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Première séance du mardi 6 juillet 2004

11e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

TRAITEMENT DE LA DÉLINQUANCE SEXUELLE

M. le président. La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur. Monsieur le ministre de la santé, je tenais à prendre la parole avant la reprise de nos débats pour vous faire part, au nom de notre collègue Alain Ferry qui ne peut être des nôtres pour raisons de santé, de l'émotion suscitée par les meurtres tragiques de Jeanne-Marie, d'Edwige et de Julie.

L'assassin présumé de la petite Jeanne-Marie, Pierre Bodein, se trouve depuis mars dernier en liberté conditionnelle. Sans contester le principe même de la liberté conditionnelle, nos concitoyens ne peuvent comprendre que des criminels qui restent potentiellement dangereux - en l'occurrence, un délinquant sexuel - puissent bénéficier d'une libération anticipée alors même qu'ils n'ont accepté de suivi médical et psychiatrique ni pendant leur incarcération ni après leur libération.

Il est donc urgent d'agir. Il ne faut plus retarder la mise en place du fichier des délinquants sexuels. Il n'est plus tolérable que le système d'automaticité des remises de peine s'applique à des personnes qui, comme c'est le cas pour certains délinquants sexuels, restent des dangers pour notre société. Il faut aussi réfléchir à la mise en œuvre d'une injonction de soins pour ces délinquants.

Avec les élus locaux, vous comprendrez l'émotion de la population et son incompréhension. La meilleure manière de la prendre en compte, la seule réponse à lui apporter est d'agir pour ne plus être confrontés à de tels drames.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de faire part, au nom d'Alain Ferry,...

M. André Schneider. Et de tous les parlementaires !

M. Yves Bur. ...de cette émotion et de cette attente de la population au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur Bur, vous posez une question majeure, qui fait souvent l'actualité.

La liberté conditionnelle a été conçue pour permettre aux personnes condamnées de se réinsérer dans la société, et tout médecin y voit une solution digne. Or, on constate aujourd'hui que, dans un certain nombre de cas, cette politique a échoué. Tous les jours, à la télévision ou dans les journaux, des faits divers sordides montrent que des criminels bénéficiant d'une remise de peine profitent de leur liberté pour commettre de nouveaux crimes. La France, patrie des droits de l'homme, est confrontée à ce dilemme : elle doit, certes, offrir une deuxième chance à ceux qui ont compris leur faute et souhaitent se racheter, mais elle doit aussi soutenir le regard des parents de ces petites filles torturées, violées et assassinées parce que la loi a donné à des assassins une deuxième chance que ceux-ci ont transformée en crimes et en actes barbares.

Dans ce contexte, j'ai décidé, avec le garde des sceaux, ministre de la justice, de créer une commission pour étudier l'amélioration de la prise en charge et du traitement psychiatriques des délinquants sexuels à l'issue de leur peine. Il est nécessaire qu'il y ait des psychiatres, des médecins et des magistrats pour mieux cerner ce sujet. Cette commission devrait formuler des propositions concrètes sur l'organisation de cette prise en charge, sur les moyens qui lui sont affectés et sur les modifications législatives et réglementaires permettant d'assurer l'obligation de soins en établissement - ce qui touche, notamment, au problème des neuroleptiques retard et des sorties. J'ai rencontré, avant de créer cette commission, un grand nombre de psychiatres, qui sont très nombreux à souscrire à cette approche.

Les soins doivent être assurés non seulement en prison, mais aussi après l'exécution de la peine d'emprisonnement. Je tenais, au début de notre séance, à évoquer ce combat, qui rassemble, je le sais, toute la représentation nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le groupe socialiste partage, bien évidemment, l'émotion, la tristesse et le sentiment de révolte exprimés par notre collègue Bur au nom de tous ses collègues alsaciens.

Je ne connais certes pas aussi bien que nos collègues de la commission des lois l'évolution des approches du Gouvernement. Toutefois, l'actualité nous montre parallèlement, avec le drame d'Outreau, une autre face de la question. Notre justice est malmenée par les faits et il est, à l'évidence, nécessaire de trouver des réponses plus adaptées et d'ouvrir le débat.

J'ai le sentiment, monsieur le ministre, en entendant votre réponse, que ces questions ont déjà été posées, et que nous avons du mal à les traiter - tant sur des points aussi graves que sur d'autres qui le sont peut-être moins -, car elles se situent à la frontière du monde de la psychiatrie, de celui de la justice et, parfois, de celui de la grande exclusion sociale. Sans faire ici le procès de quiconque, il faut bien reconnaître que l'approche est, pour le moins, insatisfaisante et que les acteurs - psychiatres, magistrats ou intervenants sociaux - n'ont pas toujours le sens du dialogue entre eux et ont plutôt tendance à se renvoyer les responsabilités. Nous avons déjà cerné la tâche depuis assez longtemps, sans avoir l'ambition - même intellectuelle - de la traiter.

Ces questions, qui interrogent notre société et sa justice, sont très complexes. Nous sommes tous tentés de leur apporter des réponses rapides et brutales - imposer l'injonction thérapeutique, par exemple - mais, à entendre les professionnels, les réponses les plus simples, voire scientistes, ne sont pas toujours les plus efficaces. Je n'ai pas la prétention de détenir de réponses, mais ce travail est nécessaire. Les événements nous en donnent la volonté et la sagesse sera de le mettre en perspective, de prendre la distance nécessaire pour traiter ces questions avec efficacité et conscience.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, vous venez d'évoquer un sujet sérieux, qui touche l'opinion publique. Les drames qui se répètent exigent un travail sérieux. L'idée d'une commission nous agrée, mais sa composition devra être mûrement pensée. On ne peut pas laisser cette réflexion aux seuls spécialistes, car il s'agit d'un sujet très complexe.

Je suis loin d'être spécialiste de cette question, mais il est clair que la situation des hôpitaux psychiatriques pose un réel problème. À l'hôpital Pinel d'Amiens se pose un problème de places, et donc de traitement. Des gens qui devraient y être traités ne peuvent pas l'être et aboutissent en prison !

Une grande inquiétude se manifeste et de nombreuses questions méritent examen. Il faut, d'abord, disposer d'un audit de la situation réelle, avant d'examiner les solutions permettant d'éviter que se renouvelle la situation que nous vivons.

Monsieur le ministre, le groupe communiste et républicain est donc favorable à la création de cette commission et souhaite que, pour préparer sa réflexion, vos services rassemblent dès maintenant les nombreux travaux, actuellement épars, qui ont déjà été réalisés sur cette question.

    2

ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 7477 à l'article 2.

Rappels au règlement

M. Gérard Bapt. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour un rappel au règlement.

M. Gérard Bapt. Après le sujet douloureux évoqué par M. Bur, ce rappel au règlement porte sur l'organisation de nos débats et la façon dont la représentation nationale peut travailler de manière constructive sur le projet de loi de réforme de l'assurance maladie.

En relisant ce matin le compte rendu analytique des débats d'hier, j'ai constaté que le Gouvernement et les députés de la majorité affirment systématiquement, en s'appuyant parfois sur une déclaration malencontreuse d'un ancien ministre socialiste de la santé, que nous serions opposés au dossier médical personnel, que nous en ferions un sujet d'obstruction et que, cette idée étant celle de la majorité, nous y serions opposés a priori.

Je tiens donc à réaffirmer ce que nous avons dit à plusieurs reprises hier, mais qui ne transparaît pas dans la presse écrite d'aujourd'hui : lorsqu'il sera opérationnel, le dossier médical personnel sera un instrument de haute valeur pour le travail en réseau et l'amélioration de la qualité des soins, et devra être traité dans le cadre d'une réorganisation de notre système de santé. En intervenant de manière répétitive sur des points très précis, nous avons contribué hier à faire avancer le débat, qu'il s'agisse des techniques d'accès, de l'accès différencié, du secret médical ou de la dimension médico-légale. Très souvent, l'impréparation du Gouvernement sur ces points fondamentaux nous vaut de ne pas recevoir de réponse précise.

J'ajoute que j'ai été stupéfait, ce matin, de voir le journal de France 2, chaîne publique, résumer en trois mots le débat d'hier en l'illustrant par la visite de M. le ministre de la santé à la clinique Pasteur de Toulouse, qui date déjà quelque peu ! Le commentaire de l'époque était repris, rappelant que 7 milliards d'économies en 2007 étaient attendues de la mise en place du dossier médical personnel.

Monsieur le président, vous comprenez que nous sommes ici non seulement pour éveiller l'attention du Gouvernement et de nos collègues de la majorité, mais aussi celle de l'opinion publique. Nous trouvons que la manière dont cette chaîne de télévision publique a rapporté nos débats est totalement inappropriée et ne répond pas à sa fonction d'information.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Mon rappel au règlement a pour objet de nous remettre dans le fil du débat et d'en rappeler deux éléments importants puisqu'un certain nombre de nos collègues, et c'est bien normal, n'étaient pas présents hier soir.

Premièrement, nous avons amené le Gouvernement à modifier un de ses amendements. Cet amendement était arrivé en séance sans même tenir compte des discussions que nous avions eues l'après-midi, lesquelles visaient à garantir les droits du patient quant au remboursement après la mise en place du dossier médical personnel. Alors même que, suite aux propos du président Bur, nous avions progressé vers plus de garanties pour le patient, par rapport au dossier médical personnel et au remboursement par la sécurité sociale, l'amendement du Gouvernement, dont nous avons été obligés de demander la modification en séance, tendait encore à diminuer le droit des patients.

Nous appelons tous nos collègues, pas seulement ceux de l'opposition, à une très grande vigilance par rapport à ce débat, car le deuxième élément est encore plus important. À la fin de notre séance d'hier soir, nous avons abordé la grande question des conséquences médico-légales du dossier médical personnel, sur laquelle nous attendons toujours des réponses. Quelles seront les conséquences du DMP pour les utilisateurs ? Pourront-ils le rendre opposable au plan médico-légal, ou bien le droit commun s'appliquera-t-il ? Si c'est le droit commun, tout le discours qu'on nous tient sur la non obligation de refaire des examens ne tient plus puisque la problématique médico-légale obligera les praticiens à prendre toutes les précautions. Si, au contraire, nous nous dirigeons vers un dispositif plus fort et dérogatoire du droit commun, qui rendrait le dossier médical personnel opposable, il faudrait alors prévoir des garanties plus fortes dans la loi.

Je souligne ce point parce que cela aura des conséquences tout à fait considérables, tant pour les victimes éventuelles d'une erreur médicale, suite à la mise en place du DMP, que pour tous ceux qui auront à alimenter ce DMP sans connaître leur degré de responsabilité médico-légale.

Ce dossier médical personnel et l'article 2 sont relativement mal pensés - c'est une litote. Nous ne disposons pas de la base juridique susceptible de rendre crédible une telle innovation. Comme c'est l'Assemblée nationale qui a saisi le Gouvernement de cette question tout à fait essentielle - ce qui n'est tout de même pas un mince paradoxe -, nous lui demandons donc de bien y réfléchir et de nous apporter des réponses. Car sinon, on va s'apercevoir que la mise en œuvre de l'article 2 n'a aucun sens.

S'agissant de l'organisation de nos débats, vous serez satisfait, monsieur le président, que je vous prévienne dès maintenant que nous avons une réunion de groupe entre onze heures et demi et midi. Nous vous demanderons donc une suspension de séance vers onze heures vingt.

M. Maxime Gremetz. Nous, ce sera à dix heures trente !

M. le président. Nous verrons.

La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur l'assurance maladie.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur l'assurance maladie. Je voulais simplement remercier M. Bapt de sa mise au point. Elle était nécessaire. Nous sommes contents et heureux de savoir que vous êtes favorable au dossier médical personnel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il est vrai qu'au fil du débat, les interventions multiples et répétées du groupe socialiste faisaient qu'à la fin de la journée d'hier, plus personne ne savait ce que vous pensiez réellement. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Merci donc d'avoir fait cette mise au point ! Elle était indispensable et laisse présager, si vous savez tirer les leçons de la journée d'hier, des débats plus sereins et plus calmes dans les jours à venir.

M. Jean-Marie Le Guen. Répondez plutôt à nos questions !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Jean-Marie Le Guen, je rappelle que le ministre vous a répondu de façon précise et nette hier soir. Il n'y a pas à revenir sur ce point. (Rires exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Oh si !

M. Jean-Marie Le Guen. Circulez, il n'y a rien à voir !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Sur le plan médico-légal, c'est le droit commun qui s'applique. La réponse est claire.

M. Jean-Marie Le Guen. Donc l'opposabilité n'existe pas !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quant à la présentation qui est faite de notre action, monsieur Bapt, permettez-moi de m'étonner : cela fait deux mois que l'opposition dit que c'est un énième plan, qu'il n'y a rien dedans, que ce n'est pas une réforme.

M. Maxime Gremetz. Pas moi ! Je n'ai jamais dit ça, c'est faux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pas vous, monsieur Gremetz. Pas le parti communiste en effet, mais le parti socialiste. Or, depuis le début de ce débat, les représentants à l'Assemblée de ce parti n'arrêtent pas de dire que c'est terrible, que je vais radicalement tout changer, que c'est effrayant. Permettez-moi de m'amuser de ce paradoxe.

M. Éric Raoult. C'est l'hommage du vice à la vertu !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Après une nuit de réflexions, le Gouvernement annonce enfin que le dossier médical personnel relève du droit commun. Cela a deux significations.

Premièrement, tout ce qu'a dit le ministre sur la fin de l'obligation de refaire les mêmes examens, y compris aux urgences, vient de tomber !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous essaierez de démontrer que c'est faux, monsieur le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Après une nuit entière passée à savoir quel était le statut médico-légal du DMP, vous nous dites qu'il n'y aura pas d'opposabilité. C'était pourtant sous-entendu dans toutes vos interventions depuis des semaines, dans la presse et à l'Assemblée.

Deuxièmement, ce plan n'est pas, comme nous n'avons cessé de l'affirmer, la réforme de santé dont notre pays a besoin. Ce n'est pas une réforme de notre système de santé, mais un plan de déformation de l'assurance maladie. De ce point de vue, le DMP n'est qu'un artefact, qui n'a de valeur que par la boursouflure que vous avez voulu lui donner par l'article 2. Notre collègue Claude Évin nous rappelait que vous n'avez même pas besoin de la loi pour entreprendre ce que vous faites.

La vérité, c'est que vous mettez en œuvre une machine à organiser les déremboursements de la sécurité sociale. Il s'agit tout simplement de dégager votre responsabilité de la diminution de la couverture sociale des Français ! Ce n'est pas une réforme, c'est une régression ! Ne mélangeons pas les mots s'il vous plaît !

Article 2 (Suite)

          (Article précédemment réservé)

M. le président. Chacun s'est exprimé. Nous en venons à la suite de la discussion de l'article 2.

Sur cet article, je suis saisi de deux amendements, nos 7477 et 8161, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 7477.

M. Jean-Luc Préel. Le dossier médical personnel constitue une excellente initiative s'il a pour finalité l'amélioration de la qualité des soins. Je tiens à rappeler que l'UDF soutient cette initiative...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Merci !

M. Jean-Luc Préel. ...qui permet un meilleur suivi du patient, d'éviter les examens redondants et, notamment, les interactions médicamenteuses fâcheuses.

Il n'en demeure pas moins que ce dispositif ne sera pas facile à mettre en œuvre, il faudra du temps et de l'argent. Nous devons bien entendu veiller à la sécurisation des accès aux données médicales.

Il conviendra également de convaincre les professionnels de santé de l'utilité d'actualiser le DMP et d'y consacrer du temps. Vous prévoyez, monsieur le ministre, qu'il sera généralisé le 1er juillet 2007. Il faudra donc mobiliser les professionnels, notamment les médecins. C'est pourquoi nous souhaitons préciser, par cet amendement, qu'à compter du 1er juillet 2007, les professionnels de santé qui disposent d'un équipement informatique approprié, auront reçu une formation adaptée à la pratique des technologies numériques, notamment sur les aspects liés à la sécurité et à la confidentialité des transmissions et de conservation des données. Il nous paraît extrêmement important qu'ils puissent disposer à la fois de l'équipement informatique et de la formation adaptée, afin d'éviter des dérives fâcheuses et pour que ce dossier médical soit mis en œuvre avec l'accord de tous.

M. Maxime Gremetz. Très bon amendement !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l'amendement n° 8161.

M. Gérard Bapt. Notre amendement n'a pas la même forme que le précédent, mais il relève de la même préoccupation. L'adaptation des cabinets suppose que soient formés les prescripteurs qui auront accès au réseau. Meilleure sera la formation, meilleures seront non seulement l'efficacité du système, mais aussi la protection du réseau et la garantie de la confidentialité. Car si des personnes peu formées ont accès au réseau, celui-ci sera d'autant plus perméable.

Ceci dit, il y a un sujet de préoccupation majeur : le Gouvernement renvoie la question de la formation médicale continue aux négociations conventionnelles. l'État ne peut pas renvoyer des aspects aussi importants que la formation médicale continue ou la mise en fonctionnement du réseau des DMP, à de simples conventions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements, considérant que s'ils ont du sens - ce qu'ont dit M. Bapt et M. Préel est vrai -, la disposition qu'ils proposent relève du décret.

De plus, je vous rappelle que nous avons adopté hier un amendement du groupe socialiste et un amendement de M. Bur qui lient l'utilisation du dossier médical personnel à l'existence d'un équipement informatique adapté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le sujet est évidemment d'une extrême importance. Car on ne peut pas fonder une partie de la réforme sur le dossier médical personnel, qui est informatisé, et ne pas prendre en compte le niveau d'informatisation des médecins.

Une révolution est en train de s'opérer en France. Depuis deux ans, le nombre d'abonnés au haut débit a fait un bond spectaculaire : il est passé de 600 000 au début de l'année 2002 à 4 millions aujourd'hui. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) M. Dionis du Séjour en parlait d'ailleurs hier. Notre pays est celui qui a le plus fort taux de croissance en Europe.

L'informatisation des médecins et leur connexion à Internet suivent la même voie. En 2004, 78 % des généralistes utilisent la télétransmission, monsieur Préel, et 60 % sont connectés à Internet, soit une croissance de 40 % en un an. L'ensemble des syndicats médicaux s'accordent à penser que la quasi-totalité des médecins seront connectés en 2007.

Pour ces raisons, même si ces amendements ont du sens, je pense qu'ils devraient être rejetés.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. D'abord, je vais prendre M. Xavier Bertrand à témoin : la connexion à haut débit est très en retard en Picardie. Et comme par hasard, c'est aussi dans cette région que l'on constate les plus grands retards en matière de santé. Par conséquent, on va aggraver les inégalités.

Deuxièmement, vous savez comme moi, monsieur le ministre, qu'un quart des médecins ne sont pas informatisés.

M. Jean-Marie Le Guen. Et l'informatisation des autres est fragile !

M. Maxime Gremetz. Ça, je connais moins. Mais en tout cas, je sais qu'un médecin sur quatre n'est pas informatisé.

La mise en œuvre du dossier médical personnel informatisé à compter du 1er janvier 2005 est impossible. En plus, c'est très compliqué. Du reste, monsieur le secrétaire d'Etat, le Conseil de l'ordre vous l'a dit. Selon lui, dans la pratique, les médecins ne pourront pas mettre ce dispositif en place tant c'est compliqué et difficile. Moi, je me réfère à ce que disent les gens compétents.

Donc, ce qui est proposé ici est impossible à mettre en œuvre, et cela n'enlève rien à tous les dangers du dossier médical personnel tel qu'il est conçu. Même si nous pensons que l'idée du DMP est en soi une bonne idée, nous y sommes opposés en raison de l'utilisation qu'on veut en faire. Et quand on connaît toutes les conditions qui ne sont pas remplies, on ne comprend pas cette précipitation. En fait, on veut mettre en place ce dossier médical personnel pour continuer à stigmatiser les gens, pour réduire les dépenses de santé, faire des économies sous prétexte d'« empêcher les abus », etc. C'est cela, la vérité. Seulement voilà, même dans ce domaine-là, vous tombez mal, parce que les études qui ont été faites montrent que les économies que cela peut permettre de réaliser ne correspondent pas du tout aux chiffres que vous avancez - en vérité, on est incapable d'en juger - et que, par contre, cela va coûter cher : 500 millions au bas mot. Au bas mot !

Donc, même par rapport à l'objectif que vous vous fixez, c'est-à-dire réduire toujours plus les dépenses, votre projet ne tient pas du tout la route. C'est pourquoi il est raisonnable d'adopter ces amendements, qui proposent que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 161-46 du code de la sécurité sociale s'appliquent à compter du 1er juillet 2007.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L'avis exprimé par M. le ministre a conforté notre préoccupation concernant les problèmes de formation. Il nous a dit que 74 % des généralistes utilisent la télé-transmission. Cela veut dire que sept ans après la mise en place de la télé-transmission, il y a encore un quart des généralistes qui n'utilisent pas un système aussi simple, aussi classique, que...

M. Richard Mallié. C'est leur liberté !

M. Gérard Bapt. Mais non ! Le ministre a indiqué, d'une part, que le dossier médical personnel était obligatoire,...

M. Richard Mallié. Il n'existe pas encore !

M. Gérard Bapt. ...et d'autre part, que les médecins l'utiliseraient, sauf à se mettre en dehors de la convention. Dans ces conditions, ne me parlez pas de liberté. Ou alors, pour le coup, vous dites vraiment n'importe quoi !

Si, sept ans après, un quart des généralistes n'utilisent toujours pas la télétransmission, comment penser que dans deux ans, 100 % des médecins, en ville comme en milieu hospitalier, utiliseront un système autrement plus complexe ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Quel mépris pour les généralistes !

M. Gérard Bapt. C'est pourquoi nous pensons que sur ce sujet aussi, le Gouvernement est très mal préparé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7477.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8161.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2236 à 2247.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy. Ces amendements tendent à supprimer le III de l'article 2 relatif à la création du dossier médical personnel.

En médecine ambulatoire ou à l'hôpital, le dossier médical rassemble, sous des matérialités très diverses, les informations médicales - cliniques et paracliniques -, biographiques et sociales, constituées au cours d'un suivi médical, à partir desquelles on peut établir l'histoire médicale du sujet, et éventuellement tirer des conclusions, diagnostiques et/ou pronostiques.

On sépare volontiers ce dossier en données objectives et données subjectives, les premières apparaissant plus fiables et plus faciles à transmettre que les secondes.

Nous voudrions montrer qu'en pratique la réalité est plus nuancée, sans frontière aussi nette, et que la prudence reste toujours de mise vis-à-vis de la fiabilité d'informations concernant les personnes.

L'état civil, généralement première donnée objective citée, ouvre le dossier médical. Pourtant, les erreurs en la matière ne sont pas exceptionnelles, en particulier sur des documents administratifs, et fort heureusement le patient est généralement là pour les corriger.

Viennent ensuite les antécédents médico-chirurgicaux, les allergies et les intolérances médicamenteuses. Il s'agit là de renseignements essentiels mais dont l'expérience quotidienne montre la valeur très relative : antécédents oubliés, mal compris ou mal nommés, voire dissimulés, fausses allergies ou intolérances, le tout récrit au travers du roman personnel de chacun, plus déformé encore lorsqu'il s'agit d'antécédents familiaux ne concernant pas directement le sujet.

En outre, même tout à fait exacts, ces renseignements n'ont pas tous une valeur absolue, mais plutôt une valeur relative en fonction du contexte de l'événement de soins considéré.

Ces remarques nous paraissent s'appliquer également aux résultats d'examens complémentaires : nombreux sont dénués de sens en dehors de leur contexte, leur durée de vie est souvent très limitée, sans compter l'incertitude qui existe quant à leur qualité.

Qu'il s'agisse de la constitution d'un nouveau dossier ou de « l'épluchage » d'un ancien dossier - parfois plusieurs kilos de documents -, le sens clinique et la subjectivité du médecin interviennent dans la sélection et dans l'interprétation de ces données objectives.

Toutes ces réserves apportées à la précision des données justifient certainement qu'on améliore cette situation, et l'emploi de systèmes de type carte à puce pourrait être ici très pertinent.

Mais même avec de meilleures conditions d'enregistrement et de conservation, il nous paraît utile de garder à l'esprit les notions d'incertitude, de relativité, d'obsolescence et de non-exhaustivité de ces informations « objectives ».

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. On parle beaucoup des aspects techniques, mais je veux revenir sur les aspects politiques de cette question et des choix délibérés du Gouvernement. Car si l'on regarde l'ensemble des dispositions que vous proposez, on voit bien de quoi il s'agit. Il ne s'agit pas de faire une réforme mais de poser les bases d'une réforme plus globale.

C'est, par exemple, la privatisation rampante.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Non !

M. Maxime Gremetz. Mais si ! D'abord, on étatise -le directeur est nommé par le ministre, le conseil d'administration ne joue plus aucun rôle, on refuse les élections démocratiques à la sécurité sociale - pour mieux mettre en œuvre, ensuite, cette privatisation rampante. Parce que vous ne pouvez pas y aller comme ça, tout de go ! Regardez, monsieur Bertrand, ce matin, vous êtes obligé de mener une grande bataille parce que personne ne vous comprend sur les retraites.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Au contraire, il s'agit d'expliquer les avancées sociales !

M. Maxime Gremetz. Ah bon ? Eh bien, les gens vont encore moins vous comprendre ! Cela dit, il y a des gens qui vous comprennent très bien, trop bien même. Ils comprennent quels sont vos objectifs : réduire les dépenses de santé en mettant en place un système complexe pour faire semblant d'être moderne. Les médecins, sans qui la mise en œuvre de votre réforme n'est pas possible, expriment les plus grands doutes, manifestent la plus grande suspicion et ont les plus grandes interrogations sur ce que vous proposez.

Évidemment, vous préférez proposer ce que vous proposez parce que cela évite de répondre à la question de savoir comment assurer l'avenir de l'assurance maladie et de notre sécurité sociale. Vous préférez stigmatiser les gens en parlant des actes redondants. Vous vous en prenez aux médecins, aux patients, bref, à tout le monde sauf à ceux qui bénéficient de votre générosité extraordinaire, notamment ceux qui bénéficient des 40 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales pour mieux licencier, pour mieux délocaliser, pour réaliser le maximum de profits. Il faudra bien en venir à ce grand débat, qui est le débat de fond.

M. Richard Mallié. Ça suffit, monsieur Gremetz ! Nous voulons simplement responsabiliser les acteurs !

M. Maxime Gremetz. S'agissant des 2 milliards dus à la sécurité sociale, vous ne prenez aucune mesure. C'est aux petits que vous vous en prenez, parce qu'ils se soigneraient trop bien. Mais à ceux qui sont l'objet de toutes vos attentions, vous ne dites rien. Sur l'assiette des cotisations, vous ne dites absolument rien.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Si !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai.

Monsieur Bertrand, vous savez comme moi que n'importe quelle entreprise, qu'il s'agisse d'une multinationale ou d'une PME, a droit à des exonérations sur les bas salaires, jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Or ce n'est absolument pas juste. C'est pourquoi nous proposons une modulation des cotisations sociales. Ceux qui travaillent et qui veulent développer l'emploi et la formation, nous voulons qu'ils paient moins - et nous proposons autre chose que des exonérations de cotisations patronales, parce que tout cela, c'est pris à la sécurité sociale.

Mais que fait-on à ceux qui bénéficient de ces exonérations et qui s'en vont ? Vous êtes bien placé dans notre région, monsieur le secrétaire d'État, pour savoir ce qu'il en est. Que fait-on à ceux à qui l'on donne le plus et qui disent bye bye, laissant des collectivités locales se transformer en de véritables déserts ? Personne ne bouge face à eux !

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Nous vous avons remis des propositions claires, précises et chiffrées.

M. Richard Mallié. Elles n'étaient pas claires !

M. Maxime Gremetz. Une fois de plus, vous vous esquivez, considérant que ces propositions - qui ne datent pas d'aujourd'hui - sont simplistes. Vous ne les prenez pas en compte !

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Vous nous méprisez, et votre brochure, que je vais faire distribuer, le prouve !

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Vous y présentez la loi comme si elle était votée ! Un député peut-il accepter cela ? Pas du tout !

Écoutez au moins votre électorat !

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Écoutez ce que disent les médecins, ce que disent le Conseil de l'ordre et tous les spécialistes. Ils disent que ce n'est pas une réforme. En fait, c'est un mauvais coup contre l'assurance maladie et contre la sécurité sociale ! Nous devons avoir un vrai débat, autrement tout cela ne servira à rien.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Sinon, nous y serons encore à la fin août et même en septembre, si vous voulez ! Eh oui, nous avons tout le temps ! Je ne suis pas impatient.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Si vous ne répondez pas, je vous le dis, très clairement,..

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. ...si vous persistez dans cette attitude, si vous continuez à n'apporter aucune réponse...

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. S'il vous plaît, monsieur le président !

M. le président. Non, c'est moi qui vous dis « S'il vous plaît » !

M. Maxime Gremetz. Et moi, je vous demande de me laisser finir ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Respectez le président de séance, monsieur Gremetz !

M. le président. Monsieur Gremetz, vous avez dépassé votre temps de parole !

M. Maxime Gremetz. Laissez-moi finir, sinon nous allons encore perdre du temps !

J'informe la présidence et le Gouvernement qu'à chaque fois que nous n'obtiendrons pas de réponse, nous demanderons un scrutin public sur nos amendements ! J'en demande d'ailleurs un, au nom du groupe des députés communistes, sur les amendements nos 2236 à 2247.

M. le président. Sur le vote des amendements nos 2236 à 2247, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

J'ai bien entendu vos arguments monsieur  Biessy : ils méritent d'être discutés. La description que vous avez faite du dossier médical personnel ne correspond pas à la réalité de ce qu'il sera. Du reste, aujourd'hui déjà, vous ne vous rendez pas chez un médecin généraliste sans qu'il prenne des notes vous concernant, vous n'allez pas à l'hôpital sans que soit établie une observation par les jeunes médecins, complétée par les chefs de clinique, puis par les professeurs qui examinent le patient. Toutes ces notions sont effectivement très complexes.

A propos des antécédents, vous ne pouvez pas parler de « roman personnel ». Bon nombre de maladies se reproduisent au sein des familles pour des raisons génétiques. Il est essentiel de savoir, par exemple, que le père et l'oncle de M. X sont décédés d'un cancer de la prostate.

Seul le médecin est capable de faire le tri parmi des informations, certes avec sa subjectivité, monsieur Biessy, mais elle est inhérente à toutes les activités humaines. Là je crois que l'on peut faire confiance aux médecins.

Je ferai une réponse identique pour les examens complémentaires. Vous parlez d'amélioration, mais pour y parvenir, il faut un point de départ. Le projet que nous proposent les ministres a le grand mérite d'en offrir un. Le dossier médical personnel peut être extrêmement simple et généralisé, d'emblée. Et avec le temps, il sera complété et s'améliorera.

A M. Gremetz, qui a fait de la haute politique, je n'ai pas de réponse à lui apporter, sinon qu'il est incohérent - et cela n'échappera à personne - de parler à la fois de privatisation et d'étatisation.

M. Gérard Bapt. Pas du tout !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je voudrais faire œuvre pédagogique auprès de M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je vous en remercie !

M. Gérard Bapt. Il a déjà admis tout à l'heure que nous n'étions pas, sur le principe, opposés au dossier médical personnel.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Nous sommes contents de le savoir !

M. Gérard Bapt. On vous l'avait déjà dit !

Selon vous, monsieur le rapporteur, il y a incompatibilité entre étatisation et privatisation. Pourtant, vous êtes en train d'organiser les deux !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est la complémentarité !

M. Gérard Bapt. L'étatisation, c'est toute la réforme de la gouvernance, même si elle ne concerne pas - ce qui devrait être le cas - les réseaux, les liaisons « villes-hôpital » ou la régionalisation. Mais cette étatisation vise à s'appuyer sur un mécanisme que vous êtes en train de mettre en place et que vous distillez au cours des semaines, mesure par mesure. Nous avons même appris, voici une quinzaine de jours, que le dispositif serait complété par une loi organique cet automne.

Cette étatisation vise, en cas de dérapage, à restreindre le périmètre des soins, à procéder à des déremboursements, à bloquer des mesures génératrices de dépenses nouvelles. Cela ouvrira un champ plus large aux complémentaires, non seulement aux mutuelles, mais aussi aux assurances privées. C'est cela la privatisation-étatisation ! Privatisation et étatisation vont de pair dans votre projet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est d'ailleurs le cas dans tous les pays qui ont procédé ainsi.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J'essaierai aussi de faire œuvre de pédagogie.

Allez-vous comprendre une chose simple, monsieur Dubernrard ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je ne sais pas si j'en suis capable !

M. Maxime Gremetz. Si, je crois que vous l'êtes, si vous écoutez bien !

M. Jean-Marie Le Guen. Le peut-il ?

M. Maxime Gremetz. C'est une question de volonté et de compréhension.

Quand on veut modifier la base de quelque chose, on commence par prendre le pouvoir.

M. André Schneider. Ce sont les techniques communistes ! Il va nous réciter le catéchisme soviétique !

M. Maxime Gremetz. Dans le cas présent, que fait-on ? Le conseil d'administration : les salariés n'y sont pas représentés. La Haute autorité : le directeur est désigné par le ministre. Cela permet de faire passer ce que j'appelle la privatisation rampante. C'est le but de votre réforme qui, c'est le moins que l'on puisse dire, ne va pas dans le sens des objectifs affichés. Comme cela, vous ferez - et vous faites déjà - ce que voulez : multiplication des déremboursements...

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n'est pas le sujet !

M. Maxime Gremetz. ...baisse de la couverture de base, augmentation du forfait hospitalier, paiement d'un euro par acte. Pour être bien remboursés, les gens devront souscrire une assurance privée ! Les assurances privées voient donc s'ouvrir un marché extraordinaire : le marché privé de la santé, où circulent des sommes d'argent considérables puisqu'elles sont supérieures au budget national. Le MEDEF et les assurances privées en rêvaient depuis très longtemps ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Le « MEDEF » le mot est lâché !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vous qui l'avez convoqué pour cette réforme ! Vous l'avez supplié à genoux de venir !

M. Maxime Gremetz. Le mot est lâché ! Mais vous êtes bien placés, mesdames, messieurs de l'opposition, pour savoir que ce gouvernement est le bras armé du MEDEF ! Ne l'avez-vous pas encore compris ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est grotesque !

M. Maxime Gremetz. C'est vrai dans tous les domaines ! C'est vrai pour les 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans ma vie de parlementaire, j'ai vu beaucoup de gouvernements de droite, mais jamais je n'en ai vu un qui soit autant à la botte du MEDEF. Les vieux parlementaires pourront également le dire !

M. Hervé Mariton. C'est un hommage tardif !

M. Maxime Gremetz. A l'époque il y avait une certaine distanciation ! De Gaulle et Pompidou n'ont jamais agi ainsi ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, écoutez M. Gremetz, qui va conclure son propos !

M. Maxime Gremetz. Voyez, monsieur le président, ils ne font que m'interrompre !

M. le président. C'est la raison pour laquelle je demande à vos collègues de vous écouter !

M. Maxime Gremetz. Je vous en remercie, monsieur le président.

Les salariés qui cotisent n'auront plus rien. Tout sera entre les mêmes mains ! Vous nous promettez la réforme la plus importante, mais, en fait, elle tend à remettre en cause les fondements de 1946 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C'est vrai !

M. Maxime Gremetz. Aujourd'hui, en faisant payer toujours plus les salariés, les assurés sociaux, vous rejetez le principe de 1946 selon lequel on doit avoir droit à la santé en fonction de ses besoins et de ses moyens  (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et vous faites des cadeaux formidables aux grandes entreprises ! Je vous donnerai tout à l'heure les chiffres.

M. le président. Oui, tout à l'heure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. Je ne peux pas dire tout en même temps ! Je me réserve pour la suite du débat ! Nous avons de longues nuits devant nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

D'abord, étatisation ; ensuite, privatisation : avez-vous compris, monsieur Dubernard ?

M. André Schneider. C'est un communiste qui nous parle d'étatisation !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Gremetz.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La seule logique de ce texte est : ni étatisation, ni privatisation.

M. Maxime Gremetz. Mais vous savez que cela n'existe pas !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est une belle logique, monsieur Gremetz, parce qu'elle retrouve l'esprit initial de notre assurance maladie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), celle du général de Gaulle, celle de Pierre Laroque et même celle d'Ambroise Croizat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Maxime Gremetz. Vous bâclez !

M. François Liberti. Vous n'y croyez pas vous-même, monsieur le rapporteur  !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. J'aimerais apporter une précision aux débats et pour le compte rendu qui en sera établi. Monsieur Gremetz, en disant que nous sommes dans un système de santé où l'on est soigné selon ses besoins et selon ses moyens, vous avez commis une erreur ; en fait, dans notre système de santé, chacun contribue selon ses moyens et est soigné selon ses besoins.

M. Maxime Gremetz. C'est ce que j'ai voulu dire !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je suis heureux d'avoir pu vous aider à rectifier cette erreur, monsieur Gremetz ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques, nos 2236 à 2247.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements identiques, nos 2236 à 2247 :

              Nombre de votants 67

              Nombre de suffrages exprimés 63

              Majorité absolue 32

        Pour l'adoption 10

        Contre 53

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Rappels au règlement

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Ce matin, un quotidien revient sur une annonce assez importante pour le déroulement de nos débats : les fabricants de cigarettes veulent réduire leurs prix pour relancer la consommation, qui a baissé de 4,4 %, ce dont nous nous félicitons. Reste à savoir s'il s'agit d'une baisse réelle ou d'un effet de la contrebande.

Toujours est-il qu'une réduction des prix entraîne nécessairement une baisse de recettes fiscales.

M. Jean-Marie Le Guen. Exact !

M. Maxime Gremetz. Or nous savons qu'ajoutées à celles sur l'alcool, les taxes sur le tabac représentent plus de 2 milliards de recettes pour la sécurité sociale.

Hier, notre collègue Jean-Marie Le Guen vous a alerté sur le sujet, monsieur le ministre, et vous n'avez pas répondu, vous contentant de dire : « Ce n'est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. »

M. Jean-Marie Le Guen. Comme d'habitude !

M. Maxime Gremetz. Si ce n'est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, je ne vois pas de quoi nous parlons !

Après la note de Bercy, puis celle de la CNAM, c'est un nouvel événement qui fragilise l'impact de votre réforme.

Pouvez-vous nous indiquer quelles pourraient être les conséquences de cette annonce ? Voilà les difficultés auxquelles on s'expose quand on fait reposer le financement de la protection sociale sur la fiscalité sans chercher d'autres solutions. Nous vous faisons pourtant des propositions à ce sujet, je viens encore de le démontrer.

Ainsi, vous fragilisez non seulement cette réforme, mais aussi votre plan cancer, financé par les recettes fiscales du tabac. Il est vrai que vous n'êtes pas à une contradiction près : vous lancez un plan de santé publique qui demande un investissement élevé alors que le gouvernement Raffarin II, en décembre, a signé avec les professionnels un « contrat d'avenir » excluant toute hausse de la fiscalité pendant quatre ans. Dès lors, une piste à étudier est la prise en charge des substituts nicotiniques, comme nous le proposons par amendement à ce texte.

Pour que nos débats puissent se poursuivre correctement, dans le respect de la transparence, il convient évidemment, monsieur le ministre, que vous répondiez à ces interrogations devant la représentation nationale. Nous sommes prêts, si nécessaire, à demander une suspension de séance de dix minutes pour laisser au Gouvernement le temps de préparer ses réponses.

M. Philippe Auberger. Il a hâte d'aller en griller une ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Un industriel vient en effet de faire une annonce, et je répéterai évidemment ma réponse d'hier : dans la mesure où il existe un plan cancer et où je suis chargé de la santé publique et de la protection sociale, je suis opposé à une baisse du prix du paquet de cigarettes, car plus il monte, plus la consommation baisse, comme on a pu le vérifier dans le monde entier. Le Gouvernement, sous l'impulsion, en particulier, de mon prédécesseur, a assumé une augmentation considérable du prix des cigarettes, aujourd'hui acquise.

M. Jean-Marie Le Guen. Absolument !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pour répondre simplement à votre question, monsieur Gremetz, le ministre de la santé et de la protection sociale ne peut imaginer un seul instant que le prix du paquet baisse.

M. Jean-Marie Le Guen. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous nous dites que le Gouvernement, dont vous êtes membre, s'engage à faire en sorte que le niveau du prix des cigarettes dans ce pays soit au moins maintenu, ce qui signifie que, en cas de baisse du tarif proposé par les fabricants, les taxes seront relevées à due concurrence afin de garantir les recettes de la sécurité sociale. Je signale que cela relève du domaine de la loi et j'indique à M. le ministre que nous sommes prêts à voter les amendements que le Gouvernement déposerait sur le sujet à n'importe quel moment de la discussion.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8170.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, tire sans attendre les conclusions de la mise en œuvre du dossier médical à l'horizon 2007 en supprimant immédiatement le dispositif en vigueur jusqu'à présent, c'est-à-dire le carnet de santé. Je trouve cette décision précipitée ; c'est aller un peu vite en besogne. Bien sûr, le carnet de santé n'a pas connu un succès remarquable, mais, considérant que le DMP ne sera généralisé qu'à partir du 1er janvier 2007, supprimer immédiatement les autres instruments de coordination est un peu hasardeux ; ce n'est un bon signal ni pour les malades ni pour les médecins. Compte tenu à la fois des incertitudes et du calendrier que vous avez vous-même retenu, il conviendrait que l'article 2 prévoie un fonctionnement conjoint des deux dispositifs au moins pendant la période de transition, c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier 2007.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Vous parlez du carnet de santé, qui a été mis en place très difficilement et va mourir de sa belle mort, même s'il n'est pas encore à l'agonie. Certes, le carnet de santé avait du sens - j'y reviendrai -, mais il entraînait une confusion, dans les objectifs, entre suivi du patient et contrôle. Par ailleurs, il était très compliqué à mettre en œuvre, surtout pour les médecins déjà informatisés. De plus, soit le patient n'apportait pas son carnet de santé, soit il l'avait mais souhaitait qu'on y mentionne toutes les informations médicales possibles - j'ai vécu ce problème de très nombreuses fois. C'est pourquoi le futur dossier médical personnel informatisé doit être extrêmement simple.

Mais j'estime, pour ma part, que le carnet de santé a eu un intérêt majeur, en préparant les esprits, chez les patients comme chez les professionnels.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les patients attendent le dossier médical personnel - les sondages en attestent -, tout comme les professionnels de santé. L'on ne peut toutefois rejeter le carnet de santé, qui a au moins eu ce mérite et qui persistera, avec un chevauchement entre carnet papier et carnet informatique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Par conséquent, monsieur le rapporteur, il serait logique d'entretenir la flamme du carnet de santé. Si je comprends bien, vous devez être favorable à notre amendement.

Parallèlement, cela soulève aussi la question du médecin référent, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Plus de 10 000 praticiens sont aujourd'hui médecins référents et 1,2 million de nos concitoyens se font suivre dans ce cadre, ce qui suppose notamment l'utilisation du carnet de santé. Il serait utile et intéressant, monsieur le ministre, que vous nous disiez comment vous voyez l'avenir de cette façon de dispenser les soins, très liée à la question du carnet référent.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. À mon tour, je voudrais faire œuvre de pédagogie vis-à-vis de nos collègues socialistes et communistes. On ne peut pas vouloir tout et son contraire. Pour mettre en place une mesure, il faut en avoir la volonté politique, et nous l'avons, car le dossier médical personnel est une bonne chose, pour l'assurance maladie et surtout pour la santé publique, la santé de nos concitoyens. Mais, pour mettre en place une mesure, encore faut-il s'en donner les moyens, et cela suppose d'abandonner ce qui se faisait précédemment et ne marchait pas très bien - en l'espèce, c'est une litote. Mieux vaut tout arrêter et passer à autre chose car s'obstiner à maintenir deux opérations en parallèle serait le meilleur moyen de se casser la figure.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous dites cela aussi pour le médecin référent ?

M. Richard Mallié. Je parle du carnet de santé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappels au règlement

M. Maxime Gremetz. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Je vous avais informé, monsieur le président, que notre groupe se réunissait à dix heures et demie.

M. le président. C'est exact.

M. Maxime Gremetz. Alors, disposons-nous d'une suspension, ou a-t-il été décidé que les députés participant à la séance publique n'auront plus le droit de se rendre à leur réunion de groupe, quel qu'il soit ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vais vous répondre très clairement, monsieur Gremetz. L'ordre du jour a été arrêté en conférence des présidents, et chaque président de groupe l'a accepté, sans demander de suspension pour réunir les membres de son groupe. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir bien voulu généraliser votre propos, car si j'avais suspendu la séance pour un groupe, j'aurais dû en faire autant pour tous les autres, en commençant presque immédiatement après l'ouverture de la séance. Je m'en tiens donc à l'organisation des débats prévue par la conférence des présidents ; la séance se déroulera normalement.

M. François Liberti. C'est incroyable !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Parlez-en à votre président de groupe !

M. Jean-Marie Le Guen. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Si je ne me trompe, la tradition veut que la séance publique du matin dure de neuf heures et demie à treize heures, jamais de neuf heures et demi à dix ou onze heures.

M. le président. Vous avez très bien compris.

M. Jean-Marie Le Guen. J'imagine donc que les présidents de groupe - du mien comme de celui de M. Gremetz - ont accepté que nous commencions effectivement à travailler dès neuf heures et demie pour ne pas retarder le débat. Mais ils n'ont pas pour autant exclu que nous puissions suspendre la séance pour assister à notre réunion de groupe.

M. François Liberti. Tout à fait !

M. Jean-Marie Le Guen. Il serait donc légitime, monsieur le président, que vous fassiez droit à cette demande de suspension de séance, à moins que la jurisprudence ne prévoie dorénavant que la séance de la matinée n'a pas lieu chaque fois qu'une réunion de groupe est organisée.

M. Jean-Claude Sandrier. Très bon raisonnement !

M. Jean-Marie Le Guen. D'autant, je préfère vous le dire, que nous ferons une demande identique, afin d'obtenir une courte suspension, notre groupe se réunissant à onze heures et demie, tout comme le font nos collègues communistes, et, je crois, ceux de l'UDF, à dix heures et demie. Les uns et les autres ne demandent pas deux heures de suspension de séance - je suppose que, pour chacun, vingt ou trente minutes suffiront.

Si nous avons accepté de travailler à partir de neuf heures et demie, que l'on n'en tire pas prétexte pour nous interdire d'aller en réunion de groupe, il serait raisonnable de le comprendre.

M. le président. Monsieur Le Guen, en conférence des présidents, les présidents de groupe sont très écoutés, et, lorsqu'ils souhaitent un aménagement de l'organisation des débats en raison de tel ou tel événement, ils l'expriment.

M. André Schneider. La conférence des présidents est même faite pour ça !

M. le président. Or, en l'occurrence, cela n'a pas été le cas. Ils ont considéré que le débat pourrait se poursuivre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Ils ont oublié d'en parler !

M. Gérard Bapt. Comprenez-les, ils sont fatigués !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous allons demander au président Ayrault de revenir pour s'exprimer !

M. le président. Si vous voulez, monsieur Le Guen.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, comment imaginez-vous que notre groupe se réunisse sans que nous lui rendions compte des problèmes qui se posent sur un texte si important ? Nous demandons une suspension d'un quart d'heure. Les députés réunis en groupe ont bien le droit de savoir où nous en sommes !

M. le président. Cette demande est beaucoup plus raisonnable.

M. Maxime Gremetz. Je suis toujours raisonnable, moi !

M. le président. Je vais suspendre la séance pendant un quart d'heure.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à onze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2248 à 2259.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy. Avant d'achever l'examen de l'article 2 qui est loin de nous satisfaire sur certains aspects, nous souhaitons rappeler quelques principes.

La nature même du dossier médical, qui, selon nous, n'est pas réductible à une somme d'informations, complique le problème de sa communication directe au patient ou à des professionnels de soins.

Nous avons souligné l'inévitable subjectivité et les interactions qui vont façonner ce dossier. En effet, quel que soit l'interlocuteur, la transmission du dossier médical suppose un travail d'analyse, de distanciation et de retranscription.

L'insuffisance de communication, souvent décriée, à juste titre, est constatée dans les situations où les acteurs n'entretiennent pas les meilleures relations et qu'ils sont dans le doute, l'ignorance ou le mépris quant au rôle ou aux compétences de l'autre : entre le médecin et le patient, entre généralistes et spécialistes, entre médecins hospitaliers et médecins de ville.

Il nous paraît nécessaire de rappeler que, si le secret médical est d'abord destiné à protéger le patient, toutes les informations qu'il a confiées ne devant être divulguées à personne, il constitue également le cadre indispensable de la relation entre le médecin et le patient. Le secret médical n'appartient ni à l'un ni à l'autre mais il offre à chacun un espace de liberté et de pensée.

Certes, nombreux sont ceux qui considèrent qu'il n'y a rien de dangereux à dévoiler une partie de ses antécédents médicaux, y compris à son employeur ou à son assureur, mais c'est le plus souvent parce qu'ils sont bien portants ou exempts de risques ou de pathologies inquiétantes. Le secret médical protège tout le monde, même ceux qui n'ont rien à cacher.

Pour le patient, il s'agit certes de son histoire de santé et de ses examens cliniques et complémentaires, mais tout ce qu'élabore le médecin dans ce cadre, ses impressions, ses hypothèses, ses questions, n'appartient pas au patient.

La transparence que l'on veut opposer au secret médical est une vue de l'esprit. Est-il toujours utile - et inoffensif - qu'un patient sache que son médecin craint un cancer quand il requiert un examen complémentaire ?

Autant de questions qui restent en suspens et que ne résout pas cet article.

C'est dans le même esprit que les précédents que nous présentons cet amendement, qui est donc de cohérence.

M. le président. Monsieur Biessy, puis-je considérer que vous avez présenté les douze amendements identiques ?

M. Gilbert Biessy. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission les a repoussés.

Pour ma part, monsieur Biessy, je fais confiance aux médecins pour ce qui est de l'analyse et de la distanciation dans la retranscription et la transmission des données.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2248 à 2259.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2260 à 2271.

La parole est à M. François Liberti.

M. François Liberti. Le dossier médical doit rester un espace privé et totalement protégé des regards extérieurs, tout comme la relation de soins dont il est le témoin.

Ces amendements tendent à supprimer la référence à l'article L. 162-1-1 du code de la sécurité sociale. Nous considérons que seul le patient concerné a un droit d'accès à son dossier médical, qu'on ne peut réduire au fantasme de transparence que vise précisément ledit article. Cette notion de transparence, très à la mode, renvoie plutôt à l'univers de la consommation et du marché dans lequel beaucoup voudraient situer le système de soins et de protection sociale.

J'ai expliqué, hier, à l'occasion d'un autre amendement, que nous étions là dans le cadre d'une vision purement comptable et financière, cette référence le prouve.

Face aux gestionnaires et aux politiques, il faut défendre fermement la frontière entre le nécessaire contrôle, la réforme et d'autres actions de santé publique, et la garantie individuelle du droit aux soins et à la protection sociale. Il ne faudrait pas que le principe de confidentialité soit remis en cause.

Tel est l'objectif de notre amendement.

M. le président. Monsieur Liberti, puis-je considérer que vous avez présenté les douze amendements identiques ?

M. François Liberti. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ces amendements ont été rejetés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2260 à 2271.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2272 à 2283.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

M. Gilbert Biessy. Désirant favoriser la coordination des soins et attachés à leur qualité et à leur continuité, les auteurs de ces amendements auraient pu accepter l'article 2, mais sa rédaction fait du dossier médical personnel un nouvel outil de contrôle et de maîtrise comptable.

Les auteurs de ces amendements s'inscrivent résolument dans une démarche de meilleure coordination, de qualité et de continuité des soins. Ils partagent l'idée que, pour cela, il faut une meilleure circulation des informations. Toutefois, ils craignent que le dossier médical personnel, en l'état, ne devienne un instrument de contrôle et de rationalisation des soins plutôt qu'un outil de partage des connaissances médicales.

Par ailleurs, on nous laisse entendre que, dans trois mois, ce dossier une fois lancé fera faire à l'assurance maladie des milliards d'économies. Il est probable, sinon certain, que le changement prendra plus de temps et qu'il va coûter très cher.

Qui va payer ? Les économies - à supposer que les examens redondants entraînent des dépenses aussi importantes qu'on le prétend - ne se manifesteront pas avant très longtemps.

Par ailleurs, la création du dossier médical personnel fait naître un risque important : si les assureurs privés et les employeurs n'ont pas officiellement accès au dossier, ne pourront-ils pas convaincre le patient de l'ouvrir en lui faisant miroiter un emploi ou l'acceptation d'un dossier d'assurance ?

Nous ne sommes pas opposés à la création du DMP. Mais comme les garanties ne nous semblent pas suffisantes, nous proposons de supprimer la référence à l'article L. 162-1-6, d'autant que rien dans cet article n'indique une volonté d'améliorer la prise en charge des soins.

M. le président. Monsieur Biessy, je considère que vous avez défendu les douze amendements de votre groupe.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

M. Biessy a raison quand il insiste sur la nécessité d'améliorer la coordination, le suivi et la qualité des soins. Cela prime, d'ailleurs, dans cet article, sur la maîtrise comptable, qui ne me paraît que très indirectement concernée. Je lui rappelle, en outre, que la commission a adopté des amendements concernant les employeurs et les assurances privées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2272 à 2283.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 7428 et 8162.

L'amendement n° 7428 n'est pas défendu.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 8162.

M. Alain Vidalies. Notre amendement propose une précision utile, qui mérite qu'on en discute. Il s'agit de retenir le principe de la responsabilité pénale, notamment de l'hébergeur ou de l'opérateur de télécommunications, en cas de rupture de confidentialité. Cette proposition est en contradiction avec l'exonération de responsabilité accordée aux hébergeurs par la loi sur l'économie numérique mais elle se justifie dans un domaine aussi sensible.

La présente proposition rejoint celle que nous avons formulée tout au long de nos débats, et à laquelle il a été fait une réponse négative, mais sans guère d'explications, de créer un hébergeur public. L'enjeu que constitue la protection des données en matière de santé nous paraît justifier que ce soit la puissance publique, c'est-à-dire l'État, qui prenne en charge la mission de conservation et de transmission de ces données. Tout autre choix serait porteur de risques. Et si l'on devait persister dans le refus de créer un hébergeur public, il faudrait que les intervenants voient leur responsabilité pénale engagée en cas de rupture de la chaîne de confidentialité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Vidalies, votre amendement est, je crois, satisfait par l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, selon lequel « Les hébergeurs de données de santé à caractère personnel et les personnes placées sous leur autorité qui ont accès aux données déposées sont astreints au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal. »

M. Claude Évin. Il n'est pas seulement question, pour nous, de secret professionnel !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Notre amendement est beaucoup plus large, monsieur le rapporteur, puisqu'il y est question aussi de la responsabilité de l'assurance maladie et non pas seulement de celle de l'hébergeur.

Décidément, pour ce qui est des conséquences médico-légales et des responsabilités, le dispositif n'est toujours pas clair.

Vous nous avez donné, ce matin, monsieur le ministre, une première réponse : le droit commun. Fort bien ! Mais allons-nous laisser la jurisprudence trancher pour le législateur et maintenir ainsi le dispositif du dossier médical personnel dans l'insécurité juridique ?

Quelle est la responsabilité juridique, par exemple, du médecin traitant et des autres, qui devront remplir le DMP ? Leur responsabilité sera-t-elle engagée pour les informations qu'il contiendra ? Nous ne le savons pas, nous n'en disons rien, et nous laissons le soin aux magistrats de trancher demain en cas de problème.

Nous aimerions obtenir une réponse, monsieur le ministre.

Par ailleurs, il ne me semble pas clairement prévu - mais je peux me tromper - d'architecte, de maître d'œuvre pour l'ensemble du dispositif. Si nous savons que, à un moment ou à un autre, l'hébergeur aura une responsabilité, et on voit à peu près où elle se situe, il n'est pas dit par ailleurs que le maître d'œuvre - je ne sais d'ailleurs pas bien distinguer maître d'œuvre et maître d'ouvrage.

M. Richard Mallié. Le maître d'ouvrage est le payeur !

M. Jean-Marie Le Guen. Donc qui est le maître d'ouvrage, sachant que le maître d'œuvre est l'hébergeur ? Il n'est pas clairement désigné. Nous suggérons que ce soit l'assurance maladie, mais nous ne l'affirmons pas. On peut penser que ce serait le plus vraisemblable, mais on peut aussi dire que la délégation de cette responsabilité ne devrait pas lui être donnée.

Surtout, monsieur le ministre, - et l'on n'a pas encore abordé cette question -, qui va mettre en place tout le système ?

Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, alors que le dispositif devait initialement être placé sous la responsabilité de l'assurance maladie, vous avez décidé de « rapatrier » le dossier au ministère. Par conséquent, la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage incombera à l'État.

En attendant que s'établisse une jurisprudence, ce qui n'est jamais satisfaisant pour le législateur, nous élaborerons le DMP dans l'insécurité juridique, qui est toujours facteur de surcoûts et de difficultés techniques. C'est pour prévenir cette insécurité juridique que nous aimerions obtenir des réponses précises du Gouvernement qui pourrait, par exemple, reprendre cet amendement ou le sous-amender.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Le défaut de respect du secret médical est d'ores et déjà sanctionné par l'article 226-13 du code pénal qui s'applique aux circonstances que vous avez évoquées. Il n'est donc pas nécessaire de légiférer sur ce point.

Les conditions de sécurité seront extrêmement élevées et devront répondre à des exigences strictes définies par l'État, en collaboration avec la CNIL. Les hébergeurs feront l'objet d'un agrément et tout manquement engagera en outre la responsabilité contractuelle, voire pénale, de l'hébergeur. Des sanctions financières et d'emprisonnement sont en outre prévues par l'article L. 1115-1 du code de la santé publique en cas de non-respect des conditions d'agrément.

Par ailleurs, l'article L. 1111-8, institué par la loi Kouchner, est très précis quant aux exigences posées aux hébergeurs, notamment en matière de sécurité des données et de contrôle. Ces dispositions sont vérifiées par une commission d'agrément, après avis de la CNIL, et l'agrément peut être retiré à tout moment.

Enfin, si la maîtrise d'ouvrage relève de l'État, la maîtrise d'ouvrage déléguée incombe à un GIE ouvert à de nombreux partenaires, dont l'assurance maladie et les professions médicales qui sont impérativement associées, ainsi que différents acteurs. C'est ce que nous devrons définir dans les jours qui viennent.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8162.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 8167, 8168 et 8169, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 8167.

M. Alain Vidalies. Je m'attends à une vive réaction de M. le rapporteur, puisque nos amendements visent à demander un rapport !

Chacun comprendra l'intérêt de cette proposition. Avec un volontarisme teinté de zones d'ombre, vous nous proposez la création d'un dossier médical personnel dont chaque Français pourra bénéficier dès le 1er janvier 2007. Vous dites que les 300 000 professionnels de santé seront équipés et que ce dispositif sera interconnecté, permettant ainsi de réaliser des économies et d'assurer une meilleure efficacité du suivi des soins.

Cela étant, nous nous interrogeons sur la faisabilité d'un tel dispositif, dans les délais que vous annoncez. Or, au cours de ce débat, nous avons posé de nombreuses questions dont la plupart sont restées sans réponse, si ce n'est parfois des pétitions de principe.

Nous estimons que le Parlement doit être associé à la mise en œuvre de cette initiative. Contrairement à ce que vous pensez, nous sommes favorables au dossier médical personnel et nous souhaitons être associés à sa mise en œuvre, pour pouvoir rectifier le tir, car nous sommes convaincus que les défauts que nous relevons depuis le début de cette discussion se révèleront dans la pratique. Voilà pourquoi nous proposons que le Gouvernement dépose un rapport au Parlement chaque fin d'année avant le 1er janvier 2007.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Vous avez raison, monsieur Vidalies, le suivi de la mise en œuvre du DMP sera très important.

En revanche, s'agissant des rapports, je vous fais grâce de mon argumentation habituelle, car vous connaissez ma position.

Cela étant, la commission a déposé avant l'article 21 un amendement visant à mettre en place une mission parlementaire d'évaluation et de contrôle qui disposera de moyens d'informations bien supérieurs à ceux d'un rapport issu du Gouvernement.

Aussi, monsieur Vidalies, je vous demande de retirer ces amendements qui ont, au demeurant, été rejetés en commission.

M. le président. Sur le vote de l'article 2, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis défavorable que la commission.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Au bénéfice des explications du rapporteur, je retire ces trois amendements. Nous reprendrons le débat sur le suivi au moment de la création de la mission d'évaluation.

M. le président. Les amendements nos 8167, 8168 et 8169 sont retirés.

La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je souhaite expliquer notre vote sur l'article 2.

Monsieur le ministre, nous avons exprimé à plusieurs reprises notre plein accord sur la mise en place du dossier médical personnel, d'autant que, sur certains points - le débat que nous venons d'avoir le prouve -, les outils législatifs nécessaires à la mise en place du DMP sont déjà contenus dans la loi du 4 mars 2002. D'ailleurs, l'article L. 1111-8, auquel le présent projet fait référence, précise déjà les garanties concernant les hébergeurs.

S'agissant des principes fondamentaux, il nous a semblé nécessaire d'apporter certaines précisions qui ont d'ailleurs été acceptées par la commission et le Gouvernement. Nous avons fait œuvre utile en rappelant le respect de la confidentialité, le respect du droit pour les patients à être informés, mais aussi à ne pas l'être, autant de règles qui ont été confirmées dans la loi du 4 mars 2002.

Toutefois, monsieur le ministre, vous ne pourrez pas nier que certaines questions, pas seulement d'ordre technique - je pense à celles relatives à la mise en œuvre des principes fondamentaux - n'ont pas fait l'objet d'une bonne expertise préalable, car nous avons noté vos hésitations sur certains points. Vous avez d'ailleurs été sensible à plusieurs de nos questions portant, par exemple, sur la responsabilité pénale et la sécurisation des informations. Nous regrettons que ce projet soit présenté dans de telles conditions, car la précipitation risque de conduire le dossier médical personnel, qui permettrait d'assurer la coordination de l'offre de soins, à l'échec.

Je lève donc toute ambiguïté sur notre adhésion de principe à cette démarche, sous réserve de débattre de certaines questions concrètes concernant la mise en œuvre du dossier médical personnel.

En revanche, un désaccord fondamental persiste sur ce qui a justifié que vous introduisiez cette disposition dans le code de la sécurité sociale, alors que nous pensions qu'elle pouvait figurer dans le cadre du code de la santé publique. Vous décidez de moduler la prise en charge du patient selon qu'il accepte ou non de donner des informations et de permettre l'accès des professionnels de santé à son dossier. Cela conduit en effet à confondre le respect de l'objectif sanitaire d'une meilleure coordination des soins et le souci, que l'on retrouvera à l'article 12, de vérifier si les soins accordés et les prestations servies sont cohérents. Cette modulation de la prise en charge par l'assurance maladie est contraire au principe constitutionnel, déjà conforté par le Conseil constitutionnel, en vertu duquel la nation garantit la protection de la santé.

Bien qu'étant favorables à la mise en place du dossier médical personnel, nous ne pouvons accepter l'assujettissement de la prise en charge par l'assurance maladie au non-respect des règles fondamentales relatives à la protection des personnes.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre l'article 2. Il m'a semblé nécessaire, à l'issue de ce débat, de préciser à nouveau la position du groupe socialiste.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je constate avec plaisir qu'après deux jours de débat les socialistes se déclarent favorables au dossier médical personnel.

M. Claude Évin. Oui !

M. Richard Mallié. Il permettra en effet une meilleure coordination des soins, au bénéfice des patients et des professionnels de santé.

M. Jean-Marie Le Guen. Il n'y a pas que cela dans l'article 2 !

M. Richard Mallié. En revanche, vous refusez de moduler le remboursement en fonction de l'utilisation ou non du dossier médical personnel. Personnellement, cela ne me choque pas. La collectivité prend en charge la couverture maladie des assurés qui vivent sur le territoire français. Pourquoi ne pourrait-elle pas poser des règles ? le patient reste libre de consulter le médecin de son choix et de ne pas avoir de dossier médical personnel. Dans ce cas, la collectivité n'a pas à assumer la charge de ces choix personnels.

Voilà pourquoi le groupe de l'UMP votera l'article 2.

M. François Liberti. Quelle surprise !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Le dossier médical personnel n'est pas, en soi, une mauvaise idée. (« Ah ! sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je l'ai toujours dit ! Seulement, ce que vous voulez en faire, c'est autre chose.

M. François Liberti. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. Les médecins sont perplexes - c'est d'ailleurs le titre d'un article paru ce matin dans un quotidien. Comme vous ne semblez pas lire très souvent, je vais me charger de la revue de presse. Les médecins interrogés par le journaliste disent la même chose que moi : en soi, l'idée est bonne, mais la mise en œuvre de ce beau projet les plongent dans la perplexité. « On a eu l'expérience papier, avec le livret de santé, que tout le monde a abandonné. Là, le dossier du patient sera sur un support informatique, cela risque d'être encore plus complexe. Je vois très mal ça fonctionner. » C'est un médecin qui parle ! La plupart des généralistes sont maintenant informatisés, « mais on a tous des systèmes différents, » observe un médecin des Alpes-Maritimes. Dommage que M. Estrosi ne soit pas là ! « Il faudrait un logiciel qui soit compatible avec tous. »

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ce n'est pas une montagne !

M. Maxime Gremetz. « Sans oublier de prévoir des certificats de maintenance informatique, des formations, des lignes à haut débit pour tous et des protections antispam et antivirus. Et quelqu'un pour classer toutes ces données. »

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Ce sont des choses simples !

M. Maxime Gremetz. Je suppose donc que vous allez embaucher ? Au moins, les médecins seront obligés de créer des emplois pour mettre tout cela en place.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Nous faisons de l'informatique tous les jours !

M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas moi qui dis tout cela. Traitez vos collègues d'imbéciles, vous qui êtes chirurgien, mais pas moi ! Je ne fais que les citer.

Actuellement, le dossier médical personnel prévoit que « tous les intervenants notent ce qu'ils ont fait », remarque un généraliste - je ne vous révèle pas son nom, vous allez encore le traiter d'imbécile. « Mais si les données médicales ne sont qu'archivées et que personne n'a une vision cohérente et hiérarchisée du dossier du patient, il risque de ressembler à une gigantesque bibliothèque où chacun reposerait son bouquin n'importe où. Il faut un bibliothécaire. » Encore un emploi à créer !

Les médecins généralistes sont partants, « mais il faudra les rémunérer de façon correcte pour ce travail ». Et vous espérez faire des économies !

Une fois de plus, ce n'est pas moi qui le dis ! Je vous passerai l'article, afin que vous soyez informés. Pour mener un débat sérieux, il faut disposer de toutes les informations. C'est ce qu'on m'a toujours appris à l'école.

Il faut donc les rémunérer et, surtout, leur assurer le cryptage et la confidentialité des données de chaque dossier, ...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Évidemment !

M. Maxime Gremetz. ...un système de stockage quasi inviolable. Car « les mutuelles et les assurances auraient très envie d'avoir accès à ces données, » devine Christian L. - je ne cite pas son nom. « Aujourd'hui, chez les médecins, ces dossiers sont en sécurité. Un serveur peut toujours être attaqué par un hacker, même si c'est illégal ».

Ces témoignages de toubibs ne font que confirmer les propos que j'ai tenus hier. Quand on voit votre façon de faire, quand on sait que cette mesure est inapplicable, quand on mesure l'absence de sécurité quant à la confidentialité du dossier médical personnel, on ne peut que voter contre l'article 2.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous avons eu sur cet article une très bonne discussion, dont il faut tirer la substantifique moelle. Hier soir, notamment, nous avons longuement discuté de la responsabilité et du concept de propriété. Il ne faut pas se laisser abuser par la propriété du patient sur son dossier médical, mais raisonner droit par droit : droit à la visualisation, à la modification, à la suppression.

Le DMP est une vraie réforme structurelle. C'est un des outils au service du décloisonnement ville/hôpital, privé/public. Je le répète, et le ministre l'a également noté, le pays a maintenant atteint la maturité informatique nécessaire, comme le montre le pourcentage d'internautes dans la population, la progression du haut débit et celle de la couverture du pays par la technologie ADSL.

Même si on peut discuter des économies annoncées, les choix fondamentaux qui ont été arrêtés - le choix d'Internet, avec des hébergeurs agréés ; celui de se placer dans le prolongement de la loi Kouchner en affirmant la propriété du malade sur son dossier médical ; celui, enfin, d'inciter le patient à donner accès à son dossier pour pouvoir bénéficier du taux de remboursement maximal - ces choix, disais-je, nous paraissent de bon sens. C'est pour ces raisons que nous voterons en faveur de l'article 2.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'article 2 :

              Nombre de votants 81

              Nombre de suffrages exprimés 81

              Majorité absolue 41

        Pour l'adoption 57

        Contre 24

L'Assemblée nationale a adopté.

Comme il en a été convenu, je suspends la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à douze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l'article 2

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à introduire des articles additionnels après l'article 2.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour pour soutenir l'amendement n° 8409 rectifié.

M. Jean Dionis du Séjour. Dans le droit fil des recommandations adoptées par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans son rapport consacré à internet et aux systèmes de santé, cet amendement tend à interdire toute cession à titre onéreux de données de santé nominatives.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a accepté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8409 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 49.

La parole est à M. Richard Mallié, pour le soutenir.

M. Richard Mallié. Monsieur le président, je souhaiterais présenter ensemble les amendements n°s 49 et 50 qui sont, sur le fond, quasiment identiques.

M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 50.

Monsieur Mallié, vous avez la parole pour soutenir ces amendements.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 49 prévoit que l'assuré social recevra chaque année le décompte de ses dépenses d'assurance maladie. Je vois à ce dispositif un intérêt particulier. De la même façon que l'assuré connaît, grâce à ses bulletins de salaire, le montant des charges patronales, il saura, grâce à ce décompte, ce qu'il coûte à l'assurance maladie. Ce dispositif va dans le sens d'une responsabilisation des assurés. L'amendement n° 49 prévoit que ce relevé sera adressé sur papier et l'amendement n° 50 qu'il pourra être consulté sur internet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements. On risque effet de culpabiliser les patients malades qui dépensent beaucoup et de pousser à la consommation ceux qui ont l'impression de peu dépenser au regard des cotisations élevées qu'ils paient.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. La santé n'a pas de prix, mais nous savons qu'elle a un coût. L'effort de responsabilisation entrepris par cette réforme de modernisation et l'exigence de transparence qui l'accompagne sont essentiels, sans culpabiliser les assurés.

L'amendement n° 49 ne chiffre pas le coût d'envoi du relevé papier. Ce problème ne se pose pas avec l'amendement n° 50. Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour l'amendement n° 49 et il est favorable à l'amendement n° 50.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Il s'agit seulement d'additionner les décomptes successifs, que l'ordinateur portera sur la dernière feuille de remboursement. Le coût du traitement papier ne devrait pas être très élevé. Sur internet, ne pourront consulter que ceux qui sont équipés. Cela répond à l'inquiétude du rapporteur qui a peur des effets collatéraux négatifs.

Ce qui est important, c'est la transparence et surtout la responsabilisation des assurés. Les socialistes sont les premiers à dire aujourd'hui qu'il faut faire naître chez les assurés un sentiment de « pénalisation ». Chacun doit savoir quel est en France le coût de la santé.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Méfions-nous des fausses évidences. Par principe, tout le monde est pour la transparence. Notre objectif est la responsabilisation des assurés. Environ 5 % des assurés sociaux occasionnent 60 % des dépenses d'assurance maladie. L'objectif serait donc de responsabiliser les 5 % de la population qui souffrent d'une affection de longue durée ! Il y a des soins dont personne ne contestera la nécessité. Je ne vois pas en quoi montrer à ces assurés qu'ils coûtent très cher réglera le problème de la consommation de soins qui leur sont absolument nécessaires.

M. Richard Mallié. Il s'agit d'informer !

M. Claude Évin. Pour ceux qui ne dépensent rien, ce dispositif risque d'avoir un effet pervers qu'il faut bien mesurer. Une bonne partie de la population constatera qu'elle n'a rien dépensé, et c'est très bien, mais une autre partie estimera que, n'ayant pas dépensé énormément, elle peut le faire.

Sous prétexte de transparence, en montrant à une large majorité de la population qu'elle est loin d'avoir atteint en remboursements ce qu'elle a versé pour assurer un système de solidarité, elle risque d'y aller larga manu dans la dépense.

Un régime de solidarité s'apprécie sur la durée d'une vie et non sur une année. Bien portant, je ne coûte rien, mais il arrivera peut-être un moment où, atteint d'une affection de longue durée, je coûterai très cher. Isoler l'information de manière annuelle n'a donc pas de sens au regard du principe de solidarité.

Nous voterons contre ces amendements qui entraîneraient des effets pervers. J'espère que la sagesse de l'Assemblée, à laquelle s'en remet M. le secrétaire d'État, la conduira à repousser ces amendements.

Mme Élisabeth Guigou. Ils sont très dangereux !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je pense que M. Évin n'a pas lu l'amendement n° 49. Je vais donc le faire : « L'assuré reçoit chaque année avec la dernière feuille de remboursement qui lui est adressée...

M. Jean-Marie Le Guen. Quand sait-on qu'il s'agit de la dernière feuille ?

M. Richard Mallié. ...un relevé lisible et compréhensible de ses dépenses d'assurance maladie. »

Cela signifie que seuls ceux qui ont bénéficié de prestations recevront ce relevé.

M. Claude Évin. Tout le monde a au moins une consultation par an !

M. Richard Mallié. Ceux qui reçoivent le décompte savent déjà qu'ils ont fait des dépenses de santé. Il est important qu'ils en connaissent le coût. Par contre, ceux qui ne demandent pas de prestations - environ 95 %, mais je caricature un peu - recevront un relevé mentionnant les quelques consultations qu'ils ont eu dans l'année. Cela ne concerne que ceux qui demandent des prestations. Donc l'effet pervers signalé par le rapporteur n'existe pas puisque ceux qui ne demandent pas de prestations ne recevront pas de décompte.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Une partie des assurés sociaux n'aura consommé aucun soin pendant l'année. Une bonne proportion aura consommé très peu - une consultation, un électrocardiogramme, une ordonnance. Lorsque ceux-là prendront conscience qu'ils auront très peu participé aux dépenses de santé et qu'ils établiront une comparaison avec les cotisations qu'ils ont versées - y compris la CRDS que vous augmentez par un amendement - on peut craindre un effet pervers.

Ceux qui n'auront rien consommé ne recevront pas de relevé. Cette difficulté technique est levée par l'amendement n° 50 qui permet une consultation du relevé sur internet. La curiosité de l'assuré pourra être assouvie. C'est moins choquant et il y a moins d'effets pervers dans le second amendement de M. Domergue que dans le premier.

M. Jean Dionis du Séjour. C'est vrai !

M. Gérard Bapt. Cela dit la démarche générale reste la même : sous couvert de responsabiliser les assurés, vous essayez de culpabiliser ceux qui sont consommateurs de soins, en leur montrant ce que leur affection a coûté à la société. Ce n'est plus de maîtrise médicalisée qu'il s'agit, mais de culpabilisation des assurés !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est difficile, comme l'a souligné M. Bapt, de savoir qu'une feuille de remboursement sera la dernière de l'année. J'aurais pu proposer un sous-amendement prévoyant que l'assuré reçoit un relevé la dernière année de sa vie !

M. Richard Mallié. C'est malin !

M. Jean-Marie Le Guen. Par ailleurs, rester sur l'idée que chacun doit en avoir pour son argent, est une idée fausse.

Si nous étions une entreprise, nous serions amenés à provisionner un certain nombre de comptes. Or la sécurité sociale ne provisionne pas les dépenses de façon individuelle. Nous aurions, au bénéfice d'une prétention à la réalité, quelque chose de faux

Il pourrait y avoir des effets pervers au plan économique, des gens risquant de se dire qu'ils n'en ont pas pour leur argent. Cela dit, je ne crois pas qu'on consomme de la santé comme des bonbons ou des loisirs, pour se faire plaisir, et l'idée même de consommation de soins est inopportune.

Pour vous, les difficultés économiques que connaît l'assurance maladie sont liées à la surconsommation d'un certain nombre d'individus dont l'attitude ne serait conforme ni à leurs besoins de santé ni à une gestion bien équilibrée des finances publiques. Ce n'est pas la réalité. La surconsommation, le nomadisme médical n'existent qu'à l'extrême marge au plan économique, toutes les études le démontrent. Ce qu'il faut, c'est s'attaquer à la surconsommation induite par le système lui-même, la surconsommation de médicaments ou, par exemple pour les ALD, la multiplication d'un certain nombre d'examens.

Encore une fois, ce n'est pas en culpabilisant les consommateurs ou en les responsabilisant qu'on sera utile mais en agissant sur l'offre de soins.

Responsabiliser les assurés, nous ne sommes pas contre, mais il faudrait identifier la ressource. Nous avions fait une proposition en ce sens, qui a été rejetée au titre de l'article 40. Il serait par exemple intéressant que la CSG affectée à la santé soit identifiée en tant que telle sur les feuilles de paie, mais le Gouvernement ne le souhaite pas parce qu'il se réserve la possibilité de faire des arbitrages entre les différentes branches de l'assurance maladie ou entre le budget de l'assurance maladie et le budget de l'État. Vous n'avez pas voulu procéder à un travail préalable d'identification et de pérennisation des ressources de l'assurance maladie, il est donc vain d'essayer d'agir au niveau de la dépense.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est un débat récurrent que nous avons sur ces questions d'information dans le but de responsabiliser. Il faut effectivement que l'ensemble des assurés de l'assurance maladie soient responsabilisés, aient bien le sentiment que l'assurance maladie ne se finance pas toute seule, ne peut pas fonctionner dans l'irresponsabilité collective tant des prescripteurs que des responsables politiques et des usagers.

Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen du PLFSS à propos de l'attitude que doit avoir le pharmacien quand il émet une facture de tiers payant et que l'usager n'a aucune idée du montant des médicaments délivrés.

Aujourd'hui, les responsables de l'assurance maladie souhaitent que l'on donne de telles informations. Ils ont engagé des expérimentations sur deux ou trois territoires pour mesurer à la fois leur côté opérationnel et leur impact.

Il faut peut-être revenir à des éléments beaucoup plus simples, faire en sorte que, chaque fois qu'un assuré consulte un médecin ou se rend dans un établissement de santé,...

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ou à la pharmacie !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. ... ou à la pharmacie, il ait une information sur le coût des soins ou des médicaments délivrés. Cela permettra aussi de montrer au médecin et au prescripteur de manière générale que les actes qu'il engage ou qu'il refuse ont un coût.

Je souhaite que les expérimentations en cours se poursuivent et que nous en reparlions lorsque nous en aurons les conclusions. Je suis donc pour ma part assez réservé sur ces amendements. Je l'avais dit en commission, et je le confirme ici.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8408, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 8440 deuxième rectification.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l'amendement n° 8408.

M. Jean Dionis du Séjour. Je présente cet amendement au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en y associant le sénateur Jean-Claude Étienne.

Lorsqu'on parle d'un dossier médical personnel, ça renvoie à une identification personnelle : un DMP pour chaque personne, chaque personne n'ayant qu'un seul dossier. Il faut donc construire un identifiant, c'est-à-dire un ensemble d'informations qui garantissent à la fois l'unicité de ce dossier et son invariabilité dans le temps.

Le Gouvernement est pressé, la date du 1er juillet 2007 étant même inscrite dans la loi, mais il y a des impératifs de budget - faire un identifiant à l'échelle de plusieurs millions de personnes coûte excessivement cher -, et des exigences de sécurité et de confidentialité. Il y a donc un arbitrage politique à faire, majeur pour la réussite de ce dossier médical personnalisé.

L'office parlementaire a d'abord entendu plusieurs directeurs informatiques médicaux, celui de Reims, celui de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris et celui de la CNAM. Le constat est général. Aujourd'hui, il n'y a pas d'identifiant unique sur l'ensemble des hôpitaux parisiens, et c'est la cause de graves dysfonctionnements. Plusieurs projets sont en cours, mais ils sont tous longs et coûteux. Nous avons pris ensuite l'avis de la CNIL, puis mené une recherche documentaire sur ce qui se fait en France, où le numéro INSEE est utilisé à la fois par l'assurance maladie pour les remboursements et par l'administration fiscale, et à l'étranger, notamment en Finlande, où l'on a mis en place un identifiant composé de la date de naissance et d'une clé à quatre caractères.

Par l'amendement n° 8408, nous vous proposons d'adopter le numéro d'inscription au répertoire national, c'est-à-dire le numéro INSEE, numéro à treize caractères représentant le sexe, l'année et le mois de naissance, le département et la commune de naissance, le numéro d'ordre et une clé de contrôle INSEE, numéro connu de tous, qui garantit à la fois l'unicité et l'invariabilité.

Cela nous fera gagner du temps - il a fallu du temps pour mettre ce numéro au point, mais il est disponible et cela permettra de respecter le délai du 1er juillet 2007. Et cela nous fera gagner de l'argent, car la mise en place d'un identifiant pour des dizaines de millions de personnes coûterait à coup sûr plusieurs centaines de millions d'euros.

Le président de la CNIL, Alex Türk, émet des réserves au motif que la pertinence de l'utilisation du NIR n'est pas avérée aujourd'hui. Selon lui, en tout cas, il faut procéder d'abord à des expérimentations.

Nous devons entendre ce que dit la CNIL, et l'on pourrait peut-être utiliser non pas le numéro INSEE que l'on connaît, avec ses treize caractères, mais l'un de ses dérivés. Il faudra aussi renforcer les protections contre des risques de recoupement qui, d'ailleurs, à mon avis, sont plus de l'ordre de l'angoisse que de la réalité, en ajoutant par exemple un mot de passe à côté de l'identifiant. Sur le fond, en tout cas, adopter la position de la CNIL nous ferait perdre beaucoup de temps, beaucoup d'argent et, encore une fois, ferait perdre beaucoup de force au dispositif.

M. le président. La parole est à M. le ministre pour présenter le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification, et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 8408.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est un sujet excessivement important puisqu'il nous faut satisfaire aujourd'hui à une double contrainte : garantir les droits fondamentaux des personnes et disposer d'un dossier médical personnel sécurisé pour lequel l'identification du patient doit être certaine.

L'objet du sous-amendement est de permettre d'utiliser un identifiant, sans que le NIR apparaisse en clair dans les dossiers médicaux personnels, ce qui serait contraire au respect des libertés individuelles et ne correspond donc pas à notre vision. Le numéro d'identification sera plutôt un numéro dérivé du numéro d'inscription au répertoire national des personnes physiques, avec les meilleurs niveaux de cryptage. Il permettra d'accéder au dossier médical personnel et de le compléter : c'est un gage important de sécurité pour l'identification du patient. Le sous-amendement étend également cette possibilité aux dossiers créés dans le cadre du fonctionnement des réseaux de santé.

M. le président. Monsieur le ministre, vous êtes donc favorable à l'amendement de M. Dionis du Séjour, sous réserve de l'adoption de votre sous-amendement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 8408 et sur le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 8408. Informée de l'avis de la CNIL, elle craignait en effet un risque d'atteinte aux libertés. D'autre part, le gain attendu lui paraissait limité.

Elle n'a pas examiné le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification. À titre personnel, je suis un peu perplexe. Je comprends bien la nécessité d'un identifiant, son importance pour la confidentialité et le secret médical, mais je crains d'être identifié à de multiples reprises, dans un système tellement identifiant que nous en perdrions notre individualité. J'avoue que, à cet égard, ma religion n'est pas faite.

M. le président. Il faut tout de même prendre une position, monsieur le rapporteur. Sur quelles conclusions débouche votre perplexité ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Si j'étais le Gouvernement, je m'en remettrais à la sagesse de l'Assemblée. Si je suis convaincu par les arguments que va sûrement exposer M. Dionis du Séjour, je serai sans doute favorable à son amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Et si vous étiez un arbre, que feriez-vous ? Ce n'est pas le jeu du portrait chinois !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cette question est primordiale au regard des libertés publiques, mais les arguments qui sous-tendent l'initiative de M. Dionis du Séjour ont déjà été souvent débattus ici, chaque fois que notre assemblée a eu à parler de fichiers.

Tout cela part d'une idée simple : si, dans tous les fichiers, chacun était toujours identifié par le même numéro, cela coûterait moins cher.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est vrai !

M. Alain Vidalies. Ce numéro unique permettrait de connaître tous les renseignements concernant un individu, sa situation fiscale, son état de santé, ses antécédents judiciaires. L'efficacité du système n'est pas à démontrer.

M. Jean-Marie Le Guen. Il est même trop efficace !

M. Alain Vidalies. Dans ces conditions, pourquoi toutes les majorités s'y sont-elles opposées ? Pourquoi le consensus s'est-il fait autour de ce refus ? Imprégnée de culture des libertés publiques, notre assemblée a sans doute voulu diviser le risque, pour éviter que si, par malheur, cet outil tombait un jour aux mains de personnes mal intentionnées, elles puissent s'en servir contre les libertés publiques. On ne fait pas la loi pour le seul temps présent : il faut aussi prendre des précautions pour l'avenir. Comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés, notre assemblée a toujours pris ces réserves en considération. Le même raisonnement a conduit le Gouvernement à vouloir limiter la casse par son sous-amendement, et le rapporteur a exprimé, en termes diplomatiques, les mêmes réserves de fond.

Cette question est beaucoup trop grave pour qu'on la traite sous la forme d'un simple amendement. Je suis heureux que M. Dionis du Séjour soit entré en contact avec le président de la CNIL, mais, jusqu'à preuve du contraire, cette institution délibère et prend des décisions collégiales. Le sentiment que son président a exprimé dans la correspondance qu'il vous adressée me semble remettre en cause ce qui a été, jusqu'à présent, la position de la CNIL, et les décisions qu'elle prend sont, au moins pour le contrôle de la forme, susceptibles de recours. Tout cela, monsieur le ministre, m'amène à penser que, même si, de notre point de vue, votre sous-amendement est bien moins inquiétant que l'amendement de M. Dionis du Séjour...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Alors votez-le !

M. Alain Vidalies. ...ce débat gagnerait à être conduit sous d'autres formes : que le Gouvernement prenne l'initiative, qu'il saisisse la CNIL, qu'elle délibère, que son avis soit porté à la connaissance de tout le monde, et nous pourrons enfin décider en connaissance de cause. N'est-il pas étrange d'avoir à traiter d'une telle question sans qu'elle ait été abordée dans le cours de la procédure parlementaire ? C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes conduits à nous exprimer avec une certaine gravité.

Monsieur le ministre, nous croyons enfin savoir que le projet de décret sur les hébergeurs a été soumis à la CNIL. Il aurait peut-être été utile que l'Assemblée nationale soit au préalable saisie des garanties que le Gouvernement souhaitait introduire dans ce décret.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Alain Vidalies. On ne l'a pas fait, et c'est regrettable.

Nous sommes tous désireux d'améliorer l'efficacité du dispositif, mais, en l'occurrence, il ne s'agit pas simplement de cela : nous risquons d'attenter aux libertés publiques. N'oublions pas la position qu'a toujours eue notre assemblée à propos des fichiers, quelles que soient les majorités, notamment depuis 1978.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le sous-amendement renforce la protection, et je suis disposé à le voter, mais je souhaiterais néanmoins le sous-amender, en substituant aux mots « Un identifiant santé, dérivé du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques », les mots « Un identifiant santé, le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques ou un de ses dérivés ». Il s'agit de laisser la possibilité de prendre en compte le résultat des expérimentations.

Je souhaiterais également, monsieur le président, répondre à M. Vidalies.

M. le président. On ne peut pas, en principe, sous-amender un sous-amendement, sauf si son auteur est d'accord pour le modifier.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est souvent le cas !

M. le président. Il conviendra donc d'interroger le Gouvernement pour savoir s'il accepte le vôtre.

En attendant, monsieur Dionis du Séjour, vous pouvez répondre à M. Vidalies.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous avons, je crois, parfaitement respecté le rôle du Parlement. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a instruit le dossier, avant de saisir la CNIL. Sans doute cette institution n'a-t-elle pas délibéré, mais elle nous a adressé une lettre dont j'ai fait état, rapportant notamment les réserves qu'elle formulait. Enfin, nous en débattons en séance publique. N'est-ce pas respecter les droits du Parlement ? Je suis un démocrate et me rangerai à la décision de l'Assemblée, mais je ne crois pas qu'on puisse critiquer notre démarche.

Du reste, la CNIL ne considère pas que le NIR soit un sujet sulfureux. Au contraire, elle a déjà autorisé son utilisation pour les remboursements au titre de l'assurance maladie. Elle ne se prononce pas pour dire si c'est bien ou mal, mais se contente de noter que la pertinence de l'extension du dispositif n'est pas avérée. Reconnaissez que c'est beaucoup moins manichéen.

Plusieurs pays de grande tradition démocratique, notamment en Scandinavie, ont mis en place un identifiant unique pour toutes les démarches administratives.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sont tout de même des pays qui ont pratiqué l'eugénisme !

M. Jean Dionis du Séjour. J'aimerais convaincre l'opposition. D'une part, la CNIL nous recommande de passer par une phase d'expérimentation. D'autre part, l'identifiant ne représente pas la totalité du dispositif de confidentialité, puisqu'il est renforcé par un mot de passe. C'est la combinaison des deux qui constituera la clef du dispositif. Cela me semble de nature à apaiser les craintes vis-à-vis des libertés publiques ou de la confidentialité.

Cependant, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, il y a également un enjeu budgétaire et nous devons faire face à des échéances précises. Nous avons affiché une volonté politique forte, le dispositif doit se mettre en place d'ici à 2007 et nous souhaitons en réduire le coût. À toutes ces exigences, nous apportons des solutions, qui méritent qu'on les prenne en considération.

M. Gérard Bapt. C'est une vision un peu scientiste !

M. le président. M. Dionis du Séjour propose donc de modifier le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification, du Gouvernement. Acceptez-vous cette modification, monsieur le ministre ? En tout état de cause, elle ne sera pas mise aux voix.

M. Alain Vidalies. Il ne faut pas que le Gouvernement l'accepte !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous avons à traiter de plusieurs questions. La première − la plus importante − est celle de l'identification. Comment s'assurer qu'une personne est parfaitement identifiée ? Le NIR permet de le faire dans d'excellentes conditions de sécurité. Avec ce numéro, on est sûr qu'un dossier médical appartient bien à une personne donnée. En effet, l'identification doit se faire sans erreur possible : c'est vital pour le patient. Les NIR sont les seuls numéros à être certifiés. Le DMP doit pouvoir utiliser cette vérification supplémentaire.

M. le rapporteur a soulevé un autre problème, celui des modalités pratiques d'utilisation et de cryptage du NIR. Celles-ci seront examinées par la CNIL dans le cadre du décret d'application de l'article 2 du présent projet de loi.

La CNIL s'est déjà déclarée favorable à des expérimentations utilisant le NIR. Nous conduirons ce travail avec elle dans la phase transitoire.

Monsieur Dionis du Séjour, si je m'oppose à votre modification, c'est parce que vous proposez de vous référer au NIR, ou à l'un de ses dérivés. Or je souhaite m'en tenir au dérivé du NIR. Imaginons que des gens, ici ou ailleurs, connaissent votre numéro INSEE : ils pourraient alors entrer dans votre dossier médical personnel.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous oubliez le code d'accès !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Certes, mais si beaucoup d'entre vous, sur tous les bancs, se sont déclarés favorables au dossier médical personnel, c'est à la condition que personne ne puisse le consulter facilement.

Or on me dit - car j'avoue m'y connaître moins que vous techniquement parlant - que le NIR lui-même permettrait, avec le numéro INSEE d'une personne, d'accéder au dossier de celle-ci et de croiser les fichiers, ce qui serait ennuyeux.

Je vous demande donc d'accepter l'idée que seul un dérivé du NIR puisse servir d'identifiant. Il faut que les choses soient plus simples si l'on veut respecter le calendrier prévu tout en contenant la dépense.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes, monsieur le ministre, en plein paradoxe : plus on recherche l'efficacité, plus on accroît les réticences ! Plus la solution est efficace, plus elle pose problème !

La difficulté, ici, ne tient pas tellement au caractère secret du dossier, car je ne crois pas que l'emploi du NIR par un tiers en facilite l'accès. Elle est, comme Alain Vidalies l'a rappelé, de prendre une mesure de précaution vis-à-vis de nous-mêmes. Le danger est, en effet, de voir un jour accéder au pouvoir un régime tenté de croiser tous les fichiers.

C'est cette idée de précaution qui sous-tend notre volonté de ne faciliter en rien le croisement des fichiers, et tant que nous aurons des doutes sur la société des hommes, c'est cette règle que nous appliquerons !

Cependant, nous nous trouvons, comme de nombreux Français, pris dans un dilemme entre « faisabilité » et « dangerosité » : plus nous nous attachons à perfectionner le dossier médical personnel, plus nous alimentons les réticences de ceux qui craignent une atteinte aux libertés individuelles, et plus nous rendons difficile la réalisation de ce dossier.

Autrement dit, plus on recherche l'efficacité, plus on augmente le coefficient de viscosité sociale.

Je ne puis donc, monsieur le ministre, que vous inviter à la prudence. Pour notre part, nous ne voterons pas ces deux sous-amendements.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, d'autres questions se posent encore.

Si chacun intervient, comme il l'entend, dans l'élaboration du dossier médical, on ne pourra rien faire de cet outil.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Exactement !

Mme Martine Billard. Dès lors, votre idée est probablement de lancer un appel d'offres, sur la base d'un cahier des charges, afin de définir la structure du dossier médical personnel.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Oui !

Mme Martine Billard. La question est donc de savoir ce qui figurera dans ce cahier des charges, et si l'entreprise qui remportera le marché aura le droit d'utiliser le NIR ou une partie du NIR comme clé d'accès au dossier médical.

Si tel est le cas, le couplage avec d'autres fichiers sera un jeu d'enfant !

M. Jean Dionis du Séjour. Vous oubliez, vous aussi, le code d'accès !

Mme Martine Billard. Même avec un code d'accès, il n'est pas besoin d'être informaticien pour faire très facilement des liens ! Le nombre de caractères d'une clé, vous le savez très bien, n'empêchera rien !

M. Jean Dionis du Séjour. J'ai parlé d'ajouter un mot de passe !

Mme Martine Billard. Les Verts sont totalement opposés à l'utilisation du NIR comme clé de fichier du dossier médical personnel, car ce serait ouvrir la porte à n'importe quel croisement de fichiers.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Mon souci premier est celui de la sécurité, et les arguments que j'ai entendus dans les interventions des uns et des autres sont de nature à me rassurer.

Cependant, j'estime, contrairement à vous, monsieur Le Guen, qu'il nous faut aussi être efficaces, et je suis donc opposé au sous-amendement de M. Dionis du Séjour, mais favorable à celui du Gouvernement.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas le rapporteur qui s'exprimait, mais M. Dubernard !

M. le président. M. Dubernard a le droit de s'exprimer à titre personnel, surtout lorsqu'un amendement ou un sous-amendement n'a pas été examiné par la commission.

M. Maxime Gremetz. Je demande un scrutin public, monsieur le président ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Ah ! Vous voilà, monsieur Gremetz ! (Sourires.)

Votre demande porte sur l'amendement ou sur le sous-amendement ?

M. Pierre-Louis Fagniez. Il ne le sait pas lui-même !

M. Maxime Gremetz. Sur le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification, du Gouvernement, monsieur le président.

Et sachez, mes chers collègues, que si je m'absente de l'hémicycle, je n'en suis pas moins le débat à l'extérieur !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. M. Gremetz veille !

M. Maxime Gremetz. Je sais exactement qui a dit quoi, et aussi qui n'a rien dit ! (Rires.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. L'ombre de M. Gremetz plane sur l'Assemblée !

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 8440, deuxième rectification, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

.......................................................................

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.....................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification :

              Nombre de votants 73

              Nombre de suffrages exprimés 73

              Majorité absolue 37

        Pour l'adoption 48

        Contre 25

L'Assemblée nationale a adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 8408, modifié par le sous-amendement n° 8440, deuxième rectification.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot