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Deuxième séance du jeudi 1er juillet 2004

2e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion générale (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, on parle souvent de l'Europe et nombreux sont ceux qui s'alarment des problèmes de l'Europe sociale. Or la moindre des choses serait peut-être d'aller voir ce qui se passe chez nos voisins...

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est toujours utile !

M. Édouard Landrain. ...et comment on y aborde la question de l'assurance maladie.

Dans tous les pays, que leurs gouvernements soient de gauche ou de droite, très courageux ou un peu moins, elle constitue en effet un motif d'inquiétude. Partout, le constat est le même : les déficits sont importants, presque abyssaux, et sont dus au vieillissement de la population, ainsi qu'au coût élevé de certaines nouvelles techniques médicales. Partout, il faut donc maîtriser les dépenses, tout en garantissant un bon accès à des soins de qualité.

Pour relever ces défis, les solutions sont partout les mêmes et ressortissent à cinq grandes tendances.

La première est la décentralisation de la gestion et des financements conformément à des règles et à des objectifs définis par l'État, tant au niveau des régions, des départements, des communes − comme en Finlande − que des centres de soins.

La deuxième est la mise en concurrence régulée des prestataires de santé, tant au sein du secteur public qu'entre celui-ci et le secteur privé.

La troisième est la responsabilisation, tant des acteurs, des hôpitaux et des professionnels de santé, par leur mise en concurrence et le respect d'un ensemble de règles thérapeutiques, que des patients, qui sont appelés à contribuer directement aux frais de santé et ont l'obligation de consulter un médecin référent s'ils veulent que leur soient remboursées les prestations spécialisées.

La quatrième est la modernisation de la gestion, grâce à des méthodes performantes de management, la rationalisation de l'organisation des réseaux de soins, le développement des nouvelles technologies de l'information, telles que la généralisation des dossiers médicaux partagés.

La cinquième est le renforcement de l'évaluation et du contrôle par des organismes indépendants, afin de mieux préparer la décision politique et de supprimer les dépenses non justifiées, d'accroître l'efficacité et la qualité des services et d'améliorer la prévention.

Il n'est pas question de passer en revue, en cinq minutes, tous les pays européens. Je m'attarderai donc simplement sur un de nos voisins, gouverné par les sociaux-démocrates : l'Allemagne. Les Allemands ayant une conscience politique très forte des problèmes qui se posaient à eux, les deux grandes formations politiques, le SPD au pouvoir et la CDU, se sont mises d'accord dès le 21 juillet 2003...

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Eh oui !

M. Édouard Landrain. ...sur un programme qu'elles ont présenté au Parlement le 17 octobre 2003 : ainsi, elles ont pris leur temps, et quand le texte est arrivé devant le Parlement, les choses étaient définies, claires, la volonté politique était affirmée.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les socialistes devraient écouter cela !

M. Édouard Landrain. Ce plan prévoit un ticket modérateur de 10 euros par trimestre dès la première consultation, une participation de 10 euros par jour, à la charge des patients, pour le séjour hospitalier, avec un maximum de 280 euros par an, une participation de 10 % pour l'achat des médicaments prescrits − avec un minimum de 5 euros et un maximum de 10 euros.

Il comprend aussi diverses mesures, telles qu'une hausse fiscale de 10 % sur le tabac, menée en trois étapes d'ici à 2005, ou le doublement de la cotisation des retraités.

La diminution globale des prestations se traduit par le déremboursement des médicaments non prescrits, considérés comme de confort, la suppression du remboursement de certaines prestations, désormais garanti par des assurances spécifiques auprès de l'assurance maladie ou du privé, la cessation, dès 2007, de la prise en charge des indemnités journalières par le régime général − elles seront désormais versées par des assurances privées.

L'amélioration du fonctionnement du système de santé passe par l'autonomie de gestion des caisses, par la mise en place d'un institut chargé de mesurer et de contrôler la qualité des soins, par une incitation aux soins préventifs, par le développement du rôle du médecin référent, par la création de centres médicaux spécialisés par maladie, par la lutte contre la fraude, par la mise en place de cartes de santé électroniques, par la formation permanente obligatoire des médecins et par le développement des génériques.

N'est-ce pas là un merveilleux exemple de courage et de maturité politiques ? Après la mise en œuvre de ce plan, pour la première fois depuis dix ans, l'Allemagne a vu ses comptes revenir au vert dès le premier trimestre 2004. C'est dire l'efficacité de la méthode.

Que se passe-t-il chez nous ? Le Gouvernement propose exactement les mêmes mesures. Fait-on preuve du même courage politique pour aborder le problème de façon intelligente ? Je ne le crois pas, et on ne peut que le regretter. Les Français considéreront cela avec inquiétude et suspicion à l'égard du monde politique.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, la méthode que vous avez choisie est la bonne. D'ailleurs, il n'y en a pas d'autre. Partout, le constat est le même, et partout où elles sont appliquées, ces mesures prouvent leur efficacité.

Si l'on souhaite aller un jour vers l'harmonisation de l'assurance maladie au plan européen, il faut bien anticiper et commencer par mettre en œuvre les mesures qui s'imposent. C'est ce que vous faites et, pour notre part, nous n'aurons aucune hésitation à vous suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bravo !

M. le président. Mes chers collègues, j'ai laissé parler M. Édouard Landrain un peu plus longtemps que prévu car quatre orateurs du groupe de l'UMP ont renoncé à s'exprimer.

M. Christian Kert. En plus, c'est aujourd'hui l'anniversaire de M. Landrain !

M. le président. Nous lui souhaitons donc un bon anniversaire ! (Sourires.)

M. Édouard Landrain. Merci !

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Briot.

Mme Maryvonne Briot. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le projet de loi relatif à l'assurance maladie que nous propose le Gouvernement est une réforme courageuse et novatrice. Parallèlement à l'indispensable redressement financier, destiné à sauver le système de santé à la française, les notions de coordination et de qualité des soins sont clairement inscrites à l'article 1er du projet.

Depuis de nombreuses années, les médecins et les professionnels de santé attendaient en effet que la qualité soit enfin reconnue et que des moyens nécessaires à une meilleure coordination des soins soient définis de manière très précise. Je pense que ce texte exaucera leurs vœux.

La création du dossier médical personnel, à l'article 2, constitue la pierre angulaire de la coordination des soins entre la médecine libérale et l'hôpital. La mise en place de ce nouveau dispositif sécurisé n'est pas, à mes yeux, une finalité, mais le début d'un changement profond des pratiques professionnelles au service des patients. Je souhaiterais que, à terme, le dossier médical personnel devienne un dossier de soins personnel, intégrant à la fois des données médicales et des informations liées à la prise en charge globale du patient, notamment la démarche de soins infirmiers et le diagnostic infirmier. Ainsi, l'infirmière hospitalière ou libérale qui accueillera un patient aura la possibilité de connaître très rapidement son parcours de santé. Elle pourra ainsi adapter les soins aux besoins de la personne. C'est la philosophie même des soins infirmiers.

La notion de qualité est intimement liée à la notion d'évaluation des pratiques professionnelles. Les équipes soignantes évaluent déjà leurs pratiques, notamment grâce à l'impulsion donnée par les cellules qualité créées dans les établissements hospitaliers. Or les critères et les outils d'évaluation sont souvent différents d'un établissement à l'autre. L'une des priorités de la Haute autorité de santé devrait être d'établir avant tout un état des lieux de tous les outils d'évaluation existants et ensuite de définir des critères communs utilisables par tous et partout, dans le public comme dans le privé.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Très bien !

Mme Maryvonne Briot. Ainsi, la qualité des soins serait mesurée de manière plus objective et nous pourrions comparer les pratiques professionnelles.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr !

Mme Maryvonne Briot. Je crois très sincèrement qu'il est possible de faire des économies en améliorant la qualité des soins. Cela suppose une réflexion globale mais également individuelle de chacun, professionnels et patients, sur sa propre utilisation du système de santé.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, c'est avec fierté et enthousiasme que je voterai ce projet de loi.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci.

Mme Maryvonne Briot. Le monde hospitalier et le monde infirmier l'attendaient depuis longtemps.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Monde que vous connaissez bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En effet, Mme Briot sait de quoi elle parle, elle !

Mme Maryvonne Briot. Forts de cette motivation, ils pourront retrouver l'envie de travailler correctement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci.

M. le président. Merci, madame Briot, pour avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, on le voit chaque année au moment des vœux, la santé est le désir le mieux partagé. Il n'y a donc à s'étonner ni de l'attachement unanime et irréversible à l'universalité de l'assurance maladie, ni de l'augmentation quasi mécanique des dépenses de santé au fur et à mesure du vieillissement de la population et des progrès de la technique. Ces deux évidences, aucune réforme ne peut les contourner.

En 1945, une France affaiblie, exsangue, trouve en elle l'énergie et la générosité de jeter les bases d'un système exemplaire, un des meilleurs du monde. Il n'y a pas d'autre objectif possible pour la France de 2004, infiniment plus riche et plus puissante, que de donner un nouveau contenu aux principes d'égalité, de solidarité et de qualité qui nous ont été légués par nos aînés, sous l'inspiration du Conseil national de la Résistance.

Or que nous propose-t-on ? Un plan de plus, probablement éphémère, à l'efficacité incertaine. Plus grave : un plan injuste qui, au lieu de corriger les inégalités entre les individus comme entre les territoires, va les aggraver. Ainsi, sous le prétexte d'un prétendu nomadisme médical, on choisit de faire peser sur les assurés eux-mêmes le plus gros des économies à réaliser.

Mais de quel nomadisme parle-t-on ? Qui ignore, comme l'écrit le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, que « la grande majorité des assurés et des personnes protégées n'expose que des dépenses limitées » ? Qui ignore que plus de la moitié des dépenses de santé est imputable à 5 % des assurés, c'est-à-dire à des malades qui souffrent d'affections de longue durée, et surtout à des personnes âgées ?

Cette déformation de la réalité n'aura pas d'autre résultat que de faire accepter comme un destin l'installation d'une médecine à plusieurs vitesses. La nouvelle augmentation du forfait hospitalier et la franchise prévue pour chaque consultation, d'un euro aujourd'hui en France mais déjà beaucoup plus lourde dans d'autres pays européens, pénaliseront évidemment les plus modestes, lesquels supporteront en outre un alourdissement de la CSG.

De la marche vers cette médecine à plusieurs vitesses, la formule du médecin référent est l'illustration la plus éclatante. Que n'a-t-on tenu compte des expériences déjà tentées ? La mission d'information de l'Assemblée nationale a été frappée, je cite, « de constater le décalage existant entre le soutien unanime à cette modalité d'organisation de l'offre de soins et le peu de succès d'expérimentations lancées il y a parfois une quinzaine d'années ».

Quant au dossier médical partagé, version informatisée et obligatoire du carnet de santé, il ne sera pas accueilli avec plus d'enthousiasme que son prédécesseur. Sans doute est-il utile de lutter contre la multiplication des actes médicaux, mais pas au prix d'un doute sur l'usage qui pourrait être fait de renseignements touchant à l'intime. Les Français, certes, ont confiance dans leur médecin. Mais, dans le climat de contrôle de plus en plus insidieux où ils vivent, ils ne manqueront pas de s'interroger sur l'usage extra-médical qui pourrait être fait de ces données.

L'intérêt que je porte à ce dossier tient au fait que, si le système d'assurance maladie a permis une amélioration rapide et considérable de la situation sanitaire dans mon département de la Réunion, je constate que les consultations y coûtent 15 % de plus qu'en métropole, et les médicaments 30,3 %, alors que le chômage est particulièrement important. Il en résulte un renchérissement du coût des mutuelles. Dans ces conditions, l'application des mesures proposées par votre texte risque de dissuader un peu plus les ménages modestes de se soigner.

Je souhaite demander à nouveau au Gouvernement d'étendre une fois pour toutes la CMU complémentaire à ceux qui, pour des effets de seuil, s'en trouvent exclus pour quelques dizaines d'euros, c'est-à-dire, surtout à la Réunion, aux titulaires du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés.

Au moment où les complémentaires santé coûtent de plus en plus cher, il devient urgent, au-delà des relèvements ponctuels de plafonds, de prendre les mesures durables qui leur permettront de ne plus avoir à différer le recours au soins, voire à y renoncer.

L'expérience encore récente des campagnes de prévention menées à la Réunion m'incite à regretter que cet aspect décisif de la politique de santé, dont on sait l'importance et l'efficacité, soit absent du projet de loi. Dans un département où l'on constate, quelle que soit la tranche d'âge envisagée, une surmortalité, la prévention s'impose, notamment pour lutter contre l'alcoolisme ou encore les maladies cardio-vasculaires.

Cette réforme n'atteindra pas les objectifs qu'elle se donne. Elle fait peser l'essentiel de l'effort sur les patients et les assurés en leur montrant, de plus, qu'on se méfie d'eux.

Agiter le fantasme de la mort de la « sécu », brandir le spectre de la privatisation n'incite pas à une démarche sereine et réfléchie. L'assurance maladie suppose une réflexion profonde sur les finalités de notre société et sur les moyens que celles-ci exigent de mettre en œuvre. C'est avec les citoyens que ce travail doit être entrepris, ni contre eux, ni sans eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray. Monsieur le ministre, ce matin, en me rasant et en ne pensant qu'à ça (Sourires)...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous n'avez pas tout rasé !

M. Julien Dray. ...j'écoutais l'un de vos collègues, tendance un peu « destroy » - vous voyez de qui je veux parler - et je me disais qu'il y avait une certaine schizophrénie à être membre de ce gouvernement dans lequel l'un défait ce que l'autre a fait.

M. Richard Mallié. Non, on fait ce que vous n'avez pas fait !

M. Julien Dray. Tandis que M. Borloo vante, avec moult formules personnelles, la cohésion sociale, la solidarité, le modèle français, vous, monsieur le ministre, dans cet hémicycle, vous défendez un projet qui porte atteinte à ce modèle de cohésion sociale, à cet exemple qu'est la sécurité sociale et qui sert de référence pour la France. Bref, l'un creuse des trous que l'autre essaie de reboucher. Qui l'emporte au final ? Le premier évidemment puisque, incapable de mener une politique égalitaire et juste, vous ne cessez de mettre les salariés à contribution.

Mes collègues du groupe socialiste ont déjà fait part de l'injustice et de l'inanité d'une loi qui, comme d'habitude avec vous, s'attaque aux plus modestes, en leur faisant supporter le poids d'une politique absurde. J'insisterai pour ma part sur ce que doit être à notre sens une réelle réforme de l'assurance maladie. En effet, il est possible de réformer, et même de refondre le système tout en étant juste et en le sauvant du marasme financier, marasme d'ailleurs qui vous arrange puisqu'il vous permet de laisser libre cours à vos fantasmes de droite.

Si notre système curatif est certainement un des meilleurs au monde, la prévention en France est une fonction quasiment inexistante. Regardons les choses en face : notre système paie notamment les effets dévastateurs d'une politique de santé insuffisamment anticipatrice. Nous l'avons vu l'été dernier lors de la canicule et nous le constatons régulièrement avec tous les indicateurs de santé.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous oubliez le projet de loi sur la santé publique.

M. Julien Dray. Le remboursement constitue jusqu'à présent la principale activité de l'assurance maladie. Plus de 90 % des dépenses de santé vont aux soins curatifs, la prévention restant le parent pauvre alors que 50 % des causes de mortalité prématurée pourraient être évitées. Cela a des conséquences importantes sur la qualité de l'offre de soins et sur les dépenses de santé.

L'exemple du diabète - je suis bien placé pour en parler - illustre les effets d'une absence de prévention. L'URCAM de Languedoc-Roussillon a évalué que si rien n'était entrepris en matière de prévention, les dépenses consacrées au diabète de type II devraient augmenter de 260 % entre 2000 et 2020 dans la région.

Le vieillissement est, lui aussi, et c'est normal, un facteur de hausse des dépenses. L'enjeu est le suivant : le vieillissement se traduira-t-il par un allongement de la période de vie en bonne santé ou par une augmentation des périodes d'incapacité ? L'enjeu est réel, à la fois en matière de qualité de vie gagnée et en matière de dépenses.

Le choix d'une politique ambitieuse de prévention est donc déterminant. Pourtant, alors que ces données sont connues et reconnues, la situation évolue peu. La logique de l'équilibre financier annuel semble incompatible avec la prévention. Car créer une véritable politique de prévention nécessite de débloquer des crédits importants. Il faut assumer le fait qu'il sera nécessaire de dépenser deux fois : une première fois pour assumer les soins dont les risques ne sont pas encore prévenus, une seconde pour assurer la prévention.

La prévention est un investissement rentable. C'est un choix assumé par un certain nombre de pays de l'OCDE qui ont mis l'accent sur cette action. Si l'enjeu est bien d'abord d'améliorer l'efficience des investissements en santé et notamment de réduire les inégalités, l'impact sur les coûts n'en est pas moins réel. Dans son plan de réforme des services de santé et sociaux, le gouvernement québécois estime que « chaque dollar investi en prévention, dans certains programmes, peut faire épargner jusqu'à sept dollars en soins de santé ».

Alors, oui, pour sortir l'assurance maladie de l'ornière, il est temps de changer de logique. Notre système de santé doit maintenant, en même temps qu'il rembourse les dépenses liées à la maladie, prévenir le risque de maladie. Et il faut mettre ces deux objectifs sur un pied d'égalité.

Nous savons qu'à terme des économies très importantes découleront de cette réforme en profondeur, de cette évolution. Mais cela nécessite qu'aujourd'hui les choix forts soient faits et les investissements réalisés.

Nous savons surtout que nous ne pouvons plus repousser ces choix. Nous ne devons plus transférer sur les générations futures le coût de notre absence d'anticipation en matière de santé. Il s'agit d'un choix de développement durable. Cette approche économique alternative trouve une application pertinente en matière de santé.

Nous proposons de consacrer 25 % des dépenses de santé à la prévention. Cela nécessite de définir des priorités quinquennales en matière de prévention, votées par le Parlement, qui tiennent compte des débats des conférences de santé. Ces priorités constitueraient un des éléments de la discussion quinquennale sur les objectifs de la nation en matière de santé. La prévention sortirait ainsi de la gestion et des équilibres annuels qui empêchent toute politique ambitieuse.

La création de maisons de la santé pluridisciplinaires au cœur des villes constitue aussi un enjeu incontournable. Elles permettraient notamment de désengorger l'hôpital, de créer des réflexes de prévention chez les patients et de favoriser la continuité des soins.

Enfin, à l'inverse de ce que vous proposez, nous pensons qu'il est urgent de relever les taux de remboursement pour les patients qui s'inscriraient dans cette démarche de prévention.

Un plan prévention pourrait comporter un certain nombre d'actions prioritaires, parmi lesquelles devraient figurer la prévention du diabète, la lutte contre l'obésité fondée sur une ambitieuse politique d'éducation à la santé, ou encore le diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer.

Il est également urgent de rendre les soins bucco-dentaires gratuits jusqu'à dix-huit ans dans le cadre d'une intervention en milieu scolaire. Pour cela, il faut revaloriser la médecine scolaire et la médecine du travail en les dotant de moyens dignes de ce nom.

En outre, il est incontournable de favoriser la recherche dédiée à la prévention, notamment par la création d'un cursus universitaire et le développement d'activités de recherche spécifiques.

Comment financer ce plan prévention ?

Une première piste pourrait être de gager le plan prévention sur le parc immobilier de l'État. Cette politique pourrait être gérée par une agence nationale de la prévention, qui coordonnerait l'ensemble de la politique nationale et l'action des différentes agences et instituts qui interviennent dans ce domaine.

Vous le voyez, monsieur le ministre, mes chers collègues, le camp de la réforme, dont vous vous réclamez avec tant d'ardeur, n'est pas celui que vous croyez. En la matière, c'est nous qui sommes les réformateurs et c'est vous qui êtes les conservateurs. La vérité, c'est que le principe même de sécurité sociale vous gêne.

M. Richard Mallié. Il faut oser le dire !

M. Julien Dray. Car, sur le fond, et c'est en cela que vous êtes vraiment des gens de droite, vous n'avez jamais accepté la réalité de la sécurité sociale, celle d'un système solidaire pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez, dernier orateur inscrit.

M. Pierre-Louis Fagniez. Monsieur le président, mesdames, messieurs, la maîtrise médicalisée des dépenses de santé est demandée par tous, même si certains en doutent. Sur les bancs socialistes, il n'a y a pas plus critique à son égard que Jean-Marie Le Guen, toujours provocateur, qui a parlé hier de « maîtrise médicalisée à la papa ».

Mais des propos plus nuancés ont été tenus. Claude Évin a reconnu que la maîtrise médicalisée était un élément important du projet, notamment avec l'instauration du dossier médical partagé . Pour l'UDF, Bernard Debré a dit que c'était une mesure moderne, importante, structurante, qu'il fallait l'encourager, mais qu'elle allait peut-être coûter cher et que l'investissement ne serait rentable qu'à long terme.

Au titre de l'UMP, je m'attacherai à dégager les quelques points saillants du projet de loi et je me permettrai, messieurs les ministres, de vous faire quelques suggestions destinées à nourrir la réflexion qui présidera à l'élaboration des décrets d'application.

Quelle est la situation actuelle ?

L'information médicale du patient est éparse et non partagée. Prenons un parcours médical habituel. Un patient va voir son médecin traitant. Il a un petit dossier, avec des radios, des examens de laboratoire. Puis, il va consulter un spécialiste et il y a un autre dossier. Il entre éventuellement à l'hôpital ou dans une clinique et se retrouve alors avec un gros dossier, même si certains éléments sont informatisés. Ce même patient sort de l'hôpital, parce qu'il est guéri, va dans une maison de convalescence et revient à son domicile où il retrouve son médecin traitant.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas le dossier partagé qui va régler le problème !

M. Pierre-Louis Fagniez. Il y a donc cinq ou six dossiers. Ce facteur de déperdition est évidemment très mauvais pour la qualité des soins. Des expériences de dossier médical informatisé ont été réalisées à l'étranger et en France. M. le ministre Douste-Blazy s'est rendu sur place pour en mesurer l'intérêt et je ne peux pas imaginer qu'il ait lancé son projet sans s'appuyer dessus.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai !

M. Pierre-Louis Fagniez. Quels sont donc les points saillants du projet gouvernemental ?

Le dossier appartiendra au patient. Tout bénéficiaire de l'assurance maladie âgé de plus de seize ans disposera - le terme « disposer » est important - du dossier médical personnel unique et informatisé dans lequel il y aura des informations diagnostiques, thérapeutiques, les résumés standardisés de sortie des hôpitaux. Ces données seront centralisées en toute sécurité auprès d'hébergeurs agréés pour leur fiabilité et notamment leur capacité à assurer la confidentialité des données.

La carte Vitale du patient sera la clé d'accès. Le dossier médical personnel ne sera pas stocké sur la puce de la carte Vitale, il faut le dire. La nouvelle carte Vitale comportant photo et éléments de biométrie sera la clé qui permettra d'autoriser l'accès par le praticien au dossier médical personnel. Utilisée conjointement avec la carte du professionnel de santé ou avec un code personnalisé - je vais y revenir avec mes suggestions, messieurs les ministres -, elle permettra au médecin traitant, en présence du patient et avec son accord, d'avoir accès au dossier de ce dernier.

La confidentialité est doublement garantie par la qualité de l'hébergeur et le croisement de la carte Vitale et de la CPS. Le patient sera libre de refuser à son médecin l'accès à son dossier, mais dans ce cas le remboursement par l'assurance maladie sera évidemment d'un niveau moindre. Le dossier est au cœur de la réforme de l'assurance maladie. Il faut donc jouer le jeu.

Le calendrier annoncé est volontariste, et je vous en félicite, messieurs les ministres. J'espère simplement que l'appel d'offres qui sera lancé afin de tester, dans les meilleurs délais, le dossier médical personnel en grandeur réelle sur la base d'un dossier médical simple en s'appuyant sur des réalisations existantes se fera rapidement. Ce dossier devrait entrer en vigueur dès 2005 en vue d'une généralisation au milieu de l'année 2007. C'est peut-être optimiste, mais je suis heureux d'avoir des ministres optimistes.

M. Richard Mallié. Nous aussi !

M. Pierre-Louis Fagniez. Je voudrais maintenant vous faire deux suggestions pour aider à la rédaction des décrets, non pour amender le texte. Les amendements, nous les avons faits sous l'autorité de notre rapporteur et j'ai d'ailleurs signé ceux relatifs au dossier médical.

Le patient sera le seul à avoir un accès automatique au dossier. C'est un point important et discutable. La loi du 4 mars 2002 oblige à rendre le dossier accessible, mais lorsque quelqu'un veut accéder à son dossier, il doit passer par l'intermédiaire de son médecin traitant ou de l'hôpital. Il y va de la protection du malade. Imaginez en effet ce qui passerait si le dossier contenait des informations sensibles ! Cette notion d'accès automatique du patient à son dossier doit donc être nuancée dans les décrets d'application.

Par ailleurs, quid des patients qui ne seront pas en état de composer leur code d'accès ? Là encore, la loi du 4 mars 2002 doit être utilisée et la personne de confiance doit connaître le code pour permettre l'accès au dossier.

Je suggère un accès direct limité aux données neutres et compréhensibles par tout patient - ce serait bien utile aux personnes âgées notamment - et un accès par l'intermédiaire d'un médecin pour les données sensibles nécessitant un explication.

Moyennant ces suggestions, messieurs les ministres, le dossier médical personnel est un progrès attendu pour le décloisonnement des mesures de santé et l'amélioration de celle-ci . De plus, il permettra de réaliser des économies - n'ayons pas honte de le dire ! C'est un élément phare de votre réforme et je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d'abord vous remercier pour vos interventions. Vous avez particulièrement travaillé sur ce dossier. Au-delà de nos clivages, une chose nous lie tous : notre attachement à l'assurance maladie.

Au cours de la discussion générale, l'opposition, notamment par la voix de Mme Guigou, a plusieurs fois mis en avant un prétendu redressement des comptes qu'elle aurait opéré lorsqu'elle était au gouvernement. Je ferai donc un peu d'histoire.

Dans son rapport de septembre 2001, le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale déclarait : « Ces excédents restent néanmoins modestes en regard de montants de dépenses et de recettes de la sécurité sociale. »

Mme Élisabeth Guigou. Ils sont peut-être modestes, mais ils existent !

M. Jean-Marie Le Guen. Il vaut mieux des excédents modestes que des déficits abyssaux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est le secrétaire général de la commission des comptes qui le dit !

M. Jean-Marie Le Guen. Il n'avait pas prévu les déficits que nous vous devons !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je comprends que ce rappel vous fasse mal !

M. Julien Dray. Pour l'instant, cela fait plutôt du bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je poursuis ma citation : « Ils le sont surtout si l'on tient compte du caractère assez exceptionnel et très favorable aux recettes de la sécurité sociale de la conjoncture des deux dernières années marquées par une forte progression de l'emploi et de la masse salariale.  Ces conditions auraient dû conduire à des excédents plus importants. »...

M. Édouard Landrain. Et voilà !

M. Julien Dray. C'est sûr, on peut toujours mieux faire ! À l'impossible nul n'est tenu !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...« Le régime général aborde la période plus difficile qui s'ouvre à présent sans avoir suffisamment rétabli la situation financière.  Les comptes de la CNAM qui subissent les effets d'une forte croissance des dépenses d'assurance maladie en 2000-2001 restent déficitaires. »

En juin 2002, le même secrétaire général indique : « Les réaffectations de recettes opérées au détriment du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, notamment pour le financement du FOREC, ont limité l'ampleur des excédents...

M. Jean-Marie Le Guen et Mme Élisabeth Guigou. Des excédents !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...leur laissant ainsi peu de marge, au sommet du cycle économique, pour affronter des temps moins favorables ». Cela montre à quel point les équilibres étaient fragiles en 2001-2002.

Madame Guigou, s'agissant des revalorisations d'honoraires, vous avez dit que mon prédécesseur, Jean-François Mattei, les avait fait passer à 20 euros sans aucune contrepartie.

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous rappelle les chiffres suivants : 300 millions d'euros en 2001 et 700 millions d'euros jusqu'en mai 2002. Je rappellerai également que c'est lorsque vous étiez au pouvoir, madame Guigou, que la consultation des généralistes a augmenté, passant de 17,50 à 18,50 euros, strictement sans aucune contrepartie.

Mme Élisabeth Guigou. Si ! Et de vraies contreparties !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En juin 2002, le passage du « C » à 20 euros a eu comme contreparties notamment la baisse du nombre de visites et la prescription de génériques qui ont d'ailleurs augmenté.

J'ai déjà répondu sur le transfert immédiat de l'ensemble des droits sur le tabac et l'alcool à l'assurance maladie. Lorsque l'on a exercé des fonctions ministérielles éminentes, madame Guigou, il est surprenant d'avancer de telles propositions,...

Mme Élisabeth Guigou. Et pourquoi ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...qui reviennent purement et simplement à transférer le déficit de la sécurité sociale à l'État.

Mesdames, messieurs les députés, les socialistes ont trouvé une idée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On va prendre 10 milliards à l'État de recettes sur le tabac et l'alcool...

M. Philippe Auberger. Rien que ça !

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...pour les transférer à l'assurance maladie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Formidable ! Mais Mme Guigou, qui n'a pas été ministre du budget, ne sait pas comment on va remplacer ces 10 milliards dans les finances de l'État.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais si !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est votre rôle !

M. Julien Dray. Ne faites pas de cadeaux au MEDEF !

M. Jean-Marie Le Guen. Ni de niches fiscales !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Par des impôts, probablement !

M. Jean-Marie Le Guen. Allez donc dire aux buralistes que les augmentations sur le tabac servent à diminuer les impôts des riches !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous dénoncez une médecine à deux vitesses à cause d'une prétendue liberté tarifaire. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous mettons en place une médecine coordonnée avec le médecin traitant, et vous devriez vous en féliciter. Vous appréciez la réussite des réseaux, mais je vous rappelle que c'est notre majorité qui a multiplié par six les moyens qui leur sont consacrés . Ces derniers sont ainsi passés de 22 millions d'euros à près de 150 millions d'euros.

Quant à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, elle ne pourra évidemment être une caisse supplémentaire de sécurité sociale réservée aux plus malades de nos concitoyens, car l'assurance maladie consacre 30 % de ses dépenses aux personnes très âgées et handicapées.

Mme Chantal Robin-Rodrigo, qui n'est pas là ce matin, a considéré que la concertation sur la réforme n'avait pas été suffisante. Xavier Bertrand et moi-même avons discuté pendant des centaines d'heures avec les partenaires sociaux. Mme Robin-Rodrigo nous accuse de pénaliser les patients et les assurés. Sans doute a-t-elle mal lu le projet de loi, car il vise d'abord à améliorer l'organisation des soins et demande des efforts partagés.

Avec M. Renucci, nous avons au moins un point d'accord : l'importance du dossier médical et de la coordination des soins. Il est dommage qu'il ne voit pas les nombreux progrès réalisés par la réforme, mais je reste persuadé que la coordination des soins est un élément fondamental de qualité et qu'elle permettra des économies.

M. Préel, en particulier, s'est inquiété du report des charges sur les générations futures. Le projet de loi transfère effectivement la dette actuelle et celle de 2005 et de 2006 vers la CADES. Mais ce n'est pas ce transfert qui crée la charge, c'est l'existence même d'une dette structurelle. Voilà pourquoi nous devons réformer d'urgence.

Mme Fraysse a nié l'existence de la fraude et des abus. Le fait d'y mettre un terme ne suffira pas à résoudre les problèmes de financement. Mais il serait injuste, au moment où un effort est demandé à tous les citoyens, qu'on laisse une minorité abuser du système.

Elle a aussi parlé d'une restriction de la prise en charge. Sans doute n'a-t-elle pas le temps de lire le projet de loi, qui ne modifie en rien le périmètre des soins remboursés par l'assurance maladie. C'est d'ailleurs une nouveauté car, depuis vingt ans, toutes les réformes se sont accompagnées d'une augmentation des cotisations et d'une diminution drastique des remboursements.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais le vôtre aussi !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous ne le ferez croire à personne !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous nous racontez des histoires ! Vous savez bien que vous augmentez la CSG !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Est-ce là ce que vous appelez un déremboursement ?

M. Jean-Marie Le Guen. Quand vous demandez à chaque Français de payer un euro par consultation médicale, ce n'est pas un déremboursement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'y viens...

Mme Élisabeth Guigou. Pour vous, un euro, ce n'est rien ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela vous gêne peut-être, mais, en dehors de cette franchise d'un euro par acte médical - dont sont exemptés les enfants et les bénéficiaires de la CMU -, notre plan ne prévoit aucun déremboursement, à la différence de tous ceux qui l'ont précédé. Je l'affirme solennellement à la tribune de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Marie Le Guen. Appelez les choses par leur nom : il s'agit d'une privatisation ! Mais le Gouvernement est incapable d'assumer ses responsabilités !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous rassure : nous non plus, nous ne voulons pas d'une privatisation de l'assurance maladie.

Je remercie M. Mariton des propos qu'il a tenus. Oui, le but de notre texte est de revenir à l'équilibre de l'assurance maladie et le pilotage de la réforme devra s'accompagner d'un réel effort de pédagogie. Trop de données manquent à nos concitoyens.

Plusieurs orateurs, dont M. Decool, M. Vitel et Mme Tharin, ont insisté à juste titre sur l'intérêt du dossier médical personnel, qui est un élément clé de l'amélioration des soins. Ils ont souligné que, pour réussir, cette nouvelle démarche appelle un accompagnement par les médecins. Par ailleurs, nous veillerons à assurer la sécurisation du dossier, sujet qui peut susciter une inquiétude légitime.

M. Mallié et M. Mariton ont eu raison de parler de pédagogie. Il faut en effet mieux informer les patients. À cet égard, la proposition de créer une ligne téléphonique spécifique me paraît excellente et je vais l'étudier de manière approfondie. Je suis également très favorable à la proposition d'accompagnement des malades chroniques. Une meilleure information est indispensable à la responsabilisation des malades, qui ira de pair avec une meilleure qualité des soins.

M. Hugon a salué la création d'une haute autorité scientifique de santé publique. Je pense comme lui qu'elle permettra de rapprocher le point de vue des médecins et des caisses.

M. Jean-Marie Le Guen. Une haute autorité composée de scientifiques nommés par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale, du Sénat ou du Conseil économique et social, qui sont, comme chacun sait, des sommités en matière scientifique ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis aussi optimiste que les orateurs sur la capacité de nos concitoyens à changer de comportement. Je les remercie de l'aide qu'ils nous ont proposée pour y parvenir, à l'issue du vote de la loi.

Nous avons besoin d'une haute autorité de santé, composée de scientifiques et totalement indépendante.

M. Jean-Marc Ayrault. Comme le CSA ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce n'est pas parce que le président de la République, le président du Sénat, de l'Assemblée nationale ou du Conseil économique et social en nommeront les membres que la Haute autorité cessera d'être scientifique ou indépendante.

M. Jean-Marie Le Guen. Croyez-vous ?

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez tous les pouvoirs et vous avez pris soin de verrouiller le dispositif !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Fabius sera content de connaître ces propos, monsieur Ayrault ! Il est possible d'être responsable et de choisir des personnalités scientifiques politiquement impartiales et irréprochables sur le plan éthique.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous faites des choix impartiaux, c'est bien connu !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'espère au moins que l'impartialité est également possible dans votre camp.

M. Bernier a eu raison d'insister sur la nécessité de rapprocher la médecine de ville et la médecine hospitalière, notamment en facilitant le travail des professionnels. Ces deux mondes sont encore trop clos sur eux-mêmes et ne se parlent pas suffisamment pour que s'opère entre eux un réel échange.

Il a également rappelé les difficultés que connaissent certaines régions et dont je suis conscient. Il est nécessaire de favoriser une meilleure répartition de l'offre. À cet égard, l'incitation au regroupement des professionnels est une piste intéressante.

Mme Gruny a dénoncé à juste titre l'abus des arrêts de maladie, car il importe que les ressources de l'assurance maladie soient utilisées à bon escient. C'est à cette condition que nous pourrons continuer d'assurer à nos concitoyens le meilleur de notre système de santé publique.

M. Door a insisté sur l'importance des économies que l'on peut réaliser si l'on évite les actes injustifiés, la consommation non optimale de médicaments ou les dépenses hospitalières redondantes. Le gain qu'on peut espérer d'une maîtrise médicalisée des dépenses n'a rien de virtuel.

M. Auberger a montré que la note de Bercy ne pouvait être sérieuse, puisqu'elle ne prend pas en compte la dimension psychologique de la réforme.

M. Philippe Vitel. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En matière de financement, les recettes nouvelles sont équitablement réparties. Quant à demander des analyses supplémentaires pour savoir quel serait l'effet d'une hausse de la CRDS sur la croissance, la proposition est intéressante. Nous y reviendrons au cours de l'examen du texte.

M. Préel s'est inquiété du creusement du déficit que causera le transfert d'un milliard d'euros de l'État vers l'assurance maladie. C'est bien ce qui nous interdit de suivre ceux qui préconisent l'affectation à l'assurance maladie de la totalité des taxes sur l'alcool et le tabac. Quant à augmenter la CRDS de 0,35 %, je n'y suis pas favorable. Il me paraît délicat de relever trop fortement les prélèvements sur les revenus. Une telle décision risquerait de casser la croissance au moment où elle repart et promet d'atteindre 2,3 %. En outre, elle aurait inévitablement des conséquences sur l'emploi.

Je salue l'intervention de M. Vansson sur le thermalisme. Le Gouvernement est conscient de l'impact économique de ce secteur. D'ailleurs, le projet de loi ne modifie en rien les règles de prise en charge des cures thermales. Aucune décision ne sera prise dans ce domaine avant qu'une évaluation scientifique indépendante n'ait été réalisée.

Je suis d'accord avec Mme Briot sur la nécessité de reconnaître le travail des personnels hospitaliers ou infirmiers, et de permettre un meilleur échange entre la médecine hospitalière et la médecine libérale. Je lui sais gré de son intervention.

Je remercie également M. Vitel de la manière dont il a parlé des médecins libéraux, qui font aujourd'hui des efforts considérables et sur lesquels il importe de ne pas jeter la suspicion. La convention collective, actuellement en cours de négociation, que nous allons mettre en place avec eux sera certes rigoureuse, mais basée sur la confiance.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne proposez rien dans ce domaine. Vous avez bien trop peur de prendre la moindre responsabilité !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Contrairement à certains, je fais confiance aux partenaires sociaux. Je suis d'ailleurs persuadé que, pour la première fois, les syndicats médicaux accepteront l'idée de sanctions individuelles. Trois niveaux ont été prévus : avertissement, amendes financières et déconventionnement. Ainsi, pour la première fois et grâce à de bonnes pratiques médicales, au dossier médical et à la convention que nous allons passer avec les syndicats, la confiance sera vraiment installée avec les médecins.

M. Jean-Marie Le Guen. Quel blabla !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de vos remarques. Le Gouvernement vous propose une véritable réforme structurelle...

M. Jean-Marc Ayrault. Comment cela ? M. le ministre ne s'adresse qu'à la majorité ? Il ne répond pas aux députés de l'opposition ?

M. Jean-Marie Le Guen. Telle est la conception que le Gouvernement se fait du dialogue !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Évin a insisté sur le rôle et des agences régionales et de l'agence nationale de santé.

M. Claude Évin. Je ne suis pas le seul à l'avoir évoqué !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je reste persuadé que nous devons aller vers un système qui prenne mieux en compte la coordination du monde hospitalier et du monde libéral. Cela se fera d'abord au niveau régional, puis au niveau national. Aujourd'hui, alors que le malade est unique, tout comme le financement, les deux secteurs restent trop séparés.

Je ne suis pas hostile au fait que nous travaillions sur ce sujet durant l'examen du texte. M. Préel y tient, ainsi que M. le rapporteur et M. le président de la commission spéciale. Il est indispensable que nous parvenions à une meilleure coordination entre les deux secteurs. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement proposera, durant la discussion, un rapprochement et une coordination, au niveau régional, entre les deux systèmes.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir écouté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Quel courage ! En voilà une réforme ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Édouard Landrain. Assez polémiqué, monsieur Le Guen !

Mme Huguette Bello. Et pas un mot sur l'outre-mer ! Quel mépris !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je m'étonne que M. le ministre n'ait pas répondu aux interpellations de l'opposition. Je constate qu'il dialogue avec la majorité, mais que, envers nous, il oscille entre l'indifférence et la polémique, notamment quand nous parlons des ressources pérennes que nous souhaitons affecter au financement de l'assurance maladie. Il nous fait ainsi comprendre, avec une désinvolture choquante, que nos propositions ne l'intéressent pas.

Mme Élisabeth Guigou. En effet, le ministre refuse de nous répondre !

M. Philippe Auberger. Mes chers collègues, le débat gagnerait à être plus serein.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons posé plusieurs questions auxquelles le ministre n'a pas répondu. Qu'en est-il de ce que j'ai appelé le « plan caché » de l'assurance maladie ?

L'attitude du Gouvernement rappelle étrangement celle qu'il a adoptée dans notre hémicycle lors de l'examen de la loi de décentralisation organisant le transfert de certaines compétences vers les collectivités locales. Nous avons vainement réclamé de pouvoir examiner d'abord, conformément à la logique, la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales.

Je vois, monsieur le ministre, que vous reprenez votre téléphone portable, avec lequel vous n'avez cessé de jouer pendant les interventions des députés de l'opposition !Je vous demande un minimum de respect !

Le Gouvernement a reconnu qu'une loi organique était en préparation, dont nous ne connaissons pas les termes, mais qui modifiera sans doute profondément les conditions du financement de la sécurité sociale. Celle loi, qui représente le bouclage de son plan, conduira inévitablement à ce que j'ai appelé « l'austérité médicale ». Qu'on cesse donc de nous parler de réforme à propos du projet de loi, puisque l'essentiel de l'action gouvernementale, notamment en matière financière, se prépare ailleurs !

Monsieur le ministre, je comprends pourquoi vous ne répondez pas aux questions de l'opposition. Mais nous attendons des réponses. Comme préalable à la discussion, nous exigeons de connaître le « plan caché » de réforme de l'assurance maladie, qui n'a été révélé à personne.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe et pour que M. le ministre prenne le temps de préparer sa réponse aux questions fondamentales de l'opposition sur l'avenir de notre système de santé et de solidarité.

M. le président. Avant de faire droit à votre demande de suspension de séance, je vais donner la parole à M. le ministre, qui va vous répondre.

Je vous en prie, monsieur le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Ayrault, il me semble que vous m'interrogez, non sur le projet de réforme de l'assurance maladie, mais sur un projet comptable dépendant de la loi organique, voire sur un plan de privatisation de l'assurance maladie.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis resté précis dans mes réponses, au sens où je n'ai cessé de parler du projet de loi. Mais, s'il faut considérer le problème de la santé dans son ensemble, je n'y suis pas opposé.

La réforme de l'assurance maladie est basée sur une maîtrise médicalisée et non sur une régulation comptable. Cette régulation supposerait l'existence d'une enveloppe fermée. Ce n'est pas le choix que j'ai fait. La note de Bercy me l'a d'ailleurs reproché.

Par ailleurs, vous connaissez ma position en ce qui concerne la loi organique. Je l'ai expliquée au cours d'une interview récente. Chaque année, les lois de financement de la sécurité sociale prévoient des recettes et des dépenses. Imaginons que, une année, on observe un déficit de 5 milliards d'euros. L'année suivante, la loi de financement de la sécurité sociale ignorera ce déficit et l'ONDAM prévoira à nouveau des recettes et des dépenses. Pour ma part, je me suis permis de dire que, sans rentrer dans une régulation comptable, il me paraît normal de voter des dépenses en prenant en considération, non seulement le budget de l'année, mais également le déficit de l'année précédente. Vous l'avez d'ailleurs fait en commission des finances pour le budget de l'État.

Je ne fais qu'avancer une idée, et une idée, ce n'est pas un texte. Vous ne pouvez pas faire accroire que nous mettons en place une maîtrise comptable.

M. Claude Évin. Il ne suffit pas de le dire !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous mettez en place une maîtrise comptable, non des dépenses de santé, mais de l'assurance maladie !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, cela supposerait de voter un budget et de s'y tenir, en refusant toute augmentation. Or - et je réponds ainsi à la question que vous m'avez posée hier - je ne remets nullement en cause l'ONDAM, qui est un objectif national de dépenses.

M. Claude Évin. Ce n'est pas ce que vous disiez dans cet article !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Vous nous dites, monsieur le ministre, qu'il n'est pas question de mettre en œuvre une régulation comptable mais, depuis que le débat s'est engagé, il est clair que votre objectif est de réduire le déficit, et nous avons démontré à plusieurs reprises la manière dont vous entendez vous y prendre. Or, sur ce point, les notes se succèdent et, après celle de Bercy, nous apprenons, ce matin, dans un quotidien, que la CNAM estimerait que le déficit de la sécurité sociale ne sera pas résorbé en 2007.

Cela confirme que le projet de loi n'est ni à la hauteur de l'enjeu ni sincère, malgré les déclarations du Gouvernement. Les faits sont têtus et ils prouvent que non seulement vous trompez nos concitoyens en les obligeant une nouvelle fois à consentir des sacrifices, alors que rien ne sera réglé en ce qui concerne le déficit, mais aussi que le but inavoué du Gouvernement est de laisser filer celui-ci pour mieux imposer une réforme, certes, mais une réforme qui vise à privatiser le système de santé et à instaurer une médecine à deux vitesses au profit des assurances privées.

Dans ces conditions, nous demandons que l'examen du projet de loi soit suspendu. Il est désormais évident que ce dernier ne sert à rien, qu'il fragilisera notre système de protection sociale et affaiblira la protection des assurés sociaux. Le Gouvernement doit donc revoir sa copie, par respect pour nos concitoyens et pour la représentation nationale, que l'on fait siéger tout le mois de juillet.

Compte tenu de cette nouvelle note, qui confirme celle de Bercy, il convient de réunir à nouveau la commission (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. le président. Madame Jacquaint, nous n'en sommes pas encore aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

Mme Muguette Jacquaint. ...afin qu'elle réexamine le projet de loi.

Je demande donc une suspension de séance d'une demi-heure. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Vous êtes déjà fatiguée à cette heure-ci de la matinée !

M. Richard Mallié. Il aurait mieux valu participer aux réunions de la commission !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je confirme ma demande de suspension de séance.

La réponse du ministre est embarrassée : il est évident qu'il manque un pan très important à son plan. Nous demandons à connaître l'avant-projet de loi organique.

Vous ne nous avez absolument pas rassurés, monsieur le ministre. Au contraire, votre propos a renforcé nos craintes concernant une future austérité et confirmé l'analyse que nous avions développée et selon laquelle la porte est grande ouverte aux assurances privées. Vous nous avez caché quelque chose,...

M. Édouard Landrain. Oh !

M. Jean-Marc Ayrault. ...et c'est par un pur hasard que nous avons fini par découvrir qu'un autre texte est à venir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Du reste, c'est compréhensible : vous voulez profiter de la torpeur de l'été pour faire passer votre plan dans l'indifférence, alors que la vraie question se posera à la rentrée, au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que vous voulez transformer en loi organique.

Vous avez bien retenu la leçon de M. Seillière : « Il n'y a plus d'élections pendant trois ans, profitons-en ! »

M. Jean-Marie Le Guen. La matraque sociale !

M. Jean-Marc Ayrault. Ne comptez pas sur notre complaisance, monsieur le ministre. Nous vous disons : halte !

M. le président. Monsieur Ayrault, comme votre groupe va pouvoir s'exprimer à la faveur de la motion de renvoi en commission que va défendre M. Claeys, je vous propose de réduire à une dizaine de minutes la suspension de séance que vous sollicitez.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre, le débat parlementaire démontre parfois toute son utilité. Ainsi l'intervention précédente du président Ayrault a-t-elle sans doute révélé la véritable nature du projet de loi sur l'assurance maladie que vous pourriez nous présenter en octobre.

Lorsque le projet de réforme de l'assurance maladie a été annoncé par le Gouvernement, le groupe socialiste a dit très clairement qu'il n'accepterait le débat qu'à la condition qu'il soit global, abordant à la fois les thèmes de la gouvernance et de l'offre de soins, mais aussi le problème du financement.

Une phrase sibylline extraite d'une interview que vous avez donnée, monsieur le ministre, nous éclaire sur vos intentions. Je ne crois pas déformer vos propos en affirmant qu'en une minute trente vous avez expliqué que les règles d'élaboration de l'ONDAM et les règles de la constitution financière de l'assurance maladie seraient modifiées, et qu'une loi organique consacrerait le passage d'une démarche d'objectif à une démarche strictement comptable.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

M. Alain Claeys. Ce débat, monsieur le ministre, me paraît mériter autre chose que des sourires ou des invectives.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je ne vous le fais pas dire !

M. Alain Claeys. Je crois qu'il conviendrait d'aborder ce sujet, qui conditionne tout le reste, lors de la réunion de la commission spéciale qui aura lieu cet après-midi à quatorze heures trente, même si la question n'est pas inscrite à l'ordre du jour.

Au-delà des motifs que je vais évoquer, justifiant le renvoi en commission, je suis persuadé, connaissant votre rigueur intellectuelle et votre souci d'objectivité, monsieur le président de la commission spéciale (Exclamations sur tous les bancs), qu'au fond de vous-même vous estimez que les propos du ministre méritent à eux seuls que l'on en débatte en commission.

M. Jean-Luc Préel. Les mérites d'Yves Bur sont reconnus !

M. Alain Claeys. À l'issue de la discussion générale, dans le cadre de cette motion de renvoi en commission du projet de loi relatif à l'assurance maladie, je souhaite vous démontrer, mes chers collègues, que le texte que nous présente le Gouvernement ne constitue pas une réforme, loin s'en faut.

Depuis deux ans, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin cherche à se faire passer pour un gouvernement réformateur, affrontant tous les immobilismes et tous les conservatismes de la société française.

En deux ans, il aura au moins un succès à son actif, celui d'avoir réformé la définition du mot réforme. Ainsi la réforme et le progrès sont-ils devenus synonymes de rigueur et de régression. On est désormais très loin de la réforme qui vise à changer en mieux, à améliorer.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. En disant cela, vous pensez aux carrières longues, sans doute !

M. Alain Claeys. La réforme, monsieur le ministre, a finalement été réhabilitée dans un sens très ancien, celui de rétablir l'ordre des choses dans leur forme primitive.

Depuis deux ans, une politique méthodique d'abandon social est menée avec constance et détermination. Sa logique s'inspire d'un libéralisme sans limites, selon lequel il suffirait de baisser les prélèvements sur les plus riches pour soi-disant soutenir l'activité économique. Sa méthode est dangereuse, qui consiste à dénoncer les droits sociaux comme des avantages indus, et culpabiliser ceux qui en bénéficient. Ses choix sont désastreux, qui reviennent à supprimer ce qui améliore la vie quotidienne des Français et leur donne confiance dans l'avenir. Ses résultats sont sans appel : augmentation du chômage, multiplication des plans de licenciements, dont l'actualité nous fournit de nouveaux exemples, explosion des déficits de l'État et de la sécurité sociale.

Cette politique, monsieur le ministre, est très révélatrice de votre démarche et de vos motivations réelles.

Le débat sur les fraudes à la carte Vitale, que vous avez lancé sur une grande chaîne de télévision, vous a, par la suite, permis de justifier toutes les mesures de sanctions possibles et de suspicion à l'égard des assurés. Il s'agit de votre méthode et de vos choix. Nous les rejetons.

L'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune ont été réduits et la sécurité sociale, faute de ressources ainsi dilapidées, s'est trouvée en grande difficulté. Aujourd'hui, pour réduire le poids des dépenses publiques de santé, vous n'avez d'autre solution que celle qui consiste à les transférer vers des financements individuels. Il s'agit de vos résultats et de votre logique. Nous les dénonçons.

Les Français ne sont pas opposés par principe aux réformes, mais ils le sont à la plupart de celles qui sont synonymes de régression et de rigueur, comme celles que vous menez depuis deux ans. Ils vous l'ont démontré avec force à l'occasion des élections régionales et cantonales, et, par la suite, des élections européennes.

L'autisme dont a fait preuve le Président de la République à l'issue des ces scrutins est très inquiétant pour notre démocratie. Cette irresponsabilité fait courir à notre pays un danger immense.

Un gouvernement et une majorité parlementaire n'ont pas raison seuls contre les Français. L'action politique n'a de sens que si elle donne une perspective et une direction à la société française.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Si l'on prend ses responsabilités !

M. Alain Claeys. Au travers des décisions prises chaque jour par le Gouvernement ou au Parlement, les Français doivent avoir le sentiment que la politique conduite va dans le sens d'une amélioration.

Les Français sont responsables. Ils sont prêts à accepter qu'un véritable débat soit mené sur le niveau de dépenses que la collectivité est disposée à assumer pour la santé de chacun. Il s'agit d'un défi majeur auquel nous sommes tous confrontés et qui passe d'abord par le dialogue et l'écoute.

Vous ne leur proposez ni l'un ni l'autre, préférant une attitude irresponsable qui consiste à stigmatiser, à dénoncer les abus, pour faire accepter les efforts les plus injustes, pour justifier les déremboursements et la fatalité d'un système où la solidarité sera réduite à une peau de chagrin.

Les Français sont prêts à une réforme du système de santé et de l'assurance maladie, qui permette d'améliorer l'offre de soins dans notre pays, et à garantir l'égalité d'accès à des soins de qualité sur tout le territoire.

Vous refusez ce dialogue républicain en faisant croire, comme M. Juppé en son temps, que sans ce projet de loi, ce serait le chaos et la catastrophe. Vous avez préféré la caricature à la confrontation des projets et des propositions.

La catastrophe, elle est déjà là et votre gouvernement en est directement responsable. En deux ans, vous avez conduit, en effet, notre système de sécurité sociale à la faillite, alors que les comptes étaient excédentaires en 2001. Vous avez fait le choix coupable de fragiliser la sécurité sociale et l'assurance maladie pour financer des baisses d'impôt accordés aux plus favorisés.

Aujourd'hui, vous vous contentez d'un plan de colmatage, très déséquilibré et très injuste pour les assurés sociaux et vous faites de quelques mesures gadgets mal préparées, mais annoncées avec force, la pierre angulaire de la réorganisation du système de santé dans notre pays.

Vous refusez de voir que la priorité aujourd'hui, pour faire face aux besoins et aux attentes en matière de santé, se situe dans un plan audacieux de réforme de l'offre de soins dans notre pays.

Vous faites de la réorganisation de la gouvernance de l'assurance maladie le préalable de votre réforme, alors qu'il ne peut s'agir que de la conséquence.

Vous faites le choix de reporter le poids de vos déficits sur les générations futures et refusez d'apporter des moyens de financement durables et solidaires.

En un mot, votre réforme n'en est pas une. Votre projet ne réorganise pas l'offre de soins dans notre pays : il sanctionne les assurés et les malades.

Monsieur le ministre, s'il y avait une raison et une seule pour renvoyer le projet de loi en commission, nous la trouverions avec le dossier médical personnel.

Vous êtes en train de tuer une bonne idée. Pour des raisons d'affichage et par précipitation, vous créez toutes les conditions pour opposer le dossier médical partagé aux droits des malades mis en œuvre grâce à la loi Kouchner de 2002.

Ce malaise, nous l'avons ressenti profondément lors des débats en commission spéciale, quelles que soient nos appartenances politiques.

Le dossier médical ne peut pas se substituer à la réorganisation du système de soins. Il n'en est pas le préalable. Il ne peut en être que l'aboutissement. Monsieur le ministre, c'est une première erreur que de prétendre, comme vous le faites, le contraire.

Vous le présentez comme la mesure miracle qui va régler tous les problèmes de continuité et de coordination des soins et permettre de nombreuses économies d'échelle.

L'idée du dossier médical partagé n'est pas nouvelle. Regrouper les données de santé de chacun est utile à l'amélioration des soins. C'est un instrument pour lutter contre la trop forte discontinuité des soins entre la médecine de ville et l'hôpital. C'est un atout pour le développement des réseaux de santé et des parcours de soins.

Mais, le projet ne fait que construire une arme de régulation financière. C'est une deuxième erreur.

Vous en faites d'abord un instrument de sanction des assurés, en partant du principe que tout assuré qui consulte abuse du système. En effet, vous voulez conditionner la prise en charge des actes et prestations à l'autorisation du patient de présenter son dossier. Nous sommes très loin de la maîtrise médicalisée des dépenses.

Cette logique financière du dossier médical personnel se retrouve dans le choix que vous faites de l'inscrire dans le code de la sécurité sociale et non dans celui de la santé publique. La qualité des soins et leur sécurité sont des impératifs de santé publique avant d'être des éléments de calcul de la prise en charge par la sécurité sociale.

Vous vous écartez des principes de la loi Kouchner sur le droit des malades, garantissant l'accès de chacun à son dossier médical et le droit de veto sur les informations qui y figurent. C'est pour cette raison que des députés socialistes ont déposé en commission spéciale un certain nombre d'amendements. Et ceux-ci, même s'ils n'ont pas été adoptés, ont reçu un accueil favorable car ils soulevaient de réels problèmes. Voilà qui montre au passage que, contrairement à ce que vous prétendez, nous faisons des propositions.

Chaque patient peut vouloir protéger un accès à des informations anciennes qui peuvent se révéler délicates et difficiles. Faut-il absolument que tous les professionnels aient accès à toute la vie médicale d'un patient ? Ne faut-il pas maintenir cette liberté fondamentale de conserver secrète telle ou telle information pour chaque patient ?

Aucune garantie quant à la confidentialité des données disponibles sur le dossier n'est apportée. Il est indispensable de verrouiller fermement les conditions d'accès des données. Imaginez les conséquences si les assureurs y avaient accès ! Comme l'a rappelé Alain Vidalies, hier soir, l'hébergement des données de santé doit relever d'un établissement public. Que se passerait-il dans le cas contraire si, par exemple, l'hébergeur était situé à l'étranger ?

M. Jean-Marie Le Guen. Très bonne question !

M. Alain Claeys. La responsabilité des médecins dans la mise en œuvre du dossier et dans sa gestion n'est pas précisée. L'aspect thérapeutique et sanitaire passe véritablement au second plan.

La date du 1er juillet 2007 est illusoire. Les acteurs du système de santé l'affirment avec force. Qui va constituer les dossiers en si peu de temps ? Comment seront-ils remplis après leur création ? Comment seront équipés les cabinets médicaux des zones qui ne sont pas encore couvertes par le système de communication à haut débit ? De très nombreuses questions restent à ce jour sans réponse.

En disant cela, je ne cherche pas à faire durer le débat ou à polémiquer. Il se trouve simplement que l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont nul, ici, ne peut remettre en cause le sérieux, a été saisi par la commission des affaires sociales et est arrivé aux mêmes conclusions que nous.

Il a constaté, en effet, que moins de 5 % des hôpitaux disposent d'un dossier informatisé, et encore moins d'un dossier médical unique commun à tous les services, ou encore que 95 % des dossiers sont manuscrits. Dès lors, il considère que le dossier médical personnel ne sera pas généralisé d'un claquement de doigt et qu'il nécessitera de très lourds investissements. Il parle de 10 milliards d'euros.

L'office fait observer encore que les obstacles ne sont pas seulement financiers : il pose aussi les problèmes techniques et déontologiques. La réglementation voire la loi sont également en travers de la route.

La belle idée du dossier médical partagé sera gâchée faute d'avoir été préparée avec le soin et l'attention nécessaires, faute qu'on ait voulu en faire un véritable instrument tendant à améliorer la qualité des soins pour privilégier la sanction du patient. La précipitation médiatique ne remplace pas l'efficacité politique, monsieur le ministre.

Cette démarche, qui vise à sanctionner d'abord et quasi uniquement le patient, on la retrouve tout au long des articles que vous présentez sous le titre relatif à l'organisation de l'offre de soins et à la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Monsieur le ministre, votre slogan sur les changements de comportements s'adresse à tous les acteurs du système de santé mais, dans la réalité de votre projet de loi, vous ne sanctionnez que les seuls assurés sociaux et vous exonérez les professions médicales.

Le rapport de la commission spéciale le reconnaît d'ailleurs de façon explicite. Je vous invite à prendre connaissance du sommaire. Il est très instructif. Le I porte le titre suivant : « Le projet de loi vise d'abord à promouvoir la qualité des soins et à responsabiliser les acteurs du système de santé » - jusqu'ici, rien d'anormal. Et voici comment sont intitulées les trois parties composant ce I : « L'augmentation de la qualité et une meilleure organisation des soins sont les objectifs premiers du projet de loi » - on peut douter de cette affirmation mais passons ; « Les patients devront changer leurs comportements » ; « La responsabilisation de l'ensemble des acteurs doit permettre de mieux lutter contre les dépenses inutiles. »

Le rapprochement de ces deux derniers titres est très révélateur. D'un côté, on impose aux patients de changer. De l'autre, on suppose que la responsabilisation des acteurs, et notamment des professionnels de santé, permettra de lutter contre les dépenses inutiles. D'un côté, c'est la stigmatisation et la contrainte. De l'autre, c'est l'incantation et la simple invitation à de meilleurs comportements.

On peut parler de véritables sanctions unilatérales. Pire encore, vous avez commencé par culpabiliser les Français pour mieux leur faire accepter aujourd'hui le poids des obligations nouvelles.

Certes, cette politique n'est pas arrivée avec vous au ministère de la santé, après la défaite électorale du mois de mars. Votre prédécesseur l'avait initiée avant vous : vous ne faites que l'amplifier.

Votre prédécesseur avait donné deux euros aux médecins généralistes dès le mois de juin 2002, sans aucune contrepartie en termes de maîtrise médicalisée des dépenses et d'amélioration de la qualité des soins.

Vous, vous prenez un euro à chaque patient, au nom d'une logique : les responsabiliser et changer leurs comportements. Mais, monsieur le ministre, vous le savez bien, la diminution de la prise en charge n'a jamais contribué à diminuer les dépenses de santé ! Elle ne fait que pénaliser les plus modestes et qu'aggraver les inégalités !

En réalité, avec cette mesure que vous qualifiez d'indolore, vous préparez l'opinion publique à l'idée d'un panier de soins dont la prise en charge par l'assurance maladie serait réduite à la portion congrue, les soins restants étant renvoyés à des financements individuels. Vous voulez faire passer dans l'opinion l'idée selon laquelle la collectivité doit progressivement réduire sa participation au financement des dépenses de santé.

Comme pour le dossier médical personnel, on se trouve pour l'offre de soins devant une absence totale de réflexion et devant une mesure mal préparée, au nom de la seule logique financière. Les questions sont nombreuses : le montant de la franchise est d'un euro aujourd'hui, mais quel sera son montant demain ? Comment sera-t-elle perçue ? Les médecins vont-ils devenir des percepteurs ? Les malades devront-ils la payer avant ou après la consultation ? Les praticiens la reverseront-ils à l'assurance maladie ? Vous voulez nous faire croire qu'en taxant ainsi les malades, vous faites appel à leur sens des responsabilités ?

Cette franchise, fixée à un euro aujourd'hui, mais que vous augmenterez demain, n'est qu'un moyen de dérembourser les consultations médicales. C'est un instrument financier, qui n'a pas d'autre ambition.

Preuve qu'il ne s'agit que d'une mesure financière, vous prévoyez deux exonérations à caractère social : les mineurs et les bénéficiaires de la CMU.

Vous n'intégrez aucune dimension médicale dans cette franchise. Les Français, qui sont prêts à consentir un effort pour l'assurance maladie, l'ont bien compris : plus ils seront malades, plus ils devront payer. S'ils ont la chance d'être bien portants, ils ne paieront rien.

Pour faire croire que ce dispositif s'inscrit dans une démarche médicalisée, vous devriez au moins en exclure les patients qui font le choix du médecin traitant ou du dossier médical, que vous proposez par ailleurs. Vous ne le faites pas. Vous choisissez la sanction financière, la culpabilisation et vous confondez cette attitude avec la responsabilisation.

Tous les outils contenus dans votre projet de loi vont dans le même sens : ils font porter le poids des changements de comportement sur les assurés sociaux.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est faux !

M. Alain Claeys. Vous renforcez ainsi les contrôles : sur les malades atteints d'une affection de longue durée, sur les arrêts de travail. Les patients pourront être pénalisés s'ils consultent, sans le savoir, un médecin qui a été sanctionné par l'assurance maladie car coupable d'abus en matière de délivrance abusive d'arrêts de travail.

En la matière, si nous voulons être plus efficaces, attaquons-nous à la pression qui pèse sur les médecins, parce que les entreprises ont tendance à utiliser les arrêts du travail comme moyen de gestion de leur personnel, notamment des salariés les plus âgés.

M. Jean Le Garrec. Très juste !

M. Alain Claeys. En réalité, la question du renouvellement des arrêts de travail devrait relever des médecins conseil de la sécurité sociale.

M. Jean Le Garrec. Très bien !

M. Alain Claeys. Quant à l'obligation faite désormais à chaque patient de plus de seize ans de désigner à la sécurité sociale son médecin traitant sous peine de voir sa prise en charge réduite, elle relève de la même logique de sanction envers les seuls assurés.

La mise en place d'un médecin traitant est une bonne idée, mais vous la dévoyez au nom de la logique financière. La majorité parlementaire actuelle, et vous le premier, monsieur le ministre, s'est opposée en son temps à la création des médecins référents !

M. Claude Evin. Eh oui !

M. Alain Claeys. Aujourd'hui, vous proposez la création du médecin traitant, sans le rémunérer spécifiquement, alors qu'il faudrait prendre en compte l'expérience encourageante des médecins référents.

M. Hervé Mariton. Vous les payez comment ?

M. Alain Claeys. D'après les études qui ont été effectuées, le médecin réfèrent prescrit globalement moins, il prescrit davantage de médicaments génériques et enfin il voit plus souvent son patient dans une logique de prévention.

Mme Claude Greff. Voilà une bonne façon de pratiquer la médecine !

M. Alain Claeys. Le médecin traitant que vous imposez, monsieur le ministre, ne s'inscrit pas dans une logique d'amélioration du suivi des patients et de meilleure qualité des soins. Sa seule justification se trouve dans la possibilité que vous offrez, dans un autre article du projet de loi, aux médecins spécialistes de majorer le tarif de leur consultation pour tout patient qui ne leur serait pas adressé par un médecin traitant.

Il ne s'agit pas d'un mécanisme d'incitation pour une prise en charge coordonnée des soins, mais d'une façon de calmer la grogne des médecins spécialistes du secteur 1, de plus en plus nombreux à pratiquer sans autorisation des honoraires libres.

A travers deux articles, l'un portant sur le médecin traitant et l'autre sur la liberté tarifaire, vous condamnez les patients à la double peine.

Cette dernière disposition est le symbole de la médecine à deux vitesses que vous cherchez à mettre en place. Seuls les assurés qui en ont les moyens se rendront directement chez un spécialiste ; quant aux autres, ils seront sanctionnés.

Mme Claude Greff. Votre analyse est mauvaise !

M. Alain Claeys. Sur un plan médical, l'accès au spécialiste doit être encouragé. Pour cela, il faut donner tout son sens au rôle du médecin traitant.

Mme Claude Greff. Ah bon ?

M. Alain Claeys. Votre projet de loi ne s'engage pas dans cette direction : vous ne donnez aucune mission spécifique au médecin traitant, ni en matière de prévention ou d'amélioration des bonnes pratiques, ...

Mme Claude Greff. Il sait ce qu'il doit faire !

M. Alain Claeys. ...ni en matière de coordination des soins ou de suivi des patients. Vous en faites un filtre inefficace et injuste pour limiter l'accès au spécialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Hervé Mariton. Vous prenez les médecins pour des ânes !

M. Alain Claeys. Vous êtes prisonniers de la logique du paiement à l'acte. Pour améliorer la prise en charge, la coordination des soins, leur qualité, il faut reconnaître le rôle du médecin, qu'il soit traitant ou référent, élargir ce rôle à une démarche de santé publique et rémunérer le médecin de façon spécifique au-delà du paiement à l'acte.

Mme Claude Greff. Eh bien voyons !

M. Alain Claeys. Madame, vous ne la partagez peut-être pas, mais c'est une idée qui fait son chemin !

Mme Claude Greff. Il existe un code de déontologie, tout de même !

M. Alain Claeys. Pour modifier les pratiques médicales, la prise en charge qualitative du malade doit être une priorité.

Mme Claude Greff. Sur ce point, nous sommes tous d'accord !

M. Alain Claeys. Pour sortir de la logique du paiement à l'acte qui privilégie la quantité, les médecins libéraux doivent être rémunérés au forfait pour toutes les actions de prévention, d'évaluation, de formation continue et de développement de pratiques innovantes.

Mme Claude Greff. Vous ne savez pas ce qu'est la médecine !

M. Alain Claeys. Pour ces raisons, madame, nous proposons que la prochaine convention médicale prenne en compte cette forme de rémunération, comme l'a indiqué hier Jean-Marie Le Guen. C'est en associant les médecins à cette démarche que nous pourrons améliorer les pratiques médicales.

Votre projet de loi n'y parviendra pas car il ne prévoit qu'une chose : sanctionner les patients. Il s'inscrit bien dans la démarche, initiée par le Premier ministre, qui consiste à rechercher un juste équilibre entre ce qui relève de la solidarité nationale et ce qui relève de la responsabilité personnelle. Cette démarche ouvre la voie à une large privatisation et favorise le développement de la prise en charge par des organismes complémentaires et des assurances privées.

Vous tournez le dos au principe de solidarité nationale au profit, je le répète, d'une médecine à deux vitesses.

Pour conclure cette première partie de mon propos, je souhaiterais insister sur un point qui pourrait justifier le vote de cette motion de renvoi en commission, à savoir le bricolage qui a présidé à l'élaboration du dossier médical personnel. Monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, je vous le rappelle, le dossier médical a fait l'objet au sein de la commission spéciale d'un long débat contradictoire. D'ailleurs, je crois pouvoir dire que tous les députés qui ont participé à nos travaux, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, s'interrogent encore sur l'opportunité du dossier médical et que le travail n'est certainement pas achevé.

Votre projet oublie de réorganiser l'offre de soins. II se contente de réorganiser les modalités de gestion et de décision de l'assurance maladie, dans un sens qui tourne le dos à la qualité des soins.

La santé, au même titre que l'éducation, doit être une priorité nationale et une priorité de l'action publique. Le droit à la santé est un droit fondamental, garanti par la Constitution. Si nous voulons qu'il soit respecté pour tous nos concitoyens et sur tout le territoire, le rôle de l'État est essentiel. II lui revient de définir les objectifs de santé publique et les moyens à mettre en œuvre.

Vous le savez, mes chers collègues, l'allongement de la durée de la vie et la mise en œuvre de thérapeutiques nouvelles entraînent une croissance des dépenses de santé.

Mme Claude Greff. Eh oui !

M. Alain Claeys. Notre société doit faire face à ces évolutions avec pour objectif de mieux répondre aux attentes et aux besoins de la population et des professionnels de santé...

Mme Claude Greff. Comment faites-vous pour y répondre ?

M. Alain Claeys. ...et pour ambition de garantir à chacun ce droit universel à la santé.

M. Hervé Mariton. Personne ne peut être contre ce principe !

M. Alain Claeys. Votre projet, monsieur le ministre, n'intègre pas cette ambition.

Mme Claude Greff. Ah bon ?

M. Alain Claeys. Il oublie que l'urgence se situe dans une réforme d'ensemble de notre système de santé portant sur l'organisation et la qualité de l'offre de soins.

J'en viens, monsieur le ministre, à l'hôpital, qui est le grand absent de votre projet.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Ce n'est pas vrai !

M. Alain Claeys. Monsieur le rapporteur, rappelez-vous les discussions que nous avons eues au sein de la mission d'information, où votre rôle était essentiel : on ne peut pas dire que les dépenses de l'hôpital représentent 45 % de l'assurance maladie, qu'elles constituent une véritable « boîte noire », pour reprendre l'expression de certains...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. De Bertrand Fragonard en effet !

M. Alain Claeys. ...et accepter que ce projet de loi ne traite pas très concrètement la question de l'hôpital !

Vous avez préféré légiférer par ordonnance pour réformer sa gouvernance. L'avenir de l'assurance maladie et celui de l'hôpital public sont intimement liés. L'hôpital est le reflet des maux de notre société. Ne pas chercher à apporter des solutions à ses difficultés de fonctionnement, c'est renoncer à vouloir assurer la qualité des soins !

La première condition pour qu'il retrouve sa place est de modifier les conditions d'application de la tarification à l'activité.

Mme Maryvonne Briot. Que faut-il faire ?

M. Alain Claeys. C'est vrai, nous ne pouvions conserver le budget global, mais la tarification à l'activité ne risque-t-elle pas de conduire à la sélection des malades ? La renégociation de cette réforme devrait permettre de revaloriser les missions de service public de l'hôpital, de mettre fin à la convergence entre le public et le privé et de favoriser la qualité et la proximité.

Monsieur le ministre, permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur la tarification à l'activité. Nous ne remettons pas en cause son principe, mais nous considérons que son application en l'état n'est pas acceptable, pour deux raisons.

Premièrement, vous mettez dans une enveloppe commune le privé et le public. Cette modalité technique n'est pas valable et risque de pénaliser l'hôpital.

Deuxièmement, les missions d'intérêt général risquent de devenir la variable d'ajustement et de retirer à l'hôpital ses missions de service public. On ne peut pas, sous prétexte de vouloir réorganiser notre système de soins entre médecine de ville et hôpital, laisser l'hôpital fonctionner avec pour seul critère la tarification à l'activité en laissant de côté l'aménagement du territoire. Une telle politique va poser un véritable problème aux grands hôpitaux et aux hôpitaux de proximité.

La prévention est également la grande absente de votre projet. Elle devrait pourtant occuper la même place que le soin dans notre système de santé. Un rééquilibrage entre prévention et soin, en nous donnant une plus grande marge de manœuvre, nous permettrait d'améliorer la qualité des soins et de modifier véritablement les pratiques médicales.

Pour cela, il faudrait mener une politique ambitieuse de santé publique par pathologie et par catégorie de population, lutter davantage contre les comportements à risque liés au tabagisme et à l'alcoolisme, donner la priorité à la santé au travail et à la médecine scolaire.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vous ne pouvez pas dire cela ! Nous avons fait plus que vous pour lutter contre le tabagisme !

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur Bur, c'est pour baisser les impôts des plus riches, tout le monde le sait, que le Gouvernement a augmenté le tabac !

M. Alain Claeys. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'aspect financier de ce texte !

De telles ambitions ne figuraient pas dans le projet de loi de santé publique. Elles ne figurent pas non plus dans ce projet de loi.

Toute réforme du système de santé passe par une volonté politique forte, rassemblant tous les acteurs de la santé autour d'une même ambition. Les professionnels vont peut-être, dans un premier temps, vous remercier de les écarter de la réforme. Cela sera malheureusement de courte durée, car, au final, c'est la pérennité même du système qui sera condamnée et, par conséquent, leur place et leur rôle.

Mme Élisabeth Guigou. Eh oui !

M. Alain Claeys. Votre projet renvoie en effet la problématique de la qualité des soins au système conventionnel. Il appartiendra aux médecins d'arbitrer cette question dans le cadre de leurs discussions avec l'assurance maladie, mais leur légitime priorité sera alors leur juste rémunération.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Quelle rémunération ?

M. Alain Claeys. La qualité et la coordination des soins, la maîtrise de la démographie médicale, la formation continue et l'évaluation ne seront pas assurées par une action forte et déterminante de l'État.

De la même façon, la réforme de la fonction de visiteur médical est renvoyée à une simple charte qui doit être passée avec l'industrie pharmaceutique.

Mme Claude Greff. C'est déjà ça !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est important !

M. Alain Claeys. Je vous dispense de vos commentaires, monsieur le secrétaire d'État, vous aurez l'occasion de me répondre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Simon. Quelle suffisance !

M. Alain Claeys. Mes chers collègues, vous devriez vous réjouir qu'on fasse respecter la représentation nationale !

M. Pierre Cardo. C'est valable pour tout le monde !

M. le président. Un peu de courtoisie, mes chers collègues !

M. Alain Claeys. Il est pourtant indispensable de promouvoir un bon usage du médicament, fondé sur une approche qualitative, si l'on veut réduire de 20 % en trois ans la surconsommation de médicaments dont notre pays détient l'un des records.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est le résultat de votre politique !

M. Alain Claeys. C'est le sens des amendements que nous vous proposerons en cette matière.

L'État aurait là aussi un rôle essentiel à jouer. Or votre projet ne traite pas de cette question.

Mme Claude Greff. Vous ne l'avez pas lu !

M. Alain Claeys. Il y a pourtant là un gisement d'économies considérables, et la possibilité de dégager des marges de manœuvre essentielles pour qui veut donner la priorité à une politique de santé tournée vers la qualité. La formation médicale ne doit plus être, comme aujourd'hui, dépendante du poids de l'industrie pharmaceutique.

M. Hervé Mariton. Des mots !

M. Alain Claeys. Sur le terrain, le besoin de décloisonnement se fait sentir plus vivement de jour en jour, et le drame sanitaire de l'été dernier en fut la cruelle démonstration. Malheureusement, votre projet ne mène pas jusqu'à son terme la logique de rapprochement entre la médecine libérale et l'hôpital, entre le sanitaire et le médico-social. Alors que la région est l'échelon le plus pertinent pour y parvenir, vous n'allez pas jusqu'au bout de cette démarche régionale : vous vous contentez, comme vous l'avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, de renforcer les liens entre les unions régionales des caisses d'assurance maladie et les agences régionales de l'hospitalisation, là où il faudrait accomplir une véritable déconcentration et assurer une véritable coordination des soins par la création d'agences régionales de santé.

À ce propos, monsieur le ministre, je reprendrai à mon compte l'interpellation que vous a adressée M. Claude Évin dans le cadre de la discussion générale. Vous ne cessez, d'interview en interview, de prétendre que les socialistes ne font aucune proposition.

M. Yves Simon. Ça vous gêne !

M. Alain Claeys. Or le groupe socialiste, autour de Claude Évin, a proposé pas moins de cinq amendements sur ces agences régionales de santé.

M. Gérard Bapt. Huit !

M. Alain Claeys. Ces amendements décrivent dans le détail la finalité et le fonctionnement de ces agences.

M. Hervé Mariton. On aimerait connaître vos propositions sur le sujet du texte !

M. Alain Claeys. Ces propositions ont fait l'objet d'un débat au sein de la commission spéciale, dont je n'ai pas eu l'impression - je parle là sous le contrôle de son rapporteur - qu'il s'est achevé sur un rejet de nos amendements. Mais nous apprenons aujourd'hui que, du fait de l'article 40, ces amendements ne viendront même pas en discussion.

M. Gérard Bapt. Scandaleux !

M. Alain Claeys. Si vous souhaitez sincèrement, monsieur le ministre, un véritable débat sur ce sujet important, il vous est loisible de reprendre ces amendements au nom du Gouvernement, quitte à les combattre par la suite. Mais qu'au moins nous menions ensemble ce débat majeur pour la réorganisation de notre système de soins ! Il faut absolument, là aussi, que la commission spéciale soit réunie pour traiter utilement de ce sujet essentiel de la régionalisation, qui est une des clés de la réorganisation de l'offre de soins. Nos premiers échanges en commission spéciale, qui ont été très riches et très nourris - je pense que les membres de la commission spéciale qui sont présents sur ces bancs ne me démentiront pas sur ce point -, l'ont bien montré. Mais la discussion n'est pas achevée, et il faut la reprendre.

Un pilotage d'ensemble du système de soins est indispensable. Vous tentez bien de le mettre en place en créant une union nationale des caisses de sécurité sociale, mais, là non plus, vous n'allez pas au bout de cette logique en la déclinant au niveau local. Le gouvernement précédent avait donné la priorité aux réseaux de soins, en unifiant les régimes juridiques et en mettant en place un mode de financement identifié au sein de l'ONDAM et décliné régionalement. Ce qui est aujourd'hui une exception doit devenir la règle. C'est la clé de voûte de l'amélioration de la qualité, à condition que leur essor soit axé autour de la prise en charge des pathologies lourdes et du lien entre le sanitaire et le social. L'inquiétude qui pèse aujourd'hui sur les habitants et les élus des territoires sous-médicalisés, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, ne sera apaisée qu'à cette condition. L'État doit obliger l'assurance maladie à faire reculer ces déserts médicaux par la mise en place de modes alternatifs d'organisation des soins visant à pallier une défaillance de l'offre libérale, d'autant plus compréhensible que la pression qui s'exerce sur les professions de santé est forte.

Les soins ambulatoires, l'hôpital et le médico-social ne peuvent plus s'ignorer les uns les autres, et leur financement respectif être assuré sans la possibilité de transferts d'un secteur à l'autre. Je pense, comme Mme Paulette Guinchard-Kunstler, qu'il faut ouvrir un véritable chantier de réflexion sur le difficile sujet des nécessaires coordinations entre les secteurs médical et médico-social. La question est complexe, du fait notamment de la répartition des compétences en la matière et des problèmes de financement qu'elle induit, mais on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion à ce sujet si l'on veut assurer une véritable continuité territoriale des soins.

En tous les cas, le niveau national doit rester le garant de l'égalité des soins et d'une bonne prise en charge sur tout le territoire. Pour cela, il faut aller beaucoup plus loin que vous ne le faites, monsieur le ministre : il ne suffira pas de modifier l'organisation générale de l'assurance maladie et de confier à une Haute autorité de santé un rôle d'évaluation scientifique des thérapeutiques et d'évaluation économique.

Le projet de gouvernance de l'assurance maladie n'est pas placé sous le signe du paritarisme rénové, contrairement à ce que vous affirmez. Sans répéter les propos tenus hier par Jean-Marie Le Guen hier,...

M. Hervé Mariton. Ce serait pourtant intéressant de nous expliquer ce qu'il a voulu dire ! Sur la gouvernance, vous dites tout et son contraire depuis le début du débat !

M. Alain Claeys. ...je dirai simplement, mon cher collègue, que le retour du MEDEF dans la gestion du système d'assurance maladie coûtera très cher à l'organisation et à la qualité des soins.

M. Pierre Cardo. Voilà l'épouvantail habituel !

M. Alain Claeys. La prétendue coordination entre l'union des caisses d'assurance maladie et celle des organismes de protection sociale complémentaire apparaîtra rapidement pour ce qu'elle est : un formidable leurre.

M. Édouard Landrain. Vous dites n'importe quoi !

M. Alain Claeys. On ne peut que s'interroger sur la mise en place d'une telle cogestion par l'assurance obligatoire et les assurances complémentaires. En effet, le rôle tout puissant que vous vous apprêtez à confier au futur directeur de l'Union des caisses risque bel et bien de nous entraîner vers un système hypercentralisé, où l'on passerait d'une logique médicalisée à une simple logique comptable.

Alors que notre système de santé a besoin de plus de démocratie et de plus de lisibilité, vous ne lui proposez, monsieur le ministre, ni l'un ni l'autre. Le futur projet de loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale validera définitivement cette logique strictement comptable, au mépris de la qualité et de l'égalité d'accès à des soins de qualité pour tous, sur tout le territoire.

En définitive, monsieur le ministre, votre projet, loin de comporter une quelconque mesure structurante propre à améliorer la qualité de notre système de santé, ne colmate même pas les brèches du système. Pire, il laisse la sécurité sociale et l'assurance maladie sous la pression des déficits. Votre projet ne dégage pas en effet les moyens d'un financement durable et solidaire.

M. Hervé Mariton. Des mots, et rien derrière !

M. Alain Claeys. Ne vous inquiétez pas, mon cher collègue, je vais en venir aux chiffres !

Mme Claude Greff. En matière de santé, il n'y a pas que les chiffres !

M. Jean-Marie Le Guen. Comme en amour !

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Plus on vieillit, plus ça revient cher !

M. Alain Claeys. La remise en cause de notre pacte social est la conséquence logique de la politique de fuite en avant menée depuis deux ans, que ce projet de loi ne fait que concrétiser.

Les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale ont été autant de rendez-vous manqués pour la pérennisation de notre système de santé ; elles ont mis en place au contraire un scénario de liquidation de l'assurance maladie au détriment des assurés sociaux.

M. Hervé Mariton. C'est de la paranoïa !

M. Alain Claeys. L'explosion des déficits de l'assurance maladie a été totalement assumée au cours des deux dernières années : c'est le pire signal que l'on pouvait envoyer aux assurés sociaux. Le Gouvernement a cru bon devoir en rajouter, en multipliant les dispositions dangereuses dont ils ont été les premières victimes. La liste en est éloquente : augmentation, dès juin 2002, du tarif de la consultation des généralistes sans que leur soit demandée en contrepartie une amélioration de la qualité des soins et de l'usage des bonnes pratiques ;...

Mme Claude Greff. Vous mettez en cause le travail remarquable des médecins !

M. Alain Claeys. ...création en janvier 2003 du tarif forfaitaire de responsabilité,...

M. Édouard Landrain. Très bonne mesure !

M. Alain Claeys. ...qui permet de rembourser les patients, sans qu'ils en soient véritablement informés, sur la base du prix du générique, même si leur médecin leur a prescrit d'autres médicaments ; augmentation du forfait hospitalier et baisse du remboursement des médicaments homéopathiques en 2004 ;...

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. Alain Claeys. ...suppression en 2004 de l'exonération du ticket modérateur pour les soins de kinésithérapie après une hospitalisation ;...

M. Édouard Landrain. Tout cela est très bien !

M. Alain Claeys. À cela s'ajoutent les menaces que vous faites peser sur la CMU, dont l'État ne rembourse plus intégralement les frais aux caisses de sécurité sociale, et les restrictions des conditions d'accès à l'aide médicale d'État au détriment des personnes les plus en difficulté.

Malgré tout cela, les déficits ont explosé. La Commission des comptes de la sécurité sociale et la Cour des comptes ont rendu leur verdict : il est sans appel. D'ici 2007, les déficits cumulés sur toute la législature dépasseront les 60 milliards d'euros, soit plus de 393 milliards de francs.

M. Édouard Landrain. Il valait mieux ne rien faire alors ?

M. Alain Claeys. Les déficits ne sont pas une fatalité. Preuve en est qu'ils ont été réduits entre 1997 et 2001, grâce à une politique en faveur de l'emploi et à une action structurelle sur les dépenses de santé, qui a amélioré l'efficacité du système. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. On rêve !

M. Alain Claeys. En témoignent, par exemple, la loi relative aux droits des malades et la création de la CMU, qui a permis d'améliorer la couverture sociale.

Avec un régime général de la sécurité sociale en excédent en 1999, en 2000 et en 2001, de nouveaux droits ont été créés : l'indemnisation de l'aléa thérapeutique et celle des victimes de l'amiante, l'amélioration des remboursements en dentaire et en optique, l'examen de prévention dentaire pour les enfants.

M. Yves Simon. Arrêtez de jouer les grands seigneurs, c'est trop comique !

M. Alain Claeys. Tous les personnels de l'hôpital ont bénéficié de revalorisations de carrière. Les réseaux de soins ont été développés. Le nombre de places dans les écoles d'infirmières a été augmenté et le numerus clausus médical relevé. Une politique d'équilibre des comptes a été menée sans que soit perdu de vue le souci constant d'améliorer la qualité des soins.

Tout n'a certes pas été parfait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. C'est un euphémisme !

Mme Claude Greff. Sur ce point, nous sommes d'accord avec vous !

M. Alain Claeys. Une action politique de réforme qui vise à apporter des améliorations dans le domaine social ne saurait jamais être achevée. Il s'agit d'une lutte permanente et sans cesse recommencée pour l'égalité et la justice. Mais force est de reconnaître aujourd'hui que la loi relative aux droits des malades et la CMU, par exemple, sont de grandes réformes.

M. Pierre Cardo. Encore aurait-il fallu les financer !

M. Alain Claeys. La question qui se pose aujourd'hui, monsieur le ministre, est de savoir si, oui ou non, vous voulez les supprimer. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Maryvonne Briot. Il n'en a jamais été question !

M. Alain Claeys. À voir ce que cette majorité fait depuis deux ans et ce que ce gouvernement propose aujourd'hui avec ce projet de loi, on ne peut malheureusement donner qu'une réponse positive.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est de la casse sociale ! Ce sont des casseurs !

M. Yves Simon. Vous êtes expert en la matière !

M. Alain Claeys. Selon vous, monsieur le ministre, votre projet permettrait de retrouver l'équilibre dès 2007 : c'est l'objectif qui a été fixé au début de l'année par le Président de la République lui-même. Mais il y a fort à parier que vous serez bientôt le seul à le croire réalisable.

La polémique née de la note émanant du ministère des finances en est une illustration. Nous avons tous participé à la mission d'information présidée par Jean-Louis Debré - et je parle sous le contrôle du rapporteur. Ce n'est pas nous, députés de l'opposition, qui avons choisi celles et ceux qui ont été auditionnés dans ce cadre ; c'est le président de l'Assemblée nationale lui-même qui a souhaité que le directeur de la prévision et de l'analyse économique soit auditionné - un certain nombre des collègues ici présents ont assisté à cette audition. Je suppose qu'il était mandaté par son ministre de tutelle, c'est-à-dire M. le ministre de l'économie, et non M. le secrétaire d'État au budget, comme ce dernier me l'a lui-même fait remarquer. Eh bien, je n'ai entendu personne pousser de hauts cris lorsque ce haut fonctionnaire a tenu devant la mission d'information des propos dont le contenu était similaire à la note incriminée : je n'ai entendu ni questionnements ni remises en cause. Nous étions, les uns et les autres, tout simplement soucieux face aux chiffres qu'il nous indiquait.

Selon cette note, les comptes de l'assurance maladie resteraient largement déficitaires, malgré votre projet.

Je vous l'accorde : cette note n'indique pas que les comptes resteraient déficitaires à cause de votre réforme, mais, sans vouloir jouer sur les mots, tout cela confirme ce que beaucoup prétendent : rien dans votre projet ne vient modifier l'évolution des dépenses de santé. En nous présentant les effets attendus de vos mesures, vous êtes loin du compte.

Lors de votre audition par la commission spéciale, monsieur le ministre, vous avez présenté un plan en apparence équilibré : une quinzaine de milliards de déficit par an d'un côté, une quinzaine de milliards de moindres dépenses et de diminutions de prélèvements supplémentaires de l'autre.

Au total, en 2007, le déficit de l'assurance maladie se situerait entre 7 et 15 milliards d'euros. Finalement, votre plan ne donnera rien.

Vous avez en effet omis un détail, monsieur le ministre : votre plan ne vient en aucune façon modifier les comportements et les pratiques médicales. Votre choix de reporter la dette actuelle et à venir sur les générations futures n'en est que plus scandaleux.

Mme Claude Greff. Vous ne comprenez rien ! Vous n'aviez d'ailleurs déjà rien compris avant !

M. Alain Claeys. Les moindres dépenses que vous proposez ne sont qu'un replâtrage aléatoire. Comment croire, par exemple, que le dossier médical personnel puisse conduire à une économie de 3,5 milliards en 2007, alors qu'il ne sera vraisemblablement pas mis en place ?

M. Jean-Marie Le Guen. Un fiasco !

M. Alain Claeys. Mes chers collègues, si vous avez une opinion différente sur le dossier médical personnel, nous sommes tout à fait ouverts au débat et, si vous avez les bonnes solutions, nous serons preneurs. L'article 2 nous donnera l'occasion d'en débattre.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Édouard Landrain. Il faut regarder où ça marche !

M. Alain Claeys. Un plan comptable ne fait pas une réforme de l'offre de soins. Le dossier médical personnel est l'aboutissement de la réorganisation de l'offre de soins, pas son point de départ.

Finalement, votre plan apparaît pour ce qu'il est : une supercherie que vous voulez masquer en reportant vos déficits sur les générations futures. Cette méthode est habile, car elle permet de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires. Elle n'est, permettez-moi de le dire, monsieur le ministre, pas très honnête.

Vous vous appuyez sur le report intervenu en 1998 sous le gouvernement précédent. Il y a une différence de taille entre les deux reports. À l'époque, il s'agissait de reporter la dette accumulée entre 1996 et 1997 malgré, ou à cause, du plan Juppé - célèbre plan - qui devait théoriquement permettre au régime général d'être en excédent de 8 milliards de francs en 1997. La réalité a été bien différente, puisque le déficit de la sécurité sociale a dépassé 33 milliards de francs en 1997, soit 5 milliards d'euros. Ce report a été nécessaire pour éponger la dette. Puis une politique de maîtrise des comptes a été conduite avec des résultats positifs, les comptes ayant été excédentaires en 1999, en 2000 et en 2001.

Mais vous, vous reportez la dette sur les générations futures pour un montant d'au moins 60 milliards. En 1998, ce sont 13 milliards d'euros qui ont été reportés. C'est quatre fois plus aujourd'hui et il s'agit des déficits que vous avez accumulés depuis deux ans et de ceux que vous accumulerez jusqu'en 2007 et, malheureusement, au-delà.

Votre majorité n'a de cesse de contester - et encore hier soir lors d'un débat à l'extérieur du Parlement - le coût qu'auraient imposé les 35 heures à la collectivité nationale et à la sécurité sociale. Pour éclairer ce débat, je souhaiterais évoquer les déficits cumulés du régime général de la sécurité sociale sur trois périodes récentes. De 1993 à 1997, il s'est élevé à 40,49 milliards d'euros, de 1998 à 2002 à 3,17 milliards et de 2002 à 2004 à 22,5 milliards. Je vous laisse juges, mes chers collègues, de distinguer les périodes de bonne gestion des autres !

M. Richard Cazenave. C'est très honnête comme présentation !

M. Alain Claeys. À la mauvaise gestion, vous ajoutez l'injustice et l'inégalité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre plan est très déséquilibré, monsieur le ministre. Dès le ler janvier prochain, vous demanderez aux ménages 3,24 milliards d'euros sous forme de déremboursements et d'augmentation des prélèvements. La prolongation de la CRDS pour éponger au minimum 50 à 60 milliards de dette de la période 2002 à 2007, convertie en augmentation du taux de la contribution dès le ler janvier 2005, correspond à une augmentation de 140 %. Au total, l'effort demandé aux ménages équivaut à 9,8 milliards d'euros.

La contribution demandée aux entreprises sous la forme d'une taxe additionnelle de 0,3 % à la contribution sociale de solidarité des sociétés apparaît bien modeste et bien symbolique.

Entre les 780 millions d'euros pour les unes et l'équivalent de 9,8 milliards pour les autres, il y a un écart de l à 12. C'est une bien curieuse définition du partage équitable.

Vous vous défaussez de vos responsabilités en reportant à l'infini la dette sociale. Ce choix est irresponsable et dangereux. Il laisse la sécurité sociale sous la pression financière.

Lors de la suppression du FOREC, il y a quelques mois, le Gouvernement a affecté directement au budget de l'État les droits de consommation sur les tabacs et sur l'alcool et la taxe sur les conventions d'assurance, qui étaient versés à la sécurité sociale. Cela représente 15 milliards d'euros par an : c'est loin d'être anodin.

Ce choix consiste à fragiliser les comptes de la sécurité sociale. Il est délibéré. Il faut que le Gouvernement et sa majorité l'assument.

C'est un choix éminemment politique. Vous avez préféré réduire l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Alain Claeys. Pour cela, le détournement des recettes de la sécurité sociale vous a été bien utile.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Oh non ! Pas vous !

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Alain Vidalies. C'est la vérité !

M. Alain Claeys. Pourtant, ces contributions relèvent directement de la politique de santé. Elles doivent revenir à l'assurance maladie, monsieur le président de la commission spéciale. La sécurité sociale n'est pas là pour financer les baisses de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, dont ne bénéficient qu'une minorité de Français.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est un raccourci !

M. Alain Claeys. Mes chers collègues, assumez vos choix !

M. Jean-Marie Le Guen. Excellent ! C'est la vérité !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est votre vérité !

M. le président. Laissez M. Claeys parler !

M. Alain Claeys. Face à cette situation, il y a urgence. L'État doit assumer la dette abyssale de la sécurité sociale, et réaffecter les droits sur les tabacs et l'alcool et la taxe sur les conventions d'assurance directement à l'assurance maladie.

Le respect des équilibres budgétaires et de nos engagements européens ne doit pas se faire sur le dos de la sécurité sociale. Il doit être assumé par l'État. C'est la question de la politique fiscale menée depuis deux ans qui est posée et à laquelle aucune réponse n'est apportée, si ce n'est celle du respect de l'engagement du Président de la République, pris lors de la campagne pour l'élection présidentielle, de baisser l'impôt sur le revenu de 30 % en cinq ans.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vrai ! C'est démago et antisocial !

M. Alain Claeys. Cette réponse, nous la dénonçons. La baisse de l'impôt sur le revenu ne peut pas se faire sur le dos de la sécurité sociale !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez cessé d'affirmer, durant des semaines et des semaines, que les socialistes n'auraient aucune proposition. C'est faux, et vous le savez pertinemment !

Elles ont été diffusées dans le cadre de la mission d'information, présidée par Jean-Louis Debré. Alors cessez cette caricature. Cessez de préférer l'apparence et le médiatique au débat démocratique et à la confrontation des idées.

Mme Claude Greff. N'importe quoi !

M. Richard Cazenave. Quelle arrogance !

M. Alain Claeys. En conclusion, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, ce renvoi en commission se justifie pour trois raisons.

Première raison : s'agissant du dossier médical personnel, le mode opératoire n'est pas connu. Des rapports viennent d'horizon divers : j'ai rappelé celui de l'Office parlementaire, d'autres montrent la difficulté de sa mise en place. Des questions ont été posées, mais elles sont aujourd'hui sans réponse.

Nous devons collectivement réfléchir à la compatibilité de la mise en place de ce dossier médical avec les droits des malades prévus par la loi Kouchner. Chacun peut avoir son opinion, mais c'est un véritable sujet sur lequel il nous faut travailler.

Deuxième raison : sur la régionalisation du système de soins, monsieur le ministre, si vous avez répondu tout à l'heure sans, je le conçois, rejeter d'un revers de la main l'agence régionale de santé, nous devons approfondir et aller jusqu'au bout de ce débat en commission. C'est un sujet important sur lequel nous pourrions, ensemble, dégager un certain nombre de lignes de force.

Troisième raison - je n'avais pas prévu de l'aborder au départ, monsieur le ministre, mais vous comprendrez son importance -,...

M. Gérard Bapt. Ça s'impose !

M. Alain Claeys. ...s'agissant de votre réponse au rappel au règlement du président Ayrault, qu'on soit pour ou contre, reconnaissons sur l'ensemble de ces bancs que la mise en chantier d'une loi organique va modifier profondément le financement de l'assurance maladie. Mieux que des invectives, cela mérite un travail de fond en préalable aux propositions que le Gouvernement nous fait aujourd'hui.

Je demande donc à l'Assemblée de renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Didier Migaud. Très intéressant !

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Monsieur Claeys, votre intervention le démontre : une fois de plus, vous vous arc-boutez sur une position défensive qui cache mal, malgré votre volonté de nous faire croire à tous vos arguments, la légèreté de ce que vous appelez un « projet alternatif ».

En me référant au rapport de la mission Debré, je vais citer quelques exemples de cette légèreté.

Concernant la solidarité du financement, il est noté, par exemple, que la CSG doit rester le socle et que la part qui en est affectée à l'assurance maladie doit être identifiée sous forme de CSU, contribution santé universelle. Si je ne me trompe pas, cette proposition figure dans un rapport de l'Institut Montaigne, présidé par M. Bébéar, cher au groupe communiste.

Quand il s'agit de parler de l'organisation du système d'assurance maladie, votre réflexion se borne à affirmer qu'elle relève d'une discussion entre l'État, les partenaires sociaux et les organismes complémentaires, en affirmant clairement les compétences de chacun dans le cadre d'une démocratie participative rénovée.

Que proposons-nous d'autre que d'appliquer le résultat de cette concertation ? En fait, vous en êtes encore au stade conceptuel quand nous sommes, nous, au stade de l'action.

Vous en restez finalement à une position défensive consistant simplement à répéter et à répéter encore que cette réforme ne réussira pas.

La méthode Coué que vous essayez d'employer ne suffira pas à cacher le trouble dans lequel vous placent finalement les approches, somme toutes assez consensuelles, de l'ensemble des acteurs de ce dossier.

Une fois de plus, vous démontrez tout simplement que vous ne faites confiance à personne. Ni aux Français que vous considérez incapables d'évoluer. Ni aux professions de santé qui restent à vos yeux d'horribles corporatistes. Ni aux partenaires de la gouvernance, accusés de collusion avec le pouvoir.

En fait, vous restez « scotchés » à une méthode qui, pendant les cinq années de gouvernement Jospin, vous a conduits toujours et toujours à mépriser le dialogue social au profit d'une propension à tout réglementer, à tout imposer !

Pensez-vous vraiment que tout soit figé, que toute modification des attitudes soit exclue ? Pensez-vous vraiment que seule une étatisation rigoriste peut être à même, en imposant des mesures de contrainte, de faire bouger les choses ?

Nous faisons le pari contraire en misant sur le sens de la responsabilité et en l'installant au cœur du dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous en sentons capables et les Français et les professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il est vrai que notre démarche est exigeante. Elle suppose une volonté, partagée par tous, de centrer toute action sur la nécessité du juste soin.

Nous avons là une divergence de fond. Je le regrette. Je considère que cette posture vous conduit à une impasse et nous serons, sur ce point, toujours en désaccord.

Vous nous accusez de pénaliser, voire de sanctionner, le patient. Au contraire ! Le projet de loi l'invite à devenir un acteur de son parcours thérapeutique, un acteur du système de santé.

M. Édouard Landrain. Absolument !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Là encore, vous témoignez d'une grande défiance vis-à-vis des Français.

M. Alain Vidalies. Ces derniers temps, ce sont les Français qui ont manifesté une certaine défiance à votre égard !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. L'attitude du groupe socialiste vis-à-vis du dossier médical personnalisé et de sa confidentialité me paraît paradoxale. La loi relative aux droits des malades a créé un cahier des charges très strict pour les hébergeurs. Je m'étonne que nos collègues socialistes n'aient plus confiance en ce dispositif et demandent maintenant que les hébergeurs soient des établissements publics.

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut ici parler de l'hébergeur, puisque vous centralisez !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je précise que des amendements du rapporteur et de M. Évin tendent à renforcer la confidentialité du dossier médical.

M. Claeys a parlé, comme l'a souligné M. Fragonard lors de la mission, de « boîte noire » à propos de l'hôpital. Mais, si celui-ci est aujourd'hui en déshérence, n'est-ce pas la faute à votre politique brouillonne et désordonnée et à l'application brutale et sans aucune préparation des 35 heures ?

Mme Claude Greff. Assurément !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il revient à la majorité actuelle le mérite de tenter de faire bouger l'hôpital pour lui permettre de relever le défi de la qualité et de l'efficience. C'est devenu indispensable.

Concernant la T2A, je note que vous revenez en arrière alors que vous en avez longtemps défendu l'idée. Or nous savons - et M. Évin mieux que personne - que nombre de directeurs de CHU et d'hôpitaux sont tout à fait prêts à aller de l'avant et même à accélérer le mouvement et dépasser les limites que nous avions fixées.

M. Édouard Landrain. Absolument !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. N'ayez donc pas un train de retard par rapport aux souhaits réels des gestionnaires des hôpitaux.

L'hôpital bouge.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s'enfonce même !

M. Philippe Vitel. À qui la faute, sinon aux 35 heures ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. L'hôpital s'est enfoncé bien avant notre arrivée, monsieur Le Guen. C'est vous qui l'avez déstabilisé.

Aujourd'hui, il bouge. La nouvelle gouvernance que nous allons mettre en œuvre - et qui sera instituée par les ordonnances - est très attendue par les responsables des hôpitaux. Le plan 2 007 sera, quant à lui, bénéfique dans un hôpital qui a besoin d'investissements lourds pour s'adapter et se moderniser. La tarification à l'activité - je viens d'en parler - qu'après avoir vanté, vous reniez maintenant, ...

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vous qui la pervertissez ! Tout est fait pour privatiser !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. ...est appliquée et étendue.

M. Philippe Vitel. Il faut aller plus vite !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Par la création du comité de l'hospitalisation, nous essayons de renforcer la participation de l'hôpital à l'effort demandé. La maîtrise médicalisée s'impose en effet autant à lui qu'au secteur libéral.

J'en viens plus précisément à votre demande de renvoi en commission.

Contrairement à ce qui a été dit, le Parlement a été largement engagé sur le dossier de l'assurance maladie, et pas seulement pendant les quinze derniers jours. Je rappellerai la constitution de la mission Couanau dont les conclusions, partagées par tous, ont inspiré le plan de gouvernance mis en œuvre par le Gouvernement ; la création, à l'initiative de M. Dubernard, de l'OPEPS - l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé - qui est un signal clair que la santé publique est bien au cœur du dispositif. Nous avons réalisé des voyages d'étude au Canada, au Québec, à Berlin, à Londres pour confronter les différents systèmes de santé. L'Assemblée a des représentants au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Le Parlement a déjà bien travaillé et est donc prêt à aborder l'examen de cette réforme.

Les travaux en commission ont donné lieu à des débats de fond. Certes, ils n'ont été, à cette occasion, qu'esquissés et ne sont pas clos. Nous allons pouvoir les poursuivre dans cet hémicycle.

Concernant la question des finances, vous savez tout aussi bien que nous que l'ONDAM actuel n'a pas d'intérêt majeur. Il a été trop souvent virtuel : systématiquement dépassé, il était également systématique rebasé pour des questions de cadrage financier. Il nous paraît donc nécessaire de revoir son fonctionnement et cela donnera certainement lieu à une loi organique.

Un débat fort intéressant a également eu lieu en commission au sujet de la régionalisation. Il a permis à chaque groupe d'affirmer sa position, mais n'est, bien entendu, pas clos. Nous allons le poursuivre et peut-être parviendrons-nous à nous entendre sur la nécessité de rapprocher la gestion de notre système de soins des territoires.

Je préciserai, enfin, que la commission spéciale s'est réunie huit fois et a travaillé dix-huit heures trente. Elle a examiné à ce jour 1 600 amendements, dont 203 ont été adoptés. Elle se réunira à nouveau, conformément à l'article 91 du règlement, aujourd'hui à quatorze heures trente. Sur les 203 amendements adoptés, 155 sont à l'initiative du rapporteur, 19 de l'UMP, 5 du groupe socialiste, 14 du groupe UDF, 9 du groupe communiste et un de Mme Billard.

Je considère que la commission spéciale a bien travaillé et j'invite donc l'assemblée à voter contre le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je tiens d'abord à remercier M. Claeys de son intervention, car elle me permet de répondre globalement à tous les arguments mis en avant pour s'opposer au projet que nous présentons.

Oui, la réforme est nécessaire. Les Français l'ont compris. J'espère qu'il en est de même pour vous.

M. Jean-Marie Le Guen. Ne parlez pas au nom des Français, s'il vous plaît !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. 23 000 euros par minute de déficit ! Ce n'est pas une annonce médiatique, mais la simple vérité !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vrai. C'est vous qui avez creusé ce déficit !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Si rien n'est fait, monsieur Claeys, je peux vous dire ce qui va se passer : ce sont les plus modestes, les plus pauvres, ceux qui, demain, ne pourront pas payer des franchises, qui seront les plus touchés !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est déjà le cas, avec votre politique !

M. Richard Cazenave. Arrêtez de caricaturer, monsieur Le Guen !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il y a déjà, mesdames, messieurs les députés, une différence d'espérance de vie de cinq ans entre un chômeur de longue durée et un cadre supérieur. La médecine à deux vitesses consisterait à laisser les choses en l'état.

Depuis vingt ans, on augmente les cotisations et on diminue les remboursements. Au final, ce sont toujours les plus modestes qui en pâtissent.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas en faisant la chasse aux arrêts de travail que vous allez améliorer leur condition !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ceux qui sont opposés à une médecine à deux vitesses aujourd'hui, c'est nous !

M. Claeys a abordé plusieurs sujets, que je reprendrai.

Le premier est celui de la prévention. Il nous a accusés de ne pas nous en préoccuper, tout comme M. Dray et Mme Huguette Bello nous avaient reproché de l'oublier.

Mme Martine Billard. Il est un fait que vous vous en préoccupez peu !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La prévention est un élément clé d'une politique de santé.

M. Jean-Marie Le Guen. Parlez-nous du vin et de la loi Évin !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quel est le gouvernement qui a permis de diminuer de 1,8 million le nombre des fumeurs alors qu'il ne cessait d'augmenter ?

M. Jean-Marie Le Guen. C'est Bercy qu'il faut remercier. C'est d'ailleurs là où va l'argent !

M. Richard Cazenave. Quelle mauvaise foi !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quel est le gouvernement qui a réussi à faire diminuer d'un quart le nombre des victimes d'accidents de la route ?

M. Claude Évin. Ne dites pas n'importe quoi, quand même !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quel est le gouvernement qui a permis la généralisation du dépistage du cancer du sein ?

Mme Muguette Jacquaint. Parlons-en !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quel est le gouvernement qui a déposé le premier projet de loi de santé publique depuis un siècle ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il n'est toujours pas voté ! Et cela vaut mieux d'ailleurs !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui, nous développons, mesdames, messieurs les députés, une forte politique de prévention et nous allons continuer à le faire, notamment avec le volet prévention du dossier médical - je réponds en cela à une question posée par M. Claeys - et le développement de consultations de prévention.

M. Jean-Marie Le Guen. Parlez-nous de la loi Évin ! Vous souvenez-vous quand M. Juppé vous demandait son abandon ? Parlez-nous également de l'alcool !

M. le président. Monsieur Le Guen ...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Claeys a également parlé de la gouvernance. Pour réussir la nouvelle organisation des soins, il faut modifier le pilotage de l'assurance maladie, ce qui passe par une délégation rénovée et élargie de celle-ci,...

M. Claude Évin. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...ainsi que par une clarification des responsabilités respectives du conseil d'orientation et de l'exécutif - qui doit assumer la gestion directe et en rendre compte.

Pour autant, je voudrais rassurer ceux qui y voient la marque d'une étatisation de l'assurance maladie. M. Préel a insisté sur la nécessité d'un paritarisme rénové. Peut-être faut-il améliorer le texte sur ce point. Des amendements ont d'ailleurs été adoptés par la commission à ce sujet. Nous allons pouvoir en débattre.

Pour l'heure, je voudrais rappeler l'avis positif émis par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale sur ce projet.

M. Vidalies nous a affirmé hier que l'ensemble des partenaires sociaux étaient contre ce texte. Ils ont pourtant voté pour à l'ACOSS,...

M. Alain Vidalies. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Il n'y a pas de vote pour ou contre !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je ne vous parle pas de la CNAM mais de l'ACOSS, la banque de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen. Ah, ça ! Que vous ayez les banquiers pour vous, je n'en doute pas ! (Sourires.)

M. Richard Cazenave. Restez sérieux, monsieur Le Guen !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il y a eu un vote sur ce projet de loi à l'ACOSS et les partenaires sociaux se sont prononcés pour.

Le choix que nous faisons d'une plus large délégation aux partenaires sociaux nous contraint aussi sur l'organisation régionale. Le rapporteur de la commission spéciale, M. Dubernard, et son président, M. Bur, à l'instant, tout comme M. Préel et M. Évin, ont exprimé leur volonté d'aller plus loin dans ce domaine. Nous allons en débattre. Mais faisons attention à maintenir l'équilibre entre l'État et l'assurance maladie. Sinon, notre système ne sera pas efficace et nous n'atteindrons pas notre objectif commun, qui est d'établir un véritable rapprochement entre la médecine hospitalière et la médecine de ville.

M. Claeys a été courageux sur un sujet.

M. Claude Evin. Il ne l'a pas été que sur un seul sujet !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il a remis en cause le paiement à l'acte et a expliqué qu'on aurait un meilleur système si on trouvait des alternatives au financement.

M. Jean-Marie Le Guen. Il a prôné un financement mixte !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous voulez donc remettre en cause le paiement à l'acte comme un des piliers essentiels de la médecine libérale.

M. Alain Claeys. Je n'ai jamais dit cela !

Mme Élisabeth Guigou. Non !

M. Gérard Bapt. Il n'a rien remis en cause !

M. Jean-Marie Le Guen. Ne faites pas dire aux parlementaires ce qu'ils n'ont pas dit !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous avons voulu, avec les professionnels de santé, mettre un dispositif souple d'organisation des soins autour du médecin traitant.

M. Claeys a parlé d'un financement mixte avec, d'un côté, le paiement à l'acte et, de l'autre, des alternatives à ce financement. Je considère, personnellement, que le paiement à l'acte est un des piliers fondamentaux et essentiels de la médecine libérale.

M. Jean-Marie Le Guen. Ne dites pas cela. Vous êtes le plus archaïques des archaïques !

M. Richard Cazenave. Vous n'avez pas la parole, monsieur Le Guen !

M. Philippe Vitel. Carton rouge pour M. Le Guen, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Le Guen, ne soyez pas une caricature de vous-même !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Claeys, là où je suis d'accord avec vous, c'est sur l'utilité que pourraient présenter des expérimentations pour remédier à la désertification médicale qui touche certains points du territoire.

Pour nous, le médecin traitant assumera des fonctions de prévention et d'orientation de soins. Cela est clair dans l'esprit de tous - sauf peut-être dans le vôtre - et n'a pas besoin d'être écrit dans la loi. C'est aux partenaires conventionnels qu'il revient de bâtir ce dispositif. Comme l'a fort bien dit M. Bur, c'est la responsabilité des médecins et de l'assurance maladie.

S'agissant de la qualité des soins, laissez-moi vous rappeler les mesures du projet de loi.

Une Haute autorité de la santé évaluera l'utilité médicale des produits et des actes et coordonnera l'élaboration et la diffusion des référentiels de bonne pratique.

Des accords de bon usage de soins s'imposeront à l'hôpital comme en médecine libérale. C'est une vraie révolution ! Il n'y avait pas de raison qu'il y en ait pour la médecine libérale et pas pour la médecine hospitalière.

Est créé un dispositif d'évaluation des médecins en ville et à l'hôpital.

Enfin, le dossier médical personnel limitera le nombre d'actes redondants et d'interactions médicamenteuses, qui sont une source de non-qualité incontestable.

Monsieur Claeys, l'idée du dossier médical personnel n'est certes pas nouvelle. Nous avons commencé à en parler en 1993. Il s'agit d'un vrai outil de régulation - je le revendique - et non un outil d'économie de santé. Nous vous apporterons, lors du débat, toutes les réponses aux questions posées sur le dossier médical personnel notamment en ce qui concerne l'accès, l'hébergement des données, qui ne doit pas être délocalisé.

Je suis allé plancher devant l'Office parlementaire de l'évaluation des choix technologiques. J'ai vu avec plaisir que la Commission nationale de l'informatique et des libertés a accepté l'idée du dossier médical.

Je ne peux pas vous laisser dire que les professions de santé seront exonérées de tout effort. Pour la première fois, dans notre pays, il existe une régulation médicalisée, s'appuyant sur des contraintes, des sanctions individuelles et non plus collectives.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous pensez qu'on stigmatise le comportement des usagers et qu'on exonère les professions de santé.

M. Richard Cazenave. Ils n'ont pas lu le projet de loi !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux ! Nous allons au fond de la logique médicalisée.

L'obligation d'acquitter un euro  est un dispositif responsabilisant et équitable. Un sentiment de gratuité dans la consommation des soins s'est progressivement installé. Or, tout acte de soins a un coût. Cela nous paraît évident.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il faut que chacun ait conscience du coût.

Nous prévoyons des exonérations pour les bénéficiaires de la CMU, pour les enfants de moins de seize ans, pour les femmes enceintes. Le dispositif est donc juste. Il n'entraînera aucune limite dans l'accès aux soins, en particulier pour les plus démunis de nos concitoyens.

Mme Martine Billard. Aujourd'hui, c'est un euro ! Et demain ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tous les outils sont en place pour une promotion volontariste du bon usage des médicaments.

M. Jean-Marie Le Guen. La brosse à reluire ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Aucun gouvernement, avant nous, n'a passé avec l'industrie pharmaceutique une convention visant à réaliser des économies de 2,3 milliards d'euros, et ce dans les deux ans qui viennent.

Les référentiels de bon usage pour la Haute autorité, la charte de qualité pour la visite médicale, le développement de logiciels d'aide à la prescription pour les médecins - j'ai vu un amendement du rapporteur sur ce point - participent également à ce plan d'économies.

Nous poursuivons un plan d'économies qui repose d'abord sur le développement des génériques. M. le secrétaire d'État vous a détaillé les différentes mesures, je n'y reviendrai donc pas. Une politique plus volontariste en matière de génériques va entraîner, annuellement, une économie supplémentaire d'un milliard d'euros.

Monsieur Claeys, nous ne remettons pas en cause le dispositif même des arrêts de travail. Nous entendons responsabiliser, au même titre que les salariés, les chefs d'entreprise qui obligeraient leurs employés à y recourir, pour éviter de licencier.

M. Richard Cazenave. Absolument !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous débattrons de ce sujet.

M. Richard Cazenave. Il faut voir ce que font les Allemands dans ce domaine.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous voudriez augmenter la rémunération du médecin traitant. Cela revient à accroître les dépenses d'assurance maladie

M. Jean-Marie Le Guen. Ne vous en faites pas, vous la concéderez !

M. le président. Monsieur Le Guen, je vous en prie !

M. Jean-Marie Le Guen. Et on la comptabilise déjà !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avant d'augmenter le prix des consultations et des visites, il me semble important de mettre en place une régulation médicalisée.

Je ne procéderai pas comme vous. Je regarderai d'abord les économies réalisées ; ensuite, nous aviserons sur la conduite à tenir vis-à-vis des médecins, pour les visites, les consultations ou les actes techniques.

Il n'y aura ni médecine à deux vitesses, ni « double peine ». Notre projet permet à toutes les femmes et à tous les hommes de ce pays de choisir son médecin traitant, puis, si celui-ci le juge bon, le spécialiste de son choix, dont la consultation sera remboursée au tarif conventionnel.

M. Richard Cazenave. Absolument !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce qui n'est pas, vous le concéderez, tout à fait le cas aujourd'hui.

Le système actuel permet à toutes les Françaises et à tous les Français d'accéder, de manière conventionnelle,...

M. Jean-Marie Le Guen. Vous supprimez le secteur 2 ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...à tous les médecins.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Dans ce projet de loi, je propose pour la première fois un système conventionnel identique pour tous en France.

M. Jean-Marie Le Guen. Ne dites pas n'importe quoi !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous prétendez que l'hôpital serait absent de ce projet.

Vous n'avez sans doute pas vu que nous travaillons à rapprocher les URCAM et les ARH.

Pour la T2A, nous ne voulons plus, comme vous, de dotation globale. mais nous pensons que la tarification à l'activité est bonne pour des services, des pôles où l'on pratique une médecine technique, à haute valeur technologique. Inversement, je suis d'accord pour reconnaître que les enveloppes consacrées aux missions d'intérêt général doivent augmenter. En effet, les urgences, les consultations de médecine interne, parfois d'une heure et demie ne peuvent pas être valorisées par une tarification à l'activité. Il faut donc, pour répondre à ces missions de service public hospitalier, augmenter les enveloppes.

M. Claude Évin. Comment représentent-elles 8 % ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En Allemagne, M. Schröder a décidé un rapport 50/50.

M. Claude Évin. Vous êtes d'accord ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Évin, vous devriez savoir, en qualité de président de la fédération, que nous sommes aujourd'hui à 10 pour la tarification de l'activité.

M. Claude Évin. Les MIGAC représentent 8 % de ces 10.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le rapport 50/50 me paraît être un bon équilibre, car nous devons déjà accomplir un effort considérable pour passer de 10 à 50. Ensuite, il conviendra d'étudier les missions d'évaluation et d'audit pour déterminer où nous pourrons aller ensemble.

La réforme de l'hôpital au travers de la modernisation financière et de son organisation interne, ce n'est pas rien ! Permettez-moi de le dire. Les liens sont multiples.

Monsieur Claeys, le dossier médical personnel est, par définition, une coordination entre la médecine de ville et l'hôpital.

M. Richard Cazenave. Absolument !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Jusqu'à maintenant le dossier émanait d'un médecin, d'une clinique privée, d'un hôpital. Demain, ce sera le dossier d'un malade, qu'il soit dans le secteur libéral ou à l'hôpital.

Je me suis déjà exprimé sur les ARS.

Vous avez commencé et conclu votre propos, monsieur Claeys, sur la loi organique. M. Xavier Bertrand a évoqué la possibilité d'une réforme de la loi organique qui serait présentée à l'automne. Elle s'articule autour de deux axes.

Premièrement, accroître la lisibilité de la loi de financement. Les modalités du vote de la loi de financement peuvent être améliorées. On se prononce actuellement par types de recettes et par agrégats de dépenses. Cela peut évoluer.

Deuxièmement, il convient d'inscrire la loi de financement dans un cadre pluriannuel, afin de permettre un pilotage plus cohérent. Le Gouvernement n'a rien caché de ses intentions.

Mme Muguette Jacquaint et M. Jean-Marie Le Guen. Sauf le texte !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cette réforme avait été annoncée au mois d'octobre 2003 par mon prédécesseur, lors du PLFSS pour 2004.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est bien la seule fois que vous le citez.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout est transparent ! Les règles de l'ONDAM ne sont pas remises en cause pour 2005.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez dit le contraire tout à l'heure, monsieur le ministre ! Nous regarderons le compte rendu analytique !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les objectifs nationaux de dépenses d'assurance maladie ne sont pas remis en cause.

L'un des points forts de notre projet est d'organiser le partenariat entre le régime de base et les régimes complémentaires, dans le respect de la prééminence du premier. Nous sommes très attentifs à ce point. Cela suppose entre eux un dialogue intelligent. Notre projet ne prévoit aucun déremboursement, aucun désengagement de l'assurance maladie, car nous avons fait le choix de la maîtrise médicalisée.

Plutôt que de critiquer la méthode du Gouvernement, vous devriez vous féliciter de son sens de la responsabilité, monsieur Claeys, dont vous avez manqué pendant cinq ans.

Nous ne nous contentons pas des deux premiers D : diagnostic et dialogue. Nous proposons au Parlement le D de décision, en prenant nos responsabilités, dans le respect du dialogue social.

Vous auriez pu faire de même à l'époque où la Commission des comptes de la sécurité sociale tirait la sonnette d'alarme sur l'accroissement trop rapide des dépenses. Vous ne l'avez pas fait ; vous ne pouvez pas maintenant nous le reprocher. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe UMP.

M. Hervé Mariton. Si ce que notre collègue Claeys disait était vrai, notre pays, sur un enjeu de cette importance, compréhensible par chacun de nos compatriotes, serait déjà sens dessus dessous.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est très important ce que vous dites !

M. Hervé Mariton. Or, la réforme que nous proposons - et les Français sont assez « grands » pour comprendre - est bien accueillie.

M. Jean-Marie Le Guen. Excellente démonstration, monsieur Mariton ! Très bien ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Si vous aviez raison, la réforme serait autrement accueillie. Que le Gouvernement et une majorité, portant une réforme, constatent un écho favorable dans l'opinion n'est pas inutile. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Sur une réforme de ce type, c'est même indispensable.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est l'Habeas corpus : s'il n'y a pas de corps, il n'y a pas d'assassiné !

M. Hervé Mariton. Si votre religion est de faire en sorte que vos projets soient mal accueillis, dites-le aux Français ! Au moins, ils seront prévenus !

Vous ne supportez pas le bon accueil fait à cette réforme, son caractère pratique, raisonnable, effectif, qui lui donne de bonnes chances de fonctionner. C'est la différence entre notre sens de la réforme à l'UMP et celle que vous auriez en tête, pour autant que nous ayons compris les propos de notre collègue M. Claeys.

M. Gérard Bapt. Vous êtes un ultralibéral ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Je vous ai écouté attentivement. J'ai entendu que vous voudriez tout mettre dans la réforme. Cela répond à la logique de l'échec.

La réforme de l'assurance maladie participe, c'est vrai, d'une démarche globale de politique de santé.

Mme Martine Billard. Ce n'est pas vrai !

M. Hervé Mariton. Oui ! ce projet de loi vise à réformer l'assurance maladie. Il ne s'agit pas de tout traiter à la fois.

Ce projet de loi ne répond pas à toutes les questions de santé publique, de l'hôpital. Aucun de nos concitoyens ne nous demande de tout régler à la fois.

Pour avancer, il faut sérier les questions. L'enjeu financier est bien suffisant avec la seule assurance maladie, pour que nous consacrions à celle-ci toute notre énergie dans les semaines qui viennent. C'est une réforme ambitieuse et circonscrite.

Vous voulez tout faire, parce qu'en réalité, messieurs les socialistes, vous ne voulez rien faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur Claeys, vos propos sont non seulement excessivement globalisants mais aussi contradictoires.

Sur la gouvernance, il m'est arrivé de comprendre chacune de vos phrases, mais je n'ai rien compris de la teneur générale de votre exposé.

M. Édouard Landrain. Lui non plus !

M. Hervé Mariton. À vous entendre, tantôt il y a trop de gouvernance, tantôt pas assez... Vous m'expliquerez plus tard ! Pour l'heure en tout cas, je n'ai pas compris.

Venons-en au dossier médical personnel. C'est un sujet important. Vous posez des questions sensées. Le Gouvernement vous a répondu. Mais ce que j'aimerais savoir dans cette affaire, c'est si vous voulez démarrer ou pas !

M. Alain Vidalies. Il faut retourner en commission afin que nous puissions vous l'expliquer !

M. Hervé Mariton. Que je considère votre approche globale ou que je m'attarde sur chacune de vos contradictions, j'ai le sentiment que vous en restez aux incantations, que vous appelez à une réforme virtuelle. Mais c'est d'une réforme réelle qu'il s'agit aujourd'hui. Oui, le dossier médical personnel pose des questions graves et sérieuses. Nous les avons abordées lors des travaux de la commission.

M. Jean-Marie Le Guen. En cinq minutes !

M. Hervé Mariton. Non, cher collègue ! Nous y étions et nous y avons passé plus de temps que cela - heureusement !

M. Édouard Landrain. Il était sorti !

M. Hervé Mariton. Le groupe UMP attend que le Gouvernement apporte des précisions, des réponses et des exemples sur ce qui correspond à la vie concrète de nos compatriotes.

M. Gérard Bapt. Cela tombe bien !

M. Alain Vidalies. Il faut donc revenir en commission !

M. Hervé Mariton. C'est précisément le but du débat en séance. Il est fait pour cela. Le récusez-vous ou l'acceptez-vous ? Eh bien, chiche ! Allons-y !

M. Gérard Bapt. Précisément, c'est ce qu'il demande ! Vous n'avez décidément rien compris !

M. Jean-Marie Le Guen. Convoquez Big Brother en commission !

M. Hervé Mariton. Autre point, le contrôle parlementaire. Nous disons simplement - et nous espérions de votre part un peu plus de bienveillance, en tout cas d'exigence, sur ce sujet - que le contrôle parlementaire est essentiel au succès de la réforme de l'assurance maladie.

M. Gérard Bapt. Nous avons fait des propositions là-dessus !

M. Hervé Mariton. Oui, des progrès restent à faire dans la discussion comme dans la mise en œuvre des lois de financement de la sécurité sociale. Mais, à vous entendre, le Gouvernement a commis le crime de le dire ! C'est pourtant une évidence que nous partageons en d'autres lieux - Xavier Bertrand l'a rappelé. Mais vous, vous en faites des moulinets, alors qu'il s'agit d'une simple affaire de bon sens et de cohérence. En fait, votre analyse ne procède que du cynisme et de la démission.

M. Gérard Bapt. Provocation !

M. Hervé Mariton. Au fond, ce que vous n'admettez pas, c'est que notre réforme soit comprise et partagée,...

Mme Muguette Jacquaint. C'est faux !

M. Hervé Mariton. ...qu'elle fasse appel à la responsabilité de tous - patients, professionnels, parlementaires - plutôt qu'à la contrainte.

M. Édouard Landrain. Eh oui !

M. Hervé Mariton. Notre réforme n'est certes pas parfaite...

M. Gérard Bapt. Ah !

M. Hervé Mariton. Ce n'est pas une révélation : nous en sommes conscients. Votre brouillard, lui, était parfait, mais on n'y a rien compris.

Notre réforme n'est pas parfaite, mais elle est opérationnelle. Elle ne résout sans doute pas tout, et il faut le dire à nos compatriotes...

M. Alain Vidalies. Si, si !

M. Jean-Marie Le Guen. Elle résout en tout cas votre problème politique, il faut le reconnaître !

M. Hervé Mariton. Il faut le dire également au Gouvernement à l'occasion de cette discussion, que nous appelons de nos vœux. Au moins a-t-elle le mérite de nous mettre sur de bonnes bases.

M. Alain Vidalies. Sur la base de la privatisation et des déremboursements !

M. Hervé Mariton. En 2007, grâce à notre réforme, l'assurance maladie connaîtra une situation améliorée sur des bases assainies.

Je le redis : on a parfois l'impression que vous voulez tout faire pour ne rien faire et que ce qui ne vous va pas dans la démarche du Gouvernement et de la majorité, c'est qu'elle est pragmatique. Perfectible, certes ; mais c'est l'objet du débat en séance.

M. Gérard Bapt. Et de notre renvoi en commission !

M. Hervé Mariton. Mais surtout, elle va dans le bon sens. Et c'est cette intuition partagée qui fait qu'elle est bien acceptée.

M. Gérard Bapt. C'est ce qui s'appelle la méthode Coué !

M. Alain Vidalies. Elle n'est apparemment pas partagée par les Français !

M. Hervé Mariton. Voilà pourquoi nous ne pensons pas qu'il faille renvoyer en commission ; il faut engager sans attendre le débat car, plus que jamais, il est temps d'agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.

Mme Élisabeth Guigou. Alain Claeys vient de démontrer avec compétence, pertinence et précision,...

M. Richard Mallié. Vous appelez cela une démonstration ?

Mme Élisabeth Guigou. ...que votre réforme, messieurs les ministres, ne passe pas la rampe.

M. Hervé Mariton. C'est tout le contraire d'une démonstration !

Mme Élisabeth Guigou. Derrière les effets d'annonce, derrière les cartes Vitale brandies à la télévision, il y a une bien triste réalité.

Pour commencer, la faillite financière va non seulement perdurer, mais, hélas ! sans doute s'aggraver.

M. Édouard Landrain. C'est une spécialiste qui parle !

M. Richard Mallié. Voilà qu'elle allume les antibrouillards !

Mme Élisabeth Guigou. Ces déficits abyssaux que nous connaissons aujourd'hui, c'est vous, votre gouvernement, qui les avez créés depuis deux ans. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Les 35 heures et le FOREC, c'est qui ?

M. le président. Allons, mes chers collègues ! Laissez Mme Guigou s'exprimer.

Mme Élisabeth Guigou. Les chiffres ont été rappelés ici même, et encore à l'instant par Alain Claeys lorsqu'il a rappelé les déficits cumulés pour la période 1993-1997 et pour la période 1997-2002, et la véritable explosion - une multiplication par sept ! - à laquelle nous assistons depuis deux ans.

M. Richard Cazenave. Si ce n'est pas malheureux d'entendre cela !

Mme Élisabeth Guigou. Ces déficits, c'est votre politique qui les a créés, et non une sorte de fatalité conjoncturelle...

M. Édouard Landrain. Il fallait tout faire avant !

M. Hervé Mariton. C'est précisément cette fatalité que nous combattons !

Mme Élisabeth Guigou. Le Haut conseil de l'assurance maladie lui-même estime que seulement un quart du déficit provient de moindres recettes ; pour la plus grande part, c'est votre politique qui l'a créé, parce que vous avez laissé filer les dépenses...

M. Richard Cazenave. Comment des gens intelligents peuvent-ils dire des choses pareilles ?

Mme Élisabeth Guigou. ...et parce que votre politique macro-économique a dramatiquement réduit les recettes qui alimentaient la sécurité sociale et le budget de l'État.

M. Bernard Accoyer. Qui a pris les recettes pour financer les 35 heures ? Vous le savez bien, vous étiez au Gouvernement !

M. le président. Monsieur le président Accoyer, vous parlez aussi fort que M. Le Guen. (Sourires.)

M. Richard Cazenave. Il aurait du mal ! Et il a beaucoup de retard en termes de cadence d'interruptions !

M. le président. Poursuivez, madame Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Nous vous avons apporté force précisions sur cette affaire.

M. Hervé Mariton. Il ne serait pas inutile de les répéter !

Mme Élisabeth Guigou. Vous allez voir !

M. Richard Cazenave. On a déjà vu, hélas !

Mme Élisabeth Guigou. Quant à votre plan financier, il ne convainc personne, ni votre gouvernement - chacun a pu lire la note que Bercy a sortie la semaine dernière -, ni votre majorité - les orateurs de l'UDF, que j'ai écoutés très attentivement, s'interrogent vraiment quant à ses résultats -, ni même la caisse nationale d'assurance maladie qui l'a fait savoir ce matin : elle non plus ne croit pas qu'il puisse rétablir l'équilibre et résorber le déficit.

M. Yves Simon. Désinformation !

M. Hervé Mariton. Elle n'a pas dit cela !

Mme Élisabeth Guigou. À l'entendre, le déficit restera au minimum de l'ordre de 5 milliards d'euros...

M. Édouard Landrain. Ce sera mieux que vous, en tout cas !

Mme Élisabeth Guigou. ...et l'on peut même craindre qu'il n'atteigne encore 23 milliards d'euros en 2007.

M. Hervé Mariton. La caisse dit, comme nous, qu'il faut changer les comportements !

Mme Élisabeth Guigou. Le résultat est, hélas ! prévisible : le déficit en 2007 restera extrêmement élevé et la dette explosera.

M. Richard Cazenave. On verra à ce moment-là !

M. Édouard Landrain. En attendant, il ne faut surtout rien faire !

M. Richard Cazenave. Non, il faut effacer les déficits, comme ils le proposent !

Mme Élisabeth Guigou. Nous en sommes déjà à 38 milliards d'euros ; nous devrions, d'après vos propres chiffres, atteindre les 50 milliards, mais Jean-Marie Le Guen a bien montré comment nous pourrions aller jusqu'à 70 milliards d'euros.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Le Guen exagère toujours !

Mme Élisabeth Guigou. En fait, c'est jusqu'en 2030 que vous allez repousser le remboursement de la dette. Bref, votre plan de redressement financier ne vaut rien !

Deuxième reproche : vous préparez une sécurité sociale à deux vitesses.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Fantasme !

Mme Élisabeth Guigou. Depuis deux ans, vous avez déjà considérablement aggravé les inégalités...

M. Édouard Landrain. Et vous, qu'avez-vous fait ?

Mme Élisabeth Guigou. ...en portant le forfait hospitalier - que nous n'avions pas touché - de 10,67 euros à 13 euros, en supprimant la gratuité de l'aide médicale d'État et en restreignant l'accès à la couverture maladie universelle. Vous continuez avec votre projet, avec cette franchise de 1 euro dont nous savons qu'elle sera suivie d'autres augmentations. Vous faites porter tous les efforts - 80 % - sur les ménages et vous ne demandez qu'une contribution symbolique aux entreprises qui font des bénéfices.

M. Yves Simon. Vous préférez les délocalisations ?

Mme Élisabeth Guigou. Et je ne parle pas des entreprises du médicament, extraordinairement peu sollicitées au regard de leurs possibilités.

M. Yves Censi. C'est faux !

Mme Élisabeth Guigou. Vous créez une sécurité sociale à deux vitesses en permettant aux spécialistes de se désengager de toute discipline dès lors qu'un patient ne serait pas préalablement passé par un médecin traitant. Et ça, c'est absolument scandaleux.

M. Hervé Mariton. Comment peut-on dire une chose et son contraire ?

Mme Élisabeth Guigou. Ce faisant, vous permettez une augmentation des tarifs sans aucun lien avec le système de conventionnement.

M. Richard Cazenave. Les spécialistes apprécieront !

Mme Élisabeth Guigou. Par ailleurs, nous venons de l'apprendre, vous organisez en fait l'explosion des complémentaires et la réduction du régime général de base.

M. Bernard Accoyer. Vous ne connaissez pas le dossier !

Mme Élisabeth Guigou. Non seulement l'article 25 de votre projet permet aux assureurs de contribuer à la fixation du prix des médicaments, mais un amendement n° 1675 de M. Dubernard, rapporteur de cette commission, vient de nous arriver, qui propose de surcroît que les assureurs fixent également les tarifs des remboursements !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Pas les assureurs, madame !

Mme Élisabeth Guigou. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'est-ce que cela annonce, sinon une explosion du champ des complémentaires, et par voie de conséquence de leurs prix, et une réduction du régime général de base ?

Vous avez au surplus considérablement dénaturé le financement des assurances complémentaires pour les plus modestes, que nous avions mis en place. Nous avions organisé un abondement des crédits sociaux des caisses d'assurance maladie afin de financer l'acquisition de complémentaires pour ceux qui dépassaient le plafond de la CMU...

M. Hervé Mariton. Bref, vous aviez tout réglé !

M. Yves Simon. C'est pour cela que cela marche si bien !

Mme Élisabeth Guigou. Or que faites-vous ? Nous ne sommes pas contre le principe d'un crédit d'impôt. Mais lorsque l'on fait financer le crédit d'impôt par un prélèvement sur les crédits sociaux des caisses, c'est absolument scandaleux !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Étatiste invétérée !

Mme Élisabeth Guigou. Troisièmement, vous n'engagez aucune réforme structurelle. Il n'y a rien, ou très peu, sur la prévention. Vous venez de dire, monsieur Douste-Blazy, que vous aviez mis en place la prévention sur le cancer du sein. Mais permettez-moi de vous rappeler que c'est Bernard Kouchner qui avait lancé ce plan il y a trois ans,...

M. Yves Simon. C'est faux !

Mme Élisabeth Guigou. ...que c'est moi qui ai organisé, dans deux lois de financement de la sécurité sociale successives, les crédits nécessaires à la prévention du cancer du sein,...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Mais cela n'a pas marché !

Mme Claude Greff. J'ai fait, j'ai fait !

Mme Élisabeth Guigou. ...et que vous avez totalement abandonné les financements du plan Alzheimer. Les associations s'en sont plaintes et ont manifesté le 22 juin dernier au Trocadéro pour réclamer l'application du plan que nous avions mis en place avec Paulette Guinchard-Kunstler et Bernard Kouchner.

M. le président. Veuillez conclure, madame Guigou.

M. Richard Cazenave. Oui, il faut conclure !

Mme Élisabeth Guigou. Très peu sur la médecine scolaire, très peu sur la médecine du travail, presque rien sur l'installation des médecins, rien sur la rémunération forfaitaire...

M. Yves Censi. Quelle incantation !

M. le président. Je vous prie de conclure, madame. C'est une explication de vote !

Mme Élisabeth Guigou. Je conclus. Jamais Alain Claeys n'a prétendu qu'il fallait supprimer le paiement à l'acte. Il a parlé de rémunération mixte - comme celle d'ailleurs que nous avions mise en place pour les médecins participant à la prévention.

M. Richard Mallié. Et elle continue !

M. le président. Je vous remercie, madame. Nous allons passer à Mme Muguette Jacquaint.

M. Richard Cazenave. Oui, ça suffit !

Mme Élisabeth Guigou. Je conclus, monsieur le président, pour dire à M. Douste-Blazy... (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Non, madame Guigou ! On ne refait pas la discussion générale. Concluez.

Mme Élisabeth Guigou. Puisque le ministre semble souvent s'ennuyer au point de passer son temps à jouer avec son téléphone portable. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. le président. Allons, madame !

M. Bernard Accoyer. C'est proprement scandaleux !

M. Jean Leonetti. Elle ne se privait pas de lire son journal, tout à l'heure !

M. Bernard Accoyer. Elle lisait un roman posé sur ses genoux !

Mme Élisabeth Guigou. ...je lui conseille de lire attentivement les propositions du groupe socialiste et d'accepter ce renvoi en commission afin que nous puissions les examiner, car elles sont de nature à fonder une vraie réforme de l'assurance maladie. C'est pourquoi mon groupe votera pour le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Le groupe des député-e-s communistes et républicains votera la motion de renvoi en commission défendue par notre collègue Alain Claeys.

M. Philippe Vitel. Ça, c'est un scoop !

Mme Muguette Jacquaint. Mais je voudrais répondre aux propos tenus par M. Bur tout à l'heure. Lorsque l'opposition émet des critiques - et il y a de quoi ! - sur ce projet de réforme de la sécurité sociale, elle serait, à l'entendre, sur la défensive.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Eh oui !

Mme Muguette Jacquaint. Mais qui est sur la défensive ? C'est bien vous.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous, nous sommes dans l'offensive !

Mme Muguette Jacquaint. Oui, c'est vous qui êtes sur la défensive. Et force est de constater que le Gouvernement n'est pas aidé, y compris par les siens ! Sur le financement, c'est une note de Bercy qui prédit que vos mesures ne régleront rien à l'endettement ni au déficit de la sécurité sociale. Et la CNAM, ce matin même, annonce qu'aucun problème ne sera résolu.

Pire encore, on nous parle d'une loi organique dont nous discuterons, dites-vous, à la rentrée d'automne. Mais où est le texte ? Avant d'en discuter, au moins pourrions-nous en avoir eu connaissance ! Vous faites passer ce projet de loi en plein mois de juillet.

M. Yves Simon. Vos manifestants sont tous en vacances !

Mme Muguette Jacquaint. Pourquoi ne pas organiser un vote dans le pays ? Vous vous y refusez. Du reste, il a déjà eu lieu. Vous vous dites courageux et sûrs de votre politique. Mais arrêtez ! Qui a été sanctionné durant la dernière période,...

M. Édouard Landrain. Le parti communiste !

Mme Muguette Jacquaint. ...si ce n'est votre politique rétrograde et ultralibérale, qui ne fait que porter des coups aux familles les plus modestes ? Vous cassez le système de solidarité de la sécurité sociale. Et l'on pourrait encore citer ce que l'on nous annonce ce matin : augmentation des tarifs des transports, augmentation des loyers...

M. Richard Cazenave. Augmentation du SMIC !

M. Édouard Landrain. Et les grèves ?

Mme Muguette Jacquaint. Arrêtez de chercher à nous faire pleurer, finissez-en avec cette attitude de commisération à l'égard des gens modestes.

Une nouvelle fois, vous allez frapper les gens modestes...

M. Richard Cazenave. Et l'augmentation du SMIC ?

Mme Muguette Jacquaint. ...en cassant la sécurité sociale !

M. Hervé Mariton. C'est faux !

Mme Muguette Jacquaint. Faut-il vous rappeler les chiffres ?

Vous « égratignez » les revenus financiers, mais vous demandez encore davantage d'efforts aux familles modestes !

Mme Claude Greff. En France, tout le monde est soigné !

M. Hervé Mariton. Nous ne sommes pas si méchants que ça !

Mme Muguette Jacquaint. Depuis des mois, vous creusez les inégalités dans notre pays. Et cette loi y contribue amplement !

Mme Claude Greff. Non !

Mme Muguette Jacquaint. Mais si, madame !

Mme Claude Greff. Tout le monde est soigné dans notre pays !

Mme Muguette Jacquaint. Il y a de plus en plus de gens pauvres, de Rmistes, d'exclus du système bancaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Simon. C'est à cause de votre politique !

Mme Claude Greff. Rien à voir avec la sécurité sociale !

Mme Muguette Jacquaint. C'est le résultat de votre politique.

M. Yves Simon. Non, de la vôtre !

Mme Muguette Jacquaint. Vous ne pouvez pas le nier !

M. Hervé Mariton. C'est faux !

M. Christian Kert. Ce n'est pas une explication de vote, monsieur le président !

Mme Muguette Jacquaint. D'ailleurs, vous n'avez même pas réagi aux chiffres qu'a donnés mon ami Maxime Gremetz ! Pourtant, ils sont là. Les résultats des élections, aussi, sont là. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Ça suffit !

M. Philippe Vitel. Le parti communiste a baissé !

Mme Muguette Jacquaint. Vous avez été condamnés pour votre politique antisociale et inégalitaire.

Mme Claude Greff. Et vous, qu'avez-vous fait ?

Mme Muguette Jacquaint. J'ai reçu hier plus de trois cents comités de défense de la sécurité sociale, 17 000 pétitions ont déjà été signées. Comptez sur nous pour les encourager à venir vous harceler dans vos permanences...

M. Édouard Landrain. Qu'ils viennent, on leur expliquera !

Mme Muguette Jacquaint. ...Et nous verrons si face à vos électeurs, vous êtes aussi arrogants que vous l'êtes aujourd'hui !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Mais ce sont des menaces, madame Jacquaint ? C'est scandaleux !

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ils ne sont pas très mobilisés à gauche !

Mme Claude Greff. En effet, ils sont peu nombreux !

M. Richard Cazenave. Combien reste-t-il d'électeurs communistes en France ?

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

À vingt et une heures trente, quatrième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la troisième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot