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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 20 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 19 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Initiative économique. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire «...».
2.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

Rappel au règlement «...»

MM. Maxime Gremetz, le président.

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Avant l'article 4 (suite) «...»

Amendements identiques n°s 3451 à 3457 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Rejet.

Article 4 «...»

MM. Pascal Terrasse, Denis Jacquat, Gaëtan Gorce, François Rochebloine, Mme Martine Billard.

Rappel au règlement «...»

M. Maxime Gremetz.

Reprise de la discussion «...»

M. Gérard Bapt, Mme Jacqueline Fraysse, M. Philippe Vuilque, Mme Elisabeth Guigou, MM. Alain Néri, Jean-Pierre Brard, Augustin Bonrepaux, Gilles Cocquempot, Mme Marie-Jo Zimmermann.

Rappels au règlement «...»

MM. Didier Migaud, le président, Jean-Pierre Brard, Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Reprise de la discussion «...»

MM. Maxime Gremetz, François Liberti, André Chassaigne, Serge Janquin, Mme Catherine Génisson.

Rappel au règlement «...»

M. Maxime Gremetz.

Reprise de la discussion «...»

M. Didier Mathus, Mme Marylise Lebranchu.

Rappels au règlement «...»

Mmes Marie-Jo Zimmermann, Marylise Lebranchu, MM. Jean-Pierre Brard, Jean-Marc Ayrault.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

Mme Janine Jambu.

Reprise de la discussion «...»

M. Michel Vergnier.

Rappels au règlement «...»

MM. Georges Tron, Augustin Bonrepaux, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Jean-Pierre Brard, Georges Tron, Augustin Bonrepaux, le ministre.

Reprise de la discussion «...»

Amendements de suppression n°s 3500 à 3506 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. André Chassaigne, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; le ministre, Maxime Gremetz, Pascal Terrasse, Jean-Pierre Brard. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

INITIATIVE ÉCONOMIQUE

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

    « Paris, le 18 juin 2003.    

                « Monsieur le président,
            « Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'initiative économique.
            « Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.
            « J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.
            « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission spéciale.

2

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Rappel au règlement

    M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Fondé sur l'article 58, alinéa 1. Hier soir, le président a fait une remarque tout à fait désobligeante en disant qu'on nous avait attendus. Or, en raison d'un concert donné à l'hôtel de Lassay, il n'y avait pas eu de sonnerie. Je constate que ce matin, par contre, le président a fait attendre la représentation nationale. Mieux vaut éviter ce genre de choses pour débattre tranquillement et sereinement sur ce grand sujet de société que sont les retraites.
    M. le président. Il est pris acte de votre observation, monsieur Gremetz. J'étais au fauteuil de la présidence à neuf heures trente précises.

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée s'est arrêtée avant le vote sur les amendements identiques n°s 3451 à 3457 portant article additionnel avant l'article 4.

Avant l'article 4 (suite)

    M. le président. Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements identiques n°s 3451 à 3457.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 4

    M. le président. « Art. 4. - La Nation se fixe pour objectif d'assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, nous en venons à l'examen de l'article 4, qui nous renvoie au minimum contributif.
    Je voudrais rappeler que le minimum contributif a été créé par Pierre Mauroy en 1983. Il avait pour objectif de garantir, pour les salariés ayant des revenus modestes, et notamment pour celles et ceux qui étaient au salaire minimum interprofessionnel garanti, une retraite équivalant à 95 % de leur dernier revenu - en comptant la retraite de base et la retraite complémentaire.
    Ce système a fonctionné normalement jusqu'en 1993. A partir de cette date, en raison notamment de la réforme Balladur, qui a indexé sur les prix le minimum contributif, ce dispositif s'est progressivement affaibli, de sorte qu'on en est aujourd'hui à 83 %.
    M. le ministre, lors de son premier projet de loi, avait indiqué que ce minimum contributif serait de 75 %, si j'ai bonne mémoire.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Absolument !
    M. Pascal Terrasse. En raison des discussions qui ont eu lieu avec certaines organisations syndicales, ce montant est passé à 85 %. On passerait donc de 83 % aujourd'hui à 85 %. Voilà le gain.
    Il n'en demeure pas moins que, pour les socialistes, évidemment, il y a sur ce point en particulier un désaccord. Nous pensons que, s'agissant des petites pensions, il est nécessaire de leur garantir un niveau élevé, et que 100 % du SMIC pourrait être assuré pour ces bas revenus, en prenant en compte le régime de base et le régime complémentaire.
    Forcément, ce dispositif a un coût. De mémoire - compte tenu du fait que je ne retrouve plus mes arguments, ils ont dû disparaître dans la nuit (Sourires),...
    M. Denis Jacquat. C'est la fatigue !
    M. Pascal Terrasse. ... il semblerait que la mesure concernant le minimum contributif - mais vous me corrigerez, monsieur le ministre, si je me trompe - coûte 650 millions d'euros. Si nous décidions de passer à 100 % du SMIC, il faudrait ajouter, à terme, environ 400 millions d'euros. Pour financer ce dispositif, on pourrait éventuellement revenir sur les cadeaux fiscaux que vous avez faits au titre de l'impôt sur les grandes fortunes,...
    M. Denis Jacquat. Ça y est, c'est reparti !
    M. Pascal Terrasse. ... ce qui rapporterait, précisément, 400 millions d'euros.
    Je l'ai dit lors de l'examen des articles précédents, monsieur le ministre, nous partageons complètement votre analyse quand vous dites qu'il faut financer les retraites à travers les cotisations sociales. C'est l'élément essentiel. Pour autant, nous estimons que, s'agissant des revenus les plus faibles, des pensionnés les plus faibles - je pense par exemple à ceux dont les pensions sont financées par le fonds de solidarité vieillesse, mais aussi à d'autres, les femmes notamment -, l'idée selon laquelle on pourrait financer les retraites sur les éléments non contributifs est une idée neuve, qui est d'ailleurs largement partagée sur la scène européenne. Dans ce cadre-là, évidemment, la fiscalité, notamment celle de l'impôt sur les grandes fortunes, aurait pu nous permettre d'atteindre, à terme, le montant de financement requis.
    Mais cet objectif des 85 % du SMIC, monsieur le ministre, et c'est le deuxième point que je voudrais aborder à propos de cet article 4, est un faux nez. D'une part, ces 85 % du SMIC ne seront plus calculés, comme le sont actuellement les 83 % - mais là aussi vous pourrez me corriger si je me trompe - sur la base de 150 trimestres, mais de 160 trimestres. D'autre part, mais là encore je peux me tromper, il suffisait jusqu'ici de valider quarante années de cotisation. C'était notamment le cas des personnes qui étaient au chômage, ou qui avaient dû interrompre leur activité pour diverses raisons. Il semblerait, d'après les informations dont je dispose, et notamment de l'étude d'impact que vous nous avez remise, que votre dispositif concernerait uniquement celle, et ceux qui ont réellement cotisé, donc qui ont travaillé, de sorte qu'il ne concernerait en réalité que très peu de personnes.
    Troisième élément, vous portez le minimum contributif à 85 % en donnant un coup de pouce tous les deux ans, de l'ordre de 3 %.
    M. Bernard Roman. C'est un problème !
    M. Pascal Terrasse. Or il ne sera pas indexé sur les salaires comme on pourrait l'imaginer, mais uniquement sur les prix. Par conséquent, après 2008, ce système va largement se dégrader. Je faisais une petite analyse, mais peut-être que là aussi, vous me direz si je me trompe : si au-delà de 2008, il n'y a pas de réindexation sur les salaires, le dispositif va peu à peu s'effriter et on se retrouvera en 2010 pratiquement au même niveau qu'aujourd'hui.
    Il y a donc un effet d'affichage qui est un effet d'optique. Oh, certes, on ne peut pas nier qu'il y ait, par rapport à votre premier projet, une petite avancée. Mais nous sommes quand même loin du compte. Je pensais que sur ce point en particulier nous aurions pu faire un pas en avant. Je parlais de la main tendue, monsieur le ministre : précisément voilà là un élément important sur lequel nous pourrrions avoir la même analyse, d'autant que nos collègues de l'UDF semblent la paratager, puisque eux-mêmes ont déposé des amendements allant dans ce sens.
    Bien évidemment, tous ces amendements que nous avons déposés au titre de la commission des affaires sociales étaient financiers et donc retoqués au titre de l'article 40. Ils ne seront pas discutés en séance publique. Pour autant, j'ai essayé de décliner trois ou quatre points sur lesquels nous aurons peut-être des réponses. Quoi qu'il en soit nous ne pouvons que regretter que l'on ramène le minimum contributif à ce qu'il était à son origine lorsqu'il fut créé par Pierre Mauroy, comme je le rappelais il y a un instant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Très bien ! Voilà une intervention claire avec des propositions à la clé !
    M. Gérard Bapt. Ce sont des chiffres précis !
    M. Philippe Vuilque. Quel talent ! Quelle maîtrise du dossier !
    M. Gaëtan Gorce. Il a tous les chiffres en tête !
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Si l'allongement de la durée de cotisation est au coeur du dispositif de sauvetage du système des retraites, il ne saurait à lui seul résumer le projet de loi, lequel ne se contente pas d'une approche comptable. Au contraire, et je l'ai déjà dit au nom du groupe UMP, les améliorations sont nombreuses.
    M. Jean-Pierre Brard. Puisque vous le dites, ce doit être vrai !
    M. Denis Jacquat. Une des plus significatives est celle qui est contenue dans cet article, celle de la garantie d'une retraite minimum pour les salariés qui ont fait toute leur carrière au SMIC. Aujourd'hui, je le rappelle, le taux de remplacement est, pour eux, de 81 %. Sans réforme, il tomberait à 60 % en 2020. Le projet de loi prévoit un objectif à l'horizon 2008 de 85 % du SMIC grâce à une revalorisation du minimum contributif.
    Pour mémoire, je rappellerai que l'an dernier, au nom du groupe UMP, dans le cadre des discussions sur l'assurance vieillesse, j'avais dénoncé, comme je l'avais d'ailleurs fait il y a deux ans, le fait que le minimum contributif soit inférieur au minimum vieillesse. Et l'UMP s'était engagée à ce que le présent projet de loi réponde à cette préoccupation. Je ferai remarquer à nos collègues socialistes que l'UMP se fait un point d'honneur à réaliser ce qu'elle promet.
    M. Gaëtan Gorce. Il est encore bien tôt pour le dire !
    M. Denis Jacquat. Pascal Terrasse vient de nous faire l'historique du minimum contributif. C'est très bien. Mais il était partiel. Pourquoi s'arrêter à la période 1993-1997 ? Il faut continuer après 1997.
    M. André Schneider. Eh oui ! Cinq années sombres ont suivi 1997 !
    M. Denis Jacquat. Car c'est dans cette dernière période que le minimum contributif est devenu inférieur au minimum vieillesse.
    M. Pascal Terrasse. Regardez l'avenir, monsieur Jacquat, c'est cela qui compte !
    M. Denis Jacquat. Même si des personnes qui sont au minimum vieillesse ont, pour certaines, un handicap social, il était quand même illogique que ce minimum contributif, qui ne concernait que les personnes qui avaient été au SMIC toute leur vie, soit inférieur au minimum vieillesse. C'est toute la volonté du Gouvernement que ces personnes ne soient pas oubliées et cette volonté se traduit dans le texte.
    Je rappellerai aussi à Pascal Terrasse que le projet de loi indique qu'il y aura des rendez-vous réguliers. Se donner un objectif plus ambitieux que ces 85 %, pourquoi pas ?
    M. Bernard Roman. Dire « pourquoi pas », cela ne suffit pas. Il faut dire avec quel objectif ?
    M. Denis Jacquat. A cet égard, un dialogue social est prévu avec les partenaires sociaux.
    De plus, M. Terrasse sombre - mais je le lui ai déjà dit - dans la phobie obsessionnelle de temps en temps...
    M. Bernard Roman. C'est trop fort !
    M. Denis Jacquat. M. Roman, on ne le voit pas beaucoup mais quand il vient, on l'entend !
    M. Bernard Roman. M. Roman vient tous les jours !
    M. Denis Jacquat. Je parlais donc de phobie obsessionnelle - mais M. Terrasse n'est pas le seul touché - à propos des « cadeaux fiscaux » pour les entreprises. Or, ce ne sont pas des cadeaux fiscaux pour les entreprises. Vous savez fort bien que la politique de l'emploi est un élément essentiel dans notre pays, car il faut que des gens aient des salaires pour qu'ils puissent cotiser et payer les retraites. M. le ministre l'a expliqué vingt-cinq fois. Il fait oeuvre de pédagogie sans arrêt. Et je pourrais dire que, parfois, on peut même se poser des questions sur le QI de certaines personnes, car la question est posée dix fois par heure.
    M. André Schneider. Eh oui !
    M. Pascal Terrasse. Cela ne prend pas !
    M. Denis Jacquat. Pascal Terrasse a parlé, il y a quelques instants, d'effet d'optique. Je lui conseillerais de faire très attention, parce que les effets d'optique, sur un prisme, cela peut être déformant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Schneider. Bravo ! Quel talent !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes ophtalmologiste ?
    M. Denis Jacquat. Non, ORL.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je crains que cet effet d'optique se soit déjà appliqué sur le prisme du projet que soutient M. Jacquat, car, dans ce que j'ai entendu, je n'ai pas retrouvé tous les éléments d'analyse que nous pouvons y trouver et qui suscitent de notre part un certain nombre d'inquiétudes.
    Avec cet article, nous abordons, donc, la question du minimum contributif. Pascal Terrasse a fort éloquemment et précisément démontré sur quoi sont fondées un certain nombre de préoccupations sur le sujet, que je voudrais relayer à mon tour.
    D'abord, vous nous présentez le minimum contributif comme une réponse à une question que nous avons posée depuis le début. Mais voyez-vous, nous entendons mal. Nous n'avons pas seulement des problèmes d'optique, mais parfois d'audition, à en croire nos collègues de la majorité - j'ai même entendu plus grave -, mais vous verrez que, malgré tous ces problèmes et cette usure prématurée que vous promettez à l'opposition, nous sommes peut-être capables de tenir plus longtemps que vous, si j'en juge par le manque de sang-froid auquel j'ai assisté dans les rangs de l'UMP hier soir.
    M. Denis Jacquat. Ah bon !
    M. Gaëtan Gorce. Bref, nous verrons bien quand nous ferons le total.
    Pour revenir sur le fond, nous avons indiqué, tout au long de ce débat, qu'un des problèmes posés par ce projet est qu'il se traduit nécessairement par une baisse du niveau des retraites au regard des derniers revenus d'activité - de l'ordre des trois quarts aux deux tiers, selon l'estimation du Comité d'orientation des retraites. Et cela n'a pas été démenti, c'est même écrit en toutes lettres dans le rapport de Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances.
    Mais j'aimerais bien l'entendre clairement de votre bouche. Vous pourriez dire que, compte tenu des efforts que vous avez envisagés, des considérations que vous pouvez porter quant à l'évolution des cotisations, ou de l'impôt, vous ne pouvez pas faire mieux que les deux tiers. Mais, au moins, reconnaissez-le !
    Cela dit, vous le reconnaissez implicitement, puisque, lorsqu'on vous pose cette question, vous répondez toujours : « Nous avons le minimum contributif, c'est-à-dire que nous garantissons la pension des plus modestes. » Cela revient à reconnaître implicitement que les autres pensions ne sont pas garanties.
    Quant à ce minimum contributif à 85 % que vous présentez comme une avancée, il est le résultat, je le signale au passage, de la négociation menée avec les partenaires sociaux. Il faut souligner en effet que les syndicats ont joué un rôle particulièrement utile en la matière.
    M. Denis Jacquat. C'est juste.
    M. Gaëtan Gorce. Je n'ai pas sur ce point une approche caricaturale du travail qui a été fait par certaines organisations, notamment la CFDT, même si l'on peut le trouver encore insuffisant.
    Il reste que cet objectif de 85 % pose un certain nombre de questions qui ont été clairement exposées par Pascal Terrasse et sur lesquelles je voudrais revenir.
    La première question, c'est l'indexation de ces 85 %. On a une revalorisation sur trois ans. Mais ensuite, que se passe-t-il ? Ce seuil, qui sera donc de 85 % du SMIC dans trois ans, sera-t-il régulièrment revalorisé et en fonction de quoi ? En fonction des prix ou en fonction du SMIC lui-même ? Sachant que, on le sait, l'indexation sur le pouvoir d'achat a été gelée pour un certain temps,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. A cause des 35 heures !
    M. Gaëtan Gorce. ... il est permis de se demander s'il y aura une évolution de ces 85 % par rapport au SMIC. Cela met d'ailleurs en lumière une des principales difficultés dont nous avons à débattre. Car pourquoi disons-nous qu'il y aura une baisse au niveau des pensions ? Parce que le niveau des retraites que vous allez garantir va augmenter au rythme des prix, alors que les salaires par rapport auxquels il est défini ont continué à augmenter en fonction du pouvoir d'achat. Par conséquent, l'écart se creuse et c'est ce qui explique, pour une part, la dégradation que vous contestez. Pour une part seulement, car il faut prendre en compte tous les effets de la décote, de la proratisation, etc. Donc, pour le SMIC, c'est encore plus net. Car, si vous faites un affichage de 85 % aujourd'hui ou dans trois ans, qu'est-ce qui garantit que cet affichage pourra être garanti par la suite de la même manière ? Voilà donc une première question : si le seuil à partir duquel sera calculé ce taux de 85 % est indexé, de quelle manière le sera-t-il ?
    Mais, autre question, qu'en sera-t-il de la pension ? La pension correspondant à 85 % quand on part, est-ce qu'elle sera indexée sur les prix, comme cela figure dans le texte de loi, ou est-ce qu'elle suivra l'évolution du SMIC, de sorte qu'un salarié qui part avec 85 % du SMIC puisse vivre pendant toute sa retraite avec 85 % du SMIC ? Ce ne serait que justice. Sinon, nous sommes dans le leurre pur et simple.
    Dernière question sur laquelle je voudrais insister dans ce débat sur le minimum contributif, qui est un débat important : le financement. A quelle date va se mettre en place ce dispositif ? Quel sera son coût ?
    A votre avis, combien de personnes seront susceptibles de profiter de ce dispositif à sa date d'application ? Et quelles seront ses conséquences sur l'équilibre du régime général ? Le dispositif - que nous proposons d'ailleurs d'améliorer - est-il de nature à mettre en péril l'équilibre du régime général l'an prochain ? Comptez-vous assurer cet équilibre si cette mesure est appliquée, comme le serons d'autres que vous avez intégrées, par exemple la prise en compte des salariés ayant quarante annuités, avec toutes les réserves, d'ailleurs, qu'on pourra soulever sur le sujet ? Quelles seront les conséquences de ces mesures sur le régime général et comment comptez-vous financer ce dispositif ?
    En effet, notre débat exige - et c'est un point sur lequel, là encore, je ne crois pas vous avoir entendu, monsieur le ministre, mais notre attention peut parfois être prise en défaut - d'avoir une vision gobale du financement de notre système de sécurité sociale.
    Nous nous interrogeons sur l'avenir de notre régime de retraite, sur l'assurance maladie et sur d'autres dispositifs qui peuvent connaître des problèmes d'équilibre. Il serait souhaitable que vous puissiez nous indiquer au cours de la journée - ou, en tout cas, dans le semaine - quelle est votre vision globale de l'équilibre de notre régime général, de nos régimes de sécurité sociale, et comment vous comptez l'assurer à l'avenir. Faute de quoi, nous ne pouvons pas discuter au fond. Nous ne pouvons pas nous contenter de ne parler que d'une mesure spécifique et de ses conséquences ; il faut que nous ayons une vision globale.
    Telles sont les différentes questions que je souhaitais poser au nom du groupe socialiste.
    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
    M. Gérard Bapt. Voilà l'UDF !
    M. Maxime Gremetz. Une voix nouvelle !
    Mme Arlette Franco. Cela va changer de la vôtre, monsieur Gremetz !
    M. François Rochebloine. Merci, monsieur Gremetz, de m'accueillir aussi bien.
    La réforme de notre système de retraite est urgente et indispensable, tout le monde semble en convenir. Trop de temps a en effet été perdu par les gouvernements précédents.
    Le but de cette réforme est de conforter la retraite par répartition. Sans cette réforme, le niveau de toutes les pensions baisserait. Notre objectif est justement, grâce à cette réforme, de parvenir à un haut niveau de retraite.
    Nous avons consacré la journée d'avant-hier à discuter du principe d'équité. Il existe aujourd'hui de très profondes inégalités entre les Français s'agissant de l'âge de départ à la retraite, du taux de cotisation ou de prise en compte du salaire de référence - six mois pour les uns, vingt-cinq ans pour les autres. Aussi, je m'étonne qu'aucun de nos collègues de l'opposition, pourtant eux aussi très attachés à l'égalité, n'ait demandé avec vigueur l'instauration d'une réelle égalité, et donc l'extension de la réforme aux régimes spéciaux, qui sont plus avantageux et qui, de plus, sont financés par la solidarité nationale. Michel Rocard, lui, l'a fait, comme nous avons pu le lire dans la presse.
    M. Jean-Pierre Brard. Alzheimer menace !
    M. Denis Jacquat. Beaucoup ici en sont atteints !
    M. François Rochebloine. On peut donc se demander où s'arrête l'égalité. C'est pourquoi le groupe UDF a demandé que la réforme soit étendue aux régimes spéciaux. Cela nous paraît justifié, pour que puisse s'établir demain une réelle égalité. J'ai même entendu hier matin le sénateur Charasse, personnalité socialiste éminente, réclamer un régime de retraite universel : voilà une proposition claire !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous n'êtes pas à la page. Depuis hier, il a fait son autocritique !
    M. François Rochebloine. Cela dit, le projet du Gouvernement fait un pas important vers l'équité, et le groupe UDF s'associe bien volontiers à cette démarche.
    L'article 4 se fixe pour objectif de garantir en 2008 un montant total de la pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du SMIC pour ceux qui auront travaillé à temps complet pendant quarante ans et auront cotisé pendant cette durée sur la base du SMIC. C'est un minimum.
    Dans l'avant-projet, le taux de remplacement prévu était seulement de 75 %. Le groupe UDF avait demandé de le porter à 90 %.
    M. Gérard Bapt. C'est vrai !
    M. François Rochebloine. Pourquoi ? Parce que 90 % d'un SMIC net n'est pas de trop pour un salarié ayant travaillé quarante ans et souvent très durement.
    M. Jean-Pierre Brard. Il fallait demander 100 % !
    M. François Rochebloine. Et si nous n'avons pas demandé 100 % du SMIC,...
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, pourquoi ?
    M. François Rochebloine. ... c'est pour conserver un différentiel entre actifs et retraités. Pour autant, nous comprenons les demandes allant en ce sens. Cela étant, nous nous félicitons de l'objectif qui a été retenu et qui vise à assurer un montant de pension au moins égal à 85 % du SMIC, même si nous souhaitons qu'il soit porté à 90 % du SMIC net et espérons qu'il s'appliquera à tous les Français,...
    M. Pascal Terrasse. Certainement pas, lisez l'étude d'impact !
    M. François Rochebloine. ... y compris les agriculteurs, les artisans et les commerçants.
    En conclusion, le groupe UDF salue cet article qui affiche clairement l'objectif d'une retraite minimale au moins égale à 85 % du SMIC. Il va dans le bon sens, dans le sens que nous souhaitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Maxime Gremetz. Vous n'êtes pas exigeant !
    M. Jean-Pierre Brard. L'UDF passe son temps à aller à Canossa !
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. L'article 4 est certainement celui qui a soulevé le plus d'illusions dans le pays. Au vu de tout ce qui a été dit et écrit sur la question du montant minimal garanti pour les petites pensions, nombreux sont ceux qui se sont imaginés que, après avoir travaillé toute leur vie, ils seraient au moins assurés de bénéficier au moins de 85 % du SMIC. Toutefois, quand ils apprennent les conditions requises pour obtenir ces fameux 85 %, beaucoup d'entre eux déchantent : en effet, il faudra avoir cotisé à taux plein pendant une durée de quarante ans, puis, plus tard, de quarante et un et, encore plus tard, de quarante-deux ans. Un tel dispositif écarte un grande nombre de salariés, en particulier de femmes, qui, pour diverses raisons, notamment le chômage, n'auront pas cotisé à taux plein durant quelques années.
    De plus, cette garantie d'un montant minimal s'applique au moment de la liquidation. Mais que se passera-t-il par la suite s'il y a des dérapages. Il nous est répondu qu'il ne faut pas s'inquiéter, que des rendez-vous réguliers sont prévus et que des « coups de pouce » seront donnés quand cela s'imposera. Toutefois, l'expérience nous montre que, depuis 1983, les « coups de pouce » n'ont malheureusement pas toujours été donnés, sinon nous n'en serions pas là où nous en sommes aujourd'hui. Il faut donc que le projet de loi prévoie un dispositif permettant d'éviter la reproduction de cette situation malheureuse que nous connaissons depuis vingt ans, sinon un prochain gouvernement, de droite ou de gauche, nous tiendra de nouveau le même genre de discours dans quelque temps.
    Par ailleurs, les hausses envisagées de 3 % en 2004, de 3 % en 2006 et de 3 % en 2008 permettront-elles un réel rattrapage ? Je ne le pense pas. En effet, avec un taux d'inflation quasi nul, on ne ferait que rattraper le retard accumulé. Ainsi, en avril 2003, la hausse des prix est d'environ de 2 % par rapport à 2002, si bien que - à moins que l'inflation diminue, voire disparaisse - les revalorisations prévues ne contribueront qu'à empêcher une dégradation de ces fameux 85 % du SMIC, mais ne permettront pas de rattraper le retard accumulé par le minimum contributif. Donc, au pire, et c'est le plus vraisemblable, l'écart continuera à se creuser, et ce d'autant plus que la progression du SMIC est déconnectée de celle des salaires.
    Le minimum contributif a été créé par un article de loi qui renvoie son calcul à des décrets en Conseil d'Etat. Et, jusqu'à présent, ce calcul prenait en compte les durées de cotisation ou d'équivalence. Or l'article 4 ne vise plus que les durées de cotisation. Il s'agit donc bien d'une régression par rapport à la situation actuelle, puisque nombre de salariés, notamment les femmes, n'auront pas cotisé durant quarante ans et, bientôt, quarante-deux ans. Je suis donc très inquiète sur cet aspect des choses.
    D'autant que mon inquiétude est renforcée par la réponse qui m'a été faite le 16 juin à une question concernant le rattrapage que je vous avais posée en novembre dernier, monsieur le ministre. Outre qu'elle est difficile à comprendre, la réponse est très prudente - je cite : « Seule une revalorisation différenciée par rapport aux pensions de vieillesse est envisageable. Pourtant, une telle revalorisation n'améliorerait pas la situation des personnes à la fois bénéficiaires du minimum contributif et du minimum vieillesse. Un coup de pouce pourrait être, en tout ou partie, compensé par la baisse corrélative de l'allocation supplémentaire... ». Bref, le rattrapage ne semble pas garanti. En tous cas, cette réponse ne permet pas de gommer les aspects un peu inquiétants de la rédaction de l'article 4.
    Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, si, en 2008, par exemple, les salariés ayant quarante ans de cotisation ou d'équivalence pourront toucher 85 % du SMIC ?

Rappel au règlement

    M. Maxime Gremetz. Rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement.
    Chaque jour nous apporte son lot de nouvelles très intéressantes sur le contenu de la réforme. Ainsi, nous avons appris hier avec beaucoup d'intérêt que les positions que nous défendons ne laissaient pas insensibles certains députés de l'UMP. Le cours de notre débat devrait donc s'en trouver modifié, puisque ce qui était impossible hier est devenu possible aujourd'hui. Au rythme d'un milliard par semaine, alors qu'il faut 50 milliards pour couvrir le besoin de financement de notre régime de retraite, on devrait y arriver dans cinquante semaines !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Non, plus, puisqu'il faut 55 milliards !
    M. Maxime Gremetz. Disons qu'avec les suspensions. il faudra un peu plus de temps !
    M. Denis Jacquat. Au moins dix ans !
    M. Maxime Gremetz. Autre fait nouveau très important, je découvre aujourd'hui que deux autres députés UMP,...
    M. Denis Jacquat. Ah !
    M. Maxime Gremetz. ... demandent une mission d'information sur les salaires des dirigeants d'entreprise.
    M. François Liberti. C'est judicieux !
    M. Maxime Gremetz. C'est extraordinaire. Voilà des députés de la majorité qui s'étonnent comme nous qu'au moment même où l'on demande toujours plus de sacrifices aux salariés, lesquels financeront l'essentiel de la réforme, des dirigeants d'entreprise, qui se plaignent des résultats médiocres obtenus par leurs entreprises respectives, multiplient par deux ou par dix leur salaire ou leurs stock-options. Tout cela est dans Le Figaro de ce matin.
    M. Guy Geoffroy. Excellente lecture !
    M. Maxime Gremetz. Hier, j'ai fait vendre Le Parisien, aujourd'hui, c'est Le Figaro ! Avouez que je suis très éclectique. Je ne cite même pas L'Humanité !
    On demande aux salariés de faire d'énormes sacrifices, alors que l'on refuse de taxer les sociétés qui réalisent des profits considérables, de taxer le capital dans un but de solidarité et que les dirigeants de ces mêmes entreprises s'en mettent plein les poches !
    La démarche entreprise par ces deux députés de l'UMP est salutaire et correspond à une sensibilité sociale et à un désir d'équité sociale qui se diffusent dans les différents groupes de l'Assemblée nationale. Continuons à débattre tranquillement, avec une argumentation solide, nous trouverons sans aucun doute les moyens de mettre en oeuvre une réforme des retraites équitable, juste et pleinement efficace.
    M. Jean-Pierre Brard. Qui sont ces deux députés ?
    M. Maxime Gremetz. Les noms des deux députés que j'ai cités sont publics : il s'agit de M. Marsaud, député de la Haute-Vienne,...
    M. Jean-Pierre Brard. Un progressiste !
    M. Maxime Gremetz. ... et de M. Michel Voisin, député de l'Ain.
    M. Denis Jacquat. Ce n'est pas une surprise !
    M. Jean-Pierre Brard. Vont-ils être exclus de l'UMP ?
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz, d'avoir fait cette revue de presse ! (Sourires.)

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. L'information que vient de nous donner M. Gremetz est intéressante puisqu'elle révèle que de plus en plus nombreux sont ceux qui se préoccupent de l'existence d'inégalités alors que l'on demande de plus en plus d'efforts au plus grand nombre.
    Je ne reviendrai pas sur l'article 4, qui a fait l'objet d'excellentes interventions de la part de mes collègues du groupe socialiste, M. Terrasse et M. Gorce, si ce n'est pour dire qu'il est révélateur du conflit qui oppose la majorité du groupe UMP au nôtre et, à certains égards, à celui de l'UDF.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Parlez-nous des retraites !
    M. Gérard Bapt. François Rochebloine ne vient-il pas de proposer de porter la pension minimale de 85 % à 90 % du SMIC net.
    M. Denis Jacquat. Dans les années à venir !
    M. Gérard Bapt. Nous plaidons, quant à nous, pour 100 % du SMIC.
    Tout cela pose à l'évidence un problème du financement. C'est alors qu'interviennent nos collègues de l'UMP, députés ou sénateurs appartenant à la tendance dite des démocrates, laquelle estime devoir peser davantage sur la tendance libérale - ce qui laisse à penser que les libéraux ne seraient peut-être pas tout à fait démocrates.
    M. Philippe Cochet. Hors sujet !
    M. Gérard Bapt. Ce n'est pas hors sujet. Je fais référence à une dépêche signée par un certain nombre de vos collègues aussi honorables que vous pouvez l'être sur le sujet.
    M. Denis Jacquat. Cela a déjà été dit hier !
    M. Alain Néri. Bis repetita placent.
    M. Guy Geoffroy. Et si on parlait des retraites ?
    M. Gérard Bapt. Ces parlementaires de l'UMP pensent qu'il est possible d'avoir recours à l'impôt sur les sociétés en vue de financer de la réforme.
    M. Denis Jacquat. Le problème est réglé !
    M. Gérard Bapt. M. le ministre nous a indiqué hier que le gouvernement Jospin avait écarté, s'agissant de la réforme des cotisations sociales patronales, tout financement fondé sur la valeur ajoutée. Ce n'est absolument pas exact puisque la contribution sociale de solidarité était assise sur l'excédent net d'exploitation. A cet égard, notre excellent collègue Hervé Novelli - je dis excellent car, lui, il a le courage de ses opinions et se fait volontiers le porte-parole des libéraux de l'UMP - a été parfaitement clair hier sur LCI en faisant remarquer au journaliste qui l'interrogeait que la réforme n'était financée qu'à 40 %, ce qui montrait bien qu'il fallait développer l'épargne retraite. Voilà bien la raison de notre opposition fondamentale au dispositif prévu par cette réforme.
    Il est dommage que le débat très enrichissant entre les libéraux et les démocrates de l'UMP ait lieu par médias interposés - l'AFP d'un côté, LCI de l'autre -, car il aborde les questions de fond du problème.
    Votre réforme écarte d'emblée toute hausse notable des cotisations sociales patronales et tout prélèvement sur les revenus du capital. C'est la logique du dogme libéral porté par M. Seillière, selon laquelle la feuille de paie serait l'ennemie, l'ennemie de l'emploi, de l'investissement et du profit !
    Or depuis 1984, la part de la valeur ajoutée dévolue aux salaires a baissé de 10 % cependant que celle consacrée au capital augmentait de 150 milliards d'euros par an ! Voilà pourquoi la prise de position des démocrates de l'UMP est importante, même si cela ne permettrait de rapporter qu'un milliard d'euros, comme le faisait remarquer M. Gremetz. Ce chiffre doit être mis en parallèle avec celui que représente la baisse forfaitaire de 5 % sur l'impôt sur le revenu, soit 2,5 milliards !
    Le « groupe des démocrates » a donc le mérite de poser une question de fond : pourquoi M. Seillière récuse-t-il toute augmentation de la cotisation patronale pour la retraite si ne n'est au nom du dogme qu'il faut toujours accroître la part de ce qui va au profit par rapport à celle de ce qui va au salaire ? Pourtant, entre les deux guerres mondiales, les cotisations sociales étaient basses - en tout cas, beaucoup plus qu'aujourd'hui - et la part du profit dans la valeur ajoutée n'était qu'à 33 % alors que la part salariale était de 67 %. Depuis 1950, les cotisations sociales ont considérablement augmenté et pourtant cela n'a pas empêché la part du profit d'atteindre 35 % de la valeur ajoutée, ce qui prouve que d'autres éléments, comme la compétitivité, la productivité ou la valeur ajoutée interviennent - et ils continueront à intervenir dans les années qui viennent.
    Bien entendu, M. Seillière dit qu'il faut éviter de trop charger la barque des entreprises françaises, et que la situation des entreprises est meilleure en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, où le libéralisme est en marche et où la part des profits est supérieure à celle qu'elle est dans notre pays. Mais le poids du profit dans la valeur ajoutée, qui était en moyenne de 36 à 37 % aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne entre les deux guerres, n'est plus que de 34 % et de 31 % depuis 1950. Eh bien, en France, il est supérieur. Qu'est-ce que ce dogme qui ne repose sur aucune réalité ?
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le propre de tous les dogmes. Pensez à l'Immaculée conception ! (Sourires.)
    M. Gérard Bapt. L'augmentation des cotisations sociales en France n'a donc pas diminué la part du profit. En revanche, celui-ci a baissé là où les cotisations restaient basses.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. M. Bapt parle depuis cinq minutes, monsieur le président !
    M. Gérard Bapt. Cette invocation obsessionnelle d'une contrainte de compétitivité a d'ailleurs été contredite par le récent rapport du Conseil d'analyse économique : c'est en France, après la Chine - excusez-moi du peu - qu'ont été enregistrés le plus d'investissements étrangers au cours de l'année passée. Cet argument ne repose sur aucun argument scientifique. La part consacrée aux retraites est passée de 5,4 % à 12,6 % du PIB en quarante ans et malgré cela les profits ont augmenté. Nous pensons qu'un effort comparable pourrait être fait jusqu'en 2040 sans que la compétitivité n'en souffre.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cela fait dix minutes maintenant !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Douze minutes même !
    M. le président. Monsieur Bapt, il faut conclure votre intervention.
    M. Gérard Bapt. Je termine, monsieur le président.
    Le débat glisse parfois sur le terrain médical - on parle de QI, d'Alzheimer, de schizophrénie. Je crois pour ma part que notre ministre qui se réclame - une intervention récente de M. Philippe Séguin l'a bien montré - d'une certaine tradition du social et du gaullisme...
    M. le président. Il faut conclure !
    M. Gérard Bapt. ... a beaucoup de mérite, tiraillé entre son aile libérale et son aile sociale, pour rester dans la ligne libérale du gouvernement Raffarin.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, jusqu'à présent, tous les présidents ont fait respecter le délai de cinq minutes !
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. J'interviendrai après, je laisse la parole à Mme Fraysse. Un peu de galanterie ne nuit pas, n'est-ce-pas ?
    M. le président. Je ne doute pas de votre galanterie, monsieur Gremetz.
    M. Jean-Pierre Brard. Pour aller au paradis !
    M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.
    Mme Jacqueline Fraysse. Cet acte de galanterie me va droit au coeur. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Nous ne sommes pourtant pas le 8 mars !
    Mme Jacqueline Fraysse. Le Gouvernement, à grands renforts de publicité, répète que, d'ici à 2008, aucune retraite ne sera inférieure à 85 % du SMIC net. Il s'agit, je regrette de le dire si crûment, d'une contrevérité inadmissible. Accuser les syndicats de déformer l'information, de jeter de l'huile sur le feu - je ne citerai pas tous les qualificatifs dont ils ont été abreuvés ces derniers jours - est une attitude inadmissible à l'égard des citoyens de ce pays. Au moins, le Gouvernement pourrait-il dire la vérité sur ce qu'il fait. Même si cette vérité est un peu dure à entendre, il faut avoir le courage d'annoncer clairement la voie que vous avez choisie.
    Aujourd'hui, la pension minimale est composée d'un minimum contributif, assuré par le régime général, de 533 euros brut, et de la retraite complémentaire, dont le montant résulte d'un calcul individuel. Demain, des millions de retraités toucheront, même en ayant effectué des carrières complètes, des pensions bien plus basses que l'objectif affiché, ceci pour plusieurs raisons.
    D'abord, le Gouvernement ne fixe - c'est l'article 4 du texte qu'il présente - qu'un objectif de 85 % du SMIC net à la liquidation. Concrètement, cela signifie que les salariés qui auront cotisé une carrière entière sur la base d'un salaire au niveau du SMIC percevront au mieux ce niveau de pension au moment de la liquidation. Mais pour la suite, ce minimum ne leur est pas garanti.
    M. François Liberti. Après, Tintin !
    Mme Jacqueline Fraysse. Les 4 millions de salariés actuellement au minimum contributif ne verront pas leur pension revalorisée en proportion. Les futurs retraités verront ainsi, immédiatement après la liquidation, leur retraite redescendre en dessous de ce niveau du fait du décalage entre l'évolution des prix et celle du SMIC.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais non, c'est ça qui n'est pas vrai !
    Mme Jacqueline Fraysse. Je vous rappelle que vous avez en effet toujours refusé d'indexer les retraites sur les salaires.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et vous ?
    Mme Jacqueline Fraysse. Vous maintenez l'indexation sur les prix, qui pénalise...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Vos anciens alliés de la gauche plurielle, ils ont fait s'effondrer tout cela ! C'est la Berezina !
    Mme Muguette Jacquaint. Mais on ne parle pas d'eux, on parle de vous !
    Mme Jacqueline Fraysse. Nous parlons de votre projet ! Vous nous reprochez assez souvent de sortir du sujet !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas la Berezina, nous sommes au bord de la Seine ! (Sourires.)
    Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais que nous restions dans le sujet !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui. Ils ne sont pas sur le même fuseau horaire !
    Mme Jacqueline Fraysse. Nous avons fait le calcul : après quinze ans de retraite, la pension pourra ne plus représenter que 65 % du SMIC net. Comment vivre aujourd'hui avec 65 % du SMIC ? Je vous le demande.
    En fait, les 85 % du SMIC annoncés ne constituent nullement une garantie mais un objectif hypothétique, qui pourra être atteint ou pas. Ainsi, le risque est grand que le MEDEF se serve de l'augmentation programmée du minimum contributif pour réduire la part des retraites complémentaires. Si vous étiez logiques avec vous-même et surtout honnêtes, vous devriez, pour garantir l'objectif annoncé, fixer un minimum de retraite complémentaire pour compléter le minimum contributif. Malheureusement, vous n'avez rien prévu dans votre texte, et nous n'avons pas le sentiment que le MEDEF soit prêt à accepter cette proposition.
    Ensuite, le texte « durcit » la référence pour calculer le minimum contributif, en la faisant passer de 150 à 160 trimestres. En outre, le poids des périodes d'assurance non cotisées - je pense aux bonifications pour enfant, au service militaire, etc. - sera moins important. Cela pénalisera les salariés, surtout les femmes, qui, plus souvent que les hommes, ont des carrières incomplètes. Je vous rappelle, mais je suppose que vous le savez, que six femmes sur dix perçoivent déjà le minimum contributif.
    Tous ces éléments confirment que, dans la réalité, les salariés concernés ne toucheront pas les 85 % du SMIC qui sont annoncés comme un minimum en dessous duquel aucune retraite ne devra descendre.
    Je ne dirais pas qu'il s'agit d'un mensonge d'Etat,...
    M. Jean-Pierre Brard. Encore que...
    Mme Jacqueline Fraysse. Encore que...
    M. François Liberti. ... on n'en soit pas loin.
    M. Maxime Gremetz. Surtout si l'on tient compte de la lettre que M. Raffarin a envoyée aux Français.
    M. le président. Je vous prie de conclure, madame Fraysse, votre temps s'épuise.
    Mme Jacqueline Fraysse. Je terminerai, monsieur le président,...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est dommage.
    Mme Jacqueline Fraysse. ... par une lapalissade - ce n'en est pas une pour tout le monde : il est très difficile de vivre aujourd'hui avec le SMIC. Essayez, juste pendant un mois, mes chers collègues.
    M. Maxime Gremetz. Une semaine suffira !
    Mme Jacqueline Fraysse. Il sera encore plus difficile de vivre avec 85 % du SMIC. Et, comme les 85 % du SMIC ne sont pas garantis, je viens de le démontrer, vous allez plonger des millions de retraités dans la misère. Il faut le répéter, puisque c'est votre choix. Nous nous opposons fermement à cette mesure et proposons que les retraités bénéficient au moins de 100 % du SMIC tout au long de leur retraite. C'est le moins que l'on puisse faire ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.
    M. Philippe Vuilque. L'article 4 vise à assurer, en 2008, à travers les régimes légaux de base et complémentaires, un montant minimal de retraite égal à 85 % du SMIC, net de prélèvements sociaux, pour une carrière complète, objectif qui sera réexaminé dans cinq ans en tenant compte des perspectives financières des régimes de retraite et des réformes intervenues. Cet article -  Pascal Terrasse l'a dit - part d'une bonne intention que, malheureusement, la réalité risque fort de démentir.
    L'exposé des motifs prévoit en effet un mécanisme qui devrait permettre, selon vous, de garantir l'objectif : le minimum contributif pour quarante années cotisées serait revalorisé de 3 % au 1er janvier 2004, de 3 % au 1er janvier 2006 et de 3 % au 1er janvier 2008. Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que le minimum contributif a considérablement diminué depuis 1983 : alors qu'il représentait à l'époque 63 % du SMIC brut, il n'en fait plus aujourd'hui que 45 % ? Dois-je aussi vous rappeler que 40 % des retraites liquidées ces dernières années l'ont été au niveau du minimum contributif dont les trois quarts concernaient les femmes ?
    Votre proposition, monsieur le ministre, est beaucoup trop aléatoire. La garantie de 85 % du SMIC sera loin d'être atteinte. Nous ne pouvons nous satisfaire d'une telle perspective qui engendrera, à terme, Mme Fraysse l'a souligné à juste titre, une paupérisation des salariés aux faibles ressources.
    Quelle est la situation actuelle ? Un exemple vaut mieux qu'un long discours. Je le tire de l'excellent tract diffusé par le parti socialiste, qui explique notre position et remet un grand nombre de choses au point.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En tout cas, il ne contribue pas à améliorer le système des retraites, c'est sûr !
    M. Philippe Vuilque. Le tract prend l'exemple d'un salarié rémunéré au SMIC, qui part à la retraite à l'âge de soixante ans après quarante années de cotisations. Il bénéficie à l'heure actuelle d'un taux de remplacement égal à 81 % de son salaire. Avouez que ce n'est pas un luxe. C'est même à peine décent. Qu'en sera-t-il, avec votre réforme, s'il part en retraite en 2020 ? C'est simple, son taux de remplacement se situera autour de 65 %. C'est une baisse de plus de quinze points qui l'attend.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Monsieur le président, il dit tout le contraire de ce qu'il y a dans le texte !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Il est en service commandé !
    M. Philippe Vuilque. Monsieur le ministre, le réveil risque d'être dur ! Cette baisse n'est pas acceptable !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faut laisser ces notes qu'on vous a préparées, monsieur Vuilque, elles sont trop mauvaises.
    M. Philippe Vuilque. Pour maintenir son taux de remplacement, donc son pouvoir d'achat, ce salarié doit travailler cinq ans de plus. Et non deux ans comme vous l'affirmez !
    Nous proposons que le minimum contributif soit compris entre 95 % et 100 % du SMIC net, et qu'il soit indexé sur l'évolution annuelle du SMIC pour garantir un niveau constant. C'est une simple question de justice sociale.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles. Ils ont laissé la situtation des retraites empirer pendant cinq ans !
    M. Jacques Le Guen. Quelle mauvaise foi !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
    M. Jacques Le Guen. Rien !
    M. Philippe Vuilque. Croyez-vous, monsieur le ministre, que ce que vous proposez soit acceptable pour ceux qui ont trimé toute la vie avec un salaire minimum ? Croyez-vous que ce soit acceptable pour ceux qui ont usé leur vie dans la métallurgie, les fonderies ? Venez chez moi dans la vallée de la Meuse et dans la vallée de la Semois - ça risquerait d'ailleurs d'être assez sportif ! Ils ont été au feu, comme l'on dit.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ça ne vous oblige pas à raconter n'importe quoi !
    M. Philippe Vuilque. Comment pourraient-ils se satisfaire, pour eux et leurs enfants, d'une telle réforme, et accepter de travailler cinq ans de plus ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quelle misère qu'un tel discours !
    M. Philippe Vuilque. Certes, notre proposition a un coût, 350 millions d'euros, mais c'est un choix politique. Cette somme est nécessaire pour garantir le niveau du minimum contributif. Ce n'est pas un luxe. C'est simplement une question de justice sociale. Que valent 350 millions d'euros face à la peine des hommes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est Mme Elisabeth Guigou.
    Mme Elisabeth Guigou. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l'article 4 est un article très important. Mes collègues viennent de dire pourquoi il faut faire un effort suuplémentaire pour les petites retraites. Certes, par rapport à l'avant-projet, la CFDT a obtenu que vous assuriez des prestations de retraite au moins égales à 85 % du SMIC. Mais nous pensons qu'il faut aller plus loin. Nous avions déposé en ce sens un amendement en commission qui a été repoussé, vous le savez, au titre de l'article 40 de la Constitution.
    On pourrait pourtant dégager des recettes supplémentaires pour financer notre proposition à la condition toutefois d'avoir des éléments précis sur le financement de l'ensemble des retraites à l'horizon 2020. Or, vous ne nous avez donné aucune indication précise quant au financement de la mesure proposé dans cet article. Vous repoussez à 2006 l'augmentation des cotisations. Nous ne savons pas ce qui va se passer en 2005, pas plus que nous ne savons d'où proviendra le financement. Vous nous dites que le budget de l'Etat suppléera au financement par les régimes complémentaires. Mais la représentation nationale devrait disposer d'indications plus précises.
    Cette incertitude sur le financement à court terme se double d'une incertitude sur le financement à l'horizon 2020.
    Rappelons ici quelques chiffres. Le besoin de financement estimé par vos services et par le Conseil d'orientation des retraites est, pour 2020, de 43 milliards d'euros : 28 milliards d'euros pour la fonction publique, 15 milliards d'euros pour le régime général - je laisse de côté les autres régimes pour l'instant. Votre réforme n'assure le financement que de 40 % de ces 43 milliards : le tiers des 15 milliards d'euros de besoins de financement pour le secteur privé et moins de la moitié pour le secteur public.
    C'est cette incertitude sur le financement à l'horizon 2020 qui plombe la crédibilité de votre réforme. Comment voulez-vous que les sacrifices demandés, notamment à ceux qui perçoivent les retraites les plus modestes - cela vient d'être abondamment démontré - soient acceptés si nos concitoyens se disent que, malgré ces efforts, seule la moitié du besoin de financement est assurée ?
    M. Michel Vergnier. Le reste, ce sera les fonds de pension ?
    Mme Elisabeth Guigou. Ils s'interrogent : on nous demande d'aller jusqu'à quarante, quarante et un, quarante-deux ans, mais que nous demandera-t-on dans le futur ? Si on n'allonge pas encore plus la durée de cotisation, cela ne cache-t-il pas un recours aux fonds de pension ?
    Ajoutons à cette double incertitude le fait que les efforts, certes nécessaires - il faut une réforme, qui devra être supportée par nos concitoyens - ne sont pas également répartis. Et c'est la deuxième raison pour laquelle la confiance dans votre réforme n'existe pas : ce sont toujours aux mêmes que l'on demande de faire un effort financier, les salariés. En ne jouant que sur l'allongement de la durée de cotisation, on ne fait contribuer que les seuls salaires.
    Qu'il s'agisse des petites retraites ou des autres, nous pensons que si l'on veut assurer un effort de financement supplémentaire, il faut, d'une part, dégager d'autres ressources, d'autre part, les répartir plus équitablement entre les différentes sources de revenus.
    Juste une indication sur les 43 milliards d'euros de besoin de financement, dont 25 milliards ne sont pas couverts. S'il était mis un terme à la baisse de l'impôt sur le revenu promise par le Président de la République, ce sont 22 milliards d'euros qui pourraient être dégagés à l'horizon de 2020. Voilà une ressource qui pourrait être utilisée pour satisfaire le besoin de financement.
    M. Philippe Vuilque. Eh oui ! C'est un choix politique.
    Mme Elisabeth Guigou. Vous n'allez tout de même pas me dire qu'il serait illégitime de rechercher des ressources nouvelles afin de trouver les 3 milliards d'euros restants pour financer votre réforme et les quelques milliards nécessaires au financement des améliorations que nous jugeons indispensables, notamment pour ce qui concerne les petites retraites ainsi que la prise en compte de la pénibilité et des différences d'espérance de vie.
    Je reconnais que vous avez commencé de le faire s'agissant des cotisations vieillesse, lors du dernier round de la négociation. Mais pourquoi donc se priver de faire appel à la CSG, qui porte sur toutes les catégories de revenus, y compris les revenus financiers ?
    M. le président. Veuillez conclure !
    Mme Elisabeth Guigou. Je vais conclure, monsieur le président.
    Pourquoi se priver d'un meilleur financement du fonds de réserve pour les retraites en lui affectant le produit de l'impôt sur la fortune ou en augmentant les prélèvements sur les revenus du patrimoine ?
    Tout cela pourrait être fait de façon modérée. Tout cela serait compatible avec la compétitivité et la productivité et instaurerait un peu plus d'équité, un plus de justice dans la répartition de l'effort demandé.
    Nous n'avons jusqu'à présent obtenu aucune réponse aux propositions que nous faisons en ce sens. J'espère qu'avant la fin de la discussion, nous en aurons quelques-unes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Denis Jacquat. On a le temps !
    M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
    M. Alain Néri. Monsieur le ministre, l'article 4 est un des articles fondateurs de votre projet de réforme des retraites.
    M. Denis Jacquat. Bien vu !
    M. Alain Néri. Cet article ne manque cependant pas d'être inquiétant, même s'il semble marquer des avancées dans le sens du progrès social.
    M. Guy Geoffroy. Mais c'est le cas !
    M. Alain Néri. En effet, avec 85 % du SMIC, on peut se dire, dans un premier temps, que l'amélioration est notable.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Eh oui !
    M. Jacques Le Guen. Il faut le dire !
    M. Alain Néri. Mais l'article ne compte que quatre lignes. Chez moi, on appellerait cela un attrape-nigaud. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Parce que vous êtes bien élevé. Ailleurs, on appellerait ça autrement !
    M. Denis Jacquat. Vous n'avez rien fait pendant cinq ans !
    M. Alain Néri. Vous prenez les Français pour des nigauds et, lorsqu'on perçoit ce qu'il y a derrière votre texte, on ne peut qu'être très inquiet.
    D'abord, je rappellerai, après nombre de mes collègues mais il convient d'enfoncer le clou, qu'aucune indexation n'est prévue sur l'évolution du SMIC !
    M. Bernard Schreiner. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait !
    M. Alain Néri. Ce qui signifie qu'avec le temps il y aura une dégradation du pouvoir d'achat de la retraite des plus modestes, laquelle ne représentera peut-être plus que 65 % du SMIC, si ce n'est pas pire.
    M. Jacques Le Guen. Ce que vous dites est faux !
    M. Alain Néri. D'autant plus que l'on ne sait pas - Mme Guigou a posé la question - d'où viendra le financement.
    M. Denis Jacquat. Si vous aviez écouté ce qui a été dit ces derniers jours, vous le sauriez !
    M. Alain Néri. Vous nous proposez 85 % du SMIC, mais cela comprend les retraites complémentaires, pour au moins 25 %.
    M. Denis Jacquat. La réponse vous a déjà été donnée !
    M. Alain Néri. Or on sait bien que les retraites complémentaires dépendent des partenaires sociaux, c'est-à-dire en réalité du MEDEF.
    Quand M. Seillière nous affirme, péremptoirement comme d'habitude,...
    M. Jean-Pierre Brard. Et avec arrogance !
    M. Alain Néri. ... qu'il n'est en aucune façon question d'augmenter les cotisations patronales, on ne peut qu'être doublement inquiet.
    Pour ce qui concerne la prise en compte des retraites complémentaires garanties dans le pouvoir d'achat de la retraite des plus modestes, nous avons été déjà échaudés. Que je sache, c'est bien M. Seillière et le MEDEF qui ont fait capoter l'ARPE, cette mesure intéressante qui permettait à nos anciens, usés par la pénibilité de leur travail, de partir en retraite en contrepartie de l'embauche d'un jeune.
    Nous avions fait adopter dans cette assemblée, lors de la discussion d'un budget des anciens combattants, un amendement assurant aux anciens combattants chômeurs un minimum de 5 700 francs par mois. Or cet amendement, pourtant adopté à l'unanimité, n'a pu avoir de suite favorable car le MEDEF s'est opposé à payer la part qui lui incombait.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
    M. Alain Néri. Nous ne pouvons donc qu'être inquiets.
    Vous nous assurez de la volonté de votre gouvernement d'accorder à tous ces 85 % du SMIC. Mais envisagez-vous de porter le minimum de la retraite des agriculteurs à 85 % du SMIC net ? Dans l'affirmative, êtes-vous prêt à annuler les minorations prévues par le décret inique, honteux, pris par votre collègue Vasseur lorsqu'il était ministre de l'agriculture ? La réponse à cette question est attendue dans nos campagnes.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous parlez d'un décret « inique » que vous avez maintenu !
    M. Alain Néri. Nous considérons que 85 % ne sont ni acceptables ni suffisants. C'est pourquoi nous proposons un niveau de retraite minimal égal à 100 % du SMIC, avec une indexation sur l'évolution du SMIC lui-même, ce qui garantirait la ressource.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Voilà qui va crédibiliser le parti socialiste !
    M. Alain Néri. Monsieur le ministre, si vous voulez, comme nous, faire en sorte que nos retraités vivent dans la dignité, le financement de leur retraite doit être partagé. Mais vous prévoyez d'assurer ce financement uniquement par l'augmentation des cotisations salariées, alors que vous ne demandez aucun effort au patronat. Je pensais quant à moi que la France équitable était celle qui faisait partager les efforts. Nous risquons d'aller vers une paupérisation des retraités les plus modestes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. L'article 4 comporte une disposition qui constitue, il faut bien le dire, une hypocrisie inacceptable. Mais vous êtes très fort dans le maniement du vocabulaire : le Gouvernement donne essentiellement dans la communication, comme en témoignent les 26 millions d'exemplaires du texte que M. Raffarin a adressé à tous les Français, mais selon une conception bizarre de la démocratie puisqu'il considère qu'il s'adresse à des muets.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais non !
    M. Jean-Pierre Brard. Il s'adresse aux Français mais ils n'ont pas le droit de lui répondre.
    Vous fixez un objectif de pension, lors de la liquidation, à 85 % du salaire minimum de croissance lorsque le salarié a travaillé à temps complet, qu'il dispose de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier à taux plein du montant total de pension et qu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance.
    D'une manière assez cynique, cet objectif est fixé à l'année 2008, alors que les dispositions du texte, qui n'impliquent pas de progressivité, doivent généralement s'appliquer dès le 1er janvier 2004 et non en 2008.
    Le Gouvernement impose donc aux smicards d'être très patients pour bénéficier de l'aumône que, dans votre grande mansuétude, vous leur consentez.
    Quand on connaît l'extrême difficulté qu'il y a à vivre avec le SMIC - en tout cas sur nos bancs mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas sur les bancs de nos collègues d'en face - il apparaît comme totalement déplacé de limiter les pensions à 85 % de cette somme et de renvoyer à cinq ans la mise en application de la mesure.
    Mais il y a pire !
    Il aurait évidemment fallu, si l'on avait voulu être sincère et honnête, préciser la rédaction de l'article par une garantie de maintien du niveau de 85 % tout au long de la retraite, c'est-à-dire créer un mécanisme de cliquet interdisant toute détérioration du rapport entre la pension servie et les évolutions du SMIC au fil du temps.
    Cela serait d'autant plus justifié que les salariés rémunérés au SMIC sont bien souvent ceux qui accomplissent les travaux les plus pénibles, les plus usants, et qui ont de ce fait l'espérance de vie la plus courte après avoir achevé leur vie professionnelle.
    Cela aurait aussi contribué à prendre un peu en compte la pénibilité du travail, à laquelle vous prétendez être sensibles.
    C'est un problème qui n'est quand même pas tout à fait nouveau. Il y a même eu une loi en 1975, qui n'a jamais été concrètement appliquée, sur les retraites ouvrières et qui offrait enfin la possibilité pour les ouvriers de prendre leur retraite par anticipation.
    Un ouvrier a quatorze ans d'espérance de vie lorsqu'il a soixante ans et un cadre supérieur vingt et un. Personne ne songe à reprocher au cadre supérieur d'avoir vingt et un ans devant lui, mais l'ouvrier a un tiers de moins d'espérance de vie. C'est là une réalité que l'on ne peut évacuer. Pour une large part, elle est déterminée par les conditions de travail et les conditions de vie.
    Que nous propose-t-on sur cette question sensible ? Une vague promesse de faire discuter, dans les trois ans qui viennent, d'un accord interprofessionnel avec le MEDEF. Quand on connaît le peu d'enthousiasme du MEDEF pour les avancées sociales, on ne peut qu'être dubitatif. Et l'on a déjà pu apprécier le grand sens du dialogue de M. Seillière et de M. Sarkozy - je parle de l'autre, qui est moins rusé que celui auquel tout le monde pense (Sourires), M. Kessler et consorts. Renvoyer au dialogue avec ces gens-là, c'est comme vouloir discuter avec des bornes kilométriques : cela a peu de chance de déboucher sur quelque chose.
    Qu'est-ce qui empêche d'inscrire immédiatement dans la loi la reconnaissance d'un droit au départ anticipé ? Qu'est-ce qui empêche de prévoir des bonifications ou un départ à cinquante-cinq ans pour les métiers pénibles ?
    Ce n'est pas dans cinq ou six ans, quand ils seront en retraite, voire au seuil du décès, qu'il faudra accorder quelque chose aux travailleurs concernés, mais dès aujourd'hui, parce que ces travailleurs-là existent vraiment, concrètement, et qu'ils attendent que l'on traite immédiatement leur situation sans se satisfaire de promesses.
    M. le président. Monsieur Brard, il faudrait conclure !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais conclure, monsieur le président.
    En dépit d'un affichage qui, là encore, peut paraître séduisant au premier abord, nous sommes face à une logique qui est profondément critiquable et qui justifie notre attitude de refus du texte.
    Monsieur le président, j'évoquerai pour terminer une scène que vous avez certainement vécue.
    Dans ma ville, les ordures ménagères sont pour l'essentiel ramassées par la SITA.
    Il vous est sûrement arrivé de rester bloqué derrière une benne à ordures. Avez-vous à cette occasion observé l'intensité du travail des éboueurs et mesuré la condition physique qu'ils doivent avoir pour satisfaire à la productivité exigée, en contrepartie d'un salaire de misère et, à terme, d'une retraite qui sera accordée dans les conditions que vous prévoyez ?
    Mes chers collègues, quand vous serez derrière une benne à ordures, coincés dans votre voiture, vous penserez au mauvais coup que vous avez perpétré contre les éboueurs !
    M. Michel Vergnier. Vous avez raison !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. L'article 4 promet un minimum de 85 % du SMIC. Mais cette promesse ne concerne pas tout le monde puisque, pour en bénéficier, il faudra justifier de cent soixante trimestres de cotisation !
    M. Denis Jacquat. C'est le minimum contributif !
    M. Augustin Bonrepaux. Je vais montrer combien ce sera difficile pour beaucoup de travailleurs, surtout pour ceux qui effectuent des travaux pénibles.
    Nous demandons quant à nous 100 %. Est-ce excessif ? On peut réaliser un chiffrage. Même si ces 100 % représentent un milliard, qu'est-ce que cela représente par rapport aux 3 milliards de baisses d'impôt sur le revenu que vous avez accordées pour 2003 ou par rapport aux 500 millions de baisse d'impôt sur la fortune ?
    Mme Elisabeth Guigou. Très bonne question !
    M. Augustin Bonrepaux. Notre demande n'est donc pas excessive. Elle est même particulièrement légitime.
    A plusieurs reprises vous avez fait des gorges chaudes d'un article évoquant l'« illusoire taxation du capital ». Mais vous avez oublié de citer la petite phrase suivante : « Ce que proposent aujourd'hui les promoteurs de la taxation du capital, c'est d'introduire une dimension solidariste et de fait capitalistique dans un système contributif de répartition, c'est-à-dire d'altérer le modèle mis en place en 1945. Pour la part des retraites qui relèvent de la solidarité, la démarche est légitime. »
    Mme Elisabeth Guigou. Exactement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est déjà fait !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce que nous vous demandons, c'est de faire en sorte que pour les petites retraites, joue la solidarité, en faisant contribuer le capital à leur financement. C'est d'ailleurs ce que demandent, mesdames, messieurs de la majorité, ceux d'entre vous qui proposent une augmentation de l'impôt sur les sociétés.
    Il est vrai que cette taxation serait monsieur le ministre, beaucoup plus facile, si, l'année dernière, votre gouvernement avait suivi les traces du gouvernement précédent qui, dans le souci d'encourager l'emploi, avait engagé une baisse de l'impôt sur les sociétés, que vous avez stoppée.
    Vous n'avez pas voulu revenir totalement sur la surtaxe Juppé. Vous avez préféré baisser l'impôt sur le revenu de l'ordre de trois milliards. Mais qu'est-ce que cela a apporté à l'économie ? Aujourd'hui, il est vrai que si vous aviez agi différemment, vous auriez disposé d'une marge de manoeuvre suffisante pour mettre en oeuvre la solidarité en faveur des petites retraites.
    J'ajoute que ces 85 % que vous présentez comme une grande nouveauté ne sont pas une mesure générale.
    Que se passera-t-il pour les chômeurs qui auront des difficultés à trouver du travail justement parce qu'on aura incité ceux qui travaillent à prolonger leur temps d'activité ? Ces chômeurs auront encore plus de difficultés.
    Que se passera-t-il pour les saisonniers pluriactifs, qui ne travaillent pas une année complète car ils doivent passer d'un emploi à l'autre ? Ils ne pourront jamais justifier du minimum contributif de cent soixante trimestres.
    Enfin, que deviendront les 85 % du SMIC avec l'indexation sur les prix ?
    M. Bernard Roman. C'est le problème !
    M. Augustin Bonrepaux. Que se passera-t-il à partir de 2008 ? A cet égard, on ne peut que déplorer la grande nébulosité de votre projet et vous n'avez pas répondu hier aux questions que nous vous avons posées.
    Comment sera assuré le financement à partir de 2008 ? Vous avez renvoyé Jean-Marc Ayrault à 2020. Vous devriez lire un peu plus attentivement le rapport de M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, à la page 30 duquel figure la phrase suivante : « A partir de 2008, et jusqu'en 2020, une augmentation de l'ordre des trois points est programmée. »
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Je n'ai pas terminé, monsieur le président,...
    M. le président. Votre temps est écoulé !
    M. Augustin Bonrepaux. Nous n'avons pas obtenu de réponse sur ce point !
    M. Christophe Masse. C'est important !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est extrêmement important ! Nous sommes là au coeur du problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Didier Julia. Faites-le taire !
    M. Augustin Bonrepaux. En dehors du secteur privé, il va falloir financer le secteur public ! Et il manquera 15 milliards qui devraient être financés grâce à un effort supplémentaire des employeurs. Cela signifie qu'à partir de 2008...
    M. Michel Vergnier. Ils ne seront plus là !
    M. Augustin Bonrepaux. ... vous laisserez à d'autres la responsabilité de faire ce que vous n'osez pas faire maintenant : augmenter les impôts et transférer la charge sur les collectivités locales. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Cette augmentation de la fiscalité se traduira par une diminution encore plus importante du minimum contributif et on en arrivera finalement à un montant de pension dérisoire !
    Monsieur le ministre, vous prétendez assurer l'avenir, mais votre projet n'est pas financé, et vous en transférez la charge sur vos successeurs, après 2008, c'est-à-dire après les élections. Vos réponses sont bien insuffisantes. Expliquez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Gilles Cocquempot.
    M. Gilles Cocquempot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 4 affiche, en apparence, la volonté du Gouvernement de défendre les salariés les plus modestes, les smicards, en fixant un objectif de retraite de 85 % du salaire minimum de croissance, net de prélèvements sociaux, pour une carrière complète, c'est-à-dire bien au-delà de soixante ans, compte tenu des difficultés qu'éprouvent les jeunes, mêmes titulaires d'un CAP, d'un BEP ou bac pro, à entrer sur le marché du travail.
    Autant dire que la retraite à soixante ans à taux plein est supprimée, de fait, pour n'être plus qu'une possibilité offerte aux intéressés de disposer d'une pension de misère. Celles et ceux qui, payés au SMIC pour des emplois souvent pénibles, opteront, à soixante ans, pour la liquidation de leurs droits, faute de pouvoir physiquement ou psychologiquement continuer à travailler, auront été abusés par votre projet de loi.
    La droite libérale - je devrais dire ultra-libérale -, avec sa pensée unique d'inspiration anglo-saxonne, prend ainsi, au travers de l'UMP, sa revanche sur celles et ceux qui, avec certes des différences d'analyse, avaient tout au moins un point de convergence : défendre une certaine vision collective de la société, une certaine vision de la France. Face à ce qu'on pourrait appeler l'aile sociale de l'UMP, se dresse une aile conservatrice, réactionnaire, qui appuie sa démarche, son action, sur un comportement strictement individuel où l'égoïsme n'a d'égal que le mépris et l'indifférence aux autres.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oh !
    M. Gilles Cocquempot. Les Madelin et consorts jubilent. Ils se targuent d'avoir été les seuls à pouvoir susciter et organiser, par leurs réseaux, la contre-manifestation sociale. Ils font un hold-up sur un mouvement qui se prétend populaire - prenez garde que, sournoisement, il ne se transforme en mouvement populiste.
    Si je dis cela, c'est parce que je vois qu'ils mettent en difficulté les tenants du gaullisme historique et les « démocrates » qui ont vocation à incarner l'« aile sociale » de l'UMP.
    Si je dis cela, c'est parce qu'ils exécutent la pensée communiste tout en disant que ceux qui la défendent sont les seuls à porter un projet alternatif.
    Si je dis cela, c'est parce que, pour cacher leur vrai visage, ils passent à l'attaque en minimisant, en stigmatisant les propositions socialistes, tout en affirmant, sans pudeur et sans peur de la contradiction, que ces propositions n'existent pas.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Oh ! là, là !
    M. Gilles Cocquempot. Mais au-delà des incantations, des invectives, comme celles qui ont été proférées hier soir, il y a les écrits. Il est en effet très intéressant de comparer la rédaction de l'article 4 et son exposé des motifs.
    L'exposé des motifs dit :
    « L'article fixe l'objectif d'assurer en 2008, à travers les régimes légaux de base et complémentaires, un montant minimal de retraite égal à 85 % du salaire minimum de croissance net de prélèvements sociaux pour une carrière complète. Cet objectif sera réexaminé dans cinq ans - c'est-à-dire en 2008 - en tenant compte des perspectives financières des régimes de retraite et des réformes intervenues. »
    Quant à l'article 4, voici ce qu'il dit :
    « La Nation se fixe pour objectif d'assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu'il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance. »
    On voit bien, mes chers collègues, que la rédaction officielle de l'article 4, celle qui paraîtra au Journal officiel, est en trompe l'oeil par rapport à l'exposé des motifs, qui, lui, dessine les véritables intentions du Gouvernement : il n'y a aucune garantie, mais un simple objectif, qui sera réexaminé en 2008, c'est-à-dire avant même que l'engagement pris aujourd'hui n'ait fait l'objet d'un début d'application.
    Autant dire que l'article 4 de votre projet de loi est de la poudre aux yeux...
    M. François Liberti. Il est pernicieux !
    M. Gilles Cocquempot. ... pour les gens à revenus modestes, qu'il est censé protéger...
    M. Denis Jacquat. On le leur dira !
    M. Gilles Cocquempot. ... par un engagement de la nation qui ne leur offre, à ce jour, aucune garantie.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n'est pas possible !
    M. Denis Jacquat. Dire qu'ils n'ont rien fait pendant cinq ans !
    M. Gilles Cocquempot. D'autant que l'exposé des motifs prévoit un réexamen de votre engagement en 2008, non pas sur la base des réalités financières des régimes de retraite. mais « en tenant compte des perspectives financières ».
    M. François Liberti. C'est ce qui est écrit !
    Mme Jacqueline Fraysse. Et ça les gêne !
    M. François Liberti. Ils trompent les gens !
    M. Gilles Cocquempot. Vous annoncez déjà la possibilité de renvoyer aux calendes grecques une pseudo-garantie prise sous forme d'engagement solennel dans un projet de réforme présenté et voté en 2003 !
    M. Denis Jacquat. C'est scandaleux de dire ça !
    M. le président. Monsieur Cocquempot, il faut conclure !
    M. Gilles Cocquempot. Enfin, ce réexamen tiendra compte, dites-vous, « des réformes intervenues ». Mais de quelles réformes, monsieur le ministre, parlez-vous ?
    Bref, la lecture comparée de l'exposé des motifs et de l'article lui-même montre bien la duplicité du discours. C'est vrai pour l'article 4, et je suis en droit de penser que c'est aussi le cas pour tous les autres articles de votre projet. Ce seront malheureusement les Français les plus modestes qui en seront les victimes. Monsieur le ministre, retirez votre projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean Roatta. N'importe quoi !
    M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le président, monsieur le ministre, je n'avais pas l'intention d'intervenir...
    M. François Liberti. Pourquoi vous justifier ? C'est bien d'intervenir !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. ... mais je crois important, après neuf jours de débats,...
    M. François Liberti. Et ce n'est pas fini !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. ... de dénoncer certaines choses.
    Nos collègues socialistes, dans la discussion générale comme à l'occasion de l'examen des articles 1er, 2 et 3, n'ont eu de cesse d'utiliser les femmes pour essayer de démontrer que le projet du Gouvernement sur les retraites était un mauvais texte.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est notre droit !
    M. Didier Julia et M. Christian Kert. Restez corrects !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Bonrepaux, et je vous demande de m'écouter ! D'autant que je serai nettement moins longue que vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Allez-y, madame Zimmermann !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, j'ai fait des recommandations et le Gouvernement les a entendues.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je vais d'ailleurs énumérer les avancées pour les femmes que contient ce projet. Mais, auparavant, je souhaite mettre les choses au point.
    Pendant près de vingt ans, mes chers collègues, vous avez été au pouvoir. Vous avez bien sorti des lois sur l'égalité professionnelle en 1983 et en 2001, mais, entre-temps, je suis désolée, vous n'avez rien fait. Aujourd'hui, le Gouvernement est prêt à travailler sur la question et la façon dont vous tentez d'utiliser les femmes est quelque peu scandaleuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Si les femmes sont dans cette situation, c'est tout de même parce que, pendant près de vingt ans, vous n'avez rien fait ! On peut toujours parler pendant les campagnes électorales, mais l'important, lorsqu'on est au pouvoir, c'est d'agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. Très bien !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je vais maintenant vous rappeler quelques faits que je souhaiterais vous voir méditer.
    M. Jean Roatta. On peut rêver...
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Pour les pensions de reversion, vous n'avez rien fait, tandis que le projet de loi prévoit des mesures très favorables : suppression de la condition d'âge minimum de cinquante-cinq ans ; suppression de la condition de durée de mariage de deux ans ; suppression de la condition d'absence de remariage ; un seul plafond de ressources, celles du conjoint survivant ou celles du ménage. Qu'aviez-vous fait dans ce domaine ? Rien !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Rien !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Le projet de loi tend également à rapprocher la situation du conjoint survivant du régime général de celle du conjoint survivant de la fonction publique, beaucoup plus avantageuse. Qu'aviez-vous fait dans ce domaine ? Rien !
    M. André Berthot et M. Guy Geoffroy. Rien !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. De plus, les avantages familiaux, dans le régime général, seront renforcés : maintien de la bonification de deux ans par enfant pour les mères de famille, qu'elles aient ou non interrompu leur activité professionnelle ; maintien de la bonification de pension de 10 % minimum pour tout assuré ayant élevé trois enfants au moins ; maintien de l'assurance vieillesse des parents au foyer. C'est quoi, tout cela ? De la poudre aux yeux ? Non !
    Il y a aussi une mesure directement liée à l'article 4 que vous ne mettez malheureusement pas en avant : dans le régime général, le temps partiel sera mieux pris en compte. Qui a vanté le temps partiel ? Qui a mis certaines femmes dans des conditions telles qu'elles devaient travailler à temps partiel ? C'est vous ! Pardonnez-moi d'enfoncer le clou !
    Ainsi, dans le régime général, les salariés déjà employés à temps partiel ou embauchés à temps partiel pourront compléter leurs droits de pension de retraite, et l'employeur pourra prendre en charge la part salariale complémentaire. C'est la réalité. C'est dans le projet de loi.
    Et, dans la fonction publique, les femmes pourront désormais décompter les périodes de service accompli à temps partiel comme des périodes de service à temps plein.
    Ce projet de loi contient donc de multiples avancées. Reconnaissez-le, au lieu d'utiliser les femmes pour chercher à démontrer qu'il ne résout pas les problèmes. De grâce, parlez enfin des retraites et cessez d'utilisez les femmes. Celles-ci ne vous en seront pas reconnaissantes !
    M. Denis Jacquat. Très bien !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Cessez d'exploiter les femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. André Berthol. Ça a un nom !
    M. Maxime Gremetz. C'est le monde à l'envers !
    Mme Jacqueline Fraysse. Ce sont les patrons qui les exploitent !
    M. François Liberti. Le MEDEF !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Pour notre part, et vous en êtes conscients, nous serons peut-être capables de faire en quatre ans ce que vous n'avez pas fait en près de vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour un rappel au règlement.
    M. Didier Migaud. Je voulais m'inscrire sur l'article 4 mais après l'intervention de Mme Zimmermann le rappel au règlement me paraît davantage adapté. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. La vérité blesse !
    M. Jean Roatta. Elle fâche, même !
    M. Didier Migaud. Tout ce qui est excessif étant insignifiant, j'aurais tendance à considérer que l'intervention de Mme Zimmermann ne mérite pas de réponse. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Toutefois, quant à l'excessif on ajoute le grotesque, la caricature, l'injure même, une réaction s'impose.
    M. Jean Roatta. Elle n'a fait que dire la vérité !
    M. Didier Migaud. Madame Zimmermann, si vous présidez aujourd'hui la délégation de l'Assemblée aux droits des femmes, c'est bien parce que certains, avant vous, ont pris des initiatives.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je n'ai pas dit le contraire.
    M. Didier Migaud. Et permettez-moi de vous dire que ce n'est pas parce que Mme Zimmermann prend des responsabilités à l'Assemblée nationale que, tout d'un coup, les problèmes seront réglés.
    Mme Martine Aurillac. Elle n'a pas dit cela !
    M. Didier Migaud. Beaucoup de travail a été accompli avant vous dans cet hémicycle et des progrès ont été réalisés, ces dernières années, pour que les droits des femmes soient davantage reconnus.
    M. André Berthol. Bla-bla-bla !
    M. Didier Julia. Zéro !
    Mme Martine Billard. Combien la droite présente-t-elle de femmes sur ses listes ? (Sourires.)
    M. le président. M. Migaud a seul la parole !
    M. Didier Migaud. Je regrette d'ailleurs que vos propositions censées conforter les droits des femmes soient aussi peu imaginatives.
    Par ailleurs - cela fait aussi l'objet de mon rappel au règlement, monsieur le président -, Mme Zimmermann nous demande de parler des retraites et de ce qui intéresse les Français.
    Mme Jacqueline Fraysse. On ne fait que cela depuis neuf jours !
    M. Didier Migaud. Mais nous parlons des retraites ! Nos questions sur le niveau garanti des faibles retraites, par exemple, n'ont toujours pas obtenu de réponse précise de la part du Gouvernement.
    Mme Jacqueline Fraysse. Et cela concerne les femmes !
    M. Didier Migaud. Nos questions sur le financement des retraites, comme celles que viennent de poser Elisabeth Guigou et Augustin Bonrepaux, révèlent l'impasse que vous effectuez sur le sujet, monsieur le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais c'est une question saine !
    M. Didier Migaud. Non seulement vous faites l'impasse sur le financement, mais...
    M. Guy Geoffroy. Je ne vois pas de rappel au règlement !
    M. Didier Migaud. Si, puisque je réponds aux observations de Mme Zimmermann !
    Non seulement vous faites l'impasse sur le financement, disais-je, mais vous renvoyez aussi une partie du problème après 2008. Pourquoi 2008 ? Tout simplement parce que 2007 sera un rendez-vous crucial avec les Français, et vous ne souhaitez pas prendre de décisions avant ces élections législatives.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous voulez qu'on aligne tout de suite la durée de cotisation des fonctionnaires ?...
    M. Didier Migaud. Toujours à propos du financement, je voudrais dire un mot sur l'interprétation rigide de l'article 40 que la commission des finances me semble avoir adoptée.
    M. Marc Laffineur. Oh !
    M. Didier Migaud. Je suis plutôt bien placé pour parler de l'article 40, même si son application n'entre pas dans les fonctions du rapporteur général mais dans celles du président de la commission des finances. Nous avons mis en oeuvre, tous ensemble, une révision de l'ordonnance de 1959, au cours de laquelle la question de l'article 40 s'est posée, et on constate maintenant que votre interprétation de l'article 40 est souvent plus rigide encore que celle du Conseil constitutionnel. Le président de la commission des finances oppose même l'article 40 à des amendements dont l'objet est de prévoir des rapports susceptibles d'apporter des précisions quant au financement futur des retraites.
    Cette interprétation rigide de l'article 40 n'est pas innocente ; elle vous arrange car elle permet de museler non seulement l'opposition...
    M. Didier Julia. Vous n'arrêtez pas de parler !
    M. André Berthol. Où est le rappel au règlement ?
    M. Didier Migaud. ... mais aussi une partie des vôtres. On a en effet découvert, hier, qu'un certain nombre de députés UMP jugent non seulement inefficace, mais également injuste de financer la réforme des retraites par la contribution des seuls salariés.
    M. Guy Geoffroy. C'est de moins en moins un rappel au règlement !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela n'a plus rien à voir avec un rappel au règlement !
    M. Didier Migaud. Je regrette donc, par ce rappel au règlement, monsieur le président, l'interprétation extrêmement rigide de l'article 40 adoptée par la commission des finances, qui empêche nombre d'amendements essentiels relatifs aux retraites de venir en discussion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission des finances a été mise en cause, monsieur le président !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes dans la discussion sur l'article 4, que chacun a la possibilité de s'inscrire et de faire connaître sa position sur cet article, et qu'un rappel au règlement doit rester un rappel au règlement.
    M. Guy Geoffroy. Absolument !
    M. le président. N'est-ce pas, monsieur Brard ? Vous avez la parole, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, quand Mme Zimmermann a commencé son intervention, j'étais à la buvette (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et, au risque de laisser refroidir mon café, je me suis concentré sur ses propos, car je me suis dit : « Tiens, voilà une femme de droite qui va peut-être entrer au panthéon des femmes de droite de l'Assemblée nationale... »
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Merci, je n'y tiens pas ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je pensais à une entrée au Panthéon de votre vivant, madame Zimmermann !
    Certaines députées de droite nous ont fait vibrer. Je me souviens de Nicole Catala, une nuit durant, bataillant au côté de Pierre Mazeaud contre Maastricht - comme M. Fillon, d'ailleurs. Je me souviens de Roselyne Bachelot, femme courageuse, défendant le PACS...
    M. André Berthol. Et Jeanne d'Arc ? (Rires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes comme elle, vous entendez des voix ! (Sourires.) Je n'ai rien dit concernant Jeanne d'Arc !
    M. André Berthol. Ça va sûrement venir !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais Mme Zimmermann m'a tout de suite déçu, et j'ai recommencé à boire mon café. Tout de même, madame Zimmermann, vous ne manquez pas d'audace.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est une qualité !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez d'exploitation. Laissez ce mot à celles qui ont lutté contre l'exploitation. Je pense à Elisabeth Dimitri et Louise Michel pendant la Commune de Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Oh ! Vous ne les connaissez pas et vous ne risquez pas de les croiser !
    M. François Vannson. Nous sommes trop jeunes !
    M. Denis Jacquat. Elles sont mortes depuis longtemps !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne parle pas seulement de la chronologie, mais vous n'êtes pas du même monde ! Je pense aussi à Rosa Luxemburg et à Clara Zetkin, aux côtés de Karl Liebknecht et à bien d'autres.
    L'exploitation, vous savez ce que c'est : vous êtes pour la parité, mais une parité qui fait passer à l'essoreuse les hommes comme les femmes ! Et votre égérie est une femme : c'est Mme Bettencourt, dont vous cirez les escarpins ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je ne la connais pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous tirez contre votre camp, madame Zimmermann ! Vous humiliez les femmes !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. On verra en 2007 !
    M. Christian Kert. Et Marie-George Buffet, elle est humiliée ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quel acharnement contre Mme Zimmermann !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est tout vu, madame Zimmermann ! Ce matin, vous avez desservi l'image des femmes, contrairement à vos collègues que je citais tout à l'heure.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est une attaque personnelle, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Brard. J'aurais d'ailleurs pu ajouter à la liste votre voisine, Mme de Panafieu...
    Mme Françoise de Panafieu. Je ne vous ai rien demandé !
    M. Jean-Pierre Brard. Ne vous défendez pas, madame de Panafieu : il vous est arrivé de tenir des propos courageux. Il est vrai que ce n'est pas le cas dans le débat sur les retraites. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il ne cesse d'attaquer les femmes de l'UMP ! C'est du harcèlement !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. M. Migaud a mis en cause tout à l'heure l'application de l'article 40. Je regrette qu'il n'ait pas été présent lorsqu'à trois reprises,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'est jamais là !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... le président Méhaignerie a expliqué très clairement...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Il ne nous a pas convaincus !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis. ... que l'attitude du président de la commission des finances était conforme à celle de ses prédécesseurs. L'article 40 s'applique à toutes et à tous. La lecture qui en est faite est dans la ligne de celle qui en a été faite au cours des précédentes législatures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je ne vais pas m'ingérer dans un débat sur les droits des femmes qui me dépasse. (Sourires.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ça, on s'en est aperçu !
    M. Maxime Gremetz. J'estime quant à moi que les 85 % du SMIC au départ à la retraite, cela concerne en priorité les femmes,...
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. ... de même que la question des retraites incomplètes dues aux arrêts de travail dans la carrière professionnelle. Les femmes sont en effet les premières concernées par les annuités de cotisations à ajouter pour avoir une retraite à taux plein. Et en nous battant comme nous le faisons pour défendre notre projet alternatif de réforme, nous prenons en compte l'intérêt bien compris de l'immense majorité des femmes de notre pays.
    J'ai été particulièrement choqué par la lettre du Premier ministre adressée aux Françaises et aux Français. Il y est dit, en effet, que l'on veut porter les basses retraites à 85 % du SMIC net. Je dis bien « net » et non « brut ». Cela change tout ! Les mots sont pesés. Il y a une grande différence entre 85 % du SMIC brut et 85 % du SMIC net.
    M. Alain Néri. C'est clair !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est mieux !
    M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le ministre, ce n'est pas mieux ! Vous vous trompez ! Quand on parle de 85 % du salaire brut, cela signifie avant déduction. C'est donc une somme plus importante que 85 % d'un montant net, c'est-à-dire après déduction. C'est clair ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) On voit bien que vous n'avez pas l'habitude des fiches de paye ! Sinon, vous le sauriez !
    M. Jean-Pierre Brard. Il a l'habitude des dividendes et des stock-options !
    M. Maxime Gremetz. Il est précisé, en outre, que pour toucher ces 85 % du SMIC net il faut avoir « fait une carrière complète au SMIC », c'est-à-dire, en l'occurrence, avoir quarante-deux annuités de cotisations. Les femmes n'auront donc presque jamais ces 85 % du SMIC net dans la mesure où elles n'auront pas leurs quarante-deux annuités en raison de leurs interruptions de travail, pour maternité notamment.
    M. Jean-Pierre Brard. Ecoutez, madame Zimmerman !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais je vous écoute !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, vous bavardez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quelle misogynie insupportable !
    M. Maxime Gremetz. Elle a le droit de bavarder ! Je crois qu'elle est en train d'essayer de convaincre Mme de Panafieu.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je commentais ce que vous disiez, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Je m'en doutais !
    M. Jean-Pierre Brard. Avez-vous compris, madame de Panafieu ?
    M. Guy Geoffroy. C'est lamentable !
    M. Maxime Gremetz. En fait, que propose-t-on aux 4 millions de personnes concernées ? Avec combien d'euros par mois devront-elles vivre ? Faites le compte ! Ces gens devront vivre avec 600 euros par mois dès la liquidation de la retraite. De plus, leur pouvoir d'achat se réduira au fil des années, puisque les 85 % sont garantis à la liquidation, mais indexés sur les prix, et non plus sur les salaires ! La démonstration est faite, je peux vous donner les chiffres.
    M. le président. Monsieur Gremetz, il va falloir conclure !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est dommage !
    M. Maxime Gremetz. Puisque le Premier ministre envoie sa lettre à tout le monde, nous, nous allons afficher un tableau sur lequel chacun pourra inscrire ses arguments ! Ce sera un tableau d'affichage libre ! On fera gagner du temps dans la discussion et l'on pourra comparer les références, les chiffres, etc.
    M. Bernard Deflesselles. Il sera en couleur, j'espère !
    M. Maxime Gremetz. Parce que si l'on examine précisément la plaquette du Premier ministre, on s'aperçoit que c'est de la caricature ! Je ne parle pas de la lettre, il n'y a rien dedans, à part : « Sincèrement à vous », « J'ai confiance », ou « On va faire votre bonheur ! ». Mais, pour le reste, pour faire de la caricature, il a dû prendre une agence.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un copain !
    M. Maxime Gremetz. C'est possible, mais il doit avoir une agence, parce qu'il se fait payer quand même ! Il est indiqué sur le tract de M. le Premier ministre : « Si vous avez commencé à travailler entre quatorze et seize ans, la réforme vous permet de partir à la retraite à taux plein avant soixante ans. » Vous nous dites que vous avez repris là l'une des propositions que nous avions faites et que l'ancien gouvernement avait refusée. Mais il est précisé plus loin que ce sera « sous certaines conditions d'âge », alors que notre proposition ne comportait aucune condition d'âge. Et vous exigez quarante-deux annuités. Cela change les choses, croyez-moi, car pour les atteindre, ces quarante-deux annuités, il faut être fort ! Voilà pourquoi je voulais apporter des éclaircissements sur cet article. Mais les gens font déjà leurs comptes. D'ailleurs, Le Parisien cite des exemples qui montrent bien que je dis la vérité.
    M. le président. La parole est à M. François Liberti.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais il n'est pas inscrit, monsieur le président !
    M. le président. Si, M. Liberti s'est inscrit auprès de la séance, en son temps, monsieur le rapporteur !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. J'ai connu un temps où le président de séance limitait les interventions à un orateur par groupe !
    M. Maxime Gremetz. Lisez la feuille jaune : « Les indications portées sur le présent document peuvent être modifiées en cours de séance. » !
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Liberti.
    M. François Liberti. Tout à l'heure, Jacqueline Fraysse s'est demandé si l'article 4 n'était pas un « mensonge d'Etat ». La question se pose en effet, d'autant que, pour cet article 4, vous vous servez de la signature de M. Chérèque.
    Que dit cet article ? « La Nation se fixe pour objectif d'assurer en 2008... 85 % du SMIC net. » Je ne reviendrai pas sur le pourcentage en lui-même, car mes collègues du groupe communiste se sont largement exprimés à ce sujet. Cela dit, un objectif reste un objectif : il peut être atteint ou non. En revanche, dans le tract qui accompagne la lettre du Premier ministre, il est écrit : « La réforme vous garantit une pension égale à 85 % du SMIC net. » Mais le mot « garantit », monsieur le ministre, n'est pas dans votre projet de loi et surtout pas à l'article 4. Et pour cause : vous ne pouvez rien garantir ! La lettre du Premier ministre et le tract qui l'accompagne ne disent donc pas la vérité. Et quand on ne dit pas la vérité, que fait-on ? Un mensonge ! C'est particulièrement grave quant c'est le Premier ministre qui le fait au nom de l'Etat.
    Par ailleurs, il est difficile, s'agissant de l'article 4 traitant du minimum contributif, de ne pas évoquer la réforme Balladur de 1993. En effet, cette réforme, dont nous avions dénoncé à l'époque les conséquences sur le pouvoir d'achat des retraités au fil du temps,...
    M. Xavier de Roux. Et que vous avez appliquée !
    M. François Liberti. ... montre toute sa nocivité. Nous avons maintenant dix ans d'expérience. Quelle observation essentielle permet, en effet, de produire l'examen de l'application de cette réforme ? Tout d'abord, les cotisations prélevées n'ont pas été réduites, tandis que le mouvement général des pensions et retraites servies était celui de la réduction et de la détérioration du taux de remplacement. Nous en avons d'ailleurs l'illustration avec ce débat sur l'article 4, sachant en particulier que si rien n'est fait le taux de remplacement pour les pensions les plus modestes va connaître une nouvelle inflexion à la baisse dans les années à venir.
    Au mois de juillet dernier, nous avons déploré qu'aucun effort n'ait été consenti en faveur du relèvement du salaire minimum interprofessionnel de croissance au moment même où des efforts étaient accomplis en direction des revenus les plus élevés, ceux-ci tirant pleinement parti de la baisse du taux marginal de l'impôt sur le revenu. Pour autant, avec des pensions indexées sur le mouvement général des prix, le décalage existant entre le montant du SMIC et celui de ces pensions ne peut que croître et embellir. Ce décalage va également de pair avec l'allongement de la période de référence pour le calcul des droits à pension, celle-ci devant atteindre, en 2008, vingt-cinq années pour les salariés du secteur privé et singulièrement ceux nés après le 1er janvier 1948. Dans les faits donc, la réforme Balladur s'apparente à l'un des nombreux dispositifs divers et variés dont notre pays a vu l'émergence et dont les effets sont d'autant plus évidents avec le temps, conduisant à un écrasement de la part des retraites dans la richesse créée, alors même qu'elle constitue un élément non négligeable du revenu des ménages. Ce dispositif est aux retraites ce que la dotation de compensation de la taxe professionnelle est pour les collectivités locales. Ses auteurs sont d'ailleurs les mêmes.
    M. le président. Il faut conclure, monsieur Liberti !
    M. Maxime Gremetz. C'est un sujet important !
    M. François Liberti. En résumé, indexation des pensions sur les prix, ce qui est contraire à l'esprit même du financement de la protection sociale, et allongement de la période de référence pour le calcul des droits constituent deux facteurs essentiels de nivellement par le bas des pensions du régime général. Le résultat, c'est que, de 1993 à aujourd'hui, la baisse moyenne de l'ensemble des pensions est de plus de 10 %. Il faut donc revenir sur ce dispositif pour le moins discriminatoire, dont nous connaissons aujourd'hui tous les travers et qui met significativement en péril le pouvoir d'achat des retraites et pensions.
    M. le président. Monsieur Liberti, il faut vraiment conclure !
    M. François Liberti. La mesure que nous préconisons vise, à l'instar d'autres propositions que nous formulons par ailleurs, à améliorer la qualité et le montant des prestations servies par les régimes solidaires de retraite.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. le président. Il nous reste sept orateurs inscrits.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. L'Assemblée est suffisamment informée, monsieur le président !
    M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. Je voudrais tout d'abord revenir sur la démonstration très pertinente de Gilles Cocquempot sur le sens du mot « objectif ». En effet, l'article 4 précise que « La Nation se fixe pour objectif d'assurer en 2008 ». Je demande donc à M. le ministre si l'emploi de ce mot « objectif » est délibéré. En effet, j'ai fait une petite recherche dans quelques dictionnaires. J'ai d'abord consulté Le Petit Robert, qui est d'un usage commun, y compris dans les services ministériels. Il y est précisé que l'objectif est un dessein, une visée, un résultat que l'on se propose d'atteindre.
    M. Xavier de Roux. En un mot, c'est un objectif ! (Sourires.)
    M. André Chassaigne. C'est en quelque sorte tout simplement un but à atteindre qui ne donne aucune garantie et qui a un caractère extrêmement hypothétique. A partir de là, n'y a-t-il pas mensonge d'Etat, tromperie quand on emploie le mot « objectif » ? Je me suis donc tourné vers Le Littré, qui est d'une rédaction plus ancienne. Le problème c'est qu'il s'en tient à des termes stratégiques, militaires. Selon lui, c'est un point, « un but où l'on se propose d'arriver ». C'est un terme de stratégie. Je me suis donc dit, que le fait d'employer le mot « objectif » relevait de la stratégie politique, pour ne pas dire politicienne ! J'ai alors pensé à cette expression auvergnate, que Alain Néri connaît très bien : on veut nous faire « acheter un âne dans un sac ! »
    M. Alain Néri. Eh oui !
    M. André Chassaigne. Ce terme d'objectif est en effet vide de contenu.
    M. Xavier de Roux. Oh !
    M. André Chassaigne. Ce n'est pas la peine de crier comme des gorets que l'on égorge. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Deflesselles. Soyez un peu correct ! Qu'est-ce que cela veut dire !
    M. André Chassaigne. Ce que je dis est d'ailleurs confirmé dans la suite de l'article. En effet, il est prévu que cet objectif sera réexaminé dans cinq ans. C'est de l'objet qu'il est question, non d'une évaluation sur sa mise en oeuvre. Et, dans cinq ans, cet objectif sera-t-il réexaminé dans le cadre d'une dévaluation ou d'une réévaluation ? Décidément, vous nous faites vraiment acheter un âne dans un sac.
    Le deuxième point de mon intervention portera sur le problème du taux de remplacement et je m'appuierai sur un article de la Lettre de l'Observatoire français des conjonctures économiques, en date du 23 mai 2003. Comme l'a souligné François Liberti, les réformes déjà entreprises, c'est-à-dire la réforme Balladur de 1993 et l'accord de 1996 relatif aux régimes complémentaires, qui a lui aussi une grande importance, devraient aboutir, à terme, à une baisse de l'ordre de 20 % du niveau des retraites du secteur privé.
    Le taux de remplacement brut d'un « ouvrier type », c'est-à-dire le rapport entre sa première retraite et son dernier salaire, qui était de 72 % en 1990, est déjà tombé à 65 % en 2000, par la seule application des décrets Balladur, et descendra à 57,5 % en 2040. Autrement dit, que sur le salaire brute, l'application des décrets Balladur entraîne mécaniquement une baisse de 14,5 %. Pour confirmer ce que disait Maxime Gremetz, j'observe que si l'on fait la même comparaison sur le salaire net, on passe d'un taux de remplacement de 87 % en 1990, à 77 % en 2000 et 68 % en 2040 ; la baisse mécanique est donc de 19 % !
    Quant à la non-indexation sur l'évolution des salaires pris en compte, c'est une manière peu justifiable, monsieur le ministre, de faire baisser le niveau des retraites. Il n'est guère équitable que les retraités ne bénéficient pas de la hausse générale du niveau de vie et que leur pouvoir d'achat diminue avec l'âge, alors que leurs besoins de services - aide domestique, soins personnels - augmentent. Cette baisse risque de provoquer soit une forte augmentation des dépenses de prestation dépendance dont on évoque si souvent le coût, soit une charge supplémentaire pour leurs enfants, difficilement supportable s'ils ont de bas revenus.
    Il est socialement injustifiable que le niveau relatif des prestations sociales baisse au cours du temps. Or le système que vous nous proposez aboutit à ce qu'il soit d'autant plus faible que la croissance des salaires réels est forte, ce qui est un comble !
    M. le président. M. Claude Bartolone n'est pas là.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il y a une fête d'école ce matin dans sa circonscription...
    M. le président. La parole est à M. Serge Janquin.
    M. Serge Janquin. Monsieur le ministre, présenter le taux de 85 % du SMIC net comme un progrès social relève à mon avis - n'en déplaise à Denis Jacquat - de la prestidigitation. C'est comme un jeu de dés truqués où le six n'apparaîtrait jamais. Et c'est un peu « Magix » en représentation au sommet de l'Etat.
    Je me demande même pourquoi vous n'avez pas cédé à une facilité complète qui vous aurait permis de nous annoncer un taux de 90, 95, voire 100 %. A la vérité, cela n'engage à rien. Comme on dit, ça ne mange pas de pain !
    Mes collègues ont montré à l'envi que, compte tenu de l'allongement de la durée de cotisation, compte tenu des conditions dans lesquelles se déroule aujourd'hui une vie de travail et, en particulier, de la façon dont les femmes doivent concilier leur vie professionnelle et leur condition de mère, compte tenu enfin de la faiblesse du mécanisme d'indexation, les 85 % restent un objectif dont on discute à perte de vue ou, moins encore, un droit théorique que l'ensemble des conditions posées ne permettent guère d'atteindre.
    Une réforme de cette ampleur, parce qu'elle demande plus d'efforts, devrait construire aussi plus de justice. Il aurait fallu, à cette occasion, tenter de réduire les inégalités de destin. Elles sont nombreuses et prennent leur source dans la condition socioculturelle même de nos concitoyens, dans l'éducation qu'ils ont reçue, dans leurs conditions de logement et dans quantité d'inégalités qu'il faut sans cesse s'acharner à réduire. Nous n'en saisissons pas l'occasion. Mais il y a au moins un principe que nous devons respecter par égard pour les retraités : que la récompense de l'effort d'une vie de travail, même si cette vie n'a pas été à la mesure de leurs espérances et de leurs potentialités compte tenu de toutes les contraintes imposées par le destin, que cette récompense, que ce prix-là leur soit décemment payé.
    On peut toujours afficher un droit amélioré : si les conditions d'accès au droit ne sont pas garanties, si elles sont inégales, ce droit reste lettre morte.
    Monsieur le ministre, permettez-moi une comparaison. Vous êtes en train d'introduire dans cette matière délicate qu'est le droit de la retraite ce qu'il y a de plus fâcheux dans notre vie parlementaire : je fais évidemment allusion à la loi de finances initiale, particulièrement celle de 2003, qui est très caractéristique. Chacun des ministres, y compris vous-même, a été doté d'une enveloppe qu'il voit maintenant diminuer au fur et à mesure des régulations et des gels budgétaires. Si j'ai bien suivi l'actualité, cela vous a conduit à adresser des notes au Premier ministre pour que les engagements pris soient honorés. C'est un peu la même chose. Nous sommes en train de voter, au titre du droit social, du droit du travail, du droit à la retraite, une loi de finances initiale. Petit à petit, les travailleurs constateront que toutes les conditions exigées d'eux leur interdisent d'obtenir l'intégralité de l'enveloppe initialement promise. Et un jour, comme vous l'avez fait à l'égard de M. le Premier ministre, ils vous présenteront la note. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. André Chassaigne. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
    Mme Catherine Génisson. Sachant qu'en 2000, 40 % des retraites ont été liquidées au titre du minimum contributif et que de ses titulaires sont les trois quarts des femmes, je pense pouvoir affirmer que l'intervention de Mme Marie-Jo Zimmerman était outrancière.
    Je pense surtout que Mme Zimmermann est en service commandé (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Pas du tout !
    M. Jean-Pierre Brard. Elle est d'astreinte !
    Mme Catherine Génisson. ... puisqu'elle s'était montrée très marrie que son parti n'ait présenté que 18 % de femmes aux élections législatives.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Cela n'a rien à voir !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais si ! Et la plupart là où elles étaient inéligibles !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Le chiffre est faux : elles étaient 30 % !
    Mme Catherine Génisson. Non, les femmes ne sont pas des victimes, mais il est indigne de les utiliser pour nier les inégalités qu'elles subissent, car force est de constater que l'inégalité entre les femmes et les hommes existe.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Oui !
    Mme Catherine Génisson. Qui a mis en place le statut de conjoint collaborateur ? Le statut de conjoint associé ? La formation professionnelle pour les conjoints collaborateurs ? Qui a supprimé l'exonération spécifique au temps partiel pour diminuer le recours au temps partiel subi ? C'est Martine Aubry, sous le gouvernement de Lionel Jospin !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Il faut continuer.
    Mme Catherine Génisson. Qui a fait voter une nouvelle loi sur l'égalité professionnelle parce que la seule incitation à négocier ne suffisait pas et qu'il fallait passer à l'obligation de négocier ?
    Qui a institué la validation des acquis dont on sait parfaitement qu'elle profite en premier lieu aux femmes ?
    Qui, en matière d'orientation respective des filles et des garçons, a organisé une convention qui permettra de traiter ce sujet de manière plus approfondie ?
    Qui a mis en oeuvre une politique familiale qui ne prévoit pas seulement des avantages familiaux pour les femmes et pour les enfants, mais qui prend en compte la notion de parentalité en s'adressant à la fois aux pères et aux mères ?
    Cela a toujours été, madame Zimmermann, des gouvernements de gauche !
    Nous avons l'obligation de dire que la réforme qui nous est présentée aggrave les inégalités que subissent déjà les femmes quand elles partent à la retraite. Cette réforme n'avait pas vocation à les corriger, mais elle ne devait pas les amplifier. Alors que les femmes cotisent en moyenne 122 trimestres, contre 165 pour les hommes, ne jouer que sur l'allongement de la durée de cotisation et sur la décote, désormais appliquée également au service public, c'est choisir des facteurs qui, mathématiquement, aggravent la situation des retraitées.
    Oui, nous avons l'obligation de dénoncer cela et nous le faisons, car, pour notre part, nous ne nous servons pas des femmes !
    Au-delà de cette inégalité supplémentaire imposée aux femmes, il s'agit aussi d'une erreur économique. Mme Ségolène Royal a montré que, face à la diminution de leurs retraites, elles vont hésiter à avoir des enfants. Déjà, nombre de femmes cadres attendent trente ans pour être mères, et elles n'ont souvent qu'un seul enfant parce qu'elles sont confrontées à la difficulté d'associer vie familiale et vie professionnelle.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Ce n'est pas un projet sur les retraites qui peut modifier tout cela !
    M. Jean-Pierre Brard. Madame Zimmermann, vous aggravez votre cas !
    M. Bernard Deflesselles. Le vôtre est déjà réglé !
    Mme Catherine Génisson. Tout au long de l'examen de ce texte, nous continuerons à dénoncer les inégalités d'accès à la retraite que votre réforme fait subir aux femmes.

