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Deuxième séance du lundi 5 juillet 2004

9e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le président. M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu, le 5 juillet 2004, de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, une communication faite en application de l'article L.O. 179 du code électoral, l'informant que, le 4 juillet 2004, M. Laurent Wauquiez a été élu député de la première circonscription de la Haute-Loire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, la presse rapportait ce matin des informations sur le prix du tabac dont nous aimerions savoir si elles sont exactes, car elles peuvent avoir une influence sur la discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie, que nous allons poursuivre dans un instant. Les industriels du tabac, suivant la procédure normale, ont déposé leurs listes de prix à Bercy : ils envisageraient d'en baisser certains, dans le dessein de relancer la concurrence et les ventes.

Cette décision est extrêmement préoccupante du point de vue de la santé publique. Ces derniers mois, le Gouvernement a mis en œuvre une augmentation des prix du tabac, de façon à en limiter l'usage par les Français, notamment par les jeunes. Cette politique, que l'opposition a fermement soutenue et dont il félicite le Gouvernement, pourrait être contrecarrée par une telle baisse des prix.

Le Gouvernement a les moyens légaux et l'obligation morale et financière de réagir en relevant la fiscalité, afin de maintenir des prix aussi dissuasifs que possible et aussi de lutter contre la diminution des ressources de l'État liées au tabac. En effet, on s'attend − heureusement au regard de la santé publique, et malheureusement pour le financement de l'assurance maladie − à une diminution des recettes de plus de 700 millions d'euros.

Monsieur le ministre, je souhaite connaître la position du Gouvernement, tant du point de vue de la santé publique qu'en termes de fiscalité : maintiendra-t-il des prix dissuasifs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Vous le savez, ce sont les fabricants qui fixent leurs prix, et ce n'est malheureusement pas moi qui décide s'ils doivent les baisser ou les augmenter. Cela étant, le prix influe sur le nombre de consommateurs et toute baisse ne peut que se traduire par une augmentation de la consommation, qui, à son tour, s'accompagne d'un accroissement du nombre de cancers : le ministre de la santé ne peut pas y être favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Peut-on espérer une augmentation à concurrence de la fiscalité sur le tabac, pour éviter cette baisse des prix ? Cela nourrirait votre budget et les responsables de Bercy en seraient heureux, puisqu'ils ont des inquiétudes à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous ne sommes pas là pour parler de ce sujet. Je vous ai répondu très précisément sur la question de la santé publique. Il faut maintenant attendre de voir ce que feront les autres industriels : pour l'instant, seul l'un d'entre eux s'est déclaré. Il est trop tôt dans l'après-midi pour que nous en parlions, mais nous pourrons le faire, si vous le voulez, dès que nous aurons des informations complémentaires.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je voulais tempérer les propos de M. Le Guen. L'augmentation du prix du tabac se traduit peut-être par une baisse des ventes officielles, mais on ne note pas une diminution aussi importante de la consommation, car les ventes par Internet ou la contrebande sont, elles, en augmentation.

Il y a quelques années, la Suède a elle aussi augmenté les prix du tabac dans des proportions considérables : très vite, elle a été obligée de les baisser à nouveau, car les cigarettes de contrebande affluaient, fabriquées on ne sait où et on ne sait avec quoi, ce qui risquait d'avoir des répercussions importantes sur la santé publique.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Monsieur Le Guen, le Gouvernement s'est engagé à ne plus augmenter les taxes sur le tabac. La dernière augmentation, le 1er janvier, devait produire 300 millions d'euros, que les fabricants devaient payer sur leurs marges. À l'époque, nous avons entendu leurs récriminations. Ils voulaient répercuter cette hausse sur le prix du tabac, mais aujourd'hui, une fois de plus, nous voyons que nous ne pouvons pas leur faire confiance. C'est le même fabricant qui tente de faire baisser les prix et qui prétend que 20 % des cigarettes fumées en France seraient importées illégalement. C'est une nouvelle tentative de déstabilisation et de désinformation.

Personne ne le conteste, plus d'un million et demi de personnes ont arrêté de fumer. Nombreux sont ceux aussi qui fument beaucoup moins : on est passé d'une moyenne de quatorze cigarettes par jour à onze cigarettes. Tout cela justifie amplement la politique qui a été menée.

Mais une intervention sur les prix ne se décide pas seulement au niveau du Gouvernement. Si les prix sont arrêtés par les fabricants et si le Gouvernement les valide, c'est ici, au Parlement, que les taxes sont votées. Sans le Parlement, rien n'est possible. Nous devons mener une politique constante et active, tant en matière de lutte contre le tabac que vis-à-vis des buralistes : nous avons pris un engagement envers eux et nous essaierons de le tenir.

    3

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée après avoir entendu les orateurs inscrits sur l'article 2.

Article 2 (précédemment réservé)(suite)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2068 à 2079.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour les soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre de la santé et de la protection sociale, monsieur le secrétaire d'État à l'assurance maladie, mes chers collègues, ces amendements visent à supprimer l'article 2, et donc l'ensemble du dispositif relatif à la création du dossier médical personnel, à défaut de pouvoir l'améliorer de façon significative, puisque vous semblez vous y opposer.

Nous vous l'avons dit à diverses reprises : soucieux de « favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins », nous aurions aimé voter cet article, dont on nous expliquait qu'il visait cet objectif. Il pouvait en effet constituer un progrès incontestable, mais sa rédaction fait du dossier médical personnel un nouvel outil de contrôle et de maîtrise comptable. Vous avez d'ailleurs, monsieur le ministre, reconnu qu'il conditionnerait l'accès au remboursement. On ne saurait être plus clair.

Afficher la volonté d'économiser 3,5 milliards d'euros − même si ce n'est pas par cette seule mesure −, c'est abandonner l'objectif de qualité des soins, qui n'est plus qu'une couverture de la limitation des dépenses. La seule chose qui soit claire, c'est ce chiffre de 3,5 milliards d'euros, même s'il ne figure pas dans le texte de loi. Si vous ne voulez pas faire de maîtrise comptable, eh bien ne comptez pas !

Pour notre part, nous nous inscrivons résolument à la fois dans une démarche de meilleure coordination des soins et dans une démarche de continuité de soins de qualité. Si cela devait se traduire par une économie, tant mieux. Mais ce ne peut être l'objectif principal.

Nous partageons l'idée d'une meilleure circulation des informations. Toutefois, nous craignons que le dossier médical personnel ne devienne, en l'état, plus un instrument de contrôle et de rationalisation des soins qu'un outil de partage des connaissances médicales.

On nous laisse entendre que, dans trois mois, le dossier médical sera lancé et que l'assurance maladie fera des milliards d'économies. Il est cependant probable, pour ne pas dire certain, que le changement prendra plus de temps que prévu et qu'il coûtera assez cher. Qui va payer cette mise en place ? Les économies, à supposer que les examens redondants entraînent des dépenses aussi importantes qu'on le dit, ne se manifesteront pas avant très longtemps, sans compter que le dossier médical fait naître un risque important. Bien sûr, on nous assure que les assureurs privés et les employeurs n'auront pas officiellement accès au dossier mais, pour le moment, ce ne sont que des mots. Comment empêcher un employeur ou un assureur de faire pression pour convaincre un patient d'ouvrir son dossier en lui faisant miroiter un emploi ou l'acceptation d'un contrat d'assurance ? Le texte ne donne aucune garantie.

En conclusion, bien que n'étant pas opposés à la création du dossier médical personnel, nous proposons de supprimer l'article 2, parce qu'il n'offre aucune des garanties nécessaires et que, de plus, il n'affiche pas la volonté d'améliorer la prise en charge des soins. Je le répète, il est profondément regrettable de faire d'une idée positive, susceptible d'améliorer la qualité des soins, un outil comptable - comme si l'avenir de notre système de santé dépendait de ce type de vision.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 2068 à 2079.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. La commission a rejeté ces amendements de suppression. La position du groupe communiste est d'autant plus difficile à tenir que les amendements adoptés en commission apportent les garanties nécessaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je crois, monsieur le rapporteur, que ces amendements de suppression sont, au contraire, tout à fait justifiés. En effet, il n'est pas besoin de cet article pour mettre en œuvre le dossier médical personnel ou partagé. Le code de la santé le permet déjà, comme nous l'avons montré ce matin.

La seule disposition pour laquelle vous avez besoin d'un article de loi, c'est celle qui tend à moduler le remboursement en fonction de la décision du patient d'accepter ou non que le médecin puisse accéder à son dossier et le compléter. En dehors de cette mesure, vous pouvez très bien, dès aujourd'hui, mettre en place le dossier médical personnel sur la base de la loi du 4 mars 2002 qui, de ce point de vue, offre un certain nombre de garanties.

Le groupe socialiste n'exprime aucune réserve sur le principe du dossier médical personnel.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il s'aligne sur Kouchner, enfin !

M. Claude Évin. Nos interventions de ce matin avaient essentiellement pour objet de demander que soient bien respectés les droits des personnes, au regard de la protection des données personnelles et du secret médical, et accessoirement de répondre à certaines appréciations formulées par les parlementaires de la majorité qui, parfois, confondent les articles 2 et 12. Je voudrais donner sur ce point des précisions qui pourront être utiles à l'Assemblée, au Gouvernement et même à la presse.

Le dispositif de l'article 2 doit être dissocié de celui de l'article 12.

L'article 12 prévoit que le médecin puisse accéder aux informations concernant les actes médicaux dont a bénéficié l'assuré social au cours de la période récente et qui ont été pris en charge par la sécurité sociale. Mais la carte Vitale du patient ou la carte professionnelle du médecin ne donne pas accès aux données médicales. Je le précise dans un souci de pédagogie : nous avons suffisamment de points de divergence et même d'opposition pour ne pas en rajouter artificiellement. Ainsi, le journaliste d'une émission de télévision à laquelle je participais tout à l'heure se trompait en affirmant que l'on pourrait accéder au dossier médical personnel avec la carte Vitale ou la carte du professionnel de santé. Le dispositif de l'article 12 ne donne accès qu'aux informations sur la consommation de soins. Concrètement, le professionnel de santé saura qu'un examen de biologie médicale coté « tant » dans la nomenclature aura été réalisé, mais il ne pourra pas accéder aux conclusions de cette analyse. Le résultat de l'examen biologique, c'est-à-dire la donnée médicale, ne peut être divulgué que dans le cadre de l'article 2. De ce point de vue, il nous semble nécessaire d'inscrire dans la loi, plus précisément que ne le fait le texte actuel, des règles de protection des données médicales personnelles.

Par ailleurs, le dossier médical personnel trouvera ses limites dans le droit du patient de s'opposer à l'introduction de données, tant il est vrai que nous ne pouvons déroger à cette liberté fondamentale inscrite dans le code de la santé. Autrement dit, l'article 2, outre le fait qu'il est inutile, est contraire aux principes constitutionnels dans la mesure où il assujettit le niveau de prise en charge des soins à l'acceptation par le patient de renoncer au droit à la protection de son intimité.

La suppression de cet article n'empêcherait pas la mise en place du dossier médical personnel, auquel nous sommes très favorables, mais vous éviterait, monsieur le ministre, d'encourir, demain, la sanction du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Marie Le Guen. Excellente intervention !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2068 à 2079.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2080 à 2091 .

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous ne sommes toujours pas rassurés sur les conséquences que pourra avoir la création du dossier médical personnel car, sous l'aspect vertueux de l'ouverture de nouveaux droits, il entraînera en fait de nouvelles contraintes pour le patient, qui sera confronté à la gestion pratique de ses données de santé.

Ainsi, selon les possibilités d'accès au dossier qui seront consenties au professionnel de santé, le patient, qui doit consentir à l'enregistrement de ces données, sera confronté à un arbitrage permanent entre des enjeux contradictoires : utilité de la mention de certaines données mais risque d'utilisation ultérieure non souhaitée.

Par exemple, si le médecin propose de mentionner dans le dossier l'existence d'un diabète, l'intérêt immédiat du patient est d'accepter dans une perspective de continuité des soins, mais cette information ne risque-t-elle pas d'être utilisée ultérieurement à son encontre par le médecin du travail ou celui d'une compagne d'assurance, s'il venait à en prendre connaissance ? De même, n'y aura-t-il pas un risque de discrimination à l'embauche ou à la souscription d'un contrat d'assurance si, demain, le dossier comporte la mention d'un diagnostic génétique présomptif ?

En outre, puisque la validité des informations contenues dans le dossier médical doit être rapportée au contexte de leur recueil et leur pertinence reconsidérée dans le temps, le patient pourra être en difficulté pour apprécier, même en concertation avec son médecin, ce qu'il convient de transmettre ou non à un autre professionnel de santé. Il ne faudrait donc pas entretenir l'illusion d'une transparence idéale en matière de dossier médical.

À ces difficultés propres au patient pourrait s'ajouter un conflit d'intérêts entre ce dernier et son médecin sur l'opportunité de mentionner une information. Le médecin pourrait estimer que sa responsabilité professionnelle est susceptible d'être mise en cause en raison de l'absence de cette information dans le dossier, sans oublier que la responsabilité du patient pourrait également être recherchée. Nul doute que ces difficultés viendraient renforcer les risques de judiciarisation des relations entre le médecin et son patient.

En attendant que toutes ces interrogations soient levées, nous proposons la suppression du paragraphe I de l'article 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Je ne vais pas rallonger les débats et reprendre les arguments qui ont été donnés ce matin. Je rappelle simplement que le dossier médical personnel est au service du patient.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Claude Évin a parfaitement exprimé notre point de vue et je n'y reviens pas. Je voudrais juste vous demander, monsieur le ministre, s'il vous pouvez nous apporter des précisions sur l'importance de la sanction qui serait infligée au patient, c'est-à-dire sur l'étendue de la non-prise en charge des soins par l'assurance maladie. S'agira-t-il d'une suppression totale ou simplement d'une moindre prise en charge ? Mettrez-vous des bornes, et si oui, lesquelles ? J'avoue que j'ai du mal à me faire une idée à partir de vos différentes interventions.

On voit bien qu'à l'impératif de santé publique, que nous comprenons et qui semble être le premier argument pour la création d'un dossier médical, se heurte un autre droit de valeur tout aussi constitutionnelle, à savoir la défense des libertés individuelles. Nous sommes conscients qu'il faut arbitrer entre ces deux principes et prêts à en débattre. Mais, comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement ajoute un troisième élément, la maximisation de l'efficacité de la dépense publique. Je ne pense que ce soit un bon argument ; en tout cas, personnellement, je le récuse.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Le Guen peut toujours essayer, mais il n'arrivera pas à me faire dire des choses que je ne pense pas.

Premièrement, ce dossier médical sera obligatoire.

Deuxièmement, ce dossier médical respectera la loi de 2002.

M. Claude Évin. Ce n'est pas la question posée.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les droits, la liberté des malades seront totalement respectés.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous y reviendrons.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin, nous n'avons absolument pas l'intention de procéder à un déremboursement total.

M. Jean-Marie Le Guen. Précisez votre pensée.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est beaucoup trop tôt, nous aurons le temps, au cours des prochains jours et des prochaines nuits, de vous apporter toutes les précisions utiles. Les patients pourront s'opposer à l'inscription de certaines informations dans leur dossier médical, car c'est leur droit, mais comme ce dossier est obligatoire, il est évident que, dans ces conditions, le remboursement des soins sera moindre.

M. Richard Mallié. C'est la moindre des choses.

M. Jean-Marie Le Guen. Rappel au règlement !

M. le président. Allez-y, monsieur Le Guen...

M. Jean-Marie Le Guen. Je serai bref.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas là pour jouer au chat et à la souris, ni pour perdre du temps.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oh non !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous voulons simplement faire notre travail.

M. Richard Mallié. Quel culot !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous venez de nous dire que nous avions tout notre temps et que vous fourniriez plus tard à l'Assemblée nationale - dont vous faites partie, mon cher collègue - des informations que vous n'avez pas encore délivrées.

Sans en faire un problème de fonctionnement de l'Assemblée nationale, je dis simplement, de la façon la plus pragmatique, que le mieux serait d'aller droit au but. Je le répète, nous sommes prêts à avancer, à partir du moment où nous obtenons les réponses à nos questions. Nous ne sommes pas là pour jouer la montre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La question que j'ai posée concerne les amendements que nous examinons et il serait intéressant d'avoir maintenant ces précisions de la part du Gouvernement. Cela nous ferait gagner du temps.

M. le président. La parole est M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le ministre, vous nous dites que vous respecterez la loi du 4 mars 2002. Dont acte ! Cela dit, je ne vois pas comment vous pourriez faire autrement. En effet, indépendamment du fait que cette loi est assez précise dans certains domaines, elle s'appuie sur des principes fondamentaux auxquels vous ne pouvez pas déroger. Il est d'ailleurs intéressant de la lire. Vous faites vous-même allusion à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique. Or, cet article dispose de façon très précise que l'« hébergement de données ne peut avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée ».

Vous nous dites que le patient aura le droit de faire valoir les dispositions relatives à sa protection, mais s'il demande l'application de la loi du 4 mars 2002, il ne sera pas remboursé comme il aurait pu l'être s'il avait renoncé à ses droits ! C'est cela qui est critiquable.

Que prévoit votre projet de loi ? Selon le texte proposé pour le deuxième alinéa de l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale : « Le niveau de prise en charge des actes et prestations de soins par l'assurance maladie prévu à l'article L. 322-2 est subordonné à l'autorisation que donne le patient, à chaque consultation ou hospitalisation, aux professionnels de santé auxquels il a recours d'accéder à son dossier médical personnel et de le compléter. » Les patients ont donc certains droits, mais s'ils demandent à les exercer comme le prévoit la loi du 4 mars 2002, ils ne seront pas remboursés de la même manière !

Nous considérons que cela pose un problème constitutionnel au regard de l'alinéa 11 du préambule de la constitution de 1946, lequel fait désormais partie du bloc de constitutionnalité. En effet, ne pouvez pas garantir la protection de la santé si vous n'assurez pas le même niveau de remboursement au patient qui n'aura pas renoncé à l'exercice de ses droits fondamentaux. Voilà le nœud du débat concernant le dossier médical personnel. Certains collègues de la majorité ne partagent pas ce point de vue. Le Conseil constitutionnel tranchera le moment venu.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2080 à 2091.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8163.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien que nous ayons encore de nombreuses inquiétudes quant à l'inscription dans ce texte de la référence à la loi relative aux droits des malades, nous estimons que cet amendement a été en partie satisfait par celui adopté avant l'article 2. Je le retire donc, preuve que nous ne cherchons pas à jouer la montre, mais nous attendons du Gouvernement des réponses aux interrogations précises formulées par Claude Évin.

M. le président. L'amendement n° 8163 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 7479.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. Pour nous, le dossier médical personnel a pour but d'améliorer la qualité des soins. Des problèmes se posent quant à sa constitution et à sa consultation, mais je ne partage pas du tout les réserves exprimées par Claude Évin. Il est aisément compréhensible que le patient ne soit pas remboursé de la même façon s'il s'oppose à la communication de son dossier, mais en fait le problème se pose différemment. Il s'agit de savoir s'il pourra s'opposer à la communication d'un point particulier ou de la totalité. La création du dossier médical personnel n'a, à mon sens, rien d'inconstitutionnel.

Cet amendement prévoit que le dossier sera constitué auprès d'« hébergeurs », et non d'un hébergeur seulement comme l'indique le projet de loi. De plus, il précise que ces hébergeurs devront être indépendants, donc n'avoir aucun lien, direct ou indirect, avec les entreprises et organismes d'assurance, de base ou complémentaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission est d'accord sur le fond avec ce que vient de dire M. Préel, mais elle a adopté, à mon initiative, un amendement plus simple répondant à ses préoccupations. Je vous propose donc, monsieur Préel, de retirer cet amendement et de cosigner celui de la commission.

M. Jean-Luc Préel. Pour être agréable au rapporteur, je le retire bien volontiers !

M. le président. L'amendement n° 7479 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 8276.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un amendement de renumérotation purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8276.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 8097 à 8111.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il s'agit d'inscrire dans l'article 2 l'un des points fondamentaux sur lesquels notre argumentation est fondée. En effet, le dossier médical personnel doit être non pas un gadget ou un instrument de régulation financière, mais « un outil permettant d'optimiser la qualité des soins rendus aux assurés ». De là découlent les interrogations que nous avons exprimées.

Au-delà des problèmes techniques et éthiques, nous voulons replacer la mise en place du dossier médical personnel dans le cadre plus large de la réorganisation de l'offre de soins. Or, nous estimons que le projet de loi est faible sur ce point. Il oublie en effet de préciser par qui et dans quelles conditions cet instrument sera utilisé, et surtout dans quel cadre de réorganisation, qu'il s'agisse des liaisons entre l'hôpital et la médecine de ville, du dépassement de tous les cloisonnements qui ont été dénoncés par le Haut conseil ou des réseaux de soins qu'il reste à mettre en place. Cette notion de  réseaux de soins nous renvoie aux expérimentations tentées par plusieurs gouvernements successifs et qui ont montré les limites de ces dispositifs. Des interrogations existent toujours quant à leur fonctionnement et à leur financement. Voilà pourquoi cet amendement nous paraît essentiel.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Cet amendement résume bien l'argumentation que nous développons depuis ce matin. Monsieur le ministre, l'originalité de votre projet réside dans le fait que le dossier médical personnel sera une obligation. Selon vous, cela changera tout. Nous essayons depuis ce matin de vous démontrer que , pour diverses raisons juridiques et économiques, cela aboutira très rapidement à une impasse. Si nous voulons que le dossier médical personnel soit un outil efficace, il doit s'inscrire dans le cadre d' une réforme globale de l'offre de soins sur le territoire. C'est pourquoi cet amendement vise à rappeler très concrètement que le DMP n'est pas un préalable, mais doit être l'aboutissement d'une telle réforme.

Nous savons bien que nous n'arriverons pas à un système complètement centralisé, qui serait bureaucratique. Comme vient de le rappeler Gérard Bapt, ce dossier sera pleinement efficace lorsque nous serons en mesure, avec les réseaux et l'instauration de relations étroites entre l'hôpital et la médecine de ville, de consolider le rapport entre les professionnels de santé et les patients. C'est à cette condition que nous pourrons faire du dossier médical personnel un véritable outil au service de la santé, un élément essentiel de la réforme de l'offre de soins.

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Pour que le dossier médical personnel concoure efficacement à l'amélioration de la qualité des soins, il faudrait - j'insiste sur ce point - qu'existe un langage commun entre les divers professionnels de santé appelés à l'utiliser : Claude Évin parlait d'enjeu sémantique. C'est en m'appuyant sur diverses expériences locales menées dans ma région que je le dis. L'URCAM de Franche-Comté a lancé une expérience sur le dossier médical partagé dans le domaine de la gérontologie. Cette expérience a montré, d'une part, qu'il fallait beaucoup de temps pour élaborer un langage commun ; d'autre part, que, faute d'un tel langage commun, le contenu du dossier ne pouvait être défini qu'a minima. Catherine Génisson a dit ce matin que la construction du dossier médical partagé se heurterait à une véritable difficulté culturelle. C'est exactement ce qui s'est passé en Franche-Comté. Comme il n'y avait pas de culture commune, la seule solution possible était de mettre en place un outil a minima.

M. Bapt et M. Claeys ont souligné que le dossier médical ne pouvait être construit intelligemment que dans une logique de réseau de soins et de partage des informations. L'expérience montre en effet qu'il n'y a pas d'autre solution que de le mettre en place par un travail en profondeur. Croire qu'on pourra l'imposer d'en haut selon une logique nationale et l'appliquer ensuite au niveau local est totalement utopique. Nous ne pourrons l'installer qu'à la condition que le travail de la base remonte au contraire au niveau national et en nous appuyant profondément sur les réseaux de soins. À défaut, le dossier médical ne sera qu'un outil technique à la disposition des spécialistes de l'informatique et il ne permettra en rien d'améliorer la qualité des soins.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Cet amendement poursuit avant tout un but pédagogique. C'est en effet sur ce plan qu'il faut agir si l'on veut que le dossier médical personnel soit utile et qu'il permette un changement de comportement des assurés et des professionnels de santé.

Pour cela, comme l'a fait remarquer Mme Guinchard-Kunstler, il faut s'entendre sur les données qui seront enregistrées dans le dossier. On doit en effet instaurer un langage commun non seulement entre les professionnels de santé, mais entre ceux-ci et l'assuré lui-même, si l'on veut, comme nous le souhaitons, que le dossier ne soit pas réservé aux professionnels, mais que le malade puisse également le lire.

Enfin, pour le mettre en place, il faut travailler progressivement - cela a été dit - et partir de sujets simples comme les maladies chroniques ou les maladies graves. Nous présentons d'ailleurs plusieurs amendements à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. À l'occasion de l'examen de ces amendements, nous espérons que le Gouvernement nous répondra sur le statut de l'hébergeur, puisque nous ne pouvons pas défendre notre amendement proposant que celui-ci soit public.

Il s'agit d'une question complexe. À l'origine, les hébergeurs sont apparus de manière sauvage, avec les premiers réseaux, notamment le réseau ville-hôpital. Le premier statut, élaboré dans le cadre de la loi de 2002, prévoit des hébergeurs agréés, au titre d'un décret qui n'est jamais paru. Dans votre projet de loi, monsieur le ministre, vous prévoyez un système unique, même s'il admet l'intervention de plusieurs entreprises, et vous reprenez la même formulation. Or je crois que celle-ci n'est pas adaptée au cas du dossier médical personnel. J'appelle même votre attention sur les risques qu'elle présente.

Vous vous proposez de lancer un appel d'offres en rédigeant un cahier des charges imposant certaines prescriptions aux entreprises qui hébergeront les données relatives à la santé. Le problème que nous soulevons n'a rien de doctrinal : il ne tient pas au fait que ces données soient détenues par des entreprises privées. Mais, à partir du moment où l'on lance un appel d'offres, on ne peut s'exonérer des règles relatives au droit de la concurrence. Il faut donc que les Français le sachent : les informations relatives à leur santé pourront être physiquement détenues à l'étranger. Comment l'éviter, en effet ? Est-ce juridiquement possible ? Je ne le crois pas. En tout cas, il me semble légitime que nos concitoyens attendent une réponse sur ce point.

De même, les entreprises privées qui seront amenées à héberger ces données ne seront pas à l'abri des mouvements de capitaux. Or vous connaissez le milieu des affaires : des opérations capitalistiques conduites par des gens mal intentionnés peuvent conduire à des situations extravagantes. Qui détiendra finalement ces données ? Que se passera-t-il si l'entreprise qui les héberge dépose le bilan, est reprise par une autre ou délocalisée ? Je ne crois pas que l'on puisse, même avec un cahier des charges très restrictif, éviter ce type de difficultés.

C'est pourquoi nous avons souhaité que l'hébergeur soit public, dès lors que le ministre entend mettre en place un système centralisé et obligatoire. Le service qui détiendra des données aussi précises sur tous les Français ne pourra être comparé qu'à celui de la direction nationale des impôts. Imaginerait-on de sous-traiter les fichiers fiscaux à des sociétés privées ? Une prudence plus grande encore s'impose pour les données de santé.

Notre position, je le répète, ne relève pas d'une approche idéologique. Elle s'explique simplement par un souci de prudence. En tout cas, si ce débat n'a pas lieu, les Français demanderont demain des comptes sur l'organisation du système d'hébergement.

Je crois deviner votre réponse, monsieur le ministre, si tant est que vous me répondiez. Vous allez me dire que vous ne faites que reprendre les dispositions de la loi Kouchner. Mais celle-ci ne traitait que des réseaux ville-hôpital, à propos d'une profession encore mal connue et qui venait d'émerger. En tant que commissaire à la santé de la CNIL, j'étais l'auteur du rapport de 1999 sur l'agrément. Cette formulation, reprise dans la loi de 2002, n'est pas du tout adaptée au système obligatoire et généralisé que vous voulez mettre en œuvre.

Quoi qu'il en soit, nous sommes désireux d'entendre vos explications, notamment sur le cahier des charges que vous prévoyez.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 8097 à 8111 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, considérant que ces amendements étaient satisfaits. La rédaction qu'ils proposent est à peine différente du texte proposé pour l'article L. 161-45 figurant à l'article 2 du projet de loi. Au reste, nous l'avons répété à plusieurs reprises : le dossier médical, comme l'ensemble du projet, va dans le sens de l'amélioration de la qualité des soins.

Pour parler franchement, mes chers collègues, je trouve que vous avez du temps à perdre pour vous attaquer à de telles mesures. Cela ne peut s'expliquer que par votre désir d'adopter une « posture d'opposition », pour reprendre l'expression qu'utilise un ancien ministre de la santé dans l'édition d'un grand journal du soir datée de demain.

M. Gérard Bapt. C'est qu'il veut partir à l'ONU !

M. le président. On ne parle pas des absents.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le lieu et le moment me semblent mal choisis pour se demander qui va partir ou non à l'ONU !

Je rassure Mme Guinchard-Kunstler, Mme Génisson et M. Vidalies : nous voulons un dossier médical simple, basé sur la réalité médicale quotidienne : ni plus ni moins. Il ne s'agit pas de tout codifier, mais d'enregistrer la pratique habituelle des médecins en nous inspirant de ce qui existe dans les réseaux ville-hôpital.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour répondre à la commission.

M. Jean-Marie Le Guen. Je me demande comment les médecins communiqueront entre eux demain, quand on voit que les parlementaires de l'opposition et de la majorité ont déjà tant de mal à le faire ! Permettez-moi d'avoir quelques doutes à ce sujet.

Depuis le début de la discussion, monsieur le ministre, vous dites vouloir agir sur les comportements pour faire évoluer le système de santé, alors que nous pensons qu'ils ne sont pas la cause première des difficultés qui se posent en termes soit de qualité, soit d'efficience, c'est-à-dire de rapport coût-efficacité. À nos yeux, ce sont avant tout les structures qui sont en cause et qu'il faut faire évoluer : je veux dire les cabinets de groupes, les réseaux, les agences régionales de santé, les dispositifs existant au plan national, ou encore les mesures relatives à l'industrie du médicament, à l'hôpital ou au décloisonnement ville-hôpital. Nous pensons que le DMP doit accompagner cette restructuration et qu'il peut même être l'outil privilégié du réseau quand celui-ci se met en place.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous sommes d'accord.

M. Jean-Marie Le Guen. Pour nous, le DMP pose un problème de confiance. Nous ne croyons pas, ou nous ne croyons plus aux outils imposés de l'extérieur. Je pensais d'ailleurs que ce point de vue était le vôtre, lorsque nous avions imposé de l'extérieur une contrainte financière pour parvenir à la maîtrise comptable des dépenses. Mais voilà que vous voulez imposer aux médecins et aux patients une contrainte technologique. En matière de santé, ce n'est pas la contrainte mais la confiance qui doit prévaloir.

En outre, le caractère obligatoire du dossier ne peut-il pas entrer en contradiction avec le droit des malades ? Nous y reviendrons au cours du débat, car nous voulons savoir à quel niveau vous situez le respect de ce droit. Nous vous avons posé plusieurs fois la question : le remboursement au taux plein suppose-t-il le renoncement aux dispositifs prévus dans la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ?

Mme Claude Greff. Il n'a jamais été question de cela !

M. Alain Claeys. Dites-le au ministre !

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous pouviez dire vrai, ma chère collègue, j'en serais ravi ! Mais je pose tout de même la question au ministre car ce n'est pas sans une forme d'incertitude que nous demandons que le respect du droit des malades soit inscrit dans le projet de loi. La stricte application de la loi de 2002 peut en effet ronger le dossier médical personnel de l'intérieur. C'est pourquoi nous nous opposons à toute forme d'obligation et croyons au contraire à la nécessité de construire la confiance. C'est aussi la raison pour laquelle nous sommes défavorables à une politique de baisse des remboursements, que nous jugeons psychologiquement trop agressive.

Cela étant, monsieur le ministre, nous aurions pu être favorables au DMP obligatoire si vous l'aviez d'abord proposé en prenant les ALD comme chantier prioritaire. Dans ce cas, en effet, les patients passent au remboursement à 100 %. Il faut donc prévoir une contractualisation. Cette logique nous agrée plus que celle de l'obligation, non que nous soyons plus laxistes que vous,...

M. Yves Simon. Oh si ! Nous en savons quelque chose.

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais nous jugeons la contractualisation plus pédagogique et plus profitable.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Guen.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Oui, on ne sait plus où l'on en est !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous divergeons sur un problème de fond : nous pensons qu'il faut intervenir de manière plus active sur les structures et plus contractuelle sur les comportements, au lieu d'adopter une attitude trop rigide vis-à-vis des comportements et trop souple vis-à-vis des structures.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 8097 à 8111.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8176.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. De la présentation que le ministre a faite de son plan, notamment de ses aspects financiers, il ressortait que le dossier médical personnel était un outil de régulation de l'assurance maladie, opposable aux médecins et aux assurés, permettant de vérifier que la cohérence des prescriptions avec les politiques de l'assurance maladie. Faux procès, me direz-vous, monsieur le ministre, puisque vous avez déclaré ce matin que le DMP était avant tout un outil de santé publique. Certes, cette évolution dans votre discours nous satisfait - encore faudrait-il qu'elle soit connue en dehors de cette enceinte - mais l'article 13 suscite à cet égard quelques interrogations. Par exemple, le dossier médical personnel a-t-il vocation à être un outil de vérification de la conformité des prescriptions aux références médicales opposables et aux contrats de bonne pratique ? Si tel était le cas, il contiendrait une sorte de logiciel de liquidation de l'assurance maladie.

Par ailleurs, selon les articles 15 et suivants, un malade qui se serait vu prescrire des soins ou des médicaments à mauvais escient ne serait plus remboursé. On peut donc se demander si le dossier médical personnel, qui dressera la liste des actes et des prescriptions dont aura bénéficié un malade, ne sera pas utilisé pour conforter la liquidation médicalisée.

Ces contraintes, qui semblent inhérentes au DMP tel qu'il est conçu, sont de nature à motiver son rejet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix...

M. Jean-Marie Le Guen. J'ai demandé la parole, monsieur le président !

M. le président. Nous pouvons nous parler sans nous agresser, monsieur Le Guen. Vous n'aviez pas levé la main.

M. Jean-Marie Le Guen. S'il faut jouer au plus filou... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Le Guen, je ne joue pas au  plus filou ! Depuis ce matin, vous avez pu intervenir quand vous le souhaitiez et, en l'occurrence, le vote avait commencé.

Je mets donc aux voix l'amendement n° 8176.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. Jean-Marie Le Guen. Rappel au règlement !

M. le président. Monsieur Le Guen...

M. Jean-Marie Le Guen. J'en ai pour une seconde, monsieur le président.

Je crois avoir posé des questions qui n'étaient pas dénuées de sens. Or, à aucun moment, ni le rapporteur ni le ministre ne m'ont répondu. Sommes-nous ici dans un long couloir où nous défendrons seuls nos amendements, qui seront systématiquement rejetés sans la moindre explication ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Encore faudrait-il que vos questions soient claires et précises !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de douze amendements, nos 2 092 à 2 103, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour les soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous sommes convaincus que le dossier médical, qui rassemble des données sensibles, ne manquera pas de placer les personnes face à des choix et à des arbitrages très difficiles. Se posera notamment la question de l'utilité de la mention de certaines données qui risquent de faire l'objet d'utilisations ultérieures non souhaitées. Je pense, par exemple, aux risques de discrimination à l'embauche ou à la souscription d'un contrat d'assurance si un diagnostic de cancer ou un traitement antidiabétique sont mentionnés dans le dossier. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Certes, un amendement de la commission prévoit que le dossier ne peut être consulté par le médecin du travail au moment de la visite médicale d'embauche, mais rien n'est prévu pour la suite. A ces difficultés pourrait s'ajouter un conflit d'intérêts entre le patient et son médecin en cas de désaccord sur l'inscription au dossier.

D'autres dérives sont à craindre, sur un plan plus général. En effet, de multiples intervenants - les différents acteurs de ce qui constituerait un gigantesque marché : gestionnaires du système de santé, mais aussi assureurs et employeurs - sont intéressés par la constitution, à travers le dossier médical partagé, d'une banque de données nominatives portant sur l'ensemble de la population. Tous les dispositifs de sécurité envisagés ont des limites et les enjeux seront encore plus importants avec le regroupement des informations au moyen d'un identifiant unique du patient. Dans un système informatisé d'une telle puissance, les risques seront beaucoup plus grands qu'à l'échelle d'un cabinet médical, d'un hôpital ou d'un réseau de soins. Il faut donc s'assurer que la gestion de l'information de santé sera respectueuse des personnes. Or ce souci est incompatible avec un dossier médical permanent, unique et partagé.

On pourrait imaginer, par exemple, que l'accès à tout ou partie du dossier, selon la décision du patient, ne soit autorisé, hormis le cas particulier de l'urgence, qu'avec l'utilisation simultanée de la carte Vitale du patient et de la carte professionnelle du médecin. Une partition serait opérée entre les différentes informations accessibles aux professionnels de santé selon le contexte de leur demande. Le patient serait habilité à définir la liste de contrôle d'accès aux différents éléments de son dossier. Toute communication à des tiers, dans ou hors du réseau de soins, d'une information extraite du dossier ne pourrait se faire qu'avec l'accord du patient. Toute exploitation statistique des données extraites du dossier serait subordonnée à l'application de règles d'anonymisation aux patients et aux médecins concernés.

Le dossier médical personnel ne guérira pas le système de santé de ses maux. En mettant en lumière les contradictions, les leurres et les risques de ce projet et en formulant une alternative pour y remédier, nous voulons affirmer la prééminence de la personne sur une organisation essentiellement façonnée par la technologie. Les seules potentialités de la technique ne doivent pas remettre en question le droit au respect de la vie privée qui implique confiance réciproque entre malades et soignants et qui attribue la primauté à la médiation humaine dans le processus de soins.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Je rappelle à M. Sandrier que lors de l'examen de l'un de ses amendements précédents, nous avons déjà évoqué la question des garanties vis-à-vis des assureurs privés et des employeurs. Ces garanties sont apportées par des amendements de la commission : elles figureront donc dans la loi. Sur cette question comme sur celle de l'amélioration de la coordination, de la qualité et de la continuité des soins, nous sommes sur la même longueur d'onde que vous.

Quant à savoir qui paiera la mise en place du dossier médical partagé, il va de soi que ce sera l'assurance maladie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2 092 à 2 103.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements, nos 27 et 2 104 à 2 115, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 2 104 à 2 115 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 27.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je laisse M. Sandrier soutenir d'abord les amendements nos 2 104 à 2115, qui sont très proches de celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Ces amendements tendent à insérer, dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-45 du code de la sécurité sociale, après les mots : « continuité des soins », les mots : « gages d'un bon niveau de santé ». Certes, cette précision ne lèvera pas les ambiguïtés de l'article 2, mais elle est indispensable car elle définit ce que devrait être l'objectif unique du dossier médical personnel, grâce à l'amélioration de l'information du patient.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je vous demanderai, monsieur Sandrier, de bien vouloir retirer les amendements nos 2 104 à 2 115 au profit de l'amendement n° 27 de la commission, qui est cosigné par Mme Fraysse et M. Gremetz. La seule différence tient en réalité à une faute d'accord.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable à l'amendement de la commission.

M. le président. Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je considère que les amendements nos 2 104 à 2 115 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8178.

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le soutenir.

Mme Catherine Génisson. Comme nous souhaitons être pragmatiques, positifs et donner du sens au dossier médical personnel, nous proposons qu'il soit fait référence aux réseaux, dont nous avons constaté, sur le terrain, qu'ils avaient été particulièrement efficaces dans la prise en charge des personnes âgées et dans l'accompagnement en fin de vie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, considérant que le dossier médical personnel a vocation à être généralisé. De plus, les réseaux font déjà très souvent usage de dossiers médicaux partagés entre les différents acteurs. Cet amendement n'apporte donc pas grand-chose. S'il avait été rédigé différemment, nous aurions pu en débattre et peut-être l'accepter, comme nous l'avons fait pour le précédent. Mais ce n'est pas possible en l'occurrence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 592 à 603.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour les soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement a pour objet d'insérer, dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-45 du code de la sécurité sociale, après les mots « continuité des soins » - et les mots « gages d'un bon niveau de santé, » introduits par l'amendement n° 27 précédemment adopté -, les mots « comme leurs prises en charge par l'assurance maladie ». Il s'agit toujours de lever l'ambiguïté du texte - qui laisse entendre que le dispositif proposé a pour but de pénaliser le malade qui ne présente pas son dossier médical - en rappelant que la mise en place de ce dossier poursuit avant tout un objectif unanimement partagé, celui de favoriser la prise en charge des soins par l'assurance maladie. Nous souhaitons rappeler le principe d'égalité, selon lequel tout patient qui consulte un médecin doit pouvoir se faire rembourser par l'assurance maladie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement pour la simple et bonne raison, déjà exposée ce matin, que le dossier médical personnel s'adresse au patient et a pour seule fin la qualité des soins. L'adoption de cet amendement aurait pour effet d'affaiblir cette exigence et de privilégier une vision beaucoup trop économique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Cet amendement nous paraît pertinent et répond à l'une de nos préoccupations, également formulée dans le rapport du professeur Fieschi : le dossier médical partagé ne peut être un succès, comme nous le souhaitons, que s'il est appréhendé par l'ensemble des acteurs de la santé, c'est-à-dire les usagers, mais aussi les médecins. Les représentants des médecins que nous avons rencontrés ont affirmé très clairement qu'ils voyaient dans le dossier médical partagé le moyen d'améliorer la prise en charge et le fonctionnement des réseaux dans une perspective de décloisonnement. Par contre, monsieur le ministre, si les médecins percevaient ce dispositif comme un moyen de contrôle, notamment du volume des actes, ce serait un échec.

Dans ce qu'il est convenu d'appeler un grand quotidien du soir est relatée votre visite de la clinique Pasteur, à Toulouse, lors de laquelle vous avez déclaré que le DMP serait « un moyen de changer le comportement des usagers mais aussi des professionnels de santé », car au dossier seront associés tous les référentiels de « bonnes pratiques médicales ». « Si le médecin ne les respecte pas, il sera sanctionné », avez-vous prévenu. Le système de sanctions s'aggravera au fil des récidives : avertissement, pénalité financière, déconventionnement. Le DMP représente « un plus pour le malade, pour le médecin et pour la Sécu », avez-vous ajouté en rappelant que, chaque année, 128 000 hospitalisations sont dues à des accidents iatrogènes.

À la lecture de ces déclarations, nous ne pouvons que redouter que le dossier médical partagé soit considéré comme un instrument de contrôle, ce qui contredirait ce que vous nous répétez depuis deux ans, à savoir qu'il faut se baser sur la confiance et axer l'action publique sur la coopération des médecins. L'examen de cet amendement à l'article 2 vous offre l'occasion de lever toute ambiguïté sur votre état d'esprit et vos intentions à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. À plusieurs reprises, monsieur le ministre, nous avons posé des questions traduisant nos préoccupations relatives au statut des hébergeurs. Nous attendons toujours vos réponses sur ce point, et notamment les raisons pour lesquelles vous repoussez notre proposition d'un hébergeur public.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Qu'est-ce que cela a à voir avec l'amendement ?

M. Alain Vidalies. Par ailleurs, je voudrais vous citer un extrait d'une déclaration qui me paraît tout à fait pertinente : « Il n'en demeure pas moins que tout système informatisé de transmission d'informations comporte le risque d'être déjoué. » Pour notre part, nous estimons que le statut public de l'hébergeur est la meilleure façon de se garantir contre ce risque bien réel. Cette phrase - vous brûlez certainement de le savoir - est extraite d'un recours devant le Conseil constitutionnel, que vous avez vous-même signé.

M. Richard Mallié. C'était en quelle année ? Les choses ont changé depuis.

M. Jean-Marie Le Guen. En 1999 ! À l'époque, il n'y avait pas d'informatique, on s'éclairait à la chandelle...

M. Alain Vidalies. C'était effectivement en 1999, au sujet de la loi visant à généraliser la carte Vitale : un texte bien moins ambitieux que celui dont nous débattons aujourd'hui. Au problème que vous aviez alors soulevé, nous proposons une solution, et aimerions connaître les fondements de votre position sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 592 à 603.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2116 à 2127.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour les soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement a pour objet d'insérer, toujours après les mots « continuité des soins », les mots « garantissant un droit à la santé indépendant des conditions d'âge, de santé et de revenu ».

Cela peut apparaître comme une évidence, mais il nous semble qu'il ne serait pas inutile d'inscrire ces garanties dans le texte de loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Nous avons déjà largement débattu, avant l'article 1er, de ces principes généraux déjà énoncés dans le préambule de la Constitution et qui n'ont pas à être repris dans un texte de loi. C'est pourquoi la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2116 à 2127.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2140 à 2151.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour les soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Cet amendement a pour objet d'insérer, après les mots « continuité des soins », les mots « contribuant à un accès effectif de tous les assurés sociaux aux soins quel que soit leur lieu de résidence ».

Comme chacun le sait, les inégalités entre les territoires ne cessent de se creuser, notamment en matière de santé. Ainsi, des pénuries de médecins - généralistes ou spécialistes, en médecine de ville comme dans les hôpitaux - se font ressentir dans certaines régions. Notre amendement vise à attirer l'attention sur ce problème, afin que des mesures soient prises pour y remédier.

Le Gouvernement a commencé timidement à le faire, en agissant notamment sur le numerus clausus, et les collectivités ont pris quelques initiatives pour faciliter l'installation des médecins, mais tout cela demeure bien insuffisant et il conviendrait que l'État intervienne davantage, par exemple en aidant les étudiants pendant leurs études, ou au moment de l'obtention de leur diplôme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement a été rejeté pour des raisons déjà exposées lors de l'examen de l'article 1er. Par ailleurs, la commission a rédigé un amendement visant à une meilleure répartition géographique, qui pourrait être assurée notamment grâce au développement des cabinets de groupe.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Indépendamment du fait que nous avons adopté, à l'article 1er, un amendement important...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Sur les maisons médicales !

M. Jean-Marie Le Guen. ...sur l'obligation pour l'assurance maladie de garantir l'accès aux soins, en recourant si besoin est aux maisons médicales, je voudrais insister sur un principe fondamental, celui de la liberté de choix du médecin par le malade.

La mise en œuvre du dossier médical personnel rend encore plus nécessaire cette liberté de choix. Comment, en effet, convaincre un patient de montrer son dossier à un médecin qu'il ne consulterait que parce qu'il est le seul spécialiste de sa région ? Or cette situation tend à devenir très fréquente. C'est le cas, par exemple, pour l'ophtalmologie dans nombre de départements tels que le Calvados, le Pas-de-Calais ou la Haute-Saône, pour ne citer que ceux-là.

Un spécialiste, imposé au patient par sa situation géographique plutôt que choisi, aurait quasi automatiquement accès au dossier médical de la personne qui vient le consulter, sous peine pour celle-ci de ne pas être intégralement remboursée. Comment ne pas y voir une atteinte à la liberté de choisir son médecin, à la liberté individuelle tout court et au principe de confidentialité théoriquement indissociable de la relation entre le médecin et son patient ?

J'invite par conséquent la commission et le Gouvernement à répondre de façon plus approfondie à cet excellent amendement défendu par nos collègues du groupe communiste.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je confirme que la commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Le dossier médical personnel n'a pas vocation à régler tous les problèmes que vous évoquez, notamment la pénurie de personnel médical, et il faut se garder de complexifier à l'excès ce dispositif.

Je regrette, monsieur Le Guen, que par votre manière très négative d'aborder ce sujet, vous donniez le sentiment d'avancer à reculons.

M. Gérard Bapt. Notre souci, c'est d'alerter !

M. Jean-Marie Le Guen. Evidemment !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Encore faudrait-il le faire à bon escient. Pour notre part, nous essayons de faire preuve de pragmatisme, et n'avons évidemment pas l'intention de porter atteinte au principe de confidentialité. Ayez confiance en notre volonté commune de faire du dossier médical personnel un outil au service de la santé des Français, au lieu de le stigmatiser et de n'y voir qu'un instrument de maîtrise médicalisée - ce qu'il ne sera que par conséquence. L'objectif, c'est la santé des Français, la volonté d'améliorer la qualité des soins.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. D'abord, je ne vois pas pourquoi les médecins installés dans des zones sous-médicalisées devraient être moins bien équipés que les autres. Ensuite, c'est précisément dans ces zones que la coordination doit être la plus grande et donc le DMP le plus utilisé.

M. Jean-Marie Le Guen. Manifestement, je n'arrive pas à me faire comprendre. Je ne dois pas parler français !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Excusez-moi de ne pas avoir tout compris, monsieur Le Guen. Pour moi, il est important en tout cas de préciser que, plus les zones sont médicalement désertifiées, plus nous avons besoin de réseaux et de coordination des soins.

S'agissant du caractère obligatoire du DMP, la loi sur le droit des malades prévoit, d'une part, que les données nominatives de santé appartiennent au patient et, d'autre part, que le patient a la maîtrise totale de ces informations. Le présent texte précise simplement que chaque Français aura un dossier médical personnel et qu'il sera moins bien remboursé quand il n'autorisera pas son médecin à y accéder. Il n'y a donc aucune contradiction. Le patient pourra permettre à son médecin d'accéder au DMP tout en spécifiant qu'il souhaite que telle ou telle information ne devra pas y figurer.

Concernant les hébergeurs, l'article L.1111-8 du code de la santé publique institué par la loi Kouchner - votre loi, en quelque sorte - est très précis quant aux exigences imposées aux hébergeurs. Il s'agit notamment des dispositions prises pour garantir la sécurité des données, des mécanismes de contrôle et de sécurité et des procédures de contrôle interne. Ces dispositions sont vérifiées par une commission d'agrément et toujours après avis de la CNIL. L'agrément aux hébergeurs peut être retiré à tout moment si les dispositions ne sont plus respectées.

S'agissant de l'accès des professions de santé, toutes seront, à terme, concernées par le DMP. Chacune aura son volet propre et les professions non médicalisées auront peut-être accès à une synthèse du dossier. Mais, dans un premier temps, le DMP ne sera accessible qu'aux médecins. Puisque nous parlons de réseau, je rappellerai qu'on s'est récemment rendu compte que, pour certaines affections comme le diabète, les infirmières sont mieux à même que les médecins d'assurer le suivi au long cours des patients. Cela montre que, pour certaines pathologies, on pourrait envisager de donner accès à une partie précise du dossier à une infirmière. Mais nous n'en sommes pas encore là.

S'agissant enfin des bases de données, l'assurance maladie n'a pas accès au DMP. C'est la raison pour laquelle le DMP est hébergé en dehors de la sécurité sociale. La vérification des RMO ou autres contrôles ne seront donc pas possibles sur le dossier médical personnel.

M. Gérard Bapt. Il était important de préciser ce point !

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Monsieur le président de la commission, nous n'abordons pas le DMP de façon négative. Depuis ce matin, les intervenants dans leur ensemble ont simplement exprimé une triple préoccupation.

Premièrement, nous tenons à souligner que le DMP est uniquement un outil - vous avez d'ailleurs vous-même utilisé ce mot à plusieurs reprises. Ce n'est pas l' élément essentiel de la réorganisation des soins.

Deuxièmement, nous avons insisté sur le fait que le DMP aurait un poids réel dans le cadre du réseau. J'ai bien noté l'exemple que vous avez donné, monsieur le ministre, à propos du diabète. Pour connaître un certain nombre de réseaux de soins concernant les diabétiques, je sais combien les infirmières peuvent être des éléments importants dans l'éducation et le suivi. Du reste, nul n'a contesté la place des paramédicaux dans les réseaux de soins.

Monsieur le président de la commission, notre attitude à l'égard du DMP a consisté, depuis ce matin, à appeler votre attention sur les questions qui ne manqueront pas d'être posées - à vous, comme à nous - au moment de la mise en œuvre de ce dispositif.

Enfin, monsieur le ministre, et j'en arrive à notre troisième préoccupation, le présent texte prévoit un non-remboursement ou un déremboursement pour le patient qui ne souhaiterait pas présenter son DMP ou qui préférerait que celui-ci ne soit pas complété. Mais, concrètement, comment cela va-t-il se traduire ?

M. Yves Simon. Parlez-nous de l'expérimentation de votre texte sur l'APA et des difficultés des collectivités locales !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Nous n'avons toujours pas compris. Or cet élément est essentiel pour la réussite du DMP. Vos réponses doivent permettre à la représentation nationale de comprendre comment seront appliquées les sanctions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, vos réponses méritent qu'on y revienne.

Vous nous avez dit que l'assurance maladie, y compris le conseil médical, n'aura pas accès au DMP. Celui n'est donc pas un outil direct d'intervention de l'assurance maladie ni vis-à-vis du patient ni vis-à-vis du médecin. Il peut être un outil indirect d'amélioration des pratiques. Le problème des RMO et des bonnes pratiques médicales se pose légitimement, mais il ne sera donc pas traité avec le DMP. Je vous remercie d'avoir confirmé ce point.

S'agissant des professions de santé, vous avez précisé que, dans un premier temps, le DMP ne sera pas accessible aux professions non médicales. Ne pensez-vous pas qu'à un moment ou à un autre, il faudra de nouveau recourir à la loi pour déterminer ce qui sera accessible et ce qui ne le sera pas ? La déontologie ne suffit pas, à mon sens. Ainsi, le secret médical est protégé par la loi à travers le code de déontologie.

S'agissant des hébergeurs, vous passez d'un hébergeur unique à un certain nombre d'hébergeurs. Nous souhaiterions donc avoir des précisions sur l'architecture générale. Allons-nous vers trois, quatre, cinq hébergeurs, qui feront tous doublon par mesure de sécurité ? Si on fait le choix d'un hébergeur central - ce n'est pas le nôtre -, on peut parfaitement imaginer une sorte de duplication des hébergeurs de façon à garantir la conservation des données quoi qu'il arrive, en cas de panne, par exemple. Alors, qu'entendez-vous par « plusieurs hébergeurs » ? S'agit-il de plusieurs hébergeurs centraux qui se complètent ou d'une multitude d'hébergeurs dont chacun gérera localement les dossiers ?

Pour terminer, je reviendrai à l'exemple que j'ai donné tout à l'heure car je me suis fait apparemment mal comprendre. Imaginons que j'habite dans une région où exerce un seul ophtalmologue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est donc lui que je serai amené à consulter pour me faire faire des lunettes. Dans ce cas, serai-je obligé, pour me faire rembourser complètement par la sécurité sociale, de lui donner accès à mon dossier médical ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Les dossiers médicaux existent déjà !

M. Jean-Marie Le Guen. On peut en débattre, mais la question mérite d'être posée, mes chers collègues ! Je ne suis pas censé confier à l'ophtalmologue l'ensemble de mes données sanitaires.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Pourquoi pas ?

M. Yves Simon. Si vous avez du diabète...

Mme Claude Greff. Ou une tension oculaire élevée...

M. Jean-Marie Le Guen. Pourquoi pas ? C'est une question de liberté personnelle et de respect de l'intimité. Mais, apparemment, certains n'en ont rien à faire !

Imaginons, à présent, que j'aille voir un médecin pour une affection dont je ne souhaite pas l'inscription sur mon dossier médical.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Laquelle ? A quoi pensez-vous ? A la masturbation intellectuelle ?

M. Jean-Marie Le Guen. Par exemple ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Rolland. Venez vous allonger, docteur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Est-ce que cela entraînera ipso facto un non-remboursement ? Qu'est-ce qui déclenche le moindre remboursement ? Le fait de ne pas tenir le DMP ou le refus ponctuel d'une inscription ? Le non-remboursement ne portera-t-il alors que sur cet acte précis ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Voici ce que j'ai compris, quant à moi.

M. Jean-Marie Le Guen. Comme quoi les choses ne sont pas simples !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Le débat est tellement dilué qu'on a parfois du mal à s'y retrouver.

M. Evin a évoqué, ce matin, la crainte constitutionnelle. Sur ce point, il faut être très clair et distinguer deux éléments. D'abord, il reviendra au patient de donner ou non le droit à un médecin d'accéder à son dossier médical. Mais, dès lors qu'il ne le donnera pas, l'assurance maladie remboursera de manière différente. Cela relève du contrat qui lie les assurés à l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est donc le fait de ne pas donner accès au dossier au début de la consultation qui entraîne un moindre remboursement.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est en tout cas ma lecture du texte. Le ministre va sans doute préciser encore les choses.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien ! C'est ce que nous souhaitons !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Une fois que l'accès au dossier est donné, le malade bénéficie des droits qui lui sont octroyés par la loi de mars 2002, en particulier celui de compléter ou non le dossier.

Vous prenez l'exemple d'un ophtalmologiste installé dans une zone rurale isolée, dans un « désert » médical.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela existe, malheureusement !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cela peut exister, en effet ! Pour des cas semblables, je pense que la loi permettra de hiérarchiser l'accès au dossier. Si un ophtalmologiste n'a pas besoin de toutes les données figurant dans le dossier du patient qui vient le consulter, il doit en revanche savoir s'il souffre de certaines affections, par exemple le diabète, qui est responsable de pathologies rétiniennes. Il aura peut-être moins besoin, si c'est cela qui vous inquiète, de savoir s'il souffre d'une maladie sexuellement transmissible ! (Sourires.)

M. Richard Mallié. C'est un médecin, quand même !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Les choses sont relativement claires. Le dossier médical personnel s'inscrit dans une relation contractuelle entre l'assuré et l'assurance maladie. L'assuré est engagé par les modalités d'accès au dossier, qui sont fixées par la loi, mais il est totalement libre d'y faire ou non figurer telle ou telle information.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Mais alors sera-t-il remboursé normalement ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je pense cependant que la plupart des patients comprendront qu'il est important pour eux de faire figurer le maximum d'informations médicales dans leur dossier pour être pris en charge dans les meilleures conditions. Il ne faut pas faire peur aux Français en leur disant que le dossier médical personnel se retournera contre eux. À l'exception peut-être d'un infime pourcentage, ils y verront un outil très efficace et n'hésiteront pas à s'en servir.

M. Richard Mallié. Bien sûr ! Seuls les socialistes ne comprennent pas cela !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Certes, certaines spécialités médicales présentent des spécificités, comme la psychiatrie.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est pourquoi différents niveaux d'accès sont prévus, selon les spécialités et les pathologies. Encore une fois, il ne s'agit pas d'apporter de la rigidité au texte de loi, mais je vous rappelle ce qu'affirme le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie : un dossier fragmentaire n'est pas un bon dossier.

Nous devons donc faire en sorte que le dossier médical personnel contienne un maximum d'informations, parce que toutes pourront être utiles à la bonne santé de l'usager.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je remercie M. le président de la commission spéciale de nous avoir fait part de sa lecture du texte. Ces questions sont en effet au cœur du dispositif.

Restons-en au cas concret de l'ophtalmologiste. Pour lui, en effet, l'accès à l'ensemble du dossier n'est pas nécessaire. Mais comme l'a indiqué M. Bur, il est important qu'il sache si le malade est diabétique.

M. Richard Mallié. Bien sûr !

Mme Catherine Génisson. Nous en sommes tous persuadés. Mais le malade, lui, sait-il qu'il est important de signaler son diabète à l'ophtalmologiste ?

Mme Claude Greff. Bonne question !

Mme Catherine Génisson. Qui va guider le malade et lui conseiller d'ouvrir son dossier à tel ou tel spécialiste ? Nous touchons là à un problème de fond.

Il est certain que le dossier médical appartient au malade et que celui-ci en a la libre utilisation. Mais il faut reconnaître que, n'étant pas médecin, il n'est pas forcément en mesure de distinguer ce qu'il est important de communiquer à tel ou tel spécialiste. Nous souhaitons donc obtenir des renseignements complémentaires quant à l'utilisation du dossier médical personnel.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Ma chère collègue, votre intervention est très intéressante car elle confirme une chose : tout ne peut pas être inscrit aujourd'hui dans la loi. Chercher à tout cadrer est un exercice impossible. Quelle que soit votre ambition de laisser au patient la plus grande liberté sur ce qu'il veut voir inscrire dans son dossier, il faut qu'il l'exerce de façon éclairée  Le débat, à l'évidence, doit donc être poursuivi au-delà de cet hémicycle, comme vous venez de le dire.

L'intervention du président de la commission spéciale est, elle aussi, du plus grand intérêt. Pour lui, nous ne devons pas avoir de craintes vis-à-vis du dossier médical.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce n'est pas exactement cela !

M. Hervé Mariton. Je considère moi aussi que, dans la plupart des cas, le dossier médical sera complet et que, dans quelques cas très particuliers, il sera toujours possible à un patient d'engager un dialogue détendu avec son praticien s'il veut éviter que son dossier ne le suive dans son intégralité, je dirais  à la trace.

Il était important de préciser ce point, et le président de la commission spéciale l'a fort bien fait. En même temps, chacun peut le comprendre, il n'est pas possible d'inscrire dans la loi toutes les précautions qu'il a envisagées. Vous le disiez vous-même à l'instant, madame Génisson, tout ne peut être écrit. Il me semble donc que nous devrons faire preuve d'une vigilance de tous les instants au cours de l'élaboration des textes réglementaires et lors de la mise en œuvre de la réforme.

Au fond, la question est simple : avons-nous envie ou non qu'il se passe quelque chose  ? Depuis ce matin, on ne sait pas très bien quelle est l'attitude de l'opposition à ce sujet. Mes chers collègues, avez-vous envie de tout bloquer ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Mais non !

M. Hervé Mariton. Ecoutez, ce n'est pas très clair ! Peut-être l'auto-restriction que vous avez évoquée, madame Génisson, et les indications formulées par Yves Bur se rejoignent-elles autour d'un principe général ? Si nous comprenons les précautions que vous souhaitez prendre - certains détails sont importants dans un texte -, il n'en reste pas moins qu'une loi s'écrit en avançant.

M. Philippe Auberger et M. Richard Mallié. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous avons largement dépassé le cadre de ces amendements, ce qui nous permettra peut-être, si nous réussissons à nous mettre d'accord, de faire avancer les choses.

Je donne acte à M. le président de la commission spéciale de ses propos...

M. Claude Evin. C'est un très bon président !

M. Jean-Marie Le Guen. ...mais je pense néanmoins que tout cela doit être inscrit dans la loi.

Selon M. Bur, le plein remboursement présuppose que le médecin ait accès au dossier. Est-ce bien cela ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais il ajoute une chose très importante : la loi du 4 mars 2002, qui accorde au patient le droit d'inscrire ou de ne pas inscrire une information dans son dossier, s'applique après l'ouverture du droit à remboursement et ne le supprime donc pas. Or ce point très important n'est pas inscrit dans la loi, et nous sommes dans le flou le plus total !

M. Jean-Luc Préel. Cela se comprenait très bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez une curieuse conception du droit, monsieur Préel ! Rien n'existait à ce sujet dans le projet initial avant qu'un amendement ne vienne faire référence à la loi du 4 mars 2002. Il n'était donc pas évident que cette loi puisse s'appliquer sans être en contradiction avec l'ouverture du droit.

Nous avons un autre problème à résoudre. Monsieur le président de la commission spéciale, comprenez notre étonnement. Vous nous dites que nous perdons du temps et que le Gouvernement nous fera des propositions tout au long de la discussion afin de hiérarchiser l'accès au dossier. Présenté ainsi, c'est un bon dispositif. Mais par pitié, dites-nous dès maintenant si le Gouvernement va nous présenter des amendements tendant à instaurer ces différents niveaux d'accès. Si, pour certaines spécialités, dans certaines régions, l'accès peut ne pas être fixé au niveau maximal, je suis preneur. Mais, encore une fois, dites-le, cela nous évitera de vous interpeller sans cesse ! Présentez-nous les éventuels amendements du Gouvernement !

Je vous ai transmis par écrit six ou sept questions basiques. Si à ces questions simples nous recevons des réponses positives, nous en serons très heureux. Si les réponses sont négatives, nous le regretterons.

Pour le reste, sachez que la confiance du malade n'existe que grâce au secret médical ! On ne dit pas aux gens : « Faites confiance à votre médecin et il respectera vraisemblablement le secret médical. » On leur dit : « Le secret médical s'impose, c'est pourquoi vous pouvez avoir confiance. » Nous sommes dans la même logique. Vous devez d'abord sécuriser les informations inscrites au dossier médical pour créer la confiance. Ce n'est pas en faisant des discours politiques que le Gouvernement, la majorité ou même l'opposition gagneront la confiance de nos concitoyens, mais en leur apportant des garanties. Et c'est alors seulement que nous pourrons mettre en place un tel dispositif.

M. le président. Nous allons maintenant passer au vote.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, je m'étais inscrite, moi aussi !

M. le président. Madame Billard, nous avons décidé de donner la parole à un orateur pour répondre à la commission et à un autre orateur pour répondre au Gouvernement. Or, sur ces amendements, quatre orateurs se sont déjà exprimés.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2140 à 2151.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2128 à 2139.

Je vous indique, madame Billard, que si vous désirez intervenir sur ces amendements, je vous donnerai prioritairement la parole.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Ces amendements ont été rédigés dans le même esprit que les précédents. Ils visent en effet à assurer un accès effectif de tous les assurés sociaux aux soins et à ne subordonner le remboursement et l'accès aux soins qu'à deux conditions : le paiement des cotisations de sécurité sociale et le suivi des prescriptions du médecin. Or ce n'est pas tout à fait ce que propose l'article 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Elle a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il les rejette également.

Je voudrais apporter quelques précisions techniques en réponse à ce qui vient d'être dit.

Tout d'abord, le projet de loi prévoit différentes catégories d'informations et la mise en place de différents niveaux d'accès au dossier. Je vous donne lecture du texte que nous proposons pour l'article L. 161-47 du code de la sécurité sociale : « Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les conditions d'application de la présente section et notamment les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations qui figurent au dossier médical personnel. » Le Gouvernement, en concertation avec les professionnels de santé, réfléchira à l'application de ce principe.

J'ajoute que certaines catégories de professionnels de santé ont déjà saisi mon ministère d'importantes questions éthiques. Les psychiatres, notamment, évoquent un problème de confidentialité spécifique. Le Gouvernement fera donc droit à un amendement de la commission visant à associer le Conseil national de l'Ordre des médecins au décret qui sera pris pour l'application de l'article 2.

De même, le Gouvernement ne s'interdira pas, pour les questions les plus sensibles, de recourir à l'avis du Comité consultatif national d'éthique.

Ces précisions, extrêmement importantes, me paraissent répondre à toutes vos interrogations.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Ces précisions sont effectivement intéressantes, monsieur le ministre, mais j'aimerais que nous nous interrogions plus avant sur cette modulation de l'accès, qui a beaucoup d'importance pour nous et déterminera notre position vis-à-vis de cet article.

Vous nous dites que vous allez accepter l'amendement visant à associer à la réflexion l'Ordre des médecins et que vous n'êtes pas contre le fait d'y associer également le Comité consultatif national d'éthique. Pour ma part, je pense qu'il faut également y associer des représentants des associations d'usagers et de malades, parce qu'ils sont les premiers concernés. Dans la mesure où le dossier médical personnel est le dossier du patient, il est normal d'associer à cette réflexion des représentants d'associations de malades, selon les modalités en vigueur pour toutes les représentations. Je vous rappelle que les malades sont au cœur du problème !

À ceux de nos collègues qui voudraient que tout soit toujours accessible et qui prétendent, par exemple, que l'ophtalmologiste doit tout savoir, je dis attention ! ne faisons pas du dossier médical personnel un instrument qui casserait la relation entre le médecin et son patient et aboutirait à ce que le médecin n'instaure plus de dialogue avec son patient. Aujourd'hui, un ophtalmologiste demande toujours à son patient de l'informer de telle ou telle maladie qui pourrait avoir des conséquences sur ses yeux et ne croyons pas que nous pourrons régler tous les problèmes en lui ouvrant l'accès à l'ensemble du dossier médical. Nous risquons au contraire de briser la confiance qui existe entre le médecin et le patient, l'un des fondements de leur relation, et d'aboutir à une relation mécanique. Le médecin ne serait plus qu'un donneur de soins et ne pourrait plus aider le patient à se prendre lui-même en charge.

Je tenais à insister sur la possibilité d'une telle dérive. Il ne s'agit pas d'en faire mention dans le texte de loi, mais après avoir entendu certaines déclarations, j'avoue qu'elle me fait peur.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je suis obligé de réagir aux propos de Mme Billard. Autant Mme Génisson et M. Bur ont pu faire des observations pertinentes, autant elle ignore de quoi elle parle.

Mme Martine Billard. Parce que je ne suis pas médecin ?

M. Richard Mallié. Comme Mme Génisson l'a relevé avec raison, les patients eux-mêmes ne savent pas de quels éléments a besoin le praticien - je dis bien le praticien, et non le médecin.

M. Jean-Marie Le Guen. Arrêtez, c'est fini tout ça !

M. Richard Mallié. Peu importe qu'il s'agisse d'un ophtalmologiste, d'un chirurgien-dentiste, d'un médecin généraliste ou d'un cardiologue : souvent le patient n'est pas à même de faire la part des choses.

M. Jean-Marie Le Guen. Cela ne se passe plus comme ça maintenant !

M. Richard Mallié. Mais si, mon cher Le Guen, je pourrais vous en citer mille exemples : un stomatologue peut avoir besoin de connaître un cas de gingivite, un ophtalmologiste un cas de diabète, et tant d'autres. Qui peut déterminer dans ce cas ce qui doit être communiqué au praticien ? Il y a donc bien un vrai problème. Le ministre a répondu qu'un décret serait pris après avis de la CNIL. Je souhaite pour ma part qu'on avance sur ce dossier.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2128 à 2139.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. M. Sandrier m'a fait savoir que les amendements nos 2152 à 2163 avaient été défendus en même temps que les amendements nos 2140 à 2151.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2152 à 2163.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8184.

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour le soutenir.

Mme Catherine Génisson. Nous proposons d'insérer les mots « et dans le respect du secret médical ».

Nous sommes là au cœur du débat. Comme l'a dit M. Le Guen, la confiance est à la base du colloque singulier qui unit le patient à son médecin et elle se nourrit de l'existence du secret médical. Lui seul permet de préserver cette relation de toute atteinte, afin que patient et médecin puissent tout se dire, dans les limites de ce que souhaite révéler le patient à son médecin.

Voilà pourquoi il me semble fondamental que ce texte rappelle le principe du secret médical. Nous avons beaucoup parlé de la nécessité de sécuriser l'outil informatique afin de préserver la confidentialité. C'est là une nécessité incontestable, mais il ne faut pas oublier pour autant qu'au-dessus de tout il y a l'élément humain, et le secret médical qui en est l'expression juridique. Le rappel de ce principe absolu renforcera l'efficience du dossier médical personnel, en permettant au patient de faire à son médecin une confiance suffisante pour lui permettre d'alimenter son dossier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, considérant qu'il était satisfait.

M. Gérard Bapt. Satisfait par quoi ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Bapt, je m'adresse au président !

À titre personnel, je ne sais pas s'il s'agit d'une précision utile mais, à la place du ministre, je m'en remettrais à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Eh bien, sagesse.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le principe du secret médical est un principe absolu, et le fait de le rappeler à chaque paragraphe de la loi serait plutôt de nature à l'affaiblir.

M. Richard Mallié. Absolument !

M. Hervé Mariton. C'est justement parce que le respect du secret médical s'impose absolument qu'il n'est pas nécessaire de le mobiliser à chaque paragraphe.

Cet amendement me donne cependant l'occasion de livrer une réflexion qui me paraît importante. Comme le montrent nos débats, la création du dossier médical personnel met en relief l'importance du secret médical : il est clair que tout ce que nous sommes en train de construire ne pourra fonctionner que si le secret médical bénéficie d'un respect absolu, et si sa violation fait l'objet de sanctions renforcées. À cet instant où nous débattons de l'article 2, je pose la question de la cohérence de ce que nous votons. Chaque fois qu'on aura organisé un dispositif qui suppose le secret médical, bien plus qui repose sur lui, se posera nécessairement le problème de sa violation. C'est pourquoi il est nécessaire d'envisager à chaque fois les conditions de la constatation et de la sanction de cette violation, voire de se poser la question de l'aggravation de la sanction. Je ne suis pas sûr qu'on soit capable aujourd'hui de répondre à ces questions, mais on doit au moins s'interroger. Le fait que l'état actuel des sciences et des technologies autorise à notre société un tel mode d'organisation, le fait même qu'elle le juge bon, ne nous dispense pas de reconnaître que ce nouveau dispositif fait peser une plus grande responsabilité sur le respect du secret médical. Notre société doit donc bien s'interroger sur les conditions dans lesquelles elle sanctionnera la violation de ce principe.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8184, sur lequel l'Assemblée est invitée à se prononcer dans sa sagesse.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8154.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s'agit de rappeler que le dossier médical personnel est la propriété du patient.

M. Richard Mallié. Au prochain amendement, vous préciserez qu'il en a l'usufruit ?...

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, en renvoyant aux amendements à venir qui renforcent les garanties apportées au patient.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 28 de la commission spéciale.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8187.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le soutenir.

M. Gérard Bapt. Il s'agit de compléter le premier alinéa de l'article L.161-45 par les mots : « après avis des associations représentant les usagers ».

Cet amendement répond aux préoccupations que vient d'exposer Mme Billard. Nous parlons d'un dossier médical, dont nous affirmons qu'il sera la propriété personnelle du patient car, bien que notre amendement précédent ait été refusé, M. le rapporteur nous a indiqué que nous aurons à examiner des amendements dans ce sens. Il est donc essentiel que les associations représentant les usagers du système de santé soient associées à la définition de ce dossier médical.

Je renvoie une fois de plus au rapport du professeur Fieschi, pour dire qu'il ne s'agit pas de susciter une défiance par rapport au dossier médical personnel, mais au contraire de faire en sorte que toutes les conditions de sa réussite soient réunies. Or celle-ci dépend, certes, des médecins, mais aussi des usagers. On leur demande en effet un changement dans leur comportement et leur jugement, qui dépasse le strict problème de la gestion d'un dossier informatisé. Il s'agit d'un véritable changement sociétal, qui doit concilier les impératifs généraux de santé publique et les principes de liberté individuelle constitutionnellement garantis.

Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, l'intervention des associations me paraît essentielle dans cette affaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7800 rectifié du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le Gouvernement propose de compléter le premier alinéa de l'article L.161-45 par la phrase suivante : « Le dossier médical personnel comporte également un volet spécialement destiné à la prévention. »

Nous souhaitons en effet que le dossier médical personnel intègre la dimension de prévention. C'est une dimension indissociable de la finalité de cet outil qui vise à une amélioration sensible de la qualité des soins, et donc à une meilleure efficience du système de santé. Le dossier médical personnel doit être l'occasion de faire bénéficier chacune et chacun d'une véritable prévention dans le domaine sanitaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement a été adopté par la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, je ne comprends pas très bien le sens de cet amendement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Nous non plus !

M. Jean-Luc Préel. Je défends pourtant depuis longtemps - vous ne l'ignorez sans doute pas - la place de la prévention et de l'éducation à la santé.

Mais ce que vous proposez n'est rien de plus qu'une phrase, certes intéressante : donner une place à la prévention dans le dossier médical personnel, pourquoi pas ? Mais votre proposition renvoie encore une fois à la question de savoir ce qu'est ce dossier médical, et ce qui s'y trouvera. On sait qu'y figureront les données essentielles pour chaque patient, ses antécédents principaux, ses pathologies principales, les examens cliniques et biologiques et les traitements les plus importants. Mais prenons l'exemple d'un patient qui souffre d'une hypertension artérielle. Le dossier médical devra-t-il lui dire qu'il doit bien suivre son régime, veiller à faire du sport, moins boire et moins fumer ? De tels conseils ont-ils leur place dans le dossier médical ?

Voilà pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, quelques explications quant au sens de cette phrase.

M. Claude Evin. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis quelque peu étonné par votre question, monsieur Préel, mais je veux bien vous répondre.

Je prendrai un exemple simple : celui des vaccinations. Lorsqu'un patient consultera son dossier médical sur internet, il saura tout de suite quelle est la prévention des maladies infectieuses. Et je vous assure que sans vaccination...

M. Jean-Luc Préel. Il le saura de toute façon !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, monsieur Préel. Et je vous donne cet exemple, mais je pourrais en donner cent autres. Je vous demande donc, comme à tous ceux qui se soucient de la prévention, de ne pas voter contre cet amendement.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n'est pas une réponse !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Nous sommes surpris par la réponse de M. le ministre, et j'avoue pour ma part que je partage l'approche de M. Préel vis-à-vis de cet amendement.

Nous voudrions d'abord savoir quel champ couvrirait le « volet spécialement destiné à la prévention » : M. le ministre pourrait être plus précis à ce sujet.

On peut toujours faire de la littérature, mais cela ne dissimule en rien la gravité de ces dispositions. Non seulement l'article 2 prévoit que le patient devra abonder son dossier médical personnel d'un certain nombre de renseignements d'ordre diagnostique ou thérapeutique, mais il prévoit surtout que le patient qui ne se soumettra pas, complètement ou partiellement, à cette obligation sera sanctionné par une moindre prise en charge. Je ne vois vraiment pas comment ce principe se concilie avec la dimension de prévention du dossier médical personnel.

Quelles seront ensuite les modalités de cette prévention ? Qui en aura la charge ? Comment sera-t-elle reconnue ? Au-delà des vaccinations, quel en sera exactement le champ ? Surtout, y aura-t-il un lien entre le fait qu'un patient ait bénéficié d'une action de prévention et sa prise en charge pour les traitements ?

Car l'article 2, c'est quand même cela : faire en sorte que, si le dossier médical est incomplètement abondé de par la volonté du patient, celui-ci soit moins remboursé. On ne voit donc pas comment votre souhait d'intégrer ce volet spécialement destiné à la prévention au dossier médical personnel pourrait aller sans une volonté de sanctionner le patient qui n'accepterait pas cette prévention.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'observe d'abord qu'il est tout de même arrivé à la majorité de voter quelques amendements de l'opposition depuis trois ou quatre jours.

Pour répondre à M. Préel, j'ai pris comme exemple les vaccinations. Ce n'est pas rien, les vaccinations !

M. Jean-Luc Préel. Oh ! monsieur le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je prends un second exemple précis : le dépistage du cancer du sein. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Une femme atteignant l'âge de cinquante ans verra se mettre en place, sur son dossier médical personnel, une alerte concernant la possibilité qu'elle a de passer une mammographie. C'est important. Un dossier médical informatisé a des avantages et notamment celui-là : l'alerte. C'est une des dimensions de la prévention.

Que vous souhaitiez que l'on aille plus loin et que certaines modalités soient précisées ultérieurement, je peux le comprendre. Mais que nous n'arrivions pas à nous mettre d'accord pour qu'un volet prévention figure dans le dossier médical personnalisé informatisé m'étonne vraiment !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous n'allez pas apprécier ce que je vais vous dire : lorsque vous répondez sur le contenu du dossier médical, cela finit le plus souvent par devenir complètement flou !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La mammographie, c'est flou ?

Mme Martine Billard. Non, mais c'est un acte codifié qui figurera de toute façon dans le dossier médical !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mais non ! Là, nous parlons de la prévention !

Mme Martine Billard. S'agissant de la prévention, je vous fais remarquer qu'actuellement, ce sont les caisses d'assurance maladie qui convoquent les femmes concernées pour la mammographie ! Prévoyez-vous à terme que l'alerte se fasse par l'intermédiaire du médecin et non plus par l'intermédiaire des caisses ? Sinon, nous serons dans le flou le plus total : nous ne saurons plus qui gère quoi et qui inscrit quoi !

Vous parlez ensuite de consultations du DMP par internet. Mais combien de gens vont le faire, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le médecin !

Mme Martine Billard. Nous savons que toute une fraction de la population ne consultera pas par internet : la majeure partie des personnes âgées et les personnes pour lesquelles internet n'est pas familier !

On n'est pas dans l'hypothèse d'un carnet de santé papier où l'on peut tourner les pages et lire tout un chapitre sur la prévention - formule qui serait intéressante -, on est dans un système informatique ! Or si l'on met des données de prévention dans ce système informatique, non seulement il faut y inscrire l'obligation, mais le médecin devra imprimer l'information de prévention et la remettre au patient. Absolument ! Tous les patients ne vont pas aller consulter tous les jours leur dossier médical sur internet !

Par conséquent, soit vous prévoyez que l'information est stockée sur le dossier, mais qu'une impression papier est ensuite remise au patient, le tout étant précisé par décret, et dans ce cas-là, nous sommes d'accord. Soit votre amendement ne vous sert qu'à parler, et vous n'apportez rien de concret, c'est le moins qu'on puisse dire !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Bien évidemment, monsieur le ministre, nous ne pouvons qu'être favorables à la prévention et à la nécessité de sensibiliser nos concitoyens à ce problème.

Mais je reprends votre exemple. Cette femme de cinquante ans voit, à partir de son dossier, qu'il serait opportun pour elle de passer une mammographie. Elle ne la fait pas pour diverses raisons : elle peut ne pas avoir été informée, elle n'a pas trouvé un centre de dépistage proche de chez elle... Trois mois après, elle déclenche un cancer.

Eh bien, selon l'article 2, il est évident que si la personne n'a pas accédé à toutes les demandes nécessaires qui doivent figurer dans son dossier pour pouvoir être remboursée à 100 %, comme c'est le cas pour les cancers, si donc elle n'a pas passé sa mammographie de prévention, elle sera sanctionnée.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Bien sûr que non !

Mme Catherine Génisson. Vous répondez « Bien sûr que non ! », mais ce n'est pas du tout évident puisque l'article 2 contient le mécanisme du dossier médical personnel obligatoire et qu'étant obligatoire, si la personne ne se soumet pas à l'ensemble des obligations pour avoir un dossier médical personnel complet, elle sera remboursée de façon modulée.

Nous sommes au cœur du problème : il y a là un vrai sujet, même s'il n'est abordé qu'un peu plus loin dans l'article.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Evin. Monsieur le ministre, le problème de la sanction et des conséquences de l'inscription ou non des informations est effectivement traité un peu plus loin dans l'article et nous y reviendrons ultérieurement, mais ce que dit Mme Génisson est tout à fait fondé.

Sur le contenu même du dossier médical, M . le rapporteur et les membres de la majorité ont accusé l'opposition de déposer des amendements qui ne correspondaient à rien. Eh bien, monsieur le ministre, je serais tenté de vous dire que votre amendement ne fait en rien avancer le débat, car ce qu'il propose est déjà prévu. Et au cas où vous ne l'auriez pas vu, je peux vous indiquer où  !

L'article 2 dispose en effet : « Article L.161-45.- Afin de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins, chaque bénéficiaire de l'assurance maladie dispose [...] d'un dossier médical personnel constitué de l'ensemble des données mentionnées à cet article [...] dans les conditions et sous les garanties prévues à l'article L.1111-8 du code de la santé publique. »

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. A fortiori, votez l'amendement !

M. Claude Evin. Or l'article L.1111-8 du code de la santé publique énonce clairement : « Les professionnels de santé ou les établissements de santé ou la personne concernée peuvent déposer des données de santé à caractère personnel, recueillies ou produites à l'occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins. »

Par conséquent, monsieur le ministre, vous auriez pu vous abstenir de présenter cet amendement. Cela nous aurait fait gagner du temps car, je le répète, ce qu'il propose est déjà prévu  !

Quant aux sanctions, nous y reviendrons tout à l'heure : il y a en effet un vrai problème.

Mais je conclus : inutile d'en rajouter sur la prévention !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La prévention, ce n'est jamais inutile !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7800 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7615.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Autant le dossier médical personnel est important - et, malgré le débat sur son contenu, il n'y a pas de désaccord sur le principe même de sa création -, autant il doit selon nous s'inscrire dans une logique de mise en réseau.

Ce n'est pas le dossier médical en lui-même qui règle la coordination des soins, mais le fait qu'il s'inscrive dans un ensemble de pratiques de coordination des outils de santé publique, créant cette mise en réseau.

Le sens de cet amendement est donc de préciser que le dossier médical est conçu, non pas tout seul comme pièce centrale, mais « avec l'objectif de s'intégrer dans une logique de mise en réseau de l'ensemble des outils de santé publique ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Pour ce qui me concerne, j'en reste à une vision simple des choses.

M. Jean-Marie Le Guen. Très simple !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le dossier médical est personnel. Il peut contenir un volet de prévention.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il peut ou il doit ?

Mme Martine Billard. Il le « comporte », vous l'avez voté !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il s'agit en effet de l'amendement que nous venons de voter après les précisions pleines de bon sens apportées par M. Évin.

Il s'agit d'éléments qui concernent la prévention, mais à l'échelon individuel. La commission a donc rejeté l'amendement de Mme Billard, car elle ne souhaite pas que ces données individuelles cumulées tombent dans un système d'études de santé publique populationnelles, ce qui pourrait faire dévier le dossier médical de sa vocation initiale. Il faudrait en effet demander au patient s'il accepte que ces données soient transmises à tel ou tel réseau, ce qui, à mon avis, compliquerait singulièrement la mise en place du dossier et risquerait d'augmenter les craintes du patient vis-à-vis du maintien de la confidentialité et du secret médical.

Madame Billard, vous qui criez toujours à Big Brother et ses cousins, faites attention à ne pas voir arriver M. Big Durand dans cette affaire ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je crois qu'il y a un quiproquo sur le mot « intégrer » ! Mon idée n'était pas que toutes les données puissent être ensuite récupérées dans le cadre d'un système à la Big Brother !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est ce qui est écrit !

Mme Martine Billard. Tout dépend de la manière dont on comprend le mot « intégrer », monsieur le rapporteur. J'ai expliqué que le dossier médical faisait partie d'un ensemble de pratiques dans le cadre de réseaux de santé, et donc de mises en réseau. Autrement dit, quand je parle d'outils, je ne pense pas aux outils informatiques, mais à l'ensemble de notre système de soins.

Vous, vous avez compris « intégrer » et « outils » au sens informatique. Or dans mon amendement, je ne suis pas dans l'informatique, je suis dans la philosophie de la coordination et des réseaux de santé.

M. Richard Mallié. Oh !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7615.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8156.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Je soutiendrai en même temps cet amendement et les deux suivants.

M. le président. Je suis en effet saisi de deux autres amendements, nos 8157 et 8158, qui peuvent être soumis à une présentation commune.

Vous avez la parole, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ces amendements insistent sur l'idée que, contrairement à la politique que vous voulez mettre en œuvre, nous aurions souhaité que la mise en place du DMP traduise une politique progressive d'appropriation par des lieux ou des situations qui en justifient plus particulièrement l'application.

C'est pourquoi nous prévoyons dès 2006, dans le premier amendement, l'application aux enfants et, dans le deuxième, l'application aux affections de longue durée, lesquelles justifient, plus que d'autres, la mise en place du DMP. Enfin, dans le troisième, nous posons la question de la montée en charge du dispositif. Car tout cela est bien gentil, mais par quelle opération du Saint-Esprit les 60 millions de Français se retrouveront-ils, le 1er juillet 2007, dotés d'un dossier chargé qui deviendra opposable ?

M. Claude Évin. Le Saint-Esprit n'y suffira pas !

M. Jean-Marie Le Guen. Je le pense aussi.

Tout cela démontre le caractère incroyablement ambigu et précipité de ce texte qui n'est finalement qu'un dispositif d'affichage, d'ailleurs parfois dangereux. Il n'y a en effet aucune raison de penser que, le 1er juillet 2007, 60 millions de Français se retrouveront avec un dossier médical, sinon complet, du moins un minimum opérationnel, qui pourra être à la fois opposable en termes de santé publique, d'assurance maladie et d'histoire du malade.

Tout cela n'est même pas utopique : c'est complètement irréel ! Cet article 2 n'apporte rien, il n'est qu'un habillage en matière de présentation financière et de réforme du système de santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a bien compris que M. Le Guen se pose la question de la montée en charge progressive du dossier médical personnel.

Dans deux de ses amendements, on s'aperçoit d'ailleurs qu'il s'agit d'un dossier médical « partagé ». C'est une interprétation un peu spéciale et même une erreur dramatique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La commission a repoussé ces trois amendements pour une raison simple : ce qui compte, c'est que le dossier le plus simple possible soit généralisé le plus vite possible, et qu'il soit ensuite rempli étape par étape, au fur et à mesure des consultations du patient. Je ne crois pas qu'on puisse être rigide et imposer à tous les Français d'aller voir un médecin pour faire remplir ce document avec leur identité !

La commission a donc repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Une vraie question se pose : quelle est la stratégie de diffusion ? On conçoit bien que cela ne figure pas dans le texte de loi, mais il serait intéressant d'en débattre et d'écouter le ministre sur ce point.

Dans tous ses avis, la CNIL recommande des expérimentations. Il faut l'entendre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Non.

M. Jean Dionis du Séjour. Je crois que si !

La stratégie de diffusion doit-elle être expérimentée par région ? Vous-même, monsieur le rapporteur, en proposez une - c'est peut-être la bonne - qui consisterait à partir des données les plus simples et à étoffer au fur et à mesure le contenu du dossier.

Quelle stratégie prévoyez-vous, monsieur le ministre ? La réussite en dépend.

Mme Martine Billard.Très bonne question !

M. Gérard Bapt. Intervention judicieuse !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Nous nous posons la même question. Les trois amendements avancent des propositions concrètes pour la création du dossier médical personnel. L'amendement n° 8156 tend à ce que chaque enfant qui naîtra après le 1er janvier 2006 soit pourvu du dossier médical personnel, qui n'est d'ailleurs que le prolongement du carnet de santé. Il s'agit d'une proposition positive et pragmatique qui permettra d'entrer dans le vif du sujet et de voir quelles difficultés se présentent.

Comme le disait fort justement M. Le Guen, peut-on imaginer que l'ensemble des Français puissent disposer du dossier médical personnel au 1er juillet 2007 ? Demander que tous les assurés aient une consultation pour faire un bilan de santé avant cette date en facilitera la mise en œuvre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela fait soixante millions de consultations !

M. Jean-Marie Le Guen. Comment le mettrez-vous en œuvre, sinon ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Progressivement !

Mme Catherine Génisson. À un moment donné, il faut passer au concret. C'est ce que nous proposons.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Dionis du Séjour m'invite poliment à m'exprimer sur la généralisation du dossier médical et Mme Génisson m'interroge aussi sur ce sujet. Il y a deux écoles. Certains, comme le directeur de l'ANAES, préconisent d'inscrire déjà dans le dossier les données connues et de le compléter progressivement. D'autres sont favorables à une expérimentation dans cinq régions. Un débat est en cours. La loi n'est pas encore votée. La dernière solution présente l'avantage de procéder de façon exhaustive, mais elle reste une expérimentation. Je considère que l'on peut mener de front cette expérimentation régionale et, lorsqu'on disposera du logiciel adéquat, dire que toutes les primoconsultations doivent faire l'objet d'un dossier médical personnel. C'est ambitieux mais c'est la seule solution pour être prêt le 1er janvier 2007.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, nous venons d'apprendre avec intérêt qu'il y a une hésitation entre deux stratégies, ce qui est parfaitement légitime.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il n'y a pas d'hésitation, il y a débat !

M. Jean-Marie Le Guen. En revanche, il est moins légitime que nous examinions un article dont le contenu est différent. Vous nous dites qu'il y a une stratégie par région et une autre visant à ce que toutes les consultations donnent lieu à constitution d'un dossier pour que le système soit opérationnel au 1er janvier 2007. C'est bien ce que vous venez de nous dire, monsieur le ministre ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Poursuivez, je vous répondrai.

M. Jean-Marie Le Guen. En 2004, vous pensez donc que nous allons équiper tous les professionnels, sans parler des établissements, en douze mois, alors qu'ailleurs il a fallu sept à dix ans ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce sera un nouveau miracle de Lourdes !

M. Jean-Marie Le Guen. Je comprends la volonté politique de développer l'informatisation mais, malgré quelques réponses, nous n'en savons guère plus sur les conditions juridiques, les modalités pratiques, le calendrier ou les menaces de déremboursement. Comprenez que nous restions inquiets.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il faut arrêter ! Vous avez vraiment un problème avec le dossier médical !

M. Jean-Marie Le Guen. Avec votre dossier médical !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous n'avez pas eu cette idée, nous l'avons eue. Nous avons la volonté politique et nous vous le prouverons. Contrairement à vous, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de répondre à tout dans la loi. Monsieur Le Guen, si on en a la volonté politique, on peut parvenir au 1er janvier 2007 à faire un dossier médical pour toutes les primoconsultations. Vous n'y croyez pas ? Rendez-vous au 1er janvier 2007. Comme pour l'anticonstitutionnalité soutenue par M. Evin, nous verrons le moment venu qui avait raison.

Avançons. Je crois au dossier médical personnel parce que tous les médecins y croient.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La quasi-totalité des médecins français approuvent notre projet de dossier médical.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est inexact !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela vous ennuie mais vous êtes isolés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. C'est plutôt vous qui l'êtes, au lendemain d'une défaite électorale cuisante !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La plupart des syndicats médicaux sont pour.

M. Richard Mallié. Seul M. Le Guen ne l'est pas !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela permet de mieux coordonner les soins et de lutter plus efficacement contre les maladies iatrogènes. Un ancien ministre de la santé de M. Jospin dit ce soir dans Le Monde que nous avons raison. Ne perdons pas de temps. Nous y croyons. Vous pensez que nous ne serons pas prêts le 1er janvier 2007. C'est votre droit. Je soutiens le contraire.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, l'opposition vous répète depuis ce matin qu'elle n'est pas hostile à la mise en œuvre du dossier médical personnel...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. On ne s'en rend pas compte !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. On y croit de moins en moins !

Mme Martine Billard. ...mais qu'elle veut que la sécurité soit assurée et les principes de base respectés.

Le texte prévoit, à l'article L. 161-47, que « les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 161-46 du même code s'appliquent à compter du 1er juillet 2007 ». Il serait prudent de remplacer les mots : « du 1er juillet 2007 », par les mots : « d'une date précisée par décret ». Souvenez-vous, quand on a informatisé la CPAM de Paris, il y a eu dix-huit mois de retard dans les remboursements des patients...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Eh oui !

Mme Martine Billard. ...parce qu'on n'a pas eu le courage politique de reconnaître que le système n'était pas tout à fait prêt et de repousser de quelques mois sa mise en œuvre. En matière informatique, la précipitation ne sert à rien, elle est coûteuse et pose des problèmes de fonctionnement, donc cause des difficultés aux patients.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il faut savoir relever les défis !

Mme Martine Billard. Soyons prudents sur les délais. Il vaut mieux ajourner de six mois ou d'un an la mise en place du système. Pourquoi écrire dans la loi que le niveau de prise en charge des actes et prestations dépendra du dossier médical personnel si vous êtes incapable de mettre en œuvre ce dossier médical au 1er janvier 2007 ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cessez d'avoir peur !

Mme Martine Billard. Vous nous dites qu'il existe des possibilités d'expérimentation. C'est la bonne piste, car on ne peut compléter un logiciel du jour au lendemain. Il y a des problèmes de transcription des données. Les médecins et les membres des professions de santé devront-ils tout ressaisir ou y aura-t-il un système de conversion de données ? Selon la solution adoptée, le temps nécessaire sera très différent.

M. Jean-Marie Le Guen. La discussion est sans objet car ils n'en savent rien !

M. le président. Je mets successivement aux voix les amendements nos 8156, 8157 et 8158.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8171.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le soutenir.

M. Gérard Bapt. Je sens qu'on va nous reprocher de faire de l'obstruction...

M. Philippe Auberger. Mais non ! Faute avouée est à demi pardonnée !

M. le président. Je ne l'ai pas entendu dire, monsieur Bapt.

M. Gérard Bapt. ...et que nous sommes contre le dossier médical personnel.

M. Richard Mallié. Cela commence en effet à se sentir !

M. Gérard Bapt. Pas du tout. Les trois amendements que nous venons de proposer étaient constructifs.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Comme celui que vous défendez maintenant ?

M. Gérard Bapt. Tout à fait ! Je vais vous expliquer pourquoi. Votre remarque m'étonne d'ailleurs, monsieur le président de la commission spéciale...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je me permets de faire des remarques de bon sens !

M. Gérard Bapt. ...et me déçoit même. Jusqu'à présent, certaines de vos réponses nous avaient intéressés, mais vous glissez maintenant vers la dénonciation de l'obstruction.

Nous sommes persuadés qu'il faut généraliser le dossier médical personnel et nous vous proposons qu'il soit créé en lien avec le médecin traitant. Nous ne parlons pas de médecin « référent », alors que cela pourra être le cas, ni de médecin « pivot », alors que c'est une de nos propositions en matière de réforme de l'offre de soins. La confiance qui s'instaure dans le colloque singulier entre le médecin et le malade, évoqué par Mme Billard, la défense du secret médical et la création de ce dossier qui représentera un changement culturel important pour tous les acteurs, notamment pour les assurés, seront optimisées lorsque le médecin de famille, le médecin pivot, le médecin traitant ou le médecin référent en sera l'acteur principal.

Voilà donc une proposition très constructive. C'est un instrument permettant d'améliorer la qualité des soins pour aboutir au meilleur résultat possible pour le malade.

Je ne vois pas très bien, monsieur le rapporteur, en quoi le fait de proposer que le médecin traitant soit l'acteur principal dans l'établissement du dossier médical pourrait vous choquer, puisque vous avez particulièrement insisté sur le rôle du médecin traitant en commentant ce projet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement qui lui paraît tout à fait inutile. Monsieur Bapt, vous venez de dire que le médecin traitant devait être l'acteur principal du dossier. C'est, à l'évidence, l'acteur principal du dossier.

Mme Catherine Génisson. Cela va encore mieux en le disant !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les données seront partagées entre le médecin traitant, les médecins spécialistes et tous les professionnels de santé, éventuellement concernés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le ministre, si nous discutons depuis ce matin du dossier médical personnel, comme je l'ai fait lorsque j'ai défendu la motion de renvoi en commission, c'est parce que nous le considérons comme un outil essentiel de notre politique de santé. Mais, en tant que représentants de l'opposition comme en tant que membres de la commission spéciale - et je parle sous le contrôle de son président -, nous n'aurions pas fait aujourd'hui notre travail si nous n'avions pas exposé concrètement, à travers nos amendements, les difficultés majeures que pose en l'état votre projet de loi.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. On avait compris !

M. Alain Claeys. Il n'est pas faux de dire qu'il faut régler le difficile problème de la compatibilité entre ce dossier et la loi relative aux droits des malades.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Et c'est reparti !

M. Alain Claeys. En disant cela, nous ne faisons pas d'obstruction.

M. Richard Mallié. Arrêtez de le dire si c'est tellement évident !

M. Alain Claeys. Il faut trouver les bonnes solutions et je crois que le débat n'est pas médiocre.

De même, nous ne faisons pas d'obstruction en évoquant les problèmes juridiques, techniques et d'organisation de l'offre de santé qui se posent pour que ce dossier soit opérationnel au 1er janvier 2007.

Malheureusement, et je parle sous le contrôle de l'ensemble de mes collègues de l'Assemblée, nous n'avons pas trouvé de réponses à nos questions.

Monsieur le ministre, vous nous dites que la loi ne peut pas tout régler. Certes, mais je ne voudrais pas que demain, à cause d'une insuffisance de notre part ici, ce soit le juge qui règle ces questions à notre place.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet amendement est utile et il mérite mieux que le mépris.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je n'ai pas traité cet amendement avec mépris, j'ai répondu !

M. Alain Vidalies. Quand on lit l'ensemble du projet, on ne sait pas qui crée le dossier médical personnel. Ce n'est pas un mince problème. En effet, il n'est écrit nulle part que ce sera le médecin traitant. On fait référence à la création d'un dossier médical auprès d'un hébergeur, c'est tout. Mais je me trompe peut-être. Dès lors, il convient de nous montrer que cette précision figure ailleurs ou que tel article répond à notre préoccupation.

Cet amendement est utile car la réponse que vous donnez fera partie des travaux interprétatifs. Nous ne nous sommes pas posé la question par malignité. Le travail du législateur est aussi d'enrichir la loi. Les amendements ne méritent pas d'être traités ainsi.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Lisez Le Monde d'aujourd'hui ! « Il faut franchement avoir du temps à perdre pour s'attaquer à ce qui sera peut-être considéré comme la seule réforme positive de M. Raffarin » déclare M. Kouchner « Ce n'est là qu'une posture d'opposition », ajoute-t-il.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il ne dit pas que cela !

M. Alain Vidalies. Je vous laisse à vos satisfactions politiciennes pour revenir à d'autres préoccupations.

S'agissant de l'objectif du dossier médical, M. le ministre avait donné les trois dimensions en faisant lui-même référence à l'intégration dans le logiciel des références médicales obligatoires. Aujourd'hui, on nous dit le contraire. Nous prenons acte des avancées, mais je crois que nous sommes là au cœur du débat parlementaire.

En tout cas, j'attends une réponse sur l'inutilité d'un amendement qui précise que c'est le médecin traitant qui va créer le dossier médical.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8171.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8396.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. Il me paraît intéressant de préciser qu'en aucun cas le dossier médical ne pourra être consultable par des employeurs, organismes de protection sociale complémentaire et assureurs.

Il semble utile d'apporter une telle précision, pour répondre aux particuliers qui peuvent se poser des questions, pour éviter des conséquences en termes de carrière professionnelle et des discriminations en termes de cotisations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement est satisfait. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Préel a raison de vouloir préserver la confidentialité des données contenues dans le dossier médical personnel, et surtout éviter les pressions que pourraient subir les assurés les plus exposés, notamment ceux qui recherchent un emploi,ou veulent souscrire un contrat auprès d'un assureur complémentaire. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.

C'est tout le sens de l'amendement n° 33 de la commission spéciale. Il est donc préférable, me semble-t-il, de s'en tenir à la rédaction proposée par cet amendement.

Par ailleurs, les décrets en Conseil d'État pris pour l'application des articles L. 1110-4 et L. 1111-8 du code de la santé publique, tous deux issus de la loi relative aux droits des malades, à laquelle est fortement ancré le dossier médical personnel, viendront préciser notamment les dispositifs propres à garantir la confidentialité des données personnelles de santé transmises ou conservées sous forme électronique. La question que vous évoquez de la traçabilité des accès fait partie intégrante de cette problématique et sera donc réglée à ce niveau.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8396.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance.

M. le président. La suspension est de droit. Elle satisfera nombre de nos collègues !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement, n° 7552 rectifié.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement va dans le même sens que celui défendu par Gérard Bapt tout à l'heure. Vous répétez sans arrêt que le dossier médical personnel appartient au patient, tout en vous méfiant de lui. Ainsi, M. le ministre nous a indiqué qu'il accepterait l'amendement prévoyant d'associer l'ordre des médecins à la réflexion sur le dossier médical, mais il rejette systématiquement tous ceux qui visent à consulter les associations d'usagers et de malades.

Il y a deux poids, deux mesures. Les patients sont considérés comme des mineurs, passablement irresponsables, dont on voudrait faire le bonheur, au besoin contre leur gré, et surtout pas comme des adultes capables de réfléchir, et de faire des propositions par l'intermédiaire de leurs associations. Votre réponse, très rapide, m'a déçue, monsieur le ministre, d'autant que les associations d'usagers et de malades se plaignent d'avoir été très peu associées à l'élaboration de la réforme. Si l'on veut améliorer le système de santé, il serait paradoxal de ne pas consulter les patients, qui sont les premiers concernés.

Mon amendement a pour but d'associer les professions de santé et les malades et usagers du système de santé à la réflexion sur le dossier médical personnel. J'espère que vous me répondrez, monsieur le ministre, au lieu de vous contenter de balayer mon amendement d'un revers de main.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Encore une commission, spéciale qui plus est ! Comme la commission ad hoc créée par l'Assemblée pour examiner ce projet de loi ! Mais j'avoue ne pas comprendre à quoi celle-là servirait. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Répondez sur le fond !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Par ailleurs, une telle disposition relève tout au plus du décret ! Si telle est la volonté politique, il est inutile de passer par une commission spéciale.

Les usagers, vous avez raison, doivent être associés d'une façon ou d'une autre à la négociation. Mais on n'a pas cessé de le répéter au sein de notre commission spéciale, un collège d'usagers sera individualisé au sein des conférences nationale et régionales de santé, et il devra donner un avis sur tout ce qui concerne le projet de loi et la santé publique. Cette suggestion me paraît tout à fait sensée et appropriée.

La commission spéciale a donc repoussé l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Madame la députée, pour vous répondre sur le fond, le projet de loi apporte toutes les garanties nécessaires au respect des principes essentiels concernant la protection des droits des patients, notamment le secret médical ou le recueil du consentement du patient sur la consultation et la mise à jour du dossier. Conformément à l'article L.1111-8 du code de la santé publique et à son décret d'application, la CNIL contrôlera le respect des principes essentiels relatifs à la protection des personnes et de leur vie privée. Elle sera assistée par un comité technique de l'hébergement des données de santé mis en place par ce décret. Il ne paraît donc pas opportun de créer une commission spéciale, qui ne pourrait qu'empiéter sur les compétences de la CNIL.

De plus, les conditions de mise en œuvre spécifiques au dossier médical personnel seront précisées dans un décret pris en Conseil d'État. Ce texte sera pris après avis de la CNIL, et, conformément à un amendement adopté par votre commission, après avis des conseils de l'ordre des professions de santé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Si l'on veut entendre la douce voix de notre rapporteur, le mieux est encore de demander un rapport ou une commission.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ou une expérimentation !

M. Jean-Marie Le Guen. Cela seul peut le faire sortir de ses gonds.

Aux yeux de nos collègues de la majorité qui préféreraient aller de l'avant sans se poser plus de questions, et qui n'ont pas envie d'examiner dans le détail le « paquet » qui nous est proposé, le travail que nous faisons peut paraître fastidieux. Pourtant, nous nous sommes efforcés, depuis ce matin, de poser les vraies questions, quitte à le faire de manière répétitive...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Marie Le Guen. ...quand nous n'obtenions pas de véritable réponse, ce qui a été le cas, sauf sur deux ou trois points.

Votre autosatisfaction puise dans les soutiens dont vous vous targuez, mais qui sont invariablement démentis le lendemain, parce qu'ils ont été soutirés. J'ai ainsi en ma possession la lettre de plusieurs syndicats de médecins - la Fédération de médecins de France, le Syndicat des psychiatres français et nombre d'organisations de médecins hospitaliers - qui émettent plus que des réserves sur le projet. N'oublions pas non plus les nombreuses organisations syndicales et plusieurs associations de défense des droits de l'homme. J'ignore si vous en avez conscience, monsieur le ministre, mais le mécontentement est en train de grandir.

Nous aurions voulu un débat pour obtenir de votre part les réponses les plus précises possibles aux interrogations qui subsistaient, afin que chacun se sente rassuré. Mais, après plusieurs heures de débat, nous n'avons guère progressé. Nous avons le sentiment que l'article 2 que vous avez jeté en pâture vous tient lieu de politique de communication. La note de Bercy vous a reproché d'en avoir fait l'alibi quasi magique de votre plan d'économie. Aujourd'hui, vous êtes amené à revenir sur les principes et le chiffrage initialement annoncés, mais nous n'avons toujours pas de réponse à nos interrogations. En réalité, malgré vos nombreuses déclarations sur le dossier médical, même en y consacrant un article de loi, vous ne savez pas où vous allez, vous ne connaissez pas le cadre juridique dans lequel vous travaillerez et vous n'avez même fait les choix technologiques nécessaires. Bref, vous ne savez ni le pourquoi ni le comment. Comment s'étonner que, chaque fois que nous vous demandons des garanties, vous ne soyez pas à même de nous les fournir, étant donné que vous n'avez pas fait les choix que présupposerait cette délégation ? Nous étions dans le flou et nous y restons. Nous regrettons d'avoir perdu du temps - et le nôtre n'est pas moins précieux que le vôtre - à tenter en vain de donner des repères et d'apporter un minimum de sécurité juridique à la mise en place du dossier médical partagé, puisque les ambiguïtés, les doutes et les interrogations demeurent.

À la fin du débat, nous rappellerons avec force les exigences qui sont les nôtres en termes d'efficacité et de cohérence d'ensemble. En attendant, nous continuerons à défendre sur cet article des amendements de principe, mais nous renonçons à poursuivre nos interpellations, qui n'auraient plus grand sens faute de réponse sur les sujets essentiels. Nous continuerons à exercer notre vigilance et notre droit d'amendement, mais nous avons perdu l'espoir de dire avec vous aux Français que le dossier médical personnel est une solution d'avenir, qui correspond aux besoins et qui garantit leurs droits. À l'issue de cette discussion, nous sommes toujours dans l'incertitude et nous verrons bien, au fur et à mesure de l'avancement du débat, comment il nous faudra réagir.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, à la question sur la place des usagers et des malades dans la préparation du dossier médical partagé, vous me répondez : « commission technique, CNIL, ordre des médecins ». Autrement dit, je le répète, les usagers et les malades sont pour vous des mineurs qui n'ont pas leur mot à dire sur un dossier médical qui leur appartiendra pourtant et qui les concerne au premier chef ! Comme d'habitude, seuls les médecins auront le droit de savoir et de s'exprimer ; les malades, eux, n'ont qu'à se taire !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous dépassez les bornes !

Mme Martine Billard. Mais non ! C'est vous, en refusant systématiquement de considérer les patients comme des adultes capables de prendre en charge leur santé.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. N'utilisez pas les malades, madame Billard.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous les instrumentalisez à des fins politiciennes !

Mme Martine Billard. Les associations vous ont interrogé sur la place que vous leur feriez dans le projet. Et votre réponse, c'est qu'il n'y en a pas !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7552 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2164 à 2175.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Je souhaite préciser à M. le ministre qui, depuis l'ouverture de la séance, fait souvent référence à un ancien ministre de la santé - j'ignore pour quelle raison -...

M. Richard Mallié. C'est un hasard !

M. Jean-Claude Sandrier. ...que je suis insensible aux prises de position de ce dernier, lequel a souvent eu du mal à se situer dans la géographie politique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela fait mal ! Ça saigne !

M. Jean-Marie Rolland. De tels propos vont lui faire de la peine !

M. Jean-Claude Sandrier. C'est la simple vérité.

M. le président. Revenons, je vous prie, aux amendements en discussion.

M. Jean-Claude Sandrier. Au travers de ces amendements, nous souhaitons rappeler que l'information sur la santé des personnes devient un enjeu majeur de notre société, tant du point de vue de l'informatisation du système de santé que de celui de la valeur marchande que d'aucuns veulent lui conférer.

La question de la confidentialité, qui est inhérente à la relation entre le patient et son médecin, devrait être prégnante dans la pratique de toutes les professions du système de santé. Elle est une composante à nos yeux déterminante de la sécurité mise en œuvre pour les échanges électroniques d'information dans le domaine de la santé.

Le dossier de santé du patient a été défini comme « le pivot des échanges ». Il est ainsi devenu le point de cristallisation de maintes attentes et convoitises, mais également de bien des illusions.

En effet, l'émergence de ce concept a des conséquences sur la pratique comme sur l'information elle-même, car les qualificatifs utilisés reposent sur des présupposés en contradiction avec les réalités du domaine de la santé.

Sur le plan du droit, des contextes distincts coexistent. Le contenu du dossier du patient a été défini, pour les établissements de soins publics et privés, sur la base des documents ou des éléments devant figurer dans le dossier médical hospitalier et le dossier de suivi médical. Pour les médecins libéraux, il a été défini de façon moins précise.

Le dossier détenu par l'hôpital n'est pas la propriété du patient, mais de l'établissement hospitalier. Le consentement du patient à la levée du secret médical entre les médecins participant aux soins hospitaliers est présumé. Le dossier gardé par le médecin libéral n'est pas la propriété du médecin et il est couvert par le secret médical.

Sur le plan de l'informatisation, la réalité est parfois contraire aux principes techniques et aux technologies. Dans la pratique, les documents sont émis pour chaque patient par différents professionnels et constituent des ensembles d'informations élaborées à partir d'un recueil de connaissances médicales prérequises ou d'un examen clinique.

Il s'agit, de fait, d'un ensemble d'événements de santé qui correspondent à des moments de la vie du patient, ce qui valide l'analogie avec des images figées dans le temps qui donnent à voir une image partielle et partiale de la personne.

De plus, en raison de leur technicité et de leur spécialisation, ces informations sont de natures multiples : radiographies, signaux électriques, faits cliniques objectifs, considérations subjectives et notes personnelles du professionnel de santé.

Une telle variété d'expressions et de formes génère une hétérogénéité d'ordre sémantique qui appelle la plus grande prudence quant à son utilisation de façon automatisée, de sorte que la médiation humaine reste nécessaire pour son utilisation.

La validité de ces informations n'est pas universelle, puisque la même donnée peut être valide pour une décision et non valide pour une autre. Il convient de ne pas accorder une confiance excessive à l'information mémorisée lors des prises de décision et de s'interroger sur sa pertinence dans le temps. Il convient donc de rester vigilant pour que le double informationnel du patient ne se substitue pas au patient lui-même !

En outre, la dématérialisation des documents a mis en lumière des problèmes techniques posés par la complexité des documents - documents électroniques codés dans différents formats ou informations de nature factuelle, souvent numériques, et textuelle - que seule la standardisation résoudra.

De tels enjeux exigent de garantir le service hébergeur. Il convient de le rendre intègre et inviolable. La rédaction actuelle du texte n'apporte aucune de ces garanties.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer longuement les questions que vous venez d'aborder, monsieur Sandrier. De plus, l'exposé sommaire des amendements ne correspond pas aux propos que vous avez tenus.

Néanmoins, ces derniers comportent un important élément de réflexion, s'agissant des notes personnelles du professionnel de santé. Elles sont au cœur du problème de la confidentialité. La loi Kouchner les traite à part. Elles doivent rester personnelles, et le professionnel n'a pas à les faire figurer systématiquement dans le dossier, de peur que le patient ne connaisse de sérieux problèmes de confidentialité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2164 à 2175.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 29 et 2176 à 2187.

Monsieur le rapporteur, je vous propose de laisser M. Sandrier les défendre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Très volontiers, monsieur le président.

M. Jean-Claude Sandrier. C'est un bien grand honneur !

M. le président. Vous laisser les défendre part d'un bon sentiment de la part de M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Sandrier. Je me contenterai donc de préciser qu'il s'agit de simples amendements rédactionnels.

M. le président. L'avis de la commission est favorable puisque le rapporteur a signé un des amendements identiques, le n° 29.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Oui, monsieur le président. Je tiens néanmoins à préciser que ces amendements rédactionnels ont été adoptés par l'ensemble de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 29 et 2176 à 2187.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8173.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement vise à garantir l'application de la loi sur les droits des malades. Compte tenu des débats de ce matin, je pense que cet amendement sera adopté sans soulever d'opposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

Cet amendement est déjà satisfait par un amendement de M. Évin, adopté par la commission, et qui fait référence, comme son auteur l'a rappelé, à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement pose une question importante.

Je souhaite rapporter le dialogue que j'ai eu avec des interlocuteurs américains à ce sujet. Ils nous ont conseillé d'adopter la plus extrême prudence quant à la notion de propriété du dossier médical personnel. Selon eux, le parti que nous nous apprêtons à prendre n'est pas sans risque. Le fait d'être propriétaire d'informations implique le droit d'accès à l'information - la visualisation -, ainsi que le droit de modification et celui de suppression de l'information.

Ces droits sont certes contenus implicitement ou explicitement dans la loi Kouchner,...

M. Jean-Marie Le Guen. Explicitement.

M. Jean Dionis du Séjour. ... mais le risque que le malade vide son dossier d'une part importante de son contenu médical est réel.

Ainsi, une divergence pourrait naître entre patients et médecins : d'un côté, des dossiers épurés seraient souhaités par les patients pour des raisons personnelles et, de l'autre, des dossiers complets seraient souhaités par les médecins.

Il convient donc ne pas se laisser piéger par le mot « propriété ». C'est la raison pour laquelle je remercie M. Le Guen d'avoir posé les termes du débat. La notion de propriété connaîtra nécessairement des limitations : des amendements seront examinés, notamment l'amendement n° 33, qui limitera le droit d'accès. Ainsi, la visualisation sera interdite aux assureurs et aux employeurs. Le droit de cession marchande d'une partie du dossier médical personnel sera également interdit. Il ne s'agit donc pas d'un droit de propriété au sens fort du terme.

L'approche américaine est fondée sur des « privilèges ». En matière de visualisation il convient, selon eux, de donner un privilège complet au patient. En revanche, en matière de suppression et de modification dans le dossier, les privilèges doivent être partagés et communs au patient et à un représentant de l'institution médicale. Aucune suppression ne doit pouvoir être effectuée sans le double accord du patient et de l'institution médicale. Tels sont, à mon sens, les termes du débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Notre collègue Dionis du Séjour pose la question que nous nous sommes efforcés de traiter durant toute la journée, mais au cœur de laquelle nous n'avons pas pu entrer. D'un côté, le projet de loi propose d'instaurer une obligation et, de l'autre, il existe un droit acquis des malades relatif à tous les éléments que vous avez rappelés.

M. Jean Dionis du Séjour. L'accès, la modification et la suppression.

M. Jean-Marie Le Guen. Ces deux points de vue, comme l'huile et l'eau, sont difficilement miscibles. La question, quoi qu'on dise, demeure en France d'ordre culturel. Notre culture n'est pas la culture d'inspiration utilitariste, qui est traditionnellement celle des Anglo-Saxons et sur laquelle ils fondent leur politique de santé publique. Leur politique est, pour cette raison, plus forte mais plus coercitive que la nôtre. Nos réflexes culturels sont différents. Alors que, sur de nombreux sujets, nous faisons volontiers appel à l'État, en l'occurrence, ayant le souci de protéger notre vie privée, nous souhaitons conserver par rapport à l'État une distance beaucoup plus importante que les citoyens des pays anglo-saxons, dont les réflexes culturels reposent de façon simple et directe sur l'utilitarisme philosophique.

C'est la raison pour laquelle tout dispositif qui n'offrira pas de garantie et qui sera centralisé et autoritaire ne sera pas accepté des Français. Vous savez très bien, monsieur le ministre, que personne ne conteste la nécessité d'appliquer la loi sur les droits des malades et que cette loi, en fonction de son application, peut rendre inefficace une bonne part du dossier médical personnel.

Si nous voulons véritablement mettre en place le DMP, il ne convient pas de le faire de façon centralisée, autoritaire et pénalisante. Il ne peut l'être que de façon incitative, décentralisée et contractuelle. C'est dans un tel cadre que pourrait s'établir la confiance qui, seule, permettrait d'aller vers les évolutions que vous appelez de vos vœux et de combler la distance que le médecin ou le citoyen français mettent spontanément entre eux et l'appareil central.

Parce que le Gouvernement a besoin d'un « truc » qui montre qu'il a des solutions et qu'il fait 3,5 milliards d'euros d'économies, il agit sur le système de santé dans la précipitation. Ce n'est pas la bonne méthode. Depuis le début, nous essayons de faire la démonstration que le DMP doit s'inscrire dans une logique contractuelle, décentralisée et incitative.

Au point où nous en sommes, nous n'avons pas le sentiment d'avoir été entendus ni d'avoir en face de nous un gouvernement qui mesure réellement les difficultés à la fois techniques et philosophiques que le pose le DMP. Votre argumentation, monsieur le ministre, ne prend pas en compte les véritables difficultés qui nous attendent.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai une question à vous poser, monsieur Le Guen.

M. Dionis du Séjour, se fondant sur l'expérience américaine, préconise clairement un dossier médical personnel nécessitant une codécision du malade et du médecin en cas de suppression d'une donnée médicale. Monsieur Le Guen, êtes-vous favorable à une telle solution ? Répondez, je vous prie, par oui ou par non.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est décidément difficile de se faire comprendre !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je n'ai aucune leçon à recevoir. Je vous pose simplement une question. Je pourrais ne pas vous la poser.

M. Jean-Marie Le Guen. Je vous réponds, monsieur le ministre.

Dans le cadre de la procédure centralisée que votre projet de loi met en place, ma réponse est non. Dans le cadre d'une procédure décentralisée, contractuelle et non obligatoire, ma réponse est oui.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous tenons à alerter le Gouvernement et la représentation nationale.

Je voterai contre cet amendement car il n'est pas possible d'engager l'Assemblée sur un droit de propriété - au sens fort du terme - qui serait conféré au malade. Ce serait aboutir à une impasse, notamment en cas de suppression et de modification unilatérale de la part du patient.

Je le dis avec solennité, parce que cela nous a été affirmé avec force aux États-Unis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos  604 à 615.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. La garantie de la confidentialité des données du DMP est une priorité, et la sécurisation de ses accès une nécessité.

Pour le patient, la confidentialité est une contrepartie attendue de la confiance qui s'établit dans le colloque singulier avec le médecin. Pour un médecin, préserver la confidentialité des données médicales personnelles est une obligation d'ordre déontologique et légal.

La confidentialité est une composante de la sécurité, tout comme l'intégrité et la disponibilité des informations. Elle est alors définie comme la propriété qui assure que seuls les utilisateurs habilités dans les conditions normalement prévues ont accès aux informations.

La définition d'une politique de confidentialité impose de traduire par des règles stables qui a le droit d'accéder à quelles informations, au sujet de qui, quand, éventuellement sous quelles conditions, par exemple le consentement du patient, et selon quelles modalités.

Il est difficile de définir a priori des règles fiables de partage des informations de santé. En effet, comment modéliser l'équivalent du jugement ad hoc qui conduit le médecin, dans chaque situation, à transmettre ou non l'information sous la forme appropriée ?

Face à une situation concrète, la décision est bien souvent simple à prendre pour le médecin. L'échange d'informations entre professionnels de santé se fait généralement sur la base d'une demande précise, pour une circonstance précise, et il prend en compte la nécessité de continuer les soins tout en respectant la volonté du patient.

L'importance du jugement ad hoc du médecin et l'existence des conflits d'intérêts que le patient peut avoir à gérer font que l'accès à l'information médicale doit relever d'un jugement humain selon la situation d'utilisation.

En principe, les règles de confidentialité reposent sur les éléments suivants : l'identité du demandeur, l'identité du patient, l'organisation dans laquelle a eu lieu la séquence de soins, la nature des informations demandées. La modalité de constitution de la règle repose essentiellement sur la finalité qui justifie l'accès à l'information. Par exemple, lorsque la finalité a été la production de soins, le secret médical a été partagé dans l'intérêt du patient entre les professionnels qui y participaient.

Pour cela, il est impératif d'interdire l'accès du dossier aux personnes ou organismes autres que ceux prévus par l'article. En effet, la sécurisation et la confidentialité des données devront être garanties pour éviter que ce dossier soit connu des mutuelles ou assurances qui en profiteraient pour moduler leurs prestations, ou encore de l'employeur qui en profiterait pour juger de l'employabilité de son salarié.

C'est pourquoi nous proposons que les données de santé ne soient connues que des professionnels de santé habilités à avoir accès au dossier médical personnel et du titulaire du dossier ou de son représentant légal. Tout accès ou toute utilisation du dossier par une personne ou un organisme autre que les professionnels de santé ou le titulaire ou son représentant légal et à d'autres fins que celles prévues au présent article et à l'article L. 161-45 du code de la sécurité sociale est puni d'une amende de 150 000 euros et le cas échéant de sanctions pénales pour violation du secret médical et atteinte à la vie privée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable, dans la mesure où elle a adopté un amendement n° 33, qui est équivalent.

Je vous propose, monsieur Sandrier, de retirer votre amendement et de cosigner l'amendement de la commission, qui précise bien que le dossier médical personnel ne doit pas parvenir entre les mains des assureurs complémentaires ou des médecins du travail au moment d'une embauche.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Monsieur Sandrier, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Claude Sandrier. Puisque ces deux amendements sont équivalents, je propose qu'on adopte le nôtre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le vôtre a été repoussé par la commission.

M. Jean-Claude Sandrier. Parce que c'était un amendement du groupe communiste ? Ou parce que c'était le même que le vôtre ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Notre amendement est beaucoup plus précis ; il évoque expressément le cas des assureurs privés, pas le vôtre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je peux témoigner, monsieur Sandrier, que plusieurs amendements, après avoir été présentés par le groupe communiste, ont été repris.

M. Jean-Claude Sandrier. Je maintiens néanmoins ces amendements, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 604 à 615.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8177.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement de précision technique vise la situation suivante : le médecin dit à son malade que, pour prendre sa décision, il souhaite lui faire faire une radio de la colonne vertébrale. Le malade lui répond qu'on lui en a déjà fait une il y a six mois, et que ce n'est donc pas nécessaire. Qui va l'emporter ? Le médecin ? A moins que le dossier médical ne lui soit opposable...

Par cet amendement, nous souhaitons préciser que, même en présence de certains éléments, c'est tout de même le médecin qui décidera s'il faut refaire tel ou tel examen.

En l'absence d'une telle précision, on peut s'attendre à un énorme contentieux, le législateur se défaussant sur le juge, qui sera alors amené à arbitrer pour apprécier d'éventuelles responsabilités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, en s'appuyant sur le texte même de l'amendement. Pourquoi ne pas préciser dans la loi, par exemple, quand il faut faire une radio pulmonaire ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8177.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même position que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8237.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. A l'UDF, nous sommes très favorables au principe du dossier médical personnel, surtout s'il a pour finalité d'améliorer la qualité des soins.

Sa mise en œuvre sera cependant longue, difficile et sans doute onéreuse. Il faudra notamment convaincre les professionnels de santé, pour lesquels elle ne sera pas simple, comme je l'ai fait remarquer lors de mon intervention sur l'article 2.

M. Jean-Marie Le Guen. Très juste !

M. Jean-Luc Préel. Dans l'attente de la mise en place du dossier médical personnel, qui prendra un certain temps, nous avons envisagé dans cet amendement un dispositif transitoire permettant le partage et l'accès immédiat, via la carte électronique Vitale, des informations disponibles sur le réseau officinal et sur ceux des autres réseaux professionnels selon leur degré d'informatisation.

Aujourd'hui, toutes les pharmacies sont connectées au réseau informatique, elles utilisent la carte Vitale, ce qui est une première concrétisation du dossier médical personnel.

Il vous est donc proposé d'adapter les règles d'accès afin de tirer le meilleur bénéfice des informations déjà disponibles au moment de la délivrance du médicament, dans un souci de rationalisation et de prévention pour éviter des complications, iatrogènes notamment.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. A titre personnel, il me semble qu'il n'a pas sa place à l'article 2, mais plutôt à l'article 12, ce qui me conduit à émettre un avis défavorable. Il conviendrait qu'on en reparle au moment de l'examen de cet article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Certes, cet amendement aurait davantage sa place à l'article 12. Mais il pose aussi une question de fond : faut-il prévoir dans ce texte des dispositions transitoires ? Car le DMP sera très progressivement mis en place, dès 2005, avant de s'appliquer sur tout le territoire en 2007.

Pourquoi risquer une confusion des genres ? Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Si j'ai bien compris, le rapporteur aurait émis un avis favorable à mon amendement s'il avait porté sur l'article 12. Mais je ne vois pas comment l'y transférer ou comment l'y redéposer.

Nous sommes un certain nombre à penser que le dossier médical personnel aura du mal à être mis en œuvre sur l'ensemble du territoire en 2007. Tout à l'heure, le ministre nous a répondu qu'on procéderait sans doute à des expérimentations dans certaines régions. Les pharmacies travaillent déjà avec la carte Sésame Vitale et le réseau fonctionne correctement.

Il me paraîtrait raisonnable d'accepter le principe de cet amendement, qui assurerait une mise en œuvre progressive du dossier médical.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8159.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le soutenir.

M. Gérard Bapt. L'objet de cet amendement est de rendre interopérables les différents réseaux hospitaliers qui fonctionnent à l'heure actuelle en intranet.

Ce n'est pas facile. La preuve : si on peut parfois fonctionner en intranet dans le cadre de la discussion parlementaire à l'intérieur d'un même groupe, ce n'est pas le cas pour la discussion entre groupes.

Il en est de même s'agissant du partage des informations médicales entre centres hospitaliers, publics entre eux, publics et privés, ou privés entre eux.

Rendre les réseaux hospitaliers interopérables avant la fin 2006 est un objectif qui nous semble raisonnable. C'est également pour nous une première étape indispensable. Nous souhaitons faire du DMP un instrument de travail du milieu hospitalier, un véritable outil informatisé permettant l'organisation des réseaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, considérant qu'il relève du principe, et que son application relève du décret.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même position.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8159.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 8181, 8182 et 8183, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour les soutenir.

M. Gérard Bapt. Pour nous, le dossier médical personnel est un outil extrêmement important d'amélioration de la qualité des soins. Le mettre en œuvre dans la précipitation pourrait aboutir à l'effet inverse. Ainsi, Mme Billard nous a rappelé le bug à la CPAM de Paris, qui a entraîné des retards de remboursement pour de nombreux assurés. On nous a parlé aussi de celui qui a affecté le système de repérage des poids lourds dans l'espace européen. Je me souviens encore des problèmes de Socrate, le système de réservation de la SNCF, qui était pourtant calqué sur un réseau qui fonctionnait déjà pour le trafic aérien.

Le DMP, contrairement à ce que prétend M. le rapporteur, nous ne le stigmatisons pas, nous ne voulons pas y faire obstruction. Nous voulons lui donner toutes ses chances de succès. C'est pourquoi nous proposons de le soumettre à expérimentation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les trois amendements ont en commun de demander une phase d'expérimentation sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de répondre à M. Bapt. Quant aux dates proposées, nous avons déjà dit ce que nous pensions de votre conception de la mise en œuvre du dossier médical personnel. Comme vous, je souhaite qu'il soit simple, précis et efficace. Mais il n'est pas question d'en préciser les dates d'application dans la loi. Vous en proposez trois. Pourquoi pas quatre ou huit ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. S'il s'agit réellement de proposer une expérimentation, elle aura lieu dès le 1er janvier 2005. Si l'objet de l'amendement est davantage de retarder la mise en place effective du dossier médical personnel, vous comprendrez, monsieur le député, que le Gouvernement ne puisse y réserver une suite favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. En insistant sur la nécessité d'expérimenter, nous sommes tout à fait en phase avec M. le secrétaire d'État, qui a indiqué envisager une expérimentation dans cinq régions. Nous sommes parfaitement dans la même logique que lui.

Mme Martine Billard. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 8372 et 8373, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l'amendement n° 8372.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cet amendement a pour objectif d'éviter au dossier médical partagé de connaître les manœuvres de retardement dont a fait l'objet la carte Sésame Vitale. Il dispose que l'utilisation du dossier médical doit constituer l'une des conditions d'adhésion aux conventions nationales qui seront signées. L'enrichissement et la consultation du dossier médical partagé devront être présentés aux professionnels de santé non pas comme une contrainte, mais comme une démarche d'amélioration de la qualité des soins à laquelle ils seront associés. Il est indispensable que tout praticien conventionné participe activement et rapidement à la mise en œuvre du dossier médical personnel pour permettre une meilleure coordination des soins, dont les patients et l'assurance maladie tireront le plus grand profit.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8373.

M. Jean-Marie Le Guen. Notre amendement étant assez semblable, je suis d'accord avec l'argumentation de M. Bur, laquelle est très éclairante. Il dit que pour éviter les atermoiements qu'a eu à subir la carte Vitale, l'obligation d'utilisation du DMP par les praticiens doit figurer dans la loi et ne pas être soumise à convention. Or tout ce qui, dans le texte, concerne la régulation médicalisée est renvoyé à la convention, y compris les problèmes de formation médicale continue ou d'évaluation.

Je suis frappé par la force de la démonstration du président de la commission spéciale. Ce qui m'inquiète, c'est que la mise en place du DMP est le seul volet que l'État puisse opposer aux professions de santé comme non soumis à négociation conventionnelle. Pourtant, la qualité des soins, l'évaluation, la formation médicale continue ou la restructuration de notre offre de soins le mériteraient aussi. Le DMP ne doit, certes, pas être pris en otage dans la discussion conventionnelle, où se sont enlisées trop d'innovations et de garanties de qualité. Mais nous aurons d'autres occasions d'utiliser cette argumentation très juste de M. Bur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a accepté les deux amendements. Mais je préfère celui de M. Bur, qui parle de « mise à jour » plutôt que « d'enrichissement » du dossier médical. Ce dernier terme a une connotation quelque peu choquante s'agissant d'un tel texte.

M. Pierre-Louis Fagniez. Trop capitaliste ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement et vous associer à celui de M. Bur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je me rallie à la proposition de M. le rapporteur. Ces amendements vont dans le bon sens, mais le Gouvernement souhaite préciser par un sous-amendement que ces dispositions seront applicables à compter du 1er janvier 2007, pour une mise en œuvre sereine et efficace.

M. le président. Je suis, en effet, saisi d'un sous-amendement n° 8441 du Gouvernement, ainsi rédigé :

« Au II du texte proposé pour l'article L. 161-45, ajouter un second alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 161-45 sont applicables à compter du 1er janvier 2007 ».

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8441.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8372, modifié par le sous-amendement n° 8441.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 8373 tombe.

Je suis saisi de quinze amendements identiques, n°s 8052 à 8066.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cet amendement a pour objet de préciser la nature des informations que le médecin traitant doit donner au patient au moment de la création du dossier médical, notamment les droits qui lui sont reconnus par la loi informatique et libertés et par la loi sur les droits des malades. Cette information devra également être affichée en permanence dans le cabinet.

Avant que M. le rapporteur n'écarte cette proposition en quelques mots, je veux dire que cet amendement est inspiré mot pour mot de l'avis collectif de la CNIL.

M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas beau de copier !

M. Alain Vidalies. Vous pouvez penser que l'Assemblée peut ignorer - et c'est son droit - la délibération de la CNIL. Mais si vous suivez son avis, il faut inscrire dans cette loi les obligations en matière d'information prévues dans la loi informatique et libertés de 1978 et dans la loi sur les droits des malades.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Nous sommes sensibles à l'avis de la CNIL, mais celle-ci ne savait pas que la commission travaillait assidûment sur la question, ni que M. Evin déposerait un amendement n° 7828, qui serait adopté.

M. Alain Vidalies. Ce que dit la CNIL, vous n'en avez que faire ! Vous dites toujours non avec des arguments incompréhensibles !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement de M. Evin, vous l'avez bien accepté. Il fait le lien avec la seule loi qui compte dans ce domaine : celle de mars 2002 sur les droits des malades. Avis défavorable à cet amendement, qui est satisfait par celui de M. Evin.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ce que nous cherchons, c'est la réussite du dossier médical personnel. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Quel culot !

M. Gérard Bapt. Vous nous reprochez d'être contre, de le stigmatiser, de vouloir retarder sa mise en œuvre.

M. Richard Mallié. N'est-ce pas ce que nous devions comprendre ?

M. Gérard Bapt. Nous sommes inquiets, car vous ne considérez pas comme une condition de sa réussite l'association à sa mise en œuvre des usagers et des patients. C'est pourquoi, à plusieurs reprises, Mme Billard et moi-même avons présenté des amendements en ce sens.

De même, pour rétablir la confiance, il faut absolument que le patient reçoive du médecin l'information la plus précise possible, selon les critères définis par la CNIL. C'est pourquoi nous proposons d'inscrire cette obligation dans la loi, en plus de l'amendement de M. Evin, qui, certes, fait référence à la loi sur les droits des malades, mais ne traite pas cet aspect particulier de l'information préalable à la consultation.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 8052 à 8066.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2188 à 2199.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous souhaitons insister sur un point fondamental. La réflexion engagée sur les nouvelles perspectives qu'offrent les technologies de l'information et de la communication en matière de santé montre la complexité et les contradictions des dispositifs à mettre en œuvre pour s'assurer que ces progrès ne se traduiront pas par une atteinte aux droits des personnes.

Un effort considérable de formation doit être au préalable accompli dans les domaines informatique, juridique et médical en direction de l'ensemble des acteurs du système de soins - patients et professionnels de santé - c'est-à-dire, en fait, de toute la population. Mais, une fois encore, les inégalités socioculturelles risquent de peser de façon significative sur l'exercice de ces nouveaux droits et de ces nouvelles responsabilités. Il est à souligner, par exemple, qu'en médecine libérale, la sécurisation du stockage et de la transmission des données médicales sera de la responsabilité du professionnel de santé, alors qu'il n'aura généralement pas les moyens ni théoriques ni pratiques de l'exercer.

En outre, la mise en œuvre du dossier médical informatisé dans le respect de l'ensemble des principes évoqués risque d'être difficile à réaliser dans le cadre de la consultation médicale, nécessairement limitée en temps, ce qui peut ouvrir la voie à de dangereux contournements de procédure mettant en péril le secret médical.

Ces contraintes et difficultés sont à mettre en regard des faibles bénéfices qu'apporteront, en termes de qualité de l'information, l'instauration du « dossier de santé informatisé communicant » et les fortes tentations de le généraliser.

En dépit des interventions du Gouvernement et des amendements proposés par la commission, les risques demeurent. C'est pourquoi nous proposons de supprimer le texte proposé pour l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis que la commission, d'autant que ces amendements sont exactement les mêmes que les amendements n°s 2068 à 2079 que nous avons déjà examinés.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 2188 à 2199.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7501.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. D'après ce que j'ai compris, lorsqu'un patient refuse l'accès à son dossier médical personnel aux professionnels de santé, il est prévu un moindre remboursement. J'aimerais avoir des éclaircissements à ce sujet. Peut-il y avoir suppression totale de remboursement ? Pour éviter cela, l'amendement n° 7501 propose que la limite de réduction du niveau de prise en charge soit fixée à un certain pourcentage de celui normalement prévu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement pour deux raisons. Premièrement, sa rédaction est très proche de celle du projet de loi. Deuxièmement, le pourcentage relève du décret.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Rejet également. L'amendement n'apporte aucun élément de nature à améliorer le dispositif proposé par le Gouvernement, d'autant que nous avons adopté un amendement précisant que le médecin est tenu d'indiquer s'il a eu ou non accès au dossier médical personnel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Ce que j'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'État, c'est si, en cas de refus, il y aura un moindre remboursement ou une suppression pure et simple du remboursement.

Mme Martine Billard. En effet, ce n'est pas la même chose !

M. Claude Évin. Comme le niveau de prise en charge sera modulé, il pourra varier de 0 à 100 % !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. La question a déjà été évoquée à maintes reprises : il s'agit bien d'un moindre remboursement, monsieur Préel !

M. Claude Évin. Mais cela peut aller de 0 à 100 % !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7501.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, n°s 2200 à 2211.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Nous continuons de proposer quelques principes pour contrôler l'accès à l'information contenue dans le dossier du patient.

Ainsi, à tout dossier informatisé contenant des informations nominatives de santé peut être associé, selon nous, un contrôle d'accès permettant de désigner les personnes ou groupes de personnes ayant le droit de lire le contenu du dossier et d'y ajouter, de façon systématique ou conditionnelle, des informations. Aucune autre personne ne doit pouvoir y accéder.

Nous proposons également de distinguer, parmi les informations nominatives, celles nécessaires aux professionnels de santé de l'équipe de soins, celles auxquelles seul le médecin qui les a recueillies doit avoir accès au vu de leur caractère sensible ou subjectif, celles, enfin, objectives et factuelles, qui peuvent être accessibles aux professionnels de santé en fonction du contexte de leur demande.

Il est aussi important que le médecin informe le patient des modalités du contrôle d'accès, obtienne son accord sur la liste établie et le tienne informé de toute modification, surtout si celle-ci concerne des personnes ayant accès à un grand nombre d'autres dossiers.

Enfin, nous pensons que personne d'autre que le médecin et le patient ne doit pouvoir effacer ou faire effacer tout ou partie d'un dossier.

Par ailleurs, tous les accès au dossier doivent être consignés en précisant qui a accédé à quoi, quel jour, à quelle heure, et ce jusqu'à l'effacement du dossier.

La mise en œuvre de ces principes dans une politique de sécurité informatique donnerait aux patients des garanties de confidentialité. Le texte ne les prend pas assez en compte.

Nous affirmons la prééminence de la personne sur la technologie. Le potentiel de celle-ci ne saurait remettre en question le droit au respect de la vie privée, qui passe par une confiance réciproque et une médiation humaine. C'est pourquoi nous proposons la suppression du premier alinéa de l'article 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Très franchement, monsieur Sandrier, je ne vois pas en quoi la prééminence du droit de la personne est menacée par le premier alinéa de l'article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ces amendements - texte et exposé sommaire - sont identiques, à la virgule près, aux amendements n°s 2080 à 2091 précédemment examinés et rejetés. Le Gouvernement adopte la même position que pour les amendements précédents et demande donc le rejet de ceux-ci.

M. le président. Je vais me montrer plus vigilant, monsieur le secrétaire d'État, et j'invite M. Sandrier à être moins loquace lorsqu'il présentera des amendements identiques à des amendements déjà examinés.

M. Jean-Claude Sandrier. Il fallait dire qu'ils tombaient, monsieur le président. Je n'ai pas à être plus attentif que vous !

M. Claude Évin. Très juste !

M. le président. Je ne manquerai pas de vous rappeler vos paroles, monsieur Sandrier !

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2200 à 2211.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 30 et 7972.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 30.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un amendement auquel j'ai déjà fait allusion à plusieurs reprises. Je laisse à M. Évin le soin de le défendre.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, le dossier médical personnel est un outil absolument nécessaire. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point. Cela étant, sa mise en œuvre doit comporter un certain nombre de garanties pour assurer la protection du patient.

Trois articles du code de la santé publique concernent plus particulièrement les droits des personnes malades.

L'article L. 1111-8 porte sur l'hébergement de données et l'accès à celles-ci. Nous y avons déjà fait référence. Il est cité dans le projet du Gouvernement et cela est très important.

Deux autres articles devraient être également inscrits dans le projet de loi. Le texte proposé pour l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale prévoit : « Dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables, et selon les modalités prévues à l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, chaque professionnel de santé, exerçant en ville ou en établissement de santé, reporte dans le dossier médical personnel, à l'issue de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques concernant la personne prise en charge. ». En plus des règles déontologiques formulées dans des textes réglementaires, il nous apparaît impératif de faire référence à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique relatif au secret des informations concernant la santé d'un patient, et à l'article L. 1111-2 du même code, relatif à l'information du patient sur son état de santé. Ces deux précisions couvrent l'ensemble des problèmes que nous avons évoqués : secret professionnel - autrement dit, secret médical -, possibilité pour le patient de ne pas être informé, etc.

J'appelle votre attention sur le fait que la problématique est un peu différente de celle concernant l'accès au dossier médical. Dans ce dernier, les informations sont toujours propriété du patient mais il doit, pour en prendre connaissance, en faire la demande, notamment auprès de l'établissement de santé. Une procédure de rétractation est même prévue au cas où il estimerait inutile, après réflexion, de les obtenir dans la mesure où elles peuvent porter sur un diagnostic grave. Dans le cas du dossier informatisé personnel ou partagé, les informations sont accessibles par le patient sur Internet grâce à une clé qui lui est fournie et il peut les consulter à tout moment. Les informations qui y sont inscrites doivent donc faire l'objet de précautions particulières.

Ces considérations sont peut-être considérées par certains de nos collègues de la majorité comme pointilleuses mais le débat qu'elles ont fait naître a permis d'apporter des précisions qui se révéleront utiles lors de la rédaction des textes réglementaires.

Telles sont les deux précisions que nous souhaitons introduire dans le texte du Gouvernement. Notre amendement ayant été accepté par la commission spéciale, son adoption par notre assemblée ne devrait pas poser de problèmes particuliers.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 30 et 7972 ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Les deux articles auxquels M. Évin demande qu'il soit fait référence dans le projet de loi reprennent des principes de portée générale énoncés dans la loi relative aux droits des malades. Le dossier médical personnel ne déroge pas à ces dispositions.

Cela étant, dans l'esprit qui vient d'être évoqué, le Gouvernement est prêt, pour lever toute inquiétude sur le sujet, à réaffirmer ces principes dans le présent texte, sans attendre les décrets d'application. Donc avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 30 et 7972.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 31.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le dossier médical personnel concerne tous les professionnels de santé, quel que soit leur mode d'exercice. Il est important de préciser que l'article s'applique aux médecins exerçant à titre libéral. Est notamment visé l'exercice de la médecine libérale dans l'hôpital public.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. La clarification est utile : avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Je ferai deux commentaires sur cet amendement.

Premièrement, il me semble superfétatoire.

Deuxièmement, s'il devait être adopté, je pense qu'il vaudrait mieux insérer les mots : « quel que soit son mode d'exercice » après les mots : « chaque professionnel de santé » et non après les mots : « établissement de santé » car cela laisse penser qu'il s'agit du mode d'exercice de l'établissement. Le membre de phrase se lirait donc de la manière suivante : « chaque professionnel de santé, quel que soit son mode d'exercice, en ville ou en établissement de santé, ... », ce qui me semble à la fois plus français et plus lisible.

M. Claude Évin. Absolument !

M. le président. Monsieur le rapporteur, êtes-vous sensible à la proposition de Mme Génisson ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je suis généralement sensible aux propositions de Mme Génisson, qui sont souvent pleines de bon sens, mais, en l'occurrence, je ne vois pas l'intérêt de sa rédaction, même si M. Évin l'approuve, par rapport à celle de l'amendement.

M. Claude Évin. Il s'agit du mode d'exercice du professionnel de santé et non de l'établissement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. J'avais oublié qu'il y avait déjà, dans le texte du projet de loi, le terme « exerçant » : « chaque professionnel de santé, exerçant en ville ou en établissement de santé ». Mme Génisson a raison et je suis favorable à la rectification proposée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Si nous pouvons clarifier encore cette entreprise de clarification, avis favorable.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Claude Évin. « Mode d'exercice, exerçant », ce n'est pas très bon !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Laissons du travail aux sénateurs !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Finalement, je préfère ma rédaction.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Dans ces conditions, le Gouvernement s'en tient à la rédaction initiale du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Ne pourrait-on écrire : « Chaque professionnel de santé exerçant en ville ou en établissement de santé, et quel que soit son mode d'exercice,...» ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce n'est plus pareil !

Je préfère la rédaction initiale de l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8174.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le défendre.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement a pour objet de permettre au patient de disposer d'un droit sur son dossier médical, comme le prévoit la loi sur les droits des malades. Cette précision me semble absolument indispensable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 8174, considérant qu'il était satisfait par l'amendement n° 30 adopté à l'initiative de M. Évin.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8174.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7727 rectifié.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir.

M. Hervé Mariton. Cet amendement pouvait paraître rédactionnel et plein de bon sens. Les discussions de cet après-midi soulignent, me semble-t-il, son opportunité.

Le report dans le dossier nous paraît devoir se faire non pas simplement « à l'issue » de l'acte, mais à « l'occasion » de la consultation.

Il se justifie d'autant plus que M. le ministre a rappelé cet après-midi que, si le remboursement nécessite qu'un dossier soit ouvert, il n'est pas indispensable qu'il soit complet.

La commission a adopté, dans le cadre de l'article 88, cet amendement, qui, outre qu'il améliore la cohérence rédactionnelle du texte, présente un intérêt sur le fond : le dossier est en fait le reflet du colloque singulier entre le médecin et le patient.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a accepté cet amendement très anticipateur. Je félicite M. Mariton d'avoir su prévoir nos débats de cette longue journée de séance.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est un devin !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cet amendement améliore la lisibilité du texte. J'y suis favorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je suis d'accord avec l'argumentation développée par M. Mariton sur la nécessité d'une inscription sur le dossier au moment de la consultation.

Je perçois cependant une difficulté. Vous proposez dans le II de l'amendement n° 7727 rectifié qu'il soit procédé à la même substitution dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.161-46 du code de la sécurité sociale, qui indique : « Les établissements de santé reportent à l'issue du séjour d'un patient sur le dossier médical personnel les éléments résumés relatifs à ce séjour. »

M. le rapporteur proposera tout à l'heure un amendement qui nous permettra de débattre de cette question.

Je crois qu'il y a une ambiguïté sur ce qu'on demande aux établissements de santé. Les professionnels de santé de l'établissement, à l'occasion de la consultation avec le patient, inscrivent sur le dossier médical les données relatives à la consultation à laquelle ils ont procédé. Que vont ajouter les professionnels de santé à l'issue du séjour dans l'établissement ? Peut-être faudra-t-il faire la synthèse du séjour ? M. le rapporteur a, à cet égard, tenté d'améliorer le texte.

Afin de ne pas compliquer la procédure pour les établissements, il conviendrait d'être plus prudent quant au II de l'amendement n° 7727 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je pense que l'on s'accordera facilement tout à l'heure sur l'amendement n° 8277 de la commission qui viendra corriger la deuxième partie. De ce fait, tout le monde obtiendra satisfaction.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7727 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7829.

La parole est à M. Claude Évin, pour le défendre.

M. Claude Évin. Les informations inscrites dans le dossier médical personnel sont nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge.

Face à un refus du patient de voir figurer des informations relatives à son état de santé - sous réserve des indications que nous avons introduites tout à l'heure concernant les règles déontologiques ou celles de la loi du 4 mars 2002 -, le médecin doit pour le convaincre lui indiquer l'importance de ces informations pour la coordination des soins.

Il nous semble donc utile de préciser dans le texte de l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale qu'il s'agit d'informations « nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement dont, à titre personnel, je peux comprendre les raisons.

Doit-on préciser dans le texte les mots : « nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge » ?

Mme Catherine Génisson. Cela donne du corps au texte.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je n'y suis pas hostile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Si nous avions réellement discuté du contenu du dossier, nous saurions s'il s'agit d'informations structurées répondant à une grille préexistante que le médecin remplit, ou d'informations accumulées. Dans ce dernier cas, le dossier risque de devenir très vite difficilement lisible.

L'information structurée constitue le DMP. Elle nécessite une communication entre les professionnels de santé. On en revient là à la problématique du réseau.

À travers ce petit amendement proposé par Claude Évin, on mesure le flou qui entoure le texte gouvernemental.

Le DMP sera-t-il un vaste lieu de stockage d'informations d'autant plus difficiles à traiter qu'elles seront nécessaires ? Si le malade est traité pour une affection de longue durée, il sera difficile d'extraire d'une masse d'informations celles qui apparaissent comme les plus pertinentes. Si l'information était structurée, la démarche serait plus simple.

Il importe de connaître les informations nécessaires à la coordination des soins, et non un bilan global.

Dans le même esprit, peut-être aurions-nous dû être plus prudents avant d'adopter l'amendement n° 7727 rectifié de M. Mariton. J'ai encore en mémoire nos débats sur l'ouverture du dossier, préalable ou non, à la prise en charge.

La notion de report suppose une synthèse. On imagine difficilement un médecin saisir sur le DMP l'ensemble de ses observations. Il ouvre le DMP au début de la consultation, mais il n'y inscrit des informations qu'à l'issue de celle-ci.

M. Jean-Luc Préel. Le traitement est fixé à la fin.

M. Jean-Marie Le Guen. Le traitement est effectivement prescrit à la fin de la consultation.

J'ai été sensible aux arguments de M. Mariton. Mais on ne sait pas s'il s'agit d'informations stockées ou articulées. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7829.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7725 .

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir.

M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à préciser de façon explicite que l'accès au dossier médical personnel par le professionnel de santé n'est possible qu'à condition qu'il ait préalablement obtenu l'accord du patient.

Le dossier médical personnel sera bel et bien enregistré sur un support dont la consultation suppose à l'évidence l'accord des deux parties. Mais il peut arriver que ce support soit « physiquement détaché » du patient : à supposer qu'il s'agisse d'une carte, celle-ci peut être volée ou perdue...

M. Jean-Marie Le Guen. Ce ne peut pas être une carte !

M. Claude Évin. Une carte ne suffit pas !

M. Hervé Mariton. Je ne sais pas. Cela ne me paraît pas impossible. Quoi qu'il en soit, carte ou pas, l'idée de cet amendement est que le patient dispose d'un code non matérialisé et indispensable pour ouvrir le dossier. Faute de quoi, la clé d'accès au dossier pourrait être dérobée et le dossier devenir de ce fait accessible et lisible sans l'assentiment du patient. On peut dès lors imaginer qu'un professionnel de santé puisse s'en servir et accéder au dossier...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Contre l'avis du patient !

M. Hervé Mariton. ...contre l'avis de l'intéressé. Cela ne me paraît pas souhaitable.

Mon explication vous paraîtra peut-être quelque peu laborieuse, pour la bonne raison que nous ne connaissons pas exactement aujourd'hui toutes les caractéristiques physiques du support du dossier. Raison de plus pour préciser que l'accès n'y est possible qu'à la condition que l'accord du patient ait été préalablement formulé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, pour deux raisons. Sur le plan du principe, elle a estimé qu'il était satisfait par son propre amendement n° 7828, dont Claude Évin est à l'origine. Sur le plan pratique, les réflexions de M. Mariton sont pleines de bon sens, mais cette question relève du décret.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le ministre, l'amendement de M. Mariton m'amène à poser une question assez simple : qu'en sera-t-il si l'accord du patient est impossible à obtenir ? Que fera-t-on, par exemple, lorsque quelqu'un arrivera inconscient aux urgences ?

M. Claude Évin. On ne pourra pas accéder au dossier.

Mme Catherine Génisson. Or c'est précisément dans ces circonstances-là qu'il est impératif de pouvoir accéder au dossier médical personnel ! Je ne sais pas si une solution est prévue ou non, mais il serait intéressant de la formaliser.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Oui, que fait-on dans ce cas ?

M. Pierre-Louis Fagniez. On fait appel à une personne de confiance !

Mme Catherine Génisson. Ah non !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Madame Génisson, je vais vous répondre très précisément, car nous-mêmes nous sommes posé cette question.

Mme Martine Billard. Heureusement que nous vous la reposons, alors !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela me paraît tellement évident...

Mme Catherine Génisson. Non, ce n'est pas évident !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes joueur, monsieur le ministre : vous voulez vérifier si nous suivons bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous me connaissez depuis vingt ans, monsieur Le Guen !

Pour ces dispositions, l'accord du patient est pris dans le contrat d'ouverture du dossier médical personnel : « En cas d'urgence, et si vous êtes inconscient, acceptez-vous que... »

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Autrement dit, au moment d'ouvrir le dossier, on pose la question à l'intéressé. Je vous remercie, madame Génisson, de m'avoir donné l'occasion de vous répondre très précisément.

M. Claude Évin. Et le problème de la clé d'accès ?

M. Pierre-Louis Fagniez. Elle doit être confiée à quelqu'un d'autre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et la clé d'accès ? Justement, monsieur Évin, on pose la question : « Si vous êtes inconscient, pouvons-nous entrer dans votre dossier médical personnel sans votre clé d'accès ? »

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a donc un moyen d'entrer sans clé d'accès !

M. Alain Vidalies. On patauge !

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Voilà un exemple - parmi tant d'autres au cours de la journée - qui montre bien que tout cela...

Mme Catherine Génisson. N'est pas très sérieux !

M. Claude Évin. ...relève un peu de l'amateurisme, monsieur le ministre ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Au contraire, puisque j'ai répondu à votre question !

M. Claude Évin. À ceci près que vous n'avez pas résolu le problème !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je peux finir de vous répondre, si vous ne m'interrompez pas !

M. Claude Évin. Dans notre règlement, le Gouvernement prend la parole quand il veut. Mais cela me donnera l'occasion de la reprendre après vous !

M. le président. Et elle vous sera donnée, monsieur Évin.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous me posez une question, je vous réponds précisément et plusieurs membres de votre groupe trouvent que c'est une bonne réponse... Mettez-vous d'accord !

Premièrement, ai-je dit, pour cette disposition, l'accord du patient est pris dans le contrat d'ouverture du dossier médical personnel : « En cas d'urgence et si vous êtes inconscient, acceptez-vous que... ».

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez gagné le droit de revenir en deuxième semaine !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Deuxièmement : utilisation de la carte Vitale - si elle est disponible sur le patient - ou numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, ou identité du patient. Sinon, la partie « données d'urgence » du dossier est accessible à tout service d'urgence hospitalier, et l'on force l'autorisation auprès de l'hébergeur par l'attribution d'un mot de passe temporaire. Voilà à quoi nous avons pensé dans le cas d'une urgence et d'un patient inconscient.

Mme Catherine Génisson. Il fallait le dire !

M. Jean-Luc Warsmann. Ça, c'est du professionnalisme !

M. Yves Censi. Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann. Ce n'est pas du tout de l'amateurisme !

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je maintiens mon appréciation de tout à l'heure : voilà une question sur laquelle nous finissons, à dix-neuf heures trente, par obtenir des réponses précises. Admettez, monsieur le ministre, ou en tout cas vous, mes chers collègues de la majorité, que sur de tels sujets, il aurait été préférable d'avoir accès à certaines informations, d'autant que le ministre les avait apparemment en sa possession. Cela nous aurait évité d'avoir à poser ces questions, car personne ne peut nier que l'application des principes fondamentaux rappelés ici même exige d'informer clairement la représentation nationale sur la manière dont les choses se dérouleront !

Les informations que vous venez de nous communiquer, monsieur le ministre, méritent discussion. Je n'ai pas la prétention de vouloir lancer un débat d'ensemble ; mais vous n'avez pas levé toutes les ambiguïtés pour autant. Au demeurant, si nous avons souhaité que la CNIL soit consultée sur les décrets, c'est bien parce qu'une réponse au banc du Gouvernement ne saurait suffire. Une expertise s'impose. Quoi qu'il en soit, s'il est possible d'accéder au dossier médical de la victime d'un accident amenée inconsciente dans un service d'urgence alors qu'elle seule en détient la clé d'accès, cela veut bien dire que vous aurez introduit un autre dispositif, banalisé celui-là, afin de permettre à « n'importe qui » de passer outre à l'interdiction d'accès !

M. Hervé Mariton. C'est du surréalisme !

M. Claude Évin. Je persiste à croire, sous réserve d'une expertise plus précise, que votre réponse laisse un problème non résolu. Je suis prêt à arrêter là ce débat ; je sens l'impatience, sinon une certaine irritation monter chez certains de mes collègues à droite de l'hémicycle mais qu'ils reconnaissent au moins que certaines questions fondamentales ne sont pas réglées par ce débat, ou en tout cas par les réponses du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. J'ai l'impression que notre collègue Évin cherche des problèmes aux solutions plutôt que des solutions aux problèmes... Pour ce qui me concerne, le Gouvernement m'a convaincu au moins pour une part : dans le cas d'un patient inconscient, le code est brisé et l'accès au dossier permis. Cela dit, un patient n'arrive pas toujours totalement inconscient à l'hôpital. La question se pose donc de son consentement et de la communication du code. L'amendement de mon collègue Évin m'a peut-être échappé ; mais si le ministre répond que l'on brise le code du patient inconscient, c'est donc bien qu'il existe une clé d'accès protégeant l'accès au dossier médical personnel.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Il y aura d'autres cas où des tierces personnes seront en mesure d'accéder au dossier, ne serait-ce que les techniciens chargés de la maintenance logicielle et informatique. Il faut donc prévoir, sous la forme d'une charte ou autre, un moyen de garder une trace des gens amenés pour une raison ou une autre - urgence, maintenance, etc. - à intervenir dans ces dossiers afin de permettre un recours en cas de non-respect de la confidentialité. Le patient ou ses ayants droit doivent pouvoir se retourner contre ceux qui auraient abusivement forcé le code d'accès à son dossier, qu'il s'agisse d'un code proprement dit ou d'une carte d'accès. J'avais pour ma part déposé un amendement, malheureusement refusé, proposant d'utiliser une carte Vitale dont une partie aurait été réservée au patient, l'autre au professionnel, complétée au besoin par un dispositif de codage afin d'en renforcer la sécurité. Quoi qu'il en soit, le principe de la responsabilité de tous ceux qui, dans ces cas très particuliers, accèdent au dossier médical personnel doit être posé dans la loi, ce qui n'est pas le cas pour l'instant.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. La réponse de M. le ministre me laisse perplexe. Elle prouve à quel point il sera facile d'accéder au dossier en cas d'urgence, que l'on ait ou non la clé.

M. Hervé Mariton. Il faut bien y entrer !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vais vous répondre, madame Génisson.

Mme Catherine Génisson. Il faut bien y entrer, j'en suis bien d'accord, monsieur Mariton ; mais je connais bien les services d'urgence, et s'il est aussi facile d'entrer dans le dossier...

M. Jean-Marie Le Guen. C'est en tout cas possible !

M. Hervé Mariton. Il faut définir des modalités d'entrée, mais il faut bien pouvoir y entrer !

Mme Catherine Génisson. Cela nous renvoie à la discussion que nous avions tout à l'heure sur la nécessité de rappeler toute l'importance du secret médical et de prévoir les garde-fous nécessaires pour que cette autorisation d'accès ne soit pas utilisée larga manu. Contrairement à ce qui se passe ailleurs dans l'hôpital, il circule beaucoup de monde dans les services d'urgence, et pas seulement des professionnels de santé : les forces de police, les sapeurs-pompiers,...

M. Jean-Marie Le Guen. Les vigiles, désormais !

Mme Catherine Génisson. ...jusqu'aux vigiles. La solution présentée par le ministre permet d'accéder en urgence au dossier du malade, mais avec une facilité à mes yeux assez surprenante.

M. Yves Censi. Ce n'est pas une question de facilité, mais de possibilité !

Mme Catherine Génisson. Il nous arrive souvent dans les services d'urgence d'être assaillis par les forces de police, et jusqu'aux renseignements généraux qui cherchent à tout prix des indications sur les malades.

M. Yves Censi. Mais la police n'a pas accès au dossier médical !

Mme Catherine Génisson. C'est la réalité, le vécu quotidien que je vous décris ! Les médecins ont encore la force de s'opposer à de telles demandes. Mais quand il s'agit de l'infirmière, de l'aide-soignante, du brancardier ? Il est parfois difficile de faire respecter le secret médical. Il faut donc être très vigilants et cette facilité donnée à tout un chacun de casser les codes m'inquiète grandement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Décidément, vous faites tout pour jeter le doute sur la validité du dossier médical personnel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Pour notre part, nous le défendons.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est la seule réponse que vous nous opposez depuis le début du débat !

M. Hervé Mariton. Nous, nous posons des questions.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et lorsque vous nous interrogez, nous vous répondons !

Venons-en aux deux questions que vous posez. Premièrement, que faire si le patient est inconscient ? Eh bien, nous avons prévu le cas. Lorsqu'on ouvrira un dossier médical personnel, on demandera à l'intéressé si, au cas où il se trouverait dans un état d'inconscience, il autorise ou non à accéder aux informations le concernant. Si la réponse est non, l'affaire est tranchée.

Deuxièmement, qu'en sera-t-il si une tierce personne ouvre le dossier sans l'accord du malade ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Évin. Ce n'est pas ce que nous avons dit.

M. Hervé Mariton. On parle d'inconscience, vous parlez d'urgence !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous prétendez que l'on peut ouvrir le dossier médical facilement.

M. Claude Évin. Nous demandons comment on fait pour l'ouvrir.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est bien ce que vous avez dit, madame Génisson, monsieur Évin ?

M. Claude Évin. Nous avons demandé comment on fait pour l'ouvrir, quand le patient est inconscient.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En fait, Mme Billard a répondu par avance. Le dossier médical est une affaire de confidentialité et donc de traçabilité.

M. Jean-Marie Le Guen. Comme la vache folle ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Et le sang contaminé ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Si vous en êtes là, monsieur Le Guen, cela veut dire que, dès l'instant où quelqu'un entrera dans le dossier médical, qu'il s'agisse d'un médecin, du malade lui-même ou un d'établissement hospitalier authentifié,...

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est tout de même pas l'établissement qui entre dans le dossier !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Écoutez-moi, monsieur Le Guen, je suis en train de vous répondre !

Dans le cas des urgences, on est bien dans le cadre d'un établissement hospitalier. Dans toutes les occurrences, il y aura traçabilité, et ne pourront entrer dans le dossier médical que les établissements hospitaliers authentifiés.

M. Jean-Marie Le Guen. Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Dès l'instant où quelqu'un entre dans le dossier médical de M. Évin, par exemple, on saura immédiatement qui est entré, de la même manière qu'on le sait aujourd'hui pour les systèmes informatiques des banques. On sait très bien qui entre et qui n'entre pas.

M. Claude Évin. La question est : comment y entre-t-on ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. S'agissant du don d'organes, il existe un registre national auquel on peut accéder grâce à la carte d'identité du patient. Je n'ai donc rien dit de nouveau. La confidentialité, je le répète, sera respectée. Si quelqu'un entre dans le dossier médical, on le saura forcément.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. S'agissant du don d'organes, il existe un registre des refus. Ceux qui ne souhaitent pas voir leurs organes prélevés après leur mort s'inscrivent sur ce registre.

L'institution d'une carte de donneur ou la mention dans le dossier médical de la volonté du patient concernant le don de ses organes ne feraient que prêter à confusion, confusion très gênante pour ceux qui connaissent un peu le milieu de la transplantation.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Louis Fagniez.

M. Pierre-Louis Fagniez. Rappelons les réalités pratiques ! On a l'impression à vous entendre que, faute de pouvoir accéder au dossier médical, on ne pourrait pas soigner un malade qui arriverait aux urgences hors d'état de donner son consentement !

M. Jean-Marie Le Guen. Tout à fait !

M. Pierre-Louis Fagniez. Aujourd'hui, les patients arrivent en général sans le moindre dossier et cela n'empêche nullement qu'on les soigne.

M. Claude Évin. Mais oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Pierre-Louis Fagniez. Attendez la suite, monsieur Le Guen, avant d'approuver.

M. Jean-Marie Le Guen. J'approuve tout ce qui est bon !

M. Pierre-Louis Fagniez. M. le ministre a parfaitement raison d'insister sur le consentement qui sera demandé lors de l'ouverture du dossier, pour le cas où le patient serait dans l'incapacité de donner son code d'accès.

M. le ministre a fait une proposition intéressante, mais pour ma part, je m'inscrirais plutôt dans la continuité du droit français, qui veut, que comme la loi du 4 mars 2002, la loi relative à la santé publique et la loi bioéthique, on lui offre en outre la possibilité de choisir une personne de confiance qui serait autorisée à ouvrir le dossier à sa place s'il n'est pas en état de le faire. Pourquoi ne pourrait-on pas appliquer ce qui se pratique déjà pour les cartes bleues ?

Et si l'on ne peut ouvrir le dossier, une chose est sûre : on soignera quand même !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L'intervention de notre collègue Fagniez est tout à fait juste. Il faut replacer les choses dans leur réalité : en l'occurrence, on parvient à soigner, même en l'absence de dossier médical personnel !

On peut toujours espérer améliorer les choses, mais vous avez eu raison de relativiser l'importance de ce dispositif dans les situations d'urgence ou d'inconscience. D'un point de vue médical, vous avez raison.

Monsieur le ministre, je ne comprends pas. Vous avez parlé de traçabilité pour les consultations par les hôpitaux. Mais elle ne peut se faire avec le seul nom de l'établissement de santé. Il faut le nom du praticien qui a accédé au dossier.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Un amendement de la commission va dans ce sens, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Je réponds au ministre, si vous le permettez, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Au moins, tenez compte des précisions que l'on vous apporte !

M. Jean-Marie Le Guen. La référence à un établissement de santé n'est pas suffisante.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Le Guen, l'amendement fait mention d'un professionnel habilité.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous êtes remarquable et vous avez réponse à tout : dommage que nous ne parliez pas plus souvent !

La question essentielle est celle-ci, si l'on accepte la proposition du ministre : quand un patient acceptera qu'on ouvre son dossier, il faudra bien lui dire qu'il entre dans une catégorie pour laquelle il existera une procédure permettant de casser le code. On sera en permanence confronté à ce problème.

Recourir à une personne de confiance, comme vous le proposez, monsieur Fagniez, n'est pas possible.

M. Pierre-Louis Fagniez. Pourquoi ?

M. Jean-Marie Le Guen. La loi du 4 mars 2002 ne le permet pas. On a individualisé le droit et on a refusé de le transférer à un proche. Il y a eu débat et nous avons tranché négativement. Mais on peut toujours rouvrir le débat.

M. Hervé Mariton. Il ne me reste plus qu'à retirer mon amendement !

M. Jean-Marie Le Guen. En effet, car il ne règle pas le problème des urgences.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. En tout état de cause, une question demeure : quelle procédure permettra de casser le code et d'avoir accès au dossier médical ?

M. Yves Censi. Le droit existe.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. La première partie de l'intervention de M. Fagniez était parfaitement juste et réaliste. Dans la plupart des cas, il n'y aura pas de problème : on commence d'abord par soigner et par faire les gestes vitaux avant de se poser la question de consulter le dossier médical.

Cela étant, je maintiens que la réponse du ministre n'est qu'une réponse a posteriori. La traçabilité ne permet qu'un constat après coup. On ne saura que dans un deuxième temps qui a accédé au dossier. Vous n'avez donc pas répondu à la question que nous avons posée, Jean-Marie Le Guen et moi, à plusieurs reprises. Vous admettez que vous acceptez l'existence d'un dispositif permettant de se passer de la clé d'accès qui est en possession de chaque patient.

M. Hervé Mariton. Alors, il faudrait renoncer à y accéder ? Soit on y accède, soit on n'y accède pas !

M. Claude Évin. Dans le cas d'un patient inconscient, il n'est pas possible de passer outre.

M. Hervé Mariton. Donc, il n'est pas possible d'accéder au dossier.

M. Claude Évin. Il n'est pas possible d'accéder à cette information.

M. Hervé Mariton. Et on fait l'impasse sur d'éventuelles allergies ?

M. Claude Évin. Il n'est pas possible de faire autrement si nous voulons respecter les amendements que nous avons votés tout à l'heure et qui, du reste, sont conformes aux dispositions de la loi du 4 mars 2002.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Évin.

M. Richard Mallié. L'Assemblée est suffisamment éclairée !

M. Hervé Mariton. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 7725 est retiré.

M. Claude Évin. Le fait que M. Mariton retire son amendement ne clôt pas le débat.

M. le président. L'amendement n° 7725 a été retiré, monsieur Évin, et douze orateurs se sont déjà exprimés sur ce sujet.

M. Claude Évin. Permettez-moi de conclure.

M. le président. Soit.

M. Claude Évin. Quant à la suggestion de M. Fagniez, je fais remarquer qu'il faudrait conférer par la loi une mission supplémentaire à la personne de confiance, ce qui n'est pas prévu dans l'état actuel du texte.

M. Pierre-Louis Fagniez. Je suis d'accord.

M. Claude Évin. Telle est la précaution qu'il faudrait prendre.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot