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Première séance du lundi 5 juillet 2004

8e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Nous en revenons aux dispositions réservées la semaine dernière, avant l'article 2, à l'article 2 et après l'article 2, traitant du dossier médical personnel.

Avant l'article 2
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8185 rectifié, portant article additionnel avant l'article 2.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale. monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, nous en venons ce matin au dossier médical partagé, qui va nous occuper longuement et sur lequel nous entendons tous, je crois, travailler avec précision et sérieux. Les dispositions proposées dans le texte et les déclarations du ministre posent en effet de très nombreuses questions.

En outre, la déclaration de l'urgence, que je comprends, doit nous inciter à prendre le temps de légiférer, parce que nous touchons là, par un seul article, à des domaines très divers : choix technologiques lourds, conciliation des impératifs de santé publique avec le respect des libertés individuelles, maîtrise des dépenses, droit des malades, faisabilité et acceptabilité du dispositif par les professionnels de santé comme par les patients. Il s'agit donc d'un dossier compliqué qui nous semble être traité un peu légèrement par le texte.

Nous sommes surpris de voir l'article 2 intégré au code de la sécurité sociale et non au code de la santé publique, dans la mesure où le dossier médical personnel sera à la fois un outil de santé publique, un outil de régulation de la sécurité sociale et un outil de modernisation de l'offre de santé, objectifs multiples et parfois contradictoires parmi lesquelles il convient d'établir des priorités.

Pour nous, la première priorité est la santé publique. C'est pourquoi, compte tenu des modifications profondes introduites par le dossier médical personnalisé, ces dispositions doivent être intégrées au code de la santé publique. De plus, l'amendement vise à rappeler que ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi de mars 2002 relative aux droits des malades.

La loi relative au droit des malades ne résulte par d'une revendication des patients à l'égard du corps médical, elle prend acte de l'évolution des rapports entre médecins et malades. Notre monde change. Le niveau d'éducation et de connaissance, la volonté d'appréhender et de maîtriser son propre avenir sont tels que de plus en plus de patients n'acceptent plus une relation asymétrique dans laquelle le patient subit les soins du médecin. Il souhaite être informé pleinement et gérer lui-même sa santé.

Je souhaite donc que le ministre nous confirme clairement que la loi relative au droit des malades s'appliquera totalement et sans restriction et que le DMP ne sera pas un élément limitatif par rapport au cadre légal existant.

M. Bernard Accoyer. Il est clair que non !

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 8185 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. La commission a accepté cet amendement qui consiste essentiellement à intégrer un article du code de la santé publique dans le code de la sécurité sociale. Il nous paraît important que le secret médical et le respect de la vie privée s'imposent aux équipes de professionnels de santé.

Il faudra faire des efforts, messieurs les ministres, pour garantir le respect de la confidentialité. Nous avons besoin de réponses de votre part, car les députés en ont unanimement souligné l'importance. Nous attendons beaucoup des futurs décrets pris en Conseil d'État.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement est favorable à cet amendement important. J'indique toutefois à M. Le Guen que l'article additionnel proposé reprend les dispositions de l'article L.1110-4 du code de la santé publique, introduit par la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades.

Si la loi est votée, les décrets en Conseil d'État seront pris au plus vite, car le respect de la confidentialité est indispensable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement ouvre le débat sur le dossier médical personnel. Notre groupe sera également attentif au respect des droits du malade dans le cadre des progrès que ce texte marquera pour l'organisation de l'offre et de la demande de santé. Mais il faudra trouver un équilibre entre ces deux impératifs. Certes, comme le rapporteur vient de l'indiquer, les décrets d'application apporteront des précisions, mais nous souhaitons que le ministre apporte des éclairages dès ce matin.

Le dossier médical personnel est un ensemble d'exemples et de configurations précises auxquels, à mon avis, toutes les réponses n'ont pas encore été apportées. Au surplus, la CNIL aura à s'exprimer à chacune de ces étapes. Pour autant, le législateur ne peut et ne doit pas s'abriter derrière elle.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Hervé Mariton. Monsieur Le Guen, il faut toujours entendre de tels compliments avec précaution, mais, sur ce point, je les accepte volontiers !

La CNIL applique ce que dit le législateur et c'est le législateur qui éclaire, par ses votes, ses amendements et les débats, des points qui seront essentiels en termes de qualité du système de santé et de libertés publiques pour des années et peut-être des décennies.

Nos débats de ce matin sont donc importants car ils permettront demain d'éclairer à la fois l'autorité administrative, les organismes indépendants et éventuellement les juges.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le président, la question du dossier médical personnel est importante, mais je crains que l'on ait trop souvent tendance à réduire la réforme à ce seul élément, comme on l'a fait avec le carnet de santé du plan Juppé de novembre 1995 présenté comme le nec plus ultra.

À l'évidence, il faut collecter et partager les informations médicales concernant un patient. Mais il faut le faire pour des raisons de santé publique et non pour des préoccupations économiques, légitimes par ailleurs pour maintenir notre système d'assurance maladie. C'est donc au regard des préoccupations de santé publique, des préoccupations des droits des personnes dans le cadre de notre système de santé qu'il faut apprécier la mise en place de ce dossier médical personnel. Or, de ce point de vue, il peut y avoir des limites à la collecte d'informations médicales. Ces règles sont supérieures au code de la santé lui-même et incluses dans la Convention européenne des droits de l'homme en ce qui concerne notamment le respect de la vie privée.

Il est nécessaire que ces règles soient rappelées à l'occasion de la mise en place du dossier médical partagé. Nous y reviendrons un peu plus loin, dans un autre article du code de la santé qui résulte aussi de la loi du 4 mars 2002, lorsque nous aborderons les règles relatives au secret professionnel et à l'information des patients. De ce point de vue, on ne peut pas seulement rappeler des règles dites déontologiques ; nous faisons la loi et il est nécessaire que nous nous appuyions sur des textes législatifs. Il n'est pas possible que le dossier médical personnel déroge aux principes fondamentaux de protection des personnes dans la mesure où il s'agit d'informations qui concernent l'intimité même de la personne puisqu'il s'agit de son état de santé.

Il faut faire la différence entre le dossier médical personnel, qui devrait figurer d'ailleurs dans le code de la santé plutôt que dans le code de la sécurité sociale, et l'accès des professionnels de santé aux données relatives à la consommation de soins d'un assuré social, tel qu'il est prévu à l'article 12. S'il est normal que le médecin sache si tel examen biologique a été pratiqué, on touche à l'intimité de la personne quand il s'agit de connaître le résultat d'un examen biologique, ce qui exige des garanties supérieures. C'est au regard de l'ensemble de ces préoccupations qu'il nous faut aborder la règle du dossier médical personnel.

M. le président. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Nous sommes tous d'accord pour dire que le secret médical doit être protégé de la meilleure manière possible. Mais il me semble un peu abusif de subordonner la consultation de ce document par le médecin à l'autorisation du patient, de même que la possibilité de compléter le dossier médical. Si ces restrictions sont maintenues, le médecin qui n'aura pas toutes les informations devra alors reprendre toutes les investigations, ce qui représente un coût.

Je souhaite donc que le ministre nous donne des éclaircissements quant à ces dispositions restrictives.

M. le président. Mes chers collègues, vous êtes nombreux à souhaiter intervenir. Je vais vous donner la parole. Mais je vous indique que cela ne fera pas jurisprudence pour l'ensemble des amendements.

La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. Tous les responsables et les professionnels de santé seront d'accord avec certains des points soulevés par M. Évin, notamment ce qui a trait à l'intimité médicale, à la CNIL et aux données personnelles.

Monsieur Évin, vous dites que le dossier médical personnel est un impératif de santé publique. Certes, mais je dirai, pour ma part, qu'il est un impératif de santé pour la personne.

M. Claude Évin et M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez raison !

M. Pierre-Louis Fagniez. En effet, à force de parler de santé publique, on oublie qu'on parle d'une personne.

En revanche, il n'y a aucune honte à dire qu'une réforme de santé entraînera des économies pour la société. Si des économies substantielles peuvent être dégagées, j'y souscris pleinement. Souvenez-vous des 6 milliards de dépenses inutiles mentionnées par le directeur général de la CNAM.

M. Jean-Marie Le Guen. On en parlera tout à l'heure !

M. Pierre-Louis Fagniez. Voilà pourquoi je n'hésite pas à dire que, après son objectif premier, celui de la santé de la personne, il peut être intéressant d'atteindre un second objectif, à savoir des économies en termes d'assurance maladie.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous aurons suffisamment de points de désaccord pour nous rejoindre sur le constat que le dossier médical personnel a pour objet la qualité des soins. Si le dossier médical peut permettre une meilleure gestion en évitant des actes redondants ou injustifiés, tant mieux !

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je souhaitais reprendre la parole pour répondre à M. Guillaume et à M. Fagniez.

Monsieur Fagniez, il est bien évident que toute bonne organisation de notre système de santé, toute bonne information entre les différents professionnels de santé aura des effets économiques. Mais, comme je l'ai indiqué à l'instant, ce n'est pas l'objectif premier.

Le passage de l'information, la transmission de l'information, le fait que plusieurs professionnels amenés à intervenir auprès du patient puissent effectivement accéder à ces informations, tout cela est d'abord dans l'intérêt du patient en ce qui concerne son suivi médical.

J'ajoute, monsieur le ministre, et j'apprécie que vous puissiez conforter des propos que j'ai pu tenir tout à l'heure, que le dossier médical personnel aurait plutôt sa place dans le code de la santé publique que dans le code de la sécurité sociale. D'ailleurs, toutes les dispositions relatives au secret, à la transmission des informations, au dossier médical, aux hébergeurs figurent dans le code de la santé publique. Vous préférez les placer dans le code de la sécurité sociale, ce qui n'est pas un hasard. Nous vous demanderons donc d'introduire dans ce dernier des éléments du code de la santé publique.

Monsieur Fagniez, de mon point de vue, il s'agit d'une démarche différente de celle prévue à l'article 12, et je le dis de manière assez précise, car, dans les débats, et parfois même dans l'expression du ministre, j'ai pu voir une confusion en la matière. Il est utile de permettre à un médecin d'avoir connaissance des examens ou des prestations dont un assuré social a bénéficié car cela permet d'éviter des actes redondants. Ce sera possible avec la carte du professionnel de santé et la carte Vitale. Ainsi, il pourra savoir si son patient a consulté par exemple un psychiatre au cours des six derniers mois. Mais il ne s'agit pas de l'accès à des données médicales, c'est-à-dire que le médecin n'aura pas la possibilité, au regard de la procédure que l'on examinera à l'article 12, de connaître le diagnostic.

Enfin, monsieur Guillaume, vous avez soulevé un sujet important, mais je dois vous contredire totalement. Les informations médicales contenues dans le dossier médical appartiennent au patient - c'est une règle fondamentale du droit des personnes. Si le patient limite les informations contenues dans le dossier médical au regard des droits fondamentaux des personnes, vous n'aurez pas le choix. Cela nous renvoie d'ailleurs à un autre problème, celui du niveau de remboursement lié à l'acceptation par le patient de donner ou non des informations le concernant. Nous pensons qu'il s'agit d'un principe constitutionnel, sur lequel nous reviendrons. En tout état de cause, il appartiendra aux professionnels de santé de convaincre l'assuré social que c'est dans son intérêt que telle ou telle information concernant la santé figure dans son dossier, mais le patient pourra très bien refuser.

J'évoquais, pour parler concrètement, le cas d'un patient ayant consulté un psychiatre. Il pourra parfaitement considérer qu'il veut tourner la page et ne pas vouloir que le diagnostic psychiatrique soit inscrit dans son dossier. Il faut le savoir, ce sont les limites du système, et je vous remercie, monsieur le président, de nous permettre de clarifier le sujet car ce sont les principes fondamentaux du droit des personnes qui sont en jeu et qui dessinent les limites du système. Bien que le dossier médical partagé soit nécessaire en termes de santé publique, il ne sera pas, contrairement à la manière dont vous l'avez présenté parfois, monsieur le ministre, le nec plus ultra de l'organisation du système de santé - je suis convaincu qu'il ne résoudra en rien le problème - car il ne réglera pas l'ensemble des problèmes liés à l'accès à l'information, qui, pour être souhaitable, doit cependant respecter les droits fondamentaux des personnes.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous touchons là au cœur du débat. Il va falloir être très précis parce que nos votes vont engager la politique de santé pour des années : une fois le dossier médical en place, on ne reviendra pas dessus. Il y a des ambiguïtés dans le texte, et il faudra les lever au fur et à mesure. En tout état de cause, le postulat de base, monsieur Guillaume, c'est qu'on ne fait pas le bonheur des gens contre leur gré, pas plus qu'on ne les soigne contre leur gré. Vous partez de l'idée, on l'a bien vu en commission, que les malades ne savent pas forcément - tandis que les médecins, eux, le savent - ce qui est bon pour leur santé, et vous en concluez qu'il faut donner tout le pouvoir aux médecins. Exception faite des maladies contagieuses - mais le cas est déjà réglé dans le cadre actuel et il faudra voir comment il s'articule avec le dossier médical -, rien ne peut obliger un malade à déclarer ce qu'il n'a pas envie de déclarer, ni même à se soigner. La seule obligation qui incombe au corps médical, c'est de tout mettre en œuvre pour sauver les gens, mais pas contre leur gré. Les êtres humains ont le droit de décider de leur vie tant qu'ils ne mettent pas celle des autres en danger. Le dossier médical est à double tranchant : il peut être la meilleure des choses, mais il peut aussi être mis au service de Big Brother. Il faut prendre garde aux dérives possibles et veiller à ce que ceux qui croient agir pour le bien de la santé publique ne finissent pas par déposséder totalement les êtres humains de la maîtrise de leur propre vie. On ne peut pas imposer un dossier médical qui serait consultable par tout le monde sans l'avis de l'intéressé, ni concevoir un dispositif privilégiant la maîtrise comptable au détriment des droits des malades. En l'état, c'est pourtant la tendance du projet de loi et il va falloir lever les ambiguïtés, quitte à supprimer certains passages.

Le dossier médical doit avant tout être un outil au service de la santé, même s'il permet aussi de faire des économies. À partir du moment où le patient aura autorisé l'accès à son dossier, le médecin saura en effet quels examens ont été pratiqués et il regardera les résultats, sans avoir à les prescrire une nouvelle fois. Mais il ne faut pas croire non plus à l'impossible. On aura, par exemple, accès au compte rendu des radios, mais sans doute pas aux radios elles-mêmes, ne serait-ce que pour des raisons techniques.

Le dossier médical est assurément un outil de progrès pour la santé, mais il faut bien l'encadrer et discuter sur les modalités de sa mise en place, afin de renforcer les protections, à propos desquelles le texte ne dit pas grand-chose. À cet égard, l'échéance que vous proposez, monsieur le ministre, ne me semble pas très réaliste. Il vaudrait mieux procéder par étapes, ou différer un peu, en attendant d'avoir un outil efficace, respectueux des droits des malades. N'oubliez pas que l'informatique peut se pirater, y compris celle du Pentagone. Il faut donc prendre le temps de réfléchir à toutes les précautions nécessaires, compte tenu de toutes les interconnexions possibles. Aujourd'hui, les protections ne sont pas absolues, on l'a vu avec les cartes bancaires,...

M. Bernard Accoyer. Les cartes ont été piratées uniquement par des professionnels !

Mme Martine Billard. ...et on ne peut pas prendre le risque d'un piratage des données de santé des patients.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Très brièvement, monsieur le président.

J'imagine, monsieur le ministre, que, pendant le débat, vous n'hésiterez pas à user de votre droit d'amendement en séance. Ce sera sûrement utile à nos travaux.

Avant même d'aborder les questions globales que pose le DMP, il faut veiller, pour la clarté du débat, à distinguer ce qui relève du secret médical du droit des malades - ce n'est pas exactement la même chose -...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale et M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Tout à fait.

M. Jean-Marie Le Guen. En l'occurrence, cet amendement concerne le droit des malades. Nous partons du principe fondateur que le dossier médical partagé appartient au malade, ce qui donne à ce dernier la faculté de demander la suppression de certains éléments. C'est autre chose que le secret médical, dont il sera question plus loin, et que la confidentialité, qui est un troisième sujet sur lequel nous aurons à travailler, indépendamment des aspects économiques, de l'impact sur l'offre de soins ou encore de la faisabilité du projet.

À ce stade, nous instituons le principe que le DMP devra respecter la loi relative aux droits des malades, mais nous ne réglons pas les problèmes de secret médical et de confidentialité. L'amendement pose un principe à partir duquel nous allons travailler.

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8185 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale et M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Non, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Pardonnez-moi, monsieur le président, il a été accepté - mais pas voté - par la commission, sous réserve de certains changements dans la rédaction, qui ont été apportés dans le cadre de l'article 88 de notre règlement. Tout le monde était d'accord, y compris le rapporteur et le Gouvernement, même s'il n'a pas été voté en l'état.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je remercie mon collègue d'avoir pris la peine de rappeler ce qui s'était passé en commission. (Sourires.) L'amendement a été accepté sous réserve de quelques rectifications qui ont été apportées. Par conséquent, la commission l'a accepté.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je confirme, monsieur le président.

M. le président. Pardonnez-moi, je suis allé trop vite.

Je mets aux voix l'amendement n° 8185 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 8037 à 8051.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous en venons, avec cet amendement, à la question de la faisabilité du dossier médical partagé. Votre projet, monsieur le ministre, nous semble trop centralisé, trop brutal, trop autoritaire. D'après nous, il rompt avec la démarche adoptée en général dans le monde, qui consiste à favoriser une appropriation progressive et pédagogique, et non pas à instaurer une contrainte juridique ou financière.

Cet amendement traite un aspect secondaire, à savoir l'informatisation des cabinets médicaux. La majorité nous dit qu'elle est largement avancée. Or la réalité nous semble bien différente si, par informatisation, il faut entendre que les cabinets sont à même de travailler en réseau. Certes, les cabinets se sont équipés pour utiliser la carte Vitale et assurer leur gestion propre, en particulier leur clientèle, mais une partie importante du corps médical, de 20 % à 30 %, ne dispose pas encore de matériels évolutifs permettant le partage de l'information.

Non seulement l'équipement et le savoir-faire de base ne sont pas toujours acquis, mais encore l'interopérabilité entre les postes n'est pas assurée à cause de la dispersion et du cloisonnement de l'offre de santé - il existe à ma connaissance plusieurs centaines de programmes différents, selon les langages informatiques et médicaux utilisés. Ainsi, la médecine de ville ressemble un peu à la tour de Babel où chacun, ou presque, parle un langage différent. L'ensemble des professionnels de santé ne pourra pas atteindre le niveau requis du jour au lendemain, ou même en deux ans. Il faudra en tout état de cause un effort considérable en termes d'équipement, de formation et d'appropriation, surtout compte tenu de l'individualisme des professions de santé.

Ne croyez pas, monsieur le ministre, que le DMP pourra se substituer à la réorganisation de l'offre de soins. Cette contrainte technologique ne suffira pas, pas plus que n'a suffi, pour restructurer la profession, la pression financière exercée par l'enveloppe globale, que la réforme Juppé avait mise en place. En ce qui vous concerne, monsieur le ministre, vous misez sur cette contrainte technologique pour restructurer l'offre de soins, mais je n'y crois pas. Le DMP constitue un élément d'incitation à une réorganisation, que nous ne cessons d'appeler de nos vœux depuis le début, mais il ne s'y substituera pas.

J'espère que le Gouvernement pourra donner des éléments de réponse précis sur la diffusion des nouvelles technologies auprès du corps médical, qui est individualiste et au sein duquel certaines générations ont parfois du mal à suivre la modernité.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou.

Mme Élisabeth Guigou. Nous traitons d'une question cruciale, puisque vous en avez fait le point clef de votre réforme - du moins si l'on en croit sa présentation.

Nous ne sommes pas opposés au principe du dossier médical personnel. Ce dernier peut être utile, il doit même être envisagé. Nous avons nous-mêmes progressé dans cette voie au travers de la loi Kouchner sur la protection des malades. Le dossier médical personnel peut être un élément important de la coordination des soins entre les différents professionnels de santé, notamment en vue d'organiser le parcours médical d'un malade souffrant d'une affection de longue durée. Nous n'avons donc à formuler aucune objection de principe au dossier médical personnel.

En revanche, nous avons des doutes profonds et nous souhaitons vous poser quelques questions, monsieur le ministre.

Nos doutes portent en premier lieu sur le fait que le dossier médical personnel puisse être le préalable à la réforme de l'organisation des soins. Selon nous, le dossier médical personnel ne peut être que l'aboutissement d'un profond effort de réorganisation des soins. En la matière, votre projet - nous avons déjà eu l'occasion de l'indiquer la semaine dernière - est loin d'être au point. Vous laissez sans réponse un grand nombre de questions que nous avons déjà abordées et qui sont essentielles, notamment la coordination entre les médecins de ville, la coordination entre la médecine de ville et l'hôpital ou la répartition des professionnels sur le territoire. Le dossier médical personnel ne peut être que l'aboutissement d'un processus profond de réorganisation des soins.

En second lieu, le dossier médical personnel ne peut pas être l'instrument à faire des économies que vous prétendez, monsieur le ministre. Dans un premier temps, sa mise en place coûtera de l'argent. M. Bertrand a indiqué les chiffres. Ils sont liés au coût de sa création et à celui de son fonctionnement - plusieurs centaines de millions d'euros. Les amendements que nous présentons visent à ce que le coût de sa mise en place ne pèse pas sur les professionnels de santé. S'il génère des économies, ce ne sera pas avant très longtemps. Tel ne doit pas être, de surcroît, sa fonction principale, qui doit rester la qualité et la coordination des soins.

Nos questions attendent des réponses précises de votre part, monsieur le ministre. Qu'en est-il des droits des patients, droits constitutionnels qui sont, nous semble-t-il, très imparfaitement préservés et garantis par votre projet ? Non seulement un outil informatique exige des précautions particulières, mais, de plus, des garanties doivent être données au patient sur la nature des informations - objectives ou commentées - qui seront incluses dans le dossier médical personnel, sur celle des patriciens qui y auront accès, sur le type d'accès et le type de pathologie concerné. Il s'agit là d'une foule de questions liées à la protection des droits et des libertés fondamentales de la personne.

En outre, comment le dossier médical personnel sera-t-il mis en place, dans quel délai et sur quelles bases ? L'examen de l'article 2 nous permettra, monsieur le ministre, de vous poser des questions plus précises sur le sujet.

Ma dernière remarque portera sur le rôle du patient dans la gestion du dossier médical personnel. Il n'est jamais présenté comme un acteur de sa propre histoire. Si le dossier médical personnel n'est pas correctement alimenté, le patient est le seul à pouvoir être pénalisé. C'est là un déséquilibre fondamental. S'agissant d'un outil aussi innovant, nous devons prendre le plus grand nombre de précautions et garantir l'équilibre des sanctions, si leur nécessité se fait sentir.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre, vous avez dit précédemment à Jean-Marie Le Guen : « Pas de faux débat ! Sur le sujet, nous sommes tous d'accord. »

Selon nous, le dossier médical personnel est utile parce qu'il répond à un véritable objectif de santé publique. Mais nous divergeons fortement sur les conditions de sa mise en application telle qu'elle figure dans votre projet de loi - c'est le cœur du débat.

Ce matin, deux sujets sont évoqués. Le premier a trait à la compatibilité du dossier médical personnel avec la loi dite Kouchner sur le droit des malades. Le second, que nous abordons au travers de ces amendements, concerne « l'aspect économique des choses », pour reprendre l'expression de notre collègue Fagniez. Vous fixez, pour objectif, une économie de 3, 5 milliards d'euros.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui.

M. Alain Claeys. Mais vous n'évoquez pas, ou presque pas, le coût et les conditions de faisabilité du dossier médical personnel.

Un des points de divergence essentiels qui nous séparent porte sur la logique de votre démarche : selon nous - Mme Guigou l'a rappelé - le dossier médical personnel doit être l'aboutissement de la réorganisation des soins, qui doit avoir pour objectif de faire travailler ensemble des acteurs et des structures qui, aujourd'hui, ne le font pas suffisamment. Une telle réorganisation et les nouvelles pratiques qu'elle induira devront permettre la mise en place efficace du dossier médical personnel. Vous avez choisi une autre logique : selon vous, avant toute autre réforme, la mise en place du dossier médical personnel doit entraîner la réorganisation des soins.

Votre méthode, à notre sens, peut tuer la bonne idée qu'est le dossier médical personnel. Imaginons qu'en 2007, en raison du constat de son impréparation technique, le dossier médical personnel doive être laissé sur le bord de la route : je doute que nous puissions donner avant longtemps une seconde chance à une réforme qui s'avère pourtant nécessaire.

J'aurai deux questions à vous poser, monsieur le ministre. Première question : pourquoi vouloir mettre en place, à tout prix, le dossier médical personnel avant que les fondations de la maison ne soient réalisées et que la nouvelle organisation des soins ne soit achevée ? Seconde question : quelle est votre appréciation sur l'état actuel des capacités techniques des acteurs de la santé pour mettre en route le dossier médical personnel ? Et - questions annexes - qui financera leur mise à nouveau et en vertu de quelles dispositions ?

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Jean-Luc Préel. Tout a déjà été dit, pourtant.

M. Claude Évin. Il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer de façon précise sur les modalités de la mise en place du dossier médical personnel.

L'idée que le patient porte lui-même les informations médicales le concernant n'est pas nouvelle. Le carnet de santé est issu des ordonnances de 1996. Longtemps aussi, on a pensé pouvoir inclure dans la carte Vitale 2 un volet contenant des données médicales. Tout un travail de réflexion avait été conduit sur le sujet. Ce projet est aujourd'hui abandonné en raison du manque de pertinence des données médicales qui auraient pu être ainsi rassemblées. Il est donc tout à fait légitime de souhaiter la mise en œuvre d'un dossier médical personnel permettant de contenir un plus grand nombre d'informations que celui qu'aurait pu contenir le volet médical de la carte Vitale 2.

Votre projet de loi ouvre une autre perspective. Nous ne la contestons pas, nous l'avons rappelé. Mais qui pilotera la mise en place du dossier médical personnel ? Sera-ce le ministère ? Dans ce cas, sous quelle forme d'organisation ? Sera-ce la Caisse nationale d'assurance maladie ? C'est elle, en effet, qui possède les moyens financiers. Un amendement a été déposé dont le seul objet est de susciter un débat sur la question puisque, en tout état de cause, jamais les professionnels de santé ou les établissements de santé ne seront conduits à financer eux-mêmes la mise en application du dossier médical personnel. Mais, indépendamment de la question des hébergeurs, sur laquelle nous reviendrons, il serait d'autant plus nécessaire de savoir qui pilotera le projet que le problème de sa mise en œuvre n'est pas sans conséquences : si je suis bien renseigné, cette absence de clarification conduit à une véritable inertie et la confrontation entre les services de l'administration centrale et les services de la Caisse nationale d'assurance maladie - et des caisses, d'une manière générale - interdit toute mise en place rapide du projet.

Si vous souhaitez réellement atteindre l'objectif du 1er juillet 2007, monsieur le ministre, comment organiserez-vous le suivi du pilotage de l'opération à venir ?

La crédibilité du projet mériterait que vous clarifiiez la manière dont sa montée en charge sera organisée dans les tout prochains mois, voire les toutes prochaines semaines. Sinon, le risque est grand qu'au 1er juillet 2007 on ne puisse vérifier la réalisation de cet objectif. Sans doute, il est vrai, à cette date, ne serez-vous plus ministre de la santé, pour apprécier la faisabilité réelle du projet que vous aurez mis en œuvre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pourquoi ?

M. Jean-Luc Préel. Vous occuperez un poste plus important et plus éminent. (Sourires.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci.

M. Claude Évin. Je pensais à une alternance ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Provocateur !

M. Jean-Luc Préel. Ne rêvez pas !

M. Pierre-Louis Fagniez. Quel pessimisme !

M. Claude Évin. À défaut d'être là au 1er juillet 2007, il serait intéressant que vous puissiez informer ceux qui seront aux responsabilités, à cette date, de l'état dans lequel ils trouveront le dossier. (Mêmes mouvements.) Comment, monsieur le ministre, piloterez-vous la mise en place du dossier médical personnel afin de le faire entrer dans les faits ?

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet amendement pose la question du financement du dossier médical personnel. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Mais le vœu pieu laisse en suspens un grand nombre de questions.

On peut difficilement aborder le dossier médical personnel sans faire référence au constat dressé par le rapport Fieschi, commandé par votre prédécesseur, monsieur le ministre, et dont les propositions sont différentes de celles que vous retenez aujourd'hui. Comme l'a rappelé Jean-Marie Le Guen, la situation est hétérogène. Le rapport Fieschi, traitant de l'équipement informatique, à la fin 2003, des médecins libéraux, note : « Les équipements, pour certains vétustes, hébergent des logiciels hétérogènes. Le nombre de sociétés fournisseurs de logiciels de gestion de cabinet ou d'applications de gestion de dossier pour la médecine libérale est de l'ordre de 150 en France. »

Ce rapport aborde une autre question qui, en dépit de son importance, n'est pas évoquée par votre projet de loi, monsieur le ministre. À compter du moment où vous envisagez la généralisation de l'informatisation des professionnels de santé sur le territoire, via le réseau Internet, vous considérez pour acquis en tant que ministre de la santé le fait que vos collègues, en charge de ce domaine, ont réussi à équiper l'ensemble du territoire du réseau à haut débit. Or, nous sommes loin d'en être arrivés là ! C'est une des difficultés soulevées par le rapport Fieschi, qui note que « la connexion sur Internet à haut débit n'est actuellement pas possible sur tout le territoire », ce qui est une réalité. Les parties du territoire qui ne sont pas aujourd'hui accessibles au haut débit sont relativement peu importantes, il est vrai, mais il s'agit de territoires ruraux, que le projet de loi évoque par ailleurs. Il serait assez choquant qu'un texte sur l'accès à la santé publique en vienne à pénaliser davantage encore par la mise en œuvre du dossier médical personnel ceux qui vivent dans des territoires aujourd'hui en difficulté.

Il est précisé dans le rapport que : « Les professionnels de santé ont besoin de cet outil, quel que soit le lieu de leur exercice. Le coût de la connexion demeure élevé. »

La fourchette de prix qu'il indique est extrêmement large : pour un volume minimum de dossiers à gérer de l'ordre du million, les coûts d'exploitation annoncés par l'ensemble des professionnels et des sociétés qu'il a sollicités se situent entre 30 centimes d'euros et 30 euros par mois et par dossier - soit un rapport de 1 à 100 !

Ce sont les seuls chiffres figurant dans le rapport officiel publié par votre gouvernement. À partir de là, les 3 milliards d'économie que vous espérez réaliser grâce à la mise en place de ce dossier deviennent « suspects ».

Le rapporteur ne manifeste d'ailleurs pas grand enthousiasme sur cette question. Preuve en est cette phrase admirable qui figure à la page 105 du rapport : « Selon les informations fournies au rapporteur, le financement de la mise en place du dossier médical personnel sera supporté par les régimes de l'assurance maladie : les gains attendus devraient, à terme, excéder les dépenses engagées, qui seront malgré tout considérables. » Ou en d'autres termes : « Cela devrait rapporter plus que cela ne coûtera, mais on n'en est pas vraiment sûr... »

Nous sommes donc davantage dans le rêve et dans la prospective que face à un projet de loi susceptible de répondre aux aspirations des Français !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Le dossier médical personnel est un outil qui doit améliorer la qualité de prise en charge du patient. Mais ce n'est qu'un aboutissement, et non le préalable à l'organisation du système de santé.

Par ailleurs, j'aimerais connaître, monsieur le ministre, la situation des hôpitaux en matière d'informatisation. Ceux-ci seront en effet des acteurs très importants de la gestion du dossier médical personnel. Seulement, ils sont informatisés de manière très hétérogène, à des niveaux très différents. Il y a très peu de connexions entre les différents systèmes informatiques.

Nous serions très heureux d'avoir des informations précises, car il y va de la réussite concrète de ce projet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Discutons des chiffres : M. Le Guen a évalué le coût de gestion du dispositif à 10 euros par dossier et par an, soit à près de 600 millions par an au total. M. Vidalies a fait d'autres estimations. Sur quelles bases ? Comment ?

M. Jean-Marie Le Guen. Et quels sont vos chiffres ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je reprends ceux de votre exposé des motifs. Vous avez cité par ailleurs le ministre, qui a évoqué l'éventualité de faire, à terme, 3,5 milliards d'économies - ce qui me paraît tout à fait logique.

Monsieur Vidalies, je n'ai aucun scrupule à avoir écrit : premièrement, que le financement devrait être supporté par les crédits de l'assurance maladie ; deuxièmement, qu'à terme - même si cela devrait coûter au départ - les économies réalisées devraient excéder largement les dépenses engagées pour l'assurance maladie. Sortons donc de ces aspects purement économiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Ah !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Car, monsieur Le Guen, c'est de qualité qu'il s'agit. Si la coordination des soins et la qualité des soins dispensés au patient vous font sourire ou rire grassement, c'est que vous n'avez pas compris le sens de ce projet de loi ! Et je tiens à féliciter les ministres pour avoir enfin osé franchir le pas. Mais sans doute aurons-nous une discussion sur l'article. Cela nous permettra de revenir sur les démarches qui ont été engagées précédemment, souvent d'ailleurs par des gouvernements de gauche.

Monsieur le ministre, Mme Génisson a raison de s'interroger sur le pourcentage des hôpitaux équipés en informatique, et sur la finalité de ces équipements - plus souvent administrative que médicale.

Selon une étude récente, 30 % des hôpitaux français seraient aujourd'hui équipés avec des dossiers à visée médicale.

Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas beaucoup.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Personnellement, je travaille dans un hôpital où nous disposons d'excellents dossiers. 80 % des cabinets de médecins libéraux seraient par ailleurs équipés. Seulement, il existe plus de 150 logiciels, qu'il s'agira de rendre compatibles d'une manière ou d'une autre.

Il va enfin nous falloir tenir compte des normes européennes, au moment où vient de se mettre en place une carte européenne de santé.

Quoi qu'il en soit, monsieur le président, la commission a émis un avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je tiens à répondre précisément aux diverses questions qui ont été évoquées.

Aujourd'hui, les médecins, dans leur pratique quotidienne, disposent d'un équipement informatique à leur cabinet. Nous avons parlé avec eux de ce projet de loi. Ils sont d'accord et ils se sont engagés à nous aider à faire avancer cette réforme.

Certes, le Gouvernement s'est engagé à garantir le retour à l'équilibre financier de l'assurance maladie. Il veillera donc à ce que les coûts de gestion du dossier médical personnel soient réduits.

Tout le monde semble s'accorder sur un coût de 5 à 7 euros par dossier médical, par an et par personne. Tel est l'ordre de grandeur, si l'on se réfère aux études sur la question et à ce qui se passe à l'étranger.

S'agissant, précisément, du haut débit, monsieur Vidalies, on comptait, en 2002, 600 000 abonnés ; il y en a aujourd'hui 4 millions ! Il est étonnant de voir à quelle vitesse notre pays rattrape son retard ; une vraie révolution est en train de s'opérer. La France a connu en 2003 le plus fort taux de croissance du haut débit d'Europe. Et l'informatique médicale suit le mouvement, avec une croissance de 40 % du taux d'équipement médical en un an.

100 % des hôpitaux sont aujourd'hui capables de transmettre des informations numérisées sur le séjour de chaque patient ; 30 % possèdent un dossier médical informatisé.

Le problème, c'est qu'il n'y a pas de compatibilité, en particulier dans les services des urgences et pour les entrées, entre les différents hôpitaux. Que les hôpitaux aient des logiciels, c'est une chose, mais que ces logiciels soient compatibles entre eux, c'est fondamental.

C'est là tout l'enjeu du dossier médical personnel : dossier médical du malade, et non du médecin, d'un hôpital ou d'une clinique, il ne peut exister qu'avec des systèmes compatibles. Vous avez raison, madame Génisson, c'est un sujet majeur que nous devons aborder.

Je l'ai déjà dit, le taux d'informatisation des médecins progresse rapidement : plus de 78 % des généralistes font de la télétransmission. L'augmentation a été de 40 % en un an. L'ensemble des syndicats médicaux s'accordent à penser que le 1er janvier 2007, tous les médecins travailleront avec l'informatique. Nous verrons, à l'occasion des discussions conventionnelles, s'il est nécessaire d'aider les médecins.

Si le dossier médical personnel est à mes yeux fondamental, c'est parce qu'il est obligatoire. Mais il faut aussi qu'il respecte la loi de 2002, et donc le droit et la liberté des malades.

Monsieur Le Guen, vous dites que ce ne sera pas le squelette de l'organisation des soins. Pour autant, il fera partie d'un ensemble.

Monsieur Claeys, vous dites que le dossier médical personnel, c'est 3,5 milliards d'euros. Non. 3,5 milliards d'euros, c'est le dossier médical, c'est le parcours personnalisé, c'est le meilleur usage des médicaments, c'est tout ce qu'on appelle la « régulation médicalisée ».

Essayons de faire en sorte que ce dossier médical soit obligatoire. C'est de cette façon qu'on y arrivera.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Lorsque nous parlons de la santé des patients, M. Fagniez nous oppose les considérations économiques à ne pas négliger et lorsque nous avons le malheur de les aborder à travers cet amendement, le rapporteur nous renvoie aux problèmes de santé.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je le confirme haut et fort !

M. Alain Claeys. L'un comme l'autre de ces sujets doivent être utilement traités.

Monsieur le rapporteur, vos réponses, tant sur le financement que sur la mise en œuvre du dossier médical personnel, ne sont pas pour nous rassurer. Alain Vidalies a cité une phrase de votre rapport qui résume bien votre perplexité et votre hésitation. Vous n'avez apporté aucun argument, ni sur le coût ni sur les recettes escomptées.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous non plus !

M. Alain Claeys. M. le ministre a conclu son exposé avec un argument majeur qui affirmerait le bien-fondé de la mesure : le caractère obligatoire du dossier personnel. À quoi servira cette obligation si certains droits s'y opposent, si surviennent des difficultés de nature à remettre directement en cause le dispositif ?

Ce que nous essayons de montrer à travers nos amendements, c'est que, tel qu'il est rédigé, votre projet de loi aboutira à l'échec. Vous aurez beau brandir l'obligation, si elle n'est pas réalisable, cette bonne idée de dossier médical personnel fera long feu.

M. Jean-Luc Préel. Il faut qu'elle réussisse !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Alain Claeys vient de le dire, l'idée du dossier médical électronique nous paraît excellente et nous ne nous laisserons pas distraire par des propos polémiques sur notre appréhension financière du problème. Nous prendrons le temps nécessaire pour avancer sur ces questions et pour essayer de faire en sorte que le « dossier mal parti » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Richard Mallié. Il n'est pas « mal parti » !

M. Jean-Marie Le Guen. ...ne connaisse pas le même sort que le carnet de santé ou la carte Vitale. Nous sortons d'une série de créations d'espèces d'éléphants blancs qui, d'échecs en insuffisances, ont coûté une fortune à l'assurance maladie. Le volontarisme ne suffit pas. Il faut identifier les réelles possibilités de la société et conduire vraiment la réforme. Vous ne pourrez pas vous en tirer avec une pirouette, un gadget et considérer qu'après vous le déluge.

Mme Claude Greff. C'était votre habitude. Nous, nous gérons !

M. Jean-Marie Le Guen. Le déficit est là pour confirmer que vous gérez extrêmement bien, en effet !

M. Frédéric Soulier. C'est le vôtre !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne savez pas lire !

M. Yves Simon. Assumez !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons posé, à travers cet amendement, une question simple.

M. Jean-Luc Préel. Combien !

M. Jean-Marie Le Guen. Le coût général est, certes, un sujet. Mais notre question maintenant est : combien cela va-t-il coûter aux professionnels de santé ? Rien ou une certaine somme ?

Mme Claude Greff. Cessez de parler d'argent, parlez de santé !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes prêts à tout envisager. Nous pensons que pour rendre cette mesure acceptable, il faut lever plusieurs obstacles, le premier étant les droits du malade. Mais, à ce moment de la discussion, qui porte sur l'aspect financier, il serait utile de préciser que c'est la collectivité publique qui prendra en charge le dossier médical. M. le rapporteur a suggéré que ce soit l'assurance maladie. Cela me semble assez logique.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Tout de même !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais l'État pourrait tout aussi bien le prendre en charge, car c'est un élément de la qualité des soins. D'ailleurs, il aura sans doute sa part à prendre pour l'hôpital. De ce point de vue, les hôpitaux, publics comme privés, ne sont pas vraiment prêts à partager, en dehors des réseaux organisés autour d'une pathologie, un dossier médical entre services, entre hôpitaux et entre médecine de ville et hôpital.

Nous demandons donc une première réponse sur un aspect ponctuel mais important du schéma global de l'acceptabilité : quid de ce que vont supporter les professionnels de santé pour la montée en charge du dossier médical personnel ?

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Nous ne cherchons pas à allonger le débat, mais, monsieur le ministre, vous n'avez pas apporté de réponse aux questions que nous vous avons posées.

D'abord, le coût sera, de toute manière, assumé par la collectivité : soit par l'assurance maladie à travers les cotisations, soit par l'État à travers l'impôt.

Ensuite, vous avez dit, et je partage ce point de vue, qu'il y aura un problème de compatibilité du dossier médical partagé, non seulement entre les hôpitaux mais aussi entre tous les prestataires de soins ambulatoires. Cette question est essentielle s'agissant de la faisabilité du système. Il ne suffit pas de dire que cela se fera parce que la convention médicale prévoira une obligation de mise en place pour les médecins. Ce n'est pas la question que je vous pose. La convention médicale prévoira les modalités de prise en charge, mais le problème de compatibilité nécessitera des arbitrages. Quelle procédure avez-vous prévue pour organiser rapidement ces arbitrages ?

Cette compatibilité, on ne peut pas la régler maintenant. Il ne suffit pas de mettre tous les dossiers sur Internet de façon sécurisée. L'accès aux données et la formulation des informations devront respecter des protocoles. Tous les professionnels de santé qui seront amenés à donner des informations ne pourront pas le faire n'importe comment sous peine de les rendre inutilisables. Quelles procédures d'arbitrages allez-vous mettre en œuvre pour rendre opérationnel le dispositif, sur le principe duquel nous adhérons tous mais dont les modalités nécessitent d'être clarifiées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout d'abord, je souhaite qu'on arrête le petit jeu du « dossier mal parti ». On pourrait tout aussi bien dire « députés mal préparés » ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Évin. Et quoi d'autre avec le « D » de Douste ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. L'opérabilité du DMP est liée à la connexion des systèmes informatiques entre eux, ce qui rend sa consultation d'une simplicité absolue. L'interopérabilité est facilitée par Internet, en particulier pour les hôpitaux. Le DMP tire donc le système vers le haut.

Mme Martine Billard. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Aujourd'hui, les logiciels des urgences n'ont rien à voir entre eux. Lorsqu'ils seront accessibles sur Internet, l'interopérabilité jouera beaucoup plus facilement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. La réponse de M. le ministre sur la compatibilité m'apparaît très incomplète. Ce n'est pas Internet qui va résoudre tous les problèmes.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Si : l'interopérabilité !

Mme Catherine Génisson. C'est une norme d'échanges, encore faut-il savoir comment vont être présentés et élaborés ces échanges. La question de M. Evin était tout à fait fondamentale. Il est important d'établir des protocoles préalables.

M. Yves Simon. On ne va pas le faire ici !

Mme Catherine Génisson. Il est de la responsabilité de votre ministère d'engager les établissements hospitaliers à s'entendre sur un langage commun pour alimenter le dossier médical. Nous sommes là vraiment au cœur du problème et nos questions sont fondamentales.

Le dossier médical, partagé ou personnel, que vous faites passer pour votre création remarquable, nous poursuit depuis le début de nos carrières professionnelles.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pas la vôtre !

Mme Catherine Génisson. D'abord appelé dossier médical unique, il est devenu « partagé » par la suite. Il est important de comprendre quelles sont les difficultés de mise en place d'un tel dossier médical. Certaines sont justifiées, d'autres pas. Poser un diagnostic est indispensable pour rendre le dossier médical vraiment opérationnel dans les délais que vous avez avancés, qui sont, par ailleurs, complètement irréalistes.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pour vous !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Permettez-moi d'apporter un éclairage d'ingénieur. Il me semble qu'on mélange deux problèmes très différents. Le premier, c'est l'accès aux données du dossier médical partagé qu'Internet va banaliser. Le second, c'est que les hôpitaux ont aujourd'hui leurs propres logiciels. L'intégration d'éléments dans le dossier partagé pose effectivement le problème des protocoles.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci de cette mise au point, monsieur Dionis du Séjour !

Rappel au règlement

M. Claude Évin. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin, pour un rappel au règlement.

M. Claude Évin. Je remercie M. Dionis du Séjour qui a utilement complété la réponse du ministre, laquelle se limitait à dire que tout serait réglé par Internet. Il a indiqué qu'Internet était utile pour la transmission des informations mais que ce n'était pas l'unique aspect du problème. En tout cas, ce n'était pas celui que j'avais soulevé.

Je souhaite faire un rappel au règlement, car il est inacceptable d'entendre dans la bouche d'un ministre une réflexion telle que « députés mal préparés ». C'est une insulte à la représentation nationale. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas vous comporter ainsi.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. « Dossier mal parti » n'était guère mieux !

M. Claude Évin. Je n'ai pas moi-même utilisé cette expression, qui, du reste, intervenait comme un élément du débat. Votre formulation exprime un manque de respect de la part du Gouvernement à l'égard de la représentation nationale. De ce point de vue, elle est inacceptable.

M. Hervé Mariton. Elle ne visait pas un député en particulier !

M. Claude Évin. Si vous considérez vraiment que nous ne sommes pas suffisamment préparés pour assurer le débat que vous nous proposez, dans des conditions assez particulières, il faut le rappeler - le calendrier, tout d'abord ; le fait, ensuite, qu'il a débuté quelques jours seulement après que le conseil des ministres eut approuvé le projet de loi -, il fallait accepter le renvoi en commission. Or vous vous y êtes opposé !

M. Richard Mallié. Vous parlez pour ne rien dire !

M. Claude Évin. J'espère, monsieur le ministre, que vos propos à l'égard de la représentation nationale ne sont qu'un « dérapage ». Si tel n'est pas le cas, nous aurons l'occasion de vous rappeler à des règles de simple courtoisie.

Reprise de la discussion

M. le président. Je vais encore donner la parole à M. le rapporteur, puis nous passerons au vote.

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. Je viens de donner la parole à M. le rapporteur. Je vous donnerai la parole juste après, monsieur Le Guen.

Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Quand on n'a pas d'arguments clairs, précis, acceptables à opposer à une disposition dont, au fond de soi, on est convaincu de la nécessité, comme vous l'êtes, mesdames, messieurs de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), deux attitudes sont possibles : soit on utilise des arguments du type de ceux que vient d'utiliser M. Évin et que va utiliser M. Le Guen (Exclamations sur les mêmes bancs),...

M. Claude Évin. Qu'est-ce que j'ai utilisé comme arguments ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...soit on fait mine de se projeter dans l'avenir en présentant sous une forme négative ce que l'on sait être valable et on joue les oiseaux de mauvais augure.

Mme Martine Billard. Nous avons le droit de ne pas être d'accord !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La question est de savoir, madame Billard, si vous êtes pour ou contre le dossier médical personnel.

Mme Martine Billard. La question est aussi : comment ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela fait des années que l'on en parle. On a évolué sur la question. Nous allons enfin franchir le pas. Voilà ce qui est important !

Quant aux amendements en discussion, la commission les a considérés inutiles.

Je note, au passage, la préoccupation, voire la compassion, dont fait preuve pour une fois le parti socialiste vis-à-vis des professionnels de santé. Ils ont été habitués à d'autres traitements dans le passé. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne nous laisserons pas entraîner dans la polémique. Nous posons des questions et nous prendrons tout le temps qu'il faut, je peux vous l'assurer,...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Mais nous aussi !

M. Jean-Marie Le Guen. ...pour obtenir des réponses à celles-ci.

Le Gouvernement pourra nous insulter, le rapporteur nous interpeller - sans répondre à aucune de nos questions -, nous ne nous laisserons pas démonter. Le ministre et le rapporteur ont, d'ailleurs, certainement besoin d'un minimum de repos. Je vous demande donc, monsieur le président, une suspension de séance d'un quart d'heure, à la fois pour réunir mon groupe, et, surtout, pour donner au Gouvernement et au rapporteur le temps de se rafraîchir les idées.

M. le président. En tant que porteur d'une délégation de votre président de groupe, vous êtes habilité, monsieur Le Guen, à demander une suspension de séance et celle-ci est de droit. Mais, comme, depuis à peu près une heure et demie, tous les orateurs du groupe socialiste présents ont pu s'exprimer sur, au total, deux amendements, je pense que vous vous contenterez de moins... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements...

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande un scrutin public !

M. le président. Trop tard : le vote est commencé.

Je mets aux voix, disais-je, les amendements identiques nos 8037 à 8051.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8179.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je tiens à noter que la majorité et le Gouvernement n'ont pas souhaité apporter des garanties sur le coût financier de la mise en place de la DMP. Nous aurions été heureux d'obtenir des réponses et non de voir s'engager une polémique sur le sujet.

Nous avons soulevé un lièvre. Nous ferons connaître cet élément utile aux professions de santé. Ils y seront sensibles. Le Conseil de l'Ordre et un certain nombre d'organisations syndicales font signer des pétitions contre la mise en place brutale, autoritaire et centralisée de ce dossier, telle que vous l'envisagez, monsieur le ministre.

Notre débat évoluera, mais si vous ne jugez pas utile de répondre aux préoccupations qui s'expriment bien au-delà du groupe socialiste, vous allez vers un fiasco.

Nous continuerons fermement et sereinement à défendre nos propositions visant à répondre à des interrogations réelles. Celles-ci ne sont ni marginales, ni fantasmatiques.

Ce dossier doit être traité sérieusement. L'amendement n° 8179 vise à associer le Parlement à la marche de cette affaire très lourde au plan des dispositifs nécessaires.

Le Conseil constitutionnel comme le Conseil d'État seront très soucieux de faire en sorte que la loi apporte des garanties aux malades notamment.

Nous avons peu traité des conséquences médico-légales de cette affaire, en pleine judiciarisation des problèmes de santé. Vous lancez des initiatives technologiques, sans en maîtriser les conséquences. Je pense donc qu'il serait utile que les parlementaires soient associés au suivi de la future loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Encore un rapport ! On ne va pas reprendre le débat sur les rapports. Mais je reconnais que celui-ci est particulièrement intéressant, car il concerne les expérimentations. (Sourires.)

Autrefois, lorsque l'on voulait retarder un texte, on demandait systématiquement la création d'une commission. Maintenant, on demande des expérimentations. Or il y en a énormément dans ce domaine. Dans le Nord Pas-de-Calais, des expériences très intéressantes sont menées par les médecins généralistes, et la MGEN fait de même avec son site pilote de Toulouse.

M. Jean-Marie Le Guen. Ne dites pas n'importe quoi !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. On trouve des exemples très précis dans le rapport Fieschi, qui a largement déblayé le terrain dans ce domaine.

M. Jean-Marie Le Guen. Il dit le contraire du ministre !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il y a eu suffisamment d'expérimentations pour ne pas retarder encore la mise en place du dossier médical personnel, que nous souhaitons tous. Il n'est donc pas utile que soient lancées de nouvelles expérimentations dans le cadre d'un énième rapport parlementaire.

M. Pierre-Louis Fagniez. Il faut y aller !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis d'accord avec la commission. Dès cet été, des expérimentations sont prévues pour tester certains aspects techniques et pratiques du dispositif.

La montée en charge se fera progressivement ensuite. La généralisation du dispositif étant prévue pour le 1er janvier 2007.

Monsieur Le Guen, les gens isolés, ce n'est pas nous, mais plutôt vous. En effet, 90 % des médecins se disent prêts à passer au dossier médical personnel.

M. Jean-Marie Le Guen. On en reparlera !

M. le président. Désormais, je ne donnerai plus la parole qu'à un orateur pour répondre à la commission et à un orateur pour répondre au Gouvernement ; ensuite, on passera au vote.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour répondre à la commission.

M. Gérard Bapt. Je voulais réagir à vos propos, monsieur le rapporteur. Je sais que vous avez une sainte horreur des rapports.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est du masochisme quand on est rapporteur !

M. Gérard Bapt. Mais chacun peut percevoir les difficultés éthiques, techniques, financières qui pèsent sur l'équilibre général du projet de loi. Les incertitudes sont nombreuses.

Reprenons la note de la direction de la prévision. On peut lui reconnaître une valeur différente. Mais les chiffres sont là.

Le rendement attendu pour le dossier médical électronique est négatif. Il coûtera 300 millions en 2005 et 300 millions en 2007. Pour quel bénéfice ?

La transmission d'un rapport au Parlement traitant des problèmes généraux et du suivi financier du dossier médical personnel, qui est le pivot du projet de loi, me semble la moindre des choses.

Sinon, vous devrez donner un avis favorable à l'amendement n° 8180 qui prévoit la mise en place d'une commission de suivi parlementaire, sauf à accepter un office ou un organisme du même type, compétent pour accéder à l'ensemble des informations techniques et financières.

De grâce ! monsieur le rapporteur, ne rejetez pas un amendement parce qu'il propose un rapport. Il y a des rapports utiles !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour répondre au Gouvernement.

M. Alain Vidalies. Il n'y a pas de débat sur le principe de la création du dossier médical personnel. Votre initiative et votre mode opératoire ne présentent-ils pas de risques pour la mise en œuvre de cette idée très importante ?

Combien cela coûte-t-il et comment cela marche-t-il ? Sur le coût, vous conviendrez que la lumière n'a pas surgi de notre débat. Les estimations vont de 30 centimes d'euros par dossier à 30 euros par dossier. Le ministre nous a dit : 7 ; demain, ce sera peut-être 9. Mais ces chiffres ne sont fondés sur aucune étude d'impact. Les experts donnent des chiffres qui vont dans tous les sens. On est dans l'inconnu.

Sur la question de la faisabilité technique, le débat doit se poursuivre. Vous ne pouvez pas vous contenter de dire : il y a Internet, c'est merveilleux ! Si quatre millions de personnes bénéficient du haut débit, quelques dizaines de millions n'y ont pas encore accès. Un certain nombre de zones, dont une partie de celles que je représente - mais il en existe bien d'autres - s'interrogent. Comment pourront-elles avoir accès au haut débit, alors que les opérateurs ne veulent pas venir, et qu'il n'y a pas de possibilité pour équilibrer financièrement l'opération ?

M. Dionis du Séjour est intervenu sur la faisabilité technique. Il ne s'agit pas de l'accès à Internet, mais de l'interopérabilité et surtout de la définition du langage utilisé par tous les professionnels, pour nourrir le dossier médical. Si vous décidez un système national, identique pour chacun des patients, encore faut-il que le langage utilisé par chaque professionnel soit homogène. Sinon le système tournera au fiasco.

Je reprends les conclusions du rapport Fieschi établi à l'automne 2003 : « La sémantique partagée des informations : c'est l'une des questions centrales. La sémantique des données médicales est difficile à préciser et à partager. Elle est un préalable aux systèmes d'information interopérables gérant des données structurées. À court terme, l'état des systèmes d'information de santé dans le pays interdit d'approcher la question sous l'angle de systèmes d'informations structurées. »

Nous n'inventons pas. Il ne s'agit pas de procès d'intention. L'expert désigné par le Gouvernement ne dit pas que c'est infaisable, mais que c'est impossible maintenant car un travail préparatoire est nécessaire. Or il n'a pas été fait.

Je crains qu'avec le dossier médical personnel, on ne connaisse un fiasco analogue à celui enregistré en Allemagne, où un ministre a tenté de faire financer les autoroutes avec un système, certes faisable, consistant à repérer les camions par GPS.

M. Hervé Mariton. Le lien intellectuel est ténu !

M. Alain Vidalies. L'idée de sélectionner les camions était bonne également. Mais cela a été un immense fiasco technologique. Des milliards ont été dépensés. Mais faute de préparation et parce qu'on a voulu le généraliser, on assiste à une crise.

Vous voulez avancer, bien que les difficultés techniques ne soient pas réglées, et c'est ce que confirme votre propre expert. Je ne suis pas compétent pour savoir si c'est possible ou non, mais c'est pour cela que l'amendement n° 8179 prévoit un rapport permettant un suivi régulier à l'Assemblée nationale.

Le rapport de M. Dubernard reprend des éléments qui ne sont pas si éloignés de nos arguments : « À cet égard, l'informatique n'est qu'un outil et si les professionnels exerçant en ville et les hospitaliers restent aussi peu coordonnés qu'actuellement, le dossier médical personnel risque de ne pas avoir l'effet escompté. »

Le doute est très largement partagé. Nous proposons d'associer la représentation nationale, ce qui nous paraît la moindre des choses, compte tenu des incertitudes de notre débat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8179.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8180.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L'amendement que l'Assemblée vient de repousser tendait à assurer un contrôle parlementaire. M. Vidalies a bien montré que les questions techniques ne sont pas réglées, comme l'a rappelé notre collègue de l'UDF, Jean Dionis du Séjour, sur l'interopérabilité.

La mise en place du dossier médical personnel exige la plus grande attention de la représentation nationale. L'amendement n° 8180 prévoit en conséquence une commission de suivi, peut-être au sein de votre commission, monsieur Dubernard. Il s'agit pour nous d'un acte basique du contrôle parlementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Elle trouve que l'idée de fond est intéressante. Le Parlement devrait assurer un contrôle dans ce domaine.

La commission compétente de chaque assemblée pourrait prendre en charge ce contrôle. Le projet de loi pourrait prévoir de nouveaux organismes chargés de cette mission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. La formulation de cet amendement me paraît assez peu respectueuse des droits au Parlement. Il nous appartient assez largement, me semble-t-il, de définir nous-mêmes, dans le cadre de notre règlement et du mode de fonctionnement propre à nos commissions, les conditions de ce suivi, à tous égards essentiel.

Sur le fond, le suivi du dossier médical personnel est une affaire lourde de responsabilités. Que le Parlement s'y engage est une excellente chose ; mais la définition des conditions dans lequel il doit y travailler me paraît davantage relever de notre dynamique interne.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai bien entendu, monsieur le rapporteur : nous parlerons plus tard, dites-vous, du contrôle parlementaire. Si tel est bien le cas, s'il nous est possible d'avancer sérieusement sur cette affaire, je ne suis pas opposé à l'idée de retirer l'amendement n° 8180.

Du reste, le Parlement y travaille déjà. La preuve en est que, d'ici à quelques jours - après, malheureusement, la fin de ce débat -, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques doit remettre un rapport précisément consacré au dossier médical personnel.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En effet.

M. Jean-Marie Le Guen. Plusieurs informations ont été publiées à ce sujet par Le Quotidien du Médecin. Il y est rappelé que ce rapport rendra publiques les conclusions d'une étude dont notre commission des affaires sociales avait passé commande l'an dernier. « Moins de 5 % des hôpitaux disposent d'un dossier informatisé et encore moins d'un dossier médical unique commun à tous les services - 95 % des dossiers sont manuscrits », indique le rapport. Conséquence : le DMP ne sera pas généralisé d'un claquement de doigts et il nécessitera de très lourds investissements. L'Office se rallie aux estimations de la mutualité et convient que l'opération « pourrait coûter jusqu'à dix milliards d'euros »...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Pourquoi pas 30 ou 35, tant qu'on y est !

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre souhaite, est-il écrit dans Le Quotidien du Médecin, que le dossier médical personnel fonctionne au plus tard le 1er juillet 2007. Mais le temps et les finances ne sont pas les seuls obstacles à sa généralisation : la technique, la déontologie, la réglementation voire la loi sont également en travers de la route.

D'un point de vue technique, poursuit l'article, députés et sénateurs suggèrent que, à court terme et pour la majorité de la population, le dossier médical se confonde avec la carte Vitale. Mais entre les textes permettant au malade d'accéder à son dossier et le code de déontologie médicale, il faut trancher, car se pose, est-il écrit dans le rapport de l'Office, « le problème de la tenue de deux dossiers médicaux : l'un qui serait la propriété du malade, où se trouveraient essentiellement les données brutes, et un autre contenant les analyses du médecin, auquel le malade n'aurait pas obligatoirement accès ».

Un autre point retient l'attention de l'Office, celui de l'usage que certains détenteurs pourraient faire de leur dossier - nous y reviendrons. Mais je tenais à souligner d'ores et déjà ces aspects, ne serait-ce que pour relativiser la certitude militante de quelques-uns de nos collègues : certes, la conviction militante, cela compte, mais, dans le domaine de la technologie, un peu plus d'analyse scientifique n'est pas inutile.

M. Jean-Luc Préel. Les deux ne sont pas incompatibles !

M. Jean-Marie Le Guen. Effectivement ; encore faut-il faire l'effort de bien vouloir écouter.

M. Jean-Luc Préel. M. Mariton en est un excellent exemple ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a quelques semaines, le professeur Fieschi a remis au Gouvernement un rapport qui appelait à procéder par étapes, par expérimentations, et qui insistait sur le fait que l'on ne pouvait procéder de façon autoritaire et obligatoire ; or vous faites un choix diamétralement opposé. Dans quelques jours - malheureusement -, l'Office nous remettra un rapport décrivant, outre la situation réelle dans les hôpitaux, le coût potentiel du dossier médical personnel et tous les problèmes techniques, juridiques et d'appréhension plus globale qu'il pose. Autant d'éléments dont nous pourrions nous servir ni nous tenions vraiment à mesurer l'ampleur de la tâche qui nous attend.

M. Jean-Luc Préel. Ce n'est pas bon non plus d'être obsédé !

M. Jean-Marie Le Guen. Pour en revenir à l'amendement n° 8180, je suis prêt à le retirer dans la mesure où le rapporteur s'est engagé sur un contrôle parlementaire dont il nous présentera plus loin les modalités.

M. le président. L'amendement n° 8180 est retiré.

Article 2
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l'article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre de la santé, si vous avez en quelque sorte sorti le dossier médical personnel de votre chapeau, c'est pour répondre à un double défi : d'une part, crédibiliser la mise en œuvre la plus indolore possible d'un plan d'économies discuté par ailleurs et, d'autre part, trouver un moyen de répondre à ceux qui, après le rapport du Haut conseil, estimaient que la priorité était au décloisonnement de notre système de soins pour en améliorer la qualité, mais également l'efficacité.

L'idée de mettre en place, grâce à la numérisation des données et à la généralisation de l'Internet, une mémoire de notre identité sanitaire et de notre parcours de soins n'est pas neuve ; bon nombre de rapports ont déjà été commis sur le sujet. Reste, et nous devons le dire à nos concitoyens, pour peu qu'ils veuillent nous écouter, que cette affaire est beaucoup plus complexe dans sa réalisation qu'une certaine naïveté technologique ou vision scientiste ne le laisse supposer.

Le pire, à nos yeux en tout cas, serait de retomber dans les errements que nous avons déjà connus et qui ont parfois conduit à de véritables fiascos : il n'est qu'à se souvenir du carnet de santé, des ennuis de la carte Vitale ou même du réseau « santé sociale ».

En l'état actuel des choses, cet article 2, monsieur le ministre, tout comme le reste de votre projet, pose à cet égard beaucoup plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Il est par exemple illusoire d'affirmer, ce qui pourtant est quelque part sous-entendu dans nos débats, que nous pourrons atteindre un jour l'exhaustivité dans l'information médicale. Tous ceux qui savent - et vous le premier, monsieur le ministre - ce qu'est le dialogue entre le malade et son médecin ne peuvent qu'en convenir : on peut essayer de tendre à l'exhaustivité des antécédents par un interrogatoire médical, mais jamais on n'y parviendra réellement. Du fait même de l'incertitude profonde qui caractérise la nature humaine, personne ne pourra jamais prétendre tout savoir d'un individu sur le plan tant biologique que psychologique et même historique. Nous-mêmes ne nous connaissons pas au point d'imaginer y parvenir. Or votre projet porte à cet égard bon nombre de mythes qui appellent à être relativisés si nous voulons être en mesure de passer à une véritable expérimentation pratique.

Une première question se pose : les patients auront-ils la possibilité d'exiger la suppression de certaines informations ? Nous avons déjà commencé à l'aborder, mais vous devrez, monsieur le ministre, nous apporter davantage de précisions à l'occasion de cet article.

Sur le plan technique, pourquoi avez-vous retenu la solution d'un hébergeur central unique ? Il semble qu'un tel système, sur le plan technologique, ne soit pas de nature à apporter le maximum de précautions en termes de confidentialité et de sécurité face aux pannes ou aux attaques. Chacun sait que des solutions alternatives existent, notamment celles qui font appel aux cartes et aux réseaux décentralisés. Et comment garantirez-vous la neutralité de cet hébergeur vis-à-vis du marché de la santé ou d'autres marchés annexes, sachant l'importance des données qu'il sera amené à recueillir ? Quid de l'interopérabilité - nous en parlions à l'instant - des établissements hospitaliers ? Comment fera-t-on respecter le secret médical alors que vous écrivez dans cet article, sans plus de précisions, que tous les professionnels auront accès au dossier de tout un chacun ? Quelles seront enfin les conséquences médico-légales, pour les praticiens comme pour les malades, de l'utilisation du dossier médical partagé ?

Autant d'interrogations qui restent ouvertes, pour n'avoir pas, et de loin, été précisées ni même approchées dans le texte tel qu'il est aujourd'hui rédigé.

Je parlais à l'instant des préconisations du rapport Fieschi, qui vont dans un sens radicalement contraire aux solutions centralisées, brutales, autoritaires que vous nous proposez aujourd'hui. Tout porte à craindre un échec de ce projet, qui serait l'échec d'une idée utile à notre système de santé.

Bien évidemment, nous avons parfaitement conscience que tout cela n'est qu'un substitut à une réorganisation de notre système de soins à laquelle vous cherchez à échapper. Ayons le courage de dire clairement aux futurs usagers du dossier médical personnel que celui-ci pourra certes avoir des effets collatéraux positifs, mais que l'on ne saurait lui demander de remplir des missions à ce point différentes qu'elles en deviendraient contradictoires. On ne peut faire du dossier médical personnel tout à la fois un outil de la santé de l'individu et un élément de contrôle de l'assuré ou du prescripteur. Il y a là une contradiction fondamentale. En présentant le DMP sous son aspect essentiellement financier, vous en avez fait un instrument de contrôle des assurés et des médecins ; afficher cette ambition, qui ne pourrait être au mieux qu'une conséquence secondaire, revient en fait à tuer purement et simplement ce dossier.

Voilà, monsieur le ministre, quelques-unes de nos interrogations. En réalité, le DMP n'est pour vous qu'un gadget, un artifice dont le seul objet est de suggérer que vous parviendrez à réaliser, comme par miracle, 3,5 milliards d'économies en 2007, et que vous apportez une réponse à l'exigence de réorganisation du système de soins, alors que vous ne le faites pas, par manque de courage politique. Nous ne manquerons pas d'intervenir à nouveau afin d'empêcher que ce qui aurait pu être une bonne idée ne tourne au fiasco pour avoir été traité comme un artifice.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voilà - enfin ! dirai-je - à l'article 2, autrement dit à un des piliers de ce texte, et que l'on peut résumer ainsi : « dépenser mieux pour soigner mieux. »

Pourquoi ne pas utiliser les nouvelles technologies, pourquoi ne pas nous servir de tous les nouveaux outils désormais à notre disposition ? Certes, il y a le droit des malades. Mais si ce droit individuel est légitime - on ne peut pas leur faire ou leur donner n'importe quoi -, la collectivité elle aussi a des droits et des devoirs. Pourquoi ne pourrait-elle pas leur dire : « Intégrez-vous dans un système et la collectivité vous couvrira. Si vous ne le voulez pas, elle ne vous couvrira pas » ? La liberté du malade n'en existera pas moins.

M. Claude Évin. Ce n'est pas vrai !

M. Richard Mallié. Le malade pourra toujours aller consulter qui il veut, ne pas avoir de dossier médical personnel,...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler et Mme Martine Billard. S'il a de l'argent !

M. Richard Mallié. ...mais il ne sera pas remboursé. Et moi, cela ne me choque pas.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est de plus en plus clair !

M. Claude Évin. C'est très intéressant !

M. Richard Mallié. Bien sûr que c'est très intéressant !

M. Claude Évin. Voyez comme M. Mariton est ennuyé de ce que vous racontez !

M. Richard Mallié. Il y a aussi le droit des praticiens - je dis bien des praticiens, monsieur Évin. Tous les prescripteurs ne sont pas médecins.

M. Claude Évin. C'est exact. Et très intéressant !

M. Richard Mallié. Il y a également les chirurgiens-dentistes, par exemple. Pourquoi les praticiens prescripteurs n'auraient-ils pas accès au dossier médical personnel ? Ils doivent impérativement pouvoir y accéder.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes dentiste ?

M. Richard Mallié. Tout à fait.

M. Jean-Marie Le Guen. Notez que ce n'est pas cela que je vous reproche !

M. Richard Mallié. J'espère bien !

M. le président. M. Mallié a seul la parole !

M. Richard Mallié. À quoi pourrait ressembler ce dossier médical personnel ? On pourrait concevoir un dossier « patient » contenant les informations que celui-ci fournirait, par exemple le fait qu'il soit donneur d'organes, et un deuxième dossier, proprement médical, alimenté par les seuls praticiens, avec des entrées « en tiroirs » : tout le monde ne peut avoir accès à tout. Mais tout cela peut fort bien être codifié.

Il faut aussi pouvoir être en mesure de savoir qui a consulté le dossier médical, afin d'éviter un éventuel détournement de son contenu. On pourrait également songer à un rapprochement avec le dossier qu'établissent déjà les pharmaciens. Cela permettrait peut-être de réduire les coûts.

Certes, on peut se demander s'il faut faire figurer en toutes lettres dans le dossier médical personnel du patient l'affection psychiatrique dont il souffre, par exemple la paranoïa. Cela semble délicat et on comprend que le patient n'y tienne pas. Mais si l'affection en question constitue une menace pour le praticien, c'est un renseignement utile.

Le dossier médical personnel peut aussi être utile pour les urgences. Permettez-moi à cet égard de vous faire part de mon expérience. Il y a quelques années, j'ai pu renseigner le médecin du SAMU sur un accidenté de la route qu'il fallait désincarcérer, car il s'est trouvé que c'était l'un de mes patients. Si le dossier médical personnel avait existé, cela aurait été très utile au médecin du SAMU.

En de telles circonstances, il est donc d'une importance vitale d'accéder au DMP.

Aujourd'hui, nos collègues de l'opposition nous font un procès d'intention sur le sujet. Ils nous reprochent le coût du DMP et ils sont persuadés qu'il ne verra pas le jour dans les délais prévus. Nous avons trois ans pour mettre au point cet outil qui, s'il ne nous fait pas gagner d'argent, contribuera au moins à faire des économies. Je suis donc, pour ma part, favorable au dossier médical personnel, pris en charge par l'UNCAM.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Nous voici repartis sur le fantasme de tout savoir sur une personne et de tout contrôler. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Vous n'avez que ces mots à la bouche !

Mme Martine Billard. Parce que c'est le débat, monsieur Mallié ! Dépenser mieux pour soigner mieux, nous dites-vous. Cela veut dire la liberté pour les riches ! (« Caricature ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On voit bien que ceux qui n'auraient pas envie que leur dossier médical soit consulté pourraient l'éviter à condition de payer de leur poche. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quant à ceux qui n'auraient pas les moyens de payer, ils seraient obligés d'accepter que l'on accède à leur dossier.

M. Richard Mallié. Angélisme et caricature !

Mme Martine Billard. Pour nous, il ne s'agit pas de dépenser mieux pour soigner mieux, mais d'abord de soigner mieux. Si cela a des conséquences sur la réduction des dépenses, tant mieux ! Mais ce n'est pas l'objectif premier.

Il faut ramener le dossier médical personnel à sa juste place. C'est certes un outil qui peut être utile en termes d'amélioration de la santé de l'ensemble de nos concitoyens. Il peut en effet éviter des examens redondants ou des accidents liés à des prescriptions contradictoires, mais il ne peut en aucun cas être un outil de contrôle absolu des dépenses de santé. Ce serait du délire que de le penser !

Il convient même de se méfier de l'usage que pourraient en faire certains opérateurs. N'oublions pas que l'outil informatique, de par sa conception même, permet un contrôle total.Il permet un contrôle social de la part d'opérateurs dont on n'a pas envie qu'ils soient en mesure de connaître des aspects de la vie privée. Je pense aux compagnies d'assurances ou aux banques qui, si vous sollicitez un prêt, demandent déjà à être informées sur votre état de santé, sur d'éventuelles maladies dont vous souffririez. Le risque est, à terme, que les compagnies d'assurance, les banques, tout comme les employeurs puissent avoir accès à cette base de données médicales personnelles.

M. François Guillaume. Non !

Mme Martine Billard. Cela ne sert à rien d'écarter cette éventualité : il faut au contraire se poser la question et prendre les précautions qui s'imposent. C'est fondamental.

Cela dit, le Gouvernement doit répondre clairement à un certain nombre de questions.

Le dossier médical sera-t-il obligatoire ou non ? Le rapporteur dit que non et qu'il y aura des systèmes incitatifs.

Le patient aura-t-il la maîtrise de ce qui y sera inscrit ? Pourra-t-il en refuser l'accès ? Si tel est le cas, il faut le préciser par amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument !

Mme Martine Billard. J'ajoute que ce n'est pas parce que l'on place un tuyau entre deux réservoirs, l'un d'huile et l'autre d'eau, que l'on fait communiquer les deux. Pour les données médicales, c'est la même chose. Pour qu'il y ait transmission entre deux systèmes, il faut qu'il y ait compatibilité des stockages et des échanges. Cela signifie qu'il est fort peu probable aujourd'hui qu'on puisse échanger des fichiers qui sont incompatibles.

En revanche, à partir du moment où vous partez d'une base de données unique, vous n'avez plus de problème. Mais comment allez-vous saisir les données dans ce dossier médical personnel ? Vous ne pourrez partir des données existantes parce qu'elles sont incompatibles.

Voilà pourquoi je ne crois pas à la mise en place du dossier médical personnel au 1er janvier 2007. Car saisir des données concernant des millions d'assurés est une tâche immense, d'autant plus difficile que les différentes bases de données de santé sont actuellement très hétérogènes. Il faut en effet accéder aux fichiers des caisses d'assurance maladie, des hôpitaux, des centres de santé ou des médecins libéraux. Si l'on doit, à partir de ces systèmes de stockage incompatibles, créer une base de données unique, cela prendra du temps. Je parle en connaissance de cause car j'ai travaillé pendant dix ans sur les échanges et les conversions de données.

M. Jean Dionis du Séjour. C'était sur des bases de données. Là, c'est autre chose !

Mme Martine Billard. Je voudrais soulever le problème de la conception technique du dossier médical. Comment se fera la saisie ? Quel sera le cahier des charges ? J'entends bien que l'on ne va pas le définir dans la loi, mais il ne faut pas que l'administration ait seule la charge de cette conception technique. Je suggère de mettre en place une structure à cet effet, associant des médecins, notamment des généralistes - les médecins traitants seront dans la majorité des cas des généralistes -, des usagers, des associations des droits de l'homme - c'est fondamental - et des parlementaires. Sinon, on en restera à la conception des informaticiens, dont je sais, pour en être, qu'il faut se méfier. Certes, il y a de nombreux exemples de réussite dans le domaine de l'informatisation de systèmes comportant énormément de données. Je pense par exemple à celle de la SNCF, de la CNAM ou de la BNF. Mais quand il s'agit d'échelles importantes, à vouloir aller trop vite, on risque de multiplier les coûts ; il faut donc prendre le temps de la réflexion.

Quand vous faites une erreur dans la saisie de livres, c'est embêtant, mais ce n'est pas dramatique. Mais si vous faites des erreurs dans la saisie de données de santé, cela peut avoir des conséquences dramatiques !

M. Jean-Marie Le Guen. D'ailleurs, qui serait responsable dans ce cas ?

Mme Martine Billard. Bonne question.

Dernier point : il faut bien voir que, comme il n'y aura qu'un seul logiciel, l'entreprise qui l'aura détiendra un pouvoir fantastique. De même, il n'y aura qu'un seul hébergeur. Donc, il faut absolument que l'hébergeur soit public. Car aujourd'hui, avec le rachat des entreprises, on ne sait jamais. Or ce serait très dangereux pour l'avenir d'une telle base de données, qui concerne l'ensemble de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Personne ne conteste l'idée qu'un dossier mis en commun puisse éviter les actes redondants et améliorer les protocoles.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier. L'information fait partie intégrante de la relation de soins, comme le rappelle l'ANAES. Nous estimons que cette préoccupation est fondée. Et nous disposons aujourd'hui des moyens techniques pour mettre en place un outil qui constitue un vrai progrès.

Cette information doit permettre à la personne concernée de prendre, avec le professionnel de santé, les décisions concernant sa santé, d'éclairer son consentement et de faciliter son adhésion au traitement. Elle contribue ainsi à l'amélioration de la qualité des soins. La possibilité pour une personne d'accéder directement aux informations formalisées ne fait que compléter son droit à l'information.

Les professionnels de santé, les établissements de santé, les structures sanitaires et médico-sociales détenant les informations doivent bien sûr veiller à ce que les modalités d'accès au dossier assurent la préservation indispensable de la confidentialité vis-à-vis de tiers - famille, entourage, employeur, banquier, assureur ou autres.

De son côté, la personne doit exercer son droit d'accès au dossier avec la pleine conscience du caractère strictement personnel des informations de santé qu'elle va détenir.

Il est regrettable que, dans l'esprit de ses promoteurs, malgré quelques précautions de langage, le dossier personnel n'ait pas seulement pour but de répondre aux besoins des citoyens. Il vise aussi la réduction des dépenses de santé.

M. Gérard Bapt. C'est même la première préoccupation !

M. Jean-Claude Sandrier. Notre rapporteur ne s'en est d'ailleurs jamais caché en affirmant dans son rapport que le dossier peut être présenté « comme un facteur de maîtrise des dépenses d'assurance maladie, en donnant aux organismes gestionnaires de l'assurance maladie les moyens de contrôler le parcours du patient, voire l'activité des professionnels de santé ». Voilà qui est clair !

En effet, avec la réduction des dépenses de santé remboursées, le transfert sur les assurances, donc sur les assurés et le marché européen concurrentiel, le dossier de la sécurité sociale risque d'être l'objet de toutes les attentions si des garanties suffisantes ne sont pas apportées !

Nous ne vivons pas dans une société idéale, chacun peut le vérifier. La précarité, le chômage, la mise en concurrence des populations conduisent à des auto-sélections. Personne ne demandera le dossier de santé ; ce sont les personnes elles-mêmes qui, fragilisées socialement, le présenteront spontanément !

Les assureurs complémentaires, pressés par les objectifs de rentabilité, décidés par les actionnaires, mettront en œuvre des critères très sophistiqués pour éviter les mauvais risques.

Les mutuelles à but non lucratif, risquent de perdre leur éthique dans cette jungle, en raison d'une directive européenne qui les oblige, pour survivre, aux mêmes critères de rentabilité que les assurances.

Avec le développement des sciences et des techniques, du marketing, le résultat peut nous amener à l'arbitraire total.

La CNIL parle d' « explosion » depuis que la consultation des fichiers à des fins administratives est autorisée par la loi, notamment pour l'accès à certains emplois dans la sécurité et le gardiennage.

Souvent, les requérants se sont vu opposer un refus d'embauche et veulent voir s'ils ne font pas l'objet d'un signalement dans certains fichiers de police.

Les abus et les dangers sont trop nombreux pour que le législateur fasse l'économie des précautions à prendre. Nous vous en proposerons quelques-unes concernant les conditions d'utilisations des données informatisées et concernant leur but, qui n'ont évidemment rien à voir avec la maîtrise comptable. Elles seront d'autant plus nécessaires qu'un collègue vient de nous expliquer qu'un patient pourrait toujours refuser l'accès à son dossier, mais qu'il serait privé de remboursement. Au fond, notre collègue nous a expliqué comment, si on a les moyens, on pourra refuser, mais si l'on est pauvre, on sera contraint d'accepter.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je souhaite apporter un début de contribution de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques. J'ai rédigé avec le sénateur Jean-Claude Étienne un rapport sur les télécommunications à haut débit au service du système de santé. L'association d'un médecin et d'un ingénieur a constitué en l'occurrence un tandem intéressant.

Nous avons travaillé sur trois sujets : le dossier médical, la certification de l'information médicale sur le Web - comment on aide l'internaute à repérer ce qui est de qualité en termes d'informations médicales - et la télémédecine.

Concernant le dossier médical, nous sommes arrivés à la conviction qu'il s'agissait là d'une vraie réforme de structure, qui pouvait contribuer, pour peu que l'on se donne le temps et les moyens, notamment financiers, au décloisonnement du système de santé. On ne peut en effet raisonnablement contester que le cloisonnement du système entre médecine de ville, hôpital, privé, public, soit à l'origine de son blocage.

Faut-il le faire maintenant ou à l'issue d'une transformation ?

Pour ma part, je voudrais fournir quelques éléments à propos des systèmes d'information et de télécommunications.

Notre pays a maintenant, je crois, la maturité informatique nécessaire - cette question a été soulevée par notre collègue Alain Vidalies - pour se lancer. Voici quelques chiffres pour vous en convaincre.

Aujourd'hui, quelque 40 % de nos concitoyens utilisent, plus ou moins occasionnellement, Internet. Il devrait y en avoir 70 % en 2007. L'évolution est moins rapide que pour le téléphone mobile mais il s'agit bien tout de même d'une véritable lame de fond : l'accès à Internet, incontestablement, se banalise. Si bien que l'idée d'avoir un dossier médical personnel, pour la majorité des gens, devient pertinente.

Deuxième question : où en est le haut débit ? Je confirme le chiffre de M. le ministre : environ 4 millions de personnes ont accès au haut débit, que ce soit par le câble ou par l'ADSL. C'est peu par rapport à l'ensemble de la population mais la tendance est très rapide puisque nous devrions atteindre, et même dépasser, en 2007, les 10 millions. Plusieurs éléments accélèrent, en effet, la couverture haut débit de notre pays. D'abord, l'opérateur national a compris que se jouait là une partie de son avenir. Thierry Breton, PDG de France Télécom, a dit qu'il voulait que la population française soit « ADSLisable » à 90 % à la fin de 2005 !

En termes techniques, on peut donc désormais parler de diffusion nationale.

Par ailleurs, lorsque nous nous sommes rendus aux États-Unis, nous avons vu, notamment au Texas, le dossier médical partagé mis en œuvre. On nous a fait observer, en insistant sur ce point, qu'il ne nécessitait pas de très hauts débits. Il n'est pas question de vidéo ou de télévision, mais d'échanges de données : 400 kilobits y suffisent, nul besoin de plusieurs mégaoctets !

Enfin, il faut savoir que nous nous situons en plein « basculement technologique ». À côté du haut débit progressent les techniques de compression des données.

Tous ces éléments nous ont fait dire que notre pays, je le répète, a la maturité informatique nécessaire. Par conséquent, monsieur le ministre, puisque vous voulez « y aller maintenant », nous vous suivons ! Et nous sommes d'accord pour rendre le dispositif obligatoire dès à présent.

Le choix d'Internet en tant que support des données du dossier médical nous paraît un bon choix stratégique, même si une période de transition peut apparaître nécessaire pour la carte Vitale.

J'ai écouté attentivement les contributions de Martine Billard et d'Alain Vidalies. Il faut être très rigoureux : porter sur Internet tout ce qui est informations libres, non structurées, par exemple le rapport d'une consultation médicale, ne pose aucun problème. Du fait même qu'elles soient portées sur Internet, elles sont banalisées. Si j'ai bien compris les interventions de mes deux collègues, ce sont les informations structurées qui posent problème : le poids, la tension artérielle, les données biochimiques seront codifiés dans le dossier pour pouvoir être récupérés dans d'autres systèmes d'information, propriétés d'hôpitaux. Cela représente un véritable enjeu mais je ne suis pas sûr que l'essentiel du dossier médical partagé se présente sous la forme d'informations structurées. Aussi, je ne pense pas que l'on puisse opposer cet argument à la pertinence du concept.

Nous déposerons, au nom de l'office, un amendement proposant comme identifiant, comme signature du dossier médical partagé, le numéro INSEE. C'est un débat de fond car il faut assurer la rapidité de l'appropriation du dossier par l'ensemble des acteurs, médecins et patients, mais c'est aussi un débat de fond du point de vue économique et eu égard à la nécessaire confidentialité. Nous devrons l'avoir et je tiens à l'engager dès maintenant.

Après un examen très sérieux, nous sommes donc favorables à l'utilisation du numéro INSEE comme identifiant, car les avantages qu'il présente en termes d'appropriation et d'économies nous paraissent grandement contrebalancer les craintes que l'on peut avoir quant à la confidentialité.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Nos échanges de ce matin montrent bien que le dossier médical personnel peut être à la fois un instrument de politique de santé et un instrument de gestion des coûts. Il n'y a d'ailleurs aucune incompatibilité entre les deux.

Le délai de mise en œuvre du dossier médical personnel doit nous permettre de répondre à un certain nombre de questions techniques, qu'il ne faut pas sous-estimer, et à des exigences éthiques, sur lesquelles le Gouvernement devra rendre compte au Parlement et ce dernier exercer une vigilance constante dans les mois qui viennent.

M. Gérard Bapt. Vous y venez aussi !

M. Hervé Mariton. Nous aurons l'occasion, dans les heures qui viennent, de discuter d'amendements proposés en particulier par des députés de l'UMP, visant à apporter des garanties législatives supplémentaires. Ainsi, nous proposerons d'interdire l'accès aux données en cas de signature d'un contrat d'assurance ou de visite médicale d'embauche.

Nous apporterons donc des réponses concrètes à des questions que se posent nos concitoyens sur des circonstances où, ni du point de vue éthique, ni du point de vue médical, il n'est souhaitable que le dossier médical personnel puisse être accessible.

Sans doute faudra-t-il fournir d'autres garanties législatives. Notre débat devrait le permettre.

Mais s'il faut que nous portions une grande attention aux conditions d'accès au dossier, nous ne devons pas négliger, tant sur le plan législatif que réglementaire, les garanties nécessaires aux conditions de son alimentation.

Au cours de la matinée, a été posée la question de la relation entre l'article 2 et l'article 12 : il y a nécessairement une relation.

M. Claude Évin. Comment cela ?

M. Hervé Mariton. C'est du moins ainsi que nous l'entendons. J'ai déposé des amendements qui m'ont permis de poser plusieurs questions sur le sujet.

Qu'est-ce qui peut se produire en cas de perte ou de vol ? Les réponses ne seront pas nécessairement d'ordre législatif mais elles devront venir. Selon moi, des codes seront nécessaires, qui seront la propriété du patient, car les supports des données peuvent être perdus, éventuellement volés. Plus nous prévoirons de garanties dans le système, mieux nous assurerons la protection du patient.

C'est vrai, la question est difficile mais cela ne doit pas nous empêcher de franchir ce pas structurel indispensable qu'est le dossier médical personnel en matière de politique de santé et de gestion des moyens. Nous ne devons pas pour autant sous-évaluer, ni nous législateurs, ni le Gouvernement, les précautions à prendre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Remarque très saine !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Le dossier médical partagé est une des mesures phares du projet de loi. Il s'agit d'une excellente initiative si elle a bien pour finalité l'amélioration de la qualité des soins. L'avoir présenté - du moins c'est ainsi que certains l'ont compris - comme une source d'économies a été une erreur car cela a brouillé le message.

Le dossier médical personnel unique permettra d'améliorer la qualité - c'est de loin son intérêt majeur - grâce à un suivi du malade, de ses diverses pathologies, des examens et des traitements. Il évitera les examens redondants et les associations médicamenteuses dangereuses. Tout le monde est d'accord sur ce point, je crois.

Sa mise en œuvre sera longue, difficile et coûteuse. Il faudra convaincre les professionnels, ce qui n'est pas gagné d'avance ! Nous connaissons tous, en effet, des établissements de santé, où tel cardiologue, par exemple, n'accepte pas d'avoir le même dossier que tel gynécologue. La carte Sésame Vitale existe depuis dix ans, mais moins de 50 % des spécialistes l'utilisent.

Chaque professionnel devra « pianoter » pour mettre, à chaque consultation, ce dossier à jour. Il y passera du temps. Les médecins demanderont certainement une aide à l'acquisition du matériel, à la formation, ainsi qu'une rémunération du temps passé, ce qui est légitime, mais on ne peut l'évaluer aujourd'hui.

Les principaux problèmes qui se posent sont la sécurisation, évoquée à plusieurs reprises, le mode d'accès des professionnels et des patients, le choix de l'hébergeur et le contenu du dossier.

La sécurisation est, effectivement, une préoccupation majeure. Les données doivent être couvertes par le secret médical qui lie le malade à son médecin, et personne d'autre ne doit avoir accès aux données médicales. C'est un principe auquel nous tenons tous. D'autres professionnels, bien entendu, peuvent avoir accès à une partie du dossier. C'est pourquoi l'accès au dossier doit être hiérarchisé.

L'accès du patient lui-même nécessite une sécurité, avec un code confidentiel ou une donnée biométrique, idée intéressante mais difficile à mettre en œuvre aujourd'hui.

Le dossier médical est reconnu comme étant la propriété du malade, lequel doit être, bien entendu, informé de ce qu'il contient.

Le dossier doit-il être exhaustif ? C'est une question importante. Le malade peut-il s'opposer, par exemple, à ce que certaines données y figurent ? Cela pose deux questions différentes qui ont été abordées longuement lors de la discussion de la loi du 4 mars 2002. Ainsi, lorsque les métastases se développent d'une consultation à l'autre, la vérité toute crue doit-elle être inscrite dans le dossier et communiquée au patient telle quelle ?

M. Jean-Marie Le Guen. Très bonne question !

M. Jean-Luc Préel. Le malade peut-il s'opposer à ce que certaines pathologies soient mentionnées ? La tendance actuelle serait de répondre oui, surtout depuis la loi Kouchner. Dès lors, quelle confiance peut-on accorder, d'un point de vue médical, au dossier ? Lorsqu'un malade arrive aux urgences, peut-on en tenir compte ?

Ces nombreuses questions, et bien d'autres, méritent d'être étudiées et de recevoir des réponses à l'occasion de la discussion de l'article 2. Ce qui est clair pour tous, c'est que ce dossier médical personnel est important pour l'amélioration de la qualité des soins, que sa mise en œuvre requerra du temps, qu'il ne sera certainement pas généralisé en 2007 et qu'avant de produire quelques économies, il coûtera certainement plusieurs milliards d'euros.

Nous aurons à reparler de l'hébergeur. Dans le texte, il est écrit : « un hébergeur », ce qui laisse penser que l'hébergeur sera unique. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est la mauvaise, bien sûr !

M. Jean-Luc Préel. Si cette disposition devait être maintenue, nous serions favorables à ce que l'Institut des données de santé soit cet hébergeur, d'autant que nous proposons de régionaliser cet institut national pour disposer de réponses au plus près du patient.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Tout le monde reconnaît que le dossier médical personnel est un outil utile. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais pour l'instituer, nous n'avions nullement besoin d'insérer un article dans le code de la sécurité sociale, puisque toutes les dispositions existent d'ores et déjà dans le code de la santé. Il faut, d'abord, une volonté politique ; ensuite, il importe de résoudre un certain nombre de problèmes techniques - on les a évoqués ; il faut aussi discuter avec les professionnels des différentes procédures de saisine des informations médicales et établir des procédures en la matière qui permettent la compatibilité entre les différents acteurs de soins.

Je le disais : les dispositions existent déjà dans le code de la santé, y compris les précautions à prendre. Ainsi à propos de l'hébergement des données de santé, l'article L. 1111-8 dudit code précise qu'il « ne peut avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée ». Il appartiendra donc à la personne de donner son accord pour entrer les informations dans le dossier. De même, on peut lire un peu plus loin : « Seules peuvent accéder aux données ayant fait l'objet d'un hébergement les personnes que celles-ci concernent et les professionnels de santé ou établissements de santé qui les prennent en charge et qui sont désignés par les personnes concernées selon des modalités fixées dans le contrat prévu au deuxième alinéa, dans le respect des dispositions des articles L. 1110-4 et L. 1111-7. » Nous proposons d'ailleurs de réintroduire ces deux derniers articles, pour ce qui concerne les modalités.

Nous n'avions donc pas besoin, je le répète, monsieur le ministre, du code de la sécurité sociale pour mettre en place le dossier médical, sauf - et ce pourrait être la seule justification - pour subordonner - c'est l'objet du second alinéa du texte que vous proposez pour l'article L. 161-46 dudit code - le remboursement des soins à l'acceptation par le patient qu'un professionnel de santé accède à son dossier et le complète.

C'est le nœud du problème : l'assujettissement du principe constitutionnel relatif à la protection de la santé tel qu'il est affirmé dans le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, et confirmé par le Conseil constitutionnel. En effet, l'article 2 de votre projet précise que le patient ne pourra pas bénéficier de l'intégralité de ses droits à remboursement s'il n'autorise pas son médecin à accéder à ses données de santé, l'obligeant ainsi à renoncer à une liberté fondamentale : la protection des données personnelles. Or, monsieur le ministre, votre objectif est de moduler le remboursement selon que le patient a donné ou refusé son autorisation. Voilà ce qui nous conduit à poser la question de l'inconstitutionnalité de ce projet et notamment de son article 2. Vous introduisez ces dispositions dans le code de la sécurité sociale afin de conditionner le niveau de prise en charge des prestations à l'autorisation du patient d'accéder à ses données personnelles et nous ne pouvons l'accepter.

Nous reviendrons sur cette question mais, in fine, c'est le Conseil constitutionnel qui tranchera. N'est-ce pas, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui...

M. Claude Évin. Monsieur le ministre, vous pouvez échanger des propos avec votre collègue Xavier Bertrand ou avec votre collaborateur. Mais, depuis le début de mon intervention, vous ne m'écoutez pas. Or la question est d'importance. Vous pouvez estimer que j'ai tort ou raison, mais votre texte pose un problème d'ordre constitutionnel.

Vous prétendez que cette disposition favorise la coordination, la qualité et la continuité des soins. Certes, nous adhérons à ces objectifs. Le Haut conseil de l'assurance maladie l'a indiqué, le cloisonnement de notre système de santé constitue son défaut majeur. Mais qui peut imaginer que la transmission d'informations suffise à assurer la coordination ? Nous ne pourrons y parvenir qu'en organisant différemment notre système de soins, notamment sous la forme de réseaux de santé. Et de ce point de vue, votre texte est particulièrement faible. Nous reviendrons sur ce point par le biais d'amendements.

Enfin, se pose le problème de la responsabilité - déjà évoqué par Mme Billard - lorsque les données inscrites dans le dossier médical seront incohérentes, voire fausses, ce qui peut arriver, car l'erreur est humaine. Certaines questions pourront être appelées devant des instances d'indemnisation ou des instances judiciaires. Il serait donc nécessaire, monsieur le ministre, que vous éclairiez sur ce point la représentation nationale, ainsi que les professionnels et les établissements de santé qui devront assumer la responsabilité des informations portées sur le dossier médical personnel.

Tels sont les points que je souhaitais souligner, notamment celui concernant la constitutionnalité du dispositif prévu au second alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-46, qui mérite particulièrement de retenir votre attention.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je voudrais insister sur le glissement sémantique qui s'est opéré s'agissant du concept de « dossier médical personnel ». Vous êtes en effet passé, monsieur le ministre, du « dossier médical partagé » au « dossier médical personnel », ce qui n'est pas anodin.

Si vous avez abandonné le premier intitulé, c'est parce qu'il soulevait certaines questions, intéressantes, certes, mais embarrassantes. Vous avez donc cherché un autre vocable. Prévert aurait pu vous proposer le mot « pâlichon » : « dossier médical pâlichon ». Mais Prévert n'est plus là ! Vous avez finalement opté pour le « dossier médical personnel ».

Le dossier médical partagé correspondait sans doute davantage à ce que vous voulez défendre : la nécessité de faire partager toutes les informations concernant un patient, le dossier étant obligatoire et devenant ainsi un outil de régulation financière.

La question est fondamentale et notre débat devrait avoir valeur pédagogique. Il importe que le plus grand nombre d'informations possible figure dans le dossier. En effet, il n'y a pas de pathologie honteuse et chacune mérite d'y figurer. Pour autant, nous avons tous une approche socioculturelle différenciée qui dépend de la façon dont la société est organisée. Car lorsqu'une personne présente, par exemple, dans son passé médical, des antécédents psychiatriques, la société ne la traite pas comme les autres, alors que, selon les psychiatres, cette pathologie pourrait être compatible avec une activité professionnelle. Il peut donc être difficile de faire comprendre à nos concitoyens qu'un maximum d'informations médicales, quelles qu'elles soient, favorise la qualité de prise en charge du patient.

En outre, un tel dispositif permettrait une vision moins étroite de l'organisation et de l'exercice des spécialités, qui sont aujourd'hui concentrées sur le soin d'un organe. N'oublions pas que l'organe appartient à un corps humain, donc à une personne, et qu'il importe de connaître l'ensemble de ses pathologies pour mieux les traiter, toujours dans une exigence de qualité.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est vrai !

Mme Catherine Génisson. Le point fondamental de la mise en place du dossier médical personnel est l'exigence d'une prise en charge de meilleure qualité. Le facteur qualité est essentiel et permettra de mieux soigner, et sans doute à moindre coût, car nous éviterons des complications à nos malades, notamment iatrogènes, ainsi que les examens redondants.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous sommes sur la même longueur d'onde.

Mme Catherine Génisson. Pour autant, le dossier médical partagé doit respecter les principes posés par la loi Kouchner. Nous nous félicitons que notre amendement ait été accepté à ce titre. Cela étant, nous savons, pour côtoyer les malades, que ce dossier ne pourra être exhaustif.

Vous parlez de la qualité des soins à l'article 2, dans le texte proposé pour l'article L. 161-45, mais ce sujet est moins décliné par la suite. Or l'exigence de qualité est la première condition.

Deuxième condition : le dossier médical partagé doit être la conséquence d'une meilleure organisation des soins et non son préalable. On ne peut pas mettre face à face la réorganisation de notre système de santé et le patient avec son dossier médical, car le rapport de force n'est pas en sa faveur. C'est en faisant preuve d'une volonté politique forte que nous réorganiserons notre système de santé afin, comme l'a souligné M. Évin, d'assurer la coordination et la continuité des soins garantissant la qualité de la prise en charge. Cela me paraît beaucoup plus important que de brandir l'arme de la régulation financière, qui n'a pas place à cet article où vous ne prenez pas les précautions nécessaires pour définir correctement le dossier médical personnel.

M. le président. Veuillez conclure, madame Génisson !

Mme Catherine Génisson. Quel sera le support du DMP, sachant que l'informatique, si perfectionnée soit-elle, a ses limites ? Quel sera le rôle du médecin dans son élaboration ? Quid de la responsabilité médico-légale du médecin ? Nombreuses sont les questions qui se posent et nous en débattrons plus largement lors de l'examen des amendements.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La mise en place généralisée du dossier médical personnel marque une inflexion de la politique menée jusqu'à présent. Vos prédécesseurs, monsieur le ministre, n'avaient pas ignoré la question de l'informatisation médicale, mais ils l'avaient traitée différemment.

À la suite du rapport Fieschi, vous avez mis en place, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, il y a quelques mois, le financement d'une expérimentation pour l'informatisation dans le cadre de la régionalisation, notamment à partir des réseaux ville-hôpital et des réseaux organisés autour de grandes pathologies. C'est également le schéma qui a été retenu dans le plan « cancer ». L'objectif du rapport Fieschi était d'accélérer le processus et un chemin, cohérent, était tracé.

Or, sans aucune explication, vous remettez en cause cette stratégie au profit d'une autre : la généralisation du dossier médical personnel.

Le rapporteur lui-même semble s'interroger sur ce point, puisqu'à la page 104 de son rapport il met surtout en exergue l'intérêt du dossier médical personnel pour le traitement des maladies chroniques et pour le travail en commun entre l'hôpital et la médecine de ville, c'est-à-dire exactement ce qui existait jusqu'à présent et que vous avez vous-même mis en œuvre, mais que vous semblez vouloir remettre en cause aujourd'hui.

Vous dites que l'objectif est la rationalisation des dépenses de santé. Mais votre démarche est ambiguë dans la mesure où elle fait du dossier médical du malade un instrument de contrôle social au service des organismes d'assurance maladie.

Nous y reviendrons plus longuement en examinant la décision de la CNIL.

Cette ambiguïté n'a d'ailleurs pas davantage échappé au rapporteur, ce qui montre que tout cela n'est pas seulement le produit de notre imagination. Celui-ci écrit : « Le dossier médical personnel a pour finalité première d'améliorer la qualité des soins donnés à l'assuré et d'éviter des actes redondants, source de gaspillages. Cependant, il a aussi été présenté comme un facteur de maîtrise des dépenses d'assurance maladie, en donnant aux organismes gestionnaires de l'assurance maladie les moyens de contrôler le parcours du patient, voire l'activité des professionnels de santé. » Ce n'est pas un député socialiste ou communiste qui l'écrit : c'est M. Dubernard, à la page 103 de son rapport !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je vous invite à lire la suite, page 104, mon cher collègue !

M. Alain Vidalies. Nous sommes au cœur du problème. Il est impossible d'ignorer une telle appréciation, d'autant plus que vous êtes suffisamment sérieux, monsieur Dubernard, pour avoir pris soin de vous relire. Il s'agit donc bien d'un signal donné au Gouvernement au sujet de craintes que nous partageons et de griefs que nous formulons nous-mêmes.

Enfin, quelles que soient nos divergences sur les autres questions, nous ne pouvons engager ce débat sans garder à l'esprit qu'un grave problème se pose, en l'état actuel de la rédaction, au sujet de la constitutionnalité du texte et de son respect des libertés publiques : premièrement - et la CNIL l'a bien relevé -, ce texte se heurte au droit à la protection de la vie privée, et deuxièmement, il pose la question du statut de l'hébergeur.

Notre amendement tendant à mettre en place un hébergeur public a évidemment été écarté du débat en application de l'article 40 de la Constitution. Or il s'agit d'une question majeure. Je ne crois pas que l'on puisse prendre le risque de se passer d'un contrôle de l'État sur l'hébergement des données de santé, qui sont au cœur de la vie privée.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Plusieurs de mes collègues ont excellemment explicité les problèmes soulevés par cet article. Le rapporteur lui-même pourrait se montrer tout aussi excellent...

M. Jean Dionis du Séjour. Mais il l'est !

M. Gérard Bapt. ...s'il s'en tenait, dans son analyse et dans ses réponses, à ce qu'il écrit, notamment aux pages 104, 105 et suivantes de son rapport. D'ailleurs, nous ne faisons ici que mettre en exergue les réflexions pertinentes que contient celui-ci, en particulier à propos du dossier médical personnel.

Les critiques générales ont déjà été présentées par mes collègues du groupe socialiste et par Mme Billard : nous refusons que le dossier médical personnel soit le préalable à la réorganisation du système de soins ; nous refusons qu'il soit avant tout, ainsi qu'il est prévu aujourd'hui, une arme de régulation financière, un instrument de sanction des assurés. À cet égard, je rejoins ce que vient de dire M. Vidalies en ce qui concerne l'inconstitutionnalité de l'article 2.

La prise en charge des actes serait donc conditionnée à l'autorisation donnée par le patient au professionnel de santé d'accéder à son dossier. Or le choix d'inscrire cette disposition dans le code de la sécurité sociale plutôt que dans celui de la santé publique trahit la logique financière qui sous-tend votre démarche. La qualité des soins et leur sécurité ne sont-ils pas des impératifs de santé publique avant d'être des éléments de calcul de la prise en charge par la sécurité sociale ? Pourtant, votre rapport les relègue en deuxième position, monsieur Dubernard.

En acceptant l'amendement du groupe socialiste tendant à rappeler les dispositions de la loi Kouchner sur le droit des malades et à garantir la propriété du patient sur son dossier, vous amélioreriez notablement, sur le plan du respect de la vie privée, le texte de l'article 2. Mais celui-ci reste silencieux sur les conditions de l'utilisation de ce nouvel instrument de responsabilisation et ne précise ni le rôle, ni la responsabilité des médecins. L'aspect sanitaire et thérapeutique passe au second plan dans l'article, qui comporte très peu de références à l'amélioration de la qualité des soins et au suivi sanitaire.

Les dispositions du code de la sécurité sociale concernant la carte Vitale précisent que celle-ci constitue un instrument de la politique de santé. Rien de tel pour le dossier médical personnel, pourtant présenté comme extraordinairement plus riche et prometteur.

Mais le problème est surtout celui du respect de la loi « informatique et libertés ». Les associations de malades et les médecins s'inquiètent, tout comme le groupe socialiste, du manque de garanties claires sur la confidentialité du dossier médical.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le groupe socialiste se préoccupe beaucoup des médecins, ces temps-ci. Ce n'est pas dans ses habitudes !

M. Gérard Bapt. L'utilisation du dossier fait porter toute la responsabilité sur les patients. Mais quelle est celle du médecin, notamment sur le plan médico-légal ?

Par ailleurs, le dossier sera ouvert aux praticiens-conseils de l'assurance maladie après accord du patient. Mais comment cet accord sera-t-il mis en œuvre ? Ne conviendrait-il pas de l'encadrer, compte tenu du niveau culturel du patient, qui pourrait être tenté, faute d'une information suffisante, d' « ouvrir les vannes » de son dossier médical,...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Quel mépris pour nos concitoyens !

M. Gérard Bapt. ...y compris devant un médecin du travail ou des assurances ?

Le problème de l'accès au dossier doit donc être envisagé pour toutes les catégories de patients, quels que soient leurs niveaux culturel et d'information.

Se pose également le problème constitutionnel évoqué par M. Vidalies, en particulier sur le plan de l'égalité de traitement entre tous les citoyens. Au fond, un patient pourrait se trouver dans la situation de refuser l'accès à son dossier personnel afin de faire respecter une liberté constitutionnelle mais, dans ce cas, il serait moins remboursé. Cela signifie que le respect de son droit dépendra de ses capacités financières.

M. Richard Mallié. C'est faux ! Cela n'a rien à voir !

M. Gérard Bapt. Selon qu'il sera riche ou pauvre, il pourra, ou non, accepter la diminution du taux de remboursement. Le respect d'un droit constitutionnel sera ainsi conditionné à la richesse du patient !

M. Richard Mallié. C'est un faux problème !

M. Jean-Marie Le Guen. Au contraire, il s'agit d'une véritable aliénation de la liberté du patient !

M. Gérard Bapt. Enfin - et j'en terminerai par là, monsieur le président, car nous aurons l'occasion d'y revenir -, au sujet de la participation des médecins, le rapport Fieschi est très clair : « Les changements qu'induit ce projet sur la culture de l'information médicale dans notre pays demandent d'emprunter une méthode associant les acteurs du système de santé. Ils demandent également un accompagnement, une conduite de projet et un plan de communication adaptés. » Les syndicats de médecins et les responsables médicaux que nous avons rencontrés l'ont tous dit : une méfiance éprouvée par le corps médical à l'égard de la mise en place du dossier médical personnel conduirait à l'échec, non seulement sur le plan technique, mais aussi sur le plan culturel.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Juste un mot, monsieur le président,...

M. Jean-Marie Le Guen. Un peu plus, tout de même !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...en réponse à tout ce qui vient d'être dit.

M. Mariton comme M. Dionis du Séjour ont encouragé le dossier médical personnel car il constitue un véritable changement de structures. Il s'agit en effet d'un chantier complexe, qui nécessitera l'investissement de tous : les professionnels de santé, les patients, les caisses d'assurance maladie, le législateur et le Gouvernement.

Mme Génisson nous reproche d'être passés d'un dossier partagé à un dossier personnel. Mais il s'agit en fait d'un dossier médical à la fois personnel et partagé entre le malade et les médecins que celui-ci choisira.

Comme M. Dionis du Séjour l'a souligné à juste titre, cet outil favorisera le décloisonnement.

C'est également M. Dionis du Séjour qui a signalé la progression importante d'Internet et du haut débit - et je le remercie pour sa contribution technique au débat, qui est essentielle. S'il est vrai, monsieur Vidalies, que tous les Français ne sont pas encore équipés, la progression que l'on peut observer depuis deux ans nous permet de penser qu'à terme, le DMP sera rendu possible. Le dossier est techniquement mûr, comme l'a observé M. Dionis du Séjour. Soyons donc progressistes ! Ne restons pas agrippés au passé, monsieur Vidalies !

Par ailleurs, je ne suis pas opposé à l'idée d'utiliser le numéro INSEE ou, du moins, un numéro qui en serait dérivé. C'est un débat que je souhaite avoir avec vous.

Monsieur Le Guen, le dossier appartient au patient. Conformément à la loi sur le droit des malades, celui-ci pourra faire rectifier les informations y figurant ou soumettre certaines d'entre elles à un degré particulier de confidentialité, voire, dans des conditions restant à définir, demander la suppression de certaines données.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce « ou » ouvre-t-il un double droit pour le patient ?

M. Pierre-Louis Fagniez. Bien sûr, ce n'est pas une alternative !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est un double droit, en effet. Pour résumer : dossier obligatoire, oui ; casier médical, non !

Par ailleurs, monsieur Le Guen, il n'y aura pas un hébergeur unique. Chaque dossier relèvera d'un hébergeur, et il y aura plusieurs hébergeurs agréés.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui, madame Billard, le dossier médical personnel est obligatoire. Or une obligation n'a de sens que si son non-respect est assorti d'une sanction. En l'occurrence, le refus de présenter le dossier sera sanctionné par un moindre remboursement de l'assuré.

Monsieur Sandrier, je suis moi aussi très attentif à la confidentialité et au respect des règles éthiques. La commission a présenté un amendement destiné à renforcer les garanties à l'égard des organismes de couverture complémentaire comme de la médecine du travail. Le Gouvernement, par un sous-amendement, vous proposera d'aller encore plus loin dans la protection des données contenues dans le dossier médical personnel.

M. Préel a insisté à juste titre sur la nécessaire sécurité qui doit entourer ces données. Nous y sommes très attentifs. Comme son nom l'indique, ce dossier appartient au patient, et à personne d'autre.

Je répondrai à M. Évin que la modulation du remboursement au patient en fonction de la présentation du DMP est en effet la contrepartie du principe d'obligation. Je le répète, si nous voulons véritablement un dossier obligatoire, il faut en tirer les conséquences.

Mme Catherine Génisson. Vous voulez dire : si nous voulons une régulation des dépenses !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce ne sont pas les dépenses qui sont en cause, madame Génisson, mais la qualité des soins. Vous devez le savoir, vous qui êtes médecin : vous avez déjà rempli un dossier !

Les tentatives précédentes l'ont montré : le caractère obligatoire de cette mesure est la condition de sa réussite. Cela ne remet absolument pas en cause le droit à la santé. Chaque Français, chaque Française peut le comprendre : la contrepartie d'un remboursement maximal, c'est l'inscription dans une démarche de soins cohérente, donc l'utilisation du dossier médical personnel.

M. Évin s'est interrogé sur la constitutionnalité de la limitation du remboursement. Mais celle-ci n'est pas une limitation de la liberté ! Ainsi que le Conseil constitutionnel l'a déjà reconnu, la garantie d'une liberté n'interdit pas que l'on en limite les usages les plus coûteux pour la société.

M. Vidalies a parlé à tort de contradictions avec les expérimentations qui ont déjà été menées en relation avec le rapport Fieschi. Le dossier médical personnel est un outil de qualité des soins et non pas un outil de contrôle. L'assurance maladie dispose déjà par ailleurs de bases de données pour exercer ses contrôles.

J'espère que les explications que je viens d'apporter nous permettront d'aller un peu plus vite dans l'examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Après l'intervention de M. le ministre, qui a été excellente, je tiens néanmoins à resituer le problème, d'autant que mon rapport a été mis en cause à plusieurs reprises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt. Non, glorifié !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Concernant la préoccupation de qualité, j'ai été heureux d'entendre M. Préel, M. Évin, Mme Génisson, M. Mallié et M. Mariton montrer les aspects positifs de cette question. Cela étant, monsieur Préel, il faut distinguer entre les données personnelles, qui concernent la santé de la personne, et la santé « populationnelle ». Sur ce point, nous pouvons être en désaccord avec l'Institut des données de santé.

Les conditions de mise en œuvre du dossier médical personnel existent aujourd'hui. Les médecins, dans leur majorité, le demandent et les patients l'attendent. M. Dionis du Séjour nous a montré que les nouvelles technologies de la communication permettent sa mise en œuvre. Enfin, comme l'ont rappelé plusieurs de mes collègues de gauche, la loi Kouchner de mars 2002 met à disposition un cadre juridique.

Ces points me paraissent les plus importants.

Pour le reste, il existe bien sûr, depuis de nombreuses années, un dossier médical, mais il faut le moderniser. Ce n'est pas une idée neuve. Je vous renvoie au rapport que vous avez tous lu avec un grand intérêt puisque vous l'avez cité à plusieurs reprises. Depuis dix ans, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont pris des dispositions dans ce sens, dont je vous épargnerai la liste. Certes, la mise en œuvre de ce dossier est difficile, mais je salue la volonté politique du Gouvernement d'aller de l'avant et de faire ce dont on se contentait jusque-là de parler.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Sandrier, vous avez posé la question de la protection des personnes et vous avez mis en cause mon rapport. En effet, la dernière phrase de la page 103 peut prêter à confusion, mais il suffit de lire le premier paragraphe de la page 104 pour que toute ambiguïté soit levée. Il faut lire l'ensemble du texte. Vous auriez dû citer les deux phrases, la dernière comme la première.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. La dernière n'est pas mieux !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Par ailleurs, un amendement de M. Évin rappelle le droit des malades, un amendement de M. Préel prévoit l'avis du Conseil de l'Ordre et j'ai moi-même déposé un amendement visant notamment à interdire l'accès du dossier aux assurances complémentaires. Ce sont des précautions qui ont du sens.

Quant à la mise en place du dispositif, je suis favorable à un dossier très simple, généralisé d'emblée, qui évolue par étapes. D'autres ont émis des idées différentes.

J'ai cependant quelques questions à poser à M. le secrétaire d'État. Quelle garantie le Gouvernement peut-il apporter à l'utilisation du dossier en médecine du travail ? Nous n'avons eu jusqu'à présent que des réponses partielles. Y aura-t-il différents statuts d'accessibilité aux dossiers selon le professionnel de santé ?

M. Jean-Luc Préel. Sûrement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Quelles seront les conditions d'agrément des hébergeurs ? Il est inutile de polémiquer : nous sommes d'accord pour poser les questions et nous aurons des réponses.

M. Claude Évin. Jusqu'à maintenant nous n'en avons pas !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'articulation avec l'article 12, qui faisait hurler nos collègues socialistes, a du sens. M. Mariton a mis le doigt sur un problème qui demande des éclaircissements.

Enfin, quel sera le calendrier pour la généralisation du dossier ?

Comme l'a souligné M. Évin, c'est une question de volonté politique. Je remercie les ministres d'avoir mis en œuvre cette volonté politique pour que ce dossier devienne une réalité.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. La manière dont cet important débat a été engagé m'inquiète et me désole même un peu. Chacun ici souhaite que cette aventure du dossier médical personnel soit un succès.

M. Claude Évin. Et non une aventure, donc !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Chacun est persuadé que la mise en œuvre de ce dossier médical personnel et partagé est essentielle, utile, presque indispensable à une médecine de qualité, et à une amélioration de la situation sanitaire de notre pays.

C'est avant tout un outil au service des malades. C'est la priorité absolue de ce dossier : toute autre considération relèverait de la polémique.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est ensuite un instrument au service d'une politique de santé publique plus active dont nous avons été nombreux, durant la première semaine de ce débat mais aussi au cours de la discussion du projet de loi sur la santé publique, à déplorer l'absence. Cet instrument peut être extrêmement utile. Sachons l'optimiser au service d'une politique de santé publique.

C'est naturellement un moyen de coordonner les soins, un outil au service d'une optimisation des protocoles médicaux qui aura in fine des répercussions en termes économiques. Je ne vois pas en quoi ce serait faire injure que de dire cela.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je comprends que certains de nos collègues de l'opposition soient prompts à se saisir de tous les éléments à leur disposition...

M. Jean-Marie Le Guen. On est tout à fait d'accord !

M. Pierre-Louis Fagniez. Nous les avons convaincus !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. ...mais il n'est pas question de lier la mise en œuvre de ce dossier médical personnalisé et la réalisation des 3,5 milliards d'économies attendues de la maîtrise médicalisée !

M. Jean-Marie Le Guen. Pouvez-vous répéter ? J'ai mal entendu ! (Sourires.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vous avez très bien entendu !

C'est l'ensemble du travail d'optimisation qui permettra d'aboutir à ce résultat, comme le soulignent les rapports de la Caisse nationale d'assurance maladie sur l'accompagnement des ALD, sur le suivi particulier des prescripteurs qui se situent en dehors de la moyenne de prescription.

M. Jean-Marie Le Guen. Excellent ! Si l'on veut faire des lois, c'est parfait !

M. Claude Évin. Ah, si M. Bur était ministre !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je souhaiterais que nous trouvions un accord. J'ai le sentiment que l'opposition aborde cette question uniquement avec une vision négative.

M. Jean-Marie Le Guen. On ne peut pas baigner dans la béatitude comme le rapporteur ! C'est beau la volonté politique !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. On accumule, face à cet outil, les mêmes réticences qu'il y a dix ou quinze ans quand a été lancée l'idée de la carte Vitale.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. La somme de toutes ces réticences a eu pour résultat qu'aujourd'hui la carte Vitale ne renferme dans sa puce que les informations portées en clair sur la carte : l'identité et le numéro de sécurité sociale !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Tout à fait !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Faire tout ce chemin pour en arriver là me semble particulièrement ridicule. Je ne voudrais pas que ce dossier médical personnel subisse le même sort et qu'à force de complexité il devienne inutilisable.

M. Jean-Marie Le Guen. On en prend pourtant le chemin !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je partage l'avis du rapporteur quand il suggère que nous commencions par un dossier simple. Pour le début, nous n'avons pas besoin d'une Rolls Royce.

M. Jean-Marie Le Guen. Rassurez-vous, à part le prix, il n'y a rien d'autre !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il faut en faire quelque chose d'utile.

Faire peur en évoquant des dépenses énormes ne va pas dans le sens de la promotion de ce dossier médical partagé.

M. Claude Évin. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je souhaiterais que nous abordions cet après-midi l'examen des amendements, avec la volonté commune de réussir ce dossier et en ne donnant pas le sentiment d'être là pour rendre la démarche plus complexe.

M. Gérard Bapt. C'est bien notre état d'esprit !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous sommes tous convaincus que, sans la confiance du corps médical dans son ensemble, nous n'arriverons pas à traduire dans la réalité ce dossier médical partagé.

Actuellement, de 90 à 95 % des cabinets médicaux sont informatisés. Pour autant, seuls de 60 à 70 % des médecins acceptent d'utiliser la carte Vitale pour la télétransmission de la FSE. Il est temps que l'ensemble des praticiens conventionnés s'y attelle.

Il est difficile pour les médecins de partager de l'information, de travailler ensemble, de décloisonner. C'est toute une culture qui est en train de changer. La médecine moderne exigera de plus en plus ce décloisonnement et nous devons nous battre pour que cela réussisse. Sans la confiance des médecins, nous n'y arriverons pas.

Je souhaiterais que cet après-midi, après ce long débat, nous puissions aborder avec plus de réactivité l'ensemble des amendements, sinon l'inquiétude qui est la mienne ce matin serait confirmée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre vient de nous donner des informations nouvelles. Nous aurions aimé qu'il nous les apporte en commission. Si ce travail avait été effectué en amont, peut-être aurions-nous rencontré moins de problèmes. Nous sommes passés trop rapidement sur cette question en commission parce que nous n'avions pas le temps de travailler sur l'ensemble du texte. Cela étant, plusieurs de ces informations demandent à être confirmées.

En ce qui concerne l'application de la loi sur les droits des malades, on semble aller vers un consensus. La question, que nous avons posée, n'est pas sans incidence avec ce que vous voulez faire par ailleurs du dossier médical personnel. Quel objectif vous fixez-vous si l'on accepte cette contrainte forte, et à mon avis nécessaire, de rendre ce dossier obligatoire ?

Dès lors que cette obligation est posée, vous êtes obligés de faire, sans aucune limite, une place à la loi sur les droits des malades. Se pose alors la question de l'efficience du dossier médical partagé, tant que ne sera pas parallèlement menée une véritable politique pour persuader les Français et les professionnels de santé de l'intérêt de ce dossier. Par ailleurs, cela ne répond pas à l'objectif de coordination.

Si nous reconnaissons le droit à tout malade d'interdire l'inscription de telle ou telle mention dans le DMP - contrepartie nécessaire du caractère obligatoire - on obtient un dispositif qui n'est pas exactement celui que nous espérions quand nous parlions de l'efficacité du DMP.

Je maintiens - et c'est pour cela que le rapport Fieschi ne l'avait pas prévu - que le caractère obligatoire rend absolument nécessaire l'application sans limite de la loi sur les droits des malades, ce que nous vérifierons à travers les amendements. Mais cela pose la question de l'efficacité du DMP.

Autre nouvelle que nous a annoncée le ministre : il y aura plusieurs hébergeurs, et nous aurons donc à débattre de ce statut. Qu'entend-on par « plusieurs » ? Nous verrons, amendement par amendement, quelles sont les propositions du Gouvernement et si la démarche avancée par M. Bur, et à laquelle nous souscrivons, est validée. Nous verrons aussi concrètement comment cela s'inscrit dans la loi et comment il est répondu à de nombreuses questions qui restent encore ouvertes. Je ne parle même pas des questions polémiques, qui n'en sont d'ailleurs pas, mais des conséquences financières. C'est une donnée qui n'a pas directement à voir avec l'article 2, mais qui renvoie à la fragilité de l'ensemble de la loi.

Enfin, le lien établi par M. Mariton entre l'article 2 et l'article 12 soulève de nombreuses questions. Nous pensons qu'on ne peut se contenter d'une bonne volonté : « Allons-y les gars, on est tous copains ! »

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La politique, c'est une volonté, ce n'est pas une technique, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. On ne peut pas se limiter à cela. Nous sommes là pour écrire la loi et non pour applaudir des deux mains. Nous ne sommes pas dans un meeting de l'UMP, l'Union médicale personnalisée,... (Sourires.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ça y est, il l'a placé !

M. Jean-Marie Le Guen. ...ou de l'Union mal préparée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vous devenez désagréable !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le président, mesdames, messieurs, cette question est essentielle pour les PS, les professionnels de santé (Sourires), mais aussi pour les patients.

Le débat de ce matin a montré combien elle est importante. La discussion des amendements avant l'article 2 puis de l'article 2 a montré le foisonnement des positions des uns et des autres. Il est normal que nous consacrions du temps à cette innovation majeure, qui est aussi l'un des piliers de ce système de santé que nous entendons à la fois préserver et moderniser. Et puisque nous sommes tous d'accord pour dire que l'enjeu est la qualité des soins, il est tout à fait normal que nous nous interrogions.

M. Douste-Blazy a déjà répondu à un certain nombre d'interrogations ; je reviendrai donc uniquement sur celles de votre rapporteur.

Tout d'abord, sur la médecine du travail, la commission a proposé un amendement visant à restreindre l'accès au DMP lors de l'embauche. Le Gouvernement souhaite aller plus loin en interdisant tout accès au DMP dans le cadre de la médecine du travail, et pas seulement dans le cadre de l'embauche.

Mme Martine Billard et M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Sur les conditions d'agrément des hébergeurs, nous privilégierons non seulement les critères de sécurité, mais aussi d'indépendance, vis-à-vis de toute entreprise qui pourrait intervenir dans le domaine de la santé. Il nous semble important de l'écrire dans la loi.

L'article 12 prévoit l'accès des personnels de santé, avec l'accord du patient, à l'historique de la consommation des soins. La Caisse nationale d'assurance maladie a travaillé sur cette mesure - différente du dossier médical personnel - qui sera opérationnelle le 1er janvier 2005. Il n'y a pas de confusion entre ces différents dispositifs.

Vous m'avez également interrogé sur le calendrier. Nous aurons l'occasion de le préciser, mais j'indique que le dossier médical personnel sera accessible dès le début de l'année 2005 dans des sites pilotes, par exemple dans des bassins de vie de 300 000 à 400 000 habitants. Ainsi, dans un peu moins de six mois, un peu plus de 2 millions de Français seront concernés par ce dossier. Il aura vocation à être généralisé en 2006 et en 2007, pour être pleinement opérationnel en 2007 sur l'ensemble du territoire français. Ce pari est vraiment à portée de la main. Nous pensons que nous pouvons aller un peu plus vite à la condition que le Gouvernement, avec le Parlement, ait à cœur de répondre précisément aux questions de bon sens que se posent les professionnels de santé comme les patients. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot