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Troisième séance du lundi 5 juillet 2004

10e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 8277 à l'article 2.

Rappels au règlement

M. Hervé Mariton. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Depuis ce matin et tout au long d'un débat important, le Gouvernement et le groupe UMP ont évoqué avec détermination et avec la finesse nécessaire la mise en place du dossier médical personnel. Mais le refus de nos collègues socialistes s'est exprimé à l'extrême.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Jusqu'au non-sens !

M. Hervé Mariton. Juste avant la levée de séance, nous étions en plein absurde, certains considérant que les précieuses données du dossier médical ne devaient pas être dévoilées dans des circonstances où elles seraient pourtant le plus utiles, par exemple lorsqu'un patient est inconscient ou dans d'autres situations d'urgence.

La démonstration est donc faite, si besoin était : tandis que certains souhaitent mettre en place le dossier personnel − ce qui n'est pas simple mais mérite d'être tenté, avec toute la délicatesse et toute la fermeté nécessaires −, d'autres, sans oser réellement récuser cette voie, font tout leur possible pour empêcher que cela se fasse, recourant aux raisonnements les plus farfelus. Dans ce débat, certains souhaitent aller de l'avant, tandis que d'autres bloquent toute solution.

Mme la présidente. Monsieur Mariton, je cherche en vain dans vos propos un motif de rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Je suis sûr que vous finirez par trouver, madame la présidente ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Des gens qui sont venus me voir aujourd'hui m'ont dit que le débat à l'Assemblée nationale était fini. Surpris, j'ai répondu que je ne le croyais pas, mais que ce serait une bonne nouvelle. Ils m'ont alors montré une lettre qu'ils avaient reçue de M. Philippe Douste-Blazy et de M. Xavier Bertrand, accompagnant une brochure qui expliquait ce que l'Assemblée nationale avait décidé. Je me demande bien pourquoi je suis revenu discuter ce soir. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Pour nous l'annoncer, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. C'est vraiment du mépris pour la représentation nationale.

Je sais bien que vous avez la majorité, mais si tout est bouclé d'avance, à quoi servons-nous ? À quoi bon siéger ? Autant supprimer l'Assemblée nationale ! Vous auriez dû avoir le courage de réformer l'assurance maladie par voie d'ordonnances !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est ce qu'ils avaient prévu !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vous ne vouliez pas !

M. Maxime Gremetz. Pour le débat sur les retraites, vous aviez déjà frôlé la limite, mais là, vous avez carrément franchi la ligne jaune.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Tout de suite les grands mots !

M. Maxime Gremetz. Si nous avions agi ainsi quand vous étiez dans l'opposition, vous auriez été le premier à hurler, et vous auriez eu raison.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Non !

M. Maxime Gremetz. Vous protestiez pour moins que ça !

M. Jean-Luc Préel. Il y a eu des équivalents !

M. Maxime Gremetz. Non, c'est sans équivalent, sans précédent. Je n'ai jamais vu cela, de toute ma vie de parlementaire.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. C'est brûler un feu rouge, tout au plus !

M. Maxime Gremetz. C'est vrai, ce n'est pas dépasser la ligne jaune, mais brûler un feu rouge.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous vous adressez au ministre : ce n'est pas un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Geveaux. Absolument !

M. Maxime Gremetz. (Brandissant la brochure évoquée). Tout est dit dans cette brochure que je tiens à votre disposition. Ne faites pas l'innocent, monsieur le ministre ! Chaque fois que vous ne répondrez pas à l'une de nos questions, je prendrai cette brochure et je lirai ce que vous y annoncez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Reprise de la discussion

Article 2 (précédemment réservé)
(suite)

Mme la présidente. Nous en venons donc à l'amendement n° 8277.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement devrait ramener un peu de sérénité dans l'hémicycle. En effet, les mots « les professionnels de santé habilités des établissements de santé » apportent la précision que souhaitaient nos collègues socialistes, notamment Mme Génisson.

M. Jean-Luc Préel. Les socialistes n'étaient pas les seuls à demander cela !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. En effet, ce sont bien les professionnels de santé habilités qui, au sein des établissements de santé, reporteront sur le dossier médical les principaux éléments résumés relatifs à ce séjour. On pense aux résumés de séjour qui sont déjà utilisés dans tous les hôpitaux publics.

Je souhaite cependant, pour tenir compte de la remarque de M. Mariton, rectifier l'amendement et remplacer les mots : « En outre, à l'issue du séjour d'un patient », par les mots : « En outre, à l'occasion du séjour d'un patient ». Nous avons eu cet après-midi un long débat sur ce sujet et cette rédaction permettrait de répondre à toutes les questions qui ont été soulevées.

Mme la présidente. L'amendement n° 8277 est donc ainsi rectifié.

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable à l'amendement et à la rectification.

M. Jean-Luc Préel. Je ne suis pas sûr que la rectification soit pertinente !

M. Maxime Gremetz. Le ministre est d'accord, mais nous ne savons pas de quoi il retourne !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. On continue dans la confusion : on ne sait pas exactement qui va transmettre, ce qu'il va transmettre ni à quel moment. S'agit-il d'un résumé du dossier ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. On ne peut pas tout mettre dans la loi !

M. Jean-Marie Le Guen. Avec l'expression « Les professionnels de santé habilités », un glissement est en train de s'opérer. On ne peut pas écrire « les médecins » − bien qu'il s'agisse de secret médical −, car on sait très bien que, dans les établissements de santé, les choses sont beaucoup plus complexes.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les connaissez-vous seulement, monsieur Le Guen, ces établissements de santé ?

M. Jean-Marie Le Guen. Pas aussi bien que vous !

Mme la présidente. Ne recommencez pas ces conversations particulières, s'il vous plaît !

M. Jean-Marie Le Guen. À l'époque où vous osiez exprimer une idée sur un texte du Gouvernement, vous aviez proposé, monsieur le rapporteur, qu'il y ait, dans les services hospitaliers, des personnes spécialisées dans la transmission des données numériques et informatiques.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Mais non ! J'ai parlé de techniciens d'information médicale. Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Marie Le Guen. Dans l'état actuel de la loi, on ne sait pas exactement ce qui est transféré, on ne sait pas qui le transfère ni quand a lieu ce transfert. On ne fait donc qu'accroître encore la confusion généralisée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L'amendement présenté par le rapporteur reprend l'une de nos préoccupations ; j'en avais d'ailleurs déposé un, avec Olivier Jardé et Claude Leteurtre, qui allait dans ce sens.

Toutefois, je ne suis pas d'accord avec la rectification du rapporteur. Ce n'est pas « à l'occasion », mais « à l'issue » d'un séjour qu'on fera le résumé. A cet égard Hervé Mariton a posé une question intéressante. C'est à l'occasion d'une visite qu'on ouvre le dossier, mais c'est à la fin qu'on donne le traitement ; c'est donc une fois la consultation terminée que l'on peut modifier le dossier médical. Ce n'est pas au début.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les informations peuvent être reportées au début, au milieu ou à la fin. Ma proposition de rectification est tout à fait pertinente !

M. Jean-Luc Préel. Calmez-vous, monsieur le rapporteur ! Cela vaudrait beaucoup mieux pour la suite !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8277 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 8175, 7474 et 8188 tombent.

J'en viens ainsi à l'amendement n° 7889.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le défendre.

M. Hervé Mariton. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je n'ai pas compris pourquoi l'amendement n° 8188 tombait, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 8277 rectifié rédigeait toute la dernière phrase du premier alinéa de cet article, dont votre amendement n° 8188 ne modifiait qu'un élément.

M. Jean-Marie Le Guen. Sur le fond, il était bien différent.

Mme la présidente. Ils étaient exclusifs l'un de l'autre.

M. Jean-Marie Le Guen. L'amendement n° 7889 tend à préciser que « La profession médicale propose et organise une formation des médecins sur place au fonctionnement de l'informatique et à la mise en œuvre du dossier médical personnalisé ».

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cela ne relève pas du domaine de la loi !

M. Jean-Marie Le Guen. Cette idée me paraît juste, car elle commence à se préoccuper du réel. C'est sans doute pourquoi vous estimez qu'elle ne doit pas figurer dans le projet de loi : le réel n'a rien à faire dans cet article sur le dossier médical partagé, tel qu'il est proposé par le Gouvernement.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Encore une manœuvre de retardement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7889.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatorze amendements identiques, nos 38, 616 à 627 et 7830.

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir l'amendement n° 38.

M. François Guillaume. Nous débattons depuis ce matin du dossier médical partagé comme s'il s'agissait d'une innovation. Ce le sera certes dans la loi lorsque les assemblées l'auront votée, mais ce n'est en fait que la confirmation d'une pratique.

De tout temps, les médecins ont cherché à fidéliser leurs clients tandis que les clients ont cherché à être assurés d'un suivi médical à travers le choix de ce que l'on appelle un médecin de famille. Ce dernier, lorsqu'il adresse son patient à un spécialiste ou quand il l'envoie à l'hôpital, lui donne une lettre de recommandation contenant des informations importantes. Le médecin de famille constitue en outre, sur chacun de ses patients, un dossier personnel qu'il ressort lorsque l'un d'eux revient le consulter pour se rappeler son passé médical. Qui plus est, une fois le malade traité, l'hôpital ou le spécialiste communique généralement au médecin traitant, c'est-à-dire au généraliste, des informations sur les soins dispensés.

En fait, il s'est constitué une sorte de réseau informel entre les généralistes et les spécialistes, réseau que l'on nous propose aujourd'hui de légaliser.

Ce qui me pose problème, et qui m'a fait déposer cet amendement, c'est qu'on subordonne à l'autorisation du patient la possibilité pour le médecin, pour le professionnel de santé ou pour l'hôpital, de compléter ou de consulter ce dossier. Je trouve que cela va trop loin.

D'abord, un refus peut être préjudiciable au patient lui-même. Ensuite, il se peut que certaines informations que le patient refuserait de divulguer aient des conséquences sur la santé publique, par exemple si le patient est atteint d'une maladie très contagieuse comme le SRAS. En outre, comme l'a souligné M. Fagniez cet après-midi, si le patient est dans l'impossibilité physique de donner son accord pour qu'on consulte son carnet de santé, cette procédure d'autorisation peut lui être particulièrement préjudiciable. Enfin, cela soulève un problème de coût : faute de disposer des informations nécessaires pour soigner un patient, le médecin peut être amené à refaire toute une série d'actes particulièrement onéreux. Ces dérives financières doivent être combattues.

Je sais bien que le problème de fond c'est le secret médical, mais celui-ci peut parfaitement être respecté. Il suffit de rappeler, puisque cette indication est déjà dans le code de la santé, que les tiers ne peuvent utiliser le dossier médical. On pourrait même envisager de scinder le dossier médical en deux volets : d'une part, le dossier médical proprement dit qui serait à la disposition des médecins traitants et de l'intéressé, d'autre part, le relevé des actes pour permettre le contrôle par les organismes de sécurité sociale. En cas de présomption d'abus, il suffirait de demander au patient et au médecin de justifier les actes mentionnés dans le dossier.

Ce dispositif présenterait le double avantage d'un contrôle de la dérive éventuelle des dépenses et d'une mise à disposition du médecin de tous les éléments lui permettant de traiter le malade.

En tout cas, cette autorisation que devrait donner le patient au médecin pour qu'il puisse utiliser son dossier médical me paraît abusive. Je propose donc sa suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 616, bien qu'il n'en soit pas signataire.

M. Maxime Gremetz. Comme ça, nous serons quatre à pouvoir parler.

M. Jean-Claude Sandrier. L'amendement n° 616 tend à supprimer le second alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale, lequel ouvre une modulation de la prise en charge des soins selon que le patient a présenté son dossier ou non.

Nous sommes totalement contre ce traitement différencié. Nous pensons que la prise en charge doit être totale, complète, dès lors que les assurés ont payé leurs cotisations et qu'ils suivent les prescriptions du médecin. Cela me paraît élémentaire et il ne devrait pas y avoir de discussion à ce sujet.

De plus, cette « recette », qui a déjà été en partie mise en œuvre - souvenez-vous du carnet de santé institué par le ministre Jacques Barrot - n'a pas fait ses preuves en matière d'économies.

En réalité, cette proposition de conditionner le remboursement des soins à la présentation du dossier médical n'a pas de raison d'être. Selon le Gouvernement et sa majorité, ce dossier permettrait d'éviter les doublons, les abus de prescription, donc de réaliser des économies, mais personne ne connaît le coût réel ni la fréquence de ces abus. Comme bien d'autres d'ailleurs, ces abus sont pratiquement inchiffrables. Les caisses primaires départementales ont du mal à les définir et les chiffres qu'elles finissent par donner sont loin d'être probants.

Ce que l'on sait, en revanche, c'est que l'on va créer une inégalité totalement injustifiée. C'est pourquoi nous proposons de supprimer cette mesure.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 617.

M. Maxime Gremetz. Le ministre ne répond pas ?

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, nous discutons de quatorze amendements identiques. La commission et le ministre répondront lorsque ces quatorze amendements, ou moins si vous le jugez utiles, seront défendus.

M. Maxime Gremetz. Qui a décidé ça ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, c'est le règlement. Vous le découvrez tout d'un coup ?

M. Maxime Gremetz. Chacun défend donc son amendement d'abord ?

Mme la présidente. Oui, et je vous donne la parole pour défendre l'amendement n° 617, dont vous êtes seul signataire. C'est en effet le signataire de l'amendement qui doit prendre la parole ; normalement il ne peut être suppléé.

M. Hervé Mariton. Très bien, madame la présidente !

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas ce qui a été fait cet après-midi.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'était une tolérance !

M. Maxime Gremetz. Ça ne fait rien, on va la ramener sur terre après ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il paraît effectivement que ce n'est pas ainsi que cela s'est passé cet après-midi, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, j'énonce des principes mais, selon la façon dont se comportent les uns et les autres, je peux faire preuve d'une certaine souplesse ou non.

M. Maxime Gremetz. Ah ! il fallait le dire tout de suite. Nous aussi nous pouvons nous montrer plus au moins souples selon que le président ou la présidente se positionne d'une façon ou d'une autre.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. On respecte le règlement, c'est tout !

M. Maxime Gremetz. En l'occurrence, je serai très, très souple, madame la présidente.

M. Yves Simon. Quel manque de respect !

Mme la présidente. Défendez l'amendement !

M. Maxime Gremetz. Cette question du dossier médical partagé comporte deux aspects.

On nous explique qu'il s'agit d'un moyen de réaliser des économies. Or personne - j'ai encore lu cet après-midi sur le sujet des articles de gens très compétents - n'est capable d'évaluer les économies que cela permettrait, en tout cas personne ne donne le chiffre que vous avancez. En revanche, on connaît le coût de la mesure : 500 millions.

Le dossier médical partagé est en soi une bonne idée.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ah !

M. Hervé Mariton. Faites un beau geste alors !

M. Maxime Gremetz. Cependant, si l'on ne connaît pas le coût de mise en place de ce dossier, on sait comment ce nouvel instrument sera utilisé. En effet, tous les spécialistes observent que, contrairement à ce que vous affirmez dans votre belle brochure, les moyens techniques et technologiques dont nous disposons actuellement ne permettent pas de faire fonctionner un tel dispositif sans mettre en cause la confidentialité.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Oh !

M. François Liberti. Mais oui !

M. Maxime Gremetz. C'est une atteinte aux libertés.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Oh !

M. François Liberti. C'est là le fond du problème !

M. Maxime Gremetz. J'ai interrogé à ce sujet des spécialistes d'informatique : selon eux la confidentialité ne sera pas garantie.

M. Jean Dionis du Séjour. Mais si !

M. Maxime Gremetz. Vous riez ? Moi, quand je ne connais pas quelque chose, je demande.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est mon métier, l'informatique !

M. Maxime Gremetz. La liberté ne sera plus assurée et la confidentialité sera, pour la première fois, mise à mal. Vous vous en fichez ?

Qui veut que ses voisins, ou toute autre personne, sachent qu'il a un cancer ? Qui, à part, bien sûr, les assureurs privés ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Arrêtez de raconter n'importe quoi !

M. Maxime Gremetz. Ils pourront consulter le fichier pour déterminer exactement le prix d'une assurance en fonction des pathologies.

Les employeurs ne vont pas se gêner non plus. Vous savez bien que, lorsque vous vous rendez à une visite d'embauche, on vous demande si vous êtes malade. Vous aurez beau répondre non, l'employeur pourra affirmer que si, parce qu'il aura vu dans le fichier que vous aviez telle ou telle maladie. Et vous ne serez pas embauché.

Je ne sais pas si vous mesurez la gravité de cette proposition. Monsieur le ministre, je vous suggère de demander, en notre présence, à des techniciens comment ces fichiers pourront être protégés. Je vous suis sûr qu'ils répondront que la confidentialité ne pourra pas être assurée. Et on oserait appliquer un tel dispositif dans notre pays ? J'y suis pour ma part totalement opposé. Nous allons mener une grande bataille pour alerter l'opinion publique. Vous ne pouvez pas toucher ainsi à la santé des gens...

M. Yves Simon. Ce n'est pas sérieux !

M. Maxime Gremetz. ...et, en même temps, mettre en cause leur liberté, leur personnalité, la confidentialité sur ce qu'ils sont, ce qu'ils ont ou n'ont pas. Aucun gouvernement ne peut faire un tel mauvais coup pour atteindre des objectifs de régression sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour soutenir l'amendement n° 624.

M. Gilbert Biessy. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. François Liberti, pour défendre l'amendement n° 627.

M. François Liberti. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l'amendement n° 7830.

M. Alain Vidalies. Nous touchons là en effet à l'une des principales difficultés, à la fois politique et juridique, de ce texte.

On voit bien quel a été votre raisonnement ; il a d'ailleurs été explicité à plusieurs reprises. Vous avez voulu unir deux principes difficilement conciliables : le premier est celui, affirmé déjà dans la loi sur les droits des malades, qui veut que le malade soit propriétaire de son dossier médical ; le second est votre volonté de donner un caractère obligatoire au dossier médical.

Pour essayer de trouver une synthèse entre ces deux démarches contradictoires, vous avez décrété que l'exercice de la liberté par le malade de pouvoir ne pas donner accès à son dossier médical entraînerait une sanction : le moindre remboursement des soins, même si nous ne connaissons pas le détail de cette réduction de la prise en charge.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cela a été clarifié cet après-midi !

M. Alain Vidalies. Non ! Rien n'a été clarifié !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vous êtes de mauvaise foi !

M. Alain Vidalies. Sur le plan social et pratique, le libre consentement est la notion juridique mise en avant pour montrer qu'il n'y aura pas de contrainte et que chacun sera libre de communiquer ou pas son dossier médical. En réalité ce ne sera pas un libre consentement. Cette notion est forcément viciée, puisque ce consentement s'exprimera en fonction de la situation sociale du patient. Si sa situation financière lui permet d'assumer un remboursement d'un niveau inférieur, alors il pourra exercer un libre choix.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Quelle caricature ! C'est scandaleux !

M. Alain Vidalies. C'est tellement caricatural, monsieur le président de la commission, que vous pouvez retrouver les mêmes propos dans deux pages entières signées par M. Türk, président de la CNIL dans laquelle ne siègent que des parlementaires UMP ! Voici ce que l'on peut y lire : « L'exigence du consentement est justifiée par le caractère sensible des données de santé qui, parce qu'elles relèvent de l'intimité et de la vie privée, doivent faire l'objet d'une protection particulière. » Et les mêmes précisent ensuite : « Il faut alors se demander s'il est possible de tenir pour vraiment libre le consentement d'une personne à la création de son dossier médical personnel alors que son choix déterminera le niveau de remboursement des soins par l'assurance maladie. »

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Ce ne sont pas les parlementaires de l'opposition qui le disent, mais la CNIL qui est présidée par M. Türk et composée de magistrats du Conseil d'État, de la Cour des comptes, ainsi que de parlementaires, députés et sénateurs, tous UMP. Nous sommes donc bien au cœur du problème et la question de la constitutionnalité va forcément se poser.

M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. Cela étant, je ne prétends pas que la réponse est certaine, car il y a conflit entre deux principes constitutionnels. Vous parlez du libre choix des gens, mais nous estimons, quant à nous, que cela ne sera pas le cas, qu'une telle disposition est socialement inacceptable - nous l'avons dit et répété - et inconstitutionnelle.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Cela veut dire que vous êtes contre le dossier médical personnel ! Reconnaissez-le ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Vidalies. Non, nous ne sommes pas contre !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Vous voulez un dossier qui n'ait aucune valeur, aucune utilité !

M. Alain Vidalies. Ne dites pas cela ! Ce n'est pas nous qui avons choisi de pénaliser les gens en fonction de leur situation sociale. Nous avons le droit de dénoncer la méthode que vous avez retenue, et nous ne sommes pas les seuls à le faire ! Aujourd'hui, cette affaire soulève politiquement et juridiquement de grandes difficultés.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il existe, sur LCI, une excellente émission qui s'appelle On refait le match ! (Sourires.) Nous avons fait le match ce matin avant l'article 2 ; nous avons continué en fin de matinée avec les orateurs inscrits sur l'article 2 et nous avons recommencé à cinq ou six reprises encore cet après-midi. La commission est défavorable à ces amendements identiques, mais qui répondent à des logiques différentes.

Monsieur Guillaume, d'abord, les médecins ont des patients, pas des « clients ». C'est un terme qu'il vaut mieux éviter ! Ensuite, le seul objectif de l'article 2 est la qualité par la coordination des soins. Tout ce qui est économique, comme les abus, figure en arrière-plan.

M. Jean-Marie Le Guen. Cachez ce sein que je ne saurais voir ! Le nouveau Tartuffe !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Gremetz, nous aurions dû vous faire un compte rendu de nos débats, car vous n'avez pas été là de la journée !

M. Maxime Gremetz. Et alors ! J'ai travaillé et je serai là pendant trois jours et trois nuits !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement n° 33 rectifié de la commission prévoit les précautions indispensables pour que les assurances privées et les médecins du travail n'aient pas accès au dossier médical personnel. L'objectif du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale, que vous proposez de supprimer, est la responsabilisation du patient qui est essentielle si nous voulons que celui-ci devienne réellement un acteur de sa santé.

Enfin, monsieur Vidalies, vous avez merveilleusement défendu l'amendement de M. Evin, mais nous n'allons pas recommencer le débat sur la constitutionnalité de l'article 2.

M. Alain Vidalies. Il le faudra bien pourtant !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les ministres ont répondu à plusieurs reprises.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je veux simplement vous rappeler ce que dit le conseil de l'ordre, monsieur le ministre. Vous qui êtes médecin, vous l'écoutez certainement. Il ne dit pas que des bêtises je suppose !

M. Jean-Marie Geveaux. Ça lui arrive !

M. Maxime Gremetz. Au chapitre du dossier médical personnel, l'institution ordinale juge que, faute de garanties, les médecins ne pourront pas utiliser un tel dossier. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le conseil de l'ordre !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ce sont les conservateurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Cela figurera au procès-verbal, monsieur Bur ! Insulter le conseil de l'ordre, c'est grave !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il parle du conseil de l'ordre des dentistes !

M. Maxime Gremetz. Ce sont des conservateurs, dites-vous ! Moi, je ne les connais pas, mais je croyais que cette institution avait une certaine autorité morale et médicale.

« Certains organismes ne devront en aucune façon pouvoir héberger ces dossiers », a déclaré le docteur Michel Ducloux, président du conseil national, qui ajoute : « Je pense notamment aux caisses d'assurance maladie et de retraite ou aux assurances professionnelles. S'ils avaient accès aux données des dossiers, ces organismes pourraient en effet être en situation de nuire aux assurés ». C'est ce que dit l'ordre !

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est bien la première fois que vous avez autant d'égard pour l'ordre !

M. Jean-Marie Le Guen. Non, eux, ils l'ont toujours défendu. Vous connaissez mal votre histoire !

M. Maxime Gremetz. Vous vous prétendez meilleurs que le conseil de l'ordre !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Quelle est votre source, monsieur Gremetz ?

M. Maxime Gremetz. Je vous fais parvenir tout de suite l'article en question, monsieur le secrétaire d'État !

J'ajoute que l'ordre s'inquiète aussi des conséquences du système de médecin traitant. « Le projet de loi envisage un espace de liberté tarifaire offert aux spécialistes dès lors que leurs patients n'auront pas préalablement choisi en première intention le médecin traitant », explique le docteur Ducloux. « Cette disposition ne peut être acceptée en l'état, car elle fait de la liberté tarifaire une sanction qu'un médecin spécialiste infligerait à son patient et ce en raison du comportement de ce dernier ».

Monsieur le secrétaire d'État, je vous fais passer tout de suite cette citation, car vous avez l'air de douter. Je ne dis pas des choses en l'air !

Mme la présidente. Merci, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je n'ai pas fini, madame la présidente ! La question est tellement grave que je demande un scrutin public.

Mme la présidente. Sur le vote des amendements nos 616 à 627, je suis donc saisie par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. M. le rapporteur a eu raison de relever que si mon amendement était identique à ceux présentés par mes collègues de gauche, sa justification était fondamentalement différente. Je souhaite en effet que le professionnel de santé puisse utiliser le dossier sans avoir à demander son autorisation au patient, alors que mes collègues de gauche ne veulent pas qu'il y ait de pénalisation financière pour le malade refusant que le médecin traitant examine et utilise son dossier.

Compte tenu de cette divergence profonde, je retire mon amendement, tout en insistant pour que tous ceux qui refuseront de donner l'autorisation d'utiliser leur dossier médical en supportent financièrement les conséquences, car ils risquent d'obliger les professionnels de santé à effectuer des actes redondants, ce qui aura naturellement un coût pour la sécurité sociale.

Mme la présidente. L'amendement n° 38 est retiré.

Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements nos 616 à 627 et 7830.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements nos 616 à 627 et 7830 :

              Nombre de votants 60

              Nombre de suffrages exprimés 60

              Majorité absolue 31

        Pour l'adoption 17

        Contre 43

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ce qui vient de se passer est inadmissible. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir l'amendement n° 39.

M. François Guillaume. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 38, que j'ai déjà retiré. Par conséquent, je le retire également, tout en regrettant que soit maintenue l'autorisation du patient pour compléter son dossier médical personnel. En effet, dès lors qu'on lui laisse la possibilité de sélectionner les informations figurant dans ce dossier, celui-ci perd en fiabilité.

Mme la présidente. L'amendement n° 39 est retiré et j'en viens à l'amendement n° 8442 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il semble essentiel de mettre en place des mécanismes permettant de mobiliser les professionnels de santé sur l'utilisation du dossier médical personnel.

Aussi, à l'instar de ce qui est prévu dans le présent projet de loi pour l'utilisation du protocole interrégimes destiné aux personnes atteintes d'une affection de longue durée, l'amendement prévoit-il que les professionnels de santé seront tenus d'attester, lors de l'établissement des documents servant au remboursement, qu'ils ont pu accéder au dossier médical personnel du patient et le mettre à jour.

Les modalités pratiques de cette opération pourront être allégées par une bonne intégration des outils nécessaires aux postes informatiques utilisés par les professionnels.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis favorable car je trouve qu'il apporte une précision intéressante.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. On voit dans quelles conditions nous avançons dans ce débat : le Gouvernement dépose des amendements en plein milieu de la séance ; on n'a même plus recours aux articles 88 ou 91 du règlement de l'Assemblée nationale. Il ne faudra donc pas qu'il se plaigne de la manière dont nous allons travailler dans les jours qui viennent car il fait exactement ce que nous lui avions demandé de ne pas faire. Qu'il prenne donc ses responsabilités !

Par ailleurs, nous pourrions critiquer l'amendement n° 8442 au même titre que nous désapprouvons le dernier alinéa de l'article 2, et nous limiter à rappeler les doutes que nous avons émis sur la conditionnalité que cela apporte au remboursement.

En fait cet amendement revient en arrière par rapport à ce que nous a déclaré aujourd'hui même le président de la commission spéciale. Il prévoit en effet que le niveau de remboursement sera conditionné au fait que le médecin aura pu non seulement accéder au dossier - et nous avions indiqué de quelles conditions nous souhaitions assortir cette mesure -, mais aussi être en mesure de le compléter. Il introduit donc une double conditionnalité qui change complètement la nature de la disposition que nous avait présentée le président de la commission. Nous considérons par conséquent que le droit constitutionnel est bafoué.

C'est la preuve absolue que le Gouvernement entend établir ce que nous n'avons cessé de dénoncer. Par cet amendement qu'il parachute au dernier moment, il apporte également la preuve du caractère totalement vain de la discussion que nous avons eue durant toute la journée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Votre amendement pose un petit problème, monsieur le ministre, car il est possible que l'on aille consulter un médecin sans que celui-ci établisse une prescription ou un acte médical et, dans ce cas, il n'y a pas lieu de compléter le dossier médical. Or votre amendement signifie que les visites ne seront plus remboursées si elles ne donnent pas lieu à un acte ou à une prescription. Par conséquent, vous poussez à la consommation, alors que j'avais cru comprendre que vous visiez un objectif inverse.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Depuis le début de cette journée, vous essayez, monsieur le ministre, de nous faire passer pour des opposants au dossier médical personnel. Or nous vous avons indiqué à plusieurs reprises que nous l'approuvons en tant qu'élément de coordination des soins permettant d'améliorer la qualité de la prise en charge du patient.

En revanche, nous ne pouvons pas accepter qu'un patient voie la prise en charge de ses soins modulée, voire annulée, parce qu'il refuse à un médecin l'accès à son dossier médical, que ce soit pour le consulter ou pour le compléter. Il s'agit, en effet, d'un droit fondamental, inscrit dans la loi du 4 mars 2002, dont vous avez d'ailleurs accepté que certaines dispositions figurent dans ce texte. Or, malgré les propos rassurants que vous avez tenus sur le respect des droits des malades, vous déposez un amendement aux termes duquel si un patient refuse à un médecin l'accès à son dossier ou s'il ne l'autorise pas à le compléter, non seulement ses soins ne seront pas pris en charge, mais le médecin sera tenu de dénoncer le refus du patient qui aura demandé à exercer ce droit fondamental.

Voilà notre désaccord. Au moins votre amendement nous aura-t-il permis de l'expliquer clairement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Monsieur Evin, nous n'allons pas recommencer le débat que nous avons eu cet après-midi.

M. Claude Evin. Il ne fallait pas déposer un nouvel amendement !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. L'amendement du Gouvernement n'oblige pas le praticien,...

M. Claude Evin. Il est « tenu d'indiquer » ! N'est-ce pas une obligation ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. ...à compléter le dossier : il s'agit simplement de savoir s'il a été en mesure d'y accéder. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela étant, on peut demander au Gouvernement d'apporter une clarification en supprimant les mots : « et de le compléter ». Comme je l'ai dit cet après-midi, c'est bien le refus d'accès au dossier qui conditionnera, éventuellement, une prise en charge minorée par l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. Dont acte !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. En ce qui concerne les informations à inscrire dans le dossier médical, le malade devra donner son accord.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis bien sûr entièrement d'accord avec le président de la commission spéciale.

Mme la présidente. L'amendement n° 8442 rectifié est donc ainsi rédigé :

« Le professionnel de santé est tenu d'indiquer, lors de l'établissement des documents nécessaires au remboursement ou à la prise en charge, s'il a été en mesure d'accéder au dossier. »

M. Claude Evin. L'opposition sert tout de même à quelque chose !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous prenons acte de la déclaration du Gouvernement, mais dans quelles conditions travaillons-nous ! Nous aurions pu laisser passer ce membre de phrase.

M. Hervé Mariton. Mais non !

M. Pierre Lellouche. Pas vous !

M. Jean-Marie Le Guen. Merci, cher collègue, je le prends comme un hommage. (Sourires.)

M. Pierre Lellouche. C'est un hommage !

M. Jean-Marie Le Guen. Quoi qu'il en soit, cet après-midi, le président Bur a fait une mise au point précise à ce sujet. Nous nous étions mis d'accord sur une certaine conception de l'accès au dossier. Or, quelques heures après, le Gouvernement la remet en cause soit par inadvertance, ce qui serait révélateur du manque de préparation de ce texte, soit par volonté délibérée, ce qui nous inquiète fort quant à la valeur de ce que nous avons fait jusqu'à présent et nous incite à redoubler de vigilance.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Le débat est clos. L'amendement du Gouvernement indique bien...

M. Jean-Marie Le Guen. On refait le match !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale ...que ce n'est pas en fonction de l'autorisation du patient que le médecin donnera les éléments nécessaires au remboursement ou à une prise en charge optimale des soins. Il ne s'agira que d'une possibilité.

M. Claude Evin. Ce ne sera pas une possibilité : le médecin sera « tenu » !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Tout au long de la journée, le Gouvernement vous a apporté un certain nombre de précisions. Cependant, je doute que celles-ci vous feront changer d'avis sur le dossier médical personnel, car j'ai le sentiment que vous cherchez à chaque fois de nouvelles complications. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Si l'on vous suivait, ce dossier serait totalement inapplicable. Vous ne cherchez qu'à complexifier ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Billard. Il le serait si nous n'étions pas vigilants !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout au long de la journée, j'ai en effet apporté à l'opposition les précisions qu'elle m'a réclamées, mais nous nous apercevons qu'il y a toujours, d'un côté, ceux qui souhaitent le dossier médical personnalisé et, de l'autre, ceux qui n'en veulent pas (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et qui sont bien seuls, puisque les usagers et les professions de santé y sont favorables.

M. Claude Evin. Pourquoi acceptez-vous de rectifier votre amendement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je ne demande pas mieux que d'améliorer le texte, mais on peut le faire en donnant l'impression d'être pour ou d'être contre. Vous, vous donnez l'impression d'être contre.

M. Jean-Marie Le Guen. Scandaleux !

M. Claude Evin. Nous ne pouvons pas accepter ça !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Je veux rappeler, une fois de plus, que le débat porte non pas sur le principe du dossier médical personnel,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est facile !

M. Claude Evin. ...mais sur la modulation du remboursement en fonction de l'autorisation donnée ou non par le patient au médecin d'avoir accès à son dossier. Sur ce point, vous ne parviendrez pas à nous convaincre, monsieur Bur, car il n'était pas nécessaire de légiférer pour mettre en place le dossier médical personnel. En revanche, il vous fallait recourir à la loi pour conditionner le remboursement à l'accès aux informations. Encore une fois, c'est sur ce point que nous avons un profond désaccord. Nous pourrions avoir un débat sérieux,...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non !

M. Claude Evin. ...mais est-ce bien nécessaire, si le ministre caricature nos positions ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous êtes contre !

M. Claude Evin. Si nous ne sommes pas sérieux, monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi vous avez accepté, à la suite de nos interventions, de rectifier votre amendement.

Encore une fois, oui au dossier médical personnel, non à la modulation du remboursement en fonction de l'accès ou non aux informations.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. De toute façon, vous voterez contre !

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Dans la brochure que vos services ont éditée pour expliquer le projet de loi et qui est accompagnée d'une lettre signée par vous-même, monsieur le ministre, et par M. Bertrand, vous dites des choses que vous ne répétez pas ici. Soit vous êtes un homme pressé, soit vous estimez que l'Assemblée nationale ne compte pas parce que vous avez la majorité.

Sur la forme, vous avez eu des mois pour préparer ce projet de loi en organisant la concertation et le dialogue, mais vous déposez, pour la deuxième fois, un amendement en séance ; il n'aura donc pu être étudié par la commission. Cela mériterait que l'on suspende immédiatement la séance pour l'examiner. On ne peut pas considérer que les députés ne comptent pour rien et leur présenter n'importe quoi n'importe quand.

Sur le fond, cet amendement aggrave encore les choses. En effet, non seulement vous ne tenez pas compte de l'avertissement de l'ordre des médecins, qui estime que le dispositif présente un danger pour la confidentialité, mais vous obligez les patients à autoriser l'accès à leur dossier pour être remboursés. Vous mettez en cause à la fois la liberté et la confidentialité. On ne peut pas accepter une telle mesure !

Aussi, pour que tout le monde prenne ses responsabilités et pour que ceux qui seront d'avis d'adopter l'amendement le signifient clairement, nous allons demander un scrutin public.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous n'en avons pas honte !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement n'était même pas indiqué sur la feuille jaune de séance. Je demande donc très solennellement à M. le ministre de bien vouloir nous faire parvenir - au moins sur cet article - tous les amendements et sous-amendements que le Gouvernement a l'intention d'introduire dans la discussion et qui ne figurent pas sur la feuille jaune. Le Parlement pourra ainsi examiner sérieusement les textes du Gouvernement, a fortiori lorsque ceux-ci portent sur des points fondamentaux, comme c'est le cas de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je souhaite rappeler à M. Le Guen que c'est le droit du Gouvernement que d'introduire des amendements et sous-amendements en séance.

Par ailleurs, il n'y aura pas d'autre amendement du Gouvernement à l'article 2. Il n'y en aura un qu'à l'article 8, et il vous sera communiqué.

Mme la présidente. Sur le vote de l'amendement n° 8442 rectifié, je suis saisie par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

.......................................................................

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 8442 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.......................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

.......................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 8442 rectifié :

              Nombre de votants 73

              Nombre de suffrages exprimés 73

              Majorité absolue 37

        Pour l'adoption 51

        Contre 22

L'Assemblée nationale a adopté.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais dans quel état !

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir l'amendement n° 7659.

Mme Martine Billard. Cet amendement a pour objet de renforcer la sécurité d'accès au dossier médical personnel, en prévoyant l'usage simultané de la carte Vitale du patient et de la carte professionnelle du professionnel de santé, ainsi que l'utilisation de codes secrets détenus par chacune des deux parties.

Je voudrais, par ailleurs, poser deux questions - d'ordre technique, mais non dénuées d'importance - à M. le ministre.

Premièrement, pouvez-vous nous confirmer que les caisses d'assurance maladie n'auront pas accès au dossier médical personnel ?

Deuxièmement, dans l'hypothèse où mon amendement serait retenu, un petit détail technique resterait à préciser. Les opérations de consultation du dossier médical, ou d'écriture dans ce dossier par les personnes autorisées, s'effectueront-elles en ligne, ou les médecins et hôpitaux auront-ils la possibilité de télécharger le dossier médical personnel ? À mon sens, il ne faut pas donner la possibilité de télécharger le dossier médical personnel sur n'importe quel système informatique, sous peine de rendre impossible tout contrôle de la confidentialité des données, et de voir se constituer des bases de données pirates.

Enfin, est-il prévu que le médecin traitant puisse stocker tout ou partie des informations recueillies lors des consultations qu'il aura effectuées et, le cas échéant, sous quelle forme ? C'est une question très technique, mais cruciale lorsqu'on sait que la tendance actuelle est à la multiplication des dossiers médicaux de toute nature et plus ou moins contrôlés. Vous allez me répondre, je le sais, que cela n'a pas vocation à être écrit pas dans la loi, mais j'aimerais au moins que vous nous fassiez connaître votre position quant à ces questions.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement de Mme Billard me convient, dans le sens où il répond à toute une série de questions que nous nous sommes posées à de nombreuses reprises au cours de la journée, notamment en ses dispositions relatives à la sécurisation de l'accès au dossier et aux situations d'urgence. Seul le troisième alinéa concernant les réseaux me semble un peu moins pertinent, dans la mesure où presque tous les réseaux de soins ont déjà constitué des dossiers partagés.

La commission a toutefois rejeté cet amendement, car il ne semble pas souhaitable de figer dans la loi - je parle sous le contrôle de M. le ministre - des notions techniques aussi précises, qui risquent d'être remises en question par l'évolution technologique dont M. Dionis du Séjour nous a donné un exemple ce matin, lorsqu'il a cité le cas du Texas Medical Center, où il s'est rendu.

C'est pourquoi je dois me résoudre, à contrecœur, à demander le rejet de cet amendement. Il me semble néanmoins, messieurs les ministres, qu'il conviendrait de s'inspirer de telles propositions pour préciser le projet ; cela éviterait bien des débats redondants.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mme Billard m'a posé deux questions très simples, auxquelles je répondrai tout aussi simplement.

Premièrement, les caisses d'assurance maladie ne pourront pas avoir accès au dossier médical personnel.

Deuxièmement, les opérations sur le dossier médical personnel s'effectueront effectivement en ligne, sans qu'il soit imposé à un médecin de télécharger les données de ce dossier dans son propre système.

Au demeurant, les dispositions proposées par votre amendement, madame Billard, relèvent entièrement du domaine réglementaire. L'article L. 1110-4 du code de la santé publique, relatif aux droits des malades, prévoit qu'un décret fixe les règles auxquelles sont soumises la conservation et la transmission informatique de données de santé, notamment les cas dans lesquels la carte de professionnel de santé est obligatoire. Le projet de décret prévoira l'utilisation de la carte du professionnel de santé, ou un dispositif équivalent en termes de sécurité.

Ce projet de décret sera très prochainement transmis pour avis à la commission nationale de l'informatique et des libertés et au Conseil d'État.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il nous est dit que les caisses d'assurance maladie n'auront pas accès au dossier. Il ressort tout de même de votre projet de loi et de vos déclarations antérieures que le contrôle médical des caisses aura bien accès, lui, au dossier médical. Il ne faut pas essayer de biaiser : ou les caisses auront accès au dossier médical par l'intermédiaire du contrôle médical, ou elles n'y auront pas accès.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cette question est effectivement très importante. Le contrôle médical a déjà la possibilité d'accéder au dossier médical, et il continuera à y avoir accès demain, par voie informatique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. Je comprends parfaitement la position du ministre s'agissant du libre accès du contrôle médical au dossier médical. Je rappelle cependant que, lorsque nous avons mis en place l'obligation de justifier sur les imprimés de la sécurité sociale destinés au contrôle médical la raison des arrêts de travail, l'opposition d'alors - majorité d'aujourd'hui - s'y était opposée au motif que cela revenait à demander aux médecins de faire de la délation.

En outre, j'avais, pour ma part, émis des réserves sur la méthode de transmission de ces imprimés. En effet, si les médecins sont tenus par le secret professionnel, il n'en est pas de même du personnel administratif. Certes, ce personnel est tenu de respecter la confidentialité, mais il est issu des caisses et peut être amené à y retourner en fonction de son profil de carrière.

Chers collègues de l'opposition, après avoir dénoncé une certaine ambiguïté hier, vous ne pouvez pas aujourd'hui considérer qu'il n'y a pas de problème.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est évident !

M. Jean-Paul Bacquet. Nous pouvons discuter du fait que le contrôle médical - médecin praticien-conseil - puisse avoir accès au dossier médical. En revanche, il est inacceptable que n'importe qui au contrôle médical - et tel sera bien le cas - ait cette possibilité, comme hier vous jugiez inacceptable que n'importe qui puisse avoir accès aux informations concernant la justification des arrêts de travail.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7659.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 7616 et 8155, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7616.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à prévoir que ni les employeurs des patients ni les compagnies d'assurance ne pourront avoir accès aux données figurant sur le dossier médical personnel. J'ai cru comprendre cependant qu'un sous-amendement du Gouvernement reprenait ces dispositions ultérieurement. Je note qu'il faudrait d'ailleurs interdire aussi aux banques d'avoir accès au DMP car nombre de personnes ayant des problèmes de santé ne peuvent plus aujourd'hui bénéficier d'un emprunt, même modeste.

M. Richard Mallié. Le problème vient des assurances, pas des banques !

Mme Martine Billard. Oui, c'est vrai, mais les deux sont liés, car on ne peut pas obtenir un crédit sans assurance.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7616 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour les raisons que Mme Billard a elle-même évoquées. L'amendement n° 33 rectifié de la commission, sous-amendé par le Gouvernement, reprend en effet ses préoccupations.

Mme Martine Billard. Je retire mon amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 7616 est retiré.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8155.

M. Jean-Marie Le Guen. Je reconnais que la rédaction de cet amendement pourrait être améliorée. Théoriquement, en effet, et en l'état actuel du texte, seul un professionnel de santé peut avoir accès au DMP. Mais nous voulions insister sur le fait qu'il faut éviter que des médecins-experts, ou ayant des intérêts avec les entreprises concernées, puissent avoir accès à ces données, directement ou indirectement.

Cet amendement, que je vais retirer au bénéfice de l'amendement n° 8172 rectifié, présente en outre une autre insuffisance. Il ne fait référence, en effet, qu'aux institutions de prévoyance et aux entreprises du code des assurances, ce qui exclut les mutuelles régies par le code de la mutualité.

M. Richard Mallié. C'est vrai !

M. Jean-Marie Le Guen. Or il n'est plus possible, aujourd'hui, du point de vue juridique, d'opérer une distinction entre les différentes structures.

Par ailleurs, et cela aura son importance dans les discussions que nous aurons prochainement, des mutuelles servent de prête-nom à des institutions de prévoyance ou à des structures relevant du code des assurances. La forme juridique n'est donc plus du tout une garantie du fait de la convergence des structures si ce n'est des pratiques.

Mme la présidente. L'amendement n° 8155 est donc également retiré.

Je suis saisie d'une série de quinze amendements identiques nos 8082 à 8096.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8082.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement a d'ores et déjà été suffisamment défendu et discuté pour que je n'aie pas à le présenter de nouveau.

Mme la présidente. Les amendements nos 8083 de M. Claeys, 8084 de M. Bacquet, 8085 de M. Bapt, 8086 de M. Evin, 8094 de Mme Robin-Rodrigo et 8096 de M. Vidalies sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements pour des raisons déjà explicitées à de multiples reprises au cours de la journée.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 8082 à 8096.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 33 rectifié et 8 172 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 33 rectifié fait l'objet de deux sous-amendements, nos 7728 et 8437.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 33 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement, déjà largement évoqué, répond à une préoccupation de tous les membres de la commission. Nous considérons en effet que l'accès au dossier médical personnel doit être encadré. L'amendement n° 33 rectifié prévoit donc les dispositions suivantes :

« L'accès au dossier médical personnel est notamment interdit lors de la conclusion d'un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé et à l'occasion de la conclusion de tout autre contrat exigeant l'évaluation de l'état de santé d'une des parties. Il ne peut pas non plus être exigé comme préalable à la conclusion d'un contrat.

« Le médecin du travail, lorsqu'il examine une personne pour la première fois à l'occasion de son accès à un emploi, n'a pas accès au dossier médical personnel.

« Tout manquement aux présentes dispositions donne lieu à l'application des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal. » Cela va jusqu'à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8172 rectifié.

M. Jean-Marie Le Guen. La mise en discussion commune m'étonne, car je pensais, madame la présidente, que notre amendement était d'une nature différente. Il vise en effet à interdire l'accès au DMP aux médecins travaillant dans le cadre de certaines fonctions.

Mme la présidente. Ces deux amendements sont bien en discussion commune car ils sont exclusifs l'un de l'autre.

M. Jean-Marie Le Guen. L'amendement n° 8172 rectifié prévoit que l'accès au dossier médical personnel est interdit en dehors des cas prévus à l'article L.161-46, même avec l'accord de la personne concernée. Et ce point nous paraît fondamental.

Il précise aussi - j'y ai fait allusion tout à l'heure - que l'accès au DMP est interdit, non seulement à la compagnie d'assurance ou à la mutuelle, mais également au médecin qui est amené à travailler comme expert pour cette entreprise. Dans la mesure où une certaine forme de glissement peut exister aujourd'hui, il importe de prévoir un cloisonnement étanche pour lever tous les doutes au moins sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable. La commission a préféré son amendement qu'elle considère mieux rédigé et plus précis.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je partage la préoccupation de préserver la confidentialité des données contenues dans le dossier médical et la conviction qu'il faut éviter les pressions que pourraient subir les assurés lors d'une recherche d'emploi ou à l'occasion de la conclusion d'un contrat de santé.

J'ai donc présenté un sous-amendement permettant d'élargir ces interdictions à l'ensemble de l'activité, pour la médecine du travail, et à toutes les étapes de la vie, pour la signature de contrats complémentaires.

Ce sous-amendement devrait répondre aux préoccupations notamment exprimées par l'amendement n° 8172 rectifié de M. Le Guen.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La rédaction de l'amendement n° 33 rectifié de la commission risque de poser des difficultés. En effet, il est prévu que l'accès au dossier médical personnel ne peut être exigé en dehors des cas prévus à l'article L. 161-46, et non pas qu'il est interdit. Il nous paraît donc utile de préciser - et cela devrait recueillir l'assentiment de tous - que l'accès au dossier est impossible dans les cas indiqués, même en cas d'accord du patient. Nous pourrions nous rallier à l'amendement de la commission à cette condition.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Selon les termes de cet amendement qui a fait l'objet de longues discussions en commission, l'« accès au dossier médical est notamment interdit lors de la conclusion d'un contrat... ». Dire que l'accès au dossier est notamment interdit pour un contrat, c'est reconnaître que la communication de l'ensemble du dossier est le régime de droit commun !

Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous rappelle la position du Conseil de l'Ordre, à laquelle je m'associe, en matière de confidentialité. Êtes-vous en mesure d'affirmer que les moyens techniques dont nous disposons aujourd'hui permettent de préserver la confidentialité ? Si vous me le démontrez, je veux bien vous croire, mais nous vérifierons dès demain auprès de spécialistes.

Le dossier médical personnel est une bonne idée, mais il ne faut pas anticiper. Je le répète, les moyens techniques actuels ne permettent pas d'assurer la confidentialité. Si vous me démontrez le contraire, je voterai ce que vous voulez, mais je n'y crois pas. La CNIL aussi s'est prononcée, dois-je vous le rappeler, en évoquant une atteinte aux libertés individuelles.

Il est bon d'apporter ces précisions dans la loi, mais une chose est sûre : les assurances privées et les complémentaires trouveront toujours les moyens d'accéder à un dossier avant de signer un contrat. J'ai un autre souci, dont je vous ai fait part en commission. Tout le monde fait confiance au médecin du travail ! Mais lui accorder l'accès au dossier médical pourrait déboucher sur une sélection, non par rapport aux qualités professionnelles d'un individu, mais à son état de santé !

Je tenais à vous signaler qu'au travers de cet amendement, vous permettez l'accès au dossier dans des cas plus généraux que la conclusion d'un contrat.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je souscris à l'amendement n° 33 rectifié, mais également à celui présenté par nos collègues socialistes. Effectivement, on voit bien quelles pressions pourrait subir un employé si l'emploi est en jeu.

L'amendement n° 8172 rectifié de nos collègues socialistes propose d'interdire l'accès au dossier médical personnel « même avec l'accord de la personne concernée ». Par ailleurs, en ne mentionnant pas la phrase : « Il ne peut pas non plus être exigé comme préalable à la conclusion d'un contrat », cet amendement renforce l'impossibilité d'accéder au dossier médical, même dans le cas où le patient a donné son accord sous la pression d'un chantage à l'emploi.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir le sous-amendement n° 7728.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, exceptionnellement mon sous-amendement n'est pas très bien rédigé. (Rires.)

Mme la présidente. Heureusement que vous nous faites remarquer que c'est exceptionnel !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Quelle modestie !

M. Hervé Mariton. Il y a une raison à cela. L'amendement du rapporteur ne s'applique qu'à des situations contractuelles. Or il se trouve que le recrutement de fonctionnaires n'entre pas dans ce cadre contractuel. Il faut donc trouver une autre formulation pour protéger l'accès au dossier dans toutes les circonstances.

Le Gouvernement l'a d'ailleurs bien perçu, puisque son sous-amendement tend à rédiger ainsi le troisième alinéa : « Le dossier médical personnel n'est pas accessible dans le cadre de la médecine du travail ». Cela correspond bien à la situation que je viens d'évoquer. J'ajoute que dans l'exposé sommaire du sous-amendement, il est indiqué que la médecine de prévention comprend la visite d'embauche.

Dans la mesure où le dispositif prévu par le sous-amendement du Gouvernement me convient, je retire mon propre sous-amendement.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 7728 est retiré.

Mes chers collègues, je suis saisie par le rapporteur d'une demande de rectification de l'amendement n° 33 rectifié afin de rédiger ainsi le premier alinéa de l'article L. 161-46-1 : « L'accès au dossier médical personnel ne peut être exigé en dehors des cas prévus à l'article L. 161-46, même avec l'accord de la personne concernée ». Est-ce bien cela, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Oui, madame la présidente, c'est ce que nous proposons, en accord avec M. Vidalies.

Mme la présidente. Le Gouvernement est-il d'accord ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout à fait !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 8437 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission y est, bien entendu, favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8437.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33, deuxième rectification, modifié par le sous-amendement n° 8437.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 8172 rectifié tombe.

Je suis saisie de seize amendements, nos 8067 à 8081 et n° 7476, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 8067 à 8081 sont identiques.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir ces amendements.

M. Alain Vidalies. Par rapport à l'amendement proposé par M. Préel, cette série d'amendement précise que la loi doit davantage expliciter le contenu du décret annoncé par l'article L. 161-47.

Il nous semble en effet que le renvoi au décret prévu par cet article est trop général et qu'il nous appartient, à nous législateurs, en respectant ce qui relève du règlement, de préciser que le décret devra contenir des informations distinctes pour les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les pharmaciens, les auxiliaires médicaux, directeurs de laboratoire d'analyses de biologie médicale.

Si cette précision n'est pas une innovation, car elle a déjà été utilisée dans le projet de loi à propos du dossier médical, elle nous semble indispensable car il est de la compétence du législateur de fixer la portée du décret et de refuser la rédaction trop vague de l'article L. 161-47.

Mme la présidente. Monsieur Vidalies, puis-je considérer que les amendements nos 8067 à 8081 sont défendus ?

M. Alain Vidalies. Oui, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 7476.

M. Jean-Luc Préel. Le dossier médical personnel va introduire des pratiques différentes et poser des questions d'ordre déontologique qui relèvent du Conseil de l'Ordre des médecins. Il est donc souhaitable que le décret d'application du Conseil d'État soit pris après avis du Conseil national de l'Ordre des médecins.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La rédaction des amendements présentés par les membres du groupe socialiste et défendus par M. Vidalies est un peu imprécise. D'une part, on ne sait pas bien ce que veut dire : « Un décret en Conseil d'État... fixe les conditions et la mesure dans lesquelles... ». D'autre part, je vous signale que les « auxiliaires médicaux » ont disparu du langage courant et sont remplacés par les « professions paramédicales ». Vous l'avez dit vous-même, monsieur Vidalies, de telles mesures relèvent du décret.

Ce matin, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que seuls les médecins, dans un premier temps, seraient concernés par le DMP suivis progressivement par les autres professions de santé. Pouvez-vous nous le confirmer ? Existera-t-il pour chaque profession de santé un statut particulier d'accès à l'information médicale ?

J'en reviens aux amendements. La commission a repoussé les amendements de nos collègues socialistes.

Je suis désolé, monsieur Préel, mais l'amendement n° 34 de la commission, que nous allons examiner prochainement, correspond exactement à ce que vous proposez dans votre amendement n° 7476, en faisant référence au Conseil national de l'Ordre des médecins. Nous serions très heureux, monsieur Préel, que vous acceptiez de cosigner l'amendement de la commission !

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Préel ?

M. Jean-Luc Préel. Oui, madame la présidente, étant invité par la commission à cosigner l'amendement n° 34.

Mme la présidente. L'amendement n° 7476 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le même que celui de la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Il se passe quelque chose de très bizarre. M. Bur nous disait tout à l'heure que le Conseil de l'Ordre était très conservateur et maintenant on veut s'y référer. Qui croire ? Pour ma part, je ne connais pas ces gens-là, ils sont trop haut placés ! (Sourires.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Et cela vous impressionne ?

M. Maxime Gremetz. Quoi qu'il en soit, je suis tout à fait d'accord avec le fait que le décret soit pris après avis conjoint de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. À mon avis, c'est là que vont se jouer la préservation des libertés et la confidentialité. Quant au Conseil national de l'Ordre, que vous jugez conservateur, j'ai plutôt tendance à lui faire confiance, même s'il prend parfois des mesures qui ne plaisent pas à M. Bur ! Ce n'est pas moi qui désigne ses membres, cela ne me pose pas de problèmes. Si pour certains, la consultation de ces deux instances n'est pas souhaitable, elle me convient !

Pour ma part, j'aurais bien soutenu l'amendement de M. Préel, mais il l'a retiré !

M. Jean-Luc Préel. Nous allons examiner un amendement de la commission qui reprend les mêmes termes : l'amendement n° 34 !

M. Jean-Marie Le Guen. Il en est de même de l'amendement n° 8160 !

M. Maxime Gremetz. Nous avons le choix ! Il y a donc unanimité autour de l'avis conjoint du Conseil national de l'Ordre des médecins et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

M. Jean-Luc Préel. Cela figure dans le texte du Gouvernement !

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Le texte du projet de loi me suffit largement. Pourquoi une telle litanie des professions de santé, avec les risques d'en oublier certaines ? Renvoyer à un décret en Conseil d'Etat, comme le prévoit le projet, me paraît raisonnable.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Les amendements que l'on vient d'évoquer méritent d'être pris en considération.

Sur une question aussi fondamentale que le secret médical et l'accès de telle ou telle catégorie de personnel médical ou paramédical au dossier il est très important de faire une distinction et d'établir différents types d'information pour les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les pharmaciens, les auxiliaires médicaux et les directeurs de laboratoire d'analyses de biologie médicale. Le contrôle de la CNIL est une bonne chose. Quant au Conseil national de l'Ordre des médecins, il a le mérite d'exister. Dans la mesure où sa dissolution n'est plus demandée par une fraction significative de la représentation nationale ni par le corps médical, il est important qu'il émette un avis. C'est une question d'éthique. La référence à la CNIL et au Conseil de l'Ordre n'est pas superfétatoire et on ne doit pas se contenter d'un renvoi à un décret en Conseil d'État.

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, pensez-vous que nous ne soyons pas assez éclairés sur ce sujet ?

M. Jean-Marie Le Guen. Un mot, madame la présidente !

Mme la présidente. Vous avez la parole.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais simplement signaler une petite dérive, au risque d'en choquer certains : il ne faudrait pas, à ce point du débat, considérer le secret médical comme un secret professionnel parmi d'autres. Je ne voudrais pas que l'on mette sur le même plan ce qui relève du colloque singulier entre le médecin et son patient et ce qui relève du devoir, par ailleurs important, auquel sont soumises d'autres professions de santé, parfaitement honorables et responsables. Ou bien on traite ce problème en termes de rapports de pouvoir entre professions de santé, ce qui serait s'engager sur une pente dangereuse ; ou bien on le traite du point de vue des patients, et à cet égard le secret médical n'est pas réductible à un secret professionnel comme les autres. Le secret médical est en effet une condition fondamentale de la relation thérapeutique, et non une simple garantie de qualité. C'est ce qui fait d'ailleurs de l'acte médical un acte singulier. Cela ne veut pas dire qu'il est supérieur ou plus important que d'autres : il est tout simplement différent.

Je voulais donc dire, à ce moment du débat, et après les différentes interventions que nous avons entendues, qu'à mon avis il ne fallait, ni au cours de la discussion, ni au moment d'appliquer la loi, confondre le secret médical avec les autres secrets professionnels.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous retirez donc votre amendement ?

M. Jean-Marie Le Guen. Non ! La conclusion logique de mes propos est que nous avons besoin d'un strict encadrement juridique, et donc d'un décret en Conseil d'État.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Selon l'article L. 161-47, « un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les conditions d'application de la présente section et notamment les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations qui figurent au dossier médical personnel. » Je crois que cela satisfait très directement la demande de M. Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Mon intervention était d'ordre général ; elle portait sur le contexte d'ensemble de notre discussion plus que sur le point spécifique soulevé par l'amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Il ne s'agit peut-être pas d'une difficulté majeure, mais je voulais vous faire observer, monsieur le ministre, que je n'ai pas inventé cette liste : notre amendement ne fait que reprendre la liste dressée par l'actuel article L. 162-1-6 du code de la sécurité sociale. Je pensais simplement que la formulation plus générale retenue par votre projet de loi faisait tomber dans le domaine réglementaire les précisions qui se trouvaient jusqu'ici dans la loi. Vous nous assurez que le résultat est identique. Dans ce cas, pourquoi ne pas en rester au texte actuel de la loi, plutôt que de retenir un texte qui laisse plus de marge de manœuvre au pouvoir réglementaire ? C'est une question de partage entre le domaine législatif et le domaine réglementaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 8067 à 8081.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 34 et 8160.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous proposons que soient insérés, dans le texte proposé pour l'article L.161-47 du code de la sécurité sociale, après les mots « des libertés », les mots « et du Conseil national de l'Ordre des médecins ». En d'autres termes, le décret d'application des articles L. 161-45 à L. 161-47 ne devrait être pris qu'après avis du Conseil national de l'Ordre des médecins. Il s'agit là d'un souhait exprimé sur tous les bancs de cette assemblée, aussi bien par le groupe socialiste - c'est l'amendement 8160 - que par l'UDF ou l'UMP. Même M. Gremetz le soutient, comme il l'a dit à plusieurs reprises.

Cela découle d'une logique imparable, s'agissant d'un dispositif qui pose de nombreuses questions déontologiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 8160.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes très heureux de cette unanimité, d'autant qu'elle vient souligner de façon fort opportune qu'en dépit des centaines d'heures qu'il dit avoir consacrées à la concertation, le Gouvernement a bêtement oublié de consulter le Conseil de l'Ordre !

M. Maxime Gremetz. Ils ont tellement oublié qu'ils n'ont même pas lu ce que le Conseil de l'Ordre a écrit sur le sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Le ministre n'est pas le seul à avoir oublié quelque chose ; M. Le Guen et M. le rapporteur ont eux aussi omis un point important. Comme je l'ai déjà dit, les médecins ne sont pas les seuls prescripteurs. L'ordre national des chirurgiens-dentistes est également concerné. C'est pourquoi je souhaiterais sous-amender ces amendements, et insérer, après les mots « Conseil national de l'Ordre des médecins », « et des chirurgiens-dentistes ».

M. Jean-Marie Le Guen. Qu'en dit le Gouvernement ?

Mme la présidente. Laissez-moi le soin d'interroger le Gouvernement, monsieur Le Guen !

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Mallié, je vous garantis que nous prendrons en considération votre réflexion, qui est de bon sens. Je vous propose que nous renvoyions cette précision à l'examen par la Haute assemblée, afin d'améliorer le texte dans ce sens.

M. Jean-Marie Le Guen. On nous appelle donc à voter un texte dont on nous dit qu'il sera meilleur devant la Haute assemblée !

Mme la présidente. Vous savez très bien, monsieur Le Guen, que la navette peut servir à quelque chose !

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 34 et 8160.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 5 de M. Estrosi n'est pas défendu.

Je suis saisie d'un amendement n° 7726.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le soutenir.

M. Hervé Mariton. Cet amendement est lumineux, et il se comprend par lui-même !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il est repoussé.

Mme la présidente. Il était trop clair, monsieur Mariton ! (Rires.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il est si lumineux qu'il nous a éblouis !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7726.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 8164.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Repoussé parce que satisfait.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 8166.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Il s'agit d'un amendement très important, car il introduit le débat des responsabilités médicales qui découleraient de l'établissement du dossier médical personnel. Il s'agit de savoir qui sera responsable de quoi : qui sera responsable d'un acte médical - ou d'une abstention d'agir - décidé dans le cadre du dossier médical personnel ? Prenons le cas banal de la responsabilité d'une transfusion sanguine qui se fonderait sur une indication erronée quant au groupe sanguin. Sera-ce le praticien qui a inscrit une fausse information qui en sera tenu pour responsable ? Sera-ce l'hébergeur, au sens large du terme - je ne crois pas qu'on puisse incriminer la société informatique ?

M. Jean Dionis du Séjour. Ah non ! Ce point est réglé par la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

M. Jean-Marie Le Guen. Je veux parler de l'institution qui porte toutes ces informations. C'est là un autre sujet, où nous nous heurtons à un vide juridique complet : on ignore quelle institution sera juridiquement considérée comme porteuse de l'ensemble du système. Si demain le fonctionnement global du système est vicié de l'intérieur, qui en serait le responsable ? On ne sait pas, puisqu'on ne connaît pas d'institution porteuse, qui serait considérée comme responsable en dernier recours. Mais peut-être nous précisera-t-on ce point.

Sera-ce enfin le praticien qui aura prescrit un acte en se fondant sur les informations contenues dans le dossier médical personnel ?

Vous êtes nombreux, chers collègues, à être persuadés que le dossier médical personnel jouera un rôle d'accélérateur dans la connaissance de la pathologie du patient. L'expérience médico-légale nous invite pourtant à la prudence. En effet, comme vous le savez sans doute, face à un accidenté dont l'état nécessite une transfusion, même si celui-ci est porteur d'une carte de donneur de sang qui indique son groupe sanguin, le centre transfusionnel est obligé de vérifier à nouveau son groupe sanguin. En effet, du point de vue médico-légal, la carte qui indique le groupe sanguin, ou même les déclarations de la personne concernée quant à son groupe sanguin, n'ont pas de valeur médico-légale.

Je pourrais citer beaucoup d'autres cas où il en va de même, et on ne voit pas pourquoi il en irait autrement avec le DMP. Or l'un des objectifs implicites de ce dispositif est de ne pas avoir à répéter les examens dont les résultats sont portés dans le DMP. Mais si on n'accorde aucune protection du point de vue médico-légale quant au contenu de ce DMP, qui ne serait en rien opposable, avouez que son efficacité sera très diminuée.

Mais ce n'est là qu'une des nombreuses conséquences de l'établissement du DMP que nous aimerions être à même de mieux apprécier, car ces questions sont au cœur des pratiques médicales - je pense notamment aux médecins urgentistes, mais ils ne sont pas seuls à être concernés par ces questions de responsabilité et de valeur médico-légale du contenu du DMP.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, pour des raisons d'écriture d'abord : « précise » aurait été mieux adapté que « stipule ».

Surtout un décret ne peut pas préciser les règles de responsabilité : celles-ci relèvent du droit commun de la responsabilité, et il revient au juge de les apprécier. C'est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement, monsieur Le Guen.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez remarqué, monsieur le rapporteur, que nous sommes parvenus à ouvrir ce débat sans évoquer la nécessité d'un « rapport », d'une « commission », ou de quoi que ce soit de ce genre. Vous mesurez par là l'ampleur de l'effort sémantique que nous avons fait tout particulièrement pour vous. Il s'agissait de vous interpeller sur le fond du dossier, mais nous avons conscience que la forme de l'amendement n'est pas aboutie du point de vue de l'expression juridique.

Je voudrais souligner néanmoins, avec intensité quoique sans élever la voix, que nous prêterons le plus grand intérêt à la réponse du Gouvernement sur cette question. Nous sommes prêts à lui accorder le temps de la réflexion, s'il préfère nous répondre plus tard.

Mme la présidente. Cela étant dit, monsieur Le Guen, retirez-vous cet amendement ?

M. Jean-Marie Le Guen. Je ne le retire pas dans l'état actuel des choses.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Un décret en Conseil d'État, qui sera pris sur la base de l'article L. 1111-4, est à l'heure actuelle en cours de finalisation et viendra préciser les conditions de responsabilité. Ce n'est pas un décret, même en Conseil d'État, qui peut aujourd'hui valider le périmètre de la responsabilité quant à l'utilisation du DMP.

C'est pourquoi, comme la commission, le Gouvernement propose le rejet de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le texte de l'amendement était uniquement destiné à provoquer le débat, et les observations du président sur le fait que cela ne peut pas être un décret sont parfaitement fondées : les questions de responsabilité relèvent du domaine de la loi.

Un problème se pose à nous ce soir, et la réponse que le Gouvernement va apporter à Jean-Marie Le Guen devra être très précise.

Soit nous ne disons rien. Pour l'hébergeur, c'est la loi sur l'économie numérique qui s'appliquera, et le problème est réglé. Cela signifie que nous serons dans le domaine du droit commun alors qu'il s'agit de quelque chose de très particulier. Si le Gouvernement ou la commission répond que c'est le droit commun, dont acte : nous renverrons aux dispositions du code civil sur la responsabilité.

Soit nous nous trouvons dans une situation particulière.

Cette question se posera à tous ceux qui liront la loi. Il faut maintenant que ce débat reçoive des réponses.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je souhaite apporter le témoignage de la loi « pour la confiance dans l'économie numérique ».

C'est vrai : le régime de responsabilité qui vient d'être validé, y compris par le Conseil constitutionnel, c'est l'irresponsabilité des hébergeurs et la responsabilité de l'auteur.

Cela étant dit, ce régime a ses limites : en particulier, les hébergeurs deviennent responsables s'ils ne corrigent pas une information illicite signalée par un internaute. À cet égard, une question intéressante a été soulevée dans la discussion : la responsabilité des hébergeurs est-elle engagée s'ils ne corrigent pas une information qu'on leur signale ? Il y a là un champ de réflexion très important.

N'étant pas juriste, je ne saurais dire s'il faut un décret ou une loi. Par contre, il est nécessaire de préciser les choses. Nous y avons passé beaucoup de temps à l'occasion de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, et il faudrait s'en inspirer pour légiférer dans le domaine dont nous traitons présentement.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Selon le rapporteur, ce problème relève de la loi , mais il est très complexe et la loi à laquelle fait référence M. Dionis du Séjour n'est pas tout à fait transposable.

En effet, la responsabilité de l'hébergeur est en cause dans le cas d'une information erronée qu'un internaute lui aurait demandé de modifier. Or dans notre cas, l'information ne peut être modifiée que par le professionnel de santé en question, ou par un autre, puisque c'est une information médicale. Cela pose donc en effet le problème de la responsabilité du professionnel de santé dans le cas d'une information erronée ayant entraîné un préjudice à l'encontre d'une personne traitée dans le système de santé. En l'occurrence, le juge devra selon moi aller rechercher le responsable.

La question mérite effectivement d'être posée : l'information, incluse dans le dossier et sur laquelle le professionnel de santé devra s'appuyer pour faire un choix thérapeutique, pourra-t-elle être considérée par lui comme suffisamment fiable ?

Il est donc nécessaire de clarifier les choses car, si aucune sécurisation n'est prévue en la matière, chaque professionnel sera conduit, pour éviter un éventuel contentieux, à refaire les examens pour en assumer pleinement la responsabilité au lieu de se fier à l'information contenue dans le dossier médical personnel.

Nous ne saurons sans doute pas régler totalement cette question concrète ici, ce soir, monsieur le secrétaire d'État, mais il faudra la traiter. Sinon, le professionnel ne sera pas sécurisé et votre objectif - que nous partageons - de lutter contre les examens redondants ne sera pas atteint.

M. Jean-Marie Le Guen. Eh oui ! Et on continuera avec les douze électrocardiogrammes !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je réponds au nom de la commission.

Je ne sais pas si nous trancherons la question ce soir, mais selon nous les règles de la responsabilité sont fixées par la loi. Elles ne peuvent pas l'être au niveau du décret. La loi qui s'impose, c'est bien le droit commun.

M. Jean Dionis du Séjour. Non, il n'y a rien dedans !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous considérons que si un droit spécifique devait être défini, il ne saurait passer par un décret... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Evin. Donc, ils vont tous refaire les examens !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Mais c'est le droit commun de la responsabilité !

J'ignore si, ce soir, nous pourrons conclure sur ce sujet.

M. Jean Dionis du Séjour. Non, mais c'est important !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Je pense qu'il appartient au Gouvernement de bien préciser ses intentions d'ici à l'examen du texte au Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes lundi...

Mme la présidente. Nous allons bientôt être mardi, monsieur Le Guen ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Mercredi dernier, j'ai soulevé ce problème dans mon intervention sur la question préalable. Il y a donc eu six jours de travail des services des deux ministres pour nous dire qu'on réfléchit à un décret ! Or il y a au moins unanimité sur un point ; cette question ne concerne en rien un décret, mais relève de la loi !

La question qui se pose est simple.

Ou nous sommes dans le droit commun, ce qui signifierait que tout ce qu'on a dit sur la lutte contre les examens inutiles tombe ! La responsabilité médico-légale, telle qu'elle résulte aujourd'hui de la jurisprudence, conduit en effet chaque professionnel à refaire les examens, car chacun est censé vérifier l'information qui lui est donnée ! Voilà quelle est la responsabilité médicale dans l'état actuel du droit ! Par conséquent, tout le discours sur le « dédoublonnage » tombe !

Ou bien il nous faut prévoir un droit spécifique, et nous nous apercevons...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Qu'il n'y a rien !

M. Jean-Marie Le Guen. ...qu'il n'y a rien à ce sujet dans le projet de loi  ! Nous sommes dans le vide absolu qu'il s'agisse du caractère opposable du DMP en matière médico-légale, de son efficacité économique ou de ses conséquences juridiques pour ceux qui vont y travailler ! Je le répète, monsieur le secrétaire d'État : nous ne savons pas qui sera responsable des erreurs potentielles - car, malheureusement, il y a et il y aura des erreurs ! Est-ce que ce sera la personne, ou l'institution, qui aura nourri le dossier ? Celle qui aura utilisé le dossier ? Ou celle qui aura garanti l'existence du dossier ?

Le dossier est nu, on ne sait plus à quoi il sert.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur Evin et monsieur Le Guen : de quelles erreurs parlez-vous précisément ?

M. Jean-Marie Le Guen. Médicales. Thérapeutiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Evin.

M. Claude Evin. Nous parlons du préjudice subi par un patient à la suite d'une intervention, disons, thérapeutique.

M. Jean-Marie Le Guen. Ou de la non-intervention !

M. Claude Evin. Certes, mais ne compliquons pas trop.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais si ! Combien de personnes croient avoir été opérées de l'appendice et « refont » une appendicite ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Monsieur Le Guen, s'il vous plaît !

M. Claude Evin. La question posée est la suivante : si le préjudice médical est le résultat d'une mauvaise information, qui en est responsable ? Celui qui a réalisé l'acte ou celui qui a inscrit la mauvaise information ?

De mon point de vue, c'est l'auteur de l'information erronée, mais il faut se donner les moyens d'aller le rechercher, faute de quoi c'est celui qui sera intervenu dans l'acte thérapeutique qui sera en première ligne, à charge pour lui d'apporter la preuve que l'information était erronée. Déterminer la responsabilité sera, dans ce cas, extrêmement compliqué.

À défaut d'éclairer les professionnels sur cette chaîne de responsabilités, vous risquez d'aboutir à la situation que M. Le Guen et moi-même avons évoquée tout à l'heure : craignant qu'une information dans le dossier médical soit erronée, les professionnels referont les examens.

Voilà la problématique : il nous semble nécessaire de la creuser car elle n'est pas aussi simple qu'elle ne le paraissait au départ.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce qu'on va surtout demander au Gouvernement, c'est de réfléchir !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. On s'en aperçoit : chacun est de bonne foi dans cette affaire.

Cela étant dit, dans notre esprit, les choses sont claires : nous sommes dans le droit commun de la responsabilité. Autrement dit, si la responsabilité d'un professionnel de santé est engagée, la possibilité existe ensuite d'engager une action récursoire, dans le cas où les informations à sa disposition étaient erronées.

Je ne vois pas comment nous pourrions modifier l'équilibre juridique lié au droit de la responsabilité tel qu'il existe aujourd'hui : en quoi cela poserait-il des problèmes d'engager une action récursoire et quel type de garantie supplémentaire pourrions-nous apporter ?

M. Jean-Marie Le Guen. On ne modifie pas le droit de la responsabilité !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. En tout état de cause, pour revenir au fondement de notre discussion, ce n'est pas un décret qui peut apporter cette clarification, nous en sommes d'accord.

Pour le reste, par rapport à la lecture que nous pouvons faire aujourd'hui, il n'y a pas de modification du droit de la responsabilité tel qu'il existe aujourd'hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ce débat est déterminant pour l'avenir du dossier médical personnel.

Il n'y a pas de proposition sur le statut médico-légal de ce dossier, nous dit le Gouvernement, car c'est le droit commun de la responsabilité qui s'appliquera. C'est vrai, et c'est d'ailleurs ce que j'ai dit au départ : ce droit s'appliquera si nous n'écrivons rien dans la loi à ce sujet.

Le droit commun de la responsabilité, c'est que chacun est responsable de ses actes. Dans notre cas, celui qui aura inscrit un renseignement erroné à l'origine du préjudice de la victime verra sa responsabilité engagée. C'est le cas de figure le plus simple, et il n'y a pas lieu de modifier la loi.

Néanmoins, dans de nombreux cas, la victime reprochera au second médecin qui a utilisé l'information erronée d'avoir commis une faute par abstention. En effet, ce dossier médical partagé n'ayant aucun statut exorbitant du droit commun, le médecin ne pouvait en tirer aucune conséquence particulière et, par conséquent, la faute d'abstention lui sera opposable et on ira chercher sa responsabilité.

Par conséquent, votre loi va s'effondrer car les juristes qui conseillent les compagnies d'assurances vont dire exactement l'inverse de ce que vous recherchez en expliquant aux professionnels que la seule façon pour eux de se mettre à l'abri et de ne pas encourir ce type de responsabilité est de refaire, comme hier, l'ensemble des actes médicaux...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et voilà !

M. Alain Vidalies. ...et qu'au moins, pour le coup, ils ne seront responsables que de leurs propres actes.

À partir de ce moment-là, monsieur le secrétaire d'État, il ne reste plus grand-chose de votre dispositif. Cela mérite réflexion.

Mme la présidente. Compte tenu du développement de la judiciarisation de la médecine, ce point mérite en effet d'être traité avec précision.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, vous parlez d'or. Il est incroyable que dans le contexte actuel, alors que le Président de la République s'est engagé devant le corps médical à lutter contre la judiciarisation de la médecine, on nous présente un projet dont cette problématique est absente, en particulier faute d'étude d'impact. Si une étude d'impact avait été réalisée, messieurs les ministres, cette question aurait été posée. C'est aussi parce qu'elle n'a pas eu lieu qu'on n'y a pas répondu.

J'ajouterai à l'intervention de M. Alain Vidalies que nous voyons bien, dans l'état actuel du texte, qu'aucun acte, consistât-il simplement à nourrir le dossier, n'est neutre du point de vue de la responsabilité juridique. En l'état actuel des choses, en l'absence de réflexion sur le fondement juridique de la responsabilité, non seulement les praticiens qui utiliseront le DMP en aval, seront placés dans une situation d'insécurité juridique, mais il en ira de même pour ceux qui, en amont, auront à introduire des données sans aucun statut ni rémunération.

On en revient à notre discussion sur les établissements hospitaliers, dans laquelle nous demandions que le mot « établissement » ne soit pas précisé. Notre demande antérieure apparaît ainsi justifiée. En effet, il peut arriver à n'importe lequel d'entre nous d'oublier d'introduire la moitié d'un compte rendu opératoire. Au total, vous créez de l'insécurité juridique sur l'ensemble de la chaîne.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 8166.

M. Maxime Gremetz. Le Gouvernement doit répondre !

Mme la présidente. Le Gouvernement a répondu lorsqu'il l'a voulu.

M. Jean-Marie Le Guen. Je retire l'amendement, mais je demande au Gouvernement comment il entend répondre aux questions que nous avons soulevées.

Mme la présidente. L'amendement n° 8166 est retiré.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Madame la présidente, il convient que chacun reprenne ses esprits. Je demande à cet effet une suspension de séance de dix minutes.

Mme la présidente. Je vous indique que j'ai l'intention de lever la séance à zéro heure trente.

M. Jean-Marie Le Guen. Dans ces conditions, je demande tout de même une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue le mardi 6 juillet 2004 à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure dix.

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. En assistant à ce débat d'experts, j'ai compris que des questions majeures se posaient, et je ne me sens pas très bien de ne pas obtenir de réponse.

M. Jean-Marie Geveaux. Vite, un médecin ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Je suis sérieux ! Dans un tel débat, je ne comprends pas cette absence de réponse, alors que j'ai en main le document réalisé par les services du ministère à destination des médecins, qui contient des informations complètes sur la loi. Il est sous-titré : « C'est en changeant tous un peu qu'on peut tout changer », beau mot d'ordre ! Je lis : « Vos questions sur le projet de réforme, nos premières réponses ». Ainsi, l'Assemblée nationale est la seule à ne pas être informée. Vous répondez à tout le monde, sauf à nous ! Vos services ont été très efficaces, monsieur le ministre. Chacun l'a-t-il reçu ?

M. Jean-Marie Le Guen. Moi, non !

M. Maxime Gremetz. C'est surprenant puisqu'il est adressé aux médecins.

M. Jean-Marie Le Guen. Peut-être parce que je ne suis pas inscrit au Conseil de l'ordre !

M. Maxime Gremetz. C'est un médecin qui m'a remis cette brochure, en me disant qu'il avait cru que la discussion allait durer jusqu'en août, ce que je lui ai confirmé. « Mais non, m'a-t-il répondu, puisqu'on nous explique déjà tout ce qu'il y a dans la loi ».

M. Hervé Mariton. Alors, autant s'arrêter là !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je vous en prie, répondez à la question majeure qui vous est posée ! Si vous ignorez la réponse, dites que vous allez réfléchir, mais dites-nous quelque chose. La réponse à cette question est une des rares à ne pas figurer dans ce document. En revanche, quand le Gouvernement restera muet, il me permettra de répondre à sa place à d'autres questions.

Mme la présidente. Ce rôle vous ira à ravir, monsieur Gremetz !

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 8165.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement se justifie par son texte même. Il pose la question de la saisie du dossier médical personnel par un juge. Le Gouvernement doit avoir une réponse. Il s'agit d'un amendement d'appel.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, considérant qu'il n'a guère sa place dans l'article L. 161-47 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, sa rédaction est trop imprécise. Le médecin sera désigné dans quel cadre, par qui ?

Mieux vaudrait que ses auteurs le retirent.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En vertu des règles établies par le code de procédure pénale et en application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, les dispositions relatives au secret professionnel ne sauraient limiter les pouvoirs dont disposent les juridictions. Il n'est donc pas possible d'interdire au juge, a fortiori au médecin expert commis par le juge, l'accès aux données du dossier médical personnel quand bien même celles-ci sont couvertes par le secret médical.

Je vous propose donc de ne pas retenir cet amendement.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, je retire l'amendement n° 8165.

Mme la présidente. L'amendement n° 8165 est retiré.

Je suis saisie de douze amendements identiques, nos 2224 à 2235.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Ces amendements visent à empêcher l'entrée en vigueur du dossier médical personnel.

Au-delà de l'insuffisance des garanties sur l'ensemble des enjeux, que nous avons déjà dénoncée, il est clair que ce dossier constituera un nouvel outil de la maîtrise comptable des dépenses de santé. Car, et il n'y a pas de doute à ce sujet, la constitution de ce dossier nécessite le codage des actes. Or le codage des actes et des pathologies répond aussi, du point de vue des décideurs, à la nécessité qu'ont les caisses primaires d'assurance maladie de pouvoir disposer d'informations pour contrôler les pratiques des médecins et les parcours de soins des patients.

Ce contrôle sera réalisé en vue d'une maîtrise des dépenses de santé et s'appuiera sur des références de « bonne pratique » médicale. Le « nomadisme » médical, la redondance d'examens pour un même patient sont parmi les phénomènes les plus traqués.

Si la recherche d'une meilleure efficience est légitime, doit-elle impérativement passer par un codage généralisé des actes et des pathologies à cette fin ? Suppose-t-elle un chaînage illimité dans le temps des informations sur le parcours de santé d'un patient ?

De plus, de nombreux acteurs s'accordent pour estimer que les dérives des pratiques ayant des conséquences notables sur les dépenses peuvent être aisément repérées lors de contrôles plus simples à mettre en œuvre. Une conservation des actes codés, très strictement encadrée et limitée au délai requis par le service de contrôle des caisses d'assurance maladie, est suffisante pour repérer et traiter les dysfonctionnements. Cela est confirmé par les praticiens conseils des caisses d'assurance maladie.

 L'artillerie  lourde et hasardeuse du dossier médical personnel ne paraît pas être la condition première et nécessaire au contrôle et à la régulation des dépenses.

Enfin, les économies réalisées se feront au détriment de dépenses inconsidérées. Comme le note notre rapporteur : « le financement de la mise en place du dossier médical personnel sera supporté par les régimes de l'assurance maladie et les gains attendus devraient, à terme, excéder les dépenses engagées, qui seront malgré tout considérables ». L'emploi du conditionnel est de ce point de vue révélateur ! Par conséquent, on ne peut accepter l'entrée en vigueur du dossier tel que vous le proposez.

M. Maxime Gremetz. Très bien !

Mme la présidente. Puis-je considérer que tous les amendements identiques ont été défendus ?

M. Maxime Gremetz. Non, madame la présidente !

Mme la présidente. Je vous donne donc la parole, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Puisque le ministre ne répondra pas, je vais vous donner les réponses du ministre telles qu'elles figurent dans la fameuse brochure. Ainsi, François Liberti, vous pourrez répondre au ministre ! (Sourires.)

« Où se trouvera ce dossier médical ? Les données seront centralisées et les dossiers seront hébergés en toute sécurité auprès d'un tiers, un "hébergeur de données de santé à caractère personnel". Ces hébergeurs seront désignés au terme d'un appel d'offres pour leur fiabilité, notamment pour les garanties apportées en matière de confidentialité des données. Ils devront être agréés "hébergeur de données de santé" aux termes du décret correspondant. L'assuré sera ensuite libre de choisir l'hébergeur de son choix et pourra changer d'hébergeur s'il n'est pas satisfait. » Vous observerez que c'est d'une grande simplicité !

Je poursuis ma lecture : « Cela améliorera-t-il la qualité des soins ? Ce dossier permettra un parcours de soins optimal pour toute personne dans toute la France pour n'importe quelle situation et à tout moment. » Formidable ! « Grâce à l'information partagée, il facilitera une prise en charge coordonnée des soins et permettra par exemple de réduire les interactions médicamenteuses qui, à cause d'un manque d'informations et de transparence, occasionnent chaque année plus de 128 000 hospitalisations et provoquent plus de décès que les accidents de la route. »

« Cela générera-t-il des économies ? En améliorant l'information des différents praticiens qui traitent un même patient, en permettant une meilleure connaissance et un meilleur suivi de celui-ci, nous allons dépenser mieux, notamment en évitant les redondances - par exemple en évitant de démultiplier inutilement les examens complémentaires. »

Autres questions abordées dans cette brochure : « Quel rapport avec la carte Vitale ? Que deviendront mes dossiers ? Qui va transférer mes dossiers existants ? Mon outil informatique sera-t-il compatible ? Qui aura accès aux données ? ». Le ministre nous donne si peu de réponses ici et tant dans cette brochure !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Dans ce cas, ne prolongez pas le débat !

M. Maxime Gremetz. Je vous lirai d'autres passages au fur et à mesure de la discussion, car je suis un homme de partage ! Sinon, on me traiterait d'égoïste !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est le fameux « petit livre jaune » de M. Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre nous apportera-t-il des réponses précises ? L'avenir nous le dira.

Mme la présidente. Un autre membre du groupe communiste souhaite-t-il s'exprimer ?

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, je peux vous lire d'autres passages ! (Sourires.)

Mme la présidente. Heureusement, ce n'est pas la Bible !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous avions déjà entendu tout au long de la journée les arguments développés par M. Liberti. C'est pourquoi je n'y répondrai pas de nouveau. Je répète simplement que le dossier médical personnel n'est pas uniquement motivé par des considérations économiques, mais qu'il vise à améliorer la qualité des soins.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2224 à 2235.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 6 juillet 2004, à zéro heure vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot