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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 28 JUIN 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du vendredi 27 juin 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Rappels au règlement «...».
Mme Muguette Jacquaint, MM. le président, Pascal Terrasse, Denis Jacquat, Bernard Accoyer.
2.  Réforme des retraites. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 28 «...»

MM. Pascal Terrasse, Denis Jacquat, Michel Vaxès, François Liberti.
Amendements identiques n°s 5864 à 5870 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Maxime Gremetz, Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ; Denis Jacquat, Michel Vaxès, Pascal Terrasse. - Rejet.
Amendement n° 1167 de la commission des affaires culturelles : M. le rapporteur. - Retrait.
Amendement n° 11195 rectifié du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Les amendements n°s 5871 à 5877 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, 5061 de Mme Billard et 5927 à 5933 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains n'ont plus d'objet.
Amendements identiques n°s 5899 à 5905 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 5948 à 5954 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 7040 de M. Préel : M. Pierre-Christophe Baguet.
Amendement n° 7041 de M. Préel : MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, le ministre. - Retrait des amendements n°s 7040 et 7041.
Mme Muguette Jacquaint, MM. Pascal Terrasse, Denis Jacquat. - Adoption de l'article 28 modifié.

Avant l'article 29 «...»

Amendements identiques n°s 5955 à 5961 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 29 «...»

MM.
Pascal Terrasse, Denis Jacquat, Mme Janine Jambu.
Amendements de suppression n°s 3054 de M. Terrasse et 5962 à 5968 de Mme  Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Pascal Terrasse, Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 5976 à 5982 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre, Michel Vaxès. - Rejet.
Amendements identiques n°s 5969 à 5975 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 29.

Suspension et reprise de la séance «...»
Après l'article 29 «...»

Amendements identiques n°s 5990 à 5996 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 5983 à 5989 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 30 «...»

MM. Denis Jacquat, Pascal Terrasse, Mme Muguette Jacquaint.
Amendement n° 3044 de M. Terrasse : MM. Pascal Terrasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 30.

Article 31 «...»

MM. Pascal Terrasse, Denis Jacquat, François Liberti, Pierre-Christophe Baguet, Mme Muguette Jacquaint, M. Jean-Pierre Brard.
Amendements de suppression n°s 6004 à 6010 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre, Pascal Terrasse, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendements identiques n°s 6095 à 6101 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : Mme Janine Jambu, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Brard. - Rejet.
Amendements identiques n°s 6102 à 6108 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : M. Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendements identiques n°s 6109 à 6115 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : M. Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendements identiques n°s 6011 à 6017 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 6116 à 6122 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, le ministre, Pascal Terrasse. - Rejet.
Amendements identiques n°s 6039 à 6045 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 1854 de M. Baguet : MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 11152 à 11161 de Mme Adam et des membres du groupe socialiste et apparentés : MM. Pascal Terrasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n° 1852 de M. Baguet et amendements identiques n°s 3080 à 3088 et 3091 de Mme Adam et des membres du groupe socialiste et apparentés : MM. Pierre-Christophe Baguet, Pascal Terrasse, le rapporteur, le ministre. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 1852 ; rejet des amendements identiques.
Amendement n° 11197 rectifié du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 10786 de M. Cova : MM. Charles Cova, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 5028 rectifié de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

RAPPELS AU RÈGLEMENT

    Mme Muguette Jacquaint. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.
    Mme Muguette Jacquaint. En vertu de l'article 58 du règlement, je tiens à protester contre la façon dont s'est déroulée la séance d'hier soir. Je ne vous mets pas en cause personnellement, monsieur le président, puisque ce n'est pas vous qui la présidiez. Mais je tiens à dire qu'hier soir nous avons été privés de nos explications de vote sur l'article 27 ! On nous a interdit de nous exprimer ! Cet article est pourtant très important pour les femmes, car il concerne les bonifications auxquelles elles ont droit quand elles s'arrêtent de travailler pour élever leurs enfants.
    La discussion était intéressante, de même que l'échange entre l'opposition et la majorité et les réponses du ministre et du rapporteur. Il est si rare que nous puissions nous comprendre.
    J'ai montré que cet article 27 était antisocial. Contrairement a ce qui a été déclaré, le dispositif ne réglera pas le problème des inégalités qui existent, il les aggravera.
    M. le président. Madame,...
    Mme Muguette Jacquaint. Je finis, monsieur le président. On l'a rappelé, très peu de cadres vont pouvoir cesser pendant trois ans leur activité professionnelle. Très peu de couples pourront s'arrêter en raison de leurs salaires modestes. Et je ne parle pas des femmes et des hommes seuls.
    Je conclus définitivement, monsieur le président, en disant que l'article 27 est antisocial et anti-économique. On nous répète depuis des jours et des jours que le taux d'activité est en France le plus bas d'Europe. Et pourtant, on incite les femmes à rester chez elles ! Que voulons-nous ? Il y a eu, je le rappelle, 150 000 suppressions d'emplois au cours des deux derniers mois. Inciter les femmes ou les hommes à prendre des congés et à ne pas travailler, c'est contredire le discours que nous assène le Gouvernement depuis des jours et des jours.
    Je voulais que l'on sache que nous avons voté contre l'article.
    M. le président. Madame Jacquaint, je prends acte de votre rappel au règlement et de votre position qui est bien connue. Et si je vous ai laissé parler alors que l'article a déjà été adopté, c'est justement pour vous permettre de la préciser.
    La parole est à M. Pascal Terrasse et on en arrêtera là.
    M. Denis Jacquat. Je pourrais peut-être préciser également la position de mon groupe !
    M. le président. Nous ne sommes pas dans les explications de vote. Mais si vous demandez la parole, je vais vous la donner.
    M. Denis Jacquat. Vous ne regardez jamais de ce côté, monsieur le président !
    M. le président. Je ne me lasse pas de vous regarder, monsieur Jacquat, et je trouve qur vous rajeunissez au fur et à mesure de ce débat, en dépit des nuits que nous y consacrons.
    M. Denis Jacquat. C'est très vrai !
    M. le président. Monsieur Terrasse, vous avez la parole.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, tout comme le groupe communiste, je tiens à vous faire part de notre indignation sur la manière dont s'est tenue la séance d'hier soir. En effet, nous aurions souhaité, autour d'une heure du matin, nous exprimer sur l'article 27. Nous n'avons pas pu le faire.
    Notre position est connue. Le parti socialiste, pour des raisons qui ont déjà été évoquées, s'oppose fermement à cet article. Toutefois, le Gouvernement, ou peut-être le rapporteur, devrait nous présenter un amendement susceptible d'en atténuer les effets. Nous attendons cet amendement avec impatience pour savoir s'il s'agit d'une réelle avancée ou d'une modification plus modeste.
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Monsieur le président, j'étais présent dans l'hémicycle cette nuit. Comme vous l'avez remarqué - et je vous en remercie -, je deviens de plus en plus jeune, donc de plus en plus lucide. C'est pourquoi j'ai conscience que M. Le Garrec s'est montré, dans des conditions qui n'étaient pas faciles, un excellent président.
    M. Maxime Gremetz. Vous plaisantez !
    Mme Muguette Jacquaint. On ne nous a pas laissés parler !
    M. Denis Jacquat. M. Le Garrec a demandé - il était trop tard, près d'une heure du matin - qui était pour et qui était contre. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) J'étais présent et lucide. M. Le Garrec n'a fait que présider, il a même très bien présidé.
    M. Maxime Gremetz. Et en plus, il ment !
    M. Denis Jacquat. Je ne mens pas !
    M. Maxime Gremetz. Tout le monde est témoin !
    M. Denis Jacquat. Cest d'ailleurs une bonne chose que M. Le Garrec soit socialiste et que je sois de l'UMP. Je tiens à rétablir la vérité. Les divergences politiques n'empêchent pas la lucidité.
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas un problème politique, mais un problème de présidence !
    M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux !
    M. Denis Jacquat. Nos collègues socialistes et communistes ont exprimé leur opinion sur l'article 27. En ce qui le concerne, le groupe UMP a voté pour. Quels que soient les mensonges qui ont été dits et écrits, ce que nous voulons, c'est que les femmes aient le choix, qu'elles puissent concilier la vie familiale et la vie professionnelle.
    M. le président. Mes chers collègues, j'ai été prévenu de l'incident d'hier soir. Je tiens à vous rassurer : vos positions respectives étaient connues.
    M. Maxime Gremetz. C'est une question de présidence !
    M. le président. Je rends hommage à M. Le Garrec : il n'est pas facile de présider compte tenu de vos personnalités.
    M. Denis Jacquat. C'est vrai !
    M. Jean-Michel Dubernard. Surtout hier, c'était impossible !
    M. Maxime Gremetz. Vous n'auriez pas fait une chose pareille, monsieur le président !
    M. le président. Ne m'opposez pas à M. Le Garrec.
    La parole est à M. Bernard Accoyer.
    M. Bernard Accoyer. Je m'en tiendrai au fond, pour répondre sur un point extrêmement précis. L'amendement évoqué par Pascal Terrasse est en effet extrêmement important : il concerne les avantages familiaux destinés aux femmes et comprend des dispositions concrètes et positives. Il n'a cependant pas été discuté après l'article 27 car sa meilleure place se trouve après l'article 31.

2

RÉFORME DES RETRAITES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 885, 898).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'article 28.

Article 28

    M. le président. « Art. 28. - Il est inséré, après l'article L. 9 du même code, un article L. 9 bis ainsi rédigé :
    « Art. L. 9 bis. - Les années d'études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l'article L. 381-4 du code de la sécurité sociale sont prises en compte, au titre de l'article L. 13 ou au titre du I ou du II de l'article L. 14, dans la limite de douze trimestres, sous réserve, d'une part, de l'obtention d'un diplôme nécessaire pour se présenter au concours de recrutement correspondant à l'emploi dans lequel le fonctionnaire a été titularisé ou le militaire recruté, et, d'autre part, du versement des cotisations nécessaires dans des conditions de neutralité actuarielle pour le régime.
    « L'admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles est assimilée à l'obtention d'un diplôme.
    Ces trimestres ne doivent pas avoir donné lieu à une affiliation à un régime de retraite de base obligatoire. Le régime des pensions civiles et militaires ou celui de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales doit avoir été, à l'issue d'une période d'un an à compter de la date d'obtention du diplôme, le régime d'affiliation.
    « Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
    Sur cet article 28, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. De la même façon que l'article 20 qui concernait le régime général, l'article 28 donne aux fonctionnaires la possibilité de racheter les années d'études qui leur ont été nécessaires pour présenter le concours. Il prévoit également que les années d'études pour accéder aux grandes écoles peuvent faire l'objet d'un rachat dans la limite de douze trimestres, soit un an de plus que pour le régime général, et dans des conditions actuariellement neutres pour le régime de retraite concerné. Un décret précisera les modalités de rachat, mais la négociation avec les syndicats a d'ores et déjà conduit à établir qu'il aurait lieu sans limite d'âge et à un coût variable.
    Rappelons la problématique exposée notamment au sein du Conseil d'orientation des retraites. Le rachat en début de carrière suppose de disposer à cette période de moyens financiers, qu'il s'agisse d'un capital préconstitué ou d'une capacité à emprunter. Il est, par principe, plus avantageux pour le cotisant, car le calcul est basé sur une carrière fictive, et donc souvent sur un revenu dit « moyen », inférieur au revenu réel qu'il atteindra en tenant compte des vingt-cinq meilleures années de sa carrière.
    A l'inverse, le rachat en fin de carrière est coûteux pour les cotisants, dont on connaît alors le déroulement de carrière. Il est, de fait, réservé à ceux d'entre eux qui disposent d'une capacité d'épargne forte. On le constate, la possibilité de rachat devrait dans ces conditions être une incitation de plus à l'épargne individuelle en vue de la retraite.
    A titre d'illustration, le COR évalue entre 2 300 euros et 7 500 euros le coût du rachat forfaitaire d'une année en début de carrière, contre - je vais parler en francs - 100 000 à 150 000 francs en fin de carrière. Cent mille francs pour une année, vous savez ce que cela représente. En l'occurrence, le rachat ne concernera que celles et ceux qui en auront largement les moyens.
    Plus généralement, le COR émet une série de réserves sur ce dispositif censé favoriser les choix individuels. Il considère que celui-ci serait peu compatible avec les règles de bonne gestion des régimes par répartition qui s'accommodent mal de mesures facultatives - c'est un élément qu'il faut évidemment prendre en compte -, et que par ailleurs, il risque de favoriser certaines catégories de personnes disposant de revenus financiers leur permettant d'utiliser ces mécanismes. Il faut néanmoins tenir compte des positions plutôt favorables exprimées par les partenaires sociaux qui ne sont pas totalement opposés à ce dispositif de rachat.
    Pour l'essentiel, le groupe socialiste s'abstiendra sur cet article, parce qu'il n'est pas non plus contre cette idée. Il n'en demeure pas moins, comme cela a été rappelé lors de l'examen de l'article 20, qu'un mécanisme d'exonération fiscale sur l'IRPP est nécessaire. On ne peut pas en effet payer en même temps des cotisations pour racheter ses points de retraite et un impôt sur cette partie des revenus. C'est un élément qui me paraît très important.
    Par ailleurs, nous dénonçons bien évidemment dans ce dispositif - et ce sera mon mot de conclusion - la manière dont il évoque la situation des rentiers : celles et ceux qui auront pu épargner tranquillement, parce qu'ils ont les moyens de financer les parties non cotisées, pourront s'arrêter plus tôt.
    Il me semble d'ailleurs que Denis Jacquat avait lui-même émis quelques incertitudes sur ce sujet. Je vous renvoie aux documents législatifs qui nous ont été remis.
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un souci de parallélisme et d'équité entre les régimes général et alignés et le régime de la fonction publique, il est proposé, dans cet article, de créer, au sein du code des pensions civiles et militaires, un article ouvrant aux fonctionnaires la possibilité de racheter des années d'études qui compteraient ainsi dans les annuités liquidables.
    Comme vient de le dire parfaitement Pascal Terrasse, cette demande provient des partenaires sociaux qui ont souhaité que cette possibilité existe et soit mentionnée dans le texte, malgré les réserves que nous éprouvions au départ. Par ailleurs, comme il l'a indiqué aussi, le COR a réalisé sur ce sujet une étude dont je ne répéterai pas les conclusions.
    La seule chose - c'était notre souci au COR, en commission, ou dans d'autres instances -, c'est que nous voulons éviter l'instauration d'une sélection par l'argent, qui permettrait à ceux qui ont plus de moyens - c'est-à-dire ceux qui ont fait plus d'études et qui gagnent plus - de racheter des années d'études, tandis que les autres ne pourraient pas le faire.
    Personnellement, je pense qu'il faut aller de l'avant sur cette question. Nous verrons ensuite ce qu'il advient. D'ailleurs, le COR sera là pour analyser les résultats.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. L'article 28 prévoit la possibilité, pour un fonctionnaire, de racheter au plus trois années d'études sanctionnées par un diplôme nécessaire pour se présenter aux concours de recrutement correspondant à l'emploi dans lequel il a été titularisé. Seules les études correspondant aux diplômes nécessaires pour se présenter aux concours seront donc prises en compte, et pas les autres.
    Pourtant, on le sait, de nombreux étudiants connaissent des trajectoires bien peu linéaires. Ils présentent d'ailleurs souvent plusieurs concours. Ainsi, un professeur des écoles entré à l'IUFM pourrait racheter les trois années d'études sanctionnées par une licence ; de même qu'un agent de catégorie B ayant passé une licence puis réussi un concours pour intégrer un emploi de catégorie A. En revanche - et la situation est de plus en plus fréquente -, un étudiant titulaire d'une maîtrise mais n'ayant réussi qu'à un concours de catégorie B ne pourra racheter aucune de ses années d'études.
    En outre, la possibilité de rachat est liée à une condition : le délai entre l'obtention du diplôme et la réussite au concours ne doit pas excéder un an. Or chacun sait bien qu'on ne réussit pas forcément du premier coup le concours que l'on présente. De plus, la réduction d'emplois qui se prépare dans la fonction publique va rendre ces concours de plus en plus difficiles et augmenter les risques de dépassement du délai.
    M. Jacquat évoquait à l'instant la demande des partenaires sociaux sur le principe du rachat.
    M. Denis Jacquat. De certains rachats !
    M. Michel Vaxès. Evidemment ! Mais ce qu'ils ne savaient pas, c'est combien ça leur coûterait !
    M. Denis Jacquat. C'est juste.
    M. Michel Vaxès. Et c'est bien la question que nous posons, parce que ce rachat paraît excessivement onéreux. L'intéressé doit racheter à la fois la part salariale et celle de l'employeur et, au-delà, payer les droits acquis. Il est possible de racheter des années d'études soit pour les prendre en compte dans la durée d'assurance, ce qui joue pour la décote, soit pour la durée d'assurance et pour les trimestres liquidables, ce qui joue sur le montant de la pension avant ou hors décote. Le coût de ce rachat est différent selon l'option retenue et le moment où il intervient.
    Si nous considérons un exemple crédible - ou que l'on pourrait considérer comme tel, puisque la source en est le ministère du budget -, le coût de rachat d'une année d'études par un professeur des écoles est estimé à 5 000 euros, c'est-à-dire entre 3 et 4 millions de centimes. Je connais peu d'enseignants en situation de payer une telle somme en début de carrière. Et j'en connais également peu qui pourront en fin de carrière dépenser 15 000 euros pour racheter une année d'études. Pour que l'on me comprenne bien - parce que les gens raisonnent encore dans cette unité -, cela représente 10 millions de centimes ! Quant au coût du rachat d'une année d'études pour sa prise en compte dans la seule décote, il s'élèvera, en début de carrière, à 3 000 euros, et en fin de carrière à 12 000 euros.
    Nous n'avons évidemment pas grand-chose à dire sur le principe du rachat. Mais son coût sera dissuasif pour la plupart des fonctionnaires.
    M. le président. La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'évolution des réalités sociales et économiques affecte tout particulièrement la question de la formation initiale.
    Avec ce projet de loi, nous nous trouvons même dans un cas de figure assez original.
    Il est patent et indiscutable que, plus les années passent, plus les employeurs du secteur privé exigent de leurs salariés une formation initiale de plus en plus pointue, notamment en matière de maîtrise des outils techniques et technologiques les plus performants.
    Cette évolution a d'ailleurs un effet immédiat sur la situation de ces jeunes diplômés : elle retarde l'âge de l'entrée réelle dans la vie active et les place donc directement en situation de contrainte à l'égard de leur droit à pension. Plus une carrière professionnelle commence tard, plus elle est sujette à se prolonger bien au-delà de l'âge de soixante ans.
    Dans le cas de la fonction publique, on mesure rapidement les conséquences de ce processus. A défaut, en effet, d'une réelle prise en compte des années de formation et d'études, ce sera bien souvent le dispositif de minoration de la pension qui viendra à s'appliquer. Avec douze trimestres d'études minorés de 1,25 % chacun, nous nous retrouvons ainsi avec une jolie décote de quinze points du montant de la pension, effondrant donc d'un cinquième le taux de remplacement du traitement.
    Nous devons donc clairement considérer l'accomplissement d'années de formation supérieure et d'études comme une période assimilable à une période d'activité professionnelle.
    L'étudiant, l'élève de section de technicien supérieur, l'« hypokhâgneux » ou le jeune préparant un diplôme universitaire de technologie, voire une maîtrise de sciences et techniques ou une licence professionnelle, doit donc être considéré comme un salarié en formation, d'autant que ces diplômes sont exigés pour pouvoir participer à tel ou tel concours de recrutement de l'une des trois fonctions publiques. C'est donc tout à fait naturellement que nous avions proposé de franchir le pas, c'est-à-dire de faire en sorte que ces périodes d'études et de formation soient effectivement prises en compte.
    Faute d'avoir pu défendre cette position dans le cadre du débat - le tabou, autrement dit l'article 40 ayant été invoqué -, nous nous devions de produire ces quelques observations à l'occasion de la discussion de l'article 28.
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 5864 à 5870.
    L'amendement n° 5864 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 5865 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 5866 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5867 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 5868 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 5869 par M. Gremetz et M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5870 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le premier alinéa de l'article 28. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Un instant, monsieur le président...
    M. le président. J'ai craint durant une seconde que vous ne le souteniez pas !
    M. Michel Voisin et M. Robert Pandraud. Maxime est perdu !
    M. Maxime Gremetz. C'est une question de mise en route !
    M. le président. Avec votre talent, vous n'en avez pas besoin !
    M. Maxime Gremetz. C'est à cause de ce que nous avons vécu hier, monsieur le président. Mme Jacquaint en a été toute bouleversée. Elle n'a pas dormi,...
    M. le président. Moi non plus, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. ... tellement elle était colère. (Sourires.)

    M. le président. Si vous voulez qu'on aille se coucher rapidement, je connais une solution...
    M. Maxime Gremetz. Rassurez-vous, monsieur le président, nous serons très attentifs, je vous le promets. Nous avons encore beaucoup d'amendements, mais nous allons les défendre, comme toujours.
    Cet amendement propose de supprimer le premier alinéa de l'article 28. Le principe du rachat des années d'études est par nature critiquable et nous n'avons pas manqué de le critiquer. En définitive, seule une minorité de gens qui ont de l'argent pourront le racheter ; les plus modestes ne pourront jamais se le permettre. On conforte ainsi le principe, déjà très développé, de la discrimination par l'argent.
    De surcroît, les modalités proposées de mise en oeuvre sont telles que le rachat deviendra une option réservée à une ultra-minorité fortunée, tant son coût sera élevé. Décidément, dans ce pays, mieux vaut être riche, beau et bien portant que pauvre, pas beau et malade !
    M. Pascal Terrasse. Comme disait Coluche !
    M. Maxime Gremetz. C'est sans doute là qu'apparaît le plus clairement ce qui se cache derrière le mot « équité », au sens éminemment dangereux où il est pris dans votre bouche, et répété à l'envi par les membres du Gouvernement. L'équité, cela ne se déclame pas, cela ne se proclame pas. L'équité, cela se traduit dans des actes et dans des faits. Telle n'est évidemment pas votre intention : nous l'avons montré à l'occasion de toute la partie la plus révélatrice, relative aux femmes, où vous avez rejeté tous les amendements que nous avions présentés dans le but précisément d'améliorer la justice et l'équité. Dans le domaine bien précis qui nous occupe ce matin, nous nous retrouvons face au même problème : pour racheter des années d'études, il faut avoir beaucoup d'argent. Faute de quoi, sachant que les études deviennent de plus en plus longues, il faudra travailler de plus en plus longtemps ou se contenter d'une pension de retraite moins élevée. Voilà la réalité.
    Voilà pourquoi nous ne pouvons supporter, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que le mot « équité » soit galvaudé de la sorte. Nous proposons quant à nous, non un égalitarisme, mais une véritable équité prenant en compte la situation de chacun, contrairement au dispositif que vous prévoyez, auquel seuls les riches pourront prétendre alors que l'immense majorité, les classes moyennes, ne pourront jamais en profiter.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. L'article 28, éminemment important, traite de la validation des années d'études et surtout de leur rachat. Le dispositif proposé, rappelons-le, reprend un des points de l'accord arrêté le 15 mai dernier entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Il autorise la prise en compte des années d'études, sous certaines conditions, il est vrai, en prévoyant un mécanisme de responsabilité financière, autrement dit de rachat, par l'intéressé lui-même.
    Le Gouvernement a prévu dans son projet de loi plusieurs éléments restrictifs visant à encadrer très précisément ces modalités de rachat, ainsi la condition de succès aux examens préalables aux concours d'admission dans les fonctions publiques. Il s'agit donc d'une réelle avancée, garantissant tout à la fois souplesse et liberté, intéressante pour des fonctionnaires qui, par définition, seront entrés plus tard dans la carrière que ceux de leurs collègues qui n'auront pas suivi un cycle d'études supérieures.
    Ce faisant, nous répondons aux demandes, exprimées à de multiples reprises ces derniers temps, de fonctionnaires inquiets à l'idée de devoir obligatoirement partir à la retraite à un âge supérieur à soixante ans. Le dispositif proposé garantit, conformément à la volonté des intéressés, une totale liberté de choix ; c'est ce qui a conduit la commission à rejeter ces amendements de suppression.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ainsi que le disaient à l'instant M. Gremetz, M. Terrasse ainsi que M. Jacquat, il y a d'abord le principe et ensuite son application. A partir du moment où, dans le régime public, a été acté le principe de la convergence des durées d'assurance avec le régime général, la question était posée de savoir comment, avec des études de plus en plus longues, il pouvait être possible d'acquérir les droits d'assurance nécessaires pour parvenir au taux de remplacement maximum à l'heure de la retraite.
    M. Jacquat a évoqué le « mur de l'argent ». C'est effectivement un réel problème de société, à ceci près que ce mur de l'argent n'est peut-être pas là où l'on croit. Il nous faut réfléchir ensemble à un problème tout à fait d'actualité : la présence de plus en plus faible, par rapport à ce qui se faisait il y a vingt ou vingt-cinq ans, de certaines catégories sociales dans l'enseignement supérieur. Là est le vrai sujet, la vraie inégalité. A une certaine époque, dans la région Nord - de-Pas-de-Calais que vous connaissez bien, les fils de mineurs avaient l'occasion de rendre service à la République parce qu'ils avaient la possibilité d'accéder à l'enseignement supérieur. Or force est de constater aujourd'hui, en examinant la répartition sociologique des étudiants de l'enseignement supérieur, que certaines catégories de Français n'y figurent plus, pour des raisons le plus souvent financières.
    C'est là un sujet de société qui dépasse largement le problème des retraites : comment garantir l'égalité des chances d'accès à une formation supérieure qui elle-même représente une clé déterminante pour l'avenir de nos enfants ?
    Le dispositif proposé, ainsi que le disait M. Terrasse, reprend un des points de l'accord passé avec les organisations syndicales le 15 mai dernier : le point 10 du relevé de décision, lequel prévoit que des possibilités de rachat des années de durée d'assurance et, le cas échéant, d'annuités seront ouvertes à compter de 2004 sans limite d'âge, avec un étalement des paiements au choix des intéressés dans la limite de trois ans et à un prix correspondant au coût actuariellement neutre.
    Dès lors, deux débats politiques peuvent s'engager : ce principe est-il un bon principe ? Son application est-elle compatible avec l'exercice normal d'une profession dans la fonction publique ?
    Sur le principe, nous avons estimé tout à fait intéressant que, à l'image de ce qui se passe dans le régime général, le choix soit offert à l'intéressé de pouvoir acquérir, en toute liberté, des annuités d'études.
    Dès lors se posait une première question, évoquée par M. Vaxès. La rédaction que nous avions préparée pour la fonction publique nous paraissait compatible avec l'exercice mais, paradoxalement, conduisait à pénaliser certains fonctionnaires. Nous avions prévu la possibilité de racheter les trois ans d'études exigés pour passer le concours. C'était cohérent avec les règles de recrutement des titulaires mais, et là est le paradoxe, deux catégories s'en trouvaient pénalisées : d'un côté, le fonctionnaire sur-diplômé qui entrait en catégorie C, et, de l'autre, le fonctionnaire qui, après être entré avec un niveau Bac, acquérait par la suite un diplôme supérieur - cas cité par M. Vaxès. Après discussion avec les syndicats, nous avons amendé notre proposition pour tenir compte de leurs positions, en particulier celle de la CFDT,...
    M. Maxime Gremetz. Et voilà !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... en supprimant le lien entre les années rachetées et le concours d'entrée dans la fonction publique, ce qui répond ainsi aux situations que vous aviez légitimement évoquées.
    Nous avons ensuite élargi le choix. A l'origine, seul était prévu le rachat de l'assurance. A ensuite été proposé le rachat de l'assurance et de l'annuité ; enfin, à la demande des organisations syndicales, nous avons ajouté une autre possibilité, celle du rachat de l'annuité.
    Se pose maintenant la question du coût de cette mesure. Il faut vraiment être attentif à ce que cela représente : la capacité de rachat d'études, ce n'est pas une validation de périodes. Le groupe communiste et républicain a demandé que les années d'études soient validées comme droit à pension. Sur ce point, nous sommes en divergence. Il ne nous paraît pas normal de faire financer par la collectivité nationale, et notamment par celles et ceux qui n'ont pas de diplômes, la validation de celles et ceux qui suivent des formations supérieures. Il nous faut réfléchir à d'autres mécanismes ; faute de quoi, ce seraient les ouvriers, les sans-diplôme qui se retrouveraient paradoxalement à devoir financer l'acquisition de droits à pension des gens qui auraient poursuivi des études supérieures !
    Il faut, par ailleurs, tenir compte de la situation qui prévaut notamment dans les écoles de l'Etat où souvent les périodes peuvent d'ores et déjà être rapidement validées - c'est le cas des normaliens, par exemple.
    Nous avons donc écarté cette hypothèse en disant très clairement que le rachat n'est pas une validation de période, comme pour les services dits auxiliaires. On achète par avance une pension future, en respectant l'équilibre du régime dans laquelle on achète. Ce qui nous ramène à la question du coût.
    Le Conseil d'orientaion des retraites avait intégré dans sa formule la neutralité actuarielle. Qu'est-ce que cela signifiait ? Les chiffres qu'ils avançaient représentaient, par annuité, entre 70 % du traitement d'un fonctionnaire en début de carrière et 130 % en fin de carrière. Dans nos discussions avec les organisations syndicales, nous avons très clairement fait remarquer qu'afficher de tels coûts revenait en fin de compte à tuer purement et simplement la mesure : on affichait un principe auquel tout le monde souscrit, mais en l'assortissant d'un coût tellement élevé que personne ne pouvait y prétendre.
    Nous avons donc décidé d'entamer des négociations et de recourir à un barème. Celui-ci approchera probablement un taux de 50 % pour un fonctionnaire de trente à trente-cinq ans, il sera plus réduit pour un fonctionnaire plus jeune et plus élevé pour un fonctionnaire plus âgé, avec possibilité d'étaler la dépense. En fait, le principe - on peut le contester ou non - revient à dire que, dans le régime général comme dans le régime public, il faudra avoir le montant des cotisations employeur et employé que l'on aurait versé si dès cette époque on avait touché une rémunération.
    Nous avions ainsi calculé - comptant nous servir de cet élément de référence pour mettre au point, par amendement, une possibilité de déduction fiscale - qu'un professeur certifié de vingt-cinq ans avec un traitement de 1 609 euros mensuels, indice 368, aurait ainsi la possibilité de payer le rachat sur cinq ans, avec une déduction fiscale. Evidemment, les barèmes seraient différents pour le rachat d'une annuité. Le coût se situerait aux alentours de 73 euros par mois, soit 5 % du salaire mensuel. Si ce fonctionnaire souhaitait racheter la seule durée d'assurance, il monterait à 157 euros par mois, soit 10 % de la rémunération ; il passerait à 230 euros par mois pour racheter en même temps l'annuité et la durée d'assurance.
    M. Pascal Terrasse. En début de carrière ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Bien évidemment, et c'est tout le problème d'équilibre, avant vingt-cinq ans, ce serait moins cher ; après vingt-cinq ans, évidemment, le coût augmenterait.
    M. Pascal Terrasse. Le problème se pose souvent en fin de carrière !
    M. le président. Vous en parlerez tout à l'heure, monsieur Terrasse !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Très honnêtement, monsieur Terrasse, il est évident que plus on se rapprochera de la retraite, plus le coût deviendra extrêmement élevé et probablement peu intéressant. On en mesure bien l'intérêt, y compris dans des régimes comme celui du CNRACL : si quelqu'un décidait de racheter à un an de la retraite, cela reviendrait à demander à l'ensemble des fonctionnaires de payer les vingt-cinq, trente ou trente-cinq ans qu'il y a derrière...
    M. Pascal Terrasse. Evidemment, c'est impossible.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il ne faut pas perdre de vue cet aspect des choses. Ces prix nous semble compatibles avec le principe de la neutralité actuarielle. Ils s'entendent, bien évidemment, avant déduction fiscale. Cela nous paraît être un bon principe ; nous offrons ainsi une gamme de choix permettant à chaque fonctionnaire ou à chaque salarié du régime général de choisir très clairement sa carrière en fonction de sa capacité de racheter des assurances.
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, contre l'amendement.
    M. Denis Jacquat. Le principe de base, je veux le rappeler aux auteurs de ces amendements, c'est celui de l'équité entre les régimes. Venant moi-même d'une région industrielle, la Lorraine, où des enfants de mineurs ou de sidérurgistes ont pu accéder à des études supérieures, j'ai particulièrement apprécié les exemples donnés par M. le ministre.
    Rappelons également que le rachat des années d'études est un acte volontaire. Personne n'y est obligé. Mais bien des gens tenaient, pour dissiper toute inquiétude, à que cela soit inscrit dans la loi. Je ne vois pas pourquoi il en irait autrement.
    Certes, et le ministre l'a montré à partir d'exemples concrets, le dispositif proposé, a priori, coûtera cher à l'intéressé. Mais il n'est pas pour autant irréaliste, sachant que le niveau de rémunération correspond, d'une certaine manière, au niveau d'études exigé.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Je tiens d'abord à rappeler notre position. M. le ministre l'a décrite en un mot, je le ferai en deux... Ce que nous demandons, ce que nous avons toujours défendu, c'est la validation, sans qu'il y ait besoin de rachat des années d'études. Nous allons même un peu plus loin, estimant que les périodes de chômage comme l'entrée tardive, trop fréquente, sur le marché du travail mériteraient d'être prises en compte dans le calcul de la retraite.
    Ce principe de rachat, dites-vous, répond à une demande. Evidemment ! Entre deux maux, certaines organisations syndicales - minoritaires - ont choisi le moindre... Je vous ferai tout de même observer que la majorité d'entre elles ont refusé d'en approuver ne serait-ce que le principe, qui pose question. Et ces demandes de rachat, minoritairement exprimées, répondent d'une certaine façon au refus obstiné du Gouvernement de toute idée de validation des années d'études. Pourtant, les étudiants y auraient évidemment tout intérêt. Comment peut-on oublier que l'appropriation des connaissances par le plus grand nombre est avant tout un investissement pour la nation ?
    M. Maxime Gremetz. Absolument !
    M. Michel Vaxès. On ne peut pas à la fois regretter la « fuite », dit-on - encore que cela mériterait un débat - des intelligences, ou leur insuffisance, et par ailleurs ne pas valoriser la possibilité pour le plus grand nombre des Françaises et des Français d'accéder au maximum de connaissances. Cet investissement en direction de ces citoyens, pour qu'ils servent ensuite avec efficacité le développement de l'économie et de la France, n'est pas encouragé par les décisions que vous prenez.
    Une dernière remarque, et j'en termine monsieur le président, sur le coût. Nous ne vivons pas, monsieur le ministre, le même monde. Moi, je peux vous citer, en nombre important, des fonctionnaires de la catégorie A, certifiés après deux, trois, quatre, cinq années d'études, qui consacrent les économies qu'ils peuvent réaliser à nourrir le reste de leur famille, notamment lorsque ces fonctionnaires, certifiés, agrégés, sont issus des milieux populaires. Je vous le dis, ceux-là n'auront pas la possibilité du rachat, et c'est ceux-là que les décisions que vous prenez léseront.
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, vous nous dites que la possibilité de choisir le rachat des années d'études est un beau principe, mais dans le même temps vous admettez que ce choix est extrêmement limité. Comme vous l'avez vous-même reconnu, ce choix, en fin de carrière est pratiquement impossible, tant il est vrai que son coût serait prohibitif. Dans ces conditions, peut-être pourriez-vous nous indiquer dans le courant du débat, à travers des exemples, quel est le coût pour valider la durée de services et le niveau de cotisation, selon que l'intéressé est en début ou en fin de carrière. Il serait bon que vous puissiez vous exprimer sur ce sujet de manière que cela figure dans le Journal officiel.
    Deuxième élément sur lequel je voulais insister - mais nous aurons l'occasion d'y revenir en discutant de la possibilité d'exonérations fiscales -, vous admettez vous-même que le dispositif devient intéressant à partir du moment où le rachat est fait en début de carrière. Prenons l'exemple que vous donniez tout à l'heure, celui d'un jeune professeur certifié qui aurait deux enfants et une femme qui ne travaille pas. Il serait exonéré d'impôt sur le revenu. Dans ce cas, un système de déduction fiscale ne porte pas. Je crois donc qu'il faudrait réfléchir, peut-être dans le cadre de l'amendement qui sera défendu tout à l'heure par nos collègues de l'UDF, à la possibilité d'envisager un système de crédits d'impôt. Parce que, évidemment, une déduction fiscale pour quelqu'un qui ne paye pas l'IRPP est d'un intérêt nul. Nous aurons peut-être le temps de réfléchir dans le courant de la journée, quitte à réserver l'article pour se donner le temps d'étudier la question avec Bercy et voir comment le système peut fonctionner. Un crédit d'impôt me paraîtrait plus juste, parce que quelqu'un qui est en fin de carrière, lui, va payer l'impôt sur le revenu, en raison notamment de son niveau de revenu plus élevé, mais en début de carrière, c'est en règle générale là où l'impôt sur le revenu n'est pas forcément payé, par exemple lorsqu'il s'agit d'un jeune couple, dans lequel un seul conjoint travaille.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5864 à 5870.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Accoyer, rapporteur, a présenté un amendement, n° 1167, ainsi libellé :
    « I. - Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 28 :
    « Il est inséré, après l'article L. 12 du même code, un article L. 12 bis ainsi rédigé :
    « II. - En conséquence, rédiger ainsi le début du deuxième alinéa de cet article :
    « Art. L. 12 bis. - Les années ..... (le reste sans changement). »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet amendement, qui touche au fond, correspond à l'interrogation de la commission sur le sens précis de l'article 28 : s'agit-il d'une validation, d'une liquidation, ou bien des deux à la fois ? Par cet amendement, la commission a souhaité, en retenant le principe d'éléments assez mineurs afin de franchir l'obstacle de l'article 40, interpeller le Gouvernement afin qu'il donne une réponse sur ce point. Or, il se trouve que le Gouvernement a déposé un amendement n° 11195 rectifié qui répond à ces interrogations avec la plus grande clarté. En conséquence, nous retirons cet amendement.
    M. le président. L'amendement n° 1167 est retiré.
    Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 11195 rectifié, ainsi libellé :
    « Substituer aux trois premiers alinéas du texte proposé pour l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite les sept alinéas suivants ;
    « Art. L. 9 bis. - Les périodes d'études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l'article L. 381-4 du code de la sécurité sociale sont prises en compte :
    « - soit au titre de l'article L. 13 ;
    « - soit au titre du I ou du II de l'article L. 14 ;
    « - soit pour obtenir un supplément de liquidation au titre de l'article L. 13 sans que ce supplément soit pris en compte dans la durée d'assurance définie à l'article L. 14.
    « Cette prise en compte peut concerner au plus douze trimestres, sous réserve de l'obtention du diplôme et du versement des cotisations nécessaires dans des conditions de neutralité actuarielle pour le régime selon un barème et des modalités de paiement définis par décret.
    « L'admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles est assimilée à l'obtention d'un diplôme.
    « Ces trimestres ne doivent pas avoir donné lieu à une affiliation à un régime de retraite de base obligatoire. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Cet amendement répond à une interrogation exprimée par les parlementaires. Afin d'ouvrir la possibilité de racheter des années d'études, nous supprimons la condition du lien entre le diplôme sanctionnant ces études et le concours de recrutement. Par ailleurs, nous modifions la condition relative au délai qui sépare l'obtention de ce diplôme de l'affiliation au régime, en le portant à quatre ans. Cela va dans le sens d'un assouplissement de la mesure en direction des fonctionnaires.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais il répond de la manière la plus positive qui soit aux interrogations qui étaient les siennes. Il va même au-delà de ses espérances. Il s'agit-là d'une avancée importante, que nous saluons.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11195 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. En conséquence, les amendements identiques n°s 5871 à 5877 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, l'amendement n° 5061 de Mme Billard et les amendements identiques n°s 5927 à 5933 de Mme Buffet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains n'ont plus d'objet.
    Je suis saisi des amendements identiques n°s 5899 à 5905.
    L'amendement n° 5899 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 5900 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 5901 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5902 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 5903 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 5904 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5905 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Avec cet amendement, nous poursuivons la discussion que nous avons déjà entamée concernant le principe du rachat des années d'études, dont Michel Vaxès a parlé. Monsieur le ministre, nous vous avons bien écouté. J'en profite donc pour vous répondre, puisque je ne l'ai pas fait, mais je défends l'amendement en même temps.
    Nous continuons à penser qu'avec la proposition que vous avez faite, vous prenez en compte un vrai problème mais que vous lui donnez une mauvaise réponse. Vous nous avez parlé d'un accord avec les organisations syndicales. Mais Michel Vaxès a rappelé que les syndicats représentant la majorité des salariés ne sont pas du tout satisfaits, ils sont critiques à l'égard de cette proposition, et ce pour plusieurs raisons. La première est celle-ci : comment imaginer qu'on puisse demander à l'immense majorité des étudiants issus de familles modestes de racheter leurs années d'études, alors qu'ils ont déjà tant de mal à poursuivre leurs études ? Ils doivent travailler y compris pour payer leurs études. Je suis allé hier à Eurodisney pour la première fois de ma vie, pour des raisons journalistiques.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Ah, on s'américanise ?
    M. le président. Ne demandez pas à M. Gremetz de raconter sa vie ! Sinon, on va avoir une session extraordinaire ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Je ne raconte pas ma vie. Je dis ça parce que j'ai vu des tas d'étudiants qui travaillent là-bas pour payer leurs études.
    M. Robert Pandraud. Il y a aussi de jolies étudiantes, là-bas, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Et on va demander à des gens issus de familles modestes de racheter leurs années d'études pour ne pas travailler ! Je vous rappelle quand même qu'on considère que les études durent aujourd'hui, en moyenne, jusqu'à vingt-cinq ou vingt-sept ans. Avec quarante-deux annuités, ça nous amène à soixante-sept ou soixante-neuf ans ! C'est ça la réalité, simple et dure ! Si les gens ne peuvent pas racheter leurs années d'études, et ce sera vrai pour la majorité d'entre eux, ça veut dire...
    M. Denis Jacquat. Mais s'ils travaillent, ils cotisent !
    M. Jean-Luc Warsmann. Bien sûr ! Ce n'est pas un argument !
    M. le président. Laissez parler M. Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Mais moi je souhaite qu'ils s'inscrivent, qu'ils parlent, qu'ils nous répondent ! Au moins, on aura un vrai débat, ce serait mieux que d'interrompre en aboyant ! On n'aboie pas, ici : on s'inscrit, M. le président prend vos inscriptions, et on vous écoute. Et on a un vrai débat !
    M. le président. Monsieur Gremetz il est tôt, la matinée commence...
    M. Maxime Gremetz. Alors, n'aboyez pas, chers collègues ! Ce matin, j'ai vu des gens, quand je suis arrivé, ils avaient tous mis, pour illustrer ce que je disais hier, un sparadrap sur la bouche ! C'est extraordinaire ! C'était très sympa !
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous êtes remarquable mais ne provoquez pas trop.
    M. Maxime Gremetz. Je ne provoque pas mais je le dis parce que c'est vrai. Tout ce que je dis est vrai.
    M. le président. Sur le fond, avez-vous fini ?
    M. Maxime Gremetz. Sur le fond, il y a des étudiants qui travaillent pour payer leurs études, parce que leur famille ne peut pas les leur payer. On parle de la gratuité des études. Parlons-en ! C'est vrai que l'éducation nationale s'est démocratisée mais je vous rappelle quand même un petit détail : il y a seulement 10 % de fils d'ouvriers qui vont à l'université et qui font des études supérieures. Vous le savez, ça ! Et pourquoi cela ? Parce que, justement, ces familles n'ont pas les moyens de payer des études supérieures ! Ce n'est pas parce que les fils d'ouvriers sont plus bêtes que vous...
    M. Denis Jacquat. Merci pour nous.
    M. Maxime Gremetz. ... ou que n'importe qui. Déjà, la discrimination existe au départ et on va encore la renforcer en exigeant des étudiants qu'ils procèdent à un rachat qui coûte extrêmement cher. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, c'est un rachat pour riches, pour ceux qui ont des Porsche ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà pourquoi nous ne sommes pas d'accord et voilà pourquoi les syndicats représentant la majorité des salariés, et notamment des enseignants, ne sont pas d'accord non plus. C'est une injustice de plus ! C'est toujours une société de classe. Or, vous le savez bien, nous voulons dépasser cette société de classe pour une société solidaire et humaine, moderne où chacun puisse s'épanouir.
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5899 à 5905.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 5948 à 5954.

    L'amendement n° 5948 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 5949 par MM. Bocquet, Biessy, Dessalangre et Braouezec ; l'amendement n° 5950 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5951 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 5952 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 5953 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5954 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite :
    « La demande de rachat doit être présentée avant radiation des cadres et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
    La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Le dernier alinéa de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat est relatif aux conditions de validation des services effectués en tant que non-titulaire. Un certain nombre de services énumérés audit alinéa peuvent en effet, sous réserve de validation, être pris en compte pour la constitution du droit à pension. Si cet alinéa prévoit les conditions dans lesquelles la décision de validation peut être prise, il mentionne par ailleurs le délai au cours duquel la demande de validation peut être formulée par l'agent.
    Dans le texte en vigueur avant le dépôt de ce projet de loi, l'agent pouvait formuler sa demande avant sa radiation des cadres. Cependant, ce projet de loi propose une nouvelle rédaction puisqu'il entend modifier ce délai. S'il est adopté en l'état, ce à quoi le groupe des député-e-s communistes et républicains est défavorable, l'agent disposera d'un délai de deux ans pour faire valider les services accomplis en tant que non-titulaire.
    En ce qui concerne les conditions de rachat des années d'études, les député-e-s communistes et républicains jugent insatisfaisante, car insuffisamment précise, la rédaction qui est proposée par le dernier alinéa de l'article 28. En effet, il est écrit : « Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. » Notre groupe considère comme souhaitable de renvoyer à un décret la détermination des conditions dans lesquelles s'effectueront les demandes de rachat et juge préférable de préciser dans la partie législative du code quel sera le délai accordé à l'agent pour formuler sa demande de rachat. Par analogie avec ce qui existait en matière de demandes de validation des services effectués en tant que non-titulaire, cet amendement propose qu'il soit précisé que les demandes de rachat peuvent être présentées avant la radiation des cadres. Si cet amendement est adopté, l'agent pourra ainsi disposer des meilleures garanties en matière de délais pour pouvoir exercer ses droits.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet amendement n'a pas été accepté par la commission, simplement parce qu'il est inutile et qu'il apparaît davantage comme une incitation au rachat.
    M. François Liberti. C'est fabuleux, ça !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission, considérant que la liberté laissée aux fonctionnaires est tout à fait suffisante et qu'il n'y a pas lieu de donner des incitations au rachat, n'a pas accepté l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement est également défavorable.
    Premièrement, la période de deux ans est plus favorable pour les fonctionnaires, nous nous en sommes expliqués hier.
    Deuxièmement, à l'évidence, le rachat se fera avant la radiation des cadres.
    Troisièmement, la demande de rachat pourra être faite à tout moment.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5948 à 5954.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. MM. Préel, de Courson, Dionis du Séjour et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 7040, ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le texte proposé pour l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite par l'alinéa suivant :
    « Le rachat volontaire de périodes n'ayant pas donné lieu à un versement de cotisations est déductible de l'impôt sur le revenu. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, je vous propose que je défende en même temps l'amendement n° 7041, qui apporte une précision importante en proposant que les cotisations puissent être déductibles de « l'assiette de l'impôt », et non pas de « l'impôt », tout simplement.
    M. le président. L'amendement n° 7041, présenté par MM. Préel, de Courson, Dionis du Séjour et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés, est ainsi rédigé :
    « I. - Compléter le texte proposé pour l'article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite par l'alinéa suivant :
    « Le rachat volontaire de périodes n'ayant pas donné lieu à un versement de cotisations est déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu. »
    « II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « Les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
    Poursuivez, monsieur Baguet.
     M. Pierre-Christophe Baguet. Ces amendements concernent le régime fiscal des sommes servant au rachat volontaire des périodes n'ayant pas donné lieu à un versement des cotisations, ou ayant donné lieu à un versement insuffisant. Les sommes consacrées à ce rachat doivent être exonérées de l'impôt sur le revenu. C'est déjà la pratique, mais mieux vaut l'inscrire dans la loi. L'article 28 prévoit la possibilité, pour les assurés, de rachats de cotisations, ce qui introduit davantage de souplesse pour la gestion de leur retraite. C'est une bonne proposition. Le rachat se fera à un taux actuariellement neutre, ce qui signifie que son coût pèsera intégralement sur son bénéficiaire : plus le rachat sera tardif, plus il sera coûteux.
    Comme il serait anormal de demander aux fonctionnaires de racheter des points et de les imposer sur les sommes correspondantes, nous proposons d'exonérer d'impôt sur le revenu les sommes consacrées au rachat. Toutefois, il faudrait prévoir une possibilité d'étalement de ces déductions, car s'il y a rachat en bloc et que la déduction ne porte que sur l'impôt d'une année, cela peut avoir pour effet qu'une partie des cotisations n'en bénéficie pas. Cette mesure permettra notamment, compte tenu de l'allongement de la durée des études, qui entraîne une entrée plus tardive sur le marché du travail, d'offrir à ceux qui désirent faire des études la possibilité de voir ce rachat exonéré de l'impôt sur le revenu. C'est également, compte tenu de l'allongement de la durée d'activité, une mesure qui permettra de compenser le risque d'aboutir à des départs en retraite très tardifs. Chacun pourra ainsi décider, en toute conscience, s'il préfère partir plus tôt en rachetant ses années d'études ou toute autre période sans cotisation, ou s'il préfère aller jusqu'à la date normale de son départ en retraite.
    Je tiens, monsieur le ministre, à souligner que le groupe UDF a déposé un amendement analogue pour les assurés du régime général et l'a retiré à la suite de l'engagement pris par le ministre des affaires sociales de déposer un amendement du Gouvernement après l'article 81, au motif qu'il souhaitait que cet amendement concerne l'ensemble des régimes. Sous réserve d'un renouvellement de cet engagement, que je ne vais pas vous relire ici, le groupe UDF retirera aussi cet amendement-ci.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission n'a pas accepté le premier amendement n° 7040, parce qu'il s'agissait, dans ce cas, de la déduction « de l'impôt », et aussi parce que le dispositif proposé n'était pas applicable au régime général. Par contre, elle a accepté l'amendement n° 7041 puisqu'il prévoit un dispositif symétrique dans le régime général.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? Donne-t-il à M. Baguet des éléments de réponse qui pourraient le conduire au retrait des amendements ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. D'abord, je veux saluer le travail du groupe UDF, qui a posé une très bonne question. Evidemment, le Gouvernement est favorable au principe de la mesure qu'il propose, à savoir la déduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu des cotisations versées par les fonctionnaires au titre du rachat, dans la limite de douze trimestres, des années d'études supérieures. Il est, en effet, de règle que les cotisations versées au titre de la validation rétroactive d'années non cotisées au régime de base d'assurance vieillesse des salariés soient déductibles fiscalement dans les mêmes conditions que les cotisations courantes, c'est-à-dire en totalité. Aussi, le rachat des années d'études, qui facilitera pour les fonctionnaires le passage aux quarante annuités de cotisation dans le cadre de la convergence avec le secteur privé, doit être aidé fiscalement, comme pour le régime général.
    La mesure que vous proposez a vocation à s'appliquer à l'ensemble des ressortissants des autres régimes de base d'assurance vieillesse auxquels les facultés de rachat similaires sont offertes par le projet de loi, c'est-à-dire les salariés, les artisans, les commerçants, les professions libérales et les exploitants agricoles. Je vous confirme donc, pour le régime public, les engagements pris par le ministre des affaires sociales.
    Je vous propose de retirer votre amendement au bénéfice de celui que votre rapporteur déposera après l'article 81, l'article qui gère l'ensemble des conséquences fiscales. A cela s'ajoute la perspective que les parlementaires réfléchissent dans le cadre de l'examen des lois de finances, à votre proposition sur le crédit d'impôt.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Compte tenu de la réponse et de l'engagement de M. Delevoye, je confirme que je retire les amendements.
    M. le président. Les amendements n°s 7040 et 7041 sont retirés.
    Avant de mettre aux voix l'article 28, je vais donner la parole à plusieurs orateurs qui me l'on demandé.
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Mes collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains ont évoqué dans leurs interventions sur l'article et dans la défense de leurs amendements les différentes raisons pour lesquelles nous voterions contre l'article 28. Pour ma part, je me bornerai à en donner une seule, qui s'appuie sur un exemple concret.
    Ainsi, j'estime que le coût de rachat des années d'études est beaucoup trop cher pour la grande majorité des personnes, qui, faute d'avoir une activité à temps complet, préfèrent très souvent y renoncer.
    Par exemple, dans ma ville, on m'a cité le cas d'une femme qui, mariée à l'âge de vingt ans, alors qu'elle était étudiante en première année, a eu un enfant à vingt et un ans, puis un second, trois ans après, et qui a interrompu ses études universitaires pour élever ceux-ci. A l'âge de vingt-huit ans, elle a repris ses études universitaires,...
    M. Robert Pandraud. Elle aurait mieux fait de faire l'inverse !
    Mme Muguette Jacquaint. ... puis obtenu un DEUG en 1982, avant de réussir, à l'âge de trente ans, le concours d'entrée à l'école normale d'institutrices. Aujourd'hui, cette femme est âgée de cinquante et un ans et exerce la profession de psychologue scolaire. Entrée tardivement dans la vie active, pour les raisons familiales que j'ai évoquées, elle sait, depuis qu'elle a été recrutée, qu'elle partira en retraite sans bénéficier d'une pension à taux plein, comme c'est d'ailleurs le cas d'un grand nombre de ses collègues dans cette profession très féminisée.
    Le projet de réforme des retraites lui ouvre la perspective d'une pension encore moindre. Elle a appris qu'il lui serait possible de racheter ses deux années d'études, mais elle y renoncera car le coût en est trop élevé.
    Ainsi, selon le ministère du budget, qui a effectué une estimation pour un professeur, le coût du rachat d'une année d'études, pour que celle-ci soit prise en compte dans la durée d'assurance et dans la décote, sera de 5 000 euros en début de carrière et de 15 000 euros en fin de carrière.
    M. François Liberti. C'est exorbitant !
    Mme Muguette Jacquaint. Quant au coût du rachat d'une année d'études, pour qu'elle soit prise en compte dans la décote uniquement, il sera de 3 000 euros en début de carrière et de 12 000 euros en fin de carrière.
    Voilà à quoi va aboutir l'article 28. Vous aurez compris, monsieur le ministre, que nous ne pouvons qu'y être opposés.
    M. Maxime Gremetz. Cet article est discriminatoire !
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Dans mon intervention sur cet article, j'ai indiqué que le groupe socialiste s'abstiendrait. Je vais vous en rappeler les raisons.
    D'abord nous pensons que, en dépit de l'affirmation du principe selon lequel on offre une possibilité de choix, le choix sera extrêmement limité. Vous l'avez d'ailleurs vous-même reconnu, monsieur le ministre. Seuls les jeunes pourront racheter leurs années de cotisation car, en milieu ou en fin de carrière, le coût en sera prohibitif, et nous ne pouvons que le regretter.
    Ensuite, nous estimons ne pas avoir obtenu réellement de réponses aux questions que nous avons posées sur le coût lié aux validations ou à la liquidation. Il y a en la matière deux options différentes, avec des coûts qui le sont tout autant.
    Par ailleurs, à la différence de nos collègues de l'UDF, qui ont eu raison de poser le principe de l'exonération fiscale, nous considérons qu'il serait plus judicieux de s'orienter vers un mécanisme de crédit d'impôt plutôt que d'allégement de l'impôt sur le revenu, étant donné que tout le monde ne paie pas l'impôt sur le revenu. Cela dit, nous aurons l'occasion de revenir sur cette question après l'article 81, en examinant l'amendement déposé par la commission.
    Il n'en demeure pas moins qu'on aurait pu trouver un dispositif prenant en compte à la fois la possibilité de rachat et celle de validation. En effet, on aurait pu imaginer, pour certains boursiers, ou pour certaines personnes ayant des revenus modestes, un système permettant la validation d'une partie de leurs années d'études. Bref, il aurait fallu mettre en place un système mixte qui aurait permis de satisfaire les uns et les autres, qui tienne compte des moyens financiers de chacun sans pour autant faire « péter la cagnotte ». Malheureusement, ce choix n'a pas été fait et c'est pourquoi nous nous abstiendrons sur l'article 28.
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Une fois encore, nous sommes confrontés à la théorie du verre à moitié vide ou à moitié plein. Tout est question d'interprétation.
    Pour ce qui est de la mesure en question, je rappellerai, d'une part, qu'elle a été prise à la demande de certains partenaires sociaux et, d'autre part, que la démarche est facultative. Il s'agira d'un acte volontaire.
    Le vote de l'article 28 ne portera préjudice à personne, puisqu'il ne s'agit pas d'une mesure obligatoire.
    Comme je l'ai indiqué précédemment, le groupe UMP votera cet article. Je rappelle également que, ultérieurement, il sera possible d'adapter le dispositif, voire éventuellement de l'étendre.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié par l'amendement n° 11195 rectifié.
    (L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)
    M. Maxime Gremetz. Le vote a été acquis de justesse !

Avant l'article 29

    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 5955 à 5961.
    L'amendement n° 5955 est présenté par Mme Buffet, MM. Sandrier et Lefort ; l'amendement n° 5956 par MM. Bocquet, Biessey, Desallangre et Braouzec ; l'amendement n° 5957 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5958 par Mme Fraysse, MM. Chassaigne et Brunhes ; l'amendement n° 5959 par Mme Jacquaint, MM. Vaxès et Hage ; l'amendement n° 5960 par MM. Gremetz, Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5961 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Avant l'article 29, insérer l'article suivant :
    « Avant l'unique alinéa de l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite, insérer un alinéa rédigé comme suit :
    « La limite d'âge est atteinte le jour anniversaire de la naissance du fonctionnaire. La survenance de cette limite d'âge a pour conséquence d'entraîner de plein droit la rupture du lien de l'agent avec le service. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je tiens à faire remarquer que le vote sur l'article 28 a été acquis à une courte majorité Il y avait presque égalité ! Cela devient dur pour la droite !
    M. le président. Tout le monde sait compter, monsieur Gremetz !
    M. Yves Coussain. Ou presque !
    M. Maxime Gremetz. Le présent amendement portant article additionnel répond à plusieurs objectifs.
    D'abord, il vise à dénoncer l'économie générale du titre  III - économie que nous ne partageons pas du tout - du projet de loi. En effet, la conjugaison de l'augmentation du nombre de trimestres nécessaires pour obtenir la pension maximale et des modifications apportées à la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 aura pour effet immédiat de vider de contenu toute référence à la limite d'âge. On parlera toujours de « retraite à soixante ans », mais, en réalité, pour percevoir une retraite à taux plein, il faudra attendre bien des années, voire, pour certains, jusqu'à soixante-neuf ou soixante-dix ans !
    La notion de limite d'âge, aussi bien dans le code des pensions que dans une série de textes relatifs aux statuts des agents des trois fonctions publiques, sera vidée de tout contenu réel, dans la mesure où le maintien en activité au-delà de la limite d'âge deviendra la règle, alors qu'il est aujourd'hui l'exception. Cela constitue, selon nous, une atteinte grave portée aux statuts des fonctionnaires. Vous comprenez pourquoi ils défilent en masse dans la rue et qu'ils continueront à le faire en septembre.
    Le projet de loi apparaît dans sa cruelle réalité ; comme l'ensemble des salariés, les fonctionnaires, tout particulièrement ceux occupant des emplois classés en services dits « sédentaires », seront conduits à travailler largement au-delà de leur soixante-cinquième année, c'est-à-dire au-
delà de la limite d'âge afférente à leur emploi. Et il n'y aura évidemment pas de libre choix, M. Accoyer parle toujours de la liberté, mais il s'agit en fait de la liberté du renard dans le poulailler. (Sourires.) Les fonctionnaires, pour vivre décemment, seront bel et bien contraints à travailler plus longtemps.
    On en viendrait presque à oublier que la notion de limite d'âge répond aussi à un principe d'ordre public social selon lequel la sortie de la vie active des uns permet l'entrée dans la vie active des autres. C'est aussi cela la solidarité intergénérationnelle, surtout en 2003, alors que la France se trouve engluée dans une situation de chômage de masse et que rien ne nous permet d'espérer une amélioration de la situation.
    Rien ne permet de croire que votre projet de loi satisfait à l'idée de retraite à la carte, fausse bonne idée en trompe-l'oeil. Rien ne permet d'affirmer que le souhait d'être maintenu en activité au-delà de la limite d'âge reflétera l'expression souveraine d'un libre choix. Contrairement à ce qu'affirmait encore Jean-François Copé, face à Bernard Thibault, le 23 juin dernier, sur le plateau de l'émission « Mots croisés », l'apparent libre choix ne sera que l'expression du souci d'éviter l'épée de Damoclès de la décote.
    Cet amendement a pour objet de dénoncer le recul social auquel les Français sont invités à se plier. Mais il va plus loin : en guise de précaution, il vise aussi à introduire un nouvel alinéa dans l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite, un alinéa qui réaffirme le contenu de la notion de limite d'âge, un contenu qui a été élaboré à travers une histoire avec laquelle vous avez décidé de rompre, monsieur le ministre, et qui a été réaffirmé à de nombreuses reprises par la jurisprudence administrative.
    Ainsi, conformément aux arrêts du Conseil d'Etat Sieur Masse du 7 mai 1956 et Dame Constantin du 3 mai 1957, il s'agit d'introduire dans le code des pensions les deux phrases suivantes : « La limite d'âge est atteinte le jour anniversaire de la naissance du fonctionnaire. La survenance de cette limite d'âge a pour conséquence d'entraîner de plein droit la rupture du lien de l'agent avec le service. »
    De la sorte, nous réaffirmons le contenu de la notion de limite d'âge et les effets de celle-ci. La survenance de cette limite d'âge entraîne la rupture du lien de l'agent avec le service. Le lien est rompu avec le service mais pas avec l'Etat, puisqu'un traitement « continué » est versé à l'agent.
    M. Richard Mallié. C'est l'heure !
    M. Maxime Gremetz. Cette règle peut cependant connaître des exceptions. Une certaine souplesse a pu être introduite pour prendre en compte le cas des agents qui, à la date de survenance de la limite d'âge, ont des enfants à charge âgés de moins de vingt et un ans.
    M. le président. Monsieur Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. S'ils sont dans ce cas, ces agents peuvent se voir accorder un maintien en activité au-delà de la limite d'âge pour une durée de trois ans au plus.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Dans le cas évoqué, il n'apparaît pas nécessaire de consulter le Conseil supérieur de la fonction publique.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis que celui de la commission, défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5955 à 5961.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article 29

    M. le président. « Art. 29. - L'article L. 10 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. L. 10. - Les services accomplis postérieurement à la limite d'âge dans les conditions prévues par la loi sont pris en compte dans la pension. »
    Sur l'article 29, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. L'article 29 tend à modifier l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite, notamment pour prendre en compte, dans la constitution de la pension, les services accomplis postérieurement à la limite d'âge. Cet article, comme les suivants, a en réalité pour objet d'allonger la durée de cotisation des fonctionnaires de trente-sept annuités et demie à quarante-deux annuités à l'horizon 2020. Comme nous n'avons cessé de le dire au cours des débats, nous y sommes évidemment opposés. Le groupe socialiste votera contre l'article 29, qui n'est pas satisfaisant, comme il votera contre les articles suivants.
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. L'article 29, lui aussi, illustre la théorie du verre à moitié vide ou à moitié plein. Il tend à prendre en compte, dans la constitution de la pension, les services accomplis postérieurement à la limite d'âge. Nous revenons à cette notion d'équité entre régimes et entre Français dont je vous parlais tout à l'heure. Vous voyez donc que les interprétations divergent.
    Et, au passage, monsieur le président, je souhaite informer l'Assemblée que nous venons de passer la moitié des amendements déposés : il n'en reste plus que 4 442 !
    M. Maxime Gremetz. C'est exactement ce que j'avais compté !
    M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.
    Mme Janine Jambu. L'article 29 est peut-être le plus court du projet de loi, mais cela ne lui ôte pas pour autant son intérêt. Tout ce qui est court mérite d'ailleurs une attention particulière car c'est généralement là que se cache l'impur. De ce point de vue, l'article 29 ne démérite pas. Qu'en est-il exactement ?
    Cet article visé à permettre aux fonctionnaires civils ou militaires effectuant des services postérieurement à la limite d'âge de continuer à acquérir des droits à pension. Nous sommes là en plein dans la logique qui domine votre projet : allonger la durée de cotisation. En effet, si l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite contenait déjà une telle disposition, c'était seulement à titre exceptionnel. Je cite : « Les services accomplis postérieurement à la limite d'âge ne peuvent être pris en compte dans une pension, sauf dans les cas exceptionnels prévus par une loi. »
    Par conséquent, en supprimant la clause des cas exceptionnels, ce qui était du caractère exceptionnel va devenir la règle en raison de l'allongement de la durée de cotisation, de la décote et, par conséquent, de la baisse des pensions.
    Toujours au nom du libre choix, celui qui veut travailler plus longtemps le pourra. Toutefois, je pense qu'il faut que vous soyez plus précis et que vous teniez à peu près ce langage : « celui qui veut vivre dignement sa retraite devra travailler plus longtemps, au prix de nombreux sacrifices et en ignorant même la pénibilité de certaines missions de service public ».
    Vous faites sauter la notion d'ordre public social et la limite d'âge à partir de laquelle chacun « pourra jouir de la vie en plus de la vie » comme l'a dit M. le Premier ministre.
    M. Pascal Terrasse. Encore une raffarinade !
    Mme Janine Jambu. Nous sommes loin du grand progrès social promis par le Gouvernement. En réalité, plutôt que d'adapter le droit à l'intérêt général, à l'intérêt de ceux que nous représentons et qui ont manifesté leur opposition à la réforme, et qui la manifestent toujours d'ailleurs, vous adaptez le droit à votre choix idéologique ultra-libéral, au mépris de l'aspiration légitime de nos concitoyens d'arrêter plus tôt leur activité professionnelle.
    Cet article réflète bien l'état d'esprit du Premier ministre, qui déclarait, lors des assises du MEDEF : « Je suis inquiet quand je vois qu'on a du mal à envisager de travailler plus et qu'on rêve de retraite. »
    M. le président. Pouvez-vous conclure, madame Jambu ?
    Mme Janine Jambu. J'ai presque terminé, monsieur le président.
    Il est sûr que l'on pense de la sorte quand on ne fait pas le choix d'un autre financement de la vieillesse et de la protection sociale, lesquelles doivent reposer sur la solidarité nationale. L'article 29 est à l'image de cette philosophie : la retraite n'est plus un droit et devient une conquête. A chacun sa chance, travaillez plus longtemps et vous y aurez droit ! C'est bien la fin de la solidarité nationale, socle fondamental de notre système par répartition.
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n° 3054 et n°s 5962 à 5968.
    L'amendement n° 3054 est présenté par MM. Terrasse, Gorce, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 5962 est présenté par Mme Buffet, MM. Sandrier et Lefort ; l'amendement n° 5963 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 5964 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5965 par Mme Fraysse, MM. Chassaigne et Brunhes ; l'amendement n° 5966 par Mme Jacquaint, MM. Vaxès et Hage ; l'amendement n° 5967 par MM. Gremetz, Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5968 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 29. »
    La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l'amendement n° 3054.
    M. Pascal Terrasse. L'amendement n° 3054 est défendu.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir les amendements n° 5962 à 5968.
    M. Maxime Gremetz. Ils sont défendus.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements, qui empêcheraient la prise en compte du travail au-delà de la limite d'âge dans les droits à pension.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'avis du Gouvernement est également défavorable.
    Les dispositions proposées existent déjà. L'article 29 apporte une justice supplémentaire car, lorsque vous êtes enseignant et que votre date d'anniversaire vient après la rentrée scolaire, vous êtes maintenu en activité sans pouvoir augmenter vos droits et, si vous êtes magistrat, vous êtes obligé de terminer le semestre en cours. Désormais, toutes ces périodes seront validées.
    Je reçois de nombreux courriers de fonctionnaires qui se plaignent d'être obligés de partir à la retraite alors qu'il leur reste une ou deux années pour acquérir tous leurs droits. Ils aimeraient poursuivre leur activité parce qu'ils ont encore, par exemple, des enfants à charge.
    C'est une question de liberté de choix.
    L'article 29 n'est pas que court : symboliquement, il est très important parce qu'il maintient le statut et la limite d'âge tout en permettant à un fonctionnaire d'assumer son entière liberté de choix afin d'acquérir tous ses droits à pension.
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Je serai très bref.
    Ce qui nous oppose, ce sont nos approches respectives de la liberté de choix individuelle et de la notion d'intérêt général.
    Vous considérez que le régime par répartition doit tenir compte de l'ensemble des intérêts, et pas simplement des intérêts individuels. Mais en la matière, le libre choix a aussi des conséquences sur l'emploi et, en fait, l'intérêt général n'est pas pris en considération puisque la volonté d'une personne qui souhaite continuer de travailler, pour des raisons qui lui sont propres, limite l'accès des jeunes à l'emploi.
    Sur ce point particulier, notre opposition est fondamentale, quasi idéologique : en ce qui nous concerne, nous préférons l'intérêt général à l'intérêt individuel.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n° 3054 et n°s 5962 à 5968.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis sais des amendements identiques n°s 5976 à 5982.
    L'amendement n° 5976 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 5977 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 5978 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5979 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 5980 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 5981 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5982 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans l'article 29, après les mots : "dans les conditions, insérer le mot : "exceptionnellement. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu ce que vous venez de nous dire sur la liberté de choix d'interrompre ou de prolonger l'activité.
    L'accomplissement de services postérieurs à la limite d'âge ou, si vous préférez, le maintien en activité au-delà de la limite d'âge, a été jusqu'à présent l'exception.
    En effet, la règle est la suivante : la survenance de la limite d'âge entraîne la mise à la retraite d'office. Voilà pourquoi, fort logiquement, la prise en compte dans la pension des services accomplis postérieurement à la limite d'âge ne saurait avoir qu'un caractère exceptionnel.
    Mais la rédaction actuelle de l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires des retraites prend acte du fait que des dispositions législatives spécifiques permettent de déroger à cette règle mais, pour autant, elle, ne perd pas de vue la règle.
    Permettez-moi de rappeler la rédaction actuelle de l'article L. 10 :
    « Les services accomplis postérieurement à la limite d'âge ne peuvent être pris en compte dans une pension, sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi. »
    La grande différence entre cette rédaction et celle que vous proposez réside dans le fait que la prise en compte des services accomplis postérieurement à la limite d'âge tendra à devenir la règle, ce qui suppose que la poursuite d'activité au-delà de la limite d'âge deviendra elle aussi la règle. Dans ces conditions, on ne peut plus parler de liberté ni de choix !
    Cette nouvelle rédaction s'inscrit d'ailleurs dans la logique d'ensemble du titre III du projet de loi.
    Vous nous avez expliqué que les dispositions proposées permettront de répondre au désir exprimé par un certain nombre d'agents de poursuivre leur activité au-delà de la limite d'âge. Mais vous avez omis d'évoquer le cas des agents, pas moins nombreux, qui sont attachés à la garantie statutaire que constitue la notion de limite d'âge.
    Les modifications que vous prévoyez nous semblent poser un problème, celui de la liberté. La limite d'âge est en quelque sorte une règle d'or publique sociale, qui vient limiter la liberté individuelle des agents, au nom de considérations supérieures.
    Le départ à la retraite des uns permet l'entrée dans la vie active des autres. La mise à la retraite d'office de certains s'apparente à une obligation qui a pour contrepartie un droit : le droit à un traitement continué d'un montant décent.
    C'est aussi cela, la solidarité intergénérationnelle, que nous défendons par nos amendements.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. L'article 29 est particulièrement important. L'adoption des amendements de nos collègues communistes l'annulerait en grande partie, ce qui déséquilibrerait complètement le projet de loi.
    Dans ces conditions, la commission a rejeté ces amendements.
    M. le président. Je suppose que l'avis du Gouvernement sera également défavorable...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En effet, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Je voudrais répondre brièvement au Gouvernement. On me pardonnera d'évoquer pour ce faire des situations personnelles.
    Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous ne vivons pas dans le même monde.
    Le frère de Mme Jacquaint est mort à cinquante-six ans. Il n'a donc pas été concerné par la prolongation de la durée de cotisation. Celui de Mme Jambu est décédé à cinquante-huit ans, et le mien à la fin de sa cinquante-neuvième année. Tous les trois ont cotisé plus de quarante-cinq ans à la sécurité sociale, sans pouvoir prendre leur retraite. C'est cette réalité qui nous fait dire aujourd'hui que la possibilité de prolongation n'est pas possible pour ceux qui vivent dans des conditions difficiles.
    M. Pascal Terrasse. Voilà un vrai argument !
    M. Michel Vaxès. Vous allez me dire que c'est le cas de travailleurs du secteur privé. Mais ça l'est aussi pour les travailleurs de la fonction publique. Que l'on pense à l'infirmière qui doit faire face à la restriction du nombre des emplois dans la fonction publique hospitalière, ou à l'enseignant qui demande, avant la fin de sa carrière, de changer de métier car les conditions dans lesquelles il exerce sont devenues impossibles !
    Tout cela nous fait dire que les dispositions que vous proposez ne sont pas des dispositions de justice sociale.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5976 à 5982.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 5969 à 5975.
    L'amendement n° 5969 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 5970 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 5971 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5972 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 5973 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 5974 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5975 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Compléter le texte proposé pour l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le Gouvernement présente chaque année un rapport sur les conditions de sortie de la vie active des agents de la fonction publique. Ce rapport est remis au Parlement. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à combler un déficit d'information qui s'est fait clairement sentir depuis le début de la discussion du titre III du projet de loi.
    Monsieur le ministre, vous avez en effet déclaré que de nombreux agents des trois fonctions publiques se montraient désireux de poursuivre leur activité au-delà de la limite d'âge afférente à leur emploi. Sans vouloir être désobligeants car nous ne doutons pas que vous comprendrez le sens de nos remarques, nous vous disons qu'il ne nous semble pas possible de nous contenter de déclarations aussi vagues car c'est au nom des ces témoignages que vous vous apprêtez à porter sérieusement atteinte à la notion de limite d'âge.

    Vous avez fait le choix de régler l'essentiel de la question du financement des retraites par l'allongement de la durée de cotisation, alors que cet allongement est largement incompatible avec les effets généralement attachés à la survenance de la limite d'âge.
    Quoi qu'il en soit, la notion de limite d'âge est trop sérieuse pour qu'il soit possible de lui porter atteinte au motif, beaucoup trop simpliste, qu'elle constituerait une entrave à la liberté. Avant de faire un tel choix, il faudrait en savoir réellement davantage sur les conditions dans lesquelles les agents de la fonction publique quittent la vie active.
    J'ai fait tout à l'heure une petite démonstration concernant les salariés du secteur privé. Mais il faudrait savoir combien de salariés du secteur public sont réellement désireux de poursuivre leur activité au-delà de la limite d'âge, dans quelles conditions il serait possible et souhaitable de faire en sorte, le cas échéant, que ces agents puissent aisément prolonger leur activité au-delà de cette limite et quand ils pourraient en avoir la possibilité.
    C'est pour répondre, entre autres, à ces questions que la présentation par le Gouvernement d'un rapport annuel sur les conditions de sortie de vie active des agents des trois fonctions publiques nous paraît souhaitable.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable : les informations demandées figurent déjà dans le « jaune » annexé chaque année au projet de loi de finances, dans le rapport du service des pensions et dans le rapport annuel du ministère de la fonction publique, notamment dans son chapitre 8.
    M. Georges Tron et M. Jean-Luc Warsmann. Exactement !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le Gouvernement a le même avis que la commission.
    Monsieur Vaxès, j'ai sous les yeux deux rapports, l'un sur les rémunérations de la fonction publique, l'autre sur la fonction publique en général, dans lesquels vous trouverez nombre des éléments que vous souhaitez.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°{s 5969 à 5975.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 29.
    (L'article 29 est adopté.)
    M. le président. A la demande du groupe des député-e-s communistes et républicains, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.)
    M. le président. La séance est reprise.

Après l'article 29

    M. le président. Je suis saisi d'amendements identiques n°s 5990 à 5996.
    L'amendement n° 5990 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 5991 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 5992 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5993 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 5994 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 5995 par M. Gremetz, M. Daniel et Mme Jambu ; l'amendement n° 5996 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi ainsi rédigés :
    « Après l'article 29, insérer l'article suivant :
    « Compléter l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite par un alinéa rédigé comme suit :
    « Toute décision exceptionnelle de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge afférente au corps, grade, échelon ou chevron ou, au-delà de 37,5 annuités de service est précédée de la consultation pour avis du Conseil supérieur de la fonction publique. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Avec la mise en oeuvre des dispositions de la présente réforme, la question de la prolongation d'activité des agents du secteur public se posera inévitablement. En effet, ces dispositions les incitent fortement à travailler plus longtemps. Cette orientation est d'ailleurs quelque peu contradictoire avec l'un des outils de régulation budgétaire qu'entend mettre en oeuvre le Gouvernement dans les prochaines années, à savoir le « reformatage » des effectifs de la fonction publique au gré des départs à la retraite d'un nombre significatif d'agents publics d'ici à 2015. Des ministres ont même parlé de la moitié des effectifs.
    Dès 2004, près de 59 000 fonctionnaires seront appelés à faire valoir leurs droits à pension, un peu plus en 2005 et près de 65 000 en 2006. C'est en 2008, avec un total d'environ 69 000, que l'on devrait atteindre un pic dans le mouvement de départs en retraite prévisibles. Sur l'ensemble de la période 2004-2015, ce sont ainsi près de 770 000 fonctionnaires qui vont quitter leurs services. Pour donner un ordre de grandeur du processus en cours, cela représente plus que le nombre actuel des personnels enseignants du primaire et du secondaire.
    On connaît la philosophie du Gouvernement à ce sujet : il s'agit, comme cela a été expérimenté dans certaines administrations, notamment celle des finances, de faire en sorte que la moitié seulement des postes soient à nouveau pourvus, ce qui équivaut à la disparition de 385 000 emplois publics à échéance de douze exercices, soit un plan social de 30 000 suppressions d'emplois par an.
    Il est évident que la prolongation éventuelle des fonctions de certains agents publics s'appuierait sur les emplois maintenus, mettant par conséquent en péril la pertinence de certains concours administratifs ou encore l'exercice du droit à mutation des fonctionnaires non encore atteints par la limite d'âge.
    Au-delà de la question de la qualité de la pension servie aux agents et de la prolongation de leur période d'activité, c'est donc le problème de la sclérose du secteur public qui va se poser et de manière aiguë.
    Dans ces conditions, prévoir la consultation pour avis du Conseil supérieur de la fonction publique pour les demandes de prolongation d'activité paraît bien la moindre des choses.
    Encore une fois, nous estimons qu'en matière de validation des annuités et des droits à pension, d'autres choix sont possibles, y compris pour les agents expérimentés du secteur public. Etant donné que la prolongation sera ici le plus souvent contrainte et forcée et que le calcul des pensions proposé par la réforme aura des effets dévastateurs sur la situation des futurs retraités, nous estimons que l'avis du CSFP est indispensable. Tel est le sens de nos amendements que nous ne pouvons que vous inviter à adopter d'autant qu'ils n'ont aucun coût.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5990 à 5996.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 5983 à 5989.
    L'amendement n° 5983 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 5984 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 5985 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 5986 par Mme Fraysse, M.  Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 5987 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 5988 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 5989 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après l'article 29, insérer l'article suivant :
    « Compléter l'article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite par un alinéa rédigé comme suit :
    « Toute décision exceptionnelle de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge afférente au corps, grade, échelon ou chevron ou, au-delà de 37,5 annuités de service, tant qu'elle n'a pas acquis un caractère définitif, peut être retirée. »
    La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Les décisions de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge revêtent un caractère nécessairement exceptionnel. Mais comme elles risquent de devenir monnaie courante, si l'on en juge par l'économie générale de votre projet de loi, il semble particulièrement bien venu de renforcer la protection des fonctionnaires en la matière. Notre amendement vise donc à préciser dans le code des pensions civiles et militaires que ces décisions peuvent être retirées tant qu'elles n'ont pas acquis un caractère définitif, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour les fonctionnaires.
    L'adoption de cet amendement serait un signal fort adressé aux agents des trois fonctions publiques. Elle signifierait clairement que le projet de loi n'a pas pour ambition de porter atteinte à leur statut et permettrait peut-être de dissiper une partie de leurs inquiétudes.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 5983 à 5989.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Article 30

    M. le président. « Art. 30. - Il est inséré, après l'article L. 11 du même code, un article L. 11 bis ainsi rédigé :
    « Art. L. 11 bis. - Par dérogation au 1° de l'article L. 11, les périodes de travail effectuées à temps partiel à compter du 1er janvier 2004 peuvent être décomptées comme des périodes de travail à temps plein, sous réserve du versement d'une retenue pour pension dont le taux est fixé par décret. Cette retenue est appliquée au traitement correspondant à celui d'un agent de même grade, échelon et indice travaillant à temps plein.
    « Cette prise en compte ne peut avoir pour effet d'augmenter la durée de services mentionnée à l'article L. 13 de plus de quatre trimestres. »
    Sur l'article 30, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Il s'agit à nouveau d'un article d'équité, qui prévoit cette fois-ci la possibilité de surcotisation pour les fonctionnaires à temps partiel. Mais le point fort de cet article, et cela a entrainé beaucoup de discussions hier après-midi et hier soir, concerne la politique familiale que le Gouvernement entend aussi mener à travers la réforme des retraites. En effet, y est réaffirmé que le temps partiel pris pour des motifs familiaux ouvre droit à une validation gratuite. Que l'on ne vienne donc pas nous dire que nous ne faisons rien pour les familles !
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, la surcotisation que vous proposez ici ne permettra qu'en partie de réduire les dégâts causés par la réforme. Certes, le temps partiel est validé plus avantageusement pour la liquidation de la pension, mais cette possibilité est limitée à un an.
    Par ailleurs, le taux de la surcotisation sera fixé par décret. Mais sur quelle base et sur quel montant celle-ci sera-t-elle calculée ? De quelle part devront respectivement s'acquitter l'Etat employeur et le fonctionnaire ?
    J'ajoute que nous nous abstiendrons sur cet article, comme sur l'article concernant le secteur privé.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Le présent article ouvre la possibilité de prendre en compte les périodes de travail à temps partiel effectuées à compter du 1er janvier 2004 comme des périodes à temps plein à condition que le fonctionnaire s'acquitte d'une surcotisation calculée de façon que l'effort contributif soit identique à celui d'un agent travaillant à temps plein.
    Cet article, qui pourrait paraître progressiste, n'a pas le courage d'aller jusqu'au bout de la logique.
    M. Denis Jacquat. C'est un début.
    Mme Muguette Jacquaint. Le supplément de liquidation ne pourra excéder un an. Mais pourquoi un tel plafonnement ? Il ne faudrait pas laisser croire que nous sommes favorables à des carrières entières à temps partiel et cotisées à temps plein, mais cette disposition nous semble réductrice. Ou alors devons-nous considérer qu'il s'agit d'un simple effet d'annonce.
    Par ailleurs, nous aimerions avoir quelques éclaircissements. Pour pouvoir bénéficier de cette disposition, le fonctionnaire devra s'acquitter d'une surcotisation, ce que nous trouvons tout à fait normal. Toutefois, tous les agents pourront-ils y avoir recours ? Et tous pourront-ils consentir cet effort financier ? Un haut fonctionnaire oui, mais un agent territorial ? Autrement dit, nous nous interrogeons sur le respect du principe d'équité.
    D'autre part, la cotisation à la charge de l'agent couvre-t-elle aussi la part employeur ? Plus précisément, le fonctionnaire s'acquitte-t-il de la part employeur et salarié, ou uniquement de la part salarié ? Dans le deuxième cas, l'équilibre général comptable du régime risque d'être mis en question.
    M. le président. MM. Terrasse, Gorce, Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement n° 3044, ainsi rédigé :
    « Après les mots : "dont le taux est fixé par décret, ajouter les mots : "en référence au taux applicable habituellement à la retenue pour pension, à l'exclusion des sommes versées par l'Etat ou les employeurs. »
    La parole est M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Le texte prévoit que dans la limite d'un an, une période de temps partiel pourra être validée comme une période de temps plein sous condition de versement d'une retenue calculée en référence à un traitement de taux plein. Mais il reste très imprécis sur le mode de calcul de la surcotisation, notamment sur l'intégration de la part normalement financée par l'Etat ou l'employeur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je souhaiterais répondre aux questions qui ont été posées.
    Bien évidemment, madame Jacquaint, cette possibilité est offerte à l'ensemble des fonctionnaires. Il ne peut pas y avoir une mesure qui s'appliquerait à certaines catégories et pas à d'autres. D'autre part, je soulignerai que la prise en compte du temps partiel comme temps plein dans la durée totale d'assurance constitue une formidable avancée pour celles et ceux qui veulent travailler à temps partiel. Grâce à la surcotisation, le calcul de leur durée de cotisation ne sera pas diminué à cause du choix qu'ils ont fait. Il faut que les choses soient claires.
    Mme Muguette Jacquaint. Oui, mais ils auront un salaire partiel !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mais, madame Jacquaint, le temps partiel est un choix. Quand un fonctionnaire demande à travailler à temps partiel du fait de contraintes familiales ou de convenances personnelles, il en assume totalement les conséquences, c'est-à-dire la diminution de son salaire.
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est pas un temps choisi, s'il y a contrainte !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Si c'est à la demande du fonctionnaire, c'est forcément un temps choisi.
    La politique sociale que nous entendons mener consiste à faire en sorte que le temps partiel ne diminue pas la durée d'assurance - le temps partiel vaut durée d'assurance totale. Mais pour augmenter la liberté de choix du fonctionnaire, nous prévoyons dans l'article L. 11 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite la possibilité de garantir son niveau de pension. Pour ce faire, il devra verser les cotisations supplémentaires qui seraient dues au régime s'il travaillait à temps plein - cotisation employeur et cotisation employé. La durée d'assurance étant acquise et puisqu'il ne s'agit plus là que de durée de pension, il faudra procéder à un calcul fin pour respecter le principe de neutralité actuarielle préconisé par le Conseil d'orientation des retraites.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3044.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 30.
    (L'article 30 est adopté.)

Article 31

    M. le président. « Art 31. - L'article L. 12 du même code est ainsi modifié :
    « I. - Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : »
    « II. - Le b et le c sont remplacés par les dispositions suivantes :
    « b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élévés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au paragraphe II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ;
    « c) Bénéfices de campagne dans le cas de services militaires. »
    « Les dispositions du b ci-dessus ne s'appliquent pas aux pensions liquidées avant le 28 mai 2003.
    « II. - Les deuxième et troisième alinéas du c, les e, f et g sont abrogés.
    « III. - Au i, les mots : « cinquante-cinq » et « cinquante-huit » sont remplacés respectivement par les mots : « cinquante-sept » et « soixante ».
    « IV. - L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Le pourcentage maximum fixé à l'article L. 13 peut être augmenté de cinq points du chef des bonifications prévues au présent article. »
    Sur l'article 31, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Hier soir, nous avons eu un long débat sur les notions de validation et de bonification. Nous avons d'ailleurs eu du mal à nous entendre sur la signification de ces mots, mais la presse a révélé ce matin ce qui se cache derrière cette modification. Ségolène Royal a démontré dans sa brillante intervention que bonification et validation ne veulent pas dire la même chose et qu'il y a là en réalité un recul social.
    Mais j'en viens à l'article 31. Dans sa version initiale, cet article réformait des cas de bonification dénoncés par la Cour des comptes tels que le cas de services hors du territoire, en prévoyant qu'ils ne seraient plus bonifiés que pour les zones à risques. Cette disposition a, semble-t-il, disparu du texte de loi. En revanche, pour tenir compte de la jurisprudence européenne concernant les bonifications pour enfant et concernant les enfants nés avant l'année 2004, il est prévu de maintenir la bonification d'un an seulement, contre deux actuellement, dans le régime général, mais en la conditionnant à une interruption effective minimale de deux mois - congé de maternité ou congé parental. Cette disposition vise évidemment à réduire le coût et à éviter les contentieux s'inspirant de l'arrêt Griesmar. Conséquence de l'allongement de la durée d'activité, la bonification prévue au cinquième alinéa est destinée aux militaires et prévoit une bonification maximale de cinq annuités - bonification équivalente dans cette limite à un cinquième du temps de service accompli. En outre, cet alinéa prévoit un abattement à compter de cinquante-sept ans jusqu'à soixante ans.
    Nous considérons que cet article marque un véritable recul pour les femmes, qu'il permettra de maintenir au foyer. Vous le savez, elles sont nombreuses à souhaiter pouvoir conjuguer leur vie professionnelle et leur vie familiale. Or, une femme qui souhaitera rester en activité n'aura plus les bonifications qui existaient dans le passé, et l'on ne peut que le regretter. Il semblerait que vous souhaitiez revenir partiellement sur le dispositif par un amendement du rapporteur. Nos propres services ont analysé cet amendement et ont estimé son coût à 350 millions d'euros à l'horizon 2020. Si vous reveniez au dispositif initial, qui permet de bonifier un an et non six mois comme le suggère l'amendement, le coût serait de 700 millions d'euros à l'horizon 2020. Ce serait un effort important pour une politique familiale active et nous pourrions alors voter cet article. Tout le débat sur les retraites repose sur la relation intergénérationnelle qui existe entre les actifs et les retraités. Ce n'est pas en affaiblissant la famille et la politique familiale que l'on répondra aux nécessaires réformes de notre système de retraite.
    M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Cet article important vise à modifier les dispositions applicables aux bonifications s'ajoutant au service effectif, avec le triple objectif de les mettre en conformité avec le droit communautaire - il s'agit de l'octroi de droits familiaux dans la fonction publique, point sur lequel Bernard Accoyer a beaucoup insisté en commission -, de les moderniser - une adaptation était nécessaire -, et de tenir compte de l'allongement de la durée d'activité, cela toujours dans un esprit d'égalité entre hommes et femmes. Bernard Accoyer a rappelé en commission le travail important qu'il a accompli sur cet article avec la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes. Georges Colombier et moi-même avions déposé un amendement, mais il a été « retoqué », comme diraient certains, au titre de l'article 40.
    M. Pascal Terrasse. C'était un très bon amendement !
    M. Denis Jacquat. Cela dit, il peut permettre d'engager une réflexion, car on peut toujours obtenir, des années plus tard, ce que l'on n'a pas tout de suite.
    Aux termes de l'article 31, il est prévu d'accorder une bonification d'annuités pour les fonctionnaires et les militaires pour chaque enfant élevé. Toutefois, aucune disposition n'est prévue pour tenir compte de la situation spécifique des fonctionnaires qui ont élevé un enfant handicapé et de la charge particulière que cela entraîne. Il faut donc réfléchir à l'aménagement du dispositif actuel pour les fonctionnaires parents d'un enfant handicapé atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %.
    Pascal Terrasse nous a parlé du débat qui a eu lieu hier soir sur la politique familiale, mais il n'a fait état que d'un point de vue. Certes, des questions ont été posées par l'une de ses collègues, mais des réponses extrêmement précises leur ont été apportées par M. le ministre Jean-Paul Delevoye et par nos rapporteurs, qui sont restés d'un calme inoxydable malgré l'ambiance orageuse. En fait, il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Bernard Accoyer et moi-même étant médecins ORL, sommes bien placés pour le savoir et nous en avons fait le diagnostic vous concernant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pascal Terrasse. Vous, c'est pire, c'est de l'autisme !
    M. Denis Jacquat. C'est une autre maladie. L'autisme n'a rien à voir avec l'ORL !
    J'ajoute, pour terminer, que nous, à l'UMP, ne pouvons accepter ce procès permanent que l'on nous fait en disant que nous voulons le retour des femmes aux fourneaux, au foyer.
    M. Jean-Pierre Brard. Pour Mme Aurillac, c'est le retour à l'hémicycle !
    M. Denis Jacquat. Nous voulons offrir aux femmes un vrai choix. Il faut qu'elles puissent choisir entre la vie professionnelle et une vie familiale pour élever leurs enfants. Un système « à la carte » se met en place et nous prévoyons les moyens correspondants, dans la fonction publique comme dans le régime général.
    M. le président. La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Au-delà de quelques rectifications sans doute nécessaires du texte de loi en raison de mesures qui n'ont plus lieu d'être, le Gouvernement met en place insidieusement une réforme que nous ne pouvons pas accepter.
    La bonification n'est plus explicitement prévue par la loi que pour les enfants nés ou adoptés antérieurement au 1er janvier 2004. Cette modification renforce l'inégalité entre les femmes elles-mêmes face à la retraite. Vous portez ainsi un coup bas à la fonction publique, en particulier aux femmes. Permettez-moi de vous donner certains chiffres qui concernent l'ensemble des salariés. Je n'entrerai pas dans le travers de certains qui veulent opposer les salariés du public à ceux du privé. En 2001, les femmes retraitées ont touché en moyenne une pension de 848 euros par mois et les hommes une pension de 1 461 euros. Les femmes ont donc touché 42 % de moins que les hommes. Sur dix retraités, trois perçoivent une retraite inférieure au minimum vieillesse. Parmi ces retraités pauvres, 83 % sont des femmes.
    Les différences des retraites entre hommes et femmes sont le reflet des inégalités dans la vie professionnelle et sociale. Les salaires des femmes sont en moyenne inférieurs à ceux des hommes. Pour un grand nombre, le temps partiel leur est imposé et elles assurent toujours l'essentiel des responsabilités en matière d'éducation des enfants, de tâches domestiques et de soins aux proches. Ce sont elles qui interrompent leur carrière ou travaillent à mi-temps pour élever les enfants. Le résultat est simple : à salaires plus faibles et carrières plus courtes, retraites plus faibles. L'allongement de la durée de cotisation a quarante, puis quarante et une et quarante-deux annuités pénalise beaucoup plus fortement les femmes, parce qu'elles n'arrivent déjà pas à obtenir actuellement les 37,5 annuités. Parmi les retraités, seulement 39 % des femmes ont pu faire valider une carrière complète - la durée nécessaire pour obtenir le taux maximal de pension - contre une majorité d'hommes - 85 %.
    Dans la fonction publique territoriale et les hôpitaux, seulement 22 % des femmes ont effectué des carrières complètes, contre 59 % des hommes. Chez les fonctionnaires civils, les chiffres sont de 51 % seulement pour les femmes et de 72 % pour les hommes. Sous prétexte de rétablir l'égalité entre hommes et femmes, vous renforcez paradoxalement l'inégalité entre les femmes. On ne peut que se féliciter que les pères qui, aujourd'hui, souhaitent s'arrêter pour élever leurs enfants puissent le faire, mais nous attendons plus d'une réforme des retraites. Nous attendons qu'elle soit facteur de progrès et qu'elle réduise une fois pour toutes les inégalités inacceptables entre hommes et femmes.
    Ce nouvel article 31 précise en outre que le pourcentage maximum de liquidation de la pension peut être augmenté de cinq points en raison des bonifications prévues par l'article. Je dis bien « pourcentage maximum ». Le Gouvernement craindrait-il que les pensions ne soient encore trop élevées ? Qu'il se rassure. En effet, avant la réforme Balladur, les retraités touchaient en moyenne l'équivalent de 84 % de leur dernier salaire net. En 2000, ils n'en recevaient plus que 79 %, et même 56 % pour certains cadres. En 2020, ils ne devraient percevoir qu'entre 70 % et 50 % de leur salaire, selon le profil de carrière. En 2040, si rien n'est fait, on tomberait entre 68 % et 47 %. En appauvrissant une tranche de la population amenée à en représenter une part de plus en plus importante, le Gouvernement prend une mesure anti-économique qui aura des répercussions en termes de consommation. Vous le savez pourtant, pour relancer la croissance dans notre pays, il faut favoriser la consommation. Or, l'appauvrissement des retraités et la multiplication des licenciements économiques ne vont pas en ce sens.
    M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Si nous somme réunis dans cet hémicycle c'est pour sauver le régime des retraites. C'est pour sauvegarder un juste système fondé sur le principe de répartition. Nous sommes tous ici attachés à ce principe. Pourquoi ? Parce qu'il instaure une double solidarité : une solidarité entre tous les Français et une solidarité entre les générations, une solidarité intergénérationnelle. Malheureusement, il ne peut, à lui tout seul, combler les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes - carrières professionnelles incomplètes des femmes, salaires inférieurs, obligation d'accepter bien souvent des emplois à temps partiel. Mais revenons à la solidarité intergénérationnelle, car ce sont nos enfants qui financeront demain nos retraites.
    Le vieillissement de la population ne cesse de croître. Notre taux de natalité ne suffit pas au renouvellement des générations, créant ainsi un déséquilibre démographique. Or, c'est ce déséquilibre, et lui seul, qui justifie aujourd'hui l'urgence de la réforme des retraites. Dès lors, on ne saurait dissocier une politique ambitieuse en faveur des retraites d'une politique familiale globale, courageuse et offensive. De notre vision de la famille dépend l'avenir de nos retraites. C'est pourquoi, à l'UDF, nous pensons qu'il est plus d'urgent que les familles soient à nouveau les partenaires actifs et associés de notre société qu'elles n'auraient jamais dû cesser d'être.
    Pour créer ce dynamisme, encore faut-il ne pas dissuader les hommes et les femmes de construire un foyer. Pour une politique familiale plus humaine et plus juste, nous devons permettre aux parents d'avoir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent. Elever son enfant ne doit en aucun cas être vécu comme un sacrifice. Des considérations économiques ne doivent en aucun cas être un obstacle à l'éducation et à la formation des enfants. A l'UDF, nous estimons qu'il est nécessaire de donner à toutes les familles les conditions du libre choix. Cela veut dire avoir le choix, sans peur des conséquences financières, entre interrompre son travail pour guider les premiers pas de son enfant ou tenter de concilier courageusement les deux.
    Pourtant, monsieur le ministre, nombreuses sont aujourd'hui les mères de famille qui se considèrent déjà comme les grandes perdantes de ce projet de loi. Certes, l'article 27 et l'article 31 instaurent des systèmes de bonification et de majoration pour permettre aux parents d'élever leurs enfants. Toutefois, nous aurions aimé à l'UDF que les mesures soient plus ambitieuses. En effet, si votre projet prend en compte la nécessaire équité entre les pères et les mères exigée par le célèbre arrêt Griesmar, que fait-il de la nécessaire équité entre les mères relevant du régime général et celles relevant du régime public - si la bonification est d'un an par enfant pour les femmes fonctionnaires, elle peut être de deux ans par enfant dans le régime général. Que fait-il de la nécessaire équité entre les pères du régime privé et ceux du régime public ? N'instaure-t-il pas une injuste différence entre les futures mères et celles qui ont eu leur enfant avant le 1er janvier 2004, par exemple ? Quelles garanties allons-nous apporter aux mères de famille actuellement bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation ?
    Afin de répondre à ces exigences, et m'inspirant des excellentes recommandations de la délégation aux droits des femmes présidée par Marie-Jo Zimmermann, j'avais déposé des amendements. Mais nombre d'entre eux ont été déclarés irrecevables par la commission des finances au titre de l'article 40.
    M. Pascal Terrasse. C'est vrai !
    M. Pierre-Christophe Baguet. A ce propos, j'aimerais, comme mon collègue Jean-Luc Préel, faire part de mon étonnement devant le rejet des amendements visant à demander un rapport. L'article 40 a été appliqué avec trop de rigueur, écartant ainsi des propositions utiles du groupe UDF. Toujours est-il que je présenterai, à l'article 31, un amendement visant à reporter les nouvelles dispositions du 1er janvier 2004 au 1er septembre 2004. Ce délai supplémentaire doit permettre aux fonctionnaires concernés de disposer d'une meilleure connaissance des nouvelles conditions d'accès à la majoration.
    Toujours à l'article 31 qui concerne les enfants nés avant 2004, je proposerai de revenir à l'ancienne rédaction du projet de loi. Celle-ci avait l'avantage de garantir aux mères de famille une bonification quasi automatique d'un an par enfant. La simple interruption d'activité dans le cadre d'un congé maternité en ouvrait en effet de plein droit le bénéfice. Au lieu de cela, vous avez finalement préféré renvoyer les conditions d'obtention de ce soutien familial à un futur décret en Conseil d'Etat. Vous laissez ainsi, monsieur le ministre, planer un terrible doute quant aux réelles intentions du Gouvernement. J'ose espérer que cette nouvelle rédaction n'est due qu'à des questions de procédure.
    M. Pascal Terrasse. Mais non !
    M. Pierre-Christophe Baguet. J'espère que le Gouvernement ne cherche pas à revenir en arrière.
    M. Pascal Terrasse. Mais si !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Aussi mon amendement n'a-t-il pour seul but que d'obtenir des garanties de votre part à ce sujet. Monsieur le ministre, je sais que vous avez hérité d'une situation difficile.
    M. Pascal Terrasse. Oh là !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Je sais que, pour vous, une politique en faveur des retraites est nécessairement liée à une véritable politique à destination des familles. Vous avez notre confiance.
    M. Jean-Pierre Brard. Elle est mal placée !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Toutefois, l'espoir des familles est grand. Aussi le groupe UDF attend-il vos réponses avant de se prononcer sur cet article très important à nos yeux.
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Je ne reviendrai pas longuement sur le principe des bonifications, puisque nous avons déjà eu une discussion hier à ce sujet. En substance, ce sont des périodes qui s'ajoutent aux durées de service accomplies. Elles participent à l'aide de fonctionnaires ayant connu des difficultés particulières dans leur vie professionnelle, militaire ou familiale et sont destinées à les compenser. Déterminées par le règlement de l'administration publique, elles s'ajoutent aux services effectifs des affiliés au code des pensions civiles et militaires de retraite pour la liquidation de la pension alors que le fonctionnaire a déjà acquis un droit à pension. Elles n'entrent donc pas en compte dans la cotisation du droit à liquidation.
    L'article 31 concerne les fonctionnaires et les militaires. Sous couvert d'une réactualisation d'un article de code sans aucun doute mauvais pour partie, il modifie la liste des bénéficiaires de bonifications. A cet effet, il élargit certes aux hommes et aux militaires le bénéfice de la bonification pour les enfants nés jusqu'au 31 janvier 2003. Mais, profitant de l'évolution du droit européen, il supprime le bénéfice de cette bonification pour les femmes qui élèveront un enfant légitime, naturel ou adoptif né ou pris en charge après le 1er janvier 2004. Alors que le bénéfice de la bonification était de droit dès la naissance de l'enfant, dorénavant, pour que soit prise en compte la bonification dans le calcul des droits, le fonctionnaire ou le militaire devra avoir effectivement interrompu sa carrière pour élever son enfant, ce qui pénalise gravement les femmes. En effet, jamais les deux parents ne pourront prendre un congé pour élever ensemble leurs enfants et ce sont très majoritairement les femmes qui devront le faire. Or toute interruption de carrière est néfaste pour le parcours professionnel, même dans la fonction publique ou dans l'armée.
    Mais l'article 31 ne s'arrête pas à cela. Au motif d'une simplification censée élargir le bénéfice de la bonification pour campagne dans le cas de services militaires, il ne répond pas à la question de l'extension de la bonification aux militaires contractualisés des trois armées, qui représentent 60 % des effectifs. Il est d'ailleurs regrettable que, lors de l'affiliation rétroactive au régime général de ceux qui n'auraient pas atteint le minimum d'annuités requis - quinze ans - ces soldats ne puissent faire valoir aucune des bonifications prévues dans le code des pensions civiles et militaires, notamment les bonifications de campagne. Il est également regrettable que, pour imposer l'allongement de la durée d'activité aux soldats, le Gouvernement ne tienne pas compte de cette situation, recule de deux ans l'âge du droit à la bonification maximale de cinq années et n'augmente pas le pourcentage maximal de liquidation : 80 % aujourd'hui, avec deux années supplémentaires pour en bénéficier. N'est-ce pas, au final, une diminution du niveau des pensions ?
    Vous seriez bien inspiré, monsieur le ministre, de revenir sur ce texte. L'équité l'exige.
    M. le président. C'est à vous, monsieur Brard. Je vous sens très en forme ce matin.
    M. Jean-Pierre Brard. Après une nuit de repos qui fut brève mais dense, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Vous en êtes seul juge. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, dans un ouvrage célèbre intitulé Nous sommes tous des régionaux, le Premier ministre écrivait : « L'homme politique doit éclairer, autant que faire se peut, l'avenir de ses administrés avec des phares à longue portée. » (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Phrase profonde que je vous vois noter, sans doute pour qu'elle soit gravée dans le marbre !
    Avec le système que vous proposez dans votre projet de loi, les femmes, en guise de phares à longue portée, seront réduites à porter la lanterne, en particulier celles qui travaillent. En effet, vous renforcez les différences entre les deux régimes au détriment des femmes.
    Les femmes de la fonction publique cesseront d'avoir droit à un an de cotisation de moins par enfant à partir du 1er janvier 2004. Cette année de bonification par enfant ne leur sera désormais accordée qu'à la condition qu'elles prennent une année entière de congé. Et on en revient aux fourneaux chers à M. Jacquat, sinon aux drei K de Bismarck, au moins aux deux premiers : Kinder und Küche, c'est-à-dire les fourneaux et les enfants.
    M. Georges Tron. Non ! Les enfants et les fourneaux ! Respectez l'ordre !
    M. Jean-Pierre Brard. Bismarck, je le rappelle à M. Jacquat, voulait cantonner les femmes chez elles parce qu'il avait bien compris que dès qu'elles ont accès à l'espace social, elles sont tentées par l'esprit révolutionnaire.
    M. Denis Jacquat. C'est Bismarck qui a mis en place le système par répartition, celui qui existe encore en Moselle !
    M. Jean-Pierre Brard. Absolument ! Vous devriez vous en inspirer.
    M. Denis Jacquat. On s'en inspire et on le maintient !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est comme quand on fait de la pâtisserie, monsieur Jacquat. Vous êtes ORL. Moi, j'occupe le siège de Jacques Duclos, qui était pâtissier.
    M. le président. Et vous êtes dans le pétrin ! (Rires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Justement pas !
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Mais vous nous roulez souvent dans la farine ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je prends cela comme un hommage, monsieur Bertrand.
    En pâtisserie, il faut savoir séparer le jaune du blanc. Et, de ce point de vue, vous faites de mauvais gâteaux car vous nous replongez en arrière.
    M. André Schneider. Avec vous, ce n'est pas de la tarte ! (Rires.)
    M. Jean-Luc Warsmann. C'est même plutôt laborieux !
    M. Jean-Pierre Brard. La mesure que vous proposez constitue, pour les femmes touchant un faible salaire, une incitation à s'arrêter de travailler pour rester à la maison et élever leurs enfants. Plus longtemps elles s'arrêteront, plus elles gagneront de mois de cotisation pour leur retraite.
    M. Denis Jacquat. A force de casser des oeufs, vous allez nous faire une omelette !
    M. Jean-Pierre Brard. Et qu'en sera-t-il pour les autres femmes, celles auxquelles pense M. Baguet, car nous nous retrouvons encore avec l'UDF ? Eh bien, plus tôt elles choisiront de reprendre le travail après leur congé de maternité - et je sens, monsieur Jacquat, que vous les considérez déjà comme de mauvaises mères - plus elles perdront par rapport à celles qui resteront à la maison.
    Ce que vous programmez, c'est tout simplement la mort de l'année de bonification. A ces femmes fonctionnaires qui prétendent concilier carrière professionnelle et famille, la réforme aura tout enlevé ! L'inégalité avec le privé se sera creusée. Elles ne bénéficieront plus d'années de bonification. Elles seront toujours aussi fraîchement accueillies dans leur service à leur retour du congé de maternité.
    Vous comprendrez d'autant mieux que je m'étonne, monsieur le ministre, quand vous aurez entendu ma seconde citation, après celle du Premier ministre. Je vous sais dévoué corps et âme à M. Raffarin, mais vous êtes fidèle aussi au Président de la République. Et que dit le Président de la République ? Il a affirmé sa volonté de « permettre aux femmes de s'engager dans la vie active ». Parler de parité, c'est bien. Ce serait encore mieux de la faire vivre par de justes mesures économiques de redistribution.
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 6004 à 6010.
    L'amendement n° 6004 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 6005 par MM. Bocquet, Biessy, Dessallangre et Braouezec ; l'amendement n° 6006 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 6007 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 6008 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 6009 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 6010 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 31. »
    La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Monsieur le ministre, cet amendement tend à supprimer un article dont les objectifs et les motivations ne sont pas clairs. Là encore, nous voulons vous apporter notre soutien pour améliorer la rédaction de votre projet et pour lui faire gagner en précision juridique et en clarté.
    La nouvelle rédaction proposée pour le premier alinéa de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires ne présente aucun intérêt puisqu'elle recopie mot pour mot, à l'exception de l'ajout de l'article indéfini « un », la rédaction en vigueur. Cet ajout ne fera qu'en compliquer la lecture. Nous ne comprenons pas quelle opportunité vous trouvez à une telle rédaction.
    C'est peut-être cette rédaction superflue qui, par la suite, vous a trompé dans le décompte des paragraphes de l'article L. 12 du code que vient modifier l'article 31 du projet.
    Vous le voyez, monsieur le ministre, nous ne faisons pas d'obstruction. Nous cherchons simplement à être le plus rigoureux possible, preuve, s'il en est, que nous avons examiné dans le détail votre projet de loi, malgré le calendrier étriqué que vous nous avez imposé. Cette étude attentive renforce nos arguments et met en lumière les mauvais coups de votre réforme, que nous dénonçons.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet article est majeur et le supprimer n'a pas paru souhaitable à la commission. En effet, le Gouvernement manifeste et concrétise sa volonté de maintenir un avantage familial, et même de l'étendre grâce à un dispositif original. Celui-ci présente en outre l'avantage de répondre aux contraintes de la jurisprudene communautaire, qui a rendu le dispositif actuel illégal et nous imposait de réagir. Cette volonté du Gouvernement mérite d'être soulignée.
    Deuxièmement, au maintien de cet avantage s'ajoute toute une série de dispositions positives - auxquelles je reviendrai en répondant aux autres amendements - visant à renforcer l'égalité entre hommes et femmes et à améliorer les moyens dont ils disposent pour donner la meilleure éducation possible à leurs enfants.
    Pour ces raisons, l'amendement a été rejeté par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mesdames et messieurs les députés, je partage l'avis du rapporteur et je me contenterai d'y ajouter quelques brèves précisions, puisque le long débat que nous avons eu hier soir m'a permis d'exposer la philosophie de cette réforme.
    Il est, somme toute, assez légitime que l'opposition soit tentée de parler de recul social et d'évoquer un retour de la femme aux fourneaux.
    M. Pascal Terrasse. Il n'y a pas que l'opposition qui le dise : il y a une partie de la majorité !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mais, monsieur Brard, les phares de longue portée peuvent quelquefois éblouir. Même vous qui, à la place de Jacques Duclos, cultivez en politique le principe d'être une bonne pâte, mais de ne pas hésiter à faire monter le levain, ce qui, pour notre plaisir personnel, vous inspire souvent des propos croustillants... (« Oh ! » sur de nombreux bancs.)
    M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
    M. le président. Du pétrin au levain et à la pâte croustillante, vous filez remarquablement la métaphore, monsieur le ministre, et nous sommes au coeur du débat !(Sourires.)
    Vous nous inspirez, monsieur Brard. Nous allons former une académie !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est à M. Raffarin que revient tout le mérite ! Il faut rendre à César ce qui est à César !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Madame Jacquaint, vous avez dit que la bonification était de droit. Eh oui ! mais le droit a changé. La jurisprudence européenne nous imposait de le modifier.
    M. Maxime Gremetz. Il y a avant et après !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je tiens à réaffirmer notre philosophie politique : il n'y a pas, comme le disait M. Baguet, une différence entre avant et après, mais une adaptation à la jurisprudence européenne, même si, bien évidemment, quand quelque chose change, il y a forcément un avant et un après.
    M. Maxime Gremetz. Vous voyez !
    Mme Janine Jambu. On peut donc bien parler de l'avant et de l'après !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Les femmes fonctionnaires avaient droit à une bonification d'un an par enfant. Dès lors que la juridiction européenne a condamné cette discrimination et nous demande d'étendre la mesure aux hommes, ce qui, paradoxalement, revient à priver les femmes d'un avantage, il nous fallait réfléchir à ce qui nous paraît aujourd'hui essentiel : la liberté des mères de rester chez elles ou d'exercer une activité professionnelle, ou encore, compte tenu de l'apport du précédent gouvernement, de partager avec leur conjoint le temps consacré à l'enfant, tout en exerçant une activité professionnelle.
    Cela nous paraît d'autant plus important que l'un des enjeux de la société, c'est non pas de faire des enfants, mais de faire des enfants et de les éduquer, sachant que les premiers repères dans la vie, dans la socialisation, se prennent de zéro à cinq ans. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme Muguette Jacquaint. Hier, nous avons eu un large débat sur le sujet !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dans cet esprit, nous proposons une avancée que nous estimons importante. Si les parents interrompent leur activité, ils pourront valider jusqu'à trois ans par enfant, à la fois pour l'assurance et pour la pension.
    Nous offrons aussi la possibilité d'un temps partiel familial à 50, 60, 70 ou 80 % du temps de travail, qui compterait pour durée pleine d'assurance et durée pleine de pension. Ainsi, dans un couple de fonctionnaires, le mari et la femme pourront prendre en charge chacun 50 % du temps familial et garder les enfants en alternance.
    Imaginez le progrès social ! Les femmes - et plus généralement les parents - le disent : leur angoisse, c'est la crèche, ce sont les frais de garde. Car si l'arrivée d'un enfant est une grande joie, elle se traduit pour les parents par une baisse de pouvoir d'achat, à cause des frais occasionnés par les services nécessaires pour concilier vie professionnelle et vie parentale.
    M. Denis Jacquat. M. le ministre a raison !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'extension de la palette de choix que nous proposons dans l'article 31 nous paraît donc, en dépit des critiques, aller totalement dans le sens souhaité par les familles, tout en étant compatible avec la jurisprudence européenne.
    Monsieur Baguet, vous évoquez la différence de traitement entre le privé et le public, puisque la bonification sera de deux ans dans le régime général et d'un an dans le régime de la fonction publique. Permettez-moi une précision. Les deux ans du régime général sont calculés sur le seul régime de base à l'exclusion du régime complémentaire. Autrement dit, deux ans à 45 %, cela fait 90 %. Dans le régime public, c'est un an à 75 %.
    M. Denis Jacquat et M. Jean-Luc Warsmann. Eh oui !
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Bien sûr !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Dans la comparaison entre le régime public et le régime général, on prend souvent des chiffres qui donnent un sentiment d'inégalité de traitement, alors qu'une étude plus approfondie montre que les différences sont beaucoup plus réduites.
    Quant au décret, monsieur Baguet, il n'aura pas pour objet de revenir en arrière. Le Gouvernement n'en a aucunement l'intention et toutes les périodes seront validées, y compris les congés maternité. Le Premier ministre, le ministre des affaires sociales et moi-même, nous avons le même souci que vous. La vraie réussite d'une politique de retraite dans un système de solidarité intergénérationnelle ne peut être obtenue qu'en renforçant la politique familiale et en favorisant la natalité.
    Voilà pourquoi nous souhaitons le rejet des amendements de suppression, en confirmant tout l'intérêt, pour les femmes, de cette extension de la palette de choix.
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Monsieur le ministre, après avoir confondu les notions de bonification et de validation, vous confondez allègrement celles de validation et de liquidation. En effet, le dispositif que vous présentez, n'aura aucune incidence sur la liquidation de la retraite. Cela ne produira rien du tout...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Bien sûr que si !
    M. Pascal Terrasse. ... puisque les périodes validées ne seront pas cotisées.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Au contraire, monsieur Terrasse, la validation vaut et pour la durée de pension, et pour la durée d'assurance. Donc, à l'évidence, c'est une avancée considérable. Peut-être ai-je été imprécis dans ma réponse. Mais je confirme à nouveau que la validation du congé ou du temps partiel familial et pour la durée d'assurance vaut pour la durée de pension.
    M. Pascal Terrasse. C'est déjà une réponse partielle. Vous nous confirmez qu'il n'y aura pas de décote pour les personnes qui se seront arrêtées de travailler. A raison de trois ans par enfant jusqu'à l'âge de huit ans, et dans la limite de trois enfants, une femme - le plus souvent - pourra cumuler jusqu'à neuf ans de congés validés.
    M. le président. Vous confirmez, monsieur le ministre ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Oui, c'est trois ans par enfant !
    M. Pascal Terrasse. Donc, monsieur le ministre, ces neuf ans ne seront pas décomptés pour la décote. Ils seront considérés comme des années de cotisations, bien qu'il n'y ait pas eu de rachat de cotisations.
    Nous voulons des explications très précises, au regard de ces deux points, sur les modalités de liquidation. Y aura-t-il décote ou non ? Y aura-t-il rachat ou non ? Je ne suis pas certain que vos conseillers soient tous d'accord, quand je les vois s'agiter derrière vous !
    M. le président. C'est le ministre qui s'exprime, monsieur Terrasse !
    M. Pascal Terrasse. Vous venez de vous engager, monsieur le ministre, et vous devez nous répondre précisément. Prenons le cas d'une personne ayant eu trois enfants et cumulant neuf ans de congé. S'il lui faut quarante années de cotisations, elle déduira ses neuf ans et trente et un ans d'activité effective lui suffiront pour obtenir le taux plein. Il n'y aura pas de décote. Il n'y aura pas de rachat de cotisations. Il est essentiel que vous nous le précisiez pour que cela figure au Journal officiel afin d'éviter les problèmes d'interprétation juridique.
    Par ailleurs, comme M. Baguet, je m'interroge fortement sur cette notion d'équité que vous ne cessez d'invoquer depuis maintenant quelques semaines. En l'occurrence, c'en est terminé de l'équité entre le secteur public et le secteur privé.
    M. Denis Jacquat. Au contraire, elle commence !
    M. Pascal Terrasse. Comme je l'ai indiqué en commission, on a le sentiment que vous voulez absolument punir les fonctionnaires. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. Mais non !
    M. Pascal Terrasse. C'est une véritable punition à l'égard des fonctionnaires.
    M. Denis Jacquat. C'est faux ! C'est de la guérilla parlementaire !
    M. Georges Tron. C'est la justification de l'immobilisme !
    M. Pascal Terrasse. Nous le notons. Et nous sommes malheureux pour eux.
    M. Denis Jacquat. Ce sont des mensonges !
    M. Charles Cova. Des arguties !
    M. Pascal Terrasse. Il eût été plus utile de reprendre l'excellent amendement présenté en commission des affaires culturelles, familiales et sociales par M. Accoyer et qui a fait l'objet d'un large débat. La solution proposée par notre rapporteur, qui est conscient du problème posé par la notion de bonification, était intéressante. Malheureusement, cet amendement a été rejeté au titre de l'article 40. Certes, il va nous en soumettre un second. Mais celui-ci ne reprend que partiellement le premier. En fait, vous estimez vous-mêmes, implicitement, que le dispositif tel qu'il est conçu aujourd'hui n'est pas bon et vous essayez de faire un pas en avant. Le problème c'est que vous restez au milieu du gué.
    L'amendement qui améliore le dispositif, c'est 350 millions d'euros. Si nous voulons une politique familiale active, il faut y mettre le prix. Hier, j'ai évoqué le sort de ces femmes que vous voulez remettre aux fourneaux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. Non ! C'est faux !
    M. Pascal Terrasse. Et j'ai dit que je considérais que ce n'était pas une bonne chose. Il faut au contraire permettre aux femmes d'avoir une activité professionnelle et d'élever leurs enfants en bénéficiant d'une bonification...
    M. Denis Jacquat. M. Terrasse ment sans arrêt, c'est insupportable !
    M. Pascal Terrasse. Il faut trouver une solution en ce sens. Quant au coût, il faut compter 700 millions d'euros à l'horizon 2020 pour le maintien du dispositif tel qu'il existe aujourd'hui.
    Monsieur le ministre, je vous indique d'ores et déjà que, sur ce point particulier, le groupe socialiste essaiera, par tous les moyens juridiques, de vous faire revenir sur votre dispositif, soit par la voie du Conseil constitutionnel, soit pas l'intermédiaire de la Cour de justice européenne.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Nous regrettons que l'excellent amendement de M. Accoyer qui précisait bien les choses n'ait pu venir en discussion. Monsieur le ministre, vous venez de nous expliquer que « validation vaut bonification ».
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Oui, et je vais y revenir.
    M. Pascal Terrasse. Le ministre va s'expliquer, car c'est très important !
    M. Maxime Gremetz. Or validation et bonification sont deux notions tout à fait différentes. Donc si l'on nous dit validation égale bonification, il n'y a pas de problème. Mais cela ne paraît pas aussi clair que cela, même dans le privé. En l'occurrence, le système serait inéquitable pour tout le monde.
    M. Pascal Terrasse. Le système renforce l'inéquité !
    M. Maxime Gremetz. Dans le privé, par exemple, les années de chômage sont validées mais ne valent pas bonification et cela n'entre pas dans le calcul de la pension de retraite. Comme quoi les choses ne sont vraiment pas claires, monsieur le ministre. Nous avons besoin de précisions.
    Par ailleurs, il y a bien un avant et un après. Vous dites qu'une directive européenne nous oblige à modifier notre système.
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas une directive !
    M. Maxime Gremetz. Directive ou règlement, peu importe ! A cet égard, reprenez L'Humanité hier. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Georges Tron. On le lit tous les jours ! (Sourires.)
    M. Charles Cova. C'est notre journal de chevet ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Le journal a publié, en effet, un document que vous ne trouverez nulle part ailleurs : le projet de Constitution européenne dont nous aurons à discuter plus tard.
    M. Georges Tron. Le Monde aussi l'a fait !
    M. Maxime Gremetz. C'est d'une complexité extraordinaire. On se perd entre les directives, les règlements et les recommandations.
    M. le président. Monsieur Gremetz, revenez-en au sujet qui nous occupe !
    M. Maxime Gremetz. Mais tout vient de là, monsieur le président ! Je rappelle que c'est au nom de l'égalité professionnelle qu'une directive européenne a rétabli le travail de nuit des femmes dans l'industrie, nous ramenant ainsi à la législation de 1892 !
    M. François Liberti. C'est un vrai recul de civilisation !
    Mme Muguette Jacquaint. Et on nous dit que c'est ça le progrès !
    M. Maxime Gremetz. Je n'oublierai jamais cela. C'est gravé au plus profond de moi.
    Cela explique que je sois toujours très attentif aux recommandations européennes. En général, ce qu'elle nous oblige à faire n'est jamais bon ! Le travail de nuit, ce n'est bon pour la santé de personne, ni pour les hommes, ni pour les femmes. D'ailleurs, chers collègues, vous commencez à avoir une expérience personnelle, en la matière. (Sourires.)
    M. Georges Tron. Oh oui !
    M. Maxime Gremetz. Respecter le principe d'égalité eût consisté à supprimer le travail de nuit pour les hommes et pour les femmes.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Ne confondons pas validation et bonification. Ainsi que nous l'avons indiqué hier soir, la jurisprudence européenne a quasiment annihilé la bonification pour enfants que nous maintenons jusqu'au 1er janvier 2004.
    Nous proposons pour après un système prévoyant des périodes d'inactivités et d'interruption choisies par le fonctionnaire avec validation. C'est l'article 27 qui a été voté hier et dont je vous rappelle les termes :
    « Le temps passé dans une position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs au sens de l'article L. 5 ne peut entrer en compte dans la constitution du droit à pension, » - donc assurance et pension - « sauf :
    « 1° Dans la limite de trois ans par enfant légitime, naturel ou adoptif, né ou adopté à partir du 1er janvier 2004, sous réserve que le titulaire de la pension ait bénéficié :
    « a) d'un temps partiel de droit pour élever un enfant ;
    « b) d'un congé parental ;
    « c) d'un congé de présence parentale ;
    « d) ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. »
    Cela revient à dire pour être très clair - et cela figure dans le compte rendu analytique d'hier soir - que la période d'interruption ou le temps partiel familial, donne validation de durée d'assurance et de pension.
    M. Pascal Terrasse. Et la décote ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le temps partiel, en général, dans la réforme, vaut durée pleine en durée d'assurance.
    Prenons l'exemple d'un fonctionnaire qui a travaillé pendant quarante ans à mi-temps, il aura quarante ans de durée d'assurance et une pension calculée sur 50 % de son salaire. Si une femme décide d'interrompre son activité pendant trois ans par enfant ou de prendre un temps partiel familial, cette période vaudra année pleine pour durée d'assurance...
    M. Pascal Terrasse. Il y a une décote, n'est-ce pas ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Terrasse, je comprends mal vos questions car je sais que vous êtes très compétent sur ce dossier.
    M. Jean-Pierre Brard. Il faut reconnaître qu'il l'est !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mais au moins cela me permet-il de préciser les choses.
    M. Jean-Pierre Brard. Encore faut-il un bon pédagogue !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le contrat dans ce système d'assurance est simple : si vous avez une carrière d'assurance complète, vous avez droit au taux plein. Soit, pour un fonctionnaire, quarante ans de durée d'assurance et 75 % du dernier traitement de référence à six mois. L'important est donc de bien constituer sa durée d'assurance. Une femme qui a eu un enfant, trente-sept ans d'activité professionnelle et trois ans de période d'interruption pour élever son enfant, aura quarante ans de durée d'assurance et une retraite à taux plein. Cela signifie que le temps partiel familial, la période d'activité pour élever un enfant peut aller jusqu'à trois ans par enfant et vaut durée pleine d'assurance et droit total à une année de pension.
    Comme je l'ai indiqué hier soir, en allant très loin, une femme qui a un enfant tous les trois ans pourrait parfaitement cumuler ces périodes et parvenir à neuf ans - trois fois trois. Les périodes ne se fusionnent pas cependant. Si la femme a trois enfants en trois ans, elle ne bénéficiera que de cinq ans puisqu'elle pourra prendre, pour le dernier enfant trois ans et pour les deux premiers le congé parental.
    Vous le voyez, notre souci est bien d'offrir une extension du droit pour permettre à la femme ou à l'homme de concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 6004 à 6010.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 6095 à 6101.
    L'amendement n° 6095 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 6096 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 6097 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 6098 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 6099 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 6100 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 6101 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le premier alinéa de l'article 31. »
    La parole est à Mme Janine Jambu.
    Mme Janine Jambu. L'article 31 introduit une modification de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires qui touche aux bonifications. Ainsi, cet article du projet de loi vient modifier les dispositions applicables à ces bonifications s'ajoutant aux services effectifs dont l'un des objectifs est de les mettre en conformité avec le droit communautaire.
    Certes, vous saisissez une décision de la Cour de justice des Communautés européennes pour ouvrir la possibilité des bonifications pour enfant, pour les pères comme pour les mères.
    Mais surtout, derrière cette conformité juridique, les dispositions de cet article viennent modifier l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires dans le sens rétrograde de votre réforme et des coups portés aux agents des services publics. En effet, sur quoi vont reposer ces bonifications ? Sur plus d'annuités pour atteindre le maximum de la pension, sur des valeurs d'annuités réduites - 1,875 % au lieu de 2 % - sur une décote, car il faut bien l'appeler ainsi, pour les annuités manquantes.
    En réalité, sous des aspects vertueux, l'objectif visé est bel et bien celui de la baisse du niveau des pensions dont les paramètres que je viens de citer seront les leviers essentiels.
    C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui tend à supprimer la transcription aux bonifications des effets négatifs de la réforme pour les fonctionnaires.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Cet amendement, au prétexte de supprimer le premier alinéa de l'article, revient en fait à supprimer le dispositif dont M. le ministre a bien montré tous les avantages qu'il comportait. Il permet en effet une validation des durées de réduction du temps de travail - arrêt total ou diminution de ce temps de travail - pour le père ou la mère d'un enfant arrivé au foyer, et ce de manière cumulative dans le temps s'il y a plusieurs enfants.
    C'est donc une avancée très importante sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir en présentant l'amendement auquel il a été fait allusion et qui, nous l'espérons, viendra compléter ce dispositif. C'est un progrès considérable pour les femmes, pour les mères, pour les familles. L'amendement a été rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. A propos d'un homme politique important de notre pays, le Premier ministre, dans Le Figaro du 14 juin de l'année dernière, disait : « L'esprit est fin mais l'âme est froide ». Monsieur le ministre, sans nous engager dans une réflexion théologique visant à savoir comment on mesure la température de l'âme, je trouve que la formule du Premier ministre vous va quand même assez bien. L'esprit est fin puisque vous avez pris du temps pour essayer de nous « emberlificoter », si vous me passez la formule. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Denis Jacquat. Mais non !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais vous ne m'avez pas répondu sur la perte des avantages pour les femmes travaillant dans la fonction publique et qui ont décidé de reprendre leur emploi après un congé de maternité. Etant entendu que vous habillez cette régression en parlant de « liberté de choix ». Il est vrai que, quand on veut faire un mauvais coup, mieux vaut essayer d'emporter le consentement de la victime en enrobant l'affaire de la plus belle manière. Vous pouvez toujours raconter ce que vous voulez à votre manière, il n'empêche que, aujourd'hui, la liberté de choix - et M. Baguet ne s'y est pas trompé -, c'est surtout pour vous la volonté de dissimuler le chômage en renvoyant les femmes au fourneau (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), même si la formule ne plaît pas à M. Jacquat.
    M. Denis Jacquat. Non, elle ne me plaît pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, on vous a vu à travers le trou de la serrure, monsieur Jacquat ! (Sourires.) C'est cela qui ne vous plaît pas ! Nous vous avons découvert ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. Vous êtes un voyeur, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Mon cher collègue, il ne faut jamais voir les autres à son image, je vous l'ai déjà dit.
    M. le président. Monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, en réalité, vous allez conduire les femmes qui ont les moyens de survivre à la maison à abandonner une partie de leur carrière professionnelle et à la réintégrer dans des conditions qui ne sont pas bonnes.
    M. Denis Jacquat. Mais non !
    M. Jean-Pierre Brard. Quant à celles qui ont des petits salaires - je pense à ces couples qui sont au SMIC -, votre dispositif va les obliger à retourner au travail, parce qu'elles n'ont pas la liberté de choix. Pour avoir des droits à pension, il faut...
    M. Denis Jacquat. C'est Machiavel !
    M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr, c'est Machiavel !
    M. Georges Tron. Mais non !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Jacquat a tout compris : un esprit fin et une âme froide.
    M. Denis Jacquat. Parlant de Machiavel, c'est à vous que je faisais allusion, monsieur Brard !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 6095 à 6101.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 6102 à 6108.
    L'amendement n° 6102 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 6103 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 6104 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 6105 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 6106 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 6107 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 6108 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
            « Supprimer le I de l'article 31. »
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. La nouvelle rédaction proposée pour le premier alinéa de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires ne présente aucun intérêt puisqu'elle recopie mot pour mot, à un article près, la rédaction en vigueur. Pourquoi prolongez-vous inutilement le débat ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Richard Mallié. On aura tout entendu !
    M. Maxime Gremetz. Comme l'a dit Jean-Pierre Brard, vous faites semblant d'améliorer le sort des femmes, alors que vous avez refusé tous les amendements que nous vous avons proposés hier. Le présent amendement vise donc à supprimer un alinéa superflu. Cela nous fera gagner beaucoup de temps. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n° 6102 à 6108.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 6109 à 6115.
    L'amendement n° 6109 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 6110 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 6111 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 6112 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 6113 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 6114 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 6115 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le deuxième alinéa du I de l'article 31. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. La rédaction proposée pour le premier alinéa de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires est sans intérêt, car elle recopie presque mot pour mot la rédaction en vigueur. Je le constate une fois de plus, vous êtes à court d'idées et de propositions. La seule nouveauté est la référence à des conditions précises d'interruption d'activité qui semblent à certains égards plus restrictives.
    Nous, quand il y a des conditions restrictives, nous proposons de les supprimer. Il y a déjà suffisamment à faire pour les femmes et la famille, pour lesquels cette réforme n'apporte pas grand-chose, si ce n'est de façon négative.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 6109 à 6115.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 6011 à 6017.
    L'amendement n° 6011 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 6012 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 6013 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 6014 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 6015 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 6016 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 6017 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Au troisième alinéa de l'article 31, avant le mot : "décret, supprimer le mot : "un. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Ces amendements entendent faire en sorte que la rédaction du présent alinéa colle le plus parfaitement possible à celle du premier alinéa de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires. Je vous fais observer, monsieur le ministre, que le mot « un » ne précède pas le mot « décret » dans la rédaction actuelle.
    Je crois me souvenir que ces amendements avaient été acceptés en commission par M. le rapporteur.
    M. Pascal Terrasse. En effet.
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Si je me trompe, il va s'expliquer et nous donner la raison de son refus. Mais il me semble bien...
    M. le président. Monsieur Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. ... que c'était le cas.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission n'a pas jugé décisive la présence du mot « un » devant le mot « décret ». Elle a donc rejeté ces amendements dans le souci d'alléger ce texte qui ne compte que quatre-vingt-un articles. (Sourires.)
    M. Pascal Terrasse. C'était pourtant essentiel !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 6011 à 6017.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 6116 à 6122.
    L'amendement n° 6116 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 6117 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 6118 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 6119 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 6120 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 6121 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 6122 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le II de l'article 31. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, à la foire de Strasbourg, le 6 septembre 2002, le Premier ministre eut cette déclaration forte, lucide et autocritique - depuis, sous la pression de l'UMP, il a renoncé à porter un tel regard sur lui-même : « Un Premier ministre n'entend pas toujours la vérité. » Faisant preuve du même esprit d'ouverture, il déclarait aux assises des libertés locales, à Marseille, le 25 octobre de la même année : « Finalement, la politique c'est souvent de la dentelle : il faut tenir compte des uns et des autres. »
    Or que constate-t-on aujourd'hui ? Que M. le ministre ne tient compte que de l'avis de M. Jacquat. (Sourires.)
    M. Denis Jacquat. Merci.
    M. Jean-Pierre Brard. Même l'UDF, vous ne l'écoutez pas. A tel point d'ailleurs que ses membres, écoeurés, ont quitté l'hémicycle, laissant simplement M. Pierre-Christophe Baguet en sentinelle. Les autres sont retournés dans leur circonscription.
    M. le président. C'est ce qu'on appelle le point de croix !
    M. Jean-Pierre Brard. Pour certains, c'est plutôt le chemin de croix, qui mène au Golgotha, monsieur le président ! (Rires.)
    M. Denis Jacquat. Et la laïcité ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, nos amendements visent à supprimer le II de l'article 31. Sous prétexte de se mettre en conformité avec le droit communautaire en matière d'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, il modifie les modalités de la bonification pour enfant accordée aux femmes fonctionnaires. Désormais, le bénéfice de cette bonification est accordé aux hommes et aux femmes dès qu'ils ont interrompu leur activité, mais il est supprimé si la femme continue à travailler.
    Cette mesure est inacceptable. Seule la condition d'interruption d'activité devrait être réservée aux hommes. Les femmes sont toujours victimes d'inégalité professionnelle. Les discours déjà prononcés dans cet hémicycle devraient vous en convaincre, monsieur le ministre. En fait, c'est le principe même d'égalité que l'article 31 remet en cause, tant en droit du travail qu'en droit social. Vous dévoyez ce principe.
    L'égalité, monsieur le ministre, est un droit fondamental. Et les droits sociaux doivent être fondés sur ce principe pour deux raisons. La première, c'est le caractère indissociable des droits fondamentaux. Il existe ainsi des droits sociaux tout aussi fondamentaux que les droits civils et politiques, et qui ne leur sont pas inférieurs. La seconde tient au sens différent que l'on accorde à l'égalité.
    Longtemps, monsieur le ministre, la France a raisonné à partir d'une conception formelle et universalisante du principe d'égalité : « à situation comparable, traitement égal » ; « la loi est la même pour tous ». Si les femmes ont fait l'objet de dispositions spécifiques, c'est parce qu'elles étaient considérées dans une situation différente de par le rôle qu'elles jouaient dans la famille. Les mesures étaient dites « de compensation ». La politique familiale avait pour finalité d'accorder des droits à la famille pour encourager la natalité, ou plus exactement pour simplement la permettre.
    Aujourd'hui encore, évoquer le « libre choix » dans le discours officiel - rappelons-nous la dernière conférence de la famille - c'est envoyer un message ambigu, entériner l'assignation domestique des femmes ! La logique du Gouvernement est implacable : vous prônez l'égalité formelle et non réelle, vous renvoyez les femmes à la maison. La seule concession que je fais à M. Jacquat, c'est qu'elles n'y retrouveront pas forcément les fourneaux... grâce aux plaques électriques !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable. M. Brard, dans sa grande délicatesse, lit habituellement les textes avec attention. Il ne devrait pas défendre des amendements sans avoir lu précisément le texte qu'ils modifient. Car en l'espèce, le II de l'article 31 est totalement positif puisqu'il étend aux hommes la bonification d'un an qui existe aujourd'hui pour les femmes lorsqu'elles ont un enfant.
    M. Pascal Terrasse. C'est une validation, pas une bonification.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. C'est une bonification, je le répète. Je vois, monsieur Terrasse, que vous confondez complètement bonification et validation. C'est une bonification, et en ce sens l'amendement que je vous proposerai tout à l'heure apportera une avancée, comme d'ailleurs le dispositif proposé par le Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur Brard, même si aujourd'hui nous sommes tous aux fourneaux, il faut éviter d'être à côté de la plaque. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Belle tentative, monsieur le ministre !
    M. André Schneider. Ce n'est plus une assemblée, mais le salon des arts ménagers !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. D'autant plus que le courant était en train de passer... (Sourires.) Quant au chemin de croix, il convient de distinguer ceux qui cherchent à crucifier de ceux qui veulent ressusciter. (Mêmes mouvements.)
    M. le président. J'ai bien fait de venir ce matin !
    M. Georges Tron. Nous aussi !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. En réalité, le choix offert aux femmes est totalement ouvert. Pourquoi ? Avec un temps partiel familial, les couples ou les femmes qui n'ont pas des revenus élevés touchent l'allocation parentale d'éducation qui peut aller jusqu'à 450 euros par mois. En comparaison de la situation où le temps partiel familial, qui vaut validation pour période d'assurance et de pension, se combine avec l'allocation parentale qui permet d'éviter les frais de garde, les femmes cadres qui ne veulent pas sacrifier leur carrière peuvent sembler pénalisées. C'est la critique paradoxale qui nous a été faite : elles seraient obligées de s'arrêter pour élever leur enfant. L'amendement du rapporteur pourra éventuellement apporter une réponse à ce problème, mais, en tout état de cause, cela prouve que notre projet est réellement de nature sociale.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une réponse brève.
    M. Jean-Pierre Brard. On voit bien que le Gouvernement et le rapporteur sont en difficulté : je parle d'une chose et le rapporteur d'une autre. Il essaie de se cacher derrière le fait qu'on accorde aux hommes, parce que la jurisprudence européenne nous y oblige, le même avantage qu'aux femmes en voulant nous faire oublier qu'on supprime par la même occasion un dispositif qui profitait jusqu'à présent aux femmes. Monsieur Accoyer, la rhétorique ne peut effacer vos turpitudes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Quant à vous, monsieur le ministre, je ne voudrais pas être à votre place le jour du Jugement dernier. D'abord, votre confession risque d'être longue, tant vos péchés sont nombreux - je crains même qu'il n'y en ait de mortels dans le lot... (Sourires.)
    M. Pierre-Christophe Baguet. Il se prend pour Dieu, maintenant ! C'est incroyable !
    M. Charles Cova. Le révérend-père Brard !
    M. Georges Tron. C'est une convertion ! (Sourires.)
    M. André Schneider. Après les arts ménagers, c'est la Sainte-Chapelle !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous risquez fort de ne pas être au frais pendant cette longue période qu'est la vie éternelle !
    M. le président. Monsieur Brard, il faut rester sur le terrain de la laïcité ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Notez bien, monsieur le président, que je n'affiche aucun signe extérieur ! (Mêmes mouvements.)
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. Je renvoie le ministre à l'article L. 9 qui précise que le temps passé dans toute position statutaire ne comportant pas l'accomplissement de services effectifs ne peut entrer en compte dans la constitution de droits à pension. Dès lors, une femme en congé parental est-elle considérée comme étant en service effectif ?
Je voudrais que vous répondiez par oui ou par non à cette question capitale. Envisageons le cas d'une personne avec trente et un ans de services effectifs et neuf ans de congé parental. Aura-t-elle une retraite à taux plein qui ne sera pas calculée au prorata du temps passé en activité ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je suis un peu surpris car je n'ai cessé de le répéter : cela vaut service effectif.
    M. Pascal Terrasse. Très bien, monsieur le ministre.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 6116 à 6122.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 6039 à 6045.
    L'amendement n° 6039 est présenté par Mme Buffet, M. Sandrier et M. Lefort ; l'amendement n° 6040 par MM. Bocquet, Biessy, Desallangre et Braouezec ; l'amendement n° 6041 par MM. Dutoit, Asensi et Gerin ; l'amendement n° 6042 par Mme Fraysse, M. Chassaigne et M. Brunhes ; l'amendement n° 6043 par Mme Jacquaint, M. Vaxès et M. Hage ; l'amendement n° 6044 par M. Gremetz, M. Daniel Paul et Mme Jambu ; l'amendement n° 6045 par MM. Liberti, Goldberg et Brard.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le b du II de l'article 31. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Ces amendements sont défendus.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 6039 à 6045.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Baguet a présenté un amendement, n° 1854, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa du II de l'article 31, substituer par trois fois aux mots : "1er janvier, les mots : "1er septembre. »
    La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.
    M. Pierre-Christophe Baguet. J'avais déposé cet amendement pour trois raisons. Premièrement, il tient compte du retard qu'ont pris nos travaux,...
    M. le président. C'est un amendement de coordination.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Oui, avec l'article 27. Mais il est important d'en parler.
    Deuxièmement, il fixe un délai raisonnable destiné à permettre une bonne information après la confusion du débat et la désinformation répandue par nos collègues communistes. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Monsieur Baguet !
    M. Pierre-Christophe Baguet. Troisièmement, un tel délai laisserait aux fonctionnaires qui le souhaitent la possibilité de concevoir un enfant avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1854.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi des amendements identiques n°s 11152 à 11161, respectivement présentés par Mmes Adam, Bousquet, Carillon-Couvreur, Clergeau, Génisson, Lacuey, Lignères-Cassou, Hélène Mignon, M. Roman et Mme Royal.
    Ces amendements sont ainsi libellés :
    « Au b du II de l'article 31, après les mots : " dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004 , rédiger ainsi la fin de cet alinéa : " , les femmes fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs. Une négociation s'engage à compter de la publication de la loi n° portant réforme des retraites pour déterminer les conditions dans lesquelles ce dispositif pourrait être étendu aux hommes . »
    J'indique que je suis d'ores et déjà saisi par le groupe des députés-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public sur le vote de l'article 31.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Pascal Terrasse.
    M. Pascal Terrasse. La réforme proposée ne peut venir remettre en cause, pour les femmes ayant eu des enfants, la bonification qui leur était jusqu'ici attribuée. Cette bonification vise à compenser tout à la fois les interruptions effectives d'activité mais également la réalité, moins directement mesurable, des charges supplémentaires supportées par les mères pour mettre au monde et élever leurs enfants.
    La bonification ne saurait être réservée aux seules femmes mais elle ne peut, dans leur cas, être soumise aujourd'hui à condition, sauf à introduire à leur détriment une mesure rétroactive. Il est donc proposé de ne pas conditionner plus fortement la bonification accordée aux femmes que ne le fait le droit actuel, et de renvoyer à une négociation les modalités d'une éventuelle extension de la bonification existant avant le 1er janvier 2004 à des agents de la fonction publique de sexe masculin qui auraient effectivement interrompu leur carrière pour élever des enfants.
    Je le répète, nous aurions pu tirer les conclusions de la décision prise par la Cour européenne de justice en égalisant par le haut la situation des hommes et des femmes. M. Griesmar n'a-t-il pas pu bénéficier de cette avancée ? Nous pensions qu'un tel dispositif pourrait être généralisé à compter du 1er janvier 2004.
    Tel n'est pas le choix retenu par le Gouvernement. En réalité, vous avez préféré mettre fin à une mesure favorable aux femmes fonctionnaires. Nous le regrettons et, à travers ces amendements, nous souhaitons modifier profondément vos propres propositions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Je suis surpris : des parlementaires devraient donner l'exemple en matière de respect de la loi. La Cour de justice des communautés européennes s'est appuyée sur l'article 141 du traité de Rome pour rendre inopérant le dispositif de bonification pour enfant accordé jusqu'à présent aux femmes fonctionnaires.
    Or, ces amendements prévoient une inégalité de traitement particulièrement évidente en faveur des femmes. Même si, à titre personnel, nous convenons qu'il est indispensable de trouver une solution pour respecter et tenir compte de la charge particulière, de la contrainte spécifique que constitue la maternité pour les femmes fonctionnaires, la nature très particulière de la fonction publique dans notre pays, qui assimile la retraite à un traitement différé, rend cette proposition inacceptable. C'est pour cette raison que les amendements ont été repoussés par la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 11152 à 11161.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de onze amendements n° 1852 et n° 1852 et n°s 3080 à 3088 et 3091, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 1852, présenté par M. Baguet, est ainsi rédigé :
    « A la fin du deuxième alinéa du II de l'article 31, substituer aux mots : "dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les mots : "dans le cadre d'un congé pour maternité, pour l'adoption ou d'un congé parental prévus par les articles 34-5° et 54 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et sous réserve que la durée de l'interruption soit au moins égale à deux mois. »
    Les amendements n°s 3080 à 3088 et 3091, respectivement présentés par Mmes Adam, Bousquet, Carrillon-Couvreur, Clergeau, Génisson, Lacuey, Lignères-Cassou, Hélène Mignon ; M. Roman et Mme Royal, sont ainsi rédigés :
    « Au b du II de l'article 31, faire suivre les mots : "dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat par les mots : "et notamment dans le cas d'un congé maternité ou d'adoption. »
    La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour soutenir l'amendement n° 1852.
    M. Pierre-Christophe Baguet. Il s'agit pour nous d'un amendement important. A l'origine, l'ancien article 32 du projet de loi, aujourd'hui article 31, décrivait précisément les différentes interruptions d'activité permettant aux hommes et femmes fonctionnaires de bénéficier d'une bonification d'un an maximum par enfant. Parmi celles-ci figurait l'interruption dans le cadre d'un congé pour maternité. Cette possibilité rendait finalement automatique la bonification d'une durée d'un an pour les mères de famille fonctionnaires.
    Or, je voudrais absolument avoir la garantie, monsieur le ministre, que les congés maternité pris antérieurement et postérieurement à l'accouchement seront bien pris en compte pour donner droit à cette bonification d'une année, même s'ils n'ont pas été prolongés par un congé pathologique.
    M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir les amendements n°s 3080 à 3088 et 3091.
    M. Pascal Terrasse. Nos amendements ont le même objet. Je crains, à lire l'exposé des motifs de notre collègue M. Baguet, que le Gouvernement ne puisse répondre favorablement à son interrogation ; tout le débat - au total cinq ou six heures en comptant celles que nous y avons passées hier - met en évidence un recul, sinon une remise en cause de nature à affecter l'ensemble de la politique familiale. La délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes avait elle-même montré du doigt ce dispositif, qu'elle jugeait contraire aux intérêts des femmes.
    Le groupe socialiste partage la position du groupe UDF et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Même dans vos rangs, monsieur le ministre, certains s'interrogent. Du reste, la modification - partielle - que veut proposer M. le rapporteur démontre la réalité de ce recul. Reconnaissez-le !
    Je persiste à penser que, sur la base de l'arrêt de la Cour européenne de justice, nous avons la possiblité de modifier les choses. Regardons de près l'arrêt Griesmar : ce monsieur bénéficie désormais de la bonification, puisqu'il a gagné son procès. Dès lors, il était possible de généraliser le système. Reste le problème de son coût, élevé, pour la collectivité. Vous l'avez reconnu hier à juste titre. Débattons-en : permettre à des femmes d'avoir des enfants, qu'elles interrompent ou non leur carrière professionnelle, cela a évidemment un coût pour la société. Mais dès lors qu'on parle de réforme de retraites, d'un dispositif liant les générations entre elles, une politique nataliste et démographique, tout comme la politique de l'emploi, devient un élément essentiel. Et cela, en toute honnêteté, n'a pas de prix. Vous n'entendez pas en tenir compte. Bien évidemment, nous le regrettons, nous associant à l'ensemble des groupes, de la majorité comme de l'opposition, qui désapprouvent ce choix.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission n'a pas accepté ces amendements, les jugeant particulièrement restrictifs par comparaison à ce qui devra obligatoirement figurer dans le décret en Conseil d'Etat. Le congé de présence parentale, pour ne prendre que cet exemple, n'est pas pris en compte.
    M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 1852, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je me propose de répondre aux deux orateurs, puisque leurs amendements ont le même objet.
    M. le président. Répondez à qui vous voulez !
    M. Pascal Terrasse. Répondez d'abord à vos alliés !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je remercie M. Baguet de sa vigilance. Il pouvait effectivement apparaître incompréhensible que le congé maternité ne soit pas considéré comme période validante. Je veux le rassurer, et avec lui M. Terrasse : le congé de maternité figurera bien dans le décret, tout comme le congé de paternité, mais aussi le congé d'adoption. Dans notre esprit, je veux le confirmer, la prise en compte du temps familial partiel s'appliquera dans tous les cas, que l'enfant soit adopté ou né de ses parents.
    M. Maxime Gremetz. Les décrets, je n'y crois pas !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. M. Terrasse a fait état de la nécessité d'une politique nataliste comme d'une politique de l'emploi. Nous avons la conviction - mais on peut ne pas la partager - que la validation, telle que nous le proposons, des périodes de congé ou d'interruption d'activité pour s'occuper des enfants représente dans tous les cas un coût pour la société. Validation gratuite, certes, mais la gratuité n'existe pas. Qui dit gratuité pour le bénéficiaire dit prise en charge au titre de la solidarité, conformément à notre volonté de favoriser au mieux l'épanouissement de la femme, dans l'exercice de sa profession comme dans son exercice parental, et celui de l'enfant auprès de ses parents.
    M. le président. Au bénéfice de ces explications, monsieur Pierre-Chistophe Baguet, retirez-vous votre amendement ?
    M. Jean-Pierre Brard. M. Baguet a malheureusement très bien compris...
    M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, je fais évidemment confiance au Gouvernement pour la rédaction du décret. Mais je voudrais être sûr que nous nous sommes bien compris : une personne qui accouche et qui bénéficie donc d'un congé de maternité de neuf semaines - ou onze semaines après le troisième enfant - aura-t-elle bien droit à la validation d'un an, comme, c'était le cas jusqu'à présent. J'ai l'impression que, sur ce point précis, nous ne nous sommes pas bien compris, monsieur le ministre.
    M. Pascal Terrasse. Malheureusement, ce n'est pas cela du tout !
    Mme Muguette Jacquaint. Oh non, ce n'est pas cela !
    M. le président. Monsieur Baguet, avez-vous retiré votre amendement ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. Non, monsieur le président. J'aimerais bien que le ministre me réponde.
    M. Maxime Gremetz. De toute façon, il sera repris !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. La philosophie de la loi nous est dictée par la juridiction européenne. Que dit l'arrêt Griesmar ? Au principe de l'éducation, la Cour a condamné la France à étendre le dispositif à tous ceux qui s'occupent de leurs enfants, homme ou femme, ce qui, paradoxalement, revient à remettre en cause le mécanisme de compensation dont seules les femmes pouvaient bénéficier.
    Mme Muguette Jacquaint. Eh bien voilà ! Alors ne dites pas que nous sommes à côté de la plaque !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Mais c'est ce que nous avons toujours dit !
    On ne peut pas, monsieur Terrasse, dire que l'on va déférer la loi sitôt votée devant les instances du droit européen et en même temps rejeter le fait que le droit communautaire impose d'adapter notre législation en la matière.
    M. Georges Tron. Absolument !
    M. Maxime Gremetz. Et voilà ! C'est à cause du droit communautaire ! Comme pour le travail de nuit des femmes !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous ne faisons que rappeler l'état du droit. Dès lors que nous étions contraints, depuis ce fameux arrêt, à réfléchir à un autre dispositif afin de préserver l'avantage accordé aux femmes, nous avons dû abandonner le mécanisme de la bonification - celle-ci reste toutefois applicable pour les enfants nés avant 2004 -, pour adopter un nouveau système à compter du 1er janvier 2004,...
    M. Georges Tron. Très bien !
    M. Pascal Terrasse. M. Bacquet a sa réponse !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... qui nous paraît répondre aux exigences de la femme moderne...
    M. Denis Jacquat. C'est exact !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. ... en permettant une validation de trois ans d'inactivité ou d'activité à temps partiel dans le cadre du temps partiel familial. C'est donc une nouvelle politique que nous menons pour tenir compte du droit communautaire.
    M. Georges Tron. Absolument !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Elle nous paraît de nature à offrir plus de possibilité de choix, plus de capacité à concilier vie professionnelle et vie familiale. Ajoutons qu'elle a, par rapport à l'allocation parentale d'éducation, le mérite de répondre au problème des femmes touchant des bas revenus dans la mesure où elle pourront bénéficier en même temps et du temps partiel de et l'allocation parentale d'éducation, économisant ainsi les frais de garde.
    M. Maxime Gremetz. Les femmes ne vous croient pas !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Voilà la réponse précise...
    M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas clair !
    M. le président. Je vous en prie !
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Pour reprendre les épîtres de M. Brard, si je continue à prêcher, ce n'est pas pour chercher à vous convaincre. Je cherche seulement à rassembler le maximum de fidèles autour de ma pensée. (Sourires.)
    M. le président. Nous verrons dans un instant s'ils sont rassemblés...
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Le plus important et le plus intéressant, c'est de percevoir la différence entre les croyants et les incroyants ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Baguet, retirez-vous votre amendement ?
    M. Pierre-Christophe Baguet. J'avais bien compris, et c'est la raison pour laquelle nous avions déposé cet amendement. Même si tout cela résulte d'une décision européenne - on sait combien nous sommes sensibles à cet aspect des choses -, nous le maintenons. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour répondre au Gouvernement !
    M. le président. Non, monsieur Brard. On a beaucoup parlé et on a répondu. Du reste, le scrutin est annoncé.
    M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement ne peut quand même pas avoir toujours le dernier mot, monsieur le président !
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 1852.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   49
Nombre de suffrages exprimés   49
Majorité absolue   25
Pour l'adoption   13
Contre   36

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques n°s 3080 à 3088 et 3091.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Le Gouvernement a présenté un amendement, n° 11197 rectifié, ainsi rédigé :
    « Après le cinquième alinéa de l'article 31, insérer l'alinéa suivant :
    « b bis la bonification prévue au b ci-dessus est acquise aux femmes fonctionnaires ou militaires ayant accouché au cours de leurs années d'études, antérieurement à leur recrutement dans la fonction publique, dès lors que ce recrutement est intervenu dans un délai de deux ans après l'obtention du diplôme nécessaire pour se présenter au concours, sans que puisse leur être opposée une condition d'interruption d'activité. »
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. L'amendement n° 11197 rectifié s'efforce de traiter le problème créé par les jurisprudences en procédant différemment pour le passé et pour le futur. Il permet de tenir compte des désavantages subis par les fonctionnaires féminins dans le déroulement de leurs études du fait de leurs éventuels accouchements au cours de cette période. Lorsque ces études ont été allongées ou perturbées en raison de ces accouchements, l'entrée dans la vie active a été plus tardive et le déroulement de la carrière moins favorable. En conséquence, les droits à pension sont moins élevés. L'objectif est de compenser ce désavantage par une prise en compte gratuite d'une période d'un an couvrant le temps de la grossesse et le congé de maternité consécutif à la naissance de l'enfant dans la constitution du droit à pension. Cette disposition est compatible avec la jurisprudence européenne.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission a adopté cet amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11197 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Cova a présenté un amendement, n° 10786, ainsi rédigé :
    « Compléter le c du II de l'article 31 par les mots : ", notamment pour services à la mer et outre-mer. »
    La parole est à M. Charles Cova.
    M. Charles Cova. La modification proposée vise à mettre l'accent sur deux applications spécifiques des bonifications, outre-mer et pour services à la mer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. La commission, jugeant la précision inutile, n'a pas accepté cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Même avis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10786.
    (L'amendement est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. M. Accoyer, rapporteur, a présenté un amendement, n° 5028 rectifié, ainsi rédigé :
    « I. - Supprimer le septième alinéa de l'article 31.
    « II. - En conséquence, compléter cet article par le paragraphe suivant :
    « B. - Les dispositions du b du II de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite issues de la rédaction du A s'appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Bernard Accoyer, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Sagesse. Nous aurions préféré une rédaction positive.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5028 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 885, portant réforme des retraites :
    M. Bernard Accoyer, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 898) ;
    M. François Calvet, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 895) ;
    M. Xavier Bertrand, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 899) ;
    Mme Claude Greff, rapporteure au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information n° 892).
    A vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 1re séance
du vendredi 27 juin 2003
SCRUTIN (n° 258)


sur l'amendement n° 1852 de M. Baguet à l'article 31 du projet de loi portant réforme des retraites (bonification pour enfant).

Nombre de votants

49


Nombre de suffrages exprimés

49


Majorité absolue

25


Pour l'adoption

13


Contre

36

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe U.M.P. (363) :
    Contre : 36 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (149) :
    Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (30) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (13).