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Deuxième séance du jeudi 8 juillet 2004

17e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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ASSURANCE MALADIE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée aux amendements identiques nos 2464 à 2475 à l'article 7.

Article 7 (suite)

M. le président. Je suis donc saisi de douze amendements identiques, nos 2464 à 2475.

La parole est à Mme Jambu pour les défendre.

Mme Janine Jambu. Le paragraphe I de l'article 7 propose de permettre à des mutuelles et à des assurances de participer à la définition des actes de bonne pratique et de bon usage de soins. Nous voulons supprimer cette disposition.

Il nous paraît en effet que les mutuelles, et plus encore les assurances privées, n'ont aucune légitimité pour définir les caractéristiques de ce qu'il est convenu d'appeler les bonnes pratiques, c'est-à-dire l'exercice professionnel des médecins.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie, pour donner l'avis de la commission sur les douze amendements identiques.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. La commission a rejeté ces amendements, pour des raisons longuement exposées ce matin.

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2464 à 2475.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements identiques, nos 904 à 915 et 7854.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour défendre les amendements nos 904 à 915.

Mme Jacqueline Fraysse. Nos amendements visent à supprimer la participation des mutuelles et des assurances à la définition des actes de bonne pratique et de bon usage de soins.

Je ne reviens pas sur les dangers fondamentaux que représente l'introduction de ces assurances privées dans notre système, nous en avons beaucoup parlé ce matin, je voudrais simplement vous faire part de mon interrogation. Sur quels critères et à partir de quelles compétences les mutuelles et les assurances seront-elles considérées comme capables de participer à la définition des bonnes pratiques ?

Les médecins doivent suivre une formation sur plusieurs années avant de pouvoir exercer leur métier, et on envisage que les mutuelles et les assurances leur expliquent quels sont les critères des bonnes pratiques ? Je trouve que cette perspective est particulièrement préoccupante. C'est pourquoi nous demandons la suppression du 1° du I de l'article 7.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l'amendement n° 7854.

M. Gérard Bapt. Nous faisons le même constat que nos collègues communistes.

Nous nous sommes expliqués ce matin sur les dangers que recèle ce texte, véritable machine à dérembourser et ouvrant de nouveaux champs d'action et de concurrence aux complémentaires, aux mutuelles mais aussi aux compagnies d'assurances.

M. Mallié nous accuse de manquer de cohérence quand nous dénonçons les risques que fait courir ce projet à la fois d'étatisation et de privatisation. Je lui répondrai que l'étatisation est inscrite dans la gouvernance. Après tout, c'est un système qui peut se défendre mais ne parlons plus alors de paritarisme rénové. Quant à la privatisation, elle est inscrite justement dans cet alinéa que nous voulons supprimer.

En effet, cet article en témoigne, la mutualité sert de cheval de Troie aux assurances privées. M. le secrétaire d'État nous a assuré ce matin que ce texte ne modifiait en rien le périmètre de l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Absolument.

M. Gérard Bapt. Ce texte, sans doute, mais qu'en sera-t-il dans le futur ?

M. Gérard de La Martinière, président de la FFSA, la Fédération française des sociétés d'assurance, a confirmé par anticipation les propos de M. Bertrand en déclarant : « C'est vrai que nous aurions préféré discuter des questions touchant au champ d'intervention des complémentaires pour l'inscrire dans la réforme » - si l'on excepte le fait que les déremboursements et l'augmentation du forfait hospitalier vont tout de suite concerner les complémentaires. Toutefois il ajoute : « mais tout le monde a considéré - cette expression englobe-t-elle tous les organismes complémentaires, nous ne le savons pas - que le point clé de la réforme devrait concerner l'orientation et qu'il était plus opportun de renvoyer ces discussions aux futures instances qui seront créées ».

Les discussions en question, ce sont celles qui porteront sur le champ d'intervention, le périmètre de soins, le panier de soins. À l'évidence, ce texte est lourd de menaces, d'autant qu'il introduit les assurances privées dans le conseil d'orientation, dans les conventions tripartites négociées avec les syndicats de médecins et, par le biais de cet article, dans toute l'architecture des relations entre les professionnels et les assureurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 904 à 915 et 7854.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 7618 et 8423 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 8423 rectifié fait l'objet de trois sous-amendements, nos 8453 rectifié, 8454 et 8456 rectifié.

L'amendement n° 7618 de Mme Billard n'est pas défendu.

La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 8423 rectifié.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La possible participation des organismes complémentaires à la contractualisation est de nature à favoriser l'émergence de solutions innovantes dans les domaines de l'évaluation et de l'amélioration des pratiques professionnelles, de la mise en œuvre des références médicales, de la gestion du dossier du patient, ou encore de la mise en œuvre d'actions de prévention et de dépistage.

L'expérimentation Soubie, qui a associé la MSA et Groupama pour favoriser la constitution, par les médecins généralistes, de groupes de pairs, a été à cet égard particulièrement intéressante.

M. Jean-Marie Le Guen. Tout à fait.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les évaluations de cette expérimentation ont montré son caractère particulièrement promoteur. La qualité et l'efficience des prescriptions des médecins participants comparées à celles de groupes témoins ont en effet progressé de manière très significative.

Le Gouvernement tient toutefois à ce que cette participation des organismes complémentaires soit conditionnée à un accord préalable des autres parties à ces contrats pour qu'elle soit la plus constructive possible. L'amendement n° 8423 rectifié vise à préciser plus clairement ce point dans la rédaction de l'article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 8423 rectifié et pour défendre le sous-amendement n° 8453 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement du Gouvernement a été accepté par la commission. Cette dernière s'est tout de même interrogée, monsieur le ministre, sur sa rédaction qui mériterait sans doute d'être corrigée. Que signifient exactement les termes : « Après accord [...] avec les réseaux des professionnels de santé concernés » ?

Le sous-amendement n° 8453 rectifié reprend une idée du président de la commission spéciale, qui souhaite associer l'instance de gestion du régime d'assurance maladie complémentaire obligatoire dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, et de la Moselle.

Le sous-amendement n° 8454 de M. Bur vise à supprimer la discrimination, contraire au droit européen, faite à l'encontre de certaines entreprises d'assurances communautaires.

Enfin, le sous-amendement n° 8456 rectifié de M. Préel propose d'associer les conseils de l'ordre des professions médicales lorsqu'ils sont concernés. Il correspond à l'amendement n° 83, deuxième rectification, que j'avais déposé au nom de la commission mais que j'ai retiré au profit de la rédaction proposée par M. Préel.

M. Bur et M. Préel peuvent bien entendu, s'ils le souhaitent, compléter mon explication.

M. Jean-Marie Le Guen. Et nous ? Si on vous gêne, on peut sortir. Depuis quand présidez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. le président. Monsieur Le Guen, je préside et je le fais avec attention. Je n'ai pas voulu arrêter M. Dubernard dans son élan parce que j'ai considéré qu'ainsi je n'aurais plus à lui demander son avis sur les sous-amendements nos 8454 et 8456 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je voulais simplifier le travail de l'Assemblée.

M. Jean-Marie Le Guen. Il reprend la parole maintenant ? C'est le cirque ici !

M. le président. Monsieur Yves Bur, voulez-vous ajouter un mot à l'explication de M. le rapporteur sur votre sous-amendement n° 8454 ?

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. le régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle est souvent envié par les autres départements mais c'est un régime complémentaire et de ce fait, il souhaite pouvoir être associé à l'Union nationale des complémentaires à travers une participation aux accords tripartites. Conscients du fait qu'il ne faut pas perturber les équilibres entre la mutualité et les autres partenaires de cette union, nous reviendrons sur la composition de l'Union nationale des complémentaires dans un article ultérieur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre le sous-amendement n° 8456 rectifié.

M. Jean-Luc Préel. L'article 7 prévoit d'améliorer la qualité des soins, avec des contrats avec les complémentaires. À partir du moment où les professions de santé sont intéressées par ces contrats, il paraissait normal que les conseils de l'ordre respectifs puissent avoir communication des contrats.

L'amendement qui reprenait cette proposition avait été accepté par la commission mais le Gouvernement ayant réécrit le paragraphe, l'amendement tombait. C'est pourquoi nous avons dû déposer ce sous-amendement à l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois sous-amendements ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce débat montre bien que si le texte avait été mieux préparé, il y aurait sans doute moins d'interventions en séance...

M. Richard Mallié. A qui ferez-vous croire cela ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous examinons dans la confusion un amendement et des sous-amendements dont certains sont extraordinairement importants. J'ai beaucoup de respect pour l'Alsace-Moselle et ce qu'a dit M. Bur est parfaitement justifié, de même que son sous-amendement, mais lorsqu'il évoque la compétence européenne, cela attire notre attention sur l'extrême gravité de dispositions que l'on a tendance à présenter comme anodines.

Dois-je intervenir de façon globale sur toute la série d'amendements et de sous-amendements, monsieur le président ?

M. le président. Je vous ai donné la parole pour donner une vision globale d'un dossier que j'ai présenté globalement, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. D'accord, mais cela prendra un peu plus de temps !

M. le président. Non, monsieur Le Guen, vous avez la capacité de synthétiser !

M. Jean-Marie Le Guen. Certes, je peux synthétiser, monsieur le président, mais il faut aussi que je sois pédagogue, car il arrive trop souvent que le Gouvernement ou la majorité ne nous entende pas. C'est sans doute parce que je n'ai pas suffisamment répété les craintes qui sont les nôtres !

M. Yves Censi. Professeur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Des expériences extrêmement utiles ont eu lieu, notamment celle dite « MSA-Groupama », même si la MSA a fait beaucoup et si Groupama a surtout communiqué .

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est scandaleux !

M. Jean-Marie Le Guen. D'ailleurs, cela préjuge bien de ce qui va se passer, à savoir la prise en main de notre système de santé, notamment de la médecine ambulatoire, par les groupes d'assurances.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est faire peu de cas de Groupama !

M. Jean-Marie Le Guen. En l'occurrence, l'expérience menée était très intéressante, mais il serait bon que l'on ne laisse pas à certaines caisses, voire à des assureurs, l'initiative de mettre en œuvre des expériences innovantes - je pense notamment aux réseaux - et qu'une volonté politique s'affirme enfin pour que l'assurance maladie et l'État installent des réseaux.

Vous nous répondez toujours que les crédits du FNDR ont augmenté de façon extraordinaire. Il est évident que ce fameux fonds ayant été créé par la loi du 4 mars 2002, les gouvernements de gauche ne pouvaient pas lui donner d'ampleur budgétaire ! Cela dit, nous avions une ambition bien plus grande pour cet organisme , considérant que les réseaux devaient être non pas des expériences marginales sympathiques, mais des éléments structurants de notre système de santé et que la prise en charge des personnes souffrant d'une affection de longue durée ne pouvait qu'y gagner en termes d'accueil dans le système, de continuité et de suivi des soins. C'était ma première remarque.

Ma seconde remarque est beaucoup plus grave. M. Bur a parfaitement raison de rappeler que le droit européen s'applique en France, mais nous sommes inquiets. En effet, nous sommes aujourd'hui en présence d'un code commun des assurances et des mutuelles, mais les pratiques sont telles que l'esprit mutualiste se cache rarement derrière le mot assurance, alors que l'esprit assurantiel se cache parfois derrière le mot mutuelle. Il n'existe donc pas d'appellation juridique qui nous protège d'une pratique par rapport à une autre. Les Français le savent bien d'ailleurs, car les mutuelles, bousculées par le marché et notamment par l'offensive des assurances, leur proposent de moins en moins de contrats solidaires et de plus en plus souvent des produits assurantiels. Telle est la réalité du marché des complémentaires. Mais les choses deviendront plus intéressantes encore...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. ...lorsque le dispositif du Gouvernement, plaçant dans un cadre vertueux la complémentarité - c'est le cas de le dire ! - entre le régime obligatoire et le régime complémentaire sous prétexte qu'il y aurait des discriminations fiscales, ne sera pas opérationnel parce que des compagnies d'assurances ayant leurs capitaux et leur activité hors de France, qui ne tomberont donc pas sous le coup des dispositions de l'article 31, auront toute légitimité à intervenir.

M. le président. Merci, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Avec ce que vous faites, le marché des complémentaires va connaître une explosion dans un premier temps et une déréglementation massive dans un second temps. Nos compatriotes le savent d'ailleurs déjà, puisque 85 % d'entre eux s'attendent aujourd'hui à une explosion des cotisations des complémentaires. Malheureusement, nos discussions ne peuvent que les conforter dans ce sentiment.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt pour une brève intervention.

M. Gérard Bapt. Une dépêche de l'AFP nous apprend en effet aujourd'hui que huit Français sur dix pensent que les cotisations des complémentaires santé vont augmenter au cours des prochaines années, 56 % d'entre eux ayant déjà observé une augmentation en 2004. Cela dit, ils n'ont pas encore dû vraiment réaliser qu'à partir de l'an prochain elles allaient non pas augmenter, mais exploser. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État nous a dit que le périmètre ne changerait pas.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est vrai !

M. Gérard Bapt. Je reviens aux données de base. Il faut toujours se référer aux bons textes. Or, le président de la FFSA est compétent en la matière. A la question : « Cette réforme va-t-elle vous ouvrir de nouveaux champs en matière de santé ? », il répond : « C'est notre conviction. Des arbitrages devront être faits pour orienter l'utilisation des ressources tirées des prélèvements obligatoires vers les priorités de politique de santé publique, ce qui ouvre potentiellement un champ important de développement pour les complémentaires. »

M. Marc Bernier. Vous radotez !

M. Richard Mallié. Vous l'avez déjà dit ce matin !

M. Gérard Bapt. M. de La Martinière, c'est Saint- Jean-Bouche d'or. Il dit les choses telles qu'elles sont, ce qui n'est pas votre cas ! Les assurances françaises - et nous venons d'apprendre que c'est aussi le cas des assurances étrangères - se servent de la mutualité comme d'un cheval de Troie !

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Je voudrais indiquer la position du groupe des député-e-s communistes et républicains sur les amendements nos 83, deuxième rectification, de la commission et 7485 de MM. Préel, Jardé et Leteurtre. Nous trouvons des raisons de nous opposer à ces textes dans leurs exposés sommaires qui témoignent d'une certaine réserve : « Si ces dispositions sont certainement utiles en termes de financement, on peut cependant s'interroger sur la place qui est ainsi accordée aux mutuelles et à l'assurance privée dans l'organisation du système de santé. » Jusque-là nous sommes d'accord ! Mais je poursuis ma lecture : « Cette question mérite certainement un débat, et l'introduction d'organismes à but lucratif dans l'organisation du système des soins exige des garanties particulières. ». Mais comme vous sentez que vous aurez du mal à nous faire avaler cela , vous trouvez une caution qui est le recours à l'avis du Conseil de l'Ordre. Cela nous semble bien insuffisant, c'est pourquoi nous sommes contre ces dispositions.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8453 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8454.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8456 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8423 rectifié, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 7743 de M. Bur, 8279 de la commission spéciale, 7742 de M. Bur, 83, deuxième rectification, de la commission spéciale et 7485 de M. Préel tombent.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2476 à 2487.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour les soutenir.

Mme Janine Jambu. Ces amendements visent à supprimer la participation du directeur général de l'UNCAM pour les définition des accords de bon usage des soins - ACBUS. En effet, l'UNCAM regroupe des représentants des trois caisses - CNAMTS, MSA et CANAM - qui forment son conseil et élisent son président. Elle est dirigée par un collège de directeurs - les directeurs des trois caisses - qui désigne son directeur général chargé d'appliquer les décisions prises par le conseil. Or, ce directeur sera le directeur général de la CNAM, qui est lui-même nommé par décret. Il s'agira donc d'un poste hautement politique, pour ne pas dire économique.

Sans anticiper sur le débat que nous aurons lors de l'examen de la gouvernance, je veux observer qu'au nom d'un pilotage plus responsable, le directeur de l'UNCAM va chapeauter les trois caisses d'assurance maladie dans une union qui sera, dans une large mesure, sous la coupe du directeur général de la caisse des salariés, nommé par le Gouvernement. Il organisera pratiquement une gestion conjointe de l'assurance maladie par le régime obligatoire et les assurances complémentaires auxquelles est donnée la possibilité de peser sur le niveau - périmètre et taux - de la couverture garantie par la sécurité sociale. Nous rejetons cette vision de la gouvernance qui souffre d'une absence de démocratie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2476 à 2487.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7834.

La parole est à M. Yves Censi, pour le soutenir.

M. Yves Censi. L'article 7 du projet de loi s'engage avec bonheur dans la voie du développement des outils contractuels, afin de promouvoir les bonnes pratiques des professionnels de santé. Il prend également en compte la création de l'UNCAM, dont nous débattrons en examinant l'article 31.

Mais il importe de prendre d'ores et déjà en compte le renforcement de l'interrégime, notamment le fait que l'approbation des accords relatifs au bon usage des soins ne doit pas relever du seul directeur général de l'UNCAM, mais d'un collège comprenant également deux directeurs des caisses nationales d'assurance maladie.

C'est pourquoi, sans anticiper sur notre discussion, nous proposons de substituer, au deuxième alinéa du I de l'article 7, aux mots : « directeur général », les mots : « collège des directeurs ».

Nous reviendrons ultérieurement sur le fonctionnement de l'UNCAM.

M. Gérard Bapt. Où en sommes-nous ? Nous passons notre temps à rechercher les amendements dans la liasse. On ne peut pas travailler dans ces conditions !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Comme l'a indiqué M. Censi, il préjuge en effet de la discussion que nous aurons sur l'article 31 et surtout il contredit l'esprit du projet de loi, qui vise à renforcer l'efficacité de l'exécutif.

Mme Jacqueline Fraysse. En effet ! Le texte du Gouvernement est très autoritaire !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le Gouvernement n'est pas opposé à l'esprit de l'amendement. Il lui semble intéressant de confier l'approbation des ACBUS au collège des directeurs. Nous aurons l'occasion, en examinant l'article 31, d'aller au fond du débat relatif aux compétences respectives du directeur de l'UNCAM et du collège.

Pour l'instant, le Gouvernement étant particulièrement attaché à préserver le plus possible l'identité des différentes caisses, ainsi que leur histoire et les expériences développées sur le terrain, il ne trouve pas inintéressant de confier la décision au collège des directeurs, plutôt qu'au seul directeur de l'UNCAM.

Il s'en remet par conséquent à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous soutenons la démarche de M. Censi. Les pouvoirs du proconsul que sera le directeur général de l'UNCAM sont suffisamment étendus pour que l'on n'écrase pas toutes les caisses qui existent depuis la Libération. Laissons-lui le temps de les étouffer lui-même, puisque ce sera une de ses tâches.

En attendant, il me paraît raisonnable que les deux directeurs prévus dans les régimes spéciaux de la sécurité sociale puissent encore donner leur avis pendant quelques mois.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7834.

(L'amendement est adopté.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. M. Bapt soulignait tout à l'heure, à juste titre, que nous avons un peu de mal à nous retrouver dans toutes les liasses d'amendements. Nous avions adopté en commission une meilleure méthode : quand plusieurs amendements sont identiques, il suffit de joindre, en annexe au premier amendement, une feuille mentionnant le nom des autres députés qui ont déposé le même. Ce système faciliterait notre travail et nous permettrait d'accélérer le rythme du débat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En outre, il économiserait du papier !

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous ne doutons pas que la présidence réponde de manière positive à notre requête.

Le second point sur lequel j'appelle son attention concerne l'organisation générale de nos travaux. Nous apprenons que le ministre de la santé est appelé devant le Sénat pour défendre le projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui intéresse d'ailleurs la quasi-unanimité des députés ici présents.

M. Jean-Marie Geveaux. Mais le secrétaire d'État à l'assurance maladie est présent !

M. Jean-Marie Le Guen. Il ne nous paraît ni raisonnable ni satisfaisant que, lorsque nous siégeons, le ministre de la santé ne puisse pas être présent parmi nous. À plusieurs reprises, nous l'avons vu, il nous a été nécessaire de l'interpeller sur certaines questions précises. Nos discussions ont d'ailleurs amené de sa part des précisions indispensables - assez rarement, il est vrai -, ainsi que quelques reculs - là encore, trop peu fréquents, mais tout de même positifs.

Ainsi, c'est parce que nous avons l'avons interpellé directement en séance que le ministre, après avoir hésité à régler le problème des spécialités dans la loi ou par décret, a fini par nous rassurer sur le fait que les psychiatres pourraient être consultés en accès direct.

M. Philippe Auberger. C'est une bonne nouvelle pour vous, monsieur Le Guen ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. La discussion sert à cela !

M. Jean-Marie Le Guen. Voilà à quoi sert la présence d'un ministre en séance. Nous pourrions tous voter par ordinateur ou nous envoyer des mails, mais nous sommes ici pour travailler ensemble.

Je l'affirme solennellement : nous ne pouvons pas accepter que le ministre en charge du dossier soit absent (Protestations sur plusieurs bancs de l'Union pour un mouvement populaire), alors même que le Gouvernement nous impose un programme de travail aussi chargé.

M. Yves Censi. Un peu de respect, monsieur Le Guen ! Ce que vous dites est scandaleux et désobligeant à l'égard du secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Philippe Vitel. Qui est parfait !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je suis scandalisé par ce qui vient d'être dit, comme tous les députés du groupe UMP. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je rappelle que le Gouvernement est représenté par le secrétaire d'État à l'assurance maladie (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or, que je sache, le projet de loi concerne bien la réforme de l'assurance maladie, et non la santé.

Je l'ai déjà dit à M. Le Guen : il n'a pas à nous faire ainsi perdre notre temps. Son attitude est scandaleuse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Si nous voulons gagner du temps, je ne suis pas persuadé qu'il faille multiplier les rappels au règlement...

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous exerçons ici notre responsabilité de parlementaires et il est normal que nous demandions des explications quand des amendements du Gouvernement, qui n'ont pas été vus en commission, sont votés sans le moindre éclaircissement.

M. Édouard Landrain. Arrêtons de perdre notre temps !

M. Alain Vidalies. Personne ne peut reprocher à un parlementaire de demander des explications. Pour ma part, je m'interroge toujours sur le sous-amendement n° 8454 du président de la commission, qui vient d'être voté. Nous débattons de l'assurance maladie et je dois suivre la discussion avec le code des assurances à la main. C'est dire à quel point nous en sommes arrivés !

Je demande que le Gouvernement nous explique où nous en sommes - et il n'y a aucune mauvaise intention dans ma démarche. Son amendement n° 8423 visait les mutuelles complémentaires citées au deuxième alinéa de l'article L. 310-1 du code des assurances, qui définit le champ des assurances, mutuelles ou privées, sur lequel l'État continue à exercer un contrôle.

Et voilà que le sous-amendement n° 8454 supprime ce visa particulier au bénéfice d'une référence générale au code des assurances. Je suis peut-être le député le plus bête de l'Assemblée et, dans ce cas, tout le monde aura déjà mesuré la portée de ce sous-amendement. Mais, pour ma part, j'avoue que je ne l'ai pas perçue et je crains qu'elle ne soit beaucoup plus importante qu'on nous l'a dit.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Alain Vidalies. En tout cas, la question se pose. Je tiens à savoir pourquoi, alors que le Gouvernement avait choisi initialement une rédaction restrictive, celle-ci a été subitement élargie au bénéfice d'une concurrence accrue. Nous souhaiterions que M. le secrétaire d'État nous éclaire sur sa démarche et sur ses objectifs.

M. Jean-Marie Le Guen. Chaque fois que nous demandons des explications, on passe à l'amendement suivant !

M. Yves Censi. Peut-être, mais, sur certains amendements, on se demande à quoi servirait le débat !

M. le président. La parole est à M. Édouard Landrain.

M. Édouard Landrain. Monsieur le président, nous siégeons tous deux à l'Assemblée depuis quelques années. Vous devez vous souvenir comme moi que Jean Poperen, assis au banc du Gouvernement où M. Bertrand se trouve aujourd'hui, nous avait répondu, un jour où on lui reprochait d'y être seul : « Je représente le Gouvernement et, à ce titre, entendez-moi. »

M. Jacques Desallangre. C'est vieux !

M. Alain Vidalies. Jean Poperen était un grand homme !

M. Édouard Landrain. Aujourd'hui, l'attitude des députés de l'opposition me semble injustement méprisante. Un secrétaire d'État chargé du dossier - contrairement à Jean Poperen, qui était ministre des relations avec le Parlement - est capable de répondre à toutes les questions sur ce projet de loi. L'opposition n'a pas à le rejeter.

M. Jean-Marie Le Guen. Au moins, Jean Poperen était-il ministre, et non secrétaire d'État !

M. Édouard Landrain. Monsieur le président, je pense qu'il vous appartient de rappeler nos collègues au respect qu'ils doivent au Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je remercie M. Landrain de cette évocation d'un homme que nous avons beaucoup aimé.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le président, je suis tout de même étonnée que la majorité se sente offensée parce que nous demandons la présence du ministre de la santé.

M. Marc Bernier. C'est inutile, puisque le Gouvernement est représenté !

Mme Muguette Jacquaint. Nous ne mettons pas en cause la personne du secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Le Guen. Ni sa qualité !

Mme Muguette Jacquaint. Mais il n'est pas étonnant que la représentation nationale demande à ce que le ministre et le secrétaire d'État soient présents lorsqu'elle examine un texte aussi important. (« Le Gouvernement est représenté ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Et où est M. Bocquet, votre président ?

Mme Muguette Jacquaint. Dois-je également rappeler ce que révélait hier Maxime Gremetz ?

M. Jacques Desallangre. C'est une bonne référence.

Mme Muguette Jacquaint. Même si cela ne vous plaît pas, c'est une réalité ! Aujourd'hui circule dans les hôpitaux et chez les médecins une brochure qui explique déjà la loi, avant même qu'elle ait été adoptée.

Qu'on nous dise donc, monsieur le président, si le Parlement a encore un rôle ou non ! S'il n'en a plus, je rejoins M. Le Guen : qu'on nous fasse parvenir des fax ou des mails, et nous voterons à distance. Le travail sera alors aussi rapide que le souhaitent le ministre, le secrétaire d'État et la majorité.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Le fait que l'opposition persiste dans son attitude est injurieux à l'égard du secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Le Guen. Sa qualité n'a pas été mise en cause !

M. Richard MalliéNos collègues de l'opposition nous reprochent que certains amendements n'aient pas été examinés en commission. Mais je leur rappelle que près de neuf mille amendements ont été déposés.

M. Alain Vidalies. C'est parce que le projet de loi est mauvais !

M. Richard Mallié. Comment peut-on travailler en commission dans ces conditions ? Souvenez-vous de la première liasse qui nous a été distribuée : à l'article additionnel avant l'article premier, le même amendement a été déposé cent quarante-neuf fois !

Si nos collègues ne s'étaient pas livrés à une telle obstruction, nous aurions mieux travaillé en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le sujet a été abordé hier dans un rappel au règlement de M. Bonrepaux, député de l'Ariège, qui interpellait le président de l'Assemblée à propos de l'organisation de ce débat.

Je n'ai pas eu l'occasion de le dire hier, mais je tiens à le dire aujourd'hui : dans ce débat, le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Depuis près de soixante-dix heures de débat, que ce soit par la bouche de Philippe Douste-Blazy ou par la mienne, il a toujours eu à cœur de répondre aux questions posées. Le débat parlementaire est utile. Depuis le début, nous avons fait la loi,...

Mme Muguette Jacquaint. Elle est déjà faite ! Il ne manque plus que le paquet-cadeau !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...nous avons entendu des voix parfois différentes, nous avons su adopter des positions consensuelles quand elles nous semblaient aller dans le bon sens. Chacun est maître de ses propos, mais nous nous attachons à répondre aux questions et aux amendements.

Par ailleurs, vous saviez pertinemment, monsieur Le Guen, que la deuxième lecture de la loi sur la santé publique allait s'ouvrir au Sénat, puisque vous m'avez personnellement interpellé la semaine dernière pour me demander quelle serait la position du Gouvernement sur les amendements qui y seraient examinés. Si donc le Gouvernement est à la disposition du Parlement, l'organisation de ce dernier est bicamérale, avec l'Assemblée nationale et le Sénat.

Ce n'est pas le Gouvernement qui a fixé le nombre de jours qui seraient consacrés à l'examen de ce texte, mais la conférence des présidents de l'Assemblée nationale, qui a notamment prévu la séance de ce soir. Pour celle-ci comme pour toutes les séances de ce week-end, nous sommes, je le répète, à la disposition du Parlement pour continuer à faire vivre, aussi longtemps qu'il sera nécessaire, ce débat auquel nous croyons profondément : il y a eu le temps du dialogue social ; nous sommes maintenant dans le temps du dialogue parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Le Gouvernement ne peut pas dire qu'il répond systématiquement aux questions qui lui sont posées, alors qu'il fait une réponse générale à une question précise !

M. Édouard Landrain. Quelle mauvaise foi !

M. Alain Vidalies. Je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ma question.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je ne pratique pas l'art de l'esquive. Il me semble, au contraire, faire la preuve que je m'attache à répondre à chacune de vos questions.

Le sous-amendement présenté par le président de la commission spéciale, qui se réfère au droit européen, nous semble tout à fait légitime. En effet, même si nous nous consacrons ici à faire la loi française, cette évolution, à laquelle M. Bur est particulièrement sensible, nous évite tout problème d'incompatibilité. Dans d'autres domaines que nous aborderons à l'occasion de l'examen de ce texte, il conviendra toujours de nous garder de toute incompatibilité avec le droit européen. C'est dans cette perspective que le Gouvernement est favorable à cet amendement.

M. Jean-Marie Le Guen. Rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Est-il besoin de rappeler à nos collègues - qui, malgré leur passion, connaissent la Constitution - que c'est le Gouvernement qui est maître de l'ordre du jour, et non l'Assemblée, qui siège et peut, le cas échéant, se réjouir que le Gouvernement vienne lui répondre ?

Le Gouvernement organise dans la confusion deux débats, l'un au Sénat et l'autre à l'Assemblée nationale, pour la simple raison qu'il a décidé une session extraordinaire dont l'ordre du jour n'est pas raisonnable.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Philippe Vitel. C'est vous, monsieur Le Guen, qui n'êtes pas raisonnable !

M. Jean-Marie Le Guen. Les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas raisonnables non plus. Nous siégeons du matin au soir - ou, plutôt, à la nuit -, du lundi au dimanche. Mieux encore, nombre d'entre nous doivent suivre deux dossiers - la santé publique et l'assurance maladie -, et nous devrions en même temps prendre connaissance des déclarations du ministre au Sénat pour pouvoir réagir et débattre dans l'Hémicycle du projet de loi que nous examinons ici ! Ce n'est pas raisonnable ! Ce n'est pas une façon de traiter le Parlement ! Nos collègues ont beau être extraordinairement pressés d'aboutir...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !

M. Jean-Marie Le Guen. ...pour des raisons qui sont les leurs,...

M. Richard Mallié. Nous avons tout notre temps !

M. Jean-Marie Le Guen. ...le Gouvernement nous place dans une situation impossible, contraire à l'exercice du contrôle parlementaire et aux conditions de travail minimales auxquelles nous avons droit !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2488 à 2499.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir ces amendements.

Mme Jacqueline Fraysse. Il va de soi que, si le but réel de l'article 7 était bien la mise en place d'un dispositif contractuel relatif aux bonnes pratiques dans les établissements hospitaliers, nous y serions tout à fait favorables. Je partage, en effet, la position qui a été exprimée ce matin : pourquoi n'exigerait-on pas de l'hôpital les bonnes pratiques qu'on exige de la médecine de ville, s'il s'agit bien de rentabiliser les moyens dont nous disposons au service des patients ?

Mais ce n'est pas le cas : il s'agit ici de mettre en place à l'hôpital des dispositifs de rationnement, qui sont déjà en place en ville et qu'on est en train de perfectionner ! On veut fixer des objectifs quantifiés : cela en dit long sur les buts visés !

Ces dispositions sont de nature à accentuer gravement les difficultés déjà importantes que connaît l'hôpital, asphyxié financièrement. Loin d'améliorer les pratiques, elles risquent d'aggraver les tensions, et ce sont les patients qui en pâtiront : on obtiendra l'inverse du résultat affiché.

Dans l'état actuel de la démarche engagée, il y a donc lieu de supprimer le 3° du I de l'article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il est logique de placer les praticiens hospitaliers sur le même plan que les médecins de ville, et nous le souhaitons tous. Pour ce qui est des objectifs quantifiés que vous évoquez, je tiens à rappeler que les économies réalisées seront reversées aux établissements concernés. Ces dispositions me semblent aller dans le sens de la participation, au sens gaulliste du terme : concertation et intéressement.

Mme Muguette Jacquaint. L'hôpital n'est pas une entreprise !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a donc rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. L'adoption de l'amendement 2488 aurait un autre inconvénient majeur : en supprimant l'alinéa visé, on supprimerait aussi une disposition qui garantit que les contrats passés entre les URCAM et les réseaux de professionnels de santé libéraux conventionnés ne contiennent pas de dispositions contraires à celles qui seraient contenues dans les conventions nationales. On ouvrirait ainsi la voie à de véritables disparités et incompatibilités. Le Gouvernement, faisant siens les excellents arguments du rapporteur, demande donc le rejet de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Si je tiens à m'adresser à M. le secrétaire d'Etat en l'appelant M. le ministre, c'est bien pour montrer toute la considération que nous lui portons. Mais nous souhaitons surtout mettre en valeur la chance que nous avons de pouvoir bénéficier systématiquement, de la part d'un ministre de la santé qui est professeur de santé publique, de réponses longues et circonstanciées, qui répondent toujours à notre attente ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous n'approuvons pas l'amendement de Mme Fraysse, car nous pensons que les accords de bon usage des soins, en matière de prescriptions pharmaceutiques, doivent exister. Il est clair - et la mission d'information avait d'ailleurs pour objet de le relever - que les ordonnances interminables que rédigent certains médecins doivent être encadrées par des protocoles et des accords de bon usage des soins. Cela ne signifie pas, bien sûr, que la prescription doit être automatiquement limitée, mais qu'une prescription plus ample doit être motivée. Ce souci, qui participe de la qualité des soins, doit aussi s'accompagner - et le Gouvernement l'oublie toujours - d'une formation médicale continue indépendante de l'industrie pharmaceutique. L'harmonisation entre la médecine de ville et l'hôpital vaut aussi pour les prescriptions, notamment pharmaceutiques, rédigées par des médecins hospitaliers, ne serait-ce que parce que ces derniers prescrivent aussi, à la sortie, des médicaments achetés chez des pharmaciens de ville.

Cela dit, nous comprenons l'état d'esprit de Mme Fraysse, car on retrouve à chaque article, à chaque alinéa de ce projet de loi la même ambiance de déremboursement et de culpabilisation des assurés. Dans ce contexte, l'usage qui sera fait de telles dispositions peut conduire, à l'inverse de la meilleure qualité, à ne rechercher que des économies et des déremboursements.

Tout en comprenant la préoccupation globale de Mme Fraysse, nous nous abstiendrons donc sur cet article.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2488 à 2499.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2500 à 2511.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Les amendements nos 2500 à 2511 ont pour objet de supprimer le II de l'article 7, c'est-à-dire de refuser l'introduction à l'hôpital des accords de bon usage des soins. L'article 7 du projet prévoit, en effet, de rendre possible, à l'échelon de l'agence régionale d'hospitalisation, de poser des objectifs quantifiés, en termes non seulement médicaux, mais aussi financiers. La tarification à l'activité, pilier du plan Hôpital 2007, qui conditionne désormais les ressources des hôpitaux à leur activité, devrait être l'instrument privilégié pour déterminer et mener à bien ces contrats. Ceux-ci définiraient aussi l'intéressement - M. le rapporteur vient d'évoquer cette notion - auquel auraient droit les équipes les plus performantes. Ce vocabulaire économique est, notons-le, révélateur ! Il n'y manque pas même les sanctions pour les équipes qui ne respecteraient pas les pratiques et les buts fixés.

Nous avons bien des raisons de proposer la suppression de cette disposition. Il y a, d'abord, les abus dont Mme Fraysse a fait une critique circonstanciée. Nous sommes, ensuite, très réservés, à la lumière de l'expérience, quant à l'introduction de l'agence régionale d'hospitalisation comme acteur responsable. On connaît les méthodes directives et autoritaires des directeurs de ces agences pour déplacer d'un réseau à un autre tel ou tel hôpital - comme s'ils connaissaient une règle du jeu que les administrateurs de ces hôpitaux et les élus locaux ne connaissent pas. Devant ces décisions successives qui désorientent les gestionnaires locaux, on se demande souvent s'ils savent où ils veulent aller et à quoi ils nous condamnent. Dans le cadre du plan Hôpital 2007, un établissement exsangue, qui n'avait plus de possibilité d'emprunt ni de trésorerie, ne s'est-il pas vu répondre qu'il avait la capacité à mener seul son projet ?

Si c'est à ces gens-là que l'on demande de s'occuper de l'intéressement, de la performance et de la sanction, non merci. Voilà pourquoi nous demandons la suppression du II de l'article 7 : nous avons toutes les raisons de craindre que les ACBUS ne soient considérés comme un instrument de maîtrise comptable. Il serait très dangereux de s'engager dans cette logique de rendement. Va-t-on demander à nos médecins de faire du chiffre ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La disposition dont cet amendement demande la suppression a pour but d'étendre aux établissements de santé publics et privés des mécanismes d'incitation à l'amélioration des pratiques et au bon usage, auxquels le Gouvernement est très attaché. En effet, dans le cadre de la réglementation actuelle, les contrats d'objectifs et de moyens entre les établissements de santé et les agences régionales d'hospitalisation ne comprennent aucun volet relatif à l'amélioration des pratiques hospitalières, notamment pour les prescriptions exécutées en ville. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Le groupe socialiste tient, sur ces amendements, le même raisonnement que celui qu'il a formulé sur les amendements précédents. Nous pensons que les praticiens hospitaliers privés et publics doivent être associés à l'amélioration de la qualité des soins, et pour cela adhérer à des protocoles de bon usage, dans le cadre d'une formation médicale continue et d'une évaluation, aspect dont ce projet ne tient pas compte.

Cela dit, nous partageons l'avis du groupe communiste sur le fait que la tarification à l'activité, cette enveloppe fongible qui ne distingue pas le public du privé, va immanquablement pousser les gestionnaires de l'hôpital à demander du rendement, de l'activité, des actes. Par ailleurs, il est à craindre que ce phénomène ne soit encore accru du fait de la réforme de l'hôpital, dite Hôpital 2007, qui a pour effet d'accroître le poids de l'administration dans la gestion.

Voilà pourquoi, si nous sommes d'accord avec l'intention du Gouvernement d'associer l'ensemble des praticiens à la recherche de la meilleure efficacité possible, nous pensons que cette action est inquiétante lorsqu'elle se situe dans le cadre de l'évolution hospitalière actuelle.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2500 à 2511.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2512 à 2523.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour les soutenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais d'abord saluer la présence du ministre, dont nous avons regretté l'absence (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous comprenons très bien les difficultés auxquelles il est confronté, puisque l'incohérence de l'ordre du jour de la session extraordinaire l'oblige à courir du Sénat à l'Assemblée, et vice versa, à un rythme d'enfer, ce qui ne manque pas de nuire, je suppose, à la qualité des débats des deux assemblées...

Mme Muguette Jacquaint. Ainsi qu'à la santé du ministre !

Mme Jacqueline Fraysse. ...et peut-être à sa santé, effectivement.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous remercie de vous en préoccuper ! (Sourires.)

Mme Martine Billard. C'est de la prévention !

Mme Jacqueline Fraysse. J'aimerais revenir un instant sur les agences régionales d'hospitalisation. On nous dit qu'il faudrait confier à celles-ci la mission d'assurer la cohérence du système de santé.

J'ai en tête un exemple illustrant le caractère autoritaire et l'opacité des décisions prises par les ARH. Ayant appris que l'agence nationale d'Île-de-France, après avoir refusé un IRM aux hôpitaux de Nanterre et Colombes...

M. Jean-Louis Bernard. C'est anecdotique !

M. Jacques Desallangre. Non, c'est illustratif !

Mme Jacqueline Fraysse. ...l'avait finalement accordé à l'hôpital de Neuilly, j'ai interpellé à ce sujet M. Mattei, ministre de la santé, lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Celui-ci m'a répondu en séance qu'il ne connaissait pas le problème, mais qu'il s'engageait à me recevoir afin d'examiner le dossier. Il a, par la suite, jugé que la décision de l'ARH n'était pas recevable, sans doute parce qu'il n'a pas pu trouver les critères qui avaient présidé à ce choix, et a proposé qu'un IRM soit accordé aux hôpitaux de Nanterre et Colombes, qui en avaient réellement besoin.

Cela démontre qu'à la direction de l'ARH des personnes tranchent seules, en leur âme et conscience. Non pas que je me permette de porter un jugement sur cette âme et cette conscience, mais il semble qu'une décision transparente, débattue dans une large concertation associant les professionnels et les élus, serait sans doute préférable.

Ce n'est pas le cas. C'est pourquoi, si les ARH se révèlent incapables de prendre leurs décisions dans la transparence, il vaudrait mieux, finalement, que ces décisions, imposant notamment des rationnements, soient prises par une seule personne qui tranche, et qui impose d'en haut.

Pour ces raisons, nous ne pouvons vous suivre dans cette voie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'exemple donné par Mme Fraysse me paraît, au contraire, illustrer la nécessité de rapprocher les établissements hospitaliers, l'ARH, et l'Etat, des caisses d'assurance maladie, au niveau national comme au niveau régional.

Je connais mal le fonctionnement de l'ARH de Paris-Île-de-France, mais je sais que dans d'autres régions, notamment en Rhône-Alpes, les établissements hospitaliers, ainsi que les médecins, les infirmières et les aides-soignantes qui y travaillent y voient tous un progrès considérable. La commission a donc rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis également opposé à cet amendement.

Par ailleurs, j'aimerais répondre à M. Le Guen, qui a parlé de moi pendant les quelques minutes où j'étais absent, et remercier M. Bapt d'avoir chanté mes louanges, et vanté mes compétences dans le domaine de la santé publique. Je suis sûr que nos concitoyens de Toulouse s'en réjouiront.

M. Gérard Bapt. Un seul être vous manque... et tout l'Hémicycle est dépeuplé ! (Sourires.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, j'ai répondu chaque fois que cela était nécessaire.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est vrai !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai été présent jour et nuit, avec beaucoup d'enthousiasme, et il continuera à en être ainsi, car j'accorde une grande importance à ce projet de loi. Le hasard du calendrier fait que ce soir...

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas un hasard !

M. Jacques Desallangre. C'est de l'imprévoyance !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...je veux en effet défendre au Sénat une politique de prévention essentielle, qui n'a été menée à bonne fin par aucun gouvernement jusqu'à présent, portant notamment sur deux points : d'une part, la suppression des prix promotionnels du tabac, d'autre part, l'autorisation de procéder à des recherches - très encadrées - sur les embryons surnuméraires, et la création d'une agence de biomédecine.

Étant donné l'importance de ces projets pour notre pays, et la qualité exceptionnelle de notre secrétaire d'Etat, j'ai estimé pouvoir vous laisser en compagnie de Xavier Bertrand pendant quelques instants (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour répondre au Gouvernement sur ces amendements.

M. Jean-Marie Le Guen. Ainsi, peut-être, que sur quelques à-côtés, monsieur le président...

M. le président. Je le pressentais, monsieur Le Guen ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Si vous vous reportez aux comptes rendus des débats, monsieur le ministre, vous constaterez que notre intervention n'avait pas pour objet de regretter votre absence...

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis toujours là !

M. Jean-Marie Le Guen. ...au moment où nous parlions. Ce n'est pas votre absence momentanée et ponctuelle - qui peut être le fait de chacun d'entre nous - que nous avons déplorée, mais une absence programmée, qui ne doit rien au hasard mais tout au Gouvernement...

M. Jacques Desallangre. Oui, c'est l'ordre du jour !

M. Jean-Marie Le Guen. ...qui a décidé, lors de l'établissement de l'ordre du jour, de placer le débat sur la santé publique au Sénat en même temps que le débat sur l'assurance maladie à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a donc minutieusement programmé le fait que vous ne pourriez pas être présent parmi nous, ce qui pose deux problèmes.

Le premier, c'est de ne pouvoir bénéficier de votre présence, indépendamment des égards que l'on peut considérer dus aux membres de cette assemblée. Il est en effet apparu, lors des dernières séances, que certains de nos arguments semblaient susceptibles de vous ébranler, vous qui avez la responsabilité politique du dossier. Et si nous n'avons aucun doute quant à l'aptitude de M. le secrétaire d'Etat à soutenir la position du Gouvernement, il nous semble en revanche que celui-ci n'est pas habilité à décider seul d'un infléchissement de cette position. C'est pourquoi la présence du ministre lors des débats nous paraît nécessaire.

J'en veux pour preuve le débat que nous avons eu hier sur l'accès direct aux spécialistes et la question de savoir qui, dans le décret ou dans la loi, devait figurer sur la liste de ces spécialistes. Trois catégories étaient initialement prévues, et certains parmi nous en ont proposé d'autres. Si vous n'avez pas repris toutes ces propositions, vous en avez tout de même retenu une, le libre accès au psychiatre. Votre présence était pour cela nécessaire.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous allez ce soir défendre un sujet qui me tient à cœur autant qu'à vous, à savoir la lutte contre l'obésité, dans laquelle je me suis également investi...

M. Jean-Luc Préel. C'est vrai que vous avez maigri ! (Rires.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous m'avez communiqué quelques informations sur les grandes orientations de vos propositions. Dans l'hypothèse où vous proposeriez ce soir des amendements qui me paraîtraient aller dans le bon sens, je voudrais être disponible pour étudier ces amendements, et le cas échéant dire tout le bien que j'en pense...

M. Richard Mallié. Mais cela fait combien de temps qu'il parle ?

M. Jean-Marie Le Guen. ...dans l'espoir - peut-être vain et immodeste - de pousser les sénateurs à accepter vos propositions.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Le Guen !

M. Jean-Marie Le Guen. Bref, j'aurais préféré être à vos côtés au Sénat pour défendre la santé publique, qu'ici, à poser des questions auxquelles il ne sera pas répondu.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis heureux que M. Le Guen reconnaisse que je suis présent depuis le début de la discussion de ce projet de loi. Je lui rappelle que l'ordre du jour des travaux est fixé, certes, par le Gouvernement mais que l'organisation des débats est décidée aussi en conférence des présidents à laquelle assiste le président du groupe socialiste.

Enfin, monsieur Le Guen, on n'ébranle pas un ministre, on le convainc. Et je ne demande pas mieux que d'être convaincu par des amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2512 à 2523.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques nos 7486 et 7565.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 7486.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement vise à supprimer la possibilité laissée au décret de fixer notamment les conditions dans lesquelles les accords prévus par l'article 7 comportent des objectifs quantifiés, peuvent prévoir un reversement aux établissements de santé d'une partie des dépenses évitées par la mise en œuvre de l'accord et peuvent être rendus opposables.

Les bonnes pratiques médicales doivent, dans l'intérêt des patients, demeurer un objectif de santé. Elles peuvent conduire, en évitant des dépenses injustifiées, à des économies mais il n'est pas possible de les lier à des économies.

Cela me conduit à revenir sur les questions que j'ai posées ce matin, monsieur le ministre. Comment évaluer les économies réalisées ? Qui sera chargé de cette évaluation ? Dans quelles proportions devra-t-on les reverser aux établissements ? Intéresser les professionnels pour parvenir à de bonnes pratiques est souhaitable et même nécessaire. Mais l'important - peut-être vais-je faire preuve d'angélisme - n'est-il pas de mieux soigner, à partir de bonnes pratiques, afin de guérir encore plus de patients ? L'objectif du médecin n'est pas de mettre en œuvre des pratiques conduisant à des économies auxquelles il pourrait, de plus, être intéressé financièrement.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7565.

Mme Martine Billard. J'ai les mêmes interrogations que M. Préel. Il me semblait en effet que la réforme de l'assurance maladie reposait sur deux grands principes : l'amélioration des pratiques de soins et la maîtrise des dépenses. Or nous avons le sentiment que le second l'emporte parfois sur le premier. Les incitations financières ne sont en effet destinées qu'aux professionnels de santé, alors que, s'agissant des patients, on est plutôt dans la répression financière. On note donc un certain déséquilibre du texte.

Le texte proposé pour l'article L.6113-12 prévoit, dans un premier temps, d'améliorer les pratiques hospitalières et nous nous en félicitons car de nombreux rapports ont mis en lumière les dysfonctionnements de notre système hospitalier. Mais, dans le décret, il n'est plus question que d'objectifs quantifiés. Je pensais, naïvement peut-être, que l'amélioration des pratiques hospitalières tendait essentiellement à rendre un meilleur service aux personnes hospitalisées tout en tenant compte des conditions d'exercice des personnels, et que les aspects financiers n'étaient que secondaires. Pour moi, c'était la conséquence et non pas le but.

Voici d'ailleurs ce que prévoit le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 6113-12 : « Des accords peuvent être conclus sur les mêmes sujets, à l'échelon local [...]. Lorsque ces accords fixent des objectifs relatifs aux prescriptions hospitalières exécutées par des professionnels de santé exerçant en ville... » Et là, il n'y a plus de reversement.

Tout cela montre que cet article n'a rien à voir avec l'amélioration des pratiques. C'est encore un moyen détourné pour accroître les budgets des établissements de santé. Comme cela a été fait pour augmenter la rémunération des spécialistes. Or, et je rejoins sur ce point M. Préel, ce procédé est très pervers car il risque d'avoir pour seule conséquence la recherche d'économies. Avec le système de la tarification à l'activité, comment ne pas se préoccuper des pratiques hospitalières ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements. Mais, après un débat fort intéressant, elle a adopté l'amendement n° 84 que je laisserai le soin à M. Préel de présenter, s'il le souhaite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Concernant l'intéressement des hôpitaux, une partie de l'économie générée ira en effet vers ces derniers. S'agissant des exemples de contrats de bonnes pratiques, je peux citer les prescriptions pharmaceutiques et les prescriptions hospitalières de transport, qui sont très importantes.

Monsieur Préel, le décret visera à préciser les conditions présidant à la détermination des objectifs quantifiés et des modalités de reversement aux établissements de santé d'une partie des sommes correspondant aux dépenses évitées par la mise en œuvre des accords quand cela est possible. C'est ce que je vous ai expliqué à propos de l'intéressement hospitalier direct.

Ce dispositif contractuel permettra d'engager un débat contradictoire et argumenté entre les différents signataires des accords lorsque cela sera nécessaire. C'est la raison pour laquelle je propose le rejet de ces amendements tout en comprenant leur sens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Le projet de loi comprend des mesures intéressantes. Je pense notamment au dossier médical personnel, au médecin traitant et à la mise en œuvre des bonnes pratiques en ville et à l'hôpital. Le problème, c'est que ces mesures sont liées à des considérations purement économiques.

Monsieur le ministre, vous m'avez certes apporté un élément de réponse en évoquant les transports sanitaires. Mais vous ne m'avez pas répondu sur le fond. Nous considérons, pour notre part, que les médecins doivent mettre en œuvre de bonnes pratiques pour bien soigner, et si possible guérir, les patients. La logique est tout autre, en revanche, s'ils utilisent ces bonnes pratiques pour faire des économies, surtout si ces dernières doivent leur être en partie reversées. C'est un problème de fond qui mérite une vraie réponse.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à nos interrogations. Vous vous êtes borné à donner deux exemples sur les médicaments et les transports. Il faut, bien sûr, améliorer les pratiques hospitalières si des médicaments ou des transports sanitaires sont prescrits abusivement. Mais, et c'est un comble, ce sont ceux qui vont passer aux bonnes pratiques qui, finalement, seront récompensés et non ceux qui sont déjà « vertueux ». C'est le monde à l'envers. En tout cas, ce dispositif est incompréhensible pour le patient qui, lui, n'est pas lié à l'intéressement. En outre, c'est méprisant pour l'ensemble du corps hospitalier.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Nous sommes tous d'accord pour mettre en œuvre une bonne pratique des soins. Bien sûr, nous ne prétendons pas que tout est parfait. Nous partageons cependant les inquiétudes de Mme Billard et de M. Préel. On parle beaucoup de quantifier les bonnes pratiques de soins. Mais, que va-t-on quantifier ? Pour m'être rendue dans un hôpital de mon département, je me demande bien, monsieur le ministre, comment les personnels hospitaliers présents ce jour-là auraient pu quantifier. À moins qu'il ne s'agisse - et c'est ce qui nous inquiète - de quantifier pour moins bien soigner. Ce serait là une tout autre démarche. Il ne serait plus question alors de bonnes pratiques pour améliorer les soins et pour répondre aux besoins de santé, à la ville ou à l'hôpital. Les orientations du plan Hôpital 2007 et les difficultés que connaissent déjà nombre d'hôpitaux ne peuvent en outre que renforcer nos inquiétudes.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Madame Billard, madame Jacquaint, nous sommes nombreux, depuis des décennies, à nous battre pour faire en sorte que la participation pénètre au sein de l'hôpital public. Rappelons-le, la participation au sens gaulliste du terme c'est la concertation et l'intéressement, en l'occurrence collectif, qui se traduit dans le secteur hospitalier en termes d'équipements. À cet égard, un progrès a été accompli en 1991 lorsque M. Evin a généralisé les conseils de service.

Aujourd'hui, les services qui appliquent de bonnes pratiques n'en tirent aucun avantage sur le plan des équipements ou des moyens. Ils sont traités comme les autres. D'où l'intérêt de développer ces ACBUS à l'hôpital avec une forme d'intéressement qui, dans mon esprit, est purement collectif et se traduira par une amélioration des équipements ou des moyens.

Mme Martine Billard. Les établissements qui appliquent déjà de bonnes pratiques seront donc perdants !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Le groupe socialiste n'a pas déposé d'amendement visant à supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.6113-12 du code de la santé publique. Mais il s'associe à la démarche de Mme Billard. Nous avons, nous aussi, des interrogations.

Monsieur le ministre, comment cela va-t-il fonctionner techniquement pour les hôpitaux ? On nous dit en effet que, du fait des bonnes pratiques, il y aura moins d'actes et que cela générera une économie globale. Mais cela ne va pas dans le sens de l'intérêt de l'établissement qui, par le biais de la tarification à l'activité, va perdre des ressources puisqu'il y aura diminution de l'activité. Alors, vous nous expliquez que l'établissement en tirera quand même un bénéfice parce qu'une partie - laquelle ? - de ces économies lui reviendra. Comment cela va-t-il fonctionner ?

Par ailleurs, comment seront redistribuées les sommes ainsi économisées ? Seront-elles attribuées à l'équipe qui verra diminuer son taux d'activité à ou à celle qui, ayant pris des mesures de bonne pratique, aura réalisé des économies tout en effectuant le même nombre d'actes ? Nous aimerions en savoir plus sur la machinerie financière que vous comptez mettre en place.

Je vous fais également remarquer que dans le système de la tarification à l'acte, cet intéressement représente un changement culturel au sein de l'hôpital public. Cette disposition est au cœur de la réforme hospitalière et vous introduisez un nouvel élément qui tend à homogénéiser les pratiques hospitalières, qu'elles soient publiques ou privées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je dois confesser que j'ai en la matière péché par naïveté ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'avais compris - mais peut-être l'ai-je bien voulu - que les accords de bonne pratique correspondaient à des transferts entre médecine hospitalière et médecine de ville, ce qui priverait certains hôpitaux de ressources.

Prenons l'exemple, que je connais, d'un service d'oncologie qui développe un service d'hospitalisation à domicile. Dans l'état actuel des choses, il n'obtient pas forcément les financements nécessaires et, en « renonçant » à des journées d'hospitalisation en oncologie au profit de l'hospitalisation à domicile, il perd des ressources. Or, l'hospitalisation à domicile ne présente que des avantages, tant pour les patients que pour l'assurance maladie.

Dans la perspective du transfert de soins, il ne me semblait pas choquant que l'établissement hospitalier perçoive une compensation. Mais j'étais un peu naïf, car je n'avais pas songé aux cas évoqués par Mme Billard et Mme Fraysse, c'est-à-dire lorsque l'accord de bon usage des soins ne porte pas sur un transfert mais sur l'amélioration du fonctionnement interne de l'établissement. Dans ce cas, deux questions se posent.

D'une part, dans le cadre des établissements hospitaliers, ces accords concerneront essentiellement des professionnels de santé libéraux. Ceux-ci ne risquent-ils pas de demander, pour chaque amélioration des pratiques médicales, une rémunération supplémentaire ? Voulez-vous inscrire dans la loi que les professionnels libéraux seront intéressés chaque fois qu'un accord sera intervenu ?

D'autre part, si nous avons approuvé le rapport Couanau, nous avons émis de fortes réserves sur la question de l'intéressement des établissements et des services eu égard à leur réussite et à l'efficacité de leur travail. Nos réserves demeurent, car l'intéressement pose des problèmes d'organisation. En outre, il a des effets pervers, que Mme Billard a soulignés, en particulier le fait que les services déjà « vertueux » ne profiteront pas de ces accords. Certes, ceux qui ne le sont pas le deviendront peut-être, comme une compensation morale. À défaut d'être juste, ce serait efficace !

Nous ne savons pas non plus comment l'intéressement sera réparti entre un établissement et ses services. En effet, lorsqu'un service passera un accord de bonne pratique, c'est l'établissement qui en profitera directement. Ces dispositions auraient dû être négociées dans le cadre des MIGAC, plus encore que les modalités de reversement aux établissements hospitaliers.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela n'a rien à voir !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7486 et 7565.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 84.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. Il s'agit d'un amendement que la commission a bien voulu adopter.

Nous proposons que le début de la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 6113-12 du code de la santé publique soit ainsi rédigé : « Un décret fixe notamment les conditions de la participation des professionnels de santé à la négociation de ces accords... ». Il s'agit d'une précision importante, car l'application des accords de bonne pratique sera conditionnée par la participation des professionnels aux discussions. Ce sont eux qui seront chargés de la mise en œuvre de ces bonnes pratiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 3856 à 3867, nos 72 et 7481, nos 916 à 939 et n° 8448 tombent.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, pouvez-vous nous accorder une suspension de séance afin que nous puissions mettre de l'ordre dans les amendements que nous allons examiner ?

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2524 à 2535.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2524 à 2535.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 7016 de M. Évin n'est pas défendu.

Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2536 à 2547.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Je serai très rapide, monsieur le président. Nous proposons par ces amendements de supprimer la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 6113- 12 du code de la santé publique.

Nous avons déjà, Mme Fraysse, M. Desallangre et moi-même, évoqué à plusieurs reprises la question des agences régionales d'hospitalisation, dont on sait que la mission principale est d'exercer une contrainte budgétaire.

Nous souhaitons en l'occurrence que les accords de bon usage des soins, les ACBUS, ne s'appliquent pas aux établissements de santé, aux hôpitaux notamment, dans l'esprit dans lequel ils ont été conçus par le Gouvernement. Il est à craindre en effet que les propositions du Gouvernement ne visent qu'à réduire encore les moyens déjà très insuffisants, tant sur le plan financier que sur le plan humain, dont disposent les hôpitaux, alors que le monde hospitalier connaît de graves difficultés. Une telle politique ne fera qu'aggraver la situation de la filière de soins, que le Gouvernement prétend pourtant vouloir améliorer, qu'il s'agisse de la médecine de ville ou de l'hôpital. Tel est le sens de nos amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2536 à 2547.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7487.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le soutenir.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement vise à rédiger ainsi la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 6113-12 du code de la santé publique : « Des accords peuvent être conclus dans les mêmes conditions, à l'échelon régional, par le directeur de l'agence régionale de santé et le représentant légal de l'établissement ».

Certes mon amendement anticipe quelque peu sur l'examen de la partie du texte qui est plus spécifiquement consacrée à la régionalisation ; mais c'est que ce sujet est essentiel à nos yeux, et j'espère qu'il sera abordé avant que ne s'achève notre discussion. Nous sommes en effet au regret de constater qu'on n'a pas jusqu'ici profité de ce texte pour aller vers une véritable régionalisation de la santé, à laquelle nous sommes très favorables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable. Vous avez raison de dire, monsieur Préel, que vous anticipez là sur la discussion de l'article 37, et votre amendement peut être considéré comme de conséquence par rapport à ce qui doit être décidé dans la suite de notre débat. Nous sommes tout à fait d'accord pour avoir ce débat de fond, mais il convient de ne pas préjuger dès maintenant de ce que nous aurons à examiner à l'article 37.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Il serait quand même bon que le Gouvernement nous éclaire en amont du débat sur les agences régionales de santé, afin de nous éviter certaines interrogations d'ordre général. Il faudrait qu'on sache avant d'entamer cette discussion de quoi il s'agit de discuter.

Nous sommes en face de trois options. Il y a d'abord les propositions du groupe socialiste, qui ont été repoussées au nom de l'article 40. Claude Évin avait demandé au Gouvernement de reprendre ces amendements. Or sa demande n'a reçu aucune réponse, pas même négative.

Nous avons entendu ensuite la « petite musique » du rapporteur, qui a, lui, bénéficié d'une tolérance assez incompréhensible de la commission en ce qui concerne l'application de ce même article 40. Notre rapporteur avait avancé l'idée d'une expérimentation autour de missions régionales de santé. Cette proposition aurait dû, en toute logique, tomber sous le coup de l'article 40. Ce ne fut pas le cas, et je m'en réjouis pour lui. C'est en tout état de cause une deuxième option.

La troisième option nous a été exposée à plusieurs reprises par M. le ministre. Malgré la compétence du secrétaire d'État, et la sympathie que nous éprouvons à son égard, je n'imagine pas qu'il puisse à cet instant répondre sur le sujet des agences régionales de santé. C'est au ministre qu'il revient de prendre des décisions sur une telle question.

Je ne dis pas ça pour être taquin vis-à-vis du ministre. Je comprends bien qu'il puisse toutes les heures s'absenter quelques instants. Il a certainement des choses à faire, comme nous. Mais nous commençons à être inquiets lorsqu'il organise son emploi du temps de façon à ne pas débattre avec nous parce qu'il préfère les sénateurs... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Ça suffit avec les procès d'intention !

M. Jean-Marie Le Guen. J'attire donc votre attention sur le fait que nous aimerions que le Gouvernement nous éclaire sur ces intentions concernant un tel sujet avant l'examen de l'article 37. Cela nous permettrait une respiration plus large.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État, pour la respiration.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. À défaut d'une respiration, monsieur le président, je donnerai du moins une explication.

Nous sommes encore loin de l'article 37. Ne soyez pas trop impatients !

Je vous rappelle, monsieur Le Guen, que cette question de la régionalisation a déjà été abordée, une première fois dans le cadre de la mission d'information présidée par Jean-Louis Debré, dans le cadre ensuite de la commission spéciale. Nous sommes a priori tous favorables à la régionalisation, comme je l'ai indiqué ce matin. Mais peut-être n'étiez-vous pas présent, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je n'étais pas au Sénat en tout cas !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il est vrai qu'il peut arriver à chacun d'entre nous d'avoir à s'absenter un moment pour je ne sais quelle raison, sans pour autant devoir encourir le soupçon d'organiser son absence de ces travées.

J'avais aussi indiqué que tout le monde n'a pas tout à fait la même vision de la régionalisation. Certains privilégient la recherche de l'efficacité ; d'autres prônent une véritable décentralisation ; d'autres encore sont en faveur d'une forme d'organisation étatisée au niveau régional. On voit que ce sont des finalités très différentes. Le débat que nous aurons à l'article 37 sera très intéressant, en ce qu'il nous permettra de savoir ce que chacun met derrière ce fameux mot de « régionalisation ».

Je peux vous indiquer d'ores et déjà le point de vue du Gouvernement, puisque vous voulez le connaître. Le texte devait initialement constituer une première étape, en favorisant une meilleure coordination entre les ARH et les URCAM. Mais parce que nous sommes avant tout pragmatiques, nous avons écouté les parlementaires, qui ont exprimé le souhait que le texte aille plus loin. Tel est le sens de deux amendements importants, l'un portant sur les missions régionales, l'autre sur les expérimentations en matière d'ARS. Il nous semble que ces propositions pourront, lors de l'examen de l'article 37, faire l'objet de vrais débats et d'avancées de la part du Gouvernement. Il sera temps alors pour vous de juger si, au-delà de mes propos à cet instant, nous avançons les uns vers les autres.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je voudrais, monsieur le président, profiter de ce débat autour de la régionalisation pour poser la question des relations entre les ARH et les directions d'hôpitaux. Celles-ci donnent en effet lieu à des situations confuses. On ne sait plus très bien de qui relèvent les directeurs d'hôpitaux, sachant qu'ils entretiennent des relations étroites avec les ARH, qui ont la charge de leur allouer les moyens. Qui note les directeurs d'hôpitaux, qui les promeut, qui les sanctionne ? Il faut un pilote dans l'avion, et ce débat sur la régionalisation doit permettre d'affirmer ce principe. J'ignore si cette question doit être abordée dès maintenant ou au moment de l'examen de l'article 37, ou à un autre moment encore ; tout ce que je sais, c'est qu'elle doit être posée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je trouve anormal que certains prennent l'habitude de discuter d'amendements avant qu'ils ne soient appelés. Et je fais confiance au sens de l'organisation et à la finesse rhétoricienne de M. Le Guen et de ses amis : ils savent déjà ce qu'ils vont dire sur les articles à venir, ne serait-ce que parce qu'on en a déjà largement débattu en commission.

Je le dis et je le répète, les amendements déposés par Claude Evin étaient de qualité.

M. Gérard Bapt. C'est pour cela que vous les avez refusés !

M. Jean-Marie Le Guen. Ils ont été censurés !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ils sont tombés sous le coup de l'article 40 pour des raisons financières évidentes.

M. Jean-Marie Le Guen. L'article 40 ne s'applique pas à vos propres propositions !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Les missions régionales de santé que nous proposons ne relèvent pas de l'article 40, pour une simple et bonne raison, c'est qu'ils renforcent la coordination, qui est déjà prévue dans le texte de loi ; ils vont plus loin, mais ils n'ont aucune conséquence financière. C'est l'étape nécessaire avant que ne soient mises en place les agences régionales de santé auxquelles nous tenons.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Nous avons, monsieur le président, tant dans l'opposition que dans la majorité, posé des questions précises sur l'incidence des dispositions votées par la majorité sur le fonctionnement de l'hôpital.

Permettez-moi quand même, monsieur le rapporteur, de m'étonner que l'article 40 ait été opposé à nos amendements, qui au fond ne visaient qu'à un regroupement des moyens au niveau régional, alors qu'on a laissé passer le vôtre, et même celui de nos collègues communistes, qui propose la création d'un conseil régional de la santé et le même regroupement de moyens. J'aimerais connaître la différence, du point de vue de l'article 40, entre un conseil régional de la santé et une agence régionale de santé. Je le comprends d'autant moins que notre proposition était susceptible de rallier l'ensemble des partenaires autour d'une conception commune de la démocratie sanitaire et d'un usage efficace des moyens.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons pas accepter votre manière de justifier une application différenciée, voire discriminatoire, de l'article 40.


M. le président.
Je rappelle à M. Bapt que l'application de l'article 40 relève de la responsabilité du président de la commission des finances - c'est un rôle que j'ai assumé en d'autres temps -, qui s'en est expliqué lui-même devant l'Assemblée. Cela ne relève ni de la commission des affaires sociales ni du Gouvernement !

Je mets aux voix l'amendement n° 7487.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2548 à 2559.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2548 à 2559.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 85 rectifié et 7488, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 85 rectifié.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission spéciale est très attachée à cet amendement, qui a d'ailleurs été présenté séparément par plusieurs députés. Sachant que le Gouvernement a quelques réticences à son sujet, je souhaite que les cosignataires de cet amendement puissent s'exprimer, à savoir MM. Bernier, Door, Mallié, Vitel et Préel...

M. le président. C'est à moi qu'il appartient de leur donner la parole.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement n° 7488.

M. Jean-Luc Préel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Il nous semble qu'on ne peut pas envisager des objectifs d'amélioration médicalisés sans que les médecins participent directement à leur élaboration. Par ailleurs, l'indépendance professionnelle des médecins et la qualité des soins sont des exigences déontologiques très fortes.

Aussi nous semble-t-il nécessaire que le Conseil de l'Ordre soit consulté - à l'instar de ce qui est prévu par la loi pour les conventions nationales des médecins - sur l'ensemble des accords mentionnés à l'article 7.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7488 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je suggère à M. Préel de le retirer.

M. Jean-Luc Préel. D'accord.

M. le président. L'amendement n° 7488 est retiré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 85 rectifié ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je m'interroge sur la façon dont nos travaux se déroulent. En effet, le rapporteur a souhaité que ses collègues de la majorité cosignataires de l'amendement puissent s'exprimer avec force afin de convaincre le Gouvernement. Or le Gouvernement répond simplement oui, ni plus ni moins. C'est vous dire l'importance du débat que nous venons d'avoir ! (Rires sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 2560 à 2571.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Défendus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Rejet.

M. le président. Le Gouvernement a le même avis.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2560 à 2571.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8280 de la commission.

Il s'agit d'un amendement de coordination, qui est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7 , ainsi modifié, est adopté.)

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, ce n'est pas correct ! Je voulais demander un scrutin public et n'en ai pas eu le temps !

M. le président. Monsieur Le Guen, si vous me l'aviez demandé, il aurait été organisé !

M. Jean-Marie Le Guen. Dans ces conditions, je vais systématiquement demander un scrutin public sur tous les articles !

Hier, sur l'article 5, M. le président Debré m'avait au moins laissé le temps de poser la question !

M. le président. Monsieur Le Guen, je n'accepte pas ce genre de remarques ! Il existe une procédure pour les votes par scrutin public. Si vous l'aviez respecté, le scrutin public aurait eu lieu !

M. Gérard Bapt. De nombreux amendements sont tombés ! Nous n'avons pas eu le temps de tourner les pages !

M. le président. Monsieur Bapt, c'est précisément pour permettre au groupe des députés communistes et républicains de s'organiser parce que de nombreux amendements étaient tombés que j'ai suspendu tout à l'heure la séance. Alors, ça suffit, ne me faites pas de reproches ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en arrivons à l'article 8.

Article 8

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Déjà !

M. Gérard Bapt. Lui non plus ne s'était pas aperçu que nous en étions déjà là ! (Rires.)

M. le président. Monsieur Bapt, laissez M. Préel intervenir !

M. Jean-Luc Préel. Avec l'article 8, nous abordons l'évaluation et l'amélioration des pratiques professionnelles médicales, sujet très important. L'évaluation des pratiques est bien entendu essentielle pour améliorer la qualité des soins qui est notre préoccupation majeure et notre souci commun. Je pense que c'est l'un des problèmes sur lequel nous pourrions tous être d'accord, y compris notre collègue Le Guen qui y est très sensible.

M. Pierre-Louis Fagniez. Hypersensible !

M. Jean-Luc Préel. Effectivement.

Actuellement, nous en sommes encore aux balbutiements, malgré les textes successifs, notamment depuis 1993, qui l'ont en principe institué en s'appuyant notamment sur les URML, les unions régionales des médecins libéraux.

Nous savons bien que l'amélioration des pratiques ne sera réalisée qu'en mettant en œuvre une formation médicale continue effective, c'est-à-dire en la rendant obligatoire, en la finançant et en l'évaluant.

Il convient de définir les bonnes pratiques médicales, le bon usage du médicament en s'appuyant, demain - et, monsieur le secrétaire d'État, j'anticipe de nouveau sur la nouvelle gouvernance -, sur la Haute autorité de santé, que nous allons créer dans quelques instants, laquelle fera des propositions à partir des travaux des conférences de consensus et des sociétés professionnelles scientifiques.

Ensuite, une fois ces bonnes pratiques définies, il conviendra de les évaluer, aussi bien en ambulatoire pour les médecins conventionnés, qu'en établissements avec des règles communes.

L'article 8 confirme donc la volonté de mise en œuvre de cette évaluation. Nous ne pouvons que souhaiter qu'elle devienne enfin une réalité car il y va de la qualité des soins.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. L'évaluation est une dimension fondamentale de la qualité des soins. Nous nous félicitons que ce gouvernement le découvre enfin, après s'être, pendant deux ans et demi, obstiné à mettre à bas tous les dispositifs de contrôle, d'évaluation et de formation des professionnels de santé, au prétexte qu'ils ne devaient pas être rendus publics et qu'ils devaient être d'ordre contractuel. Ces années ayant été perdues, rien n'a avancé en matière de formation et d'évaluation des professionnels de santé.

M. Richard Mallié. Pourquoi n'avez-vous rien fait ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous l'avions fait et vous l'avez défait !

Tous ces processus ont été supprimés, projet de loi de financement de la sécurité sociale après projet de loi de financement de la sécurité sociale, au nom de la confiance, du libéralisme et du laxisme et d'une vision particulièrement archaïque, je dois le dire, de la médecine et des professions de santé, vision selon laquelle tout le monde peut faire ce qu'il veut dans son coin sans avoir de comptes à rendre à personne parce qu'on n'a affaire qu'à sa conscience. Eh bien non, la conscience, c'est certes important, mais nous vivons aujourd'hui dans un monde où nous sommes tous interdépendants. Il est donc nécessaire de créer des repères et des identifiants dans la société, et la demande pour la qualité des soins en fait partie : tout professionnel ayant un haut degré de responsabilité doit pouvoir être évalué.

Il s'agit d'une responsabilité régalienne. La qualité des soins - rappelée à l'article 1er du projet de loi - fait partie des responsabilités de l'État. Si, demain, des problèmes devaient apparaître en raison d'évaluations mal faites ou de mauvaise qualité, il faudra un responsable, et ce devra être l'État. C'est son honneur d'assumer cette responsabilité.

On pourrait croire, avec l'article 8, que nous sommes tous d'accord. Eh bien non ! Car cette évaluation, vous la repoussez dans le domaine conventionnel. Or les gestionnaires de l'assurance maladie ne verront pas d'un bon œil l'augmentation des dépenses liées aux honoraires médicaux, et c'est bien légitime. De leur côté, les professionnels de santé seront évidemment tentés de faire valoir leurs intérêts pour défendre leur pouvoir d'achat, quoi de plus naturel  ? Pourtant l'évaluation qui devrait être soustraite aux négociations, aux marchandages entre l'assurance maladie et les professionnels de santé, vous la remettez au milieu de tout cela  !

C'est pourquoi nous pensons que ce problème doit être repris en main par l'État sous ses diverses formes. C'est à la Haute autorité de santé qu'il reviendra de donner un éclairage scientifique. Nous anticipons sur le débat que nous aurons sur d'autres articles beaucoup plus loin dans le texte, mais si cette Haute autorité avait la prétention de régler les questions d'ordre scientifique, nous pensons que cela devrait se faire dans le cadre d'une discussion bilatérale entre l'État et les professionnels de santé.

Évidemment, les professionnels de santé doivent être associés à cette discussion sur l'évaluation, mais avec un interlocuteur crédible, l'État qui a la responsabilité de garantir à tous les citoyens la qualité des professionnels de santé.

Hier, cette qualité était garantie par le diplôme. Le doctorat d'État était suffisamment sacralisé pour être considéré comme une garantie de qualité apportée par l'État. Aujourd'hui, cette qualité ne peut pas être garantie par l'acquisition d'un diplôme dans sa jeunesse. Les professionnels de santé doivent donc être régulièrement évalués. Mais personne n'imagine que le diplôme de docteur en médecine soit négocié dans le cadre conventionnel !

Ce qui relevait hier de la responsabilité de l'État, à savoir la garantie de la qualité et l'évaluation par le biais du diplôme, doit rester de sa responsabilité, mais ne doit pas devenir d'ordre conventionnel. C'est tellement évident pour les professionnels de santé que les principales organisations syndicales demandent exactement la même chose : elles ne veulent pas d'un cadre conventionnel. Or aujourd'hui, l'État n'a qu'une seule ligne : se défausser de ses responsabilités qu'il veut confier au proconsul d'une part, aux syndicats médicaux d'autre part.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L'article 8 insère dans le code de la sécurité sociale un nouvel article visant à évaluer et à améliorer les pratiques professionnelles médicales. Telle est du moins l'intention affichée.

C'est un décret du 28 décembre 1999 qui a défini le cadre réglementaire de la mise en place de l'évaluation des pratiques des médecins libéraux. Il contient en effet plusieurs dispositions structurantes pour l'organisation des pratiques médicales en ambulatoire. L'évaluation des pratiques professionnelles, pour laquelle le médecin doit être volontaire, est soit individuelle, soit collective. Lorsqu'elle est individuelle, elle vise à améliorer la qualité des soins à partir d'un diagnostic des pratiques effectué par des pairs habilités. Lorsqu'elle est collective, elle permet aux groupes de praticiens d'auto-évaluer les pratiques individuelles de chacun des participants, en se fondant sur des référentiels de pratiques prédéfinies. Dans un cas comme dans l'autre, l'évaluation a aussi pour objet de favoriser les économies pour le système de santé.

Bien que, dans le paysage actuel, l'application de ce décret soit très complexe, qui pourrait s'opposer à une démarche visant à évaluer les pratiques des professionnels de santé afin d'améliorer la qualité des soins dispensés aux malades ? Personne, et surtout pas nous. Face au développement des techniques et des savoirs médicaux, il est nécessaire de faire progresser les pratiques médicales. On ne soigne plus aujourd'hui comme on le faisait il y a vingt ans.

Ce principe nous paraît juste, puisqu'il semble aller dans le sens de l'intérêt général, notamment de l'intérêt des patients. Cependant, si elle est intéressante dans sa forme, cette proposition est-elle pertinente dans son contenu ? C'est moins sûr.

Si l'on peut déplorer, avec le rapporteur, que les dispositions actuelles ne permettent pas une évaluation efficace des pratiques professionnelles des médecins, cet article, bien que vaguement impératif, reste largement en deçà des besoins d'évaluation pour la santé des patients.

En effet, un médecin libéral français sur dix devrait être évalué d'ici à 2006. Les URML et l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé se sont engagées à évaluer les pratiques professionnelles de 10 000 médecins libéraux dans les deux ans. Cet objectif paraît ambitieux, quand on songe que moins de 600 médecins se sont soumis à une évaluation, individuelle ou collective, depuis le 28 décembre 1999.

On peut également déplorer que les mesures prévues par les textes en vigueur ne permettent pas une réelle évaluation des pratiques professionnelles. L'une des raisons de cet échec relatif est sans doute que ces évaluations ne sont pas liées à la problématique de la formation professionnelle continue des médecins. En effet, on ne peut pas évaluer correctement si l'on ne prévoit pas, dans le même temps, des dispositifs pour permettre une formation professionnelle continue des médecins.

Enfin, on peut regretter que les dispositions nouvelles ne concernent que les médecins conventionnés et les médecins hospitaliers. Il n'y a aucune raison pour que les médecins non conventionnés ne soient pas associés à cette démarche. Je rappelle que le code de déontologie des médecins précise, dans son article 11, que « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances ; il doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue ».

On ne peut que s'interroger sur les véritables intentions du Gouvernement lorsqu'on voit qu'il disjoint, comme on peut le supposer à la lecture de cet article, l'évaluation des pratiques professionnelles de la formation continue des médecins. S'agit-il vraiment d'améliorer la qualité des soins, et donc la prise en charge des patients, ou de faire accepter aux professionnels de santé des normes de pratiques inspirées de la logique comptable qui, hélas, sous-tend tout le texte ?

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Cet article vise à promouvoir l'évaluation et l'amélioration des pratiques professionnelles médicales. Il concerne tous les médecins conventionnés et les médecins hospitaliers.

Puisqu'il est question de la qualité des soins, je souhaiterais revenir sur la question de la place de la gynécologie médicale dans le cursus universitaire et sur les nécessaires améliorations à apporter à cette formation.

Cette spécialité universitaire est née dans les années soixante, avec le début de la diffusion de la contraception, des dépistages des cancers du col de l'utérus et du sein, au moment où il paraissait nécessaire de faire sortir l'interruption volontaire de grossesse de la clandestinité, qui, nous le savons, s'accompagnait de véritables drames.

Les médecins découvraient ainsi que la femme avait des besoins spécifiques de surveillance et de soins, en dehors des périodes de grossesse et d'accouchement. Avant cela, elles n'avaient, pour seuls interlocuteurs, que des obstétriciens et des chirurgiens.

C'est ainsi qu'ont été créées deux spécialités : la gynécologie médicale et la gynécologie obstétrique. Les étudiants suivaient un cursus commun de un an, puis approfondissaient leurs connaissances pendant deux ou trois années supplémentaires, selon la spécialité à laquelle ils se destinaient.

La gynécologie médicale a très rapidement intéressé les femmes médecins, qui représentent aujourd'hui 87 % de la profession. Elles ont mis leurs compétences au service de la promotion des soins, de la contraception, de la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. Elles ont permis de diminuer, grâce à des dépistages précoces, le recours à des actes chirurgicaux parfois mutilants. Enfin, ces dernières années, elles ont plus particulièrement œuvré à la prise en charge des troubles de l'après cinquantaine. Ce délicat travail de mise en confiance des patientes a pris des années.

Malheureusement, en 1986, conformément à une orientation européenne, la spécialité de gynécologie médicale a été supprimée du cursus universitaire et il a fallu des années avant que l'on revienne sur cette décision − je crois me souvenir que c'est M. Kouchner qui le fit, après l'intervention des gynécologues, mais aussi de nombreuses associations, dont le Planning familial, des femmes elles-mêmes, et grâce à l'action décisive du groupe communiste.

Aujourd'hui, la France manque de gynécologues, qu'ils soient médicaux ou obstétriciens. Cette situation inquiète des millions de femmes, et une pétition a d'ailleurs recueilli plus de trois millions de signatures. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour la gynécologie médicale et pour cette spécificité du droit des femmes à la santé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mme Jacquaint pose une question importante, au sujet de laquelle j'ai d'ailleurs rencontré les gynécologues médicaux. Il convient toutefois de rappeler que les gynécologues obstétriciens ont autant d'importance qu'eux.

Mme Muguette Jacquaint. C'est vrai !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela dit, les gynécologues médicaux font un travail de prévention fondamental, et il faut conserver cette spécificité française.

Pour ce qui est de l'évaluation des pratiques professionnelles, les médecins libéraux ne sont pas, aujourd'hui, obligés de s'y soumettre, et ils ne le font que par une démarche volontaire. Ils peuvent, à cet effet, s'inscrire dans le cadre de la procédure mise en place par le décret du 28 décembre 1999, qui permet une évaluation individuelle ou collective. Cette procédure fait intervenir à la fois des médecins évaluateurs, habilités par l'ANAES, et les unions régionales des médecins libéraux, qui mettent le dispositif d'évaluation en œuvre dans leur circonscription géographique.

Toutefois, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a souligné que le dispositif d'évaluation des pratiques n'a pas fait l'objet d'une mise en œuvre généralisée. Entre le lancement du processus et la fin décembre 2003, 281 médecins évaluateurs ont été habilités par l'ANAES, dont l'objectif est d'en habiliter 169 de plus au titre de 2004. À ce jour, 500 médecins ont été évalués ou sont en cours d'évaluation.

Les médecins sont seulement tenus de se former dans le cadre de la formation professionnelle continue prévue à l'article L. 4133-1 du code de la santé publique actuellement en cours de modification par l'article 51 du projet de loi relatif à la politique de santé publique.

L'évaluation des pratiques professionnelles est une des conditions de l'amélioration de la qualité des soins délivrés aux patients. Il est donc proposé de rendre obligatoire cette formation médicale continue.

Le présent article prévoit donc que le médecin ayant adhéré à la convention s'engage à participer à une action d'évaluation et d'amélioration de la qualité de sa pratique professionnelle effectuée soit par l'URML, soit par un dispositif agréé d'évaluation des pratiques professionnelles.

À défaut d'engagement du médecin en ce sens, celui-ci est tenu de participer à une des actions d'évaluation mises en œuvre par l'union régionale des caisses d'assurance maladie dans le ressort de laquelle il exerce.

Le dispositif ne prévoit pas de sanction directe si l'obligation n'est pas respectée. Toutefois, les sanctions prévues par l'article 13 du projet de loi pourraient théoriquement être utilisées. Par ailleurs, l'article 9 dispose que les caisses pourront informer les assurés sur le respect par les médecins de leurs obligations d'évaluation.

Cette mesure fait partie des dispositions du projet de loi qui tendent à la maîtrise médicalisée des dépenses, et dont le rendement financier est estimé à 3,5 milliards d'euros d'ici à 2007.

Je reste persuadé que la formation médicale est essentielle et doit être obligatoire, ce que prévoit notre projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le ministre, vous êtes intervenu avant que l'ensemble des orateurs inscrits sur l'article 8 se soient exprimés - mais il est vrai que le Gouvernement peut prendre la parole à tout moment.

M. le président. Effectivement, monsieur Évin.

M. Claude Évin. D'abord, je rappelle que le code de la santé dispose déjà que les unions régionales des médecins libéraux sont des acteurs de l'évaluation individuelle des pratiques professionnelles en vue de l'amélioration de la qualité des soins. Vous ressentez le besoin d'introduire, dans le code de la sécurité sociale, une obligation liée à la qualité de l'offre de soins. Je le dis sans polémique, ce qui tranchera avec certains discours tenus par ailleurs, cela montre bien que pour atteindre des objectifs de santé publique, il est nécessaire de fixer des obligations aux professionnels de santé.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est vrai !

M. Claude Évin. Je constate, avec une certaine satisfaction, que vous le reconnaissez, monsieur le ministre !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous aussi ! (Sourires.)

M. Claude Évin. Quand d'autres le disaient, vous les critiquiez fortement !

Mais vous ne faites que la moitié du chemin et vous l'avez reconnu vous-même. Vous avouez, en effet, qu'il est bon qu'il y ait une obligation mais qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect de cette obligation.

Selon vous, l'article 13 devrait théoriquement résoudre le problème. Mais si des professionnels ne remplissent pas cette obligation, nous nous retrouverons, dans cinq ou dix ans, pour le déplorer.

Il aurait fallu aller jusqu'au bout, et peut-être le débat le permettra-t-il. Ce n'est pas à l'opposition de proposer des amendements visant à verrouiller ou à consolider les dispositions que vous, qui êtes au Gouvernement, présentez.

Vous affichez un objectif que nous pourrions partager sur la nécessité d'évaluer les professionnels libéraux et d'améliorer la qualité de leurs pratiques. Mais, concrètement, je vous donne rendez-vous dans deux ans, avant le mois de juin 2007 - je ne sais pas où vous serez alors, monsieur le ministre - pour vérifier si l'évaluation des pratiques s'est réellement mise en place dans le cadre conventionnel établi par le code de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Le ministre a déjà répondu à nombre de nos préoccupations concernant l'article 8. C'est un article très important, car la démarche de qualité en matière de santé passe par l'évaluation des pratiques. Il s'agit pour nous de mettre en place des procédures permettant de garantir au patient que tout examen ou intervention pratiquée sont nécessaires et que le choix a été fait d'abord dans son intérêt puis dans celui d'une recherche du meilleur coût.

L'évaluation des pratiques selon les référentiels déterminés par la Haute autorité passe par la mise en place d'un conseil ou d'un observatoire et non, comme le prétend M. Le Guen, par une démarche autoritaire ou étatique. Ce conseil ou cet observatoire doit être efficace et responsable, et le décret qui sera pris doit faire l'objet d'une concertation avec l'ANAES, les URML et le Conseil national de la formation médicale continue. À cet égard, je veux rendre hommage au professeur Matillon, ancien directeur général de l'ANAES, qui vient d'achever son rapport sur l'évaluation des compétences des métiers de santé. Ce rapport montre qu'un très grand pas en avant a été réalisé en la matière. Nous souhaitons, monsieur le ministre, qu'il soit publié le plus rapidement possible, car c'est à partir de là que nous pourrons réellement engager les procédures d'évaluation des pratiques professionnelles et rendre cette évaluation obligatoire. Je crois qu'elle est acceptée aujourd'hui par la plupart des professionnels, hospitaliers ou libéraux.

M. le président. La parole est à M.  Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Les deux observations de fond qu'appelle cet article sont déjà faites dans le rapport. En effet, le rapporteur y écrit avec lucidité : « Le présent article ne met en place aucun mécanisme de sanction. » Et il ajoute : « Il s'agit donc explicitement d'une obligation, même si le projet ne précise pas la périodicité de cette obligation. » On est donc sur le terrain de la déclaration de principe.

Dès lors que nous sommes tous d'accord sur l'exigence d'une évaluation et d'une formation, pourquoi limiter le champ d'application de cette disposition au système conventionnel, voire par défaut au système arbitral ? Cela pose deux problèmes juridiques majeurs. Premièrement, si l'on vise vraiment un objectif de santé publique et non de maîtrise des dépenses de l'assurance maladie, on ne voit pas pourquoi le secteur III échapperait à cette évaluation. Deuxièmement, en ne retenant pas une rédaction plus générale, un médecin ou une organisation non signataire de la convention qui, au surplus, engageraient une procédure devant le Conseil d'État, ne seraient-ils pas en situation de s'exonérer de cette obligation ?

Enfin, monsieur le ministre, vous nous dites que des sanctions sont prévues et qu'il faut comprendre le projet de loi comme permettant l'application des sanctions prévues à l'article 13 pour non-respect des obligations prévues à l'article 8. Je prends acte de cette affirmation, mais ce n'est absolument pas écrit dans le texte.

Le Gouvernement ou la commission entendent-ils prendre des initiatives sous forme d'amendements pour que l'article 8 ne donne prise à aucune difficulté d'interprétation et qu'il soit bien entendu que le non-respect de l'obligation sera suivi de sanctions ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je rappelle à M. Vidalies que la commission a adopté des amendements qui vont dans le sens qu'il souhaite, notamment un amendement de M. Évin prévoyant une évaluation régulière, et un autre de Mme Poletti qui vise à généraliser l'évaluation à l'ensemble des professionnels de santé.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. M. le ministre de la santé a souhaité répondre à une question posée à la fois par Mme Fraysse et M. Vidalies, qui estimaient que les dispositions de l'article 8 devraient concerner tous les praticiens. Je tiens à leur dire que le Gouvernement sera favorable à un amendement en ce sens, qui devrait rencontrer l'accord de tous.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8116.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Le ministre a indiqué que le dispositif ne prévoyait pas de sanction directe si l'obligation n'était pas respectée, et il nous a renvoyés à l'article 13.

Tout d'abord, il a employé, aux articles 2, 4 et 5, l'argument selon lequel il n'est pas d'obligation réelle sans sanction, pour justifier les baisses de remboursement pour les assurés. Il serait donc cohérent qu'il précise, à l'article 8, que cette obligation n'est valable que s'il y a une sanction. M. le ministre nous renvoie à l'article 13 qui traite du non-respect de certaines règles, c'est-à-dire que c'est bien la prescription qui est en cause et non la situation du médecin. Mais nous n'allons tout de même pas attendre de constater que des prescriptions non conformes ont été émises par un médecin non évalué - ce serait le comble du cynisme ! Je suis donc obligé de contredire le ministre qui n'est pas là au moment où je parle, et j'aimerais bien qu'il m'explique en quoi l'article 13 a un rapport avec le problème qui nous préoccupe.

Selon l'amendement n° 8116, un décret en Conseil d'État déterminera les modalités de mise en œuvre des dispositions du premier alinéa, et notamment les règles tendant au respect de l'obligation de formation médicale continue et des recommandations de bonnes pratiques. C'est un élément déterminant dans l'évaluation. Personne ne pense ici, bien évidemment, à faire passer un examen aux professionnels de santé. Nous attendons donc avec intérêt la réponse du ministre qui, en prenant la parole pour nous rassurer, a développé des arguments qui ne tiennent pas, nous semble-t-il.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement avec des arguments auxquels M. Le Guen et ses collègues devraient être sensibles. Elle s'est reportée à l'esprit du texte, et vous avez pu juger que mon rapport n'est pas toujours favorable au texte. J'ai dit hier que le rôle du rapporteur était d'éclairer l'ensemble de la représentation nationale.

M. Jean-Marie Le Guen. Il faut reconnaître que la réalité n'est pas favorable au texte et que vous n'êtes pas complètement déconnecté de la réalité !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La Haute autorité qui a une compétence scientifique est là pour fixer les référentiels et les recommandations de bonne pratique, tandis que l'ANAES reste la structure d'évaluation. Il est sensé de confier à deux organismes distincts la définition des règles de bonne pratique d'une part, la vérification de leur application et leur évaluation, d'autre part.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Conscient que la garantie de qualité, essentielle pour les assurés sociaux, passe par la généralisation de l'évaluation des pratiques professionnelles, il entend fixer dans l'article 8 le principe d'une obligation pour les médecins de participer à l'action d'évaluation et d'amélioration de la qualité de leurs pratiques professionnelles. C'est une préoccupation à laquelle nous sommes d'ailleurs toutes et tous attachés, et les interventions sur l'article allaient dans ce sens. Cette obligation concernera les médecins libéraux, les hospitaliers ainsi que les médecins salariés des centres de santé.

Je voudrais insister sur le rôle de la Haute autorité de santé, à qui incombera d'évaluer le service rendu des actes ou des produits de santé et de promouvoir le bon usage des soins. Ce serait élargir excessivement son champ d'intervention que de lui confier la détermination des conditions dans lesquelles les médecins doivent s'engager dans des démarches d'évaluation de leurs pratiques. Si une agence doit intervenir dans ce domaine, il semblerait que ce soit plutôt l'ANAES.

Conformément à un autre amendement accepté par le Gouvernement, la périodicité de cette obligation sera fixée par un arrêté, pour éviter la lourdeur d'une procédure de décret en Conseil d'État.

Au-delà de cet amendement, une question a été posée par M. Le Guen à laquelle l'article 13, M. le ministre l'a déclaré tout à l'heure, devrait pouvoir apporter une réponse. Très sincèrement, si, au moment de l'examen de l'article 13, il y a besoin de préciser davantage les choses et d'éclairer l'Assemblée, nous sommes ouverts au débat.

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. L'amendement n° 8116 me gêne un peu. Je ne reviens pas sur la Haute autorité, M. le ministre et M. le rapporteur viennent de le faire, et mieux que je n'aurais pu, mais imposer une évaluation à tous les médecins me semble excessif. À côté des médecins qui exercent à titre libéral et des médecins salariés qui travaillent dans un centre ou un établissement de santé, il existe d'autres médecins salariés qui bénéficient déjà d'une formation continue dispensée par leur employeur, je pense en particulier aux médecins du travail.

Avec votre permission, monsieur le président, je vais présenter par anticipation l'amendement n° 8210 qui, lui, propose de supprimer les mots : « ayant adhéré à la convention mentionnée à l'article... », pour limiter l'obligation aux médecins libéraux et à ceux qui exercent dans un centre ou établissement de santé. Cela devrait largement suffire.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Le sujet n'est pas la formation continue, mais l'évaluation des pratiques et l'amélioration de leur qualité. À cet égard, il serait bon, et même nécessaire dans l'intérêt des patients, que tous les médecins, y compris ceux qui suivent des actions de formation continue dispensées par les entreprises ou les employeurs dont ils dépendent, fassent l'objet d'une évaluation de leurs pratiques.

L'article 13 ne prévoit pas de sanctions pour les médecins qui ne se conformeraient pas à cette obligation d'évaluation. En effet, l'article 13 dispose que « L'inobservation de règles du présent code par les professionnels de santé, les établissements de santé ou les assurés, ayant abouti à une demande de remboursement ou de prise en charge, ou à un remboursement ou à une prise en charge indus peut faire l'objet d'une pénalité... ». Le non-respect de l'obligation d'évaluation mentionnée à l'article 8 n'entre pas dans ce cadre puisqu'il ne conduit pas à une prestation indue. Ne cherchez donc pas à nous leurrer en laissant entendre que la procédure prévue à l'article 13 vaudrait sanction du non-respect d'une règle prévue par l'article L.162-4-2 du code de la sécurité sociale. Tel qu'il est rédigé aujourd'hui, il ne peut pas être invoqué pour sanctionner un manquement à l'obligation d'évaluation.

Si vous voulez pouvoir sanctionner ce type de comportement, il faut le prévoir, mais n'essayez pas de nous faire croire c'est déjà prévu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. M. le ministre a déclaré qu'il était favorable à l'idée d'une sanction comme corollaire de l'obligation. Tout le monde est d'accord. Et il renvoie, pour ce faire, à l'article 13. Mais l'article en question ne concerne pas le sujet dont nous parlons. Il a donc commis une petite erreur. Il serait pourtant logique de traiter la sanction en même temps que l'obligation, donc de l'introduire à l'article 8. Ne pourrait-on suspendre la séance pour que le Gouvernement nous explique comment il va procéder ?

M. le président. Il se trouve, monsieur Le Guen, que le Gouvernement n'est pas demandeur, et, en ce qui vous concerne, vous êtes exprimé très clairement.

Je mets aux voix l'amendement n° 8116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 8210, que M. Mallié a déjà soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous sommes, nous aussi, favorables à cet amendement, monsieur le président.

Néanmoins je me demande si les craintes que je viens d'émettre à propos de l'absence du ministre au banc du Gouvernement ne sont pas d'ores et déjà justifiées. Je n'ai pas l'impression que M. le secrétaire d'État, dont je reconnais les compétences et qui a parfaitement compris le problème, puisse trancher sur un plan politique. C'est pourtant maintenant qu'il faut décider. L'absence de M. Douste-Blazy toute la soirée n'a pas fini de nous poser des problèmes.

M. Claude Évin. Il vaudrait mieux ne pas siéger.

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande une courte suspension de séance...

M. le président. Je vais d'abord mettre aux voix l'amendement qui est en discussion.

Je mets aux voix l'amendement n° 8210.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 7855 de M. Le Guen et 8281 de la commission tombent.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 8282.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement vise simplement à préciser que les médecins exerçant dans les centres de santé, sont associés, au même titre que les autres, à la réforme relative à l'obligation de l'évaluation des pratiques.

Cette mesure fera, je pense, plaisir à nos collègues communistes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

Il s'agit d'un très bon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8282.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 86 et 7017.

Monsieur le rapporteur, je vous suggère de laisser M. Évin les défendre.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. J'allais vous le proposer, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Évin.

M. Claude Évin. Participer à une action d'évaluation et d'amélioration, c'est bien, mais participer à plusieurs de ces actions, c'est mieux.

C'est pourquoi ces amendements visent à inscrire dans la loi que les médecins seront tenus de participer « régulièrement à des actions d'évaluation », même si le rythme reste à définir.

M. le président. Je considère que l'avis de la commission est favorable, puisque l'amendement qu'elle a déposé et celui de M. Évin sont identiques.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. En effet, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 86 et 7017.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Sur le vote de l'article 8, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je suis saisi d'un amendement n° 7806.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le soutenir.

Mme Muguette Jacquaint. L'amendement qu'a déposé Jean-Pierre Brard, vise à associer l'évaluation à la formation médicale continue, ces deux enjeux étant indissociables de l'évolution des pratiques médicales.

Cette évolution, notamment lorsque les pratiques médicales sont assistées par de nouvelles technologies, nécessite un accompagnement et un encadrement du médecin pratiquant tout au long de sa carrière.

Je rappellerai, monsieur le secrétaire d'État, que l'ordonnance Juppé du 25 avril 1996 prévoit que « l'entretien et le perfectionnement de ses connaissances constituent pour chaque médecin un devoir professionnel. »

Or, cette ordonnance ne concerne que les personnels qui exercent à titre libéral ou dans un établissement de santé public ou privé participant au service public hospitalier. L'amendement propose d'étendre cette disposition à tous les professionnels de santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Défavorable, pour des raisons techniques.

En effet, l'évaluation s'inscrit dans le présent projet de loi sur l'assurance maladie, tandis que la formation médicale continue figure dans celui relatif à la santé publique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7806.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8195 n'est pas défendu.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est pourtant un très bon amendement ! Pourquoi nos collègues ne le défendent-ils pas ?

Mme Jacqueline Fraysse. C'est dommage !

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Monsieur le président, le groupe socialiste ayant déposé une demande de scrutin public sur le vote de l'article 8, je souhaite expliquer les raisons pour lesquelles il s'abstiendra.

Nous avons indiqué à plusieurs reprises que nous étions favorables à l'évaluation des pratiques. Cependant, comme nous l'avons fait également remarquer, il ne suffit pas de rendre obligatoires des procédures pour qu'elles se mettent inéluctablement en place. Or, tel qu'il est rédigé par le Gouvernement, cet article, en ne prévoyant aucune sanction en cas de non-respect du dispositif, se contente d'inscrire dans la loi une obligation, sans la rendre effective.

Peut-être, par la suite, le Gouvernement fera-t-il une proposition en la matière. Nous l'apprécierons alors. Mais, en l'absence de toute mesure concrète tendant à faire réellement appliquer l'obligation prévue à l'article 8, nous nous abstiendrons.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'article 8 tel qu'il a été modifié par les amendements adoptés.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 41

              Nombre de suffrages exprimés 33

              Majorité absolue 17

        Pour l'adoption 33

        Contre 0

L'Assemblée nationale a adopté.

Après l'article 8

M. le président. Nous en venons à une série d'amendements portant article additionnel après l'article 8.

Je suis saisi d'un amendement n° 8241.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Door. Chacun connaît la crise qui touche la responsabilité civile professionnelle médicale. Elle concerne les professions de santé à risque, notamment les anesthésistes et les chirurgiens. Il s'agit là d'un problème important, qui est récurrent depuis de nombreux mois et dont l'évolution reste incertaine.

En 2002, la loi About avait réussi à garantir une couverture à tous les établissements et aux professionnels concernés et à stabiliser le montant de la prime. Comme l'a relevé le rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales, le principal obstacle demeure la carence des informations disponibles en matière de sinistralité et plus largement de risque médical, et le caractère fragmenté de ces informations.

Cet amendement vise à créer un observatoire de la sinistralité destiné à rassembler toutes les informations sur les accidents médicaux et sur les indemnisations versées en réparation des dommages. Un tel observatoire permettrait d'apprécier l'évolution de la sinistralité et des indemnisations.

Il serait placé sous le contrôle d'une commission composée de toutes les parties prenantes : les professionnels de santé et les responsables des établissements de santé, les assureurs, les usagers ainsi que la tutelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Favorable.

Cet amendement, nous semble-t-il, correspond à une demande véritable et concrétisera la démarche de qualité à laquelle chacun, ici, est attaché.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. M. Préel, à voix basse, a fait remarquer à l'instant que cet amendement aurait pu être sanctionné par le président de la commission des finances au titre de l'article 40 de la Constitution, comme l'ont été plusieurs des nôtres.

Il s'agit en effet de créer, avec cet observatoire, une institution nouvelle. Je suis obligé de constater que l'appréciation du président de la commission des finances diffère en fonction de l'origine des amendements. Je tenais à le faire observer. Je sais que ses décisions ne souffrent, théoriquement, aucune discussion. Il n'en reste pas moins que la parole demeure libre au sein de l'hémicycle.

M. Door affirme qu'il existe une crise de la responsabilité civile professionnelle et suggère qu'une visibilité plus grande quant à la réalité de la sinistralité permettrait d'y remédier.

Il convient d'établir en premier lieu s'il existe bien une telle crise de la responsabilité civile professionnelle des médecins. Il est vrai que des spécialités connaissent depuis plusieurs mois une forte pression de la part de leurs assureurs, notamment la chirurgie et la gynécologie-obstétrique. C'est moins patent en ce qui concerne l'anesthésie. Pour autant, une plus grande sinistralité de ces spécialités se vérifie-t-elle dans les faits ?

M. Pierre-Louis Fagniez. Non.

M. Claude Évin. Honnêtement, si l'on évalue la sinistralité au nombre de cas ayant conduit à une réparation du dommage, la réponse est non. Il n'y a pas d'augmentation du nombre des sinistres.

Il y a certes une augmentation des plaintes et du nombre des procédures engagées. Mais cela découle pour partie de la loi du 4 mars 2002 .

L'un des objectifs de cette loi était précisément de mettre en place un dispositif d'indemnisation des accidents médicaux. Nous étions partis du fait qu'il était très compliqué, pour une victime, de faire valoir ses droits. Nous avons simplifié l'accès des victimes au droit à la réparation, et il n'est pas anormal de constater une augmentation des procédures engagées.

Pour autant, il n'y a pas d'augmentation du nombre des procédures conduisant réellement à réparation.

M. Jean-Pierre Door. Pourtant, les statistiques...

M. Claude Évin. En revanche, il y a, monsieur Door, et je vous le concède, une augmentation du montant de l'indemnisation.

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est exact ! Une augmentation très forte.

M. Claude Évin. Le risque coûte de plus en plus cher. On peut comprendre que cette situation ait pu conduire certains assureurs à réévaluer le montant de leurs primes. Cela étant, ce n'est pas la seule cause. Cette réévaluation s'explique pour d'autres raisons, qui n'ont rien à voir avec la problématique de la responsabilité civile professionnelle des médecins. Je pense aux sinistres qu'ont connus nos sociétés ces dernières années : le 11 septembre aux États-Unis et certaines catastrophes naturelles en France.

Un problème affecte aujourd'hui l'ensemble des assurances en responsabilité civile ; il est sans doute pointé de façon spécifique s'agissant du domaine médical, mais il n'est peut-être pas aussi important qu'on a tendance à le croire.

Des spécialités sont plus touchées que d'autres. Cela a conduit à l'adoption de la loi du 31 décembre 2002 et au rapport de l'IGAS et de l'IGF. Ce rapport, qui ne nie pas le problème, conseille de ne pas se précipiter pour agir et qu'on peut par ailleurs estimer que la loi du 4 mars 2002 stabilisera la situation. Le fait que les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux permette une confrontation de l'ensemble des acteurs constitue un facteur de régulation.

Il me semble donc nécessaire d'être prudent dans la mise en œuvre du dispositif. Plusieurs propositions ont été faites. Une proposition de loi a été déposée par M. Domergue et M. Door. Cela dit, je me félicite qu'elle ne soit pas aujourd'hui soumise à notre appréciation, car mes propos auraient été autrement plus acerbes.

Il nous est proposé de créer un observatoire. Cela me suggère quelques réflexions.

Certes, il peut être intéressant de connaître le niveau de sinistralité, mais il ne faut pas tout ramener à cet aspect. Ce n'est pas parce qu'on connaîtra ce qui se passe réellement qu'on saura immédiatement quels arguments avancer dans la négociation avec les assureurs. Je précise d'ailleurs qu'on appréciera vraiment les effets de la sinistralité que sur le moyen terme. Les procédures des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation ont bien permis de réduire la durée de traitement des dossiers - autrefois elle était de six ou sept ans -, mais il n'en reste pas moins que cette durée est encore d'un peu plus d'un an. L'observatoire ne pourra identifier que des faits relativement anciens. Il convient donc de relativiser cette procédure.

Par ailleurs, les sources d'information vont rester multiples : sources juridictionnelles, sources amiables de la CRCI ou de l'AP-HP - qui est son propre assureur.

Enfin, en dehors de l'observatoire, existaient d'autres possibilités qui auraient permis la mise en œuvre d'un autre dispositif auprès de l'ONIAM.

Mais, monsieur le secrétaire d'État, pour avoir une appréciation exacte du dispositif, il faut examiner en même temps l'amendement n° 8460 du Gouvernement.

M. le président. Il sera examiné ultérieurement !

M. Claude Évin. Le problème est que ces deux amendements sont liés.

L'amendement n° 8241 n'est qu'un amendement d'appel à la procédure RESIRISQ, dont nous sommes quelques-uns à connaître l'existence, qui est en préparation sous l'égide de l'ANAES et qui se « cache » dans l'amendement n° 8460.

Cet amendement propose en effet d'insérer dans l'article L. 4135-1 du code de la santé publique un V ainsi rédigé :

« V- Les médecins soumis à l'obligation d'assurance mentionnée à l'article L. 142-2 du code de la santé publique qui exercent les spécialités mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 4135-1 du même code et qui sont engagés dans une procédure de labellisation ou sont labellisés, peuvent bénéficier d'une aide à la souscription d'une assurance dont le montant est fixé en fonction des spécialités et des conditions d'exercice, par décret. »

Ainsi, on rémunérerait 5 000 euros les médecins qui s'inscriront dans ce processus de labellisation. En fait, c'est un « faux nez » pour payer les primes d'assurance des médecins, des spécialistes les plus exposés aux risques professionnels. Il faut le dire clairement !

Je regrette, monsieur le secrétaire d'État, que vous déposiez cet amendement n° 8460 qui, sauf erreur de ma part, n'a pas été examiné en commission, alors qu'il introduit un dispositif très lourd.

M. le président. Monsieur Évin, si je vous ai laissé la parole si longtemps, c'est que j'ai bien compris que les deux sujets étaient liés.

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je remercie M. Évin d'avoir parlé avec calme et sans polémiquer.

Il est vrai que ce sont l'IGAS et l'IGS qui ont dénoncé l'absence d'études satisfaisantes de la sinistralité, depuis la loi About.

Les diverses assurances, qu'il s'agisse de la Mutuelle du corps sanitaire ou d'autres compagnies, ne donnaient pas leurs chiffres. On ne disposait d'aucune étude fiable.

Les comités régionaux, comme les CRCI, se sont mis en place très tard, voici quatre à six mois. Nous attendons encore le résultat de leurs travaux.

L'IGAS, l'IGS et les assureurs demandent que, en fonction de l'étude de sinistralité, on revienne sur le montant des primes au bout de deux à trois ans.

Dans le rapport de l'IGAS, il est bien préconisé de patienter deux à trois ans. Je pense que la situation se réglera alors.

Le but de la création de cet observatoire est de pouvoir étudier, répertorier, évaluer des données jusque là disparates.

Les anesthésistes ont fait de gros effort sur leurs pratiques ont pu obtenir, sur l'ensemble de la France, des primes d'un montant tout à fait correct, satisfaisantes et acceptables. Or ce n'est pas le cas des autres professionnels, comme les chirurgiens ou les gynéco-obstétriciens.

Le but de notre amendement n° 8241 est d'étudier de façon sérieuse et transparente la sinistralité et les accidents médicaux, en prévoyant un rattachement à l'ONIAM.

Quant à l'amendement n° 8460 du Gouvernement, il aborde un autre problème.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je suis disposé à discuter conjointement de l'amendement n° 8241 et de l'amendement n° 8460.

M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement, n° 8460, du Gouvernement.

La parole est à monsieur le secrétaire d'État, pour le soutenir.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Aujourd'hui, personne ne peut le nier, nous avons un problème avec les questions liées à la responsabilité civile médicale. Doit-on laisser les choses en l'état, avec les difficultés que cela pose, notamment en matière de qualité médicale ? Non.

Nous vous proposons une réponse structurée, qui a nécessité une réflexion et un travail approfondis. L'amendement n° 8460 est extrêmement important.

Je voudrais revenir un court moment sur les raisons qui nous ont conduits à cette situation : depuis ces dernières années, le marché de l'assurance médicale a connu des soubresauts qui résultent d'une judiciarisation accrue du monde sanitaire et médical.

Ces turbulences, certains parlent parfois de « déflagrations », se sont traduites par des hausses extrêmement importantes des primes d'assurance des professionnels.

Le problème n'est pas franco-français. Il est mondial. Mais il est important que nous lui apportions aujourd'hui que nous lui apportions une réponse structurée, seule capable, à terme, de mettre fin à cette crise assurantielle, qu porte en son sein une crise médicale.

Cette réponse passe par la maîtrise des risques médicaux, en particulier chirurgicaux.

D'ores et déjà, certaines professions, comme les anesthésistes, ont démontré qu'une gestion efficace des risques permettait de faire baisser la sinistralité : une diminution de 4 % entre 2000 et 2002.

La réponse que nous vous proposons est d'autant plus importante que les activités médicales à risques souffrent davantage encore que les autres d'une crise démographique.

Enfin, cet amendement répond aux justes préoccupations de la représentation nationale en matière de qualité. M. Le Guen s'est exprimé à différentes reprises sur la nécessité de mettre en avant la qualité. Nous avons, une fois de plus, l'occasion de le faire.

Nous avons la possibilité d'améliorer la qualité des actes en complétant l'amendement de M. Domergue portant sur l'observatoire de la sinistralité.

Je voudrais souligner le rôle important qui sera celui de l'ANAES dans la mise en œuvre d'une politique de labellisation. En clair, si l'on s'investit dans la démarche qualité, il sera possible de recevoir une aide.

Aujourd'hui, monsieur Évin, les CPAM interviennent dans la prise en charge. Mais elles le font en payant le différentiel de primes sans aucune contrepartie. Demain, avec le système que nous proposons, il y aura cette contrepartie, avec un gage de qualité lié à la labellisation.

C'est donc dans cet esprit, pour apporter une réponse précise aux problèmes concrets qui se posent, que nous vous présentons cet amendement. J'espère que l'Assemblée voudra bien l'adopter, parce qu'il vient compléter celui qui vient d'être présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 8460 ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'amendement du Gouvernement me paraît susceptible d'avoir des effets sur la qualité et pas seulement pour ce qui a trait aux questions d'assurance. La commission ne l'a pas examiné mais, personnellement, le mot « labellisation » me choque. Pour moi, le label évoque l'étiquette apposée sur les poulets de Bresse.

M. Alain Vidalies. Ou sur les poulets jaunes des Landes !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce mot est donc plus lourd de sens qu'on ne pourrait le croire au premier abord.

M. Jean-Marie Le Guen. A-t-on prévu la traçabilité ? (Sourires.)

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. M'inspirant toujours du pays où est née l'évaluation, je préférerais, de loin, le mot « accréditation ». Le sens de la labellisation dans l'amendement est de donner crédit à un médecin ou à une équipe médicale regroupant des compétences multiples dans le cadre d'une activité médicale, par exemple dans un centre de traitement du cancer.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce que vous dites est très intéressant, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Quand, aux États-unis, on accrédite une équipe de transplantation, on est sûr qu'elle est composée de chirurgiens et de médecins formés, d'immunologistes, et qu'elle pratique dans un environnement adapté à cette activité. Vous me rétorquerez que le mot d'« accréditation » est déjà utilisé par l'ANAES pour les établissements. Mais ce qu'elle accrédite, c'est la qualité de l'hébergement, des circuits de médicaments, des repas, des archives ou des communications, en aucun cas une activité médicale.

M. Jean-Marie Le Guen. Merci de confirmer ce que je disais hier et que le ministre contestait !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Tout cela relève, à mon sens, de la certification.

Les établissements souhaitent être accrédités pour leur activité médicale aussi. C'est un reproche que l'on adresse depuis des années à l'ANAES d'accréditer les établissements sans se préoccuper de la qualité du travail des équipes médicales, qui est tout de même l'essentiel pour le patient.

Cet amendement, en donnant crédit à des médecins ou à des équipes médicales pour leur activité, aura des incidences en matière d'assurance et de qualité d'une façon générale. Pour être franc, je préfère que l'on réserve la certification aux établissements,...

M. Jean-Marie Le Guen. Vous avez raison !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...et que l'on accrédite, tous les quatre ans, les équipes médicales et les médecins pour leur activité, tant dans le public que dans le privé.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, que pensez-vous de la proposition du rapporteur de remplacer le terme de « labellisation » par celui d'« accréditation » ?

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il me semble important, en effet, de distinguer la démarche de qualité pour les établissements de celle qui concerne les professionnels.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cela n'a jamais été fait et ce n'est pas un hasard !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je vais exaucer votre souhait, non sans préciser qu'il sera d'application complexe au regard des habitudes et du rôle de l'ANAES.

M. le président. L'amendement du Gouvernement est donc rectifié en remplaçant systématiquement le mot « labellisation » par le mot « accréditation » et le mot « labellisé » par le mot « accrédité ».

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition du rapporteur, qui devrait toutefois concerner aussi le reste du code traitant de l'ANAES et de sa fonction d'accréditation.

Que nous dit le rapporteur ? Qu'il veut sortir de la logique de l'amendement de M. Domergue de réserver une « labellisation » à certains en visant un objectif d'accréditation pour tous. Autrement dit, il va à l'encontre de votre démarche consistant à garantir et à promouvoir la qualité de la pratique de ceux qui exercent dans le cadre d'un contrat - la convention ou, ici, l'accord spécifique aux chirurgiens - et qui reviendrait à aider les équipes dont la pratique répondrait à certains critères de qualité et à en laisser d'autres au bord du chemin.

Je suis d'accord pour aider la promotion de la qualité. Mais plutôt que de la soumettre à la négociation contractuelle, ne vaudrait-il pas mieux que l'État l'érige en exigence générale, qu'il l'organise directement auprès des professionnels ? Cela nous renvoie au débat précédent.

Nous sommes là au cœur du sujet. En acceptant de laisser en dehors des labels des équipes, qui ne voudront pas ou ne pourront pas y satisfaire, nous allons créer, comme pour les produits de grande consommation, une pratique bas de gamme non aidée et une pratique haut de gamme aidée. Est-ce cela que nous voulons ? Cela correspond-t-il au discours que nous tenons tous sur l'égalité des soins ? Le changement de vocabulaire qu'a introduit notre rapporteur pointe bien ce problème.

M. le président. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je n'ai pas tout à fait terminé !

M. le président. Inutile de parler sur ce ton !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Un peu de respect envers le président !

M. Jean-Marie Le Guen. Ces amendements, qui ne sont pas passés par le filtre de l'article 40 et n'ont pas vraiment été discutés en commission, posent des problèmes fondamentaux et majeurs. Nous parlons ici des chirurgiens et nous connaissons le problème. Toutefois, la disposition proposée ne se limite pas aux chirurgiens. Le processus de labellisation a vocation à s'étendre à l'ensemble des professionnels de santé. Dès lors, pouvons-nous accepter d'avoir deux catégories de professionnels, les uns pratiquant une médecine de qualité, les autres non ? Au début du débat, j'ai posé une question, qui n'était pas seulement destinée à chatouiller le ministre sur l'équilibre financier de son plan, à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse. À ma connaissance, le coût de la mesure est de l'ordre de 100 millions. Sera-t-il totalement pris en charge par l'assurance maladie ?

M. le président. Merci, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Non ! Il s'agit de problèmes importants, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Votre attitude est inacceptable, monsieur Le Guen. Votre temps de parole est écoulé, veuillez terminer !

M. Jean-Marie Le Guen. Allons-nous étendre la logique financière du donnant-donnant que vous envisagez pour les chirurgiens à l'ensemble des professionnels de santé ?

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. Je voudrais revenir sur la proposition du rapporteur de substituer à la notion de labellisation celle d'accréditation.

M. le président. Sur ce point, le Gouvernement est d'accord.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas encore voté !

M. le président. C'est moi qui préside !

M. Jean-Marie Le Guen. Jusqu'à plus ample informé, c'est nous qui votons ! (Murmures.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Mallié.

M. Richard Mallié. Même si le Gouvernement a donné son accord, je suis assez réservé. Le terme de label a, certes, un sens qualitatif, mais le rapporteur a indiqué avec raison qu'il vise plutôt un produit. En ce qui concerne l'accréditation, je suis tout aussi sceptique. Selon le Petit Larousse, accréditer, c'est donner l'autorité nécessaire en tant que représentant d'un pays à quelqu'un, ou encore, pour une administration, une institution, délivrer une autorisation d'accès à un journaliste, à un photographe. Cela veut dire qu'on a le droit de faire. Or ce que nous visons, c'est plus de qualité. La notion de qualité n'est pas contenue dans l'accréditation ; elle est dans le label, qui, lui, concerne un produit. Il faudrait trouver un autre terme, car, à mon avis, ni l'un ni l'autre ne conviennent.

M. le président. À moins que vous ne présentiez un sous-amendement, que je soumettrai au vote, l'un de ces mots figure dans l'amendement du Gouvernement et je ne peux pas y revenir.

La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Il ne me semble pas opportun d'adopter aujourd'hui la rectification proposée sur l'amendement n° 8460 du Gouvernement et acceptée par celui-ci. Ce serait anticiper sur le vote du Sénat. Il ne me paraît pas de bonne procédure de prévoir l'accréditation des établissements de santé et des professionnels avant même que le Sénat ait examiné le texte en première lecture. Ne compliquons pas les choses.

Nous sommes tout à fait favorables à la procédure prévue à l'amendement n° 8460 en vue de la labellisation-accréditation-certification des professionnels de santé. Mais nous ne voyons pas comment elle s'articule avec le projet d'évaluation des compétences auquel travaille actuellement l'ancien directeur général de l'ANAES et dont a parlé M. Door. Nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d'État, avoir des éclaircissements à ce sujet.

Il est prévu, dans le texte proposé pour l'article L. 1414-3-3 du code de la santé publique, de confier à l'ANAES la mission de mettre en œuvre une politique de labellisation - je garde ce terme, c'est celui qui figure dans l'amendement avant rectification - des médecins exerçant en établissements de santé. J'ai insisté ce matin sur la nécessité de vérifier la qualité des pratiques des professionnels de santé qui exercent dans les établissements publics de santé. Comment s'appliquera l'article L. 1414-3-3 dans ces derniers compte tenu de leur organisation hiérarchique ? Que fera-t-on si un professionnel n'est pas labellisé alors qu'il est rentré dans la procédure et qu'il continue d'exercer dans un établissement public de santé ? Il y a là un vrai problème que vous n'avez pas assez approfondi. La procédure, certes, ne sera pas obligatoire et il sera impossible de repérer ceux qui y auront échappé. Mais les problèmes apparaîtront lorsque des PH, des praticiens hospitaliers, demanderont à être labellisés et que le label leur sera refusé.

M. Jean-Marie Le Guen. Des praticiens ou des services !

M. Claude Évin. Dans l'article L. 1414-1 et dans le texte proposé pour l'article L. 1414-3-3, il n'est question que de la labellisation des médecins.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ou des équipes médicales

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il faut lire aussi le texte proposé pour l'article L. 4135-1, monsieur Évin.

M. Claude Évin. Comme l'amendement ne nous a pas été communiqué de manière à pouvoir l'examiner dans de bonnes conditions, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, que je le découvre au fur et à mesure. Cela étant, si les équipes médicales sont mentionnées à l'article L. 4135-1, elles ne le sont pas à l'article L. 1414-1 !

Que fera-t-on, disais-je, des médecins qui ne seront pas labellisés ? Les virera-t-on ? Là encore, si vous avez des réponses, nous aimerions les connaître.

Enfin, est prévu pour les médecins labellisés l'octroi d'une aide à la souscription d'une assurance. Permettez-moi une parenthèse. La crise de la responsabilité civile médicale qui a conduit à l'augmentation des primes d'assurance des professionnels de santé touche aussi bien les médecins libéraux que les établissements publics de santé. Ces derniers ont vu leurs primes d'assurance augmenter de l'ordre de 30 à 40 % au cours des deux dernières années. Avez-vous des réponses à apporter ? Je sais qu'on peut répercuter cette augmentation sur les tarifications à l'activité ou sur l'ONDAM hospitalier que nous examinerons dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il serait utile que ces solutions soient intégrées à votre dispositif.

Je ne nie pas la pression que subissent certains médecins spécialistes. Mais n'y a-t-il pas d'autres solutions ?

D'autres professions libérales sont, elles aussi, confrontées à des risques professionnels. Les avocats, par exemple, ont choisi la mutualisation des risques et ceux-ci sont gérés par l'Ordre. Cette solution aurait été, me semble-t-il, beaucoup plus utile à l'ensemble de la profession. Il n'y a pas de raison, en effet, qu'un professionnel de santé soit pénalisé parce que, pour soigner un malade, il est obligé de prendre plus de risques que d'autres.

Par ailleurs, dans le projet RESIRISQ actuellement à l'étude à l'ANAES, il est prévu de verser une prime de 5 000 euros pas an et par médecin. Je m'interroge sur le financement de celle-ci. L'avez-vous budgétée ? Est-elle prise en compte dans les 15 milliards d'euros d'économies que vous espérez de votre plan de modernisation de l'assurance maladie ? Il serait également intéressant de savoir quels sont les médecins qui bénéficieront de cette prime.

Pour terminer sur ce point, la prime d'assurance représentant une charge, il ne serait pas anormal qu'elle soit répercutée sur les tarifs, éventuellement après négociation.

Telles sont nos interrogations sur cet amendement. Je crains, monsieur le secrétaire d'État, qu'en voulant donner une réponse précipitée à un vrai problème, vous ne créiez plus de difficultés que vous n'apportiez de solutions.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Je ne crois pas !

M. le président. Je précise que le Gouvernement a accepté la rectification qui lui a été proposée et que l'amendement dont nous débattons maintenant est l'amendement n° 8460 rectifié, dans lequel le mot : «labellisation » a été remplacé par le mot : « accréditation ».

La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Ne noyons pas le poisson. J'ai bien compris les interrogations de M. Évin, mais, au fond, nous sommes tous d'accord car nous connaissons le problème. Celui-ci est grave et il faut le résoudre rapidement.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas ce que vous faites dans le texte !

M. Jean-Pierre Door. Si, monsieur Le Guen.

Le secteur le plus touché est la chirurgie de secteur 1. Dans le secteur 2, où les tarifs sont libres, il peut être possible d'augmenter ces derniers, mais le secteur 1 est prisonnier de la lettre-clé KCC. Une augmentation de celle-ci entraînerait une autre dérive des dépenses d'assurance maladie. On peut toujours envisager une modification ultérieure de la nomenclature, mais, pour résoudre le problème au plus vite, l'amendement du Gouvernement me paraît assez satisfaisant car il engage la responsabilité des acteurs qui prennent des risques, c'est-à-dire les trois ou quatre spécialités dont il a été question, afin de parvenir à une meilleure gestion de ces risques.

M. Le Guen parlait d'une généralisation du dispositif à tous les médecins. Non, les 100 000 généralistes n'ont pas les mêmes problèmes d'assurance.

Une meilleure gestion des risques passe non seulement par une étude de ceux-ci mais également et surtout par la labellisation qui fera prendre conscience aux professionnels de la nécessité d'être extrêmement prudents, y compris dans les établissements privés.

S'il y a une aide à la souscription d'une assurance, il est préférable qu'elle soit subordonnée à l'adhésion du médecin à cette gestion des risques.

Mais le problème ne sera réglé que lorsque la sinistralité aura été réduite, c'est-à-dire lorsque la gestion des risques aura été mise en œuvre et aura donné des résultats.

Le risque est une épée de Damoclès au-dessus de la tête de chaque médecin. Si nous avons pu exercer pendant trente ans sans jamais être confrontés à celui-ci, nous voyons bien que tel n'est plus le cas de nos confrères qui s'installent aujourd'hui et il faut donc en tenir compte.

Comme il ressort des chiffres publiés par l'IGAS et l'IGF, les assureurs pratiquent une tarification libre. Mais ils ont annoncé qu'ils stabiliseraient, voire réduiraient, le montant des primes au vu des premiers résultats enregistrés en matière de sinistralité.

L'amendement n° 8241 et l'amendement n° 8460 rectifié se complètent. Ce dernier, en particulier, nous satisfait car il fournit une première réponse aux professionnels de santé.

M. le président. J'informe l'Assemblée que, sur le vote des amendements n°s 8241 et 8 460 rectifié, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. M. Évin s'est étonné que l'amendement n° 8241 ne se soit pas vu opposer l'article 40. Je lui répondrai que l'appréciation de celui-ci peut être parfois ambiguë.

M. Claude Évin. Ne me dites pas cela, monsieur le président de la commission. Vous me faites mal !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Mais la charge que représentera l'observatoire peut tout à fait être assumée par l'ONDAM dans le cadre de ses frais de gestion.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Notre démarche est générale, progressive, incitative et fondée sur le volontariat. Les résultats de l'accréditation seront publics, ce qui, pour nous, est important.

Les fonds seront, je le confirme, trouvés par l'assurance maladie. Les sommes nécessaires sont évaluées aujourd'hui entre 45 et 50 millions d'euros.

Notre démarche étant, comme je l'ai dit, fondée sur le volontariat, elle est donc destinée à être étendue puisqu'elle tend à promouvoir une démarche de qualité. Il ne s'agit pas d'accepter qu'il y ait, d'un côté, des prestations de qualité et, de l'autre, une manifestation de non-qualité. La mesure que nous proposons se veut une incitation forte vers une démarche de qualité.

J'ajoute, monsieur Évin, qu'elle a fait l'objet d'une vraie concertation avec les chirurgiens publics et privés. Nous ne découvrons pas le problème aujourd'hui.

Je constate une fois de plus que, après s'être déclaré d'accord sur le principe, le groupe socialiste s'interroge et critique. Toutes les questions sont légitimes, mais, que l'on se satisfasse ou non des réponses du Gouvernement, il faut, à un moment donné, choisir.

Nous, nous avons choisi de jouer la carte de la qualité. Nous cherchons à répondre à un vrai problème qui se pose pour les chirurgiens. Il revient maintenant à chacun de prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le secrétaire d'État, vous permettrez à l'opposition de se poser des questions quand elle voit arriver au dernier moment des amendements qui n'ont pas été examinés en commission.

M. Richard Mallié. Il fallait déposer moins d'amendements ! Nous aurions eu plus de temps pour une vraie discussion ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous nous aviez certes indiqué qu'il y avait un amendement du Gouvernement après l'article 8, mais nous n'en avons pas eu connaissance avant qu'il ne soit appelé en séance. Il n'a pas été examiné en commission au titre de l'article 88 ni de l'article 91. Il a été déposé en séance, alors même qu'il traite de points fondamentaux.

Je constate que le si le Gouvernement parle de volontariat, de pédagogie, d'aide, et d'incitation pour les professionnels, il ne s'embarrasse pas de tout cela pour les assurés sociaux, pour lesquels il est plutôt question d'obligation et de sanction.

Votre démarche vis-à-vis des professionnels n'est pas inintéressante. Nous aurions voulu qu'elle s'applique aux assurés. Mais eux n'ont pas droit à la négociation, à la pédagogie. L'asymétrie est choquante. On peut se demander si la pédagogie ne serait pas nécessaire vis-à-vis d'un assuré, pour qu'il ait une démarche de qualité. Il a besoin fondamentalement d'une information, car sa démarche initiale n'est pas de connaître. Mais on peut s'étonner qu'il faille déployer des efforts de pédagogie, avoir une démarche incitative par rapport à des professionnels.

L'obligation devrait se situer plutôt du côté des professionnels responsables plutôt que du côté des assurés, qui ne maîtrisent pas totalement la situation et ne connaissent pas les parcours de soins de qualité.

M. Richard Mallié. Caricature ! C'est faux !

M. Jean-Marie Le Guen. Il y a deux poids et deux mesures.

Nous sommes sensibles au problème qui se posait pour les professionnels de la chirurgie. Vous avez généralisé le processus de qualité à l'ensemble des professionnels de santé. Comme le rappelait fort justement M. Door, il n'y a pas de professionnels de santé qui ne soient confrontés à une explosion de leurs primes d'assurance.

Ne serez-vous pas amenés demain à admettre pour l'ensemble des professionnels de santé, qui sont tous confrontés à une augmentation considérable de leurs primes d'assurance, ce que vous avez accepté pour les chirurgiens ? Ce biais que vous avez proposé dans le débat conventionnel et dans la gestion des relations avec les professionnels de santé va se généraliser et entraînera, dans les semaines et les mois qui viennent, une intervention globale de tous les professionnels. Les conséquences économiques et financières seront d'une autre nature que celles que vous prévoyez.

Nous ne sommes pas opposés, dans certains cas particuliers, à une intervention de l'assurance maladie par le biais du tarif ou du forfait. M. Claude Évin a rappelé que vous auriez pu intervenir par la tarification, donc le paiement à l'acte. Vous nous avez répondu qu'il ne pouvait s'agir du paiement à l'acte mais d'une subvention au forfait.

Vous intervenez maintenant en faveur d'une forfaitisation des rémunérations des professions libérales, en traitant le problème particulier de la labellisation et en invoquant la nécessité des assurances.

Vous n'appliquez pas à tous les mêmes principes. On constate donc un déséquilibre face au principe d'égalité.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne veux pas prolonger trop le débat, mais je désire donner mon avis.

Je suis surprise de la façon dont on traite de ce sujet important, dont personne ne nie la difficulté.

Cet amendement est long et complexe. Différents problèmes sont posés, y compris rédactionnels, comme l'a indiqué M. Évin. Nous découvrons cet amendement et il nous semble impossible de le traiter ainsi, sans approfondir la question.

La réponse, pour le moment, ne me paraît pas être parvenue à maturité.

On constate que les primes d'assurance ont explosé : les compagnies ont augmenté leurs tarifs de 30 à 40 %. Ne peut-on craindre que ce soit encore plus demain ? Devons-nous laisser filer les tarifs des assurances privées, au nom de la sacro-sainte loi du marché ? Allons-nous les laisser augmenter librement leurs tarifs, alors qu'elles seront finalement subventionnées par la caisse d'assurance maladie ?

Nous voterons donc contre l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Évin.

M. Claude Évin. Je me félicite de pouvoir intervenir au moment où M. Douste-Blazy nous rejoint.

Certains dispositifs du code de la santé concernent les rapports hiérarchiques à l'intérieur des établissements publics de santé. Que se passera-t-il concrètement lorsqu'une équipe ou un professionnel n'aura pas obtenu le label ? Je livre cette interrogation à votre appréciation.

Je reviendrai sur les propos un peu provocateurs de M. le secrétaire d'État qui laissaient penser que le groupe socialiste serait opposé aux procédures de labellisation ou, en tout cas, aux procédures de qualité concernant les médecins, notamment les chirurgiens.

Nous sommes évidemment favorables à ce qui renforce la qualité de notre offre de soins. Il faut que les choses soient claires, afin qu'il n'y ait pas de procès d'intention.

Je ne vais pas décrire l'historique de l'ANAES, dont l'origine remonte à une association nationale d'évaluation médicale, l'ANDEM, créée en avril 1990. Nous sommes plusieurs ici à y avoir contribué.

Le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement pour des raisons que M. Le Guen et moi-même avons déjà exprimé.

Un certain nombre d'incertitudes demeurent quant à l'écriture même. Nous formulons les plus grandes réserves sur le V de votre amendement, monsieur le ministre. Nous savons qu'il existe un problème pour financer la couverture assurantielle de la responsabilité civile médicale. Mais nous pensons qu'on aurait pu trouver d'autres moyens de régler cette question.

Nous sommes favorables à la qualité, à l'accréditation des professionnels et à l'évaluation des pratiques médicales ou à la labellisation. Le rôle des parlementaires de l'opposition est de parvenir, sur les rares points positifs de votre texte, à une meilleure écriture et de prévoir des dispositifs réellement applicables. Permettez-nous de conserver notre esprit critique et ne pas voter nécessairement l'ensemble des textes imparfaits que vous nous proposez.

M. le président. Nous allons maintenant procéder successivement aux deux scrutins publics qui ont été annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 8241.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n°8241 :

              Nombre de votants 55

              Nombre de suffrages exprimés 45

              Majorité absolue 23

        Pour l'adoption 41

        Contre 4

L'Assemblée nationale a adopté.

Nous allons maintenant procéder au deuxième scrutin public.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 8460 rectifié.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n°8460 :

Nombre de votants 55

              Nombre de suffrages exprimés 45

              Majorité absolue 23

        Pour l'adoption 41

        Contre 4

L'Assemblée nationale a adopté.

Rappel au règlement

M. Jean-Marie Le Guen. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous n'allons pas demander de suspension de séance, malgré la situation que nous venons de connaître et qui risque de perdurer avec les amendements suivants.

Nous voulons exprimer solennellement notre mécontentement sur nos conditions de travail. Nous venons de débattre de sujets importants et structurants, aux conséquences financières lourdes pour notre système de santé et l'ensemble des professionnels de santé. Les amendements n'ont pas été étudiés en commission au titre de l'article 88, ni au titre de l'article 91, en particulier l'amendement du Gouvernement, dont nous n'avons pas eu connaissance avant qu'il ne soit mis en discussion.

Nous nous apprêtons à examiner, sur la toxicomanie et sur d'autres sujets, des amendements dont nous n'avons pas non plus débattu en commission. Nous sommes bousculés.

Pendant ce temps, M. le ministre de la santé donnait une conférence de presse sur les propositions qu'il présentera au Sénat ce soir et demain dans le cadre du projet de loi sur la santé publique et sur d'autres dispositifs.

Nous devons réagir aux propositions du Gouvernement. Certaines constituent un recul considérable pour notre système de santé publique, du moins par rapport au projet de loi que nous avions adopté ici en deuxième lecture. Le Gouvernement renonce à mettre en place...

Mes propos vous paraissent-ils incongrus, monsieur le président ?

M. le président. Pourquoi cette remarque déplacée, monsieur Le Guen ?

M. Jean-Marie Le Guen. On va les replacer tout à l'heure !

M. le président. Je vous prie de ne pas employer ce ton. Je vous écoute. Tout le monde, ici, vous écoute ! Le ton que vous adoptez à mon égard est désagréable et inacceptable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. Je reconnais que c'est désagréable.

M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Je voulais porter à la connaissance de notre assemblée les reculs très importants envisagés par M. le ministre.

Contrairement à ce que nous avons voté, il n'y aura plus de message sanitaire en ce qui concerne les publicités télévisées s'adressant aux enfants. Les industries alimentaires régleront une simple soulte correspondant à moins de 10 % du montant qu'elles consacreront à leur propagande. Je voulais signaler ce point, même s'il peut sembler secondaire.

Voilà qui devait être replacé dans le contexte de l'examen des amendements. Nous ne demanderons pas de suspension de séance, mais nous ne pourrons pas continuer à travailler dans ces conditions.

M. le président. Merci, monsieur Le Guen. Je fais les choses comme je le dois, avec la courtoisie qui est indispensable. Je la dois à chacun et je l'attends de chacun. Je la ferai respecter, ayant par ailleurs suffisamment de pratique pour résister aux rapports de forces - d'où qu'ils viennent, je le précise. Vous pouvez me faire confiance.

Je suis saisi de deux amendements, nos 8211 et 7856, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 8211 n'est pas défendu.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 7856.

M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7856.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7744 rectifié, qui fait l'objet de deux sous-amendements, nos 8457 rectifié et 8458.

La parole est à M. Yves Bur, pour soutenir l'amendement. M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Beaucoup de médecins et de pharmaciens ont attiré notre attention, de longue date, sur les dérives liées aux traitements de substitution aux opiacés. Ces dérives sont réelles. Malgré les études qui ont été faites, en particulier celle qui a été menée en 2002 par le service médical de la caisse d'assurance maladie d'Ile-de-France, aucune réponse n'a été encore apportée à cette question. Il me paraît nécessaire d'apporter une réponse dès lors que les outils réglementaires dont dispose actuellement l'assurance maladie ne lui permettent pas de mettre fin à des prescriptions et des consommations abusives.

Un médicament comme le Subutex pèse lourd dans les prescriptions : à peu près 110 millions d'euros par an. C'est le onzième médicament le plus prescrit en France. On a affaire, dans ce domaine, à des prescriptions abusives, qui sont peut-être de l'ordre de 20 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Certains pharmaciens estiment que 28 % de leurs clients sont des clients nomades à la recherche d'un produit de substitution.

On sait aussi qu'un grand nombre de personnes qui consomment ces produits de substitution ont recours à plusieurs prescripteurs. La grande majorité d'entre eux en ont entre un et quatre. Et 7 % d'entre eux en ont plus de cinq. Cela explique naturellement ces dérives.

Aussi, je vous propose par cet amendement que puissent se mettre en place de véritables protocoles, ce qui permettra à chaque malade suivi en vue d'être sevré d'une drogue de choisir un médecin. Un accord sera conclu entre le médecin, le patient et l'assurance maladie. Un parcours thérapeutique pourra ainsi enfin être défini, qui conduira à choisir un seul médecin prescripteur et un seul pharmacien.

Soumettre les consommateurs de drogue à un protocole médical ne vise pas à entraver leur accès à des soins. Sans affaiblir notre action dans la lutte contre les toxicomanies et le cortège de malheurs qui les accompagnent, nous pouvons, à travers ce dispositif, recadrer la prescription et la consommation de produits de substitution pour la limiter à ce qui est utile et justifié, par opposition à la consommation excessive, injustifiée, voire source de trafics.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement et pour défendre les deux sous-amendements nos 8457 rectifié et 8458.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. La politique de substitution aux opiacés est dans notre pays un succès incontestable. Elle s'est accompagnée, les derniers chiffres le montrent, d'une quasi-disparition de la transmission du VIH...

M. Jean-Marie Le Guen. La transmission du VIH par ce biais !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...chez les usagers de drogue par voie intraveineuse, ainsi que d'une chute des décès par surdose. La consommation d'héroïne a également baissé.

Ce succès est en grande partie lié au choix d'un accès large en médecine de ville à la buprénorphine haut dosage, qui représente 80 % des traitements de substitution. Cela, c'est un constat.

Mais ce choix a deux revers.

Le premier est l'existence d'un trafic, qui pose un problème de santé publique, puisque le traitement de substitution devient, pour certains jeunes, le point d'entrée dans des pratiques addictives.

Le second est le coût du trafic pour l'assurance maladie. Il s'élèverait chaque année à environ 30 millions d'euros, sur un total remboursé de 110 millions d'euros pour ces médicaments. Il est donc essentiel de lutter contre la fraude.

Toutefois, il ne faut pas faire obstacle à l'accès aux traitements d'une population fragile et par essence difficile à prendre en charge.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Tout à fait !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En revanche, un consensus se dégage pour un plan d'action qui a déjà prouvé son efficacité dans certaines régions. Il s'agit, d'une part, de l'inscription obligatoire du nom du pharmacien sur les ordonnances, à l'image de ce qui se fait pour la méthadone et, d'autre part, de la généralisation de l'application du protocole PIRES - article L. 324-1 du code de la sécurité sociale. Ce protocole a été expérimenté en Gironde pour les patients ayant initialement au moins trois prescripteurs. Il a permis de normaliser le comportement des patients dans deux tiers des cas.

Je suis donc favorable à cet amendement. Je souhaiterais cependant le sous-amender sur deux points.

Premièrement, il convient de ne pas stigmatiser les toxicomanes par une procédure spécifique alors que le sujet est potentiellement plus vaste. Ce sont en fait toutes les situations où des médicaments peuvent faire l'objet d'un trafic qu'il faudrait viser.

Deuxièmement, il faut être cohérent avec l'ensemble du projet de loi, et prévoir que le médecin soit le médecin traitant institué par les articles 4 et 5 que votre assemblée a adoptés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux sous-amendements du Gouvernement ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La commission ne les a pas examinés. Mais ils ont beaucoup de sens et j'y suis favorable à titre personnel.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. J'émets d'abord une double protestation.

Premièrement, après la longue discussion qui a animé cet hémicycle, au cours de laquelle on a regretté que les amendements n'aient pas été examinés en commission, que des sous-amendements aient été déposés en séance, nous nous trouvons dans la même situation : l'amendement de M. Bur n'a pas été examiné en commission.

Deuxièmement, s'agissant des problèmes de toxicomanies, je veux demander à M. le ministre quand la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, va enfin recevoir l'agrément pour son plan quinquennal. Celui-ci aurait dû commencer au 1er janvier 2004 pour aller jusqu'à la fin de l'année 2008. Après les annulations et les gels budgétaires qui ont provoqué un effondrement de son budget - moins 30 % -, la MILDT a dû arrêter toutes les actions qu'elle menait en liaison avec les associations nationales concernées. Aujourd'hui, depuis six mois, elle est toujours en attente de son ordre de mission. Ce n'est pas votre ministère qui est en cause, monsieur le ministre, puisque cette mission interministérielle dépend de Matignon. Je profite donc de cette occasion, monsieur le président, pour attirer l'attention du Gouvernement sur l'urgence qu'il y a à mettre ce plan en ordre de marche. Non seulement la MILDT n'a presque plus d'argent, mais elle n'a même plus de feuille de route !

Cela dit, l'amendement de M. Bur répond effectivement à des problèmes réels. Nous savons, pour rencontrer des pharmaciens ou des responsables d'associations, que ces problèmes sont très difficiles à traiter. Souvent, d'ailleurs, les pharmaciens ont une grosse pression psychologique qui pèse sur eux, qui ne peut pas toujours être traitée par les forces de police.

Je remarque cependant, monsieur Bur, que votre amendement arrive en discussion alors que vient de se tenir, à la demande de l'État, une conférence du consensus, que l'ANAES et la Fédération française d'addictologie viennent d'achever un travail dont le Gouvernement n'a pas encore reçu les conclusions. Peut-être eût-il été utile d'attendre la première lecture au Sénat pour traiter de cette question. Quand on fait une conférence du consensus, on essaie d'attendre ses propositions avant d'envisager des solutions.

Je remarque aussi que le ministre a dit qu'il ne voulait surtout pas stigmatiser les toxicomanes par un protocole de soins particulier. Il a ajouté qu'il fallait traiter, dans cet esprit, l'ensemble des produits qui sont susceptibles de faire l'objet d'un trafic. Mais il reste que, alors qu'en général vous renvoyez les protocoles de soins à la convention voire au décret, c'est le seul protocole de soins que nous aurons traité par la voie législative.

En outre, chacun des deux alinéas de l'amendement fait l'objet d'un sous-amendement du Gouvernement. Le premier sous-amendement évoque la prise en charge par l'assurance maladie de soins ou traitements susceptibles de faire l'objet d'un usage détourné. Cela appelle des précisions. Quels sont ces soins ou traitements autres que les traitements de substitution ? Par ailleurs, qu'est-ce qu'un usage détourné ? Il importe que nous le sachions puisque la liste des soins ou traitements en question sera fixée par arrêté signé par les ministres concernés.

Le deuxième sous-amendement du Gouvernement propose de supprimer le II de l'amendement. Or celui-ci prévoit que « le pharmacien verse à l'organisme de prise en charge une somme correspondant au coût du traitement » s'il a délivré une prescription ne comportant pas son nom. Pour une fois, M. Bur nous proposait une disposition prévoyant une sanction pour un prescripteur ou un ordonnateur qui ne respecte pas un protocole de soins. Et vous proposez de la supprimer, monsieur le ministre ? Je souhaiterais savoir pourquoi.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8457 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 8458.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7744 rectifié, modifié par les sous-amendements adoptés.

M. Jean-Marie Le Guen. Le groupe socialiste s'abstient !

Mme Muguette Jacquaint. Le groupe des député-e-s communistes et républicains s'abstient également !

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je précise à l'attention de M. Bapt que le plan quinquennal de la MILDT va être très prochainement approuvé.

M. Jean-Marie Le Guen. Et financé ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Absolument !

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 7204 rectifié à 7218 rectifié.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Ces amendements sont des miraculés de l'article 40 !

Contrairement aux idées reçues, nous, qui recherchons la meilleure gestion de l'assurance maladie, de notre système de santé, n'avons pas pour souci premier d'éloigner les assurés et les malades du système de soins, mais, au contraire, d'aller à leur rencontre pour améliorer leur prise en charge sanitaire. À cette fin, il est nécessaire - parce que les pathologies évoluent, de l'aigu vers le chronique - d'entretenir des liens avec les malades pour leur rappeler régulièrement leurs droits, de leur expliquer le fonctionnement de l'assurance maladie et de notre système de soins, et, au-delà, de leur délivrer une information d'ordre plus médical et de favoriser l'éducation pour la santé et les parcours de soins.

Cette information est nécessaire, car les dispositions complexes que nous prenons nécessitent que les assurés sachent ce que l'on attend d'eux en termes de parcours de soins.

Pour ces raisons, il nous paraît utile de mettre en place, au niveau régional, des plates-formes téléphoniques à la disposition de nos concitoyens. Elles seraient composées d'équipes pluridisciplinaires, qui seraient à l'écoute des assurés et leur dispenseraient des informations sur leurs droits, leurs responsabilités dans le parcours de soins et sur la meilleure façon de gérer leur état de santé.

De telles plates-formes existent déjà. Elles ont été mises en place à l'initiative d'industriels de la santé, comme les industries pharmaceutiques, autour d'un produit, qui traite par exemple de maladies chroniques comme l'obésité. Ces industriels, avec une force d'innovation certaine, prennent en charge les demandes du patient en matière d'information, d'éducation, de suivi de traitement. Cette façon très judicieuse d'approcher le patient ne devrait pas être laissée aux seuls industriels de la santé ou du médicament. Nous pensons que cela devrait être aussi une des missions de l'assurance maladie.

Tel est l'objet de ces amendements qui visent à développer une relation différente entre l'assuré et l'assurance maladie, le patient et le système de santé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le débat a été difficile au sein de la commission, qui a accepté l'amendement n° 7204 rectifié avant de repousser l'amendement n° 7219...

C'est que l'idée est bonne, et Mme Guinchard-Kunstler a raison. Cependant, sur un peu plus d'une centaine de CPAM, quatre-vingt-douze disposent déjà de telles plates-formes. L'initiative est lancée et il faut encourager son développement, mais plutôt par voie réglementaire.

À titre personnel, je suis donc défavorable à cette série d'amendements et à la suivante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Tout ce qui vient d'être proposé va dans le bon sens. M. Le Guen propose de développer ces plates-formes d'information au niveau des URCAM, ce qui est une bonne idée. Néanmoins, je lui demanderai de bien vouloir retirer ces amendements, car la convention d'objectifs et de gestion passée par la CNAM comporte des dispositions relatives à la mise en place de telles plates-formes au sein des caisses : quatre-vingt-douze CPAM se sont d'ores et déjà engagées dans ce processus d'information.

Il est évident en revanche que le travail des URCAM devra être exploité par les caisses situées dans leur ressort pour enrichir l'information des assurés. Cela nécessite une bonne coordination, mais, pour autant, il ne semble pas utile de mettre en œuvre ce processus au niveau des URCAM.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Les services proposés par les CPAM sont très peu médicalisés, et traitent de questions relevant de l'assurance sociale et ayant trait, par exemple, aux modalités de remboursement.

Je ne dis pas que cette dimension n'est pas intéressante, mais ce n'est pas ce que j'ai proposé. Dans mon esprit, il s'agit de médicaliser l'information, non de dispenser des informations sur les droits sociaux. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé la mise en œuvre de plates-formes régionales, dispensant des informations sur les bonnes pratiques de l'hygiène, des conseils d'éducation sanitaire, entre autres. Ces lieux doivent être destinés à favoriser l'éducation pour la santé. Plus tard, nous pourrons sans doute utiliser Internet, notre collègue Dionis du Séjour ne me contredira pas !

M. Jean Dionis du Séjour. En effet.

M. Jean-Marie Le Guen. On peut supposer qu'il faudra encore un certain temps pour y arriver, mais pour l'instant, il est nécessaire que des centres d'appels puissent répondre à des questions sur l'hygiène, la nutrition, l'éducation pour la santé, le parcours de soins, l'offre de soins. Bref, il y a mille et une questions. Vous envisagiez, par exemple, monsieur le ministre, de rendre publics les labels d'un certain nombre de services médicaux ; il faudrait pouvoir les consulter. C'est toute cette information qui serait gérée par ces plates-formes : on est donc loin de ce qui se fait dans les CPAM aujourd'hui !

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7204 rectifié à 7218 rectifié.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'une autre série de quinze amendements identiques, nos 7219 à 7233.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour les soutenir.

M. Jean-Marie Le Guen. Ils sont défendus !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 7219 à 7233.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES

En application de l'article L.O. 181 du code électoral, j'ai reçu du Conseil constitutionnel communication d'une requête en contestation d'opérations électorales.

Conformément à l'article 3 du règlement, cette communication est affichée et sera publiée à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.

    3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot