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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 19 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 18 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

RETENUES POUR JOURS DE GRÈVE «...»

MM. Claude Leteurtre, Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.

APPLICATION DE L'ARTICLE 40
DE LA CONSTITUTION «...»

MM. Michel Vaxès, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE «...»

MM. Antoine Herth, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

PERSONNES ÂGÉES EN ÉTABLISSEMENT «...»

Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.

DRONES «...»

M. Yves Fromion, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

LOGEMENT SOCIAL «...»

MM. Alain Ferry, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

INDEMNISATION DES CHÔMEURS «...»

MM. Daniel Vaillant, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

LUTTE CONTRE LE TABAGISME «...»

MM. Lucien Degauchy, Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

SOUTIEN À L'INNOVATION «...»

M. Philippe Pemezec, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.

DIPLOMATIE DE LA FRANCE «...»

MM. Paul Giacobbi, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

POLLUTION DES CÔTES BRETONNES «...»

Mmes Hélène Tanguy, Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable.

POLITIQUE DE LA VILLE «...»

Mme Marie-Josée Roig, M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE
Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

2.  Publication du rapport d'une commission d'enquête «...».
3.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Après l'article 3 «...»

Amendement n° 10817 de M. Bocquet : MM. Maxime Gremetz, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 10818 de M. Bocquet : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Alain Néri. - Rejet.
Amendement n° 11173 de M. Gorce : MM. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Denis Jacquat, Alain Néri, Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles ; Pascal Terrasse, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 11174 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 11176 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Alain Néri. - Rejet.
Amendement n° 11175 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz, Mme Martine Billard. - Rejet.
Amendement n° 3140 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre, André Chassaigne, Alain Néri. - Rejet.
Amendement n° 11171 de M. Gorce : MM. Pascal Terrasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Avant l'article 4 «...»

Amendements identiques n°s 3465 à 3471 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Alain Bocquet, le rapporteur, le ministre, André Chassaigne, Pascal Terrasse. - Rejet.
Amendements identiques n°s 3472 à 3478 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : M. Jean-Claude Lefort.

Suspension et reprise de la séance «...»

MM. Jean-Claude Lefort, Maxime Gremetz, Mme Jacqueline Fraysse.

Rappel au règlement «...»

M. Alain Néri, Mme la présidente.

Reprise de la discussion «...»

MM. le rapporteur, Pascal Terrasse, le ministre, Maxime Gremetz, Alain Néri, Denis Jacquat. - Rejet, par scrutin, des amendements n°s 3472, 3475 et 3477.
Amendements identiques n°s 3402 à 3408 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : M. Michel Vaxès.

Rappel au règlement «...»

M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

M. Alain Bocquet.

Suspension et reprise de la séance «...»
Reprise de la discussion «...»

MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Jean-Claude Lefort, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. - Rejet des amendements n°s 3406 et 3407.
Amendements identiques n°s 3479 à 3485 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : Mme Jacqueline Fraysse, MM. Maxime Gremetz, André Chassaigne, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

RETENUES POUR JOURS DE GRÈVE

    M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.
    M. Claude Leteurtre. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    Avec les grèves, nos concitoyens ont vécu ces dernières semaines - et ils les vivent toujours - de sérieux désagréments. Ils les ont compris, et parfois acceptés. La grève est en effet un droit constitutionnel, légitime et reconnu.
    M. Manuel Valls. Bravo !
    M. Claude Leteurtre. Mais elle a également une contrepartie, prévue par la loi, et qui lui donne toute sa force et son symbole : le non-paiement des jours non travaillés.
    Des aménagements existent, qui permettent en particulier d'étaler dans le temps les retenues sur salaire. Sans doute peuvent-ils être mis en oeuvre mais, si la loi ne doit pas être rigide, le groupe UDF estime néanmoins qu'elle doit s'appliquer dans son intégralité. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'il en soit autrement.
    Il faut que tous les Français perçoivent que, dans ce domaine aussi, c'est la justice qui guide l'action publique. L'attitude du Gouvernement sur ce point a d'autant plus d'importance qu'elle aura valeur d'exemple pour les autres employeurs, les collectivités locales en particulier.
    Pouvez-vous donc nous faire part, monsieur le ministre, des intentions du Gouvernement dans ce domaine ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire.
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, la réponse est simple : la loi, toute la loi, rien que la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Comme c'est bien dit !
    M. Lucien Degauchy. Mais il ne faut pas mollir !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Du reste, personne dans cet hémicycle ne peut un seul instant songer à demander que la loi ne soit pas appliquée.
    Que dit-elle ? Les règles qu'elle pose sont claires, précises, simples...
    Un député du groupe socialiste. Mais vous, vous ne l'êtes pas !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... et surtout, elle est connue de toutes celles et ceux qui prennent la responsabilité de faire grève ou d'inciter à faire grève.
    Les fonctionnaires sont payés après service fait. Là où le service n'est pas fait pour raison de grève, le fonctionnaire n'est pas payé, et nous appliquerons la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mais en même temps, la loi doit être appliquée avec discernement. (Mouvements divers.) Ils n'est pas question de priver celles et ceux qui ont fait grève durant une longue période d'une part trop importante de leur salaire. Il appartient donc à chaque gestionnaire d'étaler les retenues dans les limites permises par la pratique et la jurisprudence. Mais, pour ce qui nous concerne, les choses sont claires : chacun doit prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Chacun prend lui-même la décision de faire grève ou de ne pas faire grève. Ce faisant, il en accepte par avance les conséquences. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Quant à nous, il nous appartient d'assumer nos responsabilités et de faire appliquer les textes et la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

APPLICATION DE L'ARTICLE 40 DE LA CONSTITUTION

    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Michel Vaxès. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
    Une retraite à taux plein avec 37,5 annuités de cotisation : irrecevable.
    Aucune pension de retraite inférieure au SMIC : irrecevable.
    La validation gratuite dans tous les régimes des années de formation : irrecevable !
    En application de l'article 40 de la Constitution, la même sentence trop souvent est tombée pour rejeter sans examen des propositions alternatives aux vôtres.
    M. Richard Cazenave. Il n'y en a pas !
    M. Michel Vaxès. Refus de vraies négociations hier,...
    M. François Goulard. Faux !
    M. Michel Vaxès. ... refus de débattre sur l'essentiel aujourd'hui.
    M. Philippe Briand. Refus de l'obstruction, oui !
    M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, vous bridez le débat de la représentation nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Allez-vous vous obstiner à museler l'expression de nos concitoyens et la volonté de négociation manifestée par la majorité des organisations syndicales ? Allez-vous refuser plus longtemps le grand débat public et l'ouverture de négociations, qu'une majorité de Françaises et de Français réclament désormais ?
    Allez-vous refuser ensuite de consulter notre peuple par référendum ? Les députés et sénateurs communistes et républicains (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) se sont rendus ce matin à l'Elysée pour faire connaître au Président de la République l'exigence de démocratie qui monte du plus profond de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Briand. Ça lui a fait une belle jambe !
    M. Michel Vaxès. Un choix de société mérite bien un verdict populaire. Dans une démocratie, personne ne doit craindre l'expression du suffrage universel. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Vaxès, quelle est votre question ?
    M. Michel Vaxès. A entendre mugir ces féroces soldats, j'ai la conviction de parler vrai ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Vaxès, la démocratie signifie la même règle pour tout le monde. Posez votre question !
    M. Michel Vaxès. Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes adressé aux Français. Accepterez-vous aussi que les Français vous répondent par leur vote ? (Applaudissement sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Vaxès, je n'ai pas besoin de vous rappeler, vous qui êtes un parlementaire expérimenté, que l'article 40 existe dans notre Constitution depuis 1958 et qu'il est appliqué avec la même rigueur par toutes les majorités. Le Gouvernement n'a rien à y voir : c'est l'application de la Constitution. Je me suis du reste engagé, avec Jean-Paul Delevoye, dans le but de satisfaire à la demande exprimée notamment par le groupe communiste, à répondre à l'ensemble des questions de fond soulevées dans ces amendements refusés en application de l'article 40.
    S'agissant du référendum, vous avez dit vous-même que vous êtes allés solliciter le Président de la République. Vous avez eu raison de le faire car c'est bien à lui, et non au Gouvernement, qu'il revient de prendre cette décision.
    Cela dit, permettez-moi d'émettre un avis personnel. Les Français ont choisi une majorité. (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et s'ils ont choisi une majorité, c'est pour qu'elle gouverne, non pour qu'elle se défausse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La longue histoire du parti communiste aurait dû, monsieur Vaxès, vous apprendre que si les Français sont souvent nombreux à critiquer les réformes, ils sont encore plus nombreux à sanctionner ceux qui ne les font pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Pour que notre démocratie retrouve ses marques, il faut que la majorité gouverne et qu'elle prenne ses responsabilités. C'est ce que nous avons décidé de faire et c'est bien ici, à l'Assemblée nationale, que bat le coeur de la démocratie. Je suis du reste persuadé que vous en êtes convaincu, car si vous ne l'étiez pas, vous ne nous auriez pas obligés à passer soixante heures à débattre de trois articles !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. Jean-Pierre Brard. Et ce n'est pas fini !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous ne nous auriez pas conduits à examiner plus de 8 000 amendements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est donc bien que vous pensez, comme nous, que c'est ici, au Parlement, que doit se faire la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratiefrançaise.)

POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE

    M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. Antoine Herth. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
    L'Afrique connaît des crises régionales successives qui frappent durement les populations et risquent de s'étendre aux régions limitrophes. La France s'est fortement réengagée sur le continent africain pour favoriser l'émergence de la paix en recherchant des solutions justes et équilibrées aux différents conflits.
    Depuis votre arrivée au Quai d'Orsay, refusant l'indifférence, vous avez activement participé à plusieurs tentatives de résolution de crises, que ce soit en Côte d'Ivoire, au Congo, à Madagascar ou dans la région des Grands Lacs.
    L'Afrique a besoin de partenariats avec des pays comme la France pour relever le défi de la mondialisation, celui du développement ou encore celui de la marche vers la démocratie.
    La semaine dernière, à l'occasion du quatrième forum de l'Institut des hautes études de défense nationale, vous avez présenté un plan de relance de votre politique économique pour l'Afrique. Celui-ci prévoit un effort important pour aider les régions en crise à retrouver le chemin de la paix. Pouvez-vous faire part à la représentation nationale des principes qui guident la politique de la France à l'égard de l'Afrique ? Pouvez-vous surtout préciser le cadre concret de cet engagement, ainsi que les objectifs politiques et de développement visés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, l'engagement de la France sur le continent africain repose sur une triple conviction.
    Premièrement, l'urgence des situations. Près de la moitié des Etats africains sont aujourd'hui en guerre. S'y conjuguent des menaces anciennes et nouvelles porteuses des risques les plus graves pour l'ensemble des régions de l'Afrique. Il ne pourra exister de progrès durable en Afrique qui ne prenne en compte tout à la fois le développement, la démocratie et la paix.
    M. François Loncle et M. François Hollande. Parlez-nous donc du Togo !
    M. le ministre des affaires étrangères. Deuxièmement, l'Afrique dispose de sérieux atouts trop souvent passés sous silence. C'est un continent jeune, qui peut se prévaloir d'un potentiel économique considérable, d'une croissance forte et d'un patrimoine naturel immense.
    Troisième conviction : l'Afrique est une chance pour la France. Elle élargit tout à la fois notre horizon et notre ambition sur la scène internationale, tant sur le plan diplomatique que sur le plan économique ou sur le plan culturel.
    L'engagement de la France repose sur une volonté de dialogue et sur des principes clairs.
    Le premier de ces principes, c'est l'exigence de la légitimité, exigence qui vaut tant pour les conditions d'accession au pouvoir, c'est évident, que pour ce qui touche à son exercice, lequel suppose le respect des droits de l'homme et le refus de toute impunité.
    M. François Loncle. Et le Togo ?
    M. le ministre des affaires étrangères. Le second principe est la défense de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de la stabilité régionale, ainsi que l'appui aux médiations africaines. L'efficacité comme la légitimité en dépendent. La Côte d'Ivoire en fournit un excellent exemple avec l'appui de la France à la CDAO, à l'Union africaine et au Conseil de sécurité des Nations unies.
    Telle est, monsieur le député, la politique que nous menons pour l'ensemble des crises. Vous avez évoqué les cas de Madagascar, de la Côte d'Ivoire ou du Congo ; il en est d'autres, tel celui de la Centrafrique. Chaque fois, les principes de cette politique trouvent une traduction concrète - y compris sur le plan militaire lorsque c'est nécessaire -, sous la forme d'un engagement politique fort et inscrit dans la durée, visant à mobiliser la communauté internationale au service de la paix comme du développement. Enfin, nous continuons à marquer notre volonté d'un engagement résolu dans le cadre de l'aide publique au développement, en privilégiant la volonté des pays africains eux-mêmes dans le cadre du NEPAD.
    Ce faisant, la France entend marquer tout à la fois sa fidélité, sa solidarité et son ambition pour l'Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PERSONNES ÂGÉES EN ÉTABLISSEMENT

    M. le président. La parole est à Mme DanièleHoffman-Rispal, pour le groupe socialiste.
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ma question porte sur l'avenir de nos maisons de retraite. Elle s'adresse à M. le ministre de la santé et non à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, puisqu'elle concerne le budget de l'assurance maladie.
    Aujourd'hui même, l'ensemble des organisations représentant les maisons de retraite, publiques ou privées, se mobilisent pour nous alerter sur le sort des personnes âgées en établissement. Le Gouvernement précédent avait lancé un plan pour la période 2001-2005.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non financé !
    Mme Danièle Hoffman-Rispal. ... Ce plan visait en particulier à améliorer l'encadrement en personnel soignant. Nous savons combien cet aspect est essentiel pour moderniser l'accueil, combattre la maltraitance et finalement offrir à nos anciens la qualité de vie à laquelle ils ont droit.
    Nos maisons de retraite, qui accueillent 680 000 résidents et emploient 250 000 salariés, sont confrontées à de réelles difficultés. Elles ont encore un sérieux retard à rattraper, surtout lorsqu'on compare notre situation avec celles d'autres pays européens.
    En 2001 et 2002, les 180 millions d'euros promis furent effectivement financés. En 2003, après les avoir dans un premier temps annulés, vous les avez rétablis mais à hauteur de 80 millions d'euros seulement ; les soins à domicile et les personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer principalement s'en sont trouvés lourdement pénalisés.
    Monsieur le ministre de la santé, ne pensez-vous pas que le Gouvernement devrait défendre une population trop souvent oubliée au motif qu'elle est âgée, malade et silencieuse, plutôt que de stigmatiser, comme vous l'avez fait récemment dans la presse, le vieillissement, décrit comme la cause principale du dérapage des dépenses de santé ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ma question est simple : allez-vous inscrire dans le budget de la sécurité sociale pour 2004 les crédits nécessaires pour rattraper le retard pris en 2003 et améliorer la qualité des soins aux personnes âgées vivant en établissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Madame la députée, mon collègue Jean-François Mattei s'occupe de santé, et fort bien, vous le savez. Pour ma part, je m'occupe des personnes âgées et j'essaie de m'en occuper un peu mieux que vous ne l'avez fait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà pourquoi c'est moi qui vous réponds.
    Je suis stupéfait de voir avec quelle arrogance vous parlez toujours de gels des crédits (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), alors que, pendant des années, vous nous avez surtout payés de mots ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Une nouvelle fois, je vais donc vous rappeler quelques chiffres. En 2000-2001, vous avez signé 330 conventions. Nous en avons signé 1 200 à la fin de l'année 2002...
    M. François Liberti. Vous n'y êtes pour rien !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... dont 700 durant le deuxième semestre.
    M. François Liberti. Vous ne les avez pas financées !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous en signerons 1 800 en 2003.
    M. François Liberti. Ce n'est pas vrai !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Nous disposons d'ores et déjà des financements nécessaires : 80 millions d'euros, qui nous permettront d'en signer 600.
    Nous en signerons donc 600 pour les maisons de retraite déjà médicalisées...
    M. François Liberti. Il manque 5 millions d'euros !
    M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées. ... et signerons 600 autres en application de l'article 32 du décret de 1999, pris par le précédent gouvernement. Une fois de plus, vous le voyez, nous allons faire ce que vous n'avez pas fait ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Croyez-moi : vous n'avez pas de leçons à nous donner sur la dignité des personnes âgées. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous n'avons vraiment pas de leçons à recevoir de ceux qui n'ont fait que parler pendant des années : nous, nous agissons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

DRONES

    M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe UMP.
    M. Yves Fromion. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense.
    Le salon de l'aéronautique et de l'espace du Bourget offre une occasion unique de faire le point sur l'évolution des techniques et des matériels en service ou en préparation dans toutes les armées du monde. A cet égard, nous pouvons être fiers des positions tenues par nos industriels.
    On a pu constater cette année, madame la ministre, la place grandissante occupée par les drones - rappelons, pour ceux qui l'ignoreraient, que les drones sont des aéronefs militaires dépourvus d'équipage humain et télécommandés.
    M. Bernard Roman. On le sait !
    M. René Dosière. Vous n'êtes pas drone !
    M. Yves Fromion. La France a acquis dans la conception et l'utilisation des drones une réelle expérience, notamment à l'occasion du conflit des Balkans. La loi de programmation militaire prévoit une dotation significative de nos forces en drones de reconnaissance. Mais les conflits d'Afghanistan et d'Irak ont consacré l'entrée en force des drones sur le champ de bataille, avec notamment l'apparition d'engins armés.
    On ne peut plus douter désormais que les drones deviennent des équipements indispensables au renseignement, à l'appui tactique, mais également à la supériorité aérienne.
    M. François Hollande. Personne n'y comprend rien !
    M. Yves Fromion. Allant au-delà des engagements de l'actuelle loi de programmation militaire, vous venez, madame la ministre, d'annoncer au salon du Bourget le lancement d'un programme français de démonstrateurs d'avions de combat non pilotés, doté d'un budget de 300 millions d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Dès que l'on parle d'avions sans pilote, les socialistes se croient obligés de se mettre en avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Monsieur Fromion, pouvez-vous poser votre question ? (« Oui : la question ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Yves Fromion. Tout à fait, monsieur le président.
    Il s'agit pour nos armées, pour nos industries, mais aussi pour l'Europe de la défense, d'une initiative majeure qui illustre l'ampleur des efforts voulus par le Président de la République et par le Gouvernement pour conforter notre défense et notre place dans le monde.
    M. le président. Monsieur Fromion, quelle est votre question ?
    M. Yves Fromion. Pouvez-vous, madame la ministre, préciser les modalités de l'engagement qui vient d'être pris ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Lemasle. C'est la France qui est sans pilote !
    M. François Hollande. On vous a dit, que vous n'étiez pas drone ?
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
    Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, préparer l'avenir est effectivement une exigence essentielle et pour nos armées et pour notre industrie de défense. En matière aéronautique, la maîtrise de la technologie des avions de combat non pilotés est un enjeu majeur. Nous sommes à la fin du cycle de recherche sur les avions de combat de quatrième génération, et il y aura de nombreuses années, probablement une vingtaine, avant le développement des avions de cinquième génération. Il s'agit donc aussi pour nous d'assurer le maintien des compétences clés dans le domaine des avions de combat.
    Ce sont les raisons pour lesquelles j'ai effectivement décidé de lancer un programme de démonstrateurs de drones de combat, dit UCAV, d'initiative française, mais bien entendu ouvert à des partenaires européens.
    La méthode que j'ai retenue sera particulièrement innovante. D'abord, il s'agit d'une initiative française, construite autour de Dassault et de Thalès.
    M. Jean Glavany. Il y a eu des appels d'offres ?
    Mme la ministre de la défense. Nous aurons aussi des partenaires européens, choisis, parmi les candidats, selon des critères d'excellence. Le suivi du programme s'appuiera sur une étroite coopération entre l'Etat et l'industrie. Soyez certain, monsieur le député, que ce programme auquel j'apporterai une attention toute particulière nous permettra de faire voler, vers la fin de 2008, un premier démonstrateur.
    La France fera ainsi la preuve de son rôle moteur dans la construction de l'Europe de l'armement, dotée de capacités industrielles autonomes et tournée vers l'excellence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LOGEMENT SOCIAL

    M. le président. La parole est à M. Alain Ferry, pour le groupe UMP.
    M. Alain Ferry. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    Depuis le début de la législature, le Gouvernement multiplie les actions en faveur du logement social. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce matin encore, Jean-Louis Borloo a évoqué, dans son « plan Marshall » en faveur des quartiers sensibles, la construction de logements sociaux, ce qui est la preuve que le malaise est diagnostiqué et que les réponses sont au rendez-vous. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    La politique en matière de logement social doit répondre à un double objectif : satisfaire une demande de plus en plus forte et réhabiliter les logements devenus insalubres au fil du temps.
    Pour répondre au malaise social, la majorité parlementaire a voté, à l'automne dernier, près de 360 millions d'euros de crédits, inscrits au budget 2003, pour financer la construction de 54 000 nouveaux logements sociaux.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. François Hollande. Ils ont été gelés !
    M. Alain Ferry. Aujourd'hui, le mouvement HLM et les bénéficiaires de cette offre locative nouvelle manifestent leur inquiétude à l'égard de l'application de ce grand programme de construction. Le Gouvernement a suscité un formidable espoir auprès des habitants des quartiers, et plus particulièrement des locataires de logements installés dans les zones sensibles.
    M. Jacques Desallangre. Ils attendent que les crédits soient débloqués !
    M. Alain Ferry. A ce sujet, les rumeurs les plus folles circulent. Les crédits votés en faveur du logement seraient gelés ou purement et simplement annulés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Monsieur le ministre, le plan en faveur du logement social et de la rénovation urbaine annoncé par le Gouvernement verra-t-il le jour en 2003 ? Nos concitoyens ont-ils raison d'être inquiets (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) ou peuvent-ils d'ores et déjà se rassurer, compte tenu de la situation d'urgence que nous connaissons actuellement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
    M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, c'est parce qu'il faut répondre à la demande - considérable et qui s'est accumulée depuis des années - (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) des plus modestes de nos concitoyens que le logement social doit être une priorité du Gouvernement. Et c'est bien le cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    J'apporterai deux éléments de réponse : le premier concerne le logement locatif. Nous sommes en contact permanent avec l'Union sociale de l'habitat, présidée par M. Delebarre, afin de rendre encore plus efficaces les maîtres d'ouvrage et les bailleurs sociaux. Les premières réponses apportées par M. Delebarre sont d'excellente qualité. (« Ah ! » sur divers bancs.) Nous les appliquerons.
    Deuxièmement, le Premier ministre m'a autorisé à utiliser les marges de manoeuvre budgétaire de mon ministère...
    Mme Martine David. Elles sont nulles !
    M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. ... afin de remplir intégralement les engagements qui ont été pris ici même lors du débat budgétaire.
    Cela veut dire qu'en 2003 nous construirons au moins autant de logements sociaux qu'en 2002, c'est-à-dire plus qu'en 2001 et en 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Le deuxième volet concerne l'accession sociale à la propriété. Même lorsqu'il est locataire d'un HLM, chacun rêve d'être propriétaire. C'est pourquoi j'ai annoncé au conseil des ministres du 21 mai un projet auquel je travaille activement pour que des gens, même modestes, puisse devenir propriétaires de leur logement dans les meilleurs délais. Et j'espère, mesdames, messieurs les députés, vous le présenter à l'automne pour permettre au plus grand nombre de devenir des propriétaires heureux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

INDEMNISATION DES CHÔMEURS

    M. le président. La parole est à M. Daniel Vaillant, pour le groupe socialiste. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Daniel Vaillant. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les questions d'actualité existent en vertu du règlement de notre assemblée ; il faudrait que M. le Premier ministre le rappelle à ses ministres et à ses secrétaires d'Etat. Qu'une députée de l'opposition pose une question sur le ton adopté par Mme Danièle Hoffman n'a rien d'arrogant. Le sujet est sérieux puisqu'il s'agit de la santé des personnes âgées, et il mérite mieux que la réponse de M. Falco. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    La convention d'indemnisation du chômage signée en décembre 2002 - j'ai bien dit : décembre 2002 - par des partenaires sociaux s'applique depuis le 1er janvier 2003. Ces nouvelles dispositions sont particulièrement inquiétantes pour trois catégories de chômeurs dont le sort est ignoré : les chômeurs couverts par l'ancien dispositif d'indemnisation, les chômeurs de plus de cinquante ans et ceux qui sortent d'emplois précaires de courte durée.
    Les chômeurs couverts par l'ancien dispositif devront-ils, eux aussi, subir la nouvelle convention ? Si tel est le cas, plus d'un million d'entre eux vont voir leurs droits réduits brutalement. Certains risquent de perdre jusqu'à dix-huit mois d'indemnisation. Quel plan social ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    En donnant votre agrément à ce dispositif, avez-vous prévu de mettre en place un revenu de substitution pour les chômeurs de plus de cinquante ans ? En effet, selon les nouvelles dispositions, ceux âgés de plus de cinquante-cinq ans ne seront plus indemnisés que trois ans.
    M. François Hollande. Eh oui !
    M. Daniel Vaillant. Devront-ils passer par le RMI avant d'accéder à la retraite ? Vous savez bien que ces chômeurs devenus RMistes ne cotiseront plus pour leur retraite. Comment voulez-vous qu'ils valident les années exigées, c'est-à-dire quarante ou quarante et un ans - et demain, combien ? Vous engagez-vous à rendre le licenciement des cinquante à soixante ans plus contraignant au moment même où votre projet de loi sur les retraites leur demande de travailler plus longtemps ?
    Monsieur le ministre, pouvez-vous laisser se dégrader à ce point la situation de tant de chômeurs alors que vous affirmez, et je le pense aussi, que l'UNEDIC sera excédentaire dès 2004 ? Comptez-vous inciter à la redistribution des excédents en donnant la priorité aux plus démunis des chômeurs qui sont, eux aussi, des personnes frappées par les épreuves et qui ont cotisé pendant si longtemps ? J'espère que vous pourrez nous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Vaillant, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir bien voulu confirmer les prévisions du Gouvernement quant à la reprise de l'activité en 2004 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui seule permettra l'équilibre des comptes de l'UNEDIC. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les partenaires sociaux qui gèrent l'UNEDIC ont, comme vous l'avez rappelé, conclu, le 20 décembre dernier, un accord pour sauver notre assurance chômage de la faillite.
    M. François Hollande. Avec quelles conséquences ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet accord a été agréé par l'Etat, parce que c'est un accord courageux et qu'il n'y avait aucune raison de désavouer les partenaires sociaux. Comme vous le savez, cet accord prévoit des hausses de cotisation, ainsi qu'un emprunt de six milliards garanti par l'Etat, ainsi que des aménagements des conditions d'indemnisation. L'un des objectifs visés par l'Etat et les partenaires sociaux à travers cet accord n'est d'ailleurs pas sans lien avec le débat sur les retraites, puisque la réforme des filières d'indemnisation consiste à harmoniser les règles entre les demandeurs d'emploi de plus et de moins de cinquante ans.
    M. François Hollande. Par le bas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette harmonisation évitera les pratiques discriminatoires consistant, pour des employeurs, à faire partir des salariés avant l'âge de la retraite aux frais de la collectivité. Et pour répondre à la question que vous avez posée, je vous précise que cette nouvelle réglementation ne concerne pas les demandeurs d'emploi indemnisés au 31 décembre dernier.
    L'accord maintient l'ensemble des moyens consacrés par l'UNEDIC à la formation et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Il étend même les aides à l'embauche, grâce à une mécanique d'activation des dépenses d'indemnisation.
    Mme Ségolène Royal et M. Philippe Vuilque. Là n'est pas la question !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans le domaine de l'assurance chômage, comme dans d'autres, le gouvernement précédent voulait dicter sa loi aux partenaires sociaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) En ce qui nous concerne, nous respectons les partenaires sociaux, comme nous l'avons démontré lors de la négociation de l'accord surl'UNEDIC, et comme nous aurons à nouveau l'occasion de le faire à l'automne, sur la formation professionnelle, sur les licenciements avec la suspension de la loi de modernisation sociale,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Répondez à la question !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et, enfin, sur la modernisation des règles de la négociation collective. Quelles que soient les difficultés, le Gouvernement s'en tiendra à sa règle, qui est de respecter le dialogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n'avez pas répondu à la question !

LUTTE CONTRE LE TABAGISME

    M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe UMP.
    M. Lucien Degauchy. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    Près de cinq millions de personnes dans le monde meurent chaque année des maladies liées au tabac. C'est pour combattre ce fléau que l'OMS a travaillé pendant quatre ans à l'élaboration d'une importante convention-cadre de lutte contre le tabagisme. Cette convention comporte des dispositions internationales sur la prévention, le traitement du tabagisme, la publicité, la promotion, l'étiquetage, ainsi que sur le commerce illicite, la taxation et la réglementation des produits.
    Ouverte à la signature depuis lundi dernier, elle doit être ratifiée par quarante pays avant d'entrer en vigueur dans chacun d'eux.
    Monsieur le ministre, alors que de nombreux pays l'ont d'ores et déjà signée et que l'Union européenne s'est engagée dans ce sens, pouvez-vous nous indiquer quelle est la position de la France sur ce sujet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratiefrançaise.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
    M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Le tabac, comme vous venez de le rappeler, monsieur le député, est une cause majeure de mortalité, d'autant plus inacceptable qu'elle est évitable.
    Notre pays s'est engagé avec détermination dans la lutte contre les méfaits du tabac.
    Tout d'abord, la France a joué un rôle moteur dans l'adoption de la convention internationale de lutte contre le tabac. Elle en a été, avec l'Union européenne, l'un des premiers signataires, il y a quarante-huit heures. Il y aura des mesures contraignantes, la France les appliquera bien volontiers.
    En deuxième lieu, notre pays a joué un rôle moteur dans l'élaboration de la directive européenne à effets transfrontaliers visant à interdire la publicité sur le tabac.
    En troisième lieu, il y a deux semaines, au Conseil des ministres de la santé de l'Union européenne, j'ai demandé que la Commission nous présente d'ici à la fin de l'année des propositions concrètes pour lutter contre les effets pervers de la disparité des fiscalités entre les différents pays membres.
    Enfin, dans le cadre des travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe, la France défend l'élargissement d'une compétence partagée en matière de santé publique et milite pour que les susbtances nocives pour la santé comme le tabac soient traitées davantage sous l'angle de la santé publique que sous l'angle commercial.
    C'est bien dire que la France est engagée de toutes ses forces et de toute sa conviction dans la lutte contre les méfaits du tabac. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SOUTIEN À L'INNOVATION

    M. le président. La parole est à Philippe Pemezec.
    M. Philippe Pemezec. Madame la ministre déléguée à l'industrie, la presse se fait régulièrement l'écho de délocalisations d'entreprises hors du territoire national (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) le plus souvent justifiées par la législation rétrograde mise en place par nos prédécesseurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) De plus, les craintes face à la globalisation des échanges et aux pertes d'activité pour certains de nos secteurs sont grandes.
    Pourtant, la France a un atout majeur grâce à ses entreprises qui allient haute technicité et innovation. Elles constituent le maillage essentiel de la création et de l'innovation et contribuent fortement à la croissance. Il faut donc renforcer l'aide et le soutien à ces entreprises qui sont notre richesse de demain. Les pistes de réflexion sont nombreuses : environnement fiscal, statut des créateurs d'entreprise mais aussi modes de financement et incitations à la recherche et à l'innovation. L'enjeu est de taille : chaque année près de 10 000 entreprises innovantes sont créées et elles génèrent plus de 200 000 emplois qualifiés. Il s'agit donc d'encourager ces entreprises en leur donnant les moyens d'être compétitives.
    Déjà, le Gouvernement a mis au point une loi destinée à financer et à accélérer la création d'entreprises. Elle est sur le point d'être votée. Vous-même travaillez actuellement sur des mesures en faveur de l'innovation afin notamment d'aider les jeunes entreprises qui consacrent une part importante de leur chiffre d'affaires à la recherche et au développement.
    Madame la ministre, ces entreprises attendent beaucoup de vos initiatives en la matière. Pouvez-vous d'ores et déjà nous dire quels sont les grands axes de votre politique de soutien à l'innovation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
    Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, chacune de mes visites de terrain (Exclamations sur les bancs du du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) me conforte, s'il en était besoin, dans la conviction que l'une des principales clefs qui vont permettre aux entreprises de résister à la concurrence, c'est justement la possibilité de diversifier leurs produits et leurs services et d'ajouter de nouveaux savoir-faire par la créativité, l'innovation et la recherche.
    D'ailleurs, des pays comme le Canada, les Etats-Unis, le Japon et, en Europe même, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ne s'y sont pas trompés, qui ont fait de l'innovation une priorité.
    Malheureusement, la France a pris au cours de ces dernières années un retard préjudiciable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jacques Desallangre. Et le budget de la recherche ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. Aussi, dès notre arrivée au gouvernement, sous l'impulsion de M. le Premier ministre, nous avons, avec Francis Mer et Claudie Haigneré, recherché les mesures les plus efficaces pour attirer les investisseurs vers les entreprises en création grâce à un statut fiscal leur permettant de compenser la prise de risques, et pour aider les entreprises innovantes par des exonérations de charges sociales et fiscales.
    Ces mesures vous seront proposées dès l'automne...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous ne serez plus là !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... dans la loi de finances, afin d'entrer en application dès le 1er janvier 2004.
    Nous voulons également encourager toutes les entreprises qui innovent, en modernisant le système bien connu du crédit impôt-recherche. Nous allons proposer que les entreprises puissent y accéder plus largement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Richard Cazenave. Très bien !
    M. François Goulard. Elle a raison !
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... notamment en permettant que ce soit le volume de leurs dépenses, et non pas leur accroissement, qui soit pris en considération. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Les dépenses éligibles seront également élargies de façon à mieux correspondre aux besoins d'innovation. Des propositions en ce sens vous seront faites très prochainement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Lesquelles ?
    Mme la ministre déléguée à l'industrie. L'ensemble de ces mesures permettront, j'en suis convaincue, de contribuer à améliorer notre compétitivité et notre attractivité. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DIPLOMATIE DE LA FRANCE

    M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste.
    M. Paul Giacobbi. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
    Le 19 mars dernier, dans un communiqué à l'Agence France Presse, j'indiquais : « Pendant quelques semaines, nous avons voulu occuper le premier rang. C'était sans doute un grand moment pour nos dirigeants mais, à moins que l'on persiste à confondre le spectacle et l'influence, les mots et les actes, les applaudissements furtifs et les engagements diplomatiques, l'heure du bilan risque d'être celui d'une importante perte de crédibilité internationale pour la France. »
    Nous sommes à l'heure de ce bilan ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous vous faisiez en remarquer monsieur le ministre, par vos formules et vos attitudes flamboyantes, et vous en êtes aujourd'hui à quémander un geste, un regard, une parole de la puissance dominante. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Ce qui est en cause, ce n'est pas le choix fondamental et parfaitement justifié de la paix, de la stabilité, la volonté de faire primer le droit sur la force vous avez à cet égard bénéficié de la part de l'opposition d'un soutien exceptionnel.
    Ce qui est en cause, c'est une diplomatie incohérente qui est brusquement passée des principes au pragmatisme, de la grandiloquence à l'effacement, de l'agressivité à la soumission, de la clarté à l'ambiguïté (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Un seul exemple : vous placiez l'ONU au centre de tout. Vous nous dites aujourd'hui qu'elle revient. Elle revient, certes, mais dans quel état ?
    La résolution 1483, que vous avez soutenue, revient à renoncer à toute remontrance à l'égard des puissances de l'autorité occupante, à leur conférer un mandat pratiquement illimité, à leur donner le contrôle du produit des exportations d'hydrocarbures irakiens, à réduire le rôle de l'ONU à celui d'observateur et, au passage, à transférer un milliard de dollars de la caisse de l'ONU à New York à celle des Etat-Unis à Bagdad.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Bravo !
    M. Paul Giacobbi. Monsieur le ministre, vous avez évoqué aux Nations unies la France debout face aux hommes, face à l'histoire.
    M. Yves Nicolin. Débranchez-le !
    M. Paul Giacobbi. Nous n'en sommes pas là, nous n'en sommes plus là. Nous ne sommes plus debout. Pouvez-vous nous dire au moins où nous en sommes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Vous avez raison, monsieur le député (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), la diplomatie, ce n'est pas l'art du spectacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la détermination, la persévérance, la ténacité,...
    M. François Hollande. Oui !
    M. le ministre des affaires étrangères. ... et parfois même l'humilité. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Sur l'Irak, les principes que nous avons défendus hier, nous les défendons aujourd'hui : ...
    M. Jean-Pierre Blazy. Et demain ?
    M. le ministre des affaires étrangères. ... l'exigence de légitimité, d'unité de la communauté internationale, de responsabilité.
    M. François Hollande. Ce ne sont que des mots !
    M. le ministre des affaires étrangères. C'est important face aux drames que nous voyons dans cette région du Moyen-Orient, face à la nécessité du réalisme, si l'on veut avancer dans l'intérêt de l'Irak, dans l'intérêt du Moyen-Orient, dans l'intérêt de la stabilité du monde.
    C'est pour cela que nous avons voté la résolution 1483. Relisez les projets successifs de résolution, vous mesurez le travail accompli. Vous constaterez qu'il y bien un retour des Nations unies. Il se traduit aussi par la nomination d'un représentant du Secrétaire général, M. Vieira de Mello, dont tout le monde s'accorde à dire que sa personnalité exceptionnelle peut faire la différence dans ce dossier,...
    M. Patrick Lemasle. C'est insuffisant !
    M. le ministre des affaires étrangères. ... et par la définition d'un mécanisme transparent de gestion des ressources pétrolières. Il sera temps de faire le bilan. Là encore, c'est une exigence de responsabilité sur la scène internationale.
    M. Patrick Lemasle. Vous avez cédé !
    M. le ministre des affaires étrangères. Certification du désarmement, nécessité que l'ONU puisse prendre toute sa place au terme de ce processus, respect de la souveraineté de l'Irak et mise en place d'une autorité irakienne légitime : il faut un processus légitime, un processus politique, et nous travaillons en ce sens.
    M. Christian Bataille. Vous n'êtes pas très convaincant !
    M. le ministre des affaires étrangères. Tout cela suppose à la fois la vigilance et une attitude constructive de la communauté internationale, et telle est bien l'attitude de la France.
    Au niveau bilatéral, nous poursuivons la remontée en puissance de notre présence en Irak, à travers une section d'intérêt, à travers la nomination d'un coordonnateur interministériel, M. François Dopfer, qui suivra l'ensemble des opérations de reconstruction.
    Au niveau multilatéral, nous participerons à la conférence des donateurs, qui sera organisée par les Nations unies à New York le 24 juin. En même temps, nous restons engagés dans la région pour les autres crises, et en particulier celle du Proche-Orient. Bagdad est évidemment essentielle pour la stabilité, mais n'oublions pas la situation du Proche-Orient et de Jérusalem. C'est le message que le Conseil européen de Thessalonique apportera à la communauté internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLLUTION DES CÔTES BRETONNES

    M. le président. La parole est à Mme Hélène Tanguy, pour le groupe UMP.
    Mme Hélène Tanguy. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Depuis quelques semaines, une grande partie du littoral breton est souillée par la pollution éparse du Prestige. Certes, on est loin du spectacle désolant des marées noires. Il s'agit de boulettes plus ou moins grosses, semblables à celles bien connues des dégazages illicites. La gravité tient au caractère récurrent des arrivages - et pour combien de temps ?
    Quand elles en ont la possibilité, les communes concernées assurent le nettoyage, aidées parfois par quelques pompiers volontaires. Toutefois, la saison touristique déjà amorcée nécessite toute la disponibilité des services techniques, et la lassitude gagne. Excédés par un travail répétitif à recommencer chaque matin, les maires se sentent seuls, dépassés par l'ampleur de cette pollution.
    Les plages sont désormais propres, mais il faudra une main-d'oeuvre ponctuelle pour assurer leur qualité tout l'été. En revanche, les rochers nécessitent des traitements spécialisés. Des matériels motorisés ne peuvent accéder aux grèves à granulométrie particulière. Les algues souillées ne trouvent pas preneurs. Pour les cordons de galets, aucun traitement n'a été proposé. Le mazout a fondu.
    Que faire ? Les communes sont démunies. L'association des maires du Finistère réclame des moyens matériels et humains supplémentaires, ils sont relayés par le président du conseil régional de Bretagne. Pouvez-vous accorder aux préfets une enveloppe financière exceptionnelle et affecter des renforts auprès de ceux déjà déployés sur le terrain ? La solidarité nationale doit s'exercer en urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
    Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Dès l'annonce du naufrage du Prestige, madame la députée, le Gouvernement a pris extrêmement au sérieux le risque de marée noire, et il avait raison. Immédiatement, nous avons fait procéder à un état des lieux écologique. Nous avons prévu des zones de stockage sur l'ensemble de la côte atlantique.
    Aujourd'hui, nous nous trouvons, en Bretagne, devant une marée noire récurrente, aléatoire, diffuse, et c'est extrêmement éprouvant pour les élus locaux qui ont la charge du nettoyage, et bien entendu pour les équipes. C'est la raison pour laquelle les préfets ont immédiatement mobilisé des pompiers supplémentaires et libéré des moyens. Dans quelques jours, Mme la préfète de la zone de défense Ouest va recevoir une enveloppe de crédits pour vous permettre de faire face à ces nouveaux besoins. J'ai demandé aux préfets concernés de se saisir de la question du nettoyage des zones rocheuses, qui est extrêmement difficile à résoudre. Nous avons également demandé aux préfets des deux zones de défense concernées de procéder à une analyse fine de la situation. En cas de nouvelle pollution, des moyens supplémentaires seront dégagés.
    Aujourd'hui comme hier, les communes bretonnes trouveront l'Etat à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE DE LA VILLE

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Josée Roig, pour le groupe UMP.
    Mme Marie-Josée Roig. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la ville.
    Depuis un peu plus de deux décennies, la crise urbaine et sociale persiste dans des quartiers qui concentrent des familles économiquement et socialement fragilisées, vivant dans un habitat, donc un cadre de vie, totalement dégradé.
    Face à cette situation, vous avez su tirer les leçons des politiques menées jusqu'à présent avec des fortunes diverses et vous avez agi pour que les crédits de votre ministère reflètent une priorité dans le cadre des orientations de l'action gouvernementale.
    Parallèlement, vous avez décidé un programme de rénovation urbaine, qui constitue d'ailleurs l'un des axes forts du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville qui a été examiné ce matin en conseil des ministres.
    Ce texte, qui traduit un effort vers plus de solidarité dans notre société, traite en profondeur les causes de la violence urbaine et s'inscrit dans la droite ligne des engagements présidentiels. Vous proposez notamment de modifier sur cinq ans les conditions d'habitat et d'environnement des personnes qui vivent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cette démarche est essentielle car, si l'on veut que la violence cesse dans les quartiers, il faut se préoccuper du cadre de vie. Il n'est pas d'éthique sans esthétique.
    Mais nous savons combien, en ce domaine, l'éparpillement des ressources financières au travers de multiples lignes de crédits a annulé quelquefois l'effet de levier escompté. Malgré cela, de nombreux maires se sont lancés, avec des fortunes diverses, dans des projets globaux de rénovation urbaine. Nous l'avons fait modestement en Avignon.
    M. le président. Madame Roig, pouvez-vous conclure ?
    Mme Marie-Josée Roig. Comment les mesures proposées par votre projet de loi permettront-elles de partir à la reconquête des quartiers en difficulté et de faire sortir définitivement leurs populations de cette spirale de l'exclusion économique, sociale et culturelle dans laquelle elles sont ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Madame la députée maire d'Avignon, il est vrai qu'un certain nombre de quartiers de notre pays connaissent un état de délabrement de l'habitat et des conditions de vie inacceptables. J'étais hier au congrès HLM. Nous sommes convenus que 600 000 logements sont dans un état inacceptable, mais, en plus les commerces et les équipements publics ont disparu de ces quartiers et l'environnement y est absolument détestable.
    C'est pour cette raison que, ce matin, le conseil des ministres m'a autorisé à déposer un projet de loi pour un programme de rénovation urbaine qui prévoit une intervention massive à tous les niveaux dans les quartiers prioritaires : écoles, crèches, équipements sportifs, culturels et habitat, environnement. Ainsi, 1 200 millions d'euros par an...
    M. Didier Migaud. Il faut au moins cela !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... seront-ils massivement affectés aux maires et aux organismes HLM pour régler définitivement les problèmes de ces quartiers.
    Les conditions de succès, vous les connaissez. Il faut une intervention massive, à tous les niveaux, mais ce n'est pas suffisant : il faut aussi des procédures simplifiées. La réponse est le guichet unique, une seule procédure pour tous les partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Il faut encore de la visibilité sur plusieurs semestres, et, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, le conseil des ministres m'a autorisé à présenter une loi de programmation sur cinq ans pour les villes, les quartiers et les banlieues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean Glavany. Elles ne sont jamais appliquées, les lois de programmation !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Enfin, pour réussir, il faut l'union sacrée. Cette agence qui est au service des maires, elle est en fait conçue, financée et pilotée par les partenaires sociaux, qui ont signé cette nuit même l'accord et le financement, par le monde HLM et par la Caisse des dépôts et consignations.
    En clair, c'est simple : les maires inventent - quatre-vingts d'entre eux l'ont déjà fait, nous attendons les autres - le quartier de leur rêve. Nous finançons ce qui manque.
    Un dernier mot sur les mesures d'accompagnement, car l'urbain n'est pas suffisant. Le conseil des ministres m'a autorisé à prévoir dans ce texte quarante et une nouvelles zones défiscalisées dans ces quartiers, afin d'y créer 80 000 à 100 000 emplois.
    Enfin, une deuxième chance sera offerte aux 650 000 familles qui n'en finissent plus d'être toujours en commission de surendettement, avec un reste à vivre de 2 500 francs, des allocations d'adulte handicapé et des indemnités de chômage saisies, voire des retraites préemptées.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Cette loi historique arrive à un moment où le Gouvernement vient en outre d'annoncer 5,5 % d'augmentation du SMIC. C'est vraiment une période de main tendue républicaine à nos compatriotes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratiefrançaise.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Paulette Guinchard-Kunstler.)

PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est reprise.

2

PUBLICATION DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

    Mme la présidente. Le jeudi 12 juin, M. le président a informé l'Assemblée nationale du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur les causes économiques et financières de la disparition d'Air Lib.
    M. le président n'a été saisi, dans le délai prévu à l'article 143, alinéa 3, du règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.
    En conséquence, celui-ci, imprimé sous le numéro 906, a été distribué.

3

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion,
après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898.)

Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente. Hier soir, l'Assemblée s'est arrêtée après l'adoption de l'article 3.

Après l'article 3

    Mme la présidente. M. Bocquet, Mme Buffet, Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 10817, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « I. - L'article 885 U du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « A compter de la loi n°                          du                          portant réforme des retraites, la cotisation découlant de l'application du tarif ci-dessus est majorée de 200 %.
    « II. - Les dispositions de l'article 885 V bis du même code ne sont pas applicables aux dispositions découlant de l'application du dernier alinéa de l'article 885 U.
    « III. - Le produit de la contribution découlant de l'application des dispositions du dernier alinéa de l'article 885 U du code général des impôts est affecté à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement tend à accroître les ressources de notre régime solidaire de retraites par répartition par un financement provenant - c'est toujours à l'ordre du jour - de la majoration de l'imposition sur les plus gros patrimoines.
    Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, j'espère que vous n'allez pas me répondre que cette augmentation de l'impôt sur la fortune ne suffira pas à financer la réforme. C'est, je le répète, un élément parmi d'autres. Ce n'est qu'une des propositions que nous avons faites et chiffrées : je rappelle en particulier que nous avons proposé que soient supprimées les exonérations non justifiées de cotisations patronales, qui coûtent plus de 112 milliards de francs. On peut aussi ranger dans ces propositions la création d'une vraie politique en faveur de l'emploi, puisque la création d'emplois nouveaux génère des ressources nouvelles ; nous proposons enfin une augmentation des salaires, qui apportera elle aussi des ressources nouvelles à notre système de protection sociale. Nous proposons enfin l'élargissement de l'assiette des cotisations.
    Ne répondez donc pas que cette mesure ne peut à elle seule financer la réforme. Dans la situation actuelle des comptes sociaux, on peut, on doit faire preuve d'imagination, en tenant compte des évolutions observables, tant dans la gestion des entreprises que dans la composition du revenu et du patrimoine des ménages, afin de découvrir l'ensemble des moyens nécessaires à une vraie réforme progressiste qui ne fasse pas payer pour l'essentiel les seuls salariés, lesquels selon votre projet, supportent 90 % du coût.
    C'est pourquoi cet amendement préconise une majoration sensible du produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, montrant par là même que des solutions adaptées peuvent être apportées, tant à court terme que dans la durée, au problème de financement de notre système de retraite par répartition.
    Détaillons la mesure que nous proposons. Il s'agit dans un premier temps de procéder, à partir du calcul de la cotisation d'ISF découlant de l'application du tarif fixé à l'article 885 U du code général des impôts, à une majoration de cotisation de 200 %, ce qui permettrait de dégager quelque 4920 millions d'euros de recettes nouvelles.
    Vous savez bien, et M. Brard l'a indiqué hier, que les grandes fortunes payent de moins en moins l'ISF, même s'il y a de plus en plus de contribuables, car toute une série d'exonérations font que la moitié environ des contribuables qui devraient y être soumis ne le payent pas.
    On observera que cette proposition permettrait de réduire d'autant le recours aux ressources extérieures prévues par la loi de financement de la sécurité sociale de 2003 en ce qui concerne l'assurance vieillesse. On notera que cette autorisation de souscription a été fixée à 12,5 milliards d'euros.
    Notre proposition permet de réduire à moyen et à long terme les charges de trésorerie découlant de la sollicitation de ces ressources.
    Nous pouvons également proposer d'alimenter par cette cotisation majorée d'ISF le Fonds de réserve des retraites, solution autrement plus pertinente que celle qui consiste à l'alimenter à coups de privatisations, en bradant des biens de la nation, comme c'est le cas aujourd'hui. Bien entendu, dans ce contexte, nous ne pouvons que préconiser que les principes de plafonnement aujourd'hui appliqués en vertu des dispositions de l'article 885 V bis du code général des impôts ne s'appliquent pas à cette cotisation majorée.
    Au terme de cette intervention, j'insisterai sur deux points.
    Premièrement, cet amendement revient à fiscaliser une partie du financement de la protection sociale. Que les choses soient dites : s'il est de la responsabilité de la nation d'assurer aux vieux travailleurs les moyens d'une retraite heureuse, il est logique, lorsque pèse le risque d'une crise de financement de la solidarité nationale, que la puissance publique trouve par elle-même les ressources pour y faire face.
    Deuxièmement, on a parlé du risque que ferait courir à l'économie le fait de majorer un impôt dit anti-économique. Sur ce point, posons-nous la question : l'ISF a-t-il été marqué par une dévalorisation globale des patrimoines imposables depuis qu'il a été mis en place ? La réponse est clairement négative. Dans les faits, il faut tenir compte du poids réel de cet impôt pour les ménages qui y sont assujettis. Mme Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    M. Jean-Marie Geveaux. Toujours la même référence !
    M. Yves Bur. C'est du harcèlement !
    M. Maxime Gremetz. ... qui est la plus grande fortune de France, en paie très peu. Rien ne justifie qu'on agite l'épouvantail de la fuite des cerveaux et des capitaux du fait de l'existence de l'ISF. C'est donc très clairement que nous vous proposons d'adopter cet amendement par scrutin public.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 10817.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission n'a pas retenu cet amendement. La somme obtenue par la multiplication par trois du produit de l'impôt sur la fortune ne couvrirait même pas 10 % des besoins de financement en 2020, en supposant que le reste soit toujours affecté au budget de l'Etat. Bien entendu, cette disposition aurait par ailleurs les effets que l'on sait sur l'investissement et les délocalisations, et, par conséquent, elle serait contre-productive pour l'économie et le montant des cotisations.
    Mme la présidente. Sur le vote de l'amendement n° 10817, je suis saisie par le groupe des député-é-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 10817.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Hier après-midi, Mme Billard nous proposait une taxe de 1 % sur l'impôt sur la fortune. M. Gremetz fait beaucoup plus fort : 200 % !
    M. Maxime Gremetz. Absolument : le produit en est trop faible aujourd'hui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il l'a dit lui-même, ces 200 % d'augmentation représentent un peu moins de 5 milliards d'euros, ce qui couvre 10 %, non pas des besoins de financement, mais des besoins de financement supplémentaires rendus nécessaires par la réforme des retraites que le groupe communiste a défendue. Cette ressource, monsieur Gremetz, n'est donc pas à la hauteur des enjeux.
    Mme Jacqueline Fraysse. Qui peut le plus, peut le moins !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais c'est surtout une ressource qui rompt avec la logique de la répartition. La répartition est alimentée par des cotisations. Les cotisations sont assises sur des salaires. C'est la philosophie de notre projet. Je sais que ce n'est pas la vôtre, et je demande qu'on rejette cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. MaximeGremetz.
    M. Maxime Gremetz. J'avais pourtant pris la précaution de dire à M. le ministre que ce n'était pas la peine de me répondre que cela ne suffirait pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si vous faites les questions et les réponses, ce n'est pas la peine que je réponde !
    M. Maxime Gremetz. Mais il répond quand même que ma proposition ne sera pas à la hauteur.
    M. Jean-Luc Warsmann. Il est libre de dire ce qu'il veut !
    M. Maxime Gremetz. J'entends bien que ce ne serait pas à la hauteur, puisque le coût des propositions que nous faisons pour une réforme juste et équitable s'élève à 50 milliards supplémentaires. Mais, comme je vous l'ai dit, monsieur le ministre, nous avons d'autres propositions que nous avons chiffrées, concernant notamment un élargissement de l'assiette des cotisations. C'est en effet un point qu'il faut éclaircir. Vous nous objectez que la répartition est fondée sur les cotisations. Nous ne disons pas autre chose. Mais l'assiette des cotisations ne cesse de se réduire, vous le savez bien. Et on peut ajouter que, lorsqu'on prévoit des exonérations de cotisations patronales, ce sont bien des cotisations que l'on détourne de la répartition : 116 milliards.
    M. François Goulard. C'est faux !
    M. Maxime Gremetz. C'est une réalité indiscutable.
    M. François Goulard. C'est à cause des 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. Vous le savez, je me réfère aux chiffres mêmes du ministère : 16,6 milliards d'euros, précisément.
    M. François Goulard. Il y a une solution, c'est la vente de muguet !
    M. Maxime Gremetz. Il y a là matière à recettes, d'autant que cet argent ne va pas à l'emploi, mais bien souvent à la spéculation, aux plans de licenciements, aux restructurations et autres délocalisations.
    Deuxièmement, nous proposons une modulation de la taxation, qui rapporterait 16 milliards d'euros de plus.
    Troisièmement, on ne taxe pas les revenus financiers, qui sont le produit du travail et des richesses créées. Il faut qu'ils cotisent. Nous ne proposons pas d'autres ressources : la richesse créée est l'assiette des cotisations, mais si l'assiette se vide, si on la laisse se vider, il n'y a plus de cotisations et on dit qu'il faut augmenter.
    Vous avez répondu que, avec nos propositions, il nous manquait quelques ressources : j'ajoute donc 4,5 milliards et je crois que le compte est bon, puisque cela fait précisément 56 milliards de ressources nouvelles.
    M. François Goulard. M. Gremetz est au pourcentage ?
    L'article 40 ne devrait pas nous frapper, puisque nous ne proposons pas de dépenser plus, mais d'engranger des recettes supplémentaires.
    Mme la présidente. Je dirais plutôt « s'appliquer » : je ne suis pas sûre que l'article 40 « frappe » beaucoup, monsieur Gremetz. (Sourires.)
    M. François Goulard. Il faudrait instaurer une taxe sur les grâces présidentielles : cela devrait rapporter !
    Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix l'amendement n° 10817.
    Le scrutin est ouvert.
    Mme la présidente. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   101
Nombre de suffrages exprimés   101
Majorité absolue   51
Pour l'adoption   16
Contre   85

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Bocquet, Mme Buffet, Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 10818, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « L'article L. 135-7 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « 11° Le produit de la contribution visée à l'article 885 U du code général des impôts majorée de 200 %. Les dispositions de l'article 885 V bis du même code ne sont pas applicables aux dispositions découlant de l'application du dernier alinéa de l'article 885 U. »
    Peut-on considérer que vous avez déjà défendu cet amendement, monsieur Gremetz ?
    M. Maxime Gremetz. Nous sommes ici pour défendre nos amendements, madame la présidente. Il n'y en a pas un qui ne sera pas défendu, c'est clair !
    M. François Goulard. Et ce n'est pas de l'obstruction !
    M. Francis Delattre. Tout a pourtant été dit et redit !
    Mme la présidente. C'est M. Gremetz qui a la parole, mes chers collègues.
    M. Maxime Gremetz. Il me semble que l'on fait des remarques désobligeantes !
    Mme la présidente. Défendez votre amendement, monsieur Gremetz : ce sera plus simple.
    M. Maxime Gremetz. Vous l'avez noté, madame la présidente, cet amendement porte sur le même sujet...
    M. Robert Lamy. On l'avait effectivement remarqué !
    M. Maxime Gremetz. ... et vise également à majorer l'impôt sur les grandes fortunes. Il manque de l'argent et on veut faire payer les salariés. Mais nous proposons une autre solution. Le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune, augmenté comme nous le proposons, serait affecté au fonds de réserve des retraites. Là, vous ne pourrez plus dire que le compte n'y est pas.
    L'abondement du fonds de réserve des retraites pose deux problèmes. Souvenez-vous, on nous avait dit qu'il serait alimenté par la vente des licences UMTS.
    M. Jean-Claude Lenoir. C'est Jospin qui avait dit ça ! Mais il n'y a rien !
    M. Maxime Gremetz. Oui, il n'y a rien. Nous ne voulons pas alimenter ce fonds de réserve des retraites, qui ne doit servir qu'à un lissage lors de périodes données, et non à financer les retraites. Nous refusons qu'il soit abondé par les privatisations, c'est-à-dire par la vente du patrimoine national, qui dépossède le pays de ses moyens technologiques, économiques et industriels : les bijoux ne se vendent qu'une fois.
    Nous proposons donc d'abonder ce fonds de réserve. Vous avez refusé notre première proposition, mais vous ne pouvez pas ne pas accepter celle-ci, qui permettra d'alimenter le fonds de réserve par une rentrée d'argent supplémentaire.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission n'a pas accepté cet amendement parce que, d'une part, elle entend préserver le régime par répartition et que, d'autre part, elle estime que la proposition faite n'est pas à la hauteur des besoins, comme je vais le démontrer.
    M. Hervé Novelli. En effet, ce n'est pas suffisant !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il est bien évident qu'une telle surtaxation entraînerait un effondrement du produit de l'impôt. De plus, si on multipliait le produit attendu par les dix-sept années qui nous séparent de 2020, on resterait encore loin de la somme hypothétique de 150 milliards d'euros...
    M. François Goulard. C'est trop timide, Maxime !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... prévue par M. Lionel Jospin dans son discours de mars 2000 afin de doter un fonds de réserve sorti de son imagination sans doute pour compenser son absence d'initiative en matière de retraites.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le rapporteur, ce n'est pas sérieux ! Répondez sur l'amendement, sinon nous ferons un rappel au règlement !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mes chers collègues, je réponds sur l'amendement et j'expose les raisons pour lesquelles la commission l'a rejeté.
    Et même si, en toute hypothèse, la somme de 150 milliards d'euros était atteinte en l'an 2020,...
    M. Pascal Terrasse. De 154 milliards !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... ce qui était l'objectif de M. Jospin, comme le besoin de financement sera alors d'environ 50 milliards d'euros par an, le fonds de réserve ne pourrait, en l'absence d'autre réforme, combler les déficits que pendant trois ans. Il ne s'agit donc que d'un fonds de lissage. Que fait-on avant ? Que fait-on après ? Rien n'est prévu. C'est pour cette raison que ce dispositif est sans intérêt.
    M. Richard Cazenave. Absolument ! C'est très clair !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. De surcroît, l'adoption d'un tel amendement plomberait gravement notre économie.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission : défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. Je l'annonce d'emblée : je voterai cet amendement,...
    M. Jean-Claude Lenoir. Quelle surprise !
    M. Alain Néri. ... et ce pour plusieurs raisons.
    La première, c'est qu'il permet de revenir sur la décision de baisser l'impôt sur la fortune, qui est totalement inéquitable. Il constitue donc une mesure de justice.
    La deuxième, c'est que nous nous sommes convaincus qu'une réforme des retraites est indispensable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Arnaud Montebourg. Mais pas celle-là !
    M. Richard Cazenave. Pourquoi ne l'avez-vous pas faite ?
    M. François Goulard. C'est l'hommage du vice à la vertu, monsieur Néri !
    Mme la présidente. Ecoutez M. Néri, mes chers collègues.
    M. Alain Néri. Mais vous, mesdames, messieurs de la majorité, vous ne faites pas une réforme des retraites, vous faites oeuvre de régression sociale ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Vous n'avez rien fait !
    M. Alain Néri. Nous avons, les uns les autres, formulé des propositions de financement.
    M. François Goulard. Surtout les uns !
    M. Alain Néri. Pour notre part, nous avons proposé de modifier l'assiette des cotisations sociales,...
    M. Richard Cazenave. L'assiette est vide !
    M. François Goulard. L'histoire ne repasse pas les plats !
    M. Alain Néri. ... et nous avons le courage et la lucidité de dire qu'il faut majorer les cotisations ouvrières.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais pas de le faire !
    Mme la présidente. Ecoutez M. Néri, mes chers collègues. Le débat avancera plus rapidement.
    M. Richard Cazenave. Mais c'est dur d'entendre de telles bêtises, madame la présidente !
    Mme la présidente. Monsieur Néri, continuez votre intervention.
    M. Alain Néri. Madame la présidente, je ne suis pas pressé.
    Mme Sylvia Bassot et M. Jean-Claude Lenoir. Nous non plus !
    M. Alain Néri. Bien que M. Lellouche ne soit pas là avec sa tortue, nous pouvons avancer d'un bon pas.
    M. Pascal Terrasse. D'ailleurs, où est M. Lellouche ?
    M. Arnaud Montebourg. L'homme de peluche !
    M. Alain Néri. Nous sommes convaincus, je le répète, qu'une réforme des retraites est indispensable, mais nous voulons que l'effort soit partagé - et c'est une troisième raison pour voter cet amendement. Or votre pseudo-réforme le fait peser sur les seuls salariés.
    M. Richard Cazenave. N'importe quoi !
    M. Alain Néri. C'est pourquoi nous préconisons aussi une augmentation des cotisations patronales.
    Mme Sylvia Bassot. Evidemment !
    M. Alain Néri. Nous avons même proposé hier de taxer la richesse produite. Je dis bien « la richesse produite », parce que, dans l'esprit de nos concitoyens, la notion de valeur ajoutée peut être sujette à ambiguïté, certains pensant à tort qu'il s'agit de la taxe sur la valeur ajoutée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler que c'est M. Juppé qui a augmenté la TVA de deux points ...
    M. Richard Cazenave. Pour combler vos déficits !
    M. François Goulard. Nous baissons les charges !
    M. Alain Néri. ... et que c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui l'a baissée d'un point et qui a mis en place une baisse ciblée de la TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation du bâtiment, à la grande satisfaction des entreprises du secteur et de l'UPA. J'ai même cru comprendre que la majorité actuelle oeuvrait pour conserver cette mesure.
    C'est pourquoi j'invite l'Assemblée nationale à voter cet amendement de M. Gremetz, premier pas vers un effort partagé.
    Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, alors que nous vous proposons de multiples ressources nouvelles, je crois que vous ne pouvez pas toujours vous en tirer en répétant qu'elles ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Si vous acceptiez l'amendement que je propose, ce serait 5 milliards de moins à payer pour les salariés. Ce serait une bonne oeuvre, même si cela ne permettrait pas de résoudre tous les problèmes.
    Pour ce qui est de l'impôt sur la fortune, j'ai fait preuve de curiosité et je vais vous livrer quelques chiffres que j'ai notés sur une fiche.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Une nouvelle fiche !
    M. François Goulard. Elle est sans doute tirée des archives de la Guépéou !
    M. Maxime Gremetz. Mais s'il y avait un diaporama, ce serait mieux.
    Le produit de l'ISF est passé de 2,66 milliards en 2001 à 2,51 milliards en 2002 et à 2,46 milliards en 2003. Cela signifie que, au fur et à mesure que les fortunes augmentent, le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune diminue.
    Mme Sylvia Bassot. Pas du tout, il augmente !
    M. Maxime Gremetz. Et la moitié de ceux qui devraient le payer ne le paient pas !
    M. Hervé Novelli. Le nombre des assujettis à l'ISF a doublé !
    M. Maxime Gremetz. Le produit de l'ISF diminue, alors que le nombre des assujettis est passé de 171 en 1994 à 27 114 en 2001.
    Je tiens tout de même à rappeler que c'est seulement à partir de 720 000 euros que l'on est taxé à l'ISF. Quant aux taux, ils sont dérisoires : 0,55 % entre 720 000 euros et 1,160 milliard d'euros ; 0,75 % entre 1,160 milliard d'euros ; et 2,3 milliards d'euros ; 1 % entre 2,3 milliards et 3,6 milliards !
    M. Alain Bocquet. Quel favoritisme !
    M. Maxime Gremetz. Pour ceux qui sont imposés à 1 %, 99 % de leur fortune ne sont pas touchés : les pauvres. Et ils ne pourraient pas, nous dit-on, faire un effort !
    Et quand la fortune est supérieure à 15 milliards, la taxation n'est que de 1,80 % seulement.
    M. Hervé Novelli. Ce sont des millions ! Pas des milliards !
    Mme la présidente. Laissez parler M. Gremetz, ce sera beaucoup plus simple.
    M. Jean-Luc Préel. Mais M. Gremetz se trompe, il s'agit de millions et non de milliards !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur Préel, vous devez parler en connaissance de cause car je suis persuadé que vous payez l'impôt de solidarité sur la fortune ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) En tout cas, moi, je ne le paie pas !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, ne vous en prenez pas à M. Préel.
    M. Maxime Gremetz. Mais, madame la présidente, c'est M. Préel qui m'interrompt. Pourquoi est-ce toujours moi qui prends ?
    Plusieurs députés de l'Union pour un mouvement populaire. C'est un scandale !
    M. Maxime Gremetz. Je me borne à faire une démonstration, à donner des chiffres ; pourquoi vous fâchez-vous mes chers collègues ?
    M. François Goulard. Parce que ces chiffres sont faux !
    Mme la présidente. Mes chers collègues, calmez-vous. Laissez M. Gremetz continuer, il a bientôt terminé !
    M. Maxime Gremetz. Alors que, d'habitude, un calme plat règne dans cet hémicycle - sauf peut-être après le repas du soir, où l'atmosphère est un peu plus animée -, dès que l'on parle de l'impôt sur les grandes fortunes, on n'arrive plus à tenir nos collègues de la majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est vrai que c'est un sujet qui fâche !
    M. André Gerin. Eh oui, ça fâche !
    M. Maxime Gremetz. Si vous demandez à ceux qui ont le moins de financer une réforme injuste et inéquitable, ne vous étonnez pas que 65 % des Français disent « non » à votre projet et « oui » à une réforme progressiste !
    M. Jean-Claude Lenoir. Il fallait la proposer avant !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10818.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. MM. Gorce, Terrasse, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 11173, ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « A la fin de l'article L. 132-12 du code du travail, insérer l'alinéa suivant :
    « Les organisations visées au premier alinéa se réunissent pour négocier tous les trois ans sur la prise en compte de la pénibilité des métiers de la branche professionnelle, sur la limitation des emplois pénibles et les conditions de sortie de ces emplois pour les salariés concernés. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Hier soir, nous avons longuement débattu de la nécessité d'inscrire ou non dans la loi la notion de pénibilité. Nous avons expliqué que, dans la mesure où vous retenez, pour répondre au défi démographique, la seule option de l'allongement de la durée de cotisation, les inégalités ne pouvaient que s'accentuer, et que c'est tout à l'honneur de la représentation nationale de prendre en compte les disparités existantes.
    Vous nous avez répondu que cette disposition n'était pas à inscrire dans la loi et que vous faisiez confiance aux partenaires sociaux. Toutefois, en cette matière, on ne peut pas s'en tenir aux déclarations d'intention. Il faut donc faire figurer dans la loi le mécanisme qui leur permettra de se saisir régulièrement de la question.
    Tel est l'objet de l'amendement n° 11173, qui concerne la négociation au niveau des branches. Nous souhaitons que les partenaires sociaux se réunissent tous les trois ans pour négocier, au niveau de chaque branche, afin non seulement d'identifier les emplois pénibles mais aussi de parvenir à en limiter le nombre par des mesures d'adaptation avec pour objectif de permettre aux salariés concernés de sortir de ces emplois pénibles. Il y a là un espace intéressant de négociation pour les partenaires sociaux, dans la mesure où, si le présent texte est voté, les salariés devront travailler beaucoup plus longtemps.
    Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, dès lors que vous n'avez pas voulu inscrire la notion de pénibilité dans la loi, que vous avez renvoyé à la négociation, il serait difficilement compréhensible que vous ne passiez pas de la parole aux actes en soutenant cet amendement qui permet la mise en oeuvre du principe de négociation au niveau des branches professionnelles.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, non seulement parce que celui-ci n'est pas placé au bon endroit dans le texte, mais aussi et surtout parce qu'il est en grande partie satisfait par les articles 12 et 54 - cela a déjà été indiqué à plusieurs reprises - et complété par plusieurs amendements, en particulier de Xavier Bertrand.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement a le même avis que celui de la commission : il est opposé à l'adoption de l'amendement. D'abord, cette question est en partie résolue par le texte. Ensuite, un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances tend à renforcer l'obligation de négocier. Bref, cette question sera débattue à l'article 16.
    Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Contre l'amendement, nous recommençons le débat que nous avons eu hier soir sur la notion de pénibilité.
    C'est vrai, la notion de pénibilité doit être inscrite dans la loi, mais elle l'est aux articles 12, 16 et 54. Hier, parmi les très nombreux intervenants, seule Mme Catherine Génisson l'a reconnu.
    Mme Martine David. Ce n'est pas ce qu'elle a dit !
    M. Denis Jacquat. Votre reproche n'est donc pas fondé.
    L'article 3 ne concerne que l'équité entre les monopensionnés et les pluripensionnés, et rien d'autre. A part aux Pays-Bas - et encore est-ce par le biais de l'invalidité -, aucun pays n'a inscrit la notion de pénibilité dans la loi, du fait de la difficulté de trouver des critères objectifs pour la définir. Le Gouvernement propose que la notion de pénibilité soit discutée avec les partenaires sociaux. Je souhaiterais donc que l'opposition nationale reconnaisse que, avec trois articles du texte consacrés à la pénibilité, notre pays sera à l'avant-garde en la matière. Ce sera une première mondiale.
    La France nous regarde, cessons de faire du sur-place, car c'est indigne de la représentation nationale.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Richard Cazenave. Ce n'est pas du sur-place, c'est de la marche arrière !
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. J'ai écouté les explications embarrassées de notre rapporteur (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), les rares éclaircissements du ministre et l'explication plus que confuse de M. Jacquat. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vous qui êtes confus !
    Mme la présidente. Monsieur Néri, venez-en au fait, ça sera plus simple.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vous ne pouvez pas laisser M. Néri dire cela, madame la présidente. C'est une insulte !
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Néri.
    M. Alain Néri. Tout à l'heure, on nous parlait de pédagogie, mais chacun devrait savoir que l'on ne peut comprendre que lorsqu'on écoute dans le calme !
    La situation est bien embarrassante pour la majorité : M. le rapporteur nous dit que la notion de pénibilité est inscrite à l'article 12 du projet de loi, alors que M. le ministre nous indique, lui, que c'est à l'article 16 et que M. Jacquat parle des articles 12, 16 et 54 !
    M. Paul-Henri Cugnenc. Voilà un exposé confus !
    M. Alain Néri. Nous vous demandons simplement d'adopter cet amendement de clarification qui permettra à tout le monde de comprendre que l'Assemblée nationale reconnaît que la pénibilité est un critère important...
    M. Denis Jacquat. Oui !
    M. Alain Néri. ... pour déterminer les conditions de la retraite et qu'elle a la volonté de prendre en compte l'amélioration des conditions de travail.
    M. Denis Jacquat. Oui !
    M. Alain Néri. En effet, l'amendement proposé par MM. Gorce, Terrasse, Le Garrec et les membres du groupe socialiste est un amendement de progrès social et d'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise.
    L'expérience démontre qu'il ne faut pas s'en tenir aux bonnes intentions. C'est donc dans l'intérêt des salariés,...
    M. Marcel Bonnot. Vous n'en avez pas le monopole !
    M. Alain Néri. ... que nous demandons que la notion de pénibilité soit inscrite dans la loi. Notre amendement est un amendement de bon sens,...
    M. Denis Jacquat. C'est surtout un amendement de ralentissement du débat !
    M. Alain Néri. ... qui prend en compte la réalité du terrain, de la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos concitoyennes, et qui vise à faire en sorte que la négociation par branche avec les partenaires sociaux soit effective.
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur Néri, vous vous êtes déjà longuement exprimé sur ce sujet, que ce soit en commission ou dans cet hémicycle depuis une semaine. Pour que l'image de l'Assemblée gagne en crédibilité, évitez de provoquer vos collègues, évitez les procès d'intention, évitez la mauvaise foi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Depuis maintenant une dizaine de jours, le rapporteur comme le ministre se réfèrent à Michel Rocard.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il s'est encore exprimé dans la presse aujourd'hui !
    M. Pascal Terrasse. Lisons donc attentivement la leçon qu'il donne aujourd'hui au Gouvernement dans Le Monde. Il a raison lorsqu'il dit : « Cette négociation aurait dû être d'autant plus longue et délicate qu'elle comportait...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il en a remis une couche, là !
    M. Pascal Terrasse. Vous avez l'habitude de lire des articles de presse et je reviendrai sur ce que vous avez dit hier à propos de Claude Evin pour démontrer que vos affirmations sont complètement erronées. Je crois d'ailleurs que Claude Evin viendra s'en expliquer devant vous. Soyons un peu sérieux et ne déformons pas la réalité !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Alors, êtes-vous molletiste ou brutal ?
    M. Pascal Terrasse. Michel Rocard le dit lui-même, la pénibilité aurait dû être prise en compte dans cette réforme. C'est l'un des points sur lesquels nous avons insisté ces dernières semaines, et c'est d'ailleurs l'un des quatre points forts développés par François Hollande dans ses propositions. Et sur ce point, vous avez tout faux. Vous vous justifiez en disant qu'aucun autre pays européen n'a pris en compte la pénibilité. L'histoire de notre république sociale, faite d'innovations, d'expérimentations,...
    M. Hervé Novelli. De scléroses !
    M. Pascal Terrasse. ... ferait donc que nous serions maintenant à la remorque des autres pays européens en la matière ! Je suis d'ailleurs très étonné de la position de M. Fillon. En effet, je l'ai entendu dans d'autres débats, s'agissant notamment du traité de Maastricht, sur la république sociale et sa composante, et il me semblait avoir, pour notre République, une exigence plus forte. Je croyais qu'il ne se contentait pas de regarder ce qui se faisait à l'extérieur de nos frontières et qu'il se fondait sur ce qui avait fait notre histoire. Or tel n'est pas le cas : manque d'audace, manque d'innovation ! Je voudrais dire à nos collègues de la majorité que je serais prêt à voter ce texte de loi s'ils me prouvaient que le terme « pénibilité » y apparaît plus de deux fois. Il n'y figure qu'une fois, j'en prends le pari devant vous !
    Mme Martine Billard. Dans le texte d'origine !
    M. Pascal Terrasse. Bien sûr ! Ce terme n'apparaît qu'une fois, à l'article 12. Et que dit l'article 12 ? C'est là qu'il y a une divergence profonde sur la notion de pénibilité. L'alinéa IV de l'article 12 prévoit que cette pénibilité pourrait permettre à certains salariés de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite. On pourrait ainsi, après la négociation, permettre à certains salariés de quitter progressivement leur activité professionnelle. Nous pensons quant à nous, et nous souhaiterions être entendus sur ce point, qu'en raison de la pénibilité de leur travail, certaines catégories professionnelles devraient pouvoir bénéficier de bonifications. Mme la présidente avait raison, hier, dans cet hémicycle,...
    Mme la présidente. Cet après-midi, je suis présidente : laissez-moi dans ce rôle !
    M. Pascal Terrasse. Je vous prie de bien vouloir m'excuser, madame la présidente ! Il est vrai que vous présidez très bien. Une certaine députée, donc Mme Paulette Guinchard-Kunstler, (Sourires) ma collègue du Doubs, a eu raison d'évoquer hier l'idée selon laquelle on pourrait permettre aux infirmières, qui travaillent la nuit, de bénéficier d'un trimestre supplémentaire tous les cinq ans. Pour les chauffeurs de bus, par exemple, qui se lèvent tôt le matin pour transporter des enfants, ne pourrait-on aussi imaginer une bonification ? D'ailleurs, vous-mêmes admettez une certaine forme de pénibilité dans certains articles. Je pense notamment aux enseignants, auxquels vous permettez de quitter leur activité professionnelle à un certain âge. Pourquoi le faites-vous pour certaines catégories sociales et pas pour d'autres ?
    Enfin, et ce sera ma conclusion sur cette notion de pénibilité : oui, nous souhaitons que s'ouvrent de véritables négociations permettant des bonifications trimestrielles pour certaines catégories professionnelles. Ce qui est bon pour les militaires, monsieur le ministre, doit être bon pour tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pardonnez-moi, madame la présidente, de ralentir le cours de nos débats en reprenant la parole, mais la question de la pénibilité est suffisamment importante pour que je répète certaines choses. Ce texte contient une véritable innovation sociale. En effet, pour la première fois dans un texte de loi, nous invitons les partenaires sociaux à engager une négociation sur la pénibilité dans les branches ou au plan interprofessionnel, selon le souhait qui sera le leur.
    M. Richard Cazenave. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est vrai qu'aucun autre pays européen ne s'est aventuré sur ce terrain,...
    M. Bernard Roman. Pourquoi ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... parce qu'il est extrêmement délicat, chacun le sait bien. Vouloir légiférer sur la pénibilité, c'est vouloir fixer d'en haut, et pour une longue durée, la liste des métiers dits pénibles.
    M. Richard Cazenave. C'est ridicule !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je pourrais commencer l'exercice dans cet hémicycle : le travail des personnels du compte rendu analytique est-il plus pénible...
    M. Pascal Terrasse. Oui, c'est pénible !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... que celui des membres du compte rendu intégral ? (Sourires.)
    Vous savez bien que cette question ne peut pas être abordée directement au niveau législatif.
    M. Richard Cazenave. Bien sûr !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faut qu'elle soit traitée par les partenaires sociaux.
    L'autre raison qui justifie que ce soient les partenaires sociaux qui prennent en compte cette pénibilité, c'est que notre objectif ne doit pas être de faire payer par l'ensemble de ceux qui cotisent au système de retraite le fait qu'il y a des industries ou des entreprises qui maintiennent des métiers pénibles, alors même que ceux-ci pourraient être modernisés.
    M. Richard Cazenave. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faut que les branches professionnelles, les entreprises, aient financièrement intérêt à supprimer les métiers pénibles, ou du moins à en réduire la pénibilité. Pour cela, il faut mettre en place, à l'intérieur des branches, un système de mutualisation qui les y incite.
    M. Richard Cazenave. C'est évident !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si nous avons proposé le recours à la négociation sur la question de la pénibilité, ce n'est pas pour évacuer une question difficile ; c'est parce que c'était conforme à l'avis unanime des partenaires sociaux.
    M. Richard Cazenave. Absolument !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dès lors, le seul débat qui subsiste, si l'on veut bien reconnaître le poids de ces arguments, c'est la question de savoir s'il faut inscrire dans la loi un délai pour cette négociation sur la pénibilité. Or le rapporteur de la commission des finances propose justement un amendement qui vise à introduire un tel délai et qui sera débattu à l'article 16. Sur le fond, votre amendement est donc globalement satisfait. Sur la forme, c'est à l'article 16 que nous aurons ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Cazenave. On pourrait passer tout de suite à l'article 16 !
    M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, je demande la parole !
    Mme la présidente. Ce n'est pas possible sur l'amendement, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Alors, pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. Vous avez la parole.
    M. Maxime Gremetz. A quoi ça sert, puisque le résultat est le même ?
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, il y a un règlement et il faut l'appliquer !
    M. Maxime Gremetz. Mais c'est comme pour l'utilisation du tampon. Comme disait M. Lefort hier, on peut avoir le poing lourd ou le poing léger !
    Monsieur le ministre, je voudrais vous poser une question. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. Quand un rappel au règlement n'est pas fondé, on peut retirer la parole à l'orateur !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Hors sujet !
    M. Robert Lamy. On rêve, madame la présidente !
    M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    Mme la présidente. Monsieur Lellouche !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur Lellouche, il n'est pas prévu par le règlement que vous disiez n'importe quoi dans l'hémicycle ! Nous parlons de choses sérieuses !
    Mme la présidente. Monsieur Lellouche, j'ai rappelé au respect du règlement !
    M. Pierre Lellouche. Mais vous ne l'appliquez pas !
    Mme la présidente. M. le ministre a repris la parole. M. Gremetz va lui répondre et nous passerons ensuite au vote sur l'amendement.
    M. Maxime Gremetz. J'ai une question à poser sur les préretraites pour les personnes ayant été en contact avec l'amiante.
    M. Richard Cazenave. Cela n'a rien à voir avec le débat !
    M. Maxime Gremetz. Comment, cela n'a rien à voir ? Je voudrais être rassuré. Je ne voudrais pas que l'on me dise, lorsque nous discuterons de la loi de financement de la sécurité sociale, que cette question concernait le projet sur les retraites. Je veux avoir des garanties dans ce domaine.
    Par ailleurs, vous dites que l'on ne peut pas, que l'on ne doit pas légiférer sur les travaux pénibles, mais c'est pourtant ce que vous faites ! Je vous conseille à cet égard la lecture du Parisien de ce matin, qui est remarquable. (« Ah oui ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Francis Delattre. Il est mieux vu que L'Humanité ! Le Parisien ne licencie pas, lui !
    M. Maxime Gremetz. Je ne cite pas L'Humanité, vous voyez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Parisien, donc, est remarquable parce qu'il donne une bonne traduction de ce qui se passera une fois cette réforme votée. Il prend l'exemple d'un ouvrier de maintenance. Qui dit ouvrier de maintenance dit travaux pénibles, sales.
    M. Jean-Marie Geveaux. L'informatique, c'est aussi de la maintenance !
    M. Maxime Gremetz. On pourrait même parler d'un technicien de surface, parce qu'il n'y a plus d'OS, maintenant ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La démonstration est la suivante. Le salaire actuel de cet ouvrier est de 1 067 euros. Il travaille depuis l'âge de vingt et un ans, et a connu deux ans de chômage, à quarante-six et quarante-sept ans, sans compter deux ans sous-rémunérés. Il s'arrête en 2031, à soixante-trois ans, et touche une pension de base de 718 euros plus la complémentaire. Voilà ce qui se passerait sans la réforme Fillon. Avec la réforme Fillon, s'il ne veut pas travailler plus longtemps, au-delà de soixante-trois ans ; sa pension de base sera inférieure de 14 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous trouvez cela juste, vous ? (Mêmes mouvements.)
    M. Hervé Novelli. Et vous, quand vous arrêtez-vous ?
    M. Maxime Gremetz. Donc, cela signifie que malgré une tâche pénible, s'il veut maintenir le niveau de sa retraite, il devra travailler jusqu'à soixante-cinq ans !
    M. Bernard Roman. Il sera mort avant d'en profiter !
    M. Maxime Gremetz. Comme quoi il faut prendre en compte dans la loi la pénibilité du travail.
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. C'est ce qu'a dit Rocard !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11173.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. MM. Gorce, Terrasse, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 11174, ainsi rédigé :
    « Après le deuxième alinéa de l'article L. 132-27 du code du travail insérer l'alinéa suivant :
    « Dans les entreprises visées au premier alinéa, l'employeur est également tenu d'engager chaque année une négociation sur la limitation des emplois pénibles et les conditions de sortie de ces emplois. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Sur la question de la pénibilité,...
    M. Francis Delattre. On commence à comprendre ce que c'est !
    M. Alain Vidalies. ... comme sur celle de la bonification, nous avons, monsieur le ministre, des divergences importantes.
    M. Pascal Terrasse. M. Lellouche est là ! Bonjour, monsieur Lellouche !
    Mme la présidente. Monsieur Terrasse, laissez M. Vidalies s'exprimer !
    M. Alain Vidalies. Si M. Terrasse m'interrompt ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je pourrais faire un rappel au règlement, mais si M. Lellouche veut contribuer au débat sur le fond, je n'y vois aucun inconvénient, madame la présidente !
    M. Pierre Lellouche. Le fond, vous n'en parlez pas, et depuis des semaines !
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, dans ce débat, il est des questions sur lesquelles notre appréciation diverge fondamentalement. Toutefois, votre réponse à l'amendement précédent contenait un élément très intéressant, et assez nouveau d'ailleurs, sur lequel nous pourrions nous interroger collectivement. Vous avez dit en effet que la négociation que nous appelons de nos voeux ne devait pas se contenter de prendre acte une fois pour toutes qu'il y a des métiers pénibles, mais qu'elle devait avoir pour objectif de limiter les emplois pénibles dans les branches professionnelles. Or c'était précisément l'une des propositions contenues dans l'amendement n° 11173, contre lequel vous vous êtes prononcé ! Et je ne crois pas qu'une telle proposition figure dans les amendements auxquels vous avez fait référence à d'autres articles. Vous nous dites que c'est à la négociation de définir la pénibilité et nous en sommes bien d'accord. Il se trouve que le code du travail définit les conditions de la négociation au niveau de la branche, puis au niveau de l'entreprise, sur les salaires et les conditions de travail. Inscrivons donc dans la loi, pour ne pas avoir à y revenir demain, que ces négociations, que personne ne veut remettre en question, ni vous ni nous, devront aussi porter sur la pénibilité. Vous avez refusé que ce soit le cas au niveau de la branche. Cet amendement vise à ce que la négociation annuelle dans l'entreprise porte également sur la limitation des emplois pénibles - vous avez vous-même spontanément utilisé cet argument - et sur les conditions de sortie de ces emplois, étant bien entendu que la définition de la pénibilité, qui relève de la compétence du législateur, monsieur le ministre, et là il y a peut-être une différence entre nous, car nous souhaitons que la négociation ait lieu au niveau de la branche. En effet, si cette précision n'est pas dans le texte et si la négociation sur la pénibilité doit avoir lieu uniquement au niveau de l'entreprise, alors le remède sera pire que le mal, car elle deviendra un enjeu pour la compétitivité entre les entreprises et rien ne se fera. Nous pourrions donc, aujourd'hui, lancer un signal fort aux partenaires sociaux en fixant la règle du jeu, en indiquant que la pénibilité sera définie au niveau de la branche et que la mise en application de ce qui aura été décidé à ce niveau, s'agissant notamment de la limitation des emplois pénibles et des conditions de sortie de ces emplois, fera partie de la négociation annuelle au niveau de l'entreprise. Je ne crois pas que nous empiéterions ce faisant sur le terrain des partenaires sociaux. Au contraire, non seulement on les inciterait à la négociation, mais en plus on leur fixerait une règle cohérente avec le reste de notre code du travail.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission n'a pas accepté cet amendement pour des raisons qui ont déjà été développées à plusieurs reprises : injonction aux partenaires sociaux, prise en compte de la pénibilité. Par ailleurs, aux articles concernés par la pénibilité, qui est dûment inscrite dans le texte, un intéressant débat aura lieu et des enrichissements prévus par des amendements réalistes viendront en discussion le moment venu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je confirme à M. Vidalies qu'un amendement du rapporteur, renvoyant à des négociations de branche, sera discuté après l'article 16.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11174.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. MM. Gorce, Terrasse, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 11176, ainsi rédigé :
    « Après le deuxième alinéa de l'article L. 132-27 du code du travail insérer l'alinéa suivant :
    « Dans les entreprises visées au premier alinéa, l'employeur est également tenu d'engager chaque année une négociation sur les actions de formation à intégrer dans le cadre du plan de formation du personnel de l'entreprise permettant le maintien dans l'emploi des salariés âgés de l'entreprise. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de majoration de la participation au financement de la formation professionnelle continue prévue à l'article L. 951-1 du code du travail pour l'employeur qui n'aurait pas engagé une telle négociation. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement est la déclinaison du même processus avec, cette fois, des précisions relatives aux actions de formation. Comme vous le savez, ces actions sont définies dans le cadre d'un processus de négociation déjà prévu par le code du travail, et il s'agit de prendre en compte, dans ce processus, l'objectif du maintien de l'emploi des salariés de l'entreprise.
    Comme précédemment, monsieur le ministre, vous pouvez, sur la question des salariés âgés, mesurer nos inquiétudes aux réactions des principaux intéressés, et notamment du MEDEF, par rapport aux objectifs que vous vous êtes fixés. On peut en effet constater que s'exerce aujourd'hui sur vous, au moment où la représentation nationale débat, une sorte de chantage. Alors que vous demandez aux entreprises de cesser de licencier les salariés de plus de cinquante ans, et que, sans prévoir un dispositif particulier, vous les invitez à une négociation sur ces questions, les réactions exprimées ces dernières heures par le président du MEDEF reviennent à vous dire que les entreprises feront l'effort nécessaire à la condition - excusez du peu ! - que vous acceptiez de revenir sur le passage de soixante à soixante-cinq ans du moment à partir duquel l'employeur peut licencier quelqu'un au simple motif qu'il a atteint l'âge de la retraite.
    Nous sommes très vigilants sur cette question car il est évident que toute modification de votre texte d'origine, à un moment ou à un autre du débat, se solderait non seulement par un nouveau recul social, mais aussi par l'anéantissement du dispositif de la surcote. Nous nous trouverions dans la situation extraordinaire où la surcote serait à l'initiative de l'employeur, qui déciderait de garder, ou non, les salariés qui ont dépassé l'âge de la retraite, c'est-à-dire l'âge de soixante ans qui figure aujourd'hui dans le code du travail.
    Se pose donc un problème majeur auquel le groupe socialiste est très attentif.
    Pour ce qui est de la question de la formation professionnelle, je rappelle que vous-même tout à l'heure, monsieur le ministre, avez repris l'idée qu'il faudrait, pour les emplois pénibles, parvenir à des résultats par branche.
    Quant à l'objectif de mettre en place des actions de formation pour le maintien des salariés âgés, nous suggérons qu'un mécanisme de sanction soit prévu par la loi pour les entreprises qui ne feraient pas cet effort. Nul ne contestera qu'il est juste, dès lors que cet objectif est affirmé par le législateur, que l'on puisse distinguer ceux qui répondront à cette attente de ceux qui ignoreront la nécessité de conserver les salariés plus âgés, et, sur cette base, appliquer la majoration telle qu'elle est prévue par notre amendement.
     Sur ce point encore, je comprendrais difficilement que le mécanisme que nous proposons ne puisse pas être retenu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission n'a pas accepté cet amendement. C'est une question qui relève du droit du travail. Par ailleurs, en matière de formation professionnelle, le Gouvernement a déjà fait savoir qu'il avait d'importants projets, qui seront soumis au Parlement.
    En outre, le texte contient un certain nombre d'engagements sur le maintien des seniors dans l'emploi. Ces mesures prévoient naturellement de mettre l'accent sur la formation continue qui, de surcroît, relèvera en grande partie de la négociation.
    Pour toutes ces raisons, rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'amendement qui vient d'être présenté témoigne de la conception de la négociation sociale qui est celle de certains à gauche : on commence par voter des sanctions, avant même que la négociation sociale ne soit engagée ! Notre conception est différente : nous demandons aux partenaires sociaux de nous faire des propositions sur ce sujet.
    L'article 5 prévoit par ailleurs un mécanisme extrêmement dissuasif puisque, on va le voir dans un instant, l'allongement de la durée de cotisation n'est pas automatique. Elle suppose qu'en 2008 les pratiques des entreprises en matière de maintien des salariés âgés au travail auront évolué de manière positive. Nous avons donc là une monnaie d'échange, un moyen de stimuler la négociation sociale que je crois extrêmement efficace. C'est pourquoi je demande à l'Assemblée de ne pas aller plus loin et de ne pas fixer des pénalités avant même que la négociation ait eu lieu.
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. Nous abordons, avec cet amendement, un sujet de fond. Et je constate que vous ne nous dites pas que cet amendement n'est pas bon.
    M. Richard Cazenave. Si !
    M. Alain Néri. Plus généralement, vous nous dites que, sur le fond, nos amendements ne sont pas si mal et que vous seriez même d'accord mais que ce n'est pas le texte où il faut introduire ce type de disposition.
    On ne va pas se battre pour un emplacement : si c'est vraiment un bon amendement, il faut lui donner suite.
    M. Richard Cazenave. Bla-bla !
    M. Alain Néri. D'autant plus que le problème soulevé, celui de la formation professionnelle, est important. Nous avons manifesté les uns et les autres la volonté de mettre en place une formation initiale de qualité, sans laquelle il ne peut pas y avoir de formation continue efficace, solide, sérieuse tout au long de la vie active.
    M. Richard Cazenave. Il faudrait que nous fassions tout ce que vous n'avez pas fait !
    M. Alain Néri. Il s'agit, d'une part, de répondre aux besoins de l'économie et, d'autre part, de donner toute sa place dans l'entreprise au salarié qui bénéficie de la formation continue. Et l'on remarque malheureusement que souvent ceux qui ont eu une formation initiale moins longue et de moindre qualité bénéficient de la formation continue la plus modeste.
    M. Richard Cazenave. C'est évident !
    M. Alain Néri. Vous nous dites que vous êtes d'accord pour faire en sorte que les salariés ne soient pas licenciés au-delà de cinquante ans. Mais s'ils sont fatigués, usés par les travaux pénibles qu'ils ont assurés tout au long de leur carrière, il faut bien leur trouver un autre emploi dans l'entreprise. La seule façon d'y parvenir, c'est de dispenser une formation continue aux salariés, y compris ceux qui ont cinquante ans.
    Nous ne disons rien de désagréable pour les entreprises. Nous voulons les aider à utiliser la compétence et le savoir-faire de ces travailleurs qui ont une longue expérience, malgré des capacités d'activité un peu réduites. Il faut leur donner toute leur place dans l'entreprise. Faisons-le ensemble !
    Si nous avons déposé cet amendement et si nous avons la volonté de maintenir les salariés âgés dans l'entreprise au-delà de cinquante ans, par le biais de la formation continue, c'est parce que nous ne sommes pas rassurés - c'est une litote - par les déclarations de M. Seillière. Monsieur le ministre, vous nous parlez de négociation, mais M. Seillière n'en veut pas ! Pour lui, c'est : « soixante-cinq ans, à la porte si je le décide ! » Nous ne pouvons accepter ce genre de diktat.
    Voilà pourquoi nous souhaitons affirmer dans la loi qu'à travers la formation continue on assure la présence prolongée des salariés dans l'entreprise au-delà de cinquante ans. Ensuite, par branche, et par le biais de la négociation avec les partenaires sociaux, il faudra mettre en place les conditions du maintien dans l'entreprise de ceux qui y ont consacré la plus grande partie de leur vie.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11176.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. MM. Gorce, Terrasse, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 11175, ainsi libellé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Après le septième alinéa de l'article L. 933-2 du code du travail insérer un nouvel alinéa 5° bis ainsi rédigé :
    « 5° bis Les actions de formation à mettre en oeuvre en vue de favoriser l'évolution professionnelle des salariés afin d'assurer leur carrière professionnelle dans l'emploi au-delà de l'âge de cinquante ans. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à inscrire le principe de la négociation pour le maintien des salariés âgés de plus de cinquante ans dans un dispositif qui existe déjà dans le code du travail s'agissant de la négociation au niveau de la branche.
    La dernière phrase de l'amendement précédent déposé par le groupe socialiste était ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de majoration de la participation au financement de la formation professionnelle continue pour l'employeur qui n'aurait pas engagé une telle négociation. » Monsieur le ministre, vous en avez conclu que les terribles socialistes archaïques voulaient décider du contenu de la sanction avant la négociation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Goulard. Bien vu !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je n'ai jamais dit cela !
    M. Alain Vidalies. Or, quelques instants auparavant, à propos de la pénibilité, vous avez dit vous-même spontanément que certains feraient un effort et pas d'autres, et qu'il faudrait imaginer un mécanisme, au niveau de la branche, prenant en compte les résultats des uns et des autres.
    Monsieur le ministre, c'est exactement la même chose ! Dans la mesure où ces amendements ne sont pas par nature conflictuels, ne vaudrait-il pas mieux considérer que vous avez décidé une fois pour toutes, même quand il s'agit d'amendements qui ne supposent pas une opposition frontale, de refuser, ainsi que votre majorité, toutes les propositions du groupe socialiste ? Notez que cela éclaire d'un autre jour les commentaires qui sont faits sur les conditions de notre débat.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Michel Vergnier. Aurait-elle changé d'avis ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui comporte une injonction avec obligation de négocier. On croyait que l'opposition avait tiré quelques leçons de l'expérience des 35 heures obligatoires, leçons d'ailleurs résumées hier par Dominique Strauss-Kahn lui-même. On voit qu'il n'en est rien.
    Mme la présidente. La parole est à M. MaximeGremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je souhaite soutenir cet amendement car la réponse, je peux vous la montrer, monsieur le rapporteur : elle est là !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Encore une fiche ?
    M. Maxime Gremetz. Oui. Il s'agit d'un document émanant du ministère et qui démontre, chiffres à l'appui, que la formation va aux mieux formés.
    M. François Goulard. C'est tiré de Pif le chien ?
    M. Maxime Gremetz. « Plus le niveau de diplôme de formation initiale est élevé, plus la probabilité d'accéder à la formation continue augmente. Ce sont les salariés les moins qualifiés, donc a priori ceux qui en ont le plus besoin, qui y accèdent le moins. 18 % seulement des salariés sans diplôme ont bénéficié d'une formation entre janvier 1999 et février 2000. »
    Peut-on continuer ainsi ? S'il n'y a pas d'obligation de formation, ce sont les plus formés qui bénéficieront de la formation, et non pas ceux qui en ont le plus besoin.
    La formation, pourtant, c'est un investissement : elle permet au salarié de développer ses capacités, de les mettre au service de l'entreprise et de produire mieux et plus efficacement.
    Voilà pourquoi je soutiens cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à Mme MartineBillard.
    Mme Martine Billard. Le rapporteur et le ministre nous disent qu'il faut faire confiance à la négociation. Or, en matière de formation professionnelle, il y a un problème : dans les entreprises où il y en a, les comités d'entreprise sont informés du plan de formation, mais ils ne sont qu'informés. Si le plan n'apporte pas grand-chose aux salariés, par exemple s'il est concentré uniquement sur les cadres ou sur certaines tranches d'âge, le comité d'entreprise n'a pas la possibilité d'obtenir la réouverture des négociations.
    Il faudrait donc réfléchir sur la façon dont les plans de formation sont conçus dans les entreprises. Aujourd'hui, ils ne sont pas efficaces et ne permettent pas de faire évoluer, la place des salariés - par exemple, les plus âgés - dans les entreprises. Il y a un vrai problème, qu'on ne saurait écarter d'un revers de la main, en le renvoyant à la négociation. Aujourd'hui, on voit les limites de la négociation.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame Billard, on en voit tellement les limites qu'en ce moment même une négociation s'est engagée, à l'initiative du Gouvernement, entre les partenaires sociaux. Elle débouchera à l'automne sur un projet de loi qui vous sera soumis.
    L'objectif que nous avons fixé aux partenaires est la mise en place d'une nouvelle organisation de la formation professionnelle, qui permette à chaque Français de disposer d'un compte individuel de formation professionnelle. Ainsi, la formation ne serait plus simplement décidée par l'entreprise en fonction de ses besoins ; elle pourrait aussi correspondre aux besoins du salarié et à ses projets d'évolution de carrière ; elle pourrait bénéficier aux salariés des petites entreprises comme des grandes, alors qu'aujourd'hui elle est prioritairement accessible à ceux des grandes entreprises.
    Il me semble donc un peu surréaliste, au moment même où les partenaires sociaux avancent dans une discussion extrêmement positive et qui va déboucher à l'automne sur un projet de loi, de vouloir leur mettre le revolver sur la tempe (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en leur annonçant que nous allons sanctionner les entreprises qui ne feront pas les efforts de formation suffisants.
    Je ne dis pas : « Faisons confiance aux entreprises ». Je dis : « Attendons que les partenaires sociaux aient conclu leurs négociations ! ». Il sera toujours temps de prendre les décisions nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Maxime Gremetz. Ça fait longtemps que ça dure !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11175.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Mme Billard, M. Yves Cocher et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 3140, ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Tout salarié dépendant du régime général et des régimes assimilés a le droit de percevoir une retraite complémentaire. Chaque régime est chargé de mettre en oeuvre cette disposition, y compris pour les salariés employés dans le cadre de contrats aidés par l'Etat. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Cet amendement a pour objectif de traiter d'un statut très concret : celui des personnes en contrat emploi-solidarité.
    A l'occasion de cette réforme, monsieur le ministre, vous avez beaucoup parlé d'équité. Vous ne pourrez donc qu'accepter de faire évoluer la situation de ces dizaines de milliers de salariés.
    Le contrat emploi-solidarité est considéré, pour le bénéficiaire, comme un contrat de travail à part entière. Il a une durée hebdomadaire de vingt heures. C'est un contrat à durée limitée de 3 à 12 mois. Mais le CES a comme particularité juridique - et c'est le seul - de ne pas ouvrir droit à l'affiliation à un régime de retraite complémentaire. Les personnes qui auront bénéficié d'un ou plusieurs CES dans leur vie toucheront bien une retraite de base calculée sur le montant payé au cours de ces contrats, mais elles n'auront pas de retraite complémentaire. Or tout le monde - en dehors de la fonction publique - a droit soit à une complémentaire obligatoire, soit à une complémentaire facultative, par exemple dans le régime des professions libérales.
    En 1989, 240 000 personnes ont été concernées par les CES. Depuis quinze ans, il y en a eu plusieurs millions. Il est temps de permettre à ces salariés d'accéder aux retraites complémentaires. 77 % sont des femmes, contre 23 % d'hommes. Les femmes sont donc encore les victimes d'un oubli qu'il convient de rattraper.
    Notre société multiplie le nombre des salariés soumis à ce type de statut précaire, principalement chez les femmes. Essayons d'améliorer leur situation avant qu'ils ne soient parvenus à l'âge de la retraite. J'espère donc, monsieur le ministre, que vous accueillerez favorablement cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable, pour plusieurs raisons. D'abord, il existe - notamment pour les professions indépendantes - de nombreuses caisses de retraite complémentaire. Le présent texte crée d'ailleurs un régime de retraite complémentaire pour les artisans et les commerçants. Ensuite, l'amendement constitue, une fois encore, une véritable injonction.
    Mme Martine Billard. Sous-amendez-le !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Enfin, les contrats emploi-solidarité sont un mécanisme de nature sociale comprenant toute une série de dispositifs d'accompagnement. Ils n'ont pas vocation à durer. Il s'agit d'un moyen d'insertion qui ne pose pas de problème à l'égard de la retraite. D'ailleurs, le créateur du contrat emploi-solidarité, en 1989, n'aurait probablement pas manqué de créer un régime complémentaire s'il avait été nécessaire.
    Mme Martine Billard. Cela existe pour le CEC, pourquoi pas le CES ?
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Lorsque ces contrats ont été créés par Michel Rocard en 1989, les retraites complémentaires existaient déjà, mais le gouvernement de l'époque n'a pas jugé nécessaire...
    M. Pascal Terrasse. Vous voulez parler des « brutaux » !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... de les affilier à un régime complémentaire pour des raisons évidentes. Il s'agit en effet de contrats d'insertion, et non de contrats de travail au plein sens du terme. Par ailleurs, je fais remarquer à Mme Billard que nous venons de créer les contrats jeunes en entreprise...
    M. Pascal Terrasse. Ça ne marche pas très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui sont de vrais contrats de travail et qui, eux, sont affiliés au régime de retraite complémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à  M. AndréChassaigne.
    M. André Chassaigne. Je soutiens cet amendement. Votre réponse, monsieur le ministre, ainsi que celle du rapporteur, révèlent votre méconnaissance d'une réalité,...
    M. Denis Jacquat. Mais non !
    M. André Chassaigne. ... celle de personnes qui travaillent pendant de nombreuses années - certaines pendant plus de dix ans - avec ce type de contrat. La raison en est très simple. Vous savez en effet que les critères pour être titulaire de ces contrats ont évolué, si bien que certaines personnes ont pu aller de contrat CES en contrat CES, en changeant d'employeur. Les critères étaient les suivants : par exemple, être travailleur handicapé, être une femme seule élevant un enfant ou être âgé de plus de cinquante ans.
    Voilà la réalité : avec le projet de loi que vous nous présentez, certaines personnes auront une retraite d'autant plus misérable...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas possible d'affirmer une chose pareille ! C'est de la désinformation, comme à la pire époque !
    M. André Chassaigne. ... qu'elles n'auront pas de retraite complémentaire, et elles vivront une situation encore plus difficile que celle qu'elles ont vécue pendant leurs années d'activité.
    M. Jean Glavany. Absolument !
    Mme la présidente. Monsieur Néri, avant de vous donner la parole pour répondre au Gouvernement, je vous rappelle que je suis déjà intervenue à plusieurs reprises en Conférence des présidents à propos de l'utilisation du téléphone dans l'hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il ne faut pas accepter cela, madame la présidente !
    Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Néri.
    M. Alain Néri. Madame la présidente, j'ai été très attentif aux propos du ministre. Effectivement, on s'aperçoit que les CES sont les seuls contrats à ne pas bénéficier d'une retraite complémentaire. Il est vrai que, lorsqu'ils ont été mis en place, personne ne pensait qu'ils auraient une durée de vie aussi longue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La preuve en est que ces contrats ont trouvé un autre débouché avec les CEC, pour lesquels nous avons mis en place la retraite complémentaire.
    Ce n'est pas la peine de se cacher derrière son petit doigt : regardons la réalité en face !
    M. Louis Giscard d'Estaing. C'est vous qui dites cela ?
    M. Alain Néri. Actuellement, les titulaires de CES sont dans leur grande majorité, pour ne pas dire dans leur totalité, les personnes qui sont le plus en difficulté et qui vivent dans une situation précaire. Les conditions d'attribution des CES relèvent toujours - faut-il le rappeler ? - de critères sociaux concernant les handicapés ou les femmes seules, par exemple. Ce qui a pu être fait pour les CEC,...
    M. Denis Jacquat. Et le programme TRACE ?
    M. Alain Néri. ... est très bien. Quant à vos contrats jeunes, monsieur le ministre, vous avez oublié d'y inclure la formation. Certes, vous les affiliez à la retraite complémentaire, et au moins ils n'auront pas tout perdu !
    M. Denis Jacquat. Et pour les emplois-jeunes, quelle formation aviez-vous prévue ?
    M. Alain Néri. Dans un souci d'équité - puisque votre projet de loi prétend poser le principe d'équité entre les différentes catégories de Français -, la représentation nationale devrait voter notre amendement afin que les CES également aient la possibilité de bénéficier d'une retraite complémentaire et ne soient plus les exclus du système. Ce serait la première mesure d'équité du projet de loi !
    M. André Chassaigne. Mais pour la majorité, il s'agit de privilégiés !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3140.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. MM. Gorce, Terrasse, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 11171, ainsi rédigé :
    « Après l'article 3, insérer l'article suivant :
    « Le Gouvernement prend l'initiative d'une négociation avec les partenaires sociaux afin d'assurer l'égalité de traitement, tant sur le plan de l'égalité entre les cotisants d'une même génération que sur celui de l'égalité entre cotisants de générations successives. »
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. L'amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable, madame la présidente.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11171.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 4

    Mme la présidente. Je suis saisie d'amendements identiques, n°s 3465 à 3471.
    L'amendement n° 3465 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3466 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3467 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3468 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3469 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3470 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3471 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 4, le 2° de l'article L. 122-1-1 du code du travail est abrogé. »
    La parole est à M. Alain Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Il s'agit d'un sujet particulièrement important. Vous savez que les CDD et l'intérim ne sont en principe admissibles que pour les remplacements d'absences et les activités saisonnières. Or, à l'usage, on constate une dérive particulièrement préoccupante dans des entreprises qui utilisent de manière très abusive des CDD, certains employeurs se plaçant même à la limite du travail illégal.
    Avec le chômage total, l'emploi précaire est sans aucun doute l'une des principales causes d'exclusion, en particulier des jeunes, qui sont les premiers concernés par ce type d'emploi. CDD et intérim sont souvent la première cause d'inscription dans les ANPE. Or vous savez comme moi, monsieur le ministre, que l'emploi précaire rend la vie elle-même précaire et interdit tout projet de vie familiale, représente un frein pour l'accès au crédit et l'acquisition d'un logement. Il est un facteur de déstabilisation sociale qui, à nos yeux, doit être combattu par des mesures radicales. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui a le mérite d'affirmer avec force la garantie, pour les salariés titulaires d'un CDD, de voir celui-ci transformé en CDI. A l'usage, malgré les efforts du ministère, toutes les mesures législatives antérieures ont échoué et les décisions des tribunaux sont restées lettre morte. Cet amendement vise à supprimer le recours aux CDD en cas d'accroissement temporaire de l'activité des entreprises, compte tenu des abus constatés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Madame la présidente, c'est parce que le président de l'Assemblée, dans sa grande clémence, n'a pas souhaité appliquer le règlement de manière particulièrement rigoureuse que cet amendement est venu en discussion. Il s'agit en effet d'un cavalier puisqu'il concerne le code du travail.
    Quant au fond, je ne reviendrai pas sur l'avancée considérable que constitue le contrat jeune en entreprise qui a été créé par François Fillon. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la présidente, je ferai trois remarques.
    Premièrement, le rapporteur vient de le dire, l'amendement est assez éloigné du texte qui nous occupe, même si tout ce qui est lié au travail a un rapport avec la retraite. Deuxièmement, les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent recourir aux contrats à durée déterminée ont été définies par un accord interprofessionnel du 24 mars 1990 ; on est d'ailleurs bien là dans un domaine qui relève de la négociation entre les partenaires sociaux. Troisièmement, en ce qui concerne les contrats aidés, le rapporteur vient là aussi de le rappeler, le Gouvernement a mis en place, dans les entreprises, un contrat à durée indéterminée alors que beaucoup de contrats aidés qui avaient été créés précédemment - je pense au contrat jeune en particulier - étaient à durée déterminée.
    Mme la présidente. Pardonnez-moi, monsieur Chassaigne : j'ai demandé l'avis de la commission et du Gouvernement alors que vous vouliez défendre l'amendement n° 3468.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est inutile, c'est le même !
    Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Je profite de l'occasion pour répondre au rapporteur et au ministre que notre amendement est étroitement lié à la question des retraites. Le problème, justement, c'est la multiplication des contrats à durée déterminée. Or, entre deux contrats à durée déterminée, les périodes de chômage sont très longues. Et, au total, compte tenu de la politique que vous essayez de nous faire admettre, ces personnes auront des retraites misérables parce qu'elles ne pourront pas justifier de suffisamment d'années de cotisation.
    La réalité, nous la percevons dans nos permanences - nous ne sommes pas toujours ici en train de légiférer - où nous recevons de très nombreuses personnes qui disent qu'elles travaillent pendant trois mois ou six mois et qu'après être restées plusieurs mois sans travail, elles finissent souvent par retrouver, dans la même entreprise, le même poste, que l'employeur a, entre-temps, confié à une autre personne. Or elles sont à nouveau recrutées en contrat à durée déterminée, tout cela étant justifié par de prétendus aléas de la production. Mais la réalité du terrain - nous connaissons les entreprises situées sur nos territoires respectifs - c'est que, bien souvent, il s'agit d'artifices. Le flux de la production est régulier, mais l'on joue sur les contrats à durée déterminée et, de plus en plus, sur l'intérim, c'est-à-dire sur la précarité, pour se créer une main-d'oeuvre composée en quelque sorte d'esclaves des temps modernes.
    Ainsi, des jeunes de trente ans, mais aussi des moins jeunes, ne peuvent ni faire construire une maison ni souscrire un emprunt faute de pouvoir justifier d'un revenu régulier. Pourtant, ils travaillent pendant des années et des années, généralement dans la même entreprise, mais avec des périodes de non-activité. Cet abus colossal est étroitement lié au débat que nous avons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Denis Jacquat. Et l'inspection du travail, à quoi sert-elle ?
    Mme la présidente. La commission et le Gouvernement ont déjà donné leur avis sur ces amendements.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, le groupe communiste...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Et républicain !
    M. Pascal Terrasse. ... a raison de parler de ressources complémentaires. D'ailleurs, je voudrais faire part d'une dépêche de l'AFP très intéressante selon laquelle un groupe de députés de l'UMP, qui disent en avoir marre d'entendre les plus libéraux d'entre eux s'exprimer dans le débat sur les retraites, souhaiteraient que l'on entende davantage les plus modérés, lesquels proposent de taxer le capital des sociétés.
    M. Arnaud Montebourg. Enfin la vérité !
    M. Jean Glavany. Ah, les gauchistes !
    M. Pascal Terrasse. Je cite la dépêche : « Les seize démocrates, neuf députés et sept sénateurs, dont une dizaine ont tenu mercredi une conférence de presse à Paris, veulent faire passer l'impôt sur les sociétés » - quel gros mot ! - ...
    M. Jean Glavanny. Quelle horreur !
    M. Pascal Terrasse. ... « de 33,5 % à 34,5 %, ce qui rapporterait "plus d'un milliard d'euros par an ». Voilà, monsieur le ministre, ce qui se passe dans votre majorité. Après dix jours de débats, certains commencent à comprendre le sens ultralibéral de votre projet de loi.(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Ces courageux, ces résistants, qui osent enfin parler, nous voulions les saluer ! (« Des noms ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Ils croient vraiment au Père Noël !
    M. Pascal Terrasse. Encore quelques semaines de débats, et ils ne seront pas quinze, mais trente, quarante voire cinquante. Donc, voilà où nous en sommes : petit à petit, et nous en sommes très heureux, les choses avancent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n° 3465 à 3471.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je suis saisie des amendements identiques n° 3472 à 3478.
    L'amendement n° 3472 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3473 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3474 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3475 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3476 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3477 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3478 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Avant l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Le 2° de l'article L. 122-1-1 du code du travail est complété comme suit :
    « Le nombre de salariés occupés en contrat de travail à durée déterminée ou mis à disposition par une entreprise de travail temporaire pour ce motif ne peut excéder 5 % de l'effectif total de l'entreprise. Le nombre obtenu est arrondi à l'unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d'ancienneté dans l'entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée ; pour les salariés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire les contrats de travail sont réputés être conclus avec l'entreprise utilisatrice. »
    La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour soutenir l'amendement n° 3472.
    M. Jean-Claude Lefort. Mes collègues du groupe communiste soutiendront les autres amendements, madame la présidente. Dans un reportage publié voilà quelques mois dans le journal Le Monde (Mouvements divers)...
    Mme la présidente. Monsieur Montebourg, monsieur Terrasse, s'il vous plaît, un peu moins de bruit. M. Lefort à la parole !
    M. Pascal Terrasse. Nous cherchons les résistants, madame la présidente !
    Mme la présidente. Non, monsieur Terrasse, M. Lefort seul a la parole !
    M. Jean-Claude Lefort. Madame la présidente, je suis désolé on ne peut pas travailler dans ces conditions : en accord avec le président de mon groupe, je demande donc une suspension de séance.
    M. Richard Mallié. Adressez-vous aux socialistes !

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.
    La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour soutenir l'amendement n° 3472.
    M. Jean-Claude Lefort. Dans un reportage publié voilà quelques mois dans le journal Le Monde, Renault avouait publiquement que le recours à l'intérim lui permettait d'éviter la mise en oeuvre de plans sociaux. Je fais là référence au drame qui se joue actuellement dans la région havraise, dont m'a parlé longuement mon collègue Daniel Paul.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'est pas là aujourd'hui !
    M. Jean-Claude Lefort. En effet, 1 800 intérimaires travaillent chez Renault et la direction a annoncé 900 suppressions de postes, tous des emplois d'intérimaires. On ne connaît pas encore les noms. Aussi - et comment ne pas le comprendre ? - chacun redouble-t-il de zèle pour ne pas figurer sur la liste.
    Dans quelques jours, les 900 victimes seront désignées. Il n'y a pas de mots trop forts pour qualifier pareille méthode.
    Il faut aussi savoir que la plupart des intérimaires sont des jeunes dont une partie importante est issue des quartiers dits difficiles des hauteurs du Havre. Certains, qui ont un passé de délinquance, commençaient leur insertion et avaient retrouvé un espoir ; tout à coup, on leur annonce que c'est fini. Que va-t-il se passer pour eux dans cette ville ? C'est insupportable.
    Malheureusement, l'exemple que je viens de citer n'est pas isolé. Les premières victimes sont déjà et seront les salariés employés en intérim et en CDD. Sans aucun plan social, sans mesures de reclassement, sans programmes de formation, des jeunes, des jeunes adultes, par dizaines de milliers, vont se retrouver sans rien.
    Sur le plan du droit, nous nageons, si j'ose dire, en pleine illégalité, monsieur le ministre. Les raisons pour lesquelles les entreprises recourent à l'emploi précaire tombent normalement sous le coup de la loi. Embaucher des intérimaires pour éviter l'application des textes relatifs aux licenciements économiques, ou bien pour échapper aux conventions collectives qui limitent la durée des périodes d'essai, cela s'appelle le délit de marchandage. Certes, les institutions chargées de faire respecter la loi ne restent pas inactives. L'inspection du travail obtient souvent que les contrats illégaux soient requalifiés. La Cour de cassation a même élaboré, ces dernières années, une jurisprudence remarquable. Malgré cela, le phénomène de la précarité ne cesse de s'amplifier. Il est même devenu une maladie endémique qu'il faut stopper absolument.
    Comme pour les temps partiels, une mesure pourrait être expérimentée. Elle consisterait à fixer, au titre du surcroît d'activité, un taux maximal de CDD et d'intérim par entreprise, les salariés excédentaires étant requalifiés de plein droit en CDI conclus avec l'entreprise utilisatrice. Pour le département de la Seine-Maritime, déjà évoqué, cela conduirait à la titularisation des deux tiers des intérimaires. Ainsi, l'entreprise pourrait faire face à des pointes d'activité, mais sans abus.
    J'ajoute que ces propositions laissent intactes les possibilités de recours à l'intérim et aux CDD pour les autres motifs : remplacement des absents, actions d'insertion, formation en alternance, saisonniers et professions particulières. En outre, les salariés qui ont réellement choisi cette forme de travail - cela existe aussi - pourraient l'utiliser, mais sans que les autres y soient contraints.
    Tels sont les objectifs de cet amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. MaximeGremetz pour soutenir l'amendement n° 3477.
    M. Maxime Gremetz. Défendant cet amendement après mon ami Jean-Claude Lefort, je veux en souligner un aspect particulier M. le ministre a estimé qu'il n'avait pas grand-chose à voir avec les retraites. J'estime au contraire qu'il a beaucoup à voir avec notre système de retraites. En effet, qui dit CDD, qui dit intérimaires, dit bas salaires : cela paraît évident ! Qui dit bas salaires dit faibles cotisations pour la protection sociale. Qui dit CDD, qui dit intérimaires, dit aussi succession de périodes de chômage. Je vais prendre un exemple pour être plus concret.
    Sur les 10 000 salariés qui travaillent dans la zone industrielle d'Amiens, 1 200 sont en CDD. Il s'agit essentiellement de jeunes qualifiés - certains sont même des techniciens supérieurs - employés par de grandes entreprises comme Valeo, Dunlop ou Goodyear et non dans de petites et moyennes entreprises. Je l'ai souvent souligné et la direction départementale du travail l'a vérifié. Les intéressés travaillent en CDD, non pas depuis quelques mois mais, pour certains, depuis des années. Pourtant, chacun sait que c'est illégal !
    M. Richard Cazenave. Qu'a fait la gauche ? Comment a-t-elle toléré des situations pareilles !
    M. Maxime Gremetz. En effet, les CDD doivent être utilisés pour faire face aux pics de production et non pour être substitués à des emplois permanents. Or, en l'occurrence, il s'agit bien d'emplois permanents, car c'est la loi du fric, la loi du profit qui commande : il faut avoir des jeunes taillables et corvéables à merci. On promet toujours de les embaucher afin qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes, mais on ne les embauche pas et on se contente d'instaurer un turn-over.
    Par ailleurs, cela permet de ne pas les prendre en compte dans les effectifs, et ne pas les faire participer aux élections professionnelles. Ils n'ont donc pas les mêmes droits que les salariés permanents de l'entreprise. C'est tout bénéfice pour ces entreprises, alors que les jeunes, eux, se demandent ce qu'ils vont devenir. Ils s'interrogent sur la possibilité de fonder un foyer ; ils ne peuvent pas avoir de projet personnel parce qu'ils ne savent pas si, dans trois mois ou six mois, leur contrat sera renouvelé.
    M. Richard Cazenave. Mais qu'a fait la gauche pour empêcher cela ?
    M. Maxime Gremetz. Comment peut-on penser que cela n'a pas d'influence sur les retraites ?
    Je tiens également à insister sur la précarité de l'emploi. Car, monsieur le ministre, seulement une ultraminorité d'embauches sont effectuées en CDI. A mes yeux, cette insécurité totale, cette précarité dans l'emploi, est un problème de société. En effet, qui dit précarité d'emploi dit précarité dans l'ensemble de la vie : difficulté pour payer son loyer, pour se nourrir, pour tout. Cela vous fait peut-être sourire, mais c'est la vérité !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, je vous serais obligée de conclure. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Je dois donc arrêter.
    Mme la présidente. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Je termine mon propos.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous avez épuisé votre temps de parole et Mme Fraysse voudrait défendre son amendement. Je vous demande donc de conclure.
    M. Richard Cazenave. Elle attend !
    M. Maxime Gremetz. Je vais conclure, madame la présidente.
    Cette question est posée depuis des années.
    M. Richard Cazenave. Et vous n'avez rien fait !
    M. Maxime Gremetz. Je dis simplement que la question est posée depuis des années et non pas que vous ne la traitez pas ! Il s'agit d'un véritable problème de société. Nous avons évidemment pensé à imposer l'embauche définitive des CDD, mais cela nécessite des financements. La procédure n'est pas simple et il faut que les directions départementales du travail disposent des moyens nécessaires. Pourtant, il n'est pas normal que des entreprises, comme Valeo à Abbeville, emploient 20 % de leurs salariés sous contrats à durée déterminée ou en intérim !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Tel est le sens de cet amendement qu'a excellemment défendu mon ami Jean-Claude Lefort.
    Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 3475.
    Mme Jacqueline Fraysse. Les contrats à durée déterminée sont extrêmement nocifs pour notre société, pour la personne humaine et pour les caisses. J'ai été surprise, tout à l'heure, d'entendre M. le ministre nous reprocher de ne pas être dans le sujet, et M. Gremetz a parfaitement demontré le contraire.
    Il faut donc absolument lutter contre le travail précaire qui, ajouté au chômage, devient un véritable fléau social. En effet, les personnes qui ne travaillent que quelques semaines ou quelques mois, vivent dans l'inquiétude de ce qu'elles deviendront au terme de leur contrat. Elles ne peuvent former aucun projet. Même si cela a été dit, je tiens à le repéter car ceux qui vivent de telles situations en parlent et nous avons le devoir de les entendre.
    Comment peut-on vivre tranquillement quand on se demande comment on fera dans trois ou quatre mois, lorsqu'il n'y aura plus de salaire ? Le loyer ne s'arrête pas avec le contrat de travail et il faut bien le payer. Dans quel délai ces personnes retrouveront-elles du travail ? Où ? A quelle distance de leur domicile ? Avec quel salaire, car leurs revenus varient en fonction de l'entreprise où elles travaillent ?
    Je souhaiterais que chacun prenne ici la mesure de l'angoisse que représente une telle vie. Voilà pour l'aspect humain.
    Par ailleurs, cet état de fait est contraire à l'intérêt de notre société. En effet, pendant que ces personnes ne travaillent pas entre deux contrats, elles ne cotisent pas. Par conséquent, l'argent ne rentre pas dans les caisses pour financer les retraites et la protection sociale. Ne cotisant pas, elles n'emmagasinent pas les annuités dont vous augmentez d'ailleurs le nombre. Puisque vous souhaitez accroître le nombre d'années de cotisations, il serait cohérent d'assurer à chacun la possibilité de travailler pour accumuler les annuités nécessaires pour percevoir une retraite à taux plein.
    Cet amendement n'est pas seulement dans le sujet : il est au coeur du sujet. En effet, comme l'a fort bien souligné André Chassaigne, il est indispensable de développer l'emploi et de lutter contre l'emploi précaire pour financer les retraites. Si une telle politique était mise en oeuvre, il n'y aurait plus de difficultés financières.
    M. Richard Cazenave. N'importe quoi !
    Mme Jacqueline Fraysse. C'est pourquoi notre amendement propose de limiter strictement les CDD, d'inviter les entreprises à les transformer en CDI, car les salariés qui ont travaillé quelques mois en contrat à durée déterminée méritent de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, et, naturellement de sanctionner les entreprises qui abusent.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, Mme Morano n'est pas là !
    Mme la présidente. Monsieur Terrasse, je vous ai déjà demandé d'être correct avec vos collègues quand ils interviennent !
    M. Pascal Terrasse. Je discutais avec M. le ministre.
    Mme la présidente. Mme Fraysse a la parole et vous devez l'écouter.
    Mme Jacqueline Fraysse. Vous pouvez discuter avec M. le ministre dans le couloir !
    M. Pascal Terrasse. Excusez-moi, madame la présidente.
    Mme Jacqueline Fraysse. C'est plutôt à moi que vous devriez présenter des excuses !
    Mme la présidente. Madame Fraysse, poursuivez !
    M. Pascal Terrasse. Veuillez m'excuser, madame Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Merci, monsieur Terrasse.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce sont les socialistes qui font du bruit !
    Mme Jacqueline Fraysse. C'est dommage, parce que je vais être obligée de me répéter, et cela va nous faire perdre du temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Cazenave. Le temps de parole est limité !
    Mme la présidente. Poursuivez, madame Fraysse !
    Mme Jacqueline Fraysse. C'est pourquoi cet amendement propose de limiter strictement les CDD, d'inviter les entreprises à transformer les CDD en CDI...
    M. Richard Cazenave. C'est ce que vous n'avez pas fait quand vous étiez au pouvoir !
    Mme Jacqueline Fraysse. ... et de sanctionner celles qui abusent de ce moyen négatif à la fois, je le répète, pour les salariés eux-mêmes et pour les ressources disponibles pour financer les retraites et la protection sociale.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. Richard Cazenave. Ouf !

Rappel au règlement

    M. Alain Néri. Je demande la parole pour un rappel au règlement fondé sur l'article 58, alinéa premier.
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour un rappel au règlement.
    M. Alain Néri. Madame la présidente, nous arrivons à un moment du débat extrêmement important. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tout à l'heure, nous avions à nous prononcer sur un amendement qui proposait d'augmenter l'ISF, afin de financer le fonds de réserve des retraites. Cet amendement, défendu par tous les groupes de l'opposition, a malheureusement essuyé un avis défavorable de la commission comme du ministre, ce qui a conduit notre assemblée à le rejeter.
    M. Richard Cazenave. Tout cela est très normal : le règlement a bien été appliqué.
    M. Alain Néri. Nous pensons, madame la présidente, que nos travaux devraient être suspendus, car un fait nouveau, très important, vient de se produire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Philippe Briand. Et quel est-il, ce fait très important !
    M. Alain Néri. Nous venons d'apprendre, par une dépêche de l'agence France Presse, que des « démocrates » UMP seraient favorables à une hausse de 1 % de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, afin de financer le fonds de réserve des retraites.
    M. Richard Cazenave. Quel rapport avec le règlement ?
    M. Alain Néri. C'est là un fait nouveau. Aussi convient-il que l'Assemblée nationale puisse débattre dans la clarté et que nous sachions quelle est véritablement la position du groupe UMP. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Simon. Ce n'est pas votre problème !
    M. Richard Cazenave. C'est ici que ça se passe, pas à l'AFP !
    M. Pascal Terrasse. Quelle cacophonie à l'UMP ! Quel brouillard !
    M. Alain Néri. Est-ce la position votée, il y a quelques instants dans cet hémicycle, ou celle de M. Joyandet et de ses amis...
    M. Pascal Terrasse. Dont Mme Morano !
    M. Alain Néri. ... qui se promettent de déposer un amendement en ce sens ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Je me tourne vers la commission : un tel amendement a-t-il été déposé ? Si oui, quand viendra-t-il en discussion ? Quant à vous, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si cette information d'importance sera l'objet de la part de M. Raffarin d'un envoi complémentaire, après sa lettre d'information à tous les Français sur la retraite ? Cela nous paraîtrait tout à fait justifié. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    M. Richard Cazenave et M. Robert Lamy. Pitoyable !
    M. Alain Néri. Aussi, madame la présidente, au nom du groupe socialiste et en accord avec M. Terrasse, nous demandons une suspension de séance d'un quart d'heure, le temps pour le groupe UMP de contacter les auteurs de cet amendement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'est pas habilité à demander une suspension !
    Mme la présidente. Monsieur Néri, monsieur Terrasse, aucun de vous n'a délégation pour demander une suspension de séance. Seul M. Gorce pourrait le faire.

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Les amendements de nos collègues communistes proposent de contraindre le nombre des CDD. Cela n'a strictement rien à faire dans un texte sur la retraite. Nous sommes, une fois de plus, en présence d'un cavalier législatif.
    Mais je profite de l'occasion, puisque j'ai été interpellé par M. Néri,...
    M. Pascal Terrasse. Le règlement dit que le rapporteur doit en rester aux amendements !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. ... pour lui rappeler les propos, publiés aujourd'hui même par un journal du soir, d'un de ses amis politiques, M. Rocard. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pascal Terrasse. Il n'est pas député !
    M. Augustin Bonrepaux. Parlez-nous plutôt de la réforme !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur M. Rocard y répète ce qu'il a déclaré voici plusieurs semaines, mais en y ajoutant deux petites choses.
    Premièrement, à propos des mécanismes d'impôt sur le capital, « ils ne sauraient répondre à l'ampleur du problème, il s'en faut de beaucoup, et ce sont les plus énergiques incitateurs à la délocalisation, et donc au chômage ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Plusieurs députés du groupe de l'UMP. Vive Rocard !
    M. Alain Vidalies. Parlez-nous plutôt de la cacophonie à l'UMP !
    M. Augustin Bonrepaux. On ne parle pas de Rocard, mais de l'UMP !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Deuxièment, sur l'attidude du groupe socialiste, qui prétend avoir trouvé un autre solution, Michel Rocard conclut en ces termes : « Sur le plan des symboles, cette attitude laisse croire aux salariés qu'une solution complètement différente et beaucoup plus avantageuse est possible. Or c'est faux, et cela constitue donc une faute grave. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Sur les amendements identiques qui ont été défendus, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Madame la présidente, je trouve l'attitude du rapporteur indigne de ses fonctions. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Sylvia Bassot. Et la vôtre ?
    Mme la présidente. Monsieur Terrasse, faisons en sorte que tout se passe à peu près dans le calme.
    M. Pascal Terrasse. J'ai été plusieurs fois rapporteur dans cet hémicycle et, à chaque fois, je me suis efforcé de répondre sur le fond aux arguments développés par mes collègues.
    Nos amis du groupe communiste ont en effet déposé un amendement très intéressant sur la formation et sur les CDD. Mais M. le rapporteur ne répond jamais aux questions. Il cite Michel Rocard dans un article du Monde, mais en se gardant bien de dire que Michel Rocard y traite cette réforme de brutale, indiquant qu'il serait souhaitable de mettre en évidence qu'il existe d'autres formes de financement possibles, ce que d'ailleurs quinze députés « résistants » de l'UMP ont eu le courage de faire aujourd'hui. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. En plus, il ne sait même pas lire !
    M. Pascal Terrasse. Ceux-là au moins, à la lumière des débats que nous avons entamés il y a maintenant quelques semaines, ont eu la lucidité de reconnaître que le projet n'était pas financé et qu'il était impératif de trouver des financements. Ils vont même plus loin que nous, puisqu'il n'hésitent pas à préconiser une augmentation de l'impôt sur les sociétés. Quelle audace !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ils ont été abusés !
    M. Pascal Terrasse. C'est donc à juste titre que mon collègue a rappelé à quel point il était nécessaire de connaître désormais la position du groupe UMP. Cette impression de cacophonie (Protestations sour les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) au sein tant du Gouvernement que du Parlement, rend pour les Français les choses fort peu lisibles.
    M. Jean-Luc Warsmann. Vous, en tout cas, vous êtes risible !
    M. Pascal Terrasse. Ce débat, madame la présidente, me paraît bien mal engagé.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces amendements, comme je l'indiqué tout à l'heure, sont assez éloignés de l'objet du texte qui nous occupe, même si tous les aspects de l'organisation de la vie au travail ont naturellement un rapport avec la retraite. C'est pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas qu'ils soient adoptés.
    Pour le reste, monsieur Terrasse, nous débattons d'un projet de loi. Nous ne sommes pas en train de commenter des dépêches d'agence !
    M. Pascal Terrasse. Mais le rapporteur ne se prive pas de commenter un article de journal !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est amené à se prononcer sur les amendements, au fur et à mesure qu'ils se présentent, non sur des dépêches d'agence.
    M. Pascal Terrasse et M. Philippe Vuilque. Mais qui commente ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quant aux incohérences qui existeraient au sein de l'UMP, elles me paraissent assez peu nombreuses en comparaison de celles, innombrables, dont vous nous donnez le spectacle depuis cinq jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Cet après-midi encore, le groupe socialiste a voté comme un seul homme pour une augmentation de 200 % de l'impôt sur les grandes fortunes,...
    M. Maxime Gremetz. Ils ont progressé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... alors que le même groupe socialiste, il y a quelques mois seulement, lorsqu'il était encore au pouvoir, expliquait, arguments à l'appui, que ce n'était pas possible, et renonçait à élargir l'assiette des cotisations pour le financement des 35 heures, après la publication du rapport Malinvaud ! Occupez-vous de vos incohérences, mesdames, messieurs, l'UMP s'occupera des siennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pascal Terrasse. On vous retourne le conseil !
    Mme la présidente. La parole est à M. MaximeGremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je ne vous ferai pas de commentaires sur les incohérences ou la cohérence... Une chose est sûre : des incohérences, vous n'en trouverez pas beaucoup chez nous ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ça, c'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. C'est un constat lucide que tout le monde peut faire. Parce que ces propositions sur la protection sociale et son financement, les plus jeunes parlementaires peuvent ne pas le savoir, nous n'avons jamais cessé de les présenter. Des débats de ce genre, nous en avons déjà eu, qui nous ont occupés et qui ont parfois frôlé la crise politique. Nous sommes convaincus, nous, du sérieux de nos propositions, mais elles n'ont jamais pu être appliquées (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et c'est bien ça le problème. Et pourquoi ? Parce que, à des degrés divers, c'est toujours la même réponse : on n'est jamais au coeur du sujet. Résultat on ne résout jamais rien. Et cela nous amène au 21 avril. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Yves Bur. A 3 % pour vous !
    M. Maxime Gremetz. C'est ce que je le crois, et j'ai le droit de le dire.
    Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas, quand on vous parle de l'emploi, soutenir que cela n'a rien à voir avec les retraites ; quand on vous parle de la précarité, que cela n'a rien à voir avec les retraites, quand on vous parle des conditions de travail et de la pénibilité, que cela n'a rien à voir avec les retraites !
    M. Richard Cazenave. Il vous dit seulement que cela n'a rien à voir avec le texte !
    M. Maxime Gremetz. Les retraites ne sont pas hors de la société, hors du travail, hors de la production des richesses, hors des nouvelles technologies, etc. Nous proposons de lutter contre la précarité et la multiplication des contrats à durée déterminée,...
    M. Yves Bur. Parlez-nous des retraites.
    M. Maxime Gremetz. ... car nous en sommes à 3,5 millions. Et pour les temps partiels - subis, pour l'essentiel - nous en somes à 2 millions ! Ce sont des chiffres, ça, et ce n'est pas moi qui les invente !
    M. Richard Cazenave. C'est le bilan socialo-communiste !
    M. Maxime Gremetz. Quant aux intérimaires, on en compte plus de 1,5 million. C'est ça, la précarité ! Croyez-vous réellement que cette situation n'ait pas d'effet sur les recettes susceptibles de financer une véritable protection sociale, ni sur la cohésion sociale et nationale ? Eh bien, vous vous trompez complètement !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission, et M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il dépasse ses cinq minutes, madame la présidente !
    M. Maxime Gremetz. Non, je n'ai pas épuisé mon temps de parole, monsieur le rapporteur.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais il y a longtemps que vous nous avez épuisés, nous !
    M. Maxime Gremetz. Lorsque vous parlez, je ne vous interromps pas, monsieur le rapporteur : vous pouvez prendre tout votre temps, et j'aimerais pouvoir en faire autant.
    Je vous dis que tolérer une telle situation, c'est avoir une vue basse, une vue étroite, c'est revenir à une vision comptable. Mais le plus curieux, c'est que, dès que je propose des recettes nouvelles, vous me reprochez d'en rester à une vision comptable et de ne pas prendre le problème dans son ensemble. On n'en sort jamais !
    Autant dire, monsieur le rapporteur, que je n'apprécie pas du tout votre réponse. Nos amendements sont parfaitement fondés. Ce ne sont pas des cavaliers comme vous le dites, mais bien des éléments de nature à garantir le financement d'une véritable protection sociale, retraites comprises.
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Marc Laffineur. Encore ?
    Mme la présidente. C'est la règle et vous la connaissez. Si le scrutin a déjà été annoncé, c'est pour gagner cinq minutes.
    M. Marc Laffineur. Alors, montrez-nous que vous voulez les gagner, madame la présidente !
    Mme la présidente. Ecoutez-moi, s'il vous plaît ! Je pourrais, comme le font parfois certains de mes collègues, attendre la fin de la discussion sur l'amendement pour annoncer le scrutin.
    M. Maxime Gremetz. C'est effectivement ce qu'il faudrait faire !
    Mme la présidente. Il en va différemment cette fois-ci. C'est ainsi que procèdent systématiquement le président et tous les vice-présidents depuis le début du débat. Nous économisons ainsi les cinq minutes de délai réglementaire.
    M. Hervé Novelli. Et là, on a perdu un quart d'heure !
    Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Néri.
    M. Alain Néri. J'ai demandé lors de mon rappel au règlement si l'amendement annoncé par M. Joyandet et ses amis avait été déposé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il a d'ailleurs été repris par M. Yves Jego, député UMP de Seine-et-Marne, qui affirme : « Les démocrates ont vocation à incarner l'aile sociale qui existe très profondément au sein de l'UMP. »
    M. Pascal Terrasse. Sûr que Dubernard a signé !
    M. Alain Néri. Cette aile sociale, c'est précisément elle que nous voulons écouter, pour peu qu'elle existe. Ou, si elle n'existe pas, cela veut dire qu'il y aurait tromperie à l'égard des Français. Il faut donc que le débat soit clair, d'où la question que je repose, pour l'instant en vain : cet amendement a-t-il été déposé comme l'annonce cette dépêche ? Si oui, à quel moment viendra-t-il en discussion ? Tout cela nous intéresse au plus haut point, car c'est effectivement un des moyens d'avancer sur le financement des retraites. Or, je n'ai toujours pas eu de réponse.
    Monsieur le ministre, cet amendement présenté par MM. Joyandet, Jego et quelques autres de ses amis...
    M. Pascal Terrasse. Mme Morano !
    M. Alain Néri. ... soit au total seize démocrates, me dit-on, dont neuf députés -, est-il parvenu à la séance ? Va-t-il être discuté ou est-ce simplement, quoi qu'on nous dise, un simple « coup » pour dédouaner l'UMP et faire accroire qu'elle a un souci social, alors qu'on est en train de mettre en place une politique de régression sociale comme jamais ce pays n'en a connu ?
    Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, contre les amendements.
    M. Denis Jacquat. Mme la présidente, M. Alain Néri et Pascal Terrasse sont deux garçons tout à fait charmants en dehors de l'hémicycle,...
    M. Jean Glavany. Pas d'attaque personnelle ! C'est insupportable !
    M. Pascal Terrasse. Fait personnel, madame la présidente !
    Mme la présidente. Ne suscitez pas de fait personnel, monsieur Jacquat, ce sera plus simple !
    M. Denis Jacquat. ... et de surcroît des parlementaires chevronnés qui savent fort bien que nous avons examiné tous les amendements en commission. Or la procédure parlementaire veut que si un groupe de réflexion imagine une piste, il ne la soumette dans cet hémicycle qu'à travers un sous-amendement. Autrement dit, personne d'entre nous ne détient de document à ce sujet.
    Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Je mets aux voix les amendements n°s 3472, 3475 et 3477.
    Le scrutin est ouvert.
    Mme la présidente. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   181
Nombre de suffrages exprimés   181
Majorité absolue   91
Pour l'adoption   47
Contre   134

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Mme la présidente. Je suis saisie des amendements identiques n°s 3402 à 3408.
    L'amendement n° 3402 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3403 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3404 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3405 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3406 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3407 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3408 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    Avant l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Il est inséré après le premier alinéa de l'article L. 122-14-4 du code du travail un alinéa ainsi rédigé :
    « Lorsque le licenciement est prononcé pour une cause non réelle ou sérieuse ou sans respect des procédures prévues légalement ou conventionnellement, le tribunal, si un salarié en fait la demande, prononce la nullité du licenciement et ordonne la poursuite du contrat de travail sous astreinte de la valeur de deux jours de travail par jour de retard. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 3406.
    M. Michel Vaxès. Nous avons à maintes reprises défendu notre objectif : accorder des droits nouveaux aux salariés.
    Pour nous, cela est synonyme de démocratie, une démocratie qu'il faut faire pénétrer dans l'entreprise, synonyme aussi d'un engagement, d'une dynamique en faveur de la consolidation de l'emploi, impératif incontournable pour assurer le financement de notre système de répartition.
    M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, si ce brouhaha continue, nous allons demander une suspension de séance.
    Mme la présidente. Je vous entends, monsieur Gremetz.
    Mes chers collègues, je vous demande, une fois de plus, de rejoindre vos places en silence et d'écouter M. Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Je vous remercie de bien vouloir tenir compte de cette interruption, madame la présidente, dans le décompte de mon temps de parole.
    Nous présenterons au fil du débat les amendements, qui participent de cette attente, largement partagée par les salariés et par l'ensemble de leurs organisations syndicales.
    Une partie de la sauvegarde de notre système de retraite par répartition passe en effet par la création et le maintien de l'emploi.
    Avec cet amendement, nous proposons de calquer notre législation sur celle d'un pays voisin, l'Italie, une législation qui vise à sanctionner un licenciement abusif légalement constaté par le juge. Aujourd'hui, notre législation ne prévoit qu'une indemnité pour préjudice moral. En aucun cas, elle n'ouvre la perspective immédiate du retour à l'emploi. Elle dédouane l'employeur de sa responsabilité au regard de l'emploi.
    Selon nous, le principe du droit à l'emploi, dans ce contexte, doit être réaffirmé avec force, car les dommages et intérêts ne sauraient couvrir le préjudice que représente pour le salarié la perte de son emploi, surtout si le licenciement est abusif. En outre, de tels licenciements privent le système de répartition d'une partie de son financement. Le droit à réintégration, conséquence du droit absolu à l'emploi, à l'instar de ce qui existe dans d'autres domaines de notre législation, représenterait une avancée nouvelle pour les salariés.
    Cette dimension ne saurait être écartée de nos débats : nous en avons fait la démonstration et nous continuerons d'insister sur ce point : l'emploi n'est pas un aspect mineur du débat sur les retraites, mais en est au contraire le coeur. Certes, la question de l'emploi des plus de cinquante-cinq ans est essentielle, et nous y reviendrons. Mais d'une façon générale, l'emploi constitue le socle du système par répartition.
    On ne peut pas, tout à la fois, annoncer que l'on veut sauvegarder notre système par répartition et ne rien faire contre, par exemple, les délocalisations sauvages, les patrons voyous, les licenciements abusifs. Sauvegarder la retraite par répartition implique de se donner les moyens de faire reculer le chômage et de contraindre les grands groupes à conserver leurs effectifs.
    L'amendement que nous proposons donne l'occasion d'affirmer avec force le droit à l'emploi pour tous. C'est la raison pour laquelle nous demandons à l'Assemblée de l'adopter.

Rappel au règlement

    M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. La parole est à M. MaximeGremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Nous demandons une suspension de séance.
    Franchement, nous ne pouvons pas continuer à travailler ainsi !
    M. Yves Bur. Ah bon ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pourquoi ?
    M. Maxime Gremetz. On ne s'entend pas ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Sylvia Bassot. Portez un Sonotone !
    M. Maxime Gremetz. Vous riez, mais cela vous gêne ! Nous sommes là pour présenter des amendements. Nous avons des propositions, et nous avons le droit de les défendre ! On ne peut pas prétendre d'un côté qu'il n'y a pas de contre-propositions et ne pas écouter quand on propose quelque chose !
    M. Yves Bur. Personne ne vous empêche de parler !
    M. Maxime Gremetz. C'est une question de respect : quand vous intervenez, nous vous écoutons.
    Mme la présidente. M. Gremetz a raison !
    M. Maxime Gremetz. Malheureusement, vous n'intervenez pas souvent. C'est un peu curieux et même endormant. On n'entend même pas le son de votre voix !
    Nous demandons une suspension de séance, et nous le ferons chaque fois qu'un député communiste, ou un autre, parlera dans le chahut. Nous n'accepterons pas cela !
    Mme la présidente. La suspension est de droit quand elle est demandée par le député qui a la délégation de son groupe, ce qui est le cas de M. Gremetz.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)
    Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.
    M. Alain Bocquet. Après Alain Néri, je veux revenir sur la dépêche, - très intéressante - dont j'ai pris connaissance comme nombre d'entre vous. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. S'il vous plaît, laissez parler M. Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Elle pose un problème de fond et elle apporte un début de démenti à l'argumentation que le Gouvernement oppose depuis des semaines au projet alternatif des députés communistes et républicains.
    M. Patrick Lemasle. Il faut retirer le projet du Gouvernement !
    M. Alain Bocquet. Je vous livre cette dépêche qui s'intitule : « Les "démocrates UMP pour une hausse de 1 %... »
    M. Yves Simon. Pourquoi pas 97 % ?
    M. Alain Bocquet. ... de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises. »
    « Un groupe de parlementaires UMP, rassemblés au sein d'un groupe de réflexion, les démocrates, propose de taxer de 1 % supplémentaire les entreprises réalisant un chiffre d'affaires annuel d'au moins 3 millions d'euros pour financer les retraites. Les seize démocrates, neuf députés et sept sénateurs, dont une dizaine ont tenu mercredi une conférence de presse à Paris, veulent faire passer l'impôt sur les sociétés de 33,5 % à 34,5 %, ce qui rapporterait plus d'1 milliard d'euros par an. »
    M. Jean-Pierre Gorges. Cela ne résoudrait qu'un vingtième du problème !
    M. Alain Bocquet. « D'ici 2020, cela permettrait de verser au fonds de réserve des retraites environ 20 milliards d'euros », a expliqué Alain Joyandet, député-maire de Vesoul, Haute-Saône, initiateur de ce groupe de réflexion. »
    M. Joyandet poursuit, je cite toujours ladite dépêche : « L'UMP ne doit pas être un parti de droite libérale débridée. On ne cherche pas à embêter Alain Juppé, président de l'UMP, mais à l'aider à avoir un discours audible sur un spectre électoral plus large. »
    M. Patrick Lemasle. M. Juppé en a bien besoin !
    M. Alain Bocquet. Quelles leçons tirer de cette réflexion ? D'abord, que ce que disent les députés communistes et républicains depuis le début, à savoir qu'il faut élargir l'assiette des cotisations sociales, qu'il faut taxer les revenus financiers,...
    M. Patrick Lemasle. Les socialistes le disent aussi !
    M. Alain Bocquet. ... commence - c'est un début -, à être compris par quelques membres de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. On vous les donne ! Et on sera encore majoritaires !
    M. Alain Bocquet. Je m'en félicite.
    M. Fillon, en réponse à une question d'actualité que je lui posais, déclarait : « Votre projet, nous l'avons évalué, il coûte 50 milliards par an ». Eh bien, voilà déjà un milliard de trouvé ! Nous progressons ! Et la crédibilité de l'argumentation qu'on nous oppose est un peu écornée par ceux qui siègent dans les rangs de la majorité. C'est la preuve que le débat est constructif et qu'à force de persuasion, on arrive à avancer.
    Je souhaite que ceux qui se sont exprimés ainsi évoluent encore. Mais cette avancée - certes petite - d'une partie des membres de la majorité nous oblige à revoir nos calculs, pour savoir comment nous allons étayer mieux encore le financement de notre projet alternatif.
    Voilà pourquoi, madame la présidente, sans vouloir retarder les débats, je vous demande une suspension de séance d'une heure pour réunir mon groupe (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et étudier le sérieux de cette proposition. Il me semble que la preuve est faite qu'on peut bel et bien taxer les bénéfices et les résultats financiers des entreprises sans mettre mal ni l'emploi ni l'investissement. (Mêmes mouvements.)
    Mesdames, messieurs de la majorité, avec tout le respect que je vous dois, je vous rappelle que cette proposition émane de vos rangs. Pour ma part, je ne peux que m'en réjouir.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est de l'obstruction !
    M. Alain Bocquet. Pas du tout ! Je ne vous permets pas de parler de la sorte.
    Mme la présidente. Monsieur Bocquet, s'il vous plaît !
    M. Alain Bocquet. On m'attaque, madame la présidente (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors, je me défends !
    Mme la présidente. Monsieur Dubernard, n'attaquez pas M. Bocquet !
    M. Alain Bocquet. Depuis des semaines, M. le président de la commission répète en commission que, financièrement, nos propositions sont impossibles à tenir.
    M. Jean-Jacques Descamps. Il a raison !
    M. Alain Bocquet. Pourtant, dans vos rangs, chers collègues de l'opposition, une proposition similaire à la nôtre a été avancée ! Il faut la prendre très au sérieux car elle témoigne d'un début de commencement de sagesse d'une partie de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Ces députés-la ne sont pas des libéraux ! On vous les donne !
    M. Robert Lamy. On vous les échange contre Rocard et Charasse !
    M. Alain Bocquet. Je ne considére pas cela comme une polémique subalterne. Pour moi, c'est un événement, que des députés libéraux...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce ne sont pas des libéraux !
    M. Alain Bocquet... des libéraux adoucis, disons, que des députés de la majorité en viennent à dire que trop, c'est trop et à réfléchir « marxistement » pour trouver des moyens de financer la retraite. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Concluez, Monsieur Bocquet !
    M. Alain Bocquet. C'est pourquoi, madame la présidente, je vous demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ça suffit !
    M. Alain Bocquet. Il est très important que nous examinions cette proposition intelligente d'une partie de la majorité.

Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente. La séance est suspendue pour dix minutes.
    (La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)

Reprise de la discussion

    Mme la présidente. La séance est reprise.
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre l'amendement n° 3407.
    M. Maxime Gremetz. Comprenez, mes chers collègues, que l'on soit un peu bouleversé. Il nous a fallu une semaine, un peu plus même, pour gagner 1 milliard. Il faut 50 milliards. Il nous faut donc encore quarante-neuf semaines !
    M. Xavier de Roux. Ce n'est rien pour nous !
    M. Maxime Gremetz. Mais, comme disait Saint-Just, on ne gagne que les batailles qu'on mène,...
    M. François Goulard. Ça s'est mal terminé pour lui !
    M. Maxime Gremetz... et nous sommes bien décidés à mener cette bataille et à gagner.
    Avec cet amendement, il s'agit d'une question extrêmement importante. Le rapporteur pourra nous dire, par exemple, que cela n'a pas grand-chose à voir avec la retraite,...
    M. Jean-Marie Geveaux. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. ... puisqu'il s'agit de lutter contre les licenciements.
    Si lutter contre les licenciements dits économiques, qui sont en réalité boursiers,...
    M. Francis Delattre. Comme à L'Humanité !
    Mme la présidente. M. Gremetz a seul la parole.
    M. Maxime Gremetz. Notre collègue a besoin de s'exprimer, je lui laisse cette possibilité.
    Mme la présidente. Il est beaucoup plus simple de s'écouter.
    M. Francis Delattre. L'Humanité licencie 50 % de ses salariés !
    M. Maxime Gremetz. Mais c'est une petite et moyenne entreprise !
    M. Francis Delattre. Vous licenciez quand même !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas l'un des grands groupes dont je parle. Il n'y a pas de charrettes. Ce ne sont pas les patrons voyous dont parlait le Président de la République et contre lesquels il recommandait d'ailleurs de légiférer, comme ceux de Metaleurop, de Magneti Marelli, de Whirlpool. Vous voulez comparer L'Humanité à cela ?
    M. Bernard Deflesselles. Qui est le patron de L'Humanité ?
    M. Maxime Gremetz. Là, on peut prendre des milliards ! Et d'ailleurs les députés de la majorité qui proposent de taxer ne proposent pas de taxer L'Humanité ou les petites et moyennes entreprises, mais les grandes entreprises qui font 3 millions de bénéfices.
    M. Francis Delattre. Votre quotidien est mal géré !
    M. Maxime Gremetz. Ne comparons donc pas ce qui n'est pas comparable.
    Monsieur le ministre, nous avions obtenu, au prix d'une bataille extraordinaire dans le cadre de la loi de modernisation sociale, une définition plus restrictive du licenciement économique ainsi que le droit pour les comités d'entreprise de contester le bien-fondé économique des licenciements et de faire des contre-proposition. C'est ce que l'on appelle le droit d'opposition.
    La première chose que vous avez faite en arrivant, c'est d'annuler cette possibilité qu'avaient les salariés de se défendre contre les licenciements collectifs. Et on a assisté à une multiplication dans le pays des plans de licenciement dits économiques, L'un de vos collègues de la majorité en a d'ailleurs parlé lors des questions d'actualité. Or nous n'avons plus aucun moyen : les salariés sont totalement démunis.
    Un million d'emplois, je vous le rappelle, ce sont 20 milliards d'euros pour la protection sociale. Donc, quand on parle de retraites ou de protection sociale, on parle emplois, salaires, cotisations.
    M. Jean Glavany. Il a parfaitement raison !
    M. Maxime Gremetz. C'est pourquoi nous proposons, et ce n'est pas un cavalier, mais une proposition tout à fait sérieuse, que, lorsque le licenciement est prononcé pour une cause non réelle ou sérieuse ou sans respect des procédures prévues légalement ou conventionnellement, le tribunal, si un salarié en fait la demande, prononce la nullité du licenciement et ordonne la poursuite du contrat de travail sous astreinte, d'une valeur de deux jours de travail par jour de retard.
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, s'il vous plaît !
    M. Maxime Gremetz. Il ne s'agit pas de sanctionner, mais de dissuader de procéder à des licenciements totalement injustifiés.
    M. André Chassaigne. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements défendus ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet amendement, comme le précédent, se réfère davantage au code du travail qu'au projet de loi sur les retraites. Dans ces conditions, en application de l'article 98, alinéa 3, il aurait pu ne pas venir en discussion.
    Je voudrais rappeler à nos collègues communistes que, lorsqu'ils étaient dans la majorité, sous la précédente législature, ils avaient déposé un amendement semblable - il faut leur reconnaître de la constance dans leur position -, mais que leurs alliés avaient refusé de l'adopter.
    Mme Jacqueline Fraysse. Ce n'était pas bien !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet amendement a donc été rejeté par la commission.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, à la fois sur le fond et sur sa place dans le débat.
    D'une manière générale, je suis un peu préoccupé, monsieur Gremetz. J'ai regardé la série d'amendements dont nous allons discuter pendant plusieurs heures. Dieu sait si le Gouvernement a fait preuve de la meilleure volonté possible et cherche à répondre aux questions du groupe communiste, mais tous ces amendements sont très éloignés du débat qui nous occupe.
    M. Maxime Gremetz et M. Jean-Claude Lefort. Mais non !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Réécrire le code du travail, revoir la législation sur le licenciement et tous les dispositifs qui organisent le travail dans notre pays, reconnaissez que cela relève d'un autre débat que celui de la réforme des retraites. Il faudrait que le groupe communiste soit raisonnable et accepte de revenir au débat fondamental des retraites, même si je ne nie pas qu'il y ait des liens avec les questions abordées par ces amendements, mais s'agissant de la retraite, il y a des liens avec presque tous les sujets.
    M. François Goulard et M. Jean-Claude Lenoir. Tout est dans tout !
    Mme Sylvia Bassot. Et inversement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si nous voulons aborder enfin les vraies questions sur lesquelles le groupe communiste souhaite faire des propositions, il faut que nous avancions un peu. Or nous allons être obligés à chaque instant de lui répondre que les sujets qu'il aborde sont très éloignés du débat sur les retraites.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lefort, pour répondre au Gouvernement.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas l'amendement qui est cavalier, c'est la réponse du ministre. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Au moins, M. Brard, lui, a de la culture !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est une réponse cavalière, car chacun ici sait pertinemment que les capacités de financement des caisses de retraite dépendent directement de l'emploi et du taux de chômage. Personne ne le conteste, pas même vous, monsieur le ministre. Il y a un lien intime entre le nombre de salariés et la situation des régimes de retraite.
    Mais vous procédez par séquençage partiel, un peu comme les biologistes, alors qu'il faut considérer l'ensemble de nos propositions en les rapportant à l'an 2040. Car nous sommes devant un paradoxe : nous délibérons, et même nous légiférons pour des enfants qui ne sont pas encore nés.
    Mme Marylise Lebranchu. C'est vrai !
    M. Bernard Roman. D'ailleurs, on ne va peut-être même pas les faire !
    M. Jean-Claude Lefort. Je reprends vos chiffres, monsieur le ministre : en l'an 2040, dites-vous, il y aura 10 salariés pour 7 retraités, ce qui pose un grave problème. Mais ce que vous ne dites pas, c'est qu'en 2040, la richesse nationale de notre pays aura doublé.
    M. Francis Delattre. Déjà, il n'y aura plus de communistes !
    M. Jean-Claude Lefort. Ce sont vos chiffres ! Je les cite sans les remettre en cause, ce qui est d'ailleurs contestable. Si on les rapporte à nos propositions - c'est pour cela qu'il ne faut pas procéder par séquençage partiel ni se réfugier derrière des réponses dilatoires - on obtient le résultat suivant, qui est remarquable : la part des retraites, qui représente aujourd'hui 12 % du PIB, s'éleverait à 20 % en 2040 si l'on mettait en oeuvre l'ensemble de nos propositions. Mais, puisque nous avons 37 ans devant nous, ces 20 % ne représenteraient en fait que 0,2 % par an, ce qui est ridiculement peu !
    M. François Goulard. Pourquoi ne pas aller jusqu'à 50 %, pendant que nous y sommes ?
    M. Jean-Claude Lefort. C'est pourquoi notre propos visant à diminuer le chômage n'est pas détachable du problème des retraites.
    Mais, puisque j'ai la parole, madame la présidente, j'en profite pour faire un rappel au règlement. Pour une fois, M. le président de la commission des finances est présent.
    Mme la présidente. Votre président de groupe souhaiterait prendre la parole, monsieur Lefort.
    M. Jean-Claude Lefort. Je voudrais savoir s'il va mettre son tampon sur l'amendement de nos collègues de l'UMP visant à instaurer une taxe de 1 % sur les entreprises.
    M. Yves Bur. Cet amendement n'a pas été déposé !
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur Lefort, j'aurais aimé que vous soyez présent lorsque j'ai rappelé par deux fois les conditions d'application de l'article 40 de la Constitution. Vous n'étiez pas là, tant pis ! Je ne vais pas me répéter dix fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bocquet.
    M. Maxime Gremetz. Mais vous, monsieur Méhaignerie, vous n'êtes pas souvent en séance ! Vous devriez être là en permanence ! Et vous avez mis tellement de coups de tampon...
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous avez, tout à l'heure, demandé que l'on vous écoute. M. Bocquet demande la même chose.
    Monsieur Bocquet, vous avez la parole.
    M. Maxime Gremetz. Je peux bien parler : quand j'ai la parole, je n'interromps personne !
    M. Alain Bocquet. Je vous ai entendu dire tout à l'heure, monsieur le ministre, qu'il n'était pas possible d'examiner dans ce débat les amendements que nous défendons ici à propos des licenciements, sous prétexte qu'ils n'avaient pas grand-chose à voir avec le problème des retraites. Le rapport est pourtant évident. Comme dit l'autre, tout est dans tout et le reste est dans Télémaque. Aujourd'hui, par exemple, une dépêche annonce 5 000 suppressions d'emplois chez Alstom. Vous aurez probablement à traiter le dossier, monsieur le ministre. Que vous le vouliez ou non, lorsque ces personnes auront été licenciées - mais elles vont lutter et nous allons les soutenir, puisque tel est notre combat -, il y aura ipso facto des cotisations en moins pour la caisse vieillesse pour la sécurité sociale, et des dépenses sociales en plus pour la puissance publique. On pourrait multiplier les exemples alors qu'on annonce, ici ou là, de nombreux plans sociaux. Ne me dites pas que, si l'on ne ferme pas le robinet des licenciements, on n'aura pas une marée de difficultés, avec, d'abord, un coût humain, et ensuite un coût social et financier pour les caisses de retraite. Dans notre projet alternatif, nous faisons la démonstration que 1 million d'emplois représentent 20 milliards de ressources pour les caisses de retraite.
    M. Jean-Jacques Descamps. Créez des entreprises !
    Mme la présidente. Monsieur Descamps, n'interrompez pas M. Bocquet, le débat avancera plus vite, je vous le promets !
    M. Alain Bocquet. Mon cher collègue, vous qui êtes un ancien nordiste et toujours nordiste de coeur, je vous invite à venir visiter ma ville, l'agglomération de la Porte du Hainaut, et vous pourrez mesurer les efforts que nous faisons pour créer des entreprises et des emplois, mais à partir de certains critères et avec certaine rigueur. Certes, il faut aider au développement de l'investissement, mais il se pose un véritable problème si l'on ne barre pas la route aux licenciements. Monsieur le ministre, vous allez, de ce point de vue, rendre plus difficile encore la gestion de votre projet, que nous contestons par ailleurs. On ne peut par conséquent affirmer que ces amendements n'ont rien à voir avec le débat sur les retraites. Au contraire, nous sommes en plein dans le débat. Une des solutions pour pérenniser les retraites est de développer l'emploi, de bloquer les licenciements qui mettent en cause votre projet sur le fond, puisque ces licenciements touchent en règle générale des salariés de cinquante-deux à cinquante-cinq ans et apportent un démenti cinglant à vos déclarations sur votre volonté de prolonger la durée de travail pour les salariés. Donc, je pense qu'il convient d'en débattre et de retenir cet amendement.
    M. André Chassaigne. Très bien !
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 3406 et 3407.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques, n°s 3479 à 3485.
    L'amendement n° 3479 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3480 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3481 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3482 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3483 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3484 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3485 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 4, insérer l'article suivant :
    « Après l'alinéa 1 de l'article L. 212-4-2 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
    « Le nombre de salariés employés à temps partiel ne peut excéder 10 % de l'effectif total de l'entreprise. Ce taux est arrondi à l'unité supérieure. Le contrat de travail des salariés à temps partiel excédent ce taux et, par ordre d'ancienneté dans l'entreprise, est réputé être conclu sur la base de la durée légale du travail. Les salariés concernés peuvent toutefois refuser la requalification de leurs contrats qui sont alors maintenus en l'état, dans ce cas l'entreprise ne peut, tant qu'elle dépasse le taux de 10 %, recruter de nouveaux salariés à temps partiel. »
    La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement tend à combattre les abus du recours à des CDD prétendument justifiés par un surcroît temporaire d'activité. Les entreprises bénéficient, grâce à ce motif, d'un élément de souplesse. Elles en abusent tellement qu'il n'y a plus d'autre solution que de le supprimer tout en maintenant et en rendant plus cohérent le recours aux CDD pour d'autres raisons.
    Toutes les études montrent que la majorité des salariés à temps partiel n'ont pas choisi cette forme d'emploi. Il s'agit finalement d'une forme de chômage obligé. Pour des raisons de rentabilité, de grands groupes de la distribution ou de l'entretien des locaux ont fait du travail à temps partiel une véritable stratégie qui nous a rapidement éloignés des raisons invoquées lors de l'élaboration de la loi en 1973. Il s'agit de combattre les abus du recours au temps partiel sous cette forme, tout en permettant à celles et à ceux qui le souhaitent vraiment d'avoir recours à cette forme d'emploi.
    Mme la présidente. Les autres amendements sont-ils défendus ?
    M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, je vous l'ai dit, nous défendrons tous nos amendements. Ne nous posez pas la question chaque fois : vous gagnerez du temps !
    Mme la présidente. Monsieur Gremetz, si vous me préveniez que vous défendez les amendements, ce serait plus simple.
    Vous avez la parole pour défendre l'amendement n° 3484.
    M. Maxime Gremetz. Contrairement à ce qu'on a dit tout à l'heure, ce n'est pas la première fois que l'UMP taxe le capital. Lorsqu'elle était le RPR,...
    M. Denis Jacquat. Non !
    M. Maxime Gremetz. ... elle a adopté la surtaxe Juppé : 12,5 milliards.
    M. Pascal Terrasse. C'était un gauchiste !
    M. Maxime Gremetz. Vous vous souvenez ? Vous voyez qu'il y a de l'espoir : nous n'en sommes qu'à 1 milliard.
    M. Jean-Luc Warsmann. On est passé à l'euro !
    M. Maxime Gremetz. Vous reprenez de bonnes habitudes. Mais cet effort a été anéanti par la suite, avec des cadeaux.
    M. Francis Delattre. Qui a fait ces cadeaux ?
    M. Maxime Gremetz. A l'époque, il s'agissait de 12,5 milliards de francs. C'est plus que 1 milliard d'euros.
    M. François Goulard. M. Gremetz mélange les francs, les euros et les roubles !
    M. Maxime Gremetz. Je dis tout cela pour la vérité historique.
    Notre série d'amendements sur les licenciements et l'emploi a bien un lien avec les retraites, contrairement à ce que vous dites. La preuve, ce n'est pas moi qui l'apporte, mais vous : votre réforme est fondée sur une hypothèse de chômage de 4,5 %, soit une baisse de moitié. Si on laisse se multiplier les licenciements, le moins qu'on puisse dire, c'est que ça change la donne.
    Le deuxième aspect concerne une forme particulière de précarité : celle du temps partiel. Toutes les études ont montré - et j'espère qu'il y aura des collègues femmes qui insisteront sur ce point - que 90 % des temps partiels ne sont pas choisis mais imposés. Voilà la réalité, notamment pour les femmes.
    Du point de vue de l'emploi, cela représente près de 1 million et demi de personnes à temps partiel - non choisi -, ce qui a pour conséquences des bas revenus, peu d'emplois, peu de travail et peu de rentrées pour les cotisations de retraite et de sécurité sociale.
    C'est pourquoi cet amendement est très important. Notons encore que le nombre d'emplois à temps partiel augmente sans cesse et représente aujourd'hui 22 % des emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Goulard. Encore Pif le chien !
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement n'a pas pour objet de limiter le libre choix du temps partiel - si c'est un libre choix -, mais de limiter ce que les patrons utilisent souvent, aujourd'hui, comme une forme d'exploitations et de refus d'embaucher durablement des salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour défendre l'amendement n° 3481.
    M. André Chassaigne. Le temps partiel, comme cela a été très bien expliqué, concerne des entreprises d'entretien de locaux ou des grands groupes de distribution, mais la réalité est aussi que l'on constate, sur nos territoires et dans nos circonscriptions, que des entreprises industrielles de plus en plus nombreuses font appel au temps partiel.
    Je suis sûr que chacun d'entre vous pourrait trouver des exemples de salariés embauchés à temps partiel dans le cadre de la production, en particulier pour travailler le week-end. Il y a donc, dans certaines entreprises, une forme de contournement du code du travail consistant à embaucher des salariés à temps partiel qui doivent travailler les samedis et les dimanches.
    On voit les dérives et les abus de cette possibilité de travailler à temps partiel. Ils sont d'autant plus inquiétants qu'ils seront accentués par la décentralisation.
    M. Francis Delattre. Et les 35 heures ?
    M. André Chassaigne. Le jour où certaines collectivités territoriales attachées au libéralisme décideront de confier à des entreprises privées...
    M. Franck Gilard. Et alors ?
    M. André Chassaigne. ... l'entretien des collèges et des lycées, on verra le travail à temps partiel gagner encore du terrain. Et des entreprises privées feront nettoyer les classes de nos établissements scolaires pas des personnes embauchées à temps partiel. On pourra ainsi supprimer de véritables emplois, des emplois de « privilégiés », car chacun sait qu'un ouvrier d'entretien dans un collège ou un lycée est un privilégié, puisqu'il est fonctionnaire.
    Ce projet de loi ajouté à la décentralisation permettra demain tous les abus. C'est pourquoi nous considérons que cet amendement est extrêmement important. Et qu'il aurait, comme les autres, un impact direct sur le problème des retraites.
    M. Alain Bocquet. Très bien !
    M. Edouard Landrain. Honteux !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Comme les amendements précédents, celui-ci vise à réécrire le code du travail. Il n'a donc pas sa place dans ce débat, en application de l'article 98, alinéa 5, de notre règlement.
    J'ajoute, une fois encore, que le gouvernement de Lionel Jospin, pourtant soutenu par nos collègues du groupe communiste et républicain, avait rejeté cet amendement lorsqu'il avait été déposé à l'identique.
    Il faut en outre préciser que son adoption entraînerait des difficultés d'application à l'infini.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission : défavorable.
    Je me permets d'ajouter à l'intention du groupe communiste que l'article 23 du projet de loi améliore de manière considérable les conditions de préparation de la retraite pour les personnes travaillant à temps partiel.
    M. Jean Roatta. Cela a échappé à nos collègues communistes !
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 3479 à 3485.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ordre du jour
de la prochaine séance

    Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heure quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 1re séance
du mercredi 18 juin 2003
SCRUTIN (n° 183)


sur l'amendement n° 10817 de M. Bocquet après l'article 3 du projet de loi portant réforme des retraites (majoration de l'imposition sur les plus gros patrimoines).

Nombre de votants

101


Nombre de suffrages exprimés

101


Majorité absolue

51


Pour l'adoption

16


Contre

85

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 83 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : Mme Paulette Guinchard-Kunstler (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12) :
    Pour : 1. - Mme Martine Billard.

SCRUTIN (n° 184)


sur les amendements n° 3472 de Mme Buffet, n° 3475 de Mme Fraysse et n° 3477 de M.  Gremetz avant l'article 4 du projet de loi portant réforme des retraites (fixation d'un taux maximum d'occupation dans l'entreprise de salariés sous contrat à durée déterminée ou en intérim).

Nombre de votants

181


Nombre de suffrages exprimés

181


Majorité absolue

91


Pour l'adoption

47


Contre

134

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (364) :
    Contre : 132 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 41 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : Mme Paulette Guinchard-Kunstler (président de séance).
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (12).