Rappel au règlement

    M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger, parce qu'il y a urgence. Vous avez été interpellé hier sur la question des chômeurs et de leur indemnisation à propos de l'accord conclu par l'UNEDIC pour résoudre ses difficultés. Il est confirmé aujourd'hui qu'en raison de cet accord plus de 600 000 chômeurs vont voir leurs droits réduits, et pour certains d'entre eux supprimés, dès le 1er janvier 2004.
    Le 18 décembre 2002, cela ne date pas d'aujourd'hui, Gilbert Biessy vous interpellait à ce sujet en soulignant l'ampleur des risques. Hier, vous avez répondu : « Les partenaires sociaux gestionnaires de l'UNEDIC ont conclu, en décembre 2002, un accord pour sauver l'assurance chômage de la faillite. L'Etat, qui n'avait aucune raison de désavouer les signataires de cet accord courageux, l'a agréé. » Or l'UNEDIC estime aujourd'hui que « 856 700 allocataires actuels seraient potentiellement touchés par une réduction de leurs droits. Parmi eux, 613 900 ne retrouveraient pas d'emploi au 1er janvier 2004 et seraient donc réellement touchés par la réforme. Plus précisément, quelque 252 400 arriveraient en fin de droits le 1er janvier 2004 et 361 500 verraient leur durée d'indemnisation réduite puis arriveraient en fin de droits entre janvier 2004 et le quatrième trimestre 2005. »
    Le Gouvernement, avez-vous dit, n'avait aucune raison de ne pas agréer l'accord qui est intervenu. Au vu de ses conséquences désastreuses pour 600 000 chômeurs, que pouvez-vous nous répondre puisque, vous le savez bien, la question se pose dans l'immédiat et non pour 2008, 2020 ou 2040 ? Tel est l'objet de mon interpellation qui concerne une question essentielle et urgente.

Reprise de la discussion

    M. le président. Nous reprenons la discussion de l'article 4.
    La parole est à M. Didier Mathus.

    M. Didier Mathus. L'article 4 fixe un objectif - 85 % du SMIC - dont chacun a compris qu'il serait, dans la majorité des cas, purement théorique et en réalité inaccessible. User d'un tel artifice me paraît très choquant, surtout de la part d'un gouvernement dont les ministres se sont augmentés de 70 % au mois de juillet dernier ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Deflesselles. Démagogie ! Vous savez très bien pourquoi.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Incroyable !
    M. Denis Jacquat. Scandaleux ! Avant, les ministres étaient payés au noir !
    M. Georges Tron. Sur les fonds secrets !
    M. Didier Mathus. Cela me fait penser à cet aphorisme de Woody Allen : « L'argent est méprisable, surtout la menue monnaie. »
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est vraiment minable !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Que faisaient les amis de M. Jospin de leurs fonds secrets ?
    M. Bernard Deflesselles. Demandez à Jack Lang à quoi il les employait !
    M. Georges Tron. Parlez-nous des 50 millions envolés !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Mathus.
    M. Didier Mathus. Comment ne pas comprendre les réactions des smicards, qui ont manifesté ou pas mais qui ont fait leurs comptes, lorsque, le soir, devant la télévision, ils essaient de comprendre le mode de calcul de leur retraite.
    Face à l'anxiété de ces smicards qui savent qu'ils n'obtiendront pas les 85 % et se demandent ce qui leur restera, les PDG des sociétés du CAC 40 ont vu leur salaire augmenter en moyenne de 13 % en 2002, tandis que la valorisation boursière de leur société, c'est-à-dire leur performance économique, baissait de 33 %. Ces chiffres sont ceux du Journal des finances ; il ne s'agit donc pas d'une information partiale. Le salaire moyen des PDG des sociétés du CAC 40 est aujourd'hui supérieur à 2 millions d'euros. Cap Gemini, dont le cours a baissé de 75 % en un an, a augmenté les jetons de présence de ses administrateurs de 48 %.
    M. Gérard Bapt. Honteux !
    M. Didier Mathus. Sans parler des stock-options, des golden parachute ou de la nouveauté, les golden hello !
    M. Philippe Cochet. Hors sujet !
    M. Didier Mathus. Au contraire ! Nous sommes en plein dans la réalité, celle que constatent les gens modestes chaque jour, en regardant la télévision !
    M. Bernard Deflesselles. Vous aviez cinq ans pour vous occuper d'eux !
    M. Didier Mathus. Connaissez-vous les golden hello ? C'est la prime, le cadeau de bienvenue qu'octroient certaines sociétés à leurs dirigeants. C'est nouveau, ça vient de sortir ! Le golden hello, retenez ce nom !
    Voilà la réalité à laquelle sont confrontés les gens qui font leurs calculs et se rendent compte qu'ils toucheront quelque chose comme 600 euros par mois. Ils voient aussi les prix de transfert des joueurs de foot (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et les salaires des animateurs de télévision.
    M. François Vannson. Qu'y pouvons-nous ? Vous-mêmes n'avez rien fait !
    M. Didier Mathus. Nous sommes dans une société médiatique, une société du spectacle. Il y a cette société-là et la vie réelle !
    M. Bernard Deflesselles. Et Bernard Tapie, votre héros ? On le connaît bien à Marseille !
    M. Didier Mathus. Alors, monsieur le ministre, vous pouvez peut-être vous satisfaire de voir le mouvement social s'essouffler, mais l'anxiété, l'amertume des gens qui voient cela tous les jours devant leur télévision, restera profondément enkystée. Et elle ne présage pas des lendemains qui chantent, croyez-moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Georges Tron. Pitoyable !
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    M. Bernard Deflesselles. Elle va nous parler des fonds secrets !
    Mme Marylise Lebranchu. Si vous voulez ! J'ai toujours trouvé le sujet très intéressant. Les fonds secrets, on le sait, ont été très largement utilisés comme complément de salaire non imposable des ministres. Et le premier des premiers ministres qui a accepté de mettre ce dossier sur la place publique pour que tout un chacun soit parfaitement informé s'appelle Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Très bien » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Georges Tron. Rendez l'argent !
    Mme Marylise Lebranchu. Nous n'avons jamais parlé des fonds secrets de l'Elysée - mais si vous voulez ce débat, nous irons jusqu'au bout - ni de ceux du ministère des finances, ni de ceux du ministère de la défense, ni de ceux du ministère des affaires étrangères... Nous avons choisi de mettre ce dossier à plat, d'expliquer ce qui se passait et de dire à la France entière que nous voulions des salaires imposables pour les ministres en y incluant les fonds secrets.
    M. Georges Tron. Ce n'est pas ce que vous avez fait !
    Mme Marylise Lebranchu. C'est d'autant plus facile à vérifier, monsieur Fillon, qu'un certain nombre de ministres du gouvernement Jospin déclaraient les sommes en question. Vous vous ferez un plaisir d'en retrouver la trace dans les documents fiscaux. Fonds secrets compris, nous estimons à 50 % l'augmentation nette décidée par votre gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Terminez sur les fonds secrets, madame Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Oui, monsieur le président, mais j'ai été interpellée à ce sujet alors que je voulais parler des retraites.
    Nous estimons donc l'augmentation à 50 % net. Je fais partie de ceux et celles qui ont toujours dit qu'un ministre devait être correctement rémunéré pour éviter tout cumul avec d'autres fonctions, d'ailleurs interdit.
    M. Denis Jacquat. Très bien !
    Mme Marylise Lebranchu. Il reste qu'à un moment où nous sommes à nouveau en pleine crise économique et sociale vous n'effacerez pas les effets d'annonce.
    M. Georges Tron. Vous-mêmes aviez annoncé cette augmentation !
    Mme Marylise Lebranchu. J'en termine sur ce point, mais il était très intéressant de rappeler ces quelques éléments. Si un jour, vous souhaitez un compte rendu exhaustif, nous sommes à votre disposition.
    Pour en revenir au sujet qui nous occupe, ce qui est choquant dans l'article 4, et je crois que M. le ministre en est conscient, c'est effectivement cette notion d'objectif. A cet égard, je me range aux arguments développés par mes collèges communistes et républicains et socialistes. Il faut savoir que 4 millions de salariés, qui sont actuellement au minimum contributif, n'atteindront jamais l'objectif fixé à l'article 4, compte tenu des indexations. Il sont condamnés à rester définitivement en dessous d'un minimum contributif acceptable, dans un pays qui est riche. Ne l'oublions pas !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Un pays appauvri par les socialistes !
    Mme Marylise Lebranchu. Pour ces 4 millions de personnes, l'indexation va conduire à un taux maximal de 65 % du SMIC net. Je ne vois pas ce qu'il y a là de réjouissant.
    Vous parlez d'objectif, et vous avez répété à plusieurs reprises que le minimum contributif garanti allait augmenter. Mais, monsieur le ministre, le risque est grand, dans la négociation qui s'ouvrira avec le MEDEF, que le taux garanti de retraite complémentaire ne soit pas ajusté à votre objectif. Je comprends qu'il puisse y avoir débat pour savoir ce qui est préférable entre la loi et le contrat. Mais il me semble que, généralement, le MEDEF ne profite pas du contrat pour augmenter le pouvoir d'achat de ceux qui en ont le plus besoin, pour des raisons qui ne sont d'ailleurs pas toujours justes économiquement parlant. Or, là, il s'agit d'un secteur de consommation extrêmement important. Si l'aspect humain des choses n'est pas pris en compte, ce qui serait pourtant la moindre des choses, l'impact économique, lui, devrait l'être.
    M. Pascal Terrasse. Très bien !
    Mme Marylise Lebranchu. Enfin, on durcit la référence pour calculer le minimum contributif en passant de 150 à 160 trimestres. Du coup, et cela, madame Zimmermann, il faut l'intégrer, le poids des périodes d'assurance non cotisées - bonifications pour enfant ou service militaire - va s'alourdir et les salariés, et surtout les femmes, qui auront des carrières incomplètes seront pénalisés. En effet, comme l'a rappelé Catherine Génisson, six femmes sur dix sont aujourd'hui au minimum contributif.
    Nous sommes toutes ici, dans cette assemblée, des femmes privilégiées, quelle que soit notre origine. Car pour pouvoir militer, il faut déjà avoir un certain confort matériel et moral. Mais nous sommes aussi nombreux, femmes et hommes, à avoir commencé nos carrières, par exemple, dans la restauration pour pouvoir payer nos études. Et il n'y a là rien d'apocalyptique. C'est une vision réaliste des choses. Or vous seriez surpris si vous demandiez qu'on prenne en compte ces années-là. Il apparaîtrait en effet que, du fait du fort taux d'heures supplémentaires dans ces secteurs, nous n'avons pas accumulé suffisamment de trimestres pour valider des années. Par exemple, et c'est un dossier que je connais bien, quatre années de travail équivaudront finalement à une année. Imaginez ce qui va en résulter pour ces femmes qui ont choisi ce type de métier ou un travail à temps partiel imposé, avec des heures supplémentaires qui, certes, arrondissaient les fins de mois mais ne donnaient pas de droits à la retraite ! Je peux vous dire que c'est dramatique. Certaines femmes ne commencent même à travailler qu'à dix-neuf heures trente, c'est-à-dire au retour du conjoint, faute de pouvoir payer des frais de garde pour les enfants.
    Tout cela me fait dire, madame Zimmermann, que j'ai le sentiment que vous ne saisissez pas la chance qui est la vôtre d'être à la tête d'une délégation qui a été créée pour que les femmes s'expriment en permanence ici. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Marie-Jo Zimmermann. On verra !
    M. Bernard Deflesselles. Ne nous donnez donc pas de leçon, madame Lebranchu !
    Mme Marylise Lebranchu. Nous, femmes privilégiées, parce que bien rémunérées par l'Assemblée nationale, nous devons être extrêmement attentives au sort de toutes ces femmes auxquelles on demande en plus, certes pas de façon autoritaire, mais avec tellement d'insistance, de commencer leur carrière professionnelle après la naissance de leurs enfants.
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    Mme Marylise Lebranchu. Regardez ce qui se passe dans les entretiens d'embauche ! Donc faisons attention et essayons ensemble de soutenir ces femmes qui, malheureusement, seront peut-être seules un jour, parce que la pension de réversion, qui est souvent faible d'ailleurs - vous avez raison sur ce point -, ne peut pas garantir une vie.
    Il nous appartient, madame Zimmermann, d'aider le ministre et cette majorité à prendre en compte une difficulté bien réelle. Pour ne prendre qu'un seul exemple, 60 % des caissières et des vendeuses de la grande distribution ont un temps partiel imposé à trente heures. Il est évident qu'elles ne pourront pas prendre leur retraite dans de bonnes conditions. Disant cela, nous ne cherchons pas à utiliser les femmes, à les exploiter - elles le savent bien, du reste. Nous prenons simplement des cas concrets pour essayer d'expliquer que ce projet dessert davantage tous ceux qui, de près ou de loin, ont travaillé à temps partiel. J'interviens ici en toute humilité car nous n'avons pas trouvé une solution pour tout, bien évidemment. Vous ne nous avez jamais entendus dire que tout était réglé. C'est un dossier difficile.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !
    M. le président. Madame Lebranchu, il faut conclure et je précise que j'ai décompté votre temps sur les fonds secrets.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Pourquoi l'avoir décompté ?
    Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre, je considère que la façon dont vous abordez les choses n'est pas juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappels au règlement

    M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmerman, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. L'anti-Rosa Luxembourg !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je ne vous répondrai pas, monsieur Brard...
    M. Jean-Pierre Brard. Il faut avoir quelques références historiques pour cela !
    M. Georges Tron. Pas forcément les vôtres, monsieur Brard !
    M. le président. Pas d'attaque personnelle ! Seule Mme Zimmermann a la parole.
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je n'ai jamais prétendu que vous n'aviez rien fait, madame Lebranchu. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Mais je regrette votre attitude, alors que le Gouvernement a eu le courage de prendre en main la question des retraites.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pas au profit des femmes !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Je vous rappelle que rien n'a été fait pendant des décennies !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est vrai !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Et les gouvernements successifs pendant près de vingt ans se sont très peu souciés de la condition des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Martine Billard. A droite, certains remettent encore en cause l'avortement !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Alors, cessez de mettre en avant des situations que nous connaissons bien, les uns et les autres. Madame Lebranchu, je ne suis pas parlementaire depuis aussi longtemps que vous et j'ai repris la délégation parlementaire des femmes il y a un an à peine. Mais je n'ai pas manqué de faire figurer la prise en compte de l'égalité professionnelle dans la dernière recommandation de la délégation.
    M. Serge Janquin. Ce n'est pas nouveau !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Laissez-nous le temps d'essayer d'améliorer la condition des femmes !
    Mme Chantal Robin-Rodrigo et Mme Jacqueline Fraysse. C'est sur les retraites que nous vous attendons !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Nous ne pouvons pas régler sur le dos des retraites ce qui n'a pas été fait depuis des décennies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour un rappel au règlement.
    Mme Marylise Lebranchu. Mon rappel au règlement se fonde sur le même article que celui de Mme Zimmermann.
    Madame Zimmermann, vous avez dit un peu vite que nous n'avions rien fait pour les femmes et votre propos figurera dans le Journal officiel. Mieux vaut parfois faire attention quand on parle. Il est évident, en effet, que vous ne pouvez pas dire que nous venons de nous réveiller sur la condition féminine. (« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'ai eu la grande chance, parce que je ne suis parlementaire que depuis un an, de travailler avec l'ACTIF, association que vous connaissez parfaitement bien, madame Zimmermann. Je vous rappelle aussi que c'est la gauche qui a créé le statut des conjoints collaborateurs et conjoints associés.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est tout à fait exact !
    Mme Marylise Lebranchu. Je veux souligner à cet égard que nous avons eu de grandes difficultés à faire accepter ce statut dont la majorité des chefs d'entreprise avait peur. Nous avons passé des heures et des heures avec ces femmes, conjointes d'artisan, qui, soyons clairs, ne votent pas à gauche pour leur très grande majorité, pour les convaincre d'encourager, à travers les chambres de métiers et les chambres de commerce, les chefs d'entreprises à choisir ce statut.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est la vérité !
    Mme Marylise Lebranchu. C'est nous qui l'avons fait. Et j'ai eu la grande chance et l'honneur, avec l'ensemble des femmes d'artisans de l'UPA, association à laquelle je fais souvent référence, de créer cette formation qualifiante de conjoint collaborateur et de chef d'entreprise associé, je peux vous dire,...
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. On pourrait aussi parler de la météo, monsieur le président !
    M. le président. Madame Lebranchu, nous en sommes à la réforme des retraites !
    Mme Marylise Lebranchu. Oui, c'est pour cela que je m'exprime dans le cadre d'un rappel au règlement sur le même sujet que Mme Zimmermann. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Un rappel au règlement n'est pas un débat. Vous vous êtes déjà exprimée, madame.
    Mme Marylise Lebranchu. Vous avez raison, monsieur le président.
    Mais ne dites pas, madame Zimmermann, que nous n'avons rien fait. Regardez objectivement ce que nous avons fait. J'admettrais que vous disiez que ce n'est pas suffisant,...
    Mme Marie-Jo Zimmermann. C'est le cas !
    Mme Marylise Lebranchu. ... mais pas que c'est au niveau zéro.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Mme Zimmermann s'inspire assurément de Boileau quand il écrit : « Soyez à vous-même un sévère critique. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Du reste, vous avez déjà beaucoup progressé dans le domaine de l'autocritique, madame, puisque...
    M. Bernard Deflesselles. Vous avez encore du chemin à faire de ce point de vue-là !
    M. Jean-Pierre Brard. S'il vous plaît, ne m'interrompez pas sans cesse, sinon je ne pourrai pas aller au terme de mon propos.
    M. Georges Tron. Ce n'est pas indispensable !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Tron parle si vite qu'on ne comprend pas ce qu'il dit !
    M. Georges Tron. Tant mieux ! Cela vous évitera ainsi de répondre, et nous gagnerons du temps !
    M. Jean-Pierre Brard. Précédemment, Mme Zimmermann a dit tout le bien qu'elle pensait du projet de loi du Gouvernement. C'est son droit, elle est là, comme chacune et chacun d'entre nous pour s'exprimer. Mais elle nous explique à présent que, rien ou pas grand-chose n'ayant été fait auparavant, le Gouvernement actuel ne peut pas tout rattraper aujourd'hui. Pourtant, M. Raffarin et M. Fillon nous expliquent qu'il s'agit d'un projet de loi essentiel de la législature.
    M. Jean de Gaulle. Il ne s'agit pas là d'un rappel au règlement !
    M. Jean-Pierre Brard. Si c'est essentiel, si vous tenez tant à corriger tout ce que subissent les femmes en compensant les inégalités dont elles souffrent dans la société, que ne le faites-vous point dans ce projet ?
    Madame Zimmermann, vous, qui prétendez parler au nom des femmes - moi je parle au nom des hommes et des femmes, de tous nos concitoyens -, sachez que vous les desservez particulièrement en aidant le Gouvernement à leur faire prendre des vessies pour des lanternes.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très juste !
    M. Jean-Pierre Brard. Le travail à accomplir pour faire en sorte que les femmes ne soient plus victimes d'injustices du fait, pour nombre d'entre elles, de leur carrière chaotique, est encore immense. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien ! Merci, monsieur Brard !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. J'interviens dans le cadre de ces rappels au règlement, pour exprimer le souhait qu'on en revienne au débat de fond sur les retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    Alors que j'entends dire que sans cesse l'opposition fait de l'obstruction et cherche à faire durer les débats, je suis vraiment désolé de constater que votre intervention, madame Zimmermann, a dépassé toutes les prévisions en la matière. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Vous avez provoqué des altercations à n'en plus finir,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est incroyable d'entendre ça !
    M. Jean-Marc Ayrault. ... en affirmant que la gauche n'avait rien fait en matière de droits des femmes. Il est évident que le propos est tellement caricatural, tellement injuste, quand on sait que l'action en faveur des droits des femmes a connu un grand tournant à partir 1981, après l'élection de François Mitterrand et la nomination d'Yvette Roudy comme ministre des droits des femmes. Je rappellerai aussi la loi sur la parité, l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux fonctions politiques dans notre pays, qui a tout de même constitué une avancée considérable. Je ne comprends pas ce type d'attaque. Je ne vois pas ce que vous cherchez. Si c'est de la provocation, si vous cherchez à faire durer les débats, assumez-le ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En tout cas, vous avez contribué à éloigner notre débat des questions essentielles concernant les retraites, et notamment celle des femmes.
    Monsieur le président, pour ramener un peu de sérénité dans cet hémicycle, je demande une suspension de séance d'une demi-heure pour réunir mon groupe. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Suspension et reprise de séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures dix.)
    M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    Mme Janine Jambu. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu, pour un rappel au règlement.
    Mme Janine Jambu. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1.
    Je reviens aux propos de Mme Zimmermann qui a porté un jugement que je considère comme très grave et méprisant pour les femmes. Et c'est pour moi inacceptable.
    Sans vouloir polémiquer, je noterai néanmoins, que nous assistons depuis le début de cette législature, à une remise en cause des acquis obtenus de haute lutte par les femmes.
    Nous en avons une parfaite démonstration avec le présent projet de loi. Pratiquement tous les articles - et nous y reviendrons, faites-nous confiance - portent atteinte à la situation des femmes, notamment en aggravant l'écart entre leurs pensions et celles des hommes, et en remettant en cause leurs droits de départ à la retraite. Soyez donc plus moderne, madame Zimmermann.
    Rappelons-nous la remise en cause de l'IVG par le biais d'un amendement dans le projet de loi relatif à la violence routière.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !
    Mme Marie-Jo Zimmermann. L'amendement a été retiré !
    Mme Janine Jambu. On pensait faire passer par la fenêtre ce qu'il était prévu de faire passer par la porte. Heureusement, la sagesse des sénateurs, puis des députés, a entraîné le retrait de cet amendement. Mais l'on nous dit que le projet n'a pas été abandonné. Nous devons donc, hommes et femmes, rester vigilants.
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tout à fait !
    Mme Janine Jambu. Dès lors, qu'on ne nous donne pas de leçon sur les avancées démocratiques concernant les droits des femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Bravo !
    M. Jean-Pierre Brard. Qu'en dites-vous, madame Zimmermann ? Vous ne répondez pas ?
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Non.

Reprise de la discussion

    M. le président. Nous revenons au débat sur les retraites.
    La parole est à M. Michel Vergnier, dernier orateur inscrit sur l'article 4.
    M. Michel Vergnier. Il semble qu'il y ait beaucoup de non-dits dans le débat. Vous défendez, monsieur le ministre, votre logique libérale et personne ne peut vous en vouloir. L'opposition défend ses thèses et il s'ensuit une confrontation d'idées entre vous et nous. Le problème vient de ce qui ne se dit pas. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous ne dites pas que le problème de financement auquel nous serons confrontés demain - la démonstration en a largement été faite tout au long de ces débats - du fait des moyens que vous mettez en oeuvre, sera réglé par les fonds de pension.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Mais non !
    M. Michel Vergnier. D'autres avant vous l'ont dit sans que cela porte préjudice à leur intégrité. Et après tout, c'est ce que vous pensez.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
    M. Michel Vergnier. Je comprends que vous ayez du mal, dans le contexte social actuel, à expliquer qu'une partie des retraites sera financée par la répartition et le reste par les fonds de pension. Pourtant, les choix que vous avez faits le laissent présager. Je ne vais pas reprendre toute la démonstration. Nous en aurons la preuve dans les mois et les années qui viennent.
    Vous repoussez un certain nombre de décisions, monsieur le ministre, après 2008, 2009 ou 2010. Personne ne sait qui aura alors la charge d'assumer les responsabilités.
    M. Maxime Gremetz. On n'est pas devin !
    M. Michel Vergnier. Chacun d'entre nous ici sait ce qu'il souhaite, mais personne ne peut savoir ce qui se passera. Or, le temps va très vite.
    Foin des non-dits et des attaques. Disons franchement les choses.
    Vous nous reprochez de n'avoir rien fait. La première chose à notre actif, et vous devriez vous en inspirer, c'est la politique du plein emploi...
    Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ah oui !
    M. Michel Vergnier. ... que nous nous sommes efforcés de poursuivre pendant toute la législature. Nous pensons que c'est un moyen efficace de financer les retraites.
    Malheureusement, je viens de recevoir une information de mon département selon laquelle les travaux d'entretien des routes vont être retardés de trois ans, parce que les crédits sont gelés.
    M. Didier Migaud. Voire annulés !
    M. Michel Vergnier Dans certains cas, en effet, ils sont purement et simplement annulés. Vous comprendrez dès lors pourquoi les financements, tels que vous les prévoyez, nous causent les plus grandes inquiétudes. Il n'est pas étonnant que les salariés soient les seuls que vous mettiez à contribution : ils ne pourront pas se défiler. Vous les avez sous la main et vous les tenez bien. En les faisant payer, vous assurez au moins, une partie du financement. Pour le reste, dites-nous clairement vos intentions puisque vous ne voulez pas vous inspirer des travaux du COR. D'ailleurs, M. Tron est d'avis de le supprimer. Il faudrait déjà vous mettre d'accord.
    M. Didier Migaud. Eh oui !
    M. Gilles Carrez. C'est un mensonge.
    M. Georges Tron. J'ai dit qu'il fallait l'intégrer. Ce n'est pas la même chose. Lisez le rapport !
    M. Michel Vergnier. Monsieur Tron, ayez le courage de vos opinions : vous voulez supprimer le COR dont on connaît l'excellence des travaux. Notre ami Pascal Terrasse qui travaille avec cet organisme en sait quelque chose.
    M. Georges Tron. Monsieur le président, c'est une interpellation personnelle !
    M. Michel Vergnier. Monsieur Tron, je ne vous mets pas en cause.
    M. Georges Tron. Si vous ne me mettez pas en cause, alors qu'est-ce que c'est ?
    M. Michel Vergnier. Je vous demande de vous expliquer.
    M. le président. Monsieur Vergnier, évitez les interpellations personnelles, s'il vous plaît !
    M. Pascal Terrasse. Mais M. Tron met en cause le COR !
    M. Michel Vergnier. Monsieur le président, la suppression du COR nous semble irréaliste dans le contexte actuel. J'interpelle M. Tron amicalement pour lui demander de s'expliquer sur ce sujet. Nous aimerions savoir ce qu'il en est exactement. M. le ministre n'a suivi aucune des deux autres pistes que le COR suggérait. Nous voudrions comprendre.
    Il faudrait également, monsieur le ministre, pouvoir procéder à des expertises. Si vous balayer d'un revers de main les autres pistes proposées, c'est parce que vous n'y croyez pas fondamentalement. Mais comme elles n'ont pas été expertisées, on ne sait pas de façon précise si on peut s'appuyer ou non dessus. Il aurait mieux valu les expertiser avant de proposer cette réforme.
    Je le répète, ce qui me semble essentiel, c'est que ceux qui paient, vous les avez sous la main et vous les tenez bien.
    M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Vergnier !
    M. Michel Vergnier. J'en ai pour une minute, monsieur le président.
    M. le président. Vous ne disposez plus d'une minute, monsieur Vergnier.
    M. Michel Vergnier. La plupart des économistes considèrent que le financement des retraites pourrait être assis sur l'ensemble des richesses produites par l'entreprise, donc sur la valeur ajoutée, et non plus seulement sur la masse salariale. Cette idée est d'ailleurs légitimée par l'évolution récente de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Tout un panel de solutions existait qui aurait pu éviter de recourir uniquement à l'allongement de la durée de cotisation. Vous avez choisi la solution la plus facile : celle qui consiste à taxer les salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Rappels au règlement

    M. Georges Tron. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Georges Tron, pour un rappel au règlement.
    M. Georges Tron. Monsieur le président, je peux parfaitement comprendre que, dans le cadre d'un débat comme celui que nous avons en ce moment - et je vais employer le même ton cordial que mon collègue -, chacun soit libre de dire ce qu'il a envie. C'est la règle du jeu. Il n'en demeure pas moins que, même pour prendre du temps et prendre son temps, on n'est pas forcément obligé de dire tout et n'importe quoi.
    M. Philippe Cochet. Très bien !
    M. Georges Tron. Et je vais expliquer ce que j'entends par tout et n'importe quoi.
    La mission d'évaluation et de contrôle a mené une réflexion sur le thème de l'évaluation et la prospective en France. C'est un sujet qui, s'il peut avoir trait au débat sur les retraites, n'y est pas directement lié. Dans le cadre de cette réflexion, nous avons considéré qu'il était nécessaire de revoir les outils de la prospective et nous avons estimé qu'il serait utile d'avoir un organisme de prospective qui mélange à la fois la prospective nationale et la prospective territoriale. Le rapporteur et les membres de la commission qui ont adopté le rapport - et même si M. Migaud qui n'assistait à aucune séance, je le précise, a émis quelques réserves...
    M. Didier Migaud. Bien plus que des réserves !
    M. Georges Tron. ... ont considéré que la prospective nationale devait avoir un champ pluridisciplinaire et la question des organismes ad hoc, comme le COR, a été posée. Toutefois, dans le rapport, il est fait référence aux travaux du conseil et il lui est même rendu hommage.
    M. Didier Migaud. Je suis bien d'accord !
    M. Georges Tron. Il est précisé dans le rapport que, dans le cadre de la prospective nationale, un organisme de cette nature doit être intégré, sans pour autant qu'il soit pérennisé. Si vous l'aviez lu correctement, vous auriez compris la différence entre la disparition du COR et son intégration dans un organisme de prospective nationale. Vous auriez également compris qu'on peut rendre hommage à un organisme tout en envisageant sa réorganisation.
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas ce que dit le ministre ! Ce n'est pas le texte !
    M. Georges Tron. Enfin, si vous n'étiez pas des conservateurs par excellence (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Michel Vergnier. Oh ! là, là !
    M. André Chassaigne. C'est l'argent qui rend conservateur !
    M. Georges Tron. ... vous comprendriez qu'on peut réformer sans qu'il y ait systématiquement matière à critique.
    La vérité, c'est que, pour gagner du temps, vous faites des amalgames de toute nature. Seulement, sur cet exemple-là, vos critiques sont malvenues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.
    M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement se fonde à la fois sur l'article 58-1 et l'article 56 qui prévoit que le Gouvernement peut prendre la parole quand il le souhaite. Je regrette beaucoup, en effet, qu'au cours de ce débat où nous avons soulevé un grand nombre de problèmes, et notamment celui du financement, nous n'ayons pas pour l'instant obtenu de réponse du Gouvernement. Cela nous laisse à penser qu'il est en difficulté puisqu'il ne peut pas justifier que ce projet est financé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ça n'a rien à voir avec un rappel au règlement, monsieur le président !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, le Gouvernement attend avec beaucoup de patience la fin de notre débat !
    M. Augustin Bonrepaux. Le Gouvernement n'a pas beaucoup répondu à nos questions, monsieur le président !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La discussion sur l'article n'est pas terminée. Le Gouvernement ne va pas répondre avant la fin de celle-ci.
    M. Augustin Bonrepaux. En ce qui concerne le Conseil d'orientation des retraites, je relève un long développement, qui rend hommage d'ailleurs à ceux qui ont institué cet organisme, puisqu'on veut lui donner aujourd'hui une fonction encore plus importante. Seulement, sur ce point, la majorité me paraît quelque peu incohérente ! D'un côté, elle nous dit que le conseil d'orientation doit avoir un rôle plus important et, de l'autre, dans un rapport de la mission d'évaluation et de contrôle qu'on m'a fait l'honneur de me demander de coprésider - mais j'ai refusé de m'associer au rapport de M. Georges Tron...
    M. Didier Migaud. Vous avez bien fait !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il n'est jamais venu.
    M. Augustin Bonrepaux. ... elle propose - c'est la proposition n° 3 - de « refondre le Commissariat général du Plan, d'intégrer le conseil d'orientation des retraites et les fonctions de prospective de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale au sein d'une délégation à la prospective nationale et territoriale ». C'est bien la disparition du conseil d'orientation !
    M. Georges Tron. Mais non !
    M. Augustin Bonrepaux. Un peu plus loin, il est expliqué que la délégation pourrait fort bien créer, à intervalles réguliers, des organismes ad hoc, « biodégradables ». M. Tron veut rendre le Conseil d'orientation des retraites biodégradable - tout comme ces retraites qui seront elles aussi biodégradables ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Georges Tron. De tels propos sont étonnants dans la bouche du président de la MEC, monsieur Bonrepaux !
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ce matin, notre débat a pris un tour nouveau.
    M. Pierre Morange. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous nous heurtons maintenant à un blocage d'une partie de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Augustin Bonrepaux. Pas du tout !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui, après avoir tout au long de la matinée caricaturé, menti effrontément sur le programme du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. Augustin Bonrepaux. Nous demandons des réponses !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ne supporte pas qu'un seul membre de la majorité puisse lui apporter une contestation !
    M. Georges Colombier. Tout à fait !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes incapable de répondre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cette situation pose un problème dans l'organisation des débats du Parlement. Nous écoutons l'opposition avec beaucoup de patience et beaucoup de respect.
    M. Augustin Bonrepaux. On vous pose un problème auquel vous ne pouvez pas répondre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous n'avez pas la parole, monsieur Bonrepaux !
    Quand la discussion sur l'article sera terminée, et que l'on abordera l'examen des amendements, le Gouvernement, comme il le fait depuis neuf jours, répondra point par point, à l'ensemble des sujets que vous avez évoqués.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous attendons !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais réclamer, avant que la discussion générale ne soit terminée, que le Gouvernement réponde et critiquer, comme vous l'avez fait, en utilisant à cette fin la voie des rappels au règlement, une intervention - la seule de la matinée - des membres de la majorité constituent des détournements de procédure. Cela donne, une nouvelle fois, des débats à l'Assemblée nationale une image détestable pour la démocratie. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas caricaturer, monsieur le ministre, que de dire que, s'il n'y a eu que deux interventions de nos collègues de la majorité, c'est parce qu'ils n'ont pas grand-chose à dire sur le sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Michel Bouvard. Non, c'est parce que nous sommes d'accord avec le Gouvernement !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous parlez de blocage. Je parlerai plutôt de raté dans votre majorité ainsi qu'en atteste une dépêche de l'AFP...
    M. Denis Jacquat. Encore ! Vous ne voulez pas la privatiser aussi ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous !
    M. Philippe Cochet. Si ! Et le parti communiste aussi !
    M. Jean-Pierre Brard. Pas encore ! (Sourires.)
    Je regrette que M. Barrot soit parti, monsieur le président, car ce qui s'est passé peut avoir des conséquences sur la cohésion de la majorité dans son soutien au Gouvernement. Le fait que M. Marsaud se soit autoproclamé, avec quelques autres, « démocrate » n'est pas gentil pour vous, monsieur le ministre, surtout quand on connaît M. Marsaud !
    M. le président. Monsieur Brard, évitez, je vous en prie les faits personnels !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas un fait personnel !
    M. le président. Si ! Quand vous interpellez nommément quelqu'un, c'en est un.
    M. Jean-Pierre Brard. Comme l'intéressé n'est pas là, il ne peut pas me donner son avis.
    M. le président. Revenez, s'il vous plaît, à votre rappel au règlement dans le respect des membres de cette assemblée !
    M. Jean-Pierre Brard. Si vous voulez, monsieur le président.
    Il faut reconnaître à M. Fillon une patience,...
    M. Denis Jacquat. D'ange !
    M. Jean-Pierre Brard. ... et une grande attention aux propos qui sont tenus. J'ai observé qu'il prenait régulièrement des notes et qu'il répondait souvent, parfois avec une grande réactivité, comme on vient de l'entendre.
    J'en viens à la dépêche qui peut avoir une influence sur nos débats, monsieur le président.
    Le député-maire UMP de Cholet, Gilles Bourdouleix, a annoncé mercredi qu'il se retirait de l'UMP.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas la première fois.
    M. Jean-Pierre Brard. Ah ! Ce n'est pas la première fois qu'il se retire ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Il l'a déjà fait dix fois !
    M. Jacques Barrot. Mais il est revenu. Occupez-vous de vos collègues, monsieur Brard, et pas des miens.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est formidable, monsieur Barrot, quand on vous invoque, c'est comme à Lourdes : vous apparaissez ! (Sourires.)
    M. Jacques Barrot. Je suis toujours présent, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Bourdouleix se retire de l'UMP pour, selon ses mots, protester contre les minables calculs politiciens du parti et dénoncer une allégeance au MPF de M. le vicomte Philippe de Villiers plus attaché aux nobles principes républicains de sa patrie qu'aux minables calculs politiciens de son parti. « Je me retire de l'UMP et, dès la rentrée parlementaire prochaine, ne siégerai plus au sein du groupe UMP de l'Assemblée nationale. », a-t-il déclaré.
    Mme Arlette Franco. Quel rapport avec le texte ?
    M. Jean-Pierre Brard. Cela peut d'ailleurs laisser croire que M. Gilles Bourdouleix ne sait pas que l'Assemblée siège en ce moment ! (Rires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    Quelle influence cela va-t-il avoir sur la suite de nos débats ?
    M. François Liberti. C'est un événement !
    M. Jean-Pierre Brard. Comme M. Barrot est revenu dans l'hémicyle, il pourrait nous l'expliquer !
    M. Jacques Barrot. Une prochaine fois !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Quel rapport avec le débat sur les retraites !
    M. le président. La parole est à M. Georges Tron, pour un rappel au règlement.

    M. Georges Tron. Que M. Brard se pose des questions métaphysiques, c'est son problème. Mais peut-on, dans le cadre d'un rappel au règlement, dans un débat sur les retraites, s'interroger sur les déclarations d'un député qui, au demeurant, n'est pas vraiment un modèle de discipline dans le cadre de l'UMP. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Je voudrais simplement rappeler ici que nous avons en face de nous des personnes qui sont aussi capables, dans la même matinée, de mettre en cause l'une de nos collègues, Mme Zimmermann, en détournant l'esprit même de ses propos. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Martine Billard. Ah non !
    M. Georges Tron. Quand on voit que le président de la MEC, qui, contrairement à M. Migaud, a assisté à l'ensemble des débats, vient nous parler d'un rapport sur lequel M. Migaud n'a pas émis la moindre critique ou le moindre doute pendant tous les débats et que comme par hasard, à la fin, il nous explique qu'il ne cosigne pas le texte, on se dit que le rappel au règlement de M. Brard s'inscrit dans la ligne de ce que l'on a entendu jusqu'à présent, à savoir que c'est tout et n'importe quoi, qu'on est très loin du sujet initial. Je serai d'accord avec M. Brard au moins sur un point : je rends hommage à M. Fillon pour la patience qu'il a, parce que, très sincèrement, cela ne donne pas une bonne image de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un premier facteur de consensus !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, la majorité est en train de perdre son sang-froid (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), en particulier M. Tron.
    Permettez-moi de vous faire remarquer, monsieur Tron, que, comme coprésident de la mission d'évaluation et de contrôle, j'ai coprésidé un certain nombre de séances.
    M. Georges Tron. Je viens de le dire !
    M. Augustin Bonrepaux. Et lorsque le rapport a été présenté devant la mission j'ai protesté, je ne m'y suis pas associé d'entrée. J'ai dit, par exemple, que j'étais contre le démantèlement de la DATAR et que, dans la même logique, nous ne pouvions pas accepter que l'on fasse disparaître le Conseil d'orientation des retraites. Je ne comprends pas comment M. Tron, aujourd'hui, peut mettre en cause la mission d'évaluation et de contrôle.
    M. Pascal Terrasse. Oui, pourquoi ?
    M. Augustin Bonrepaux. Nous, nous la mettrons en cause, parce qu'on la détourne de son objectif, mais c'est un autre débat.
    M. Georges Tron. C'est votre bonne foi qu'on met en cause !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur Tron, je suis ici pour témoigner que vous avez fait une proposition de démantèlement du Conseil d'orientation des retraites. C'est tout à fait en contradiction avec ce projet, et la majorité a voté l'un et l'autre.
    Alors, les contradictions sont de votre côté, et cela vous gêne que nous les mettions en évidence.
    M. Georges Tron. Vous étiez un mauvais président, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Les contradictions sont chez vous ! D'un côté, vous reconnaissez le travail fait par le précédent gouvernement sur la mise en place du Conseil d'orientation des retraites comme pour le fonds de réserve des retraites, mais, d'un autre côté, dans un autre rapport, adopté à l'unanimité par l'ensemble de la majorité, vous démantelez le Conseil d'orientation des retraites. Les contradictions sont bien chez vous !
    Mme Marylise Lebranchu. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, pour illustrer le propos que je tenais à l'instant sur la nécessité de reprendre nos travaux, je voudrais répondre à ceux qui s'inquiètent de la situation du COR.
    Il se trouve que dans le texte dont nous devrions débattre, mais dont nous ne débattons déjà plus, le COR est renforcé puisque son rôle est désormais fixé par la loi.
    M. Pascal Terrasse. Article 6 !
    M. Augustin Bonrepaux. Tout à fait !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Alors, reprenons l'examen du texte sur les retraites...
    M. Denis Jacquat. Très bien.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. On pourra enfin voir s'il y a des arguments sérieux. Pour l'instant, je crois que l'opposition cherche les incidents afin d'éviter la confrontation des idées et des projets.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Ils n'ont pas de contre-projet !

Reprise de la discussion

    M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques n°s 3 500 à 3 506.
    L'amendement n° 3 500 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 3501 est présenté par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 3502 est présenté par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 3503 est présenté par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 3504 est présenté par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 3505 est présenté par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 3506 est présenté par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 4. »
    La parole est à M. André Chassaigne.
    M. André Chassaigne. L'article 4 du présent projet de loi nous invite à valider le principe d'une pension minimale, régime complémentaire compris, de 85 % pour les salariés ayant été payés durant leur vie professionnelle à hauteur du salaire minimum interprofessionnel de croissance.
    Les dispositions de cet article se situent dans le cadre d'une programmation, le taux de 85 % étant, comme on l'a suffisamment démontré ce matin, un simple objectif, un dessein, une visée, fixé pour l'année 2008.
    On notera par ailleurs que bien que cela ne soit pas spécifié dans le texte même de l'article 4, l'on nous indique - je cite l'exposé des motifs - que cet objectif « sera réexaminé dans cinq ans en tenant compte des perspectives financières des régimes et des réformes intervenues ». Nous sommes donc dans une situation pour le moins incertaine, pour ne pas dire déroutante.
    Seconde observation : dans le processus de négociation avec les partenaires sociaux, il a été maintes fois évoqué le principe d'une pension équivalant à 100 % du montant du SMIC, revendication d'ailleurs portée par l'ensemble des organisations syndicales de salariés, y compris d'ailleurs celles qui ont eu la faiblesse de signer le protocole d'accord sur le sujet.
    Nous estimons donc que la mesure préconisée par l'article 4 est inacceptable au regard des exigences de la situation. Nous demandons sa suppression pour plusieurs raisons.
    Tout d'abord, il convient de rendre un certain dynamisme aux retraites versées par le régime général, dynamisme que la désindexation des pensions vis-à-vis des salaires a particulièrement mis en cause. Je crois que nous l'avons beaucoup démontré ce matin.
    On observera d'ailleurs que le pouvoir d'achat des retraités, qui, depuis la réforme Balladur de 1993, évolue en fonction de l'indice des prix, ne cesse de diminuer. Il faut ici souligner que le décalage entre la progression des retraites et du SMIC ne fera que s'accroître à l'avenir, quand bien même serait atteint l'objectif fixé pour 2008, objectif qui n'est à cette heure qu'une hypothèse.
    Je voudrais faire une autre remarque, et vous inviter à réfléchir sur le fond. Il faut cesser de considérer les retraites et pensions comme un poids mort. N'est-ce pas une conception réductrice, voire erronée, de considérer qu'il s'agit là d'une charge pour l'ensemble de la collectivité ?
    Comment ne voyez-vous pas que les pensions et retraites constituent un élément de revenu des ménages non négligeable. Je rappelle que ces retraites représentent plus de 20 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu, par exemple. Elles sont bien un facteur de croissance, par le biais de la consommation comme de l'épargne.
    Ainsi, les accroître et les porter à niveau répondant aux exigences du temps est non seulement la moindre des choses pour permettre aux retraités de vivre dans la dignité, mais cela dégagerait des facteurs complémentaires de croissance économique pour l'ensemble du pays.
    Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à adopter l'amendement de suppression de l'article 4. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Maxime Gremetz. Non, monsieur le président ! Pas le rapporteur ! Nous avons encore à intervenir !
    M. André Chassaigne. Nous avons d'autres amendements identiques à défendre, monsieur le président !
    M. Jean-Pierre Brard. Nous n'avons pas fini !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cette disposition, essentielle dans le présent texte, constitue une avancée sociale sans précédent en termes de pouvoir d'achat des retraites, ce qui est précisément l'objectif de ce projet de loi.
    Ce taux, qui est aujourd'hui à 50 % pour le régime général, sera porté à 85 % pour les salariés ayant effectué la totalité de leur carrière à temps plein avec un salaire équivalant au SMIC. Cet objectif, chacun en convient, est une avancée remarquable.
    M. Pascal Terrasse. Quelle mauvaise foi !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est pourquoi il est tout à fait étonnant qu'il soit proposé de supprimer purement et simplement cet article fondamental. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été avancé, c'est-à-dire des contre-propositions tout à fait irréalistes, tant sur le plan du financement que de ce qui pourrait être fait d'une manière générale. D'ailleurs, nous pourrions nous interroger sur le fait que rien n'ait été réalisé, ces dernières années, dans ce domaine.
    Faut-il rappeler une nouvelle fois que le minimum contributif, entre 1997 et 2002, a connu une baisse constante et importante au point de devenir inférieur au montant du minimum vieillesse ? Désormais, c'est tout le contraire qui est engagé dans le présent projet de loi par la montée progressive de ce taux jusqu'à 85 %.
    Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'opposition est formidable !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ah !
    M. Jean-Pierre Brard. Enfin une vérité !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Depuis vingt-deux ans, elle a assumé pendant quinze ans la responsabilité du pouvoir dans notre pays, et voilà que, tout à coup, elle découvre que le minimum contributif est insuffisant, qu'il faudrait indexer les pensions sur les salaires et porter les petites retraites à 100 % du SMIC, quand elles sont aujourd'hui à 81 % après cinq années d'exercice du pouvoir par la majorité plurielle.
    Je l'ai dit tout à l'heure, cette attitude n'est pas responsable et elle contribue à affaiblir la démocratie. On doit garder les mêmes convictions que l'on soit dans l'opposition ou dans la majorité.
    M. Alain Néri. C'est précisément ce que nous vous avons rappelé !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet article 4 est une réelle avancée sociale.
    C'est une avancée sociale parce qu'elle apporte une réelle amélioration à la situation des petites retraites par rapport à la situation d'aujourd'hui.
    M. Denis Jacquat. Exactement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est la première fois qu'un engagement est pris sur un objectif de garantie minimale pour les petites retraites. Alors pourquoi un « objectif » ?
    La question se pose, puisque nous avons eu droit tout à l'heure à une brillante démonstration sémantique. M. Terrasse, lorsqu'il a défendu son exception d'irrecevabilité, faisait remarquer que le Gouvernement ne pouvait pas légiférer pour le compte des partenaires sociaux. Sur ce point, sa démonstration était remarquable. Puisque dans la composition du montant de la retraite, il y a les régimes complémentaires, nous ne pouvons inscrire dans la loi, et notamment à cet article 4, qu'un « objectif », car sinon nous serions accusés de vouloir imposer aux partenaires sociaux des décisions qui leur reviennent.
    Pourquoi un objectif à l'horizon 2008 ? Tout simplement, parce que c'est la date que nous avons choisie pour réévaluer l'ensemble des paramètres sur lesquels s'appuie cette réforme. Nous aurions fait ce choix en fonction du calendrier électoral nous dit-on. Je note qu'après, nous avons prévu des rendez-vous tous les cinq ans jusqu'en 2020. Mais la réalité, c'est que nous avons arrêté cette date parce que c'est en 2008 que l'harmonisation de l'ensemble des régimes de retraite sera réalisée...
    M. Denis Jacquat. Voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et notamment l'harmonisation entre le public et le privé.
    Alors, je veux bien que l'on réduise de deux ans l'harmonisation et que l'on passe à une phase d'harmonisation plus courte pour les régimes du public, mais je n'avais pas le sentiment que c'était une revendication de l'opposition.
    Pourquoi 85 % ? D'abord parce que c'est mieux que 81 %. Deuxièmement, parce que c'est compatible avec les contraintes d'équilibre de la caisse nationale d'assurance vieillesse, et je vais y revenir.
    Enfin, j'ajouterai que, tout le monde le sait, les retraités n'ont pas les mêmes charges, et en particulier pas les mêmes charges fiscales, que les actifs. Et donc, avec 85 % du SMIC, un retraité a sensiblement le même pouvoir d'achat qu'un actif au SMIC.
    A quoi correspondent ces 85 % ? Ils seront versés à ceux qui auront travaillé pendant quarante ans. C'est-à-dire que seuls les trimestres cotisés feront l'objet d'une réévaluation.
    Mais ceux qui n'auront pas les cent soixante trimestres, se verront appliquer une proratisation, comme c'est déjà le cas dans d'autres domaines s'agissant des retraites.
    L'objectif de 85 % n'est pas virtuel : il est servi par l'article 18 - mais peut-être n'êtes-vous pas allés jusqu'au bout dans la lecture du texte -, qui, lui, prévoit un mécanisme tout à fait solide, inclus dans la loi, de réévaluation du minimum contributif. Le minimum contributif sera réévalué de 3 % à trois reprises.
    M. Pascal Terrasse. Avec indexation sur les prix !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela concerne environ 180 000 personnes par an, dont le pouvoir d'achat sera garanti par l'article 19, lequel prévoit l'indexation sur les prix...
    M. Maxime Gremetz. Et voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... plus la négociation tous les trois ans avec les partenaires sociaux. Là encore, on peut trouver que c'est insuffisant, mais c'est une avancée par rapport à la situation actuelle, que vous avez supportée pendant toutes ces années, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, puisqu'il n'y avait pas de règle en matière d'indexation sur les prix et qu'il n'y avait pas de négociations avec les partenaires sociaux. Désormais, il y a une base, c'est l'indexation sur les prix, qui assure un suivi du pouvoir d'achat, et il y a une règle qui impose une négociation tous les trois ans avec les partenaires sociaux.
    Le financement de ces mesures a été détaillé tout au long de ce débat. Leur montée en puissance, notamment s'agissant de celles dont nous parlons, est extrêmement progressive. C'est pour financer ces mesures que nous avons annoncé une augmentation de 0,2 point des cotisations retraite en 2006, suivie d'une augmentation de 3 %, étalée sur la période de la réforme, c'est-à-dire jusqu'en 2020. Je fais remarquer une nouvelle fois, mais je sens que c'est inutile puisque certaines phrases, manifestement, ne sont pas entendues, que cette cotisation est payée pour les deux tiers par les entreprises et pour un tiers par les salariés.
    M. Maxime Gremetz. En accord avec le MEDEF !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas par dogmatisme que nous refusons d'utiliser des financements hors cotisations. Nous pensons que les retraites doivent être assises sur des cotisations sur les salaires parce que c'est la définition même du mécanisme solidaire, du système par répartition qui est le nôtre, mais il faut distinguer ce qui correspond, d'une part, à des avantages contributifs et, d'autre part, à des avantages non contributifs.
    Depuis 1993, le fonds de solidarité vieillesse finance déjà des avantages non contributifs, qui se montent à 12,7 milliards d'euros en 2003, financés par 1,05 point de CSG. Il s'agit de la prise en compte des cotisations des chômeurs, du financement des majorations de pension accordées pour chaque enfant et, enfin, des remboursements au régime des dépenses liées au minimum vieillesse. Cette décision, qui a été prise en 1993, montre bien que nous ne sommes pas hostiles au fait qu'un certain nombre de prestations soient financées par un impôt, par un prélèvement, mais nous pensons que l'essentiel du fonctionnement de nos régimes de retraite doit reposer sur les cotisations.
    Que propose l'opposition ? Elle propose de financer les retraites à hauteur de 100 % du SMIC. Outre le fait qu'on peut toujours s'interroger sur la question de savoir pourquoi maintenant et pourquoi pas plus tôt, cette mesure coûterait 3,2 milliards d'euros.
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas plus !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ensuite, elle propose d'indexer les retraites sur les salaires, ce qui coûterait 11 milliards d'euros. Je tiens à dire, en particulier au parti socialiste, que nous avons évalué - raisonnablement - les propositions contenues dans le tract qu'il a distribué : ces propositions supplémentaires, outre les problèmes de financement qui se posent aujourd'hui, coûteraient 23 milliards d'euros.
    M. Pascal Terrasse. Pour nous, c'est vingt milliards.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces chiffres, monsieur Terrasse, correspondent à peu près à vos calculs : si je fais le total, 23 plus 15 font 38 milliards d'euros : 38 plus les besoins de la fonction publique font 66 milliards d'euros. Si, par exemple, nous voulions les financer par une augmentation de la CSG, il faudrait en doubler le taux !
    D'ailleurs, à propos du taux de la CSG, j'aimerais vous citer Michel Rocard, dans Le Monde d'hier : « La CSG est un impôt redoutable, et elle pèse aussi sur les salariés. Trop lourde, elle deviendrait intolérable. »
    Tout à l'heure, nous avons entendu Mme Guigou, qui a quitté l'hémicycle. Cet ancien ministre du gouvernement de Lionel Jospin n'a pas eu de mots assez durs pour qualifier la réforme que nous proposons. Je rappelle que Mme Guigou a fait partie d'un gouvernement qui n'a pas réévalué le minimum contributif, d'un gouvernement qui n'a pas remis en cause la réforme de 1993...
    M. Maxime Gremetz. En effet !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'un gouvernement qui n'a pas rétabli l'indexation des pensions sur les salaires, d'un gouvernement qui n'a rien réformé : ni les retraites ni l'assurance maladie. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Chassaigne. C'est dommage !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le gouvernement précédent s'est contenté de bénéficier de la croissance,...
    M. Didier Migaud. La croissance, nous l'avons consolidée, au contraire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ...de capter les excédents du régime général pour financer une partie des 35 heures et de rendre déficitaire le fonds de solidarité vieillesse. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Alors, vraiment...
    Certains s'étonnent de voir, après neuf jours, le Gouvernement conserver sa capacité à entendre une telle avalanche de critiques.
    M. Jean-Pierre Brard. Non, nous ne sommes pas du tout étonnés !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En réalité, je n'ai aucun mérite à faire preuve de patience : je le pense depuis le début, ces critiques ne s'adressent pas au Gouvernement mais constituent en réalité un acte de contrition. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Alain Néri. Il faut dire ça à M. Barrot ! C'est lui qui est habitué aux actes de contrition !
    M. Jean-Pierre Brard. Trois Ave et cinq Pater ! Je suis prêt à confesser tout le monde !
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, nous ne pourrons pas défendre deux amendements qui ont trait à cette question et qui sont tombés sous le coup...
    M. Denis Jacquat. De l'article 40 !
    M. Maxime Gremetz. ... de l'article 40.
    Le premier visait à substituer au montant net le montant brut, afin d'avoir un niveau de pension plus élevé. En effet, en retenant le montant net pour calculer le niveau de la pension, celui-ci est forcément plus bas : c'est évident !
    De plus, non seulement la retraite est liquidée à 85 % du SMIC net - c'est-à-dire au plus bas -, mais elle est indexée sur les prix et non sur les salaires.
    Monsieur le ministre, vous nous dites que, lorsque nous étions, nous, dans la majorité, nous n'avons pas fait ceci ou que nous n'avons pas fait cela. Mais, en ce qui nous concerne, nous avons toujours demandé depuis 1997, sans pour autant être entendus, il faut bien le reconnaître, l'abrogation des décrets Balladur...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sans succès, effectivement !
    M. Denis Jacquat. Vous avez raison de dénoncer nos petits camarades, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. ... qui ont porté un coup terrible au pouvoir d'achat des retraités en raison de l'indexation sur les prix, et non plus sur les salaires, et du calcul du montant de la retraite sur les « vingt-cinq meilleures années » au lieu des dix meilleures. Ces mesures ont entraîné une baisse automatique du pouvoir d'achat des pensions de retraite de plus de 12 %. Personne ne le conteste, ce sont les chiffres officiels.
    Cette réforme est un progrès, dites-vous. Mais 85 % du SMIC, c'est seulement 600 euros. A titre de comparaison, les revenus des trente-neuf patrons les plus payés représentent 554 fois le SMIC !
    Non seulement ces salariés auront travaillé toute leur vie en étant payés au SMIC, auront été exploités et surexploités, auront exercé des travaux pénibles, mais ils devront maintenant, en plus, justifier de quarante-deux annuités de cotisation. Il n'est pas possible d'être d'accord avec cela !
    Notre deuxième amendement proposait de mettre la mesure en oeuvre dès 2004, et non en 2008, en raison de ses conséquences immédiates.
    Certes, tout cela coûte un peu d'argent. Mais c'est justice que de garantir à des retraités qui ont travaillé dur une pension décente.
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Je ne suis pas convaincu par les réponses de la commission et du Gouvernement.
    M. Jérôme Rivière. Ce n'est pas un problème !
    M. Pascal Terrasse. Oui ou non, monsieur le ministre, le minimum contributif exigera-t-il 160 trimestres de cotisation au lieu de 150 actuellement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai déjà répondu !
    M. Pascal Terrasse. La question est importante. D'ailleurs, l'étude d'impact que nous a remise le Gouvernement le précise. Une modification de la durée aura nécessairement des incidences sur le minimum contributif.
    Par ailleurs, celui-ci ne sera plus validé de la même manière qu'aujourd'hui. Mes collègues ont eu raison de rappeler que, actuellement, les périodes non travaillées peuvent être validées. Demain, ce ne sera plus le cas. Donc, le champ d'intervention du minimum contributif sera forcément réduit.
    Pour nous, le minimum contributif comme le minimum vieillesse doit être indexé sur les salaires. Pour le reste, nous avons à peu près la même position que vous. Toutefois, nous souhaitons la création d'un conseil ou d'un comité national chargé de garantir le maintien du pouvoir d'achat.
    Le ministre nous dit qu'il va royalement faire passer le minimum contributif de 83 % à 85 % du SMIC. En réalité, comme j'ai eu l'occasion de le démontrer ce matin, il était à 95 % jusqu'en 1993, c'est-à-dire jusqu'à la réforme Balladur, qui a provoqué une baisse. Si M. Balladur ne l'avait pas remis en cause, il serait aujourd'hui au même niveau que lors de sa création. Tel n'est pas le cas malheureusement.
    Je suis d'accord avec le ministre quand il déclare que les propositions du parti socialiste créeraient des dépenses supplémentaires. C'est vrai, mais ce coût, nous l'assumons. Au moins notre réforme est financée, ce qui n'est pas le cas de celle du Gouvernement.
    Pour financer les 20 milliards supplémentaires que nécessite notre réforme, nous proposons : une augmentation d'un point de la contribution sociale généralisée, qui rapporterait 9 milliards d'euros ; une majoration de 3 % de l'impôt sur les sociétés au travers de la contribution sociale sur les bénéfices - et certains membres de la majorité font la même proposition -, majoration qui rapporterait 900 milliards d'euros, soit près d'un milliard ; une hausse de deux points des prélèvements sur les revenus du patrimoine, soit 1,7 milliard d'euros. Pourraient s'y ajouter, à l'horizon des vingt prochaines années, le déplafonnement d'un point des cotisations patronales, ce qui rapporterait 4,1 milliards d'euros, et la prorogation de la CRDS au-delà de 2015.
    Ces 20 milliards d'euros permettraient de répondre aux besoins, d'assurer un haut niveau de pension aux plus faibles, de mieux indexer les pensions de retraite et de ne pas faire supporter aux seuls salariés le poids de la réforme des retraites.
    L'équité aurait voulu que le coût de la réforme - que nous jugeons utile - ne soit pas supporté par les seuls salariés. Il était possible de trouver d'autres moyens de financement. Tel n'a pas été le choix du Gouvernement. Nous le regrettons fortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez parlé de contrition. Eh bien, si j'étais prêtre, je ne pourrais vous donner l'absolution avant que vous n'ayez fait une confession. (Sourires.)
    M. Denis Jacquat. On n'est pas au séminaire !
    M. Jean-Pierre Brard. Et je vous dirais : « Vous n'avez pas tout dit, monsieur le ministre. Cherchez dans votre mémoire et confessez tous vos péchés. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La liste en serait longue évidemment, comme pour chacun d'entre nous. Mais vous savez que si certains péchés sont véniels, d'autres sont mortels. Pour certains de ceux qui devront subir les conséquences de vos décisions, ces péchés seront mortels. Le problème, c'est que ce sont eux qui assumeront à votre place.
    Vous ne pouvez pas contester, monsieur le ministre, que, en 1993, vous étiez un des piliers qui aidaient la colonne centrale de cette maison à asseoir son autorité. Vous n'apparteniez pas au gouvernement qui a perpétré la funeste réforme de 1993, mais vous le souteniez.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'en étais même membre !
    M. Jean-Pierre Brard. J'avais oublié. Vous êtes donc encore plus coupable que je ne le pensais. (Sourires.)
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Dieu a pardonné !
    M. Jean-Pierre Brard. L'acte de contrition sera un peu long. Dans votre enthousiasme, vous aviez oublié de restituer toute votre responsabilité car il s'agit là du premier étage de la fusée que vous vous proposez de mettre en orbite.
    M. Bernard Deflesselles. C'est Gagarine ce matin !
    M. Jean-Pierre Brard. Dans une fusée, chacun des étages a son importance, mais le dernier que vous êtes en train de construire est essentiel.
    Monsieur le ministre, je vais citer un exemple précis qui montre à quel point vous avez nui aux retraités. Si je me réfère à L'Express du 17 juin 1993 - il y a dix ans, presque jour pour jour -, une employée rémunérée 20 % de plus que le SMIC, ayant débuté à vingt-ans, s'étant arrêtée de travailler à vingt-quatre ans pour élever ses deux enfants et ayant repris ses activités huit ans plus tard, dont la rémunération a progressé, sur l'ensemble de sa vie professionnelle, de 10,8 % par an pour atteindre 12 377 francs, aurait pu prétendre, avant la réforme de 1993, à une retraite de 5 110 francs par mois - ses deux enfants lui donnent un bonus de seize trimestres, mais son salaire de référence, qui était de 9 220 francs sur dix ans, n'est plus que de 7 399 francs sur vingt-cinq années - et à 3 237 francs, après la réforme, soit une perte de 36,7 %. Voilà la conséquence d'une réforme à laquelle a procédé un gouvernement dont vous avez rappelé, fort opportunément, que vous étiez membre.
    M. le président. Monsieur Brard, je pense qu'il serait temps que je vous donne l'absolution. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je m'en souviendrai le jour du Jugement dernier ! (Sourires.)
    De surcroît, si l'on indexe les retraites sur les prix et non sur les salaires - que d'autres se soient ensuite accommodés de la turpitude de 1993, du péché originel, ne change rien à la charge de la faute originelle, monsieur le ministre, et c'est vous qui l'avez commise -,...
    M. Jérôme Rivière. C'est le révérend Brard qui parle !
    M. Jean-Pierre Brard. ... la perte est en moyenne d'au moins 1 % par an. Par conséquent, si cette pauvre femme a le malheur de bénéficier de sa retraite pendant vingt ans au lieu de mourir tout de suite, la perte ne sera plus de 36,7 % mais de près de 60 % !
    M. le président. Je mets aux voix, par un seul, vote les amendements identiques n°s 3500 à 3506.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT