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Première séance du jeudi 1 juillet 2004

1ère séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte, le jeudi 1er juillet, à zéro heure.)

    1

OUVERTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003-2004

M. le président. En application de l'article 29 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire de 2003-2004.

    2

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion générale (suite)

M. le président. Au cours de la dernière séance de la session ordinaire, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Dans la suite de cette discussion, la parole est à M. Marc Bernier.

M. Marc Bernier. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, notre système d'assurance maladie, né de la volonté du général de Gaulle en 1945, constitue un modèle du genre, souvent envié par nos voisins européens. Nous y sommes tous légitimement attachés.

Cependant, son déficit croissant, qui risque de s'aggraver encore sous le triple effet de l'allongement de la durée de la vie, des progrès médicaux et de l'augmentation du recours aux soins, rend son avenir incertain et risque de compromettre sa pérennité pour les générations futures.

D'aucuns estiment que la réforme de l'assurance maladie ne doit changer en rien leur quotidien et leurs privilèges sociaux et vont jusqu'à suggérer qu'on se garde d'y toucher et qu'on laisse à nos successeurs le soin de s'en préoccuper. Eh bien, sachez que je ne suis pas de ceux-là !

J'ai entendu d'autres personnes dire ici même que la réforme doit apporter toujours plus d'avantages et plus de services, et qu'il faudrait aller plus loin. Mais avec quel argent ? Quel financement ? Si la France peut vivre au-dessus de ses moyens, soit ! Mais, étant donné la conjoncture actuelle et les déficits qui se creusent d'année en année, je doute que nous puissions nous offrir le luxe de tenir ces raisonnements d'enfants gâtés.

L'urgence et la priorité de cette réforme impliquent donc que la nation tout entière, au travers de ses représentants élus, soit unie et dépasse les clivages politiques. Pour y parvenir, la réforme doit être juste, en responsabilisant à la fois les patients et les médecins, qu'ils soient libéraux ou hospitaliers. Et c'est précisément ce que nous propose le Gouvernement.

Il nous faut aussi accepter une évolution profonde de nos pratiques et de nos habitudes, ainsi que la réorganisation des soins par le rapprochement indispensable entre l'hôpital et la médecine de terrain. Un tel rapprochement pourrait se traduire de façon efficiente par la création de postes à temps partiel de praticiens hospitaliers en médecine générale, pouvant être occupés par des médecins libéraux.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Marc Bernier. Cette idée méritera d'être approfondie après l'adoption de la réforme dont nous débattons actuellement.

Les patients devront en outre accepter d'adapter leurs comportements à la création du dossier médical personnel informatisé, obligatoire, universel, confidentiel et sécurisé. Il en résultera une amélioration de la qualité des soins, une meilleure coordination de l'exercice de la médecine grâce à un travail en réseau, ainsi que des économies substantielles.

Cette innovation mérite d'être saluée et je tiens à souligner que l'expérience menée en Mayenne, à l'initiative du Conseil de l'ordre des médecins, associant libéraux et hospitaliers, a été favorablement accueillie par les patients.

Mais la réforme de l'assurance maladie n'est qu'une étape : la préservation d'un système de soins de qualité, offert de façon équitable sur l'ensemble du territoire national, doit également passer par une redéfinition de la répartition territoriale des professions de santé, comme je le préconisais dans mon rapport sur l'égalité des citoyens devant l'offre de soins. Nous devrons donc poursuivre cette réforme par une réflexion approfondie sur la permanence des soins, tout particulièrement dans des zones déficitaires telles que les territoires ruraux.

Il faudra renforcer les mesures destinées à inciter les praticiens à s'installer dans les zones sous-médicalisées et à se regrouper avec les professions paramédicales au sein de « pôles santé ».

Je considère donc que cette réforme structurelle, que vous avez élaborée avec l'ensemble des acteurs de la santé, répond à une urgence, celle de sauvegarder ce régime d'assurance maladie qui est au cœur du pacte républicain, tout en préservant et en consolidant les principes fondamentaux de la protection sociale auxquels les Françaises et les Français sont profondément attachés.

C'est pourquoi, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'État, j'apporte un soutien sans réserve à ce projet ambitieux et d'intérêt national, qui vise à éviter, pour nous-mêmes et pour nos enfants, l'implosion de l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci.

M. Simon Renucci. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'accès aux soins de qualité pour tous et sur tout le territoire est un droit fondamental et un élément essentiel de notre pacte social.

Des soins de qualité, un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé, un financement pérenne et solidaire : tels sont les principes fondateurs de 1945, qui ouvrirent une période historique au cours de laquelle s'est construit entre les Français un pacte social original auquel ils restent, soixante ans plus tard, très profondément attachés.

L'allongement de la durée de la vie et la mise au point de nouvelles thérapeutiques et techniques d'exploration entraîneront une croissance continue et inéluctable des dépenses de santé. N'oublions pas, monsieur le ministre, que cette évolution est somme toute heureuse !

Notre société doit se montrer capable de l'assumer, l'objectif étant de mieux répondre aux attentes et aux besoins de la population et des personnels de santé. Nous devons avoir pour ambition de garantir à chacun le même droit à la santé.

Notons au passage, mes chers collègues, que les dépenses de santé par an et par personne en France, qui s'élèvent à environ 2 500 euros, se situent dans la moyenne des pays de l'OCDE, et surtout loin derrière les États-Unis, où elles représentent 4 600 euros, ce qui tend à prouver qu'un système de protection sociale largement privé et concurrentiel ne produit pas plus d'économies.

M. Richard Mallié. La comparaison est hasardeuse !

M. Simon Renucci. Pour l'instant, les pauvres souffrent beaucoup moins en France qu'aux États-Unis, monsieur Mallié !

Devant l'accumulation abyssale des déficits, le Gouvernement avait un devoir et disposait d'une véritable opportunité pour préparer une vraie réforme du système de santé. Or, selon tous les économistes de la santé, son projet ne réglera même pas le problème du financement de l'assurance maladie !

Comment en est-on arrivé là ?

Vous avez décidé d'isoler la question de l'assurance maladie de la question de la santé dans son ensemble. C'est là le point majeur. En ne posant le problème qu'en termes de prix et de tarifs, vous faites du patient un acheteur de soins. La stricte logique comptable de l'assurance maladie vous aveugle, alors qu'il aurait fallu dès à présent réformer les politiques de santé.

En stigmatisant la fraude, vous prenez le risque de verser dans la démagogie : rappelez-vous de l'épisode de la carte Vitale ! La culpabilisation des Français sert à justifier subrepticement le déremboursement des médicaments, la mise en place d'une franchise sur chaque consultation et la nouvelle augmentation du forfait hospitalier.

Vous choisissez en outre de faire porter l'effort sur les seuls salariés et retraités, qui subiront dès le 1er janvier 2005 l'augmentation de la CSG alors que les entreprises, une nouvelle fois, ne seront pas sollicitées. L'impopularité de telles mesures montre bien leur injustice.

Je le répète, chacun sait aujourd'hui que les services du ministère des finances ont indiqué que votre projet ne réglera même pas le problème du financement de l'assurance maladie. La dette sociale est reportée, sans même être limitée, sur les générations futures.

En matière de pilotage, on a coutume de dire que notre système est aveugle, mais ce texte ne rénove nullement le paritarisme : il donne au contraire tous les signes d'une apparente étatisation. En effet, les prérogatives d'assurance maladie sont mises entre les mains d'un « super-directeur » de l'union des caisses d'assurance maladie, qui prendra seul les décisions nécessaires aux respects des objectifs fixés par le Parlement.

L'union des organismes complémentaires, dont les prérogatives sont bien floues, apportera pour sa part plus d'interrogations que de réponses claires

Quant à l'échelon régional, il est oublié : c'est notamment le cas des unions régionales des médecins libéraux, auxquelles vous savez que je suis très attaché, et dont le rôle en matière de prévention, de formation et d'évaluation est largement reconnu.

Au total, nous assistons à une étatisation apparente du pilotage, sans coordination lisible et sans évaluation ni contrôle.

Votre projet aurait dû permettre de démarrer sur de nouvelles bases et de s'engager dans ce qui est la véritable réforme : la réorganisation de l'offre de soins. Or comment aborder ce sujet sans poser la question de la place de l'hôpital, grand absent de votre texte ?

Vous engagez bien quelques travaux, dont le plus important, selon moi, est le dossier médical personnel. Je souscris à son principe, mais la date de sa mise en place, le 1er juillet 2007, me paraît bien optimiste et son impact financier largement surestimé. Cette mesure étant d'abord l'affaire des malades et des médecins, elle ne pèsera pas tout de suite sur l'organisation du système de soins.

Sur cette ample question, permettez-moi de vous indiquer trois pistes.

Premièrement, il faut rapidement mettre en œuvre un plan global de formation, notamment de formation à l'évaluation et à la gestion des réseaux de santé, en direction des médecins et des partenaires de santé. De même, les missions de l'hôpital public doivent être revalorisées, grâce notamment à la renégociation des conditions d'application de la tarification à l'activité, et les pratiques évaluées. Ce sont des conditions essentielles à la maîtrise des dépenses de santé. Pour autant, votre projet ne comporte pas de données tangibles ; or on ne saurait parvenir à une réduction des dépenses sans une véritable coordination des soins et sans l'instauration d'authentiques réseaux de santé, comme vient de le rappeler Paulette Guichard-Kunstler.

Deuxièmement, il faut assurer la continuité des soins et la coordination entre la médecine de ville et l'hôpital. Ce décloisonnement est indispensable si l'on veut répondre efficacement aux besoins d'usagers de plus en plus soucieux du bon suivi de leur santé. Ce n'est que dans ce cadre que le dossier médical personnel accompagnera efficacement la réorganisation du système de soins : il est fallacieux de laisser croire qu'il pourra s'y substituer

M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Renucci. Vous avez déjà dépassé de trois minutes votre temps de parole.

M. Simon Renucci. Je conclus, monsieur le président.

Le dossier médical personnel peut devenir un outil efficace de santé publique et de réduction des coûts, mais il suppose la participation active des médecins libéraux ; or ils sont eux aussi absents de ce texte.

Troisièmement, pour garantir l'égalité d'accès aux soins, il faut une offre géographique adéquate. À cet effet, il est nécessaire d'engager une réflexion en association avec les professionnels de santé, dans le cadre d'un projet d'aménagement du territoire cohérent.

Il convient par ailleurs d'accorder une place plus importante à la prévention par pathologie et par population, en développant par exemple la médecine scolaire et la médecine du travail. Si le coût peut paraître élevé lors de la mise en place, les effets à plus long terme sont très bénéfiques. Sur ce point également, le projet de loi est lacunaire

C'est un chantier est immense et passionnant que celui-ci, monsieur le ministre, et j'aurais aimé trouver dans votre projet des éléments qui m'auraient permis de m'y associer. Mais vous faites peser la charge de la dette et de la réforme sur les épaules des générations futures et alimentez l'idée que le système est structurellement déficitaire et incapable de se réformer.

La réforme est urgente et indispensable. Elle mérite l'engagement de tous. Au cours de ce débat, mes collègues du groupe socialiste et moi-même défendrons nos propositions, que nous croyons justes pour les Français. C'est une certaine idée de l'homme et de la solidarité qui est en jeu.

Vous proposez pour votre part une étatisation apparente qui se traduira par une gouvernance inefficace et aveugle. Telle que vous l'organisez, l'offre de soins favorisera une médecine à deux vitesses, et même à trois, si l'on pense à ceux qui ne bénéficieront plus d'aucuns soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Permettez-moi de vous signaler, monsieur Renucci, que vous auriez pu résumer en une phrase de conclusion les quatre pages que vous avez lues en dépit de mon avertissement.

La parole est à M. Jean-Yves Hugon.

M. Jean-Yves Hugon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pourquoi une réforme de l'assurance maladie et qu'en attend-on ?

Le député que je suis regrette le défaut de pédagogie des gouvernements précédents pour intéresser le citoyen aux questions touchant à sa protection sociale.

La première réforme qui aurait, depuis longtemps, mérité d'être entreprise, était une réforme associant davantage le citoyen au mécanisme de protection sociale hérité de l'histoire, de la souffrance des hommes et de la volonté commune de « faire ensemble », afin d'organiser la solidarité.

J'aborde la réforme de l'assurance maladie à partir d'un double questionnement : comment favoriser la responsabilité et la responsabilisation de tous ? Comment susciter l'attachement de chacun à ce système pour ne pas détruire l'acquis et préserver l'indispensable solidarité entre tous ?

La sécurité sociale, c'est nous tous : les assurés sociaux, les ayants droit, les professionnels et les auxiliaires de santé ainsi que tous les acteurs de la vie économique, à tous les instants de l'existence.

Comme chacun d'entre vous, mes chers collègues, j'en suis sûr, je suis attaché au maintien de notre système de protection sociale, tout en ayant conscience de la nécessité de le réformer étant donné les constats douloureux que nous faisons : près de 13 milliards d'euros de déficit en 2004, soit 23 000 euros par minute ; des tricheries inacceptables - des milliers de fraude à la carte Vitale ; des abus incontrôlés ; un effondrement total de la volonté politique de consolider l'édifice « sécurité sociale » lorsqu'il en était encore temps, pendant les années de forte croissance.

Du nouveau mode de gouvernance que vous nous proposez, messieurs les ministres, je retiens que l'État reste garant des principes fondamentaux qui gouvernent notre système de soins et d'assurance maladie. Cette orientation me convient car elle confirme l'État dans sa mission régulatrice de l'institution sociale, tant pour ce qui concerne la santé publique, l'égal accès de tous à des soins de qualité, que le maintien des différents régimes sociaux dans des conditions viables.

Je retiens que la mise en place, par le biais d'une Haute autorité de santé, d'une structure indépendante permettra d'évaluer les produits de santé, les pratiques médicales, les processus diagnostiques et thérapeutiques.

Le travail de cette haute autorité aura pour objectif de rendre possible des accords avec les professionnels sur les conditions de remboursement des soins par l'assurance maladie et les organismes de protection complémentaires.

Ce n'est pas en effet aux hommes politiques, ni aux syndicats de dire quel médicament est efficace !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Vous avez raison !

M. Jean-Yves Hugon. Je retiens encore que les trois principaux régimes seront regroupés au sein d'une Union nationale des caisses d'assurance maladie.

Cette Union nationale aura un rôle important d'initiative et de proposition pour la gestion du domaine remboursable par l'assurance maladie. A ce stade du débat, je défendrai un amendement pour que les associations familiales soient enfin représentées dans les conseils d'administration de ces caisses. Je ne sais pas si je serai entendu.

Je retiens enfin que la création d'un Institut des données de santé rendra possible la centralisation de l'ensemble des données disponibles sur les pathologies et les soins.

J'ai bien conscience, dans un temps d'intervention aussi court, de n'aborder qu'une infime partie de cette réforme, mais je ne veux pas terminer ce propos sans vous féliciter d'avoir enfin responsabilisé l'ensemble des acteurs...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Très bien !

M. Jean-Yves Hugon. ...en proposant : une participation, même modique, de 1 euro par consultation, en prenant soin d'en exclure les jeunes, les femmes enceinte et les bénéficiaires de la CMU ; une sanction graduée des médecins exagérément prescripteurs d'arrêts de travail - avertissement d'abord, amende ensuite, déconventionnement enfin ; des sanctions à l'encontre des patients abusant des mêmes arrêts de travail - en augmentation de 40 % entre 1997 et 2002 ! - et des chefs d'entreprise qui confondent arrêt de longue durée et préretraite !

Mes chers collègues, messieurs les ministres, cette réforme, nous l'avons bien compris, exige de nous tous un changement de comportement. J'ai confiance dans l'esprit de responsabilité de nos compatriotes lorsqu'il s'agit de défendre une cause nationale et lorsque les enjeux sont clairement expliqués.

Ils ont prouvé qu'ils savaient changer de comportement pour combattre ensemble l'insécurité routière et sauver des vies humaines. Ils prouveront, j'en suis sûr, qu'ils sont capables ensemble de sauver notre système de protection sociale.

Je suis d'ailleurs persuadé que la clarté de votre communication et votre détermination affichée ont déjà incité les Françaises et les Français à modifier leurs comportements et leurs pratiques.

Mes chers collègues, messieurs les ministres, voter une loi c'est bien, et je voterai celle-ci sans état d'âme, mais l'appliquer c'est encore mieux. C'est pourquoi je serai très attentif au respect du calendrier de la signature des décrets d'application. Et je serai aussi au rendez vous du « service après vote » pour accompagner sur le terrain l'exécution de cette réforme fondamentale pour notre cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Remarquable !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Après plusieurs semaines de discussions ou de concertation avec les partenaires sociaux et les acteurs de la santé, vous nous nous présentez, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale et monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, un projet de réforme de l'assurance maladie solide, cohérent et qui, surtout, prépare l'avenir.

Très honnêtement, je me félicite que le dialogue social ait permis d'améliorer le texte sur plusieurs points, et de parvenir à un consensus global sur l'architecture de la réforme : amélioration de l'organisation et du fonctionnement du système de soins, clarification des responsabilités entre les acteurs et redressement des comptes.

Deux points me paraissent importants : vous nous présentez, d'une part, une réforme globale structurelle pour pérenniser notre système de santé et, d'autre part, un plan de financement équilibré, qui repose sur un effort partagé.

J'ai le sentiment très net que cette réforme, structurelle et non conjoncturelle, pour pérenniser notre système de santé n'est pas un dix-septième plan de sauvetage qui préparerait le dix-huitième, ce qui n'aurait fait que reporter le problème.

Deux points précis illustrent cette ligne directrice : le refus du recours à des déremboursements massifs, à une hausse brutale de la CSG ou aux transferts de charges vers les mutuelles ; le rejet de la sempiternelle logique du « tonneau des Danaïdes », c'est-à-dire qu'avant de réinjecter de l'argent, on s'attache à boucher les trous.

Pour la première fois, un gouvernement engage une réforme globale de notre système de santé et décide d'agir sur l'organisation des soins et les comportements des acteurs, en développant une véritable maîtrise médicalisée des dépenses.

Concrètement, une meilleure organisation du système doit être appuyée par une clarification des responsabilités de gestion.

A cet égard, il me paraît essentiel, d'une part, d'accorder aux professionnels de santé une reconnaissance institutionnelle plus forte et, d'autre part, de les associer pleinement à la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie.

En effet, les professionnels de santé sont les premiers acteurs du monde de la santé et ils disposent d'une expérience et d'une somme d'informations très précieuses. Cette expertise et cette « information de terrain » seraient extrêmement profitables à la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie, notamment dans de nouvelles compétences liées à la démographie médicale et à la permanence des soins. Ne pas les impliquer dans la maîtrise des dépenses reviendrait à proposer de facto une maîtrise comptable, au grand et regrettable détriment d'une maîtrise médicalisée.

Après cette remarque générale sur l'impérieuse nécessité d'associer pleinement les professionnels de santé à la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie, je voudrais apporter au débat six propositions axées autour d'un bon usage des nouvelles technologies. Vous savez, messieurs les ministres, que j'y suis attaché.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai !

M. Richard Mallié. En ce sens, par un amendement, je proposerai à notre assemblée un article additionnel après l'article 9. Il s'agit de la création d'un numéro d'appel national, le « 33 ». Ce service, accessible sur Internet, délivrerait des informations sur l'offre de soins médicale et médico-sociale disponible et permettrait aux patients d'obtenir des informations médicalisées d'orientation au sein du système de soins. Un tel service gagnerait davantage encore en efficacité s'il était connecté avec les services d'appel médicaux d'urgence.

Ma première proposition porte sur la création d'une base de données unique.

Cette base de données serait « architecturée » pour permettre toutes les actions prévues : responsabilisation et orientation du patient, suivi au sein du système de soins, délivrance d'informations aux médecins et aux patients, conformément à la loi du 4 mars 2002.

Elle serait alimentée par les contenus existant au sein d'organismes existants ou appartenant à des bases de données médicales vulgarisées.

Sa structure devrait permettre un suivi statistique global et un suivi personnalisé dans le strict respect de l'anonymat des patients.

Les contenus pourraient s'inscrire dans une architecture qui soit en mesure d'englober le dossier médical personnel, la base informative, l'outil d'orientation et d'aide à la décision, le suivi du patient, et d'autres outils éventuellement, tout cela dans le but d'informer les patients et d'aider à la décision des professionnels de santé.

Ma deuxième proposition concerne l'aide aux malades chroniques en affection de longue durée, ou ALD.

Le site Internet que j'évoquais il y a quelques instants pourrait être très utile pour ces personnes. Il pourrait également servir pour surveiller les patients en post-opératoire lors d'un retour rapide à domicile.

Ce site devrait disposer de logiciels permettant, avec le développement de la télémédecine, de suivre les patients en ALD, comme les diabétiques ou les hypertendus. Des capteurs pourraient être peu à peu introduits chez ces populations de malades, permettant un suivi à domicile. Cela permettrait de répondre au problème croissant de la désertification médicale. Par ailleurs, les outils d'aide à la décision permettraient aux malades d'autogérer de façon encadrée leur maladie. Ces capteurs commencent à se développer, en particulier en Belgique, qui est assez avancée dans le domaine de la télémédecine.

Ma troisième proposition a trait à l'obtention de statistiques.

Le recueil automatisé des données de consultation et l'étude des questions posées par les patients donneraient des indications sur les comportements de la population en matière de santé et des statistiques à grande échelle, qui manquent depuis l'abandon de la conscription.

Ces informations seraient transmises à l'Institut des données de santé, dans le respect de l'anonymat des patients, qui en informerait l'UNCAM et la Haute autorité de santé. J'insiste bien entendu encore sur le fait que le système doit être organisé de façon que l'anonymat des personnes soit totalement respecté.

Ma quatrième proposition concerne le dossier médical personnel - et non partagé.

Le dossier médical personnel contiendrait deux types de données : celles engrangées par les médecins autorisés à le faire et celles stockées par le patient lui-même.

Les « données médecin » contiendraient des données vérifiées et sécurisées, auxquelles seraient attachés des documents numérisés : analyses, radios, scanners.

Les « données patient » contiendraient des données que le patient juge importantes, comme par exemple le fait qu'il est donneur d'organes.

Ma cinquième proposition serait d'aider les médecins dans leur devoir d'information au sens de la loi du 4 mars 2002.

L'accès à la base de données unique permettrait aux médecins de fournir à leurs patients des documents vulgarisés sous forme papier. Ils participeraient donc ainsi à l'effort d'information sanitaire de la population.

Ma sixième et dernière proposition aboutirait à aider les médecins dans leur exercice.

Chaque médecin, grâce à ce site Internet, disposerait d'un accès personnalisé lui permettant de fournir les éléments propres à son exercice - par exemple, ses horaires de consultation. Dans son micro-site, il pourrait aussi disposer d'un accès à des outils de formation ou à des documents administratifs nécessaires à son exercice.

L'ambition de la réforme de l'assurance maladie est de changer les comportements des patients. Dans cet objectif, rien ne doit être négligé, et la création d'un centre d'appel de référence au niveau national doit permettre aux patients d'appréhender plus complètement l'offre de soins et d'en avoir un usage plus efficient. Il ne s'agit pas de remplacer les services de soins et d'urgence existants mais, en complémentarité avec eux, de pouvoir répondre aux questions d'information, voire d'orientation des patients.

Mes chers collègues, nous parlons bien de réformes structurelles : nous bâtissons l'avenir.

Ceux qui, comme moi, ont la chance de connaître le beau et rude métier de maire d'une commune savent de quoi je parle. Quand on aménage une place, quand on fait des travaux de voirie, il y a toujours des Cassandre pour hurler que ce n'est pas comme cela qu'il fallait faire...

M. Dominique Tian. Des Cassandre ? Des casse-pieds plutôt !

M. Richard Mallié. ...ou que la concertation avec les riverains a été insuffisante. Mais à la fin, quand les travaux sont finis, les mêmes viennent nous dire que nous avons fait bouger la commune et que de tels travaux étaient nécessaires depuis longtemps.

Les Cassandre qui, aujourd'hui, nous font des procès d'intention, n'ont plus que des herbes amères à remâcher. Laissons-les donc remâcher leurs herbes amères ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi, dont nous achevons presque la discussion générale, a pour ambition de réformer en profondeur notre système d'assurance maladie, au prix, avez-vous déclaré devant la commission spéciale, monsieur le ministre, d'un effort équitable, partagé par tous.

Cette loi est tout le contraire. Je la juge, quant à moi, inefficace, injuste et inacceptable. Inefficace, car elle ne réglera rien au fond, ni dans l'organisation du système des soins ni au niveau des dépenses de santé. Injuste, car elle fait supporter le poids des prétendues économies sur les seuls assurés sociaux, salariés et retraités. Inacceptable pour ces raisons, et c'est pourquoi nous vous ferons des propositions pour la transformer.

De l'avis unanime de tous les partenaires sociaux, cette réforme très importante a été mal négociée, mal réfléchie, sans réelle concertation,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ah ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. ...et avec trop de précipitation pour réellement remettre à plat toute l'organisation médicale, facteur d'une meilleure prise en charge pour le patient avec de réelles économies d'échelle.

Elle souffre aussi d'un manque de courage politique évident. Il fallait s'attaquer à trop de lobbies professionnels : laboratoires pharmaceutiques, organisations médicales, patronat. Cela était trop compliqué et, sans doute, auriez-vous dû faire face à une levée de boucliers.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. D'ailleurs, vous-mêmes n'y aviez jamais pensé !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il aurait fallu une réelle volonté politique, ce qui, à l'évidence, n'était pas le cas.

Alors, vous vous êtes transformé, comme d'habitude, en prestidigitateur, monsieur le ministre : un peu de poudre de perlimpinpin pour endormir les assurés sociaux, qui, en cette période d'été, pensent à leurs vacances bien méritées,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Qui lui a écrit cela ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. ...ajoutez une excellente communication,...

M. Richard Mallié. Il y a au moins quelque chose de bien !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. ...sur le thème « je culpabilise et j'accuse les assurés sociaux d'être des tricheurs » et introduisez la carte Vitale,...

M. Richard Mallié. Ouvrez les yeux !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. ...ajoutez une couche sur les abus d'arrêts de travail et terminez en stigmatisant tout particulièrement les personnes âgées qui «surconsomment» des médicaments et abusent des visites médicales, sans oublier le nomadisme.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Quelle caricature !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Je caricature à peine.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le sectarisme, c'est terrible !

M. Richard Mallié. Lamentable !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. J'ai l'impression que vous jouez cette soi-disant réforme en trois actes. Au premier acte, que l'on pourrait intituler « l'inacceptable », les Françaises et les Français sont, si on vous écoute, tricheurs, menteurs et fainéants.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vous qui le dites !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ne viennent-ils pas demander la CMU en Mercedes, comme l'a dit en commission spéciale une députée de l'UMP ? Heureusement, vous allez remettre bon ordre à tout cela. Dormez tranquilles, braves gens, le ministre veille sur votre protection sociale ! Un petit gadget de 20 millions d'euros avec votre photographie sur la carte Vitale ; un déremboursement programmé des médicaments pour vous aider à mieux consommer pour mieux vous soigner ;...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est vous qui l'avez commencé cette politique de déremboursement !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. ...un contrôle accru des arrêts de travail. Mais il ne dit pas avec quels moyens et combien de médecins contrôleurs vont être engagés. Au fait, qui du médecin ou de l'assuré signe les arrêts de travail ? Assurés sociaux, ne vous posez pas cette question, vous êtes coupables !

Au deuxième acte, on découvre combien cette réforme est inefficace. Elle doit afficher l'ambition et faire croire aux Français que tout va être réglé.

M. Richard Mallié. Boire ou parler : il faut choisir !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Le prestidigitateur est toujours là. D'un coup de baguette magique, il balaie la poussière qu'il a laissé s'accumuler - 34 milliards d'euros de déficit annoncés pour 2004 -, la planque sous le tapis et nous annonce que les premiers effets de cette réforme se feront sentir pile poil en 2007. Il n'avait pas prévu le démenti cinglant de Bercy, qui estime les économies prévisibles de ce plan à... peanuts, autrement dit à zéro centime ! Je cite : « Le rendement des mesures de financement annoncées peut être évalué à 8 milliards d'euros à l'horizon 2007. Mais compte tenu du déficit tendanciel de 23 milliards d'euros en 2007, le déficit de l'assurance maladie serait d'environ 15 milliards d'euros en 2007. » Quelle réforme ! Le déficit financier sera, au mieux, identique à celui d'aujourd'hui, au pire... Il vaut mieux ne pas y penser.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est le DMP, discours mal préparé, type !

M. Richard Mallié. Allez mâcher vos herbes amères, madame !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Au troisième acte, cette réforme se révèle injuste. Elle ne sert, certes, pas à grand-chose, mais on va demander aux Françaises et aux Français aux revenus modestes ou moyens de payer encore plus. Et la valse commence : un euro de franchise par feuille de maladie, augmentation de la CSG pour les retraités, élargissement de l'assiette de la CSG pour les salariés, augmentation du forfait hospitalier, déremboursement des médicaments, report de la dette sur nos enfants et petits-enfants qui paieront, à votre place, vos erreurs de gestion.

M. Richard Mallié. Quel culot !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Quelle est la participation des entreprises, des revenus des capitaux, des plus riches ? L'écart entre la contribution des entreprises et celle des ménages est de un à quatre.

M. Paul-Henri Cugnenc. Vous êtes collée à l'oral !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Mais vous avez l'amabilité, monsieur le ministre, de nous assurer que l'effort est équitable et partagé par tous. Il n'y a qu'à croire ! Fin de l'acte III. Le rideau tombe.

M. Richard Mallié. Zéro pointé !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Elle est collée !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pardonnez, monsieur le ministre, cette explication quelque peu abrupte, mais ce cauchemar ressemble étrangement à ce que vous nous proposez.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Collée, vraiment !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Les Françaises et les Français les plus modestes vont avoir un réveil douloureux,...

M. Paul-Henri Cugnenc. Surtout s'ils vous lisent !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. ...car vous n'aurez, encore une fois, rien résolu en termes d'équilibre financier. Pourtant, à vous entendre, la réforme de notre système de protection sociale devait permettre le retour à l'équilibre des comptes, mais aussi et surtout améliorer les performances de l'organisation des soins au bénéfice de l'ensemble des assurés, quel que soit leur lieu de résidence.

Nous voulons conserver notre système de protection sociale en l'améliorant, en le modernisant, en équilibrant ses comptes.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous aussi !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Sur ce point, nous sommes d'accord, madame !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n'est pas ce que vous proposez.

Il n'est pas trop tard, monsieur le ministre, pour nous écouter, amender votre texte et le transformer en une véritable réforme. C'est ce vers quoi tendront les propositions que nous vous ferons dans les prochaines semaines. Entendez-nous ! Arrêtez de prétendre que nous ne proposons rien.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La preuve !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Les Françaises et les Français ne veulent pas être bercés d'illusions. Ils veulent un système de soins solidaire et performant pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, à neuf heures trente, deuxième séance publique (1) :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

À quinze heures, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

À vingt et une heures trente, quatrième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 1er juillet 2004, à zéro heure trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot

(1) La première séance du jeudi 1er juillet 2004 a été ouverte à zéro heure.