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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 18 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 17 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement. «...».

ÉCONOMIE ET EMPLOI «...»

MM. Jean-Louis Bianco, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

ISLAM DE FRANCE «...»

MM. Nicolas Perruchot, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

RETRAITES «...»

MM. Alain Bocquet, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

ARRESTATIONS DE MOUDJAHIDINES
DU PEUPLE IRANIEN «...»

MM. Philippe Houillon, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

CONTREFAÇONS ET PIRATAGE «...»

M. François d'Aubert, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

RÉNOVATION DE L'OTAN «...»

M. Daniel Mach, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

CODE DES MARCHÉS PUBLICS «...»

MM. André Vallini, Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

GROUPES D'INTERVENTION RÉGIONAUX «...»

MM. Jean-Marc Roubaud, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

CANDIDATURE DE MARSEILLE
POUR L'ACCUEIL DE LA COUPE DE L'AMERICA «...»

MM. Dominique Tian, Jean-François Lamour, ministre des sports.

INTERMITTENTS DU SPECTACLE «...»

MM. Patrick Bloche, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication.

POLITIQUE DE LA VILLE «...»

MM. Pierre Cardo, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

CONSTITUTION EUROPÉENNE «...»

M. Pierre-Louis Fagniez, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

2.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Rappels au règlement «...»

MM. Jean-Marc Ayrault, le président, Maxime Gremetz, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Article 2 (suite) «...»

Amendements identiques n°s 3332 à 3338 (suite). - Rejet de l'amendement n° 3337.
Amendement n° 5085 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2 «...»

Amendements identiques n°s 2937 à 2953 : MM. Philippe Vuilque, Pascal Terrasse, Mme Marie-François Clergeau, MM. le ministre, Alain Néri, Mme Ségolène Royal, MM. Gaëtan Gorce, Alain Vidalies, Christophe Masse, le rapporteur, le ministre, Denis Jacquat, Pascal Terrasse. - Rejet des amendements n°s 2937, 2953, 2939, 2951, 2949, 2943, 2941, 2947.
Amendement n° 77 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Brard, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 78 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Denis Jacquat.

Rappel au règlement «...»

M. Pascal Terrasse.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

M. Jean-Pierre Brard.

Reprise de la discussion «...»

Mme Martine Billard, MM. Maxime Gremetz, le président. - Rejet de l'amendement n° 78.
Amendement n° 79 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 75 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Pascal Terrasse, Jean-Pierre Dufau, François Goulard, - Rejet.
Amendement n°  3139 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Pascal Terrasse, Alain Vidalies, Mme Ségolène Royal. - Rejet.
Amendement n° 76 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, Pascal Terrasse, Maxime Gremetz. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance «...»
Article 3 «...»

Mme Elisabeth Guigou, MM. Denis Jacquat, Jean-Pierre Brard, Dominique Strauss-Kahn, Jean Le Garrec, Alain Vidalies, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Jean-Claude Sandrier, Mme Ségolène Royal, MM. François Liberti, Jacques Desallangre.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance. «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe socialiste.

ÉCONOMIE ET EMPLOI

    M. le président. La parole est à  M. Jean-Louis Bianco.
    M. Jean-Louis Bianco. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    Mes chers collègues, vous le savez tous, au premier trimestre de cette année, pour la première fois depuis 1996, l'emploi salarié a reculé en france. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est dire qu'à l'aggravation du chômage, s'ajoute le fait que notre économie détruit aujourd'hui plus d'emplois qu'elle n'en crée (« A cause des 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors que, je le rappelle, durant la période 1997-2002, elle en a créé deux millions (Exclamations sur les mêmes bancs), ce qui a permis de réduire de 900 000 le nombre des chômeurs ! (Applaudissements sur les bancs groupe socialiste.)
    Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, que cela est dû à une situation internationale et à une conjoncture moins favorables, et c'est une évidence. (« 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Toutefois, si tel est le cas, comment expliquer que, durant la période précédente, la croissance française ait été constamment supérieure à la moyenne de celles des pays européens et supérieure à celles de nos principaux partenaires et que ce ne soit pas plus le cas aujourd'hui ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Richard Mallié. Nous n'avons pas de chance, ce n'est pas comme vous !
    M. Jean-Louis Bianco. C'est la conséquence, monsieur le ministre, d'une mauvaise politique économique (« Non, des 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), une politique qui s'appuie sur l'emploi privé (Exclamations sur les mêmes bancs), en oubliant que la qualité des services publics est non seulement un élément d'égalité entre les citoyens, mais aussi un facteur de compétitivité de la France, une politique qui, lorsqu'elle attribue des baisses de charges aux entreprises, oublient de les conditionner à une obligation de formation - alors que nous savons bien que la première richesse de ce pays, c'est la qualité des hommes et des femmes et de leur formation -, une politique qui supprime les emplois-jeunes, une politique qui diminue les crédits de la recherche (Protestations sur les mêmes bancs) et qui, par là-même, insulte l'avenir,...
    M. Thierry Mariani. Provocateur !
    M. Jean-Louis Bianco. ... une politique qui multiplie les cadeaux fiscaux aux riches, ce qui, vous le savez bien, n'a pas d'autre effet que de creuser le déficit sans accroître la consommation. (« Et les 35 heures ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ainsi, monsieur le ministre, au moment où nous débattons de la réforme des retraites, au moment où il est reconnu par tous que le plan de M. Fillon...
    M. Lucien Degauchy. Un excellent plan !
    M. Jean-Louis Bianco. ... n'est pas financé,...
    M. Lucien Degauchy. Et les 35 heures, elles le sont ?
    M. Jean-Louis Bianco. ... et ne pourrait l'être que par une répartition plus juste des charges...
    M. Richard Mallié. La question ?
    M. le président. Monsieur Bianco...
    M. Jean-Louis Bianco. ... et par la croissance de l'emploi, quand allez-vous changer de politique et remplacer cette politique qui conjugue l'injustice sociale et l'inefficacité économique par une autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à  M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, en avril dernier, le chômage a augmenté de 0,1 % dans notre pays, et, sur un an, le nombre des chômeurs a augmenté de 100 000 personnes. (« Plus ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous rappelle que durant la dernière année du gouvernement que vous souteniez, il avait augmenté de 160 000 personnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -  Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    De 1997 à 2002, pour l'ensemble des pays de l'Union européenne, l'emploi a augmenté de 2,3 %. En France, malgré les 35 heures,...
    M. Lucien Degauchy. A cause des 35 heures !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et une politique de création massive d'emplois publics, l'emploi n'a augmenté que de 2,1 % ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -  Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marc Ayrault. Faites-en autant !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il y a un vrai problème de compétitivité de l'économie française, et en particulier de l'industrie française. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Notre croissance en emplois est moindre que celles des autres pays de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé toute une série de réformes structurelles : baisse de l'impôt sur le revenu (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ;...
    M. François Liberti. Des cadeaux aux riches !
    M. Augustin Bonrepaux. Merci pour eux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... allégements de charges,...
    M. François Hollande. Ça ne marche pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mouvement qui va s'amplifier de manière très importante à compter du 1er juillet, puisqu'il est prévu 7 milliards d'euros d'allégements de charges à cette date ; assouplissement des 35 heures ; mise en place à la fin du mois de juin de 80 000 contrats pour embaucher des jeunes sans qualification dans les petites et moyennes entreprises (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire) ; mise en oeuvre de toute une série de mesures destinées à faciliter la création d'entreprises dans notre pays, ce qui a permis une relance de ces créations au premier trimestre 2003.
    M. François Hollande. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, contrairement à ce que vient d'affirmer M. Bianco, pour le premier trimestre 2003, le taux de croissance de notre pays est plus élevé que celui de la moyenne des taux de croissance des pays européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette situation est le fruit des baisses d'impôts et de la politique économique que nous conduisons.
    Lorsqu'on regarde les choses dans le détail, on s'aperçoit que les pays qui ont augmenté les impôts, et qui ont réduit de manière brutale les dépenses publiques ont aujourd'hui une croissance en chute libre, alors que nous, nous avons conservé un taux de croissance qui est plus élevé que la moyenne.
    Monsieur le député, nous allons poursuivre cette politique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et nous vous donnons rendez-vous dans cinq ans pour juger les deux législatures qui se sont succédé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

ISLAM DE FRANCE

    M. le président. La parole est à  M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure est des libertés locales, ce week-end ont eu lieu les élections des présidents des conseils régionaux du culte musulman. Il ne nous apartient évidemment pas de remettre en question les résultats de ce scrutin ni le principe de ces élections qui constituent un réel progrès dans le dialogue entre les autorités nationales et les représentants de l'islam de France. Toutefois, certains s'inquiètent des résultats enregistrés par des représentants de la fraction des musulmans présentée comme la plus radicale.
    Le groupe UDF partage votre combat pour l'émergence d'un islam de France respectueux des valeurs républicaines, mais de nombreuses voix s'inquiètent de l'émergence d'une vision communautariste et morale de l'islam.
    Monsieur le ministre, partagez-vous cette inquiétude ? Le principe de laïcité ne risque-t-il pas d'être remis en cause par les positions des nouveaux élus au sein des conseils régionaux du culte musulman ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à  M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Perruchot, je tiens à vous remercier pour le ton modéré avec lequel vous venez de poser une question très importante.
    Nos compatriotes musulmans sont doublement victimes : victimes de leurs divisions et victimes des idées préconçues de tous ceux qui, ne les connaissant pas, se prêtent à des amalgames scandaleux entre l'islam et le terrorisme et entre l'intégrisme et les musulmans !
    M. Pierre Cardo. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vous ferai part de trois réflexions.
    Premièrement, la laïcité, contrairement à ce que j'entends si souvent dire, n'est pas l'ennemi de la religion.
    M. Pierre Cardo. C'est exact !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La loi de 1905 dispose avec force que la République garantit l'exercice du culte, de tous les cultes, sans en privilégier un seul ! Le temps de la laïcité sectaire est définitivement terminé, et c'est très bien ainsi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. Pour les sectaires, la laïcité n'existe pas !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ceux qui croient sont ceux qui espèrent. Je ne vois pas en quoi le fait d'espérer serait contraire à l'idéal républicain.
    Deuxièmement, nos compatriotes musulmans ont les mêmes droits que les autres. Ils ne sont pas au-dessus des lois mais ils ne sont pas au-dessous des lois. Ils ont le droit de vivre leur foi comme les catholiques, les juifs ou les protestants !
    Troisièmement, sur les vingt-cinq présidences des CRCM - et non quinze comme a pu le dire un honorable parlementaire -, seize ont été obtenues par des représentants de « l'islam modéré » et neuf par l'UOIF. Je ne pratique pas l'amalgame mais je pose une question : qui pourrait me dire ici que, depuis dix-sept ans que l'UOIF n'est pas intégrée dans des structures républicaines, cela a nui à sa capacité d'implantation et qui pourrait me démontrer que le refus d'intégrer les gens fait progresser ceux-ci vers l'idéal républicain ?
    L'islam a besoin de toutes ses tendances. Ce qu'il faut, c'est non un islam clandestin, non un islam des caves et des garages, mais un islam de France, avec tous les musulmans. C'est ce que nous allons essayer de continuer à construire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

RETRAITES

    M. le président. La parole est à  M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre (« Le quorum ! le quorum ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), il y a le temps de la négociation, puis celui du débat au Parlement, aviez-vous dit. Force est de constater que la donne est changée. Vous avez ressenti le besoin d'adresser une lettre à tous les Français sur votre projet de réforme des retraites. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Combien ça coûte ?
    M. Alain Bocquet. A moins de considérer, comme le dit Jean-François Revel, que la communication, c'est ce qui sert à expliquer que les échecs sont des succès (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), par votre initiative, vous mettez objectivement en retrait le débat parlementaire en cours. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    M. Richard Mallié. Pour ce que vous en faites !
    M. Alain Bocquet. En vous adressant aussi solennellement au peuple,vous réintroduisez celui-ci dans le débat. Vous l'interpellez, et nous n'allons pas nous plaindre.
    Vous le savez bien, votre projet de réforme dangereux pour le monde du travail ne passe pas comme une lettre à la poste ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. A cause des grèves !
    M. Alain Bocquet. Les grèves (« Ah oui, les grèves ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), les manifestations, les luttes diverses et nombreuses qui s'expriment en témoignent, tout comme les 65 % de Français opposés à votre réforme. (Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Micaux. N'importe quoi ! C'est faux !
    M. Alain Bocquet. Vous dites vouloir entendre le peuple et l'écouter. Alors, allez-y, ne vous arrêtez pas en si bon chemin !
    M. Jean Besson. Amnésique !
    M. Alain Bocquet. Notre histoire sociale a été rythmée par de grands rendez-vous : les accords Matignon en 1936, pour les congés payés et les 40 heures ; les accords de Grenelle en 1968, pour l'augmentation des salaires et pour la reconnaissance du droit syndical. Comme on le sait, une majorité de Français se prononcent pour la reprise des négociations avec les organisations syndicales non signataires. Monsieur le premier ministre, vous vous honoreriez, à l'image de vos illustres prédécesseurs, en convoquant une conférence sur les retraites à Matignon qui réunirait l'ensemble des partenaires sociaux afin de conclure un nouvel accord qui recueille l'assentiment de tous. sur la réforme des retraites, qui recueille l'assentiment de tous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Quel culot !
    M. Alain Bocquet. Et sur cette base, comme il y a une suite logique à l'initiative que vous avez prise d'adresser une lettre aux Français, le peuple doit pouvoir vous répondre (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) aussi solennellement que vous l'avez fait. Il faut donc le consulter. (« La question ! » sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Monsieur Bocquet...
    M. Alain Bocquet. Il faut qu'il puisse se prononcer et trancher ce débat par voie de référendum. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le peuple doit avoir le dernier mot sur un projet qui le concerne au plus haut point et qui engage son avenir et celui des générations de demain. (« La question ! » sur les mêmes bancs.) Chacun le reconnaît, vous en premier, il s'agit d'un enjeu de société, j'ajouterai même de civilisation.
    M. le président. Merci, monsieur Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Le débat national que vous venez de réintroduire dans le pays doit prendre toute sa dimension démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président Bocquet, nul n'est plus mal placé que vous (« Oh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) pour prétendre que le Gouvernement cherche à escamoter le débat parlementaire. En effet, depuis maintenant six jours, nous débattons dans cet hémicycle de la réforme sur les retraites, et nous aurions pu hier soir, si vous n'aviez pas demandé à minuit cinq la vérification du quorum, (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) voter l'article 2 d'un projet de loi qui en compte quatre-vingt un.
    M. Bernard Roman. La majorité n'était pas là !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour ce qui est du Premier ministre, il a bien le droit d'écrire aux Français,...
    M. François Hollande. Avec quel argent ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... pour les informer sur une réforme fondamentale qui concerne la vie de chacun d'entre eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Ségolène Royal. Qui paye ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Premier ministre a même, monsieur Bocquet, le devoir de le faire, compte tenu de la campagne de désinformation sans précédent qui a accompagné cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Le peuple a le droit de répondre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui, monsieur Bocquet, il y a urgence à réformer, en raison du choc démographique que, depuis des jours et des jours, sur les bancs du groupe communiste, vous vous employez à minimiser.
    Oui, monsieur Bocquet, il y a urgence à sauver le régime de retraite par répartition. Notre réforme ne baisse pas le niveau des pensions, contrairement à ce que l'on lit ici ou là (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), elle va même l'améliorer pour les petites retraites, avec la garantie de toucher 85 % du SMIC. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Oui, monsieur Bocquet, cette réforme est une réforme de justice sociale, puisqu'elle met fin à une inégalité insupportable entre le secteur public et le secteur privé.
    Non, monsieur Bocquet, cette réforme ne remet pas en cause la retraite à soixante ans, comme l'affirment beaucoup des publications auxquelles le Premier ministre a voulu répondre. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Monsieur Bocquet, cette lettre vous gêne parce qu'elle dit la vérité. (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Elle vous gêne parce qu'elle révèle une différence fondamentale entre la majorité actuelle et la majorité et la majorité précédente : cette différence, c'est le courage ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

ARRESTATIONS DE MOUDJAHIDINES
DU PEUPLE IRANIEN

    M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Philippe Houillon. Monsieur le ministre de l'intérieur, ce matin à l'aube a eu lieu, principalement dans ma circonscription, à Auvers-sur-Oise, une opération de police exceptionnelle - probablement une des plus importantes depuis de nombreuses années - qui a permis l'arrestation de 165 membres de l'Organisation des moudjahidines du peuple iranien, l'OMPI, dont Mme Maryam Radjavi, désignée par son mouvement comme la future présidente de l'Iran.
    Cette opération de grande envergure et très professionnelle, à laquelle il faut rendre un hommage appuyé, alors que les moudjahidines sont installés à Auvers depuis plusieurs années et que les habitants, aujourd'hui émus, en connaissaient l'existence mais pas réellement les activités, laisse supposer un considérable travail en amont.
    Je ne méconnais pas, monsieur le ministre, l'existence d'une procédure judiciaire en cours pour activités terroristes, mais pouvez-vous, néanmoins, éclairer la représentation nationale sur les circonstances qui ont suscité et permis ces arrestations, ainsi que sur les activités du réseau, et nous indiquer si l'on peut estimer que tous les membres de celui-ci ont été appréhendés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, l'OMPI est une organisation apparue en Iran en 1965. Elle s'inspire, curieusement, à la fois du marxisme (« Oh ! sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et de l'islamisme le plus intégriste.
    M. François Liberti. Voilà qui est curieux !
    M. Jean Leonetti. L'un et l'autre sont totalitaires !
    M. François Goulard. C'est pour Bocquet !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne savais pas, mesdames et messieurs les communistes, qu'on ne pouvait même plus prononcer le mot « marxisme » ! (Rires sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Mais si !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dans ma bouche, c'était une constatation, et non une insulte.
    En 1986, l'OMPI s'est installée en Irak, où elle a bénéficié du soutien constant de Saddam Hussein. En mai 2002, elle a été inscrite par l'Union européenne sur la liste des organisations terroristes - je rappelle que pour être inscrit sur cette liste, il faut une décision unanime des quinze membres de la Communauté.
    Cette organisation a voulu récemment faire de la France sa base arrière, notamment à la suite de l'intervention américaine en Irak. Nous ne pouvions l'accepter. Aussi, sur commission rogatoire du juge Bruguières, 159 personnes ont été placées en garde à vue, d''importantes sommes d'argent ont été saisies, de même que du matériel informatique en état d'être exploité.
    En définitive, la seule chose qu'on peut se demander, c'est pourquoi seulement maintenant ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocration française.)
    M. Bernard Roman. C'est injuste pour le président Debré, monsieur Sarkozy.
    M. Jean-Christophe Cambadélis. En effet, c'est à cause de vous, monsieur le président !

CONTREFAÇONS ET PIRATAGE

    M. le président. La parole est à M. François d'Aubert, pour le groupe de l'UMP.
    M. François d'Aubert. Madame la ministre de l'industrie, la contrefaçon et le piratage connaissent aujourd'hui une progression qu'on pourrait qualifier d'exponentielle, en raison du nombre de pays concernés, des procédés utilisés, des réseaux de grande criminalité s'y livrant et des produits visés, puisque à la quasi traditionnelle contrefaçon des produits de luxe s'ajoutent maintenant celles des pièces détachées et des médicaments, ainsi que le piratage des CD ou des CD-Rom, voire le piratage par Internet.
    La contrefaçon et le piratage sont une forme de vol : on vole des créateurs, des artisans, des ingénieurs ou des inventeurs qui ont déposé des brevets, des gens qui ont créé des modèles. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On vole tout simplement l'industrie et l'économie de pays qui apportent une forte valeur ajoutée de par leur production et leur créativité, notamment les nôtres.
    Les contrefaçons sont le fait de pays lointains comme la Chine ou certains pays du Moyen-Orient, notamment la Turquie, mais aussi de pays européens, qui certes s'efforcent de lutter contre la contrefaçon mais qui, par ailleurs, abritent des entreprises qui fabriquent beaucoup d'objets de contrefaçon.
    Sans toujours le savoir, sans en être vraiment conscients, les consommateurs sont les complices de ces vols.
    M. Bernard Accoyer. C'est vrai !
    M. François d'Aubert. En effet, quand ils achètent des produits de contrefaçon, ils ne paient pas la valeur de la création, ils ne paient pas la rémunération de l'inventeur du produit.
    Tout cela a des conséquences sur les entreprises, sur l'emploi, sur la désindustrialisation de notre pays.
    Madame la ministre, il faut sensibiliser, réprimer - la récente loi sur la criminalité organisée va permettre d'améliorer les choses - mais également renforcer la coopération internationale.
    M. le président. Monsieur d'Aubert, pouvez-vous posez la question, s'il vous plaît ?
    M. François d'Aubert. Madame la ministre, de quelle plate-forme juridique notre pays compte-t-il se doter par rapport à l'Europe et par rapport à l'OMC pour se défendre contre la contrefaçon et le piratage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député d'Aubert, pour beaucoup de Français, la contrefaçon c'est toujours la montre ou le tee-shirt que l'on rapporte de ses vacances en ayant ce sentiment joyeux d'avoir fait « une bonne affaire ».
    M. Jean-Pierre Soisson. Vous avez raison !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. J'espère que nos efforts conjoints permettront d'instaurer une véritable prise de conscience.
    La contrefaçon est un fléau qui, aujourd'hui, touche tous les produits. La contrefaçon, ce sont, chaque année, 30 000 emplois perdus en France. Le vol de leur savoir-faire a des incidences profondes sur la compétitivité de nos entreprises, vous l'avez fort bien souligné, monsieur le député. La contrefaçon représente souvent, aussi, il faut le savoir, un risque considérable pour les consommateurs. Chacun a en mémoire la tragédie qui a eu lieu en Espagne, il y a quelques années, avec l'huile d'olive contrefaite.
    Comment lutter ? Le Comité national pour la lutte contre la contrefaçon m'a semblé l'instance la plus appropriée, de par sa composition paritaire. Il a été créé en 1995, mais, depuis 1997, il dormait. Je l'ai réveillé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et je vous remercie, monsieur d'Aubert, d'en avoir accepté la présidence. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez Mme Fontaine poursuivre.
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. La sensibilisation de l'opinion publique, la coordination des administrations concernées, le renforcement des mesures répressives et la coordination européenne et internationale, sont les quatre axes essentiels qui ont été définis. Nous agirons ensemble, dans un souci économique et industriel.
    Mais aucune forme de contrefaçon ne doit être occultée. Le vol de la propriété intellectuelle et artistique par le biais du piratage des logiciels et des CD doit être combattu avec la même force. Jean-Jacques Aillagon et moi-mêmes sommes déterminés à mener cette lutte. (Applaudissement sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. C'est formidable !

RÉNOVATION DE L'OTAN

    M. le président. La parole est à M. Daniel Mach, pour le groupe UMP.
    M. Daniel Mach. Madame la ministre de la défense, la semaine dernière, vous avez évoqué, avec vos homologues ministres de la défense des pays membres de l'OTAN, la question de la réforme du commandement militaire de l'Alliance, en mettant l'accent sur la lutte contre le terrorisme et les menaces imprévisibles et en tirant les leçons de la guerre contre l'Irak.
    Les structures de l'OTAN ont été créées il y a cinquante-quatre ans, c'est-à-dire à l'époque de la guerre froide. Un réel besoin de les réformer se fait sentir pour les adapter aux nouveaux enjeux géostratégiques, aux conflits d'aujourd'hui, qui ne présentent absolument plus les mêmes caractéristiques que les guerres traditionnelles.
    L'objectif de la réforme est de mieux prendre en compte les enseignements des attentats du 11 septembre 2001, puisque nous assistons à des projections extérieures qui visent à affronter des menaces situées parfois hors des frontières des pays membres. A ce titre, les forces stationnaires tout comme les sièges régionaux et sous-régionaux de l'Alliance doivent être réorganisés afin de permettre, face à ces nouvelles menaces, un déploiement rapide et flexible des forces.
    Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quelles ont été les décisions arrêtées par les ministres de la défense des pays membres de l'OTAN et quel jugement la France porte sur la réforme ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, nous devons, non seulement la France mais aussi l'OTAN, vous avez raison, faire face à de nouveaux types de menaces. Il convient de nous adapter. L'Alliance doit aujourd'hui se montrer plus rapide dans ses interventions, ce qui exige plus de souplesse et plus d'efficacité.
    Cela suppose, d'une part, de simplifier les structures, et d'autre part, de mettre en place une force d'intervention capable d'agir rapidement dès que les décisions politiques ont été prises. Cette orientation, soutenue par le Président de la République, notamment à Prague, a été approuvée par l'ensemble de nos partenaires. Nous avons pris les premières décisions pour la mise en oeuvre de cette stratégie à Bruxelles, les 12 et 13 juin.
    Quatre décisions ont ainsi été prises, qui répondent à un souci de simplification, de flexibilité, de rapidité et de réduction des coûts. Premièrement, réduire le nombre des commandements régionaux ; deuxièmement, créer un commandement chargé de la modernisation militaire de l'OTAN ; troisièmement, mettre sur pied l'embryon de la force d'intervention de l'OTAN dès la fin de cette année ; enfin mutualiser le coût des transports aériens et maritimes, de façon à être efficace à moindre frais.
    Telles sont, monsieur le député, les quatre décisions qui ont été prises pour répondre à la préoccupation qu'à juste titre vous exprimez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CODE DES MARCHÉS PUBLICS

    M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste.
    M. André Vallini. Avant de poser ma question qui, en l'absence de M. Perben, ministre de la justice, s'adressera à M. le Premier ministre, je souhaiterais revenir sur la phrase quelque peu malencontreuse que M. Sarkozy a prononcée sur l'affaire des Iraniens arrêtés ce matin.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, à notre connaissance, la décision de Bruxelles d'inscrire le groupe en question sur la liste des groupes terroristes date de mai 2002.
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je l'ai dit moi-même !
    M. André Vallini. On ne connaît pas la date de création de la commission rogatoire permettant d'agir, en tout cas elle ne peut pas être antérieure à mai 2002. Je crois que vous devriez faire preuve d'un peu plus de modestie, monsieur le ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pascal Terrasse. Quel menteur !
    M. André Vallini. Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, Mme Guigou a posé une question à M. Perben sur votre projet de réforme du code des marchés publics. M. le garde des sceaux n'a pas cru devoir y répondre et a laissé son collègue de l'économie, M. Mer, nous énoncer quelques généralités dont il a le secret, sans rapport avec la question posée, sans même évoquer les inquiétudes que suscite votre projet parmi les architectes et dans les PME. Je reviens donc aujourd'hui à cette question essentielle, monsieur le Premier ministre : la transparence des marchés publics. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Lemasle. Tout à fait !
    M. André Vallini. En remontant à 6,2 millions d'euros le seuil au-delà duquel des appels d'offres sont nécessaires, ce sont 90 % des marchés publics que vous faites échapper à la procédure normale des marchés publics, pourtant garante de la régularité, de la liberté d'accès et de l'égalité de traitement des candidats. En désactivant ainsi de fait le délit de favoritisme, prévu et réprimé par le code pénal dans son article 432-14, votre réforme est dangereuse pour l'avenir.
    J'ajoute qu'elle peut aussi se révéler sournoise pour le passé. En effet, en vertu du principe pénal - que vous connaissez - d'application de la loi la plus douce, votre nouvelle législation pourrait aboutir à une amnistie de fait des délits de favoritisme qui sont visés dans plusieurs affaires en cours d'instruction. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Arnaud Montebourg. C'est un scandale !
    M. André Vallini. Je pense notamment aux marchés truqués des lycées d'Ile-de-France et de la ville de Nice, aux marchés de rénovation des lycées en PACA ou aux marchés HLM de la Ville de Paris.
    M. Arnaud Montebourg. Cette réforme est un scandale !
    M. le président. Monsieur Vallini, pouvez-vous poser votre question ?
    M. André Vallini. Je vous demande donc à nouveau, monsieur le Premier ministre, d'apporter à cette question des réponses précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, permettez-moi d'abord de répéter quelques généralités, comme vous dites si bien.
    Mme Martine David. Ce n'est pas la peine !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La réforme du code des marchés a un objectif, celui de rendre notre système d'achat plus performant, plus transparent et plus efficace. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    En ce qui concerne le sujet que vous évoquez, je puis vous assurer qu'à aucun moment les considérations que nous avons développées, en totale transparence...
    Mme Ségolène Royal. Il n'y a pas de transparence !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... y compris avec des élus, n'ont eu pour objectif de créer le contexte que vous craignez. Heureusement, vous parlez au conditionnel. Il serait en effet très malvenu de me prêter ce genre d'arrière-pensées. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

    En outre monsieur Vallini, comme vous le savez, un décret - si je me fie à ma connaissance du droit administratif - ne peut être amnistiant. Seule une loi peut l'être.
    M. Pierre Cardo. Evidemment !
    M. Arnaud Montebourg. On va y venir !
    M. Richard Mallié. Ça suffit, Montebourg !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxièmement, vous savez que les dispositions que nous prenons sont des dispositions pour le futur. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Troisièmement, il va de soi que nous allons, en matière de publicité, recréer des conditions, qui n'existent plus aujourd'hui car elles ont été supprimées dans le passé, pour assurer la transparence.
    Quatrièmement, nous avons l'intention, avec le garde des sceaux, de remettre en activité des dispositifs qui sont beaucoup moins utilisés aujourd'hui qu'ils devraient l'être, pour lutter contre tous les phénomènes de corruption dans la vie publique. (« Lesquels ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. C'est inadmissible !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cinquièmement, notre procédure est totalement transparente. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. On voit bien que vous n'êtes pas un élu local !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et nous aurons la possibilité, dans les prochaines semaines, en prenant l'avis de ceux qui ne se sont pas encore exprimés, de modifier, pour l'améliorer, notre projet de décret. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. C'est honteux d'entendre de telles inepties !

GROUPES D'INTERVENTION RÉGIONAUX

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe UMP.
    M. Jean-Marc Roubaud. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité et des libertés locales, lors de la campagne pour les élections présidentielles, le Président de la République s'est engagé à faire de la lutte contre l'insécurité une priorité nationale. Vous-même, dès votre arrivée au ministère de l'intérieur, vous avez mis en place les fameux GIR, groupes d'intervention régionaux, pour lutter contre l'insécurité et l'économie souterraine. Bien entendu, les adeptes de la posture et de l'inaction ont crié au gadget.
    Un an après, pouvez-vous dresser, à l'intention de la représentation nationale, et donc des Français, le premier bilan des GIR et détailler leurs perspectives ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - « Allo ! Allo ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il faut que je sois juste avec M. Vallini. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Dans le fond, que dit-il à la représentation nationale ? « Si nous avions su, nous aurions agi ». Le problème avec les socialistes, c'est qu'ils ne savent jamais rien, donc ils ne peuvent pas agir. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) C'était le cas pour l'insécurité, et c'est pareil pour les GIR. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. André Vallini. C'est un scandale !
    M. Jean-Christophe Cambadélis. Lamentable !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. S'ils avaient su que c'était possible de faire travailler ensemble des administrations qui ont des cultures différentes, ils l'auraient fait. (« Lamentable ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Durant les six premiers mois du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, ils nous ont rabâché : « Ce n'est pas possible, ça ne servira à rien, ça ne marchera pas ». On l'a fait, ça produit des résultats, et maintenant qu'est-ce qu'ils vont nous dire ? « Si nous avions su, nous aussi nous l'aurions fait ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Eh bien, les GIR, ça sert à lutter contre l'économie souterraine. Ainsi, - mais ne leur en voulez pas, ils ne le savaient pas - dans un certain nombre de quartiers, ça sert à apaiser nos compatriotes qui en avaient plus qu'assez de voir des gens qui n'ont jamais travaillé de leur vie rouler dans des véhicules qu'eux qui travaillent ne pourront jamais se payer ! Cela aussi, c'était inacceptable ! Nous l'avons fait, tout simplement, alors qu'en cinq ans, nous n'y avez même pas pensé ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Il n'a pas répondu à la question !

CANDIDATURE DE MARSEILLE POUR L'ACCUEIL
DE LA COUPE DE L'AMERICA

    M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.
    M. Dominique Tian. Monsieur le ministre des sports, Marseille vient d'être retenue par les organisateurs suisses parmi les cinq villes susceptibles d'accueillir la Coupe de l'America en 2007. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cette première étape récompense l'énorme effort fourni par l'équipe municipale et la communauté urbaine autour de Jean-Claude Gaudin, et la grande adhésion de la population marseillaise qui désire en faire un événement populaire répondant ainsi aux souhaits des Suisses.
    Notre ville dispose d'atouts incontestables : une rade magnifique, des infrastructures et des capacités d'accueil que permettent les cent kilomètres de côtes et les vingt-quatre villes associées à l'événement. La Coupe de l'America créerait un énorme effet d'entraînement sur notre ville et notre région. Aujourd'hui, comme l'a indiqué Jean-Claude Gaudin, la candidature de Marseille devient celle de la France.
    M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
    M. Dominique Tian. Le comité de soutien présidé par Jean-François Deniau a ainsi recueilli plus de 100 000 témoignages, dont de nombreux en provenance de l'étranger. Nous avons maintenant besoin du soutien du Gouvernement de notre pays. En Espagne, le roi Juan-Carlos suit personnellement les dossiers de Palma de Majorque et de Valence ; au Portugal, la candidature de Cascais, à côté de Lisbonne, fait l'objet de soins attentifs de la part du Premier ministre ; et il en est de même en Italie, pour le dossier de Naples.
    Monsieur le ministre des sports (« Sarkozy ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), nous savons que vous êtes attentif à ce dossier, ainsi que le Premier ministre. Nous souhaiterions que vous nous indiquiez quelle sera l'aide du Gouvernement pour gagner le défi de l'organisation en France de la Coupe de l'America. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - « Sarkozy ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Non, c'est monsieur Lamour qui va répondre.
    Monsieur le ministre des sports, vous avez la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-François Lamour, ministre des sports. Monsieur le député, la perspective pour notre pays et surtout pour Marseille d'accueillir la Coupe de l'America est un formidable défi, un formidable challenge. Bien évidemment, l'Etat sera aux côtés de la ville de Marseille pour essayer de le relever. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) D'ailleurs, ce matin, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, recevait Jean-Claude Gaudin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour l'assurer de l'entier soutien du Gouvernement dans cette affaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Au-delà d'un événement sportif majeur, c'est aussi un événement dont les retombées économiques sont considérables. Ainsi, à Auckland, la dernière édition de la Coupe de l'America a drainé près de 850 millions d'euros en Nouvelle-Zélande. C'est un élément important, au-delà même de l'événement populaire de la fête de la voile que représente la Coupe de l'America.
    Vous l'avez dit, le défi est important. Des ports espagnols, italiens et portugais sont sur les rangs, chacun avec leurs qualités.
    M. Henri Emmanuelli. Oui, mais ils n'ont pas Sarkozy, eux.
    M. le ministre des sports. Mais, bien évidemment, Marseille saura faire valoir ses atouts.
    Les organisateurs suisses ont déposé un cahier des charges. Il nous faudra répondre à quatre-vingt questions. Pour ce qui concerne l'aide de l'Etat, un dispositif interministériel va être mis en place et je peux vous assurer, monsieur le député, que l'Etat est entièrement derrière la ville de Marseille, derrière la France, pour obtenir l'organisation de la Coupe. Je crois que c'est une vraie chance pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et de quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.
    M. Patrick Bloche. Monsieur le président, je voudrais, au préalable, m'étonner de la façon dont le ministre de l'intérieur a interpellé André Vallini. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Jaloux !
    M. Patrick Bloche. M. Sarkozy a de plus en plus tendance à confondre la séance des questions au Gouvernement avec des meetings de propagande, et on sait ce qui s'est passé à Asnières pour le Premier ministre. Attention, monsieur Sarkozy, vous êtes sur une pente dangereuse, celle de la caricature et de l'intolérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Monsieur le Premier ministre, en ce moment même dans notre pays, des dizaines de milliers de femmes et d'hommes, aux revenus le plus souvent aléatoires, sont en voie d'être précarisés de manière insupportable. Je veux ainsi évoquer la situation des intermittents du spectacle.
    M. Lucien Degauchy. Comédien !
    M. Patrick Bloche. Comment, en effet, ne pas partager leur légitime inquiétude alors que la troisième réunion de négociation sur l'avenir de leur régime d'assurance chômage vient d'échouer ? En rejetant toute idée de réforme permettant le maintien à long terme de ce régime particulier, le MEDEF persiste dans une logique purement comptable qui l'a conduit à formuler des propositions inacceptables pour les intermittents : neuf mois, au lieu de douze, pour atteindre le seuil des 507 heures de cotisation et six mois, contre douze actuellement, quant à la durée d'indemnisation. Ces modifications de durée auraient un prix social terriblement lourd, puisque plus de la moitié des 100 000 professionnels concernés - artistes, interprètes, techniciens - se trouveraient exclus de l'assurance chômage. De fait, il n'est que temps pour votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, de prendre enfin ses responsabilités sur ce dossier, d'avoir du courage, puisque M. Fillon prétend en avoir, et de cesser de jouer les Ponce Pilate quand tout un secteur de l'économie culturelle, celui du spectacle vivant, est aussi directement menacé.
    Le temps presse. Quand M. Aillagon et M. Fillon se décideront-ils à relancer la discussion entre les partenaires sociaux, une véritable discussion sur des bases équitables, qui assure la sauvegarde d'un régime spécifique, indispensable à l'existence même de la création artistique dans notre pays ? Aujourd'hui, la patrie culturelle est en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
    M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député de Paris, je suis tout simplement surpris par la vivacité de votre intervention. J'aurais aimé que cette question de l'indemnisation chômage des intermittents du spectacle soit gérée plus convenablement par les gouvernements que vous avez soutenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Notre gouvernement, notamment François Fillon et moi-même, sous l'autorité du Premier ministre, depuis un an,...
    M. François Hollande. A quoi servez-vous ?
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... avons pris en main cette affaire de façon exemplaire. Je tiens à vous rappeler qu'il y a un an, il était question, chez les partenaires sociaux, de la suppression pure et simple des annexes 8 et 10 et du basculement de l'ensemble des personnels concernés dans l'annexe 4, celle du travail temporaire.
    M. Arnaud Montebourg. C'est du charabia !
    M. le ministre de la culture et de la communication. Grâce à l'action du Gouvernement, cette perspective a été définitivement écartée, et vous le savez. Vous savez également que le moratoire mis en place par votre majorité au mois de mars 2002 n'avait qu'un effet de baume électoral...
    M. François Hollande. Ça va bien. Parlez de vous !
    M. le ministre de la culture et de la communication. ... et ne visait en aucun cas à régler la situation, Les intermittents du spectacle méritent notre respect. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Le Gouvernement leur marque sa sollicitude et son attention. J'ai bon espoir que nous saurons guider cette affaire vers une issue favorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE DE LA VILLE

    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe UMP.
    M. Pierre Cardo. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine et, plus largement, aux membres du Gouvernement en charge du dossier de l'exclusion sociale.
    Monsieur le ministre, nos quartiers vont mal et vous avez décidé de prendre ce dossier à bras-le-corps en soumettant au conseil des ministres un projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Vous connaissez mon attachement à ces questions fondamentales pour notre société que sont le logement social et, bien plus encore, l'amélioration des conditions de vie de ceux qui y résident et de ceux qui y travaillent. L'éducation, l'emploi, la sécurité sont des problématiques qui restent très prégnantes malgré vingt années de politique de la ville. Les finances locales des communes disposant d'un pourcentage élevé de logements sociaux sont le plus souvent largement insuffisantes pour apporter une réponse équitable à la hauteur des enjeux, ce qui, vous l'avouerez, est injuste pour des villes qui assument, par ce logement social, une vraie mission de solidarité nationale quand beaucoup d'autres, souvent plus aisées, la refusent totalement.
    M. Jean Glavany. Très bien !
    M. Pierre Cardo. Or, depuis quelques mois, dans le domaine de la politique de la ville comme dans ceux de la lutte contre l'exclusion, des craintes se sont fait jour et nos villes, comme leurs associations, sont confrontées à des gels, voire des annulations de crédits. (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J'ai pu, au cours de ces dernières semaines, obtenir du Premier ministre, du ministre des affaires sociales et de la secrétaire d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion, des engagements précis sur les crédits d'insertion. Qu'en est-il des crédits de la politique de la ville,...
    M. Michel Lefait. Ils sont gelés !
    M. Pierre Cardo. ... notamment des crédits de fonctionnement votés en loi de finances 2003 ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le député Cardo, merci de me permettre de tordre le cou à une rumeur dont je ne comprends pas bien le fondement ! Un grand plan de rénovation urbaine sera présenté demain et certains laissent entendre que les associations pourraient être oubliées. Dois-je rappeler que 15 000 associations oeuvrent dans les quartiers, que 90 % des budgets que vous avez votés ont été notifiés le 24 mars et les 10 % complémentaires le 30 mai ? L'intégralité des crédits est donc transférée et instruction a été donnée aux préfets d'accélérer le paiement aux associations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour une fois, l'intégralité des engagements de l'Etat est respectée. Je dirai même plus : nous avons une petite marge de manoeuvre à gérer avec délicatesse.
    M. Jean Glavany. M. Cardo a raison !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. J'en profite pour confirmer que les fonds exceptionnels pour la mobilité des jeunes sont attribués. Par ailleurs, pour ces communes pauvres, orphelines - Clichy-sous-Bois, Montfermeil ou Chanteloup-les-Vignes -, qui, socialement, n'en peuvent plus avec leurs quartiers, une aide exceptionnelle a été décidée il y a quarante-huit heures. Elle sera accordée à ces villes en très grande précarité dont les élus n'en peuvent plus (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) : Stains, Garges-lès-Gonesse, Grigny, Chanteloup-les-Vignes, par exemple.
    M. Henri Cuq. Les Mureaux !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Les Mureaux aussi. C'est ainsi 1,149 million d'euros que recevra la commune de Chanteloup-les-Vignes pour l'année 2003. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Kucheida et M. Albert Facon. Et les banlieues du Nord-Pas-de-Calais ?

CONSTITUTION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez, pour le groupe UMP.
    M. Pierre-Louis Fagniez. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, après plus de quinze mois de débat, grâce à l'autorité et au talent de Valéry Giscard d'Estaing (Applaudissements sur plusieur bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), les 105 membres de la Convention sur l'avenir de l'Europe se sont mis d'accord, vendredi dernier, sur un projet de constitution de la future Union élargie à ving-cinq, en prévoyant notamment un président et un ministre des affaires étrangères de l'Union.
    Cet accord a été salué par tous comme un acte historique et le président de la Convention, Valéry Giscard d'Estaing, a justement déclaré que ce document posait les fondements de la future constitution européenne. Ce texte, qui porte sur les deux premières parties de la convention traitant des valeurs et des objectifs de l'Europe, sera présenté vendredi prochain aux chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union, lors du sommet européen de Salonique. Le projet de convention pourra ensuite être modifié et complété lors de la conférence intergouvernementale qui se réunira à l'automne pour entériner le texte final. Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quelle est l'appréciation de la France sur l'accord auquel est parvenue la Convention ? Pouvez-vous nous préciser ce qu'attend la France des travaux à venir sur la rédaction définitive du texte, notamment pour les questions économiques et sociales ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, nous devons en effet tous être conscients que les années 2003 et 2004 sont des étapes historiques pour la construction européenne, c'est-à-dire pour nous tous, comme l'a indiqué il y a quelques jours encore le Premier ministre. Vous avez aussi bien fait de rendre hommage à l'action du président Giscard d'Estaing à la tête de la Convention, une sorte de petit parlement de 105 membres issus de 28 pays différents. Tous les conventionnels français se sont impliqués dans ce travail et il n'était pas acquis d'avance que la Convention puisse aboutir à un projet cohérent et consensuel. Nous sommes satisfaits, nous Français, du projet...
    M. Jacques Desallangre. Pas moi !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. ... parce que l'équilibre institutionnel est renforcé avec, notamment, un président du Conseil stable, ce qui satisfait l'une de nos demandes principales. En outre, ce projet contient deux innovations souhaitées par la France. D'abord, l'instauration d'un ministre européen des affaires étrangères signale que l'Europe entend maintenant exister politiquement sur la scène mondiale. Certes, le statut reste encore à définir, mais c'est un point essentiel. Ensuite, les règles de la majorité sont simplifiées. Il y aura encore des débats, mais nous tenions à ce qu'il y ait une répartition équitable du poids des différents pays qui concourent à l'Europe.
    S'agissant des politiques européennes, puisque le texte du traité sera finalisé d'ici à la mi-juillet par la Convention, nous avons présenté, au nom de la France, des demandes fortes. Nous souhaitons le maintien des compétences nationales sur les services culturels.
    M. Jacques Desallangre. C'est contradictoire avec notre constitution, voyons !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Nous souhaitons faire valider notre approche des services publics économiques et un renforcement de la coordination des politiques économiques. Il faut que l'Euro-groupe puisse assumer ses responsabilités particulières. Enfin, du point de vue social, nous souhaitons une meilleure harmonisation des conditions de travail et l'extension du champ des compétences en matière de santé si chère à mon collègue Jean-François Mattei.
    Nous espérons avoir gain de cause sur de nombreux points. Nous plaiderons à Thessalonique, vendredi, pour que la Convention soit le document de base des travaux de la Conférence intergouvernementale, car de l'aboutissement de la Constitution dépend la réussite de l'élargissement et, cela, c'est un enjeu pour l'Europe et pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. François Baroin.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

2

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant avant le vote sur l'amendement n° 3337 à l'article 2.

Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58.
    Au cours des questions au Gouvernement, il a été question de la campagne de communication que le Gouvernement engage, à grands coups de millions d'euros, en direction de tous les foyers français. Le ministre des affaires sociales nous a expliqué qu'il s'agissait de répondre à la campagne de désinformation.
    M. Richard Cazenave. Exact !
    M. Jean-Marc Ayrault. Je ne sais pas qui lance une campagne de désinformation (« Vous ! » et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ni avec quels moyens il le fait. Mais je tiens à protester contre cette interprétation. Le Gouvernement a parfaitement le droit d'informer et de lancer des campagnes de communication. Je crois d'ailleurs qu'il l'a souvent fait depuis maintenant un an.
    M. Richard Cazenave. Parce que cela ne se faisait pas avant ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Pour autant, il n'est pas juste de dire que c'est pour répondre à une campagne de désinformation.
    Affirmer que le droit à la retraite à soixante ans à taux plein n'existe plus si la réforme est votée en l'état, ce n'est pas de la désinformation.
    M. Richard Cazenave, Si !
    M. Jean-Marc Ayrault. C'est la réalité ! Car on ne pourra plus, lorsqu'on arrivera sur le marché du travail à vingt-deux, vingt-trois ans prendre sa retraite à soixante ans à taux plein après quarante, quarante et un ans ou quarante-deux ans de cotisation.
    Ce n'est pas de la désinformation, c'est simplement le constat que quelque chose va changer pour les Français. C'est notre rôle de le dire et de l'expliquer. N'ayant pas les moyens du Gouvernement pour lancer des campagnes de communication dans tous les foyers français, il ne nous reste que la tribune de l'Assemblée nationale pour nous exprimer et donner notre point de vue à ceux qui nous ont fait confiance.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Quel aveu !
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne faisons que notre devoir.
    Il n'est pas juste non plus de dire que, après la campagne de désinformation à laquelle vous faites allusion, nous tentons de faire de l'obstruction. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non ! Nous voulons une confrontation des points de vue. Quant à vous, vous distribuez vingt-cinq millions d'exemplaires de votre message dans les foyers français, puis vous demandez aux représentants de l'opposition à l'Assemblée nationale de se taire. Mais vous demandez la même chose aux membres de votre majorité, qui sont d'ailleurs toujours absents. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. Caricature !
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous n'avons jamais vu les 380 députés de la majorité. Tout au plus ont-ils été cinquante en séance.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Marc Ayrault. Si vous leur demandez à eux aussi de se taire, c'est que vous trouvez que l'examen de ce texte prend trop de temps. Eh bien, nous ne cèderons pas à cette pression et à cette volonté d'humiliation ! Nous allons faire notre travail, en intervenant dans la discussion des articles, en déposant des amendements. Nous le ferons parce que c'est notre devoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur le président Ayrault, l'alinéa 2 de l'article 58 dispose : « Si, manifestement son intervention [celle de l'orateur qui a fait un appel au règlement] n'a aucun rapport avec le règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à remettre en question l'ordre du jour fixé, le président lui retire la parole. » J'aurais pu vous le rappeler.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est bien dommage de ne pas l'avoir fait, monsieur le président !
    M. le président. Je ne l'ai pas fait, eu égard à vos qualités. Mais j'estime ce rappel utile. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un autre rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Pour que le débat soit bien cadré et puisqu'on nous pose toujours la question : nous avons bien l'intention de défendre les amendements que nous avons déposés !
    M. Jean-Luc Warsmann. Encore heureux !
    M. Maxime Gremetz. Notre objectif n'est pas de faire de l'obstruction. Simplement, et c'est dans la nature du travail parlementaire, nous proposerons des amendements de suppression sur ce qui ne nous convient pas, et des amendements de proposition pour faire valoir la réforme que nous voulons.
    M. Jean-Luc Warsmann. Quel scoop !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon. ministre des affaires sociales. du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne comprends pas la raison de cet énervement. Le Gouvernement n'a jamais reproché à l'opposition de s'exprimer et n'a pas l'intention de la bâillonner. J'ai souhaité à plusieurs reprises que nous entrions dans le vif du sujet. Nous avons passé cinq jours avant d'aborder l'article 1er du texte. Il n'était pas excessif de demander que le débat sur cet article commence et que des amendements de fond soient soumis à l'Assemblée.
    Monsieur Ayrault, je n'ai jamais accusé le Parti socialiste de désinformation. Je ne vous ai pas cité. Je ne crois pas avoir cité, ni le Parti socialiste, ni le Parti communiste. J'ai dit qu'une campagne de désinformation était organisée dans le pays.
    M. Manuel Valls. En effet : une campagne de désinformation à dix-huit millions d'euros !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne vous ai pas désignés comme en étant les responsables. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)

Article 2 (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'article 2 :
    « Art. 2. - Tout retraité a droit à une allocation en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. »
    Je mets aux voix l'amendement n° 3337, qui, je le rappelle, a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Préel, M.  de Courson et les membres du groupe Union pour la démocratie française ont présenté un amendement, n° 5085, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « Cette allocation est attribuée par points. La valeur du point est définie par les conseils d'administration des caisses de retraite. »
    La parole est à M. Jean-Luc Préel.
    M. Jean-Luc Préel. Voilà justement un amendement de fond, déposé au nom de l'UDF et qui propose un système un peu particulier : un système de retraite par points, dont la valeur d'achat et de liquidation serait définie par le conseil d'administration des caisses de retraite.
    Cet amendement présente deux avantages majeurs.
    D'abord, il permet de responsabiliser les partenaires sociaux en leur donnant un vrai rôle en matière de retraite ; ce n'est pas le cas aujourd'hui, puisque la CNAV ne gère guère que les fonds sociaux. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très attaché au dialogue social et au paritarisme. Cet amendement propose précisément de donner une réelle autonomie à la CNAV et aux partenaires sociaux. J'espère donc qu'il recevra votre approbation ainsi que celle de mes collègues. Nous proposons concrètement que les partenaires sociaux définissent chaque année la valeur d'achat et de liquidation du point. Nous pouvons penser qu'ils seraient très attachés à maintenir un haut niveau de pension.
    Ensuite - deuxième avantage - cet amendement permet une réelle retraite à la carte, ce que de nombreux collègues et de nombreux Français demandent. Chacun pourra prendre sa retraite lorsqu'il estimera avoir obtenu un nombre de points suffisant.
    Cette proposition permet également la suppression de la décote et la bonification de points, par exemple pour les métiers pénibles. De fait, les nombreuses interventions de mes collègues ont montré qu'ils souhaitent qu'on prenne en compte la pénibilité. Cette bonification pourrait intervenir au profit des mères de familles, de ceux qui travailleraient au-delà de l'âge légal, ou des accidentés de la vie.
    Monsieur le ministre, j'ai bien compris que vous ne souhaitiez pas l'institution d'un tel système par points. Vous faites part de quelques critiques, qui ne m'ont d'ailleurs pas convaincu, d'autant que les régimes de retraite complémentaires fonctionnent par points et que personne ne remet en cause ceux-ci. Bien plus, monsieur le ministre, vous instituez par ce texte une caisse de retraite complémentaire pour les fonctionnaires et une caisse de retraite complémentaire pour les artisans ; et ces deux caisses nouvelles fonctionneront également par points.
    Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, car vous avez déjà eu l'occasion d'exprimer également votre désaccord, il me semblerait judicieux de ne pas trop critiquer le principe d'un régime par points - que vous confortez dans les régimes complémentaires et que vous mettez en oeuvre dans deux nouvelles caisses - même s'il ne vous convient pas, pour l'instant, pour le régime de base.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été développés assez longuement hier s'agissant d'un régime par points pour le régime de base obligatoire. Même si elle s'inscrit dans le système de la retraite par répartition, il s'agit d'une autre logique, porteuse d'un changement et susceptible d'entraîner une certaine inquiétude. Ce n'est pas du tout le choix du Gouvernement, qui s'inscrit dans la continuité, la consolidation et la garantie de notre régime de retraite par répartition, tel qu'il est unanimement voulu et espéré sur les bancs de l'Assemblée nationale.
    Je ne reviendrai pas sur l'absence de garanties concernant les accidents de carrière et le pouvoir d'achat des retraites qui sont, par contre, solidement encadrées, assurées et renforcées dans le présent projet de loi.
    Pour cette raison, l'amendement n° 5085 a été rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, vous présentez effectivement un amendement de fond, qui irait jusqu'à bouleverser notre système de retraites.
    Je ne suis pas critique à l'égard du système par points. Je pense simplement qu'il n'est pas conforme au consensus qui existe dans notre pays, autour d'une architecture fondée sur un système général solidaire et des caisses complémentaires fonctionnant selon le régime des points.
    Hier, l'Assemblée a repoussé un amendement sur un rapport destiné à préparer le passage au système par points. Logiquement, l'Assemblée devrait maintenant rejeter un amendement qui supprime le rapport, mais préconise le passage immédiat au système par points.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5085.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 2937 à 2953.
    Ces amendements, respectivement présentés par M. Bartolone, M. Beauchaud, Mme Clergeau, Mme David, M. Durand, Mme Génisson, M. Gorce, Mme Guinchard-Kurstler, Mme Hoffman-Rispal, M. Le Garrec, M. Masse, M. Mathus, Mme Mignon, M. Nayrou, M. Néri, Mme Oget, M. Terrasse, sont ainsi rédigés :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Notre système de retraite est un système solidaire, porteur de cohésion sociale, où chacun cotise, acquiert des droits et où sont prises en compte de façon partagée des situations difficiles.
    « Ce principe de solidarité se traduit par des minima de pensions garantis dans les différents régimes d'une part et la compensation démographique d'autre part. »
    La parole est à M. Philippe Vuilque pour défendre l'amendement n° 2937.
    M. Philippe Vuilque. Cet amendement est important. L'article 2 du projet de loi est en effet ainsi rédigé : « Tout retraité a droit à une allocation en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité. » Or un tel article ne nous satisfait pas dans la mesure où l'expression « en rapport avec les revenus d'activité » ne garantit pas une retraite décente.
    Prenons l'exemple d'un salarié qui a travaillé toute sa vie au SMIC. Si l'on s'en tient à votre projet de loi, monsieur le ministre, la retraite de ce salarié ne sera pas décente. Le groupe socialiste propose d'ailleurs qu'il touche une retraite équivalent à 100 % du SMIC.
    M. Jacques Le Guen. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Philippe Vuilque. Il s'agit donc d'un article additionnel particulièrement important ; donc c'est une question de solidarité et non d'équité.
    Le terme d'équité, que vous employez souvent, mérite d'être relativisé. Equité par rapport à quoi ? Par rapport à qui ? Nous préférons largement le terme solidaire, qui est beaucoup plus explicite.
    Par ailleurs, monsieur le ministre, j'ai remarqué qu'on avait mis aujourd'hui en distribution une proposition de loi déposée par mon collègue Jean-Luc Warsmann. Les députés des Ardennes sont en pointe sur les retraites...
    M. Jean-Pierre Brard. En recul plutôt !
    M. Philippe Vuilque. Cette proposition de loi est destinée à ouvrir le droit à la retraite à taux plein avant l'âge de soixante ans. C'est la reprise exacte, au mot près, de ce qu'avait proposé le groupe socialiste il n'y a pas si longtemps. Rendons donc à César ce qui est à César.
    Je m'étonne que ce soit une proposition de loi, et non pas un amendement issu du groupe de l'UMP. L'UMP a-t-elle l'intention de déposer un amendement en la matière ? Ce serait particulièrement intéressant ? Monsieur le ministre, je voudrais savoir ce que vous en pensez. Quelque 800 000 personnes sont concernées. Or la proposition du Gouvernement est légèrement en décalage par rapport à cette proposition de loi de M. Warsmann. Merci de me répondre, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour défendre l'amendement n° 2953.
    M. Pascal Terrasse. Comme le met en évidence l'exposé des motifs, le système des retraites comporte une part de solidarité par l'octroi d'avantages non contributifs.
    Le système de retraite tel que nous le concevons s'appuie sur la répartition, et cela n'est pas nouveau : le régime social contributif prélève une cotisation sur les actifs pour assurer aux retraités une pension proportionnelle à leurs revenus. Nous avons largement débattu hier de cette notion de proportionnalité. Il s'agit donc d'une forme de socialisation des régimes d'entreprise. Les retraites de l'ensemble des travailleurs sont assurées par l'ensemble des entreprises. La retraite est liée au salariat. C'est un salaire différé et socialisé, qui fait partie de ce que l'on appelle le « contrat social ». Et ce salaire est géré et négocié par les partenaires sociaux. C'est ce que l'on appelle la conception « bismarckienne » des prestations sociales.
    Nos régimes par répartition ont plusieurs caractéristiques. Ils sont contributifs, ils ont un caractère social obligatoire et fonctionnent avec des prestations définies. Un tel système peut être plus ou moins contributif, ou plus ou moins redistributif. Cela dit, la contribution non contributive, notamment à travers le fonds social vieillesse, permet à celles et ceux qui ont de petites pensions d'être financés par la solidarité nationale.
    Si nous considérons que l'élément essentiel est la retraite par répartition, nous considérons aussi qu'il est nécessaire d'inscrire dans la loi qu'une part relève de la fiscalité et donc de l'impôt ; c'est une logique plus beveridgienne, inverse de la conception de la retraite par répartition. Nous proposons d'inscrire dans la loi cette notion de solidarité envers les plus faibles revenus.
    A cet égard, je souhaite que l'amendement que je viens de défendre puisse être pris en considération, tant il est vrai que, compte tenu de la réforme que vous nous proposez, de plus en plus de personnes seront dans l'incapacité d'atteindre la durée de cotisation prévue et se retrouveront dans une situation de grande précarité. Je pense notamment aux femmes, à ceux qui connaissent une situation précaire et à toutes celles et à tous ceux qui n'auront pas de carrière complète. Il faudra bien alors que la solidarité nationale puisse jouer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Je défends l'amendement n° 2939.
    Comme beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, j'ai trouvé dans la presse des encarts publicitaires nous démontrant comment un salarié ayant gagné le SMIC pendant toute la durée de sa vie active et ayant droit au taux plein avait la garantie de toucher 85 % du SMIC à sa retraite. Mais j'attends d'avoir lu la lettre du Premier ministre pour savoir à quoi m'en tenir et pour pouvoir éventuellement la commenter ensuite.
    En tout cas, c'était habilement présenté, il faut le dire, et je félicite l'entreprise chargée de la communication. Malheureusement, cependant, je me dois de dénoncer une manipulation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En effet, ces 85 % ne peuvent être atteints que par le cumul de la pension versée par le régime général et de la pension versée par le régime complémentaire, ces deux régimes étant gérés paritairement par les partenaires sociaux.
    M. Denis Jacquat. Le ministre a déjà répondu à cette question !
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Le Gouvernement n'est donc pas le seul décisionnaire en la matière et ne peut honnêtement présenter cette mesure comme une garantie. Nous sommes bien là dans le domaine des objectifs et non pas des garanties.
    M. Richard Cazenave. Le Gouvernement vous a déjà répondu !
    M. François Goulard. Ecoutez donc les réponses au lieu de répéter les questions !
    Mme Marie-Françoise Clergeau. De plus, je voudrais me faire l'écho de la colère des personnes que j'ai reçues dans ma permanence, pas plus tard que vendredi dernier. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre Lellouche. On a des échos différents !
    M. Jean-Claude Lenoir. Madame Clergeau, on n'entend pas la même chose que vous dans nos permanences !
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Parmi ces personnes, un couple agitait l'encart publicitaire auquel j'ai fait allusion et me disait : « Ce sont des mensonges. Nous avons travaillé dans l'hôtellerie et avons toujours été au SMIC ; mais sur notre bulletin de paie, il y avait des "valeurs nourritures qui, elles, ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite. »
    Ce n'est donc pas dire la vérité que de faire croire que tout le monde est au moins au SMIC. Il y a plein de gens qui ne touchent pas le SMIC !
    M. Richard Cazenave. Après toutes ces années de socialisme, tout le monde ne touche pas le SMIC ?
    Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le ministre, il faut davantage tenir compte des bas salaires, il faut faire jouer la solidarité, il faut assurer un niveau de pension décent à toutes et à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. Qu'ont fait les gouvernements précédents ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le groupe socialiste, il y a quelques instants, nous a indiqué qu'il souhaitait un débat serein et équilibré, permettant à chacun de s'exprimer.
    M. Pascal Terrasse. C'est ce que nous venons de faire, monsieur le ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Or, j'ai déjà eu l'occasion de répondre à trois ou quatre reprises à cette question sur la garantie de 85 %. J'ai déjà indiqué que cette garantie serait atteinte grâce à un relèvement du minimum contributif, qui serait augmenté trois fois de 3 % pour conduire à cette garantie de 85 % en 2008.
    M. Pascal Terrasse. Sur quelle ligne budgétaire ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai déjà précisé que les régimes complémentaires n'étaient pas concernés par cet engagement, que nous ne leur demandions pas de participer à une augmentation du taux de remplacement. Cela fait quatre fois que vous me demandez de répéter les mêmes éléments.
    M. Denis Jacquat. Alzheimer a frappé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On ne peut pas ne pas considérer que cette attitude s'apparente à une sorte de blocage. Comment voulez-vous que le Gouvernement réponde aux questions que vous lui posez si vous n'écoutez pas les réponses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Au moins, reconnaissez que, sur ce sujet, j'ai déjà répondu. Et la réponse est claire : c'est une augmentation du minimum contributif. Les régimes complémentaires ne sont pas concernés. La seule chose qu'on leur demande, c'est de ne pas baisser le taux de remplacement. Par ailleurs, comme vous le savez, le minimum contributif n'avait pas été revalorisé depuis très longtemps.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il ne l'a pas été pendant les cinq ans où M. Jospin était Premier ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est donc un sujet sur lequel on pourrait peut-être trouver ensemble un accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. L'ancienne majorité n'a pas augmenté le minimum contributif !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il était au-dessous du minimum vieillesse !
    M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. Je défends l'amendement n° 2951.
    Chacun s'accorde à reconnaître que notre système de retraite par répartition doit avoir une vertu première, la solidarité, en particulier la solidarité entre les générations. Celle-ci doit s'exprimer à travers la garantie pour les retraités de pouvoir bénéficier d'une retraite décente qui leur permette de vivre dans la dignité. (« Nous sommes d'accord ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. Grâce au Gouvernement cela va être possible !
    M. Alain Néri. Si vous êtes d'accord, vous allez pouvoir le manifester en votant mon amendement !
    M. Denis Jacquat. On attend la suite !
    M. Alain Néri. Or pour permettre aux retraités de vivre dans la dignité, il faut leur assurer un niveau de pouvoir d'achat décent, monsieur le ministre. C'est pourquoi le groupe socialiste propose que la retraite minimum soit égale au SMIC, à 100 % du SMIC net...
    M. Richard Cazenave. Pourquoi n'avez-vous rien proposé quand vous étiez dans la majorité ?
    M. Pierre Lellouche. Il fallait financer cette mesure !
    M. Alain Néri. ... et que cette retraite soit non pas en rapport avec les derniers revenus, mais proportionnelle à 75 % du dernier revenu.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démago !
    M. Alain Néri. Nous assurerions ainsi la cohésion sociale et, pour ceux qui sont à la retraite, une indépendance économique et sociale.
    M. Richard Cazenave. Quand on n'a rien fait pendant cinq ans, c'est ignominieux de faire de telles propositions !
    M. Alain Néri. En effet, un grand nombre de retraités vont voir leur espérance de vie augmenter. Vous nous dites même qu'il conviendra désormais de prendre en compte cette notion. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en reparler lorsque nous traiterons de l'article 5, puisque vous créez un rapport constant entre la durée de cotisation et l'espérance de vie.
    M. Xavier de Roux. Nous allons devenir éternels !
    M. Alain Néri. Or, cette espérance de vie doit être porteuse de liberté et d'indépendance. Mais les 85 % du SMIC, dont vous ne nous dites pas qu'ils seront indexés, représenteront nécessairement, à terme, une perte du pouvoir d'achat des retraites.
    M. Richard Cazenave. C'est faux, puisqu'il y aura un rendez-vous tous les trois ans !
    M. Alain Néri. Cela signifie que vous allez renvoyer vers l'aide sociale un grand nombre de personnes âgées.
    M. Richard Cazenave. M. Néri dit n'importe quoi ! c'est ridicule !
    M. le président. Laissez M. Néri s'exprimer, s'il vous plaît !
    M. Alain Néri. Ce faisant, vous allez leur faire perdre une partie de leur dignité et vous allez imposer une charge supplémentaire au budget des départements. Dès lors, il s'agit non plus de cohésion sociale, mais de régression sociale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la raison pour laquelle nous proposons cet amendement et nous espérons que vous allez le voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Je défends l'amendement n° 2949 de Mme Hélène Mignon.
    Monsieur le ministre, je voudrais poursuivre dans la voie du dialogue que le groupe socialiste a essayé d'engager depuis le début de ce débat. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais force est de constater que nous avons beaucoup de mal à obtenir des réponses. J'ai lu avec grand intérêt la lettre de propagande du Premier ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et j'ai découvert, non sans surprise, qu'il n'y avait pas un mot sur la baisse des retraites des femmes. (« Oh ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Avant de répondre aux arguments que vous avez avancés hier, je voudrais d'abord vous demander de cesser d'opposer les femmes du régime général aux femmes de la fonction publique, parce que les unes comme les autres...
    M. Charles de Courson. Sont des femmes ! (Sourires.)
    Mme Ségolène Royal. ... sont très durement touchées par votre réforme. Vous nous dites que le régime général ne représentera aucun recul pour les femmes qui ont des enfants. C'est inexact, monsieur le ministre, puisque, en augmentant la durée de cotisation vous rendrez encore plus difficile pour elles le cumul des annuités. En effet, un grand nombre de femmes ont, aujourd'hui, déjà du mal à cumuler les quarante annuités. Elles seront, à l'avenir, encore moins nombreuses à pouvoir le faire dans la mesure où ce sont, notamment, celles qui ont des enfants qui s'arrêtent de travailler, ou ne font plus qu'un temps partiel. Comment voulez-vous qu'elles puissent cotiser jusqu'à quarante-deux annuités ? Vous prétendez que la baisse de la décote de 10 % à 5 % compensera l'augmentation de la durée de cotisations. Or, monsieur le ministre, le système de la décote touche précisémment plus durement les femmes que les hommes, puisque ce sont elles qui manquent le plus souvent d'annuités. Il ne sera donc plus compensé que par l'allongement de la durée de cotisation. A cela s'ajoute le passage de 150 à 160 trimestres de proratisation.
    Or comme je vous l'ai dit hier, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, seules 25 % des femmes remplissent les conditions des 150 trimestres entre soixante et soixante-cinq ans leur permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein. Elles seront donc encore moins nombreuses à pouvoir remplir les conditions des 160 trimestres.
    Par conséquent, et contrairement à ce que vous avez dit, les femmes qui se sont arrêtées pour élever leurs enfants et qui relèvent du régime général sont très durement touchées par votre réforme.
    S'agissant des femmes de la fonction publique, vous supprimez, pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, l'année de bonification pour enfant élevé, que vous remplacez par une année de validation, ce qui est totalement différent - c'est l'article 27. Les femmes vont donc perdre cette bonification. Certes, vous nous dites que tout cela n'est pas bien grave puisque cela se passera dans plus de trente ans. Mais, monsieur le ministre, les décisions d'élargissement d'une famille en 2004 se prennent maintenant.
    M. Pierre Lellouche. C'est donc le bon moment pour prendre des décisions !
    Mme Ségolène Royal. Et le choc démographique, c'est maintenant qu'il se prépare. En vous en prenant aux femmes qui vont donner naissance à des enfants à partir du 1er janvier 2004, vous mettez vous-même en péril l'avenir de la natalité et vous accentuez ce choc démographique que vous dénoncez.
    De plus, vous aggravez encore la situation des femmes en ajoutant la condition d'arrêt d'activité. Tous les ministres de tous les pays, qui ont tenté d'opposer la vie familiale à la vie professionnelle, notamment en Espagne ou en Italie, ont constaté un effondrement du taux de natalité. Les femmes, en effet, veulent à la fois avoir un emploi, assurer leur survie, leur salaire, leur insertion dans le monde du travail, et élargir leur famille. Si, aujourd'hui, la France a le taux de natalité le plus élevé d'Europe, c'est bien précisément parce que nous avons toujours veillé à concilier vie familiale et vie professionnelle. Or, en exigeant des femmes qu'elles s'arrêtent pour pouvoir accéder à l'année non plus de bonification, mais de validation, vous remettez en cause ce fragile équilibre et vous allez les orienter vers des arbitrages défavorables aux naissances.
    M. Richard Cazenave. N'est-ce pas un peu long, monsieur le président ?
    Mme Ségolène Royal. Revoyez votre copie monsieur le ministre, je le répète, ce n'est pas pas un hasard si M. le Premier ministre ne dit pas un mot sur cet aspect des choses. Il n'est pas digne, aujourd'hui, de tenir des discours sur le choc démographique tout en frappant aussi durement les femmes, et particulièrement les mères de famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

    M. le président. Je rappelle, mes chers collègues, que le temps imparti à chaque orateur est de cinq minutes. Si je ne suis pas intervenu c'est donc que Mme Royal n'avait pas épuisé son temps de parole.
    M. Pascal Terrasse. Quel bon président !
    M. François Goulard. En tout cas, cela nous a semblé bien long !
    M. Hervé Novelli. Elle nous a épuisés !
    M. le président. C'est subjectif !
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Nous avons effectivement une question à poser au ministre à propos du minimum contributif, et nous y reviendrons naturellement à l'occasion de la discussion de l'article qui traite plus spécifiquement de ce point. En tout état de cause, le problème est bien de savoir comment peut jouer la solidarité et comment la financer.
    Vous avez indiqué que les régimes complémentaires n'allaient pas devoir intervenir s'agissant du minimum contributif. Mais dans ces conditions, comment sera-t-il financé ? Sur le budget de l'Etat ? J'en doute. Sur le budget du régime général ? Vous risquez alors, si les dispositions que vous nous soumettez entrent en application, de mettre en déséquilibre le régime général dès l'an prochain.
    A moins que vous n'ayez trouvé d'autres ressources. Je me souviens que vous avez indiqué que les augmentations de cotisation n'interviendraient pas avant 2006.
    Alain Néri a soulevé le problème de l'indexation du minimum contributif. Savoir si, une fois revalorisé au terme de trois années, le minimum contributif suivra ensuite l'évolution des prix ou celle du SMIC est, en effet, une question centrale. De la même manière, une pension qui aura été acquise à 85 % du SMIC au moment où elle aura été prise, sera-t-elle indexée sur le SMIC ou sur les prix ? Autrement dit, ce chiffre de 85 % ne risque-t-il pas en quelque sorte de n'être que de la poudre aux yeux, dans la mesure où la pension sera bien de 85 % du SMIC au départ mais où elle diminuera ensuite ? Il y aura alors bel et bien une dégradation du niveau des pensions. Nous n'avons obtenu aucune explication précise sur ce point que nous évoquons depuis le début du débat.
    Par ailleurs, votre texte fait l'impasse sur beaucoup d'autres questions relatives à la solidarité. Je pense notamment à celles relatives à la situation des jeunes ou des chômeurs. Dans leur cas, les périodes correspondantes ne sont pas validées et ils vont donc se retrouver pénalisés par la mise en place de vos mesures, en particulier si leur période de chômage se prolonge dans le cadre d'un allongement de la durée de cotisation. On peut craindre qu'ils ne soient confrontés à un choix difficile, entre une retraite plus faible - puisqu'elle aura été amputée par différents systèmes de proratisation, de décote et d'allongement de la durée de cotisation - ou un chômage qui continuera à ne pas représenter un pouvoir d'achat et un revenu équivalent à ce dont ils pouvaient disposer auparavant.
    Enfin, s'agissant du renvoi à la négociation sur la pénibilité, comment se partage l'effort de solidarité entre l'Etat éventuellement, et les salariés et les cotisants ? Lorsque vous évoquez la possibilité d'une négociation qui permettrait de prendre en compte la pénibilité et de bonifier certaines années, pour ceux qui auront occupé des emplois pénibles, comment seront financés les accords éventuels ? Par une participation de l'Etat ou à l'intérieur du régime dont relèvera la branche qui aura conclu l'accord ? Ce sont des questions sur lesquelles il serait souhaitable, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des réponses, dans le respect du débat démocratique que nous avons engagé ici et du Parlement.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Il est vrai, monsieur le ministre, que vous nous avez précisé à plusieurs reprises que, pour parvenir aux 85 % du SMIC, le minimum contributif serait augmenté. Vous avez même cité des chiffres, notamment en retenant pour la part complémentaire le chiffre de 25 %, si je ne me trompe.
    Vous venez d'ailleurs, à l'instant, de préciser qu'il s'agissait du minimum contributif et que vos déclarations ne valaient qu'à condition que l'effort des régimes complémentaires ne baisse pas. Or, monsieur le ministre, vous savez parfaitement que, en ce qui concerne les régimes complémentaires, il est difficile de parler de revenu constant et assuré pour les salariés puisque les partenaires sociaux ont déjà eu, et encore récemment, des difficultés de financement et qu'ils ont dû modifier le régime de calcul des droits des salariés. Disons simplement, pour ne pas entrer dans les détails, qu'ils ont changé la formule d'indexation. Les changements qui sont aujourd'hui acquis, auront-ils des conséquences dans le temps ? Monsieur le ministre, je vous renvoie à l'excellent rapport de notre commission des finances. En effet, sur le montant du niveau de remplacement de l'ARRCO, pour une carrière toujours effectuée au SMIC, le tableau de la commission des finances montre que le taux de remplacement est bien de 25 % en l'an 2000. Mais qu'en 2020, il n'est plus que de 21 % et qu'en l'an 2040, il tombe à 19 % !
    Autrement dit, monsieur le ministre, quand vous nous dites qu'il n'y aura pas de baisse du revenu complémentaire venant de ces régimes, vous nous renvoyez à une chimère, puisqu'il est d'ores et déjà acquis que ces retraites complémentaires baisseront, que le niveau de remplacement baissera. C'est pourquoi, quand vous nous dites que c'est sous réserve qu'il ne baisse pas, vous ne dites pas la vérité aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Christophe Masse.
    M. Christophe Masse. Monsieur le ministre, notre système de retraite par répartition est fondée sur la solidarité, d'abord celle des actifs à l'égard des retraités. C'est pourquoi, comme cela a déjà été souligné hier, une vraie politique de retour à l'emploi serait primordiale. Mais la solidarité doit aussi venir de toute la richesse nationale et ne pas incomber uniquement aux salariés. C'est pourquoi, nous l'avons aussi dit et répété, nous souhaitons que l'on joue sur plusieurs leviers de financement et pas uniquement sur la durée de cotisation.
    M. Richard Cazenave. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous étiez au gouvernement ?
    M. Christophe Masse. Enfin la solidarité doit être la nôtre en faveur de ceux qui n'ont que des pensions faibles, afin de leur garantir un niveau de vie décent. Je suppose que, à cet égard, nous sommes tous d'accord. Toutefois il faut que l'indexation soit juste, et qu'une remise à niveau soit effectuée. Je vous ai d'ailleurs entendu affirmer à plusieurs reprises, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, votre volonté de ne pas pénaliser les basses pensions et d'assurer un minimum contributif au titre du régime général.
    Ainsi que l'a rappelé hier Michel Charzat, nous proposons simplement d'inscrire cette affirmation dans le marbre de la loi. Tel est l'objet de cet amendement qui peut vous permettre, monsieur le ministre, de prendre en considération, hors de toute polémique, la volonté d'un groupe de l'opposition de compléter votre projet de loi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, il n'est pas inutile, après les digressions que nous avons entendues sur des domaines exrêmement variés, de revenir à l'objet de cet amendement, même si, lui aussi, est purement déclaratif. Il affirme, en effet, que le système est solidaire et porteur de cohésion sociale, que chacun acquiert des droits et que sont prises en compte de façon partagée les situations difficiles, ce qui est strictement le cas dans le projet de loi présenté par le Gouvernement.
    Dans un deuxième paragraphe, cet amendement affirme que la solidarité se traduit par la garantie de pensions minimales et par la compensation démographique. Cela est également prévu dans le projet de loi dont l'article 4 précise que la retraite d'un salarié ayant effectué sa carrière au SMIC sera assurée au taux de remplacement de 85 % au moment de la liquidation. De plus l'article 18 revalorise le minimum contributif, ce qui me donne l'occasion de rappeler à nos collègues de l'ancienne majorité que, pendant cinq ans, de 1997 à 2002, celui-ci a été oublié...
    M. François Goulard. Absolument !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... au point qu'il était devenu inférieur au minimum vieillesse.
    M. Pascal Terrasse. A cause du gouvernement Balladur ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. Vous n'avez rien fait pendant cinq ans !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. L'instauration du minimum contributif a été l'une des avancées que la droite est fière d'avoir mise en place, mais vous l'avez complètement oubliée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pascal Terrasse. Pas le minimum contributif !
    M. Richard Cazenave. C'est indécent, monsieur Terrasse !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quant à la compensation démographique, elle sera bien entendu sauvegardée et la commission de la compensation sera consultée sur tout projet de modification des règles de la compensation.
    Pour toutes ces raisons la commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Notre système de retraite est un système solidaire : c'est ce que rappellent presque tous les articles du projet qui vous est soumis. Il est donc parfaitement inutile d'adopter cet amendement.
    Par ailleurs, j'ai bien entendu que de nombreuses questions m'avaient été posées et j'ai bien l'intention d'y répondre. Néanmoins, puisqu'elles ont trait à des articles dont nous débattrons, j'imagine longuement, plus tard, vous comprendrez que j'y réponde lorsque nous traiterons des sujets concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Yves Chamard. Bien sûr !
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Après M. Accoyer, permettez-moi de rappeler que le minimum contributif dont on ne cesse de parler depuis six jours a été totalement oublié pendant cinq ans. Pourtant, durant les deux dernières années de la précédente législature et encore l'année dernière au nom de l'UMP, j'avais souligné, en tant que rapporteur sur l'assurance vieillesse, qu'il fallait le relever à un haut niveau dans la loi sur la réforme des retraites. Nous étions en effet arrivés à ce paradoxe que le minimum contributif était inférieur au minimum vieillesse, autrement dit, les personnes ayant travaillé toute leur vie au SMIC avaient moins que les autres.
    En la matière, un effort est consenti et ce texte permet une avancée notable. Les membres de l'opposition qui répètent à l'envi que nous avons tort, que nous sommes mauvais et que nous ne faisons pas notre travail, feraient bien de se souvenir de l'opinion formulée par des personnes qui ont travaillé avec la majorité plurielle, comme M. Rocard, M. Delors ou certains économistes de gauche, selon lesquels si le PS avait dû présenter un projet, il aurait été semblable à celui qui nous est présenté aujourd'hui, ils ajoutent qu'ils l'auraient voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Cazenave. Ceux qui n'ont rien fait pendant cinq ans feraient mieux de se taire !
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Je ne peux pas laisser le rapporteur de la commission des affaires sociales dire des mensonges. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, il vient d'affirmer que le minimum contributif a été créé par un gouvernement de droite ce qui est faux ! En effet, c'est Pierre Mauroy qui, en 1993, a créé le minimum contributif à hauteur de 95 % du SMIC net.
    M. Richard Cazenave. Et vous, vous l'avez oublié !
    M. Pascal Terrasse. Jusqu'en 1993, il a évolué normalement, dans les conditions précisées par la loi de 1983. Il n'a commencé à baisser qu'à cause de la rupture provoquée par un gouvernement de droite. M. Accoyer devrait admettre que, en 1993, c'est M. Balladur et uniquement M. Balladur qui a mis à mal le minimum contributif. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. Et en 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 ?
    M. Dominique Tian. Quel raisonnement fallacieux !
    M. Pascal Terrasse. On peut en effet nous reprocher de ne pas être allés au-delà pendant la dernière législature et j'assume cette part de responsabilité.
    M. Richard Cazenave. Vous avez bien existé entre-temps !
    M. Pascal Terrasse. En tout cas, ce que prévoit le Gouvernement ne correspond pas à ce qui existait en 1983, loin de là. C'est pourquoi nous proposons de revenir au texte initial, à savoir 95 % du SMIC.
    M. Richard Cazenave. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ?
    M. Pascal Terrasse. A cet égard je vais essayer de dissiper tout malentendu : nous avons considéré que les cinq années de la législature devaient être essentiellement consacrées à l'emploi. En effet, en arrivant au pouvoir en 1997, nous avons trouvé près de 3,5 millions de chômeurs que vous nous aviez laissés en héritage. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il fallait avant tout les aider à retrouver le chemin de l'emploi et nous avons réussi à faire baisser le chômage dans ce pays.
    M. Richard Cazenave. Arrêtez, ce n'est pas vous qui l'avez fait baisser ! Et la diminution a été moins forte que chez nos voisins !
    M. Pascal Terrasse. Cette action a permis, pour partie, d'équilibrer les régimes de retraite.
    En revanche, la politique de l'emploi que vous menez n'est pas de nature à rassurer les salariés. En effet, moins d'emplois signifie moins de cotisations, donc davantage de précarité pour les futurs retraités.
    Enfin, il est une question à laquelle M. le ministre n'a pas répondu alors que, hier, il a eu l'amabilité de nous indiquer que 1,2 milliard d'euros supplémentaires serait consacré aux carrières longues l'année prochaine. Puisqu'il a également précisé que la facture de l'élévation du minimum contributif ne serait pas réglée par les caisses d'assurance complémentaire de retraite, nous voudrions savoir qui le paiera et sur quelles bases. Dans la mesure où il s'agira d'un élément non contributif - comme le soulignait l'amendement que nous venons de présenter - on peut aussi penser qu'il appartiendra à l'Etat, donc à l'impôt, de financer cette décision. A cette question claire je souhaiterais obtenir une réponse la plus claire possible.
    Je voudrais également savoir combien de personnes sont aujourd'hui concernées par le minimum contributif et à quel niveau de financement cela imputera les budgets qui y sont affectés.
    M. Denis Jacquat. Il y a des documents !
    M. Pascal Terrasse. A propos de l'amendement en discussion, je rappelle que le Livre vert produit par la Commission européenne sur les régimes de retraite, indique en substance que, dans tous les pays, les politiques actuelles en matière de retraite devront être renforcées par des compléments financiers publics. Or tel est le sens de notre amendement. A cet égard, M. le ministre pourrait-il nous indiquer quelle part incombera à la contribution des salariés, et s'il y aura aussi, à terme, une participation dite non contributive, notamment pour assurer la retraite de celles et ceux qui sont dans des situations de précarité.
    Voilà trois questions qui demandent des réponses simples, claires et précises.
    M. Alain Vidalies. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 2937, 2953, 2939, 2951, 2943, 2941 et 2947 qui viennent d'être défendus.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Mme Billard, M. Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 77, ainsi libellé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Il est créé au chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, une section IV bis intitulée « De la contribution sociale sur la valeur ajoutée » et comprenant un article L. 136-7-2 ainsi rédigé :
    « Art. L. 136-7-2 - Il est créé une contribution sociale sur la valeur ajoutée. L'assiette prise en considération est l'excédent brut d'exploitation (dépenses de recherche et développement incluses) avant amortissement des survaleurs. Le taux est modulé en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée, de façon à faire davantage contribuer les entreprises dont la part des salaires dans la valeur ajoutée est plus faible que la moyenne de leur branche d'activité. Il est fixé par décret, après consultation obligatoire du conseil d'orientation des retraites.
    « La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 205 du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
    « Les ressources des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse) sont abondées par le produit de cette contribution. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Je vais défendre successivement plusieurs amendements qui constituent un ensemble de propositions alternatives au projet présenté par le Gouvernement. Ils tendent en effet à éviter que la réforme des retraites ne soit financée que par le seul allongement de la durée de cotisation.
    Je tiens, au préalable, à formuler deux remarques.
    D'abord, le fameux courrier de M. le Premier ministre que j'ai reçu ce matin, m'a quelque peu étonnée. En effet, s'il reprend certains des objectifs affirmés dans les premiers articles du projet de loi, il comporte une autre affirmation qui n'y figure pas et dont la prise en compte, proposée par des amendements que nous avons présentés sur les articles 1er et 2 ou avant l'article 1er, a été refusée. Il s'agit de celle selon laquelle l'un des objectifs du projet est de permettre à chacun d'entre nous de bénéficier, demain comme aujourd'hui, d'une retraite garantie et du maintien du niveau des pensions. Pourquoi tous les amendements déposés par l'opposition pour intégrer cette garantie dans le projet de loi ont-ils été rejetés par le Gouvernement ? Cela est étrange et nous amène à nous interroger sur le degré de sincérité de ce texte.
    Monsieur le ministre, votre réforme repose sur une seule proposition, l'allongement de la durée de cotisation.
    M. Richard Cazenave. Faux !
    Mme Martine Billard. Selon les chiffres donnés par la DARES en janvier dernier, pour la première fois depuis six ans, les travailleurs âgés de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans sont davantage entrés en chômage indemnisé qu'en préretraite active en 2001. Le nombre de demandeurs d'emploi de cinquante ans et plus a augmenté de 3,7 % entre février 2002 et février 2003. Or, au même moment, la convention UNEDIC de décembre 2002 a durci les conditions d'indemnisation, diminué son montant pour les travailleurs âgés et réduit la durée d'indemnisation. On voit donc bien que cette prétendue formule magique d'allongement de la durée de cotisation pose problème.
    M. François Goulard. Il y a problème !
    M. Hervé Novelli. Le problème c'est elle !
    Mme Martine Billard. S'agissant des amendements de financement que je vous propose, je sais, monsieur le ministre, que vous les refuserez au motif déjà évoqué que de telles propositions mettraient en danger la compétitivité de l'économie française. Pourtant, j'ai tenu à les déposer. En effet, si certains économistes qui s'exprimaient dans une tribune du journal Libération affirmaient qu'il n'y avait pas de trésor caché, n'oublions pas que, comme je l'ai déjà souligné, les économistes débattent entre eux et qu'aucun ne peut se targuer de détenir la vérité absolue. Chacun a d'ailleurs pu lire ce matin une autre tribune contredisant la précédente et démontrant que le montant des prélèvements sociaux n'avait jamais provoqué de baisse de la compétitivité en France.
    J'en reviens à l'amendement n° 77 qui propose la création d'une contribution sociale sur la valeur ajoutée sur le modèle de la CSG. Son taux ne serait pas fixé par la loi mais par décret, lequel répartirait également les recettes.
    Cette nouvelle contribution serait assise sur les excédents bruts d'exploitation dont je rappelle qu'ils ont augmenté de 14,3 % entre 1992 et 1999.
    Monsieur le ministre, vous nous avez répondu à de nombreuses reprises qu'instaurer de tels financements était aléatoire car leur produit dépendait trop de la conjoncture économique. Mais tout dépend de la conjoncture économique, y compris l'emploi, donc les recettes des différents régimes sociaux, donc aussi le montant des retraites.
    Vous dites également que vous ne voulez pas pénaliser l'emploi. Nous en sommes d'accord sur nos bancs, mais nous n'avons pas la même analyse des propositions de financement et de leurs conséquences. A vos yeux de telles dispositions pénaliseraient l'emploi, mais nous contestons cette assertion. C'est pourquoi je suggère que le décret annoncé puisse moduler les taux en fonction de la part des salaires dans la valeur ajoutée pour ne pas pénaliser les petites entreprises et les entreprises de main d'oeuvre, celles du secteur textile par exemple.
    Il convient tout de même de rappeler que la part du profit dans la valeur ajoutée est assez stable depuis 1950, qu'elle est plus importante en France qu'aux Etats-Unis et qu'en Grande-Bretane, qu'elle est plus élevée que pendant l'entre-deux guerres, et que l'augmentation des cotisations, depuis cette époque, n'a pas rogné la part des profits dans la valeur ajoutée.
    Par ailleurs, 25 milliards d'euros d'allégements de cotisation sont à l'heure actuelle soustraits aux budgets sociaux. Ils pourraient être utilisés à financer d'autres choix, voire affectés au financement des retraites.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Je me permets d'abord de rappeler à M. Terrasse que le minimum contributif n'a pas été relevé par la dernière majorité de 1997 à 2001, au point qu'il est devenu inférieur au minimum vieillesse. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je lui rappelle également que l'assise financière de la branche vieillesse a été rétablie par la réforme de 1993 et que la création du fonds de solidarité vieillesse a effectivement permis le financement des prestations à caractère non contributif: minimum vieillesse et cotisations vieillesse des chômeurs.
    M. Hervé Novelli. Eh toc !
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas la question !
    M. François Goulard. La vérité est cruelle !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Par son amendement n° 77, Mme Billard propose d'instaurer un prélèvement sur la valeur ajoutée. Le simple fait qu'il s'agirait d'un prélèvement de plus, aurait suffi à conduire la commission à la rejeter.
    De plus, notre système fonctionne sur le mode contributif : les cotisations des actifs financent la retraite des inactifs. C'est la définition même d'un système par répartition. Quand, comme vous, madame Billard, on se déclare favorable à un système par répartition, il faut accepter les règles du jeu.
    Mme Martine Billard. Et la CSG ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pour mieux répondre encore sur ce sujet, je vais reprendre les termes utilisés par M. Claude Evin, député du groupe socialiste.
    M. Pascal Terrasse. Est-il membre des Verts ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Dans un journal de l'Ouest, en date du 7 juin 2003, il s'est exprimé sur le financement des retraites et sur l'attitude du gouvernement Jospin sur les retraites. Afin d'éclairer l'Assemblée sur la diversité des positions de la gauche - pour ne pas employer un autre terme - je vous donne lecture des propos tenus par M. Claude Evin sur le problème des retraites :
    « Une chose est, en revanche, évidente, si l'on veut conserver notre système par répartition, c'est-à-dire un système dans lequel les actifs paient pour les inactifs : nous nous heurtons à un problème démographique. Il est donc évident qu'il faut augmenter les recettes. Cela passe inévitablement par l'allongement de la durée de cotisation. » (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. Il y a des socialistes honnêtes !
    M. Richard Cazenave. C'est rare, mais il y en a !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pour être plus précis sur ce qu'il pense de la période au cours de laquelle la majorité précédente était en place, je poursuis la lecture de la citation dans laquelle, parlant du Premier ministre, M. Jospin, il ajoute : « Cela dit, cinq ans, c'est long et il avait, à mon avis, le temps d'initier cette réforme. J'ai toujours regretté que l'on n'ait pas avancé plus vite. L'immobilisme conduit inévitablement à la capitalisation. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Hellier. C'est très précis !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Enfin, évoquant la possibilité de financements autres que les revenus du travail, c'est-à-dire les cotisations, M. Claude Evin précise : « La CSG est réservée aux fonctions régaliennes de l'Etat », parmi lesquelles il cite la santé.
    M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas l'Evangile !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission n'a pas accepté cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. C'est un premier cru !
    M. Richard Cazenave. Cela paraît clair !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, je me suis à plusieurs reprises expliqué sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne souhaitait pas la mise en place d'un dispositif de financement de nos régimes de retraite assis sur la valeur ajoutée. Vous avez vous-même repris mes arguments, naturellement pour les contester, ce qui est votre droit.
    Ils constituent d'abord une masse beaucoup plus instable que celle des salaires. Or notre système de sécurité sociale a besoin d'un financement le plus sécurisé possible.
    Ensuite, si cette ressource était utilisée pour financer les retraites, cela risquerait de pénaliser gravement l'investissement, donc la croissance et l'emploi. A ce sujet, il y a d'ailleurs eu débat au sein de la gauche en 1998, au moment de la mise en place des 35 heures, car certains avaient proposé une cotisation de ce type pour la financer. A l'époque le Gouvernement n'avait pas retenu cette proposition. Il s'était appuyé, notamment, sur un rapport de M. Malinvaud, de 1998 qui démontrait les risques que représentait une taxation de la valeur ajoutée pour l'économie et pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Cazenave. Bonne réponse !
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. M. Accoyer qui a cité abondamment M. Evin, n'a peut-être pas remarqué que j'appartiens aux Verts alors que ce dernier est au Parti socialiste. Nous n'avons donc évidemment pas toujours les mêmes positions sur tous les sujets. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Lellouche. Vous êtes plurielle, madame Billard !
    M. Pascal Terrasse. Il voudrait que tout le monde soit à l'UMP !
    Mme Martine Billard. Pour répondre à l'accusation d'immobilisme, je vous rappelle que, avec ma petite voix, je répète depuis le début de la discussion, que les Verts sont favorables à un financement de la répartition qui recourrait à d'autres ressources que celles reposant sur le travail.
    M. Richard Cazenave. Alors ce n'est plus la répartition, il faut l'appeler autrement !
    Mme Martine Billard. Avec l'évolution que connaît notre société en matière d'emploi, de nombreux salariés de notre pays ont des carrières particulièrement chaotiques, au cours desquelles il peut même leur arriver de pouvoir valider des trimestres au regard de la durée de cotisation, mais pas en valeur. Je n'ai d'ailleurs toujours pas eu de réponse aux nombreuses questions que j'ai posées sur ce sujet.
    Oui, nous sommes pour répartir les richesses de notre pays autrement, y compris en prélevant une partie de la valeur ajoutée.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Mme Martine Billard vient de dire ce qu'elle pensait sur l'UMP et l'UDF : en réalité, à gauche, c'est le pluralisme, tandis qu'à droite, c'est le monolithisme (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), avec deux groupes alibis qui feignent de s'opposer.
    M. Denis Jacquat. Jaloux !
    M. Richard Cazenave. De la part d'un stalinien, c'est un compliment !
    M. Jean-Pierre Brard. Aux propositions de Mme Billard, le rapporteur répond que ce n'est qu'un prélèvement de plus, d'où le refus de la commission. Mais les prélèvements sur le temps de repos, cela ne vous gêne pas... Vos fidélités idéologiques confinent décidément à l'aveuglement : il vous faut toujours enrichir davantage ceux qui vivent du travail des autres afin d'alimenter les mouvements de capitaux chers à votre coeur, alors qu'il existe bel et bien d'autres solutions pour financer les retraites. Vous pourriez, par exemple, supprimer les mesures que vous avez prises pour réduire l'impôt sur le revenu ou l'ISF, dont vous voyez bien qu'elles ne produisent rien.
    Les amendements de notre collègue sont excellents, ai-je dit. Et si ses propositions sont d'une telle qualité, c'est parce qu'elles s'adossent à toute une histoire que vous niez, que vous inversez, que d'une certaine manière vous trahissez - intellectuellement parlant. (Sourires.)
    M. Pierre Lellouche. Demandez à Jospin ce qu'il en pensait il y a cinq ans !
    M. Jean-Pierre Brard. « Messieurs, nous n'avons pas suffisamment défini l'idée de la retraite. La retraite n'est pas un secours d'extrême misère. La retraite, dans le vrai sens du mot, dans le sens normal du mot est une somme suffisante pour permettre au vieillard, à l'heure où les forces de l'homme déclinent, de continuer sans autre élément, sans autre discours, dans le milieu où il a vécu jusque-là, une existence décente et indépendante. » C'est de Jaurès !
    M. Jean-Pierre Soisson. Encore ?
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, encore ! Evidemment, monsieur Soisson, cette histoire-là, dans votre tradition à vous, vous la piétinez.
    M. Jean-Pierre Soisson. Non, c'est vous qui la rabaissez ! Vous ne méritez pas Jaurès !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais vous donner une autre référence que vous ne pourrez renier, sauf à vous renier vous-même à l'instar des relaps : le programme du Conseil national de la Résistance, élaboré le 27 mai 1943 et dont on peut penser que le général de Gaulle n'y était pas totalement indifférent ni étranger,...
    M. Richard Cazenave. Vous êtes le dernier communiste résistant !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce programme prévoit plusieurs mesures sur le plan économique - je cite -,...
    M. François Goulard. C'est du Cicéron ?
    M. Richard Cazenave. Pourquoi pas du Vercingétorix ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... notamment l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale - l'objectif demeure, c'est le moins qu'on puisse dire -,...
    M. Richard Cazenave. Après cinq ans de gouvernement de gauche, oui !
    M. Jean-Pierre Brard. ... impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie, la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général, le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurance et des grandes banques.
    M. François Goulard. Fallait-il nationaliser Messerschmitt ?
    M. Jean-Pierre Brard. Et le CNR prévoyait encore - j'en terminerai, monsieur le président -...
    M. le président. Fort bien.
    M. Jean-Pierre Brard. ... un plan complet de sécurité sociale, géré par les représentents des intéressés et l'Etat, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail et notamment une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours.
    M. Richard Cazenave. Qu'a fait la gauche au pouvoir ?
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà ce à quoi le général de Gaulle souscrivait...
    M. Richard Cazenave. Pas les communistes !
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà ce que vous êtes en train d'enterrer.
    M. André Chassaigne. Ça ne plaîsait pas aux pétainistes !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous en restez cois !
    M. Richard Cazenave. Et, pendant ce temps, Maurice Thorez était à Moscou et applaudissait le général de Gaulle...
    M. Jean-Pierre Brard. Ignorant !
    M. Richard Cazenave. Oh que non !
    M. le président. Cet échange entre M. Cazenave et M. Brard, pour intéressant qu'il soit, n'a pas lieu de se tenir dans l'hémicycle.
    M. Jean-Pierre Brard. M. Cazenave a effectivement besoin de leçons particulières, monsieur le président !
    M. Richard Cazenave. Et M. Brard, qu'on lui rappelle l'histoire !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies et à lui seul.
    M. Alain Vidalies. Le débat sur la valeur ajoutée est essentiel. En réalité, c'est toute la question de savoir comment répondre au problème que posent non seulement le financement de la retraite, mais également celui de la protection sociale,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas pareil !
    M. Alain Vidalies. ... car vous êtes - nous étions - dans une contradiction fondamentale.
    Grâce au progrès de la technique et aux gains de productivité qui en découlent, nous sommes capables, et c'est une bonne chose, de produire de plus en plus de richesses avec de moins en moins de travail. Cette contradiction, comment la résoudre ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pitié ! Vous l'avez déjà répété vingt fois !
    M. Richard Cazenave. Et on vous a répondu !
    M. Alain Vidalies. ... Pour commencer - historiquement parlant, s'entend - et sans même parler des 35 heures,...
    M. Hervé Novelli. N'en parlons pas, en effet !
    M. Alain Vidalies. ... par une diminution du temps de travail. Arrive maintenant le moment où il va falloir jouer sur une valeur ajoutée. Car si l'on en reste à une démarche uniquement fondée sur le maintien de la base « salaires » tout en voulant préserver un haut niveau de retraite comme de protection sociale, on se retrouve face à une contradiction terrible dont, à la fin des fins, il n'y a aucune possibilité de sortir, sauf à diminuer les droits - et c'est bien la solution que vous avez retenue.
    Sommes-nous les seuls à le dire ? Assurément pas. Je vous ai déjà rapporté les propos du président de l'UPA sur cette question, qu'il serait bon de verser au débat d'aujourd'hui, et particulièrement ce qu'il a écrit à tous les députés : « Toutefois, l'UPA regrette que le Gouvernement n'ai pas prévu une diversification de l'assiette de financement, qui repose trop exclusivement sur le travial. Au regard des facteurs qui constituent la richesse nationale, cette question devra inévitablement être posée ». L'amendement de Mme Billard ne dit pas autre chose.
    Le COR lui-même aboutit à la même conclusion : on peut appeler cela comme on veut, mais à partir du moment où tout le monde s'accorde à constater que, par effet mécanique, la part de la richesse attribuée au travail a globalement diminué de dix points,...
    M. Richard Cazenave. Lorsqu'on ne travaille plus que 35 heures, la part du travail est mince, c'est sûr !
    M. Alain Vidalies. .... ces dix points ne peuvent que manquer aujourd'hui si la rémunération du travail continue de servir d'assiette. Et comme il vous faut compenser ce manque à gagner, vous diminuez les droits.
    M. Pascal Terrasse. C'est le bons sens !
    M. Jean-Pierre Brard. Même au CE2 on sait cela !
    M. Alain Vidalies. Nous sommes véritablement là au coeur d'un débat politique.
    Je vous donne acte, monsieur le ministre, que ce n'est pas un débat facile. Les rapports dont vous avez parlé mettent en évidence l'inévitable chamboulement qui en résultera dans le calcul des cotisations pour les entreprises, compte tenu de la disparité des niveaux de productivité entre les branches. Mais ces travaux mettaient également en évidence un autre effet intéressant pour qui veut tout à la fois garantir la protection sociale et lutter contre le chômage : avec un tel système, les entreprises de main-d'oeuvre paieraient naturellement moins, et celles qui réalisent des profits très importants en employant peu de salariés paieraient davantage. Mais, après tout, n'est-ce pas là un choix politique fondamental ?
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement n° 78, ainsi libellé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Il est créé au chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, une section 4 ter intitulée : "De la contribution sociale sur la valeur du patrimoine et comprenant un article L. 136-7-3, ainsi rédigé :
    « Art. L. 136-7-3. - Il est créé une contribution sociale sur la valeur de la fortune. Les personnes physiques soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune (visé à l'article 885 A du code général des impôts) doivent honorer annuellement la contribution sociale sur la valeur de la fortune d'un montant égal à un pour cent de la somme versée au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune.
    « La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 885 A du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception.
    « Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    M. Richard Cazenave. Elle l'a déjà défendu !
    Mme Martine Billard. Non, pas encore.
    M. le président. Non, il n'a pas été défendu.
    M. Jean-Pierre Brard. Ils voudraient la censurer, monsieur le président !
    Mme Martine Billard. L'amendement n° 78 vise à créer une contribution sociale sur la valeur du patrimoine, autrement dit à faire contribuer, par le biais d'un prélèvement spécial, les personnes physiques soumises à l'impôt de solidarité sur la fortune.
    Vous avez, à l'occasion de la récente loi présentée par M. Dutreil, considérablement amoindri la portée de l'ISF, sous prétexte que celui-ci ferait fuir à l'étranger un certain nombre de contribuables.
    M. Pierrre Lellouche. Vous savez parfaitement que nous n'avons pas touché à l'ISF !
    Mme Martine Billard. Je suis du reste toujours surprise de voir des gens si attachés à défendre l'intérêt national envisager de filer à l'étranger sitôt qu'il s'agit de payer un impôt afin de participer à la solidarité nationale et à la construction de notre pays. Mais passons.
    M. Pierre Lellouche. Continuez comme ça et il n'y aura plus personne !
    Mme Martine Billard. Lors du débat sur l'ISF, je vous avais lu, souvenez-vous, une déclaration de grands patrons américains qui estimaient parfaitement juste de payer des impôts. J'aimerais entendre pareille déclaration de la part des grands patrons français, mais je crains fort qu'il ne faille l'attendre très longtemps !
    Précisons, monsieur le ministre, que notre proposition n'induirait aucun coût supplémentaire puisqu'elle s'appuie sur un impôt existant. J'ai remarqué que vous aimiez beaucoup les déclarations de l'économiste Thomas Piketty qui en avait analysé les effets et relevé que le nombre de contribuables assujettis à l'ISF avait notablement crû entre le début des années 90 et aujourd'hui - certes, avec vos dernières réformes, il va chuter à coup sûr... Il avait même remarqué que la progression des capitaux soumis à l'ISF avait été de 50 %, très supérieure à l'inflation, sans pour autant constater d'hémorragie évidente des assujettis à l'ISF. Les capitaux ne fuient pas massivement, ajoutait-il sous forme de clin d'oeil, par l'Eurostar... et pas davantage par le Thalys, je suppose !
    M. Pierre Lellouche. Il devrait se renseigner davantage !
    Mme Martine Billard. Vous aussi !
    Par ailleurs, M. Piketty avait calculé que, notamment dans les tranches situées entre 1 et 2 millions d'euros, les valeurs mobilières représentaient déjà 50 % du patrimoine concerné. Et lorsqu'on lui posait la question de savoir si cela risquait d'être anti-économique, il expliquait que non et sa conclusion n'est pas inintéressante : « Il faut revenir au principe de l'ISF. Il s'agit de lutter contre la concentration des patrimoines et inciter les personnes qui sont assises sur un patrimoine important et qui se montrent incapables de le faire fructifier à s'en séparer. Au contraire, l'impôt est léger pour les personnes qui gèrent bien leur capital, l'investissent dans les entreprises nouvelles et en obtiennent un rendement élevé. »
    M. Pierre Lellouche. N'importe quoi ! Vraiment, c'est n'importe quoi !
    M. François Goulard. C'est tout simplement ridicule !
    Mme Martine Billard. C'est un article écrit par un économiste, monsieur le ministre !
    M. le président. C'est fini, madame Billard, vous avez défendu votre amendement !
    M. Pierre Lellouche. C'est loin d'être un argumentaire ! Cela ne tient pas debout, vous le savez bien ! C'est patent ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine Billard. Dans ce cas, pourquoi est-ce un député qui me répond et non le ministre ?
    M. le président. Je vous en prie, madame Billard !
    M. Alain Néri. Un peu de sérénité ! Si cela continue, nous allons demander une suspension de séance !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Avec l'amendement de Mme Billard, nous sommes à l'évidence encore dans la création de nouveaux prélèvements et de surcroît dans une fiscalité qui, on le sait participe à la fuite des capitaux et amoindrit les capacités d'investissement de la nation,...
    M. Jacques Desallangre. Vous savez bien que c'est faux !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... ce qui est précisément l'un des plus graves problèmes auxquels nous nous heurtons. Notre principale priorité, c'est de préserver les emplois ou d'en créer à nouveau dans le pays afin justement de nourrir les cotisations sociales et financer les retraites. Au demeurant, quand bien même Mme Billard parviendrait à mettre son dispositif en application et doublerait le produit de l'ISF, on arriverait à un montant vingt fois insuffisant pour couvrir les besoins de financement à l'échéance 2020. Voilà pourquoi la commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, nous ne sommes pas en train de débattre du bien-fondé ou non de l'ISF, objet de l'article que vous citiez, mais sur le point de savoir si une taxation de 1 % sur l'ISF permettrait de financer une partie de nos régimes de retraite. Ce 1 % de l'ISF représente 24 millions d'euros. A titre de comparaison - ce n'est qu'un exemple parmi les mesures que les uns et les autres proposent -, le passage à 100 % du SMIC au lieu des 85 % coûterait à lui seul 3,2 milliards d'euros, sans même parler de la question de principe qu'elle soulève : avec 100 % du SMIC et les avantages fiscaux et les mesures dont ils ont bénéficié au fil du temps, les retraités se retrouveraient au final avec un pouvoir d'achat globalement plus important que celui d'un actif cotisant - mais c'est là un autre sujet. Quoi qu'il en soit, votre proposition n'est à l'évidence pas à la hauteur des enjeux dont nous parlons. Pour notre part, nous continuons à penser que la retraite doit être financée par les cotisations et non par les impôts.
    Quant à l'intéressant débat auquel a donné lieu l'amendement précédent, il a mis en lumière la diversité - n'y voyez pas un reproche, juste une constatation - de l'opposition : j'ai remarqué que le groupe socialiste avait voté l'amendement instituant un prélèvement sur la valeur ajoutée pour financer les retraites, brillamment défendu par M. Vidalies, alors que le projet du Parti socialiste ne retient pas cette formule !
    M. Pascal Terrasse. Si !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non. Vous retenez la CSG, l'élargissement de l'assiette de cotisations, mais pas la taxation de la valeur ajoutée. Ou alors, il fallait l'écrire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Ségolène Royal. Nous sommes pour un prélèvement sur les richesses !
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Pascal Terrasse. Rappel au règlement !
    M. le président. Laissons d'abord M. Jacquat s'exprimer, mon cher collègue.
    M. Denis Jacquat. Nous nous obligeons à d'incessants efforts de pédagogie à l'adresse de certains de nos collègues...
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a de mauvais pédagogues !
    M. Jean-Antoine Leonetti. Et de mauvais élèves !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Balladur en sait quelque chose. Vous êtes bien sûr excellent, mais que dire des moyens ? (Sourires.)
    M. Denis Jacquat. ... afin de leur faire comprendre que, si l'on veut qu'un système de répartition fonctionne parfaitement, c'est-à-dire que les retraités perçoivent, comme le proclame un amendement adopté hier, les allocations et pensions qui leurs sont dues, il faut impérativement des ressources stables et pérennes. Or tous les amendements proposés reposent sur des ressource instables. Nous voulons une réforme juste, une réforme qui profite aux Français. Nous ne pouvons donc accepter vos amendements.
    M. André Chassaigne. C'est n'importe quoi !

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour un rappel au règlement.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Sur quel article ?
    M. Pascal Terrasse. ... fondé sur l'article 58, alinéa 1.
    M. le président. J'ai l'impression que c'est un article très connu !
    M. Pascal Terrasse. Il est effectivement très populaire.
    Monsieur le président, il y a quelques semaines, un collègue s'est mis à chanter dans l'hémicycle.
    M. le président. C'est regrettable.
    M. Dominique Tian. D'autres aussi ont chanté, y compris l'Internationale !
    M. Pascal Terrasse. Aujourd'hui, à ma grande surprise, un autre collègue arborait un maillot de rugby,...
    M. Denis Jacquat. Mais avec une cravate !
    M. Pascal Terrasse. ... mais on en a finalement peu parlé. Et je vois maintenant M. Lellouche avec une tortue qu'il promène comme le fou sa brosse à dents ! (Sourires.)
    M. Pierre Lellouche. Je me promène avec vous !
    M. Pascal Terrasse. Est-il normal, monsieur le président, que dans cet hémicycle, haut lieu de la République et du débat démocratique, l'on puisse ainsi afficher des signes aussi ostentatoires ?
    M. Jean Leonetti. Vous avez bien chanté l'Internationale !
    M. Pascal Terrasse. ... J'aimerais savoir pourquoi M. Lellouche y promène sa tortue...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Rassurez-vous, elle n'est pas vivante !
    M. Pascal Terrasse. ... afin d'éclairer cette noble assemblée. Et pour lui donner tout le temps de nous répondre, je vous demande, au nom de mon groupe, cinq minutes de suspension de séance.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas la peine. Il n'y a pas de risque sanitaire !
    M. Pascal Terrasse. Cela nous aidera à comprendre ce qui se passe du côté de la majorité. Un climat un peu fou règne dans cet hémicycle depuis quelques temps.
    M. le président. Sur la tortue, vous avez gagné en lenteur... Cela dit, la suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
    M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, mon rappel au règlement, qui concerne le déroulement de la séance, Se fonde sur l'article 58-1.
    De même que la langue d'Esope peut être la meilleure et la pire des choses, la tortue est, selon La Fontaine, cet animal intelligent et persévérant qui, dans les conditions que l'on sait, franchit la ligne d'arrivée avant le lièvre, mais selon M. Lellouche c'est l'animal qu'il enfourche pour parcourir le chemin du progrès social ! (Sourires.) Cela lui laisse, on le voit des marges de progression !
    Mais restons sérieux, notre hémicycle n'est pas une ménagerie, même s'il s'y trouve beaucoup de perroquets qui répètent sans cesse, monsieur le ministre, ce que vous dites avec beaucoup plus de talent qu'eux.
    M. Dominique Dord. C'est normal, il est ministre !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Accoyer a été bref tout à l'heure, comme sur toutes les choses qui le gênent. Voilà qui n'est pas sans importance, monsieur le président. En effet, taire ainsi à notre assemblée une partie des données susceptibles de l'éclairer peut perturber le déroulement de nos travaux.
    Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, vous avez évoqué tout à l'heure l'ISF, en soutenant que cet impôt ne rapportait pas grand-chose. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la moitié des redevables de l'ISF y échappent, si j'en crois un excellent article du Monde paru hier après-midi ? Que faites-vous pour faire rentrer l'argent que ces fraudeurs volent au Trésor public et donc à la collectivité ?
    Sur d'autres terrains, par exemple pour réduire le champ des bénéficiaires de la CMU, le zèle du Gouvernement - pas seulement le vôtre, monsieur Fillon - n'a pas connu de limites. Est-il aussi zélé pour faire la chasse aux fraudeurs fortunés qu'il l'est pour faire la chasse aux pauvres gens ainsi privés du droit de se soigner ?
    M. Pierre Lellouche. Hors sujet !

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. M. Brard vient de le souligner, il y a beaucoup de fraudeurs à l'ISF. Qu'a-t-on prévu pour faire en sorte qu'il y en ait moins ? Je ne crois pas à la fraude zéro - c'est ainsi malheureusement ! - mais il serait tout de même utile de la réduire, d'autant qu'ainsi, l'ISF rapporterait plus. Certes, il rapporte peu mais il ne s'agit pas, par mon amendement, de fournir ainsi la totalité du financement des retraites. Je propose toute une palette d'amendements, qui évidemment seront rejetés les uns après les autres, visant à trouver d'autres ressources.
    Enfin, vous nous répétez qu'il faut des ressources stables et pérennes. Pensez-vous que notre pays aille vers une régression très importante qui mette en danger notre économie ? J'ai pourtant bien cru vous entendre affirmer à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que la croisance reprendrait d'ici la fin de l'année. Au reste, sur le long terme, il n'y a jamais eu de crise telle que la croissance s'en trouve mise en cause. Vous faites beaucoup d'études sur le PIB sur lequel certaines hypothèses sont fondées. On ne peut prédire que le PIB va doubler d'ici à 2040, nous ne manions pas la boule de cristal ici ! Nous ne sommes pas à l'abri d'un incident, mais on peut tout de même penser qu'il va progresser : la productivité du travail va continuer à s'accroître, il sera donc possible de dégager des ressources. Une fraction de ces richesses pourrait venir financer les retraites.
    M. Maxime Gremetz. Je demande la parole, monsieur le président !
    M. le président. Trois orateurs se sont déjà exprimés, monsieur Gremetz. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 78 et, si vous le voulez bien, je vous inscris sur le suivant, le n° 79.
    M. Maxime Gremetz. Dans ce cas, je demande la parole pour un rappel au règlement, et je vais demander une suspension de séance ! Est-ce ce que vous voulez ? Vous m'avez refusé la parole une fois, ne le faites pas une deuxième fois !
    M. le président. Eh bien, faites votre rappel au règlement !
    M. Maxime Gremetz. Je voulais intervenir sur l'amendement.
    M. Jean Leonetti. Perroquet !
    M. le président. Non, monsieur Gremetz. M. Jacquat, M. Brard et Mme Billard sont déjà intervenus. Soyez raisonnable. Si vous souhaitez intervenir sur le fond, je vous inscris sur l'amendement de Mme Billard.
    M. Maxime Gremetz. Soit !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 79, ainsi libellé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Il est créé au chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, une section VI quater intitulée : "De la contribution sociale sur les revenus financiers et comprenant un article L. 136-7-4 ainsi rédigé :
    « Art. L. 136-7-4. - L'ensemble des revenus financiers provenant des titres émis en France sont assujettis à une contribution sociale dont le taux est de 10,35 %. Sont exonérés de cette contribution sociale les livrets d'épargne populaire, les livrets A, livrets bleus, livrets et comptes d'épargne logement. Les plans épargne populaire courants, avant promulgation de la présente loi, en sont également exonérés pendant cinq ans. Les revenus des biens immobiliers autres que ceux utilisés pour l'usage personnel du propriétaire et de sa famille directe sont assujettis à la même cotisation que les revenus financiers.
    « La contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du code général des impôts. Le produit de cette contribution est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sans déduction d'une retenue pour frais d'assiette et de perception. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
    « Les ressources des assurances sociales (maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse) sont abondées par le produit de cette contribution. Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes assurances sociales de la sécurité sociale. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Avec l'amendement n° 79 se poursuit la série de nos propositions de financement. Il vise à faire également contribuer les entreprises, personnes morales, à la contribution sociale sur les produits de placement et de fixer le taux de cette contribution à 10,35 %, ce qui correspond au niveau de la contribution des salariés au financement de leur retraite. Il en exonère, évidemment, tous les types d'épargne populaire, de façon à ne pas défavoriser tous ceux qui n'ont pas d'autre possibilité d'épargner.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 79 parce que créer des contributions supplémentaires sur les revenus financiers, en particulier sur ceux des entreprises, pousserait évidemment à leur délocalisation, donc à la diminution de l'investissement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et au déménagement des sièges sociaux, ce qui conduirait à la régression de l'industrialisation du pays et par conséquent à celle de l'emploi, des cotisations et donc du financement des retraites.
    M. Jean-Pierre Brard. Affabulation que tout cela !
    M. Michel Lefait. Ils n'ont pas besoin de cela pour délocaliser !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, nous apprécions tous les deux le professeur Thomas Piketty qui, dans une interview à Radio Classique hier matin, a montré l'inanité d'une telle proposition dans une économie ouverte. Il a notamment rappelé que les revenus financiers ne représentent que 10 % des revenus des ménages. C'est dire si, là encore, les éléments de l'équilibre de nos régimes de retraites doivent être recherchés autrement qu'en taxant les revenus financiers. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Nous sommes au coeur du débat et nous avons déjà abordé ces questions. On peut faire toutes les propositions qu'on veut sur le nombre d'annuités, sur le niveau des pensions ou sur les mesures destinées à prendre en compte la pénibilité, reste toujours posée la question essentielle - qui ne date pas d'aujourd'hui - de savoir comment on finance. Nous ne sommes pas encore parvenus à la résoudre. Nous avons certes progressé pour la protection sociale en général, avec la cotisation sur les bénéfices, mais elle ne rapporte que 3 milliards, alors que les profits sont considérables. A propos des cotisations pour la retraite, on nous dit qu'il faut s'en tenir à la répartition entre actifs et non-actifs, point final !
    Je rappelle que lorsque la sécurité sociale a été élaborée, elle était d'une part universelle, d'autre part intergénérationnelle.
    M. François Goulard. Ce n'est pas vrai ! Elle n'était universelle ni pour la vieillesse ni pour la maladie !
    M. Maxime Gremetz. L'assiette des cotisations était basée à la fois sur les cotisations salariales et sur les cotisations patronales. Ces dernières n'ont pas augmenté depuis vingt-cinq ans, alors que le coût de la vie a progressé et que les profits et les richesses se sont accrus. Comment s'en sortir dans ces conditions ? De surcroît, monsieur le ministre, vous accordez 110 milliards d'exonération de cotisations patronales, qui sont donc perdues pour la protection sociale et les retraites.
    On ne peut pas réduire la question de la répartition au seul rapport entre le nombre d'actifs et le nombre d'inactifs. Il faut aussi tenir compte de la part des richesses créées qui est consacrée aux retraites - c'est là-dessus qu'a été fondé notre système de protection sociales. Or, elle a baissé de façon très significative.
    M. François Goulard. C'est tout le contraire.
    M. Maxime Gremetz. Voici un autre élément pour la réflexion, monsieur le ministre. Vous parlez des revenus financiers des entreprises : ce ne sont pas des revenus mais des placements ! La spéculation financière, c'est de l'argent qui ne va ni à l'investissement, ni à la formation, ni aux hommes. Or ces placements financiers sont passés de 8,2 milliards en 1985 à 149 milliards pour l'année 2000 ! Et que sont-ils sinon ce qu'on a soutiré - y compris les 110 milliards d'exonérations - à la protection sociale ?
    Encore un élément de réflexion : les propositions de financement que nous faisons n'ont jamais été appliquées. Je vous rappelle tout de même, mes chers collègues, que les revenus du capital représentent en France 40 % du PIB. Aux Etats-Unis, ils en représentent 33 % et en Grande-Bretagne, 31 %. Cela veut dire que les capitalistes français, à qui vous multipliez les cadeaux et que vous ne voulez pas ponctionner pour la solidarité nationale et pour l'investissement, se portent beaucoup mieux que ceux qui sont aux Etats-Unis et en Angleterre.
    Il y a un choix à faire. On ne peut à la fois satisfaire les demandes incessantes du MEDEF et de ses représentants et répondre aux attentes et aux aspirations des retraités.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 75, ainsi libellé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
    « Ces cotisations sont pour partie à la charge de l'employeur et pour partie à la charge du salarié. Le taux de cotisation est fixé à 6,55 % à la charge du salarié ou assimilé sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu à l'alinéa 1er de l'article L. 241-3. Le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur la totalité des rémunérations ou gains du salarié ou assimilé est fixé à 1,6 %. Jusqu'au 31 décembre 2003, le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu à l'alinéa 1er de l'article L. 241-3 est fixé à 8,20 % à la charge de l'employeur. A partir du 1er janvier 2004, le taux de cotisation patronale est augmenté de 0,34 point au 1er janvier de chaque année, pendant dix ans.
    « II. - Chaque année entre 2004 et 2013, un arrêté indique le taux en vigueur au 1er janvier.
    « III. - Au cours de l'année 2013, le Parlement délibère sur le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu à l'alinéa 1er de l'article L. 241-3, en vigueur à partir du 1er janvier 2014. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Je rappelle qu'il s'agit d'une palette d'amendements concernant le financement.
    Cet amendement prévoit une augmentation des cotisations à la charge des employeurs. Vous parlez de charges mais ce sont des cotisations, une partie étant à la charge des salariés et l'autre à la charge des employeurs, les deux étant sur la feuille de paye, c'est le moins qu'on puisse dire. Je ne vois pas pourquoi ce serait une charge quand il s'agit d'employeurs et une cotisation quand il s'agit des salariés !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est tout de même une charge !
    Mme Martine Billard. Vous pouvez aussi dire alors que le salaire est une charge ! On est sorti de l'esclavage il y a très longtemps (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), un certain temps en tout cas, heureusement ! Dorénavant, pour les faire travailler, il faut payer les salariés. Je sais bien que certains aimeraient bien les payer le moins possible. Je sais bien que, comme me l'a répondu M. le ministre, quelqu'un au RMA n'aura pas à se plaindre même si, en travaillant dix-huit mois, il n'aura obtenu que deux trimestres de cotisation.
    M. Dominique Dord. N'importe quoi !
    Mme Martine Billard. On peut aussi, pour faire baisser le coût du travail, réclamer que les salariés soient payés un euro de l'heure. On n'est plus au xixe siècle, et vous aurez tout de même du mal à en arriver là !
    M. Dominique Dord. Ridicule !
    Mme Martine Billard. Les cotisations patronales n'ont pas augmenté depuis pas mal d'années. Comme cela a déjà été dit dans le débat, la productivité des salariés français est l'une des premières du monde. Le conseil d'analyse économique, dans son rapport sur la compétitivité de la France, a démontré que la fiscalité n'était pas le critère principal pour choisir la localisation d'une entreprise.
    M. Jean-Marc Lefranc. Tiens !
    Mme Martine Billard. Notre système évolue, on peut le regretter, mais, de plus en plus, le système économique est fondé sur les services. Réfléchissez au moins à une chose ! On peut réfléchir ensemble. Il faut peut-être moduler davantage l'ensemble des cotisations et des prélèvements selon qu'il s'agit d'entreprises de main-d'oeuvre ou pas, selon qu'elles réinvestissent leurs énormes profits ou pas.
    Je suis désolée, augmenter les cotisations d'un certain nombre d'entreprises comme Mac Donald's ne me choquerait pas. Je ne pense pas que Mac Donald's va déménager ses restaurants ailleurs parce qu'il faut bien qu'il ait des consommateurs.
    M. Dominique Tian. C'est de l'anti-américanisme primaire !
    Mme Martine Billard. Il y a de plus en plus d'entreprises qui ne peuvent pas délocaliser, sinon elles n'existent plus. En tout cas, elles ne dégageraient plus de profit si elles ne restaient pas à proximité des consommateurs.
    Il faut tenir compte de l'évolution de notre système économique et concevoir nos prélèvements et notre taxation en conséquence.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. On l'a déjà répété à de nombreuses reprises, tout ce qui crée des charges supplémentaires pour les entreprises, dans un pays où le coût du travail est particulièrement élevé (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...
    M. François Liberti. Mais non !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vrai !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... bien que les salaires nets ne le soient pas suffisamment, constitue, dans une économie ouverte, un handicap qui accélère malheureusement les délocalisations de production et de sièges sociaux.
    M. François Liberti. C'est de la mauvaise foi !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous qui êtes élus dans des régions frontalières, ayez la franchise de reconnaître ce que vous voyez tous les jours !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Je voudrais revenir sur la notion de ressources dites non contributives.
    Sur le site d'information du ministre des affaires sociales sur l'avenir des retraites, les mesures nouvelles sont évaluées à 2,7 milliards d'euros, la revalorisation du minimum contributif est évalué à 600 millions d'euros, le traitement pour les pluripensionnés à 1 milliard d'euros, et la retraite complémentaire des fonctionnaires à 800 millions d'euros. Comment le ministre va-t-il financer dès l'année prochaine ces mesures ?
    Il va me répondre qu'il compte s'appuyer, pour partie, sur les excédents du régime général d'assurance vieillesse. Ils seront de 1,3 ou 1,4 milliard d'euros, mais cela ne suffira pas !
    Il veut par ailleurs mettre en place un système d'augmentation des prélèvements obligatoires à travers une augmentation des cotisations sociales de 0,2 point, reconnaissant par là même qu'il est important de relever le montant des cotisations, sauf que ce ne sera mis en place qu'en 2006, ce qui veut dire, très concrètement, que cela ne se retrouvera vraisemblablement qu'en 2006 ou 2007 sur les bulletins de salaire.
    Depuis vingt-cinq ans, le taux de cotisation au titre de l'assurance vieillesse se situe à 8,2 %. Il faut évidemment faire attention au coût du travail, parce que nous sommes dans une économie globale, ouverte, et je ne suis pas fermé à cette idée, mais, monsieur le ministre, on ne peut pas faire reposer sur les seuls revenus du travail le financement des retraites. Comme l'a rappelé M. Vidalies, tout à l'heure, il faut accroître la valeur ajoutée ou trouver des ressources nouvelles, et je voudrais faire deux ou trois réflexions et proposer quelques pistes.
    On pourrait tout à fait imaginer une augmentation d'un point de la CSG. Cela représente 9 milliards d'euros. Est-ce possible ? Il y a un débat. On va peut-être nous répondre que la CSG doit servir au financement de la sécurité sociale. On peut, là aussi, en débattre. Je pense que, dans sa globalité, la protection sociale doit justement inclure l'assurance vieillesse.
    On pourrait imaginer également une majoration de l'impôt sur les sociétés de 3 %, sur la base de la CSB. Ce sont 900 millions d'euros qui pourraient arriver ainsi directement dans les caisses de l'Etat, de manière à mieux répartir l'effort non contributif.
    On pourrait imaginer également une hausse de deux points du revenu du patrimoine, ce qui représente 1,7 milliard d'euros.
    Voilà quelques sources de financement qui ont un caractère non contributif, et qui permettraient de ne pas appuyer le financement des retraites dans les années qui viennent sur les seuls revenus du travail.
    L'intéressant rapport qui a été remis à la Commission européenne met en évidence que tous les pays européens seront peu à peu obligés d'aller rechercher des ressources autres pour ne pas faire peser l'effort seulement sur le travail.
    Nous sommes d'accord pour dire que, pour l'essentiel, l'assiette doit reposer sur les cotisations sociales, patronales et salariales, même si l'équilibre retenu n'est pas celui que je souhaiterais. Dans le même temps, nous devons rechercher d'autres financements, d'autant plus que la proposition du ministre n'assure pas le financement des retraites. Il dit lui-même, reportez vous à son site, qu'il manquera de l'argent. Par ailleurs, il lie ressources financières supplémentaires et baisse du chômage. Moi, je pense qu'il se trompe. Les mécanismes automatiques de départ à la retraite ne vont pas induire d'emplois nouveaux, en raison des gains de productivité et de l'externalisation. Nous aurons l'occasion d'y revenir. C'est une autre conception de la répartition des richesses.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Ce débat est particulièrement intéressant et important. Chaque fois que l'opposition fait des propositions à la majorité pour essayer de diversifier les ressources et d'élargir l'assiette des recettes en vue afin de mieux régler le problème des retraites, la majorité les refuse sans même écouter les arguments invoqués.
    Alain Vidalie s'est exprimé il y a quelques instants, Pascal Terrasse a parlé de valeur ajoutée dans les entreprises et de la CSG. Chaque fois, la réponse est « non ». Si quelqu'un fait de l'obstruction ici, ce n'est pas forcément l'opposition ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je vois que mes propos ont reçu l'écho qu'ils méritaient.
    Pour en revenir précisément au sujet, imaginons que j'écoute les arguments du rapporteur et du ministre : nous sommes dans un système figé ad vitam aeternam en France dans lequel les actifs paient les retraites des inactifs sur la base des cotisations salariales et patronales et, hors de ce schéma stéréotypé et figé à jamais, point de salut. Prenons-les aux mots !
    Le Conseil d'orientation des retraites, dont chacun souligne l'utilité et la pertinence, précise que la part des salaires par rapport à la valeur ajoutée a baissé de dix points. Tirons-en les conséquences : c'est bien le travail, par la main-d'oeuvre, par la mécanisation, par les gains de productivité, qui augmente la valeur ajoutée. A qui, à quoi doit-elle bénéficier ? Selon l'orthodoxie de la majorité, c'est aux salaires. A ce moment-là, rééquilibrons la part des salaires par rapport à la valeur ajoutée et nous pourrons répondre au dogme de la majorité. Les salaires étant très sensiblement accrus et retrouvant leur quote-part dans l'entreprise, les cotisations seront elles aussi en nette augmentation.
    C'est donc une conférence sur les salaires avec une augmentation sensible des salaires...
    M. Dominique Dord. Et l'augmentation du SMIC de 5,5 % ?
    M. Jean-Pierre Dufau. ... qui permettra d'accroître les recettes des cotisations salariales, puisque tel semble être le voeu de la majorité. M. le ministre peut-il s'engager dans cette voie ?
    M. le président. La parole est à M. François Goulard.
    M. Pascal Terrasse. Voilà un vrai libéral !
    M. François Goulard. L'opposition, et notamment M. Terrasse à l'instant, s'inquiète du financement des réformes qui nous sont proposées. Rassurez-vous, chers collègues de l'opposition, notre majorité a pour habitude de financer ses dépenses. (« Non » ! sur les bancs du groupe socialiste.) Elle n'est pas comme vous, elle n'a pas pour coutume de laisser la facture à ses successeurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. François Liberti. Vous êtes amnésique !
    M. François Goulard. Quant à l'imagination féconde dont vous débordez depuis quelques jours, je m'en souviens comme quelques uns ici, quand vous avez créé le FOREC,...
    M. Pascal Terrasse. On y reviendra !
    M. François Goulard. ... quand il fallait prélever des ressources un peu partout pour financer les calamiteuses 35 heures, on nous avait promis une grande réforme des cotisations sociales. Les ministre des affaires sociales de l'époque nous disaient qu'il était temps d'en réformer l'assiette.
    M. Pascal Terrasse. Ils avaient raison !
    M. François Goulard. Pendant cinq ans, il ne s'est rien passé. Quand un élément incontrôlé de la majorité d'alors présentait un amendement dans le sens de ce que vous proposez aujourd'hui, il y avait toujours un ministre, suivi par sa majorité, pour le rejeter.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. N'est-ce pas, monsieur Gremetz ?
    M. François Goulard. C'est extraordinaire de voir comme l'opposition stimule votre réflexion et votre imagination. Continuez à réfléchir, on en reparlera dans vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Néri. Vous ne serez plus là ! Présomptueux !
    M. Jean-Pierre Brard. Quel réac !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 3139, ainsi libellé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Après le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur la totalité des rémunérations ou gains du salarié ou assimilé est majoré, au maximum d'un point de pourcentage, lorsque le taux d'activité des salariés de cinquante ans au plus, employés dans l'entreprise, est inférieur de plus d'un point aux objectifs fixés en la matière par l'Union européenne. Un arrêté ministéreil fixe le taux en vigueur au 1er janvier de chaque année. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Je vous rassure, monsieur Goulard, dans vingt ans, je ne serai plus là. Je suis pour la retraite à soixante ans. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Cet amendement a pour objectif de permettre aux salariés de cinquante ans et plus de continuer à travailler. Là, nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il y a un vrai problème.
    Ce que je propose, c'est de jouer sur le taux de cotisation. J'entends déjà la réponse : mieux vaut inciter. Je rappellerai simplement qu'en 1986, le CNPF, le prédécesseur du MEDEF, avait promis 400 000 créations d'emploi si on supprimait l'autorisation préalable de licenciement. On ne les a jamais vus ! On n'a d'ailleurs plus jamais entendu le CNPF sur la question ensuite. Par contre, on a vu les licenciements se multiplier, notamment les licenciements de délégués. Pour l'avoir vécu personnellement, je sais ce qu'a signifié cette suppression.
    M. Eric Raoult. Hors sujet !
    Mme Martine Billard. Je préfère tout de même contraindre un peu plus les employeurs à garder les salariés de cinquante et plus, surtout quand on entend le MEDEF protester énergiquement, ce qu'il a déjà fait, il me semble, il y a quinze jours, parce que le texte de loi repousse la mise à la retraite automatique de soixante à soixante-cinq ans.
    Voici ce que déclare M. Seillière : « Si on devait, comme le projet de loi actuellement l'indique, nous imposer de devoir garder jusqu'à soixante-cinq tout salarié qui le souhaiterait, le problème serait réglé, il n'y aurait plus rien à négocier. »
    Nous n'acceptons pas l'idée que la loi vienne imposer à toutes les entreprises un comportement. C'est fantastique comme déclaration !
    Comme il avait protesté, nous avons eu droit en commission à deux amendements sur cette question, l'un de l'UDF, l'autre de notre rapporteur. Il y a eu une discussion. Nous avons été plusieurs à faire remarquer que ce n'était pas la peine d'instituer une surcote pour convaincre les salariés de travailler plus longtemps si les chefs d'entreprise pouvaient décider de mettre à la retraite d'office un salarié dès qu'il a atteint sa retraite à taux plein. Il faut savoir ! Soit, comme le dit la plaquette du Gouvernement, on a la liberté de choix de sa retraite, soit on ne l'a pas. Déjà que cette liberté est très relative parce qu'il faut être en condition physique pour pouvoir continuer à travailler, et que votre employeur ne doit pas vous licencier avant que vous puissiez avoir une retraite à taux plein.
    Je dépose donc cet amendement pour essayer de convaincre les employeurs de garder les salariés de cinquante ans et plus, car, en 2001, ils considéraient qu'avoir un grand nombre de salariés âgés dans leur entreprise avait des effets négatifs sur la productivité. C'est sûr qu'à cinquante-cinq ans, sur certains postes de travail, on est peut-être moins rapide que des plus jeunes mais, si c'est ainsi que l'on veut traiter les salariés de cinquante ans et plus, l'allongement de la durée de cotisation risque d'être dramatique. Les deux tiers des employeurs n'envisageaient pas de recruter des personnes âgées de plus de cinquante ans.
    Je ne pense pas qu'il vont être généreux et garder leurs salariés âgés - d'ailleurs, ils demandent des préretraites quand cela les arrange - ou en embaucher parce qu'ils sont convaincus qu'il est de l'intérêt national de faire remonter le taux d'activité des salariés âgés.
    Je préfère donc faire en sorte que, par des mesures portant sur la cotisation, les salariés de cinquante ans et plus puissent rester au travail afin d'essayer d'atteindre tant bien que mal les quarante-deux ans de cotisation qu'ils auront - hélas ! - besoin d'avoir à l'orée de 2020.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. En effet, il pénaliserait les entreprises (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), et plus spécifiquement celles qui sont françaises,...
    M. François Liberti. Quelle mauvaise foi !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... qui sont déjà mises à mal par les nombreuses charges financières, sociales et fiscales, qui pèsent sur elles, ainsi que par des réglementations administratives et par des dispositions légales particulièrement pénalisantes adoptées au cours des six dernières années...
    M. Pascal Terrasse. Il y a six ans, c'était Juppé le Premier ministre !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... par la majorité précédente. A titre d'exemple, je citerai les 35 heures. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Toutefois, monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur la nécessité d'examiner attentivement la question de l'employabilité au-delà de cinquante - cinquante-cinq ans. La commission a adopté un amendement à ce sujet, qui sera l'occasion, pour vous, d'apporter des précisions quant aux voies que vous avez choisies pour conforter ce pan de la réforme.
    M. Jean Leonetti. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement est symbolique de la conception du dialogue social que certains ont à gauche. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).
    Nous, nous commençons par ouvrir le dialogue social, en en fixant les limites. Et si un accord n'est pas trouvé, le Gouvernement prendra des mesures pour que les salariés de plus de cinquante ans soient maintenus dans les entreprises.
    Pour le moment, il revient aux partenaires sociaux de se mettre d'accord sur la meilleure façon de parvenir à ce résultat. C'est d'ailleurs ainsi que cela s'est passé dans tous les pays européens qui ont réussi à améliorer le taux d'activité des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Nous sommes à peu près d'accord pour conserver le repère collectif de l'âge de départ à la retraite à soixante ans. Cet élément me paraît fondamental. Il n'en demeure pas moins, comme on peut le constater aujourd'hui, que des salariés qualifiés âgés sont mis à la porte de leur entreprise, soit parce qu'ils ne seraient pas suffisamment compétitifs, soit parce qu'ils coûteraient trop cher.
    Certains articles du texte mettent en évidence qu'il serait souhaitable que les salariés conservent les salariés âgés. Mais, pour ma part, je ne crois pas que la voie contractuelle soit un moyen suffisant. A mon avis, le recours à la loi serait préférable pour obliger les dirigeants d'entreprise à maintenir en activité les salariés qualifiés âgés.
    Je vous rappelle que, même si le repère collectif en matière de départ à la retraite est aujourd'hui de soixante ans, 50 % des salariés qui liquident leurs droits à la retraite n'ont malheureusement pas cet âge.
    Il conviendrait aussi de réfléchir, comme l'avait d'ailleurs suggéré Lionel Jospin en mettant en place le Conseil d'orientation des retraites, à la mise en oeuvre d'un départ progressif à la retraite jusqu'à l'âge « couperet » de soixante ans. L'activité de fin de cycle d'activité doit être mieux organisée. Pourquoi certains salariés devraient-ils travailler sur le rythme des 3x8 jusqu'à la fin de leur carrière ? Ne pourrait-on pas imaginer que les salariés exerçant un travail pénible bénéficient d'un départ progressif à la retraite ? Pourquoi des salariés de cinquante-cinq ans...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela n'a rien à voir avec l'amendement !
    M. Pascal Terrasse. ... devraient-ils obligatoirement travailler 35 heures par semaine : ne pourrait-on pas prévoir un allégement de leur durée de temps de travail ?
    Voilà une autre conception des modalités de travail, qui permettrait un glissement progressif vers la retraite. Ce débat aurait pu être ouvert dans le cadre de la réforme que vous proposez.
    M. Dominique Dord. Il aurait même pu être ouvert avant !
    M. Pascal Terrasse. Bien sûr, il faut faire confiance aux partenaires sociaux. Ils auront leur mot à dire par branche d'activité, par métier. Toutefois, il me semble très important d'avoir ce débat. La résolution de ce problème - qui, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, se pose dans d'autres pays européens - ne peut pas être renvoyée à la seule négociation, au contrat. Il est de notre devoir, en tant que responsables politiques, de nous en saisir.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai quelques scrupules à citer encore une grande voix de gauche,...
    M. Pascal Terrasse. Encore une autre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui s'exprime dans Le Monde de ce soir sur la question de la place respective de la loi et du contrat. Edmond Maire écrit dans ce quotidien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...
    M. Pascal Terrasse. Un vieux monsieur !
    M. Jean-Pierre Brard. Un has been !
    Mme Martine Billard. C'est tout ce que vous avez trouvé, monsieur le ministre !
    M. Jean-Luc Warsmann. Commentaires sont honteux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... en évoquant le rapport entre la politique et la société civile, que le présent s'explique par une longue histoire collective qui « remonte bien au-delà du "tournant de 1978 et pointe l'une des pathologies les plus anciennes de la démocratie française : son incapacité à penser et à reconnaître le rôle de la société civile. Cette pathologie n'épargne pas une gauche qui a toujours eu un fâcheuse tendance à se prendre pour le peuple et, rejoignant le MRP d'après-guerre, à vouloir faire la "révolution par la loi ». (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Warsmann. CQFD !
    De nombreux députés du groupe socialiste. Et alors ? Et alors ?
    Mme Martine David. C'est vraiment léger !
    M. Jean-Pierre Brard. Edmond Maire, c'est vu des prédécesseurs de Chérèque ! C'est de la même farine !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu votre réponse sur la question de la place respective de la loi et du contrat. Elle est assez paradoxale, puisque, pour un certain nombre de questions majeures comme celle du maintien des salariés âgés dans l'entreprise, on fixe d'abord un cadre législatif, puis on renvoie ensuite...
    M. Xavier de Roux. A la révolution !
    M. Alain Vidalies. ... à la négociation.
    Il s'agit, monsieur de Roux, d'un débat sérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Mais, monsieur le ministre, pour vous inscrire dans la lignée des grandes références de gauche - et je prends acte de votre évolution -, il faut d'abord donner toute sa place à la négociation et n'utiliser la loi qu'en cas d'échec. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous avez eu raison de relancer le débat sur cette question car les difficultés sont devant nous.
    Vous nous expliquez que, mécaniquement, par un effet démographique, le nombre des chômeurs diminuera, donc le coût de l'indemnisation de ceux-ci, et qu'à l'échéance 2008, une partie des ressources qui leur sont destinées sera transférée sur le financement des retraites et que, par conséquent, tout cela se fera à égalité de charges. Mais votre démonstration suppose que les salariés qui partiront soient remplacés par des jeunes.
    M. Xavier de Roux. Eh oui !
    M. Alain Vidalies. Or, selon une excellente enquête parue aujourd'hui dans la presse - nous lisons nous aussi les journaux -, l'audit effectué par un cabinet privé auprès des directeurs des ressources humaines des trente plus grandes entreprises française, lesquelles emploient plus de 400 000 salariés, montre que 83 % d'entre eux estiment que le départ en retraite des salariés âgées « offre une opportunité de gérer en douceur une diminution d'effectif ».
    M. Pascal Terrasse. C'est évident !
    M. Alain Vidalies. Le pari fondamental sur lequel repose votre démarche, monsieur le ministre, se heurte donc aux projet des plus grandes entreprises françaises, ce qui est extrêmement préoccupant. La voie du contrat eut sans doute été préférable.
    Mme Martine Billard vient de rappeler les difficultés que soulevaient les déclarations du patron du MEDEF, lequel vous reproche de porter de soixante à soixante-cinq ans l'âge à partir duquel l'employeur peut imposer aux salariés de partir à la retraite.
    M. Maxime Gremetz. C'est la seule critique qu'il formule !
    M. Alain Vidalies. Mais s'il advenait que l'Assemblée adopte un amendement tendant à maintenir l'âge de soixante ans, la situation deviendrait totalement incohérente, puisque l'accord que vous avez passé avec certaines organisations syndicales serait remis en cause. Et, dans ce cas, qu'adviendrait-il de la surcote, puisque l'employeur aurait le pouvoir de décider s'il garde ou non le salarié. Le texte doit donc être maintenu en l'état sur ce point.
    Je vous en donne acte, monsieur le ministre, que vous m'avez répondu que le Gouvernement s'en tiendra à son texte - cela figure au Journal officel. Pour nous rassurer définitivement, car vous sentez bien notre inquiétude, peut-on interpréter vos propos comme l'indication que le Gouvernement s'opposera à toute initiative parlementaire allant dans le sens de la demande du MEDEF ?
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. S'agissant de la question de la place respective de la loi et de la négociation collective, vous avouerez, monsieur le ministre, que votre projet est tout de même très déséquilibré.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non, il est très bon !
    Mme Ségolène Royal. Dès qu'il s'agit de demander des sacrifices aux salariés, il est prévu de l'inscrire dans la loi : c'est le cas, par exemple, de l'allongement de la durée de cotisation, de la diminution des avantages familiaux ou de l'accroissement des inégalités entre les hommes et les femmes. Mais dès qu'il s'agit de demander des efforts au patronat, vous renvoyez à la négociation collective.
    Et, puisque vous nous invitez à lire la presse, vous avez certainement lu cet excellent article paru dans La Tribune de ce matin et auquel M. Alain Vidalies vient de faire référence. On peut y lire que, selon un audit réalisé sur une trentaine de grandes entreprises représentant 400 000 salariés, une entreprise sur deux sera affectée par le départ à la retraite des « papy-boomers » en 2005, et que, face à ce phénomène, 83 % des DRH de ces entreprises indiquent que celles-ci ne recruteront pas de jeunes. De ce point de vue, elles se comportent comme l'Etat-patron, puisque celui-ci a annoncé qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne serait pas remplacé.
    M. Pascal Terrasse. Quelle pertinence !
    Mme Ségolène Royal. Dès lors, comment exiger des patrons du secteur privé qu'ils fassent ce que l'Etat-patron a déclaré ne pas vouloir faire ?
    Par ailleurs, ce non-renouvellement des salariés partant en retraite entraînera une perte de cotisations.
    Ce même journal économique est également très sévère à votre égard quand il juge que l'optimisme du Gouvernement sur le financement des retraites est pris à contre-pied. Il estime que les conclusions de cet audit sont très fâcheuses pour le Gouvernement, puisque sa réforme des retraites « repose en effet sur le pari que les entreprises remplaceront la plupart des salariés faisant valoir leurs droits à la retraite, ce qui permettra une amélioration de l'emploi - et par conséquent autorisera le transfert des cotisations chômage vers les cotisations retraites » Ce que l'on peut anticiper du futur comportement des entreprises empêchera ce transfert et, donc, aggravera les comptes de l'assurance vieillesse.
    Plus grave encore, l'enquête révèle que, parmi ces entreprises, sept sur dix disposent d'un programme de préretraite et que plus d'un tiers d'entre elles affirment qu'elles maintiendront leur programme en l'état,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Certes ! Mais ils ne seront pas financés !
    Mme Ségolène Royal. ... alors que vous dénoncez vivement ces programmes et demandez leur abandon.
    Autrement dit, on voit déjà ce que la négociation avec le MEDEF va donner : avant même l'ouverture de celle-ci, il vous répond « non » au remplacement des départs à la retraite des salariés les plus âgés - ce qui signifie une augmentation du chômage, puisque des jeunes ne seront pas recrutés - et « non » à la remise en cause des programmes de préretraite.
    Dans l'intérêt même de votre réforme, monsieur le ministre, il aurait fallu inscrire dans la loi les obligations qui auraient permis de rééquilibrer les sacrifices que vous demandez aux salariés.
    M. Denis Jacquat. Amen !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3139.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 76, ainsi rédigé :
    « Après l'article 2, insérer l'article suivant :
    « Dans le premier alinéa de l'article L. 322-4-6 du code du travail, après le mot : "professionnelle, sont insérés les mots : "dans les entreprises employant au plus cinquante salariés,. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Cet amendement a pour objet de limiter les exonérations de cotisations sociales patronales du dispositif des contrats jeunes en entreprise aux entreprises de moins de cinquante salariés. En effet, depuis que vous êtes arrivés au pouvoir - mais cela ne nous a pas surpris, car vous l'aviez annoncé - vous multipliez les exonérations de cotisations, avec pour objectif à terme de réduire pratiquement à zéro la part patronale de l'ensemble des cotisations.
    Mais qui dit exonération dit, bien évidemment, compensation, et donc compensation par le budget, c'est-à-dire par les impôts payés par les Français. En définitive, ce que ne payent pas les entreprises, nos citoyens le paient par le biais des impôts, qu'ils soient directs ou indirects ! Et ce sont autant de milliards qui ne peuvent pas être utilisés pour financer des politiques sociales, que celles-ci concernent les retraites ou la santé, ou des politiques d'infrastructures, par exemple pour développer les transports en commun ou le rail.
    M. Louis Guédon. Des chiffres !
    Mme Martine Billard. Autant il me paraît utile d'exonérer les petites entreprises, les commerçants ou les artisans, qui créent de l'emploi, car ils ne peuvent pas forcément assumer le paiement de l'ensemble de ces cotisations, autant il me semble abusif d'exonérer les grosses entreprises du paiement de ces cotisations.
    Et puisque l'on parlait de « confiance », monsieur le ministre, j'indique que j'ai une confiance assez limitée dans le bon coeur de nos entrepreneurs.
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Travaillez autant qu'eux, et on en reparlera !
    Mme Martine Billard. Du reste, quand je lis la déclaration du président du MEDEF, qui représente bien les entreprises françaises, je me dis que j'ai raison d'être inquiète quant au bon coeur a priori de M. Ernest-Antoine Seillière.
    Mme Martine David. Elle a raison !
    Mme Martine Billard. Dans ces conditions, il me semble préférable que la loi fixe le cadre dans lequel la négociation entre les partenaires sociaux doit avoir lieu. Je sais que le MEDEF souhaite exactement le contraire : il veut à terme donner la priorité au contrat sur la loi. C'est une évolution avec laquelle les Verts sont en total désaccord : ils considèrent qu'il faut des lois fortes pour protéger l'ensemble des salariés, notamment dans les petites entreprises. En effet, aujourd'hui, de plus en plus de salariés travaillent dans de petites entreprises. Ils n'ont pas les moyens de refuser les exigences qui leur sont souvent imposées, comme le montre l'exemple des horaires de travail. Dans certains secteurs, nombre de salariés peuvent dire que la déclaration officielle des heures travaillées n'a pas grand-chose à voir avec la réalité : les entreprises déclarent 35 heures, mais la réalité est tout autre ! Et si l'on veut faire appel à l'inspection du travail, les inspecteurs ou les contrôleurs ne sont pas suffisamment nombreux pour répondre à toutes les demandes.
    Je préfère donc que la loi fixe un cadre pour protéger tous les salariés, et pas seulement ceux qui travaillent dans de grandes entreprises où de puissantes sections syndicales peuvent effectivement mener de bonnes négociations.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, qui vise à stigmatiser des entreprises qui ne sont pas de grosses entreprises, puisqu'elles comptent moins de cinquante salariés. Si l'on se réfère à la classification qui prévaut dans tous les pays de l'Union européenne, ce sont encore des entreprises très modestes.
    Cet amendement a pour objet de limiter l'application de dispositions qui ont montré leur efficacité au travers de la mise en oeuvre des contrats jeunes en entreprise. Il n'y a aucune raison de revenir sur un dispositif qui fonctionne bien.
    J'ajoute que limiter les exonérations de cotisations, reviendrait à remettre en cause « le bras de levier » de la loi sur les 35 heures, disposif qui, à l'époque de sa mise en oeuvre, recueillait l'assentiment de la majorité d'alors, qui est devenue opposition d'aujourd'hui.
    Enfin, je répondrai à M. Terrasse, sur le fait que le départ à la retraite d'un salarié âgé serait automatiquement remplacé par un jeune, que si les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour décider du sort de l'ARPE, c'est bien que le dispositif s'était montré inefficace.
    Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement n'a rien à voir avec le débat sur les retraites.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité L'Assemblée nationale doit donc le rejeter.
    Mais je profite de l'occasion pour revenir sur le débat qui vient d'avoir lieu sur le comportement des entreprises et la chronologie que nous avons choisie.
    L'opposition voudrait faire croire que l'allongement de la durée de cotisations, c'est pour demain. Mais cet allongement, il n'interviendra qu'en 2008 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine Billard. Oui, mais les licenciements, c'est maintenant !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pourquoi avoir prévu cette échéance ? Pour laisser cinq années aux partenaires sociaux pour augmenter le taux d'activité.
    M. Pascal Terrasse. Et pourquoi pas avant ?
    M. Alain Néri. Pourquoi pas en 2007 ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet allongement n'est pas automatique, la loi prévoit un rendez-vous en 2008 avec une commission indépendante qui sera chargée de vérifier si les hypothèses, notamment en matière de taux d'activité, sont rassemblées. L'allongement de durée de cotisation sera opérationnel en 2008 si, d'ici là, les partenaires sociaux ont pu trouver un accord. Si les partenaires sociaux ne réussissent pas à trouver d'accord, si les entreprises ne font pas les efforts nécessaires pour augmenter le taux d'activité, naturellement, le Gouvernement sera obligé de modifier la mise en oeuvre même de cette réforme.
    M. Pascal Terrasse. En 2008, vous ne serez plus là !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Deuxième élément évoqué à l'instant par Mme Royal : les entreprises veulent des préretraites. Nous le savons. Evidemment, on leur a permis d'en user pendant des années. Le texte que je vous propose prévoit justement de réduire considérablement le recours aux préretraites. Elles pourront toujours en vouloir, mais le dispositif, lui, sera extrêmement restrictif. Nous avons choisi, sur un certain nombre de sujets, d'inscrire des limites dans la loi tout en laissant à la négociation sociale sa place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. M. le ministre, encore une fois, ne répond pas aux questions qui lui sont posées par l'opposition. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Pierre-Louis Fagniez. Vous n'avez rien compris !
    M. Pascal Terrasse. Il renvoie une grande partie des modalités de financement de sa réforme à plus tard, après 2008, c'est-à-dire après les élections présidentielles.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et alors ?
    M. Pascal Terrasse. Au lieu de poser le problème du financement dans six ou sept ans, il serait plus opportun de le régler d'ores et déjà. Si nous attendons 2008, le coup de bambou sur le dos des salariés sera très mal perçu. Dans un souci de bonne gestion, il vaudrait mieux prévoir un lissage doux à la fois pour les entreprises mais également pour les salariés. Compte tenu du peu d'empressement que vous avez mis à répondre sur les modalités de financement de votre réforme, nous réitérons nos questions sur ce point, sans succès malheureusement.
    S'agissant des exonérations de cotisations sociales, je rappelle qu'il y avait une différence entre les exonérations tirées des lois Aubry 1 et Aubry 2 et la ristourne Juppé. Les exonérations au titre de la ristourne Juppé et de son extension, cela représente 75 milliards de francs. Les ristournes accordées dans le cadre de la mise en place des 35 heures, c'est 40 milliards de francs. Au total, cela fait bien, comme le dénonce Maxime Gremetz, 105 milliards de francs. Seulement, dans les exonérations que nous avions accordées aux entreprises, il y avait un accompagnement, une sorte de gagnant-gagnant - la réduction du travail a permis de créer 2 millions d'emplois dans notre pays et de baisser de 900 000 le nombre des chômeurs - alors même que les ristournes que vous proposez aujourd'hui ne sont accompagnées de rien. En réalité, accorder des exonérations sans contrepartie, c'est aller droit dans le mur. Nous considérons, nous, que les exonérations de cotisations sociales notamment sur les bas salaires, qui sont utiles, doivent nécessairement s'accompagner de créations d'emplois. Tel n'est pas le cas dans ce projet. En tout cas, nous devrons avoir ce débat, notamment à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Jean Leonetti. Ça faisait longtemps.
    M. Maxime Gremetz. Je veux faire une observation parce que je veux qu'on soit bien clairs sur ces exonérations.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'y a pas d'exonérations dans cet article.
    M. Maxime Gremetz. D'abord, il ne faut pas confondre primes et exonérations de cotisations, patronales en l'occurence. Je me souviens d'une discussion avec M. Seillière lors d'une audition devant la commission des affaires sociales. Alors qu'il se plaignait, comme d'habitude du coût du travail, du manque de compétitivité, de productivité, toutes ces choses que les statistiques et les comparaisons européennes et internationales contredisent, je lui demandais de m'indiquer le chiffre des exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les grandes entreprises, non les PME-PMI. Il me répondit qu'il ne savait pas mais quand je lui dis que j'avais un chiffre, il me dit : « C'est le bon. » Et il ajouta une chose qui m'a frappée. (Rires et exclamations sur divers bancs.) Du point de vue moral, j'entends... M. Seillière n'est pas du tout un violent. Il sait exploiter avec férocité mais élégance, sans être violent. (Rires.)
    « Monsieur Gremetz, poursuivit-il, je suis un peu rassuré. Les exonérations de cotisations patronales pour les bas salaires existaient auparavant - c'était ce qu'on appelait « les exonérations Juppé » - pour les salaires inférieurs ou égaux à 1,3 fois le SMIC. J'ai reçu un cadeau royal sur la tête... » Royal... excusez-moi, madame. (Sourires.) Ce n'était pas Ségolène qu'il recevait sur la tête, chacun a bien compris. (Rires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Il ne l'a pas reçu sur la tête, mais dans la poche ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. En effet !
    « Non seulement on ne nous a pas supprimé les exonérations de cotisations patronales pour les salaires jusqu'à 1,3 fois le SMIC, a-t-il continué, mais on relève le seuil à 1,8 fois le SMIC ! »
    M. François Liberti. C'est exact !
    M. Maxime Gremetz. Cela mérite d'être rappelé ! Il était vraiment très étonné d'avoir encore plus qu'avant alors qu'il pensait que la gauche allait supprimer cette disposition ! (Rires.) C'est la réalité ! Comme quoi...
    M. Jean-Pierre Brard. ... la gauche n'est pas ingrate.
    M. Maxime Gremetz. Je dirais même qu'elle est très généreuse, et pas toujours comme il convient et là où il faudrait, ce qui nous conduit parfois à des situations quelque peu périlleuses et que l'on nous fait chèrement payer. (Sourires.)
    M. Dominique Tian. C'est la faute au PS !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Avant d'aborder l'examen de l'article 3, sur lequel de très nombreux orateurs sont inscrits, je vous propose une brève suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures.)
    M. le président. La séance est reprise.

Article 3

    M. le président. « Art. 3. - Les assurés doivent pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quelles que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils dépendent. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à Mme Elisabeth Guigou.
    Mme Elisabeth Guigou. Cet article pose le principe de l'égalité de traitement des assurés. En effet, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, il n'est pas de plus profonde inégalité que celle touchant à l'espérance de vie, qui rétroagit sur le temps de la retraite, notamment de celle due à la pénibilité des différents métiers. Nous vous avons dit hier, monsieur le ministre, combient était insuffisante la prise en compte de la pénibilité dans votre projet de loi. A nos yeux, il ne suffit pas de réserver une part des préretraites aux postes de travail pénibles, comme le fait votre texte. C'est certainement un premier pas, mais il faut aller plus loin. Il faut que la loi donne une impulsion suffisante à la négociation. Vous nous avez répondu que vous attendiez des propositions précises. Nous allons donc vous les communiquer. Elles sont d'ailleurs fondées sur un rapport très intéressant rédigé par M. Yves Struillou pour le COR. Si nous voulons que la pénibilité soit un élément central de la réforme - à nos yeux ce doit être le cas - il faut articuler la loi et la négociation.
    Puisque vous avez cité tout à l'heure l'article de d'Edmond Maire dans Le Monde, j'en profite pour dire que l'on peut comprendre que certains syndicats poussent à la négociation, M. Maire a d'ailleurs raison quand il dit que la négociation est nécessaire pour l'appropriation collective des réformes. Nous ne vous avons pas dit autre chose durant tout le débat. Mais il n'y a pas à choisir entre le « tout pour la loi » et le « tout pour la négociation ». D'ailleurs, monsieur le ministre, vous choisissez la loi lorsque cela vous arrange. Il faut articuler les deux.
    Que proposons-nous sur la pénibilité ? Les salariés du secteur privé qui ont été exposés à des conditions de travail pénibles doivent pouvoir partir à la retraite avant l'âge légal. La pénibilité doit être définie et par la loi et par la négociation. La négociation identifierait les travaux ou fonctions pénibles selon un cahier des charges défini par la loi, après avis d'une instance scientifique indépendante incluant des médecins du travail, mais pas seulement. Elle déterminerait l'aménagement des postes pénibles et la gestion des carrières des travailleurs exposés à ces conditions de travail pénibles, ainsi d'ailleurs que la gestion des carrières des travailleurs âgés. Les pouvoirs publics, après avis de la même instance scientifique indépendante, fixeraient les règles dans les secteurs qui ne seraient pas couverts par un accord professionnel et agréeraient les accords de branche ou d'entreprise. Ces mesures pourraient être financées par un système de bonus-malus qui modulerait les cotisations en fonction de la pénibilité. Il est logique que le financement soit prélevé sur le régime accidents du travail - maladies professionnelles dès lors que les travailleurs concernés ont subi des conditions de travail pénalisant leur espérance de vie.
    Pour la fonction publique, on pourrait imaginer une méthode équivalente. Les pouvoirs publics définiraient un cahier des charges après avis d'une instance indépendante. Des accords seraient ensuite négociés dans chaque ministère pour identifier les fonctions pénibles, définir la gestion des carrières, l'aménagement des conditions de travail et approfondir la question de la retraite progressive - Pascal Terrasse a raison d'insister sur ce point. Un tel système, articulant la loi et la négociation, permettrait certainement d'obtenir davantage de garanties sur les résultats, concernant la pénibilité comme le maintien au travail des travailleurs âgés. Monsieur le ministre, puisque vous avez réclamé hier que nous fassions des propositions précises, il nous serait agréable que vous répondiez à ces propositions précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. L'article 3 concerne l'égalité de traitement et traduit surtout la volonté du Gouvernement de supprimer les inégalités existant entre monopensionnés et pluripensionnées. Aujourd'hui, ces derniers sont pénalisés par l'application de la règle des derniers années. C'est une situation que je n'avais cessé de dénoncer comme rapporteur de l'assurance vieillesse sous la précédente législature. L'année dernière, l'UMP s'est engagée à supprimer cette inégalité dans le projet de loi sur la réforme des retraites. Cela concerne notamment les commerçants et les artisans qui ont souvent exercé auparavant une activité salariée. Pour eux, l'amélioration de la pension pourrait se traduire par une hausse de 10 % à 20 %. L'article 3 est donc l'une des avancées notables du projet de loi. Nous mettons dans le texte ce que nous avons promis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. En écoutant Denis Jacquat, je lisais cette pensée profonde de Pierre Dac : « Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant. » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Leonetti. Cela s'applique à l'ancienne majorité plurielle !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez déclaré au terme des interventions générales : « Comment la CGT pourrait-elle, avec l'histoire et la culture qui sont les siennes, soutenir une réforme des retraites ? Néanmoins, elle a participé à l'intégralité de la négociation et à la rédaction des principes généraux de la réforme qui font l'objet des articles 1er, 2 et 3. » Si le débat n'était sérieux, on pourrait penser que vous plaisantez. Cet article 3, comme les deux précédents, devait permettre à votre projet de rappeler des principes fondateurs : solidarité, contribution, équité. En vous y référant d'entrée, vous cherchez à faire croire que les contradicteurs à votre projet lui font un procès d'intention. Or, le choix de la répartition est, dans les faits, contredit par la baisse des pensions que programme cette réforme et celle de M. Balladur de 1993, baisse conjuguée avec l'ouverture des fonds de pension sous le label épargne-retraite. On ne peut pas distinguer, monsieur le ministre, ce que votre prédécesseur fit et l'éclairage que donne Jean-Pierre Thomas de ce que vous faites.
    L'invocation de l'équité vise à couvrir du sceau de la justice sociale les dispositions qui suivent, relatives notamment à la fonction publique, et qui alignent les pensions de ce secteur sur la situation en pleine dégradation du privé. Qu'elles que soient les dénégations actuelles, elles justifient par avance une mise en cause des régimes. Le Gouvernement place son projet de réforme sous le label de l'équité. Rien n'est plus faux. Nous sommes en réalité dans une course au toujours moins pour les salariés. L'égalité entre public et privé est en fait un alignement sur une situation dégradée pour les salariés du secteur privé non seulement en termes de durée de cotisation, mais aussi en ce qui concerne le niveau des retraites. Cette situation est le résultat de votre idéologie et de vos réformes, notamment de celle de M. Balladur. Je sais, monsieur le ministre, que vous n'aimez pas les termes d'« idéologie » et d'« idéologue », pourtant ils n'ont rien de péjoratif pour des gens comme vous qui ont des idées, même si elles sont mauvaises !
    Selon le COR, pour les ouvriers et les employés, la retraite moyenne est de 1 260 euros dans le secteur privé et de 1 210 euros dans le secteur public. Tout le monde fait référence aux travaux du COR, mais chacun y picore ce qui l'intéresse. (Sourires.) Or, il faut tout prendre. Nous sommes aujourd'hui à quasi-égalité.
    M. Germinal Peiro. Ras-le-COR !
    M. Jean-Pierre Brard. Sous l'effet des réformes Balladur et Fillon, les salariés du public comme du privé vont perdre encore entre 250 et 300 euros d'ici à 2020. C'est donc l'égalité dans la régression ! La division public-privé, montée en épingle par le MEDEF pour dénoncer les privilèges dont bénéficieraient les fonctionnaires et les agents publics, est non seulement scandaleuse, mais également abusive. Reconnaissons-le, il existe des inégalités en matière de retraites entre salariés du privé et agents publics. Elles étaient d'ailleurs beaucoup plus importantes à l'origine, c'est-à-dire au lendemain de la Libération, qu'elles ne le sont aujourd'hui. Mais, depuis, elles n'ont cessé de se réduire, année après année. Le niveau de garantie offert par les régimes spéciaux était un horizon auquel tout le monde pouvait un jour prétendre. Le contexte change désormais. La réforme de 1993 du régime de base et les accords de 1996 en matière de retraites complémentaires AGIRC et ARRCO ont cassé ce processus de rattrapage. Le patronat, comme le Gouvernement, est très communicatif sur toutes les autres différences, mais il se tait sur les conséquences, pour les salariés du privé, des décisions prises à cette époque.
    Le MEDEF a lui aussi tout intérêt à masquer la réalité et à concentrer le feu de ses critiques sur d'autres aspects plus discutables, voire franchement erronés. Ainsi, les chiffres donnés par le MEDEF et sur lesquels s'appuie le Gouvernement sont faux. Le taux de remplacement, c'est-à-dire le niveau de la retraite par rapport à la rénumération d'activité, assuré aux agents de la fonction publique et aux salariés du privé est en fait quasiment égal pour des salaires moyens. Il était de 76 % dans les deux cas pour un salaire mensuel de 2 000 euros.
    M. le président. Monsieur Brard, veuillez terminer !
    M. Jean-Pierre Brard. Je conclus, monsieur le président, même si vous êtes sûrement sensible à l'intérêt de mon propos. (Sourires.)
    M. le président. N'en doutez pas, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Le MEDEF prétend que la retraite moyenne du public serait supérieure de 65 % à celle du privé. C'est un mensonge. Certes, l'écart est réel mais beaucoup plus modeste : 38 % avec les agents de la fonction publique de l'Etat. Encore s'explique-t-il en totalité par la différence de structure de qualification du salariat du privé et du public : la moitié des agents publics de l'Etat est cadre, contre 20 % dans le secteur privé. Une fois corrigé l'effet de structure, il n'y a plus d'avantage relatif pour les fonctionnaires. De plus, on parle des salaires moyens du privé dans lesquels, donc, ne figurent pas les salaires et avantages divers de M. Seillière et consorts, qui changeraient pourtant certainement la perception que l'on a des salaires des fonctionnaires.
    M. le président. La parole est à M. Dominique Strauss-Kahn.
    M. Dominique Strauss-Kahn. J'ai choisi d'intervenir sur cet article, car c'est celui qui traite de l'équité. Votre projet de loi, monsieur le ministre, repose principalement sur l'allongement de la durée de cotisation et je crains qu'il ne soit à l'origine de très grandes injustices. Je n'insiste pas sur ce que chacun a déjà compris, à savoir qu'il y a de grands risques pour que ce projet de loi ne résolve pas grand-chose. En effet, à lui seul, l'allongement de la durée de cotisation ne suffit pas à créer des postes de travail pour la population active, or c'est de cela que l'on a besoin. L'exemple de la fonction publique est d'ailleurs très frappant de ce point de vue. Le Gouvernement n'a pas l'intention d'augmenter le nombre de fonctionnaires, et je ne le lui reproche pas. Il a même l'intention de le diminuer, ce que je lui reprocherais plutôt, mais c'est un autre débat. Cela dit, dès lors que l'on n'augmente pas le nombre de fonctionnaires, le fait d'allonger la durée de cotisation fait que l'on va transformer de jeunes retraités potentiels en fonctionnaires restant en poste, au détriment de jeunes chômeurs que l'on aurait embauchés à leur place. Vous répondrez sans doute que l'on y gagne quand même dans la mesure où l'on diminue la durée de retraite de ceux qui partiront à la retraite plus tard. Certes, on y gagne d'un côté, mais pas de l'autre. Avec des jeunes chômeurs au lieu de retraités, les comptes publics ne seront pas améliorés.
    Peut-être direz-vous que les pensions que l'on aurait payées à ceux qui partent à la retraite sont supérieures à ce que l'on va verser comme allocations de chômage aux jeunes. C'est exact, mais les traitements que vous allez payer aux fonctionnaires âgés sont supérieurs à ceux que vous auriez donnés aux fonctionnaires qui seraient entrés dans la fonction publique, et tout cela s'équilibre. Au total, les comptes publics ne seront pas améliorés par l'allongement de la durée de cotisation des fonctionnaires, et cet exemple vaut pour le reste. Il peut y avoir, dans le secteur privé, une augmentation des actifs ayant un emploi. Mais il faut une politique active de l'emploi, et c'est ce qui manque. Il n'est pas de projet qui sauve les retraites, comme vous aimez à le répéter, monsieur le ministre, s'il n'est pas associé à une politique active de l'emploi. Ce n'est que si l'on développe l'emploi que les mesures que vous préconisez, qu'on les approuve ou non, ont un sens. Or, je ne vois pas, dans toute la politique du Gouvernement, de politique de l'emploi active. Je vois au contraire un démantèlement méthodique de tout ce qui a été fait préalablement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour le mouvement populaire.) S'il n'y a pas de politique active de l'emploi, alors nous aurons été aussi peu efficaces que Gribouille.
    Par ailleurs, ce que vous avez annoncé sur le financement ne tient pas, car vous financez votre plan sur la baisse du chômage et l'augmentation du volume de cotisations qui doit en résulter. Mais la dernière législature qui, vous en conviendrez, n'a pas été si mauvaise en termes d'emploi (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), a démontré que les mesures sur l'emploi s'autofinancent, c'est-à-dire qu'il faut dépenser de l'argent pour enrichir le contenu de la croissance en emplois, ce qui permet de créer des emplois. C'est formidable pour la politique de l'emploi ! Il suffit de mener une politique, de dépenser de l'argent pour cela, et on en trouve les ressources dans l'emploi qui a été créé. Mais si les ressources ainsi créées servent à la politique de l'emploi, en revanche, elles ne servent pas aux retraites. Donc, quand bien même l'objectif que vous affichez - et qu'il faut afficher - de baisse du chômage se réaliserait, l'effort à consentir pour l'atteindre absorberait les ressources que vous prétendez affecter aux retraites.
    Je voudrais, enfin, évoquer la notion de pénibilité, car c'est là que sont les injustices. Votre projet est beaucoup trop uniforme. Vous faites, me semble-t-il, la même erreur qu'un gourvernement précédent, auquel j'ai appartenu, a fait sur un autre sujet, proche du droit du travail,...
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les 35 heures !
    M. Dominique Strauss-Kahn. ... l'erreur de croire que l'on peut faire une loi uniforme pour tout le monde. En réalité, la persistance des conditions de travail pénibles, l'accès plus tardif des jeunes au premier emploi, la fin des carrières linéaires, tout cela fait que le système des retraites, doit être plus adapté à la réalité. Et la réalité, c'est justement les différences de pénibilité. C'est un sujet sur lequel peu a été fait dans le passé. Aujourd'hui, 1,5 % seulement des deux millions de salariés qui ont plus de cinquante-cinq ans bénéficient de modalités particulières leur permettant de partir en retraite plus tôt en raison de la pénibilité du travail. Dans la fonction publique, c'est différent. Il y a des modalités de cessation antérieures, mais elles ne sont pas liées à la pénibilité ; elles sont liées à l'appartenance à tel ou tel corps de fonctionnaires. Votre projet de loi aborde, il est vrai, le thème de la pénibilité, mais s'il ne prévoit pas les instruments qui permettront d'avancer, il ne permettra aucun progrès. Un récent sondage de l'IFOP, réalisé à la demande de votre ministère, indiquait que 94 % des Français étaient favorables à ce que l'on prenne en compte cette pénibilité. Il faut le faire, car elle n'a pas disparu avec la fin du taylorisme. Le stress, le travail intensif, cela existe encore, et cela touche des groupes très particuliers de salariés, parfois d'artisans, que vous connaissez comme moi. Or, il est aujourd'hui établi que les facteurs professionnels sont à l'origine d'écarts très sensibles en termes d'espérance de vie, selon les groupes sociaux. C'est la plus grande injustice qui soit, et qu'il vous faudrait corriger. Vous ne pouvez pas le faire seuls, cela doit résulter d'une négociation. Mais pour qu'il y ait négociation, il faut une incitation dans la loi.
    Je vous proposerai donc de définir dans la loi la démarche, le critère utilisé, les types de pénibilité et de renvoyer à la négociation pour modifier et améliorer ces processus. Si vous ne le faites, il ne se passera malheureusement rien.
    M. le président. Monsieur Strauss-Kahn, veuillez conclure !
    M. Dominique Strauss-Kahn. Les pouvoirs publics doivent fixer un cadre à la négociation à travers un cahier des charges en disant exactement où les partenaires doivent aller. Il faut qu'ils définissent des accords collectifs chez les syndicats, mais en deux parties - l'accord sur la définition de la pénibilité et les mesures pour réduire celle-ci -, car cela n'aurait aucun sens de mettre en place un système tenant compte de la pénibilité sans chercher à la réduire. Pourraient être aussi évoqués des détails comme le système de bonus-malus. Mais il est un point important, monsieur le ministre : lorsque l'effort qui est demandé à la nation est particulier - et de ce point de vue le Gouvernement prend ses responsabilités - il faut qu'il soit plus juste. Le plus dur n'est acceptable que s'il est plus juste. Or, en faisant quelque chose d'uniforme, en ne vous donnant pas véritablement les moyens de tenir compte des différences d'espérance de vie, donc de la pénibilité du travail, vous ne faites pas quelque chose de plus juste. Malheureusement, je ne crois pas que votre réforme sera efficace, et j'ai dit pourquoi. Faites au moins en sorte qu'elle soit plus équitable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre, vous introduisez dans cet article un mot très fort : l'« équité ». Mais celui-ci n'a de sens qu'appuyé sur une vision de partage et de solidarité. C'est toute la complexité de ce débat. Je suis tout à fait d'accord avec Edmond Maire : cela relève de la loi et du contrat même si, bien entendu, l'Etat républicain en est le garant. A ce propos, j'ai organisé un colloque sur la démocratie sociale - je tiens les actes à votre disposition.
    Pour ce faire et pour être compris, il faut répondre à cinq questions.
    Première question : quelle sera la politique de l'emploi ?
    J'avais récusé la politique mécaniste de M. Accoyer, en affirmant qu'il n'y avait pas de corollaire exact entre l'offre et la demande en la matière ; ce que viennent de déclarer les DRH justifie totalement cette appréciation. Vous avez détruit des outils que nous avions créés, et c'est votre droit ; vous en avez créé d'autres - contrats jeunes - ou relancé d'autres - les CIE ; et c'est votre droit. Mais notre responsabilité est de vous demander de faire le point sur ce que nous réclamons, à savoir un grand pacte social pour l'emploi.
    Deuxième question : comment évoluera la durée d'activité ? Il faut l'envisager « par les deux bouts », en prenant en considération les jeunes et les moins jeunes. Le COR le signale très bien dans son rapport, « l'âge est devenu d'abord un critère majeur de rupture de la relation d'emploi et un critère négatif de recrutement ». Cela relève de la négociation. Cela relève donc de ce partage entre la loi et le contrat ; et c'est un préalable.
    Troisième question : comment vont évoluer les retraites complémentaires ? L'excellent rapporteur pour avis de la commission des finances montre très clairement que celles-ci baisseront au fil des années 2020-2040. Or elles vont entrer en négociation. Ni vous, ni moi ne pouvons dire quelle sera cette évolution. Mais on a le droit, en la matière, d'exprimer quelques inquiétudes.
    Quatrièmement question, qui vient d'être évoquée longuement par Elisabeth Guigou et par mon ami Dominique Strauss-Kahn : la pénibilité. On est en train de modifier complètement les rapports au travail. Cette question se pose bien évidemment à l'usine, mais elle se posera aussi, de plus en plus largement, dans les services.
    Cinquième question, dont on a pour ainsi dire pas parlé et qui figure dans les indications du COR : la maîtrise des flux migratoires. Les chiffres sont là. Cette question relève d'une politique de pouvoirs publics. Le COR indique qu'on pourrait par ce biais ramener le ratio de dépendance démographique de 0,73 à 0,71. C'est important si on veut éviter que ne se reproduise la situation des années 70, qui fut catastrophique pour les pays en voie de développement comme pour les femmes et les hommes qui sont venus en France - situation que les deuxième et troisième générations continuent à vivre douloureusement.
    Ces cinq questions, monsieur le ministre, sont des préalables indispensables à tout effort demandé aux salariés. C'est à partir de la réponde qui leur sera donnée que pourra se construire une capacité d'acceptation et que le mot « équité » prendra toute sa signification. C'est d'ailleurs, pour cela, que nous demandons la réouverture des négociations.
    Nous avons bien vu, monsieur le ministre, que vous ne prévoyez de prolonger la durée des cotisations qu'à partir de 2008. Mais il est hors de question qu'une loi envisageant une telle prolongation soit votée tant que la capacité de compréhension et d'acceptation de l'avenir ne sera pas totalement éclairée. Elle ne pourra l'être que si des réponses précises sont apportées à ces cinq questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion d'aborder la question de la loi et du contrat, et celle de la nécessité de rénover notre démocratie sociale.
    Je me souviens des débats que nous avions eus au moment de la modification de la loi sur les 35 heures, modification que vous nous avez imposée. A l'époque, vous vous étiez engagé à prendre des initiatives en la matière. Or qu'il s'agisse de la réforme des retraites ou de la sécurité sociale, vous n'en n'avez pris aucune. Vous voulez traduire ce contrat dans la loi. Seulement, il n'y a pas dans ce pays de véritable démocratie sociale.
    Nous souhaitons laisser une place à la négociation. De fait, les questions qui ont été abordées ne peuvent pas être facilement traduites dans la loi, ne serait-ce que parce que les situations sont différentes d'une branche à l'autre. Il en est de même de la pénibilité ou de la question du maintien des salariés âgés dans l'entreprise.
    Mais ce qui fait défaut aujourd'hui dans notre paysage juridique c'est de savoir à quel moment intervient le contrat. Quelles sont les conditions de réalisation d'un accord ? Quelle est la capacité de représentation des organisations syndicales ? Si l'on veut une véritable démocratie sociale, il faut que le critère de représentativité des organisations syndicales réponde au choix des salariés.
    Nous souhaitons un véritable scrutin de représentativité. Ainsi, lorsque les partenaires sociaux engageront les négociations, on saura exactement qui représente qui et l'on ne s'en tiendra plus, ce qui franchement n'est pas un honneur pour notre démocratie, à cette sorte de représentativité décidée une fois pour toutes en 1966 à par un décret de représentativité.
    Il y a là un préalable absolument indispensable si l'on veut rendre crédible l'idée selon laquelle nous ne déciderions pas tout au Parlement et qu'un espace de négociation existe.
    Monsieur le ministre, en ne mettant pas en oeuvre préalablement cette réforme sur laquelle vous vous étiez engagé, vous avez, d'une certaine façon, renoncé à mettre en place cette démocratie sociale et cette citoyenneté sociale que nous appelons de nos voeux.
    Avec de telles initiatives on donnerait à notre démocratie un espace de respiration. C'est en tous les cas une demande très forte de la part des socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kinstler.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Permettez-moi, monsieur le président, une remarque préalable : c'est sûrement la première fois depuis très longtemps que la presse s'invite autant aux débats de l'Assemblée nationale. Il ne se passe pas une demi-heure sans que l'un d'entre nous lise un article, citant celui-ci ou celui-là. Ne serait-ce pas le signe d'une forme nouvelle de débat à l'Assemblée nationale ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je le dis sans aucune polémique. Arrêtez de penser que tout ce que l'on peut dire est polémique !
    M. François Liberti. Ils sont nerveux !
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur le débat que vous avez lancé, reprenant les propos d'Edmond Maire, rapportés dans un quotidien du soir, sur la question essentielle à laquelle tous les responsables politiques sont sensibilisés : celle du lien entre la loi et le contrat.
    Mme Guigou disait que l'enjeu, c'est la bonne articulation entre les deux. Pour qu'il y ait bonne articulation, deux conditions sont indispensables. La première est l'autonomie syndicale. Depuis une dizaine d'années, celle-ci a permis, et permettra dans les années à venir, au dialogue social d'être fort. C'est un véritable changement. La seconde condition, ce sont les accords majoritaires de branche.
    On a tendance à l'oublier, mais c'est bien sur ces deux pieds que pourra avancer la question de l'articulation entre la loi et le contrat. La CFDT a été sûrement un des syndicats qui a le plus promu cette logique, mais je crois que d'autres syndicats sont prêts à le faire. Dans ce débat des retraites, dans le débat qui se déroulera prochainement sur l'assurance maladie, il nous faudra être très vigilants. Une des conditions de la cohésion de notre société et de l'avancement des réformes, c'est de prendre en compte la capacité des organisations syndicales à avancer et de les accompagner dans cette avancée. L'importance de l'accord majoritaire est essentiel. C'est peut-être cela qui a manqué en l'occurence.
    Je voudrais revenir, en deuxième lieu, sur la pénibilité. Il ressort de votre projet de loi que c'est, pour vous, un des éléments essentiels de l'accord du pacte social sur cette nouvelle réforme - comme je vous l'ai dit peut-être un peu vivement lors du débat général. J'en veux pour preuve : en premier lieu, ce qui a été proposé, suite à l'accord pour les services actifs de la fonction publique hospitalière accordant une bonification à l'ensemble des infirmières et des aides-soignantes ; en deuxième lieu, la seconde carrière pour les enseignants qui reconnait, d'une certaine façon, la pénibilité de leur travail. Pendant longtemps, les enseignants faisaient partie des catégories de salaires ayant une espérance de vie tout à fait correcte. Or actuellement, leur espérance de vie est stable. Cela doit nous amener à nous interroger. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il ne faut pas rire ! J'ai pris cet exemple pour montrer que la pénibilité évolue avec le temps. Nous en sommes d'ailleurs tous d'accord. Si vous avez reconnu la pénibilité de leur travail en offrant aux enseignants une seconde carrière, c'est que cela vous semblait important ; c'est également le résultat de la négociation.
    En troisième lieu, la reconnaissance de la négociation pour le secteur privé. Un amendement a été déposé par la majorité faisant en sorte d'instituer un délai pour la négociation. Elisabeth Guigou a fait tout à l'heure des propositions très précises. Le rapport de M. Struillou au COR, précise un point très important. On sait que la négociation est fondamentale dans le secteur public, mais davantage encore dans le secteur privé. Combien peut-on compter de métiers où il faut absolument tenir compte de la pénibilité tout au long de la carrière et au moment du départ en retraite ? M. Struillou précise qu'une des conditions pour que les négociations de branche avancent est que soient inscrites dans la loi des dispositions très précises. Monsieur le ministre, j'ai fait hier des propositions en ce sens ; elles ont été repoussées, comme elles l'ont été par la commission, le rapporteur expliquant qu'aucun pays européen n'en avait introduit de telles. Or vous-même l'avez fait, pour des secteur très ciblés.
    M. le président. Il faut conclure, s'il vous plait.
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. J'ai fini, monsieur le président.
    M. le président. Pas tout à fait, apparemment. (Sourires.)
    Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Il est à mon avis très important que la pénibilité ait été en partie reconnue dans les trois premiers articles de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Chacun en couviendra dans cet hémicycle, pour avoir un débat, il faut s'écouter. Cela m'amène à faire une remarque préalable. J'ai été attentif à la question posée par notre président Alain Bocquet, mais surtout, monsieur le ministre, à la réponse que vous lui avez apportée. Car vous avez répondu à côté. Vous avez justifié la lettre du Premier ministre, comme si Alain Bocquet la mettait en cause. Or notre président n'a pas contesté cette lettre, il a seulement demandé que le Premier ministre aille au bout de sa démarche et sollicite l'avis du peuple par référendum ; et sur ce point, vous n'avez pas répondu. Oui, monsieur le ministre, débattons ! Nous y sommes prêts. Et les syndicats majoritaires aussi.
    A l'article 3, vous parlez beaucoup d'équité, je serais tenté de dire que vous n'en avez jamais autant parlé. On comprend pourquoi. Vous voulez aligner le système de retraite vers le bas. L'équité devient alors une valeur cardinale. L'équité ne peut-elle donc exister que dans ce qui se dégrade ?
    Un traitement équitable, c'est d'abord un traitement décent, qui empêche que des salariés de plus de 60 ans - peut-être demain de plus de 65 ans, comme en Grande-Bretagne ou peut-être demain plus de 70 ans comme aux Etats-Unis - ne soient obligés de travailler parce que leur traitement sera trop faible, fournissant au patronat une main d'oeuvre expérimentée et à bas prix. A votre avis, que choisira un patron ? Un retraité embauché en emploi-vieux, payé au rabais ou un jeune en CDI ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Le choix est clair !
    M. Jean-Claude Sandrier. En procédant ainsi, vous plombez non seulement l'emploi, mais aussi les cotisations sociales et le renouvellement, indispensable et bénéfique, des générations dans l'entreprise.
    Vous réclamez cette équité, quels que soient les régimes. Vous visez l'égalité par le bas, vous préparez pour demain la remise en cause des régimes spéciaux qui devraient pourtant, dans un pays comme le nôtre, servir de référence à un système de retraite équitable. Mais équitable sur une base de progrès !
    L'équité est pour vous le cache-sexe du recul social ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Marc Lefranc. Belle expression !
    M. Jean-Claude Sandrier. L'égalité ne prend sa valeur que lorsqu'elle s'exprime dans le cadre d'un progrès. Or, pour qu'il y ait progrès, il faudrait que nos concitoyens puissent prendre leur retraite à 60 ans, non seulement avec un taux de remplacement suffisamment élevé, mais avec une indexation qui permette de développer leur pouvoir d'achat en fonction de la création de richesses.
    Monsieur le ministre, vous avez dit - et cela se discute que vous ne voulez par financer par l'impôt. Soit. Pour notre part, nous proposons d'instituer davantage de cotisations pour davantage d'emplois.
    M. François Liberti. Eh oui !
    M. Jean-Claude Sandrier. Il a été calculé que 300 000 emplois créés par an sur dix ans - et ce n'est quand même pas une performance exceptionnelle - rapportent 60 milliards d'euros de cotisations, c'est-à-dire les deux tiers du financement total.
    Ce que vous appelez « financement par l'impôt » nous amène à nous poser la question de l'équité.
    En vingt ans, les cotisations patronales ont baissé de 2 points, tandis que celles des salariés ont augmenté de 11 à 18 points ; il y a eu 25 milliards d'euros par an d'allégements de « charges » des budgets sociaux !
    L'équité, ce serait que les placements financiers soient taxés. Or ils sont les seuls à ne pas l'être.
    L'équité, c'est une répartition différente de la richesse créée supplémentaire entre le capital et les salaires, répartition qui s'est dégradée depuis vingt ans au détriment des salaires : une dégradation de 10 points, coûtant 150 milliards d'euros par an, qui ne peuvent servir au financement des retraites. Ce n'est pas rien !
    M. Bernard Roman. C'est colossal !
    M. Jean-Claude Sandrier. Au-delà de l'emploi, il est juste d'évoquer la dégradation de la répartition des richesses et d'y mettre un peu plus de justice. Or un peu plus de justice sociale s'est toujours traduit par une meilleure efficacité économique.
    M. le président. Monsieur Sandrier...
    M. Jean-Claude Sandrier. C'est ma dernière phrase, monsieur le président.
    M. le président. C'est formidable ! (Sourires.)
    M. Jean-Claude Sandrier. Cet article 3 n'est pas l'affirmation d'une valeur, c'est la porte ouverte à un nouveau recul social. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme Ségolène Royal.
    Mme Ségolène Royal. Monsieur le ministre, vous ne vous étonnerez pas si, l'occasion de cet article, j'évoque à nouveau la situation des femmes, notamment de celles qui ont élevé des enfants. Ce n'est pas un sujet périphérique. On le sait bien, la question de l'avenir des retraites, c'est d'abord un problème démographique, c'est la question du renouvellement des générations, c'est la question de l'allongement de la vie d'un côté, et de l'insuffisance du nombre de naissances, de l'autre.
    Vous en conviendrez, monsieur le ministre, frapper aussi durement les femmes, notamment celles qui se sont arrêtées pour élever les enfants, c'est non seulement une faute morale, une erreur sociale, mais aussi un non-sens économique ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Vous avez dit tout à l'heure que vous répondriez à cette question à l'occasion de l'examen de l'article 27. Soit. En tout état de cause, lorsque hier, j'ai lu un certain nombre de courriers de femmes en colère, vous avez répondu, non sans condescendance : « Mais il s'agit de femmes fonctionnaires ! »
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas de la condescendance, c'est une constatation !
    Mme Ségolène Royal. Si le recul des droits des femmes qui ont eu des enfants est plus visible dans le texte pour les femmes fonctionnaires, il va en fait pénaliser aussi toutes les femmes du régime général qui vont souffrir de l'effet combiné de l'allongement des durées de cotisations et de la décote. Certes, celle-ci diminue mais elle sera plus souvent appliquée puisque les femmes ont déjà du mal aujourd'hui à avoir trente-sept ans et demi d'annuités.
    M. Bernard Roman. C'est sûr !
    Mme Ségolène Royal. Ce sont les femmes qui ont déjà des durées de cotisations incomplètes, et notamment celles qui se sont arrêtées de travailler à temps partiel ou à temps complet pour élever leurs enfants, qui verront leur niveau de retraite baisser.
    Les femmes fonctionnaires, quant à elles, sont très durement touchées puisque vous supprimez l'année de bonification pour les enfants nés après le 1er janvier 2004. Vous leur imposez une décote de 5 %. Donc, là aussi, les durées de carrière incomplètes seront plus durement frappées. Enfin, on ne comprend pas très bien, dans la logique de l'alignement du public sur le privé, pourquoi vous supprimez l'année de bonification qui existe dans la fonction publique alors que deux années de bonification par enfant sont prévues dans le régime général. Il y a là une incohérence dans le raisonnement. Le conseil d'orientation des retraites avait bien vu ce problème,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il a trouvé la réforme excellente !
    Mme Ségolène Royal. ... peut-être d'ailleurs parce qu'il est présidé par une femme et qu'il y a eu assez peu de femmes autour de la table des négociations dans votre bureau, monsieur le ministre (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le COR vous avait très clairement recommandé, avant de lancer toute réforme, de faire un calcul très précis des conséquences du cumul de l'ensemble de ces modifications sur le niveau de retraite des femmes. Il vous avait alerté sur les risques en termes d'écart entre les retraites des femmes et celles des hommes, l'écart moyen s'élevant d'ores et déjà à 49 %. Après la réforme, il se creusera encore et c'est grave.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quel méli-mélo !
    Mme Ségolène Royal. Plus grave encore, vous allez frapper directement le potentiel de natalité dans notre pays. C'est la naissance du deuxième ou du troisième enfant qui va être remise en cause. En effet, lorsque les femmes devront choisir entre le travail et l'arrêt pour élever leurs enfants, on sait bien dans quel sens se fera l'arbitrage. Et si les naissances sont reportées, au bout du compte la descendance finale sera plus petite, comme disent les démographes. Par conséquent, vous remettez vous-même directement en cause cet équilibre démographique qui, en France, nous est favorable. Et tel n'est pas le cas dans d'autres pays européens. Au fond, vous faites des économies en frappant les femmes, et notamment celles qui ont élevé des enfants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais si !
    Nous aimerions savoir à combien s'élèvent ces économies. Vous payez là votre refus d'ouvrir le débat global sur l'élargissement de l'assiette des cotisations. Et vous êtes obligés de trouver des économies ailleurs. Ouvrez donc le débat sur l'élargissement de l'assiette des cotisations, monsieur le ministre !
    M. Jacques Le Guen. Quelle mauvaise foi !
    Mme Ségolène Royal. Je termine mon propos en reprenant un élément de l'excellent dossier publié par La Tribune, aujourd'hui. A cet égard, l'allongement de nos débats a au moins le mérite de faire fleurir ici ou là les réflexions de fond, venues de tous horizons politiques. Les éminents spécialistes de ce journal économique vous disent à leur tour, monsieur le ministre, qu'une autre réforme aurait été possible en élargissant l'assiette du financement des retraites, c'est-à-dire en prenant en compte l'ensemble de la richesse produite par l'entreprise.
    A ce propos, nous connaissons tous cette grande marque de distribution de livres et de disques qui fait maintenant plus de 30 % de son chiffre d'affaires par les ventes en ligne. Est-il normal qu'une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires sans magasins ni salariés ne paie ni cotisations vieillesse ni taxe professionnelle ?
    Cet exemple très simple vous montre, monsieur le ministre, qu'il faut élargir le débat en prenant en compte l'ensemble de la richesse produite par un pays pour arriver à une réforme juste et qui donc serait mieux acceptée par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Que ne l'avez-vous pas fait avant !
    M. le président. La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Monsieur le ministre, répondre aux défis démocratiques ainsi qu'à l'évolution de la population dans notre pays et à son impact sur notre système de retraite par répartition est bien entendu indispensable. D'ici à 2040, le nombre de retraités aura doublé. Il est nécessaire d'apporter des solutions nouvelles non pour imposer le recul social que vous présentez comme la moins grave des solutions mais pour faire, au contraire, de la réforme des retraites le moment fort d'une grande avancée sociale comme nous le proposons avec notre projet alternatif. C'est d'abord cela qui nous différencie. L'espérance de vie a progressé, la durée de vie peut encore augmenter, c'est effectivement une conséquence prévisible du progrès de la médecine mais pas seulement. Cet allongement de la durée de vie dépend aussi de beaucoup de facteurs sociaux : environnement, conditions de vie, conditions de travail, etc. Dire cela, c'est mettre en évidence que des reculs sont possibles. L'exemple des pays de l'Est aujourd'hui et, pire encore, celui de l'Afrique montre que rien n'est irréversible. Le creusement des inégalités, la destructuration du travail, l'allongement de la durée du travail et les ravages du chômage peuvent également peser dans un pays comme le nôtre.
    A l'autre bout de la vie, le nombre à venir de naissances est un facteur qui, lui aussi, dépend de facteurs sociaux nombreux et complexes. En Europe, seules l'Irlande et sans doute la France sont capable d'assurer le renouvellement naturel des générales. La situation est beaucoup plus préoccupante dans les autres pays.
    Nous refusons tout fatalisme en la matière. Nous ne pouvons ignorer l'impact d'une politique réellement volontariste en matière d'aide aux familes. Il existe aussi un lien complexe mais réel entre l'évolution de la natalité et les crises économiques de la société. En clair, rien ne permet d'affirmer que le taux de natalité et donc le nombre des futurs actifs à moyen terme est connu d'avance. Dans ce domaine aussi, les choix politiques sont essentiels. Le moins disant social sur les retraites, l'empoi et l'éducation n'est pas la bonne réponse.
    Par ailleurs, quel est le rapport entre la croissance économique et l'évolution du nombre de retraités ? De 1959 à 1990, la part des prestations vieillesse dans le PIB est passée de 5,9 à 12 %, soit un accroissement de près de sept points sans que le principe de la retraite par répartition ait été remis en cause pour autant.
    Le conseil d'orientation des retraites, quant à lui, indique que, pour 2040, le produit intérieur brut sera multiplié par deux, soit 3000 milliards d'euros. La part pour les retraités sera de 540 milliards, soit 18 %, laissant pour les actifs et les investissements, 82 % des ressources.
    Cela démontre que les moyens de financement du système par répartition sont largement possibles. Ils dépendent non pas de la hausse du nombre de retraités mais de la faculté des actifs à contribuer au financement des pensions de retraite. Le problème n'est donc pas insurmontable.
    Si l'on ajoute que, depuis ving ans, les taux de cotisations patronales ont baissé, c'est donc bien les cotisations salariales et surtout la CSG qui ont augmenté. On voit bien dans quel sens il faut corriger. Ce n'est pas la voie que vous avez choisie avec le nouveau train d'exonérations et les cadeaux fiscaux que vous avez décidé d'accorder aux entreprises.
    Au-delà de ce choix d'une autre répartition des richesses, facteur de plus de justice et d'efficacité, nous pensons que notre pays ne pourra assumer une véritable réforme de son système de retraite qu'en s'appuyant sur une vraie politique de l'emploi et des salaires, sur une politique nationale de sécurisation des parcours professionnels et sociaux. Le chiffre est d'ailleurs éloquent : 1 million de chômeurs en moins, c'est un point de richesse supplémentaire en moins à consacrer aux pensions en 2040.
    Dans cette perspective, nous proposons une refonte globale du financement de notre système de retraite par répartition et plus généralement d'ailleurs de tout ce qui touche à la protection sociale afin de remettre en cause la fuite en avant dans les exonérations de cotisations sociales patronales au moyen d'une incitation sélective à la mobilisation du crédit pour sécuriser l'emploi et la formation avec les investissements nécessaires.
    M. le président. Monsieur Liberti, il faut conlure.
    M. François Liberti. Je termine, monsieur le président.
    De même, notre proposition tendant à créer une sécurité d'emploi et de formation permettrait de répondre à cette question centrale du dossier des retraites. En rupture avec la logique du système que vous défendez, bec et ongles, elle constitue l'issue concrète aux problèmes de la crise actuelle en faisant le lien entre des problèmes comme l'emploi, l'essor de la production rendu possible par la révolution informationnelle, l'exigence de droits nouveaux pour les salariés. Il faut non pas seulement mieux partager, mais aussi augmenter le gâteau à partager en changeant le contenu de la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
    M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, disons-le sans détour, vous ne pourrez pas tenir l'engagement apparemmment généreux que prévoit l'article 3 de votre projet de loi. En préambule, j'ai pointé une première inégalité, hélas, l'allongement de la durée de vie n'a nullement empêché les patrons de « virer », hélas ceux qu'ils considèrent malgré tout comme des salariés insuffisamment productifs. L'allongement de la durée de cotisations n'améliorera donc pas substantiellement le taux d'activité des salariés de plus de cinquante-cinq ans. La seule différence, c'est qu'ils partiront avec une retraite amputée. Après avoir été remerciés souvent avec brutalité, ces retraités d'office devront vivre avec des revenus amoindris. Où est le traitement équitable ? Par ailleurs, votre projet est économiquement absurde car votre dogme libéral vous amène à faire supporter la charge aux seuls salariés et retraités.
    Vous refusez d'ouvrir le débat sur les diversifications du financement, la modification de l'assiette des cotisations, qui est la seule solution pour assurer le bénéfice d'un traitement équitable aux assurés. La retraite, qui, au coeur de notre pacte républicain est une cause nationale. C'est bien à notre société dans son ensemble qu'il appartient de trouver un solution équitable pour son financement. La question est donc non pas celle de l'allongement de la durée de vie, mais celle du financement de notre régime. A cet égard, pourquoi n'avez-vous pas proposé de modifier l'assiette de cotisation, qui reste aujourd'hui assise sur la seule masse salariale ? Je crains d'avoir la réponse : vous avez un parti idéologique, celui du MEDEF.
    La réforme est indispensable non pas à cause de l'allongement de la durée de vie, dont nous nous félicitons, je le répète, mais en raison des évolutions économiques structurelles des trente dernières années. Alors qu'il y a vingt ans, la part des salaires dans la valeur ajoutée était de 73 %, elle n'est aujourd'hui que de 62 %. Dans le même temps, les gains de productivité, dont on ne parle jamais, ont quasiment permis de doubler le PIB.
    Pour résumer, en vingt-cinq ou trente ans, la nation est deux fois plus riche et la rémunération du facteur travail ne cesse de décroître. Or, la totalité de nos régimes de solidarité - maladie, vieillesse, famille... - repose sur la seule masse salariale : iniquité encore, inefficacité encore !
    Il est économiquement absurde de prétendre réformer le financement des retraites si l'on continue de faire reposer les recettes sur la seule masse salariale. Le seul vrai moyen permettant de sauvegarder à long terme la retraite par répartition, et donc à assurer l'égalité de traitement des cotisants, consiste à élargir l'assiette de cotisations à la richesse produite par la nation.
    Je le répète, la richesse a doublé au cours de ces trente dernières années. Elle devrait encore doubler lors des vingt prochaines années. Il suffit donc d'élargir les recettes du régime de retraite à la valeur ajoutée créée par les entreprises. Notons que l'effort que la nation devra consentir au cours des quarante prochaines années sera bien inférieur à celui déjà supporté par les seuls salariés depuis les années 60 : de 1960 à 2000, plus 7 % de PIB ; de 2000 à 2040, plus 4 %.
    Par la réforme de l'assiette des cotisations, nous obtiendrons, par ailleurs, une meilleure répartition de cet effort, et indirectement un rééquilibrage des charges pesant sur l'emploi. Seraient ainsi mis équitablement à contribution les revenus du travail et ceux du capital - et n'oublions pas ceux de la spéculation financière. Les entreprises participeraient à hauteur de leur réelle capacité contributrice et non, comme c'est le cas aujourd'hui, proportionnellement à leur intensité de main-d'oeuvre, ce qui n'est favorable ni à l'emploi ni aux retraites. Je vous renvoie aux pages 103 et 95 du rapport Charpin, qui n'est pourtant pas mon livre de chevet.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Dommage !
    M. Denis Jacquat. C'est un rapport objectif !
    M. Jacques Desallangre. Les travaux effectués par le COR corroborent cette analyse et ces propositions. Oui, il est possible d'assurer un très haut niveau de retraite, de garantir le droit au départ à soixante ans avec un taux plein, dès lors que l'on accepte d'élargir l'assiette des cotisations. Par exemple, le déficit de 43 milliards que vous annoncez pour 2020, c'est-à-dire dans dix-sept ans, représente en fait un besoin de financement anticipé de 2,5 milliards par an, soit 0,16 % du PIB. La nation peut consentir cet effort sur les richesses qu'elle produit. Mais, encore une fois, pour que l'effort soit équitable il nous faut réformer en profondeur l'assiette des cotisations.
    A ce propos, il est pour le moins surprenant que le Gouvernement prétende combler le déficit structurel des retraites en omettant d'utiliser l'un des leviers repésentés par le taux d'activité. Mais pour cela il aurait fallu que le Gouvernement veuille mener une vraie politique de l'emploi.
    Car quand l'emploi progresse, les régimes sociaux et de sécurité sociale retrouvent l'équilibre. Or, depuis un an, la sécurité sociale replonge dans le rouge. Depuis un an, ce sont près de 130 000 emplois qui ont été détruits.
    Votre gouvernement a donc bien sa part de responsabilité dans la politique de l'emploi et le taux d'activité. Si vous acceptiez d'engager une réelle réforme de l'assiette des cotisations, vous pourriez rééquilibrer la charge pesant sur les salariés mais aussi sur les entreprises. Les entreprises à forte intensité de main-d'oeuvre bénéficieraient par conséquent d'allégements de charges qui leur permettraient de créer des emplois. En revanche, les secteurs à haute intensité capitalistique, qui ont remplacé massivement les ouvriers par des machines ou qui tirent une part significative de leurs revenus du marché et de la spéculation, verraient leur contribution à l'intérêt général augmenter.
    M. le président. Monsieur Desallangre, il faut conclure !
    M. Jacques Desallangre. Je termine, monsieur le président.
    Il faut réorienter toutes les priorités du Gouvernement vers la création de richesses, de vraies richesses. Cela implique de solliciter moins les entreprises à haute intensité de main-d'oeuvre et plus celles à haute intensité capitalistique. Ainsi, il est insensé qu'une société employant 2 000 personnes soit plus taxée qu'une société industrielle ayant le même bénéfice en fin d'année, mais avec seulement 20 salariés. Voilà l'exemple d'une autre inégalité. Voilà l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire au risque de devoir nous retrouver demain, ici, pour corriger les conséquences désastreuses de vos choix d'aujourd'hui, choix basés sur une injustice sociale qui contient en germe l'inefficacité économique. La belle affirmation de votre article 3 risque de n'être que lettre morte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

    M. le président. La suite de la discusion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteuse au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 17 juin 2003
SCRUTIN (n° 181)


sur les amendements n° 3353 de Mme Buffet, n° 3354 de M. Bocquet, n° 3356 de Mme Fraysse et n° 3358 de M. Gremetz tendant à supprimer l'article 3 du projet de  loi portant réforme des retraites (équité).

Nombre de votants

241


Nombre de suffrages exprimés

241


Majorité absolue

121


Pour l'adoption

77


Contre

164

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe UMP (364) :
    Contre : 159 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 64 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 13 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).

Mise au point au sujet du présent scrutin
    (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    M. Marc Le Fur, qui était présent au moment du scrutin, a fait savoir qu'il avait voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 182)


sur les amendements n° 998 de M. Aubron, n° 1000 de M. Bacquet, n° 1016 de M. Bonrepaux, n° 1019 de Mme Bousquet, n° 1020 de M. Brottes, n° 1028 de M. Charzat, n° 1030 de Mme Clergeau, n° 1032 de M. Cohen, n° 1044 de M. Dosière, n° 1060 de Mme Gautier, n° 1061 de Mme Génisson, n° 1068 de Mme Guinchard-Kunstler, n° 1070 de Mme Hoffman-Rispal, n° 1075 de M. Janquin, n° 1089 de M. Le Roux, n° 1091 de M. Lefait, n° 1103 de M. Masse, n° 1104 de M. Mathus, n° 1112 de Mme Oget, n° 1119 de Mme Perrin-Gaillard, n° 1125 de M. Roman, n° 1139 de M. Valls et n° 1141 de M. Vidalies à l'article 3 du projet de loi portant réforme des retraites (égalité de traitement au regard de la retraite tenant compte de la pénibilité des métiers exercés).

Nombre de votants

289


Nombre de suffrages exprimés

289


Majorité absolue

145


Pour l'adoption

92


Contre

197

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe UMP (364) :
    Contre : 186 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 83 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 9 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).