demandé aux partenaires sociaux comment il faudrait faire évoluer les prélèvements pour assurer un niveau de pension élevé. Quel niveau de pension estime-t-on nécessaire dans le cadre d'un régime de répartition ? C'est la question centrale. Si on ne lui apporte pas de réponse claire, le système de répartition risque en effet d'être menacé.
    M. Philippe Cochet. Et vous, pendant cinq ans, qu'avez-vous fait ? Rien !
    M. Gaëtan Gorce. Je regrette, quant à moi, que le Gouvernement ne nous dise pas clairement : « Oui, c'est vrai, nous faisons en sorte que le niveau de pension ne tombe pas en dessous de la barre des 50 %. Mais nous assumons une baisse de 20 %. »
    Ce débat mérite d'être engagé. Tel est le message que nous voulons faire passer avec cet amendement et ceux qui suivront.
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Garantir le niveau des retraites est une exigence sociale forte de nos concitoyens ; c'est aussi une exigence économique. Pour y parvenir, le Gouvernement mise essentiellement sur une hypothèse de réduction du chômage. Lorsqu'on entend le ministre, nous sommes tout de même un peu inquiets, car nous considérons que le pari est très risqué.
     Les retraites représentent aujourd'hui 11,6 % du produit intérieur brut. En 2040, elles devraient en représenter entre 16 et 18 %. Le conseil d'orientation des retraites a déterminé le niveau du besoin de financement des retraites, pour la période 2000-2040, en retenant comme hypothèse un taux de chômage de 4,5 % à partir de 2010. Le Gouvernement, pour sa part, a retenu à peu près le même chiffre pour 2008. Mais quand on connaît la situation économique et sociale, on peut avoir quelques doutes.
    Gaëtan Gorce l'a très bien démontré en défendant sa motion de procédure : sans politique de l'emploi, comment voulez-vous, monsieur le ministre, atteindre ce résultat en 2008 ?
    A législation constante, compte tenu de l'évolution démographique et en dépit de cette diminution du chômage, le besoin de financement s'accroîtra, pour atteindre 1,8 % du PIB en 2020 et environ 3,8 % en 2040. Le besoin de financement supplémentaire s'élèvera progressivement chaque année, pour atteindre 38 milliards d'euros en 2020 et 106 en 2040. A titre de comparaison, la promesse électorale de baisse des impôts de Jacques Chirac représente 0,8 % du PIB actuel, soit 18 milliards d'euros. Il aurait été beaucoup plus judicieux d'employer ces 18 milliards d'euros à la réforme des retraites, notamment en abondant le fonds de réserve des retraites.
    Le développement de l'emploi est la meilleure garantie pour les retraites par répartition. Le gouvernement précédent avait travaillé en ce sens, puisque 900 000 emplois avaient été créés. La meilleure façon d'assurer les retraites c'est de créer de l'emploi, et donc des cotisations.
    Réduire le taux de chômage de 4,5 % à 3 % réduirait le besoin de financement de 0,4 point du PIB. Cela supposerait que la politique économique du Gouvernement soit tournée vers l'objectif du plein emploi. On en est loin ! Le Gouvernement, en refusant de soutenir la consommation des Français - notamment des revenus moyens et modestes - et en multipliant les avantages fiscaux des plus aisés - qui, évidemment, se tournent vers l'épargne et non pas la consommation -, mène une politique dont les conséquences sont le ralentissement de la croissance et la hausse du chômage. Notre pays compte 100 000 chômeurs de plus depuis un an. L'échec du Gouvernement en la matière est patent et conduit à des pertes de ressources considérables pour les régimes de retraite.
    Préjuger la baisse du chômage relève, comme on l'a dit tout à l'heure, du pari, d'un pari risqué, voire du calcul.
    M. Yves Bur. Vous avez fait le même pari ! Ne reniez pas ce qu'a dit votre ancien Premier ministre !
    M. Philippe Vuilque. Si l'intention du Gouvernement avait été de démontrer que le système par répartition n'est pas finançable, il ne s'y serait pas pris autrement.
     En total décalage avec la politique économique suivie, son projet suppose une diminution de moitié du chômage d'ici à 2007 et le transfert des excédents de l'UNEDIC vers les retraites. Mais, l'UNEDIC est un régime paritaire où les partenaires sociaux décident de l'affection des éventuels excédents de cotisations et de l'éventuelle hausse des indemnités. L'Etat ne peut pas disposer de ces ressources, à moins de à remettre en cause la gestion paritaire de l'assurance chômage. Encore une fois, le Gouvernement prend un risque s'agissant de l'avenir de ces négociations.
    Enfin, le fonds de réserve des retraites n'est pas abondé par le projet du Gouvernement. Ce fonds de réserve, créé en 1998, vise à constituer une épargne collective par l'accumulation des ressources prévues pendant vingt ans, précisément pour sécuriser le financement des retraites par répartition au-delà de 2020.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. Il s'agit d'amortir la moitié du coût supplémentaire des retraites.
    Monsieur le ministre, en bref, votre réforme n'est pas financée. Vous faites un pari sur l'avenir bien risqué, pari que vous ne pourrez pas tenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Julien Dray. Où est Jacques Barrot ? On nous a annoncé, à la télévision, qu'il était présent dans l'hémicyle ! Mensonge !
    M. Jean-Luc Warsmann. Il était là il y a un instant ! C'est lui faire un mauvais procès. Et vous ? Vous venez d'arriver !
    M. Patrick Ollier. Monsieur Dray, on ne vous avait pas encore vu dans le débat. Ne commencez pas !
    M. le président. Seul M. Bonrepaux a la parole.
    M. Augustin Bonrepaux. Si je peux la prendre, monsieur le président.
    Nous souhaitons garantir à chacun un niveau élevé des pensions. Le projet du Gouvernement ne prend pas le problème de la réforme comme il convient, puisqu'il s'appuie sur l'allongement des cotisations et non sur le niveau des pensions, auquel, vous le savez, les travailleurs sont particulièrement attachés.
    L'allongement de la durée de cotisation se traduira par une réduction du niveau des pensions. Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples, en commençant par les enseignants.
    Aujourd'hui, les enseignants commencent à travailler à l'âge de vingt-quatre, vingt-cinq ans, quand ils sont professeurs des écoles. Certes, jusqu'à l'année dernière encore, ils pouvaient être maîtres d'internat, surveillants d'externat, et donc commencer à cotiser à vingt ans ; mais vous avez supprimé ce statut. Ces enseignants prendront donc leur retraite au bout de quarante ans, c'est-à-dire à soixante-quatre ou soixante-cinq ans.
    Seulement, avec la réduction des moyens alloués à l'éducation nationale, le travail des enseignants devient de plus en plus difficile. Dans ces conditions, certains sont tentés d'arrêter de travailler avant soixante ans. Résultat : ou ils arrêteront avant soixante ans, ou ils continueront dans des conditions extrêmement difficiles.
    M. Yves Bur. N'exagérez pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Du calme, monsieur Bur !
    M. Julien Dray. Ils ne savent pas ce qu'est une ZEP, car ils habitent dans le 16e arrondissement ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. Le statut des enseignants ne semble pas vous préoccuper !
    Monsieur le président, il n'est pas normal qu'on m'interrompe sur une question aussi importante ! (« En effet ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est scandaleux !
    M. Augustin Bonrepaux. Je constate que, lorsque les enseignants prendront leur retraite à soixante ans, du fait de la décote, leur pension diminuera. Et s'ils continuent à travailler, c'est leur santé qu'ils mettront en jeu.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vous qui auriez besoin d'un bon repos !
    M. Augustin Bonrepaux. Ils ne pourront donc pas travailler de manière aussi efficace.
    Je prendrai un autre exemple, celui des travailleurs de l'équipement, dont a parlé Pascal Terrasse avant-hier. J'ai d'ailleurs noté que la réponse du ministre de l'aménagement du territoire ne paraissait pas tenir compte de la réalité. Bien sûr, ceux qui ne vivent pas en zone de montagne ne connaissent pas ce problème. L'hiver, ces personnels travaillent sans interruption dès cinq heures du matin pour déneiger les routes. Ces conditions sont difficiles et dangereuses ; il leur faut intervenir dans la tourmente. C'est pourquoi leur travail est classé comme pénible et qu'ils peuvent prendre leur retraite à cinquante-cinq ans. Le ministre de l'aménagement du territoire nous a répondu qu'ils pourraient toujours prendre leur retraite à cinquante-cinq ans. Certes, mais avec quel niveau de retraite ?
    M. Pascal Terrasse. Là est la question !
    M. Augustin Bonrepaux. Il leur faudra avoir cotisé quarante ans, puis quarante-deux. A défaut, ils se verront appliquer une décote. Votre projet de réforme se traduit donc bien par une réduction du niveau des pensions. Or nous, nous voulons garantir ce niveau.
    Bien sûr, vous avez toujours de bonnes raisons pour faire vos mauvais coups. Vous nous expliquez qu'il faut assurer l'équilibre des retraites et la pérennisation du système par répartition. Mais, monsieur le ministre, il y a une autre solution : trouver d'autres financements. Vous avez fait des gorges chaudes d'un article paru aujourd'hui dans Libération en disant : « Vous voyez, on ne peut pas taxer le capital. Même vos amis le disent ! »
    M. le président. Il faut conclure !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais c'est très important ! (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Nous sommes au coeur du sujet !
    M. Augustin Bonrepaux. M. le ministre a une lecture sélective. Il a oublié une petite phrase que je vais me permettre de lui lire : « Ce que proposent aujourd'hui les promoteurs de la taxation du capital, c'est d'introduire une dimension solidariste, et, de fait, capitalistique, dans un système contributif et de répartition ; c'est-à-dire d'altérer sensiblement le modèle mis en place en 1945. Pour la part des retraites qui relève de la solidarité, les petites retraites notamment, la démarche est légitime. »
    M. Claude Bartolone. Voilà !
    M. le président. Veuillez conclure !
    M. Augustin Bonrepaux. Or nous proposons justement qu'une part du capital finance la solidarité pour les retraites.
    M. Pascal Terrrasse. Très bien !
    M. Augustin Bonrepaux. Je crois donc que nos amendements se justifient tout à fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Où est M. Barrot ?
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Monsieur Dray, vous pouviez arriver tardivement, mais discrètement.
    M. Julien Dray. C'est que je cherche M. Barrot ! On nous a dit à la télévision qu'il était dans l'hémicycle.
    M. Jean-Luc Warsmann. Quelle mauvaise foi !
    M. Patrick Ollier. Tout à l'heure, il était là. Mais il était tellement déçu de ne pas vous y voir qu'il est reparti !
    M. le président. Ecoutez Mme Lebranchu !
    Mme Marylise Lebranchu. Je crois qu'après cette discussion, il faudra une suspension de séance pour chercher M. Barrot. Sinon, on ne s'en sortira pas.
    Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces amendements se justifient d'autant plus que, depuis l'annonce des mesures contenues dans ce projet de loi, nous avons tous été attentifs à ce qui se manifeste, tant à l'extérieur que dans les comportements. Chacun d'entre nous a l'habitude, dans sa circonscription, d'observer les offres et les demandes d'emplois. Vous remarquerez que, depuis ce que vous avez appelé la fin des « négociations », la majorité des organismes bancaires publient des offres d'emplois de conseiller clientèle. Comme vous, sans doute, cela m'a fait réfléchir et j'ai interrogé deux responsables de secteur, qui m'ont dit que s'exprime déjà une demande de produits d'épargne de substitution.
    Après ce que nous a expliqué hier M. Le Garrec, qui préside ce soir notre séance, ce qui me fait le plus peur, ce n'est pas ce qui se passe dans la rue, mais le fait qu'un certain nombre de gens, qui ne s'expriment pas, ou peu, ont déjà intégré le fait que le taux de remplacement va baisser définitivement. Sans qu'il soit même nécessaire de rappeler les chiffres que j'avais préparés - l'occasion s'en présentera au cours du débat -, je soulignerai que les comportements d'épargne dite « de précaution » reprennent, en particulier chez ceux qui perçoivent des salaires modestes, de 1 700 à 1 900 euros par mois, selon un responsable d'organisme bancaire.
    Il faut savoir aussi qu'en période de reprise du chômage, ce n'est pas seulement pour soi que l'on recourt à l'épargne de précaution puisque, comme cela a déjà été dit, de nombreux parents ou grands-parents viennent au secours de leurs enfants ou petits-enfants qui ont des difficultés à trouver du travail.
    Je me souviens des discussions que nous avons eues en 1997 après une dissolution, qui reposait sur un constat simple : l'échec, bien sûr, d'un essai de réforme des retraites, mais aussi un quasi-drame budgétaire, puisque le Président de la République et le Premier ministre ne voyaient pas comment faire le budget. Les discussions tenues cet été-là portaient essentiellement sur la question de savoir comment sortir de cette impasse, comment relancer la croissance et soutenir la consommation.
    En effet, la conjoncture économique est quelque chose que l'on pilote, pas quelques chose que l'on subit, même si elle est très forte. On peut relancer l'espoir : je me souviens de l'effet sur le consommation très net qu'a eu l'allocation de rentrée scolaire, trois semaines après l'annonce de la mesure, ou de celui qui a suivi l'annonce des emplois jeunes et des 35 heures. L'épargne de précaution qui se constitue, lorsque le chômage augmente, a cédé à ce signe positif d'espoir et de reprise, reprise qui a d'ailleurs eu lieu, avec une croissance supérieure à celle de nos voisins européens.
    Aujourd'hui, nous nous trouvons dans la situation inverse : au-delà de la rage que l'on nous décrit dans la rue, une rage silencieuse conduit à cette épargne de précaution. Dans un communiqué qui n'a pas fait beaucoup de bruit, mais qui a retenu notre attention, l'Union des artisans, l'UPA, a déclaré que près de 90 % de la réforme lui convenait, mais qu'il manquait une mesure essentielle : une nouvelle assiette de cotisation pour répondre aux besoins des retraites et continuer à soutenir la consommation dans ce pays.
    En discutant avec d'autres membres de mon groupe, j'ai constaté que nous avions le même retour de ces petits entrepreneurs. Ils ne sont guère que 900 000, monsieur le ministre, et vous n'avez peut-être pas le loisir de les rencontrer...
    M. Yves Bur. Ils sont assez grands pour se défendre !
    Mme Marylise Lebranchu. On peut les écouter sans vouloir penser à leur place, monsieur Bur. Et ils nous disent essentiellement deux choses. Premièrement, ils ont besoin de consommateurs et donc d'une relance du marché intérieur. Deuxièmement, ils sont d'accord avec nous et avec le COR pour constater la nécessité d'une réforme des retraites, mais ils demandent instamment que l'on procède à une étude sérieuse du problème du taux de remplacement sous l'angle de la consommation, afin d'éviter que la baisse de ce taux ne provoque un pic négatif de consommation, sur quatre, cinq, voire dix ans, auquel leurs entreprises ne pourraient pas résister.
    En termes de conjoncture économique, puisque vous ne voulez pas débattre en termes de cohésion sociale, cela me semble un argument important et c'est pourquoi je soutiens cet amendement avec une certaine véhémence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.
    M. Serge Janquin. Il me paraît, à moi aussi, indispensable de prévoir des garanties de niveau des retraites. Cette exigence s'impose du fait même des incertitudes qui pèsent sur l'accomplissement de la fin de la vie de travail que, par ailleurs, monsieur le ministre, vous prétendez allonger.
    De ce point de vue, le Gouvernement met les travailleurs dans une situation ubuesque. Ce qui fait que je me demande s'il n'est pas victime du SRAS : le syndrome de restructuration des actifs surnuméraires, sa volonté étant de requalifier les jeunes retraités en vieux chômeurs. En effet, vu la propension actuelle des chefs d'entreprise, tout travailleur de cinquante-sept ans et demi a les plus grandes chances de se retrouver sans emploi. Toutes les personnes de cet âge n'ayant évidemment rien à espérer de votre absence de politique de l'emploi pour en retrouver un, et sachant qu'il convient, à vous entendre, de les obliger à travailler 40, 42, 43 ans ou davantage, de manière tout à fait théorique - quand on débute à vingt-cinq ans, ça conduit à soixante-huit et ça commence à faire pas mal ! -, ils ne pourront pas être autre chose que des demandeurs d'emploi, c'est-à-dire de vieux chômeurs.
    Molière aurait dit : « Je baîllonne votre fille, c'est ce qui fait qu'elle est muette ! » Je vous épargne la manière dont le père Ubu aurait commenté ce constat.
    J'ajoute que n'ayant pas pu constituer les 40, 42 ou 43 annuités de cotisation, ils seront naturellement soumis à décote, donc ne bénéficieront que de retraites rétrécies, après avoir émargé quelques années à l'ANPE. Au prochain congrès du MEDEF, M. Raffarin pourra rendre compte : « Baron, j'ai rétréci les retraites ! » (Sourires.)
    Vous comprenez que nous demandions des garanties pour faire obstacle à ce rétrécissement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, cet amendement vise à affirmer à la fois notre attachement à la retraite par répartition et notre volonté qu'elle garantisse un niveau élevé de pension. C'est bien la question majeure, pas simplement celle dont nous débattons pour faire la loi, mais aussi celle que se posent tout naturellement les gens à l'approche de l'âge de la retraite. Combien je vais toucher ? Combien va-t-il me rester pour vivre ?
    L'une des raisons de l'échec de la négociation est probablement que vous avez considéré la réforme Balladur comme acquise et qu'il fallait donc discuter du reste. Mais plutôt que de poursuivre ici votre propagande en disant : « Sans la réforme, voilà ce qui arriverait », il vaudrait mieux, pour être objectif et pour que le débat soit clair, annoncer d'emblée : « Les effets cumulés de la réforme Balladur et de la réforme d'aujourd'hui vont aboutir à tel résultat. » Ce résultat est évidemment une dégradation très importante du niveau de remplacement par le système par répartition.
    J'ai lu avec un grand intérêt un rapport de la commission des finances, publié il y a quelques jours sous la plume d'un député de l'UMP, dont même les titres sont particulièrement suggestifs : « A. - Le contexte de la réforme des régimes obligatoires de retraite ne rend que plus évidente la nécessité d'un supplément. » Suivent des phrases que j'ai déjà citées dans la discussion générale, où l'auteur explique que le choix entre la capitalisation et la répartition est un véritable choix de société. Il en arrive ainsi au 2 : « La nécessité d'un supplément pour compenser la dégradation du taux de remplacement. »
    Vous ne pourrez pas dire, mes chers collègues, que nous faisons des procès d'intention. Nous prenons les écrits de la commission des finances, signés d'un député de chez vous, suivis de tableaux statistiques et dont l'un des chapitres s'intitule, je le répète : « La nécessité d'un supplément pour compenser la dégradation du taux de remplacement ». L'auteur explique même que cette dégradation se situera dans une fourchette de 15 à 20 %, en fonction de la carrière des salariés, avec d'ailleurs des effets que l'on n'a pas complètement mesurés, compte tenu de l'application de la réforme Balladur. Car il y a des cas où l'on aboutit à des situations assez aberrantes. Je n'entrerai pas dans le détail ; comme nous avons beaucoup de temps devant nous, nous pourrons y revenir. Mais ce rapport cite notamment, à juste titre, l'exemple d'un salarié qui aurait fait une carrière en dents de scie, ce qui, aujourd'hui, compte tenu des difficultés professionnelles, est loin d'être une hypothèse d'école. Evidemment, si ce salarié a eu un bon début de carrière, puis a rencontré des difficultés avant de retrouver, en fin de carrière, un travail correspondant à sa formation, il subit une grosse perte. Dans l'ancien système, il avait un niveau de retraite élevé. Aujourd'hui, il subit une dégradation du taux de remplacement en raison du passage au calcul de la retraite sur les 25 dernières années.
    Autrement dit, monsieur le ministre, on ne peut pas aborder la réforme des retraites sans prendre en compte l'ensemble des paramètres : taux de remplacement, durée des cotisations, etc. Et lorsque vous avez ouvert la discussion en considérant que la réforme Balladur était acquise et qu'il n'y avait que le reste à discuter, vous êtes tombé dans une facilité de démonstration qui, malheureusement, ignore les difficultés que les gens rencontrent dans la vie.
    J'ajoute que le rapport dont je viens de parler aboutit à la conclusion que les retraités ne pourront pas se satisfaire d'un niveau de remplacement de 60 % par rapport à leur dernier salaire et qu'il leur faudra forcément trouver d'autres revenus. Ces autres revenus, évoqués dans le projet de loi et dans le rapport, s'inscrivent dans une conception qui n'est pas, comme il est écrit dans notre amendement, celle d'une retraite par répartition « assurant un haut niveau de remplacement », mais celle d'une retraite par répartition assurant un niveau de remplacement moyen : une sorte de retraite minimale, à charge pour ses titulaires de se réfugier ensuite dans les systèmes de retraite individuelle, c'est-à-dire, à terme, les fonds de pension.
    Il n'est pas inintéressant de rappeler qu'il y a quelques jours, une directive européenne a étendu le champ d'activité des fonds de pension au territoire français. Evidemment, cela ne remet pas en cause notre propre système - nous avons la possibilité de délibérer malgré tout -, mais c'est quand même dans l'air du temps. Ce qui est fort intéressant, c'est la réaction du secrétaire national à l'économie de la CGC à cet égard. Puisque vous nous gratifiez continuellement de lectures de journaux, monsieur le ministre, je me permets moi aussi de céder à cette mode. A un journaliste de La Tribune qui lui demandait si la directive ouvrait une brèche en France, ce représentant de la CGC, répondait : « Au moment où le Gouvernement veut instaurer les fonds de pension de retraite, cette décision fait de la France une cible privilégiée. On va chercher à nous refiler le mistigri. Cela soulagera peut-être la veuve de Gloucester, mais qui paiera demain pour la veuve de Carpentras ? »
    Ce responsable syndical a parfaitement compris la cohérence du projet que vous nous présentez. Nous sommes là au coeur du débat : nous sommes favorables à un système par répartition qui assure un haut niveau de remplacement. En cela, nous répondons à l'attente des Français.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, les intervenants qui viennent de s'exprimer vous ont posé des questions précises auxquelles nous attendons des réponses précises. Si jamais vous pensiez pouvoir vous y soustraire au stade du premier amendement, nous serions conduits, bien sûr, à vous reposer ces questions, car nous pensons nécessaire que le pays soit mis très exactement au courant des véritables enjeux de votre projet de loi. Or, non sans une certaine habileté - mais avec quels moyens ! - vous avez, jusqu'à présent, essayé de dissimuler les dangers de cette réforme.
    Ce n'est pas un hasard si nous sommes aussi nombreux à avoir pensé utile d'insister dès l'ouverture du débat sur le principe de la retraite par répartition. Si nous réclamons avec force son inscription dans cette loi, c'est que, pendant des années, vos amis nous ont expliqué que l'avenir de nos retraites dépendait des fonds de pension.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oh ! là, là !
    M. Jean-Marie Le Guen. Nous aimerions bien savoir, monsieur le ministre, pourquoi vous et votre majorité, pendant des années, avez inlassablement ressassé que les fonds de pension étaient l'élément fondamental de l'avenir de nos retraites et pourquoi leur nécessité a, selon toute apparence, subitement disparu.
    Je signale au passage, pour ceux que l'histoire des réformes sociales intéresse, que si ce thème n'avait pas été mis en avant, nous aurions peut-être pu aborder la réforme des retraites de façon moins crispée. Il est clair, en effet, que les Français ne veulent pas de la retraite par capitalisation. Peut-être d'ailleurs est-ce pour cela que vous-même ne dites plus que vous y êtes favorables.
    M. Manuel Valls. Nous y voilà !
    M. Jean-Marie Le Guen. Peut-être est-ce pour cela que vous essayez de contourner la difficulté en vous attachant formellement à l'idée de la retraite par répartition.
    M. Julien Dray. Ils sont machiavéliques !
    M. Manuel Valls. Mais ils sont démasqués !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est ce que nous allons démontrer tout au long des semaines, je dis bien des semaines, que va durer ce débat.
    Faisant toujours preuve de la même habilité superficielle, vous nous avez demandé quel était l'objet de notre contre-réforme. Mais, monsieur le ministre, est-ce que vous-même avez une réforme ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Qui peut croire sérieusement que votre réforme existe comme elle est financée ? Qui peut croire que c'est avec les objectifs d'emploi que vous vous fixez que vous arriverez à la financer ?
    La vérité, c'est que vous n'avez pas de réforme et que si nous ajoutons à cette absence de réforme l'absence d'explications sur votre renoncement inouï aux fonds de pension, nous sommes fondés à nous demander si vous n'auriez pas, par hasard, quelques arrière-pensées.
    J'en viens maintenant - vous voyez que je vais vite -...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela fait tout de même déjà cinq minutes !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... au deuxième aspect de cet amendement, qui touche au contrat social.
    Le contrat social est l'un des fondements de la République. Et ce qui est au coeur du contrat social - tous nos concitoyens nous le disent - c'est la notion d'équité.
    Vous avez effectivement décidé, monsieur le ministre, de traiter le problème de l'équité. Mais comment ? En substituant à la réalité sociale une opposition factice entre le secteur public et le secteur privé.
    Or la véritable question de l'équité est de savoir qui va profiter de sa retraite, et comment. Si nous parlions de la pénibilité du travail, nous chercherions à établir l'équité. Si nous parlions de l'espérance de vie à soixante ans, qu'il s'agisse du public ou du privé, nous chercherions à établir l'équité. Mais vous avez escamoté cette dimension réelle de l'équité pour y substituer une dimension purement idéologique, qui est l'opposition du public au privé.
    Car ce que vous cherchez - et les petits dérapages de M. Raffarin ne sont pas là pour rien (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)-,...
    M. Lucien Degauchy. Vous, vous ne dérapez jamais ?
    M. Jean-Marc Le Guen. ... c'est un affrontement politique, en prenant en otages certains de nos concitoyens et en voulant faussement, au moyen d'une propagande démagogique, opposer les travailleurs du public et les travailleurs du privé.
    A propos du financement, monsieur le ministre, parlons un peu des chiffres réels de l'assurance maladie.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
    M. Jean-Marie Le Guen. Cette réforme considérable des retraites que vous nous proposez n'est toujours pas financée, mais le montant des déplacements financiers qu'elle implique atteint, vous l'avez dit, 50 à 60 milliards d'euros. Vous êtes bien placé pour le savoir puisque vous êtes chargé à la fois de l'emploi et de la protection sociale.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Guen.
    M. Jean-Yves Le Déaut. C'est pourtant intéressant, monsieur le président.
    M. le président. Monsieur Le Déaut, vous n'avez pas la parole !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il serait utile, monsieur le ministre, que vous nous parliez de l'assurance maladie, car qui peut croire vos prévisions ? Au mois de novembre, vous nous parliez de 7 milliards d'euros de déficit pour la sécurité sociale. Aujourd'hui, chacun s'accorde à dire que le déficit a dépassé les 16 milliards et qu'il atteindra 25 milliards à la fin de 2004, c'est-à-dire l'équivalent de la moitié du besoin de financement de la réforme des retraites. Mais vous nous dites : « Non ! Non ! Il n'y aura pas de nouveaux prélèvements. »
    M. le président. Concluez, je vous prie !
    M. Jean-Marie Le Guen. Qui peut croire que vous n'êtes pas en train de mentir, monsieur le ministre ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que vous ne mentez pas à l'Assemblée nationale comme vous avez menti aux Français ?
    M. Jean-Luc Warsmann. Il est bon pour la Comédie-Française !
    M. Lucien Degauchy. Ou alors il va nous faire une attaque !
    M. le président. Merci, monsieur Le Guen !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il faudra que vous nous donniez des réponses sur ces chiffres qui sont les vrais chiffres, constatés par la Cour des comptes et par la Commission des comptes de la sécurité sociale. Répondez-nous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le ministre, plusieurs de mes collègues vous ont déjà prouvé le bien-fondé de notre amendement. J'insisterai pour ma part sur un point particulier qui semble avoir été oublié dans ce débat : la retraite des femmes.
    Les pensions de retraite des femmes sont inférieures de moitié à celles des hommes. Le temps partiel imposé, les emplois précaires, les carrières interrompues pour s'occuper des enfants, les salaires au rabais, le chômage, telles sont les caractéristiques de l'emploi des femmes dans notre pays. Nous savons que non seulement elles prennent leur retraite deux ans plus tard que les hommes en moyenne, mais qu'en plus 80 % d'entre elles vivent avec une pension inférieure au SMIC.
    Partant de ce constat, on ne peut pas ne pas vous demander, monsieur le ministre, comment on va pouvoir assurer aux femmes un niveau de retraite décent avec le projet que vous proposez.
    Hier, j'ai écouté Mme la rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes. Elle a été d'une grande élégance, se contentant de vous faire des recommandations. Mais aucune réponse ne lui a été apportée. Elle a parlé des femmes d'artisan, des femmes d'agriculteur, des femmes veuves. Elle a parlé des salariées et des fonctionnaires. Elle a bien noté également que la bonification pour enfant, par exemple, sera remplacée par une validation des périodes d'interruption d'activité. Mais elle écrit dans son rapport : « On peut cependant considérer [que la bonification] pénalise les femmes ayant fait le choix de poursuivre leur activité professionnelle en assumant la double charge des enfants et de la vie au travail. »
    Alors, monsieur le ministre, quelles garanties apportez-vous aux femmes avec ce projet de loi ? Je crains qu'il ne leur soit simplement proposé de retourner dans leur foyer comme le souhaiterait une grande partie de votre majorité. Cela arrangerait beaucoup de monde, et en particulier le MEDEF, si toutes ces femmes qui sont actuellement sur le marché du travail retournaient dans leur foyer pour s'occuper de leurs enfants et de leur mari.
    M. Denis Jacquat. C'est faux !
    Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je refuse, quant à moi, ce type de raisonnement et c'est pourquoi je considère que cet amendement se justifie pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gilles Cocquempot.
    M. Gilles Cocquempot. Cet article additionnel vise simplement à rappeler que la réforme proposée par le Gouvernement ne peut conduire qu'à remettre en cause les acquis sociaux de la Libération. Le grand acquis de notre système de retraite depuis quarante ans, doit selon nous être absolument préservé. Les retraités ont aujourd'hui un niveau de vie équivalent à celui des actifs et ils doivent pouvoir le conserver à l'issue de la réforme.
    Or la baisse du taux de remplacement conduit inéluctablement au recours à la capitalisation pour compléter son revenu. Mais la création des plans d'épargne retraite est très inégalitaire car ces plans concernent en fait ceux qui peuvent effectivement épargner. Vous avez beau dire que les salariés les plus modestes bénéficieront d'une garantie supplémentaire au travers d'un objectif de pension comprenant les régimes de base et les régimes complémentaires, égale en 2008 à 85 % du SMIC net lors de la liquidation après une carrière complète, cela reste un voeu pieu car aucune garantie n'est donnée sur ce taux de 85 %.
    Reprenons l'exemple d'un salarié marié avec un enfant dont la femme est sans profession et qui gagne aujourd'hui 1 100 euros par mois.
    Comment voulez-vous qu'après avoir payé son loyer et assumé les charges courantes du ménage, un tel couple puisse garantir son niveau de retraite en souscrivant à un système par capitalisation ? C'est encore plus vrai dans certaines régions. Ainsi, le Nord-Pas-de-calais traite à lui seul 10,5 % des dossiers de surendettement. Face à une population qui se trouve dans de telles difficultés, comment voulez-vous que nous puissions accepter une réforme qui fasse disparaître la solidarité ? C'est la raison pour laquelle je défends résolument l'amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, qui va défendre spécialement l'amendement n° 394. (Sourires.)
    M. Manuel Valls. Tous ces amendements méritent une longue discussion et, parmi ceux-ci, l'amendement n° 394 est essentiel car il éclaire notre débat. Il révèle en fait les différences existant entre deux conceptions et deux projets.
    Monsieur le ministre, depuis des semaines, vous nous reprochez de ne pas avoir de projet alternatif. Or, dès le début de la discussion parlementaire, mes collègues Terrasse et Gorce, et tous les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale, ont bien souligné l'existence de deux projets. En tout cas, nous, nous sommes clairs sur le nôtre. Au fond, c'est vous qui n'assumez pas vos choix, pas plus que la majorité. Vous vous réfugiez en permanence derrière des déclarations de personnes que vous qualifiez proches de la gauche. Mais vous n'assumez ni votre projet ni vos conceptions et l'on n'entend jamais sur les bancs de la majorité citer l'original : le MEDEF, bien absent de ce débat. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Assumez donc au moins vos convictions ! Comme mon collègue Jean-Marie Le Guen l'a dit avec beaucoup de force, vous n'avez pas de véritable projet, vous n'avez pas une idée de réforme.
    M. Lucien Degauchy. Et quel est votre projet de réforme à vous ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Comme votre propos est laborieux, monsieur Valls !
    M. Manuel Valls. C'est la raison pour laquelle vous avez employé une tactique subtile. Il est vrai que vous êtes encore marqué par l'échec de 1995. Vous avez donc décidé d'être plus habile mais toujours avec le même objectif. Vous avez programmé la fragilisation de notre régime par répartition, obligeant les salariés qui en ont les moyens à se tourner vers une épargne individuelle. Vous avez prévu de vous orienter vers une réforme des retraites par tiroirs : d'abord les fonctionnaires, ensuite les salariés du secteur privé et, enfin, les salariés des entreprises publiques, au gré des privatisations qui ne manqueront pas de se produire. Le résultat de la réforme sera bien évidemment le même avec, en plus, un appauvrissement des futurs retraités.
    Il s'agit donc bien d'une baisse des pensions qui ne dit pas son nom, et c'est la raison pour laquelle je défends cet amendement. Votre système de malus pour ceux qui n'auront pas le nombre d'annuités nécessaires aboutira ainsi à une baisse généralisée des revenus de remplacement pour tous les salariés.
    Reprenons un exemple qui a déjà fait l'objet de multiples démonstrations : pour chaque trimestre manquant, une pénalité de 1,25 % sera appliquée. Comme l'a indiqué hier mon collègue Pascal Terrasse, cela se traduira pour les salariés entrés tardivement dans la vie active ou pour les femmes ayant subi des interruptions de carrière par une baisse dramatique de leurs pensions de retraite. La combinaison de la réforme Balladur et du nouveau dispositif que vous présentez rendra la situation explosive dans les années à venir.
    C'est d'ailleurs dans un tel contexte, monsieur le ministre, que vous avez refusé d'inscrire dans la loi un montant de pension garanti demandé pourtant par l'ensemble des organisations syndicales. Le niveau des retraites et leur montant ne peuvent pas être la variable d'ajustement de la réforme, au risque d'ouvrir la porte à une smicardisation des futurs pensionnés à la suite de la baisse de 20 à 30 % des pensions.
    Monsieur le ministre, il est temps de dire la vérité aux Français : il est temps d'assumer les choix ; il est temps de reconnaître que vous êtes en train de tourner le dos à la retraite par répartition, pour ouvrir la voie à la retraite par capitalisation. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cette intervention n'était pas la meilleure de M. Valls !
    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Monsieur le ministre, j'insisterai, quant à moi, sur le contrat social. Les Français commencent à comprendre que vous gouvernez par la peur et presque par la terreur. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est du mauvais Brard ! Du petit Brard !
    M. François Brottes. C'est votre côté main de fer dans un gant de velours. (Mêmes mouvements.) Aujourd'hui, en effet, il y a une forme d'escroquerie dans votre comportement. Vous semez le trouble dans les esprits et la panique dans la perspective. Vous faites croire, d'une part, que nous sommes dans une urgence absolue, alors que plusieurs mois de négociations supplémentaires auraient permis d'élaborer un vrai contrat social dans la sérénité et, d'autre part, que la courbe du rapport entre les actifs et les retraités est une courbe exponentielle, alors qu'en réalité nous avons à gérer une crête. C'est en cela que l'initiative de création du fonds de réserve des retraites était une innovation adaptée au problème posé, car chacun aura compris qu'elle est destinée à faire face à cette période exceptionnelle.
    Mais gérer l'effet papy et mamyboom, pour reprendre l'expression de notre collègue Brard, dans le respect d'un vrai contrat social entre les générations, c'est d'abord garantir, bien sûr, une retraite aux vivants. Je sais que cette expression peut choquer car le prolongement proposé de la durée travaillée a des parfums d'indécence. Mais derrière une phrase mille fois entendue, surtout chez les gens modestes et dans les familles populaires : « je ne sais pas si je pourrai profiter de ma retraite », se cache la préoccupation de la durée, du temps qui peut passer trop vite, et celle aussi du montant de la retraite. A cet égard, c'est une honte de ne pas garantir au moins 100 % du SMIC, surtout lorsqu'on sait que ceux qui ont eu un bas salaire toute leur vie ont rarement la propriété de leur logement.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. C'est prévu !
    M. François Brottes. C'est une honte de donner comme perspective à quelqu'un qui a travaillé dur toute sa vie de continuer à payer un loyer en touchant un revenu nettement en dessous du SMIC.
    Cet amendement pose dans la loi un principe de solidarité vitale pour des millions de gens que votre projet va flouer avec cynisme et intransigeance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministe.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces derniers jours, nous avons déjà eu droit à de nombreuses leçons. Pour ma part, j'essaie de faire en sorte que ce débat soit serein, que chacun puisse s'expliquer et que des réponses soient apportées aux questions posées par l'opposition. Mais à l'instant, un membre du parti socialiste vient de traiter un membre du Gouvernement d'escroc ! (« Mais non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est grave !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai bien entendu le mot « escroc ». (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est de la violence verbale ! Des excuses, monsieur Brottes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne peux pas laisser passer une telle insulte et le parti socialiste aurait intérêt à modérer son expression s'il veut regagner la confiance des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je demande la parole pour répondre à M. le ministre !
    M. le président. Monsieur Le Guen, si quelqu'un doit intervenir, ce n'est pas vous. C'est au président de votre groupe ou à M. Brottes, qui vient d'être interpellé par le ministre, qu'il appartient demander la parole.
    M. Jean-Marie Le Guen. On ne nous répond pas et on nous provoque !
    M. le président. La parole est à M. François Brottes.
    M. François Brottes. Monsieur le ministre, il ne faut pas exagérer. En aucun cas, je me serais permis de traiter d'escroc qui que ce soit dans cette assemblée, et surtout pas vous !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est ce que vous avez dit !
    M. François Brottes. J'ai dit que la méthode qui était utilisée aujourd'hui était une forme d'escroquerie... (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Des excuses !
    M. François Brottes. ... ce qui n'a rien à voir avec le fait d'accuser quelqu'un d'être un escroc. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. André Vallini.
    M. André Vallini. Monsieur le ministre, votre réforme va remettre en cause le système de retraite par répartition. Votre projet va conduire en fait à une baisse massive du pouvoir d'achat des retraités par rapport à leur revenu d'activité que nous évaluons dans une fourchette comprise entre moins 20 % pour les fonctionnaires et moins 30 % dans le secteur privé. En outre, et contrairement à ce que vous dites, votre réforme est l'une des plus brutales sinon la plus brutale de toute l'Europe.
    Au Royaume-Uni, par exemple, le régime de base public garantit une prestation uniforme pour tous de 300 livres, soit 480 euros par mois. Cette retraite de base est complétée par une retraite complémentaire par capitalisation obligatoire, soit une retraite d'entreprise dans les grandes entreprises,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce sont des fonds de pension !
    M. André Vallini. ... soit le régime public, qui garantit une retraite de 20 % du salaire moyen, soit un dispositif d'épargne privée et très cher que tout le monde ne peut pas s'offrir.
    La réforme italienne, qui date de quelques années, est également très brutale. Avant cette réforme, le taux de remplacement était de 80 %. La baisse devrait être comprise entre 10 % et 30 % selon l'âge de départ et le taux de croissance économique de l'Italie. Ce sont des ordres de grandeur comparables à ceux de votre réforme.
    En comparaison, la réforme allemande est beaucoup moins brutale. Celle-ci est en effet fondée sur une baisse du taux de remplacement du régime public de 70 % actuellement à 67  % à terme, mais compensée - je dis bien compensée - par des relèvements pour de nombreuses catégories jusque-là nettement en dessous de ce taux.
    M. Yves Bur. Et par une retraite par capitalisation !
    M. Jean-Marie Le Guen. Et voilà : M. Bur parle de la retraite par capitalisation !
    M. Manuel Valls. C'est courageux de la part de M. Bur !
    M. Yves Bur. Je parlais de ce qui se passe en Allemagne !
    M. le président. Monsieur Le Guen, cette attitude est insupportable !
    M. Jean-Marie Le Guen. M. Bur dit la vérité !
    M. Manuel Valls. Il assume ses responsabilités !
    M. le président. Monsieur Le Guen, vous n'avez pas la parole.
    M. Patrick Ollier. M. Le Guen perd la raison !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il faudrait que M. Bur prenne la parole pour s'expliquer !
    M. le président. Monsieur Vallini, veuillez poursuivre.
    M. André Vallini. Monsieur le président, si M. Bur veut prendre la parole, je la lui cède volontiers pour nous expliquer ce qu'il pense de la retraite par capitalisation, que souhaite sans doute toute la majorité.
    M. Manuel Valls. Eh oui !
    M. Jean-Marie Le Guen. Et M. Bur tout particulièrement !
    M. André Vallini. La retraite par capitalisation est en embuscade derrière votre réforme, monsieur le ministre.
    Je terminerai ma comparaison sur le plan européen par la Belgique et la Suède. Les réformes dans ces pays conduisent également à des pertes de pouvoir d'achat, c'est vrai, mais nettement inférieures à ce à quoi va aboutir votre réforme.
    En conclusion, au-delà des différences historiques entre les régimes et selon les pays, la réforme française que vous nous proposez est celle qui programme le recul du niveau des retraites le plus important de toute l'Europe, à un niveau comparable à la Grande-Bretagne et à l'Italie, les deux pays qui ont subi les réformes les plus brutales, je l'ai souligné tout à l'heure. Ce constat, ce n'est pas nous qui le faisons, c'est le Conseil européen lui-même, notamment son Comité de politique économique, le CPE. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. David Habib.
    M. David Habib. Il est tard mais je veux dire ici combien je suis fier de défendre cet article additionnel. Nous sommes ici à un point de rupture. Il est utile tout d'abord de souligner que Mme Adam a souhaité inscrire dans la loi qu'il était nécessaire de rappeler que le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations. Elle a souhaité en même temps indiquer combien il était important de garantir à chacun un niveau élevé de pension. Or, en n'assurant pas un niveau de pension digne, monsieur le ministre, vous encouragez sournoisement un autre système, celui de la retraite par capitalisation.
    M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !
    M. David Habib. M. Bur, à l'instant, vient d'indiquer quelle orientation il souhaitait. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Georges Colombier. C'est lamentable !
    M. David Habib. D'autres intervenants l'ont fait également, non pas dans cette assemblée, mais à la faveur d'articles de presse dont on a peu parlé depuis que ce débat a été ouvert.
    Accepter cet amendement serait inscrire comme une réalité forte la nécessaire solidarité entre les générations.
    M. Franck Gilard. Les députés de l'opposition sont vraiment là pour s'amuser.
    M. David Habib. Il est une volonté qui doit nous inspirer tous : celle de favoriser le sentiment de justice entre ceux qui travaillent, ceux qui vont entrer dans la vie active et ceux qui en sont sortis.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !
    M. David Habib. Il est nécessaire d'asseoir notre société sur la justice et l'équilibre entre les générations, et notre système de financement des retraites doit prendre en compte cette nécessité. C'est comme un témoin passé d'une génération à l'autre.
    Enfin, il est important de rappeler, et Mme Lebranchu l'a dit tout à l'heure,...
    M. Manuel Valls. Très bien dit, d'ailleurs !
    M. David Habib. ... qu'il est essentiel de préserver les équilibres macro-économiques.
    François Hollande. Bien sûr !
    M. David Habib. On est parfois face à une épargne de précaution. Nous souhaitons que des efforts soient réalisés pour qu'aucune partie du territoire ne se paupérise du fait d'une « smicardisation » du niveau de revenu des Français.
    Comme beaucoup de Pyrénéens, la décision prise par Total de fermer une unité sur le site de Lacq m'a profondément heurté.
    M. Manuel Valls. Chantez-le ! (Rires.)
    M. David Habib. Nous devions constituer aujourd'hui un groupement d'intérêt public en vertu d'un CIADT réuni le 18 mai 2000 (« Ça n'a rien à voir ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et il était convenu que, à la faveur de ce GIP, nous aborderions le sujet de la nécessaire préservation d'une unité de fabrication d'éthylène qui, mesdames, messieurs les élus, concerne 178 emplois directs et 600 à 800 emplois indirects.
    M. François Hollande. C'est scandaleux !
    M. David Habib. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a annulé cette réunion au motif que la situation sociale qui prévaut aujourd'hui dans le pays, et plus particulièrement dans le Béarn, ne permet pas d'asseoir celle-ci dans des conditions de sérénité suffisantes.
    M. François Brottes. C'est honteux !
    M. David Habib. Y a-t-il aujourd'hui, monsieur le ministre, une vraie politique de l'emploi dans ce pays ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste). Y a-t-il une réelle volonté du Gouvernement de lutter contre les décisions de démantèlement de notre tissu industriel, qui paralysent notre vie économique et affaiblissent nos territoires ?
    Le bassin de Lacq est géré par un groupe qui est l'un des plus riches de ce pays : le groupe Total, qui a hérité, comme nous le savons, de l'ancienne entreprise Elf.
    M. Franck Gilard. Dans l'affaire Elf, il y a beaucoup de vos copains !
    M. David Habib. Or regardez la situation de l'emploi dans ce département ! Vous avez devant vous, monsieur le ministre, un parlementaire qui a choisi d'exprimer, sans chanter, sa colère et son amertume face au désengagement de l'Etat.
    M. le président. Monsieur Habib, il vous faut conclure.
    M. David Habib. Je souhaite que, sur ce point aussi, le Gouvernement puisse enfin s'exprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Aubron.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, le ministre doit répondre : c'est une question importante !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous n'avez pas la parole. Chaque orateur ayant déposé un des amendements identiques le défend, puis la commission et le Gouvernement répondront.
    Monsieur Aubron, vous avez la parole.
    M. Jean-Marie Aubron. Je défends l'idée de la répartition, parce que moi-même et ceux qui m'entourent en avons besoin. Je ne conçois pas que des ouvriers du secteur sidérurgique, qui travaillent dur, se retrouvent avec une petite retraite, alors qu'ils bénéficient actuellement d'un système moins dur que celui que l'on prépare...
    M. François Hollande. Oui, c'est vrai !
    M. Jean-Marie Aubron. ... puisqu'il est basé pour l'instant sur les dix meilleurs années.
    Je ne comprends pas non plus que l'on puisse proposer une retraite inférieure au SMIC. Je ne sais pas comment on vit avec moins d'un SMIC.
    M. Philippe Cochet. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ? Rien !
    M. Jean-Marie Aubron. Dans mon secteur on compte très peu d'emplois féminins. Donc, beaucoup de ménages n'ont qu'un seul revenu et il ne leur permet pas de faire face correctement aux dépenses obligatoires. Lorsqu'on parle de 85 % du SMIC, s'agit-il du SMIC brut ou net ?
    M. François Hollande. Bonne question !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Net !
    M. Jean-Marie Aubron. Cela change tout. A ce niveau de ressources 20 % de plus ou de moins pour vivre, c'est important.
    M. François Hollande. Et quelle est l'indexation ?
    M. Jean-Marc Aubron. Parmi les problèmes qui se posent et vont se poser, il y a celui des jeunes qui, plus tard, toucheront à leur tour la retraite. Dans nos secteurs, où 30 000 ou 40 000 emplois ont été supprimés, ils n'ont pas de travail régulier,...
    M. Yves Bur. Vous pensez bien peu aux jeunes qui devront supporter tout cela !
    M. Jean-Marie Aubron ... sont en CDD et ont des temps d'inactivité très longs ! Comment pourront-ils, demain, toucher une retraite correcte alors que vous voulez allonger le temps de travail ? Quarante années, c'est encore plus long que trente-sept années et demie ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Et ça vous fait rire !
    M. Manuel Valls. Quel cynisme !
    M. Jean-Marie Aubron. Il n'y a pas de quoi rire ! Pendant trente-sept ans et demi, j'ai travaillé dans la sidérurgie. Je me levais à quatre heures et demie du matin,...
    M. Alain Vidalies. Ils ne connaissent pas ça, eux !
    M. Jean-Marie Aubron ... j'exerçais un travail posté et je travaillais le dimanche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Cochet. Vous n'êtes pas le seul !
    M. Lucien Degauchy. Qu'avez-vous fait pour eux ?
    M. Jean-Marie Aubron. Je perçois une retraite, qui, en comprenant la retraite complémentaire, relativement avantageuse, est inférieure à 7 000 francs par mois ! Mes amis sont dans le même cas que moi. Nous savons donc ce que signifie gagner le SMIC, parce que notre retraite en est très proche. Sans mes mandats actuels, je serais dans la misère, et beaucoup autour de moi le sont ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe Cochet. Demandez à M. Fabius comment il fait pour la retraite !
    M. Jean-Marie Aubron. Voilà ce que j'avais à dire. Mon témoignage suffit à lui seul à montrer l'intérêt de la répartition.
    M. Philippe Cochet. Il fallait y penser avant !
    M. Jean-Marie Aubron. Elle garantit à ceux qui n'ont pas les moyens de capitaliser pour leurs vieux jours de toucher une retraite décente ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Monsieur le ministre, tout le monde semble prêt aujourd'hui à se battre pour défendre la retraite par répartition. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. M. Balladur, en 1993, et M.  Juppé, en 1995, prônaient plutôt une logique de retraite par capitalisation et la retraite par répartition n'était pas à ce moment-là, à ce qu'on prétendait, possible. Les Français vous ont jugé. Depuis, le gouvernement...
    M. Philippe Cochet. A fait beaucoup mieux !
    M. Pierre Cohen. ... de Lionel Jospin a su, en renouant avec l'idée du plein emploi, rétablir la confiance.
    M. Yves Bur. Les Français lui en ont été reconnaissants !
    M. Pierre Cohen. L'échec des fonds de pension, comme ceux d'Enron ou d'autres, vous ont conduits à changer d'avis et, dans votre projet de loi, vous avez inscrit la retraite par répartition.
    M. Henri Nayrou. Maintenant, il le regrette !
    M. Pierre Cohen. Elle s'inscrit dans un contrat social entre les générations. Mais, pour que ce contrat ait vraiment un sens, il faut qu'il y ait un consensus entre les actifs, qui acceptent de cotiser, et les retraités, qui reçoivent des montants décents. Or votre projet, nous aurons l'occasion d'en parler plus précisément lors de l'examen des articles 1er et 5, tend essentiellement à allonger le temps de travail.
    On sait pourtant que les jeunes ont de plus en plus de difficultés à entrer dans la vie active.
    M. Julien Dray. C'est très vrai !
    M. Pierre Cohen. On sait que les chômeurs de longue durée ne sont pas indemnisés et ne cotisent pas. On connaît la situation des RMistes ou encore le problème du temps partiel subi ou même voulu ; Geneviève Perrin-Gaillard l'a évoqué.
    En fait, vous savez très bien que, compte tenu des années en moins et des décotes que vous préconisez, une bonne partie des retraites ne seront pas payées à taux plein. Or, depuis mardi, vous ne cessez d'affirmer que votre projet préserve le niveau des retraites. Aussi, le meilleur moyen de nous montrer votre sincérité est d'accepter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Henri Nayou.
    M. Henri Nayrou. Nous nous trouvons ce soir face à un choix majeur. En effet, garantir la retraite par répartition, expression de la solidarité entre les générations et, par là-même, facteur de cohésion nationale, demeure l'un des termes les plus importants du pacte social. Il n'y aurait pas de pire réforme que celle qui romprait avec cette exigence de solidarité.
    Conserver notre système par répartition n'est pas impossible. Le tout est d'accepter de jouer, de façon concertée et équilibrée, sur l'ensemble des leviers. Les Français savent que le débat ne se limite pas à la durée de cotisation, mais que réformer les retraites c'est redessiner la société et repenser les rapports entre générations. C'est pour cela que les Français ont en ce moment les yeux tournés vers la représentation nationale.
    Le système français est fondé sur l'assurance collective, les cotisations des salariés finançant les retraites d'aujourd'hui et permettant d'acquérir des droits pour demain. L'objectif essentiel du système de la retraite par répartition est d'assurer un niveau suffisant de pension, ce que ne fait pas le projet du Gouvernement.
    Faute d'un engagement précis sur le niveau des retraites, il pousse insidieusement les Français vers des systèmes de financement individuel et privé où chaque salarié cotiserait aujourd'hui pour sa retraite de demain, selon ses propres moyens et capacités d'épargne, ce qui est de nature, bien entendu, à créer des discriminations.
    En fait, cette réforme résulte des choix libéraux du Gouvernement. Et la crainte de voir votre texte trop décrié vous a probablement conduit à présenter un projet minimaliste, qui occulte les besoins dans leur ensemble.
    Il est au contraire essentiel, à nos yeux, de proposer aux Français une réforme équilibrée, jouant sur l'ensemble des leviers, afin que les salariés ne soient pas, comme dans votre projet, les seuls à assumer le maintien du régime par répartition. Des financements nouveaux doivent être affectés aux régimes des retraites - je vous en épargne la liste.
    De plus, l'un des leviers majeurs d'une telle réforme doit être une politique ambitieuse en faveur de l'emploi qui, comme le notèrent les auteurs des rapports remis successivement à Michel Rocard, Alain Juppé et Lionel Jospin, permettrait de compenser grandement la dégradation des ratios.
    Malheureusement, depuis un an, nous assistons à la mise en oeuvre par le Gouvernement d'une politique contre-productive qui met à mal la dynamique emploi-consommation-croissance.
    Votre projet est injuste, parce que l'augmentation uniforme de la durée de cotisation ne prend pas en compte les inégalités au regard de la pénibilité et de l'espérance de vie. Il confond durée d'activité et durée de cotisation. Il conduira à une diminution des pensions. Il met fin à la retraite à soixante ans. Il est d'autant plus injuste qu'il va déboucher, à terme, et contrairement à ce qu'affirme l'article 1er de ce texte - affirmation d'ailleurs, contredite à l'instant par M. Bur -, sur un système par capitalisation. Une nouvelle entreprise de démolition de notre système est en marche.
    Oui, il faut une réforme et les efforts de tous. Mais, en s'écartant de cette vertu, le Gouvernement a pris la responsabilité de rendre désormais impossible une réforme nécessaire. Coluche disait avec ironie : « Il faut taper sur les pauvres, parce qu'ils sont les plus nombreux. » C'est ce que fait le Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lucien Degauchy. Quel bla-bla !
    M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.
    M. Kléber Mesquida. Monsieur le ministre, vous nous avez demandé quel était notre projet.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui.
    M. Kléber Mesquida. La pédagogie étant parfois l'art de la répétition, je vous répondrai : « Adoptez tous nos amendements, et vous aurez un bon projet, une réforme juste, rationnelle, sensée et attendue. » (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est trop drôle !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Quel comique !
    M. Kléber Mesquida. A grand renfort de publicité, vous avez distribué, avec le logo de votre ministère, un texte intitulé : « Nous sauverons nos retraites en partageant nos efforts ».
    M. Franck Gilard. Très bien !
    M. Kléber Mesquida. Le titre serait beau, si le texte n'énonçait pas un grand nombre de contrevérités.
    Ainsi, vous affirmez que la durée de cotisation sera la même : quarante ans en 2008 pour tous, fonctionnaires comme salariés du privé, ayant travaillé à plein temps ou à mi-temps. C'est faux, car les années à temps partiel ne sont prises en compte que pour la décote. Pour le calcul des annuités, elles ne comptent qu'au prorata pour les fonctionnaires, à l'inverse des salariés du privé.
    Vous prétendez que le niveau de pension des fonctionnaires restera le même en travaillant six mois de plus chaque année à partir de 2004. C'est faux.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non ! C'est vrai !
    M. Kléber Mesquida. Par exemple, un enseignant certifié au onzième échelon, qui aura soixante ans et trente-cinq annuités en 2008, aurait, dans la situation actuelle, une retraite de 2 012 euros. Après la réforme, il toucherait, en partant en 2008, 1 775 euros, soit 12 % de moins. S'il différait son départ de trois ans et partait en 2011 à soixante-trois ans, il percevrait 1 822 euros, soit 190 euros de moins que s'il partait, avec le système actuel, à soixante ans.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux !
    M. Kléber Mesquida. Vous dites que l'on ne travaillera pas plus longtemps pour avoir une retraite plus basse et que, sans la réforme, le niveau des retraites serait à terme divisé par deux. C'est faux.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vrai !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. C'est le COR qui le dit !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il ne sait pas lire !
    M. Kléber Mesquida. C'est faux car il faudrait pour cela qu'il n'y ait aucune croissance d'ici à 2040. Or tous les prévisionnistes misent sur un doublement du produit intérieur. Vous ne prenez pas cela en compte. Il est vrai qu'il faudra travailler plus longtemps mais la retraite sera, comme je viens de le démontrer, plus basse. Je ne vais pas citer toutes les contrevérités contenues dans vos argumentaires, car cela allongerait par trop le débat.
    M. le président. Je vous remercie, monsieur Mesquida, de bien vouloir terminer.
    M. Kléber Mesquida. Mais, monsieur le président, je n'ai pas épuisé mon temps de parole.
    M. le président. Si, monsieur Mesquida.
    M. Kléber Mesquida. Par cette réforme, vous poussez insidieusement les Français vers un système d'épargne par capitalisation. Or, pour épargner, il faut qu'il y ait un différentiel sensible entre les revenus et les dépenses de la vie courante. Donc, avec un tel système, seuls les hauts revenus pourront se constituer un niveau élevé de pension, alors que les bas et même les moyens salaires ne seront pas en mesure d'assurer leur propre retraite.
    Par ailleurs, le Gouvernement ne prévoit dans sa loi qu'un objectif de 80 % du SMIC net lors de la liquidation. Cela signifie concrètement qu'un salarié ayant une carrière entière au SMIC sera au plus haut lors de son départ à la retraite, et ce minimum ne lui sera même pas garanti dans le temps.
    M. le président. Merci, monsieur Mesquida : vous avez largement dépassé votre temps de parole.
    M. Kléber Mesquida. Je conclus, monsieur le président, en une phrase.
    M. Kléber Mesquida. Ce niveau de retraite n'étant pas assuré dans la mesure où la réforme n'a pas prévu le minimum contributif correspondant au minimum garanti, nous avons déposé cet amendement afin de rendre la réforme plus sensée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.
    M. Claude Bartolone. Monsieur le ministre, tout à l'heure, au cours d'une émission de télévision, le président Barrot,...
    M. Jean-Luc Warsmann. L'excellent président Barrot !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il a été vraiment très bon !
    M. Claude Bartolone. ... a demandé à François Hollande d'agir en opposant responsable, comme, disait-il, lui-même avait eu l'occasion de le faire dans le passé et il a rappelé sa position sur un ou deux textes. Mais, mes chers collègues, ça a été aussi le cas de la gauche, et je pense en particulier aux moments où faisaient défaut à Mme Simone Veil des voix de sa propre majorité. Mais le problème n'est pas là.
    Pour que le Gouvernement ait en face de lui une opposition responsable, il faudrait qu'il cesse de jouer au bonneteau avec les Français sur les retraites, leur montrant un bout de réforme pour la faire disparaître aussitôt après. Le Gouvernement essaie de faire croire que le niveau du taux de remplacement ne connaîtra pas de dégradation alors que des membres éminents de l'actuelle majorité parlementaire ne cessent de proclamer urbi et orbi le contraire.
    Au risque de vous lasser en récitant ses déclarations - mais après tout, ne réservez-vous pas de votre côté une bonne place aux citations de responsables socialistes ? - permettez-moi de citer à nouveau M. Novelli : « L'effort financier en matière de retraite, demandé aux Français par le ministre des affaires sociales laisse subsister une incertitude à l'horizon 2020. Pour le cas où ces hypothèses ne se réaliseraient pas, il faut sécuriser le financement des retraites par la mise en place d'un dispositif d'épargne retraite. »
    Et M. Marc Laffineur de compléter : « Il convient également de favoriser les mécanismes de retraite par capitalisation, faute de quoi le départ en retraite se traduira par un changement brutal de situation des intéressés. » Et si l'on croit Eric Woerth, rapporteur sur l'épargne retraite : « Son but ultime consiste à compenser la dégradation du taux de remplacement lors du départ à la retraite, cette compensation dépendant de l'ampleur de la réforme des régime de base. »
    M. Pascal Terrasse. Quel aveu !
    M. Claude Bartolone. Ces trois déclarations me paraissent centrales. Elles montrent à quel point il est essentiel de préserver le lien qui existe dans notre pays entre les salariés, l'ensemble de nos concitoyens et notre système de retraite.
    Monsieur le ministre, avant de vous rejoindre dans l'hémicycle, j'étais cet après-midi avec des organisations syndicales de mon département, la Seine-Saint-Denis. J'ai notamment reçu les représentants d'Aventis et d'Alsthom. Ils sentent bien la préoccupation qui règne chez les salariés de plus de cinquante ans, menacés par des plans sociaux qui mettront à nouveau bon nombre de femmes et d'hommes au chômage, sans perspective de retour à l'emploi dans les années qui viennent. Comment voulez-vous que ces citoyens qui vous entendent, qui écoutent ce débat, qui aient bien compris les propos que je viens de vous rappeler et puissent espérer quoi que ce soit du texte que vous nous présentez ? Comment des élus UMP et UDF peuvent-ils annoncer ainsi que les retraites vont se dégrader dans les années qui viennent ? Comment peut-on dire cela à des salariés qui, compte tenu de la détresse sociale dans laquelle il seront bientôt plongés, n'auront jamais la possibilité d'épargner pour se payer une retraite par capitalisation ?
    M. le président. Monsieur Bartolone, je vous prie de conclure.
    M. Claude Bartolone. Je termine, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, dépuis tout à l'heure, plusieurs de mes collègues du groupe socialiste ont eu l'occasion de faire état de revues et périodiques déjà parus. Ainsi Le Nouvel Economiste, avec ce titre en couverture : « Sauvez vos retraites ! ». A ce propos, chers collègues, permettez-moi de vous donner un petit conseil pour les semaines qui viennent : allez - incognito - dans ces nombreuses officines qui font de la promotion immobilière, pour y entendre les arguments que l'on sert d'ores et déjà à nos concitoyens.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Précisément parce qu'on n'a pas encore réformé les retraites !
    M. Claude Bartolone. Premier argument de vente : « Profitez-en, les taux d'intérêt baissent »...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidaité. Eh bien oui !
    M. Claude Bartolone. Quant au deuxième : « Compte tenu de ce que prépare le Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), si vous avez quarante ans, lancez-vous dans l'accession à la propriété. Cela vous fera toujours un capital au moment de la retraite,...
    M. Lucien Degauchy. Ça, c'est du témoignage !
    M. le président. Merci, monsieur Bartolone !
    M. Claude Bartolone. ... lorsque la bise sera venue. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lucien Degauchy. C'est aussi nul que le précédent !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l'amendement n° 340.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Je voudrais juste apporter quelques arguments pour complémenter ceux que mes collègues ont développés.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas la peine : ils ont déjà beaucoup développé !
    M. Hervé Novelli. Il faut vraiment être mauvais pour commencer comme ça ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Déaut. Pas d'insulte !
    M. Alain Vidalies. C'est vraiment une insulte !
    M. le président. Il est une heure un quart, je demande un peu de calme !
    Poursuivez, monsieur Le Déaut.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement se propose de préciser avant l'article 1er que le système de retraite par répartition est au coeur du contrat social entre les générations...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est écrit dans la loi !
    M. Jean-Yves Le Déaut. ... et qu'il garantit à chacun un niveau élevé de pension.
    Pensez-vous vraiment, monsieur le ministre que vous allez sauver la retraite par répartition ? Un de mes collègues estimait que votre façon de faire était une forme d'escroquerie ; je dirai pour ma part que c'est un tour de passe-passe ou un rideau de fumée. Croyez-vous vraiment à ce que vous avez dit tout à l'heure ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais oui !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Reprenons quelques chiffres que chacun connaît. Avec un produit intérieur brut de 1 500 milliards d'euros et en espérant 6 % d'augmentation du PIB d'ici à l'horizon 2040, cela nous fera 90 milliards d'euros pour sauver la retraite.
    Or tous les économistes s'accordent à reconnaître que le système de retraite, tel que vous le proposez, nous assurera une vingtaine de milliards d'euros, si l'on retient l'hypothèse d'un taux de chômage ramené à 4,5 %.
    Vous avez été ministre de le recherche, monsieur Fillon. Je vais développer un argument qui n'a pas encore été évoqué et que vous serez capable de comprendre. Comment parviendra-t-on à un taux de chômage de 4 ou 5 % alors que l'on sacrifie l'avenir et la recherche dans ce pays ?
    M. Pascal Terrasse. Exact !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Le Gouvernement auquel vous appartenez vient d'opérer de terribles ponctions aux dépens de la recherche, en supprimant ou en gelant des crédits, en interdisant toute possibilité de nous développer dans des secteurs clés comme les nouvelles technologies de l'information, de la communication ou les biotechnologies. Voilà pourquoi je parlais d'un rideau de fumée.
    Du reste, dans l'éditorial du 23 mai auquel vient de faire allusion Claude Bartolone, n'est-il pas écrit : « Quelles que soient les mesures qui pourront être prises pour assurer le financement des retraites, le montant des pensions servies peinera de plus en plus à assurer un bon taux de remplacement par rapport aux revenus de la vie active. » Comme vous ne faites porter l'effort que sur les seuls salariés, comme vous vous refusez à vous attaquer à la valeur ajoutée, à la richesse produite dans ce pays, comme vous n'avez jamais cherché à favoriser réellement le plein-emploi, première condition pour sauver les retraites, vous vous retrouverez demain dans une impasse. Et cette impasse de demain, c'est aujourd'hui que vous l'aurez préparée en favorisant délibérément la capitalisation au détriment de la répartition.
    Jean-Marie Aubron l'a dit avec beaucoup de coeur tout à l'heure : seuls s'en sortiront demain ceux qui auront les moyens de se payer la retraite et qui toucheront des compléments grâce aux entreprises et aux mesures fiscales de l'Etat. Vous avez déjà commencé en abaissant les impôts de 5 %. Il nous en aura coûté 2,6 milliards d'euros que vous auriez mieux fait de mettre dans le fonds de garantie des retraites. Vous ne l'avez pas fait. Tout cela peut se résumer par ce que m'a dit un chauffeur de taxi résidant en France : (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Tout de même, monsieur le président, il est une heure et demie !
    M. le président. C'est fini, monsieur Le Déaut !
    M. Jean-Yves Le Déaut. ... « Ce gouvernement est excellent : il est de droite et il mène une politique de droite » ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. Ils ont du bon sens, les chauffeurs de taxi !
    M. le président. Sur les amendements identiques n°s 250 à 398, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Vous en conviendrez avec moi, monsieur le ministre, dans la question du niveau des retraites entre en ligne de compte celle des avantages familiaux. Vous avez dit à plusieurs reprises et sur toutes les ondes que vous n'y toucheriez pas. Je ne voudrais pas être discourtoise à votre égard,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et vous allez l'être, comme d'habitude.
    Mme Ségolène Royal. ... mais l'article 27 supprime la bonification d'un an par enfant élevé accordée aux femmes fonctionnaires. Vous n'avez pas dit la vérité, vous avez menti. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    J'ai sous les yeux l'article 27. Je vous ai écouté attentivement lors de la présentation du projet de loi : vous avez été fort discret sur ce point, tout comme le ministre chargé de la fonction publique. Mais la vérité est là : vous supprimez bel et bien, pour les femmes fonctionnaires, l'année de bonification pour enfant élevé. Les intéressées s'en sont bien rendu compte. Du reste, une bonne part de l'émotion qui règne en ce moment parmi les enseignants tient au fait que l'on y trouve beaucoup de femmes et celles-ci elles ont parfaitement compris votre tour de passe-passe.
    Dans l'article 27, vous procédez de deux manières.
    Tout d'abord, vous modifiez la règle générale : désormais, pour pouvoir bénéficier d'un avantage familial, les femmes devront s'arrêter de travailler. Connaissez-vous beaucoup de femmes qui peuvent se passer de leur salaire pendant trois ans ? Moi, je n'en connais pas beaucoup. Jusqu'à présent, cette année de bonification venait s'ajouter aux années de service effectif, que l'intéressée interrompe ou non son activité, conformément à l'objectif fixé à la politique familiale depuis plusieurs années : permettre aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle. En exigeant l'arrêt de l'activité, vous remettez en cause ce fragile équilibre, déjà si difficile à maintenir pour les femmes.
    Deuxième tour de passe-passe, vous remplacez le mot « bonification » par le mot « validation ». Pardonnez-moi, mais c'est vraiment nous prendre pour des naïfs, et les femmes pour des imbéciles. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Cochet. C'est scandaleux, monsieur le président ! C'est une injure !
    Mme Ségolène Royal. Le scandale, c'est de revenir sur des avantages familiaux tout en prétendant le contraire. C'est cela qui est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Madame Royal, je vous en prie : poursuivez.
    Mme Ségolène Royal. Ne faites pas l'innocent, monsieur le ministre : vous ne vous ferez pas confondre bonification et validation. La bonification permet de relever le niveau de la pension alors que la validation ne sert qu'à calculer la durée de cotisation et à faire jouer ou non la décote. Vous supprimez la hausse de pension à laquelle donnait droit l'année de bonification à laquelle les femmes ont droit.
    Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous avez affirmé, il y a bien pour les femmes fonctionnaires une perte importante d'avantages familiaux. C'est d'autant plus choquant que vous avez justifié une partie de votre projet de loi par le choc démographique : si celui-ci existe, ne portez pas atteinte aux droits des femmes qui mettent au monde et élèvent des enfants ! C'est pourtant bien ce que vous faites en supprimant l'année de bonification par enfant dans votre projet de loi. Et c'est d'autant plus scandaleux que l'on constate déjà un écart très important entre les hommes et les femmes. Savez-vous que la différence des niveaux moyens de pension est de 42 % ? Le recul que vous avez organisé creusera encore l'écart.
    M. Yves Bur. Qu'avez-vous fait quand vous étiez ministre ?
    Mme Ségolène Royal. Savez-vous aussi que 39 % seulement des femmes retraitées peuvent faire valider une année complète ?
    M. le ministre des affaires sociales du travail et de la solidarité. C'est une situation dont vous êtes responsables !
    Mme Ségolène Royal. Seulement 39 % ! En allongeant à quarante, quarante et un, puis quarante-deux ans les durées de cotisation, vous allez pénaliser encore plus lourdement les femmes.
    M. Daniel Mach. Mais c'est vous, cela ! Et vous avez réglé le problème ?
    M. Lucien Degauchy. Vous devriez être plus discrète sur ce point !
    Mme Ségolène Royal. La réforme Balladur, en faisant passer la période de référence de dix à vingt-cinq ans, avait déjà joué à leur détriment, dans la mesure où ces femmes ont des années de cotisation incomplètes. Le Conseil d'orientation des retraites vous avait mis en garde sur cette question et avait recommandé des mesures pour réduire les conséquences de cette réforme pour les femmes.
    Nous souhaitons que, d'ici à la fin de ce débat, vous puissiez donner à l'Assemblée nationale une idée très précise de l'impact de vos décisions sur le niveau des retraites des femmes,...
    M. le président. Madame Royal, veuillez conclure.
    Mme Ségolène Royal. ... victimes tout à la fois d'une durée de cotisation moins longue, et de la suppression, malgré vos dénégations des années de bonification.
    M. Lucien Degauchy. Et gnagnagna !
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le ministre, nous vous demandons solennellement de rétablir, pour les femmes fonctionnaires, l'année de bonification pour enfant élevé, qu'elles aient ou non interrompu leur activité professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. la parole est à M. Julien Dray, dernier intervenant.
    M. Julien Dray. Une dernière fois - ultime recours, je vais tenter de convaincre mes collègues de la majorité de voter ces amendements et peut-être de les protéger de leur propre turpidude. Si vous êtes sincères, c'est-à-dire si vous croyez à votre réforme, adopter cet amendement ne vous posera aucun problème : il se borne à rappeler deux principes essentiels auxquels vous vous dites attachés.
    Premier principe : notre système de retraite par répartition est au coeur du contrat social. M. Fillon ne peut pas être contre ce contrat social : moi qui l'ai connu plus jeune, je sais qu'il fut un ardent défenseur, j'irais jusqu'à dire l'un des plus attachés à ce contrat social,...
    M. Claude Bartolone. Presque de gauche !
    M. Julien Dray. ... partie intégrante de cet héritage gaulliste qui a marqué sa jeunesse et qui a connu ses heures de gloire dans son parti de l'époque, le RPR. Il ne peut donc à l'évidence que conseiller à sa majorité de voter pour ce principe.
    Le deuxième principe, le plus important dans ce débat, c'est celui qu'ont évoqué par tous les excellents collègues qui m'ont précédé et qui en ont fait, chacun à sa manière, une démonstration proprement époustouflante. Que nous ont-ils dit ? Une chose simple : ce sont des députés qui représentent leur circonscription (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)...
    M. Yves Bur. Nous aussi, nous représentons notre circonscription !
    M. Jean-Claude Lenoir. Décidément, j'en apprends ce soir !
    M. Julien Dray. ... et ce qu'ils entendent, c'est évidemment l'angoisse de nos concitoyens. M. Lenoir va comprendre ce que je veux dire, lui qui se déclare fréquemment, et à juste titre, attaché à son terroir.
    M. Jean-Claude Lenoir. Merci !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Le Perche ! Le boudin de Mortagne !
    M. Julien Dray. Que veulent nos concitoyens ? Un niveau de retraite garanti, autrement dit l'assurance de finir leur vie dans la sécurité et une certaine dignité. Comment un député de la République pourrait-il être contre ce principe ? Si votre réforme est sincère, mes chers collègues, vous ne prenez aucun risque à voter ces amendements. Au contraire : la démonstration serait faite au pays que vous prenez un engagement solennel en promettant que votre réforme permettra de maintenir véritablement un niveau décent de retraite. A l'inverse, ne pas voter ces amendements revient à avouer que votre réforme met effectivement en péril le système par répartition. Alors, les critiques qui se sont aujourd'hui exprimées dans cet hémicycle et dans la rue ainsi que les inquiétudes des salariés seront justifiées dans la mesure où vous vous refusez à prendre ce simple engagement. Le doute s'insinuera quant à votre sincérité et l'on pourra penser que, au fond, ce que mes collègues avancent est vrai : vous ne croyez plus à notre système de retraite par répartition...
    M. Manuel Valls. Voilà !
    M. Julien Dray. ... et vous préparez l'avènement de la capitalisation.
    Ce qui m'attriste, c'est de voir des parlementaires qui se réclament de l'héritage du Conseil national de la Résistance et du préambule de la Constitution (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) - évidemment, pas M. Novelli : lui, nous le savons, est un adepte de la droite libérale la plus dure ! - tourner le dos à cet héritage, ce bel héritage qui devrait nous réunir. L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique, dit le proverbe ! En refusant de voter ces amendements, vous vous engagez dans une situation proprement terrible.
    M. Yves Bur. L'enfer, maintenant !
    M. Julien Dray. Je comprends au fond que M. Barrot, si attaché à la vérité, ne soit finalement pas là alors qu'il a indiqué tout à l'heure, à la télévision, qu'il revenait dans l'hémicycle : c'est qu'il se rend compte du problème et qu'il craint de se retrouver face à sa conscience. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. Il était là avant que vous n'arriviez !
    M. Manuel Valls. Où est Barrot ?
    M. Julien Dray. Avec sa conscience !
    M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous étiez absent durant les trois quarts de la discussion et vous voudriez nous faire la leçon ! Un peu de pudeur !
    M. Julien Dray. Précisement, mon cher collègue, la pudeur commanderait de prendre en considération ces amendements et de les voter. Vous reviendriez dans vos circonscriptions fiers de vous, parce que vous pourriez dire à vos électeurs : « J'ai sauvé le niveau des retraites ». Vous auriez pris un véritable engagement devant la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lucien Degauchy. C'est ridicule !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Comme M. Dray est arrivé il y a peu de temps, il n'a pas pu voir M. Jacques Barrot, mais il était là auparavant !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous non plus, nous ne l'avons pas vu !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est sans doute aussi ce qui explique que ses propos aient sensiblement contredit ce qui avait été exposé, de façon d'ailleurs assez maladroite, par ses prédécesseurs.
    M. Patrick Bloche. Donnez donc l'avis de la commission !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Dans ces 149 amendements identiques, une ligne et demie pour répéter ce qui est inscrit dans le texte !
    M. Augustin Bonrepaux. Pas du tout !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Voilà ce qui nous aura occupés près de deux heures !
    M. François Hollande. Ce n'est pas trop !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quelle curieuse identité de réaction ! Peut-être de l'étroitesse d'imagination ?
    M. Yves Bur. Très bien !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La communication interne au groupe socialiste est-elle mauvaise à ce point ou avez-vous une volonté d'obstruction délibérée ? Chacun choisira la réponse qui lui convient ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Augustin Bonrepaux. C'est de la provocation !
    M. Jean-Yves Le Déaut. Voilà ce que dit la droite quand elle prend la parole !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En tout cas, les arguments ont été d'une faiblesse pitoyable, l'insignifiance le disputant à la désinformation et au mensonge. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Quelle prétention !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. A l'évidence, beaucoup d'entre vous n'ont aucune connaissance du problème des retraites. C'est triste. La vérité est que le groupe socialiste n'a aucune proposition à présenter. (Mêmes mouvements.)
    M. Julien Dray. C'est le retour de l'arrogance ! Mais ça ne dure qu'un temps !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. D'ailleurs, son porte-parole, Gaëtan Gorce, l'a dit lui-même, je peux le citer.
    M. Manuel Valls. Vous citez les socialistes, maintenant ? N'avez-vous donc aucune idée à vous ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. En réalité, vous êtes dans une confusion vertigineuse, et sans aucun projet.
    M. Yves Bur. C'est la vérité !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Hier, vous vous référiez au COR, avant-hier au Livre blanc, entre les deux, au rapport Charpin !
    M. Lucien Degauchy. Ils sont ridicules !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Aujourd'hui, vous abandonnez tout projet.
    M. Julien Dray. Vous, vous abandonnez la retraite par répartition !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Sans parler de votre totale absence de stratégie : hier, vous nous assuriez que vous ne feriez pas d'obstruction, aujourd'hui, vous déposez 149 fois le même amendement, quelques heures après avoir demandé la vérification du quorum et quitté dans le même temps l'hémicycle !
    Nous n'avons pas de temps à perdre. Comme le dit Jacques Attali qui est des vôtres, chers collègues socialistes : « Je n'approuve pas la stratégie du parti socialiste, car c'est une stratégie incomplète, voire dangereuse. Je n'approuve pas un parti de gouvernement qui n'a pas de programme de gouvernement. »
    Il faut donc rejeter ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Mes chers collègues, je vous demande d'écouter. Au surplus, il ne sert à rien de crier !
    M. Jean-Yves Le Déaut. On a tout de même le droit de s'exprimer dans l'hémicycle !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames, messieurs les députés, cet article additionnel est inutile puisque les principes qu'il énumère figurent déjà dans l'exposé des motifs de la loi, dont j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises d'expliquer qu'il a été rédigé par le groupe confédéral où étaient présents l'ensemble des organisations syndicales et patronales. Ces principes ont été repris intégralement dans l'exposé des motifs, ...
    M. Julien Dray. Acceptez l'amendement, alors !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... y compris la notion de contrat social, à laquelle je suis très attaché, comme M. Dray l'a rappelé, ...
    M. Julien Dray. Je le croyais.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais aussi le haut niveau des retraites. Les mots mêmes sont dans l'exposé des motifs parce que c'est là leur place. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Dans la loi elle-même, l'article 1er affirme que notre système de retraite est fondé sur la répartition et l'article 2 reprend les autres éléments de l'article additionnel que vous proposez.
    M. Julien Dray. Alors acceptez-le ! Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a donc pas de raison d'adopter cet article additionnel.
    M. Julien Dray. Acceptez-le, ce sera un geste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, à l'occasion de ce qui a ressemblé à une deuxième discussion générale, beaucoup de questions ont été posées. Je voudrais donc répondre maintenant à quelques-unes d'entre elles, me réservant de répondre aux autres dans les discussions générales suivantes.
    La première question du président du groupe socialiste portait sur le taux de garantie à 85 % pour les petites retraites : « Comment pouvez-vous vous engager à la place des régimes complémentaires ? » a-t-il demandé.
    Si vous avez bien regardé les choses, monsieur Ayrault, et je suis sûr que c'est le cas, vous aurez pu constater que nous parvenons à cet objectif de 85 % par une augmentation du minimum contributif. En 2000, un salarié qui a fait toute sa carrière au SMIC a reçu, au titre du régime de base, une retraite égale à 56 % du SMIC net, et au titre du régime complémentaire, 25 %. En 2008, ce salarié recevra du régime de base 60 % du SMIC net, par augmentation du minimum contributif, et toujours 25 % du régime complémentaire. Il est donc clair que nous ne faisons pas porter sur les régimes complémentaires la responsabilité d'atteindre cet objectif de 85 %.
    J'ajoute que les organisations patronales que vous avez citées, cogestionnaires de ces régimes complémentaires, étaient naturellement présentes à la négociation et ont, comme vous le savez, approuvé le relevé de décisions du 15 mai 2003.
    La deuxième question posée par M. Ayrault concernait le niveau de retraite des fonctionnaires. Un fonctionnaire qui, en 2008, acceptera de travailler deux ans et demi de plus, puisque c'est bien l'objet de la réforme que nous présentons devant le Parlement,...
    M. François Hollande. En effet !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... aura exactement le même niveau de retraite qu'en 2003.
    M. Jean-Claude Lefort. Mais il travaillera deux ans et demi de plus !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'exemple cité tout à l'heure est faux, puisqu'un professeur certifié qui prendrait sa retraite à soixante ans aujourd'hui, après trente-cinq ans de cotisation, aurait un taux de liquidation de 70 % ; en 2008, s'il prend sa retraite à soixante-deux ans et demi, il aura le même taux de liquidation, et, à soixante-trois ans, un taux de liquidation de 71,25 %. J'ajoute qu'il n'y aura pas de décote, puisque celle-ci, s'agissant de ce professeur certifié, s'annulera à soixante-deux ans.
    M. Jean-Yves Le Déaut. Mais il aura travaillé deux ans et demi de plus !
    Mme Ségolène Royal. Et si c'est une femme ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je vais y venir, madame Royal, mais je réponds d'abord à M. Ayrault. Dans cette deuxième discussion générale, le groupe socialiste s'est entêté dans une tactique qui consiste à caricaturer le texte du Gouvernement, mais c'est...
    M. Jean-Claude Lenoir. Une habitude !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... souvent le jeu, et, surtout, à brandir le spectre de la capitalisation.
    Vous êtes tellement obsédés par la capitalisation que vous ne cessez d'en parler. Ce n'est pas moi qui ai publié avec M. Kessler un ouvrage sur la capitalisation, dans lequel Dominique Strauss-Kahn écrivait : « Cessons d'opposer répartition et capitalisation dans des joutes forcément stériles. »
    M. Julien Dray. Voulez-vous que je vous parle de Philippe Séguin ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais, surtout, M. Fabius dont j'ai cru comprendre que M. Bartolone était proche, écrivait en 1999 : « Il - le salarié - serait bon qu'il y ait une possibilité de souscrire à des fonds de partenariat-retraite ouverts à tout le monde mais aussi qu'obligation soit faite à ces fonds de pension que 50 % de leurs avoirs soient investis en actions françaises. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Et Philippe Séguin, que dit-il de votre réforme ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous, nous n'avons pas choisi la voie qui consistait à privilégier la capitalisation, contrairement à ce que certains d'entre vous préconisaient, il y a quelques années.
    M. Julien Dray. Séguin vous gêne !
    M. François Brottes. Et la loi Thomas ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quant à Mme Royal, elle a d'une manière scandaleusement malhonnête...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas surprenant !
    M. Jean-Marc Ayrault. C'est une attaque personnelle ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... présenté à sa façon la réforme du Gouvernement.
    Qu'en est-il des avantages familiaux ?
    S'agissant des femmes qui relèvent du régime général, Mme Royal reconnaîtra avec moi qu'il n'y a pas de modification. En raison d'une jurisprudence européenne, et Mme Royal le sait parfaitement, dont je ne suis pas responsable - je ne suis pas fonctionnaire et je ne suis pas allé, moi, porter plainte devant la juridiction européenne pour obtenir l'application du principe d'égalité hommes-femmes -, nous avons été effectivement obligés de trouver un moyen pour maintenir les avantages familiaux aux femmes fonctionnaires.
    Si vous avez une meilleure solution que la nôtre à me proposer, je suis prêt à l'examiner !
    Mme Ségolène Royal. Tout de même, vous avouez !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ecoutez-donc !
    Pour les femmes qui auront un enfant avant le 1er janvier 2004, il n'y a rien de changé.
    M. Yves Bur. Il faut qu'elles se dépêchent ! (Rires.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces femmes prendront leur retraite en moyenne dans trente ans. Autrement dit, pour les vingt ou trente années qui viennent, la question est réglée.
    Pour les enfants nés après cette date, nous proposons d'accorder une bonification aux femmes et aux hommes cessant ou réduisant leur activité professionnelle. Il s'agit d'une véritable compensation familiale. Elle sera étendue puisqu'elle pourra aller jusqu'à trois ans par enfant. C'est un dispositif généreux, qui correspond à l'esprit des compensations familiales. Il est d'autant plus généreux qu'il bénéficie aux personnes qui choisissent simplement de réduire leur activité.
    Nous ne pouvions pas échapper, à moins de modifier de manière radicale le statut de la fonction publique - ce que nous n'avons pas voulu faire - à cette jurisprudence communautaire. Si Mme Royal a une solution juridiquue plus élégante à me proposer pour les femmes qui prendront leur retraite dans trente ans, naturellement, je suis prêt à l'examiner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Julien Dray. Le ministre n'a pas répondu !
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Contre l'amendement. J'ai un conseil à donner à certains intervenants de ce soir : « Qui veut voyager loin ménage sa monture ! » Nous avons été surpris par l'hyperexcitabilité de certains de nos collègues, et surtout par la terminologie qu'ils ont employée à plusieurs reprises. Pour nous, la violence verbale n'a pas sa place dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Je suis membre du COR depuis l'origine. Beaucoup d'experts ont été entendus. Experts ou membres du COR, quelle que soit leur origine, n'ont jamais tenu des propos comme ceux que j'ai entendus ce soir à propos de la situation des retraites dans notre pays. J'avoue avoir été scandalisé par la façon dont a été abordé le problème des retraites dans cet hémicycle. Il s'agit de politique sociale, c'est un sujet sérieux. Nous ne devrions pas nous invectiver ainsi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plus surprenant encore est d'entendre demander s'il y a une réforme alors que, précisément, on l'examine !
    La confusion règne : ce que l'on nous reproche de ne pas avoir inscrit dans le texte - le choix de la répartition, qui est au coeur du pacte social - figure à l'article 1er.
    Ce qu'on nous propose serait donc redondant. Alors même que nous n'en sommes qu'aux amendements avant l'article 1er, on a déjà beaucoup parlé du niveau des retraites. C'est un sujet extrêmement important, mais c'est à l'article 2 et à l'article 4 que cela doit être discuté. (« On y reviendra ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    En outre, sur ce sujet, beaucoup de contrevérités ont été proférées et on s'est livré à la caricature. Le niveau des retraites, en particulier pour les personnes les plus fragiles, est revenu à plusieurs reprises dans la discussion. Or la retraite minimale garantie proposée par le Gouvernement est de 85 % du SMIC pour une carrière complète, ce qui correspond à une revalorisation puisque, actuellement, elle est de 81 % - ce sont les chiffres du COR. Sans réforme, ce taux tomberait en 2020 à 60 %. C'est donc une revalorisation de 9 % en quatre ans qui est prévue. Je vous renvoie au Journal officiel pour constater que, les années précédentes, dans le cadre du budget de l'assurance vieillesse, c'est nous, à l'UMP, qui avons indiqué qu'il n'était pas normal que le minimum contributif soit inférieur au minimum vieillesse.
    Or vous n'avez pas touché au minimum contributif pendant des années !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pendant cinq ans !
    M. Denis Jacquat. C'est nous qui nous en occupons ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'avez pas le monopole du coeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 250 à 398.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   167
Nombre de suffrages exprimés   167
Majorité absolue   84
Pour l'adoption   59
Contre   108

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

    M. le président. J'ai reçu, le 12 juin 2003, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la chasse.
    Ce projet de loi, n° 909, est renvoyé à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, en application de l'article 83 du règlement.

3

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures quarante-cinq, première séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le vendredi 13 juin 2003 à une heure quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
Transmission

    Par lettre du 11 juin 2003, M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale le texte suivant :
N° E 2310. - Proposition de règlement du Conseil concernant certaines restrictions spécifiques applicables aux relations économiques et financières avec l'Irak et abrogeant le règlement (CE) n° 2465/1996 du Conseil.

CONVOCATION
DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS

    La Conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le : mardi 17 juin 2003, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

annexes au procès-verbal
de la 3e séance
du jeudi 12 juin 2003
SCRUTIN (n° 162)


sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Ayrault, du projet de loi portant réforme des retraites.

Nombre de votants

240


Nombre de suffrages exprimés

240


Majorité absolue

121


Pour l'adoption

67


Contre

173

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 171 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 54 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).
    Pour : 1. - Mme Martine Billard.

SCRUTIN (n° 163)


sur les amendements n° 3171 de Mme Buffet, n° 3172 de M. Bocquet, n° 3173 de M. Dutoit, n° 3174 de Mme Fraysse, n° 3175 de Mme Jacquaint, n° 3176 de M. Gremetz et n° 3177 de M. Liberti avant l'article premier du projet de loi portant réforme des retraites (principe de solidarité entre les générations).

Nombre de votants

191


Nombre de suffrages exprimés

191


Majorité absolue

96


Pour l'adoption

56


Contre

135

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 133 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 43 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean Le Garrec (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).
    Pour : 1. - Mme Martine Billard.

SCRUTIN (n° 164)


sur l'amendement n° 250 de Mme Adam et les amendements n°s 251 à 398 des membres du groupe socialiste avant l'article premier du projet de loi portant réforme des retraites (garantie d'un niveau élevé de pension).

Nombre de votants

167


Nombre de suffrages exprimés

167


Majorité absolue

84


Pour l'adoption

59


Contre

108

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 108 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.     Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).